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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 31 JANVIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
Séance du jeudi 30 janvier 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Reconnaissance du vote blanc. - Discussion d'une proposition de loi «...».
M. Gérard Vignoble, rapporteur de la commission des lois.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jacques Brunhes,
Pierre Albertini,
Bernard Roman,
Alain Ferry,
Emile Zuccarelli, Robert Pandraud,
Guy Geoffroy, Bernard Roman,
Etienne Blanc,
Gilles Bourdouleix.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat, Emile Zuccarelli.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 1 de M. Roman : MM. Bernard Roman, le président de la commission, le secrétaire d'Etat, Jacques Brunhes, Alain Ferry. - Rejet.
Amendement n° 7 de M. Jung : MM. Bernard Roman, le président de la commission, le secrétaire d'Etat, Jérôme Bignon, Alain Ferry. - Rejet.
Amendement n° 8 de M. Morin : MM. Jean-Pierre Abelin, le président de la commission, le secrétaire d'Etat, Guy Geoffroy, Emile Zuccarelli, Jacques Brunhes. - Rejet.
Les amendements n°s 3 et 2 de M. Roman n'ont plus d'objet.

Article 1er «...»

Amendement n° 4 de M. Roman : MM. Bernard Roman, le président de la commission, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° 9 de M. Morin : MM. Jean-Pierre Abelin, le président de la commission, le secrétaire d'Etat, Guy Geoffroy, Emile Zuccarelli, Bernard Roman, Gilles Bourdouleix. - Rejet.
Adoption de l'article 1er.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 5 de M. Roman : M. Bernard Roman. - Retrait.

Article 2. - Adoption «...»
Après l'article 2 «...»

Amendement n° 6 de M. Roman : M. Bernard Roman. - Retrait.
Amendement n° 10 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Adoption.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Hervé Morin,
Jacques Brunhes,
Alain Ferry.
M. le président de la commission.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
2.  Dépôt de propositions de loi «...».
3.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
4.  Dépôt d'un rapport d'information «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

RECONNAISSANCE DU VOTE BLANC

Discussion d'une proposition de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Abelin et de plusieurs de ses collègues tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections (n°s 501, 564).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Gérard Vignoble, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, mes chers collègues, je suis un peu gêné pour défendre cette proposition de loi présentée par les députés du groupe Union pour la démocratie française, car, telle qu'est sortie de la commission des lois, il ne reste plus rien du texte initial. En effet, d'un texte simple, clair et précis, on a fait quasiment un texte qui ne correspond à rien, voire qui renie les fondements de la proposition initiale. N'aurait-on pas véritablement compris ce qui s'est passé le 21 avril, pris conscience du séisme politique qui a eu lieu à cette date ? Un an après, n'aurait-on toujours pas compris la réaction des citoyens, au point de n'avoir présenté durant cette période aucun projet pour moderniser la pratique du suffrage universel ?
    Je pense que la présente proposition de loi fait peur au monde politique, car la prise en compte des bulletins blancs, au même titre que ceux des candidats établis, risque d'offrir un choix différent aux électeurs. Cependant, étant donné le nombre grandissant d'abstentionnistes, de gens qui renient quasiment le monde politique par leur vote ou par leur non-choix, nous devons réformer profondément le décompte des suffrages exprimés, pour renforcer la chance que représente aujourd'hui le droit de vote. Les députés du groupe UDF considèrent qu'un choix différent, mais établi, est un vote qui compte. Il ne suffit pas de comptabiliser les votes blancs - ce qui est déjà le cas puisqu'ils sont actuellement assimilés à des votes nuls -, il faut aussi les prendre en compte pour la détermination des suffrages exprimés, sinon ceux qui ont voté de la sorte ne se sentent pas concernés.
    En proposant que, dans chaque salle de scrutin, des bulletins blancs soient déposés sur la table où sont déposés les bulletins de vote, nous donnons un nouveau choix aux citoyens, nous organisons un retour vers un mécanisme démocratique qui est aujourd'hui indispensable à la vie politique.
    J'ouvrirai maintenant une parenthèse. J'ai vécu mardi le rejet de la proposition de loi que nous avions déposée pour créer un ordre des infirmières. J'ai vécu les différentes étapes de la discussion du présent texte en commission des lois. Or je constate que de cette bonne idée qu'est la niche parlementaire, on fait un puits sans fond. S'il s'agit simplement de recueillir les textes d'origine parlementaire - et celui-ci a tout de même été déposé par un groupe important, le groupe UDF -, pour ensuite s'y opposer avec mépris ou de les vider de leur contenu initial en les amendant dès le premier article, comme c'est le cas de cette proposition de loi, je tiens à élever une vive protestation.
    M. Guy Geoffroy. La majorité n'aurait donc pas le droit d'amendement ?
    M. Gérard Vignoble, rapporteur. Certes, mais cela ne doit pas l'empêcher de respecter les idées des autres.
    M. Guy Geoffroy. Nous vous écoutons !
    M. Gérard Vignoble, rapporteur. Pour conclure, je demande à l'Assemblée de voter cette proposition de loi tendant à reconnaître le vote blanc aux élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française. - M. Alain Ferry applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi défendue par Gérard Vignoble n'est pas la seule à avoir été déposée sur le sujet, puisqu'elle répond à celle qui a été déposée par une centaine de parlementaires du groupe de l'UMP qui, eux aussi, ont demandé la reconnaissance du vote blanc aux élections. Il s'agit donc d'un vrai problème, à propos duquel j'aimerais faire certaines observations.
    D'abord, depuis près de vingt ans, l'abstention ne fait que croître dans des proportions élevées, et ce quel que soit le type d'élection. C'est ainsi que l'élection présidentielle, qui, avec les élections municipales, connaît le plus la faveur des électeurs français, a enregistré en vingt ans une baisse de l'ordre de 15 % du pourcentage de participation. Ce phénomène est encore plus marqué pour les autres types d'élections.
    Par conséquent, la question qui se pose est la suivante : comment faire en sorte que la démocratie soit la plus vivante possible ? Et, derrière la proposition de loi de Gérard Vignoble ou celle de Thierry Mariani, il y a ce souci de voir les Français participer aux différents scrutins.
    M. Bernard Roman. Surtout derrière celle de M. Vignoble !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Telle est ma première observation.
    J'en viens à ma deuxième observation. Il est généralement admis que le vote blanc ou le vote nul ou l'abstention ont une signification. Aussi, je vais tenter d'analyser le degré de signification de chacun d'entre eux.
    L'abstention a-t-elle une signification ? L'accroissement du taux d'abstention dans tous les types de scrutins traduit certes une relative désaffection pour la chose publique ou la chose politique, mais l'abstention ne peut être interprétée autrement que comme un phénomène global et non comme un phénomène ciblé.
    S'agissant des bulletins blancs, ils n'ont eu une signification que lors du référendum sur le quinquennat. C'est, en effet, la seule élection où ils ont atteint un taux très élevé : plus de 16 %. A cette occasion, les électeurs se sont manifestés, soit en confectionnant un bulletin blanc eux-mêmes, soit en déposant une enveloppe vide dans l'urne. Cette élection a montré que les électeurs sont informés du fait qu'ils peuvent, tout en participant, refuser de faire un choix entre les deux possibilités qui leur sont offertes.
    M. Bernard Roman. Il y a tout de même eu plus de 50 % d'abstentionnistes !
    M. Pascal Clément, président de la commission. J'ai montré précédemment que le taux d'abstention n'était pas signifiant, puisque ce taux augmente pour toutes les élections, ...
    M. Hervé Morin. Pas dans les mêmes proportions !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... même si c'est à un degré moindre pour les municipales et pour la présidentielle. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas propre à à la France : tous les pays développés connaissent une hausse du taux d'abstention lors des élections.
    M. Bernard Roman. Non, pas en Belgique ! Pas dans les pays où le vote est obligatoire !
    M. Pascal Clément, président de la commission. En effet, ce n'est pas le cas dans les pays où le vote est obligatoire. Toutefois, à ma connaissance, personne n'a proposé de le rendre obligatoire en France.
    M. Bernard Roman. Si ! Nous !
    M. Pascal Clément, président de la commission. En tout cas, elle n'a guère prospéré tant elle semble éloignée de la culture française.
    M. Alain Ferry. Tout à fait !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Elle n'a jamais rencontré l'écho qui aurait permis de dire : allons plus loin dans cette direction.
    Votre interruption, monsieur Roman, me conduit à anticiper sur la conclusion que je comptais faire et à indiquer dès à présent que la prise en compte des bulletins blancs pour la détermination des suffrages exprimés n'aurait effectivement de sens que si, systématiquement, le vote était obligatoire. C'est une question de cohérence. Mais, je le répète, actuellement, La France n'est pas prête culturellement à passer le cap du vote obligatoire.
    J'en reviens à la proposition de loi. Il est indéniable que vouloir prendre en compte les votes blancs dans la détermination des suffrages exprimés aura pour conséquence, ce qui est tout de même paradoxal, de décrédibiliser politiquement l'élu. Ceux qui veulent prendre en compte les bulletins blancs disent que c'est pour lutter contre la décrédibilisation ou la délégitimisation des élus, mais si leur proposition était acceptée on en arriverait à une autre forme de délégitimisation.
    M. Gérard Vignoble, rapporteur. Mais non, pas forcément !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Autrement dit, on ne répondrait à un problème qu'en en créant un autre, peut-être encore plus grave. En effet, si cette proposition de loi était adoptée, nous risquerions, les uns et les autres, dans la plus grande majorité des cas, d'être élus avec une majorité inférieure à 50 %. Que dire de la légitimité d'un candidat qui serait élu avec moins de 50 % des voix ? Si M. Vignoble devait siéger à l'Assemblée en ayant obtenu moins de 50 % des voix - ce qui serait probable d'après ce que je sais de sa circonscription -, ses électeurs le trouveraient-ils plus légitime ou moins légitime ?
    M. Gérard Vignoble, rapporteur. Là n'est pas la question !
    M. Hervé Morin. Et les triangulaires !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Admettez, monsieur Morin, que ce n'est pas le cas le plus fréquent. Et, à ma connaissance, ceux qui sont passés par là n'en ont jamais gardé un très bon souvenir, non seulement parce que c'est difficile, mais aussi parce que le nombre des voix obtenues par le vainqueur est, dans la plupart des cas, inférieur à 50 % du nombre des suffrages exprimés. Si tel est le modèle que vous voulez ériger en règle, le simple bon sens veut qu'on ne puisse pas vous suivre.
    Telles sont les données de base.
    J'ai souhaité très honnêtement prendre en compte cette proposition de loi parce qu'elle émanait des rangs de l'UDF mais aussi parce que des propositions allant dans le même sens ont été émises par des députés UMP et par des parlementaires socialistes, et non des moindres, comme Laurent Fabius. Bref, sur tous les bancs de l'hémicycle, le souci est manifestement présent. J'ai donc souhaité que le Parlement réfléchisse sur le sujet, et c'est pourquoi j'ai proposé à la commission des lois une voie médiane.
    M. Guy Geoffroy et M. Alain Ferry. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission. En quoi consiste-t-elle ? A donner au bulletin blanc non pas une importance dans le calcul des voix, mais une résonance dans l'expression démocratique.
    Prenons le cas d'un député élu plusieurs fois la première fois, avec 53 % des voix et 8 % de bulletins blancs, la seconde, cinq ans plus tard par hypothèse, toujours avec 53 % des voix mais avec 16 % de bulletins blancs. Il y aurait à ce moment-là l'expression démocratique d'une hésitation face à l'offre politique ou face aux projets des candidats, et cette expression devrait être connue puisqu'elle aurait été exprimée.
    Ainsi, nous répondrions au souci des auteurs de la proposition de loi en affirmant qu'il ne serait pas question d'occulter cette forme d'expression démocratique, mais qu'il ne serait pas question non plus d'affaiblir la légitimité de l'élu en intégrant le nombre des bulletins blancs aux suffrages exprimés, car exprimer, c'est choisir. Or les bulletins blancs sont l'expression d'un non-choix.
    Si nous n'adoptions pas cette voie médiane, il y aurait un risque de faux sens, pour ne pas dire de contresens, tant au niveau de la sémantique qu'à celui de l'expression politique.
    Voici pourquoi la commission des lois a adopté cette voie médiane, qui prend en compte le souci du rapporteur et celui de nombreux députés sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée. Le texte adopté est déjà assez novateur en soi et il satisfera ceux des Français qui ont depuis toujours considéré que leur vote « blanc » n'était pas assez connu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
    M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur, qui a dû se rendre dans l'Hérault pour inaugurer, en compagnie de Mme Chirac, un orphelinat de la police nationale.
    M. Bernard Roman. Qui est le plus honoré ? (Exclamations sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Les orphelins !
    Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. La démocratie préside aux fondements de nos institutions républicaines. L'exercice du droit de vote en est naturellement l'illustration la plus emblématique. Aussi, je me réjouis de cette proposition de loi qui vise à défendre ce bien qui nous permet de puiser notre légitimité et de nourrir notre action.
    Monsieur le rapporteur, vous avez souligné, à juste titre, la poussée de l'abstention. Quelques chiffres enregistrés lors de scrutins nationaux attestent amplement cette évolution : 17 % au premier tour des élections législatives de 1978 mais 35 % en 2002 ; 15 % au premier tour de l'élection présidentielle de 1974 mais 27 % en 2002 ; 29 % au référendum du 20 septembre 1992 mais 69 % à celui du 28 septembre 2000.
    Vous aussi, monsieur le président de la commission des lois, avez rappelé cette situation, dont il faut se préoccuper.
    Monsieur le rapporteur, vous décelez dans ce phénomène les signes d'une insatisfaction croissante à l'égard des choix offerts aux électeurs. Je vous donne bien volontiers raison. C'est donc soucieux de combattre ce fléau que vous avez, avec le groupe UDF, pris l'initiative de proposer la reconnaissance du vote blanc, notamment par l'abrogation de dispositions assimilant ce vote à un vote nul.
    Je suis d'accord avec votre constat sur le malaise que révèle l'abstention. Du reste, comment ne pas l'être ? Je suis également, comme vous tous ici désireux d'y mettre un terme. Cependant, mon analyse diverge quelque peu de la vôtre quant aux solutions à mettre en oeuvre. En effet, je ne suis pas certain que la prise en compte des bulletins blancs dans les suffrages exprimés réponde à elle seule et de façon efficace au malaise qu'expriment certains de nos concitoyens les jours de scrutin.
    M. Jean-Pierre Abelin. Nous avons souvent dit que cela n'y suffirait pas !
    M. Hervé Morin. Nous sommes d'accord !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Voilà donc encore un point sur lequel nous nous rejoignons !
    M. Hervé Morin. Comme toujours !
    M. Bernard Roman. Il faut les compter ! (Sourires.)
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Plusieurs arguments me paraissent devoir être pris en compte : des arguments juridiques d'abord, des arguments politiques ensuite, des arguments purement pratiques enfin.
    Les arguments juridiques, d'abord.
    Comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés nécessiterait de modifier la Constitution.
    M. Hervé Morin. Pour l'élection présidentielle !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Vous avez tout à fait raison. Mais permettez-moi de dire que ce n'est pas rien !
    M. Hervé Morin. Nous sommes d'accord !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il n'est pas inutile que je rappelle à ceux qui ne l'auraient pas en tête que l'article 7 de la Constitution prévoit que « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Dans le régime actuel, si cette condition n'est pas réalisée au premier tour, elle l'est nécessairement au second puisque ne peuvent alors se présenter que « les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ».
    On conçoit aisément que, si les bulletins blancs entrent dans le décompte des suffrages exprimés et donc dans le calcul de la majorité absolue, ils joueront automatiquement au premier tour à l'encontre du candidat arrivé en tête, l'élection de celui-ci étant ainsi rendue plus difficile. Mais, résultat plus grave, il peut très bien se faire qu'au second tour aucun des candidat n'obtienne la majorité absolue. Compte tenu de cette hypothèse, le problème devient franchement plus compliqué.
    Il ne s'agit pas là d'une hypothèse d'école car, pour qu'elle se réalise, il suffirait que votent « blanc » les électeurs d'un candidat éliminé à l'issue du premier tour. Sur la base d'une consigne de vote, on se trouverait donc dans cette situation ubuesque où aucun des deux adversaires ne pourrait être proclamé élu.
    Tels sont les arguments juridiques de poids que je tenais, mesdames, messieurs les députés, à soumettre à votre réflexion.
    J'en viens aux arguments politiques.
    Aux élections au scrutin majoritaire à deux tours, telles que les élections législatives, le décompte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés aurait pour premier effet d'élever le chiffre de la majorité absolue. L'élection d'un candidat au premier tour serait ainsi rendue plus difficile, ce qui augmenterait le nombre des cas où il faudrait procéder à un second tour.
    M. Jean-Pierre Abelin. Ce ne serait pas grave !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Surtout, le résultat final ne pourrait guère avoir de chances d'être modifié à l'issue du second tour si un candidat - ou une liste - avait obtenu au premier tour plus de voix que tous ses adversaires réunis. Il n'en resterait pas moins que les votes blancs auraient joué au détriment du candidat ou de la liste arrivés en tête, et au détriment d'eux seuls.
    On aboutirait donc, au final, à l'affaiblissement du candidat ou de la liste élus, c'est-à-dire à un effet absolument inverse de votre souhait de renforcer leur légitimité.
    Le cas du référendum mérite que l'on s'y attarde.
    Dans le cas du référendum, un projet est adopté à la majorité des suffrages exprimés. Ce projet ne pourrait, à l'avenir, être adopté que si le nombre des bulletins « oui » était supérieur au nombre des bulletins « non » et blancs réunis. Il pourrait même être rejeté si aucun élécteur n'avait voté « non », dès lors que les votes blancs l'emporteraient sur les votes « oui ». Reconnaissez qu'il y aurait là une incongruité au regard de la logique même du scrutin, tel qu'il est prévu par nos institutions. En effet, par un curieux paradoxe, voter « blancs » reviendrait à voter « non ».
    Ainsi, la comptabilisation des votes blanc pourrait non seulement obscurcir les règles du jeu, mais de plus dénaturer les intentions des électeurs. Il n'est pas certain que cela inciterait ceux de nos concitoyens qui ont choisi de se détourner des urnes à y retourner, ce qui ne manquerait pas de susciter des commentaires que vous pouvez imaginer.
    En outre, un risque de blocage de nos institutions ne serait pas à exclure. Reconnaissez, là encore, monsieur le rapporteur, que nous sommes bien loin de vos intentions originelles.
    Incontestablement, la légitimité démocratique pâtirait de règles permettant à des candidats d'être élus sans avoir obtenu la majorité des suffrages exprimés. Des formations politiques hostiles aux institutions ou souhaitant exercer un chantage sur l'issue du scrutin, voire des citoyens désirant exposer des revendications catégorielles ou locales, ne manqueraient pas d'inciter au vote blanc. L'émergence de partis du vote blanc conduirait à détourner le scrutin en dévalorisant plus ou moins les résultats selon la proportion de votes blancs dans le total des suffrages exprimés. Là encore, une telle situation serait loin de votre intention originelle.
    J'évoquerai enfin des arguments techniques, concernant en particulier les élections à la représentation proportionnelle.
    Dans ce cas, les sièges sont attribués à des listes proportionnellement au nombre des voix qu'elles ont obtenues. Les bulletins blancs ne peuvent, par hypothèse, entraîner l'attribution de sièges au profit d'une liste qui n'existe pas. Que ces bulletins soient comptabilisés ou non parmi les suffrages exprimés ne modifie en rien la répartition mathématique des sièges entre les listes en présence.
    Ce système est complexe et cette complexité serait accrue par l'introduction de la disposition proposée. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Abelin. Quand on ne veut pas régler le problème, on ne le règle pas !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les députés, vous pourrez, à ce stade, objecter que, si elle permettait à nos compatriotes de retourner en masse vers les urnes, la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés vaudrait bien à elle seule un toilettage de la Constitution, du code électoral, voire une multiplication du nombre des tours de scrutin.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Mais serait-ce le cas ? Peut-on vraiment affirmer que la reconnaissance du vote blanc réduirait le nombre des abstentions ?
    Je viens de vous exposer les raisons pour lesquelles le Gouvernement est réservé sur la possibilité de comptabiliser les votes blancs parmi les suffrages exprimés. Ces raisons sont d'ordre juridique, politique et technique. Pour autant, le Gouvernement n'est pas insensible aux arguments que vous développez, tant s'en faut.
    Monsieur le rapporteur, vous avez souligné à juste titre que le vote blanc et l'abstention ne se confondent pas, même s'ils se superposent. Les travaux de sciences politiques révèlent la complexité de ces phénomènes. Sans être trop réducteur, on peut dire que, telles qu'elles ressortent de certaines études, l'indifférence et la contestation du système politique français motivent pour l'essentiel l'expression du vote blanc.
    Un sondage réalisé en avril 1998 par le Centre d'études et de connaissances sur l'opinion publique et par l'institut de sondages IFOP énonçait les différents motifs récurrents du vote blanc. Comme les réponses sont multiples, le total est supérieur à 100 %. Je voudrais cependant livrer à votre réflexion les résultats suivants : pour 36 % des personnes interrogées, le vote blanc est motivé par le refus des candidats en présence, pour 35 % par hostilité à l'égard de la politique, pour 20 % par difficulté de choix entre les candidats, pour 13 % par désintérêt et, pour 11 %, il résulte d'un manque d'information.
    Par ailleurs, le vote blanc et nul, longtemps compris entre 1 et 2 % des inscrits, a tendance à augmenter dans des proportions importantes depuis la fin des années 80, puisqu'il oscille désormais entre 4,4 % et 6,5 %, selon la nature des scrutins nationaux.
    Ce phénomène nouveau est analysé par les spécialistes comme une « abstention participative » ou une « abstention civique ».
    En fait, le vote blanc et nul reste largement motivé par les consignes de vote exprimées par des formations politiques. Il s'explique par le refus du caractère prétendument plébiscitaire du référendum - ce fut le cas en 1962, en 1972, en 1988 et en 2000. Il s'explique aussi par le refus de choisir dans le cadre de scrutins présidentiels comme en 1969, en 1995 et en 2002 où il y a eu des appels au vote blanc ou nul. Il faut aussi prendre en compte l'hostilité envers une politique dans le cadre d'élections législatives, comme en 1993 et en 1997.
    Par ailleurs, les zones géographiques de forte abstention ne sont pas nécessairement celles où la proportion de bulletins blancs et nuls est élevée. Il y a donc bien des comportements électoraux propres au vote blanc qui ne sont pas assimilables à l'abstention. Pour autant, rien ne permet de conclure à un phénomène mécanique qui pourrait être jugulé de façon automatique et significative par une simple reconnaissance du vote blanc.
    Le vote blanc n'est pas l'expression de gens indécis, indifférents ou sans opinion. Il n'est pas non plus confondu avec les erreurs matérielles, volontaires ou involontaires, qui caractérisent le vote nul. Le message formulé par des concitoyens qui se sont déplacés pour accomplir leur devoir électoral ne peut être considéré comme négligeable.
    Toutefois, une élection démocratique n'est pas une simple mesure de l'opinion. Un scrutin n'est pas un sondage car on ne vote pas pour soi, mais dans l'intérêt de la société. La finalité des consultations demeure la désignation d'un ou de plusieurs représentant ou la réponse à une question.
    Compte tenu de ces observations, il paraît difficile, pour ne pas dire impossible, dans le cadre du référendum, de considérer le vote blanc comme un suffrage exprimé. Cependant, il paraît difficile de ne pas prendre en considération la demande récurrente d'un certain nombre de nos compatriotes de reconnaître le vote blanc, demande relayée par les parlementaires, dont le nombre de propositions de loi en faveur de cette reconnaissance ne cesse de croître.
    C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas opposé à la comptabilisation des bulletins blancs sans qu'ils soient pour autant inclus dans les suffrages exprimés. C'est sur ce point, à ce stade de notre débat, qu'il y a lieu d'insister.
    Nous permettrions ainsi à ceux de nos concitoyens qui se détournent régulièrement des urnes d'exprimer leur opinion, sans pour autant prendre le risque de bloquer ou de dénaturer nos institutions. A cet égard, il y a sans doute, monsieur le président de la commission, ainsi que vous l'avez dit, une voie d'équilibre intéressante à explorer.
    Le vote blanc, qui se distinguera désormais du vote nul, sera reconnu au moyen d'une comptabilisation spécifique dans les procès-verbaux des résultats.
    Vous comprendrez aisément que le Gouvernement, dans une période où ses efforts tendent à mobiliser le corps électoral, ne puisse se résoudre dans le même temps à encourager ce même corps électoral à voter blanc en mettant à sa disposition des bulletins prévus à cette fin. Cela reviendrait à inciter l'électeur encore indécis à son arrivée au bureau de vote à ne pas choisir, d'autant que la plupart des enquêtes d'opinion nous enseignent que de plus en plus d'électeurs n'ont pas encore arrêté leur choix la veille du scrutin.
    Disposer à proximité des urnes de bulletins blancs favoriserait le non-choix. Le dépôt d'un bulletin blanc ne peut tenir lieu de programme et encore moins de doctrine. C'est pourquoi le Gouvernement n'imagine pas un instant la mise à disposition de l'électeur, dans les bureaux de vote, de bulletins blancs qui institutionnaliseraient la défiance vis-à-vis de l'offre politique.
    Mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi aujourd'hui soumise à votre examen, telle qu'elle a été modifiée par l'amendement déposé par le président Clément et adoptée par la commission des lois, si elle apporte une réponse partielle à celles et à ceux qui réclament la reconnaissance du vote blanc, ne constitue probablement pas la recette miracle qui fera revenir vers les urnes nos trop nombreux compatriotes qui se sont détournés du vote comme moyen d'action civique.
    Elle nous permettra en revanche d'apprécier dans de plus justes proportions le phénomène d'abstention, qui n'est pas limité à la France et qui touche des Etats de tradition démocratique comme des démocraties plus jeunes. L'histoire politique de notre nation témoigne de périodes similaires où nos concitoyens sont passés provisoirement par les mêmes sentiments de distance, voire d'indifférence ou d'hostilité avant de se mobiliser de nouveau.
    Aussi nous faut-il aller au-delà des messages d'électeurs blasés ou sceptiques que semblent adresser l'abstentionnisme et le vote blanc. Il faut y lire une invitation pressante aux partis politiques, à leurs responsables et à leurs élus à mieux répondre aux véritables questions de nos concitoyens, et à y répondre avec plus d'imagination, d'ardeur, d'audace et de conviction.
    M. Jean-Pierre Abelin et M. Hervé Morin. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. C'est tout le débat !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il s'agit, en d'autres termes, de rendre la politique efficace et de s'astreindre devant les électeurs à une obligation de résultat par rapport aux engagements que nous avons pris devant eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Discussion générale

