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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 6 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 5 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE
Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Avant l'article 1er (suite) «...»

Amendement n° 25 de M. Gremetz : Mme Jacqueline Fraysse, MM. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. - Rejet.
Amendement n° 26 corrigé de M. Gremetz : Mme Jacqueline Fraysse, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 1 de M. Gremetz : Mme Jacqueline Fraysse, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 2 de M. Gremetz : Mme Jacqueline Fraysse, MM. le rapporteur, le ministre, Jean Le Garrec. - Rejet.
Amendement n° 98 de M. Novelli : MM. Hervé Novelli, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 61 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 60 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. - Rejet.

Article 1er «...»

M. Jean-Paul Anciaux, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Gaëtan Gorce, Gérard Bapt, Jean Le Garrec.
Amendements de suppression n°s 3 de M. Gremetz et 62 de M. Gorce : Mme Jacqueline Fraysse, MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 99 de M. Novelli : M. Jean-Paul Anciaux. - Retrait.
Amendement n° 43 de M. Fourgous : MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Retrait.
Amendement n° 33 de Mme Bourragué et amendements identiques n°s 46 de M. Fourgous et 100 de M. Novelli : Mme Chantal Bourragué, MM. Jean-Michel Fourgous, Jean-Paul Anciaux, le rapporteur, le ministre, Mmes Odile Saugues, Jacqueline Fraysse, MM. Maxime Gremetz, Jean Le Garrec. - Adoption, par scrutin, de l'amendement n° 33 ; les amendements identiques n°s 46 et 100 n'ont plus d'objet.

Rappel au règlement «...»

M. Gaëtan Gorce.

Suspension et reprise de la séance «...»

Amendement n° 63 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 64 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 65 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendements identiques n°s 34 de Mme Bourragué, 42 de M. Dassault et 101 de M. Novelli : Mme Chantal Bourragué, MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, François Guillaume. - Adoption.
Amendement n° 66 de M. Gorce : M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Amendement n° 67 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz, Jean-Michel Fourgous, François Guillaume. - Rejet de l'amendement n° 66 ; l'amendement n° 67 n'a plus d'objet.
Amendement n° 68 de M. Gorce : M. Jean-Yves Le Bouillonnec. - L'amendement n'a plus d'objet.
Amendements identiques n°s 35 rectifié de M. Tian, 47 de M. Fourgous et 102 de M. Novelli : Mme Chantal Bourragué, MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre, Jean-Yves Le Bouillonnec, Maxime Gremetz, François Guillaume. - Retraits.
Amendement n° 69 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 36 rectifié de M. Juillot et amendements identiques n°s 48 de M. Fourgous et 103 de M. Novelli : Mme Chantal Bourragué, MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Retrait de l'amendement n° 36 rectifié.
MM. Jean-Michel Fourgous, le ministre. - Retrait des amendements identiques n°s 48 et 103.
Amendement n° 70 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 49 de M. Fourgous et 104 de M. Novelli : MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 37 rectifié de M. Tian : Mme Chantal Bourragué, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 71 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 105 de M. Novelli : MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre, Jean-Yves le Bouillonnec. - Retrait.
Amendement n° 50 corrigé de M. Fourgous : MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 51 corrigé de M. Fourgous : MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 182 de M. Fourgous : MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 73 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 72 de M. Gorce : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 44 de M. Fourgous : M. Jean-Michel Fourgous. - Retrait.
Amendement n° 74 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 75 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 76 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 77 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 200 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur, Gaëtan Gorce. - Adoption.
Amendement n° 4 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 78 de M. Gorce, avec les sous-amendements n°s 198 de M. Masse et 199 de M. Bapt : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet des sous-amendements et de l'amendement.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

NÉGOCIATION COLLECTIVE
SUR LES RESTRUCTURATIONS

AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n°s 375, 386).

Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente. Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 25 de M. Gremetz, portant article additionnel avant l'article 1er.

Avant l'article 1er (suite)

