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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 20 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 19 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE
Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Accord France-Lettonie sur le statut de l'immeuble de la légation à Paris. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

2.  Accord France-Lituanie sur le statut de l'immeuble de la légation à Paris. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

3.  Accord France-Estonie sur le statut de l'immeuble de la légation à Paris. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

4.  Accord France-Allemagne relatif à la coopération de la police de navigation sur le Rhin. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

5.  Accord France-Monaco relatif à la diffusion de Télé Monte Carlo. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

6.  Traité France-Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

7.  Accord France-Conseil de l'Europe relatif à la protection sociale du personnel. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

8.  Avenant à la convention France-Gabon sur la sécurité sociale. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

9.  Convention d'établissement France-Sénégal. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

10.  Accord France-Allemagne relatif aux ponts frontières sur le Rhin. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»
Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

Mmes Muguette Jacquaint, la présidente.
11.  Sécurité des piscines. - Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat «...».
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Mme Chantal Brunel, rapporteure de la commission des affaires économiques.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

M.
Gilbert Gantier,
Mme
Muguette Jacquaint,
MM.
Lionnel Luca,
François Brottes.
Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Articles 1er à 3. - Adoptions «...»
VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»

12.  Salaires, temps de travail et développement de l'emploi. - Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi «...».
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : Mme Hélène Mignon, MM. le ministre, Gaëtan Gorce, Claude Gaillard, Mme Muguette Jacquaint. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Claude Gaillard,
Gaëtan Gorce,
Gilbert Gantier,
Mme
Muguette Jacquaint,
M.
Jean-Michel Fourgous.
Clôture de la discussion générale.
MM. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles ; le ministre.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 2 «...»

Amendement n° 2 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 2 «...»

Mme Muguette Jacquaint.
Amendement de suppression n° 48 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 49 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 3 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
L'amendement n° 51 de M. Gorce est retiré.
Amemendement n° 55 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 56 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rappporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 60 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
L'amendement n° 124 de M. Gorce est retiré.
Amendement n° 61 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 65 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 66 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
L'amendement n° 69 de M. Gorce est retiré.
Amendement n° 35 rectifié de M. Fourgous : MM. Jean-Michel Fourgous, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Retrait.
L'amendement n° 75 de M. Gorce est retiré.
L'amendement n° 76 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Les amendements n°s 77, 79 et 78 de M. Gorce sont retirés.
Amendement n° 82 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 81 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 84 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
13.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

ACCORD FRANCE-LETTONIE SUR LE STATUT
DE L'IMMEUBLE DE LA LÉGATION À PARIS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris (n°s 150, 372).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

2

ACCORD FRANCE-LITUANIE SUR LE STATUT
DE L'IMMEUBLE DE LA LÉGATION À PARIS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris (n°s 151, 372).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie, à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

3

ACCORD FRANCE-ESTONIE SUR LE STATUT
DE L'IMMEUBLE DE LA LÉGATION À PARIS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la Répblique française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l'indemnisation de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris (n°s 152, 372).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l'indemnisation de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

4

ACCORD FRANCE-ALLEMAGNE
RELATIF À LA COOPÉRATION
DE LA POLICE DE NAVIGATION SUR LE RHIN

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin (n°s 50, 254).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin, signé à Vittel le 10 novembre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

5

ACCORD FRANCE-MONACO
RELATIF À LA DIFFUSION
DE TÉLÉ MONTE CARLO

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco relatif à l'attribution et à l'utilisation par la société Télé Monte Carlo de fréquences hertziennes terrestres pour la diffusion de son programme à partir d'installations d'émission implantées en territoire français (ensemble une annexe) (n°s 21, 255).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco relatif à l'attribution et à l'utilisation par la société Télé Monte Carlo de fréquences hertziennes terrestres pour la diffusion de son programme à partir d'installations d'émission implantées en territoire français (ensemble une annexe), fait à Monaco le 15 mars 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

6

TRAITÉ FRANCE-ALLEMAGNE
PORTANT DÉLIMITATION DE LA FRONTIÈRE
DANS LES ZONES AMÉNAGÉES DU RHIN

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin (n°s 38, 254).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin, signé à Paris le 13 avril 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

7

ACCORD FRANCE-CONSEIL DE L'EUROPE
RELATIF À LA PROTECTION SOCIALE
DU PERSONNEL

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de l'Europe relatif à la protection sociale des membres du personnel employés par ladite organisation sur le territoire français (n°s 42, 253).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de l'Europe relatif à la protection sociale des membres du personnel employés par ladite organisation sur le territoire français, signé à Strasbourg le 12 janvier 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

8

AVENANT À LA CONVENTION
FRANCE-GABON
SUR LA SÉCURITÉ SOCIALE

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 1 à la convention sur la sécurité sociale du 2 octobre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (n°s 43, 467).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'avenant n° 1 à la convention sur la sécurité sociale du 2 octobre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, signé à Libreville le 7 juillet 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

9

CONVENTION D'ÉTABLISSEMENT
FRANCE-SÉNÉGAL

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal (n°s 44, 455).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 25 mai 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

10

ACCORD FRANCE-ALLEMAGNE RELATIF
AUX PONTS FRONTIÈRES SUR LE RHIN

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les Parties contractantes n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage (n°s 238, 456).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les Parties contractantes n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage (ensemble une annexe), signé à Fribourg-en-Brisgau le 12 juin 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)
    Mme la présidente. Pour laisser le temps à nos collègues de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de rejoindre l'hémicycle, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à neuf heures cinq, est reprise à neuf heures quinze.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    Mme Muguette Jacquaint. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.
    Mme Muguette Jacquaint. Mon rappel au règlement concerne le déroulement des travaux de l'Assemblée nationale.
    J'observe d'abord que, ce matin, à l'ouverture de la séance, pratiquement aucun parlementaire n'était présent.
    Je tiens à dénoncer le rythme imposé à la représentation nationale pour examiner les différents projets qui lui sont soumis, d'autant, qu'il s'agit de textes importants : assouplissement des 35 heures, modification de la loi de modernisation sociale. Nous avons appris hier que le texte de la commission mixte paritaire sur ce projet mixte de loi, qui prévoit la suppression de tous les articles relatifs aux licenciements, et dont l'examen n'avait pas été programmé en conférence des présidents, mardi, allait être débattu ce soir. Compte tenu de l'importance des sujets traités, cette méthode de travail est indigne. Les parlementaires doivent pouvoir exercer leurs fonctions dans de bonnes conditions. M. Alain Bocquet, président du groupe des député-e-s communistes et républicains, a d'ailleurs adressé à ce propos un courrier à M. Debré. Il lui demande de reporter au mois de janvier l'examen du texte visant à modifier la loi de modernisation sociale.
    Ce matin, nous ne sommes que cinq parlementaires dans cet hémicycle...
    M. Lionnel Luca. Mais quelle qualité ! (Sourires.)
    Mme Muguette Jacquaint. Cela en dit long sur les conditions dans lesquelles nous devons travailler.
    Ce n'est pas sérieux ! C'est à l'image du rôle que veut faire jouer le Gouvernement à la représentation nationale.
    Mme la présidente. Madame Jacquaint, en début de séance, des parlementaires étaient présents. Certes, ils étaient peu nombreux mais ils n'en ont pas moins adopté dix projets de loi autorisant l'approbation de différents accords. Croyez bien que j'ai été vigilante !