    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, premier orateur inscrit dans la discussion générale.
    M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis quelques années, notre pays connaît indéniablement un accroissement très préoccupant de l'abstention, auquel s'ajoute une progression des suffrages blancs et nuls. Comment interpréter ce phénomène autrement que comme la manifestation d'une grave crise, d'un malaise, et comme l'expression de la déception, de la distanciation, voire de la résignation de nos concitoyens et de leur rejet de la politique et du monde politique ? Comment ne pas s'inquiéter de cet affaiblissement de la démocratie, puisque l'exercice effectif du droit de vote est au coeur de la légitimité de nos institutions ?
    Le groupe communiste a, depuis de nombreuses années, exprimé sa profonde inquiétude face à ce phénomène, qui s'apparente à « l'américanisation » de notre vie politique, et n'a cessé de dénoncer ses causes profondes tout en préconisant des mesures pour les combattre. Un premier constat s'impose : les Français se détournent de la politique parce que l'offre des formations politiques dominantes se révèle incapable de répondre à leurs attentes, parce que les promesses électorales figurant dans les programmes politiques et les beaux slogans comme celui de la lutte contre la « fracture sociale » sont oubliés aussitôt les élections terminées, parce qu'au nom de la mondialisation libérale on assiste à une démission de la politique face aux diktats des marchés financiers. Monsieur le ministre, des centaines de milliers de travailleurs sont jetés dans la rue du jour au lendemain, au gré des délocalisations et des plans sociaux qui ne cessent de se multiplier, tandis que votre gouvernement démantèle point par point tout le dispositif juridique permettant aux salariés de s'y opposer et de se défendre. Il n'y a plus de frein aux licenciements ni aux pratiques de voyous de certains entrepreneurs.
    Les Français se détournent de la politique parce que les offres politiques des grands partis ne contiennent pas de perspectives sociales et économiques radicalement différentes, parce que le peuple n'a aucune prise sur les évolutions socio-économiques qui marquent si profondément son cadre de vie quotidien. Les disparités sociales et géographiques s'aggravent jusqu'a atteindre le point de rupture de la cohésion sociale et nationale.
    Les Français se détournent de la politique enfin parce que nos institutions ne permettent ni de résoudre la crise de la démocratie représentative ni de développer la démocratie participative. Pis, toutes les réformes institutionnelles mises en oeuvre depuis quelques années, comme le quinquennat ou l'inversion du calendrier électoral, favorisent le bipartisme et la bipolarisation de la vie politique, qui conduisent à une République de spectateurs et de courtisans.
    Le projet de révision des modes de scrutin pour les élections régionales et européennes que vous avez concocté...
    M. Jean-Louis Bernard. C'est hors sujet !
    M. Jacques Brunhes. Vous allez voir que ce ne l'est pas tout à fait, mon cher collègue ! Ce projet est un exercice honteux de tripatouillage électoral qui éliminera toutes les formations autres que l'UMP et le Parti socialiste, alors même que l'opinion publique et les tendances électorales récentes indiquent sans la moindre ambiguïté les aspirations des Français au pluralisme et à la juste représentation de tous les courants politiques.
    M. Jean-Pierre Abelin. Très bien !
    M. Jacques Brunhes. Cette fermeture du champ politique, en restreignant l'offre, ne peut que favoriser l'abstention ou les attitudes contestataires et accroître la fracture démocratique. Dans ces conditions, préconiser la reconnaissance du vote blanc comme solution, même partielle, à cette crise, nous semble non seulement parfaitement inadéquat, mais dangereux à plus d'un titre. C'est en tout cas l'opinion du groupe communiste, même si en son sein certains ont, à titre personnel, une opinion différente - je dois à la vérité de vous le dire.
    En effet, le choix du vote blanc s'écarte de l'objet fondamental propre aux consultations électorales qui visent à désigner des élus exerçant un mandat.
    M. Guy Geoffroy. Ça, c'est vrai !
    M. Jacques Brunhes. C'est un refus de l'offre que constitue le marché des candidatures et, dans ce sens, il s'apparente à une forme d'abstention, abstention « civique » certes, mais abstention tout de même.
    Par ailleurs, les bulletins blancs ne peuvent être susceptibles d'une interprétation unique et d'une signification politique sans équivoque. L'électeur peut avoir des motivations différentes : contestation du ou des candidats, contestation plus générale de la politique, ou même expression d'une stricte neutralité. Il peut appartenir à n'importe quelle famille politique, allant de l'extrême gauche à l'extrême droite. En d'autres termes, l'offre du vote blanc n'est pas homogène. Le favoriser en lui donnant une validité juridique reviendrait à promouvoir une censure du personnel politique dans son ensemble, à encourager des discours populistes, ainsi que l'antiparlementarisme, et ce faisant à affaiblir la démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Emile Zuccarelli. Tout à fait !
    M. François Sauvadet. Il ne faut pas exagérer !
    M. Jacques Brunhes. Le risque d'une chute dans la représentativité des élus, la majorité absolue s'avérant plus difficile à atteindre lors des élections au scrutin majoritaire, participerait également à un tel affaiblissement.
    M. Guy Geoffroy. Il va finir par rejoindre l'UMP !
    M. Jacques Brunhes. Pour l'élection présidentielle qui requiert que le Président soit élu à la majorité des suffrages exprimés, il est imaginable, en théorie, qu'aucun des deux candidats arrivés au deuxième tour n'obtienne la majorité absolue. Pour éviter une vacance du pouvoir ou un blocage, il faudrait, comme l'a indiqué le président de la commission des lois, réviser la Constitution ! De même s'agissant du référendum, qui obéit à la même règle de la majorité absolue, le projet pourrait être rejeté même si le nombre des votes négatifs est très faible, dès l'instant où le nombre des votes blancs dépasserait celui des votes positifs.
    Certes, ces scénarios catastrophes ne sont qu'hypothétiques, mais le sondage de l'IFOP réalisé en avril 1998 et cité dans l'exposé des motifs de la proposition de loi le révèle : si le vote blanc avait été comptabilisé lors de l'élection présidentielle de 1995, le président Chirac n'aurait eu que 40 % des voix au deuxième tour contre 53 % ! Bref, la reconnaissance du vote blanc comporterait un risque de « grippage » du système politique.
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Jacques Brunhes. Quant à la diminution du vote en faveur du Front national que permettrait le caractère « exutoire civique » du vote blanc - je cite à nouveau l'exposé des motifs -, nous restons convaincus que l'on ne pourra y parvenir que par une lutte idéologique...
    M. Hervé Morin. Dans ce domaine, vous parlez en expert !
    M. Jacques Brunhes. ... et politique tendant à éradiquer les causes de son enracinement, et non par des artifices électoraux. Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous félicitons des modifications apportées à ce texte par la commission qui, de fait, le vident de sa substance, ce qui nous amènera - je le dis d'une manière facétieuse - à voter blanc. D'une manière plus réaliste, nous ne participerons pas au vote.
    Le civisme et l'exercice de la citoyenneté ne se décrètent pas. Ce n'est ni en élargisant l'offre politique au vote blanc, comme acte positif et moyen de réduire l'abstention ou le vote extrémiste, ni en rendant le vote obligatoire sous peine d'une amende que nous allons venir à bout de la désaffection de nos concitoyens. C'est en recourant à une véritable démocratisation de nos institutions, que nous avons maintes fois proposée : revalorisation du rôle du Parlement, notamment de l'Assemblée nationale, cantonnée plus encore aujourd'hui qu'hier dans une fonction de chambre d'enregistrement ; scrutin à la proportionnelle, garant du pluralisme ; réforme du Sénat ; droits nouveaux pour les citoyens et pour les salariés dans l'entreprise ; véritable décentralisation permettant la démocratie participative et de proximité, favorisant la citoyenneté pendant que l'Etat central garantirait à tous l'accès aux droits fondamentaux, aux services publics, compenserait les inégalités, c'est-à-dire une décentralisation à l'opposé de votre loi que nous n'osez pas soumettre au peuple par référendum, contrairement à la promesse du Président de la République.
    C'est en inventant de nouvelles pratiques politiques, en proposant des projets politiques et de société conformes aux aspirations citoyennes, aux exigences et aux formidables potentialités qu'offrent les progrès scientifiques et technologiques de notre époque que nous mobiliserons les Français.
    Mes chers collègues, toutes les études sociologiques mettent en évidence l'intérêt persistant pour la politique en France.
    M. Pierre Albertini. Cela ne se manifeste pas !
    M. Jacques Brunhes. Le suffrage est au coeur de la citoyenneté et les électeurs restent très attachés au vote et à sa valeur symbolique. Encore faudrait-il leur donner des raisons d'espérer afin qu'ils prennent le chemin des urnes et ne boudent pas la politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. M. Emile Zuccarelli applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. Albertini.
    M. Pierre Albertini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de l'UDF a au moins un mérite : elle ouvre le débat sur le vote blanc. C'est en effet la première fois qu'il a lieu dans cette enceinte. Or notre mission d'élus est bien de poser les problèmes devant l'opinion et d'appeler nos concitoyens à titre de grands témoins pour tenter - beaucoup l'ont dit avant moi, beaucoup le diront après - de rénover, de refonder la démocratie. Si nous considérons cette proposition comme une invitation à réfléchir sur le socle de nos institutions et la manière dont les Français se reconnaissent, ou ne se reconnaissent pas, en elles et en ceux qui les incarnent, c'est-à-dire nous-mêmes, nous aurons déjà ouvert une discussion féconde. M. le secrétaire d'Etat l'a d'ailleurs reconnu et je lui en donne volontiers acte.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Pierre Albertini. Quel est cet intérêt général auquel nous voulons tous concourir ? Il est de faire reposer sur l'assise populaire la plus large possible le fonctionnement de notre système électoral et de notre système politique et, à travers eux, celui des institutions, notamment de l'institution parlementaire,...
    M. Bernard Roman. Tout à fait !
    M. Pierre Albertini. ... puisque c'est elle qui a marqué le début de l'exercice de la démocratie, bien avant l'élection du Président de la République au suffrage universel direct qui n'est qu'un phénomène très récent dans l'histoire des gouvernements représentatifs. Or il y a une différence entre le choix des représentants - la désignation des députés, par exemple - et la légitimité de leur action, celle du pouvoir politique en général. Depuis quelques années, de nombreux philosophes et sociologues travaillent sur ce sujet. Je pense aux travaux de Paul Ricoeur ou aux réflexions d'Alain Touraine qui, lui aussi, s'est interrogé de manière très féconde et pertinente sur la démocratie. Que nous disent-ils, l'un et l'autre, à leur manière ? Que la démocratie n'est pas seulement un Meccano institutionnel, un assemblage d'institutions, un procédé de répartition des pouvoirs dans les sociétés modernes. Que la démocratie est une valeur à cultiver tous les jours, parce que c'est un combat de tous les instants pour que nos concitoyens se sentent acteurs de notre destinée collective et non pas spectateurs passifs de nos débats.
    Le constat est inquiétant. Les signes les plus visibles de l'affaiblissement du socle de nos institutions sont non seulement la montée de l'abstention - cela a été dit tout à l'heure -, mais aussi l'accroissement du nombre des votes protestataires, des votes extrémistes, qui sont souvent difficiles à interpréter. Dans les grandes élections, y compris lors de l'élection présidentielle, ces derniers atteignent des niveaux insoupçonnables il y a seulement quinze ou vingt ans. Un autre signe est le fait de ne pas s'inscrire sur les listes électorales ou de ne pas signaler son changement d'adresse, comme si la politique devait filer devant nous comme un long fleuve tranquille. Nombre de nos concitoyens ne sont plus volontaires pour participer à cet acte civique qu'est le vote. La conséquence, vous la connaissez : l'alternance politique est de plus en plus fréquente et les cycles d'alternance ont une durée de trois à cinq ans. Depuis 1978, aucune majorité sortante n'a été reconduite, ce qui montre l'affaiblissement du socle de nos institutions et du degré de confiance que leur accordent les Français.
    La vraie question est celle de la manière dont les citoyens adhèrent aux grandes valeurs politiques qui sont incarnées par les élus que nous sommes, entre autres. Nous connaissons les causes profondes de la démobilisation de l'électorat, mais je tiens à en souligner deux, qui me paraissent les plus significatives.
    La première tient incontestablement au sentiment qu'ont nos concitoyens d'une relative impuissance du pouvoir politique à agir sur le cours des choses, sur le gouvernement des hommes, c'est-à-dire à changer la société et, à travers elle, leur vie quotidienne. Je n'y reviens pas, ce phénomène a été analysé. Nous devons agir pour montrer la voie, le chemin du renouveau.
    Quant à la seconde cause, il ne faut pas se la cacher, elle tient au caractère généralement assez démagogique des positions prises depuis ces vingt ou trente dernières années par certains élus qui ont laissé entendre que l'on pouvait changer la vie, le monde, passer de l'ombre à la lumière, alors qu'ils savaient pertinemment qu'ils n'auraient pas les moyens d'agir sur le cours des choses et sur le gouvernement des hommes. Cette démagogie ambiante n'a fait qu'entretenir la relative méfiance, le scepticisme de nos concitoyens.
    Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, notre proposition de loi n'est qu'une réponse parmi d'autres. Nous n'avons jamais pensé que la reconnaissance du vote blanc serait la panacée, mais nous croyons que cela pourrait être un levier pour revaloriser une forme d'engagement civique.
    Deux questions clefs se posent. Le vote blanc a-t-il un sens, peut-il être interprété de manière différente de l'abstention ou du vote nul ? Renforce-t-il la démocratie ou la menace-t-il ?
    Le vote blanc peut-il être interprété ? Oui, M. le secrétaire d'Etat l'a démontré tout à l'heure en évoquant un sondage très précis faisant état des motivations diverses qui expliquent le vote blanc : le refus de se reconnaître dans les candidats qui se présentent, la non-adhésion à la politique telle qu'elle est pratiquée, le refus de choisir. Et de telles motivations se situent loin devant le manque d'information, par exemple. Les Français qui votent blanc aujourd'hui le font pour des raisons qui méritent d'être étudiées, analysées et prises en compte. A l'évidence, elles sont différentes de celles qui expliquent le vote nul, avec lequel le vote blanc est, hélas ! comptabilisé depuis de nombreuses années. Elles sont différentes également de la pure et simple abstention qui, elle, est ininterprétable. Pourquoi les Français ne se déplacent-ils pas ? On peut évidemment mentionner plusieurs causes, mais on ne sait pas laquelle est la plus déterminante. Le silence n'est jamais interprétable. L'abstention ne l'est pas non plus.
    Le vote blanc renforce-t-il ou menace-t-il la démocratie ? Je crois qu'il la renforce, car il concourt à une plus grande diversité de l'expression politique. C'est un acte de confiance dans la démocratie vivante, participative, qu'il est donc susceptible de renforcer, même si, nous en sommes tout à fait d'accord, ce n'est qu'un moyen parmi beaucoup d'autres. Il vaudrait certes mieux agir sur les causes que sur les manifestations des phénomènes. Le raisonnement vaut aussi pour le mode de scrutin. Nous militons pour le pluralisme et la diversité politique, donc pour que les modes de scrutin n'enferment pas dans des carcans la volonté des Français de s'exprimer librement. On ne confisque pas la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. Tout à fait !
    M. Pierre Albertini. La reconnaissance du vote blanc présenterait deux avantages. D'abord, cela permettrait de distinguer le vote blanc de l'expression de mouvements d'humeur qui caractérisent, par exemple, le vote nul. Ensuite, cela diminuerait probablement, dans une proportion non négligeable, l'abstention et les votes protestataires, les votes extrémistes. On ne construit pas une démocratie en regardant grandir, aux deux pôles extrêmes de l'échiquier politique, les manifestations d'humeur, d'ailleurs très souvent plus intuitives que raisonnées, faisant appel à la peur plus qu'à la raison. La démocratie, c'est le choix de la raison.
    Je terminerai par quelques observations.
    D'abord, pour les élus que nous sommes, la politique de l'autruche, c'est-à-dire le refus de voir la gravité des problèmes, est évidemment la plus malsaine des politiques.
    M. Jean-Pierre Abelin. C'est vrai !
    M. Pierre Albertini. Ce n'est pas en nous enfouissant la tête dans le sable que nous guérirons la démocratie des maux qui la taraudent.
    M. Hervé Morin. Tout à fait !
    M. Pierre Albertini. Nous avons tout intérêt à regarder la réalité en face. D'ailleurs, un élu ne peut pas avoir peur du suffrage universel : s'il s'engage devant ses concitoyens, c'est qu'il en accepte à l'avance le verdict. Cela me paraît une première évidence.
    Ensuite, et c'est ma deuxième observation, cette initiative parlementaire de l'UDF concourt à ouvrir un débat public. C'est tout à fait à l'honneur du Parlement, dont plusieurs orateurs ont dit qu'il méritait d'être revalorisé. Si celui-ci a une raison d'être, ceux qui composent la représentation nationale peuvent légitimement user de cette faculté. Nous le faisons sans complexe.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Pierre Albertini. Enfin, je rappellerai ce qu'a dit en substance le Premier ministre à cette tribune, dans son discours précédant l'investiture qui lui a été accordée : les résultats électoraux n'effacent pas les problèmes ; ce n'est pas parce qu'au second tour de l'élection présidentielle, du fait du caractère aberrant des résultats du premier tour, le président a été élu à une majorité insoupçonnée et que l'harmonie politique entre les institutions a été rétablie, que les problèmes de la société française ont été pour autant résolus.
    Même si notre proposition n'avait pour but que de décompter de manière distincte les votes blancs des votes nuls, elle aurait un mérite. Pour autant, ce serait insuffisant. Etant l'auteur de propositions très anciennes sur le sujet, je pense qu'il faudrait aller plus loin.
    Certains ont parlé du risque qu'il en résulterait pour l'élection du Président de la République. Certes, la Constitution est rédigée de telle manière que la proposition pourrait buter sur la rédaction actuelle de l'article 7. Mais le risque n'est que virtuel.
    Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, il est bon de dialoguer avec nos concitoyens et de faire preuve tous les jours de confiance, cette valeur élémentaire de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi émanant du groupe UDF a le mérite de l'intérêt. Pour Gérard Vignoble, son rapporteur, elle constitue l'un des éléments - et l'un des éléments seulement - de réponse face au séisme politique que nous avons connu en France le 21 avril dernier et à la crise de la représentation politique qui s'approfondit depuis quelques années. Je rejoins d'ailleurs certaines des analyses de M. Albertini sur la nature même de la démocratie.
    Alors que le groupe UDF propose cet élément de réponse, comment ne pas faire référence à l'actualité ? Un malaise existe au sein de la majorité parlementaire : deux visions de nos institutions s'opposent : d'un côté, cette proposition de loi, sur laquelle je fais certaines réserves, mais qui a au moins le mérite de tenter d'apporter une réponse consistant à élargir l'éventail des choix offerts aux citoyens pour les amener à se déplacer à l'occasion des élections ; de l'autre, le projet de loi qui nous a été annoncé hier, qui correspond à une vision « abracadabrantesque » de l'organisation des modes de scrutin et répond à une volonté « de rouleau compresseur » de la part d'un parti unique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Caricature !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Restons sur le sujet, monsieur Roman !
    M. Bernard Roman. Il s'agit de brider la capacité de choix des citoyens et leur volonté d'existence citoyenne dans le cadre de la démocratie française. D'un côté, une volonté de rechercher des ouvertures. De l'autre, et je pèse mes mots, un risque de dérive « césariste » ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Hors sujet !
    M. Bernard Roman. Mes chers collègues, nous aurons l'occasion d'examiner ce texte dans quinze jours.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Le moment venu.
    M. Bernard Roman. Mais je vous demande de réfléchir au fait que, jamais, dans l'histoire de la Ve République, nous ne nous sommes retrouvés dans cette situation.
    M. Pascal Clément. président de la commission. Arrêtez, monsieur Roman ! Tout ce qui est excessif est insignifiant !
    M. Bernard Roman. Excessif ? Pour moi, mais aussi pour M. Balladur et pour vos collègues de l'UDF. Et d'après mes échos, pour le ministre de l'intérieur lui-même, qui aimerait bien trouver un déplacement avec Mme Chirac le jour du débat parlementaire, pour ne pas assumer la défense d'un tel texte. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Merci pour moi ! (Sourires.)
    M. Eric Raoult. C'est indigne d'un ancien président de la commission des lois ! Vous étiez meilleur avant !
    M. Bernard Roman. Quelle légitimité avez-vous, mon cher collègue, pour juger si un parlementaire de l'opposition est digne ou ne l'est pas ?
    M. Eric Raoult. C'est qu'on vous aime bien !
    M. Jean-Jacques Descamps. Nous jugeons aux arguments !
    M. Bernard Roman. Je me garde, pour ma part, de ce type de jugement sur les parlementaires de la majorité...
    Certes, l'excès fait partie du théâtre d'ombres parlementaire, mais nos institutions méritent une approche plus responsable de ces questions. En tout état de cause, le débat que nous avons eu en commission des lois m'a laissé un sentiment d'irréalité. Et l'intervention, ce matin, du président Clément m'a conforté dans ce sentiment. Certains parlementaires de la majorité donnent l'impression que rien ne se serait passé le 21 avril.
    M. Guy Geoffroy. C'est incroyable !
    M. Bernard Roman. Comme si nous n'étions pas confrontés, depuis plusieurs années, à une crise démocratique sans précédent, qui interpelle toutes nos formations politiques !
    Je ne reviendrai pas sur les chiffres de l'évolution de l'abstention et de l'évolution des votes blancs, qui ont été largement évoqués. Mais je tiens à dire à M. Clément, président de la commission des lois,...
    M. Guy Geoffroy. Très bon président !
    M. Bernard Roman. ... que les phénomènes de l'abstention et du vote blanc, dans tous les scrutins, depuis une vingtaine d'années sont complémentaires. Nous avons tous à l'esprit l'ampleur de ces phénomènes. Et la vitalité de la démocratie exige que nous y répondions.
    La prise en compte du vote blanc n'est qu'une partie de la réponse, mais elle en est une et il faut l'explorer. C'est d'ailleurs pourquoi notre groupe a déposé, à l'initiative de Laurent Fabius, une proposition de loi visant à rendre obligatoire la participation au vote et prévoyant, en corollaire, la reconnaissance du vote blanc. Vous avez d'ailleurs bien voulu admettre, monsieur le président, que ce texte dénotait une vision plus globale et donc plus cohérente que la seule reconnaissance du vote blanc que l'on nous propose ce matin. Nous pensons que, si l'on demande aux citoyens de faire un choix, il faut leur assurer, en contrepartie, une vraie liberté de choix.
    Les causes sont multiples aujourd'hui, qui font que nos concitoyens, notamment les jeunes, se détournent de plus en plus souvent du devoir civique. Il n'existe pas de remède miracle. Seule une ample réforme pourra réconcilier les Français avec le politique, et donc avec leurs institutions ; car nous avons laissé s'installer de nombreux déséquilibres.
    Le dessaisissement du Parlement, et plus particulièrement de l'Assemblée nationale, s'aggrave. Cet affaiblissement donne l'impression que les décisions sont prises ailleurs. Cela n'incite pas à se déplacer pour les élections législatives.
    M. Guy Geoffroy. C'est une affirmation gratuite !
    M. Bernard Roman. C'est pourtant à peu près celle du président Debré, qui pense qu'une modification des règles de fonctionnement pourrait replacer le Parlement au coeur de la vie démocratique. Alors, si mon affirmation est gratuite, celle de M. Debré est en solde ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas la même !
    M. Bernard Roman. La multiplication des niveaux d'administration territoriale a abouti à brouiller l'action publique locale. Les responsabilités sont diluées. Les électeurs ne perçoivent plus les enjeux des élections locales. Celles-ci, au demeurant, ne prendront tout leur sens que lorsque tous les citoyens régulièrement installés en France pourront y participer - notamment les étrangers non communautaires, comme nous l'avons suggéré dans une proposition de loi, voici quelques semaines.
    La pratique du cumul reste généralisée, notamment pour les parlementaires. Regardez d'ailleurs notre hémicycle, ce matin : nous sommes une vingtaine à parler de la démocratie française ! Cet absentéisme suscite chez nos concitoyens un véritable rejet.
    Sans compter le conservatisme de « nos » formations politiques. Leur mode très contraint de désignation des candidats entrave la nécessaire régénération du personnel politique.
    M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas généraliser les travers de votre parti !
    M. Bernard Roman. Lors des dernières législatives, tous les partis politiques ont préféré la sanction financière au respect de la loi sur la parité des candidatures. Partout, des femmes, des jeunes, de nouvelles catégories sociales sont capables d'être des représentants compétents, dignes des électeurs, lesquels aspirent à ce renouvellement. Or notre organisation politique y fait aujourd'hui barrage.
    M. Robert Pandraud. Vous auriez dû laisser la place !
    M. Bernard Roman. Monsieur Pandraud, excusez-moi, mais je suis parlementaire depuis bien moins longtemps que vous...
    Le groupe socialiste estime donc qu'il appartient aux partis, aux responsables politiques, aux élus que nous sommes de réfléchir aux réformes indispensables pour rénover notre démocratie. Il s'agit de rendre aux citoyens l'envie de prendre toute leur part dans les décisions. Il s'agit, tout simplement, de restaurer leur confiance en nous. Il faut croire que ce n'est pas simple. C'est pourtant urgent.
    Au lendemain du choc du 21 avril, la main sur le coeur, droite et gauche confondues, nous avons assuré avoir reçu cinq sur cinq le message des Français. Nous leur avons promis de les entendre. Aujourd'hui, où en est-on ? Nous sommes-nous remis en cause ? Ni la stratégie du parti unique à droite ni la scandaleuse réforme des modes de scrutin proposée par l'UMP ne sauraient répondre à cette crise. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La légitimité, tel est le vrai problème des élus. En commission des lois, et ici-même, ce matin, monsieur Clément, vous avez objecté à ceux qui proposaient de comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés que les élus seraient privés de ce qui constitue, dans l'esprit des électeurs, un aspect fondamental de leur légitimité, à savoir la majorité absolue des suffrages exprimés. Selon vous, cela risquerait de « perturber l'électorat, de fragiliser les élus et d'aggraver la désaffection populaire à l'égard du vote ». Pour nous, ce qui fragilise les élus, c'est d'être mal élu ; c'est de constater, scrutin après scrutin, que le total des abstentions, des votes blancs ou nuls, des non-inscrits atteint 50 % de la population.
    Depuis 1993, le vote blanc représente 5 %, en moyenne nationale, pour les élections législatives ou présidentielles ; il dépasse largement ce niveau dans de nombreuses circonscriptions et dans les élections locales. Selon un sondage de 1998, 60 % des Français souhaitent que des bulletins blancs soient mis à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote et que le vote blanc soit comptabilisé parmi les suffrages exprimés.
    J'avoue qu'il peut y avoir débat sur ce sujet ; mais les obstacles juridiques à la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés ne sont pas insurmontables, comme le démontre parfaitement le rapport de Gérard Vignoble. Les socialistes, dans leur proposition, préfèrent cependant, au regard des modifications qu'imposerait la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés, s'en tenir à un décompte séparé des bulletins nuls.