    Mme la présidente. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 25, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, après l'article L. 321-4-1 du code du travail, un article L. 321-4-1 bis ainsi rédigé :
    « Art. L. 321-4-1 bis. - Afin de promouvoir les projets alternatifs aux compressions d'effectifs prévus au neuvième alinéa de l'article précédent et au deuxième alinéa de l'article L. 432-1, les délégués du personnel ou le comité d'entreprise qui constatent que les licenciements économiques envisagés par l'employeur ne sont pas pourvus d'un motif conforme à l'article L. 321-1 peuvent exercer un droit d'opposition à la rupture du ou des contrats de travail.
    « Il s'ensuit que la procédure de licenciement est suspendue et que ses effets sont nuls jusqu'à ce que le conseil des prud'hommes ait statué sur la conformité du motif invoqué par l'employeur à l'article L. 321-1.
    « Lorsque les représentants du personnel exercent leur droit d'opposition, celui-ci doit être notifié par écrit à l'employeur au plus tard lors de la dernière réunion de consultation prévue aux articles L. 422-1 et L. 321-3.
    « Une fois que l'opposition lui a été notifiée l'employeur peut saisir le conseil des prud'hommes après avoir informé les salariés concernés de la suspension de la procédure de licenciement.
    « A compter de la saisine du conseil des prud'hommes, ce dernier doit statuer conformément au deuxième alinéa du présent article dans un délai d'un mois.
    « S'il juge que les licenciements visés par l'opposition sont pourvus d'un motif économique au sens de l'article L. 321-1, le conseil des prud'hommes met fin à la suspension de la procédure, laquelle peut produire tous ses effets, sans préjudice des dispositions de l'article L. 321-4-2. S'il juge que le motif des licenciements visés par l'opposition n'est pas conforme à l'article L. 321-1, la procédure et toute rupture consécutive des contrats de travail sont nulles. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, une nouvelle fois, il s'agit d'accorder un droit nouveau aux salariés, celui d'opposition à une procédure de licenciement.
    En effet, cet amendement confère aux représentants du personnel et au comité d'entreprise le droit de s'opposer aux licenciements dont le motif économique est injustifiable et dont la raison d'être est contestable et, éventuellement, de les faire annuler.
    Les licenciements qui n'ont pas un motif économique admis par la loi, tels que ceux destinés exclusivement à la valorisation des actions, ne doivent pas avoir lieu. Afin que les représentants du personnel et le comité d'entreprise puissent s'y opposer effectivement, la loi doit leur conférer un véritable pouvoir de contrôle et de contestation.
    Inspiré du droit allemand, le présent amendement vise à donner aux représentants des salariés un droit nouveau qui, sans être une interdiction de licenciement, crée les conditions d'une véritable concertation en instaurant une sanction éventuelle en amont de la rupture des contrats de travail.
    Lorsque la motivation invoquée par l'employeur n'est pas conforme à la loi, les délégués du personnel et le comité d'entreprise pourront en effet s'opposer aux licenciements jusqu'à ce que le juge se prononce sur leur justification. Dans l'hypothèse où ce dernier constate à son tour l'irrégularité des motifs de licenciement, il pourra définitivement confirmer l'opposition et annuler toute décision contraire.
    Le droit d'opposition est, en outre, un instrument efficace pour promouvoir les projets économiques proposés par les représentants du personnel comme alternative à la décision de licencier. Il s'agit, en fait, d'encourager à la gestion citoyenne, à la création d'entreprises citoyennes.
    Tel est, mes chers collègues, l'objet de cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 25
    M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement crée, comme nous l'a très bien expliqué notre collègue, un droit d'opposition pure et simple. C'est dire qu'il va plus loin que les dispositions adoptées dans la loi de modernisation sociale, notamment avec la mise en place du médiateur. Cela prouve du reste que vous pensez, ma chère collègue, que le médiateur n'est probablement pas une solution suffisamment efficace. Mais ce n'est pas l'objet du texte dont nous débattons. Il s'agit, pour l'heure, de suspendre certains articles de la loi de modernisation sociale et d'inviter les partenaires sociaux à se mettre d'accord. J'imagine que certains syndicats, dont vous êtes proche, feront des propositions de ce genre. C'est donc dans dix-huit mois, au moment de la présentation du futur projet de loi, que nous aurons à en débattre, si les partenaires sociaux, dans le cadre d'une négociation, se sont mis d'accord.
    Pour l'instant, j'invite l'Assemblée à repousser l'amendement n° 25.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 25
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je n'ajouterai qu'une chose à l'argumentation du rapporteur, c'est que cet amendement me paraît très éloigné de la décision du Conseil constitutionnel sur le licenciement économique. Son adoption se heurterait de toute façon à la censure de celui-ci.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 26 corrigé, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, après l'article L. 321-4-1 du code du travail, un article L. 321-4-1 ter ainsi rédigé :
    « Art. L. 321-4-1 ter. - Le salarié licencié pour motif économique, qui estime que son employeur ne s'est pas acquitté loyalement ou de façon complète de son obligation de reclassement, peut porter l'affaire devant le bureau de jugement du conseil des prud'hommes qui doit statuer au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine. Lorsque le juge constate l'insuffisance des efforts de reclassement réalisés par l'employeur, il prononce la nullité du licenciement et ordonne, au choix du salarié, la poursuite de son contrat de travail ou l'attribution d'une indemnité ne pouvant être inférieure à six mois de salaire brut. La décision du conseil des prud'hommes est exécutoire de plein droit. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à mieux encadrer l'obligation de reclassement qui constitue une obligation de moyens et non de résultats. La justice a développé une jurisprudence protectrice du salarié selon laquelle l'obligation de reclassement doit s'analyser de façon très large. Par exemple, si l'entreprise fait partie d'un groupe, l'obligation s'étend à tout le groupe. Par ailleurs, celle-ci doit avoir été accomplie de bonne foi. La loyauté impose de ne pas proposer un poste inférieur ou dont la rémunération serait trop basse par rapport au poste occupé précédemment.
    Cette disposition vise également à reconnaître au salarié le droit de contester le caractère sérieux ou loyal de la manière dont l'employeur s'est acquitté de l'obligation de reclassement. Le salarié aurait le choix, si le juge lui donne raison, entre la réintégration ou le versement d'une indemnité ne pouvant être inférieure à six mois de salaire.
    Cet amendement vient donc donner un appui supplémentaire aux salariés pour leur assurer un reclassement de qualité. Nous devons, en effet, reconnaître que les reclassements proposés sont parfois loin de la réalité économique de l'entreprise et de ses possibilités. Aussi l'obligation de reclassement doit-elle être considérée avec sérieux.
    Mais pour que le reclassement ouvre véritablement de nouvelles perspectives au salarié, il faut lui donner les moyens d'anticiper une telle éventualité. Se pose alors la question de la formation tout au long de la vie pour atténuer la brutalité de la rupture du contrat de travail par le licenciement, et permettre à chacune et à chacun de supporter une mobilité professionnelle voulue ou subie.
    C'est pourquoi il faut également avancer sur la question de la formation professionnelle continue, et pas seulement au poste occupé, mais en élargissant le champ de la formation. Par cet amendement, nous voulons inscrire ces différents aspects dans le code du travail.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission n'est pas favorable à l'amendement n° 26 corrigé, même si, sur le fond, nous sommes d'accord. M. le ministre a déjà fait part de sa conviction en matière de formation : c'est probablement la meilleure, voire la seule solution. Il a évoqué, ce matin, la possibilité d'un crédit-formation. Bref, l'idée est d'aller plus loin sur ce sujet. Je pense que, là-dessus, tous nos collègues sont d'accord.
    Cela dit, votre amendement n'est pas nécessaire, dans la mesure où il existe déjà un article 108 dans la loi de modernisation sociale, qui s'est transformé en article L. 321-1 dans le code du travail, dont le Gouvernement ne propose pas de suspendre l'application. Or, cet article stipule déjà que tous les efforts de reclassement doivent avoir été faits, reprenant d'ailleurs une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation.
    A notre avis, je le répète, cet amendement n'est pas utile, même si l'idée de faire tout ce qui est possible en matière de formation est une des clés du problème.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que le rapporteur.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 1, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 432-4-2 du code du travail, il est inséré un article L. 432-4-3 ainsi rédigé :
    « Art. L. 432-4-3. - L'employeur doit mettre à l'étude les avis, objections et suggestions formulées par les représentants du personnel sur les mesures économiques et sociales envisagées. A l'issue, les mesures proposées par l'employeur doivent faire l'objet d'un accord collectif dans les conditions prévues à l'article L. 132-19 du présent code. A défaut, elles sont nulles et de nul effet. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Persistant dans notre vision progressiste de la vie dans l'entreprise, nous proposons d'innover encore par l'octroi de pouvoirs nouveaux aux salariés.
    Vous le savez, vous voulons lier la vie de l'entreprise à l'efficacité économique et à la modernité, ce qui impose d'y associer les salariés. C'est le sens de notre amendement : il est temps de mettre en oeuvre les principes d'une entreprise citoyenne. Cela suppose de donner des droits nouveaux aux salariés et des pouvoirs démocratiques d'intervention novateurs. Les salariés doivent être associés de façon efficace à la vie de l'entreprise et non pas seulement constituer un comité consultatif, encore moins un simple outil de travail. Il est nécessaire que les salariés soient associés à la gestion et aux choix stratégiques de leur entreprise en matière d'emploi sous toutes ses formes, de recours à la sous-traitance, de choix d'externalisation ou de cession de productions et de services assurés par elle, bien en amont de toute décision.
    Il ne faut pas perdre de vue que l'employeur et ses salariés ont un objectif commun, celui de la pérennité de l'entreprise. Pourquoi en avoir peur ? Avantages aux salariés et recherche des gains de productivité pour l'entreprise ne sont pas incompatibles.
    Or, les règles actuelles limitent le rôle des élus du personnel à un simple avis, avis qui plus est rarement suivi. Il faut leur donner les moyens de prendre part aux décisions qui assureront la pérennité de l'entreprise, et le développement de son activité, ainsi que de contribuer à suivre les mutations technologiques et à assurer l'adaptation à la conjoncture. C'est une vision progressiste du monde du travail. Notre économie et notre démocratie auraient beaucoup à y gagner.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il y a deux idées dans cet amendement. La première - que l'employeur doit mettre à l'étude les avis, objections, suggestions formulées par les représentants du personnel en matière économique et sociale - est tout à fait louable et nous y souscrivons. Du reste, elle est déjà inscrite dans le code du travail, notamment à l'article L. 432-1 sur les compétences du comité d'entreprise en matière économique. Mais j'ai envie de vous dire que, dans les entreprises où les choses se passent bien, où le dialogue social est fructueux, on peut imaginer que cette idée est respectée.
    En revanche, quand il est question, dans la deuxième partie de votre amendement, de s'orienter vers la cogestion, cela nous pose un peu plus de difficultés. D'abord, parce que tous les syndicats de salariés que j'ai auditionnés ne se sont nullement déclarés preneurs et aussi parce que cela entrave - ce qui est cohérent avec tout ce que vous avez dit jusqu'à maintenant - la liberté de gestion du chef d'entreprise, laquelle est protégée par la Constitution.
    Avis défavorable à l'amendement n° 1.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement, d'une certaine manière, trouve déjà un écho dans l'article 2 du projet de loi qui prévoit la possibilité de conclure un accord d'entreprise sur la procédure de licenciement pour motif économique, prenant en compte les propositions alternatives que le comité d'entreprise peut formuler. Evidemment, l'amendement va bien au-delà en introduisant, de mon point de vue, une obligation de résultat pour le chef d'entreprise. Cela conduirait à une rigidité qui rendrait sans objet la liberté de négociation que nous souhaitons voir mise en oeuvre. Avis défavorable donc à cet amendement qui ne va pas dans le sens souhaité par le texte.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Dessallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 2, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, après l'article L. 432-5 du code du travail, un article L. 432-5-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 432-5-1. - Lorsque l'employeur d'une entreprise sous-traitante a connaissance d'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre qui le conduit à envisager un licenciement collectif, il en informe et réunit immédiatement les représentants du personnel.
    « Sur la demande de cet employeur, le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre est convoqué sans délai par l'employeur de cette dernière et se trouve élargi aux membres du comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel de l'entreprise sous-traitante avec voix délibérative.
    « Il en est de même, sur la demande des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante, lorsque ceux-ci ont connaissance d'une décision telle que visée au premier alinéa du présent article.
    « La réunion du comité ainsi élargi, coprésidé par les deux employeurs ou leurs représentants, dispose des prérogatives prévues par l'article L. 434-6.
    « Cette réunion porte sur le licenciement collectif pour motif économique envisagé dans l'entreprise sous-traitante et engage la procédure prévue aux articles L. 321-4 et suivants.
    « La réunion des deux entreprises constitue le champ d'application du motif économique, de l'obligation de reclassement au sens de l'article L. 321-1 et de l'établissement du plan social de l'article L. 321-4-1. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. L'amendement n° 2 concerne les rapports entre les entreprises sous-traitantes, qui sont pour l'essentiel des PME, et les entreprises donneuses d'ordre. Les difficultés économiques des premières sont souvent la conséquence d'une décision des secondes, auxquelles le recours à la sous-traitance permet aujourd'hui d'externaliser leurs obligations en matière de licenciement économique et de reclassement.
    L'idée retenue dans notre amendement consiste à mettre en place un système souple de représentation commune des salariés des deux entreprises, sous-traitante et donneuse d'ordre, non seulement concernant le champ d'appréciation de la motivation économique, mais également pour l'obligation de reclassement. L'employeur de l'entreprise sous-traitante aurait donc le choix entre déclencher la procédure d'information et de consultation prenant en compte les deux entreprises ou assumer seul la motivation économique.
    Dans ce dernier cas, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne pourrait plus constituer un motif recevable de recours au licenciement économique. Concrètement, il appartiendrait à l'employeur de l'entreprise sous-traitante envisageant un licenciement collectif pour motif économique de déclencher la procédure.
    Les représentants du personnel de cette même entreprise auraient également ce droit. Le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre serait saisi de tout projet de nature à affecter l'emploi dans l'entreprise sous-traitante qui résulterait d'une décision de la première. Ce comité d'entreprise se verrait alors adjoindre, avec voix délibérative, les représentants élus de l'entreprise sous-traitante, membres du comité d'entreprise ou, à défaut, car il n'y a pas de comité d'entreprise dans toutes les entreprises, délégués du personnel.
    Ainsi élargi, le comité d'entreprise examinerait la motivation économique du licenciement, ainsi qu'un projet de plan social élaboré conjointement par les directions des deux entreprises. Il disposerait, en cas d'insuffisance du plan social, des mêmes attributions qu'un comité classique en pareille situation.
    Cet amendement correspond au souci de renforcer les prérogatives des institutions représentatives des personnels et des organisations syndicales.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. On comprend bien l'idée qui est derrière cet amendement, madame Fraysse. Nous sommes en effet témoins, les uns et les autres, dans nos circonscriptions, des catastrophes en chaîne que provoque un dépôt de bilan ou un licenciement économique dans une entreprise qui a des sous-traitants, ces derniers se retrouvant dans la difficulté.
    Cela dit, franchement, je ne vois pas très bien comment on pourrait imaginer la mise en place d'une telle mécanique. Vous avez dit qu'elle était souple. Moi, je la trouve quand même un peu compliquée. Les réunions de ce « comité d'entreprise » d'un nouveau genre n'auraient d'ailleurs pas de valeur juridique. Il n'est pas prévu qu'un comité d'entreprise réunisse des représentants de plusieurs entreprises. A la limite, dans le cas où il n'y aurait qu'un sous-traitant, on pourrait imaginer un tel dispositif. Mais une entreprise a souvent des dizaines, parfois des centaines de sous-traitants. Il y a donc là une difficulté à la fois juridique et pratique.
    Par ailleurs, à la demande de votre groupe, madame Fraysse, il avait été introduit dans la loi de modernisation sociale un article 105 - que le Gouvernement ne propose pas d'abroger - prévoyant l'information de l'entreprise sous-traitante. A moins d'inventer un mécanisme dont je vois assez mal, encore une fois, comment il pourrait pratiquement être mis en place, il me semble préférable de s'en tenir aux dispositions de cet article 105.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comme vient de le dire le rapporteur, la loi de modernisation sociale a déjà prévu un certain nombre de dispositions concernant les entreprises sous-traitantes. Aller au-delà, en introduisant le dispositif proposé par l'amendement de M. Gremetz, c'est mettre en place une usine à gaz d'une extraordinaire complexité, qui aboutirait à rendre plus difficile l'adaptation des entreprises à la situation économique et donc à menacer leur pérennité.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Une remarque très brève, car je ne veux pas allonger le débat. Je crois que cet amendement pose une vraie question. Mais je ne pense pas que la réponse soit appropriée à la nature du problème.
    On assiste trop souvent à l'externalisation des difficultés de l'entreprise vers la ou les entreprises sous-traitantes. Nous avions abordé ce problème dans la loi de modernisation sociale - je crois qu'un amendement de M. Novelli vise à supprimer ce que nous avions fait. Je considère, pour ma part, qu'il est important que ce point soit discuté dans la négociation - puisque négociation il y aura - qui va s'engager entre le patronat et les organisations syndicales.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. MM. Novelli, Mariton, Moyne-Bressand et Gorges ont présenté un amendement, n° 98, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « I. - L'article 48 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est abrogé.
    « II. - La perte de recettes pour l'Etat et les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. J'ai dit hier soir combien la loi de modernisation sociale était une sorte de monstre bureaucratique - ou technocratique, comme on voudra -, avec ses deux cent ving-quatre articles traitant de problèmes divers et variés, n'ayant d'autre lien entre eux que le titre qui était censé les rassembler. Et j'ai découvert, car cela ne m'était pas apparu immédiatement, que l'article 48 de cette loi abrogeait la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 dite loi Thomas, c'est-à-dire la loi qui permettait à tous les salariés de bénéficier d'avantages fiscaux pour se constituer un complément d'épargne retraite.
    Monsieur le ministre, vous avez indiqué hier soir que dans le projet de réforme et de sécurisation de nos systèmes de retraite, à côté de la sécurité - qu'il faut garantir - du régime de retraite par répartition, il y aurait un étage de retraite par capitalisation. Si vous me le confirmez de manière aussi claire - car il était tard hier soir, et cela a pu échapper à un certain nombre de collègues qui ont cosigné cet amendement -, si vous me le confirmez, donc, je suis prêt, bien évidemment, à en tirer les conséquences et à retirer cet amendement.
    Je rappellerai quand même à nos collègues socialistes, qui, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, poussent des cris d'orfraie sur la suspension de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale, qu'ils n'avaient pas eu de scrupules, eux, à abroger purement et simplement cette loi Thomas, après que le gouvernement qu'ils soutenaient avait refusé d'en publier les décrets d'application. Cela nous a fait prendre beaucoup de retard dans la constitution progressive d'un étage de retraite par capitalisation qui nous fait cruellement défaut, pour aujourd'hui et pour demain.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Si j'ai bien compris, M. Novelli souhaite surtout entendre le Gouvernement pour savoir s'il retire ou non son amendement. Je crois avoir entendu hier le ministre dire qu'il n'excluait aucune hypothèse, s'agissant des retraites, et qu'il voulait laisser la négociation paritaire faire son oeuvre, sur ce sujet comme sur d'autres. Mais je m'en remets, bien sûr, à ce qu'il va dire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je souhaite effectivement que M. Novelli puisse, comme je le lui ai demandé hier soir, retirer son amendement. Pourquoi ? Parce que je pense que le moment n'est pas venu d'ouvrir ce débat, qui va trouver sa place, naturellement, dans les projets de réforme que le Gouvernement va proposer pour consolider notre régime de retraite par répartition. Nous allons ouvrir un grand débat, à partir du mois de février, autour de l'ensemble des sujets qui touchent à la sécurisation de notre système de retraite. Et il va de soi, monsieur Novelli, que cette question de l'épargne retraite sera abordée. Celle-ci n'est d'ailleurs pas une nouveauté, elle existe dans notre pays pour beaucoup de catégories - pour les fonctionnaires, pour les non-salariés non agricoles, pour les non-salariés agricoles, pour les salariés de quelques grandes entreprises - et elle pourrait être étendue à l'ensemble de nos concitoyens. D'ailleurs, le Premier ministre l'avait indiqué dans sa déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier : « Chacun doit avoir la possibilité de compléter sa pension grâce à une incitation fiscale par un revenu d'épargne. » Et donc, nous allons nous attacher, dans le cadre de la réforme, et à travers le débat qui va s'engager, à créer les conditions de l'équité entre tous les Français sur ce sujet.
    Au bénéfice de ces explications, je souhaite évidemment que M. Novelli puisse retirer son amendement, afin que nous n'ouvrions pas de manière anticipée un débat qui doit trouver toute sa place dans le cadre de la méthode annoncée par le Gouvernement.
    Mme la présidente. Monsieur Novelli, retirez-vous votre amendement ?
    M. Hervé Novelli. Monsieur le ministre, après vous avoir entendu, je retire bien évidemment mon amendement.
    Mme la présidente. L'amendement n° 98 est retiré.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 61, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Il est créé une haute autorité sociale tripartite comprenant des représentants des pouvoirs publics, des organisations syndicales des salariés et des organisations professionnelles ayant pour mission d'assurer une régulation sociale de la vie économique. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Nous avons tout un ensemble de questions à aborder lorsque nous discutons de l'évolution du droit du licenciement. Certaines ont été abordées ce matin. C'est le cas notamment de la représentation des salariés dans les instances de direction. Nous avons d'ailleurs observé que, de ce point de vue, le Gouvernement ne souhaitait pas d'avancées particulières, alors qu'elles ont été réalisées dans beaucoup de pays européens.
    De la même manière, il nous semble nécessaire de discuter - parce que c'est ce qui nous permettra d'avancer sur ces sujets - de la différence qu'il faudra bien finir par introduire entre les licenciements qui sont justifiés par la situation conjoncturelle, par un retournement des marchés ou par des difficultés technologiques et ceux qui sont au contraire des licenciements de restructuration, d'adaptation, qui sont le produit, comme le disait tout à l'heure mon collègue Alain Vidalies, d'une stratégie de profitabilité ou de compétitivité et qui n'ont donc pas les mêmes exigences. En termes d'urgence, en tout cas, ils ne devraient pas répondre aux mêmes critères et par conséquent ne devraient pas nécessairement relever des mêmes règles ni des mêmes procédures. Mais nous y reviendrons sans doute.
    Il y a un troisième grand sujet, dont nous ne débattons pas ici, c'est évidemment celui de l'Europe. La question des restructurations interpelle nos concitoyens de manière forte et les fait parfois douter de la construction de l'Europe, puisqu'ils peuvent avoir le sentiment que cette construction, cette ouverture - bientôt élargie - pourrait se faire au détriment des règles sociales qui font pourtant partie de nos valeurs communes au sein de l'Union.
    A partir de là, il est nécessaire de réfléchir à des procédures, à des mécanismes qui n'ont rien de bureaucratique, mais qui consistent pour l'essentiel à tenter d'associer les partenaires sociaux autour de règles simples, qu'ils pourraient définir ensemble et dont ils auraient pour objectif de veiller à la bonne application. Autrement dit, ce serait une sorte de code de bonne conduite sur lequel les partenaires sociaux, à l'échelon européen, pourraient s'entendre et à partir duquel les décisions de délocalisation ou de restructuration pourraient être appréciées.
    Cette idée est ici simplement esquissée, et elle mériterait d'être creusée plus avant. Mais si le groupe socialiste a souhaité l'introduire dans cette discussion au même titre que les deux questions que j'ai abordées précédemment - sur les conseils d'administration et sur les problèmes liés à des licenciements d'adaptation -, c'est que nous considérons que ce débat ne peut pas être réduit, même si ce serait confortable pour la majorité, à une opposition de caricatures ou d'anathèmes sur tel ou tel thème, les uns défendant l'entreprise et les autres ne défendant que les salariés. Non, ce débat doit au contraire permettre d'ouvrir des pistes. Car nous sommes convaincus que le droit du licenciement, que nous avons en effet modifié il y a quelques mois, est nécessairement perfectible. Il a besoin d'être profondément retravaillé, en concertation avec les partenaires sociaux, sans doute, et en prenant en compte les perspectives que j'évoque.
    C'est donc dans un souci constructif par rapport au débat qui est le nôtre - et que nous retrouverons peut-être d'ici quelques mois - que cet amendement a été déposé.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. On comprend assez bien l'esprit de cet amendement, qui est en effet constructif. L'idée est d'intervenir le plus en amont possible en ayant la vision la plus éclairante possible de toutes ces questions liées à la régulation sociale de la vie économique.
    Néanmoins, monsieur Gorce, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même suggéré, d'une certaine manière, dans votre conclusion, ce sujet fait plutôt partie de ceux qui sont appelés à faire l'objet des discussions paritaires à venir. Et il sera peut-être abordé, sous cette forme ou sous une autre, dans le projet de loi qui viendra en discussion dans dix-huit mois.
    Mais surtout, il me semble que le Conseil économique et social ou encore la commission nationale de la négociation collective ont déjà, d'une certaine manière, la vocation de la haute autorité que vous proposez de créer. Si l'on pense que les organismes existants ne remplissent pas bien cette mission, il faudrait peut-être réfléchir aux moyens de faire en sorte qu'ils la remplissent mieux, ou alors, le cas échéant, envisager la création d'une nouvelle autorité. Mais dans l'état actuel des choses, cet amendement me semble un peu prématuré.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je voudrais d'abord remercier M. Gorce de faire preuve d'un esprit constructif,...
    M. Jean Le Garrec. Nous sommes flattés.
    Mme Odile Saugues. Mais il est toujours constructif !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et de faire des propositions, même si celles-ci portent en effet sur des sujets qui vont être à l'ordre du jour des discussions entre les partenaires sociaux. J'avais moi-même déjà indiqué à ces derniers que je souhaitais faire avec eux le bilan, au fond, des différentes instances de concertation qui existent aujourd'hui. Celles-ci, qui sont nombreuses, ne fonctionnent pas forcément toutes comme elles le devraient, et n'ont pas forcément les pouvoirs qu'elles devraient avoir. Imaginer que d'autres lieux et d'autres méthodes puissent, demain, favoriser le dialogue social, voilà qui correspond tout à fait à la volonté du Gouvernement.
    Pour autant, je pense qu'il faut laisser les partenaires sociaux y réfléchir. Et je suis pour ma part très attaché à l'idée qu'il faut éviter un dispositif qui viserait à enfermer systématiquement la négociation collective - mais ce n'est pas votre objectif - dans un système tripartite. Il y a le paritarisme d'un côté, qui ne vit pas suffisamment, et qu'il faut renforcer. Il y a, de l'autre, le Gouvernement et le Parlement, qui doivent prendre leurs responsabilités. Mais c'est vrai que nous devons rechercher une meilleure articulation entre les uns et les autres. Même si je demande à l'Assemblée de ne pas adopter cet amendement, je pense que les débats que nous avons en ce moment permettront d'orienter les partenaires sociaux dans les négociations qu'ils vont engager.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 60, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Un accord national interprofessionnel étendu fixe le cadre des négociations de branche ou d'entreprise sur les conditions dans lesquelles le développement des compétences des salariés peut être organisé afin d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je reviens juste un instant à l'amendement précédent, pour préciser que s'il était évidemment formulé dans le cadre de la législation nationale, la structure qu'il proposait aurait surtout un intérêt à l'échelon européen. C'est bien dans une telle perspective qu'il faudrait imaginer une concertation entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics sur ces sujets.
    L'amendement n° 60 vise à poser le problème de la prévention du licenciement, et notamment celui de la mise en oeuvre de l'obligation d'adaptation, qui a été définie par la jurisprudence et par la loi. C'est en effet le juge qui, le premier, a considéré qu'il s'agissait d'un des éléments d'exécution de bonne foi du contrat de travail et qui a invité l'employeur à faire en sorte que le salarié puisse s'adapter à l'évolution de son emploi. Cette obligation d'adaptation a été reprise dans la loi sur la réduction du temps de travail. La loi de modernisation sociale y fait également allusion. Elle fait désormais partie d'un des thèmes de la négociation quinquennale au niveau des branches, et il nous paraîtrait souhaitable d'inciter fortement à cette négociation, qui a un peu de difficulté à s'engager, au plan de l'interprofession. On pourrait d'ailleurs imaginer que ce thème figure à l'article 1er, parmi les enjeux de la négociation interprofessionnelle.
    Là encore, notre préoccupation est de mettre en évidence un certain nombre de sujets qui nous paraissent importants. Et celui de la prévention des licenciements à travers la mise en oeuvre de cette obligation comme celui de la gestion prévisionnelle des effectifs, qui est sous-utilisée dans notre pays, nous paraissent constituer des axes non négligeables, sur lesquels il serait normal que la représentation nationale puisse être amenée à se prononcer.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cet amendement me paraît très constructif. Il rejoint le débat que nous avons eu tout à l'heure, avec notre collègue communiste, sur la nécessité de travailler le plus en amont possible sur les conditions d'adaptation des salariés visés par une procédure de licenciement économique. Pour nous, autant les procédures qui s'ajoutent aux procédures n'apportent pas grand-chose aux salariés, autant il nous semble que l'adaptation, la formation - avec une espèce d'assurance formation, de compte individualisé accompagnant le salarié tout au long de sa vie - sont vraiment des pistes qu'il importe de creuser.
    Comme le ministre l'a déjà très clairement dit - et il le répétera probablement -, le champ de la négociation qui est ouvert aujourd'hui, ou qui le sera dans quelques semaines, sur la base du texte que nous examinons ensemble, est totalement libre. Et tous les partenaires sociaux que nous avons rencontrés au cours des auditions souhaitent d'ailleurs - même si, encore une fois, on a dit qu'ils n'avaient pas un énorme appétit de négociation - que le champ de cette négociation soit le plus large possible, et inclue notamment la formation. Plus le champ sera large, plus les partenaires sociaux accepteront de discuter de tous les sujets, et plus on a une chance d'aboutir à un accord équilibré, chacun insistant bien sûr sur ce qui lui paraît le plus important.
    Par conséquent, si l'esprit de cet amendement ne me paraît pas poser problème, il me semble qu'il n'est pas nécessaire, compte tenu, encore une fois, du fait que le champ de la négociation est libre et très ouvert.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement, je veux revenir un instant à ce qu'a dit M. Gorce sur l'idée d'instituer une structure tripartite au plan européen. Je lui confirme que j'ai, au nom du Gouvernement français, défendu l'idée de la création du sommet tripartite,...
    M. Jean Le Garrec. Ah ! Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui permettrait, avant chaque Conseil européen, de réunir la Commission, les représentants des Etats, et ceux des partenaires sociaux. D'ailleurs, dans la contribution française à la Convention, cette idée du sommet tripartite a été avancée.
    Pour ce qui est de cet amendement n° 60, je rejoins l'analyse du rapporteur. La négociation sur la formation professionnelle, que j'ai souhaitée dès mon arrivée au Gouvernement, va s'ouvrir. Les partenaires sociaux ont indiqué qu'ils étaient tout à fait décidés à se mettre autour de la table sur ce sujet avant la fin de l'année. Je crois même que le calendrier a été esquissé. Sans doute attendent-ils encore quelques jours pour engager ce travail,...
    M. Jean Le Garrec. C'est normal.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui, vous le savez, va s'appuyer sur les négociations qu'ils ont déjà conduites dans le passé, lesquelles n'étaient pas si loin d'aboutir, mais avec cette incitation supplémentaire du Gouvernement à prendre en compte le projet de compte individuel de formation professionnelle tout au long de la vie, ainsi que la dimension régionale de la formation professionnelle. Celle-ci est désormais une réalité qui ne peut que se renforcer, et qui aujourd'hui n'est pas suffisamment prise en compte par les partenaires sociaux.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je reviens encore une fois sur le débat précédent. M. le ministre a rappelé la position du Gouvernement français sur la mise en place d'un sommet tripartite. C'est une initiative que l'on ne peut évidemment qu'approuver, même s'il faut toujours examiner attentivement le contenu de ce genre d'initiatives.
    Je voudrais surtout indiquer que nous souhaiterions - et je me tourne aussi vers le président de notre commission - que ces questions qui touchent au domaine social à l'échelle européenne, et qui sont importantes, ne soient pas l'exclusivité de la Délégation à l'Union européenne de notre assemblée, mais puissent faire l'objet, dans la mesure du possible, d'échanges au sein de notre commission. Je l'avais déjà suggéré au précédent président. Je sais que ce n'est pas très simple, parce qu'on bute sur une sorte de cloisonnement, mais il serait tout à fait utile que le débat social européen ne soit pas limité aux spécialistes de l'Europe, mais puisse aussi être ouvert à ceux qui s'intéressent au droit social et au droit du travail dans notre pays.