11

SÉCURITÉ DES PISCINES

Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la sécurité des piscines (n°s 234, 460).
    La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure de la commissison des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, la proposition de loi sur la sécurité des piscines que nous examinons aujourd'hui a pour objectif de réduire le risque de noyade des jeunes enfants. C'est un sujet important, qui touche au plus profond de notre sensibilité, et à la protection que les adultes et la société doivent naturellement à leurs enfants.
    En 2001, 23 noyades ont touché des enfants de moins de cinq ans. Au-delà des chiffres annoncés, il s'agit de prendre collectivement des mesures de bon sens pour éviter que le malheur ne vienne frapper des familles en enlevant des enfants qui ignorent tout de la vie et de ses dangers.
    Le texte que nous examinons aujourd'hui vise à prendre des dispositions simples pour rendre les piscines d'agrément, et non les piscines publiques, plus sûres. Cette proposition rencontre l'attente des Français et la préoccupation du Gouvernement.
    Il faut en effet que les progrès terchniques et économiques de notre société et l'évolution de nos modes de vie permettent d'assurer à tous tranquillité et sécurité. Il revient à chacun d'entre nous d'y veiller. Il revient à l'Etat d'en fixer les grandes règles.
    Le Gouvernement estime en effet très important de consacrer une part importante de notre énergie aux réformes de la vie quotidienne et, en particulier, à celles qui touchent à notre sécurité. C'est la volonté du Gouvernement.
    Pour ce qui concerne le ministère dont j'ai la charge, je me suis ainsi attaqué à la question de la sécurité dans les transports et dans l'habitat.
    Dans le domaine de la sécurité routière, vous connaissez tous les mesures annoncées par le Gouvernement hier. Je crois que chacun peut constater la détermination du Gouvernement, sous la haute autorité du Président de la République. Cet engagement témoigne de notre attachement à la sécurité au quotidien.
    Comme vous le savez, je me suis également saisi de la sécurité des ascenseurs. Mon administration avait noté qu'en l'absence de remise à niveau du parc des ascenseurs anciens, la majorité du parc français serait frappé d'obsolescence d'ici à quinze ans. J'ai donc proposé de prendre des mesures adaptées et volontaristes pour limiter les risques et la gravité des accidents. J'ai aussi vérifié que l'installation d'ascenseurs neufs répondait à un haut niveau d'exigence. Vous aurez l'occasion d'étudier ce texte, mesdames et messieurs les députés, dès le mois de janvier prochain.
    Le cas des piscines se distingue néanmoins de celui des ascenseurs. En effet, pour ce qui est des ascenseurs, la sécurité doit être assurée indépendamment de l'âge de l'utilisateur, dans le cadre d'une utilisation normale. Dans le cas des piscines, il s'agit d'éviter qu'une « bêtise » d'enfants qui, je le répète, ignorent encore tout de la vie et de ses dangers, ne se transforme en drame. Il s'agit, en d'autres termes, de prendre en compte un comportement « anormal », inhabituel.
    Ce souci de la prise en compte des comportements « non prévus » est de plus en plus présent dans la réglementation de la construction. Pour prendre un exemple, et vous me pardonnerez d'être un peu technique, le développement des prises de courant à operculation a sauvé la vie de nombreux enfants qui s'étaient aventurés à y mettre les doigts. Il reste cependant beaucoup à faire.
    Les accidents domestiques, à la maison, dans les loisirs ou à l'école, représentent plus de 19 500 décès par an, à ajouter aux morts sur les routes. Et ce chiffre effrayant n'inclut pas les accidents du travail et les accidents de transport. Je souhaite mettre en oeuvre un dispositif d'observation des accidents liés au logement pour identifier les causes d'accidents prédominantes et prendre les dispositions appropriées.
    En matière de piscine, le premier gage de sécurité du jeune enfant réside, c'est évident, dans une surveillance sans relâche des parents. Mais, si les dispositifs de sécurité des piscines doivent viser à accroître la sécurité des jeunes enfants, il serait dangereux de croire qu'ils résoudront à eux seuls tous les problèmes. Nous devons collectivement veiller à rappeler que la protection passive ne remplace pas la surveillance.
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Dans cet esprit de responsabilisation, il me semble important - et ce texte, mesdames et messieurs les députés, y répond -, de laisser aux propriétaires la possibilité de choisir le dispositif le mieux adapté en fonction des situations à risque qu'ils sont susceptibles de rencontrer le plus souvent. Cette liberté de choix est naturellement tributaire de la diversité et de la fiabilité des produits proposés par les fabricants et les installateurs de piscines.
    Le présent texte n'est pas une fin, mais le début d'un processus qui, d'ici à quatre ans, doit permettre d'équiper l'ensemble des piscines privées d'un dispositif de sécurité. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour tout mettre en oeuvre pour que son application soit aussi rapide et complète que possible.
    En résumé, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, la présente proposition de loi répond à la fois à un besoin réel et à une attente des Français. Le Gouvernement y apporte donc tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    Mme Chantal Brunel, rapporteure de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons l'honneur d'examiner aujourd'hui une proposition de loi dont l'auteur n'est autre que notre Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin. Elle a été co-signée par plus d'un tiers des sénateurs et adoptée, à l'unanimité, par le Sénat le 1er octobre dernier. M. Lionnel Luca a également déposé une proposition de loi à l'Assemblée nationale, en 2001, qui n'a pu être jointe à cette proposition.
    Pourquoi cette unanimité ? Il s'agit de préserver la vie des plus exposés d'entre nous, à savoir les enfants de moins de cinq ans.
    Certes, le nombre d'enfants noyés a baissé ces dernières années grâce aux campagnes de prévention qui se sont multipliées. On a dénombré, hélas ! trente-deux noyés en 2000 et vingt-trois en 2001. En 2002, le chiffre a heureusement baissé, puisqu'il est de dix-sept. Mais il est toujours énorme et dramatique. Il ne faut pas oublier non plus tous ceux qui ont pu être sauvés mais qui sont restés quelques instants au fond de la piscine et en ont gardé des séquelles graves.
    Parallèlement, 30 000 piscines enterrées sont construites chaque année et le marché connaît une croissance annuelle de l'ordre de 10 %. Le parc actuel des piscines enterrées est évalué à 540 000 environ, pour un parc total de 800 000 piscines privées. Ce nombre montre donc l'importance du problème et souligne l'obligation d'instaurer des dispositifs de sécurité nouveaux.
    Il s'agit de réduire les risques, mais le risque zéro n'existe pas. Et il est clair que ces nouvelles obligations ne doivent pas déresponsabiliser les parents quand on sait qu'un enfant peut se noyer en trois minutes. La surveillance des parents doit être absolument constante.
    La proposition de loi ne concerne que les piscines privées de plein air et enterrées. Les piscines publiques relèvent, quant à elles, d'un cadre juridique très différent et soulèvent notamment des questions relatives à la responsabilité des collectivités locales, de leurs agents et de leurs élus. Il serait intéressant qu'un débat ait lieu ultérieurement sur ce sujet.
    Les piscines hors-sol, c'est-à-dire essentiellement les piscines gonflables, ont été également exclues, car leur définition et les dispositifs de prévention à mettre en oeuvre sont différents. Cette complexité aurait retardé l'application des dispositions qui nous occupent aujourd'hui.
    L'article 1er impose la mise en place d'un dispositif de sécurité normalisé dans toutes les nouvelles piscines privées enterrées, et ce à compter du 1er janvier 2004. Cette même obligation et ce même délai sont aussi applicables pour les piscines rattachées à des habitations mises en location saisonnière. Pour les piscines privées enterrées existantes, un dispositif de sécurité normalisé doit être installé avant le 1er janvier 2006.
    Cet article 1er précise aussi les obligations du constructeur et de l'installeur à compter de cette date, avec notamment la fourniture d'une note technique du maître d'ouvrage indiquant le dispositif de sécurité retenu.
    L'article 2 de la proposition prévoit des sanctions. Il ne s'agit pas d'accabler des personnes déjà lourdement frappés, mais ceux qui par, négligence ou indifférence, manqueraient aux obligations élémentaires de sécurité.
    Le premier alinéa de l'article 1er prévoit que les personnes physiques qui enfreindraient ces dispositions seraient punies d'une amende de 45 000 euros. Le deuxième alinéa précise les termes de la responsabilité pénale des constructeurs ou installateurs, personnes morales.
    L'article 3 prévoit enfin que le Gouvernement devra déposer, avant le 1er janvier 2007, un rapport dressant le bilan de la mise en oeuvre de ces dispositions sur la sécurité des piscines enterrées non closes privatives.
    L'ensemble de ces mesures est extrêmement positif et votre rapporteure approuve donc totalement l'initiative sénatoriale.
    L'Assemblée nationale se doit d'agir avec autant de diligence que le Sénat. Certes, comme je vous l'ai précisé après le ministre, le risque zéro n'existe pas, et rien ne saurait remplacer la surveillance active des parents ou des personnes ayant la garde des enfants, mais notre devoir est bien de tenter de réduire les risques à leur minimum, et notamment ceux de la vie quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui devrait, je pense, faire l'objet d'un large consensus sur tous les bancs de cette assemblée, comme ce fut d'ailleurs le cas au Sénat.
    La raison en est simple : il s'agit de la sécurité de nos enfants, de nos petits-enfants ; il s'agit d'éviter que des instruments de loisir ne deviennent des instruments de mort. Trop de familles ont vécu de terribles tragédies, alors même qu'elles s'étaient réunies pour un moment de fête et de joie.
    Le sujet est grave, mes chers collègues. Ces noyades au coeur de l'été ne sont plus tolérables et, pourtant, elles se reproduisent d'année en année comme une fatalité. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : trente-deux décès d'enfants de moins de cinq ans en 2000, vingt-trois en 2001. Et je ne parle pas des traumatismes parfois irréversibles pour celles et ceux qui échappent à la mort et qui garderont des séquelles psychomotrices ou psychologiques tout au long de leur vie.
    Le groupe UDF tient donc à saluer l'opportunité et la nécessité de la proposition de loi qui, sous l'impulsion du Premier ministre, alors sénateur de la Vienne, permet de prendre des mesures d'urgence pour que les piscines privatives soient enfin correctement équipées et sécurisées.
    Les comportements des très jeunes enfants sont imprévisibles et la surveillance des parents ou de leur entourage ne peut suffire à empêcher tout risque d'accident. Certes, le risque zéro n'existe pas comme vient de le rappeler Mme Chantal Brunel, rapporteure du texte. Il est donc légitime d'appliquer le principe de précaution. Nous connaissons la réalité des dangers, nous savons comment les réduire, nous avons le devoir d'agir en obligeant les propriétaires de piscines à installer les dispositifs de sécurité adéquats : barrières de sécurité ou tout autre dispositif que les experts, en concertation avec les professionnels, jugeront indispensables pour prévenir les risques de noyade.
    Ainsi, je partage le souci de nos collègues sénateurs et j'indique, sans plus tarder, que le groupe UDF et apparentés votera les trois articles de la proposition de loi. Il est des lois qui n'ont pas besoin d'être longues pour être utiles. Et je reconnais bien dans ce texte le style de Jean-Pierre Raffarin : pragmatique dans sa méthode, humaniste dans ses fins, efficace dans sa réalisation.
    M. Lionnel Luca. Très bonne formule !
    M. Gilbert Gantier. Je perçois également l'harmonie qui peut exister entre cette approche des problèmes quotidiens et la politique conduite par le ministre de l'équipement, dont je veux saluer ici le travail et le sens des responsabilités. Ce ministère est celui de la qualité de la vie comme vous l'aviez vous-même souligné, monsieur le ministre. Votre soutien à cette proposition de loi vous donne l'occasion de le rappeler et le groupe UDF vous en félicite.
    Cependant, je ne puis m'empêcher de regretter que cette proposition de loi ne prenne en compte que le parc des piscines privées. La situation dans nos piscines publiques n'est en effet pas à ce point satisfaisante qu'il ne faille pas se préoccuper d'y améliorer la sécurité. Je tiens à rappeler quelques chiffres que vous trouverez dans le résultat de l'enquête « Mairies 2000 », réalisée conjointement par l'Association nationale pour la prévention des accidents en piscine publique, l'ANAP, et l'INSEE. Dans les piscines municipales françaises, on dénombre chaque année entre soixante-dix et quatre-vingts décès par noyade. La Fédération nationale des métiers de la natation et du sport avance, quant à elle, un nombre annuel de noyades de l'ordre de quarante à soixante cas. Le moins que l'on puisse dire est que cette situation est inquiétante et que ces accidents engagent la responsabilité de l'Etat et des élus locaux.
    Je comprends bien la nécessité de légiférer dans le domaine privé, mais la puissance publique n'a-t-elle pas le devoir d'être exemplaire en ce qui concerne ses propres infrastructures ?
    Lors d'une question orale sans débat à laquelle vous m'aviez répondu, je suggérais, monsieur le ministre, que les piscines publiques soient systématiquement équipées d'un système de vidéosurveillance assistée par ordinateur. Ce genre de système a fait ses preuves dans le monde entier. En France, il a permis de sauver la vie d'un adolesent de seize ans qui avait perdu connaissance au fond du bassin de la piscine d'Ancenis en Loire-Atlantique.
    Les maîtres nageurs sauveteurs, quel que soit leur professionnalisme, se heurtent aux limites intrinsèques de la vigilance humaine et à des conditions de travail souvent difficiles. Des études d'anthropologie appliquée l'ont prouvé : le temps moyen de détection d'un mannequin déposé au fond d'une piscine publique est supérieur à une minute, alors que le standard mondialement adopté visant à garantir une intervention dans le délai de survie est fixé à dix secondes. Or les systèmes de vidéosurveillance assistée par ordinateur permettent d'obtenir entre 80 et 90 % de performances de détection inférieures à dix secondes.
    Je sais que la réglementation des piscines publiques et municipales relève d'un régime juridique spécifique. La proposition de loi que nous examinons ne permet donc pas à la représentation nationale d'élargir le renforcement des dispositifs au-delà de la sphère privative.
    C'est la raison pour laquelle j'ai renoncé à déposer un amendement sur ce texte en espérant, monsieur le ministre, que le problème que je viens de soulever fera l'objet d'un examen attentif de la part du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à examiner aujourd'hui une proposition de loi sénatoriale sur la sécurité des piscines privatives. Il s'agit d'un véritable problème qui appelle une réglementation plus précise que la législation actuelle. En effet, il s'agit de protéger les enfants, et surtout les enfants en bas âge, des risques de noyade. On sait qu'il suffit d'un moment d'inattention pour que le drame survienne et plonge toute une famille dans la détresse.
    La noyade est un risque souvent méconnu de la population, malgré les campagnes de prévention que mène l'Etat chaque année. Néanmoins, les chiffres restent dramatiques. Comme le souligne le rapport, en 2001, 156 personnes avaient été victimes d'un accident de baignade. Parmi elles, 75 étaient des enfants de moins de cinq ans, dont 23 avaient trouvé la mort.
    En moyenne, 30 000 piscines enterrées sont construites chaque année, pour un parc total de 770 000 piscines privées environ.
    L'attention des pouvoirs publics a donc été appelée, ces dernières années, sur ce type d'accidents. Deux campagnes de prévention et d'information sur les accidents de baignade en piscines privées familiales ou en piscines à usage collectif ont alors été conduites, en 1999 et 2000.
    En 2001, une nouvelle campagne a également été menée avec un partenariat élargi : aux ministères de l'emploi et de la solidarité, de l'intérieur et de la jeunesse et des sports, se sont joints la Fédération nationale des constructeurs d'équipements de sports et de loisirs, la FNCESL, et le Comité français d'éducation pour la santé. Les associations nationales de consommateurs, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, la Fédération nationale de la protection civile et la Croix-Rouge se sont engagées, pour leur part, à relayer la campagne et à participer largement à la diffusion des supports d'information.
    Dans le même temps, l'Association française de normalisation conduisait des travaux en vue de la fixation de normes applicables à des barrières d'enceinte de piscine, empêchant l'accès direct des enfants de moins de quatre ans à l'eau sans l'intervention d'un adulte.
    Dans ce contexte, cette proposition de loi apporte un début de réponse inspirée par la commission de la sécurité des consommateurs. En octobre 1999, cette commission a émis un avis relatif à la sécurité des piscines enterrées non couvertes à usage privatif, dans lequel elle préconisait la mise en place d'un dispositif contraignant, par voie législative ou réglementaire, pour rendre obligatoire l'installation de matériels de sécurité autour des bassins à usage privatif.
    Elle souhaitait également que soient menés, dans les plus brefs délais, des travaux de normalisation sur les barrières ainsi que sur les autres dispositifs de protection existant actuellement sur le marché ou à développer.
    Toutefois, elle recommandait aux parents et autres utilisateurs de piscines de suivre une formation aux gestes de premier secours. Au demeurant, la prévention des noyades résulte, au premier chef, de la surveillance exercée sur les jeunes enfants par les parents ou les adultes qui en ont la garde, les barrières entourant la piscine ne pouvant en tout état de cause garantir l'absence totale du risque de noyade.
    Une campagne de sensibilisation, cofinancée par l'Etat et la CSC, doit d'ailleurs être renouvelée pour appeler à nouveau l'attention des parents et des utilisateurs sur les conséquences d'un défaut de vigilance, dès lors qu'un enfant en bas âge évolue ou peut évoluer à proximité d'une piscine privée non couverte.
    Cette campagne de sensibilisation devrait aussi encourager les propriétaires de piscines enterrées non couvertes à usage privatif à faire installer les dispositifs adaptés les plus complets possible et applicables à ces équipements, afin d'assurer un niveau adapté de sécurité.
    Naturellement, toutes les recommandations ou obligations législatives ou réglementaires ne pourront jamais se substituer à la vigilance des propriétaires des piscines comme des responsables des enfants. C'est pourquoi il convient de ne pas considérer comme résolu, avec cette proposition de loi, le problème de la sécurité. Du reste, d'autres dispositifs que les barrières peuvent venir compléter les mesures de sécurité et assurer la prévention de ce risque, comme les systèmes d'alarme ou les bâches de protection.
    Mais, je le répète, le meilleur rempart contre l'accident possible est d'insister sur la responsabilisation des adultes. Il n'en demeure pas moins qu'un renforcement des obligations en matière de sécurité s'avère nécessaire, vu le développement, ces dernières années, de ce type d'équipements privés. Pour ces raisons, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera la proposition de loi.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mesdames, messieurs, voilà un texte utile et nécessaire. Cela ne fait aucun doute. Les piscines privées sont devenues un élément de confort et font désormais partie pour un bon nombre de nos concitoyens de leur logement, qu'il s'agisse d'une maison individuelle, d'une maison en copropriété ou même d'un immeuble. Ce n'est plus simplement, comme par le passé, un instrument de luxe.
    Cela ne vaut pas seulement dans les régions méridionales dont je suis l'un des élus, mais également au-delà de la frontière traditionnelle pour nous de l'olivier.
    Mais la progression du nombre de piscines a engendré - hélas ! - celle du nombre d'accidents de baignades. Cela concerne tous les utilisateurs, mais surtout les enfants, et notamment ceux en bas âge. L'année 2000 a été, de ce point de vue, celle d'un triste record : il y a eu cinquante-cinq morts par noyade, dont trente-deux d'enfants de moins de cinq ans et trente-neuf de jeunes de moins de vingt ans. C'est dire si le problème est douloureux. On a recensé 198 accidents, dont 108 concernaient des enfants de moins de cinq ans, - là encore, ce sont eux qui paient le tribut le plus lourd - et 153 des jeunes de moins de vingt ans. On déplore donc non seulement des morts, mais également des accidents qui laissent parfois des séquelles graves pour toute l'existence. J'ajouterai, dans un registre plus humoristique, qu'il arrive parfois, dans les zones rurales, que des animaux - chevaux, vaches - s'égarant, tombent et se noient dans des piscines privées. (Sourires.) Cela prête effectivement à sourire, mais cela montre que nos campagnes évoluent et que les zones agricoles et rurales sont devenues également des zones résidentielles. Ce genre d'accidents, pour moins importants que ceux que j'ai évoqués avant, n'en demeurent pas moins désagréables.
    M. François-Michel Gonnot. Il faut mettre des barrières plus hautes !
    M. Lionnel Luca. J'en parlerai dans un instant, monsieur Gonnot.
    Les piscines sont trop souvent le théâtre de drames familiaux terribles : de lieux de joie, de détente, de loisirs, de plaisir, ils se transforment alors en lieux de deuil et de souvenirs tragiques.
    Fallait-il laisser faire en comptant uniquement sur l'amélioration de la sécurité des produits vendus, comme certains l'envisageaient, ou en se contentant de responsabiliser les adultes, les familles, les amis qui évoluent autour de ce lieu ? Non ! Il était nécessaire de légiférer pour améliorer la sécurité, pour diminuer les risques et, par la même occasion, attirer l'attention des adultes sur le danger. En effet, l'absence de protection particulière clairement identifiée peut laisser croire à une absence de danger. L'inconscience, en la matière, est grande. L'adoption de cette proposition de loi sensibilisera l'opinion qui prendra ainsi conscience de la réalité du danger de ce lieu consacré uniquement, jusque-là, aux loisirs.
    M. Gonnot prônait à l'instant l'édification de barrières. Je citerai à ce sujet l'exemple de l'Australie dont la réglementation impose des barrières d'un mètre cinquante dotées d'un verrouillage très compliqué pour que les jeunes enfants ne puissent pas les ouvrir.
    M. François-Michel Gonnot. C'est à cause des kangourous ! (Sourires.)
    M. Lionnel Luca. Pour les kangourous, il faudrait un dispositif encore plus élevé.
    L'exemple étranger nous incitait à réagir et il faut féliciter celui qui au Sénat, dès le mois d'août 2001, a présenté, avec plusieurs de ses collègues, une proposition de loi en ce sens je veux parler du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. J'avais, pour ma part, fait de même au mois de septembre de la même année, comme Mme la rapporteure a bien voulu le rappeler, mais sans concertation, ce que je regrette finalement. Elu des Alpes-Maritimes, j'avais été particulièrement choqué par nombre d'accidents survenus dans mon département ou dans celui du Var : à chaque fois des enfants en bas âge - entre six mois et deux ans - avaient été retrouvés noyés, engendrant des drames familiaux terribles.
    Je suis donc très heureux, monsieur le ministre, que ce texte ait été repris et adopté par nos collègues sénateurs et que celui qui en est l'auteur et est devenu Premier ministre nous ait permis d'en débattre aujourd'hui. M. Gilbert Gantier a fort élégamment salué l'attitude du Premier ministre. Je lui avais pour ma part rappelé, dès le mois de juillet de cette année, la nécessité d'examiner rapidement sa proposition de loi. Je me réjouis qu'aujourd'hui, au mois de décembre, nous puissions en débattre et l'adopter.
    Je félicite également M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, bref de la « qualité de la vie », comme on peut résumer son titre, de s'en être préoccupé sans considérer qu'il s'agissait d'un sujet mineur par rapport à d'autres plus importants et surtout plus médiatiques et d'être présent ce matin pour le défendre.
    Les trois articles de ce texte visent à réduire les dangers potentiels présentés par les piscines privées enterrées et à sensibiliser les propriétaires actuels et futurs de piscines aux risques que comportent celles-ci. C'est un texte souple, intelligent qui permet une application progressive et laisse le temps aux propriétaires actuels et aux constructeurs de s'adapter à la législation. Il permettra également à tous ceux qui sont sensibilisés d'anticiper les dates butoirs - 1er janvier 2004 pour les nouvelles constructions, 1er janvier 2006 pour les propriétaires actuels - ce qui laisse espérer de voir dès cet été les protections commencer à se mettre en place et, pour ceux qui ne les auraient pas encore mises, d'être peut-être plus avertis des dangers encourus et donc plus prudents. C'est un texte de bon sens.
    Il prévoit et reconnaît différents systèmes de protection. Il serait en effet aberrant d'imposer partout des barrières, pour des questions d'esthétique et de respect de l'environnement. Elles pourraient en effet porter préjudice à certains sites. C'est une preuve supplémentaire d'intelligence que de reconnaître la nécessité de systèmes différents adaptés au milieu.
    J'attire cependant votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que le système de bâchage ne protège du danger que lorsque l'on ne se sert pas de la piscine et qu'il n'est d'aucune utilité, même assorti de barrières ou d'une alarme, lorsqu'on s'en sert. Je ne crois pas qu'il faille le mettre en avant car il pourrait même être utilisé pour contourner la loi. Ce n'est pas parce qu'on aura mis un bâchage, pourtant nécessaire pendant la période hivernale quand on ne se sert pas de la piscine, qu'on empêchera les accidents durant la période estivale puisque le bâchage ne sera pas alors utilisé. Lorsque vous aurez à rédiger les décrets d'application, il vous faudra être vigilant sur cet aspect des choses.
    Comme toujours, certains ont fait valoir que le renforcement de la sécurité allait à l'encontre de la responsabilité individuelle. Je ne crois pas que ce soit le cas. Au contraire, comme vous l'avez très justement rappelé, organiser ainsi la protection des piscines, permettra d'attirer l'attention du public et invitera chacun à exercer pleinement sa responsabilité individuelle. Cela ne dispensera pas les adultes de s'occuper de leurs enfants, bien au contraire, mais nous savons bien qu'il suffit que l'attention soit détournée ne serait-ce qu'un instant, par exemple par une sonnerie à la porte - cela peut arriver aussi à des parents qui tiennent leur enfant par la main au bord d'un trottoir - , pour que l'enfant s'échappe... et le danger est là !
    Si ce texte ne devait sauver qu'un enfant, monsieur le ministre, il aurait déjà atteint son but. Si, en revanche, nous ne l'adoptions pas, nous serions coupables de non-assistance à enfant en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, acheter des rustines ne saurait éviter la crevaison.
    M. François-Michel Gonnot. Excellent !
    M. François Brottes. Accrocher chez nous des extincteurs n'empêchera jamais un incendie de se déclencher.
    M. François-Michel Gonnot. Leçon de pyromane !
    M. François Brottes. Installer une rampe le long d'un escalier n'exclut pas que l'on puisse dégringoler les marches. De même, installer une barrière au bord d'une piscine n'empêchera pas un enfant d'échapper à la surveillance de ceux qui en ont la charge ni les plus grands de laisser, par négligence ou par jeu, de laisser le portail légèrement ouvert.
    Faut-il pour autant ne rien faire ? Faut-il renoncer à installer des protections passives offrant un premier niveau de sécurisation ? Serait-ce seulement nous donner bonne conscience que de légiférer sur un sujet qui, sous une apparence purement technique, vise tout de même à réduire le nombre trop important des drames qui se produisent chaque année ? La réponse est évidemment : « Non ! » Pour autant, ne faut-il pas être vigilant et être conscient que l'adoption de ce texte risque de déresponsabiliser ceux qui sont chargés de la surveillance des enfants ? La réponse est, là, à coup sûr, positive. Nous avons le devoir d'impliquer la loi dans ce dispositif de précaution, tout en sachant qu'elle ne réglera pas tout : il sera toujours indispensable d'apprendre à nager le plus tôt possible aux enfants, de savoir pratiquer les premiers gestes qui sauvent et d'éviter la défaillance d'un système installé au rabais.
    Plusieurs enquêtes quantitatives réalisées récemment en France et à l'étranger mettent en évidence l'augmentation du nombre des noyades de jeunes enfants dans les piscines privées. La progression de ce chiffre est considérable, et cela est d'autant plus inquiétant que le nombre de piscines vendues augmente chaque année de 5 à 10%. Je tiens, en outre, monsieur le ministre, à souligner que les piscines vendues en grandes surfaces, accessibles aux familles modestes, et qui ne sont pas visées par ce texte, offrent des garanties de sécurité très approximatives.
    Plusieurs pays ont imposé des dispositifs de sécurité - l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada. Cela a entraîné, dans un premier temps, une chute de la mortalité liée à la noyade du fait de la généralisation de l'installation de barrières. Mais, dans un second temps, le nombre a de nouveau augmenté, car la vigilance des adultes s'est relâchée. C'est, en quelque sorte, le syndrome de la bonne conscience.
    Il faut donc envisager les dispositifs de sécurité des piscines privées enterrées comme une aide à la surveillance, et non comme une fin en soi. En effet, la responsabilité des parents, comme celle des propriétaires de piscines, ne doit pas être allégée par ces dispositifs techniques de sécurisation.
    Notre pays, il est vrai, n'a pas la culture de la prévention des risques, ni sur la route, ni au bord des piscines, ni même au pied des maisons et pas encore suffisamment à l'école. C'est pourquoi un des préalables nécessaires au dispositif juridique proposé aujourd'hui est la nécessaire sensibilisation à la prévention des accidents domestiques du grand public. On compte 19 500 décès par an causés par des accidents survenant au domicile, à l'occasion d'activités de loisirs ou à l'école. Par ailleurs, l'institut de veille sanitaire et la direction de la sécurité civile ont fourni des informations importantes sur la noyade : celle-ci est responsable de plus de 500 décès par an en France, ce qui correspond à la troisième cause de décès chez les enfants. Le dispositif proposé dans la proposition de loi ne peut pas être dissocié, je le répète, des efforts à accomplir en matière d'éducation du public, d'incitation à la vigilance des parents, d'apprentissage de la natation et de la formation à l'alerte. L'autre volet complémentaire de la prévention est bien sûr la mise en oeuvre d'une réanimation efficace le plus tôt possible après la noyade. Cette culture de sécurité ne peut être remplacée par des outils techniques. Une campagne nationale de sensibilisation à tous les risques domestiques devrait donc accompagner la publication de ce texte pour que la vigilance soit toujours l'élément prédominant de cette démarche.
    L'objectif de la proposition de loi est d'obliger les propriétaires privés à installer des dispositifs de sécurité. Ils ne pourront se soustraire à cette obligation. Le texte tend à responsabiliser les propriétaires ou les constructeurs en exigeant du matériel fiable et durable pour sécuriser les piscines, d'autant qu'il prévoit une sanction financière pouvant aller jusqu'à 45 000 euros si une procédure judiciaire est lancée à leur encontre.
    Sur le plan technique, il est bon de laisser aux propriétaires le choix du matériel en fonction de leur cas : barrières, portillons, volets roulants, systèmes d'alarme électronique ou autres techniques. Par contre, se pose la question du contrôle de la réalité de l'installation de systèmes de sécurité. Sur ce point, le groupe socialiste s'interroge sur les compétences des équipes qui seront mobilisées pour vérifier qu'il aura bien été procédé aux dates fixées par le texte, à la sécurisation de l'ensemble des piscines privées, y compris, et c'est très important, de celles à usage collectif, que l'on trouve dans les hôtels, les villages de vacances et les campings. Mais le Gouvernement s'est engagé, si le texte est adopté, à fournir un rapport à notre assemblée avant le 1er janvier 2007. Cela donnera un état précis des réalisations et permettra de mesurer l'écart entre les bonnes intentions et la bonne application.
    L'autre point sur lequel il est bon de s'interroger est la normalisation des dispositifs envisagés. Celle-ci sera-t-elle définie à temps pour permettre la mise en place du matériel au 1er janvier 2004 pour les piscines existantes, et au 1er janvier 2006 pour les piscines neuves ? L'AFNOR semble travailler depuis longtemps à la parution d'une norme en la matière. Il serait bon de mettre en cohérence la norme réglementaire qui sortira de ces travaux et les exigences du texte en cours de discussion.
    En tout état de cause le texte que nous examinons doit aujourd'hui mobiliser bon nombre de professionnels très inquiets, et bon nombre de propriétaires par trop dubitatifs. Parce qu'il a pour objet de protéger la vie des plus fragiles, le groupe socialiste ne s'opposera pas à son adoption et émettra un vote favorable.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien ! Bravo !
    Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Articles 1er à 3

    Mme la présidente. « Art. 1er. - Il est créé, au titre II du livre Ier du code de la construction et de l'habitation, un chapitre VIII ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« Sécurité des piscines

    « Art. L. 128-1. - A compter du 1er janvier 2004, les piscines enterrées non closes privatives à usage individuel ou collectif doivent être pourvues d'un dispositif de sécurité normalisé visant à prévenir le risque de noyade.
    « A compter de cette date, le constructeur ou l'installateur d'une telle piscine doit fournir au maître d'ouvrage une note technique indiquant le dispositif de sécurité normalisé retenu.
    « La forme de cette note technique est définie par voie réglementaire dans les trois mois suivant la promulgation de la loi n°             du             relative à la sécurité des piscines.
    « Art. L. 128-2. - Les propriétaires de piscines enterrées non closes privatives à usage individuel ou collectif installées avant le 1er janvier 2004 doivent avoir équipé au 1er janvier 2006 leur piscine d'un dispositif de sécurité normalisé, sous réserve qu'existe à cette date un tel dispositif adaptable à leur équipement.
    « En cas de location saisonnière de l'habitation, un dispositif de sécurité doit être installé avant le 1er janvier 2004.
    « Art. L. 128-3. - Les conditions de la normalisation des dispositifs mentionnés aux articles L. 128-1 et L. 128-2 sont déterminées par voie réglementaire.
    « Art. L. 125-9. - Supprimé. »
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)
    « Art. 2 - Le chapitre II du titre V du livre Ier du code de la construction et de l'habitation est complété par un article  L. 152-12 ainsi rédigé :
    « Art. L. 152-12. - Le non-respect des dispositions des articles L. 128-1 et L. 128-2 relatifs à la sécurité des piscines est puni de 45 000 euros d'amende.
    « Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions aux dispositions des articles  L. 128-1 et L. 128-2.
    « Les peines encourues par les personnes morales sont :
    « 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
    « 2° Les peines mentionnées aux 2° à 9° de l'article 131-39 du code pénal.
    « L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. » - (Adopté.)
    « Art. 3 - Le Gouvernement dépose avant le 1er janvier 2007 sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la sécurité des piscines enterrées non closes privatives à usage individuel ou collectif. Ce rapport précise l'évolution de l'accidentologie et dresse l'état de l'application des dispositions contenues à l'article 1er. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

    Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
    Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je tiens à remercier et à féliciter les députés. Il n'y a pas de textes mineurs ou futiles, il y a des textes utiles. Celui-ci en est un.
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je n'ai entendu aujourd'hui que des déclarations de bon sens. La proposition de loi elle-même est un texte de bon sens. Il importe maintenant de publier le plus rapidement possible - car nous savons que cela peut sauver des vies humaines - des textes réglementaires d'application simple.
    Je remercie l'ensemble de l'Assemblée nationale, tous groupes confondus, vous-même, madame la présidente pour le rôle que vous avez joué, et Mme la rapporteure pour son excellent rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à neuf heures cinquante-cinq, est reprise à dix heures.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.