    M. Alain Ferry. Très bien !
    M. Bernard Roman. L'essentiel est, en effet, de reconnaître le vote blanc pour ce qu'il est.
    Le vote blanc est une démarche citoyenne. Il est un vote réfléchi, qui exprime un refus des candidats ou des programmes proposés, mais ne traduit nullement un désintérêt. Il faut un vrai engagement civique pour se déplacer jusqu'à un bureau de vote en sachant que le choix que l'on fera n'aura pas de traduction concrète. Quand on vote en faveur d'un candidat, on espère sa victoire. Quand on vote blanc, on manifeste une insatisfaction, une attente, l'espoir d'être entendu, ce qui est le contraire du renoncement à la citoyenneté. De ce point de vue, le non-choix est un choix. Cela n'a rien à voir avec l'abstention ou la non-inscription sur les listes électorales qui sont un désengagement, un rejet de la politique et, finalement, un renoncement à ses droits !
    C'est pourquoi bien des arguments opposés à cette proposition de loi me choquent. Ils traduisent une forme de crainte, une peur de la démocratie. La démocratie doit accepter tous les modes d'expression. Pourquoi dénier à la reconnaissance du vote blanc la capacité de faire reculer l'abstention ou le vote protestataire ? Ce que disent les électeurs, c'est qu'il faut les respecter. Cela impose de leur permettre d'exprimer leur opinion, et non de les obliger soit à se prononcer par défaut, soit à s'abstenir. Le respect de la liberté de l'électeur impose d'entendre sa voix.
    Le statu quo est commode en ce qu'il dispense de toute remise en cause. Mais, après le 21 avril, nous avons tous promis aux Français un changement.
    Nous savons tous que légiférer sur le vote blanc ne suffira pas à répondre au malaise des citoyens. Nous n'y répondrons pas uniquement par des évolutions législatives. Nous y répondrons par une approche globale et lucide. L'équilibre de nos institutions, une décentralisation pour le citoyen et non pour les élus, de nouvelles pratiques politiques : voilà ce que nous demandent les Français.
    L'UMP refuse ce matin une petite avancée, au prétexte qu'elle est partielle. Le groupe socialiste, quant à lui, parce que le texte proposé a été complètement dénaturé, répondra à cette proposition par un petit clin d'oeil : il votera blanc. (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Ferry.
    M. Alain Ferry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui évoque un sujet sensible et encore trop controversé. Les avis sont très partagés. Mais je ne peux que me réjouir de participer, au nom du groupe UMP, à ce débat qui montre notre volonté d'agir pour une démocratie plus conforme aux aspirations de nos concitoyens, à l'aide d'outils d'expression plus pertinents contre l'abstention, véritable baromètre de la représentativité.
    Le vote blanc suscite l'enthousiasme des Français. Selon un sondage IFOP, 60 % d'entre eux y sont favorables. En Alsace, et en particulier dans ma circonscription, des associations se sont constituées pour créer un véritable indicateur de l'abstention et offrir ainsi un troisième choix aux électeurs déçus des candidats en lice lors des scrutins locaux ou nationaux.
    Pour se convaincre de cet engouement, il suffit de regarder les chiffres des récents scrutins nationaux. Au soir du premier tour de l'élection présidentielle, les résultats ont été à la fois historiques et préoccupants : 995 550 électeurs, soit 3,4 % des votants, ont déposé dans l'urne un bulletin nul. Ce score est d'autant plus consternant qu'il s'ajoute à celui réalisé par l'extrême droite, qui lui a permis d'être présente au second tour. Du jamais vu ! Le vote protestataire du 21 avril témoigne, plus que jamais, des sentiments d'abandon et d'inefficacité de l'action publique éprouvés par nos concitoyens.
    Mais est-ce une première dans notre pays ? Pas vraiment. Le référendum du 24 septembre 2000 sur le quinquennat, avec près de deux millions de votes nuls, et l'abstention record, de près de 40 %, lors des dernières élections législatives avaient déjà tiré le signal d'alarme du ras-le-bol généralisé de l'opinion.
    Alors que faire ? Agir pour redonner confiance. Le Gouvernement, conscient de cette priorité, s'y emploie avec détermination au quotidien.
    Mais doit-on en rester là ? Je ne le pense pas et c'est pourquoi j'avais déposé, en 1997, une proposition de loi tendant à compléter le code électoral en vue d'une meilleure reconnaissance du vote blanc.
    L'absence de prise en considération de ce choix électoral démontre une fois encore l'inadaptation de notre droit électoral. La règle selon laquelle les bulletins blancs ne sont pas décomptés parmi les suffrages exprimés fait partie de notre tradition juridique. Codifiée pour la première fois en 1852 par un décret réglementaire, elle a été reprise par la loi de 1913 et figure aujourd'hui à l'article L. 66 du code électoral. Cette règle a souvent été décriée, car elle tend à assimiler l'électeur qui vote blanc soit à un abstentionniste, soit à un électeur dont le vote est déclaré nul.
    Le vote blanc est, à mon sens, un acte civique positif et ne peut être assimilé à un vote nul. Il marque à la fois une volonté, celle de participer à un scrutin - en quoi il se différencie de l'abstention pure et simple - et un refus, celui de choisir entre les candidats en lice. En tant qu'il exprime à la fois une volonté et un refus, il a une valeur intrinsèque et doit donc être décompté. Ne pas le faire, c'est accepter d'aggraver l'abstention et favoriser le vote de mécontentement, deux phénomènes dont chacun mesure aujourd'hui l'étendue.
    Dès lors, deux orientations législatives s'offrent à nous.
    La première tend à donner au bulletin blanc un minimum d'existence juridique ; tel est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée il y a cinq ans.
    La seconde consiste à assimiler les bulletins blancs à des suffrages exprimés ; tel est le sens de l'article 2 de la proposition initiale du groupe UDF.
    Dans un premier temps, j'ai été séduit, mais la raison et le bon sens l'ont emporté. En effet, mes chers collègues, votre proposition, certes pertinente, emporterait néanmoins, si elle était appliquée, des conséquences paralysantes, voire dangereuses pour le bon fonctionnement et l'équilibre de nos institutions. Il serait alors nécessaire de réformer la procédure électorale, ce qui ne peut se faire dans l'urgence, au risque de mettre à mal le fonctionnement de nos institutions, mais exige que l'on procède par étapes.
    L'article 1er prévoit l'obligation de mettre des bulletins blancs à la disposition des électeurs. Si l'intention est louable, cette mesure aurait pour conséquence de reconnaître la même valeur au vote blanc et au vote en faveur d'un candidat, ce qui ne me semble pas souhaitable, car on contribuerait ainsi, aux yeux des électeurs, à dévaloriser le débat public et à décrédibiliser les candidats. Je n'évoque même pas le coût d'une telle mesure, dont les sources de financement ne sont pas précisées.
    L'article 2 prévoit la prise en compte des bulletins blancs dans le calcul des suffrages exprimés. Or le vote blanc ne peut servir en rien à l'élection, comprise comme la désignation à des fonctions, puisque les suffrages correspondants ne sont pas susceptibles d'être attribués à un candidat ou à une liste. Bien plus, je suis convaincu que ce dispositif compliquerait le processus de désignation des élus. Ainsi, lors d'élections au scrutin majoritaire à deux tours, la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés conduirait à la multiplication des seconds tours et affaiblirait la légitimité des candidats élus. Il est même concevable qu'au premier comme au second tour, on soit obligé de constater la vacance du ou des sièges à pourvoir, dans le cas où le nombre des bulletins blancs serait supérieur au chiffre de la majorité requise. Pour l'élection du chef de l'Etat, la réforme proposée impliquerait une modification de l'article 7 de la Constitution, lequel prévoit que le Président de la République est élu à la majorité absolue, afin de permettre son élection à la majorité relative.
    Voilà qui est bien compliqué pour de bien maigres résultats. Ces raisons techniques, à elle seules, démontrent le caractère inopérant de l'article 2, tel que proposé par le groupe UDF.
    En revanche, sans aller jusqu'à l'assimilation des bulletins blancs à des suffrages exprimés, il est tout à fait possible de leur donner une existence juridique en les distinguant du vote nul. Telle est la position que je défends au nom du groupe UMP ; elle me semble plus conforme à l'attente de nos concitoyens.
    Dans cette optique, il est nécessaire de procéder au décompte spécifique des bulletins blancs et de prévoir expressément la proclamation du pourcentage de votes blancs dans les résultats des scrutins. Ces deux mesures assureront au vote blanc une meilleure reconnaissance juridique, sans entraîner pour autant le blocage des institutions. Elles permettront de reconnaître les électeurs dans leur diversité et fourniront un indicateur d'insatisfaction utile pour les partis politiques et les candidats. Ainsi, l'électeur sera moins tenté de se résigner à l'abstention ou au vote extrémiste et de contestation, dont la montée constitue une vraie menace pour la démocratie. La reconnaissance du vote blanc ne représente pas, à elle seule, une solution au phénomène abstentionniste ou contestaire, mais elle apporte un élément de réponse.
    Par contre, je ne pense pas que le vote obligatoire, solution évoquée par Bernard Roman en commission, puisse être envisagé. Nous vivons dans un pays de liberté. La liberté est une des valeurs de la République. Je considère que le choix de voter ou de s'abstenir doit être laissé à la seule responsabilité des électeurs.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. Alain Ferry. La France est un pays de droits et de devoirs. Le vote constitue avant tout un devoir et en faire une obligation nuirait à l'esprit même de notre démocratie. En revanche, la représentation nationale, quant à elle, a le devoir de compléter notre arsenal démocratique en donnant aux électeurs de nouveaux moyens d'exprimer leurs choix. L'an dernier, j'avais déposé une proposition de loi pour reconnaître le vote par Internet. Cette mesure s'inscrit dans la même logique que la reconnaissance du vote blanc : il s'agit de favoriser la participation du plus grand nombre et moderniser notre démocratie au regard des besoins sans cesse croissants de la société.
    Une distinction claire serait ainsi opérée entre le vote nul parce qu'irrégulier et le vote blanc réfléchi du citoyen qui estime, en conscience, ne pouvoir retenir aucune des options qui lui sont proposées. Il importe que le vote de l'ensemble des électeurs qui se présentent au bureau de vote soit pris en compte ; il y va de la crédibilité de l'acte civique, du respect du devoir citoyen et des valeurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le peu de temps qui m'est accordé, je vais devoir aller à l'essentiel : je suis totalement hostile à la réforme proposée que l'on pourrait résumer ainsi : reconnaître au vote blanc la valeur d'expression d'un vote « normal ».
    Ce principe global peut s'appliquer à deux niveaux d'exigence.
    Un niveau minimal imposant dans tous les bureaux de vote - et par parenthèses dans la propagande officielle - la présence de bulletins blancs standardisés et immaculés, un bulletin blanc maculé étant considéré comme nul. Les bulletins blancs et nuls seraient alors décomptés séparément.
    Un niveau où la logique de reconnaissance est poussée plus loin et où il faudrait calculer le seuil d'élection en tenant compte des votes blancs considérés comme des suffrages exprimés. Au premier tour seulement ? Au deuxième tour également ? Et faudrait-il, à l'occasion, envisager un troisième tour ? On voit déjà, à ce stade, poindre de salutaires interrogations. J'ai cru comprendre que, parmi les partisans les plus affirmés de ce projet, certains se posent des questions, par exemple sur l'élection présidentielle. Quid d'un troisième tour à la majorité relative ?
    Mes chers collègues, si je ne trouvais, pour soutenir ce texte, autant de personnalités respectables et aux positions souvent pertinentes, je serais tenté de demander à quoi l'on joue. Mais, plus sereinement, je me demande ce que l'on cherche.
    Je suis comme vous peiné de voir tant de nos compatriotes négliger ce droit d'expression qu'est le vote, cette conquête pour laquelle nos anciens ont lutté et parfois sont morts. Mais, en l'occurrence, c'est par le mal que vous voulez lutter contre le mal.
    Le vote blanc, notons-le, existe déjà. Mais là vous allez dire aux électeurs : « Si vous ne voulez pas choisir, votez blanc. C'est bien, c'est aussi citoyen que de choisir. »
    Je ne suis pas certain que vous obtiendrez ainsi une augmentation de la participation. En revanche, vous provoquerez presque certainement une baisse des suffrages exprimés au sens classique du terme.
    M. Jean Proriol. C'est mathématique !
    M. Emile Zuccarelli. Je m'en tiendrai à deux critiques essentielles.
    D'abord, avant de promouvoir le vote, il faut promouvoir la citoyenneté. La citoyenneté, c'est l'implication et le choix. Le citoyen responsable choisit. Et que le choix puisse être difficile - il faut parfois choisir entre deux maux - ne fait qu'ajouter à l'honneur de la condition de citoyen. Là, on sacralise le non-choix et, loin de guider l'électeur vers la citoyenneté, on veut promouvoir, en le carressant dans le sens du poil - je n'irai pas jusqu'à parler de démagogie -, un consumérisme grognon où chacun exprimera plutôt des insatisfactions que des volontés, ne votant pas pour quelque chose ou pour quelqu'un mais pour envoyer des avertissements ou des cartons jaunes tous azimuts !
    Ma deuxième critique tient à la légitimité de l'homme ou de la décision ainsi choisis.
    Quid d'un référendum à 40 % de oui, 30 % de non et 30 % de blancs « sacralisés » ?
    Quant aux élus, dont il faut bien dire la difficulté de la tâche, ils sont déjà confrontés à l'image de la vie politique que donne une société médiatique plus friande de bons mots et de paroles assassines que du travail quotidien fourni dignement par la plupart. Ne va-t-on pas encore « plomber » leur légitimité ? C'est vrai du plus modeste des élus jusqu'au plus grand.
    M. Guy Geoffroy. Eh oui !
    M. Emile Zuccarelli. Pour l'élection présidentielle, enfin, il faudrait aller à trois tours au minimum, en exigeant la majorité absolue des suffrages exprimés aux deux premiers et simplement la majorité relative au troisième. Je vous laisse imaginer avec quelle autorité le Président de la République parlerait au nom de la France après un deuxième tour où, le risque d'une élection surprise de Le Pen étant ainsi conjuré, on aurait obtenu 18 % pour Le Pen, 30 % pour Chirac - comptons large - et 52 % de votes blancs ! Cette hypothèse n'est pas invraisemblable au vu des résultats du premier tour le 21 avril.
    M. François Sauvadet. Cela donne à réfléchir.
    M. Emile Zuccarelli. Mes chers collègues, les propositions de loi sont souvent l'occasion de déclencher la réflexion et je veux bien envisager la vôtre sous cet angle. Car le sujet est intéressant. Mais, je vous en conjure, n'ouvrez pas la boîte de Pandore !
    Si vous voulez augmenter l'implication citoyenne, il est de meilleures méthodes. Certains ici, par exemple, s'interrogent non sans pertinence sur l'idée de rendre le vote obligatoire. Pourquoi pas ? Même si je reconnais que ce serait un saut autoritaire.
    De manière plus pragmatique et immédiate, pourquoi ne pas faire en sorte que soient au moins inscrits sur les listes ceux qui auraient vocation à l'être et qui ne le sont pas ?
    On a également évoqué le sujet controversé et difficile du droit de vote des étrangers non communautaires. A titre personnel, je n'y suis pas tellement favorable. Je souhaite plutôt qu'ils puissent acquérir la citoyenneté rapidement et non pas après une course d'obstacles qui peut durer quinze ou vingt ans.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. Emile Zuccarelli. Mais, plus modestement, combien de nationaux ne sont pas inscrits ? Je ne suis pas certain que le principe, acquis depuis quelques années, de l'inscription automatique de nos jeunes concitoyens sur les listes électorales à l'occasion de leur dix-huitième anniversaire, soit effectivement appliqué.
    M. Bernard Roman. Ça ne marche pas bien !
    M. Emile Zuccarelli. En effet. Je crois que si l'on faisait l'évaluation de cette mesure, les résultats seraient extrêmement faibles.
    M. Robert Pandraud. Puis-je vous interrompre ?
    M. Emile Zuccarelli. Je vous en prie.
    M. le président. La parole est à M. Robert Pandraud, avec l'autorisation de l'orateur.
    M. Robert Pandraud. Monsieur Zuccarelli, je partage votre point de vue : le vrai problème, c'est l'inscription sur les listes électorales, et je pense qu'il est complètement rétrograde de n'ouvrir les mairies, pour les inscriptions sur les listes électorales, que pendant les mois d'automne.
    M. Bernard Roman. Evidemment !
    M. Hervé Morin. M. Pandraud a raison !
    M. Bernard Roman. Pour une fois !
    M. Robert Pandraud. Les inscriptions devraient être possibles tout au long de l'année, car la population est de plus en plus mobile, notamment, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, dans nos banlieues. Quand une famille arrive au mois d'avril dans une commune, elle ne va pas retourner à la mairie en novembre ! Il suffirait qu'elle se fasse inscrire dès son arrivée.
    Je souhaitais ajouter cet argument à la démonstration de M. Zuccarelli.
    M. Bernard Roman. Pandraud, Zuccarelli, même combat !
    M. Emile Zuccarelli. Merci de votre soutien, monsieur Pandraud. Mais je vous ferai observer, monsieur le président, que le dépassement de mon temps de parole est strictement dû à cette interruption. Car moi, j'avais terminé. (Sourires.)
    M. le président. Fort bien, monsieur Zuccarelli. Mais vous devriez tout de même reconnaître que j'ai fait preuve de tolérance à votre égard.
    La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ainsi donc, grâce à cette proposition de loi de nos collègues de l'UDF, nous sommes amenés à nous pencher enfin sur les raisons pour lesquelles nos concitoyens, depuis de nombreuses années, se détournent de la chose publique. Il y a beaucoup de vrai dans ce constat, mais il nous faut savoir être lucides et limiter nos ambitions. D'abord parce que nous avons d'autres occasions d'évoquer ces questions, même si nous devons peut-être en créer de plus solides. Mais aussi, il ne faut pas se le cacher et nos échanges le prouvent, parce que, derrière cette proposition de loi, se profilent bien des choses. Je vois déjà certains de nos collègues affûter leurs arguments en vue d'un futur débat qui, paraît-il, sera décisif pour notre démocratie. Comme si, monsieur le secrétaire d'Etat, il était normal d'exiger 10 % pour accéder au second tour des élections municipales et cantonales, mais scandaleux de formuler demain la même exigence aux élections régionales.
    M. Hervé Morin. Il ne faut pas confondre les électeurs inscrits et les suffrages exprimés !
    M. François Sauvadet Cela change tout !
    M. Bernard Roman. Dans le projet, il s'agit des inscrits !
    M. Guy Geoffroy. Tout à fait, c'est la même chose. Dans le projet de loi, il s'agit également des inscrits !
    Mais je n'ai fait cet aparté, mes chers collègues, que pour vous faire comprendre que nos concitoyens, qui sont attentifs à nos débats et se réjouissent de voir la représentation nationale s'intéresser enfin à eux, risquent d'être un peu déçus de la manière dont nous abordons cette question.
    Je souhaiterais à mon tour apporter quelques éléments de réflexion qui, sans être décisifs, permettront d'éclairer davantage le débat. Tout d'abord, je voudrais revenir sur la notion de suffrages exprimés. Que faut-il entendre par « suffrages exprimés » ou « valablement exprimés » sinon que ces suffrages permettent de dégager, à l'issue du scrutin, une décision ? Pourquoi s'exprimer, en effet, si ce n'est pas pour prendre une décision ?
    M. Emile Zuccarelli. C'est sûr !
    M. Guy Geoffroy. Or, ce matin, il nous est proposé de reconnaître l'expression pure et limpide de ceux qui ont précisément souhaité ne pas prendre de décision. Il y a là quelques chose de paradoxal.
    Par ailleurs, je suis gêné du statut qu'auront ainsi demain nos concitoyens qui auront fait l'effort de se déplacer et qui, n'ayant pas trouvé candidat à leur pied, mettront dans l'urne une enveloppe vide ou contenant les bulletins de plusieurs candidats. Ceux-là, qui auront voté nul, se verront couverts d'opprobre parce qu'ils n'auront pas eu ce geste propre et candide de voter blanc. Je livre cette réflexion à votre sagacité, car lorsqu'on veut se pencher sur la validité d'un vote blanc, d'un vote pur et limpide, il faut aller jusqu'au bout.
    M. Emile Zuccarelli. Très pertinent !
    M. Guy Geoffroy. La troisième observation concerne les élections présidentielles. Si la proposition de loi de nos collègues de l'UDF présente une faiblesse, c'est bien là qu'elle réside. Faisant partie de ceux qui ont participé aux deux réunions de la commission des lois - la seconde, ce matin - consacrée à l'examen de cette proposition, j'ai pu noter que nos collègues ne s'étaient pas aperçu qu'il ne faudrait modifier l'article relatif aux élections présidentielles qu'au cours de la première séance de nos travaux. La proposition de loi, telle qu'elle était amendée, aurait conduit, en cas d'adoption par notre assemblée, à prévoir un statut différent pour le vote blanc au premier tour et au second tour de l'élection présidentielle. Or ce dispositif complexe ne me semble pas aller dans le sens souhaité.
    M. Gérard Vignoble, rapporteur. J'en ai fait état dans mon rapport !
    M. Guy Geoffroy. Quid, enfin, des élections partielles ? Ces dernières, on le sait ne mobilisent pas trop nos concitoyens, et il peut arriver parfois qu'il ne reste qu'un candidat au second tour. Faisons de la politique fiction et replaçons-nous dans le cadre d'un scrutin quelque part dans les Yvelines, le mois dernier. Demandons-nous qui aurait été élu si, ce jour-là, il y avait eu beaucoup de votes blancs reconnus comme des suffrages exprimés : le candidat Blanc, prénom Christian, ou le candidat blanc, prénom « Bulletin » ? (Rires et exclamations sur divers bancs.)
    M. Bernard Roman. Apparemment, l'UMP n'a toujours pas digéré cette élection !
    M. Guy Geoffroy. Cette question méritait d'être soulevée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Excellent !
    M. Guy Geoffroy. ... Je terminerai mon propos par une note d'optimisme. On prétend que nous serions dans les cordes, que notre démocratie va mal...
    M. Hervé Morin. C'est sûr !
    M. François Sauvadet. Il faut le reconnaître à tout le moins !
    M. Guy Geoffroy... et qu'il faut trouver des solutions pour lui permettre d'aller mieux. Mais je voudrais souligner que parmi tous les scrutins auxquels nous avons fait allusion, celui du 5 mai a été oublié. Or, à cette occasion, 79,7 % de nos concitoyens se sont déplacés. Et ceux qui n'avaient pas voté au premier tour l'ont fait au second. Ils se sont clairement exprimés.
    M. Bernard Roman. Surtout contre un candidat !
    M. François Sauvadet. Pour la démocratie !
    M. Guy Geoffroy. En effet, entre le premier et le second tour, les votes blancs n'ont augmenté que de 1,4 %, contre plus de 8 % pour la participation.
    M. Bernard Roman. Ils ont voté pour la République !
    M. Guy Geoffroy. Cela prouve que lorsque les candidats qui représentent la République sont au rendez-vous, nos concitoyens savent se mobiliser et exprimer un choix déterminé.
    Mes chers collègues, la proposition de la commission, telle qu'elle ressort de nos débats, et grâce à la sagesse des suggestions de son président, me paraît à même d'avancer dans la direction souhaitée par nos collègues de l'UDF, tout en limitant à leur juste proportion nos ambitions de réforme. Si nous voulons, demain, que nos concitoyens ne se détournent plus de nous, nous devons inscrire notre action au coeur de leurs préoccupations et de leur volonté. Plutôt que de leur proposer la reconnaissance d'un vote qui ne serait pas l'expression d'un choix et d'une décision, nous devons leur soumettre des choix clairs, des choix courageux, des choix d'avenir. Je ne connais dans cette assemblée aucun élu qui ne soit illégitime. Nous disposons de cinq ans pour prouver notre légitimité et pour rappeler nos concitoyens aux urnes parce que nous aurons bien travaillé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour une brève intervention.
    M. Bernard Roman. Evoquant le scrutin municipal, M. Geoffroy a fait comme si le seuil de 10 % retenu pour se maintenir au deuxième tour pour ces élections était le même que celui proposé pour les élections régionales. Je tiens à préciser que, pour les élections municipales, il s'agit de 10 % du total des suffrages exprimés.
    M. Hervé Morin. Et non des électeurs inscrits !
    M. Bernard Roman. C'est l'article L. 264 du code électoral. Vous n'avez peut-être pas lu le projet de loi proposé pour les élections régionales, mais il y est question de 10 % des inscrits. Avec 50 % de participation, ce qui est le taux moyen, cela fait 20 % des suffrages exprimés.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Et pour les cantonales, cela se passe comment ? (Exclamations sur divers bancs.)
    M. Hervé Morin. Ce n'est pas le même scrutin !
    M. le président. Je vous rappelle que nous examinons une proposition de loi sur le vote blanc.
    La parole est à M. Etienne Blanc.
    M. Bernard Roman. Ça tombe bien ! (Sourires.)
    M. Robert Pandraud. C'est pour lui que nous allons voter ! (Sourires.)
    M. Etienne Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat sur le vote blanc est récurrent. C'est un débat ancien, qui divise les formations politiques et dépasse les clivages traditionnels. Pour les uns, il est un peu futile. Croire qu'avec la prise en compte du vote blanc on va lutter contre l'extrémisme ou l'abstentionnisme apparaît comme un raisonnement un peu court. Pour d'autres, il est essentiel, et le vote blanc peut être considéré comme l'outil permettant de lutter contre l'abstentionnisme en créant une offre politique nouvelle.
    En fait, ce débat est intimement lié à la question du vote obligatoire. Il s'agit en quelque sorte d'obliger les Françaises et les Français à voter, à prendre parti, tout en leur donnant en même temps la possibilité, si aucun candidat ne répond à leur attente, d'exprimer par un vote blanc le fait qu'ils n'adhèrent à aucune des thèses qui leur sont proposées. La réalité française fait qu'aujourd'hui cette contrainte est mal ressentie. Dans le domaine électoral, nous sommes attachés à la liberté, et à la liberté individuelle. Le vote obligatoire contrecarrerait ce principe de liberté individuelle et heurterait les principes juridiques fondamentaux qui régissent notre droit électoral.
    En dehors de cette question du vote obligatoire, se pose celle de savoir si les finalités qui sont affichées par ce texte sont les bonnes. Lutter contre les extrêmes ? Qui pourra croire que le fait de proposer des bulletins blancs aux électeurs permettrait de faire changer d'avis ceux qui se prononcent sur des points aussi fondamentaux que la sécurité, la mondialisation ou la souveraineté, qui sont parfois à l'origine des votes extrêmes ? Lutter contre l'abstention ? C'est, là aussi, une supputation. Qui pourrait croire que l'électeur se déplacera plus facilement parce qu'il aura à sa disposition un bulletin blanc ? Enfin, renforcer la démocratie en augmentant le choix proposé aux électeurs ? Mais c'est l'inverse. Proposer un bulletin blanc, c'est proposer le non-choix. Et c'est le non-choix qui est dangereux pour une démocratie. Voter, c'est prendre parti, c'est choisir entre plusieurs candidats. Et quand on ne trouve pas le candidat idéal, c'est choisir celui qui se rapproche le plus de ses idées ou éliminer celui qui s'en éloigne le plus.
    M. Guy Geoffroy. Bien sûr !
    M. Etienne Blanc. Inciter au vote blanc, c'est faire la promotion du non-choix.
    Permettez-moi, à cet égard, de dire quelques mots à propos de la lettre que nous avons reçue de l'association qui a constitué le Parti blanc. Cette lettre est assez significative du risque qui pèse aujourd'hui sur notre système politique si nous incitons au non-choix, c'est-à-dire au vote blanc. Le Parti blanc est le parti de celles et ceux qui refusent de prendre parti et donc de prendre position. D'ailleurs, cette question va en appeler une autre : celle du financement. Si nous comptabilisons les votes blancs comme des scrutins exprimés, qui interdira de créer en France, sur l'ensemble du territoire national, un Parti blanc qui pourrait, demain, prétendre à des financements publics ?
    M. Gabriel Biancheri. C'est tout à fait exact !
    M. Etienne Blanc. C'est la raison pour laquelle l'UMP a émis un avis extrêmement réservé sur ce texte. Nous ne souhaitons pas que des bulletins blancs soient déposés sur les tables car cela reviendrait à faire la promotion du vote blanc. Cela générera aussi des problèmes juridiques majeurs, s'agissant évidemment de l'article 7 de la Constitution, mais aussi de l'affectation après les résultats de ces votes blancs, dans une élection proportionnelle ou dans une élection majoritaire, pour le cas où ces votes arriveraient en tête. Cela pose aussi la question du financement d'un parti politique qui ferait la promotion du vote blanc.