    Pour le reste, pour ce qui est de l'observation du ministre, je crois qu'il faudrait que nous fassions très attention à ne pas avoir de négociations qui soient trop éclatées, comme le souhaite le MEDEF, qui, d'une certaine manière, cherche à dissocier un certain nombre de sujets qui nous paraissent liés. C'est vrai pour la question de l'adaptation, comme pour celle de la formation professionnelle ou pour celle du licenciement. Nous souhaiterions que toutes ces questions fassent l'objet d'une discussion globale, comme l'ont d'ailleurs souhaité plusieurs partenaires sociaux.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur Gorce, votre suggestion est bonne, mais pas facile à mettre en oeuvre. Du reste, je crois que Jean Le Garrec peut en témoigner.
    M. Jean Le Garrec. J'avais essayé !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il y a, dans cette assemblée, une délégation pour l'Union européenne qui peut certes « frôler » le sujet. Vous savez aussi que j'ai pris la décision d'inviter systématiquement les députés européens français aux débats ouverts de notre commission. Mais il est vrai que nous pouvons encore aller plus loin. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 60.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    Mme la présidente. « Art. 1er. - I. - L'application des dispositions du code de commerce et du code du travail dans leur rédaction issue des articles 97, 98, 99, 101, 102, 104, 106, 109 et 116 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est suspendue pour une période maximale de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, sous réserve des dispositions prévues au II ci-dessous.
    « II. - La suspension des dispositions mentionnées au I est maintenue pour une durée d'un an à compter du dépôt d'un projet de loi intervenant au cours de cette période et définissant, au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle engagée entre les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national, les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi. La mention de la date du dépôt du projet de loi maintenant la suspension fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel de la République française.
    « III. - Pendant les périodes de suspension prévues aux I et II ci-dessus, les dispositions des articles L. 321-1-1, L. 321-3, L. 321-7, L. 432-1, L. 432-1 bis, L. 434-6, L. 435-3 et L. 439-2 du code du travail antérieures à leur modification par la loi du 17 janvier 2002 sont rétablies. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.
    La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.
    M. Jean-Paul Anciaux. L'article 1er est évidemment l'article principal de ce texte, en particulier parce qu'il suspend neuf articles de la LMS. Ces articles, les plus nocifs de cette loi, ont, comme chacun le sait, été introduits dans le texte en cours d'examen sous la pression du groupe communiste et ont pour conséquence essentielle d'allonger inutilement la durée des procédures, parfois jusqu'à 200 jours.
    Mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même pensons qu'il est possible de simplifier encore plus ; nous avons d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.
    En revanche, et c'est un point qu'il faut souligner, il n'est absolument pas question de toucher aux droits propres des salariés. Ainsi, le doublement des indemnités légales de licenciement ne sera pas remis en cause pendant ces dix-huit mois : c'est la législation antérieure à la LMS qui s'appliquera.
    L'objectif est clair : il s'agit de parvenir, au travers d'une grande négociation interprofessionnelle, à définir des règles mieux adaptées à la réalité économique, au fonctionnement des entreprises et surtout aux attentes des salariés.
    Permettez-moi d'insister sur la nécessité d'avoir une approche réellement préventive des licenciements économiques. En effet, l'anticipation des évolutions économiques est la meilleure façon de prévenir les licenciements. A cet égard, la reconnaissance d'un droit individuel à la formation devrait offrir au salarié la garantie que ses compétences validées lui ouvriront des postes et, si nécessaire, lui permettront de donner une nouvelle orientation à son parcours professionnel.
    Mes chers collègues, monsieur le ministre, c'est ainsi que nous entendons garantir les intérêts des salariés, tout en ne compliquant pas les difficultés de gestion des chefs d'entreprise, notamment ceux de PME-PMI. En effet, n'oublions pas - et cela n'a pas été suffisamment dit dans cette enceinte - que ces dernières créent chaque année en France plus des deux tiers des emplois. Nous devons toujours garder cela à l'esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Je vois que M. Gremetz est absent. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Je vais vous faire part, monsieur le ministre, mes chers collègues, de ce que M. Gremetz comptait vous dire.
    Comme vient de le confirmer Jean-Paul Anciaux, au nom du groupe de l'UMP, l'article 1er symbolise tout à fait l'attitude de la droite et du Gouvernement, qui veulent réduire à néant le peu de protection que nous avions pu instituer pour mieux encadrer les licenciements abusifs ou boursiers des grands groupes industriels,...
    M. Patrick Labaune. Du grand capital !
    Mme Jacqueline Fraysse. ... pour aider les salariés à se défendre et pour tenter d'éviter les catastrophes.
    Vous proposez, monsieur le ministre, de supprimer les articles phares de la loi de modernisation sociale, ceux sur lesquels les salariés comptaient pour résister, ceux sur lesquels le MEDEF a jeté l'anathème. Cette attitude illustre bien le peu d'intérêt que la droite porte aux situations dramatiques dans lesquelles se trouvent plongées les personnes, les familles frappées par les licenciements et le chômage.
    Vous proposez aussi de supprimer l'étude d'impact social et territorial préalable à tout projet de suppression d'emploi, étude qui est destinée à mieux mesurer les conséquences sociales sur le territoire.
    Vous proposez également de supprimer des avancées jurisprudentielles en matière de droit à l'information des représentants du personnel, des droits nouveaux accordés aux comités d'entreprise.
    Vous proposez encore de mettre un terme à des avancées sociales progressistes comme le droit d'opposition des salariés, la possibilité pour eux d'être entendus sur des projets alternatifs au licenciement.
    Vous vous attaquez également au principe de reclassement de qualité et sérieux, aux pouvoirs de l'inspection du travail et à sa capacité d'intervention sur la régularité et le bien-fondé d'une procédure.
    En définitive, vous voulez battre en brèche tout ce qui permet de faire évoluer la législation sociale en faveur des salariés et du monde du travail.
    L'article 1er affaiblira donc les salariés face aux licenciements et renforcera les pouvoirs des entreprises en suspendant toutes les dispositions qui permettent aux salariés et à leurs représentants de contester un tant soit peu le bien-fondé des décisions conduisant aux licenciements et d'examiner d'autres solutions.
    Par ailleurs, vous proposez que l'accord d'entreprise puisse s'affranchir de toutes les garanties liées au respect de la procédure.
    Par conséquent, le texte déresponsabilise les entreprises en matière d'emploi, en dispensant les organes de direction d'avoir à se prononcer sur le projet de cessation d'activité et en supprimant l'étude d'impact social et territorial des projets stratégiques de l'entreprise.
    En réduisant les pouvoirs de contrôle et de proposition de l'inspection du travail, il rétablit le pouvoir absolu et sans limites des employeurs, puisque même les quelques protections légales introduites après la suppression de l'autorisation administrative de licenciement pourront, elles aussi, être balayées par des accords conclus au niveau de l'entreprise, lesquels sont souvent passés dans des conditions dont nous savons qu'elles ne sont pas exemptes de pressions et de chantages.
    Selon le texte du projet, certaines dispositions de la loi de modernisation sociale seraient simplement suspendues. Il s'agit, en réalité, d'une suppression, puisqu'il est question non de rétablir ces dispositions à l'issue du délai de trente mois, durée de la suspension des articles de la législation actuelle, mais d'adopter alors une nouvelle réglementation, à partir d'un hypothétique accord interprofessionnel, qui, en tout état de cause, pourra être signé par une minorité.
    En fait, il ne s'agit de rien d'autre que de la suppression des quelques garanties que nous avions obtenues et le retour au pouvoir absolu des employeurs.
    A cet égard, la suppression de l'article 109 de la loi de modernisation sociale, disposition qui introduit un peu de justice dans l'ordre des licenciements en supprimant les critères liés aux qualités professionnelles, est révélatrice. Cette mesure supprimée, les employeurs pourront à nouveau peser sur le choix des salariés à licencier en jouant sur les critères de qualités professionnelles, ce qui aggravera de façon considérable la situation des salariés les plus fragilisés.
    En définitive, avec l'article 1er, monsieur le ministre, vous envoyez un signe fort au MEDEF en détruisant un projet emblématique du précédent gouvernement. Vous vous faites l'apôtre de la déréglementation du travail, du recul social, pour un monde du travail toujours plus malléable, au service des appétits du patronat.
    Nous nous opposons vivement à votre projet. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous présentons un amendement de suppression de l'article 1er.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Nous avons eu, sur les amendements qui précédaient l'article 1er, une discussion qui, à la limite, aurait pu préfigurer ce qu'aurait pu être une véritable discussion sur le droit du licenciement, c'est-à-dire une discussion dont notre Parlement aurait eu le temps de se saisir, qui n'aurait pas été soumise à l'urgence, dont la négociation aurait pu effectivement être le préalable ou le prolongement. Car on peut aussi imaginer qu'un gouvernement fixe des orientations à partir desquelles, la discussion avec les partenaires sociaux étant engagée, on ne s'en remette pas - à mon sens, il y a, de ce point de vue, beaucoup de faux-semblants - à la négociation interprofessionnelle sur l'ensemble des questions qui doivent être traitées.
    Ce qui nous pose problème en premier lieu, c'est l'urgence déclarée sur ce texte. Cette urgence est une préoccupation contredite par tous les éléments dont nous pouvons disposer. Elle n'est d'abord pas justifiée par la mise en oeuvre du présent texte, puisque, vous avez eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, monsieur le ministre, et le rapporteur également, la loi que vous proposez de suspendre a à peine commencé à s'appliquer ; au demeurant, la plupart de ses dispositions ne sont même pas encore appliquées.
    Cette urgence n'est pas non plus justifiée par la situation économique, bien au contraire. Cette urgence n'est pas justifiée car il est impossible d'imputer de manière claire et indiscutable à la LMS, qui par ailleurs n'a pas été encore appliquée, des difficultés, des dépôts de bilan ou des liquidations.
    Malheureusement, il s'agit d'un discours que nous avons l'habitude d'entendre sur les bancs de la majorité et qui consiste à agiter ce genre de spectres, à faire en permanence, pour justifier la remise en cause de certaines dispositions, une sorte de procès en sorcellerie aux textes que nous avons fait adopter.
    Ce qui me frappe d'autant plus, c'est que l'urgence est valable lorsqu'il s'agit de « suspendre » la LMS, mais qu'elle ne s'impose plus lorsqu'il s'agit de mettre en place des dispositions nouvelles. J'observe qu'en 1986, lorsque l'on avait, non pas suspendu, mais abrogé l'autorisation administrative de licenciement, les partenaires sociaux ont bénéficié à peine de quatre ou cinq mois pour trouver les dispositions devant se substituer à celles qui avaient été supprimées.
    Aujourd'hui, il est clair que cette urgence ne vaut que pour supprimer, et certainement pas pour reconstruire, ce qui est parfaitement dommageable. D'autant que cette urgence intervient dans un contexte - et c'est là, je crois, la faute majeure que nous vous reprochons - où les garanties et les protections mises en causes par le Gouvernement sont plus que jamais nécessaires étant donné la montée des plans sociaux et la menace de chômage.
    Nous ne nous attachons pas à toute force à la loi de modernisation sociale. Il a été suffisamment rappelé que les dispositions adoptées l'ont été dans un contexte politique, économique et social qui pouvait les justifier. Pour autant, nous savons bien que le droit du licenciement - d'ailleurs le législateur est amené régulièrement à y revenir - est difficile à établir. J'en veux également pour preuve que les partenaires sociaux ont beaucoup hésité et hésitent à s'engager sur ce terrain.
    La deuxième réserve que j'émettrai, après celle concernant l'urgence, a trait aux perspectives de la négociation. En effet, il est frappant que l'on renvoie à la négociation des sujets sur lesquels les syndicats, les partenaires sociaux de manière générale, ne sont pas demandeurs. Je ne dis pas au fond qu'il faut s'en réjouir, car, en réalité, il serait préférable que ces questions soient pour une part traitées par la négociation, mais je dis que ce n'est pas un hasard si, depuis la fin des années 80, les partenaires sociaux n'ont pas souhaité se saisir de ces questions : elles comportent en effet trop de difficultés.
    Cela me conduit à ajouter une critique supplémentaire : si l'on veut que la négociation puisse réellement aboutir, la logique voudrait sans doute que le Gouvernement installe un certain nombre de garde-fous, non pour l'encadrer, mais pour lui permettre de fonctionner, autrement dit, pour que cette négociation ne soit pas laissée en apesanteur. On parlait tout à l'heure des libellules ; dans le cas présent, on pourrait se poser la question de savoir si cette négociation ne va pas s'installer dans l'apesanteur.
    De quoi va-t-on réellement discuter en matière de licenciement ? Quelles sont les préoccupations que le Gouvernement met sur la table de la discussion ? Il nous paraît logique que, dans ce contexte, les pouvoirs publics assument leurs responsabilités en donnant des indications claires : vous ne le faites pas, monsieur le ministre, ni le Gouvernement, et nous le regrettons. Il s'agit non de substituer votre volonté à celle de partenaires sociaux, mais de fixer un cadre à une discussion, donc lui donner plus de chances d'aboutir.
    J'observe d'ailleurs, toujours pour ce qui est de la question de la négociation, qu'elle pose des problèmes aux partenaires sociaux, problèmes qui vont au-delà du fond de celui que nous aurons à traiter et qui portent aussi sur la forme, dans la mesure où ceux-ci ont le sentiment d'être poussés à une négociation qu'ils ne souhaitaient pas, et ce dans un contexte de concertation qui n'est pas totalement satisfaisant.
    Je sais bien que vous nous dites en permanence que le dialogue social a été rétabli dans ce pays. Si cela était vrai, nous devrions nous en réjouir. Or je constate, si je reprends toutes les déclarations des principaux responsables d'organisations syndicales - mais, pour ma part, je ne ferai pas l'archiviste comme vous avez parfois tendance à le faire, monsieur le ministre, en égrenant les citations des uns et des autres, - que ceux-ci ont souvent tenu des propos extrêmement sévères sur les conditions dans lesquelles la discussion s'est engagée. J'indique tout de suite que ce n'est pas votre volonté qui est en cause, monsieur le ministre, car je vois bien que chaque fois que l'on vous adresse une observation de cette nature, on a le sentiment de toucher quelque chose en vous qui dépasse même le cadre du débat politique dans lequel nous sommes. Pour autant, il faut que vous puissiez accepter un début de contestation, ne serait-ce que pour pouvoir ensuite apporter la démonstration de votre bonne foi et de votre bonne volonté.
    Cela dit, si je prends l'exemple - évidemment partiel - de la question de la consultation de la commission nationale de la négociation collective, je constate que c'est seulement la sous-commission qui a été saisie, et qu'elle l'a été d'un texte qui, d'ailleurs, n'était pas encore complet. Eh bien, les syndicats étaient tout à fait désolés que la commission nationale, réunie en séance plénière, n'ait pas été associée à cette discussion. C'est, je le reconnais, un exemple ponctuel et partiel, mais il illustre malheureusement une tentation et une réalité.
    Si vous n'avez pas engagé ce débat de manière claire, si vous avez déclaré l'urgence sur ce texte et si vous proposez une suspension de dispositions de la LMS - et en ce qui nous concerne, nous contestons totalement les effets d'une telle mesure, car nous considérons qu'il s'agit bien d'une abrogation -, c'est que nous pensons, monsieur le ministre, que vous avancez en réalité de manière masquée ; en tout cas, nous avons des raisons de le craindre. Du reste, on le voit bien maintenant que commencent à émerger un certain nombre d'amendements de votre majorité, qui montrent que vos intentions vont au-delà des dispositions du texte. Nous verrons le sort que vous réservez à ces amendements, mais il serait souhaitable, par exemple, que vous nous apportiez la garantie que cette négociation interprofessionnelle pourra se faire dans un cadre qui offre la certitude que les dispositions qui seront prises correspondent bien à la volonté de la majorité des partenaires sociaux - les résultats des prochaines élections prud'homales pourraient servir à évaluer leur représentativité - et ne sont pas simplement le fruit d'un accord de circonstances, avalisé par une majorité politique qui voudrait remettre en cause le droit du licenciement et donc une partie du droit du travail.
    Mme la présidente. La parole est M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. L'article 1er vise à suspendre pour une durée de dix-huit mois neuf articles de la loi de modernisation sociale, qui pourtant ne méritent pas l'excès d'opprobre dont les a couverts depuis quarante-huit heures la nouvelle majorité. En effet, il est difficile de contester l'intérêt de certains articles, notamment pour ce qui est de la vie économique d'un territoire.
    Est-il contestable de vouloir organiser les conditions dans lesquelles les organes de direction de grandes entreprises prennent une décision lorsque se trouve en jeu la fermeture d'un établissement de plus de 100 salariés, un établissement qui représente parfois, notamment en zone urbaine ou rurale, la seule ressource fiscale directe notable d'une commune ou d'une communauté de communes ?
    Est-il illégitime d'exiger, s'il ne s'agit pas d'une faillite ou d'une liquidation mais d'un choix délibéré de la direction d'entreprise, que celle-ci démontre qu'il s'agit bien d'une impérieuse nécessité industrielle et non d'un choix des actionnaires, d'un choix du capital contre l'emploi, choix qui risque de ravager un bassin d'emploi ?
    Est-il illégitime, pour les salariés concernés, d'avoir la capacité d'exiger une information économique complète sur une décision qui les concerne au premier chef, y compris s'il ne s'agit pas de licenciements boursiers mais d'un plan social imposé par la nécessité ?
    Est-il illégitime, pour les élus et pour les acteurs économiques et sociaux d'un territoire concerné, d'obtenir une étude d'impact social et territorial d'une décision qui peut gravement bouleverser la vie du bassin d'emploi local ?
    Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous qui pour la plupart êtes des élus locaux, vous devriez pouvoir adhérer à ces dispositions, même si nous savons bien que votre volonté est de faciliter, en en raccourcissant les délais, les procédures de déclenchement d'un plan social ?
    L'argument selon lequel la suspension que vous proposez est destinée à ouvrir un dialogue social interprofessionnel ne tient pas s'agissant des dispositions que je viens de citer et qui concernent la vie de bassins d'emploi et l'établissement du dialogue social territorialisé, que, par ailleurs, vous prétendez promouvoir. La suspension que vous proposez est d'ailleurs en contradiction avec votre projet de décentralisation qui tend, tout du moins je l'espère, à accroître les compétences des collectivités en matière d'emploi, de formation, d'aménagement du territoire, mais aussi de défense de leur territoire lorsqu'il risque d'être gravement touché.
    Au reste, des mécanismes de régulation territoriale existent déjà en Suède ou en Italie. Pourquoi ne pas s'en inspirer ?
    Or la suspension prévue par l'article 1er nous ramènera à un scénario bien connu dans le passé et qui se multipliera dans les prochaines semaines dès que la suspension des mesures en question entrera en vigueur.
    Imaginons que, dans un canton, un des principaux employeurs annonce la fermeture d'une entreprise pour cause de restructuration ou de délocalisation. Après ce coup de tonnerre, commence alors un processus désormais bien connu qui démarre avec la convocation du comité d'entreprise et la présentation d'un plan social - en général sans aucune justification économique, sauf exception -, qui se poursuit avec un mouvement de colère des salariés, avec la grève, voire avec une opération ville morte, et qui se finit par l'octroi d'indemnités de licenciements et des départs en préretraite. Toutefois, excepté dans les manifestations et les opérations de protestation, les grands absents de ce scénario sont les autres acteurs économiques locaux et les élus, c'est-à-dire ceux qui ont parfois investi pour accueillir l'entreprise et ses salariés et qui ont bâti leurs budgets en prenant en compte les ressources qu'ils escomptaient du versement de la taxe professionnelle.
    Dans ma région, j'ai vécu ce type de situation douloureuse dans un bassin d'emploi à cheval sur le département de la Haute-Garonne et celui du Tarn-et-Garonne. C'est ainsi que le goupe Valeo, implanté à Labastide-Saint-Pierre, a annoncé - décision que je regrette - qu'il se désengageait progressivement de son activité de câblage en France en mars 2002, ce qui va entraîner la suppression de 460 emplois d'ici à septembre 2003. Toutefois, même si Valeo a pris une décision condamnée par les acteurs locaux pour des raisons évidentes, ce groupe a mis en place une gestion prévisionnelle des suppressions d'emplois sur une période de dix-huit mois, délai qui est en conformité avec les dispositions prévues par la loi de modernisation sociale que vous voulez suspendre. Des mesures de reclassement, des bilans de compétence, des stages de formation professionnelle sont organisés par un cabinet - le cabinet Altedia en l'occurrence. De même, sont prévues des subventions de reclassement pour les entreprises qui accueilleraient des salariés de Valeo ainsi qu'une allocation temporaire dégressive pour compenser une éventuelle perte de salaire. De fait, il ne manque qu'une des dispositions prévue par la loi de modernisation sociale : la participation du groupe à des actions de réindustrialisation dans le même bassin d'emploi.
    Parallèlement à l'annonce de la disparition programmée de Valeo à Labastide-Saint-Pierre, nous venons d'apprendre que, dans le même bassin d'emploi, l'entreprise Cinch de Villemur-sur-Tarn, qui emploie 360 salariés, vient d'être vendue par la SNECMA à un groupe de connectique automobile, sans doute américain. L'inquiétude est donc grande quant à la décision qui sera prise par un siège social situé quelque part hors de France, qui pourra ensuite transférer l'activité de l'entreprise, voire la supprimer, après avoir bénéficié du savoir-faire des salariés, de la qualité de l'encadrement et de l'implantation dans notre pays qui lui manquait.
    Avec la suspension prévue à l'article 1er de votre projet de loi, l'affaire pourrait être réglée en quelques mois, causant une hémorragie de quelque 820 emplois dans deux cantons ruraux. J'insiste sur les risques lourds qui pèsent aujourd'hui sur certains territoires auxquels vous supprimez les quelques recours et moyens que pouvaient détenir les acteurs locaux pour faire face dans les meilleures conditions aux désastres industriels qu'ils vivent.
    Avez-vous donc prévu, monsieur le ministre, des dispositions substitutives permettant l'association des acteurs locaux et la mobilisation de ressources pour la réindustrialisation des bassins d'emploi sinistrés ?
    Je ne pense pas que vous puissiez, en tout cas dans ses objectifs, contester mon intervention.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, je suis d'accord avec les intervenants précédents pour reconnaître que l'article 1er est le plus important du projet de loi. Toute la logique de votre démarche se résume à cet article, dont tout le reste découle.
    Je voudrais contester, même si je n'arrive pas à convaincre, quelques affirmations que l'on entend fréquemment.
    D'abord, affirmer que la loi de modernisation sociale a été rédigée sous la pression du groupe communiste est une erreur. Ce texte a été déposé dès le 24 mai 2000 mais, pour des raisons qui relèvent de la responsabilité gouvernementale, le débat a été engagé trop tard, malgré mon avis. Comme le climat avait changé entre-temps, ce débat a été extrêmement rude, j'en conviens. Il demeure que le projet avait été élaboré bien auparavant.
    Ensuite, je ferai observer à M. Novelli que la LMS n'est pas un texte bureaucratique, mais un « DMOS » - un texte portant diverses mesures d'ordre social. Tout gouvernement a, au cours d'une législature, besoin de mettre à plat, pour éventuellement les corriger, un certain nombre de dispositions sociales. Il s'agit d'un travail très difficile, auquel le Sénat a d'ailleurs contribué puisqu'il a introduit à lui seul une quarantaine d'articles nouveaux.
    M. Richard Mallié. C'est bien, le Sénat !
    M. Jean Le Garrec. Ce texte répondait à la nécessité de résoudre des problèmes divers, qui ne peuvent être réglés que par la loi. Et, soit dit en passant, le député chargé de rapporter sur ce type de texte doit faire preuve d'une grande agilité intellectuelle - c'était en l'occurrence mon ami Philippe Nauche.
    J'oublierai volontiers certains qualificatifs que j'ai entendus à mon sujet. Je n'ai pas envie de réveiller de vieux démons et mon passé suffit à montrer que ces mots ne correspondent pas à la réalité de mon action depuis vingt ans. Que l'on m'accuse d'archaïsme et d'incompétence est déplaisant, mais j'en ai vu d'autres et je passe outre.
    En fait, ce qui m'intéresse, c'est la recherche du point d'équilibre entre les nécessités qui s'imposent aux entreprises, que nul ne nie - en tout cas certainement pas moi -, et la défense des intérêts des salariés. C'est le fond du débat. Cet équilibre est bien entendu variable avec le temps, l'évolution économique, les mutations du capitalisme. Je me suis efforcé de le démontrer, mais ma démonstration n'a pas été, semble-t-il, très bien perçue.
    Monsieur le ministre, pourquoi voulez-vous une suspension de dix-huit mois ? M. Séguin avait, en d'autres temps, décidé une suspension de six mois. Je trouve personnellement que dix-huit mois, c'est très long, mais l'avenir nous le dira.
    Je ne pense pas que, compte tenu de la situation actuelle, le MEDEF et les organisations syndicales puissent, sur un tel sujet, parvenir à un compromis satisfaisant. Mais je peux me tromper. Je vais vous faire une confidence : s'ils y parvenaient, j'en serais heureux et je vous en féliciterais. Vous voyez que je suis très à l'aise. Autant je crois que la négociation peut aboutir sur un certain nombre de questions très importantes, telles que la formation professionnelle, pour laquelle elle est indispensable, autant cela me semble, sur ce sujet-là, peu probable pour des raisons diverses sur lesquelles je ne reviendrai pas.
    Je considère en effet que l'insuffisance de la démocratie sociale est au coeur de nos débats. J'ai organisé en 2000 un grand colloque - j'étais le premier à prendre une telle initiative -, auquel ont participé des représentants du MEDEF, des petits entrepreprises, de toutes les organisations syndicales ainsi que de l'opposition et de la majorité de l'époque. J'ai bien vu quels étaient les blocages. J'ai été syndicaliste et je connais les difficultés. Mais je suis persuadé que formuler le problème à partir du sujet le plus difficile, c'est compliquer la tâche du syndicaliste.
    Je me suis efforcé, lors de la discussion générale, de poser les éléments de ce débat de fond. Je n'ajouterai plus rien à ce sujet, monsieur le ministre, car je ne doute pas de vos convictions, pas plus que vous ne pouvez douter des miennes. J'admets volontiers qu'il faille attendre les résultats des élections prud'homales du 11 décembre, mais c'est l'avenir qui répondra à notre interrogation. Quoi qu'il en soit, je vous ai fait part de nos inquiétudes.
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 3 et 62.
    L'amendement n° 3 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 62 est présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 3.
    Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à supprimer la suspension des articles de la loi de modernisation sociale. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui nous ont conduits à le déposer puisque je les ai développées tout à l'heure.
    Les arguments avancés par notre collègue Gérard Bapt confirment la gravité de la mesure proposée dans le projet de loi.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 62.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement tend lui aussi à supprimer l'article 1er car celui-ci organise ce que nous dénonçons, c'est-à-dire la suspension-abrogation des dispositions de la loi de modernisation sociale. Ainsi que je l'ai déjà dit, il ne nous paraît pas nécessaire de passer par cette phase de suspension-abrogation pour que la négociation puisse s'engager.
    La principale critique que nous adressons au Gouvernement est qu'il est tout à fait anormal, qu'il est grave de baisser la garde au moment où les difficultés augmentent en matière de chômage. Les prétextes qu'inspire la prétendue difficulté d'application de la LMS ne valent rien au regard des craintes que l'on peut ressentir face à la montée des plans sociaux et du chômage.
    Nous sommes également préoccupés par la manière dont le débat va s'engager avec la majorité, laquelle renvoie à l'attitude du Gouvernement. Nous verrons bien comment se réglera le problème mais avec la suspension et l'abrogation de fait, on ouvre la porte à toute une série de visiteurs, plus ou moins inopportuns, présentés ici ou là par des lobbies propres à la majorité et qui cherchent à remettre en cause les dispositions de la LMS bien au-delà de ce qui est proposé.
    Nous avons le sentiment que ce débat aura eu au moins le mérite de révéler la vérité de ce qu'est l'UMP sur le terrain social : elle veut aller beaucoup plus loin que le Gouvernement qui, lui, a préféré avancer masqué et se défausser sur les négociations sociales.
    Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 1er. Le Gouvernement doit assumer ses responsabilités au lieu de se défausser. Toutes ces questions méritent d'être traitées au fond et autrement que dans l'urgence. La démarche engagée n'est donc pas la bonne. C'est une démarche d'opportunité qui vise simplement à satisfaire une partie, ou plutôt des parties - nous sommes dans un débat très souterrain alors que les choses étaient plus claires avec la gauche plurielle - de la majorité.
    Mme la présidente. Sur les amendements n°s 3 et 62, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il est tout à fait logique que nos collègues communistes et socialistes demandent la suppression de l'article 1er, qui est le coeur du texte proposé par le Gouvernement. Ils sont en cela - et c'est surtout vrai des membres du groupe communiste - logiques par rapport à l'attitude qui a été la leur lors du débat et du vote sur la loi de modernisation sociale. Mais il n'est évidemment pas question pour nous de supprimer l'article 1er.
    Je rappelle que cet article suspend, dans son I, l'application d'un certain nombre d'articles de la LMS. Il appelle, dans son II, à la négociation collective en vue de la présentation d'un nouveau projet de loi dans les dix-huit mois suivant la promulgation du texte. Quant à son III, il prévoit les mesures qui seront transitoirement applicables durant la période de suspension.
    Il importe d'avoir à l'esprit que tous les articles dont l'application est suspendue ne touchent à aucune garantie ni à aucun droit donnés par le code du travail aux salariés dans des situations aussi terribles que celle du licenciement. Il ne s'agit de suspendre que des articles visant à rallonger les procédures ou, pour dire les choses d'une manière plus positive, à donner droit à une nouvelle expertise ou au recours à un médiateur.
    L'objectif n'est donc pas - et c'est pour moi la seule ligne politique acceptable - de retirer des droits, en particulier, comme vous l'avez très bien dit, monsieur Gorce, dans une période où la situation économique, dont nous n'allons pas nous rejeter la paternité les uns sur les autres, n'est pas facile.
    La suspension, qui ne touche que des mesures de procédure, est en fait un appel à la négociation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est contre les deux amendements, qui visent à supprimer l'un des principaux articles du dispositif proposé.
    M. Le Garrec vient de me dire, et je le crois sincère, qu'il ne faisait pas de procès d'intention au Gouvernement et qu'il était convaincu que celui-ci souhaitait réellement aboutir à un accord interprofessionnel sur la question. Il a cependant ajouté qu'il doutait, compte tenu du sujet et du contexte, que nous puissions parvenir à un tel accord. M. Gorce a affirmé par la suite que le Gouvernement avançait masqué et qu'il se défaussait sur les partenaires sociaux en leur demandant de traiter à sa place d'un problème qu'il n'aurait pas voulu affronter lui-même.
    Il s'agit là de deux interprétations radicalement différentes de la politique que nous conduisons. Je préfère évidemment celle de M. Le Garrec et je m'inscris en faux contre celle de M. Gorce.
    Il aurait été beaucoup plus simple pour le Gouvernement d'abroger les dispositions de la LMS dont il s'agit ici. Cela ne nous aurait d'ailleurs pas occupés plus longtemps que la suspension et cela n'aurait pas eu d'autre écho, me semble-t-il, dans le pays.
    En proposant une suspension et en s'engageant à revenir devant le Parlement dans dix-huit mois, le Gouvernement se complique, d'une certaine manière, la tâche : nous reviendrons devant vous dans dix-huit mois pour rediscuter de ces questions, dans un climat économique et social que nous ne connaissons pas.
    Dire que le Gouvernement se défausse sur les partenaires sociaux, c'est donc faire à celui-ci un procès d'intention. Mais c'est surtout, dans l'esprit de M. Gorce, la manifestation du regret de n'avoir pas, lorsqu'il en avait la possibilité, fait confiance aux partenaires sociaux pour faire avancer le droit social. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, le seul regret que votre action m'inspire, c'est qu'elle détruit tout ce que la gauche et la majorité plurielle ont bâti pendant cinq ans. Je crains que vous ne finissiez par communiquer ce regret au pays - ou plutôt, hélas, je l'espère. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais ce sera au détriment de la situation économique et sociale.
    M. Jean-Paul Anciaux. Oiseau de mauvais augure !
    M. Gaëtan Gorce. M. Le Garrec et moi avons dit les mêmes choses. L'opposition s'exprime d'une manière claire sur ces sujets.
    Nous considérons que, dans le contexte de l'abrogation, la négociation n'était pas nécessaire. Les partenaires sociaux étaient du même avis. Il aurait mieux valu engager la négociation sur la base des textes existants. Pourquoi vouloir supprimer ce que vous considérez sans doute comme des garanties trop importantes accordées aux salariés ?
    Cela dit, prenant acte du fait que la majorité votera votre texte - nous allons voir avec quelles modifications -, nous ne pouvons que souhaiter que la négociation aboutisse et que l'on substitue à la situation de vide juridique que vous essayez d'installer par un retour en arrière des garanties conventionnelles de meilleure qualité. Cela supposerait que la négociation soit menée dans des conditions différentes de celles que vous envisagez, mais peut-être arriverez-vous petit à petit à améliorer les choses. Cela impliquerait aussi que vous donniez des indications claires et que vous apportiez la garantie que l'accord que vous reprendrez sera un accord qui aura été signé par une majorité d'organisations syndicales ou par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés.
    M. Le Garrec et moi disons donc la même chose, nous adressons la même critique à votre action, tout en ayant l'espoir, dans l'intérêt du pays, que nous débouchions sur une autre issue que celle que vous nous préparez.
    Mme la présidente. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 3 et 62.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    Mme la présidente. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   48
Nombre de suffrages exprimés   47
Majorité absolue   24
Pour l'adoption   12
Contre   35