12

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI

Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 329, 399).
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi qui vous est soumis en deuxième lecture est la mise en oeuvre d'un engagement que nous avions pris devant les Français : celui d'assouplir les 35 heures.
    Les 35 heures uniformes étaient inspirées par une conception, selon nous, malthusienne de partage du travail. Elle n'a pas créé beaucoup d'emplois et s'est souvent traduite par une modération salariale, mais elle s'est, par la force des choses, installée dans notre paysage social.
    Il convenait donc d'agir de façon pragmatique.
    Ce projet de loi offre ainsi aux partenaires sociaux, dans les branches et les entreprises, les moyens d'aménager la durée du travail. C'est en responsabilisant les partenaires sociaux et en desserrant les contraintes qui pèsent sur les entreprises que nous pourront revitaliser le dialogue social et relancer la croissance et l'emploi. A côté de cette faculté nouvelle d'aménager le temps de travail nous avons par ailleurs souhaité donner une lisibilité salariale plus cohérente et stimulante à toutes celles et ceux qui bénéficient des six SMIC actuels.
    Tel est le sens de ce projet de loi sur lequel nous avons déjà eu un débat fourni et à l'issue duquel de nombreuses améliorations ont été apportées.
    Je viens de l'indiquer, nous avons d'abord cherché à sortir par le haut et rapidement de l'impasse des multi-SMIC. La réduction arbitraire de la durée du travail avait gravement perturbé le rôle et la symbolique du SMIC. Il fallait donc agir rapidement. En la matière, nous avons choisi de marier l'efficacité et la justice sociale. Le mécanisme proposé est conforme à l'engagement pris par le Gouvernement à l'égard des travailleurs aux salaires les moins élevés.
    L'assouplissement des 35 heures constitue le second volet de ce projet de loi. Sans relancer le débat sur la réduction de la durée du travail, nous partons d'un fait malheureusement incontestable : notre pays se place dans les derniers rangs de l'Union européenne en matière de taux de chômage. C'est bien la preuve que nous n'avons pas réglé nos problèmes structurels. Il convient donc d'innover dans nos politiques et d'insuffler un nouvel état d'esprit.
    Dans cette perspective, notre approche est claire : nous souhaitons donner toute sa place au travail. Il reste l'élément central d'un progrès qui doit, dans le monde ouvert et compétitif qui est le nôtre, être stimulé et partagé ; nous voulons également rendre toute sa place à la négociation collective. Le fil conducteur de notre projet, c'est la confiance que nous accordons aux partenaires sociaux pour trouver des compromis adaptés et innovants. Nous ne nous en remettons pas seulement à la loi ; nous refusons la logique des prescriptions tâtillonnes ; en un mot, nous cherchons à « libérer » l'expression de la réalité des entreprises et des aspirations variées des salariés.
    La réforme sur laquelle vous êtes appelés à vous prononcer se caractérise par trois points : la simplicité d'abord, c'est le sens de l'uniformisation des contingents ; la recherche de la souplesse et de l'empirisme qui se traduit par un renvoi aux partenaires sociaux de la fixation du niveau du contingent des heures supplémentaires et des conditions de leur rémunération, c'est le point essentiel de la réforme proposée ; pour autant - et c'est là le troisième point - cette orientation ne se traduit pas par un désengagement de l'Etat, garant des grands équilibres. S'agissant d'une question aussi essentielle pour les salariés que celle de la rémunération des heures supplémentaires, la loi fixe les modalités de l'accord qui en déterminera le régime en exigeant un accord de branche étendu.
    La loi fixe, par ailleurs, une règle minimale en dessous de laquelle les partenaires sociaux ne sauraient valablement aller, en prévoyant que le taux de majoration ne peut être inférieur à 10 %. En ce qui concerne le niveau du contingent, l'Etat fixe la règle supplétive qui s'applique en l'absence d'accord. Un décret a ainsi fixé le niveau du contingent applicable en l'absence d'accord à 180 heures.
    Ces mêmes exigences de simplicité et de souplesse inspirent les autres dispositions concernant les 35 heures.
    C'est ainsi que les durées horaires annuelles de travail seront calculées, comme le font déjà de très nombreuses conventions, sur la base d'un niveau forfaitaire annuel de 1 600 heures, indépendamment des particularités de chaque année concernant le nombre de jours fériés. Le seuil de 10 salariés applicable en matière de repos compensateur sera porté à 20 salariés, mesure de simplification pour les entreprises mais surtout de cohérence par rapport au seuil qui avait été choisi en 2000.
    Le souci de souplesse inspire également les dispositions relatives au compte épargne-temps : les partenaires sociaux pourront désormais prévoir le choix entre compensation en argent et plus en temps.
    Une plus grande latitude sera donnée aux partenaires sociaux dans la définition des différentes catégories de cadres. Les définitions des cadres dits "intégrés et des cadres pouvant bénéficier des forfaits en jours ont été utilement précisées par vos travaux.
    Un amendement adopté par votre assemblée a également permis, dans la ligne de la directive européenne de 1993 et de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, de clarifier la situation du salarié lorsqu'il est d'astreinte mais n'a pas eu à intervenir pendant sa période d'astreinte.
    Enfin, la sécurisation des accords collectifs conclus en application des lois de 1998 et 2000 est désormais bien précisée. Le législateur valide les précédents accords au regard des règles posées par la loi et par son décret d'application. Ces accords étaient parfois ambigus ayant été conclus, entre 1998 et 2000 pour nombre d'entre eux, dans un cadre juridique incertain puisqu'ils l'avaient été dans l'attente de la deuxième loi Aubry. Ces accords pourront s'appliquer, en ce qui concerne le seuil de déclenchement du repos compensateur, dans la limite des 180 heures fixées par le décret.
    Enfin, dernier volet de ce projet de loi : un nouvel allégement des cotisations de sécurité sociale accompagne la sortie des multiSMICS et l'assouplissement des 35 heures. Ce nouveau dispositif d'allégement se mettra en place, progressivement, à partir du 1er juillet 2003. Maximum au niveau du SMIC, soit 26 % du montant des salaires, il concernera tous les salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC. S'appliquant à toutes les entreprises, indépendamment de leur durée collective, il n'introduira pas d'effet pervers dans le choix de cette durée. L'allégement structurel sera supprimé. Ciblé sur les bas salaires, le nouveau dispositif contribuera à créer des emplois, tout en visant tout particulièrement les petites et moyennes entreprises.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet allègement, de l'ordre de 6 milliards d'euros d'ici à 2006, sera compensé aux régimes de sécurité sociale.
    Mesdames et messieurs les députés, vous l'aurez compris, l'architecture de notre projet se fonde sur une recherche d'équilibre entre le maintien de la durée légale de 35 heures, les exigences de souplesse et de compétitivité des entreprises et un rôle accru conféré aux partenaires sociaux.
    Si la durée légale de 35 heures est maintenue, elle sera désormais organisée sur un mode qui permet aux acteurs sociaux, s'ils le souhaitent - puisqu'il faut un accord collectif -, de s'en écarter et de l'adapter à leurs situations. Le projet de loi sur la relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques va dans le même sens : celui de la reconnaissance du rôle des partenaires sociaux, de l'incitation au dialogue social à tous les niveaux.
    Ces deux réformes amorcent l'un des chantiers de l'an prochain : celui de la rénovation de notre démocratie sociale.
    C'est de la sorte que nous avons décidé de mettre la France en mouvement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ambition d'une nation est de donner à chacun des citoyens qui la composent les instruments de sa liberté et de son épanouissement, dans une société qui, par nature, est toujours en quête d'évolution et de perfectionnement.
    La France a, ces dernières années, cruellement manqué d'ambition.
    Les Français, le 21 avril dernier, nous ont solennellement sommés d'agir. C'est au Président de la République et au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qu'ils ont confié la très lourde tâche de relever ce défi. Défi d'une France ralentie par des lourdeurs de tous ordres, défi d'une France inquiète dans son identité, dans sa sécurité, dans sa volonté.
    Une des manifestations les plus probantes de cette inquiétude est la perte de repères de notre société face à cette valeur essentielle, constructive, qu'est le travail.
    Je ne reviendrai pas sur les chiffres du chômage - M. le ministre nous les a encore rappelés - , sur les facteurs économiques ni sur la conjoncture internationale. Mais nous sommes tous majoritairement d'accord ici pour affirmer que le malaise français s'est amplifié considérablement depuis l'instauration forcée des 35 heures, décidée en l'absence de concertation réelle, décidée tout simplement en l'absence de dialogue social.
    Le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, présenté devant le Parlement par le ministre des affaires sociales, de la solidarité et du travail, que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, et dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, constitue la clef de voûte, l'outil indispensable de la politique économique et sociale du Gouvernement. Ce texte permet, en effet, d'ouvrir les perspectives d'une dynamique nouvelle.
    J'aimerais revenir devant vous, en saluant le remarquable travail effectué par M. le ministre, sur la sérénité qui a présidé aux négociations lors de l'élaboration du texte et qui s'est manifestée tout au long de sa discussion. Ce sens de l'écoute et de la négociation tranche avec le caratère explosif du sujet soumis à notre examen.
    Vous nous avez donné la preuve, monsieur le ministre - et pourtant la transition était épineuse - qu'il était possible de réformer ce qui avait été présenté comme un dispositif phare du précédent gouvernement et une avancée sociale majeure, sans provoquer de contestation véritable. Dès votre arrivée à ce ministère, l'esprit du dialogue social était de retour.
    Le dispositif instauré par ce texte est ambitieux, audacieux et s'harmonise avec la tradition sociale de notre République. Il me semble nécessaire, au travers des atouts de ce projet, d'en souligner à nouveau la philosophie.
    Le premier atout est celui de la primauté donnée au dialogue social rénové et au droit conventionnel sur le droit réglementaire. Cet acte majeur confère aux partenaires sociaux une véritable responsabilité dans la redéfinition de leurs rapports.
    Le deuxième atout est celui qui permet d'abolir l'inégalité de rémunération pour les salariés les plus modestes en harmonisant par le haut les différents SMIC, mettant fin à l'aberration des SMIC multiples. Cette avancée sociale incontestable va se traduire par une augmentation très sensible du pouvoir d'achat des salariés les plus défavorisés et participera de ce fait au soutien de la consommation intérieure.
    Le troisième atout est celui du pragmatisme. La diminution massive des cotisations sociales patronales, quel que soit le temps hebdomadaire du travail est le seul levier efficace et reconnu qui permette de préserver et de développer l'emploi. En outre, ce dispositif permettra d'amortir le surcoût lié à l'harmonisation des « multiSMIC » que le précédent gouvernement nous a légués.
    Enfin, le relèvement du contingent d'heures supplémentaires par voie de décret pour une période transitoire constitue un outil adapté aux exigences de souplesse et d'adaptabilité qu'imposent la concurrence internationale et la lucidité.
    L'examen en première lecture par notre assemblée a confirmé l'équilibre général du projet de loi. Seuls quelques amendements ont été adoptés à cette occasion.
    Les dispositions introduites viennent préciser le dispositif sans, bien sûr, en modifier la substance. Des précisions ont été apportées au régime applicable aux « cadres intégrés », qui limitent ce dispositif aux seuls cadres dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe dont ils font partie. Le régime des astreintes, qui a donné lieu jusqu'à présent à des interprétations divergentes, a été clarifié. L'amendement adopté précise qu'à l'exception de la durée d'intervention, la période d'astreinte est décomptée dans les durées minimales du repos quotidien et hebdomadaire, car elle ne correspond pas à du temps de travail effectif. Le régime d'allégement de cotisations applicable pendant la période transitoire allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2005 a été simplifié, et les accords de réduction du temps de travail signés sous l'empire des lois Aubry I et Aubry II ont été sécurisés.
    Les travaux du Sénat, qui a adopté le texte lors de sa séance du 23 octobre 2002, ne remettent aucunement en question le texte voté par l'Assemblée nationale, confirmant ainsi la sérénité que j'évoquais il y a quelques instants.
    En effet, sept des treize articles issus du texte voté par l'Assemblée nationale le 15 octobre 2002 ont été adoptés conformes par le Sénat : l'article 1er, relatif au salaire minimum de croissance ; l'article 2 bis, relatif au régime de l'astreinte ; l'article 2 ter, portant coordination avec le code du travail maritime ; l'article 5, relatif au complément différentiel de salaire dans les établissements médico-sociaux ; l'article 9, relatif à l'application du dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales à certains régimes spéciaux de sécurité sociale ; l'article 10, affirmant le caractère individuel de l'aide Aubry I afférente au salarié y ouvrant droit et l'article 13, sécurisant les accords conclus sur le fondement des lois Aubry.
    Par ailleurs, sept autres articles n'ont été modifiés que de manière subsidiaire par rapport au texte adopté à l'Assemblée nationale : l'article 3, prolongeant jusqu'au 31 décembre 2005 le régime transitoire applicable en matière d'heures supplémentaires pour les entreprises de vingt salariés au plus ; l'article 4, transposant certaines dispositions du projet de loi dans le code rural, dont les dispositions relatives au régime des astreintes prévues par l'article 2 bis ; l'article 6, relatif au dispositif pérenne d'allégement de cotisations sociales patronales ; l'article 7, relatif au dispositif transitoire d'allégement de cotisations sociales patronales.
    Le Sénat a notamment poursuivi l'effort de l'Assemblée nationale visant à simplifier le dispositif dans les entreprises passées à 35 heures en l'étendant aux salariés intérimaires mis à disposition de ces entreprises. Par ailleurs, la Haute Assemblée a conservé le paragraphe V, relatif au cumul de l'allégement transitoire avec d'autres réductions ou abattements de cotisations, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
    Enfin, l'article 8, portant abrogation de l'allégement de cotisations sociales patronales lié à la réduction du temps de travail a également fait l'objet de modifications lors de son examen au Sénat : le paragraphe VII, relatif au dispositif d'allégement applicable à la Corse introduit en première lecture à l'Assemblée nationale, a été amendé par le Gouvernement.
    Ont également fait l'objet de modifications limitées : l'article 11, relatif aux dispositions transitoires entre la date d'entrée en vigueur de la loi et la pleine application de la refonte du dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales, et l'article 12, portant abrogation des règles d'accès, de suspension et de suppression de l'allégement de cotisations sociales patronales lié à la réduction du temps de travail.
    Seul l'article 2 a été amendé de manière notable. Tout d'abord, par une modification introduite dans son paragraphe VII, le Sénat propose de nouvelles règles applicables aux cadres qui ne sont ni des cadres dirigeants, ni des cadres intégrés dans une équipe et qui suivent les mêmes horaires que les salariés non cadres. A l'issue de ses travaux, le Sénat propose de confier le soin à la convention ou à l'accord de définir, « au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés ». Sans bouleverser la définition initialement contenue dans le projet de loi, la modification introduite a le mérite de la simplifier. Désormais, seul est considéré comme pertinent le critère de l'autonomie des cadres concernés. Ainsi, la référence à la nature des fonctions a disparu du projet de loi.
    Le Sénat a en outre complété l'article 2 en clarifiant la situation en matière de calcul du repos compensateur obligatoire s'agissant des contigents conventionnels des heures supplémentaires.
    Enfin, un nouvel article 3 bis a été ajouté par le Sénat. Il concerne la référence à la durée annuelle de travail en matière de modulation des horaires pour les salariés travaillant à temps partiel. Après examen, la commission s'est déclarée favorable à cet amendement de cohérence.
    Ainsi, il n'a pas été constaté de divergences de fond entre le Sénat et notre assemblée. Les travaux de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont donc conclu à l'adoption des modifications apportées par nos collègues siègeant au Palais du Luxembourg. C'est pourquoi la commission invite l'Assemblée nationale à adopter conforme le texte voté par le Sénat le 23 octobre 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour majorité présidentielle.)