    En revanche, nous acceptons bien volontiers que les votes blancs soient comptabilisés à part, pour qu'il n'y ait pas de confusion entre le vote nul, qui est un vote de caractère souvent injurieux et à l'amertume prononcée, et un vote blanc qui exprime une position différente.
    Mes chers collègues, notre démocratie permet de trouver d'autres solutions pour lutter contre l'abstentionnisme. Ne faudrait-il pas revoir les dispositions relatives à l'inscription sur les listes électorales ? Notre système est pour le moins désuet et il n'est pas rare que, peu avant le 31 décembre au soir, nous recevions des appels téléphoniques dans les mairies pour savoir si des permanences auront lieu jusqu'à vingt-deux heures ou minuit.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Tout à fait !
    M. Etienne Blanc. Nous ne pourrons pas éluder non plus la question du vote par procuration. Là encore, le dispositif est désuet et les vérifications dans les gendarmeries sont tatillonnes.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ça dure trois heures !
    M. Etienne Blanc. Enfin, il faudra envisager le vote par correspondance, pratiqué par un certain nombre de nos voisins européens, le vote en ligne par Internet.
    Mes chers collègues, voter c'est prendre parti, c'est soutenir et affirmer des convictions. Il appartient à chacun et chacune d'entre nous, en tous cas à nos formations politiques, d'éviter de créer des espèces de consensus mous sur des idées ternes. La pire des choses dans le domaine électoral, c'est, en effet, de ne pas inciter nos concitoyens à prendre parti et à choisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'était excellent !
    M. le président. La parole est à M. Gilles Bourdouleix.
    M. Gilles Bourdouleix. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous était soumise dans sa version initiale me paraissait cumuler trois défauts majeurs : l'effet de mode, la démission, et le danger.
    L'effet de mode, parce que l'un de ses principaux arguments consistait à mettre en avant un sondage réalisé auprès des Français selon lequel 60 % des personnes interrogées seraient favorables à la reconnaissance du vote blanc. Mais sommes-nous élus pour légiférer en fonction des résultats des sondages ? Certes, la question posée est simple. Elle nécessite toutefois une analyse juridique. Et c'est à nous, parlementaires, de faire le lien et de constater qu'au-delà de l'élan généreux que peut constituer une demande reconnaissance du vote blanc, il existe une difficulté juridique importante. Effet de mode aussi parce que, comme Etienne Blanc l'a dit vient de se créer une association du parti blanc qui semble vouloir rendre systématique le vote blanc. Or une telle position est fâcheuse. Certes, le vote blanc doit être reconnu car, pour un scrutin déterminé, l'électeur peut ne pas trouver le candidat qui correspond à ses idées. Mais il ne doit pas être encouragé.
    En tout état de cause, on voit mal comment le vote blanc pourrait entrer dans les suffrages exprimés. Même si l'on considère que l'électeur exprime son choix à travers le vote blanc, on ne peut oublier que l'expression démocratique vise à désigner un élu. Et ce n'est pas en votant blanc qu'on connaîtra son nom.
    Enfin, les représentants du peuple que nous sommes ici peuvent-ils se contenter de reconnaître le vote blanc pour constater la désaffection de leurs concitoyens ? Ce serait là une sorte de démission. Nous constaterions impuissants que les Français s'abstiennent ou votent pour les extrêmes, et nous présenterions le vote blanc comme une sorte d'exutoire pour ce désintérêt supposé pour la chose publique.
    S'agissant de l'abstentionnisme, il faut nuancer les affirmations alarmistes. En effet, l'abstention n'est pas plus forte en France que dans les autres démocraties.
    M. Gabriel Biancheri. Très juste !
    M. Gilles Bourdouleix. Certes, on ne peut pas se satisfaire de cette observation. Mais elle doit au moins entrer en ligne de compte dans l'analyse des derniers scrutins. De plus, le chiffre des abstentions n'est pas aussi brutal qu'il y paraît. Une étude récente montre que plus de 80 % des Français ont voté à l'un ou l'autre des quatre tours des élections nationales de 2002.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Gilles Bourdouleix. Voilà qui relativise les choses !
    Le vote extrémiste correspond à une démarche sans doute beaucoup plus engagée que le vote blanc, et il nous invite à une réflexion approfondie sur l'évolution de la société et les aspirations de nos concitoyens. L'exposé des motifs de la proposition de loi montre qu'aux régionales de 1998 si le vote blanc avait été reconnu comme suffrage exprimé, le Front national aurait fait non pas 15,5 % des suffrages, mais 8 %. Est-ce une consolation ? Le nombre de voix aurait été le même, les problèmes posés auraient été les mêmes.
    Quant au rappel incessant du séisme du 21 avril, n'oublions pas qu'au-delà de la question qui nous a été posée au regard des principes républicains, le 21 avril a d'abord été l'échec cuisant de M. Jospin et la sanction brutale de cinq ans de politique de la gauche plurielle !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Bernard Roman. Un Président sortant qui fait 19 % des voix au premier tour, cela ne s'était jamais vu !
    M. Gilles Bourdouleix. Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, qu'il s'agisse de l'abstention ou du vote pour les extrêmes, notre devoir d'élu est de chercher les raisons et de trouver les solutions. Nous faillirons si nous ne sommes pas capables de nous remettre en cause. Se retrancher derrière une reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé est une forme de démission, c'est tirer un trait définitif sur le combat républicain de la reconquête du citoyen.
    Enfin, cette proposition de loi est dangereuse. La reconnaissance du vote blanc peut affaiblir en effet la représentativité de l'élu et, par conséquent, sa légitimité, cela a été rappelé à plusieurs reprises. Sans évoquer l'impossibilité juridique concernant l'élection du Président de la République qui ressort de la lecture de l'article 7 de la Constitution, la proposition de loi aurait pour effet de faire passer nombre d'élus sous la barre des 50 % des suffrages exprimés, c'est-à-dire d'en faire des élus minoritaires.
    M. Hervé Morin. Mais non !
    M. Gilles Bourdouleix. C'est particulièrement vrai pour l'élection des députés. Si, en 1962, le général de Gaulle avait souhaité qu'il n'y ait que deux candidats au deuxième tour de l'élection présidentielle, c'est précisément pour que le candidat élu ait obligatoirement plus de 50 %, c'est-à-dire l'autorité et la légitimité nécessaires pour exercer ses fonctions.
    M. Hervé Morin. Comparer l'élection présidentielle à celle des députés n'a aucun sens !
    M. Gilles Bourdouleix. Ce sont des élections qui permettent de désigner des représentants, qu'il s'agisse du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif !
    M. Pascal Clément, président de la commission. M. Bourdouleix a raison !
    M. Gilles Bourdouleix. De plus, la barre de 12,5 % des inscrits permet d'éviter les triangulaires dans la plupart des cas. Il resterait que nous aurions, de toute façon, des candidats qui seraient élus au deuxième tour sans avoir 50 % des suffrages exprimés, ce qui est tout à fait fâcheux.
    En conclusion, et en réaffirmant mon opposition à la proposition de loi initiale, je rappellerai tout simplement les termes de l'article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants... »
    M. Gabriel Biancheri. Très bien !
    M. Gilles Bourdouleix. L'élection n'a pas d'autre objet que de désigner des élus pour former des majorités, même si le deuxième tour ne permet que d'éliminer quand le premier tour a offert une plus grande possibilité de choisir. Je considère donc comme suffisant de s'en tenir à la proposition du président de la commission des lois de différencier le vote blanc et le vote nul. Cela permettra aux électeurs qui votent blanc de trouver une reconnaissance sans porter atteinte à l'essence même de l'élection, c'est-à-dire la désignation claire des représentants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gérard Vignoble, rapporteur. Ce n'est pas une vraie réponse !
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Nous avons eu, ce matin, un débat très intéressant. Il a donné l'occasion de traiter d'une question de fond - le sens du vote dans une démocratie - et les interventions des uns et des autres ont été très enrichissantes.
    Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'examen des amendements, mais je voudrais dès présent insister sur un point qui me paraît essentiel : il ne faut pas confondre participation à un scrutin et élection, ou référendum.
    Pour ce qui est de la première, effectivement, il y a lieu de s'interroger, lorsqu'on est engagé en politique et que l'on se met au service de son pays, sur les courbes de l'abstention et l'évolution, d'un scrutin à l'autre, du vote blanc. Dans ce cas, il paraît tout à fait légitime de comptabiliser le nombre des votes blancs.
    Pour l'élection, c'est différent. Le citoyen est appelé à choisir.
    M. François Goulard. Absolument !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Cette notion de choix est essentielle.
    M. François Goulard. Oui.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Lorsqu'un peuple est amené à élire un candidat ou à se prononcer pour une idée, s'il s'agit d'un référendum, c'est bien le choix que l'on doit comptabiliser et pas le non-choix. Dans une démocratie, il est important d'avoir cela à l'esprit. Le vote blanc n'est pas un choix. Il témoigne d'un refus de s'engager et ne peut donc être mis sur un pied d'égalité avec l'acte de choisir qui caractérise le vote.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. J'ajoute - et j'y reviendrai - que le vote blanc ne peut pas être l'objet d'une interprétation unique.
    M. François Sauvadet. Bien sûr !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. La plus grande prudence s'impose en la matière ou, plus exactement, s'il appartient aux commentateurs, aux observateurs, aux spécialistes de procéder à des analyses, par écrit ou par oral, sur la manière d'interpréter le vote blanc, nous ne pouvons pas, nous, acteurs publics, en tirer des conséquences définitives : elles fausseraient nos choix et probablement l'exercice de nos responsabilités.
    Je vais maintenant revenir sur les interventions que nous venons d'entendre pour exprimer quelques réactions ou quelques réflexions qu'elles m'ont inspirées.
    Monsieur Brunhes, votre exposé m'a semblé comporter deux parties. Dans la première, j'ai vu un réquisitoire contre la politique gouvernementale. Vous vous êtes exprimé de manière sévère à son encontre...
    M. Bernard Roman. Oh, ce serait étonnant !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... mais on pouvait le comprendre ce matin. Même si je dois rendre hommage aux efforts que vous avez déployés à plusieurs reprises pour tenter de montrer que votre propos avait un lien très étroit avec le sujet de ce matin,...
    M. Hervé Morin. C'est, en général, mauvais signe !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... celui-ci n'en avait qu'un rapport très éloigné.
    M. Jacques Brunhes. Pas du tout !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. In fine, si j'ai bien compris, vous avez pris position, concernant le vote blanc, pour l'abstention, ce qui est une manière tout à fait intéressante...
    M. Hervé Morin. De voter blanc !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... d'exprimer que, finalement, vous n'êtes pas très éloigné de la thèse qui a été défendue dans cet hémicycle, à savoir que le vote blanc ne doit pas être encouragé.
    M. Jean-Pierre Abelin. Il aurait aimé voter blanc sur ce texte mais il n'en a pas la posibilité.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. M. Albertini...
    M. Hervé Morin. Il a dû repartir. Sa mairie le réclamait.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... a évoqué plusieurs points qui méritent d'être soulignés.
    Il a rappelé, en introduction, que nous avions, tous autant que nous sommes, quelles que soient nos responsabilités, le devoir de réfléchir aux messages qui nous sont adressés sur l'impuissance publique. C'est un sujet majeur. Plusieurs d'entre vous ont évoqué les résultats de l'élection présidentielle. Ils sont évidemment au coeur de nos préoccupations. Même s'ils n'ont pas été, le soir de l'élection, ressentis de la même manière, ils montrent que nous devons, tous, relever le défi de l'impuissance publique. C'est, je crois, ce qu'il faut retirer du débat que vous avez soulevé ce matin.
    Cela appelle une réflexion. Nous devons aller beaucoup plus avant dans la réhabilitation du politique. Nous devons définir de nouvelles pratiques, adopter une nouvelle posture, une nouvelle éthique, un nouveau discours. Cela exige, permettez-moi de vous le dire, de travailler au fond.
    La polémique, bien sûr, fait partie du débat public. Elle est essentielle. Sans elle, il ne serait pas toujours facile d'identifier clairement de quel côté on se situe.
    M. François Sauvadet. Qu'est-ce que cela signifie ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Mais rien ne vaut le débat de fond, le débat d'idées, qui permet d'identifier clairement les clivages. Et lorsqu'ils parlent d'une nouvelle éthique, ce que nos concitoyens attendent de nous, c'est du courage politique...
    M. Hervé Morin. Là dessus, nous sommes totalement d'accord !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Ce qui les incitera à revenir aux urnes, c'est l'assurance que ceux à qui il leur est demandé d'accorder leur confiance sont capables de courage politique au sens le plus noble.
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. François Goulard. C'est pour cela que le Gouvernement est populaire !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Et le courage politique est autant de savoir reconnaître que l'on s'est trompé que d'assumer et prendre à bras-le-corps les réformes difficiles à mener dans l'intérêt du pays.
    M. Gérard Vignoble, rapporteur et M. François Goulard. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. C'est également de tenir ses engagements !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Bien entendu, cher Guy Geoffroy. On n'a pas de courage politique si l'on ne tient pas les engagements que l'on a pris devant les Français. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gabriel Biancheri. Exactement.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il est un point sur lequel je suis un peu en désaccord, je ne le cache pas, avec M. Albertini. Le vote blanc, comme l'abstention, est difficile à interpréter. Il ne protège pas la démocratie mais, au contraire, fragilise les résultats des scrutins. Je veux insister sur cet aspect. Ne nous y trompons pas, la comptabilisation des votes blancs est un élément de fragilisation lors de la publication des scrutins.
    M. Emile Zuccarelli. Absolument !
    M. le secrétaire d'état aux relations avec le Parlement. Il faut faire très attention à l'interprétation qui en est faite. C'est très important.
    Monsieur Roman, je dois vous dire que vous m'avez fait un peu de peine (Sourires et exclamations sur divers bancs), car, après avoir regretté l'absence de Nicolas Sarkozy, ce que je peux comprendre, vous n'avez pas eu un mot pour vous réjouir de ma présence.
    M. Bernard Roman. Pourtant, c'est le cas, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. J'observe que vous m'avez déjà fait le coup la dernière fois ! (Sourires et exclamations.) Je ne suis pas d'une sensibilité excessive mais je tenais à vous dire que je l'avais noté.
    M. Bernard Roman. Je reconnais que vous êtes d'un commerce très agréable, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. Jean Proriol. Mais vous préférez M. Sarkozy !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Je pense effectivement être d'un commerce parfois très agréable et donc j'aurais apprécié que vous puissiez le dire !
    M. Hervé Morin. Moi, je suis ravi que vous soyez là, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Merci, monsieur Morin.
    Revenons au fond. Dans un débat somme toute assez modéré dans son ton et sa forme et plutôt constructif, vous êtes par moments - j'ai compris que c'était délibéré, car je connais votre talent - tombé dans l'excès pour ne pas dire la caricature.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Est-ce possible ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. J'ai entendu des mots, des qualificatifs, qui m'ont semblé dépasser votre pensée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Sûrement !
    M. Hervé Morin. Cela arrive !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Comme vous faisiez référence à des débats que nous aurons en d'autres circonstances, je vous propose d'en reparler le moment venu.
    M. Pascal Clément, président de la commission. M. Roman aura le temps de baisser le ton.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Nous verrons alors qu'en ce qui concerne, par exemple, la réforme que le Gouvernement a adoptée hier en conseil des ministres, l'objectif est la proximité,...
    M. Hervé Morin. Ah bon ? C'est nouveau !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... c'est-à-dire le rapprochement entre l'élu européen et le citoyen, la clarté et le renforcement de la parité, autant d'éléments qui ne sont pas très éloignés de l'esprit de mai 2002, pour lequel beaucoup de nos concitoyens nous ont exprimé leurs attentes et leur impatience.
    S'agissant du vote obligatoire, dont nous reparlerons puisque vous avez déposé un amendement à ce sujet, du droit de vote des étrangers non-ressortissants de la Communauté européenne ou encore du cumul des mandats, je ne puis m'empêcher de me poser - et de vous poser - la question qui vient immédiatement à l'esprit : que n'avez-vous fait pendant cinq ans ce que vous proposez aujourd'hui ?
    M. Bernard Roman. Nous avons essayé ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. Cette candeur est délicieuse !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Vous avez essayé, dites-vous ! J'apprécie la formule. En tout cas, il était bien temps de vous exprimer sur ces sujets !
    Enfin, je n'ai pu m'empêcher de sourire au trait d'humour que vous avez jugé utile de faire pour conclure votre intervention quand vous avez sorti de votre poche un bulletin blanc, sans, pour autant, avoir très bien compris ce que vous aviez prévu d'en faire concernant ce texte. Comme l'a dit M. Zuccarelli, bulletin blanc pour bulletin blanc, mieux valait qu'il ne soit pas taché, car il serait alors devenu un bulletin nul. Cela aurait risqué d'entraîner des erreurs d'interprétation qui auraient dénaturé le sens de votre position...
    Monsieur Ferry, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre exposé. Je salue votre honnêteté intellectuelle, car je sais que vous avez déposé en d'autres temps une proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc. Il est toujours intéressant de se pencher sur l'histoire parlementaire. J'ai fait des recherches pour savoir à quelle date vous l'aviez déposée. Je me suis aperçu que c'était en janvier 1998. Or, à l'époque, cette proposition de loi n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour. Il n'avait donc pas été débatu de cette question dans cet hémicycle. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. Et M. Roman nous dit avoir essayé de débattre de ces questions !
    M. Bernard Roman. C'était à vous d'en proposer l'examen dans le cadre de votre niche parlementaire !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Je trouve cela un peu dommage. Le débat que nous avons aujourd'hui aurait pu avoir lieu à l'époque s'il y avait eu dans cet hémicycle une plus grande disponibilité à en discuter. Mais mieux vaut tard que jamais. Ce débat, nous l'avons aujourd'hui.
    Monsieur Ferry, vous avez formulé des observations légitimes, intéressantes et importantes. Je relèverai plus particulièrement l'une d'elles, celle qui me tient d'autant plus à coeur qu'elle me paraît être un obstacle majeur parce que constitutionnel, je veux parler de l'article 7 de la Constitution relatif à l'élection du Président de la République. Comme vous, je suis séduit par la proposition du président Clément de séparer le décompte des votes blancs de celui des votes nuls.
    Monsieur Zuccarelli, vous avez exprimé une position très hostile à cette proposition de loi. Je suis très intéressé par vos arguments même si je suis un peu plus nuancé que vous.
    Je considère que le débat que nous avons aujourd'hui est important. Il permet d'élargir les points de vue et de bien cerner ce qui est en cause quand on réfléchit au sens du droit de vote dans une démocratie. Celui-ci, il est vrai, a été quelque peu malmené ces dernières années par l'importance des votes extrémistes.
    Si, comme vous, j'aboutis à une conclusion réservée, je rejoins ce qui a été dit par d'autres sur le caractère très préoccupant de l'abstention. Le phénomène exige une réflexion de fond. J'y reviendrai dans un instant.
    Un orateur non inscrit dans la discussion a soulevé le problème majeur des délais d'inscription sur les listes électorales. L'élu local que je suis toujours, comme beaucoup dans cet hémicycle, peut témoigner de l'importance de cette question.
    M. Guy Geoffroy. Absolument.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Vous avez raison, monsieur Pandraud. On ne peut pas affirmer vouloir moderniser la démocratie, prendre en compte le problème de l'abstention et du désintérêt de beaucoup de jeunes concitoyens - et de moins jeunes - vis-à-vis de l'exercice du droit de vote et laisser perdurer des aberrations administratives tendant à réduire à l'excès les délais d'inscription sur les listes électorales.
    M. Alain Ferry. Tout à fait !
    M. Robert Pandraud. Absolument.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. C'est un sujet d'intérêt général et le Gouvernement y est très sensibilisé. Le ministre de l'intérieur a demandé à son administration d'étudier de très près cette question, qui doit d'ailleurs être reliée à celle de la capacité à réviser en permanence les listes électorales. C'est un complément indispensable.
    M. Alain Ferry. Tout à fait.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. D'autres moyens devront être mis à l'étude. Il faudra examiner les possibilités d'inscription par Internet ou par correspondance, ou encore réfléchir aux moyens d'élargir les périodes complémentaires de révision des listes électorales avant chaque élection. Tout cela, pardonez-moi d'insister sur cet aspect, devra être étendu à l'ensemble du territoire, c'est-à-dire dans chacune des 36 000 communes. Il faudra par conséquent tenir compte des temps de réaction nécessaires. Tout cela nécessitera des moyens techniques.
    Tous ces aspects doivent être examinés de près. Un projet est à l'étude au ministère de l'intérieur. J'espère que l'on pourra bientôt fixer un calendrier précis.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Guy Geoffroy a fait, comme à son habitude, une remarquable démonstration. C'est un sujet qu'il maîtrise bien, comme beaucoup d'autres. Il a évoqué un élément auquel, je l'avoue, je n'avais pas pensé, celui des élections partielles. Il a cité un cas d'école, mais son raisonnement s'appliquerait à beaucoup d'autres. Voilà un argument de plus qui compliquerait de manière significative l'interprétation des résultats.
    M. Hervé Morin. Cela ne change rien au problème.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Le taux de participation aux élections partielles étant très faible, l'interprétation des résultat serait encore plus difficile si l'on intégrait les votes blancs, et cela quelle que soit la circonscription dans laquelle l'élection aurait lieu.
    M. Blanc a, pour sa part, rappelé un argument auquel j'adhère tout à fait : proposer aux électeurs un bulletin blanc, c'est proposer le non-choix. C'est un point essentiel. Nous ne pouvons pas nous tromper dans l'interprétation que nous faisons du vote aux élections, qu'elles soient nationales ou locales. Voter blanc n'est pas un choix. C'est une posture, une position, qui ne peut, en aucune façon, être interprétable lorsque, dans une démocratie, il est demandé aux citoyens d'élire des candidats ou de prendre partie pour une opinion. Pardonnez-moi d'y insister mais c'est un point essentiel.
    Il faudra également, vous avez raison, monsieur Blanc, moderniser la pratique des procurations.
    J'ajoute bien volontiers ce point à la liste des améliorations que j'ai dressée, aux côtés du vote par Internet et de la prolongation des délais d'inscription sur les listes électorales. Dans bien des cas, en effet, la pratique des procurations laisse à désirer dans la démocratie que, dans cet hémicycle, nous prétendons unaniment promouvoir.
    Monsieur Bourdouleix, vous avez eu raison de rappeler que le vote blanc ne peut être considéré comme un exutoire comparable à d'autres formes d'expression et que, s'il y a lieu de s'interroger sur les causes de l'augmentation de l'abstention au cours de ces vingt dernières années, il faut le faire à partir de données précises. Vous avez rappelé, à juste titre, que, sur les quatre derniers tours d'élection, 80 % des Français se sont exprimés ou moins une fois. C'est très important de le noter. Cela signifie que, même s'il faut se préoccuper de la montée de l'abstention, les Français sont...
    M. Guy Geoffroy. Très mobilisés !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... plus attentifs aux résultats des élections qui les concernent que les citoyens de bien d'autres démocraties.
    Enfin, il faut bien voir que, si la comptabilisation du vote blanc n'aurait pas d'effet psychologique sur les candidats battus, elle affaiblirait l'autorité du candidat élu.
    M. Guy Geoffroy. C'est vrai !
    M. Hervé Morin. Je ne suis pas d'accord.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il faut insister sur cet aspect des choses. Dans une démocratie où beaucoup s'expriment contre les valeurs de la République, que nous prétendons et souhaitons défendre avec opiniâtreté, on voit les risques d'interprétation négative dans le cas où, du fait de la comptabilisation des votes blancs, un candidat gagnerait une élection avec moins de la moitié des voix exprimées. Sa légitimité pourrait être contestée tout au long de son mandat. Or, une fois passée l'euphorie de la victoire et dès que les premières difficultés arrivent, un élu a sans cesse besoin de se référer à la légitimité du mandat qui lui a été confié.
    Il faut bien avoir à l'esprit que la comptabilisation du vote blanc aurait de ce point de vue un effet négatif auprès d'un certain nombre de nos concitoyens.
    M. Emile Zuccarelli. Mais vous êtes pour ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Même si nous réfléchissons aujourd'hui sur l'attachement de nos concitoyens au vote et sur notre capacité à nous, responsables politiques, de leur donner envie de s'engager sur ce point, il n'en reste pas moins que nous devons faire très attention à l'interprétation qui peut être donnée des résultats à l'occasion de chacune des élections.
    Telles sont les remarques que je voulais faire au terme de la discussion qui, je le répète, a été très intéressante et importante.
    La position que préconise le Gouvernement est, comme je l'ai dit en introduction, d'identifier le vote blanc...
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... et, dans l'esprit de ce qui est proposé par le président Clément, de s'en tenir là. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli, pour une brève intervention.
    M. Emile Zuccarelli. Deux brèves remarques. Si vous me le permettez, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais, puisque vous m'avez répondu, vous répondre à mon tour.
    Un orateur non inscrit dans la discussion s'est exprimé après l'orateur staturairement non inscrit que je suis. Mais cela ne doit pas faire oublier que c'est moi qui ai abordé de front le problème de l'inscription automatique sur les listes électorales. Il me paraît d'ailleurs utile de rappeler, puisque, selon vous, le gouvernement précédent n'a rien fait, qu'il a avancé sur plusieurs points, notamment sur la parité et sur l'inscription automatique sur les listes électorales à dix-huit ans, même si, comme je l'ai dit, ce mécanisme ne fonctionne pas encore.
    J'en viens à ma remarque principale, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez très brillamment démontré les effets nuisibles qu'aurait un vote blanc décompté et affiché pour la démocratie, la légitimité des élus et la valeur de leurs décisions. Or, vous concluez en faveur d'un décompte séparé des bulletins blancs et des bulletins nuls.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Mais non !
    M. Emile Zuccarelli. Je m'interroge sur la cohérence d'une telle position.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Avant l'article 1er