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    MM. Novelli, Moyne-Bressand et Gorges ont présenté un amendement, n° 99, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 1er :
    « I. - Les articles 93 à 131 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale sont abrogés.
    « II. - Les dispositions antérieures du code du travail modifiées par la loi mentionnée ci-dessus sont rétablies. »
    La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Paul Anciaux. Cet amendement vise à redonner aux partenaires sociaux leur pouvoir en matière de fixation des règles relatives au licenciement, et donc à abroger l'ensemble des dispositions concernant la prévention des licenciements, l'information des représentants du personnel et la lutte contre la précarité de l'emploi. Il prévoit, dans l'attente des résultats des négociations entre les partenaires sociaux, le retour à l'état antérieur du droit.
    Le Gouvernement a choisi une voie graduelle. Nous en prenons acte. Mon collègue Hervé Novelli m'a indiqué que, dans ces conditions, il souhaitait retirer l'amendement.
    A titre personnel, je demande que les amendements adoptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales bénéficient de l'attention du ministre.
    Mme la présidente. L'amendement n° 99 est retiré.
    M. Fourgous a présenté un amendement, n° 43, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le I de l'article 1er :
    « I. - Les dispositions du code de commerce et du code du travail dans leur rédaction issue des articles 93, 96 à 131 et 168 à 180 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale sont abrogées. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. M. Chérèque lui-même dit que la LMS n'est pas bonne et qu'on ne versera pas de larmes de crocodile si le Gouvernement la suspend. Et M. le ministre a posé la question : combien pouvons-nous perdre encore de temps à laisser se dégrader le pouvoir d'attraction économique de notre territoire ?
    Nous sommes donc tous d'accord. Quoi qu'il en soit, aucun contrat juridique ne remplace un bon climat de confiance. Ainsi, dès qu'un texte crée un climat de défiance, il va de soi qu'il faut immédiatement se mobiliser dans l'intérêt du pays.
    Détérioration du statut et de l'image de l'entrepreneur, inflation des licenciements pour motifs personnels pour détourner la loi, et j'en passe ! S'il y a suspension, monsieur le ministre, les partenaires sociaux n'auront pas intérêt à négocier. Or, lorsqu'un des partenaires n'a pas intérêt à négocier, il n'y a pas de négociation.
    Renvoyons complètement le problème aux partenaires sociaux ! Faisons-leur confiance !
    Nous n'avons pas touché aux 35 heures, alors que nous avons un président élu avec 82 % des voix. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous, on est pour les 35 heures !
    M. Jean-Michel Fourgous. Nous avons respecté un engagement. Cela dit, selon la dernière étude mondiale sur l'économie, s'agissant de l'attractivité, nous sommes maintenant en soixante-dix-neuvième position sur quatre-vingts pays à cause de la LMS qui a été un facteur de détérioration des rapports employés-employeurs. Bref, monsieur le ministre, cette loi fâche tout le monde ! Abrogez-la et laissez le champ libre aux partenaires sociaux !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cet amendement relève du même esprit que le précédent, et que le suivant d'ailleurs. Le précédent a été retiré, car il ne correspond pas à la logique du texte. On aurait pu faire le choix de l'abrogation. On nous dit d'ailleurs que c'est tacitement ce qui a été fait.
    M. Gaëtan Gorce. C'est vrai !
    M. Dominique Dord, rapporteur. En réalité, le Gouvernement a souhaité rester dans une logique d'équilibre : ni statu quo ni abrogation. Compte tenu de la volonté de faire négocier les partenaires sociaux, la suspension nous semble la disposition la plus incitative. Cela dit, je sais que tout le monde n'est pas d'accord et que certains souhaitent que l'on aille plus loin, vers l'abrogation, ce qui serait sans doute plus favorable aux employeurs. D'autres préfèreraient que l'on laisse les choses en l'état, ce qui serait plus favorable aux représentants des salariés. Le Gouvernement a choisi la voie médiane. Je souhaite que l'équilibre du texte soit respecté et que l'on en reste donc à cette idée de suspension.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si, lorsque nous avons commencé nos consultations sur ce sujet, les partenaires sociaux avaient indiqué qu'ils engageraient en tout état de cause la négociation, notamment en cas d'abrogation - je pense en particulier au MEDEF -, la question aurait pu se poser de manière très différente. Mais je vous rappelle que, durant ces derniers mois, ils ont toujours manifesté un refus absolu de négocier sur cette question. Il a fallu que le Gouvernement mette en oeuvre cette stratégie de la suspension pour qu'enfin les partenaires sociaux, peut-être un peu forcés et contraints, peut-être un peu l'épée dans le dos, mais tant pis ! - le résultat est là -, acceptent de commencer à discuter sur ce sujet. C'est donc la démonstration que la stratégie de la suspension était la bonne. C'est la raison pour laquelle je demande à la majorité de permettre à cette stratégie de réussir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Apparemment, certains membres de la majorité ont du mal à saisir les subtilités du Gouvernement qui nous explique qu'il s'agit de suspension. Nous disons quant à nous que c'est une abrogation, mais cela n'est pas évident pour tout le monde. Il faut sans cesse le rappeler. Certains veulent aller jusqu'au bout de la démarche qui est engagée, c'est-à-dire écrire noir sur blanc ce qu'il en est, quitte à mécontenter les partenaires sociaux. Mais le plus préoccupant, c'est que l'on a le sentiment que le ministre s'attache à résister aux pressions venant de sa majorité, qui voudra toujours aller plus loin - on peut d'ailleurs penser que ces pressions vont s'accentuer au fil des difficultés que vous rencontrerez -, plutôt qu'à mener une action réformatrice dont il aurait l'initiative et la maîtrise. Nous n'en sommes sans doute qu'au début dans ces affaires et nous sommes particulièrement inquiets de l'évolution des choses.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. J'appartiens à la famille UMP et nous sommes solidaires avec le Gouvernement. Il faut qu'il y ait une cohérence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous ne sommes pas là pour alimenter nos collègues de l'opposition qui sont directement responsables de la situation dans laquelle sont aujourd'hui les entreprises, les employés, les salariés, et du mauvais climat social qui règne. M. Fillon est obligé de présenter ce texte. Certes, j'ai quelques nuances d'appréciation quant à la rapidité de la décision, mais je me range à l'avis du ministre qui doit aujourd'hui se dépêtrer d'une situation inextricable dans la mesure où le climat de confiance qui régnait dans les entreprises a été cassé, ce qui est extrêmement grave. Je ne peux bien sûr qu'être solidaire, mais j'espère, monsieur le ministre, que vous avez entendu mon message. Donc, je retire l'amendement n° 43.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    Mme la présidente. L'amendement n° 43 est retiré.
    Je suis saisie de trois amendements, n°s 33, 46 et 100, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 33, présenté par Mme Bourragué, MM. Morange, Delnatte, Anciaux, Bernier, Hamelin, Colombier, Couanau, Cugnenc, Depierre, Fagniez, Juillot, Tian, Mmes Gallez, Levy, Marland-Militello et M. Dubernard, est ainsi libellé :
    « I. - Dans le I de l'article 1er, après les mots : "des articles, insérer la référence : "96,.
    « II. - En conséquence, dans le III de cet article :
    « 1. Après la référence "L. 321-3,, insérer la référence "L. 321-4-1, ;
    « 2. Après la référence "L. 321-7,, insérer la référence "L. 321-9,. »
    Les amendements n°s 46 et 100 sont identiques.
    L'amendement n° 46 est présenté par M. Fourgous et M. Dassault ; l'amendement n° 100 est présenté par MM. Novelli, Hoguet, Mariton, Moyne-Bressand et Gorges.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le I de l'article 1er, après le mot : "articles, insérer la référence : "96,. »
    Avant de passer à la discussion commune de ces amendements, j'informe d'ores et déjà l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 33, il y aura un scrutin public à la demande du groupe socialiste.
    Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour soutenir l'amendement n° 33.
    Mme Chantal Bourragué. Cet amendement vise à élargir la mesure de suspension prévue par ce texte à l'article 96 de la loi de modernisation sociale. Cet article dispose qu'avant de présenter un plan de sauvegarde pour l'emploi, l'employeur a l'obligation soit d'avoir mis en place les 35 heures, soit d'avoir engagé des négociations dans ce sens. Dans la mesure où beaucoup d'entreprises vont bénéficier, à travers le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, de mesures d'assouplissement en matière de mise en oeuvre des 35 heures, cette obligation apparaît aujourd'hui peu adaptée. Elle laisse par ailleurs perdurer l'idée que la réduction du temps de travail constitue un outil de préservation de l'emploi. Nous proposons donc d'en suspendre l'application, afin d'encourager la négociation interprofessionnelle pour la fixation de nouvelles règles en matière de projets de restructuration et de plan social.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour soutenir l'amendement n° 46.
    M. Jean-Michel Fourgous. L'article 96 de la loi de modernisation sociale était une réponse médiatique au plan social chez Michelin. Il est toujours navrant de voir une majorité utiliser ce type de méthode. Les Français attendent des gens plus sérieux. De plus, cet article allonge les procédures. Il est redondant avec certaines dispositions du code du travail, et n'est pas cohérent avec les assouplissements prévus par la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. Il importe donc de suspendre l'application de cet article, qui n'honore pas l'intelligence française reconnue dans le monde entier.
    Mme la présidente. L'amendement n° 100 est-il défendu ?
    M. Jean-Paul Anciaux. Il est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a accepté l'amendement n° 33. Je ne reprendrai pas le débat de fond sur les 35 heures, et je sais bien que nous n'avons pas la même appréciation. Nous n'avons pas le sentiment que les 35 heures aient créé beaucoup d'emplois.
    M. Jean-Michel Fourgous. Elles en ont plutôt détruit !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Or, nous travaillons dans l'esprit de favoriser les créations d'emplois. Simplement s'il y a hésitation en la matière, c'est que l'on ne parle que des grandes entreprises, qui sont pratiquement toutes passées aux 35 heures - c'est le cas des neuf dixièmes d'entre elles. Notre première idée était donc de ne pas suspendre l'application de cet article, partant du principe que, de toute façon, il était de nul effet. Mais on nous a retourné l'argument en nous répondant que s'il était de nul effet, il était inutile de le laisser dans la loi. La commission a donc estimé que cet article n'avait plus vraiment d'objet et, dans un souci de cohérence, a accepté l'amendement n° 33. Je précise que cela ne met pas en cause les droits personnels des salariés en cas de licenciement économique. La commission est donc favorable à l'amendement n° 33 et défavorable aux amendements n°s 46 et 100.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces amendements visent à mettre en cohérence ce texte avec celui relatif à l'assouplissement des 35 heures que nous avons voté il y a quelques semaines. En réalité, dans notre philosophie, la réduction du temps de travail peut être, dans certains cas, un instrument défensif face aux difficultés que rencontre une entreprise. Mais c'est à l'entreprise, à ses salariés, dans le cadre d'un dialogue, de décider de l'appliquer le cas échéant. Cette disposition ne doit pas être imposée à l'ensemble des entreprises, comme le fait la loi de modernisation sociale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 33.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Avec cet amendement, la majorité fait régner dans cet hémicycle un parfum de revanche sociale...
    M. Gaëtan Gorce. Tout à fait !
    Mme Odile Saugues. ... et démontre que ses déclarations compassionnelles, lors de l'affaire Michelin, n'étaient que des larmes de dame patronnesse. Qu'a voulu le législateur en introduisant cette disposition dans le code du travail ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Développer la lutte des classes !
    Mme Odile Saugues. Nous formulions une évidence morale et une exigence sociale : avant d'envisager des licenciements économiques et de présenter un plan social, un employeur devait avoir exploré toutes les pistes pour préserver l'emploi. Et parmi ces pistes, il y a la réduction du temps de travail. Le nier, mesdames, messieurs, c'est nier le bilan incontestable des lois Aubry. C'est aussi nier les résultats de la loi Robien, en particulier dans son volet défensif. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. S'il vous plaît ! N'en parlons pas !
    Mme Odile Saugues. Il est pourtant bien de votre côté, M. de Robien ! Oui, la réduction du temps de travail permet d'éviter les licenciements économiques. Elle favorise la création d'emplois et participe au dialogue social et au progrès pour les salariés. Votre exposé des motifs, en niant ce processus historique et les conquêtes que représente la RTT pour les salariés, me laisse à penser que, peut-être, Thémistocle Lestiboudois n'est pas mort ! Cet honorable parlementaire du Nord pensait qu'interdire le travail aux jeunes enfants de moins de dix ans les empêcherait de produire un travail de qualité plus tard !
    En affirmant que la réduction du temps de travail ne constitue pas un outil de préservation de l'emploi, vous ne niez pas seulement une évidence sociale, vous ne demandez pas seulement la suspension ou l'abrogation de l'amendement Michelin, vous mettez en cause la nature même du plan social et des mesures d'accompagnement au rang desquelles figure la réduction du temps de travail !
    Notre volonté était aussi marquée par une exigence de dialogue social et de concertation. Avec ce dispositif, que vous dénonciez hier comme un gadget inopérant ou une atteinte insupportable à la liberté d'entreprendre, nous invitions les partenaires sociaux à engager des négociations sérieuses et loyales, et chacun devait prendre ses responsabilités. Je note d'ailleurs que si les signataires de cet amendement réfutent cette argumentation, ce qui est leur droit, ils devraient examiner la réalité de ce dispositif, justement à partir de l'exemple du groupe Michelin. En effet, loin de vos postures idéologiques, l'entreprise a finalement accepté d'ouvrir des négociations. Elle a conclu un accord qui, s'il n'est pas parfait, prévoit tout de même 1 000 embauches. Elle a signé une convention de cessation anticipée d'activité...
    M. Jean-Michel Fourgous. Cela n'a rien à voir !
    Mme Odile Saugues. Si monsieur ! Il fallait d'abord avoir engagé une négociation pour pouvoir signer cette convention de cessation anticipée d'activité, qui se traduira par l'embauche de 2 000 personnes - je peux vous dire que, pour la ville de Clermont-Ferrand, cela compte ! - dans ses usines françaises, en contrepartie du départ de 4 900 salariés de plus de cinquante-sept ans.
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est de la manipulation, de la désinformation !
    Mme la présidente. Je vous en prie, laissez Mme Saugues terminer son intervention !
    Mme Odile Saugues. Voilà la réalité. Par ailleurs, cette disposition emblématique concourt à une utilisation plus vertueuse des fonds publics dans le cadre des plans sociaux, ce qui correspond, j'en suis convaincue, à une attente légitime face aux dérives que nous avons pu constater et que nous dénonçons régulièrement.
    L'amendement que vous nous présentez marque très clairement la différence de nos analyses en matière de politique économique et sociale, mais il va bien au-delà en réalité : contrairement à vous, nous ne considérerons jamais que la liberté d'entreprendre, c'est la liberté de licencier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Je veux, moi aussi, exprimer mon indignation devant ces amendements qui vont à l'encontre de tous les propos vertueux tenus ici sur le dialogue social, la nécessité de permettre le développement économique, de ne pas entraver la liberté d'entreprendre.
    M. Jean-Michel Fourgous. Et l'emploi !
    Mme Jacqueline Fraysse. Là, nous ne sommes plus dans ce registre, nous sommes dans celui de la basse vengeance. Vous manquez d'arguments, permettez-moi de vous le dire. Vous ne semblez pas connaître le dossier de Michelin...
    M. Jean-Michel Fourgous. Eclairez-nous !
    Mme Jacqueline Fraysse. ... et vous lancez des mots qui n'ont pas beaucoup d'intérêt et que chacun appréciera à leur niveau. L'amendement Michelin est très significatif de la démarche que nous voulions enclencher dans le domaine du dialogue social, justement.
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est quoi le problème Michelin ? Expliquez-nous !
    Mme Jacqueline Fraysse. Nous considérons que les licenciements ne peuvent être acceptés que s'il y a de vraies raisons, des raisons économiques, avec des difficultés financières, éventuellement, cela dans l'intérêt du pays et pas seulement des actionnaires individuels. Quand on est député, on essaie de prendre en compte l'intérêt général puisque l'on représente la nation. L'amendement Michelin s'inscrivait dans cette perspective. En le supprimant, vous cautionnez ce que nous avons appelé les licenciements boursiers, qui font fi de l'intérêt national, du développement économique, et servent la spéculation boursière qui occasionne de graves dégâts, nous le savons tous.
    J'ajoute que la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 janvier 2002, a posé comme principe l'obligation de négocier la réduction du temps de travail pour préserver l'emploi. Si l'amendement n° 33 était adopté, cela briserait l'avancée jurisprudentielle de la Cour de cassation. Vraiment, la droite va loin dans sa démarche contre les salariés de ce pays !
    M. Jean-Michel Fourgous. Pas aussi loin que vous êtes allés !
    Mme Jacqueline Fraysse. Elle montre là son vrai visage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Bourragué.
    Mme Chantal Bourragué. Nous n'avons vraiment pas la même analyse de la situation.
    M. Gaëtan Gorce. En l'occurrence, cela nous rassure !
    Mme Chantal Bourragué. En fait, que se passe-t-il ? Pourquoi avons-nous proposé la suspension de l'article 96 de la loi de modernisation sociale ? Tout simplement parce que, aujourd'hui, avec l'application de la loi Aubry, toutes les grandes entreprises sont déjà passées aux trente-cinq heures.
    Mme Odile Saugues. Mais non !
    Mme Chantal Bourragué. Nous n'agissons donc pas contre les salariés ; nous proposons une simplification juridique. D'ailleurs, M. Le Garrec a dit lui-même, hier soir, que cette mesure n'était plus nécessaire puisque les grandes entreprises étaient déjà passées aux trente-cinq heures.
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
    Mme Chantal Bourragué. Ensuite, il est vrai que nous n'avons pas le même projet de société que vous. Nous pensons que la confiance doit régner entre les partenaires sociaux et que la rigidité, la complexification des textes, leur accumulation ne permettront pas à la société de fonctionner dans de meilleures conditions. Voilà pourquoi nous proposons cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Depuis ce matin, nous débattons âprement, mais sérieusement. Madame Bourragué, je peux vous retourner la question : si toutes les entreprises sont passées aux trente-cinq heures, pourquoi voulez-vous suspendre l'application de l'article 96 ?
    M. Richard Mallié et M. Daniel Mach. Parce qu'il n'a plus lieu d'être !
    M. Maxime Gremetz. Il peut rester une entreprise qui n'est pas passée aux 35 heures dans les conditions prévues par la loi ! Cet amendement est symbolique. C'est un geste fort que vous faites en direction du MEDEF. Vous avez décidé d'assouplir les 35 heures, parce que vous ne pouvez pas faire autrement - revenir dessus serait un problème -, mais vous dites au MEDEF de ne pas s'inquiéter. C'est un geste politique, pas autre chose.
    Il a été dit qu'on ne pouvait rien à la situation de Michelin. On sait quels dégâts a fait ce genre de déclaration malheureuse. Or nous avons montré avec un amendement symbolique qu'on y pouvait quelque chose.
    Mme Catherine Génisson. Exactement !
    M. Maxime Gremetz. Et vous voulez l'enterrer. Mais si vous supprimez les symboles, en plus des lois favorables aux salariés, que va-t-il rester ? Absolument rien !
    M. Richard Mallié. On simplifie !
    M. Maxime Gremetz. M. le rapporteur a tout à l'heure parlé d'« économie ouverte ». Mais économie ouverte ne veut pas obligatoirement dire économie privée. Il y a aussi les systèmes d'économie mixte, comme c'était le cas pour notre pays. Je dis « était » parce que l'Etat, c'est-à-dire nous les Français, va donner 9 milliards d'euros à France Télécom pour mieux privatiser cet extraordinaire bijou technologique. Un certain journal du soir a donc raison de titrer que c'est le début de la fin de l'économie mixte en France. Vous allez tout privatiser, même les services publics, alors que vous prétendez les défendre.
    M. Richard Mallié. Que faites-vous des 105 000 salariés concernés ?
    M. Maxime Gremetz. Nous nous sommes assez battus sur cet amendement Michelin pour que nous intervenions avec force afin qu'il ne disparaisse pas. C'est une douleur pour nous. Et nous demandons un scrutin public
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Madame la présidente, Mme Bouragué a voulu me citer et je voudrais rappeler quels étaient mes propos exacts. J'ai simplement dit que les grandes entreprises étaient pour la plupart d'entre elles, pour ne pas dire toutes, passées aux 35 heures. D'où le caractère politique de la suppression de cet amendement. De plus, il ne faut pas oublier que l'amendement Michelin concernait les entreprises de plus de cinquante salariés qui, elles, ne sont pas toutes passées aux 35 heures. Enfin, il y a quelques instants, j'ai fait part au ministre de mes doutes sur la possibilité d'aboutir à une négociation.
    Par ailleurs, j'ai déclaré que toute la politique qui était menée comportait des risques sociaux dans un climat économique extrêmement incertain. Et la suppression de cet amendement, geste politique à forte portée symbolique, ne fait qu'accroître les risques évoqués, risques sur le plan social, risques sur le plan du chômage.
    Mme la présidente. Nous en venons au vote sur l'amendement n° 33 qui fait l'objet d'un scrutin public à la demande du groupe socialiste et du groupe communiste.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 33.
    Le scrutin est ouvert.
    Mme la présidente. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   50
Nombre de suffrages exprimés   50
Majorité absolue   26
Pour l'adoption   39
Contre   11