Exception d'irrecevabilité

    Mme la présidente J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour la deuxième lecture d'une loi qui, sous couvert d'assouplissement, détruit des avantages acquis des salariés, une loi qui va contre le progrès social, une loi d'ailleurs combattue dès l'origine par le MEDEF, qui se plaçait sur un plan plus politique qu'économique. Le groupe socialiste a jugé ce projet de loi irrecevable, et c'est ce que je vais m'attacher à défendre dans ce propos.
    Le gouvernement Jospin, en posant le principe, par la loi, d'une réduction du temps de travail à 35 heures pour tous les salariés, au plus tard en 2002, a fait preuve d'un volontarisme politique incontestable. Refusant la fatalité de l'augmentation du chômage, il s'est fondé sur les revendications déjà anciennes de nombre d'organisations syndicales et de mouvements associatifs, pour offrir de nouvelles perspectives de partage du travail et d'amélioration de la qualité de vie des salariés.
    On aurait pu croire, avec l'adoption de la loi Robien, que la droite était favorable à une baisse de la durée du travail, en incitant financièrement les entreprises à passer aux 35 heures par la négociation.
    Force est de constater que le bilan de cette loi est maigre : seulement 35 000 emplois créés, pour une dépense d'argent public qui, comparativement, était infiniment plus importante que celle qui a accompagné les lois Aubry. Il est utile aussi de rappeler que les négociations entre partenaires sociaux avaient eu lieu au mois d'octobre 1995 et qu'elles n'avaient pas entraîné la signature d'un nombre significatif d'accords de branche.
    Aussi, prétendre, comme vous le faites encore, qu'on peut agir sur la durée du travail sans passer par un acte contraignant est proprement illusoire, pour ne pas dire mensonger. La démarche annoncée par Lionel Jospin en 1997 ne pourrait que se fonder sur une loi, sans laquelle le plus grand mouvement de négociation collective jamais constaté dans notre pays, débouchant lui-même sur la création d'au moins 300 000 emplois, n'aurait pas vu le jour.
    Quoi que vous puissiez dire, les lois sur les 35 heures étaient bien des lois pour l'emploi et pas contre l'entreprise. Les témoignages concordent. Partout où les négociations se sont bien déroulées, c'est-à-dire dès lors que le rapport de forces n'était pas défavorable aux salariés, la mise en place des 35 heures s'est soldée par des créations d'emplois pérennes et par une modification du climat social dans l'entreprise. Certes, ces créations ont surtout été constatées dans les grandes entreprises, ce qui peut s'expliquer en grande partie par l'étalement de la mise en application de la loi dans le temps selon qu'on franchissait ou non le seuil de vingt salariés.
    Aujourd'hui, en interrompant la mise en oeuvre de la RTT, vous abandonnez la dynamique et ne prenez pas en compte le nombre d'emplois qui auraient pu encore être créés dans les petites entreprises. Vous choisissez de casser le mouvement et de mettre un coup d'arrêt à cette politique qui, rappelons-le, avait déjà largement commencé à porter ses fruits et qui n'était pas à bout de souffle.
    Aujourd'hui, que proposez-vous si ce n'est divers mécanismes d'allégement de cotisations patronales fusionnés et déconnectés de la durée du travail ? Il n'y aura plus d'allégements liés à un accord de réduction du temps de travail. Les entreprises restées à 39 heures ne seront plus incitées à négocier une baisse du temps de travail, leurs salariés n'oseront plus espérer voir aboutir des accords.
    Par ailleurs, tous les salariés pourront régulièrement être astreints à des heures supplémentaires. Vous savez bien qu'ils n'auront pas vraiment le choix. On peut, c'est vrai, avec un certain machiavélisme, leur faire croire que ce sont eux qui décideront du temps travaillé mais, en réalité, ce sera leur employeur ou leur chef de service, et ils seront pris en otage. Les heures supplémentaires, qu'ils le veuillent ou non, ils seront obligés de les effectuer.
    Il n'est plus question non plus de récupération en temps des majorations d'heures supplémentaires entre la trente-sixième et la trente-neuvième heure comme c'était le cas. Ces majorations seront désormais rémunérées. Dans les entreprises de plus de vingt salariés, elles seront majorées de 25 %, mais des accords de branche pourront réduire cette bonification à 10 % ce qui est tout de même un recul. Encore une fois, les salariés des PME de vingt personnes ou moins sont d'office mal lotis : pour eux, ce sera 10 % de majoration seulement jusqu'à la fin de 2005. Les salariés gagneront certes le paiement de la majoration de leurs heures supplémentaires mais, en échange, ils perdront des jours de repos.
    Le verrou du contingent d'heures supplémentaires passe de 130 à 180 heures sur l'année. Au-delà de cette limite, chaque heure travaillée est non seulement payée en tant qu'heure supplémentaire, mais aussi récupérée sous forme de repos : c'est le repos compensateur. Dans les entreprises de plus de vingt salariés, cette récupération est intégrale : chaque heure travaillée au-delà du contingent est récupérée à 100 %. Ce mécanisme crée, de fait, une durée maximale de travail sur l'année. Avec le relèvement du contingent d'heures supplémentaires de 130 à 180 heures, ce plafond passe de 1 730 à 1 780 heures annuelles. C'est donc la possibilité, pour les entreprises, de maintenir les 39 heures. De leur côté, les entreprises de dix à vingt salariés s'alignent sur le régime qui s'appliquait jusqu'à présent aux seules entreprises de moins de dix salariés : pour elles, les heures au-delà du contingent d'heures supplémentaires ne donnent droit qu'à 50 % de repos compensateur. Ce sont plus de 1,3 million de salariés qui connaîtront ce régime moins favorable.
    Là aussi, le temps de travail risque de s'allonger au détriment de l'embauche de nouveaux salariés.
    Les salariés de l'encadrement qui émargeaient au forfait annuel en heures risquent de devoir passer au forfait jours 217 jours au plus par an. Il suffira d'un seul critère : qu'ils travaillent avec une « réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps », définition assez vague pour permettre toute interprétation. Jusqu'à présent, la nature de la fonction et les responsabilités exercées entraient en ligne de compte pour déterminer le type de forfait applicable. Désormais, l'accès au forfait jours est élargi à quasiment tous les cadres, ce qui aura pour conséquence une durée annuelle plus importante. Par ailleurs, le code du travail va être modifié pour étendre le forfait annuel en heures à davantage de salariés itinérants non cadres. Ils seront ainsi amenés à travailler plus en percevant moins d'heures supplémentaires.
    Un accord de branche ou d'entreprise permettra de transformer le bénéfice du compte épargne temps en argent, et non plus en temps de repos, comme l'obligeait la loi Aubry. Là aussi, la philosophie est à l'augmentation du temps de travail. Ainsi, votre nouveau texte prévoit que les congés payés, dans la limite de cinq jours, peuvent être convertis en avantage financier, dans le cadre du compte épargne temps, ce qui aboutit à une véritable remise en cause de la cinquième semaine de congés payés.
    Enfin, selon les dispositions adoptées en séance ici-même et votées conformes par le Sénat, le temps d'astreinte, en dehors du temps de travail effectif et payé comme tel, est décompté du temps de repos quotidien ou hebdomadaire. C'est contraire au principe même de l'astreinte, car les salariés en astreinte ne sont pas libres de leurs mouvements. Ils ont des contraintes fortes qui ne leur seront plus reconnues. Je note au passage que le Sénat a étendu ce nouveau régime des astreintes aux salariés agricoles.
    Je n'irai pas jusqu'à dire, comme certains, qu'il s'agit là d'une nouvelle forme d'esclavagisme, ce qui serait vraiment excessif, mais je peux vous assurer que cette annonce est très mal vécue par les salariés et leurs familles.
    Vous assouplissez ainsi la loi sur la réduction du temps de travail, combattue dès le départ par le MEDEF. Il semblerait vraiment que vous ne puissiez lui résister !
    Vous prétendez vous appuyer sur les résultats des élections, mais souvenez-vous qu'entre 1997 et 2000, la principale préoccupation des Français était l'emploi. Personne ne peut nier que, grâce à notre action volontariste, nous avons contribué à la diminution du chômage. La volonté politique n'en a certes pas été le seul moteur, mais cela a été un moteur incontestable.
    C'est vrai que, pour un grand nombre de nos concitoyens, cela faisait déjà partie des acquis sociaux. Peut-être parce qu'ils n'avaient pas eu à se battre pour les acquérir, n'en ont-ils pas pris la pleine mesure. Je pense qu'il en est de même pour la CMU et l'APA.
    Depuis quelques semaines, on assiste à une remise en cause de ces textes comme si économie et social ne faisaient pas bon ménage, alors qu'ils sont indissociables. Je pense souvent, en siégeant sur ces bancs, à ce film de Charlie Chaplin où une jeune femme aveugle détricote le pull de l'acteur. J'ai l'impression d'assister, ici, au détricotage d'un certain nombre de grandes lois sociales.
    Pourtant, des sondages récents ont montré la satisfaction d'une majorité de salariés ayant eu accès aux 35 heures.
    La réduction du temps de travail est, sur le long terme, un moyen de développer l'emploi certes, mais aussi une forme de partage des gains de productivité spectaculaires réalisés par nos sociétés industrielles. C'est ainsi que le temps de travail annuel moyen est passé entre 1870 et 1988 de 2 964 à 1 610 heures aux Etats-Unis, de 1 941 à 1 523 heures en Allemagne, de 2 964 à 1 839 heures aux Pays-Bas et de 2 945 à 1 503 heures en France, tandis que le niveau de vie était multiplié par dix.
    Dans notre histoire récente, on a toujours été dans ce sens-là.
    En 1924, au sujet de la loi des huit heures, on entendait au Sénat dire que c'était une loi de suicide national, une loi de paresse.
    En 1938, un député ultraconservateur de Besançon déclarait : « Les gens qui travaillent trouvent que ça ne va pas. Par contre, les rigolards, les fatigués, les fainéants souhaitent que cela dure et ils bénissent un régime qui leur a imposé la "ribouldingue et leur interdit tout effort. Si, depuis deux ans, on avait, dans les sphères dirigeantes, employé autant de zèle et de soins à organiser le travail qu'on a mis à créer les loisirs, nous n'en serions pas au point où nous en sommes. » Le gouvernement Blum était visé parce qu'il avait créé un secrétariat d'Etat aux loisirs et aux sports.
    A chaque réduction du temps de travail, les conservateurs de ce pays ont crié à la fin de la valeur du travail, à la fin de la liberté d'entreprise. On n'est pas très loin de ces propos, quand vous dites que la valeur du travail disparaît du fait des 35 heures.
    La valeur du travail, dont vous nous parlez si bien, nous y sommes tous attachés, mais vous allez m'expliquer comment on peut en avoir une notion lorsque l'on est au chômage et surtout lorsque l'on est chômeur de longue durée. Quels effets sur l'emploi attendez-vous du gel de la loi Aubry ?
    L'emploi était notre priorité, et nous avons tout tenté pour enrayer le chômage. Vous mettez en pièces un à un les dispositifs offerts à nos concitoyens.
    Pourtant, en matière d'emploi, les chiffres sont clairs : le bilan du gouvernement Jospin est bon. De 1990 à 1997, le nombre de chômeurs avait augmenté de 900 000 personnes ; entre 1997 et 2001, il a été réduit d'autant. Ce qui est intéressant, c'est que le « bon emploi » a nettement plus progressé que le « mauvais emploi ». Par exemple, le temps partiel imposé a diminué.
    La réduction du temps de travail a aussi permis d'opérer une révolution culturelle dans l'entreprise, les plans sociaux ne devaient plus être une fatalité. Des entreprises ont ainsi réduit la durée de travail de leurs salariés afin de préserver des emplois. C'est une autre façon de penser la masse salariale ; on peut en effet la redistribuer.
    En plus de la création de 350 000 emplois, donc de l'aide à la réduction du chômage, les dispositifs Aubry ont également eu pour effet d'améliorer la performance du travail et de renouer le dialogue social dans l'entreprise. A cette occasion, nombreux sont nos concitoyens qui ont pris conscience de l'intérêt du temps libéré.
    Vous qui prétendez souvent être attaché au dialogue social, monsieur le ministre, vous ne pouvez nier les bienfaits des lois Aubry sur la négociation collective. Dans les entreprises, les gens ont discuté de leur travail, de son organisation. C'est un progrès extraordinaire.
    En termes de démocratie sociale, les lois Aubry ont également beaucoup apporté. Elles ont d'abord ouvert la voie à l'accord majoritaire en posant une condition de majorité à l'exonération de cotisations sociales pour les entreprises. Elles ont ensuite permis pour la première fois aux organisations syndicales, par le biais du mandatement, de pénétrer dans des petites entreprises. Ce faisant, elles ont démontré qu'il était possible de négocier dans les plus petites structures, et de mettre en place un dialogue constructif débouchant sur la conclusion d'accords.
    Enfin, le mouvement de négociation qui a suivi la première loi sur les 35 heures est d'une ampleur inédite dans notre pays. Jamais autant d'accords collectifs n'ont été signés dans les branches et les entreprises que sous la dernière législature.
    M. Claude Gaillard. Il n'y avait pas le choix !
    Mme Hélène Mignon. Vous voulez supprimer le dispositif de négociation, qui prévoyait obligatoirement un accord majoritaire. Les 35 heures sont d'autant plus appréciées dans les entreprises que les salariés ont été consultés.
    Concernant les cadres, la loi sur les 35 heures n'a pas bénéficié qu'à eux, mais ils en ont bénéficié. Nous ne devons pas en avoir honte. Pourquoi ne pourrait-on évoquer à leur sujet la notion de temps de travail, sous prétexte qu'ils sont cadres ? Les heures supplémentaires ne sont pas utilisées pour eux. Il était normal de prévoir un dédommagement, et cela s'est fait en jours de RTT. C'est une bonne solution.
    Si les cadres ont obtenu un allégement du temps de travail, il apparaît que l'effet « emploi » ait davantage bénéficié à des catégories d'employés et d'ouvriers.
    Les femmes, et en particulier les mères de famille d'enfants de moins de douze ans, ont apprécié la nouvelle mesure leur permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle. Que vont-elles faire lorsque le chef d'entreprise, le chef de service leur annoncera l'allongement de la durée hebdomadaire de travail et que le problème de la garde des enfants se posera à nouveau ? Auront-elles le choix ? Ne sentiront-elles pas une fois de plus peser plus lourd sur leurs épaules la charge de travail, d'autant plus que leur compagnon risque de se retrouver dans la même situation ? N'oublions pas cette richesse que représente le travail des femmes dans notre pays, plus que dans les autres pays européens.
    Quant au temps partiel, quelques-uns le souhaitent, mais beaucoup le supportent. Grâce aux créations de postes, un salarié à temps partiel sur cinq est passé à temps complet entre 2000 et 2001. C'est ainsi que la réduction du temps de travail a permis à ces salariés de passer de vingt ou vingt-neuf heures par semaine à trente-cinq heures. Par ailleurs, les entreprises passant à 35 heures embauchent plus souvent à temps complet que les autres. Au total, la part des salariés à temps partiel qui déclarent vouloir travailler davantage a diminué de neuf points depuis 1997. S'il n'y a pas eu de nouvelle embauche dans ce cas, il y a eu souvent une diminution de la précarisation au sein même de l'entreprise.
    Les temps partiels imposés, dont les femmes sont les premières victimes, ne peuvent être considérés comme la conséquence de la diminution du temps de travail.
    Je voudrais, parce que cela me paraît capital, souligner l'inégalité entre salariés bénéficiant d'une durée hebdomadaire de travail et ceux qui n'y auront jamais accès. Cela remet en cause le principe fondamental. Il va y avoir, avec votre loi, un monde du travail à deux vitesses.
    En effet, ceux qui effectueront 39 heures, alors que la durée légale était passée à 35 heures dans leur entreprise, bénéficieront du paiement des quatre heures supplémentaires avec majoration du taux horaire, tandis que d'autres, appartenant pourtant au même secteur professionnel, revendiquant la même qualification, parce qu'ils travaillent dans une entreprise qui a pu différer la mise en application de la précédente loi, continueront à travailler 39 heures avec une augmentation de salaire dérisoire, de l'ordre de 1 %. Ce sont généralement les travailleurs des petites entreprises qui sont concernés. Or 20 % des salariés dans notre pays travaillent dans des entreprises de moins de vingt salariés. Ils ne sont pas représentés, pas défendus, pas syndiqués, ou ils le sont peu.
    Ce texte crée une véritable et profonde inégalité entre les salariés. En instaurant une différence de traitement entre les femmes et les hommes, il remet en cause le principe d'égalité devant le travail, qui est un principe constitutionnel.
    Dernièrement, monsieur le ministre, vous avez annoncé vouloir geler pendant deux ans l'accord sur le passage aux 35 heures dans l'hôtellerie et la restauration. Vous savez pourtant que, si les hôteliers et restaurateurs se plaignent de ne pas trouver de réponse aux embauches qu'ils proposent, c'est bien parce que, dans la grande majorité des cas, les semaines trop lourdes, les salaires peu attractifs rebutent les jeunes, même ceux qui ont été formés dans ces filières. Bon nombre d'entre eux, munis de leurs diplômes, entament une vie professionnelle dans le secteur de leurs compétences et s'en écartent à la première occasion. Mais surtout, alors que vous vous targuez d'avoir remis à l'honneur le dialogue social, vous biffez ainsi d'un coup de plume deux ans et demi de négociations ayant abouti à un accord majoritaire signé par la CGT et la CFDT. Cela ne sera pas sans conséquences pour les 650 000 salariés de ce secteur.
    En proposant ce texte, vous voulez mettre en oeuvre des dispositions de régression sur les heures supplémentaires, sur le seuil de déclenchement du repos compensateur, mais, en plus, les appliquer à des chefs d'entreprise et à des salariés qui ont négocié, en toute bonne foi, dans un cadre que l'Etat leur avait fixé, et en avaient accepté les contreparties. Vous modifiez le cadre juridique dans lequel les accords sont intervenus. A notre avis, le paragraphe B de l'article 2 introduit par le Sénat ne permet pas, comme vous le prétendez, d'assurer une sécurisation juridique.
    Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous invite à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, votre démonstration reprend point par point celle que nous avons entendue en première lecture. Je pourrais donc vous renvoyer aux arguments que, à l'époque, j'avais opposés aux motions de procédure qui avaient été soutenues.
    Votre argumentation n'a pas changé. Elle repose sur l'idée que le partage du travail est une réponse efficace au problème du chômage. Nous avons fait la démonstration que c'était faux. Si tel était le cas, compte tenu de l'effort considérable accompli à l'occasion des deux lois Aubry et du recours massif aux emplois aidés, la France devrait, en ce domaine, être en tête des pays développés.
    M. Gabriel Biancheri. Exactement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Or, on le voit encore aujourd'hui, contrairement à la France, certains pays européens continuent, malgré la situation économique, d'améliorer leurs performances en matière d'emploi. C'est donc bien que nous avons des problèmes structurels à résoudre et que, d'une certaine manière, les lois sur les 35 heures ont rendu l'économie française plutôt moins réactive à l'environnement économique international que d'autres.
    Je reconnais que, dans tous les pays du monde, la durée du travail a tendance à se réduire. Mais cette idée elle-même affaiblit terriblement la force de votre démonstration : ailleurs, en effet, la durée du travail se réduit sans lois, par accords entre les partenaires.
    M. Gabriel Biancheri. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle ne se réduit pas de façon autoritaire, imposée, brutalement, comme chez nous.
    M. Charles Cova. Par oukase !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous ne sommes pas hostiles à la réduction du temps de travail. Nous savons bien qu'il n'y a pas de raison pour que la durée du travail reste inchangée au fil des siècles, malgré les évolutions technologiques et les évolutions des sociétés. Mais c'est aux hommes et aux femmes dans les entreprises, dans les branches, de négocier, d'adapter le temps de travail à la réalité des situations.
    Votre démonstration se fonde, d'autre part, sur l'idée selon laquelle nous n'aurions pas de politique de l'emploi parce que nous défaisons celle de nos prédécesseurs. Ceux qui soutiennent une telle idée ne nient pas seulement l'alternance et le choix démocratique des Français, mais ils trahissent leur très grande confiance en soi. La politique de l'emploi qu'ils ont conduite n'a pas, de notre point de vue, obtenu les résultats que l'on pouvait en espérer. Au moment des élections, les Français ont fait des choix politiques et nous ont confié la mission d'alléger les contraintes pesant sur l'économie. C'est le programme sur lequel nous avons été élus et que nous mettons aujourd'hui en oeuvre.
    C'est vrai, ce programme ne consiste pas à construire des cathédrales juridiques pour contraindre les entreprises à agir selon la loi, jusque dans le moindre détail. Nous avons une philosophie différente et pensons que c'est en assouplissant, en allégeant, en diminuant les contraintes, en donnant plus de responsabilités aux partenaires sociaux, et non pas en construisant des monuments législatifs, que nous pourrons redonner de l'efficacité à notre économie.
    Enfin, madame, vous avez, à la fin de votre démonstration, évoqué la décision qui a été prise concernant le secteur de l'hôtellerie, du café et de la restauration. Je voudrais vous rappeler que l'accord qui a été conclu entre les partenaires sociaux dans cette branche n'a pas été remis en cause dans son principe. Il a simplement été modifié sur un aspect : la décroissance des horaires. Vous savez que, dans ce secteur, les horaires étaient bien supérieurs à ceux des autres secteurs de l'économie. Un accord prévoyait en effet, en contrepartie de la décroissance progressive, des allégements de charges supplémentaires, allant au-delà de ceux prévus par les lois Aubry - allégements de charges que certains, dans cet hémicycle, n'aiment d'ailleurs pas beaucoup.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Or, nous considérons que ces allégements de charges supplémentaires avaient été promis de manière tout à fait inconsidérée, car ils représentent un volume considérable, qui va très au-delà de ce qu'il était souhaitable de faire. L'accord prévoyait que, si ces allégements de charges n'étaient pas mis en oeuvre, la décroissance des horaires serait stoppée. C'est la raison qui nous a conduits à prendre cette décision.
    En tout cas, rien, dans votre démonstration, ne justifie que l'Assemblée nationale émette un vote différent de celui de la première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
    La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    M. Gaëtan Gorce. Il est presque inévitable que le débat retrouve les accents de la première lecture. Nous aurons à aborder, dans la discussion, des points nouveaux qui ont été introduits par le Sénat, mais notre groupe a voulu rappeler, par la voix de Mme Mignon, tous les efferts pervers qui vont découler du dispositif que vous mettez en place.
    Vous n'assumez pas complètement la remise en cause des 35 heures, mais préférez agir par la bande, pour les démanteler d'une manière beaucoup plus habile que par une démolition ouverte et politiquement revendiquée. Mais je ne reviendrai pas sur cette situation et répondrai plutôt sur les deux ou trois points que vous avez évoqués, monsieur le ministre.
    Vous avez aussi parlé du partage du travail. Dans le débat qui nous intéresse, il faut, je crois, éviter les contresens : les 35 heures n'ont jamais été conçues et organisées en vue d'un partage du travail, mais bien d'un partage de la richesse produite en supplément, chaque année, par notre économie. C'est ce surplus, comme diraient les économistes, que l'on a voulu redistribuer en faveur de l'emploi, puisque, depuis plus d'une dizaine d'années, notre économie le distribuait un peu vers les salaires, beaucoup vers les dividendes ou d'autres formes de rémunération, mais plus du tout vers l'emploi. C'est justement ce processus que les 35 heures ont eu pour effet d'enrayer et de renverser.
    Vous disiez par ailleurs que nous ne pouvions pas tirer argument du fait que, chez nos voisins européens, on constatait un mouvement de réduction du temps de travail, sous prétexte que, chez nous, il est incité par la loi. Il est bien de reconnaître que ce mouvement existe ailleurs, mais on ne peut ignorer que, dans notre pays, tant qu'un nouvel élan n'aura pas été donné à nos relations sociales et professionnelles, c'est toujours la loi - et non la négociation - qui est à l'origine des principales avancées sociales. On peut le regretter - et, personnellement, je le regrette - , mais c'est un fait incontestable. Ce n'est pas que la culture de la négociation soit écrasée par la culture législative : c'est qu'elle n'a pas encore réussi à s'installer, faute de moyens juridiques et humains.
    M. François Goulard. Vous ne l'avez pas aidée à éclore !
    M. Gaëtan Gorce. D'ailleurs, j'observe que l'argument de la primauté de la négociation pèse moins dans votre discours lorsqu'il s'agit de justifier la remise en cause des incitations à la négociation que représentaient les allégements de cotisations : vous maintenez les allégements, mais supprimez toute incitation et toute référence à la négociation.
    Vous dites - vous le reconnaissez enfin ! - que vous avez bien le droit de démanteler notre politique de l'emploi, puisque l'alternance vous y autorise. Il est vrai que vous disposez de la majorité de cette assemblée. Mais, dans le contexte économique et social actuel, au lieu de démolir ce qui a été fait par ses prédécesseurs, le Gouvernement serait sans doute mieux inspiré de travailler à forger de nouveaux outils, à créer de la confiance pour soutenir la croissance et l'emploi. Or, la politique que vous menez ne nous paraît pas s'engager dans cette voie. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité défendue par notre collègue Hélène Mignon.
    Mme la présidente. La parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Claude Gaillard. En défendant l'exception d'irrecevabilité, le porte-parole du groupe socialiste n'a pas vraiment apporté d'éléments nouveaux.
    Je voudrais donc, simplement, contester quelques points qui me paraissent essentiels dans ce qui s'apparentait beaucoup plus à une affirmation sans preuves qu'à une démonstration. Au fond, ce qui nous sépare le plus sûrement des socialistes, c'est que, pour eux, et aujourd'hui encore, on sait en haut ce qui est bien pour en bas : ils considèrent que la France est homogène, et qu'une même mesure peut s'appliquer à tout le monde. Il était urgent d'agir, car le système était dans une impasse. Si l'on avait compris dès le départ que les difficultés étaient de nature différente selon qu'on considérait les grandes multinationales, les petites et moyennes entreprises ou le monde artisanal, on aurait certainement légiféré d'une autre manière sur la réduction du temps de travail.
    On l'a déjà dit plusieurs fois, la réduction du temps de travail est un phénomène naturel qui est appelé à se développer à l'avenir. Mais c'est un contresens que de forcer le rythme aux moments difficiles, car cela affaiblit notre économie et le monde du travail.
    Au fond, aujourd'hui, l'important, c'est moins de dire qu'il faut donner plus de temps et d'argent aux salariés, que de reconnaître qu'ils sont suffisamment adultes pour gérer leur vie professionnelle en fonction de leurs besoins, de leurs priorités, qui ne sont pas partout les mêmes.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est scandaleux !