    M. le président. M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 1, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 1 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il est obligatoire.. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Monsieur le président, je ne demande pas à répondre au Gouvernement, mais seulement à apporter une rectification, ne serait-ce que pour le compte rendu. On nous a reproché de ne pas avoir avancé sur la limitation du cumul des mandats durant la précédente législature. On permettra au rapporteur du texte sur le cumul des mandats de rappeler que nous sommes dans ce domaine allés aussi loin que la majorité sénatoriale nous le permettait, au point que nous avons pu faire entrer le mandat de parlementaire européen dans le champ du cumul, ce que précisément le Gouvernement va remettre en cause, semble-t-il, dans un projet de loi que nous allons examiner d'ici à quinze jours. Comprenne qui pourra !
    Venons-en à l'amendement n° 1, que j'ai déjà évoqué dans mon intervention. Il se borne à reprendre le texte d'une proposition de loi plus globale qui visait à intégrer le vote blanc sans pour autant le comptabiliser dans les suffrages exprimés. Il s'agissait de rendre obligatoire, à l'instar de ce qui se passe dans bon nombre d'autres pays européens - la Belgique, la Grèce ou le Luxembourg notamment -, la participation au vote tout en offrant la possibilité de voter blanc par la mise à disposition de bulletins vierges. Nous vous proposons donc de modifier le code électoral en y indiquant que la participation au vote est obligatoire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ainsi que je l'indiquais tout à l'heure, la commission a montré à quel point la proposition de M. Fabius et de ses collègues était cohérente, puisqu'ils considéraient à juste titre que la prise en compte du vote blanc ne peut se concevoir sans entraîner les effets néfastes d'une comptabilisation parmi les seuls suffrages exprimés, comme proposé par la proposition de loi UDF, qu'à la condition de rendre le vote obligatoire.
    Cela dit, voter est un devoir, dites-vous dans votre exposé sommaire, monsieur Roman. Mais qu'est-ce qu'un devoir ? Le devoir c'est quelque chose de facultatif. Si le facultatif devient obligation, ce n'est plus la même chose, on change d'horizon : vous voulez passer de la notion de devoir - que nous reprenons évidemment tous à notre compte - à celle de contrainte.
    M. Jean-Louis Bernard. Pour eux, c'est la même chose !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Là est la vraie question. Il serait prudent, me semble-t-il, y compris pour le Parti socialiste, de bien s'assurer au préalable que cette contrainte est véritablement désirée par le peuple français avant de la lui offrir en partage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Avis défavorable.
    M. Gabriel Biancheri. Quelle sollicitude !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. L'avis du Gouvernement est également défavorable. Rappelons pour commencer que le débat de ce matin se limite au vote blanc. La problématique du vote obligatoire est bien différente. Je rejoins bien volontiers la démonstration du président de la commission.
    Au demeurant, force est d'admettre, à examiner ce qui se passe dans les pays où le vote est obligatoire, que les résultats ne sont pas si convaincants qu'il n'y paraît. Il n'y a pas véritablement de lien entre le caractère obligatoire et la meilleure participation. Et l'on a beau mettre des amendes, les situations varient considérablement d'un pays à un autre et il reste toujours un taux incompressible d'abstention qui oscille, selon les cas et les scrutins, entre 5 et 15 % des inscrits. Ajoutez à cela que la proportion des bulletins blancs et nuls est dans ces pays plus élevée que dans les autres démocraties. Au final, il y a de quoi se demander si la remise en cause du vote non obligatoire, qui reste, quoi qu'on en dise, une tradition bien ancrée dans notre pays, répondrait tout à fait à l'objectif que se fixent les auteurs de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. Permettez-moi, monsieur le président, de répondre rapidement aux propos qu'a tenus M. le ministre tout à l'heure. Je ne me suis pas limité à dresser un réquisitoire sur la politique gouvernementale - ou alors, vous m'avez mal compris. J'ai bien expliqué que nous avons un problème de crise politique.
    M. Gabriel Biancheri. Surtout vous !
    M. Jean-Louis Bernard. Et M. Hue en particulier !
    M. Jacques Brunhes. Je le répète depuis plus de quinze ans ici même, à l'Assemblée nationale. La commission Vedel, entre autres, en a mis en évidence quelques-unes des raisons. Vous avez évoqué les promesses non tenues, ce qui vous a valu de vifs applaudissements sur vos bancs, mais je peux en donner d'autres : quand un président de la République se fait élire contre la fracture sociale et que, trois mois après, il abandonne la politique et les engagements sur lesquels il a été élu, cela aussi est grave pour la démocratie.
    M. François Goulard. Il n'y a que vous pour le croire !
    M. Jean-Louis Bernard. Parlez-nous de ceux de Mitterrand !
    M. Jacques Brunhes. Un autre problème me tient particulièrement à coeur : le rôle et la place du Parlement. Il est loin de tenir la première, comme le souhaitait la commission Vedel. Nous sommes devenus une chambre d'enregistrement, et cela aussi me paraît dangereux pour la démocratie.
    Ces quelques exemples montrent que la crise est globale, mais vous ne faites que l'aggraver par la politique que vous conduisez aujourd'hui. Cela dit, ce débat a le mérite de poser une question tout à fait intéressante, celle de savoir comment la surmonter. Le pouvons-nous par de seules « adaptations fonctionnelles » - même si ce terme ne me paraît pas le meilleur ? Le pouvons-nous par la reconnaissance du vote blanc ? Non, je l'ai expliqué tout à l'heure et j'ai dit pourquoi cela me paraissait dangereux. En rendant le vote obligatoire ? J'aurai tendance à répondre : pas davantage. Cela aussi n'est qu'une forme d'adaptation fonctionnelle qui ne me paraît pas répondre à la question de fond.
    M. Guy Geoffroy. Je suis d'accord.
    M. Jacques Brunhes. Cela dit, je vous fais une suggestion - la question a été du reste évoquée par M. Pandraud et M. Zuccarelli : n'y aurait-il pas lieu de réfléchir à l'inscription obligatoire sur les listes électorales ? C'est tout autre chose.
    M. Pascal Clément, président de la commission. En effet, c'est autre chose.
    M. Jacques Brunhes. L'inscription obligatoire et automatique...
    M. Hervé Morin. Non ! Quid des anarchistes, par exemple ?
    M. Jacques Brunhes. ... permettrait peut-être à ceux qui ont omis de s'inscrire pour des raisons administratives, on en a parlé, de pouvoir exercer leur droit de citoyen parce qu'ils auront été inscrits automatiquement.
    M. le président. La parole est à M. Alain Ferry.
    M. Alain Ferry. Je ne pense pas, contrairement à Bernard Roman, que le vote obligatoire soit une solution envisageable et efficace. Nous vivons dans un pays de liberté, guidé par les valeurs de la République. Le vote doit dépendre de la seule responsabilité des électeurs. La France est un pays de droits et de devoirs. Le vote constitue avant tout un devoir. En faire une obligation nuirait à l'esprit même de notre démocratie.
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. J'aurai ainsi le plaisir de revenir sur la démonstration, qui frise le sophisme, de mon président de la commission des lois...
    M. Hervé Morin. Président bien-aimé !
    M. Bernard Roman. Un devoir n'est pas une contrainte lorsqu'il se réfère à un coeur de doctrine...
    M. Jean-Louis Bernard. Surtout la vôtre !
    M. Bernard Roman. ... et je ne fais pas allusion à un coeur de doctrine partisan. Il faut savoir, par exemple, beaucoup d'entre nous l'ignorent peut-être, que l'inscription sur les listes électorales est obligatoire.
    M. Guy Geoffroy. Bien sûr.
    M. Bernard Roman. Elle figure en toutes lettres dans les textes. Du reste, le père de la Constitution, Michel Debré, a beaucoup insisté sur cet aspect au cours des travaux préparatoires à la Constitution de 1958.
    M. Hervé Morin. En effet.
    M. Bernard Roman. La notion d'obligation ou de devoir en référence au coeur de doctrine de la Ve République était en permanence présente. Dès lors, envisager que la participation aux scrutins devienne obligatoire au même titre que l'inscription sur les listes électorales ne me semble pas attentatoire à la liberté dans une démocratie organisée. Cela dit, je comprends que cette question donne lieu à des positions différentes, au demeurant tout à fait légitimes - on le voit dans tous les groupes.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je remercie notre collègue Roman de rappeler, ce que précisément je comptais faire à l'adresse de notre collègue Brunhes, que l'article L. 9 du code électoral indique explicitement que l'inscription sur les listes électorales est obligatoire.
    M. Jacques Brunhes. Encore faut-il le mettre en oeuvre !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est bien ce sur quoi je vais vous répondre, ainsi qu'à M. Roman.
    Si vous voulez rendre le vote obligatoire, encore faut-il faire en sorte que cette obligation soit respectée, ce qui manifestement n'est pas le cas de l'inscription sur les listes électorales. A ce propos, monsieur Roman, un rapport récent d'un membre de votre groupe, M. Dufau, qui remonte à un peu plus d'un an, a montré que l'idée d'un couplage des fichiers de la sécurité sociale et de l'armée...
    M. Bernard Roman. De l'INSEE.
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... pour rendre cette obligation effective n'a pas donné les résultats espérés.
    Autrement dit, si vous voulez non seulement que le vote soit obligatoire, mais que cette obligation soit respectée, il faut faire comme les Belges et prévoir une sanction, une amende.
    M. Hervé Morin. C'est inapplicable !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Or c'est précisément là où votre proposition pèche sur le plan de la cohérence. Allez-vous combler cette lacune ? Je suis sûr que le groupe socialiste préférera retirer sa proposition, car la création d'une amende de plus lui attirerait probablement une relative impopularité... Oserez-vous aller jusqu'au bout de votre logique, mon cher collègue ? Comptabilisez les bulletins blancs, rendez le vote obligatoire, prévoyez une amende pour rendre cette obligation réellement applicable et, à ce moment-là, votre proposition tiendra la route. Nous la voterons ou nous ne la voterons pas, mais elle sera cohérente. Mais, pour l'instant, votre cohérence n'est pas parfaite...
    M. Gabriel Biancheri. Elle baisse !
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Cela me gêne beaucoup de vous mettre en difficulté, monsieur le président de la commission des lois...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Oh !
    M. Bernard Roman. Je vous renvoie simplement à la liasse des amendements qui vient de nous être distribuée : notre amendement n° 2 prévoit l'instauration d'une amende lorsque cette obligation n'est pas respectée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est courageux, je l'admets. Un impôt de plus...
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Ils ont craqué ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jung a présenté un amendement, n° 7, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 57-1 du code électoral, il est inséré un article L. 57-2 ainsi rédigé :
    « Art. L. 57-2. - Le vote au moyen du réseau internet est autorisé pour toutes les consultations électorales en France. Un décret en Conseil d'Etat et un règlement adapté de la Commission nationale de l'informatique et des libertés fixent les conditions d'application de ce présent article, pour garantir l'anonymat, le secret, l'unité du vote et sa sécurité. »
    La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir cet amendement.
    M. Bernard Roman. Même si mon amendement a été rejeté, je persiste à croire que cette question mérite davantage d'attention. Si l'on veut se conformer à l'état d'esprit qu'évoquait M. Pandraud et favoriser tout ce qui peut faciliter le devoir de vote, aussi bien pour l'inscription sur les listes électorales que pour le vote par procuration, voire le vote par correspondance et le vote électronique proprement dit.
    Vous évoquiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, la possibilité d'avancer dans cette voie pour tout ce qui touche aux inscriptions sur les listes électorales. Mais on ne saurait pour autant écarter les possibilités qu'offre le vote électronique, notamment pour faciliter le vote des Français de l'étranger.
    M. Hervé Morin. La loi prévoit déjà des dispositions dans ce sens...
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. L'amendement de M. Jung me fait penser au sous-titre des mémoires du président Edgar Faure : « C'est un grand tort d'avoir raison trop tôt ». A terme, on ne peut pas exclure que cette idée devienne réalisable. Pour l'heure, nous n'en sommes qu'au stade de la mise au point des machines électroniques, laquelle devrait être achevée vers la fin de l'année 2004.
    M. Hervé Morin. Il faut expérimenter !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Dans un deuxième temps, nous passerons à l'Internet. Mais en l'état actuel des choses, on ne saurait parler aujourd'hui de fiabilité. La lutte acharnée contre la fraude électorale a déjà conduit à limiter considérablement les possibilités du vote par procuration comme du vote par correspondance alors que c'est précisément là, notre collègue Etienne Blanc l'a bien montré, que réside une des principales causes de l'abstention. Avec les votes par Internet, le nombre des contestations serait énorme. Ayez l'amitié d'attendre quelques années pour redéposer cet amendement : je suis certain qu'il recevra alors l'accord de la commission des lois.
    M. Jean-Luc Préel. Le président de l'UMP a été élu par voie électronique. Etait-ce fiable ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Je souscris aux propos du président de la commission des lois. Il y a naturellement lieu de sans cesse réfléchir aux adaptations et aux modernisations nécessaires de l'exercice du droit de vote, pour peu évidemment que toutes les conditions de sécurité sont réunies.
    Or, sur ce point, on sait qu'il n'est pas possible en l'état actuel des choses de garantir en particulier que l'électeur soit effectivement celui qui est autorisé à voter. Là est l'essentiel du problème. On ne saurait imaginer instaurer un système ou une facilité de vote sans avoir la garantie que le votant ne sera pas l'objet de pressions extérieures au moment d'exercer son choix. On sait que le vote par Internet a ceci de commun avec le vote par correspondance : il est impossible par définition d'en assurer la sécurisation, donc la fiabilité. C'est pour nous aujourd'hui un obstacle majeur et c'est ce qui explique que le Gouvernement préconise le rejet de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
    M. Jérôme Bignon. Je trouve cet amendement intéressant mais, comme l'a très bien dit le président de la commission des lois, un peu prématuré. Il n'en demeure pas moins que c'est indiscutablement une voie vers laquelle nous devons nous orienter, dès lors qu'on aura résolu, M. le secrétaire d'Etat y a insisté à juste titre, le problème de la sécurité : qui a voté ? Qu'a-t-il voté ? Il faut également, à l'autre bout de la chaîne, s'assurer qu'aucune trace du vote de tout un chacun ne puisse être récupérée. Autrement dit, cela suppose une double vérification.
    Qu'il me soit toutefois permis de vous apporter un élément d'information qui me paraît intéressant. L'ordre des avocats du barreau de Paris a organisé, pour la première fois cette année, l'élection de son bâtonnier et des membres du conseil de l'ordre par Internet. Sur 15 000 inscrits environ, ne votaient traditionnellement que 3 000 personnes. Cette année, par l'effet d'Internet, 10 000 personnes ont voté. Autrement dit, cette facilité a un impact incontestable. Cela doit nous inciter à accélérer la réflexion afin de permettre à un nombre grandissant de citoyens d'en profiter et à notre démocratie d'en tirer un formidable progrès.
    M. le président. La parole est à M. Alain Ferry.
    M. Alain Ferry. Je voterai cet amendement par honnêteté intellectuelle, puisque j'ai moi-même déposé, voilà deux ans, une proposition de loi sur le vote par Internet.
    Cela dit, je partage l'avis du président de la commission des lois et du secrétaire d'Etat : il faut encore travailler sur la sécurisation du vote.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Morin et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 8, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le maire doit déposer sur cette même table des bulletins blancs dont le nombre doit correspondre à celui des électeurs inscrits. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.
    M. Jean-Pierre Abelin. En tant que coauteur de cette proposition de loi, je voudrais vous dire ma conviction que le vote blanc finira un jour par être pleinement reconnu. J'en veux pour preuve les six propositions de loi déposées par des députés de la majorité depuis le début de la législature, ou encore les 150 députés de la majorité qui les ont cosignées, au rang desquels je citerai le président du groupe UDF, M. Hervé Morin et le président du groupe de l'UMP, M. Jacques Barrot,...
    M. Jean-Luc Préel. ... Bravo à M. Barrot !
    M. Jean-Pierre Abelin. ... lequel est, il est vrai, revenu sur son idée première par la suite.
    M. Bernard Roman. Cela ne lui ressemble pas !
    M. Jean-Pierre Abelin. J'en veux aussi pour preuve le sondage que de nombreux collègues ont cité, selon lequel 60 % des Français seraient favorables à l'idée de mettre à la disposition des électeurs des bulletins blancs dans les bureaux de vote. Au coeur de cette proposition de loi, on trouve deux idées simples : la première est que mieux vaut un vote blanc que pas de vote du tout ou qu'un vote extrême. La deuxième est que la défense du pluralisme passe par la reconnaissance du vote blanc.
    Aussi notre amendement propose-t-il tout simplement de mettre à la disposition des électeurs des bulletins blancs dans les bureaux de vote.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Globalement, ce débat était jugé utile. Vous avez raison de le rappeler, monsieur Abelin : beaucoup de députés militent depuis des années en faveur du vote blanc. Cette fois-ci, ils sont particulièrement nombreux, issus de presque tous les bancs... Je crois que le Parti communiste est le seul à n'avoir pas fait de proposition en ce sens.
    M. Jacques Brunhes. Inexact ! Il y en avait une !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est encore mieux !
    M. Jacques Brunhes. Mais pas du groupe ! D'un député !
    M. Hervé Morin. Ah ! Ce devait être M. Gremetz ! (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. En tout cas, c'est une solution qui a intéressé des députés sur tous les bancs de l'Assemblée nationale. Permettez-moi de citer cette phrase du général Mitterrand - frère du Président - car elle m'avait amusé : « Quand une loi est votée à l'unanimité...
    M. Hervé Morin. C'est mauvais signe !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... vous pouvez être tranquille, c'est une bêtise. » Il avait d'ailleurs employé un mot plus... militaire ! (Sourires.)
    M. Bernard Roman. C'est comme pour l'outrage au drapeau ou à la Marseillaise !
    M. Pascal Clément, président de la commission. L'affaire du bulletin blanc est donc largement transversale. Elle est l'exemple même de la fausse bonne idée. Le présent débat aura au moins permis aux esprits honnêtes de vider ladite bonne idée et de voir la mauvaise apparaître.
    Monsieur Abelin, en proposant de mettre à disposition des électeurs des bulletins blancs, vous allez les encourager à voter blanc. Et loin de donner au scrutin plus de lisibilité, vous lui en enlèverez puisque vous allez pousser un maximum d'électeurs à ne plus choisir. Aujourd'hui, pour voter blanc, il faut soit confectionner le bulletin, soit laisser l'enveloppe vide.
    Si l'idée n'est pas contestable en elle-même, ses conséquences le sont. La commission des lois vous invite, mes chers collègues, à repousser cet amendement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Dans l'exposé des motifs de cet amendement, certaines expressions me gênent. Le vote blanc serait une arme « antivote extrémiste ».
    M. Yves Bur. C'est une illusion !
    M. Guy Geoffroy. Je crois qu'il n'y a personne, ici, qui éprouve le moindre attachement aux extrémismes, et donc aux votes qui en permettent l'expression. Mais nos concitoyens qui pensent n'avoir d'autre choix que le vote extrême, qu'il soit de droite ou de gauche, doivent être respectés.
    M. Hervé Morin. Personne n'a dit le contraire !
    M. Guy Geoffroy. Pour ma part, je pense que la seule arme anti-extrémisme est l'affirmation par les républicains de tous bords - et nous le sommes tous - d'idées et d'engagements précis, puis, lorsque ceux-ci ont obtenu la confiance de nos concitoyens, le fait de nous y tenir, de leur donner corps, de les mettre en application et d'en assurer la bonne fin.
    A ce moment-là seulement, nous pourrons prétendre que nous avons commencé ce long chemin de croix, qui est celui des démocrates que nous sommes et qui consiste à retrouver la confiance de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Hervé Morin. On verra l'année prochaine !
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Je dois confesser mon trouble, car l'amendement n° 8, qui propose un article additionnel avant l'article 1er, a exactement la même rédaction que cet article ! Quelle en est donc la valeur ajoutée ?
    Nous sommes en pleine hypocrisie. On a démontré, fort pertinemment, sur de nombreux bancs, et celui du Gouvernement lui-même, combien ce vote blanc était contraire à la citoyenneté.
    M. Hervé Morin. Mais non !
    M. Emile Zuccarelli. Si, parce que c'est le non - choix !
    M. Yves Bur. Propos de bon sens !
    M. Emile Zuccarelli. La citoyenneté, c'est le choix ; l'honneur de la citoyenneté, c'est de choisir, même quand c'est difficile. Même quand il n'a le choix qu'entre deux solutions qui ne le satisfont pas, le citoyen doit choisir au moins celle qui lui paraît la moins mauvaise.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. Emile Zuccarelli. Or, par démagogie, nous sommes en train de dire que, après tout, le vote blanc, ce n'est pas si mal. Je prétends, moi, que c'est aussi mal que le vote nul, qu'un bulletin déchiré ou barré, ou carrément injurieux, comme ceux sur lesquels on peut lire : « Tous des nuls ! ».
    Le vote blanc, dit-on, témoigne d'un essai de motivation, serait mieux interprétable et constituerait un demi - pas sur le chemin de la citoyenneté. Nous sommes dans l'hypocrisie la plus complète. Je crains que nous ne donnions une sorte de satisfecit à l'électeur qui votera blanc. Nous ne sommes pas dans la bonne voie et nous ne faisons pas de la bonne pédagogie.
    Quant aux modalités pratiques de cette facilitation du vote blanc, la cohérence exigerait d'aller jusqu'au bout et d'intégrer le vote blanc dans la propagande officielle envoyée par la préfecture.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. Emile Zuccarelli. Sinon le vote blanc ne serait pas à égalité de chance avec les autres types de vote !
    Je suis évidemment contre tous ces textes ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. Tout en confirmant l'hostilité de l'immense majorité de groupe des député-e-s communistes et républicains à la reconnaissance du vote blanc sous cette forme-là, je voudrais insister sur un problème extrêmement grave, le vote blanc n'est pas un vote d'offre politique mais un vote d'hostilité qui peut fédérer les oppositions les plus diverses et conduire à tous les populismes, à tous les antiparlementarismes. Révélateur de la crise, il peut aussi devenir extrêmement dangereux pour la démocratie.
    M. Abelin évoquait un sondage. Je l'ai, pour ma part, étudié jusqu'au bout et j'ai constaté que 43 % des sondés - favorables donc au vote blanc - ne pensent pas que sa reconnaissance réduirait l'abstention, et que 46 % considèrent même qu'elle desservirait la démocratie en rendant plus difficile l'élection des candidats. Voilà qui relativise beaucoup les propos de notre collègue, qui n'a présenté qu'une certaine face de ce sondage, alors qu'il faut tenir compte de tous ses aspects pour être objectif.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Les amendements n°s 3 et 2 de M. Roman tombent.