    Mme la présidente. L'Assemblée nationale a adopté.
    Les amendements n°s 46 et 100 sont satisfaits.

Rappel au règlement

    M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.
    M. Gaëtan Gorce. Rappel fondé sur l'article 58. Je demanderai d'ailleurs une suspension de séance à l'issue de cette intervention très rapide.
    Je disais tout à l'heure que le Gouvernement avançait masqué. De temps en temps, pour être bien reconnu de ses partisans, notamment des plus extrêmes, il tombe le masque pour montrer qu'il est toujours bien le même et que la conduite à droite peut s'accompagner d'embardées qui sont attendues par cette majorité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Gaëtan Gorce. Cela me rappelle un peu cette affiche de publicité : « Demain, j'enlève le bas. ». Voici quelques semaines, le Gouvernement a enlevé le haut avec les 35 heures, et maintenant, il enlève le bas. Autrement dit, les 35 heures n'existent plus. Ce n'est même plus la peine de défendre un amendement comme l'amendement Michelin qui posait un principe déjà affirmé par la jurisprudence. Le groupe socialiste ne peut pas accepter ce dérapage, car c'est bien de cela qu'il s'agit, même s'il est manifestement très contrôlé par ce gouvernement et cette majorité. Je demande dix minutes de suspension de séance pour une réunion de groupe.
    Mme la présidente. Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.
    M. Gorce et M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 63, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "97. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n'arrivons pas à nous débarrasser de l'idée que le dispositif mis en oeuvre tend à supprimer, et non pas à simplement suspendre, l'ensemble de la loi de modernisation sociale. C'est pourquoi l'amendement 63 entend préserver l'article 97 de cette loi.
    Je rappelle que cet article a permis de compléter le titre III du livre II du commerce par un chapitre IX, plus particulièrement par un article L. 239-1 précisant que : « Toute cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés doit être précédée, lorsque cette cessation n'est pas imputable à une liquidation de la société dont relève l'établissement, d'une décision des organes de direction et de surveillance dans les conditions qui sont définies ». Il prévoit en outre que cette décision est prise après consultation du comité d'entreprise et que les organes de direction et de surveillance statuent sur présentation d'une étude d'impact.
    Cet article, on le voit, concerne la prise de décision et non la négociation. Avec ce projet de loi, vous y allez donc à la louche puisque vous suspendez aussi des articles qui n'ont pas pour objet principal la négociation.
    Le dispositif mis en place avait un double objet : d'une part, éviter que le chef d'entreprise soit seul à prendre la décision de cessation d'activité en y associant activement les organes de direction et de surveillance de la société ; d'autre part, informer davantage les organes de direction et de surveillance, en vue de les sensibiliser aux conséquences sociales du projet de restructuration.
    Le supprimer, c'est donc porter atteinte à la fois aux intérêts de l'entreprise et aux intérêts de la collectivité : aux intérêts de l'entreprise parce que, comme l'a rappelé très récemment le rapport Bouton, l'amélioration des pratiques de gouvernance des entreprises doit être renouvelée ; à l'intérêt collectif, parce que, s'il n'y a plus d'étude d'impact, les problèmes ne pourront plus être analysés et évalués très en amont de la mise en oeuvre du projet de restructuration lui-même.
    Le dispositif instauré par l'article 97 de la loi de modernisation sociale était un bon dispositif. En l'intégrant dans l'article 1er, vous affectez le processus de prise de décision par l'entreprise et ses organes délibérants.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable. Ce n'est pas bien sûr parce que les élus locaux que nous sommes presque tous se désintéressent des conséquences sociales et territoriales des cessations d'activité. Mais les décrets d'application n'ont pas été publiés. En outre, l'étude d'impact social et territorial nous paraît être une mesure de procédure sans grand effet. En tout cas, elle ne semble pas de nature à répondre au caractère dramatique de l'enjeu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, la discussion sur le fond aura toujours lieu avec les élus représentant le personnel. Le comité d'entreprise a une compétence en la matière qui n'est en rien affectée. L'article 97 ne fait que formaliser les procédures en amenant les partenaires sociaux à s'attacher davantage à la mise en forme d'un document d'étude d'impact qu'au fond de la discussion, comme c'est le cas de beaucoup des articles de cette loi. Je crois donc que la suspension est bien justifiée.
    Les partenaires sociaux apprécieront, dans le cadre de la négociation, la manière dont s'organiseront les échanges entre les acteurs locaux du dialogue social. S'il faut aller au-delà du droit antérieur, ils feront des propositions et le Gouvernement les soumettra ensuite au Parlement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, je ne crois pas que vous ayez répondu sur votre intention de sortir ou non le décret concernant la réindustrialisation des bassins d'emploi.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas l'objet de l'amendement.
    M. Gaëtan Gorce. Je profitais de l'opportunité car vous avez évoqué la question de la relation avec les élus et il est clair que la réindustrialisation est directement liée au problème de territoire.
    Mme la présidente. M. le ministre vous répondra au moment où un amendement portant sur ce point viendra en discussion.
    Je mets aux voix l'amendement n° 63.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce et M. Le Garrec et les membres du groupes socialiste ont présenté un amendement, n° 64, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "98. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Même argumentation que sur l'amendement précédent, mais il s'agit cette fois des projets de développement stratégique. Je rappellerai, que, contrairement à ce qu'a dit M. le ministre, le dispositif prévoit un préalable à la décision. C'est cela qui est important dans les articles 96 et 97 dont on veut suspendre l'application.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons qu'elle a repoussé le précédent.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que sur l'amendement précédent.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 65, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "99. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article 99 qu'on a mis dans cette louche que je considère un peu grande visait à modifier la rédaction du deuxième alinéa de l'article 321-3 du code du travail. En fait, il s'agissait de rendre cohérents les dispositifs de consultation des instances représentatives des personnels et des organes de direction de l'entreprise, respectivement prévus dans le code du travail et dans le code de commerce. L'article 99 tendait en réalité à mettre un terme à un flou juridique ou plus exactement à une accumulation de décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation qui avait expliqué que les décisions concernant le dispositif de négociation, tant dans le cadre du code du travail que dans celui du code de commerce, devaient intervenir séparément, tout en pouvant être concomitantes, mais en restant distinctes. La nouvelle rédaction avait repris l'ensemble de ces dispositions et organisé de manière très précise les modalités de concertation.
    Mais si vous suspendez l'application de l'article 99, nous allons en revenir à la situation antérieure, considérée par tous comme confuse parce que née de l'accumulation successive des jurisprudences de la Cour de cassation. Même le Sénat avait estimé qu'il était nécessaire de clarifier les choses. C'est dire que si l'article 99 est emporté dans la « louche des suspensions », vous allez ramener le débat à ses données antérieures et surtout introduire une nouvelle étape jurisprudentielle, après l'étape d'avant l'article 99, puis celle de l'article 99. Or il ne paraît pas utile d'ajouter encore à la complexité jurisprudentielle. En outre, l'article 99 ne peut pas être considéré comme faisant obstacle à la volonté du Gouvernement. Cet amendement devrait pouvoir faire l'objet d'un consensus.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cet amendement a été repoussé. L'intention qui a présidé à la rédaction de cet article 99 était bien d'informer le personnel le plus en amont possible des conditions, notamment économiques, dans lesquelles évolue l'entreprise. Il s'agissait de distinguer deux temps : celui où l'on explique qu'il y a un projet de restructuration et celui où l'on précise les conséquences sur l'emploi. Certes, on peut se rejoindre sur la nécessité de donner des informations le plus en amont possible. Mais comment traduire correctement cette idée puisque, dès la première phase du dispositif que vous proposez, on sait déjà qu'il y aura des restructurations et donc des conséquences sur l'emploi ? En fait, l'information sur le contexte économique ne sera pas vraiment améliorée. En revanche, on va ouvrir une période d'attente, dont on peut considérer qu'elle est nécessaire, mais qui risque d'être particulièrement difficile à vivre pour ceux qui seront ou qui craignent d'être concernés par la mesure.
    Donc, encore une fois, si dans le cadre des discussions qui vont s'engager, les partenaires sociaux peuvent aboutir à un système permettant d'informer le plus en amont possible, ce sera une oeuvre utile. En tout état de cause, c'est plutôt dans dix-huit mois que ce type de proposition trouvera toute sa place.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. La non-concomitance des procédures est responsable de nombre des difficultés que rencontrent aujourd'hui les entreprises. Depuis six mois, j'ai vu se succéder dans mon bureau des délégations syndicales venant y compris d'une ville chère à M. Gremetz. Elles venaient m'expliquer que cette non-concomitance constituait un véritable obstacle, en particulier quand il s'agissait de mettre en place des solutions de réindustrialisation ou de reprise, qui supposaient une plus grande rapidité de décision et une plus grande réactivité.
    Supprimer la référence à l'article 99, c'est évidemment toucher au coeur du dispositif de réforme que nous proposons.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, il n'est pas étonnant que vous refusiez cet amendement puisque vous voulez revenir, en fait, à la concomitance des deux phases de la procédure de consultation prévues par le code du travail aux livres III et IV que nous avions précisément distinguée. Avant le vote de la loi de modernisation sociale, le comité d'entreprise ne pouvait pas contester le bien-fondé économique des licenciements annoncés par telle ou telle direction. Le droit d'opposition avec recours suspensif que nous avons introduit a permis au comité d'entreprise de donner son avis sur le motif prétendument économique, et bien souvent boursier, du licenciement et de faire des contre-propositions que la direction était obligée d'examiner. L'objectif était de parvenir à un accord. A défaut, un médiateur pouvait intervenir, le recours devant le tribunal de grande instance étant prévu en dernier ressort. Mais puisque vous voulez déposséder le comité d'entreprise, les délégués du personnel et donc n'importe quel salarié du droit de donner son avis, il est logique que vous refusiez cet amendement.
    La loi de modernisation sociale obéissait à une logique. Il s'agissait d'essayer de parvenir à un accord pour éviter des licenciements. Ce n'est pas parce qu'un dirigeant considère qu'il faut licencier mille salariés qu'il a forcément raison. Peut-être que d'autres solutions existent. C'est pour cela que nous avions prévu que le comité d'entreprise pouvait présenter des contre-propositions. Il ne s'agissait pas d'allonger les procédures. Il est vrai que, vous, vous préférez donner de grands coups de balai.
    Ayant reçu des nouvelles de la société APPI, dont j'ai évoqué la situation, ce matin, je n'ai pu assister au début de la séance. Mais Mme Fraysse m'a brillamment remplacé.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avantageusement remplacé ! (Sourires.)
    M. Richard Mallié. M. Gremetz est irremplaçable ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Voilà qui montre là encore que l'intelligence collective est bien supérieure à l'intelligence de chacun d'entre nous ! Vous avez malheureusement tendance à l'oublier trop souvent.
    Whirlpool a donc annoncé à APPI qu'elle mettait un terme à ses contrats de sous-traitance. Et APPI, qui travaille pourtant depuis des années pour Whirlpool, n'a pas eu son mot à dire. Demain donc, le tribunal va prononcer la liquidation de l'entreprise, sans que les salariés aient été informés, sans qu'ils aient pu en discuter. Whirlpool a décidé du jour au lendemain du sort d'APPI. Comme c'est facile ! Et on s'étonnera après que le chômage augmente. Eh oui, le chômage va encore progresser dans l'agglomération amiénoise ! On en est déjà à 16 000 chômeurs. Combien seront-ils demain ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous avez augmenté les plans sociaux ces cinq derniers mois !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, ne vous laissez pas interrompre.
    M. Maxime Gremetz. Demain, le tribunal va décider la liquidation de l'entreprise et les salariées APPI n'ont toujours pas perçu leur salaire du mois de novembre. C'est contraire au droit. Elles ont travaillé et doivent donc recevoir leur salaire. La direction départementale du travail doit y veiller. Que vont devenir ces femmes et leur famille, dans une région sinistrée ? Que va-t-on faire concrètement, au-delà des grands discours ? On pourra me dire que je n'ai pas le monopole du coeur. Je n'ai en effet le monopole de rien.
    M. Richard Mallié. Si de la parole !
    M. Maxime Gremetz. Seulement, en attendant, c'est moi que ces salariées appellent. Et j'essaie de faire en sorte que le tribunal de commerce ne décide pas, dès demain, que tout est fini.
    Il faut informer les gens ; il faut leur donner la possibilité d'intervenir. Le délégué du personnel que j'ai été connaît très bien le sujet. Tant de plans de licenciements ont été mis en oeuvre sans que personne n'ait pu donner un avis !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, il faut conclure.
    M. Maxime Gremetz. Rappelez-vous l'affaire Yoplait. La cour sociale du tribunal d'Amiens avait décidé que le licenciement économique n'était pas justifié. Elle avait donc ordonné la réintégration des salariés de chez Yoplait. Mais comme la loi de modernisation sociale n'existait pas encore, la décision est intervenue huit mois après, et quand les salariés sont retournés dans leur entreprise, il n'y avait plus rien. Les machines avaient disparu. Voilà la réalité. Alors, cessez donc d'invoquer la longueur des procédures pour suspendre la loi de modernisation sociale. Ce phénomène n'est pas nouveau.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, n°s 34, 42 et 101.
    L'amendement n° 34 est présenté par Mme Bourragué, MM. Morange, Anciaux, Bernier, Hamelin, Colombier, Couanau, Cugnenc, Depierre, Fagniez, Juillot, Tian, Mmes Levy, Gallez, Marland-Militello et M. Dubernard ; l'amendement n° 42 est présenté par M. Dassault et M. Fourgous ; l'amendement n° 101 est présenté par MM. Novelli, Moyne-Bressand et Gorges.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le I de l'article 1er, après la référence : "99,, insérer la référence : "100,. »
    La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour soutenir l'amendement n° 34.
    Mme Chantal Bourragué. Cet amendement vise à étendre la mesure de suspension à l'article 100 de la loi de modernisation sociale qui impose à l'employeur de consulter le comité d'entreprise avant toute annonce publique ayant des conséquences pour l'emploi, le non-respect de cette obligation étant assimilé à un délit d'entrave. Nous partageons, bien sûr, le souci d'informer les salariés très en amont des décisions affectant la gestion de l'entreprise. Mais la rédaction de l'article 100 pose un certain nombre de problèmes.
    Tout d'abord, le comité d'entreprise devant être informé et consulté avant toute décision de pareille nature, conformément aux règles qui régissent ses attributions, on voit mal l'intérêt d'une telle disposition. Celle-ci n'ajoute rien aux règles existantes. En outre, la notion d'annonce publique susceptible de déclencher la procédure est très floue. Cette incertitude suscite l'inquétude des entreprises qui soulignent le risque d'une extension extensive de cette obligation, qui serait contradictoire avec le droit boursier et les sanctions qui frappent le délit d'initié.
    Dans un souci de sécurité juridique, nous proposons donc de suspendre l'application de l'article 100, sans vouloir faire obstacle en quoi que ce soit à l'information et à la consultation des comités d'entreprise.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous pour soutenir l'amendement n° 42.
    M. Jean-Michel Fourgous. L'article 100 est source de contentieux parce qu'il est difficile de définir la notion même d'« incidence ». En outre, les dispositions prévues sont redondantes avec le code du travail et la jurisprudence. Par ailleurs, je note qu'une fois encore l'Assemblée avait légiféré en réagissant à des événements médiatiques. Il est triste qu'une majorité politique oublie l'intérêt général et préfère se soumettre à la pression médiatique, quitte à baisser le niveau de compétitivité de nos entreprises et donc le nombre de créations d'emplois. Peut-être serait-il bon d'oublier un peu ces aspects médiatiques pour en revenir à des sujets autrement plus graves. Il s'agit de savoir comment bien faire fonctionner les entreprises, qui créent des emplois et de la richesse et qui, au passage, paient le salaire des députés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Jacqueline Fraysse. C'est intéressant comme point de vue !
    M. Jean-Michel Fourgous. A cet égard, monsieur Gremetz, ne vous en tenez pas à votre expérience de délégué du personnel. Créez donc votre entreprise ! Vous connaîtrez comme ça les aspects du problème, comme salarié et comme entrepreneur. Vous serez ainsi beaucoup plus crédible et surtout beaucoup plus pertinent.
    M. Maxime Gremetz. Si vous me donnez les sous pour le faire, je le ferai ! Je ne suis pas riche moi !
    M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur Gremetz, moi j'ai emprunté 50 000 francs à mes parents pour créer ma petite entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. Revenons-en à l'amendement !
    M. Jean-Michel Fourgous. Enfin, et c'est le plus grave, l'article 100 introduit une contradiction juridique flagrante. Comment l'Assemblée a-t-elle pu voter une telle disposition ? L'entrepreneur en est réduit à choisir entre un délit d'entrave et un délit d'initié. Bravo aux parlementaires qui n'avaient pas même vu ce problème !
    Bien sûr, nous demandons la suspension de cet article.
    Mme la présidente. L'amendement n° 101 est-il défendu ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Oui, madame la présidente, et avec la même argumentation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission.
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a accepté ces trois amendements. Comme l'a dit Mme Bourragué, l'article 100 pose en effet des questions de procédure et soulève un certain nombre de problèmes à caractère plutôt juridique. Je pense en particulier à la distinction entre les annonces qui peuvent être faites et celles qui ne peuvent pas l'être avant ou après la réunion. Les termes sont assez flous et les interprétations divergent. En outre, et comme vous l'avez souligné, les uns et les autres, il y a un télescopage avec le droit boursier, s'agissant notamment du délit d'initié.
    Cela dit, nous sommes également choqués que des salariés puissent apprendre par la presse que leur emploi va être supprimé.
    M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il en va je crois, et c'est l'occasion de le dire ici, de la responsabilité, de l'humanité des chefs d'entreprise qui, dieu merci, ne procèdent pas tous de cette manière. Très franchement, en effet, on peut attendre, dans des circonstances aussi dramatiques, un peu de doigté et de tact, pour ne pas dire autre chose. Chacun doit prendre ses responsabilités et, encore une fois, faire preuve d'humanité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, car les dispositions de l'article 100 sont inutiles ; qui plus est, elles accroissent la confusion.
    La consultation du comité d'entreprise est déjà prévue, au titre de ses compétences générales en matière d'organisation et de gestion de l'entreprise. L'obligation d'informer le comité d'entreprise qui résulte de l'article vaut dans deux cas : à la suite d'une annonce publique relative à la stratégie de l'entreprise sans impact sur l'emploi, et sinon préalablement. Or, ces deux situations sont mal définies. La simple référence à la stratégie de l'entreprise pour imposer une consultation n'a pas de sens. Ainsi, l'article accroît la confusion sans apporter aucune compétence nouvelle au comité d'entreprise.
    Du reste, je rappelle que la directive communautaire sur l'information-consultation impose une consultation en temps utile, et s'applique à tous les pays membres de l'Union européenne. La démarche générale du projet de loi qui repose sur un encouragement à la négociation dans l'entreprise, offrira certainement beaucoup plus de garanties aux institutions représentatives du personnel.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je suis contre cet amendement. Je connais l'entreprise. En général, les salariés connaissent mieux l'entreprise que les patrons : on ne les voit pas souvent, les patrons, vous savez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. Cela suffit, la provocation !
    M. Maxime Gremetz. Ne me provoquez pas non plus ! En tout cas, si vous voulez que je crée une entreprise, donnez-moi de l'argent, vous en avez beaucoup. D'accord ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Michel Fourgous. Je veux bien vous prêter un euro !
    M. Maxime Gremetz. Croyez-moi, elle marchera ! (« Pas dans la communication ! » sur divers bancs.) Surtout pas ! Le secteur ne dégage pas de plus-value, aucun intérêt ! Je peux faire du virtuel, par exemple. (Sourires.)
    Comment les choses se passent-elles, dans une entreprise où les salariés ont la chance d'avoir un comité d'entreprise ? Vous savez bien que ce n'est pas le cas de la majorité d'entre elles.
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous savez pourquoi, au moins ?
    M. François Guillaume. Oui, dans les petites !
    M. Maxime Gremetz. Heureusement, dans ce domaine, la Cour de cassation a enfin pris une décision qui va dans le bon sens : s'il n'existe pas de comité d'entreprise, et s'il n'y a pas eu de constat de carence, l'entrepreneur est désormais considéré comme responsable. C'est une très bonne chose. Heureusement, les juges sont meilleurs que vous sur ce point !
    M. Daniel Mach. Voilà qui fait avancer le débat !
    M. Maxime Gremetz. Madame, vous dites qu'il n'est pas utile d'informer le comité d'entreprise. Aujourd'hui il doit être informé, avant l'annonce du plan, ce n'est pourtant pas toujours le cas. En outre, il faut le consulter. « Consulter », enfin c'est un bien grand mot. On demande : « Comité d'entreprise, est-ce que vous êtes d'accord avec le plan de licenciement ? » - « Non ! » répondent tous les comités d'entreprise. Une fois cette formalité expédiée, « au revoir, messieurs ! » et on lance le plan de licenciement. Voilà comment ça se passe ! Et vous trouvez que c'est encore trop ? Moi pas !
    On peut faire de grands discours sur le dialogue social, mais ce n'est pas qu'un mot, le dialogue social ! Il commence dans les entreprises, avec les comités d'entreprise composés de gens élus démocratiquement par les salariés, et responsables...
    M. Jean-Michel Fourgous. Responsables ?
    M. Maxime Gremetz. Oui, ce sont des délégués du personnel élus, et responsables...
    M. Jean-Michel Fourgous. Sur leurs biens personnels ?
    M. Maxime Gremetz. Ils n'ont jamais de promotion, mais souvent sont licenciés.
    Mme la présidente. Monsieur Fourgous, laissez M. Gremetz s'exprimer.
    M. Maxime Gremetz. Vous voyez, madame la présidente, il n'y a pas moyen de parler !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, continuez, vous avez presque atteint la limite de votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Ils me provoquent. Ils ont tort d'ailleurs, ils ne connaissent pas l'entreprise. Ils n'en voient qu'un bout, ils sont en haut pour recevoir les jetons de présence qui traînent. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais ce n'est pas comme ça que les choses se passent. C'est pourquoi je suis résolument contre l'amendement, et je suis sûr que l'Assemblée, dans son immense sagesse, votera contre ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'initiative prise cet après-midi a vraiment de quoi choquer. Le Gouvernement a mis bien longtemps, semble-t-il, pour découvrir l'intérêt qu'il y aurait à « suspendre » cette disposition ; il s'en aperçoit - je pourrais aussi mettre le verbe apercevoir entre guillemets - au moment où s'engage le débat dans cet hémicycle. Tout cela me semble cousu de fil blanc. Les croisés de la libre entreprise, qui n'ont pas les subtilités des membres du Gouvernement, réclament haut et fort ce que les seconds sont prêts à céder, mais plus discrètement. Pourtant, en l'espace de quelques minutes, avec la suppression de l'amendement Michelin, et maintenant avec cet amendement, nous assistons à la remise en question symbolique de dispositions qui avaient été adoptées en réaction aux événements, le rapporteur l'a indiqué assez clairement en ne donnant que des arguments en faveur de leur maintien. Elles auraient pu être modifiées dans la mesure où, je le reconnais, elles comportent des imperfections. Leur principal mérite était de fonder les rapports entre l'entreprise et les salariés exclusivement sur la dignité. Qu'un chef d'entreprise annonce publiquement - comme nous l'avons vu à de nombreuses reprises au cours de ces dernières années - des décisions qui auront des conséquences directes sur l'emploi sans avoir à aucun moment informé ou associé les représentants du personnel, qu'en allumant sa télévision, un salarié puisse apprendre par une déclaration faite devant des journalistes, à l'occasion d'une conférence de presse ou par un communiqué qu'on va supprimer son emploi, prouve que la société dans laquelle on vit n'est manifestement pas très équilibrée, ni du point de vue économique ni du point de vue social.
    Je regrette que le Gouvernement n'ait pas assumé cette orientation dès le départ, et qu'il fasse faire le « sale boulot » par sa majorité. En examinant d'autres dispositions, nous verrons que le même processus est à l'oeuvre, ce qui traduit une réalité que l'on a cherché à masquer depuis le début du débat : il s'agit, sous prétexte d'assouplir le droit du licenciement, de revenir sur un ensemble de garanties sociales. Telle est la vérité que les auteurs des amendements, et je les en remercie, contribuent à dévoiler, mais il est clair que la stratégie du Gouvernement a été mûrement réfléchie. Il veut mettre en cause des dispositions symboliques, et auxquelles sont attachés non seulement ceux qui les ont votées mais aussi les salariés et tous ceux qui pensent que la société doit préserver un équilibre entre l'économique et le social. En entendant certains propos ou commentaires, je pense aux accusations d'archaïsme lancées contre la gauche hier. Où est l'archaïsme ? Chez ceux qui recherchent un équilibre entre l'économique et le social ? Ou chez ceux qui passent leur temps à dénoncer le social dès qu'il pointe le nez à la porte de l'entreprise ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Et la démagogie ?
    Mme la présidente. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Je ne reviendrai pas sur l'argument du ministre, parfaitement fondé juridiquement, mais sur la réalité des entreprises. On voit bien que M. Gremetz n'a pas vécu l'entreprise de l'intérieur...
    M. Maxime Gremetz. C'est vous qui le dites !
    M. François Guillaume. De ce fait, il sous-estime la capacité des salariés, que l'entreprise ait ou non section syndicale et comité d'entreprise. L'information circule, on ne découvre pas du jour au lendemain qu'une entreprise est en difficulté et qu'elle risque de procéder à des licenciements. Cela se sait, se discute même, pour essayer de trouver d'autres solutions. La direction d'une entreprise ne s'abrite pas derrière un mur de silence. Elle s'efforce, avant tout, en parfait dialogue avec les responsables, mais aussi avec les représentants syndicaux du comité d'entreprise, d'éviter les solutions irrémédiables. Il y a une vie, un dialogue au sein des entreprises et cet argument s'ajoute à celui, plus juridique, de M. le ministre, pour conforter les auteurs des amendements.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 34, 42 et 101.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 66, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "101. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je présenterai également l'amendement n° 67, si vous le voulez bien, madame la présidente, qui est de coordination.
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 67, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "102. »
    Vous avez la parole, monsieur Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les masques sont tombés, en effet. Pour soutenir un de ses amendements, la droite vient d'évoquer les dispositions de l'article L. 432-1 du code du travail qui impose de consulter le comité d'entreprise. Mais, dans le même temps, le projet qui nous est soumis propose de suspendre l'article 101 de la loi de modernisation sociale, qui a précisément pour objet de structurer le contenu dudit article en fixant la procédure à suivre. De la sorte, la stratégie à double détente est flagrante : par devant, la droite, en service commandé, remet en cause des éléments que le Gouvernement ne veut pas contester directement, et par derrière, le Gouvernement en suspendant aussi l'article 101, compromet le processus de consultation du comité d'entreprise. La suspension provoque le retour à la rédaction ancienne de l'article L. 432-1 du code du travail qui, elle, ne prévoit qu'une communication au comité d'entreprise, ce qui n'a rien à voir.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je ne suis pas d'accord avec votre interprétation. Vous parlez de communication tandis que le texte, lui, parle de consultation.
    L'article 101 précise aussi le rôle du médiateur. Vous l'avez peu mentionné. Apparemment, ni les uns ni les autres n'ont mis un grand empressement à définir la liste de ceux parmi lesquels il pourrait être choisi, ce qui prouve que vous n'en attendiez sans doute pas grand-chose. Le sujet avait d'ailleurs fait l'objet de nombreuses discussions à l'époque.
    Encore une fois, l'article 101 n'est que suspendu, de même que l'article 106, par souci de cohérence qui, lui aussi, fait référence au médiateur.