    M. Jérôme Lambert. Allez voir comment ça se passe dans les entreprises !
    M. Claude Gaillard. Il nous appartient en effet de faire confiance aux partenaires sociaux...
    Mme Muguette Jacquaint. Dites ça aux salariés d'Alcatel ou d'Aventis !
    M. Claude Gaillard. ... et de leur dire qu'ils ne sont pas mineurs, qu'ils ont la capacité de négocier, de déterminer ce qui concilie au mieux les besoins, les souhaits du personnel et la survie de l'entreprise, de telle façon que l'emploi puisse redémarrer.
    Enfin, on n'avait jamais vu autant de licenciements économiques que dans le semestre qui a suivi l'entrée en vigueur de ces mesures et de la loi dite de modernisation sociale. On a bloqué les bas salaires et affaibli globalement les plus faibles et les plus démunis d'entre nous.
    M. Jean-Claude Leroy. Ben voyons !
    M. Claude Gaillard. La majorité des acteurs du monde économique, qu'il s'agisse des chefs d'entreprises ou des salariés, n'a pas apprécié l'effet bouleversant des 35 heures. Pour bien mesurer les effets pervers de ce type de mesures, il suffit de regarder ce qui se passe dans une partie de la fonction publique, notamment dans le monde hospitalier. Là encore, qui souffrira le plus, sinon les plus démunis d'entre nous ?
    Je ne doute pas que le gouvernement de l'époque ait voulu bien faire, mais je suis certain que cela s'est retourné contre ceux qu'il souhaitait aider. En tout état de cause, il nous appartient aujourd'hui de corriger les erreurs qui ont été commises, de penser aux plus faibles et de traiter la première des priorités, qui est la création d'emplois. C'est tout l'objet de ce texte de loi.
    M. Gabriel Biancheri. C'est exact !
    M. Claude Gaillard. Pour terminer, je souhaiterais que nous sortions d'un vieux débat, qui remonte à la première partie du siècle précédent. Ne réinventez pas à toute force la lutte des classes. Une maturation s'est produite, les rapports sociaux sont aujourd'hui d'une tout autre nature. Si nous en prenions tous conscience, nous aurions peut-être plus de facilité à nous comprendre.
    En tout état de cause, comme l'a dit M. Gorce, chacun a tous les droits ici et s'enrichit des réflexions de l'autre. Je voulais simplement dire aujourd'hui que nous avons la conviction de légiférer en faveur de la compétitivité, notamment pour les plus démunis d'entre nous. C'est pourquoi nous ne voterons pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Muguette Jacquaint. J'apprécie que M. Gaillard nous rappelle que nous avons tous les mêmes droits dans cet hémicycle.
    M. Claude Gaillard. C'est M. Gorce qui l'a dit !
    Mme Muguette Jacquaint. De toute façon, si vous ne nous aviez pas donné ces droits, nous les aurions pris !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. On dirait du Gremetz !
    Mme Muguette Jacquaint. La représentation nationale, c'est vous, mais c'est nous aussi.
    M. Gabriel Biancheri. Vous êtes de moins en moins nombreux ! Vous êtes une espèce protégée ! 3 % !
    Mme Muguette Jacquaint. Cela étant, je ne surprendrai pas M. le ministre et la représentation nationale en indiquant que le groupe des député-e-s communistes et républicains votera pour l'exception d'irrecevabilité.
    M. Gaëtan Gorce. Très bien !
    Mme Muguette Jacquaint. Je le dis parce que nous avons entendu des propos qui font mal.
    M. Richard Mallié. La réciproque est vraie !
    Mme Muguette Jacquaint. Quand vous dites, monsieur Gaillard, que les salariés ont la responsabilité de gérer leur vie professionnelle, je trouve cela déplacé et scandaleux.
    M. Charles Cova. Les outrances de Mme Jacquaint !
    Mme Muguette Jacquaint. Je ne mettrai pas toutes les entreprises dans le même sac et vous avez vous-même fait la distinction entre les grands groupes multinationaux et les petites entreprises, bien que les petites et moyennes entreprises - je l'ai toujours dit et je ne suis pas la seule à le penser - soient très dépendantes des grands groupes financiers. Mais aller dire, aujourd'hui, aux salariés d'Alcatel, d'Aventis...
    M. Gabriel Biancheri. D'EDF !
    Mme Muguette Jacquaint. ... à qui on vient d'annoncer 660 licenciements, qu'ils ont la liberté de gérer leur vie professionnelle, leurs conditions et leurs droits au travail, c'est scandaleux.
    Malheureusement, le texte de loi qui nous est proposé aujourd'hui donne raison à ceux qui, comme vous, tiennent ce langage, puisqu'il assouplit les 35 heures, avant qu'un prochain texte ne supprime l'interdiction de licencier.
    M. Claude Gaillard. Autant interdire le chômage.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est donner du grain à moudre à M. Ernest-Antoine Seillière ou à M. Guillaume Sarkozy qui se vante, qui se réjouit, qui a la fierté de licencier, de délocaliser, d'externaliser. Oui, décidément, ce texte ne fera qu'aggraver la situation ! C'est donc sans états d'âme que nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Charles Cova. Après tout, elle a bien défendu son idéologie !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe UMP.
    M. Claude Gaillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 octobre dernier, nous avons voté ce texte en première lecture. La majorité de l'Assemblée nationale marquait ainsi sa confiance dans le caractère équilibré de ce projet. Aujourd'hui, monsieur le ministre, nous réaffirmons notre confiance, car notre vision n'a pas changé.
    Les enjeux de la première lecture ont été rappelés par vous-même, monsieur le ministre, et par notre excellent rapporteur, M. Morange. Je me bornerai, quant à moi, à évoquer l'évolution des régimes applicables aux cadres intégrés, la clarification du régime des astreintes, la simplification du régime d'allégement et la sécurisation des accords.
    Je me réjouis que nos amis sénateurs aient utilement pu apporter leur contribution à ce texte, notamment à l'article 2.
    Naturellement, notre groupe suivra les souhaits de la commission, qui sont exprimés par son rapporteur, et votera ce texte en deuxième lecture. En effet, il marque bien le début d'une politique économique et sociale rénovée, offrant l'occasion de réfléchir plus avant sur certains aspects de notre droit du travail.
    La semaine dernière, la discussion du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi a d'ailleurs permis de souligner à quel point il était urgent d'en suspendre les incohérences les plus flagrantes.
    A cet égard, la discussion n'en est qu'à ses débuts et nous nous associons à la volonté du ministre de réformer en profondeur la politique sociale de notre pays, tout particulièrement en laissant à des partenaires sociaux responsables et représentatifs la place qui doit être la leur, et qui n'a plus été la leur dans la législature précédente. La route est longue et les étapes essentielles sont devant nous : aménagement de l'assurance-emploi pour offrir aux salariés les outils d'une formation tout au long de la vie, création du contrat d'insertion dans la vie sociale, modernisation des conditions du dialogue pour améliorer les dispositifs d'insertion et transformer le RMI en revenu minimum d'activité et, enfin, réforme trop longtemps différée des retraites. Pour toutes ces étapes, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre participation active et sur notre soutien. Nous serons à vos côtés pour réformer la France afin de la rendre plus active et plus solidaire.
    De plus, quelques amendements examinés en commission, même s'il apparaît difficile de les adopter, méritent néanmoins d'être abordés en séance afin que le débat soit éclairé par la représentation nationale et par le Gouvernement. Le président de la commission et le rapporteur en sont d'accord. Je pense en particulier à un amendement de notre collègue Bernard Depierre tendant à préciser que le temps de trajet entre le siège de l'entreprise et le chantier ne peut être assimilé à du temps de travail effectif dans le secteur des bâtiments et travaux publics et qu'il appartient à la convention collective de définir des indemnités compensatrices au bénéfice des salariés concernés.
    A cet égard, je pense, à l'instar du rapporteur, notre ami Pierre Morange, qu'il paraît difficile de prévoir, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi, une dérogation pour un seul secteur d'activité dans le code du travail, s'agissant d'une question aussi complexe et sensible que le calcul du temps de travail effectif. Toutefois, comme le problème est sérieux, je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous nous ferez part des mesures à prendre afin de remédier aux difficultés que l'on constate.
    Du point de vue de la méthode, je rappellerai simplement que ce projet de loi de quelques pages et de treize articles n'a plus rien à voir avec l'usine à gaz des deux lois Aubry et de leurs décrets. Il devrait d'ailleurs servir de modèle quant à la façon de légiférer, d'autant plus qu'il laisse de larges espaces de négociation entre les partenaires sociaux, la loi n'intervenant que pour fixer les règles fondamentales ainsi que les règles supplétives qui ne s'appliqueront qu'en absence d'accord conventionnel.
    Cette méthode, simplicité et participation, nous entendons la mettre en oeuvre tout au long de la législature. Ce texte permet également de régler le problème des 35 heures qui nous a été légué. A cet égard, rappelons que la gauche plurielle nous a proposé au détour de plusieurs amendements le passage aux 32 heures !
    Nous affirmons haut et fort la concertation, le pragmatisme et le volontarisme, en décidant, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, d'harmoniser rapidement et par le haut les nombreux SMIC issus de la machine technocratique des 35 heures. Cette unification du SMIC permet ainsi à l'immense majorité des salariés concernés de voir augmenter de façon sensible leur feuille de paie.
    Simplicité et volontarisme caractérisent également le choix d'une politique d'allégement de charges pour les bas salaires. Cette politique, nous la voulons car elle crée des emplois, et la création d'emplois est au coeur de nos préoccupations. La baisse des charges provoque son effet maximal dans les secteurs caractérisés par les bas salaires et qui sont les plus exposés à la concurrence. C'est pourquoi elle est est concentrée entre 1 et 1,7 fois le SMIC.
    Enfin, ce projet se veut aussi porteur d'une philosophie, non dans un sens idéologique et dogmatique, mais en ceci qu'il met en avant une valeur que nous considérons comme essentielle pour la cohésion de notre société et l'épanouissement de l'homme, le travail. C'est cette valeur qu'il convient aujourd'hui de réhabiliter, en permettant au plus grand nombre d'accéder à un emploi et en récompensant le travail par des revenus plus élevés que ceux de l'assistance, pour résoudre ce qui est un des problèmes importants de notre pays.
    Voilà, en quelques mots, les enjeux de cette deuxième lecture de ce projet de loi, et de la politique sociale. Le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail, et au développement de l'emploi constitue une première étape essentielle. Dans cette première étape, monsieur le ministre, vous pouvez bien évidemment compter sur le soutien le plus total de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, le jugement des Français sur la politique économique et sociale de votre gouvernement est en train d'évoluer, j'allais presque dire que s'il n'est pas sans appel - il est encore un peu tôt -, il commence à être sévère. L'opinion, qui a son bon sens, désapprouve votre action qui consiste, comme nous l'avons dit tout à l'heure, à remettre en question les lois Jospin plutôt qu'à définir une stratégie active et offensive de soutien à la croissance et à l'emploi.
    A en croire un sondage publié récemment, si les Français approuvent largement la politique menée par votre collègue M. Sarkozy, 57 % pensent que vous allez dans le mauvais sens en ce qui concerne la lutte contre le chômage, et plus de 60 % pensent la même chose concernant les retraites.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais nous n'avons encore rien fait dans ce domaine !
    M. Gaëtan Gorce. Vous n'avez encore rien fait, c'est vrai. Le pire est donc à venir.
    Si, pour reprendre l'expression du journal Libération, « La loco Sarko tire le Gouvernement », je crois que vous méritez mieux, monsieur le ministre, en tout cas les sujets dont vous avez à traiter méritent mieux que la voiture-balai.
    L'opération de démantèlement à laquelle vous vous êtes attaché n'a échappé à personne, malgré les précautions de langage dont vous vous entourez, malgré les prudences qui vous caractérisent.
    Les partenaires sociaux ne sont d'ailleurs guère enthousiastes. Les uns stigmatisent déjà votre méthode. Il est vrai qu'il y a un paradoxe à vouloir réformer nos relations sociales après avoir modifié unilatéralement, par la loi, de nombreux textes portant sur des sujets qui auraient dû relever directement du champ de la négociation.
    D'autres disent même qu'il existe désormais entre vous et eux un problème de confiance. Nous l'avons dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle, le renvoi à la négociation vous sert manifestement trop souvent de prétexte à une remise en cause unilatérale des avancées réalisées sous la législature précédente. Il ne faut pas s'étonner que les partenaires sociaux, que vous cherchez ainsi à instrumentaliser, s'en émeuvent.
    Nul doute que le projet de loi dont nous débattons à nouveau aujourd'hui conforte encore cette perplexité de l'opinion et des partenaires sociaux. J'ai eu l'occasion, en première lecture, de dénoncer le faux procès maintes fois instruit contre la réduction du temps de travail et de stigmatiser les conséquences de la remise en cause à laquelle vous procédez.
    De ce strict point de vue, après son passage au Sénat, votre texte ne comporte aucune amélioration notable - mais qui pouvait réellement douter qu'il en serait ainsi ?
    La fin de l'indexation du SMIC sur la croissance, c'est-à-dire le gel pur et simple du pouvoir d'achat pour des centaines de milliers de salariés, est confirmée.
    Le contournement de la durée légale, à travers le relèvement unilatéral - et, pour le coup, sans négociation - des contingents d'heures supplémentaires, reste la pierre angulaire de votre dispositif.
    La parole donnée par l'Etat aux entreprises, visant à garantir à celles-ci la pérennité des allégements de cotisation en contrepartie de la réduction du temps de travail à 35 heures à laquelle elles auront procédé, cette parole, donc, n'est pas respectée.
    La subtile perversité du dispositif d'allégement, dont l'effet est qu'une entreprise qui fera des heures supplémentaires jusqu'à 39 heures touchera en réalité plus d'allégements qu'une entreprise respectueuse de la durée légale que vous prétendez maintenir, cette subtile perversité est renouvelée. Cela ne vous gêne manifestement pas de faire ainsi un pied de nez à la négociation sociale et à la référence à la durée légale.
    Plus grave, vous confirmez le système à deux vitesses que vous avez choisi d'instaurer entre les salariés des petites entreprises et les autres. Les premiers n'auront pas droit aux 35 heures, qu'ils abandonneront contre des heures supplémentaires mal rémunérées. On peut concevoir, au vu d'un tel constat, que nos concitoyens, comme les partenaires sociaux, puissent douter.
    Mais le Sénat n'a pas hésité à aller encore un peu plus loin. Il en a rajouté dans la tartufferie : cachez ces 35 heures que je ne saurais voir. Pour en être dévots, les sénateurs, dans leur majorité, n'en sont pas moins conservateurs. Au fil des débats, ils ont instillé dans votre texte quelques éléments sur lesquels je voudrais appeler l'attention de notre assemblée, s'il est possible de le faire ce matin.
    Premièrement, le Sénat a considérablement élargi le champ du forfait jour pour les cadres, en renvoyant totalement à la négociation, et sous couvert désormais du seul critère d'autonomie, la définition des cadres relevant de ce système. L'intention est évidente : il s'agit d'élargir le champ d'application du dispositif à l'ensemble des cadres, alors qu'il avait été conçu uniquement pour bénéficier à ceux jouissant d'une réelle autonomie et d'un vrai niveau de responsabilité dans l'entreprise, caractérisé par un niveau de rémunération élevé. A l'évidence, vous souhaitez généraliser un dispositif qui avait été conçu pour rester l'exception, compte tenu des dérogations aux règles de droit commun, comme la référence aux maxima horaires et hebdomadaires qu'il prévoit. Cette dérive est grave et condamnable. Elle a pour effet de détourner le forfait jour de son véritable objet. Elle suscitera d'ailleurs de la part des cadres et de leur représentants une opposition forte. Mais surtout, elle traduit une vision de l'encadrement en total décalage avec l'attente de ces salariés : ceux-ci veulent désormais mieux concilier l'exercice de responsabilités et la disponibilité pour leur vie familiale et sociale. Ils ne souhaitent pas être considérés comme des salariés taillables et corvéables à merci.
    Deuxièmement, le Sénat a procédé à un petit coup de force. Vous aviez, il est vrai, préparé le terrain. En autorisant la monétarisation des comptes épargne temps, vous aviez déjà clairement concrétisé votre volonté de revenir sur la diminution du temps de travail, en substituant de l'épargne monétaire à du temps libre différé. Ce faisant, vous reveniez de facto sur une partie de la réduction du temps de travail. Le Sénat, avec votre accord, est revenu, lui, de fait, sur la cinquième semaine de congés payés, puisqu'il sera désormais possible d'intégrer cinq jours de congés payés dans le compte épargne temps et d'obtenir leur rémunération en argent et non plus en temps libre. Je ne reviendrai pas sur des références qui nous ont opposés pendant le débat de première lecture, où vous n'aviez pas hésité à vous en prendre - ce qui laissera un souvenir dans ces discussions, pour nous qui avons parfois la nostalgie d'autres débats - aux quarante heures, à Léon Blum et au Front populaire. Il ne vous suffit pas de revenir sur les 35 heures : le Sénat s'en prend maintenant, d'une certaine manière, à la cinquième semaine de congés payés. L'énumération ne fait sans doute que commencer.
    Le plus préoccupant - c'est le troisième point - est la manière dont vous avez choisi de traiter la négociation. Et le Sénat en a apporté une nouvelle illustration à travers le B de l'article 2 qu'il a introduit dans le texte, et que notre collègue Hélène Mignon a justement évoqué.
    En déconnectant les allégements de cotisations de toute réduction du temps de travail, vous avez tout d'abord retiré à la négociation son plus puissant élément d'incitation. En autorisant un large recours aux heures supplémentaires et en supprimant tout lien entre l'allégement et le respect de la durée légale, vous avez aussi privé les accords signés de leur point d'équilibre, puisque les compromis acceptés par les salariés, par exemple sur les salaires, avaient justement pour contrepartie la réduction du temps de travail. Or, celle-ci ne sera désormais plus garantie par la possibilité de maintenir ou pas les allégements.
    Mais surtout, vous n'hésitez pas à modifier par la loi, unilatéralement, le contenu d'accords de branche normalement négociés par les partenaires sociaux et auxquels vous décidez de substituer votre propre interprétation, vous plaçant ainsi en total décalage avec les propos que vous tenez sur la liberté de la négociation et l'autonomie des partenaires sociaux.
    En indiquant que tout accord prévoyant un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures vaudra ipso facto relèvement du seuil de déclenchement du repos compensateur au-delà de ce seuil, vous outrepassez manifestement la volonté des négociateurs, d'une manière que l'on n'avait jamais observée auparavant. C'est dire le peu de cas que ce gouvernement fait, en réalité, de la parole des partenaires sociaux.
    Si les syndicats ont accepté d'augmenter le volume des heures supplémentaires dit libre, dans les négociations auxquelles j'ai fait référence, c'est justement parce qu'ils savaient qu'en tout état de cause les salariés bénéficieraient d'un repos compensateur au-delà de 130 heures. Cette entorse faite de manière brutale, cassante, au principe même de la négociation et de la liberté contractuelle, mérite d'être rappelée, soulignée, dénoncée, contestée.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. C'est bien la réalité, monsieur le président de la commission. Je vous invite à lire attentivement le B de l'article 2. D'ailleurs le ministre ne l'a pas contesté, puisqu'il a indiqué que l'ambiguïté des accords devait être levée sur ce point précis du repos compensateur, alors que, pour nous, il n'y avait pas ambiguïté : il fallait s'en tenir à ce que la loi autorisait, c'est-à-dire un relèvement des contingents sans toucher au repos compensateur. Et si l'on veut toucher au repos compensateur, la logique serait d'encourager une nouvelle négociation, pour que les partenaires sociaux puissent indiquer leur accord. Mais ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Ce sont tous ces petits riens qui font une politique et qui contredisent les propos que vous tenez. Ces petits riens, pardonnez-moi de vous les rappeler de temps en temps.
    Pour autant, vous n'en serez pas quitte avec le vote de cette loi, ce qui nuance d'ailleurs, d'une certaine manière, nos regrets par rapport aux dispositions que vous nous faites voter.
    Comme sur d'autres sujets, vous repoussez les problèmes pour éviter de les affronter. Mais vous ne faites que remettre à plus tard un inéluctable rendez-vous.
    En démantelant les 35 heures, vous vous privez, tout d'abord, d'un outil pour l'emploi qui aurait pourtant été bien nécessaire dans le contexte actuel. Vous n'avez cessé de répéter, en première lecture, que les 35 heures n'avaient pas contribué à la création d'emplois. Pour le prouver, votre majorité n'a pas hésité à malmener vos services, qui, études à l'appui, démontraient le contraire. Mais depuis, l'INSEE s'est mêlé au débat en publiant une étude qui confirmait que l'on pouvait imputer à la réduction du temps de travail la création de 300 000 emplois supplémentaires. Et il n'est pas un économiste qui ne soutienne l'idée selon laquelle relever, comme vous le faites, le contingent d'heures supplémentaires dans le contexte actuel sera au mieux inutile, au pire préjudiciable à l'emploi. A l'évidence, la question du lien entre l'emploi et le temps de travail ressurgira.
    Deuxièmement, vous cassez un formidable outil de négociation. Cela n'a pas l'air de vous émouvoir, mais celle-ci a connu une dynamique inhabituelle depuis quatre ans, qui a bouleversé nos relations sociales dans les services, dans les petites entreprises. Le mouvement de négociation était d'ailleurs extrêmement fort depuis le début de cette année et il pouvait laisser penser que l'on atteindrait le pari que nous nous étions fixé de généraliser progressivement le dispositif à l'ensemble des petites et moyennes entreprises. Vous n'avez pas non plus cherché à consolider le mandatement, qui avait été l'un des outils de la négociation. Et au fond, en vous privant de cet outil, vous bloquez une négociation qui était pourtant nécessaire, surtout dans ces modalités. Là encore, cette question ressurgira.
    Troisièmement, vous avez également créé de formidables tensions dans les petites et moyennes entreprises. Et je me demande comment vous allez gérer la frustration que ne va pas manquer de susciter chez leurs salariés le fait de ne pouvoir bénéficier ni d'un véritable gain de pouvoir d'achat ni de la réduction du temps de travail. Le malaise sera certes diffus. Il ne donnera pas lieu, compte tenu des caractéristiques de ces entreprises, à des conflits sociaux spectaculaires et médiatisés. Mais il va entretenir une sorte de rancoeur, une amertume qui se traduira sans doute dans la démographie de ces entreprises, en accentuant leur difficulté de recrutement, et dans leur climat social. Elle se traduira peut-être aussi dans les urnes qui se feront alors l'écho du sentiment d'abandon ressenti par cette partie du monde du travail. Cette question, là aussi, ressurgira.
    Quatrièmement, vous installez l'idée que pourrait s'appliquer au vrai problème des entreprises et du monde du travail la fausse réponse de l'augmentation du temps travaillé. La réduction du temps de travail fait partie d'un mouvement en profondeur de notre société. Elle est juste, parce qu'elle correspond à un partage de la richesse produite en faveur des salariés et du temps libéré. Elle est nécessaire, puisqu'elle permet d'associer, d'intégrer dans l'emploi plus de salariés. Elle est utile, parce qu'elle permet de bâtir progressivement une société du temps choisi, dans laquelle le progrès s'identifie à un nouvel équilibre entre temps travaillé, temps de formation et temps libéré.
    Imaginer que la réponse à la demande d'une hausse du pouvoir d'achat, que la réponse à la question du vieillissement démographique et du remplacement des générations partantes, que la réponse à la question du financement des retraites, imaginer, donc, que ces réponses puissent, sur le moyen terme, passer par une augmentation du temps travaillé par chacun dans notre société, dans sa journée, dans sa semaine, dans son année ou dans sa vie entière, imaginer cela est un terrible contresens. Cette fausse réponse ne peut pas fonctionner, parce qu'elle va à l'encontre d'un mouvement séculaire qui n'a fait que s'accentuer. Elle repose sur une conception erronée, une vieille idée fausse selon laquelle il serait vertueux de travailler plus et vicieux de travailler moins. Elle contredit les analyses économiques qui lient la performance, la rentabilité, la productivité à la réduction du temps de travail et la font dépendre aussi de ce qui peut se faire en dehors du travail, en particulier la formation et l'acquisition de nouveaux savoir-faire.
    Les vraies questions qui sont devant nous sont en réalité celles de la création d'un nouveau droit du temps de travail, qui prenne en compte les aspirations diverses des salariés, qui organise des passerelles entre les différents temps de vie, qui privilégie la formation, la mobilité et l'insertion professionnelle. C'est le contraire, au fond, de l'approche qui est la vôtre, laquelle est souvent résumée de manière assez brutale, pour ne pas dire caricaturale par les représentants de votre majorité. La réduction du temps de travail suscite sans doute l'irritation de cette majorité parce qu'elle bouscule ses schémas de pensée, parce qu'elle introduit, c'est vrai, de la complexité, qui est pourtant le reflet de la société dans laquelle nous vivons et des aspirations de nos concitoyens. Il est plus facile de lui préférer une fausse simplicité, celle des catégories toutes faites qui nous sont présentées à longueur de journée dans ce débat. Mais, loin de s'arrêter au vote de votre projet de loi, la discussion n'est pas près de cesser. Cette question, là aussi, ressurgira. Elle ne passera sans doute plus nécessairement par la loi, et c'est tant mieux, sinon pour corriger les inégalités que vous aurez vous-même instaurées. Mais elle se prolongera, et je fais le pari que nous la retrouverons parmi les grands sujets qui nous opposeront lors des échéances électorales prochaines.
    Enfin, cinquièmement, vous aurez du mal à tenir les engagements que vous avez pris auprès des entreprises et des salariés. Vous cherchez à faire croire à ces derniers qu'ils pourront bénéficier de gains de pouvoir d'achat. La démonstration est vite faite : ils échangeront une véritable réduction du temps de travail contre une fausse promesse d'augmentation de salaire. Vous faites croire aux entreprises qu'elles pourront bénéficier d'allégements sans la contrepartie de la réduction du temps de travail. Vous serez bien en peine, dans le contexte budgétaire et fiscal auquel vous êtes confrontés, d'honorer vos engagements en la matière. Les 15 milliards d'euros que vous avez promis de mobiliser dans ce but, vous aurez du mal à les trouver. D'abord, en raison des difficultés budgétaires que j'évoquais, ensuite, parce que votre politique ne dégagera pas, en termes d'emplois, de croissance et donc de ressources pour la collectivité,les marges de manoeuvre nécessaires. Là aussi, cette cinquième question ressurgira.