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Le troisième alinéa de l'article L. 65 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :
    « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n'entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait mention dans les résultats des scrutins. »
    M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 4, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 1er :
    « L'article L. 65 du code électoral est ainsi modifié :
    « I. - L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les bulletins blancs sont décomptés et proclamés séparément des bulletins nuls dans les résultats du scrutin. »
    « II. - La dernière phrase du dernier alinéa est supprimée. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. C'est un amendement qui vise - je sais qu'il n'est pas le seul - à comptabiliser les bulletins blancs et à en faire une proclamation particulière.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. D'abord je veux déclarer mon admiration pour M. Roman qui a fini son intervention d'une façon théâtrale en sortant de sa poche, non pas un lapin, mais un bulletin blanc ! Et un peu plus tard, il dépose un amendement qui ne fait que reprendre nos propres amendements acceptés par la commission et deviennent donc partie intégrante de ladite proposition. En effet, je vous le rappelle, mes chers collègues, s'agissant d'une proposition de loi, ils s'y substituent.
    Monsieur Roman, votre bulletin blanc de tout à l'heure n'a plus de signification. Vous expliquez, par le présent amendement, que vous êtes d'accord avec nous. Ce n'est donc plus un bulletin « blanc » mais un bulletin « oui » ! Vous voyez bien que l'interprétation du bulletin blanc est chose difficile : votre praxis contredit vos théories ! (Sourires.) En tout cas, je vous remercie de rejoindre notre point de vue.
    M. Alain Ferry. C'est lumineux !
    M. le président. Répondez, monsieur Roman, ou nous resterons dans le noir ! (Sourires.)
    M. Bernard Roman. Je suis toujours gêné de mettre en difficulté le président de la commission des lois sur des problèmes de procédure. Je lui fais observer qu'il nous a fait découvrir, en commission, son amendement qui transforme, ou plutôt assassine la proposition de loi de l'UDF. Conformément à l'organisation du travail parlementaire, le mien était antérieur.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ah !
    M. Bernard Roman. Nous examinons aujourd'hui un amendement, qui a été examiné en commission, et que j'avais retiré alors devant l'excellence de l'écriture de celui de M. Clément. Mais qu'il ne retourne pas la charge de la preuve : le mien précédait le sien !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je voudrais donner satisfaction à M. Roman par délicatesse, mais si son amendement était antérieur au mien, pourquoi n'a-t-il pas déposé, tout simplement, la proposition de loi ?
    M. Bernard Roman. Parce que ce n'est qu'un des éléments. Sur le reste, nous ne sommes pas en accord !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Voilà qui a la particularité d'être contradictoire, c'est amusant !
    M. le président. Quand le bébé est beau, il ne manque pas de pères pour le reconnaître, dit-on ! (Sourires.)
    Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Cet échange entre le président de la commission et M. Roman était touchant, et à certains égards poignant. Le duo qu'ils forment est sympathique.
    Cela dit, je ne vois pas ce que l'amendement de M. Roman ajoute au texte.
    M. Bernard Roman. Rien ! (Rires.)
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Dès lors, je m'interroge sur son utilité. Mieux vaut se prononcer directement sur le texte.
    Mais peut-être annonce-t-il de votre part, monsieur Roman, une posture qui ouvrirait des perspectives nouvelles, à savoir que vous allez voter systématiquement les propositions issues des groupes de la majorité. Dans ce cas, nous le regarderions avec beaucoup d'intérêt ! Mais nous n'en sommes pas là.
    Je suggère qu'on s'en tienne au texte de la commission qui convient tout à fait au Gouvernement.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Je suis tellement d'accord avec M. le ministre que j'avais retiré mon amendement en commission !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pourquoi l'avoir déposé à nouveau en séance ?
    M. le président. Le retirez-vous de nouveau, monsieur Roman ?
    M. Bernard Roman. Oui, effectivement, il n'a aucune raison d'être. (Rires.)
    Telle est ma ligne de conduite : il vaut mieux se répéter que se contredire.
    M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
    M. Morin et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 9, ainsi libellé :
    « Après les mots : "séparément et, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de l'article 1er : "entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés au premier tour de scrutin. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.
    M. Jean-Pierre Abelin. Cet amendement tient compte des arguments du président de la commission des lois et du ministre sur l'article 7 de la Constitution et les problèmes virtuels qui pourraient en découler pour l'élection présidentielle puisque, aux termes de la Constitution, le Président doit, au deuxième tour, recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés. A défaut d'une révision constitutionnelle, nous proposons de cantonner aux effets du premier tour la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. J'avoue que je suis stupéfait. On peut comprendre tous les amendements mais celui-ci, qui est manifestement inconstitutionnel, saisit d'effroi le commissaire aux lois. Il est vrai que M. Abelin a des excuses, puisqu'il n'a pas la joie d'appartenir à notre grande et belle commission !
    Monsieur Abelin, que l'on joue au tennis ou au bridge, si l'on joue une première partie selon la règle X, on joue la deuxième partie selon la même règle. Vous proposez une règle pour le premier tour des élections, une autre pour le deuxième ! A quel jeu jouez-vous donc ? Cela ne tient pas la route. C'est même inconcevable : l'amendement est tout simplement à retirer. Je vous en remercie d'avance.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Oui, cet amendement pose problème, mais si nous voulons montrer que nous entendons respecter les électeurs, allons jusqu'au bout et raisonnons sur les chiffres de l'élection présidentielle de 2002 en tenant compte dudit amendement.
    Au premier tour, dans cette optique, 997 262 Français se seraient exprimés de manière valable et reconnue au travers d'un vote blanc. Au second tour, à supposer - ce qui n'est pas prouvé, mais on peut essayer de le croire - que sur les 1 769 307 bulletins blancs, il y ait les 997 000 du premier tour, on peut en tirer deux conséquences. D'abord, que ceux qui s'étaient valablement exprimés au premier tour ne s'expriment plus valablement au second, ce qui pose question s'agissant d'une même élection, à quinze jours d'intervalle certes. Ensuite, que ceux - et on peut penser qu'ils sont parmi les plus nombreux - qui ont voté au premier tour pour un des candidats et qui ont donc fait un choix, sont considérés, au second tour, comme n'exprimant plus aucun choix. L'imbroglio est tel que les juristes - et il y en a quelques-uns dans cette salle - vont hurler de douleur et nos concitoyens, eux, de rire.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Nous marchons sur la tête ! L'amendement propose d'abandonner le décompte séparé des bulletins blancs au deuxième tour. Les maires seront-ils obligés tout de même de mettre des bulletins blancs à disposition des électeurs ?
    M. Hervé Morin. Cette disposition-là a été rejeté !
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Il ne faut jamais désespérer de rien : je suis très heureux d'avoir entendu le président de la commission des lois et le ministre affirmer qu'il ne fallait pas changer les règles entre deux tours d'une élection !
    M. le président. La parole est à M. Gilles Bourdouleix.
    M. Gilles Bourdouleix. Avec cet amendement, on voit mieux encore l'incohérence et le danger qu'il y a à avancer dans l'idée de reconnaissance du vote blanc, en ce qu'il est vraiment un non-choix démocratique. Au premier tour, toute personne qui ne veut porter son choix sur aucun candidat peut très bien se présenter - n'a-t-on pas déploré le grand nombre de candidats, parfois plus de vingt, aux législatives l'année dernière ? Au deuxième tour, on peut considérer, que leur choix se trouve limité par l'élimination de leur candidat au premier tour. Mais n'allons pas plus avant dans une démagogie de renoncement, alors que notre mission est de réveiller le sens démocratique des Français.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Après l'article 1er