    Si, au cours de la période de dix-huit mois qui va s'ouvrir, les partenaires sociaux considèrent que le médiateur est indispensable, ils en informeront le ministre. Là réside la vertu de la suspension qui nous permettra, le cas échéant, de rétablir le texte.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est hostile à ces deux amendements. Je m'en suis déjà expliqué hier en soulignant combien était étrange l'idée d'imposer un médiateur à l'une des parties. Un médiateur, par définition, doit être accepté par les deux parties, sinon son intervention est une source supplémentaire de complexité juridique et de conflit. Le Gouvernement souhaite que ces amendements soient repoussés.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article ancien ne parlait que d'information. C'est la loi de modernisation sociale qui avait introduit un dispositif de discussion et de médiation.
    Comme beaucoup de procès sont faits à l'ancienne majorité et au gouvernement précédent sur ce dispositif, je rappelle à M. le rapporteur que le décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités de nomination, de saisine et d'exercice des missions des médiateurs et des conditions de rémunération de leurs missions en date du 3 mai 2002 a été publié au Journal officiel le 5 mai suivant. De même, un arrêté du ministre du travail dresse la liste des médiateurs, mais elle n'a pas été publiée.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je vais vous expliquer comment est née l'idée de médiateur. Notre proposition initiale n'en prévoyait pas. Nous l'avons accepté comme un enrichissement.
    L'argument utilisé par la ministre du travail était qu'on ne voulait pas judiciariser les conflits du travail. C'était un faux argument d'ailleurs, car, de toute façon, la loi prévoyait un enchaînement - droit d'opposition, recours suspensif, propositions, rapport du médiateur dans les quinze jours, examen - qui, faute d'accord, se terminait devant le tribunal de grande instance qui devait trancher en dernier lieu.
    La médiation ne rallonge pas du tout la procédure, elle peut même aider dans la mesure où le médiateur n'impose pas telle ou telle solution ; il observe - c'est ainsi que nous avions défini son rôle - les propositions des uns et des autres et donne son avis. Le médiateur devait être désigné sur une liste nationale établie par le ministère du travail. Malheureusement, si le décret a été publié, la liste, elle, ne l'a jamais été. C'est pourquoi, alors que nous voulions nous servir de la loi de modernisation sociale pour Whirlpool, nous n'avons pas pu le faire. Je vous le dis, monsieur Fillon, vous ne pourrez pas me citer un cas où la loi de modernisation sociale a été appliquée à un licenciement collectif. Il n'y en a aucun !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si !
    M. Maxime Gremetz. Montrez-le moi, je serais content de le connaître ! La proposition était tout à fait dans la logique que nous avions acceptée : le médiateur permettait de favoriser les négociations.
    Monsieur Guillaume, vous m'avez dit que je ne connaissais pas bien l'entreprise. C'est bien ça ?
    M. François Guillaume. Oui.
    M. Maxime Gremetz. Vous avez raison. Je l'aurais mieux connue si votre ministre du travail, M. Grandval, ne m'avait pas licencié !
    M. Jean-Michel Fourgous. Il avait peut-être des raisons !
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes bien mal placé, monsieur Guillaume ! Il y en a un qui me dit que je ne connais l'entreprise que d'un côté, et vous que je ne la connais pas du tout. Mettez-vous d'accord, messieurs de la majorité !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Je ne veux pas faire perdre trop de temps à l'Assemblée, mais je tiens à vous dire, monsieur Gremetz, que les entrepreneurs ne sont pas inhumains ; ce sont des hommes comme vous et moi. Il y a des gens qui nous écoutent, arrêtons ce débat !
    Je suis né dans les HLM de Montreuil, et je n'ai pas de leçon à recevoir.
    M. Maxime Gremetz. Voilà un pyromane qui fait appel aux pompiers !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, seul M. Fourgous a la parole.
    M. Jean-Michel Fourgous. Je ne vous parle pas des Messier, mais les petits entrepreneurs en ont marre de passer parfois un tiers de leur temps avec des avocats. Ils ont autre chose à faire !
    Dans ma ville d'Elancourt, le patron de Thomson, une boîte qui représente plusieurs milliards de francs, a eu 9 000 procès-verbaux à cause de vos 35 heures ! Il a fait une dépression nerveuse. Il est pourtant d'une grande qualité humaine. Vous l'avez envoyé en correctionnelle, monsieur Gremetz. Savez-vous le mal que vous faites avec vos propos, avec les lois que vous avez fait voter ?
    M. Daniel Mach. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Mon PDG de Valeo n'est pas comme cela !
    M. Jean-Michel Fourgous. Ce n'est pas contre vous que je m'exprime ainsi, mais c'est la réalité que nous vivons tous les jours.
    M. Jean-Michel Fourgous. Les petits entrepreneurs en ont donc marre de passer un tiers de leur temps avec les avocats, monsieur Gremetz, ils en ont marre d'aller devant les juges. Ce ne sont pas des délinquants mais, à cause de vous, 80 % d'entre eux risquaient de le devenir. (M. Gremetz rit.)
    M. Richard Mallié. Ils n'ont pas de chance : ils ne seront pas amnistiés par Chirac eux !
    M. Jean-Michel Fourgous. Il n'est pas utile d'instaurer un tel climat en France. Ces gens-là veulent créer de la richesse ! Ils veulent créer des emplois pour vos enfants, pour les miens ! C'est tout ce qu'ils demandent.
    Je vous rappelle que, contrairement à ce que vous pensez, un chef d'entreprise ne s'approprie pas 80 % du chiffre d'affaires, ni même 50 %. Il gagne en moyenne entre 1 et 3 %.
    M. Maxime Gremetz. J'en ai même vu mendier !
    M. Jean-Michel Fourgous. Cela veut dire qu'il redistribue 97 % du chiffre d'affaires réalisé avec son capital, en prenant des risques, malgré la judiciarisation que vous préconisez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. Ils ne sont pas contents parce que Sarkozy interdit la mendicité !
    Mme la présidente. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Oui, monsieur Gremetz, j'ai dit que vous ne connaissiez pas l'entreprise de l'intérieur. En réalité vous faites comme si vous ne la connaissiez pas lorsque vous affirmez qu'une décision de licenciement peut tomber d'un seul coup ! Or chacun sait que, lorsqu'une entreprise est en difficulté, l'ensemble du personnel en a conscience. Les représentants syndicaux et les membres du comité d'entreprise recherchent avec le patron des solutions pour éviter les licenciements.
    Apparemment vous ne connaissez pas davantage la bonne conception d'une médiation. La vôtre consiste à demander à un médiateur désigné sur une liste préétablie de faire un rapport supplémentaire, ce qui allonge la procédure et fragilise encore un peu plus l'entreprise. A mes yeux un médiateur doit surtout essayer de trouver une solution à un problème avec l'accord des deux parties. Excusez-moi de citer mon expérience, mais j'ai effectivement été médiateur, à la demande, d'ailleurs, des syndicats, monsieur Gremetz. Le chef d'entreprise a accepté que je joue ce rôle. Je n'ai pas fait de rapport. J'ai essayé de rapprocher les points de vue des deux parties et nous avons obtenu un résultat. Il n'y a pas besoin de loi pour cela.
    En outre cela instaurerait un autre état d'esprit et aboutirait à mettre en place des procédures encadrées qui aggraveraient la situation de l'entreprise.
    M. Jean-Michel Fourgous. Donc des salariés !
    M. Daniel Mach. Très bien !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. En conséquence l'amendement n° 67 tombe.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 68, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "104. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s'agit d'un amendement de conséquence qui aurait concerné l'article 104 comme l'amendement n° 66 visait l'article 101.
    Mme la présidente. Il tombe donc aussi.
    Je suis saisie de trois amendements identiques, n°s 35 rectifié, 47 et 102.
    L'amendement n° 35 rectifié est présenté par M. Tian, Mme Bourragué, MM. Juillot, Anciaux, Bernier, Colombier, Couanau, Cugnenc, Depierre, Fagniez, Hamelin, Mmes Gallez, Levy, Marland-Militello et M. Dubernard ; l'amendement n° 47 est présenté par M. Fourgous ; l'amendement n° 102 est présenté par MM. Novelli, Moyne-Bressand et Gorges.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le I de l'article 1er, après la référence : "104, insérer la référence : "105. »
    La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour soutenir l'amendement n° 35 rectifié.
    Mme Chantal Bourragué. Nous demandons que l'article 105 relatif à l'information des sous-traitants soit également suspendu. En effet, les sous-traitants, dans leurs relations avec les entreprises donneuses d'ordre, bénéficient déjà de l'obligation d'information. Dans ces conditions, une information formalisée ne se justifie pas, sauf à alourdir la charge administrative sans améliorer la protection des salariés. Comme cette proposition ne diminue en rien la protection des salariés, nous proposons qu'elle soit également suspendue.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour soutenir l'amendement n° 47.
    M. Jean-Michel Fourgous. Madame la présidente, je défendrai également l'amendement n° 102.
    En faisant obligation à l'entreprise d'informer ses sous-traitants de ses difficultés, l'Etat, dont on connaît la qualité de gestion, veut donner des conseils aux entrepreneurs. Chacun sait le mal que se donne un entrepreneur pour établir de bonnes relations avec ses sous-traitants, notamment quand il négocie des conditions de paiement parce qu'il a des difficultés de trésorerie. Ceux qui ont adopté cet article 105 sont certes très respectables, puisqu'ils étaient des élus du suffrage universel, mais on peut s'interroger sur leurs connaissances et leur compétence en la matière !
    Une telle disposition a des effets néfastes directs : elle augmente les charges administratives dans une période de difficulté, provoque des réunions en chaîne des comités d'entreprise, alors que ces questions relèvent purement et simplement des relations entre acteurs économiques. Pourquoi l'Etat veut-il se mêler de cela ?
    Il faut être cohérent et suspendre l'application de cet article qui fait partie intégrante du dispositif que nous avons décrit.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a accepté l'amendement n° 35 pour les raisons évoquées par Mme Bourragué et par M. Fourgous, même si j'avais, à titre personnel, une position différente. Certes, il est vrai que cette disposition n'est pas très efficace dans les faits, car elle intervient trop tard. Néanmoins, je me sens un peu gêné d'accepter cette suspension de l'article 105, alors que je viens de refuser un amendement de M. Gremetz sur la sous-traitance en raison de l'existence de cet article !
    Je voudrais donc savoir ce qu'en pense M. le ministre.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la présidente, avant de répondre sur cet amendement, je veux indiquer à M. Gremetz qui m'a interrogé tout à l'heure à ce sujet, que la loi de modernisation sociale, en particulier les dispositions dont nous débattons, s'applique aux entreprises depuis sa promulgation, c'est-à-dire le 18 janvier 2002, s'agissant de domaines qui ne nécessitaient pas de décrets d'application. Par exemple, toutes les entreprises qui ont présenté un plan social depuis cette époque ont été obligées de respecter les règles de la non-concomitance des procédures. On ne peut donc pas prétendre que la loi de modernisation sociale ne s'est pas appliquée.
    Quant aux amendements en discussion, ils ne peuvent obtenir l'accord du Gouvernement et je souhaite que leurs auteurs les retirent.
    En effet, l'article 105 a pour objectif de permettre à des entreprises dépendantes d'autres entreprises d'être informées rapidement de tout projet susceptible d'entraîner pour elles une variation de leur activité et d'avoir, par conséquent, des répercussions sur l'emploi. Ainsi les entreprises sous-traitantes peuvent anticiper d'éventuelles difficultés et rechercher d'autres contrats. D'ailleurs cela devrait aller de soi dans une relation de confiance entre donneurs d'ordre et sous-traitants.
    Cette disposition peut être considérée comme un moyen d'éviter les plans sociaux en cascade ou, du moins, d'en atténuer le effets en anticipant le plus en amont possible les conséquences sociales induites par la restructuration de l'entreprise donneuse d'ordres.
    J'ajoute que le Sénat avait adopté cet article en deuxièmez lecture en se contentant d'amender légèrement sa rédaction. Il avait ainsi proposé de supprimer l'adverbe « immédiatement » afin de favoriser plutôt une information concomitante du comité d'entreprise de l'entreprise sous-traitante, mais il n'en avait pas contesté le principe.
    Alors qu'il est indispensable de protéger les sous-traitants, tant les entreprises en tant que telles que les chefs d'entreprise, le signal que l'adoption de cet amendement donnerait risquerait d'être contre-productif.
    A cet égard, permettez-moi de dire au groupe socialiste que je trouve insultant pour le Parlement, pour la majorité, pour le ministre, pour le Gouvernement, les propos selon lesquels ce dernier avancerait masqué, n'assumerait pas ses responsabilités et ferait prendre en charge ses volontés cachées par la majorité. C'est insultant pour la majorité parce qu'elle a son rôle à jouer. Il appartient au Parlement de légiférer et le Gouvernement ne peut pas prétendre rédiger seul tous les textes. C'est insultant pour le Gouvernement parce qu'il assume ses responsabilités. Lorsqu'il est d'accord avec une proposition de la majorité, comme cela a été le cas, il le dit. Il agit de même quand il est réservé sur certains de ses amendements, comme cela est le cas pour ceux qui sont en discussion.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, d'abord, je ne vois pas du tout en quoi le fait de souligner qu'il y a une stratégie politique qui consiste, pour le Gouvernement, à laisser jouer un rôle à la majorité dans la modification d'un projet de loi serait insultant. Personne n'est mis en cause dans ce débat, en raison de cette stratégie. Seuls ceux qui estiment ne pas avoir un rôle politique à jouer peuvent se sentir visés. Personnellement, il me semble normal que la majorité joue son rôle comme nous jouons actuellement celui d'opposants.
    Ensuite, je voudrais lever un voile qui plane sur ce débat.
    L'organisation juridique mise en place ces dernières années a tendu à protéger les entreprises sous-traitantes dans tous les domaines de l'activité économique. Sur ce point précis l'article 105 auquel le Sénat avait effectivement ajouté une dimension, comme l'a rappelé M. le ministre, visait à éviter tout effet de dominos dans les procédures. Cette protection illustrait aussi la manière dont nous posons le problème de l'information dans ces procédures. En effet, au-delà de la nécessaire protection des salariés, il faut penser à celle des entreprises qui peuvent subir les conséquences de la mesure de licenciement collectif ou de réduction des effectifs. Cela est important et je regrette que le Gouvernement ne porte pas autant d'attention aux conséquences pour les salariés qu'à celles pour les entreprises.
    Cela étant, il est évident que l'article 105 a sa vocation propre de protection des entreprises sous-traitantes et qu'il n'est pas porté atteinte au pouvoir de l'employeur en informant ceux qui sont ses collègues, eux-mêmes employeurs, des dispositifs qui vont être mis en place.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Le plus insultant dans les propos de M. Fourgous - mais ce n'est pas étonnant - est qu'il invoque des propos qui n'ont pas été tenus.
    En réalité j'ai dit, mais il n'était pas là ce matin - peut-être parce qu'il a du mal à se lever ? (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, restez-en au débat !
    M. Maxime Gremetz. Vous n'avez rien dit quand il a prétendu que j'insultais tous les entrepreneurs.
    Mme la présidente. Si, écoutez bien ce que je dis, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Vous n'avez rien dit !
    Mme la présidente. Vous relirez le compte rendu !
    Si l'on veut que le débat soit serein, le plus simple est que chacun s'en tienne au fond, autant vous que les autres, monsieur Gremetz.
    M. Daniel Mach. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. C'est lui qui a dit que j'insultais les entrepreneurs alors que je n'ai pas tenu de tels propos.
    Je n'insulte jamais personne. Je travaille tous les jours avec de petits et moyens entrepreneurs et je suis bien considéré par ces gens. Je suis le seul parlementaire à participer à toutes les assemblées générales de la chambre de commerce et d'industrie. Je ne parle évidemment pas des gros entrepreneurs : eux ne m'aiment pas !
    M. Daniel Mach. Les petits non plus !
    M. Maxime Gremetz. J'ai oeuvré en faveur de la création de syndicats, de comités d'entreprise ! Les groupes multinationaux ne m'aiment donc pas ; ils m'ont même mis à la porte ! Or ils me retrouvent chaque semaine comme député à leur porte ! Vous rendez-vous compte ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Les PME votent donc pour vous et croient en vous !
    Mme la présidente. Monsieur Fourgous, laissez parler M. Gremetz, ce sera plus simple.
    M. Maxime Gremetz. Arrêtez, pas d'insulte !
    Par ailleur, monsieur Guillaume, je vous ai cité un exemple et je peux vous amener les salariés en question si vous le désirez.
    M. François Guillaume. Je peux aussi amener les miens !
    M. Maxime Gremetz. Dans une entreprise sous-traitante ils ont appris que deux jours plus tard leur entreprise déposerait son bilan. Voilà en quoi consiste l'information, et je ne parle pas des délégués du personnel !
    M. François Guillaume. Ce n'est pas le sujet !
    M. Maxime Gremetz. Et il s'agit d'une entreprise sous-traitante d'un grand groupe, qui a une communication extraordinaire : Whirlpool !
    M. Richard Mallié. Il n'y a pas que Whirlpool !
    M. Maxime Gremetz. Quelle grande marque ! Voyez comment elle traite une entreprise sous-traitante !
    C'est bien là que se pose le problème de l'amendement n° 35 rectifié. Si l'on n'impose aucune obligation d'information aux donneurs d'ordre à l'égard des entreprises sous-traitantes, comment les salariés pourront-ils être informés ? N'ont-ils pas droit à l'information ? Celle-ci ne doit-elle pas être donnée au moins aux délégués du personnel ?
    Mme Maryse Joissains-Masini. C'est grotesque ! Ça suffit !
    M. Maxime Gremetz. Si vous le désirez, monsieur Guillaume, je me ferai un sacré plaisir de vous amener demain ces salariés après leur passage devant le tribunal de commerce. Amiens n'est pas très loin et cela sera possible si on prolonge un peu le débat. Vous pourrez alors parler dans le concret.
    Mme la présidente. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Monsieur Gremetz, vous êtes un champion de l'amalgame. Dans mon propos, je n'ai pas parlé des sous-traitants. C'est un autre sujet que l'on vient seulement d'aborder. Mon intervention était relative à l'information. Comment circule-t-elle à l'intérieur de l'entreprise ? Les responsables syndicaux, les membres du comité d'entreprise sont à des postes de travail différents - à la comptabilité, à la production ou ailleurs -, mais ils en savent autant que le directeur général et ils peuvent informer les salariés, ce qu'ils ne manquent pas de faire durant leur mandat.
    En ce qui concerne le problème des sous-traitants, je comprends le point de vue des auteurs des amendements. D'abord on peut effectivement craindre que l'information des sous-traitants, qui sont les fournisseurs de l'entreprise, conduise ces derniers à cesser d'approvisionner l'entreprise, ce qui augmentera ses difficultés. Inversement, l'absence d'information risque de placer du jour au lendemain les sous-traitants dans une situation qui peut les mettre en grande difficulté financière, voire les entraîner vers la chute.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Bien sûr !
    M. François Guillaume. Je n'ai signé aucun de ces amendements. J'ai écouté le ministre et je suis de son avis sur cette question : je pense que leurs auteurs devraient les retirer.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Bourragué.
    Mme Chantal Bourragué. Monsieur le ministre, compte tenu de votre avis éclairé sur cette question de la sous-traitance qui nous a montré un autre aspect du problème que nous n'avions pas envisagé, nous retirons notre amendement.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    Mme la présidente. Monsieur Fourgous, faites-vous de même avec les amendements n°s 47 et 102 ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Nous allons être cohérents avec notre majorité UMP et retirer ces deux amendements.
    M. Maxime Gremetz. Ah, l'article 105 n'est pas si terrible que cela !
    M. Jean-Michel Fourgous. Je suis content de voir que même M. Gremetz soutient la position du Gouvernement. L'UMP pourra donc peut-être bientôt ratisser plus large !
    La disposition en cause n'est que l'une des multiples contraintes qu'impose cette loi de modernisation sociale. Or les entrepreneurs n'ont pas besoin de davantage de contraintes. Par exemple lorsqu'un dirigeant d'entreprise apprend qu'un de ses clients, parce que ce dernier a été obligé de l'avertir, a des problèmes de licenciement, il insiste pour obtenir un paiement immédiat, ce qui accroît ses difficultés, voire provoque son dépôt de bilan.
    Cela dit, je me rends au souhait du Gouvernement, mais je lui demande, compte tenu du fait que nous retirons de nombreux amendements, de faire un effort pour les suivants. Il faut tout de même prendre en considération le fait que plus de 2 millions d'entrepreneurs suivent ces débats. Il serait bon de leur envoyer un message, monsieur le ministre, afin de leur montrer qu'ils sont entendus.
    Mme la présidente. Les amendements n°s 35 rectifié, 47 et 102 sont retirés.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 69, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "106. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article 106 de la loi de modernisation sociale avait pour objet de donner la possibilité à l'employeur ou au comité d'entreprise d'avoir recours à un médiateur, recours dont M. Guillaume nous a montré tout à l'heure la pertinence. L'article précisait - question soulevée par M. Guillaume - que la durée de la médiation était limitée à un mois et que le médiateur émettait des recommandations, qui n'avaient force de contrainte et n'entraînaient des effets juridiques dans le cadre d'un accord que si elles étaient acceptées. C'était bien dire que l'on se situait dans le cadre d'une négociation validée par les deux parties. L'intérêt de cette démarche était de donner force contraignante à l'accord constaté par le médiateur, à partir du moment où il était accepté par les parties. Ça, c'était un avantage. S'il n'y a pas de force contraignante à l'accord constaté par le médiateur, tout défaut de respect ne peut que renvoyer à l'arbitrage des juridictions. C'est la raison pour laquelle cet article aurait très bien pu rester dans le dispositif actuel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Comme la commission a donné un avis défavorable à la non-suspension de l'article 101, qui évoquait pour la première fois le médiateur, il est cohérent qu'elle ait aussi donné un avis défavorable à la non-suspension de l'article 106. Je ne reprendrai pas mes arguments, au fond, sur le rôle du médiateur, afin de gagner un peu de temps.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 69.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements n°s 36 rectifié, 48 et 103, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Juillot, Mme Bourragué, MM. Hamelin, Cugnenc, Depierre, Fagniez, Anciaux, Bernier, Colombier, Couanau, Tian, Mmes Gallez, Levy, Marland-Militello et M. Dubernard, est ainsi rédigé :
    « I. - Dans le I de l'article 1er, après la référence : "106,, insérer la référence : "108,.
    « II. - En conséquence, dans le III de cet article après les mots : "les dispositions des articles, insérer la référence : "L. 321-1,. »
    Les amendements n° 48 et 103 sont identiques.
    L'amendement n° 48, est présenté par M. Fourgous, l'amendement n° 103 est présenté par MM. Novelli, Moyne-Bressand et Gorges.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le I de l'article 1er, après la référence : "106,, insérer la référence : "108,. »
    La parole est à Mme Chantal Bourragué pour soutenir l'amendement n° 36 rectifié.
    Mme Chantal Bourragué. Il est défendu.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous pour soutenir l'amendement n° 48.
    M. Jean-Michel Fourgous. Je défendrai en même temps l'amendement n° 103 de M. Novelli, qui a dû se rendre à un conseil municipal, puisqu'ils sont identiques.
    L'article 108 transforme une obligation de moyens en obligation de résultats pour le reclassement par l'entrepreneur des collaborateurs dont il est obligé de se séparer.
    Quand une entreprise perd un marché, ce n'est pas par plaisir ni cynisme qu'elle licencie. C'est parce que, ne pouvant plus payer ses salariés, l'entreprise risque de se retrouver au tribunal de commerce ou en correctionnelle. Le message est peut-être un peu nouveau pour nos collègues de gauche, mais je tenais à le leur faire passer. On ne peut pas demander à une entreprise qui a des difficultés d'obéir à cette obligation.
    Deuxièmement, dans un groupe, on ne saurait imposer aux autres entreprises de recruter les salariés licenciés, car elles veulent souvent sauvegarder leur autonomie, même si elles acceptent de s'associer avec vous. Proposer cela, c'est vraiment méconnaître l'entreprise ! En leur imposant des collaborateurs que l'on doit reclasser, on casserait le climat de confiance. Ce serait donc contre-productif.
    Troisièmement, il faut en finir avec l'économie administrée, choix qu'on n'a pas, à l'évidence, encore fait dans ce pays. L'économie administrée a ruiné la moitié de la planète, et la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Il fait dans la nuance !
    M. Jean-Michel Fourgous. Faut-il alourdir encore l'économie administrée qui pèse sur les entreprises, sur le secteur marchand producteur de richesse ? Dans quel monde vivons-nous ?
    Il faut également préserver les libertés et se limiter à la seule obligation de rechercher un reclassement pour les salariés - donc obligation de moyens - conformément au principe constitutionnel et à la jurisprudence.
    Il vous faut changer de culture, monsieur Gremetz, mais je suis persuadé que vous allez évoluer !
    Rien ne remplace la compétence et l'expérience d'un collaborateur, qui seules produisent de la richesse et préservent durablement des emplois.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a accepté cet amendement, contre l'avis du rapporteur.
    Je précise à M. Fourgous que l'article 108 n'emporte aucune obligation de résultats. Il est simplement demandé que tous les efforts d'adaptation, de formation et de reclassement, y compris dans un niveau inférieur dans l'entreprise, aient été faits.
    A titre personnel, je fais observer qu'il n'est pas très cohérent, alors que nous souhaitons mettre l'accent sur la formation - le ministre l'a encore rappelé plusieurs fois hier et aujourd'hui - d'envoyer un signal à contre-courant, qui pourrait être interprété comme une invitation à ne pas faire tout ce qui doit être fait en matière de reclassement et de formation avant de procéder à un licenciement. J'insiste, il s'agit bien d'une obligation de moyens : il faut faire tout ce qu'il est possible de faire.
    Je le répète, la commission a accepté l'amendement, mais, pour ma part, je le trouve un peu en décalage par rapport à ce que nous souhaitons faire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je voudrais d'abord rassurer M. Fourgous en lui disant que le Gouvernement soutiendra toutes les propositions de simplification qui émaneraient de la majorité, et des amendements seront présentés ultérieurement qu'il souhaite voir adoptés.
    Mais s'agissant de ces trois amendements, il y va de la cohérence de sa politique. Comme vient de le dire le rapporteur à l'instant, l'article 108 ne crée pas une obligation de résultats, mais seulement de moyens. Tout au long des deux dernières campagnes électorales, le Gouvernement, la majorité, le Président de la République ont défendu l'idée - en opposition avec l'esprit de la loi de modernisation sociale - que la seule garantie que nous pouvions offrir aux salariés en matière d'emploi dans une économie ouverte comme la nôtre, c'était une garantie liée à la formation. Et c'est dans cet esprit que nous avons demandé aux partenaires sociaux d'engager une négociation sur la proposition d'un compte individuel de formation professionnelle que le salarié pourrait utiliser en fonction de ses aspirations, mais aussi pour faire face à des difficultés dans l'entreprise.
    Au moment où nous voulons créer ce compte individuel de formation, au moment où nous disons aux salariés qu'il faut regarder les choses en face et dire la vérité, qu'il ne faut pas laisser croire qu'avec des procédures on pourrait interdire les licenciements, mais que nous allons leur proposer une vraie sécurité grâce à la possibilité d'un reclassement, d'une reconversion en cas de difficulté, il me semble que le signal qu'enverrait la majorité en adoptant cet amendement serait contradictoire.
    J'ajoute que le Sénat avait adopté cet article lors du vote de la loi de modernisation sociale, bien qu'il n'ait pas voté l'ensemble du texte, bien entendu.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. L'entrepreneur n'est ni machiavélique ni cynique. S'il procède à des licenciements c'est qu'il y est contraint, dans 90 % des cas ! Or le texte conditionne la validité d'un licenciement économique à la mise en oeuvre de cette nouvelle obligation. Je le répète, une obligation de moyens est transformée en obligation de résultats. Et si le salarié avec lequel vous avez eu un différend ou que vous avez licencié peut prouver que vous n'avez pas respecté cette obligation, il peut attaquer le plan de licenciement et obtenir des indemnités supplémentaires. Cela risque de créer un climat social difficile.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. M. Fourgous va devoir faire jouer son obligation d'adaptation, parce que s'il ne s'adapte pas, manifestement, il va devoir se reclasser, au regard de la stratégie retenue par le Gouvernement. Il n'a pas vu qu'il y avait un jeu de rôles dans cet hémicycle. Pour faire passer un certain nombre d'amendements, ceux qui sont pour nous les plus choquants, comme celui qui remet en cause l'amendement « Michelin », le ministre en refuse d'autres - que vous lui tendez complaisamment - pour bien montrer quelle est sa préoccupation.
    Nous ne tomberons pas dans le panneau !
    Vous dites, monsieur le ministre, que vous avez un problème de cohérence de votre politique. Vous avez plutôt du mal à indiquer clairement jusqu'où vous voulez aller, en prenant toutes ces précautions. Mais la réalité est ce qu'elle est : ce qui a déjà été voté et que vous avez accepté, et ce que vous accepterez sans doute tout à l'heure, tout cela allait dans un certain sens, à l'évidence pas dans le bon sens, ni pour l'entreprise ni pour les salariés. Nous nous faisons un devoir de le rappeler.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Bourragué.
    Mme Chantal Bourragué. Le groupe UMP souhaitait, en vous proposant cet amendement, renforcer la sécurité juridique du texte. Il n'avait nullement l'intention de porter la moindre atteinte au droit à la formation pour les personnes licenciées.
    Nos relations avec le Gouvernement sont des relations de confiance. Il n'y a pas de jeu de rôles, monsieur Gorce !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Très bien !