    Loin d'être tranché, j'en suis persuadé, par le vote auquel nous allons procéder aujourd'hui, le débat sur le temps de travail est bien devant nous. Ne serait-ce que parce que vous continuerez à subir les pressions du patronat et d'une partie de votre majorité, pour lesquels vous n'en ferez jamais assez. Fin des emplois-jeunes, abrogation de fait de la loi de modernisation sociale, remise en cause des 35 heures : à ces mots, le MEDEF ne se sent plus de joie, il ouvre un large bec mais il ne laissera pas tomber sa proie. Vous l'aurez toujours présent à vos côtés pour en réclamer plus. Sans doute avez-vous choisi la méthode subtile qui consiste à faire sans annoncer, mais beaucoup, parmi vous, souhaitent que vous le fassiez de manière plus claire, plus forte, plus apparente, avec les conflits que cela est de nature à susciter.
    Mais le débat reviendra surtout parce que votre projet de loi ne règle rien. Il crée de nouvelles inégalités, alimente des frustrations, contourne les tendances de fond de notre société. C'est la raison pour laquelle je pense que nous aurons sur ce sujet d'autres rendez-vous pour de véritables discussions sur ces questions qui restent à trancher, et qui continueront à intéresser l'ensemble de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Gantier, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française et apparentés, et pour dix minutes.
    M. Gilbert Gantier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions relatives à l'entreprise ont toujours constitué une priorité pour le groupe UDF. C'est pourquoi son objectif est de marquer une rupture complète avec les lois Aubry I et Aubry II et d'apporter les corrections indispensables aux dispositions du code du travail dans le but, non pas de multiplier les dispositions de l'arsenal législatif et réglementaire, comme avait pu le faire le gouvernement de Lionel Jospin, mais au contraire de le simplifier.
    Comme nous le rappelions lors de la première lecture, l'UDF est en phase avec la volonté du Gouvernement, monsieur le ministre. Nous estimons, en effet, que tout ce qui va dans le sens de la simplification des textes, de la valorisation du travail, de la reconnaissance des salariés et des entreprises va dans le bon sens.
    S'il était des mesures sociales à prendre d'urgence, ce sont bien celles que vous nous proposez dans ce texte.
    L'harmonisation des SMIC, tout d'abord, mettra fin au système profondément inégalitaire que nous connaissons actuellement, dans lequel pas moins de six SMIC coexistent. Alertée par la majorité, l'opposition de l'époque connaissait les risques que le texte sur les 35 heures faisait courir au SMIC. Ce que l'actuelle majorité veut faire, c'est simplement mettre fin aux disparités engendrées par cette loi. C'est une excellente chose. Concernant la baisse des charges et celle du coût du travail, nous vous rappelons que l'urgence, pour les entreprises, et finalement pour les salariés, est de réduire le coût du travail. Or l'allégement des charges ne compensera que partiellement les effets du mécanisme de convergence et certaines entreprises n'en bénéficieront pas.
    C'est pourquoi nous avions demandé en première lecture la mise en place de mesures visant à réduire le coût du travail dans l'entreprise. Ainsi nous avions proposé la création des emplois « francs », qui, je l'espère, verront le jour prochainement. Je rappelle qu'il s'agit d'emplois pour lesquels les cotisations patronales seraient limitées à 10 % du salaire brut pendant une durée de cinq ans. Leur nombre ne pourrait être supérieur à un pour un employeur individuel, et à deux pour une entreprise libérale ou une petite entreprise industrielle ou de service, dans la limite d'une cinquantaine de salariés.
    S'agissant du volet heures supplémentaires, nous sommes en phase avec les objectifs que vous affichez.
    Nous voterons donc ce texte car, conformément à l'engagement pris pendant la récente période électorale, il assouplit les règles relatives à la durée du travail, en laissant davantage de place à la négociation collective et en permettant aux salariés qui le souhaitent de travailler plus, et d'obtenir une contrepartie financière pour ce surplus de travail.
    Pour parvenir à cet assouplissement, le groupe UDF avait déposé, en première lecture, de nombreux amendements sur des sujets aussi divers que l'astreinte, l'utilisation tout au long de la vie professionnelle du compte épargne-temps, l'assouplissement des règles relatives à la durée du travail des jeunes apprentis pour mieux prendre en compte les contraintes liées à leur activité, la primauté de la démarche conventionnelle et contractuelle en dehors des dispositions qui relèvent de l'ordre public social.
    Le porte-parole du groupe UDF avait souligné, en première lecture, l'urgence de construire avec les partenaires sociaux une nouvelle société dans laquelle la participation et la négociation collective seraient les moyens privilégiés de résoudre les problèmes et les instruments majeurs du changement. Cette réforme d'envergure de nos relations sociales, que nous avons demandée au Gouvernement, consiste dans l'évolution de la hiérarchie des normes sociales, la révision des règles de représentativité des organisations syndicales et l'amélioration des conditions de financement de la démocratie sociale.
    Vous avez déclaré, monsieur le ministre, « partager l'analyse du groupe UDF sur la situation du dialogue social dans notre pays et sur la nécessité de faire évoluer les règles qui le régissent ». Vous avez du reste, dans le cadre du projet de loi sur la négociation collective, engagé cette démarche. Nous vous demandons d'entamer dans les plus courts délais une vaste discussion avec les partenaires sociaux pour repenser le dialogue social en France.
    Par ailleurs, nous nous félicitons que le Sénat ait accepté, notamment, notre amendement relatif à l'astreinte, et nous prenons acte de l'engagement du Gouvernement de mener une réflexion sur le régime du forfait heure et jour pour les cadres.
    Toutefois, nous craignons que les mesures proposées aient pour conséquences de surenchérir quelque peu le coût du travail. Or, comme vous le savez, la préoccupation majeure des Français reste l'emploi. Nous vous demandons donc de présenter des mécanismes qui permettent réellement de baisser le coût du travail tout en augmentant le pouvoir d'achat des salariés.
    Nous attendons aussi une véritable réflexion sur le dialogue social, afin de construire avec les partenaires sociaux une nouvelle société fondée sur la participation et la négociation collective. Le gouvernement de Lionel Jospin s'y était refusé avec obstination, multipliant les dispositions de l'arsenal législatif et réglementaire. Mais, monsieur le ministre, il faut en finir avec les bricolages. Seule une réforme d'envergure de nos relations sociales a des chances de réussir vraiment. Notre droit social doit être repensé, en s'inspirant des pays voisins et du droit européen.
    Dans le cadre de cette réflexion, il est impératif de faire évoluer la hiérarchie des normes sociales, en laissant à mon sens une place prépondérante au contrat. Il convient également de revoir les règles de représentativité des organisations syndicales, fixées à la Libération et aujourd'hui obsolètes.
    En troisième lieu, il est temps de favoriser la conclusion d'accords réellement majoritaires, avec des syndicats représentatifs, d'améliorer les conditions de financement de la démocratie sociale et de doter notre pays d'une nouvelle hiérarchie des normes sociales.
    Il convient enfin d'alléger le code du travail, dont le volume a triplé au cours de ces dernières années et dont, aux dires des experts, 70 % des dispositions ne sont jamais appliquées.
    Mme Muguette Jacquaint. Dommage que les salaires n'aient pas connu la même augmentation !
    M. Gilbert Gantier. Le groupe UDF espère donc que votre engagement d'ouvrir, dès le début de l'année à venir, une vaste discussion avec les partenaires sociaux prendra cette forme et, bien entendu, il votera le texte tel qu'il nous est soumis.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, revient en seconde lecture l'examen du projet de loi dit « d'assouplissement des 35 heures ». En mettant un terme au processus progressiste de la réduction du temps de travail, en augmentant le nombre d'heures supplémentaires, en remettant fondamentalement en cause certains principes du code du travail, en supprimant délibérément certains avantages sociaux acquis par les salariés et en cassant les dispositifs anti-licenciements de la loi de modernisation sociale, la majorité et son gouvernement prennent la décision de réduire le volume d'embauche dans les entreprises et d'enfoncer beaucoup de nos concitoyens dans la précarité.
    A cela viennent s'ajouter la suppression des emplois-jeunes et les mesures concernant les CEC et les CES, le tout agrémenté d'une obstination dans la course effrénée aux exonérations de charges. En définitive, vous persistez dans une politique de l'emploi à contre-courant des aspirations du moment ; vous montez de toutes pièces un contresens économique. Peut-être est-ce volontaire, pour revenir encore plus fortement à la charge contre les avantages que confère la législation sociale aux salariés, pour le moment encore épargnés.
    Toutefois, dans un contexte économique incertain, où le chômage peine à se résorber, tout comme la précarité, il aurait mieux fallu développer les emplois correctement rémunérés, pousser en faveur d'un pouvoir d'achat revalorisé, susceptible de favoriser la consommation et de consolider la croissance, mais aussi accorder des droits nouveaux aux salariés afin de leur permettre de mieux affronter les appétits financiers des grands groupes, avides de licenciements et de délocalisations.
    Nous avons démontré, en première lecture, que votre texte, comme celui qui réforme la loi de modernisation sociale, étaient à contre-courant des aspirations du monde du travail et surtout prenaient le contre-pied des engagements que vous avez pris devant les Français.
    C'est le cas, tout d'abord, pour le SMIC. Pour les salariés au SMIC, vous jouez du mécontentement légitime de ceux qui ont subi- ils ne sont pas tous dans ce cas -, à la suite du passage aux 35 heures, un gel de salaire. En annonçant une augmentation de 11,4 % du taux horaire du SMIC, vous laissez espérer un gain équivalent de pouvoir d'achat, alors que vous donnez satisfaction au MEDEF en supprimant l'indexation du SMIC sur les gains de pouvoir d'achat du salaire.
    Toujours pour satisfaire les exigences du MEDEF, vous réduisez le taux de rémunération des heures supplémentaires, contredisant les propos du Chef de l'Etat selon lequel « ceux qui veulent travailler plus pourront gagner plus ». Si le Gouvernement souhaite que ceux qui désirent travailler plus puissent le faire en gagnant davantage, pourquoi ne pas aller jusqu'à offrir cette possibilité aux salariés à temps partiel qui la réclament ? Pourquoi ne pas garantir la liberté de chaque salarié d'accepter ou de refuser les heures supplémentaires « proposées » par l'employeur et ne pas rémunérer à leur juste valeur les heures supplémentaires, les heures complémentaires et, plus généralement, le travail des Français ?
    Fort de votre majorité au Sénat, vous êtes allé encore plus loin en adoptant des dispositions graves concernant les cadres, puisque vous donnez la liberté au patronat de modifier le statut de milliers de salariés en faisant voler en éclats leurs droits et leurs protections.
    Vous êtes resté sourd à l'opposition des syndicats concernant le recul social inadmissible que représente la modification du régime juridique des astreintes. Comment voulez-vous avoir un minimum de crédibilité auprès des partenaires sociaux quand vous répondez à leurs interpellations par un silence pur et simple ?
    A cet égard, je rappellerai également votre décision autoritaire de geler, par décret, un accord majoritaire signé entre syndicats majoritaires de salariés et d'employeurs de la restauration dans le cadre de la réduction du temps de travail, gel dont la partie la plus ultra du patronat de la branche affirme qu'il est le « cadeau de Noël dont la profession avait besoin ». Quel aveu et quel mépris pour les salariés et leurs représentants !
    Votre majorité a adopté, voire amplifié, nombre de dispositions qui auront pour effet d'accroître la flexibilité, la précarité du travail et le recours au temps partiel en même temps qu'elles feront grandir le sentiment d'abandon déjà ressenti par des millions de travailleurs fragiles. Sous couvert d'une simplification du droit du travail, vous bouleversez toute la hiérarchie des normes. Vous avez clairement décidé, en privilégiant le contrat, que la loi deviendrait subsidiaire. Au nom de leurs conséquences financières, vous balayez les droits accordés aux salariés du secteur social et médico-social, pourtant confirmés devant les tribunaux. Les allégements de charges se cumulent et s'accroissent à nouveau sans aucune contrepartie pour les salariés.
    Ce trop bref rappel de vos décisions et orientations, mesdames, messieurs de la majorité, montre à quel point le patronat a réussi à mettre la main sur les pouvoirs de décision au plus haut niveau de l'Etat. Nos débats ont mis en évidence la gouvernance actuelle des entreprises que dénoncent les syndicats.
    Concernant le financement, vous persistez dans cette démarche en proposant, au titre III du présent texte, un nouveau dispositif d'allégement de cotisations patronales qui entraînera une nouvelle montée en puissance des dépenses publiques, évaluée à 6 milliards d'euros d'ici à 2005. Je suis convaincue, à l'instar d'ailleurs de nombreux économistes, que la massification des politiques d'allégement de cotisations sociales patronales - orientation qui s'est imposée non seulement à droite mais aussi, malheureusement, et nous l'avons en son temps regretté, au sein d'une partie de la gauche - n'est pas de nature à dynamiser l'emploi.
    Je déplore, monsieur le ministre, votre absence de réponse à nos demandes concernant le chiffrage des effets sur l'emploi de la mise en oeuvre de votre projet de loi et de son financement. Votre silence est lourd de sens ! Nous n'adhérons pas à la solution qui consiste à abaisser le coût du travail - que vient de rappeler votre majorité, qui en demande toujours davantage en ce domaine - parce qu'elle est responsable du développement de l'emploi non qualifié et de l'appauvrissement des salariés qui supportent un ensemble de graves inégalités.
    Monsieur le ministre, nous sommes d'autant plus opposés au nouveau dispositif que vous nous présentez qu'il est totalement déconnecté de la réduction du temps de travail. Pour mémoire, je vous rappelle que nous n'étions pas satisfaits des allégements instaurés par la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, dite « loi Aubry II », pour ces mêmes raisons.
    C'est pourquoi nous proposerons, lors de cette seconde lecture, de revenir sur les points que la procédure parlementaire laisse encore ouverts à ce stade de l'examen du projet de loi, notamment le taux de majoration des heures supplémentaires et des heures complémentaires que nous souhaitons porter à 25 % et 50 %.
    S'agissant du principe des accords majoritaires, vous avez pris l'engagement oral, monsieur le ministre, d'accorder l'agrément à ces seuls accords. Pourquoi ne pas introduire dès maintenant cette exigence démocratique dans la loi ? Vous qui vous déclarez favorable à la relance d'un dialogue social de qualité, acceptez les amendements que nous avons déposés en ce sens !
    Enfin, nous proposerons de revenir sur le sort que vous avez réservé aux cadres, pour qu'ils puissent bénéficier réellement de la réduction du temps de travail.
    Permettez-moi, monsieur le ministre, de reprendre en conclusion de mon intervention les propos du sénateur Roland Muzeau qui qualifiait votre texte de « projet de loi pour la baisse des salaires, l'augmentation du temps de travail et le développement du chômage ».
    Votre projet de loi, en plus d'être inopportun, augure des bouleversements, que nous contestons, essentiels et profonds du droit du travail, et prépare des jours bien sombres pour le monde du travail. Vous comprendrez donc que notre hostilité à son égard demeure et nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Hélène Mignon. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des effets indirects de la réduction de la durée du travail à 35 heures - grande expérience qui aurait d'abord dû être menée sur des souris au CNRS : cela aurait coûté beaucoup moins cher au pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) - ...
    Mme Muguette Jacquaint. Ce sont, malheureusement, les gros rats qui mangeront les souris !
    M. Jean-Michel Fourgous. ... a été de limiter mathématiquement le temps consacré à la formation et, dans certains cas, de le supprimer purement et simplement. C'est, notamment, le cas dans les petites entreprises, où, malgré la meilleure volonté, il est bien souvent impossible de concilier 35 heures, RTT et absences pour formation.
    Au vu des résultats de cette loi dans les PME de notre pays, il faut féliciter ses auteurs pour la qualité des études d'impact qui ont dû être menées avant de la mettre en oeuvre !
    Cette situation est pour le moins paradoxale, voire dramatique. On aurait pu croire que la libération du temps de travail générée par la RTT permettrait de développer la formation, avec comme conséquence l'amélioration des compétences individuelles et collectives des salariés. On voit bien la différence entre le langage idéologique et la réalité : cela ne se passe absolument pas comme cela sur le terrain. Il n'en est rien ! Cela se traduit concrètement sur le marché de la formation. En effet, en 2002, le chiffre d'affaires de la formation devrait connaître une chute de 10 %. On observe, par ailleurs, une tendance à la réduction du nombre de stagiaires et de la durée des formations. Tout le monde y perd - il aurait fallu y penser avant ! - : l'entreprise comme les salariés. On a vraiment fait preuve d'un grand professionnalisme dans l'élaboration de cette loi !
    M. Gaëtan Gorce. Il est dommage que vous n'ayez pas été là à cette époque !
    M. Jean-Michel Fourgous. L'explication est très simple. Le code du travail est tellement strict qu'il ne permet pas de réaliser la formation hors temps de travail, sauf cas particulier. L'argent est là, mais les gens ne peuvent plus suivre les formations comme ils devraient. Les textes posent en effet des conditions cumulatives qui ne peuvent être réunies qu'exceptionnellement. Par exemple, les formations doivent entrer dans le champ du « développement des compétences des salariés ». Elles sont, en effet, opposées aux formations d'adaptation au poste de travail, qui entrent, elles, dans le cadre du plan de formation de l'entreprise. Il n'y a pas de définition fiable, précise et claire de ces deux types de formation, ce qui les rend très difficiles à distinguer.
    Le système est donc totalement verrouillé. Il n'existe plus aucune souplesse permettant de répondre à des attentes qui existent. Alors que les partenaires sociaux s'apprêtent à entrer en négociation et qu'une réforme de la formation professionnelle est prévue, n'est-il pas temps de poser les vraies questions ? N'avons-nous pas là l'occasion de sortir d'une logique purement administrative, voire socialiste, et d'orienter notre réflexion de façon réaliste, pragmatique et intelligente ?
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas la démonstration que vous nous faites ! (Sourires.)
    M. Gaëtan Gorce. C'est un exercice difficile !
    M. Jean-Michel Fourgous. Est-il inconcevable que le Parlement français produise des législations intelligentes, adaptées à la réalité de l'entreprise ? Soyons réalistes et efficaces ! Le monde de l'entreprise, qui n'a pas le loisir intellectuel des députés, n'a pas le temps de se poser des questions existentielles. Il ajuste son action à ses besoins et va droit à l'essentiel. C'est ce qui nous permet à nous députés d'être payés chaque mois, et de cela nous devons le remercier au passage.
    La formation conditionne notre capacité à adapter les compétences aux évolutions de notre économie. Nous savons tous que l'acte de formation doit être valorisé si nous voulons rester compétitifs. L'encouragement au co-investissement est une mesure phare en ce domaine, car il profitera pleinement à la compétitivité du pays. Les bénéficiaires en seront surtout les salariés des PME, qui présentent les plus grands besoins de formation - vous connaissez l'inégalité qui règne en ce domaine entre les grandes entreprises et les petites -, et ce d'autant qu'ils ont été les premiers à souffrir des contradictions, pour user d'un terme gentil envers nos collègues de gauche, des lois Aubry.
    M. Gaëtan Gorce. Parlant du travail, vous êtes laborieux !
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est pourquoi il m'est apparu important de poser la question de la formation et du développement des compétences alors que nous discutons de l'assouplissement des 35 heures. Le temps libre peut en effet être un élément de négociation entre partenaires sociaux.
    Mme Muguette Jacquaint. Il n'y aura plus de temps libre ! C'est fini !
    M. Jean-Michel Fourgous. Il est par ailleurs tout à fait concevable d'imaginer un soutien à l'autofinancement de la formation du salarié. S'attaquer au temps de la formation pose aussi la question des modalités de son financement et suppose un changement de culture, car la fracture dont souffre ce pays est certainement plus culturelle que sociale. Il est donc important d'encourager les partenaires sociaux dans cette voie. A nous de leur donner des signes forts, monsieur le ministre. Nous devons garder à l'esprit que des évolutions législatives seront sans aucun doute nécessaires pour garantir le développement de la formation professionnelle et la valorisation des compétences dont notre pays a tant besoin pour revenir au niveau de ses partenaires européens.
    Mme la présidente. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Réactiver le dialogue social, tel est l'objectif essentiel de ce texte, comme d'ailleurs de celui que nous discuterons ce soir portant réforme de la loi de modernisation sociale, que j'ai souhaité amender pour qu'il s'appelle : « Relance de la négociation collective en matière de licenciement économique ».
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'était pas prévu dans nos travaux !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pourquoi ne pas le dire, on retrouve dans ces textes un peu de l'esprit que le général de Gaulle, et d'autres, souhaitaient instaurer il y a plus de cinquante ans, esprit qui s'est pour le moins affadi au cours des vingt dernières années, notamment au cours des cinq dernières. Oui, mes chers collègues, réactiver le dialogue social permettra de relancer le chantier de la démocratie sociale, une démocratie sociale dont les dernières élections prud'homales montrent bien qu'elle doit s'amplifier pour trouver sa juste place, pour jouer pleinement son rôle de facteur de cohésion, notamment sur le terrain !
    S'agissant de votre « gouvernance », monsieur le ministre - permettez-moi d'utiliser ce terme -, nous ne pouvons que saluer la volonté affichée de respecter pleinement ce dialogue social. Le droit légal a longtemps semblé être le seul valable pour déterminer le sort des relations sociales dans notre pays. Il doit laisser une place croissante au droit conventionnel. La loi ne peut pas tout. Il faut remettre en cause notre conception trop jacobine et trop centralisée. Longtemps toléré et cantonné dans des limites très strictes, le droit conventionnel doit à présent jouer pleinement son rôle de régulateur du monde du travail.
    Loin des idéologies et des luttes dépassées, les acteurs de terrain possèdent en effet - pourquoi ne pas le reconnaître ? - un savoir-faire et une pratique de la négociation qui leur permettent de conclure des accords équilibrés préservant à la fois les intérêts de la collectivité du travail et l'impératif de productivité des entreprises. C'est la logique suivie par ce texte, qui vise à fixer dans la loi les principes généraux du droit du travail, les modalités concrètes d'application étant ensuite renvoyées à l'accord collectif. Cet aspect nous interpelle tous. C'est la marque que vous imprimez à ce ministère depuis plus de six mois.
    C'est seulement si les partenaires sociaux ne peuvent trouver d'accord que les règles légales doivent s'appliquer dans un nombre croissant de domaines. Le droit légal devient supplétif. Ce qui prime, c'est la règle qui a résulté des négociations entre les représentants des employeurs et ceux des salariés au niveau de la branche ou de l'entreprise. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir fait passer ce message qui nous ramène à des temps anciens où votre sensibilité gaulliste, la même que la mienne, était plus forte encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je voudrais remercier les orateurs, en particulier le porte-parole de la majorité, Claude Gaillard, qui a bien résumé l'objectif principal poursuivi par le Gouvernement à travers tous ces textes. Il s'agit bien de relancer, de rénover la démocratie sociale, non seulement parce que le Gouvernement souhaite pouvoir s'appuyer sur des organisations syndicales, sur des partenaires sociaux pour trancher des questions difficiles, mais aussi parce que notre pays a besoin d'une démocratie sociale apaisée, de partenaires sociaux forts, proches des Français, constructifs et qui se respectent.
    Si nous avons choisi la méthode de la suspension pour certains articles de la loi de modernisation sociale, du renvoi à la discussion entre les partenaires sociaux pour l'aménagement et l'assouplissement des 35 heures, c'est bien parce que nous sommes convaincus que le plus important pour notre pays, c'est de se doter de relations sociales structurées pour assurer une plus grande lisibilité, une plus grande stabilité à nos règles sociales. Ce n'est pas uniquement en procédant à des réformes que nous pourrons rendre notre pays plus attractif. Il faut aussi que les investisseurs étrangers sachent que les règles sociales et économiques ne seront pas remises en cause à chaque alternance politique, qu'elles seront désormais stables parce que le dialogue social sera plus intense et que les partenaires sociaux auront une place plus importante.
    Je voudrais remercier le porte-parole du groupe UDF, Gilbert Gantier, d'avoir bien voulu apporter son soutien à ce texte. Ses appels à poursuivre l'effort de réforme seront entendus. Jean-Michel Fourgous a défendu avec toujours autant d'énergie l'entreprise et la nécessité pour elle d'être plus libre dans le combat économique international. La représentante du groupe communiste a défendu une autre logique économique, sociale, politique,...
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qu'il serait trop long de réfuter à l'occasion de cette deuxième lecture. Vous n'approuvez pas les règles qui régissent aujourd'hui notre économie, madame Jacquaint,...
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait ! Vous avez tout compris, monsieur le ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et vous vous placez dans une autre logique.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est vous qui le dites, monsieur le ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je respecte votre raisonnement, mais vous savez que ce n'est pas le mien.
    Quant à M. Gorce, il devrait utiliser son talent, qui est grand, à convaincre les siens, son parti, ses militants qui, si j'en crois les mêmes sondages et la même presse auxquels il a fait tout à l'heure référence, imputent la défaite du parti socialiste aux 35 heures. Les militants socialistes considèrent que l'on a dépensé trop d'énergie pour cette réforme qui n'a trop souvent abouti qu'à une dégradation des conditions de travail et à une remise en cause de certains avantages acquis. L'amertume est d'autant plus grande que l'effet sur l'emploi est contesté. Pour la plupart des militants, la baisse du chômage a été perçue non pas comme une conséquence des 35 heures, mais comme le résultat de la reprise économique. C'est dire si M. Gorce a encore beaucoup à faire pour convaincre les militants du parti socialiste que les 35 heures étaient bien la grande avancée sociale qu'il nous a à plusieurs reprises présentée tout au long de ces débats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Avant l'article 2