    M. le président. M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 5, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 66 du code électoral, sont insérés deux articles L. 66-1 et L. 66-2 ainsi rédigés :
    « Art. L. 66-1. - Les bulletins blancs n'entrent pas en compte pour la détermination du nombre de suffrages exprimés. Néanmoins, ils sont annexés au procès-verbal et font l'objet d'un décompte spécifique.
    « Art. L. 66-2. - Les opérations de dépouillement achevées, le président donne lecture à haute voix des résultats obtenus par chaque liste ou chaque candidat, ainsi que du nombre de bulletins blancs. Ces informations sont aussitôt enregistrées par le secrétaire. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Le texte adopté par la commission rend caduc cet amendement. Par conséquent, je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Dans le premier alinéa de l'article L. 66 du code électoral, les mots : "blancs, ceux sont supprimés. »
    Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

    M. le président. M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Dans l'article L. 69 du code électoral, après les mots : "des enveloppes, sont insérés les mots : "et des bulletins blancs. »
    La parole est M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Même motif, même punition. Il est retiré.
    M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
    Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 10, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « I. - Le code électoral est ainsi modifié :
    « 1. Dans l'article L. 334-6, les mots : "ne portant aucune désignation, ceux sont supprimés.
    « 2. Le 1° de l'article L. 391 est abrogé.
    « II. - Les dispositions de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna. »
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Cet amendement a pour objet d'adapter aux collectivités d'outre-mer à statut particulier la règle de la comptabilisation distincte des bulletins blancs.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement est adopté.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Hervé Morin, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Hervé Morin. Je voudrais, en expliquant le vote du groupe UDF, répondre en même temps à certains des orateurs qui se sont exprimés ce matin.
    Loin de nous l'idée de considérer que cette proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc comme un suffrage exprimé puisse constituer un moyen majeur de lutter contre l'abstention ou contre les votes extrémistes. Je suis d'accord avec Guy Geoffroy pour estimer que c'est avant tout grâce à la politique qui sera menée que nous lutterons le plus efficacement possible contre les votes extrémistes, notamment le vote d'extrême droite.
    Cela dit, pour nous, un élément essentiel justifie cette proposition de loi : la liberté de choix dont doivent pouvoir bénéficier les électeurs. Il ne faut pas avoir peur de la démocratie, il faut laisser aux électeurs la possibilité de voter comme ils le souhaitent.
    Le fait de se rendre dans un isoloir pour déposer un bulletin blanc dans une enveloppe est un acte civique qui mérite d'être reconnu. A cet égard, la proposition de Pascal Clément constitue donc un premier pas que nous ne pouvons que saluer.
    Pour ce qui est de l'abstention, ce n'est pas, bien sûr, en reconnaissant le vote blanc que nous pourrons lutter contre elle. Au reste, quelle est la signification de l'abstention ? Pour ma part, je n'en sais rien. On pourrait penser que c'est le signe d'une démocratie apaisée, puisque toutes les grandes démocraties modernes enregistrent aujourd'hui un taux d'abstention considérable. En revanche, je suis moins convaincu que quand un tiers des Français votent pour l'extrême gauche ou pour l'extrême droite, ce soit le signe d'une démocratie apaisée.
    Je voudrais maintenant répondre au président Pascal Clément avec qui j'ai eu, il y a quelques jours, un dialogue sur les modes de scrutin. A cette occasion, il m'a expliqué qu'il était favorable au bipartisme et que, conformément à cette logique, il souhaitait une évolution vers un scrutin majoritaire à un tour. Mais, mon cher président, que j'aime beaucoup (Sourires), je vous signale que ce type de scrutin donne forcément des majorités relatives.
    M. Bernard Roman. Bien entendu !
    M. Hervé Morin. Dans ce cas, il y a une vraie contradiction à gérer : considérer que c'est le bon type de scrutin, alors que la légitimité des candidats élus repose, par définition, sur moins de 50 % des suffrages.
    Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, même si vous êtes élu en obtenant une grande majorité des suffrages, comme le président de la commission des lois et le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, il y a toujours des gens pour vous rappeler - mais je ne pense pas que ce soit le cas de M. Clément et de M. Copé, dont je ne doute pas qu'ils soient acclamés par les foules (Sourires) - que, si élevé soit votre score, il ne représente que peu de chose par rapport au nombre des inscrits. Par conséquent, je ne crois pas un seul instant que la reconnaissance du vote blanc réduise la légitimité des élus.
    Que la proposition de loi que nous avons déposée soit en contradiction avec l'article 7 de la constitution aux termes duquel le président de la République est élu au second tour à la majorité absolue, je le reconnais. Toutefois, je conteste l'idée - et je ne suis pas le seul dans ce cas - que l'on puisse comparer l'élection présidentielle et les élections législatives. Ces dernières ne sont, comme le disait le général de Gaulle, qu'autant d'élections locales ; elles n'ont rien à voir avec l'élection d'un homme par le peuple, auquel il a indiqué qu'il compte suivre avec lui.
    En fait, si le groupe UDF a déposé cette proposition de loi, c'est pour être en cohérence avec le groupe de l'UMP, qui a déposé quatre propositions de loi sur le sujet, sous les signatures de Georges Colombier, Lionnel Luca, Thierry Mariani et Dominique Paillé.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous le savons !
    M. Hervé Morin. Avec des signataires aussi célèbres que le président du groupe de l'UMP, que deux vice-présidents de l'Assemblée, Marc-Philippe Daubresse - qui préside actuellement la séance - et Eric Raoult, et que le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, nous nous étions dit que c'était un moyen de favoriser l'émergence d'un consensus sur un texte. Aussi, nous avons décidé de lancer la bouteille à la mer en déposant une proposition de loi sur la reconnaissance du vote blanc, en sachant bien que la commission des lois se chargerait, puisque tel est son rôle, de la corriger sur le plan juridique.
    Notre démocratie est malade, tout le monde en convient. Toutefois, ce n'est pas en cassant le thermomètre qu'on fera tomber la fièvre du malade. Cela dit, nous estimons que la reconnaissance du vote blanc est un moyen comme un autre de faire participer davantage nos concitoyens à la vie démocratique.
    Pour conclure, je dirai que nous voterons en quelque sorte blanc, puisque nous ne participerons pas au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s- communistes et républicains.
    M. Jacques Brunhes. D'abord, nous nous félicitons de la tenue de ce débat, puisque le groupe des député-e-s- communistes et républicains a, comme les autres groupes de l'Assemblée, déposé une proposition de loi relative à la reconnaissance du vote blanc. Il s'agit donc d'un problème réel, et c'est une bonne chose que, pour une fois, nous ayons pu en débattre en séance publique, et ce en toute sérénité.
    Ensuite, je tiens à indiquer de nouveau que, pour l'immense majorité de notre groupe, le vote blanc est un vote équivoque, un vote d'hostilité : ce peut être un vote de censure des acteurs politiques « tous pourris », selon l'expression bien connue ; ce peut être un vote mêlant les oppositions les plus diverses et qui, par conséquent, peut donner lieu à différentes interprétations ; en tout cas, c'est un vote qui peut conduire à tous les populismes, à tous les antiparlementarismes.
    Certes, il y a une crise de la politique, et je comprends bien qu'il faut essayer de la résoudre. Toutefois, je considère que les adaptations fonctionnelles évoquées précédemment ne sont pas suffisantes et que la reconnaissance du vote blanc ne permet pas de résoudre cette crise.
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. Jacques Brunhes. Nous devons donc trouver ensemble des réponses d'une autre nature. C'est la raison pour laquelle, ainsi que je l'ai déjà indiqué dans mon intervention à la tribune, le groupe des député-e-s- communistes et républicains ne participera pas non plus au vote sur un texte élaboré par la commission et qui n'a plus grand-chose à voir avec la proposition initiale, même si des gestes ont été faits pour prendre en compte certaines aspirations. En tout cas, il ne s'agit plus d'un texte tendant à reconnaître le vote blanc de la façon dont le prévoyait la proposition initiale.
    M. le président. La parole est à M. Alain Ferry, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Alain Ferry. Le débat qui vient d'avoir lieu a été intéressant, de bonne tenue, et les différents intervenants ont su garder un ton modéré. Cela devait être souligné.
    Comme je l'ai indiqué dans mon intervention, le groupe de l'UMP est favorable à la proposition de la commission des lois. Sans aller jusqu'à prendre en compte les bulletins blancs pour la détermination des suffrages exprimés, il était tout à fait possible de leur donner une existence juridique en les distinguant des votes nuls : c'est ce que nous avons fait ce matin, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens en la matière.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. D'abord, je tiens à remercier M. Vignoble d'avoir rapporté le texte ce matin.
    Ensuite, je laisse à la méditation de l'Assemblée cet adage latin qu'aime tant la commission des lois : Error communis non facit jus. Autrement dit, l'erreur commune ne fait pas le droit. (Sourires.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
    M. Jacques Brunhes. Le groupe des député-e-s- communistes et républicains ne participe pas au vote !
    M. Bernard Roman. Le groupe socialiste non plus !
    M. Jean-Luc Préel. Pas davantage que le groupe UDF !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Certes, mais vous ne votez pas blanc !
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