    Mme Chantal Bourragué. Nous ne faisons qu'accomplir notre mission et user de notre droit de parole en nous exprimant sur les questions que soulève le projet que nous examinons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Par conséquent, au nom de mon groupe, je retire l'amendement n° 36 rectifié.
    Mme la présidente. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
    Monsieur Fourgous, maintenez-vous les amendements n°s 48 et 103 ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Je voudrais être sûr qu'on a bien compris le problème.
    Monsieur le ministre, vous demandez aux entreprises - cela va bien au-delà de la recherche d'un simple reclassement - de prouver que tout a été fait pour que les gens soient reclassés dans le groupe. Ce faisant, vous risquez fort d'augmenter le nombre des contentieux.
    C'est notre conviction, à l'UMP, mais surtout c'est ce que pense le monde de l'entreprise, le monde de la création de richesses. Et il nous a fait passer ce message qui n'est pas celui du seul MEDEF, tant haï de nos collègues de gauche et dont ils ont parlé de façon si haineuse. Le monde de l'entreprise ne comprend pas que nous soyons le seul pays à être soumis à une telle disposition.
    Certes, je peux retirer mon amendement ; je peux même les retirer tous. Là n'est pas le problème.
    Mme Jacqueline Fraysse. C'est ce que vous faites depuis le début !
    M. Jean-Michel Fourgous. Mais c'est le monde de l'entreprise et pas seulement Jean-Michel Fourgous qui s'exprime ainsi. Va-t-on faire un geste pour lui ?
    J'aime bien tout le monde, y compris M. Gremetz mais lui n'a jamais produit un franc de richesse, pas plus que la plupart des gens qui siègent à gauche de cet hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Fourgous, le monde de l'entreprise, nous sommes un certain nombre ici à estimer pouvoir parler en son nom. D'ailleurs, il n'a pas toujours un discours unique. Quant à prétendre qu'une telle obligation n'existe pas dans d'autres pays, c'est faux !
    En fait, il s'agit, dans un groupe, avant de licencier quelqu'un, de regarder s'il n'y a pas un autre poste qu'il serait susceptible de pourvoir. Ce n'est tout de même pas une obligation insupportable, et qui irait à l'encontre de l'intérêt de l'entreprise !
    M. Jean-Michel Fourgous. Pas besoin de la loi pour cela !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il ne devrait pas y avoir besoin de la loi pour cela, en effet.
    Certes, vous avez raison, on peut imaginer que cette disposition, dans certains cas, serait utilisée à des fins de contentieux et que cela compliquerait la vie des entreprises. J'en suis parfaitement conscient et, au fil des réformes, nous nous efforcerons d'y remédier. Mais il faut comprendre que nous engageons notre responsabilité en lançant un message, et qu'on ne peut pas promouvoir l'idée de la formation-sécurité dans un monde économique difficile et, en même temps, voter la suppression d'une obligation faite aux entreprises de chercher à reclasser les personnels avant de décider du licenciement. Il y a là une contradiction qui aboutirait à radicaliser la situation.
    Au fond, ce dont nous avons besoin, c'est de convaincre nos concitoyens que le salut, la solution, en matière économique comme en matière sociale, ce n'est pas interdire le licenciement par la loi, mais promouvoir les capacités d'adaptation des salariés. Ce message n'est pas admis par tout le monde aujourd'hui. Si nous réussissons à le faire admettre, nous aurons fait faire beaucoup plus de progrès à notre système économique et social que si votre amendement était adopté.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien !
    M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Fourgous ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Nous avons déjà le système social le plus destructeur d'emplois des pays modernes ! Continuons comme ça !
    Je retire mon amendement.
    Mme la présidente. Les amendements identiques n°s 48 et 103 sont retirés.
    Je vous rappelle mes chers collègues que, en vertu de l'article 58 de notre règlement, toute interpellation de député à député est interdite.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 70, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "109 ».
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Merci, madame la présidente, d'avoir rappelé cette disposition du règlement car j'avoue qu'il nous est difficile de supporter qu'on nous reproche sans cesse de ne rien connaître à la production de richesses ! Tout le monde participe à la production de richesses dans ce pays, à commencer par les travailleurs. Pour notre part, nous n'accusons pas les chefs d'entreprise de ne pas y concourir.
    Arrêtez donc, monsieur Fourgous, de considérer, parce que vous êtes un chef d'entreprise ou que, aujourd'hui, vous entendez les représenter, que personne d'autre que les chefs d'entreprise ne participe à la création de richesses. C'est inacceptable !
    Mme la présidente. Présentez votre amendement, monsieur Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pardonnez le ton passionné de cette observation, madame la présidente.
    L'amendement 70 propose de garder dans le dispositif l'article 109, lequel stipulait que les critères retenus pour établir l'ordre de licenciement étaient appréciés par catégorie professionnelle. La rédaction antérieure de l'article L. 321-1-1 permettait que trop souvent les entreprises fassent prévaloir les « qualités professionnelles » sur d'autres critères. Le dispositif introduit par la loi de modernisation sociale permettait que les critères soient appréciés par catégorie professionnelle et que soient pris en compte les charges de famille, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, technique souvent pratiquée d'ailleurs par les chefs d'entreprise, et la situation individuelle des salariés. Pour quelle raison supprimer cela, d'autant que l'article L. 321-1-1, dans sa nouvelle rédaction, balaie l'interprétation de la jurisprudence ou la manière dont les tribunaux sanctionnaient les modalités selon lesquelles l'ordre était constitué ? Je ne comprends pas pourquoi cet article est dans la grande « louche » des suppressions.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cet article a donné lieu, au moment de la discussion de la loi de modernisation sociale, à beaucoup de débats.
    M. Gaëtan Gorce. Pas les autres ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Si, bien sûr !
    La loi de modernisation sociale a, en effet, supprimé la mention exprès des qualités professionnelles dans la liste des critères visant à établir l'ordre de licenciement, mais elle n'a pas fourni de liste exhaustive des critères permettant de l'établir. Je vous rappelle que le mot « notamment » figure dans le texte - « ces critères prennent notamment en compte » -, ce qui laisse la porte ouverte aux critères de qualité professionnelle.
    Par conséquent, sans vouloir employer des mots trop forts, il faut quand même reconnaître, entre nous, qu'il y a une certaine hypocrisie à ne pas faire figurer les « qualités professionnelles » parmi les critères retenus pour établir l'ordre des licenciements. Nous savons bien, les uns et les autres, comment les choses se passent en réalité. Prenons l'exemple du monde politique qui est le nôtre. Imaginons que l'UMP, dans un avenir lointain, n'ait plus la majorité qu'elle a. Nous serions obligés de licencier un certain nombre de collaborateurs. Comment ferions-nous ? Nous essaierions bien sûr de tenir compte d'un équilibre social, mais nous ferions entrer en ligne de compte leurs qualités professionnelles. Ce serait d'ailleurs un peu absurde que les meilleurs soient nécessairement les plus pénalisés.
    Il y a donc un peu d'hypocrisie dans tout cela. Je comprends qu'il soit plus pudique de ne pas parler des qualités professionnelles, mais dans la réalité, c'est bien un critère qui continue d'être retenu. D'un autre côté, faire figurer ce terme dans le code du travail, c'est un peu agiter un chiffon rouge, et je comprends les réactions des uns et des autres.
    Il nous semble, en toute hypothèse, que la suspension de l'application de cet article 109, qui rédige l'article L. 321-1-1 du code du travail, n'est pas dramatique, ni dans un sens ni dans l'autre. Encore une fois, que les partenaires sociaux se réunissent, qu'ils reparlent de cette question des critères de licenciement, et dans dix-huit mois nous verrons comment on rédigera cet article, sous l'impulsion, bien sûr, du ministre.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis, madame la présidente.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 49 et 104.
    L'amendement n° 49 est présenté par M. Fourgous ; l'amendement n° 104 est présenté par MM. Novelli, Moyne-Bressand et Gorges.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le I de l'article 1er, après la référence : "109, insérer la référence : ", 110. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour soutenir ces deux amendements.
    M. Jean-Michel Fourgous. L'article 110 de la loi de modernisation sociale a inséré dans le code du travail un article L. 321-2-1 aux termes duquel, en cas de licenciement économique, les entreprises qui n'ont pas encore de comité d'entreprise ou de délégués du personnel se voient infliger une pénalité : elles doivent au salarié licencié une indemnité supplémentaire équivalant à un mois de salaire brut. On se demande pourquoi un salarié devrait avoir un mois de salaire en plus au motif que l'entreprise n'a pas de délégués syndicaux ou de comité d'entreprise ? Quel est le rapport ?
    Une autre disposition du code du travail prévoit déjà, chers collègues de l'opposition, des pénalités sanctionnant ce manquement. Pourquoi faut-il, en plus, indemniser un salarié licencié si on n'a pas de syndicat ou de délégué du personnel ? Mais attendez, vous voulez mettre la France dans quelle situation ? Ça ne vous suffit pas qu'elle ait reculé de dix rangs en compétitivité ? Vous voulez quoi ? Vous voulez ruiner ce pays ? Vous voulez que tout le monde parte ? Vous voulez que tous les capitaux, tous les talents, toutes les entreprises partent ?
    M. Gaëtan Gorce. Les talents partent peut-être, mais vous, vous restez !
    M. Jean-Michel Fourgous. A quel niveau vous fixez la barre ? Quand aurez-vous un réflexe d'intelligence économique et sociale pour notre pays ? Vous attendez que nous tombions au quarantième rang ? A quel moment allez-vous réagir intelligemment ?
    C'est la question que je pose avec cet amendement, en vous rappelant, encore une fois, que cet article 110 est redondant avec une autre disposition du code du travail. Je ne vois pas pourquoi on devrait encore ajouter une pénalité, faire encore payer le vilain chef d'entreprise, la vilaine entreprise. A moins qu'il soit vraiment nécessaire de les persécuter ?
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Si nous nous disons les choses bien calmement et entre nous, ce n'est quand même pas, pour l'employeur, une tâche insurmontable que d'avoir à simplement essayer de consulter le comité d'entreprise, et, s'il n'y a pas de comité d'entreprise, d'avoir à dresser un constat de carence. Par conséquent, il nous semble qu'en suspendant l'application de cet article 110, nous nous placerions de nouveau sur le terrain symbolique. Agiter des chiffons rouges n'est peut-être pas nécessaire dans la période dans laquelle nous sommes, où l'objectif est d'adresser un seul signal très fort, celui du redémarrage du dialogue social. Encore une fois, que les partenaires sociaux discutent de ce qui doit être fait et de ce qui ne doit pas être fait.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Là encore, il faut avoir un souci de cohérence avec l'esprit du projet du Gouvernement, avec la politique sociale qu'il conduit.
    D'une part, nous n'avons pas voulu, à travers cette réforme de la loi de modernisation sociale, remettre en cause directement la situation des salariés. Nous avons voulu remettre en cause les articles qui mettaient en péril l'entreprise en raison des délais, de la complexité, etc., mais nous n'avons pas voulu toucher aux articles qui visaient à protéger individuellement les salariés.
    D'autre part, monsieur Fourgous, beaucoup des pays qui sont devant nous en matière de compétitivité économique sont justement des pays dans lesquels il y a des organisations syndicales fortes, présentes partout dans les entreprises, et un vrai dialogue social. Encore une fois, l'objectif du Gouvernement, c'est de renforcer ce dialogue social, c'est de faire en sorte que demain les syndicats soient plus puissants, qu'ils soient plus forts, qu'ils soient mieux implantés dans les entreprises, pour que le dialogue puisse avoir lieu d'une manière sereine, décrispée et qu'on n'ait plus recours à cet arbitrage permanent du législateur, sur tous les sujets, qui aboutit aux rig idités que vous avez bien raison de regretter.
    Je crois donc que l'adoption de cet amendement, là encore, poserait un vrai problème de cohérence par rapport aux objectifs du Gouvernement et de sa majorité et au message qu'ils veulent envoyer.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. J'observe que M. Fourgous va jusqu'au bout des choses : il veut s'en prendre à la fois au reclassement et à l'indemnisation.
    M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur Gorce ! Soyez crédible !
    M. Gaëtan Gorce. Hier, lors de la discussion générale, nous avons évoqué les comparaisons entre les pays européens. Elles montrent que la France est sans doute le pays qui indemnise le moins bien mais qu'elle est aussi le pays qui essaie de reclasser le mieux. Faire l'un et l'autre, pour un certain nombre de membres de l'UMP, c'est beaucoup trop !
    Certains de mes collègues de l'UMP - mais je ne veux citer personne, car je ne voudrais pas de fait personnel - estiment qu'un mois d'indemnité pour quelqu'un qui est licencié, c'est trop,...
    M. Jean-Michel Fourgous. Quand cela s'ajoute à des indemnités déjà prévues dans le code du travail !
    M. Gaëtan Gorce. ... et qu'il ne le mérite pas. Mais que mérite un député de l'UMP qui, alors qu'il a en principe une influence au sein de sa propre majorité, n'arrive pas à faire voter un seul de ses amendements, ou si peu ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Ça, c'est un peu de la provocation !
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 49 et 104.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. Jean-Michel Fourgous. Ils étaient retirés !
    Mme la présidente. Vous ne les avez pas retirés, monsieur Fourgous. Maintenant, c'est trop tard.
    M. Tian, Mme Bourragué, MM. Hamelin, Anciaux, Bernier, Colombier, Couanau, Cugnenc, Depierre, Fagniez, Juillot, Mmes Gallez, Levy, Marland-Militello et M. Dubernard ont présenté un amendement, n° 37 rectifié, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le I de l'article 1er, après la référence : "109, insérer la référence : ", 111.
    « II. - En conséquence, dans le III de cet article, après les mots : "les dispositions des articles, insérer la référence : "L. 122-14-4,. »
    La parole est à Mme Chantal Bourragué.
    Mme Chantal Bourragué. Cet amendement a pour objet de suspendre l'application de l'article 111 de la loi de modernisation sociale. Cet article s'inspire de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui reconnaît au salarié dont le licenciement a été prononcé nul le droit de demander au juge de décider la poursuite de son contrat de travail. Cette disposition expose les entreprises à une forte insécurité juridique. L'obligation de réintégration peut intervenir plusieurs mois après le licenciement. Il semble que l'indemnité complémentaire soit une mesure que le juge peut apprécier librement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cet amendement n'a pas été accepté par la commission, notamment parce que vous nous proposez dans un autre amendement, madame Bourragué, une autre rédaction de l'article en question. Il paraît assez difficile, si on en suspend l'application, de le récrire un peu plus loin. A mon avis, il faut plutôt retirer cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Bourragué.
    Mme Chantal Bourragué. Je retire l'amendement, madame la présidente.
    Mme la présidente. L'amendement n° 37 rectifié est retiré.
    MM. Gorce, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 71, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, supprimer la référence : "116. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n'y a pas lieu de suspendre l'application de l'article 116 de la loi de modernisation sociale. Je rappelle que cet article avait introduit la possibilité pour l'autorité administrative - c'est-à-dire, en fait, pour l'inspection du travail -, d'être consultée pendant l'ensemble de la procédure, d'intervenir à tout moment et, du même coup, d'introduire des éléments dans la discussion du plan social. Ce positionnement n'était pas inintéressant, l'inspection représentant les services du ministère. C'était une technique qui permettait d'alimenter les débats de l'extérieur de l'entreprise.
    On ne comprend pas bien pourquoi cet article serait dans la charette de suppressions, puisqu'en réalité, il ne dessert personne : l'inspection du travail ne peut pas être suspectée d'être partisane dans le débat interne à l'entreprise, ou alors il faut le dire à M. le ministre. Bien au contraire, elle est dans une position qui lui permet d'alimenter à la fois le point de vue des salariés et la compréhension des enjeux, y compris par les employeurs. Introduire un regard extérieur, c'est une stratégie qui paraît assez bonne. C'est pour cela que je n'ai pas bien compris - et cela concerne bien le fond du débat - pourquoi on veut supprimer la contribution de l'inspection à ce travail collectif.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Nous sommes là vraiment en cohérence avec l'esprit du texte dont nous débattons. L'article dont nous souhaitons que l'application soit suspendue est vraiment de l'ordre de la procédure. D'ailleurs, il avait donné lieu à des débats assez rudes entre vous, chers collègues de l'opposition, lors de la discussion de la loi de modernisation sociale.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s'agissait des modalités !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Alliez-vous supprimer le premier constat de carence ? Bref, vous vous souvenez de tout cela.
    L'article 116 avait introduit un deuxième constat de carence. Si je voulais polémiquer, je dirais : « Pourquoi pas un troisième ? » Il y a un moment où il faut s'arrêter. Ce deuxième constat de carence - et je crois que cela a été dit y compris sur vos bancs -, il intervient trop tard. Le premier a un sens, puisqu'il intervient au stade du projet de plan de reclassement. Le deuxième, lui, concerne le plan définitif, ce qui, au fond, revient quasiment à ériger l'inspecteur du travail en juge. Car quand on en est au stade ultime, c'est le juge qui doit être saisi en cas de désaccord ou de désapprobation.
    J'ajoute que cet article 116 crée une difficulté au plan pratique. Chacun d'entre nous, dans son département, peut constater combien est lourde la charge des inspecteurs du travail. Ils ont déjà bien du mal à faire tout le travail qu'ils ont à faire, notamment dans le cadre des premiers constats de carence. Honnêtement, demander un deuxième constat de carence, cela paraît un peu superfétatoire.
    L'idée de suspendre cet article 116 nous semble donc juste. Là encore, laissons la négociation collective se dérouler. Nous verrons, dans dix-huit mois, ce que nous devons faire sur le plan de la procédure et s'il est possible d'y apporter des améliorations allant dans le sens d'une protection des salariés qui soit plus efficace.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je veux naturellement défendre cet amendement. S'il est vrai que ce débat concerne la procédure, il s'agit aussi d'un débat de fond : quel rôle faire jouer à l'administration ? On est passé de l'extrême interventionnisme, avec l'autorisation administrative de licenciement - qui a très vite montré certaines limites -, à une situation dans laquelle on fait malgré tout intervenir l'administration mais sans lui donner de véritables moyens, et surtout sans faire en sorte que la nature de son intervention soit réellement prise en compte.
    Lorsqu'on est confronté à ce type de situation, et je crois que c'est malheureusement le cas de la plupart des élus à un moment ou à autre de leur mandat, on voit bien que le constat de carence qui est prononcé après la première réunion n'a aucun impact réel sur la procédure. Il peut en avoir dans certaines circonstances, lorsque le dialogue est réellement établi, mais enfin le constat de carence n'est pas une décision qui fait grief, cela a été dit à plusieurs reprises. Il n'a aucune portée juridique concrète. Il constate simplement une insatisfaction, que l'on fait partager aux salariés, d'une certaine manière, puisqu'on leur dit que le plan social n'est pas satisfaisant.
    C'est pourquoi la loi de modernisation sociale avait prévu un second constat de carence, une fois le plan arrêté, qui oblige à une nouvelle discussion, à une réunion du comité d'entreprise pour le compléter. Je rappelle qu'à ce stade, nous n'en sommes pas à l'appréciation du motif économique, nous n'en sommes pas à des procédures qui auraient pour effet de retarder les choses : nous en sommes à l'aboutissement de tout un processus, et donc à la recherche de l'équilibre nécessaire entre la situation de l'entreprise, les droits du salarié et la situation territoriale. Il ne paraît pas choquant de donner à ce constat de carence un élément d'efficacité, d'effectivité, qu'il n'aurait pas autrement.
    J'ajoute que si l'on supprime cette disposition qui, à mon sens, donnait à l'intervention de l'administration une cohérence qu'elle n'avait pas auparavant, on n'aura pas de solution pour la remplacer. J'ai en effet cru comprendre, d'après ce que nous a dit le ministre hier, que dans le champ de dérogation qui va être ouvert à la négociation expérimentale, ces questions relatives au rôle de l'administration ne pourront pas être évoquées. Tant mieux, d'ailleurs, mais enfin, il n'y aura pas de solution de remplacement. Et je ne vois pas les partenaires sociaux, dans le cadre de la négociation interprofessionnelle, déterminer par eux-mêmes les prérogatives qui seraient celles de l'administration.
    Par conséquent, retirer cette disposition, c'est une fois de plus donner une indication, adresser un signal, et un signal négatif, alors que nous sommes là à un stade du processus où l'administration pouvait jouer un rôle équilibrant dans la discussion et faire en sorte que le plan social soit le plus satisfaisant possible.
    Autant on peut discuter, même si nous ne sommes pas d'accord, sur les procédures, sur les délais, sur les « contraintes » qui peuvent être posées aux uns et aux autres, autant, lorsqu'il s'agit d'aboutir, il me paraît normal d'aller jusqu'au bout de la logique qui consiste à dire que l'administration doit pouvoir aider à formuler un plan social qui soit le plus satisfaisant possible et qui corresponde aux obligations légales.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 71.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. MM. Novelli, Moyne-Bressand et Gorges ont présenté un amendement, n° 105, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, après la référence : "116,, insérer la référence : "128,. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Michel Fourgous. L'article 128 de la loi de modernisation sociale incite le comité d'entreprise à une sorte de délation si l'entreprise « sur-utilise » les CDD ou l'intérim. On le pousse à se substituer quasiment à une autorité administrative, pour contrôler l'entrepreneur. Vous voyez, on est toujours dans le même esprit de défiance. On ne présume jamais de l'entrepreneur qu'il puisse faire quelque chose de positif !
    On sait pourtant que les entreprises ont besoin de la souplesse que leur apportent les CDD et l'intérim. Et voilà qu'on demande au comité d'entreprise de se substituer quasiment au juge pour faire de la délation sur l'utilisation des CDD et des contrats d'intérim. Tout cela est bien loin d'une civilisation moderne où l'on fait confiance aux acteurs de l'économie, aux acteurs de l'entreprise, aux acteurs sociaux.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement, même si j'avoue que je suis assez d'accord avec l'esprit de l'amendement défendu par M. Fourgous. On a un peu le sentiment, en effet, que l'employeur est par définition suspect. Par ailleurs, paradoxalement, certains salariés considèrent que l'on peut moins facilement mettre fin à un CDD qu'à un CDI. Ils sont parfois mieux protégés avec un CDD.
    Mais, encore une fois, dans un souci de cohérence - nous ne sommes pas là au coeur du sujet, qui est le licenciement -, la commission a repoussé cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans sa décision de janvier 2002, le Conseil constitutionnel a considéré que, par l'article 128 de la loi de modernisation sociale, le législateur a entendu permettre au comité d'entreprise d'alerter l'inspecteur du travail lorsqu'il lui semble que l'employeur n'a pas respecté l'interdiction de pourvoir durablement à un poste permanent de l'entreprise par un emploi précaire.
    Ce texte ne consacre pas une forme de délation du comité d'entreprise. Il donne un droit d'alerte à ce dernier. Il ne s'agit nullement pour le comité d'entreprise d'établir l'existence d'une infraction que l'inspecteur du travail serait tenu de sanctionner, mais de s'interroger sur l'usage, par l'entreprise, de ces formes particulières d'emploi. Cette disposition vise seulement à instaurer entre le comité d'entreprise et l'employeur un débat sur l'utilisation de ces contrats, conformément d'ailleurs aux compétences déjà reconnues au comité d'entreprise en matière d'information sur la structure et l'évolution de l'emploi dans l'entreprise.
    C'est donc sous réserve de cette interprétation - que je demande à votre assemblée de faire sienne - que je demande à M. Fourgous de bien vouloir retirer cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voudrais rappeler que les contrats à durée déterminée n'ont jamais été considérés comme quelque chose d'illégitime, mais simplement comme quelque chose d'exceptionnel. Le principe, dans le droit du travail, c'est la relation à durée indéterminée. Je rappelle aussi à la représentation nationale que toute la conception du contrat à durée déterminée est née de la jurisprudence. C'est elle qui a construit le contenu de ce qui est devenu un dispositif en 1978, c'est elle qui, pour la première fois, a introduit la notion de contrat à durée déterminée, mais en lui donnant des limites contraignantes, dans des conditions qui sont en elles-mêmes exorbitantes de la situation normale du droit du travail.
    Effectivement, l'usage du contrat à durée déterminée doit rester exceptionnel. Ce contrat n'est pas illégitime, mais il est exceptionnel. Il répond d'ailleurs à des règles légales bien précises.
    Par ailleurs, il ne s'agit pas de dresser le salarié contre l'employeur, mais de reconnaître qu'il y a entre eux, un non-rapport de forces au sens premier du terme, mais un rapport de dépendance. Il est évident que celui qui est demandeur d'emploi se trouve dans une situation de dépendance. Toute la construction du code du travail a tendu à rééquilibrer ce rapport dans le sens d'une meilleure protection du salarié. Il ne s'agit pas de mettre en cause l'employeur comme tel, mais de rééquilibrer un processus de discussion qui, pour le salarié, a d'abord un enjeu alimentaire.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Pour vous faire plaisir, monsieur le ministre, je vais retirer l'amendement. Ainsi, M. Gorce ne pourra pas dire que j'ai été battu. D'ailleurs, je ne vois pas comment j'aurais pu être battu, puisque j'ai retiré mes amendements sous le bénéfice des observations de M. le ministre.
    Cela dit, monsieur le ministre, nous confirmons ainsi l'intervention de l'Etat et de la loi dans l'entreprise française, qui subit déjà les plus lourdes contraintes. Quand on demande aux investisseurs pourquoi ils ne viennent pas en France, la première raison qu'ils invoquent n'est plus l'ISF mais les contraintes sociales qui pèsent sur les entreprises.
    Vous appartenez à l'UMP, vous êtes mon ministre : je retire l'amendement. (Sourires.)
    Mme la présidente. L'amendement n° 105 est retiré.
    M. Fourgous a présenté un amendement, n° 50 corrigé, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, après la référence : "116, insérer la référence : ", 171. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. L'article 171 de la loi de modernisation sociale prévoit l'intervention d'un médiateur en cas de harcèlement. Cet amendement vise à l'ajouter à la liste des articles suspendus, car là, c'est le pompon ! Le médiateur est en effet choisi hors de l'entreprise, sur une liste de personnes ayant elles-mêmes été victimes de harcèlement moral ou sexuel. Il aura donc, ayant été lui-même victime, un a priori bien particulier. Est-il indispensable de choisir un médiateur parmi des personnes ayant été passionnellement impliquées dans un conflit de même type ? Est-ce ainsi qu'on assurera la nécessaire neutralité ?
    En outre, ce médiateur n'est pas sollicité conjointement, mais uniquement par l'employé, ce qui est un comble. Et il risque d'être d'autant plus partisan que, en général, il est membre d'une association de défense des harcelés.
    Tout cela est propre à détériorer le climat de confiance et les bonnes relations au sein de l'entreprise, puisque ce médiateur aura un a priori. Mais n'est-ce pas l'objectif que poursuivent les socialistes ?
    Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de maintenir un bon climat dans nos entreprises. Celles-ci ont besoin qu'on leur « foute » la paix, pour quelles puissent travailler, enrichir ce pays, rembourser nos dettes, payer nos retraites. Je vous rappelle qu'elles seules pourront le faire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, non pas tant pour des raisons de fond, que parce qu'un autre amendement, qui a été adopté par la commission et que nous allons bientôt examiner, réécrit ce dispositif de médiation. Il paraît difficile de suspendre celui-ci alors que nous allons proposer de le modifier. Ce serait faire preuve d'incohérence.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Je retire l'amendement, madame la présidente, dans la mesure où la modification que l'on va nous proposer est préférable à ce qui existe.
    Mme la présidente. L'amendement n° 50 corrigé est retiré.
    M. Fourgous a présenté un amendement, n° 51 corrigé, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, après la référence : "116, insérer la référence : ", 214. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Cet amendement vise à supprimer l'article 214 de la loi de modernisation sociale, qui est caractéristique de ce qu'on appelle « l'exception française ».
    Supposons qu'une entreprise soit détruite par une catastrophe naturelle comme un tremblement de terre ou une tempête, par la chute d'un avion ou par un acte terroriste. Tout est dévasté, l'outil de travail est détruit, vous n'avez plus rien, mais l'entreprise doit payer des indemnités aux salariés pour rupture du contrat de travail ! Elle est considérée comme fautive, comme coupable !
    Le propre de la force majeure étant de résulter d'un événement extérieur, imprévisible et insurmontable pour l'entreprise, il est inacceptable de lui imposer cette indemnisation, qui relève plutôt de la solidarité nationale.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, non pas tant encore une fois pour des raisons de fond, que parce qu'il existe dans un tel cas un mécanisme d'assurance.
    En effet, aux termes de l'article L. 143-11-1 du code du travail. Tout employeur [...] doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement en cas de rupture du contrat de travail pour cause de force majeure... ». A cette fin, il existe un régime d'assurance en garantie des salaires. Par conséquent, ce n'est pas l'employeur qui doit indemniser ses salariés - il serait d'ailleurs bien en peine de le faire - mais l'association de gestion du régime d'assurance des créances des salariés, laquelle leur verse les indemnités qui leur sont dues dans les cinq jours suivant la réception de la demande de l'employeur.
    Le mécanisme étant assez bien « bordé », il ne me paraît pas utile de suspendre cet article.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je confirme les propos de M. le rapporteur. J'ajoute que les dispositions relatives au régime de l'assurance en garantie des salaires sont actuellement à l'étude et feront l'objet de mesures législatives afin d'adapter notre législation au droit communautaire. C'est à l'occasion du débat que nous aurons dans les prochains mois que nous pourrons reprendre cette question.
    Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Fourgous ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Je suis mon ministre UMP et je retire mon amendement, tout en rappelant que l'article 214 de la LMS est inutile, puisqu'il existe un régime assurance.
    Mme la présidente. L'amendement n° 51 corrigé est retiré.
    M. Fourgous a présenté un amendement, n° 182, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le I de l'article 1er, supprimer les mots : "pour une période maximale de dix-huit mois.
    « II. - En conséquence, dans la première phrase du II de cet article, supprimer les mots : "intervenant au cours de cette période et. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    Mme Jacqueline Fraysse. Il est inutile de le soutenir, monsieur Fourgous, vous allez également le retirer !
    M. Jean-Michel Fourgous. On peut dialoguer, on peut être pédagogue, on peut échanger quelques informations !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour la pédagogie, bonjour ! On repassera !
    M. Jean-Michel Fourgous. Je sais que vous êtes de grands entrepreneurs et que vous avez déjà une grande expérience en ce domaine. Mais sachez que, en général, avant d'être entrepreneur, on est salarié ! Si vous voulez des cours en la matière, nous sommes compétents !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si c'est vous qui les donnez...
    Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Fourgous a la parole.
    M. Jean-Michel Fourgous. Le Gouvernement propose une suspension pour une durée de dix-huit mois. Toutefois, quand on appelle à la négociation alors qu'une des deux parties n'y a pas intérêt, je doute du résultat.
    Ce délai de dix-huit mois ne me paraît pas adapté et de nature à renforcer l'insécurité juridique des entreprises, qui n'ont pas besoin de cela en plus ! L'amendement n° 182 tend donc à le supprimer.
    Il faut que les dispositions de la loi de modernisation sociale qui sont suspendues ne puissent en aucun cas redevenir applicables, sinon il n'y aura pas de négociation. Je tenais à appeler l'attention de M. le ministre sur ce point.
    Mme la présidente. Si j'ai bien compris, monsieur Fourgous, vous retirez votre amendement ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Je le retirerai après que M. le ministre m'aura répondu.
    Mme la présidente. Je vais donc suivre la procédure normale en demandant l'avis de la commission et celui du Gouvernement, puis vous me direz ensuite si vous maintenez ou retirez votre amendement.
    Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 182 ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui risque d'entraîner une suppression sine die. Or la période de dix-huit mois est conçue pour essayer d'inciter les partenaires sociaux à aboutir relativement rapidement. Dix-huit mois nous paraissent un délai raisonnable, quand on sait que les partenaires sociaux auront beaucoup de pain sur la planche dans les mois qui viennent, avec les retraites ou avec les ASSEDIC. On peut discuter à l'infini pour savoir quelle est la meilleure durée, mais, en tout état de cause, ce délai de dix-huit mois nous paraît nécessaire pour être suffisamment incitatif.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité Madame la présidente, ma réponse à M. Fourgous vaudra pour les amendements suivants portant sur le délai.
    D'abord, il faut fixer un délai, monsieur Fourgous, faute de quoi il ne s'agit plus de suspension, mais d'abrogation. Cela dit, je sais que vous êtes cohérent avec vous-même puisque vous souhaitez cette abrogation. (Sourires.) Pour ma part, je me suis longuement expliqué sur les raisons qui m'ont fait préférer la suspension. Toutefois, pour qu'elle s'applique, il faut fixer un délai, et je vous en propose donc un d'une durée de dix-huit mois.
    Pourquoi dix-huit mois, et non six mois ou douze mois ? Tout simplement parce que nous pensons qu'il faut éviter d'enfermer les partenaires sociaux dans un délai trop court, alors qu'ils auront à négocier sur un grand nombre de sujets. L'année 2003 sera une grande année de dialogue social : l'UNEDIC, la formation professionnelle, les règles de la démocratie sociale, les retraites. Excusez du peu ! L'agenda social de 2003 s'annonce extrêmement chargé. Il fallait donner aux partenaires sociaux un délai raisonnable pour qu'ils puissent s'engager dans cette négociation. Si nous ne l'avions pas fait, nous serions alors entrés dans le schéma de l'abrogation, qui n'incite pas à la négociation.
    Mme la présidente. Monsieur Fourgous, si j'ai bien compris, vous retirez votre amendement.
    M. Jean-Michel Fourgous. Oui, madame la présidente.
    Mme la présidente. L'amendement n° 182 est retiré.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 73, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, substituer au mot : "dix-huit le mot : "six. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement a déjà donné son avis, madame la présidente, et il est défavorable.
    Mme la présidente. En effet, monsieur le ministre.
    Je mets aux voix l'amendement n° 73.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 72, ainsi rédigé :
    « Dans le I de l'article 1er, substituer au mot : "dix-huit le mot : "douze. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Même avis que sur l'amendement précédent : défavorable.
    Mme la présidente. Le Gouvernement a déjà donné un avis défavorable sur cet amendement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 72.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Fourgous a présenté un amendement, n° 44, ainsi rédigé :
    « I. - Supprimer le II de l'article 1er.
    « II. - En conséquence, au début du III de cet article, supprimer les mots : "Pendant les périodes de suspension prévues aux I et II ci-dessus,. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Cet amendement de coordination ne se justifie plus car il n'y a pas eu abrogation. Par conséquent, je le retire.
    Mme la présidente. L'amendement n° 44 est retiré.
    L'amendement n° 28 n'est pas défendu.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 74, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du II de l'article 1er, substituer aux mots : "d'un an les mots : "de six mois. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 74.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 29 et 75, qui auraient pu être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 29 n'est pas défendu.
    L'amendement n° 75, présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après les mots : "prévention des licenciements économiques, rédiger ainsi la fin de la première phrase du II de l'article 1er : "à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences permettant d'anticiper les mutations de l'entreprise en mettant en place des dispositifs d'adaptation et de formation des salariés permettant de reclasser les salariés en amont du licenciement. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. La gestion prévisionnelle des effectifs est une question en discussion depuis un certain nombre d'années. Elle figure aussi dans la loi, mais n'a guère d'effet dans la réalité, si on en juge par le fonctionnement des différents mécanismes d'aide à la gestion mis en place à travers les différentes législations, y compris la loi de modernisation sociale.
    Pour autant, si l'on veut aborder la question du licenciement d'une manière complète, celle plus particulière de la prévention du licenciement est évidemment déterminante. C'est pour cela que je considère que la question du reclassement est essentielle. D'où l'importance de la discussion en amont entre les partenaires sociaux, notamment via le comité d'entreprise. Il nous semble donc nécessaire d'élargir la négociation à la gestion prévisionnelle. Celle-ci doit être inscrite dans l'agenda de la négociation. C'est ce que nous proposons par l'amendement.
    Je le répète, nous souhaitons une négociation globale, y compris en y intégrant la formation professionnelle, les garanties à apporter aux salariés qui ne bénéficient pas d'un plan social ou qui sont licenciés dans une entreprise de moins de cinquante salariés, ou encore la mutualisation des droits et des moyens mobilisés pour les garantir. Puisque ces réflexions devraient trouver leur place dans la négociation, elles devraient figurer également dans la loi.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement, non pas tant, encore une fois, pour des raisons de fond, puisque nous souhaitons, nous aussi, que la négociation couvre le champ le plus large possible, mais sans l'enfermer dans un cadre trop précis, que parce que cet amendement est un peu contradictoire, - et je le dis sans perfidie - avec les amendements précédents : en effet, il est proposé d'élargir le champ de la négociation après avoir demandé de réduire sa durée.
    M. Gaëtan Gorce. Cela ne vous avait pas gêné en 1986 !
    M. Dominique Dord, rapporteur. On peut progresser !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que précédemment : défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. L'amendement n° 30 n'est pas défendu.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 76, ainsi rédigé :
    « Après le II de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « « II bis. - La validité de l'accord interprofessionnel au niveau national prévu au II est subordonnée à la signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des élections prud'homales du 11 décembre 2002. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je regrette la réponse du rapporteur et celle du ministre. Il faut être cohérent : si l'on souhaite véritablement favoriser la gestion prévisionnelle, pourquoi ne pas l'inscrire dans l'agenda de la négociation ? Une négociation que l'on veut voir aboutir est une négociation dont on fixe le cap. Le Gouvernement doit dire ce qu'il attend de la négociation et en préciser les contours. Faute de quoi on discutera, comme le propose le MEDEF, mais la négociation n'aboutira pas. L'opposition aura alors beau jeu de dire, comme elle l'avait annoncé, que la négociation n'a débouché sur rien. L'agenda doit donc être précisé.
    Il convient également que la responsabilité des partenaires sociaux soit mieux définie. Aujourd'hui, on propose de suspendre durant trente mois certaines dispositions de la loi de modernisation sociale - en fait, il s'agit d'une abrogation car ces dispositions ne seront jamais remises en oeuvre - et, en même temps, on renvoie à la négociation qui va élaborer les nouvelles garanties que tout le monde attend. Toutefois, on ne se donne pas l'assurance que cette négociation engagera bien les partenaires sociaux dans leur majorité. Le ministre me répondra que le débat sur la représentativité viendra plus tard. Je ferai observer que l'on n'a pas perdu de temps pour mettre en place des dispositifs législatifs, mais que l'on a fait passer après la négociation et la discussion sur la représentativité. Il aurait sans doute été plus naturel de faire l'inverse : commencer par la négociation et, ensuite, mettre en place des dispositions législatives. Au reste, je conteste totalement, ainsi que je l'ai déjà indiqué, l'urgence des différentes dispositions qui nous sont soumises.
    Par cet amendement, je propose que la validité de l'accord interprofessionnel soit subordonnée au fait qu'il engage bien la majorité des salariés à travers les organisations professionnelles signataires. La démarche est d'autant plus facile que les élections prud'homales qui vont avoir lieu dans quelques jours vont indiquer quelle est la représentativité de chaque organisation, et donc sa capacité à engager les salariés.
    La logique voudrait que l'on avance également dans cette direction pour permettre de concrétiser de nouvelles garanties pour les salariés en matière de licenciement, des garanties qui engagent la totalité des salariés et qui ne soient pas, comme nous le craignons, le résultat d'une opération politique ou d'une négociation partielle. M. le ministre nous dit que cette crainte n'est pas fondée : voilà une bonne occasion de nous le démontrer.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement. Nous souhaitons que l'accord interprofessionnel soit signé par le plus grand nombre d'organisations syndicales les plus représentatives possible. Toutefois, comme cet accord va notamment porter des modifications du droit du licenciement, il devra, de toute façon, faire l'objet d'une mesure législative.
    Vous avez sans doute, monsieur Gorce, une pratique plus grande que la mienne de l'accord interprofessionnel, mais j'ai envie de dire que, même si un certain nombre d'organisations syndicales ne signent pas, au final, l'accord interprofessionnel, pour des raisons diverses et variées que je n'ai pas à juger, elles auront contribué à son élaboration et que ce sera une bonne base de travail pour le législateur. Par conséquent, il serait dommage que, pour être valide, l'accord interprofessionnel doive être forcément signé par les syndicats ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des prochaines élections prud'homales.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Gorce, plus le débat avance, plus il apparaît clairement que nous n'avons pas la même idée du dialogue social. Au fond de vous-même, vous ne faites pas vraiment confiance aux partenaires sociaux. Peut-être estimez-vous qu'ils sont aujourd'hui trop affaiblis pour jouer un vrai rôle dans l'établissement des normes. Quoi qu'il en soit, cette volonté de voir toujours le Gouvernement fixer les objectifs de la négociation avant même que ne s'engagent les discussions entre les partenaires sociaux n'est pas conforme à notre philosophie, en tout cas pas dans les domaines dont nous parlons aujourd'hui.
    Qu'il s'agisse du droit du licenciement, des plans sociaux ou, comme on l'a vu, de l'autorisation administrative de licenciement, il nous semble naturel de laisser les partenaires sociaux négocier et se mettre d'accord sur les pistes qu'ensuite le Gouvernement reprendra ou ne reprendra pas, en fonction du débat qui aura lieu au Parlement.
    Quant à la représentativité, il ne faut pas bousculer le calendrier. Nous faisons déjà beaucoup de choses à la fois. Si le problème de la représentativité avait été aussi simple, vous auriez pu, je pense, le régler. Dans la loi de modernisation sociale, beaucoup de sujets sont évoqués et ce texte aurait pu comporter un article sur la représentativité. Or vous n'en avez pas prévu et vous avez sans doute eu raison car le sujet exige un minimum de consensus de la part des organisations syndicales elles-mêmes : c'est de leur avenir, de leur existence même qu'il s'agit.
    Le Gouvernement veut, sur ce sujet, se donner le temps de la négociation avec les partenaires sociaux.
    Les élections prud'homales fourniront évidemment un indice en termes de représentativité, mais on ne peut en faire un test, leur objectif étant d'élire des juges. Ma première préoccupation, c'est que ces élections prud'homales emportent une vraie participation. Sans en faire l'alpha et l'oméga de la représentativité, je souhaite qu'à leur occasion la chute de la participation soit enrayée.
    Je rappelle qu'en 1979 les salariés étaient 66 % à voter aux élections prud'homales. Aux dernières élections prud'homales, 66 % des salariés se sont abstenus. On ne peut pas voir dans cette désaffection le résultat, comme le disent certains, d'une mauvaise organisation du scrutin puisque, depuis 1979, des améliorations ont été apportées, même s'il reste beaucoup de progrès à faire. Chaque gouvernement s'est investi pour essayer de faire en sorte que l'organisation du scrutin prud'homal soit plus efficace. En dépit de cela, l'abstention perdure.
    Il se pose donc un vrai problème, sans doute lié à la perception qu'ont nos concitoyens du fait syndical et de l'institution prud'homale elle-même. Ils pensent peut-être que l'enjeu n'est pas considérable et que l'institution fonctionnera de toute façon.
    Des tas de raisons peuvent pousser à l'abstention. La responsabilité du Gouvernement est d'appeler à voter, afin que l'institution prud'homale bénéficie de la légitimité la plus forte possible.
    M. François Guillaume. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je voudrais faire quelques remarques sur la participation.
    Je reconnais qu'une bataille, qu'une vraie campagne doit être menée pour arriver à une participation importante. Mais comment voulez-vous, monsieur le ministre, qu'il y ait une forte participation aux élections prud'homales si ces élections ne sont pas organisées sur le lieu de travail alors qu'elles concernent la relation des salariés au travail ? Il ne faut pas se raconter d'histoires ! De grandes entreprises le font et la participation est remarquable. Je ne dis pas que tout est affaire d'organisation, mais il faut créer les conditions pour que les entreprises organisent ces élections dans leurs locaux. Accorder un quart d'heure ou une demi-heure aux employés qui votent tous les cinq ans pour élire les conseillers prud'hommes, ce n'est pas la mer à boire ! Il en est bien ainsi pour les élections des délégués du personnel ou des comités d'entreprise, et le taux de la participation est excellent même si, je vous l'accorde, on observe une tendance générale à un recul de la participation.
    Cela dit, nous déplorons tous, quelles que soient nos affinités politiques, une progression de l'abstention à toutes les élections politiques, y compris les élections présidentielles et législatives. Le problème doit donc être abordé dans le cadre d'une crise de la représentation.
    Il est dangereux de considérer que, si le taux de participation n'est pas élevé, le résultat ne sera pas représentatif. Non ! Car, que vous le vouliez ou non, vous avez gagné les élections même si l'on peut discuter des pourcentages, et personne ne conteste votre représentativité : vous avez la majorité. Et cela est vrai pour les uns comme pour les autres.
    Un président de commission, pas n'importe lequel, m'a dit que, sur la question des accords majoritaires, j'avais raison, mais que j'anticipais, que j'étais trop à l'avant-garde...
    M. François Guillaume. Vous êtes un visionnaire ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Mais les accords majoritaires n'ont rien à voir avec l'avant-garde !
    Quelles conséquences les accords non majoritaires ont-ils eues ? Rappelez-vous la crise de l'hôpital public qui a résulté de la signature d'un accord minoritaire signé par des organisations syndicales représentant 35 % seulement des salariés, les deux syndicats majoritaires qui en représentaient 65 % étant contre. Le Gouvernement avait décidé de ratifier tout de même l'accord. Eh bien ! Il y a eu une crise, qui dure encore aujourd'hui, compe tenu du manque de personnel que l'on connaît.
    J'attire votre attention sur cette question parce qu'il me semble que c'est une grande question.
    Vous avez dit, monsieur le ministre, que l'on faisait un pas concernant les accords majoritaires. Mais ce pas est très limité.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 77, ainsi rédigé :
    « Après le II de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « II bis. - L'accord interprofessionnel au niveau national prévu au II ne peut entrer en vigueur que dans la mesure où la majorité des organisations syndicales représentatives n'aurait pas fait usage de leur droit d'opposition. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement a été défendu, madame la présidente.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable également.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je viens d'être saisie par le Gouvernement d'un amendement, n° 200, ainsi rédigé :
    « Dans le III de l'article 1er, substituer aux mots : "par la loi du 17 janvier 2002 les mots : "par les articles de la loi du 17 janvier 2002 mentionnés au I du présent article. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le vote des amendements suspendant l'application des articles 96 et 100 de la loi de modernisation sociale pose un problème de coordination. Il faudrait modifier la liste des articles cités au paragraphe III de l'article 1er du projet de loi.
    La rédaction que je vous propose est à la fois plus simple et plus précise, puisqu'elle se borne à renvoyer à la liste des articles dont l'application est suspendue par le I.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission n'a évidemment pas examiné cet amendement, mais je fais pleinement confiance à la cohérence des experts en matière juridique. J'invite donc l'Assemblée à l'adopter.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. On pouvait s'interroger sur le montage qui était proposé. Mais nous pouvons regretter que nous soyons saisis de cet amendement au dernier moment. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 200.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 4, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 1er par les deux paragraphes suivants :
    « IV. - Ces négociations ne pourront êre prises en considération qu'autant qu'elles se traduisent par des accords de branche couvrant au moins les trois quarts des salariés ou par un accord interprofessionnel. Ces accords devront avoir été signés par des confédérations syndicales ou par des organisations syndicales membres de confédérations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections prud'homales référentes.
    « V. - L'article L. 132-11 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Ces conventions et accords doivent, à peine de nullité, être signés par des confédérations syndicales ou par des organisations syndicales membres de confédérations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux élections prud'homales précédant la conclusion de l'accord. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. J'ai par anticipation déjà défendu cet amendement, qui tend à mettre en oeuvre le principe même de notre démocratie représentative.
    Nous proposons d'assurer la signature d'accords majoritaires dans toutes les négociations sociales, qu'il s'agisse des accords d'entreprise, des accords de branche ou des conventions collectives nationales, car c'est sur la base de ces accords que l'on fixe les règles.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, qui a au moins deux objectifs différents : il pose des conditions restrictives à l'application des accords pouvant être signés en vertu du projet de loi et il vise à étendre largement le principe de l'accord majoritaire.
    Pour avoir auditionné les syndicats dans le cadre de l'examen de ce projet, je sais, mon cher collègue, qu'ils ne sont pas encore tous d'accord. Les divergences sont nombreuses, notamment sur l'« appréciation » de la majorité...
    M. Maxime Gremetz. Les majoritaires sont pour l'accord majoritaire ! (Sourires.)
    M. Dominique Dord, rapporteur. Certes !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur le sujet.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce et M. Le Garrec ont présenté un amendement, n° 78, ainsi rédigé :
    « Après le III de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « IV. - Les dispositions de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale visées aux paragraphe I ci-dessus restent applicables aux procédures de licenciement pour motif économique en cours à la date de promulgation de la présente loi. »
    Sur cet amendement, je suis saisie de deux sous-amendements, n°s 198 et 199.
    Le sous-amendement n° 198, présenté par M. Masse, est ainsi rédigé :
    « Dans l'amendement n° 78, après les mots : "aux procédures de licenciement pour motif économique, insérer les mots : "appliquées au projet de licenciement de l'entreprise Atmel. »
    Le sous-amendement n° 199, présenté par M. Bapt, est ainsi libellé :
    « Dans l'amendement n° 78, après les mots : "aux procédures de licenciement pour motif économique, insérer les mots : "appliquées au projet de licenciement de l'entreprise Valeo. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 78.
    M. Gaëtan Gorce. Nous retrouverons le même problème à l'article 2.
    Avec les dispositions de l'article 1er, de l'article 2 et de l'article 3, on se retrouvera avec un droit du licenciement complètement éclaté, puisque le même droit ne s'appliquera pas à tout le monde au même moment selon la date à laquelle la procédure de licenciement aura été engagée et la date à laquelle les accords auront été signés.
    On a suffisamment entendu de critiques sur la complexité de notre droit pour ne pas manquer de faire observer qu'à travers ces dispositions cette complexité s'accroîtra, ce qui ne sera pas sans poser de problèmes du strict point de vue de l'égalité des salariés devant le droit fondamental au licenciement. Des problèmes surgiront aussi quant au droit des salariés à participer à la détermination de leurs conditions de travail puisque celle-ci pourra varier selon les situations et que l'expérimentation sera autorisée sur le type de consultation des comités d'entreprise.
    Nous sommes là dans un système qui n'est pas maîtrisé. J'ajoute que son application soulèvera également des difficultés du fait que certains accords d'entreprise pourront s'appliquer au-delà de la signature de l'accord interprofessionnel, indépendamment des dispositions légales.
    Il nous paraîtrait sain de rappeler de manière stricte que les dispositions de la LMS restent applicables aux procédures en cours à la date de promulgation du texte dont nous discutons, sans autre exception, de façon à garantir que le droit concerné s'applique.
    Je rappelle que l'article 3 du projet de loi permet également de déroger à ces dispositions par un accord spécifique, en cours de procédure, ce qui nous paraît tout à fait redoutable. Ce sera pour nous l'occasion d'indiquer que nous souhaitons que ces mêmes dispositions continuent de s'appliquer à l'ensemble des procédures, au cas par cas. A cet effet, nous avons listé dans nos amendements les plans sociaux concernés. Il ne nous paraît pas raisonnable de désarmer les salariés, alors que les difficultés s'accroissent, en leur retirant un certain nombre de garanties qui figurent dans la LMS. Nous n'avons pas l'assurance que la façon dont la future loi s'appliquera permettra d'atteindre ce résultat.
    Mme la présidente. Monsieur Gorce, puis-je considérer que vous avez également défendu les deux sous-amendements ?
    M. Gaëtan Gorce. Oui, madame la présidente.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les deux sous-amendements ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. La commission n'a pas examiné les sous-amendements. Quant à l'amendement n° 78, elle l'a repoussé, non pas tant pour des raisons de fond que parce qu'il nous semble ne pas être très bien placé. D'ailleurs, monsieur Gorce, vous avez déposé un amendement tendant aux mêmes fins à l'article 3.
    Nous prenons, en suspendant l'application de la loi de modernisation sociale, un risque relatif : nous aurons trois types de situations qui seront, contrairement à ce que vous avez affirmé, maîtrisées. Il n'y aura pas de vide juridique.
    Les entreprises dont la procédure de licenciement est en cours resteront sous le régime de la loi de modernisation sociale, sauf accord majoritaire conclu par les partenaires sociaux.
    Les entreprises qui, à partir du moment où le présent texte de loi sera adopté, procéderont à des licenciements, seront sous le régime ancien, celui d'avant la loi de modernisation sociale.
    Il y aura un troisième régime, si j'ose dire, qui harmonisera l'ensemble. Il interviendra dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi dont nous discutons aujourd'hui et réglera les choses de manière définitive.
    A moins d'en rester au statu quo ou d'abroger purement et simplement, il me semble difficile d'imaginer une autre solution,
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 78 car les conditions d'application de la future loi sont très clairement précisées dans l'article 3 du texte. Cet article  3 prévoit que les dispositions de l'ancienne loi demeureront applicables aux procédures en cours. Cette rédaction donne la possibilité à une entreprise de conclure un accord de méthode au titre de l'article 2.
    Quant aux sous-amendements, M. Gorce conviendra avec moi qu'ils ne relèvent pas du domaine législatif.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 198.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 199.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 78.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 375, relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi :
    M. Dominique Dord, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 386).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT

annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du jeudi 5 décembre 2002
SCRUTIN (n° 96)


sur l'amendement n° 62 de M. Gorce tendant à supprimer l'article 1er du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (suspension de certains articles de la loi de modernisation sociale relatifs à la procédure des licenciements économiques).

Nombre de votants

48


Nombre de suffrages exprimés

47


Majorité absolue

24


Pour l'adoption

12


Contre

35

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Contre : 35 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - M. Michel Lejeune.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : Mme Paulette Guinchard-Kunstler (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (13).

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    M. Michel Lejeune, qui était présent au moment du scrutin, a fait savoir qu'il avait voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 97)


sur l'amendement n° 33 de Mme Bourragué à l'article 1er du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (extension de la mesure de suspension aux dispositions de l'article 96 de la loi de modernisation sociale).

Nombre de votants

50


Nombre de suffrages exprimés

50


Majorité absolue

26


Pour l'adoption

39


Contre

11

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Pour : 37 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Contre : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : Mme Paulette Guinchard-Kunstler (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 1. - Mme Jacqueline Fraysse.
Non-inscrits (13).

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    MM. Alain Bocquet et Maxime Gremetz, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».