    Mme la présidente. M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 2, ainsi libellé :
    « Avant l'article 2, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 132-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « La convention ou l'accord collectif de branche doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de comités d'entreprise dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès-verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année, l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où ultérieurement à la signature de l'accord, les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous avions déposé, en première lecture, des amendements de suppression de toutes les dispositions du texte, trop nombreuses à nos yeux, qui font entrer dans le champ de la négociation des pans entiers de normes législatives ou réglementaires. Il y a deux raisons principales à cela. En premier lieu, nous pensons que la loi n'est pas subsidiaire et que les garanties réglementaires ne sont pas supplétives. En second lieu, à l'instar des économistes - je pense notamment au professeur Antoine Lyon-Caen -, nous considérons que notre dispositif de négociations collectives est adapté à un système - la négociation - et complémentaire de la loi. Par conséquent, toute extension du rôle de la négociation invite à revenir sur les règles actuelles. D'ailleurs, un article de La Tribune d'avril dernier mettait l'accent sur ce problème de droit.
    Monsieur le ministre, puisque vous entendez renforcer le rôle des partenaires sociaux - vous venez de le rappeler -, acceptez au moins de réunir parallèlement les conditions d'un dialogue social de qualité. La règle majoritaire comme condition de validité des accords sur la réduction du temps de travail est un premier pas. Pour rendre aux négociations toute leur crédibilité, il convient de mettre un terme au système actuel qui permet à une organisation minoritaire d'engager l'ensemble des salariés en signant un accord dérogeant à la loi dans un sens moins favorable.
    M. Richard Mallié. Seule la CGT devrait avoir la signature !
    Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement vise donc à introduire l'exigence de la règle majoritaire dans la négociation sociale. Je ne comprendrais pas, et ce serait aussi le cas de milliers de salariés d'organisations syndicales, que vous me répondiez, monsieur le ministre, qu'il est trop tôt pour modifier les règles dans un sens plus conforme à la démocratie sociale alors que vous enclenchez le processus dans la réforme de la loi de modernisation sociale que vous venez de nous soumettre. Saisissez cette occasion d'instaurer plus de démocratie dans le monde du travail !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable. Ce débat sur les accords majoritaires a déjà eu lieu en première lecture. Laissons les partenaires sociaux s'entendre ! Cela ne fait d'ailleurs que traduire la volonté du Gouvernement de donner la primauté au dialogue social. Il serait paradoxal de préjuger du résultat des négociations en inscrivant cette mesure dans la loi.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, j'ai déjà eu l'occasion, en première lecture, de vous dire que le principe des accords majoritaires ne pouvait pas s'appliquer en l'état aux négociations de branche, puisqu'il n'existe aucun moyen de distinguer clairement à ce niveau ce que sont les organisations majoritaires. C'est possible dans les entreprises, c'est pourquoi d'ailleurs nous avons introduit cette règle majoritaire dans le texte relatif aux accords de méthode qui pourront être conclus à titre expérimental. C'est bien parce que ce principe d'accord majoritaire n'est pas en l'état applicable aux accords de branche que nous allons engager, dès le début du mois de janvier, un grand mouvement de réforme sur ce sujet.
    Je recevrai les organisations syndicales dans les premiers jours de janvier et je proposerai au Parlement, le plus tôt possible en 2003, un projet de loi qui permettra de faire faire un grand pas en avant à la démocratie sociale dans notre pays en allant vers cette idée d'accord majoritaire et vers l'idée que les partenaires sociaux peuvent être amenés, demain, à régler toute une série de sujets liés aux relations du travail pour donner plus de réactivité à notre économie, pour mieux prendre en compte les intérêts des salariés, sans passer par une loi rigide dont la capacité d'adaptation n'est pas optimale. Pour toutes ces raisons, je souhaite que l'Assemblée n'adopte pas cet amendement qui anticipe les résultats de ce débat.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. L'amendement n° 19 n'est pas défendu.