2

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Jean-Marc Lefranc, une proposition de loi tendant à accorder aux sapeurs-pompiers professionnels des bonifications de temps de service accompli pour la liquidation de leur pension de retraite.
    Cette proposition de loi, n° 575, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Jean-Marc Lefranc, une proposition de loi relative à la retraite des sapeurs-pompiers volontaires tendant à prendre en compte de nouveaux éléments dans l'ouverture du droit à pension.
    Cette proposition de loi, n° 576, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Georges Colombier, une proposition de loi visant à étendre l'application de l'article L. 253 quinquies du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre aux réfractaires.
    Cette proposition de loi, n° 577, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. François d'Aubert et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à instaurer une loi de simplification législative et réglementaire annuelle.
    Cette proposition de loi, n° 578, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Jean-Claude Mignon et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi modifiant les conditions d'exercice de certains mandats électoraux par les fonctionnaires.
    Cette proposition de loi, n° 579, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de MM. Pierre Albertini, Hervé Morin et des membres du groupe UDF et apparentés, une proposition de loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux.
    Cette proposition de loi, n° 580, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de MM. Pierre Albertini, Hervé Morin et des membres du groupe UDF et apparentés, une proposition de loi tendant à introduire une dose de proportionnelle pour l'élection des députés.
    Cette proposition de loi, n° 581, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de Mme Anne-Marie Comparini, une proposition de loi tendant à permettre la liquidation à taux plein de la pension de retraite des salariés totalisant cent soixante trimestres de cotisations avant l'âge de 60 ans.
    Cette proposition de loi, n° 582, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de MM. Jean Michel, Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, une proposition de loi visant à jumeler chaque école française avec une école de l'Union européenne.
    Cette proposition de loi, n° 583, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de Mme Christine Boutin, une proposition de loi visant à introduire une clause de conscience pour les personnes refusant la vaccination obligatoire.
    Cette proposition de loi, n° 584, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Patrick Balkany, une proposition de loi relative à l'ouverture dominicale des commerces de détail.
    Cette proposition de loi, n° 585, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Jacques Barrot et M. Dominique Paillé, une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants.
    Cette proposition de loi, n° 586, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Philippe de Villiers, une proposition de loi portant sur l'alignement du régime de retraite des parlementaires sur le régime général des salariés du secteur privé.
    Cette proposition de loi, n° 587, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Jacques Godfrain, une proposition de loi relative à l'utilisation des fonds de la participation en faveur de la création d'entreprise.
    Cette proposition de loi, n° 588, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Claude Goasguen, une proposition de loi visant à accélérer les formalités de demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation.
    Cette proposition de loi, n° 589, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Jean Roatta, une proposition de loi tendant à l'abrogation de l'article 3 de la loi du 10 août 1981, dite « loi Lang », instaurant un prix unique pour la vente de livres aux particuliers.
    Cette proposition de loi, n° 590, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Jean-François Mancel, une proposition de loi ouvrant à titre dérogatoire la fonction publique à des recrutements contractuels pour les administrations confrontées à des vacances de postes dans les domaines d'action prioritaires de l'Etat et des collectivités publiques.
    Cette proposition de loi, n° 591, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en application de l'article L. 614-1 du code monétaire et financier, le rapport du comité consultatif du Conseil national du crédit et du titre pour 2001-2002.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 30 janvier 2003, de M. Pierre Lequiller un rapport d'information, n° 592, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution du 19 décembre 2002 au 27 janvier 2003 (n°s E 2162 à E 2164, E 2166 à E 2175, E 2180, E 2188 et E 2190) et sur les textes n°s E 1842, E 1998, E 2025, E 2070, E 2076, E 2109, E 2137, E 2138, E 2151, E 2154 et E 2155.

5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Mardi 4 février 2003, à neuf heures, première séance publique :
    Questions orales sans débat ;
    Fixation de l'ordre du jour.
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du projet de loi, n° 507 rectifié, pour l'initiative économique ;
    Mme Catherine Vautrin et M. Gilles Carrez, rapporteurs au nom de la commission spéciale (rapport n° 572, tomes I à III).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 4 février 2003, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant :

Communication du 27 janvier 2003

N° E 2192. - Initiative de l'Autriche en vue de l'adoption d'un règlement du Conseil fixant les critères permettant de déterminer les Etats tiers pouvant être considérés comme sûrs pour assumer la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre par un ressortissant d'un pays tiers et établissant une liste des Etats tiers européens sûrs (14712, 402 ASILE 74).

Communication du 29 janvier 2003

N° E 2193. - Livre vert sur la politique spatiale européenne (COM [2003] 17 final).
N° E 2194. - Proposition de règlement du Conseil mettant en oeuvre, pour la Communauté, les dispositions tarifaires fixées dans l'accord d'association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part.