Article 2

    Mme la présidente. « Art. 2. - A. - Le code du travail est ainsi modifié :
    « I. - A l'article L. 212-5 :
    « 1° Les I et II sont remplacés par un I ainsi rédigé :
    « I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé par une convention ou un accord de branche étendu. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. A défaut de convention ou d'accord, chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 %. » ;
    « 2° Le III devient le II ;
    « 3° Au premier alinéa du III, les mots : "au II sont supprimés.
    « II. - A l'article L. 212-5-1 :
    « 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
    « Les heures supplémentaires de travail mentionnées à l'article L. 212-5 et effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de quarante et une heures dans les entreprises de plus de vingt salariés. » ;
    « 2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
    « Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires, pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. »
    « III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-6 est ainsi rédigé :
    « Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif de branche étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa. »
    « IV. - A l'article L. 212-8 :
    « 1° Au premier alinéa :
    « a) Après les mots : "n'excède pas, la fin de la première phrase est ainsi rédigée : "un plafond de 1 600 heures ;
    « b) La deuxième phrase est ainsi rédigée : "La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. ;
    « 2° Au quatrième alinéa, les mots : "la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de sont supprimés. Le même alinéa est complété par les mots : "ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord.
    « V. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du II de l'article L. 212-9, les mots : "trente-cinq heures en moyenne sur l'année et, en tout état de cause, sont supprimés.
    « V bis. - Au premier alinéa de l'article L. 212-10, les mots : "et aux premier alinéa du I de l'article L. 212-5, sont remplacés par le mot : ", au.
    « VI. - A l'article L. 212-15-2, les mots : "occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquelles la durée du travail peut être prédéterminée sont remplacés par les mots : "dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés.
    « VII. - A l'article L. 212-15-3 :
    « 1° Au deuxième alinéa du II, le mot : "et est remplacé par le mot : "ou ;
    « 2° La quatrième phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée : "La convention ou l'accord définit, au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés.
    « VIII. - A l'article L. 227-1 :
    « 1° Au premier alinéa, après les mots : "accord d'entreprise ou d'établissement, sont insérés les mots : "n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 ;
    « 2° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : "ou de se constituer une épargne ;
    « 2° bis A au quatrième alinéa, les mots : "la conversion de et les mots : "en jours de congé supplémentaires sont supprimés ;
    « 2° bis Au sixième alinéa, les mots : "de la bonification prévue aux premier et deuxième alinéas du I de l'article L. 212-5, du repos compensateur de remplacement défini au premier alinéa du III du même article sont remplacés par les mots : "du repos compensateur de remplacement défini au premier alinéa du II de l'article L. 212-5 ;
    « 3° Au onzième alinéa, les mots : "les modalités de conversion en temps des primes et indemnités sont remplacés par les mots : "les modalités de valorisation en temps ou en argent des éléments affectés au compte ;
    « 4° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les droits à congés payés affectés au compte épargne-temps peuvent être valorisés en argent dans la limite de cinq jours par an.
    "B. - Les contingents conventionnels d'heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d'ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint, inscrite sur cet article.
    Mme Muguette Jacquaint. L'article 2 consacre la fin programmée de la réduction du temps de travail en touchant à la durée légale du temps de travail, à la réduction de celui-ci pour les cadres, au contingent d'heures supplémentaires, à leur taux de rémunération et au repos compensateur. C'est l'article clé du projet de loi : il vise la remise en cause des 35 heures et non pas, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, l'assouplissement du dispositif.
    En portant de 130 à 180 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires dont disposent les entreprises, comme vous l'avez fait par un décret en date du 15 octobre dernier, vous permettez finalement à celles-ci de revenir aux 39 heures. Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, l'a d'ailleurs laissé entendre le 6 septembre dernier, à Strasbourg.
    Il aurait également fallu préciser que la suppression du repos compensateur de la 130e à la 180e heure supplémentaire représente sept jours de repos en moins. On est loin du slogan : « Travailler plus pour gagner plus. »
    Les heures supplémentaires sont donc plus nombreuses et moins bien rémunérées. Elles sont en outre à la discrétion des entreprises, alors qu'elles sont obligatoires pour les salariés. On entre dans une logique de banalisation de ces heures supplémentaires, qui vont devenir des heures structurelles. D'ailleurs, les syndicats ont pris toute la mesure de ce risque. Voici ce qu'ont déclaré les organisations syndicales : « On risque de se retrouver tout simplement à 39 heures, sinon plus. Ce projet de loi va permettre aux entreprises de faire travailler les personnels de 35 à 43 heures par semaine, sans préavis, sans planification, avec une augmentation de salaire minime. Il permettra, par exemple, de faire travailler les salariés six ou sept jours, ou un samedi sur deux toute la journée. »
    Monsieur le ministre, votre dispositif relatif au contingent d'heures supplémentaires, à leur taux de rémunération et au repos compensateur traduit un recul très grave. Vous touchez également aux cadres que vous livrez sans concession au patronat, qui aura toute latitude pour leur imposer des conditions de travail souvent infernales, alors qu'ils réclament à haute voix le bénéfice de la RTT. Vous allez une nouvelle fois à l'encontre de l'attente de la grande majorité d'entre eux.
    Cette logique de remise en cause du droit social impulsée par le MEDEF est approuvée par la majorité, ici et au Sénat. C'est peu glorieux. Et contrairement à ce que vous tentez de faire croire, ce n'est pas une bonne façon d'instaurer le dialogue social. Cet article 2 concentre les reculs que vous imposez au monde du travail et aux salariés. Nous voterons donc contre, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer.
    Mme la présidente. M. Gorce, et M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 48, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Le ministre, avec la diligence qui lui est habituelle, nous a invités à convaincre nos propres amis avant d'engager le débat dans l'hémicycle. Le conseil est sans doute utile, et nous allons naturellement le méditer, d'autant que vous avez pu mesurer vous-même, monsieur le ministre, combien il est utile de faire preuve de pédagogie au sein de son propre camp. Je crains toutefois que ce conseil ne soit pas tout à fait désintéressé s'agissant des questions dont nous débattons, et quelque chose me laisse à penser que j'aurais plus de facilité à trouver un accord avec mes amis qu'avec vous-même. (Sourires.)
    Pour ne pas allonger inutilement la discussion, je résumerai, à propos de cet amendement, les observations ou plutôt les fortes critiques que nous inspire l'article 2. Nous considérons d'abord que la rémunération des heures supplémentaires, comme d'ailleurs la fixation du contingent, relèvent de l'ordre public social, et qu'il n'est pas forcément souhaitable qu'elle entre dans le champ des négociations si elle s'accompagne d'une remise en cause du repos compensateur. Nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises en première lecture.
    Ensuite, nous dénonçons la diminution du taux de rémunération des heures supplémentaires à 10 %, et la mise en place - nous y reviendrons à l'occasion de l'examen d'un autre article - d'un système à deux vitesses consistant à différencier le taux de rémunération selon qu'il s'agit de petites ou de grandes entreprises. Vous en profitez du reste pour revenir sur le seuil de déclenchement du repos compensateur de 50 %, le portant à vingt salariés, alors que cette question n'avait pas été incluse dans le champ de la négociation. Voilà les motifs pour lesquels nous demandons la suppression de l'article 2. J'aurais pu en ajouter d'autres, mais dans le même souci de pédagogie qui nous a déjà animé en première lecture, je m'en tiendrai là pour l'instant.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable. Chacun l'a bien compris, cet article est essentiel. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec nos collègues. Il a, en effet, vocation à mettre en place les assouplissements nécessaires pour les heures supplémentaires, le contingent, le repos compensateur et le compte épargne-temps.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 49, ainsi rédigé :
    « Supprimer le I du A de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je considère que cet amendement a été défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Avis défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 3, ainsi libellé :
    « Après le mot : "salaire, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du 1° du I du A de l'article 2 : "minimale de 25 % pour chacune des huit premières heures et de 50 % pour chacune des huit heures suivantes. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Il s'agit de réaffirmer la nécessité de fixer, par voie législative, le régime des rémunérations des heures supplémentaires à un taux de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes. Il faut dissuader et non pas encourager les employeurs à recourir aux heures supplémentaires. Des milliers de petites entreprises risquent de ne jamais passer aux 35 heures.
    Sous le prétexte de renvoyer à des accords conventionnels discutés au niveau des branches, voire, comme certains le proposent, au niveau des entreprises, vous faites tout imploser, monsieur le ministre. Or, dans la mesure où les avantages minimaux doivent être les mêmes pour tous les salariés, ils ne sauraient être fixés par des dispositions conventionnelles. C'est pourquoi nous proposons de les inscrire dans la loi.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable. Accepter cet amendement reviendrait en effet à refuser l'innovation introduite par le projet de loi qui vise à attribuer de nouvelles responsabilités aux partenaires sociaux, notamment en matière de majoration des heures supplémentaires.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour le Gouvernement, c'est aux partenaires sociaux de décider. Nous leur faisons confiance. En l'absence d'accord de branche, le montant de la rémunération des heures supplémentaires restera, je le rappelle, fixé à 25 % pour les huit premières et à 50 % pour les suivantes. C'est là un vrai clivage entre nous et le groupe communiste : nous faisons confiance, quant à nous, à la sagesse des partenaires sociaux.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous aussi, monsieur le ministre, mais pas de la même manière !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. L'amendement n° 51 a été retiré.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 55, ainsi rédigé :
    « Compléter la première phrase du dernier alinéa du 1° du I du A de l'article 2 par les mots : "signé par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Peut-être le ministre pourrait-il profiter de l'examen de cet amendement pour nous rappeler les modalités qu'il envisage pour ouvrir la concertation avec les partenaires sociaux sur ce sujet. Le premier semestre de 2003 va être en effet « embouteillé » par toute une série de discussions, et il serait souhaitable de savoir comment, et selon quel calendrier, le Gouvernement envisage de conduire ou d'accompagner les différentes négociations qui s'engageront sur les retraites, la réforme des relations sociales, les licenciements et les contingents d'heures supplémentaires.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. En effet, le débat a déjà eu lieu, l'accord de branche doit être étendu pour être valable et cette responsabilité incombe à M. le ministre, qui va nous donner d'autres informations.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est bien volontiers que je vais satisfaire la curiosité de M. Gorce sur le calendrier que nous envisageons pour la négociation sur la démocratie sociale.
    Dans les premiers jours ou les premières semaines du mois de janvier, je recevrai l'ensemble des organisations syndicales pour leur proposer de rédiger un projet de loi à partir de la position commune de juillet 2001. Nous disposons d'ores et déjà d'un texte signé par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, qui a considéré non pas que le texte était mauvais, mais qu'il n'allait pas assez loin. Elle n'y est donc pas fondamentalement hostile, me semble-t-il. Nous allons donc valider les différents éléments de cet accord qui pourrait être traduit dès 2003 dans un projet de loi dont l'Assemblée sera saisie dès que possible. Ainsi, la date à laquelle vous sera présenté ce texte dépendra finalement du degré d'acceptation des partenaires sociaux.
    S'agissant des retraites, comme l'a indiqué le Premier ministre, la concertation avec les partenaires sociaux s'ouvrira au début du mois de février. Elle comportera deux phases : la première est destinée à examiner le constat et surtout les principes généraux de la réforme, la seconde à négocier les dispositions techniques qui permettront de mettre en oeuvre, au moins pour une première étape, ces principes généraux. Ce texte sera présenté à l'Assemblée nationale avant l'été 2003.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 56, ainsi rédigé :
    « Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du 1° du I du A de l'article 2, substituer au taux : "10 % le taux : "25 %. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Juste un mot pour exprimer notre désaccord sur la disposition qui vise à réduire le taux de rémunération des heures supplémentaires à 10 % et à organiser la négociation à partir de ce taux. De notre point de vue, le taux de rémunération relève de l'ordre public et doit être fixé à 25 % pour l'ensemble des salariés. Si l'article 2 est voté en l'état, ce taux variera selon la situation des salariés, la taille des entreprises et les branches dans lesquelles elles se trouvent. C'est donc la raison pour laquelle nous insistons pour que cette disposition reste d'ordre public.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. L'argumentaire est toujours le même : il s'agit pour nous de faire confiance au dialogue social.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 60, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 1° du II du A de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je considère que cet amendement a été défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 60.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. L'amendement n° 124 est retiré.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 61, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 1° du II du A de l'article 2, après les mots : "au premier alinéa de l'article L. 212-6, insérer les mots : "et dans la limite de 130 heures. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je considère que cet amendement a été défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 65, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 2° du II du A de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 66, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du dernier alinéa du 2° du II du A de l'article 2 :
    « Les heures supplémentaires effectuées au-delà d'un volume annuel de 130 heures ouvrent droit à un repos compensateur... (Le reste sans changement.) »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. L'amendement n° 69 est retiré.
    M. Fourgous a présenté un amendement, n° 35 rectifié, ainsi rédigé :
    « Après le III du A de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « III bis. - A l'article L. 212-4-4 :
    « 1° La troisième phrase du premier alinéa est remplacée par les dispositions suivantes : "Une convention ou un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement, n'ayant pas fait l'objet d'une opposition en application de l'article L. 132-26 du code du travail, peut augmenter la limite dans laquelle peuvent être effectuées des heures complémentaires, fixée au deuxième alinéa du même article.
    « 2° La deuximème phrase du deuxième alinéa est remplacée par les dispositions suivantes : "Lorsque la limite dans laquelle peuvent être effectuées des heures complémentaires est portée au-delà du cinquième de la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat de travail, chacune des heures complémentaires effectuées au-delà du cinquième de la durée précitée donne lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé par convention ou accord de branche étendu ou accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet d'une opposition en application de l'article L. 132-26 du code du travail. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. »
    La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Cet amendement vise à aligner le régime des heures complémentaires sur celui des heures supplémentaires donc à assouplir le contingent et à laisser le soin aux partenaires sociaux de déterminer le volume de ces heures. Pour améliorer la confiance, il convient de permettre aux accords d'entreprise et non plus aux seuls accords de branche de fixer le seuil des heures complémentaires. Alors que le travail à temps partiel répond de plus en plus à un choix, avec une telle disposition ceux qui le souhaitent pourraient gagner plus. En outre, les négociations au niveau de l'entreprise étant les plus pertinentes, le climat social s'en trouverait amélioré. Il n'y a rien de commun entre la décision de « l'intello » de service qui va programmer des réglementations et celle que va prendre celui qui va sur le terrain voir comment les choses se passent. L'écart est souvent très important et les conséquences sont dangereuses pour les salariés. C'est donc bien au niveau de l'entreprise que les décisions doivent être arrêtées. D'autant plus qu'en vertu des dispositions du code du travail, les représentants du personnel jouent le rôle de garde-fous. Cet amendement nous paraît donc proposer la solution la plus productive et la mieux adaptée à la réalité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. Il convient de rappeler en effet qu'il est prévu de majorer de 25 % ces heures effectuées au-delà du dixième de la durée initialement prévue au sein de ces CDD, comme le veut la règle générale. Le projet de loi ne traite pas du sort de ces heures complémentaires effectuées par les salariées à temps partiel. Même si nous comprenons bien ce souci de rechercher une plus grande souplesse, nous devons garder un cadre protecteur pour ces formes de travail.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Fourgous, cet amendement vise, d'une part, à permettre à un accord d'entreprise d'augmenter la limite dans laquelle les salariés à temps partiel peuvent effectuer des heures complémentaires et, d'autre part, à apporter une souplesse nouvelle pour les heures complémentaires. Or j'ai déjà rappelé, lors de la première lecture, mon souhait de ne pas modifier les règles - en tout cas pas dans ce texte - du régime du temps partiel sans concertation avec les partenaires sociaux. Cette concertation n'a évidemment pas eu lieu puisque tel n'est pas l'objet de ce texte.
    J'ajoute que le problème soulevé par l'amendement est très sensible. De nombreux salariés à temps partiel ne souhaitent pas en effet être obligés de faire des heures complémentaires, soit pour des raisons familiales soit parce qu'ils ont plusieurs employeurs.
    L'équilibre actuel que vous avez rappelé, monsieur Fourgous, mérite sans doute d'être réexaminé, mais vous m'accorderez, j'en suis persuadé, qu'une période de concertation avec les partenaires sociaux est nécessaire au préalable. C'est d'ailleurs la règle que s'est fixée la majorité. C'est la raison pour laquelle je vous invite à vous rendre à mes arguments et à retirer cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Une nuit écourtée par les exigences de la discussion politique ne m'enlève pas toute ma lucidité quant aux orientations de M. Fourgous. Je veux d'ailleurs le remercier de se consacrer un moment à l'Assemblée nationale et de s'éloigner ainsi du terrain qui l'absorbe tant pour venir débattre avec nous de ces différents sujets. (Sourires.) La réalité de la situation des salariés à temps partiel fait apparaître qu'il faut prévoir pour eux non pas plus de souplesse, mais davantage de garanties.
    Cet amendement me donne également l'occasion de rappeler que, dans la loi sur la réduction du temps de travail, nous avons eu le souci de substituer à une réduction individuelle subie du temps de travail, qui s'apparentait à une augmentation du temps partiel contraint, une réduction collective négociée. Nous avons introduit dans la loi toute une série de garanties nouvelles sur le contingent d'heures complémentaires, sur le droit aux salariés à temps partiel de refuser ces heures complémentaires au nom de leur droit à une vie familiale normale. Et lorsque nous avons fait ces propositions, nous nous sommes effectivement trouvés en butte à l'hostilité de l'opposition d'alors qui s'exprime à nouveau par votre voix, monsieur Fourgous, en essayant de montrer que le temps partiel serait une solution choisie par un grand nombre de salariés.
    Pour notre part, nous ne sommes pas opposés au temps partiel, qui peut en effet constituer une réponse dans des situations individuelles très particulières, mais nous ne pouvons pas accepter qu'on cherche à en faire la voie normale de recrutement, de travail et de rémunération. Je rappelle que l'apparition, depuis quelques années, de catégories de salariés mal payés, les fameux « salariés pauvres », est due notamment au développement du travail à temps partiel, à mi-temps, payé au SMIC qui aboutit à des situations sociales humaines que, dans nos communes, nous connaissons bien et contre lesquelles la négociation ne suffit pas forcément à lutter.
    Mme la présidente. Monsieur Fourgous, maintenez-vous votre amendement ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Je suis les recommandations de notre ministre UMP (Sourires) et je retire cet amendement.
    Mme la présidente. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.
    L'amendement n° 75 a été retiré.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 76, ainsi rédigé :
    « Supprimer le IV du A de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Les amendements n°s 77, 79 et 78 sont retirés.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 82, ainsi rédigé :
    « Supprimer le V du A de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 82.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 81, ainsi rédigé :
    « Supprimer le V bis du A de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 81.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 84, ainsi rédigé :
    « Supprimer le VI du A de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Le Sénat a souhaité modifier les conditions dans lesquelles peut être mis en place le forfait jour. Nous avons eu l'occasion d'indiquer, en première lecture et tout à l'heure encore, les conditions dans lesquelles le forfait jour a été prévu et les limites qui ont été appliquées pour déterminer les catégories de cadres qui peuvent en bénéficier.
    Il nous semblait effectivement qu'une réponse concrète devait être trouvée à la situation des cadres au regard de la réduction du temps de travail. On sait que la détermination du temps horaire est difficile pour certains cadres, compte tenu de leurs conditions d'activité. Mais il est clair que le forfait jour - ça veut bien dire ce que ça veut dire : des dérogations aux maxima journaliers et hebdomadaires - ne doit pouvoir être mis en place que pour des cadres disposant d'une réelle autonomie, d'un niveau de responsabilité et de rémunération qui justifie qu'on leur applique ce dispositif.
    Si l'on doit élargir le bénéfice du forfait jour, comme le propose le Sénat, par la négociation et en appliquant le seul critère d'autonomie, il est clair que l'on détourne le dispositif de son objet, que l'on prive les salariés concernés de garanties, que l'on va passer au forfait jour toute une catégorie de salariés qui n'ont, en réalité, ni vraies responsabilités ni contraintes pouvant justifier de telles dérogations au droit du travail, même si j'ai bien compris que c'est la négociation qui encadrerait ce recours au forfait.
    D'ailleurs, si les organisations syndicales étaient consultées sur ce point - elles ont déjà eu l'occasion d'indiquer ce qu'elles pensaient de la rédaction initiale - elles se déclareraient très hostiles au dispositif retenu par le Sénat.
    Car il est regrettable, au motif d'assurer la souplesse, argument qui est généralement mis en avant, d'introduire, à partir d'un dispositif novateur qui apportait une réponse concrète au problème des cadres, des éléments qui vont au contraire se traduire par un détournement du droit du travail et un affaiblissement des garanties offertes aux salariés.
    En introduisant ce type d'aménagement, la Haute Assemblée n'a pas fait preuve de la sagesse qu'on était en droit d'attendre d'elle.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, car cet amendement sénatorial s'inscrit dans un esprit de logique et de simplicité, afin de répondre à un certain nombre de besoins.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Gorce souhaite supprimer la nouvelle définition des cadres dits intégrés. Or le Gouvernement considère que c'est la bonne définition puisqu'elle met l'accent sur le fait que les fonctions de ces cadres les amènent à suivre l'horaire collectif. C'est bien le critère essentiel qui est pris en compte ici et il est cohérent avec celui de l'autonomie pour le forfait annuel.
    C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable à l'amendement.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

13

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, n° 329, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi :
    M. Pierre Morange, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 399).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 ;
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie ;
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur (rapport n° 475) ;
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques :
    M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur (rapport n° 509) ;
    Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT