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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 6 FÉVRIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 5 février 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».
M. le président.

INITIATIVES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE CHASSE «...»

MM. Charles de Courson, Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

RÉVISION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE «...»

MM. André Chassaigne, Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

POLITIQUE AGRICOLE EUROPÉENNE «...»

MM. Marc Bernier, Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

POSITION EUROPÉENNE SUR LA CRISE IRAKIENNE «...»

M. Paul Quilès, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

POURSUITE DES ASSASSINS DU PRÉFET ERIGNAC «...»

MM. Gérard Léonard, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE
DE LA JEUNESSE «...»

MM. Dino Cinieri, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

RÉFORME DE L'APA «...»

Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES «...»

MM. Guy Drut, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

RELATIONS ENTRE LES UNIVERSITÉS FRANÇAISES
ET ISRAÉLIENNES «...»

MM. Claude Goasguen, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

EMPLOIS DANS L'ÉDUCATION NATIONALE «...»

MM. Christophe Masse, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

ENGAGEMENT CIVIQUE DES JEUNES «...»

MM. Edouard Courtial, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

ACTIVITÉS DE L'AÉROPORT D'ORLY «...»

MM. Jean Marsaudon, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

2.  Sécurité du transport maritime. - Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête «...».
M. Jacques Le Guen, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Edouard Landrain,
Maxime Bono,
Jean Lassalle,
Daniel Paul,
Christophe Priou,
Jean-Pierre Dufau,
Jean-Piere Decool,
Yves Cochet.
Clôture de la discussion générale.

Article unique «...»

Amendement n° 1 de M. Dufau : MM. Jean-Pierre Dufau, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 2 de M. Dufau : MM. Jean-Pierre Dufau, le rapporteur, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques ; le secrétaire d'Etat, Edouard Landrain, Daniel Paul, Alain Vidalies, Henri Emmanuelli. - Rejet.
Amendement n° 3 de M. Yves Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, François Sauvadet. - Rejet.
Adoption de l'article unique modifié de la proposition de résolution.

CONSTITUTION DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE «...»

M. le président.

Suspension et reprise de la séance «...»

3.  Initiative économique. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

MM. Michel Vergnier, Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Michel Vergnier, Hervé Novelli, président de la commission spéciale ; Mme Chantal Brunel, MM. Eric Besson, le président, Charles de Courson. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Mes chers collègues, je vous rappelle que, en ce premier mercredi de février, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens, comme nous y avons déjà procédé, pour la première fois, le mois dernier.

INITIATIVES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE CHASSE

    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Ma question, à laquelle se joint mon collègue Stéphane Demilly, s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Dans la loi chasse du 27 juillet 2000, figure un article issu d'un amendement déposé par le président Giscard d'Estaing et moi-même et voté à l'unanimité de l'Assemblée nationale. S'il était appliqué, cet article permettrait de résoudre une partie des problèmes de la chasse en France.
    M. Dominique Dord. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. L'idée de cet article 1er était de distinguer clairement, en application du principe de subsidiarité, le domaine de compétence nationale du domaine de compétence communautaire en matière de chasse. Relèverait de la loi nationale la fixation de l'ensemble des règles et obligations qui s'appliquent à l'exercice de la chasse aux mammifères et aux oiseaux non migrateurs, sur le territoire national, et, par contre, relèverait du droit communautaire la définition des principes que doit respecter la loi nationale quant à la fixation des règles et obligations qui s'appliquent à l'exercice de la chasse aux oiseaux migrateurs.
    M. Dominique Dord. C'est la solution !
    M. Charles de Courson. Le précédent gouvernement n'a pas respecté la loi votée en juillet 2000 (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) puisqu'il n'a pas déposé de rapport sur ses initiatives européennes dans le délai fixé par la loi, c'est-à-dire avant la fin 2000, et n'a pris d'autre initiative que l'envoi tardif d'une lettre à la commission par le précédent Premier ministre.
    Le nouveau gouvernement que nous soutenons a pris des initiatives en matière européenne et a décidé d'organiser un débat sur la chasse, le mardi 11 février. Pourrait-il préciser à la représentation nationale s'il partage la conception du principe de subsidiarité en matière de chasse tel qu'il figure à l'article 1er de la loi « chasse » ? Seconde question, pourrait-il faire le point sur les initiatives européennes qu'il a prises pour aboutir à une solution acceptable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
    M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je vous prie d'excuser Mme Bachelot qui est en ce moment même au Sénat en train de présenter un texte important. Je tiens à ce que vous sachiez combien le Gouvernement attache d'importance au débat qui aura lieu dans cet hémicycle le 11 février prochain. Il sera l'occasion d'évoquer, dans toute sa complexité et sa plénitude, le dossier passionnant et passionné de la chasse. Il sera aussi l'occasion d'exposer l'ensemble du programme de travail du Gouvernement. Mme Bachelot rappellera les mesures déjà prises et détaillera celles qui sont en préparation, tant sur le plan réglementaire que sur le plan législatif.
    Quant à la directive européenne sur les oiseaux, elle énonce les grands principes, mais il appartient à chaque Etat membre de préciser les moyens et les modalités de sa mise en oeuvre dans le droit interne. C'est à quoi le Gouvernement travaille.
    Enfin, vous avez évoqué l'information régulière qui s'impose à la Commission européenne, aussi bien par la communication des décisions prises que par l'établissement d'un rapport.
    Sur tous ces points, monsieur le député, réponse vous sera donnée à l'occasion du débat du 11 février.
    En tous cas, ne doutez pas de la détermination du Gouvernement, sur ce sujet difficile et important, à réaffirmer le respect de nos engagements européens et à faire preuve du nécessaire pragmatisme, lequel caractérise sa politique, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉVISION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. André Chassaigne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    La Commission européenne vient de confirmer ses intentions concernant la révision à mi-parcours de la politique agricole commune, reprenant le dispositif déjà présenté par Franz Fischler en juillet dernier, et rejeté alors par l'ensemble des syndicats agricoles de notre pays. Il propose notamment le découplage des aides par rapport aux produits, avec un paiement par exploitation, unique et transférable, ce qui créerait les conditions d'une très forte réduction de la production dans les régions et les secteurs fragiles, la baisse du prix d'intervention des céréales et du prix de soutien du lait, avec des conséquences graves sur le revenu des producteurs, déjà victimes d'une réduction des prix inacceptables, sans que cela profite au consommateur, un gel des terres par la mise en jachère de 10 % des surfaces, ce qui accentuera la désertification dont souffrent déjà nos zones rurales.
    Plus qu'une révision, il s'agit en fait d'une réforme de fond dans un sens ultra-libéral, inféodant davantage encore la politique agricole commune à l'Organisation mondiale du commerce, pour garantir à l'agro-industrie des matières premières à bas prix et augmenter les profits de la grande distribution.
    Dans ce contexte, le gouvernement français se doit de préciser sa position.
    Maintenez-vous, monsieur le ministre, ce que vous avez affirmé dans cette enceinte le 5 novembre dernier, à savoir : « La PAC est d'ores et déjà assurée de perspectives claires la protégeant de toute remise en cause radicale » ?
    Par ailleurs, quelle réponse apportez-vous aux organisations syndicales favorables à une réforme immédiate de la PAC, rejetant à la fois le projet Fischler et le statu quo, et faisant le choix d'une politique agricole fondée sur des prix rémunérateurs et la maîtrise des productions, pour que les paysans puissent vivre dignement de leur métier ? Enfin, quelles mesures comptez-vous préconiser pour que l'Europe s'oppose aux importations abusives, respecte la préférence communautaire et lutte contre la concurrence déloyale des prix mondiaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous avez posé, à fort juste titre, la question du prix mondial en matière agricole. Chacun sait bien que ce prix ne correspond à aucun équilibre, ni économique, ni social, ni environnemental. C'est pourquoi nous refusons ce mythe du prix mondial. C'est vrai chez vous à Saint-Amant-Roche-Savine. C'est vrai à Bruxelles, où je l'ai dit la semaine dernière. C'est vrai aussi à Washington, où je l'ai dit aux autorités américaines que j'ai rencontrées dans le cadre des discussions préparatoires à la négociation devant l'Organisation mondiale du commerce.
    Oui, nous avons un modèle agricole européen à défendre, fondé sur des prix équitables et sur une maîtrise des productions. Ne doutez pas, monsieur le député, de notre résolution, dans le cadre de la négociation devant l'Organisation mondiale du commerce, à ne pas céder au tout-libéralisme qui serait destructeur pour notre modèle agricole européen.
    S'agissant de la politique agricole européenne, nous avons tracé des perspectives claires à Bruxelles sur le plan budgétaire, puisque les Quinze se sont entendus au mois d'octobre pour fixer un volume de dépenses agricoles entre 2003 et 2013. Pour le reste, nous sommes désormais entrés dans une discussion sur une adaptation de cette politique, qui ne constituera pas une réforme fondamentale. Ce que nous souhaitons, c'est éviter la baisse des prix, comme vous l'avez dit, sur les céréales et sur le lait, et la jachère, mais fortifier le développement rural et refuser le découplage total des aides.
    Telle est, monsieur le député, la politique du Gouvernement à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie.)

POLITIQUE AGRICOLE EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Marc Bernier, pour le groupe UMP.
    M. Marc Bernier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    Monsieur le ministre, vous étiez la semaine dernière à Bruxelles, au Conseil des ministres européens de l'agriculture, pour débattre de l'avenir de ce secteur. Or, vous n'êtes pas sans savoir que le monde agricole français rejette en bloc les propositions de réforme de la politique agricole commune, annoncées le 22 janvier par M. Fischler. Il propose un découplage qui transformerait purement et simplement, dès 2004, les aides directes d'exploitation en une aide unique au revenu, sans critère d'orientation de productions. Si ces mesures étaient prises, elles auraient pour effet de remettre en cause les principes fondamentaux du projet agricole national, fondé sur la responsabilité, et sacrifieraient ainsi la production agricole française.
    A titre d'exemple, la filière bovine, qui représente 40 % du cheptel européen pour les races à viande, serait parmi les productions les plus déstabilisées en raison d'une chute brutale de revenus. Mais ce qui est vrai pour la filière bovine l'est également pour les autres filières. On peut aisément imaginer qu'un tel déséquilibre des marchés et des exploitations se traduirait, dans un premier temps, par une démobilisation des agriculteurs, mais aussi, dans un second temps, par une désertification accrue des zones rurales.
    Les agriculteurs de France attendent de votre part un soutien déterminé et s'opposent à une proposition de libéralisation totale des productions et des marchés. Celle-ci serait contradictoire avec les objectifs de sécurité alimentaire, de qualité des productions et d'équilibre des territoires.
    Monsieur le ministre, ayant ainsi parlé au nom de la Mayenne et de mes collègues François d'Aubert et Yannick Favennec, mais aussi au nom du monde agricole français, ma question est la suivante : quelle est la position de la France et celle de ses partenaires européens concernant les nouvelles propositions de réforme de la PAC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, la position de la France est claire : nous sommes fermes, mais pas fermés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Fermes, car nous refusons le découplage total des aides. Vous l'avez fort bien dit, cette proposition est absurde et dangereuse pour plusieurs raisons : plus aucun lien avec la production, désertification des territoires, concurrence déloyale entre les différentes productions, spéculation foncière, j'en passe et des meilleures !
    Par conséquent, non au découplage total des aides et à la baisse anticipée du prix des céréales et du lait !
    M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. En revanche, nous sommes extrêmement ouverts pour renforcer les mesures agro-environnementales, et pour renforcer le développement rural, parce que nous devons mener une politique agricole équilibrée.
    La Commission européenne propose ; ce sont les gouvernements des Etats membres qui disposent. Et je puis vous dire, monsieur le député, qu'à Bruxelles, lundi et mardi derniers, onze pays sur quinze se sont opposés au découplage total des aides. Cette discussion ne fait que commencer. Ce sera assurément un rendez-vous très important pour 2003. Ne doutez pas, monsieur le député, de notre détermination, de celle du Premier ministre et de celle du Président de la République, sur ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

POSITION EUROPÉENNE SUR LA CRISE IRAKIENNE

    M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.
    M. Paul Quilès. En l'absence du ministre des affaires étrangères, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Devant la chronique d'une guerre annoncée en Irak, les pays européens réagissent différemment, on vient de le voir. Il est vrai que cette chronique se déroule selon un scénario inexorable, avec une mise en scène bien organisée. C'est ainsi que, dès cet après-midi, le secrétaire d'Etat américain, M. Colin Powell, a été chargé de présenter devant le Conseil de sécurité des preuves irréfutables de l'armement irakien.
    N'est-il pas un peu étrange que ces preuves, dont le Président de la République a peut-être eu connaissance, n'aient pas été transmises il y a quelques semaines aux inspecteurs de l'ONU, comme MM. Blix et ElBaradei l'avaient demandé ? Il est vrai que les Américains prétendaient, à l'époque, qu'ils ne pouvaient pas révéler leurs sources sans mettre leurs auteurs en danger. Apparemment, cet argument ne vaut plus aujourd'hui.
    La position de la France ne risque-t-elle pas d'évoluer ? En d'autres termes, le Gouvernement peut-il nous rassurer et nous dire que notre diplomatie ne va pas se déclarer convaincue par ces preuves, soit dès cet après-midi, soit dans quinze jours, quand les inspecteurs remettront leur rapport ? (Murmures sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous légitimeriez, dans ce cas, la guerre dangereuse que prépare M. Bush, ce que, naturellement, nous n'accepterons pas.
    Pouvez-vous nous affirmer que la France ne rentrera pas dans le rang, et ne s'alignera pas sur la prétendue « nouvelle Europe » ? Pour nous, il ne s'agit que d'une juxtaposition de gouvernements heureusement désavoués par leurs opinions publiques qui savent bien, elles, que le futur de l'Europe ne se trouve pas dans l'approbation inconditionnelle et irréfléchie des visées hégémoniques du Président des Etats-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Permettez-moi tout d'abord, monsieur Quilès, de vous transmettre les excuses du Premier ministre qui se trouve en Inde et du ministre des affaires étrangères qui, comme vous le savez, est à l'heure actuelle à New York pour l'ouverture, dans environ une heure, des travaux du Conseil de sécurité.
    Votre question est fondamentale et il est tout à fait normal que la représentation nationale soit informée de l'évolution des travaux du Conseil de sécurité et de la crise irakienne.
    Sur le premier point, à savoir que Washington détiendrait les preuves de la possession par l'Irak d'armements de destruction massive, bien entendu, le ministre des affaires étrangères français écoutera avec la plus grande attention l'exposé américain. Il reviendra ensuite aux inspecteurs de prendre en compte d'éventuels éléments nouveaux et d'en tirer les conséquences en se rendant, si nécessaire, sur le terrain pour les vérifier.
    Sur le second point, à savoir l'unité de l'Union européenne, il faut rappeler que le 27 janvier dernier, lors d'un Conseil des ministres des affaires étrangères, une position unanime a été arrêtée. L'Union s'en tient au strict respect de la résolution 1441 souhaitant un désarmement pacifique de l'Irak et l'intensification des missions d'inspection.
    Il est vrai, monsieur le député, que, récemment - et sans doute d'autres déclarations seront-elles faites dans les heures ou les jours qui viennent -, une lettre dite « des huit » signée par certains pays de l'Union et certains pays candidats, affichait une autre position. Quelles que soient les objections que l'on puisse formuler à l'encontre de la méthode, il est à souligner que cette déclaration commune met en avant - ce qui évidemment nous satisfait - le rôle éminent et incontournable du Conseil de sécurité.
    Mais quid de la politique étrangère européenne ? C'est une politique de longue haleine, on l'a vu à propos du Proche-Orient. Nous soutenons l'initiative de la présidence grecque qui va réunir, dans les jours qui viennent, un Conseil extraordinaire des ministres des affaires étrangères, lequel pourrait éventuellement être suivi d'un Conseil européen extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement. Cela répond à notre souhait car c'est à l'Union de prendre ses responsabilités face à cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en avons fini avec les questions portant sur des thèmes européens.

POURSUITE DES ASSASSINS DU PRÉFET ÉRIGNAC

    M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard, pour le groupe UMP.
    M. Gérard Léonard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    Il y aura cinq ans demain, le 6 février 1998, à Ajaccio, Claude Erignac, préfet de la Corse, était lâchement assassiné. Chacun se souvient de l'intense émotion soulevée par un crime odieux perpétré sur la personne d'un grand serviteur de l'Etat.
    Cinq ans après, notre tristesse et notre indignation restent profondes et la tache jetée au front de la République n'est toujours pas effacée.
    En effet, si, le 2 juin prochain, huit nationalistes corses comparaissent devant la cour d'assises pour leur participation présumée à cet assassinat, le tueur suspecté, Yvan Colonna, est toujours en fuite.
    On ne peut rester sourd à l'appel poignant de la veuve du préfet Erignac qui, il y a quelques jours, déclarait à la presse : « Si une volonté politique existe vraiment - et sur ce point je fais confiance à M. Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Christian Bataille. Zorro est là !
    M. Gérard Léonard. ... que je rencontre régulièrement -, on doit le retrouver... Autrement, ce serait à désespérer de la justice et de la police de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Un député du groupe socialiste. Qu'en pense Cécilia ?
    M. Gérard Léonard. J'estime que cette question mérite que l'on fasse preuve de dignité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Donc, sans contrevenir au nécessaire secret de l'enquête, la représentation nationale est fondée à interroger le Gouvernement sur la détermination des services et les moyens qui leur sont consentis pour qu'ils puissent remplir leur mission efficacement. Pouvez-vous nous apporter quelques éclaircissements sur ce point ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, l'assassinat il y a cinq ans du préfet Erignac est un drame national. Vous avez qualifié de tache le fait que l'assassin présumé n'a pas été arrêté. Si c'est une tache, elle est indélébile, et le temps n'a pas amoindri, bien au contraire, le scandale que représente l'ensemble des faits.
    Ma réponse devant la représentation nationale sera forcément elliptique, pour deux raisons. La première, c'est que ce n'est pas le temps des polémiques. La polémique, ce serait une injure faite à la mémoire d'un homme qui est mort au service de l'Etat (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et auquel nous devons tous le respect. Il n'y a pas de respect quand il y a des règlements de comptes. Une fois que Colonna aura été arrêté, il sera temps de comprendre, pas avant.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Arrêtez !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Seconde raison, ceux qui protègent Colonna, ceux qui ont organisé sa fuite sont à l'affût du moinde renseignement.
    Pour autant, que faisons-nous ?
    D'abord, nous avons cherché à faire taire les polémiques et les concurrences entre services qui s'exprimaient, vous vous en souvenez certainement, dans la presse toutes les semaines. Il n'y en a plus. Il y a maintenant une équipe qui met en commun tous les renseignements concernant le fugitif.
    M. Henri Emmanuelli. C'est la moindre des choses !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ensuite, nous avons renforcé les équipes. Les effectifs consacrés à la recherche d'Yvan Colonna ont été triplés et les moyens technologiques mis à leur disposition ont été considérablement renforcés.
    Enfin, je veille, bien sûr, à ce que la détermination des équipes d'enquêteurs ne soit pas amoindrie par le temps.
    L'arrestation d'Yvan Colonna est pour nousune priorité.
    Depuis la constitution du gouvernement de M. Raffarin, je reçois chaque mois Mme Erignac et ses deux enfants. Je leur ai rendu compte, dans le détail, des pistes que nous avions fermées et de celles qui sont ouvertes.
    Ce dispositif exceptionnel - un jour, on en connaîtra le détail - restera en place jusqu'à ce que M. Colonna soit arrêté. Nous pourrons alors tous enfin comprendre pourquoi il aura fallu tant de temps pour arrêter un criminel d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. Paul Giaccobbi. Très bien !

DIRECTION DE LA PROTECTION
JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

    M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe UMP.
    M. Dino Cinieri. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    L'amélioration des réponses apportées à la délinquance des mineurs a figuré parmi les attentes des Français en matière de sécurité.
    Le Président de la République a vu ses engagements mis en oeuvre par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, qu'il s'agisse de la procédure pénale applicable à la délinquance des mineurs ou des moyens fournis à l'ensemble de la communauté éducative et judiciaire. Cette loi fait de la lutte contre la délinquance des mineurs l'une des priorités de l'action du ministère de la justice. Au titre de cette priorité, ont été créés les centres éducatifs fermés destinés à la prise en charge des mineurs réitérants et récidivistes.
    Le Parlement a également consenti un effort important pour la prise en charge des mineurs en milieu ouvert et l'exécution des décisions prononcées par les magistrats de la jeunesse.
    Pour réussir dans la durée et porter ses fruits, cette politique a besoin de s'appuyer sur une structure administrative, solide et renouvelée. Or la Cour des comptes a procédé en 2001, à une enquête sur la gestion de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pour les exercices de 1996 à 2000. Cette enquête a donné lieu à un relevé de constatation provisoire adressé à la fin de l'année 2001 au ministère de la justice, mettant gravement en cause la gestion de la direction, dont la presse s'est fait l'écho au mois de mars 2002.
    Comment la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pourra-t-elle assumer le déploiement de ses priorités vu sa fragilité en matière de gestion ? Quelles mesures, monsieur le ministre, comptez-vous prendre pour tirer les conséquences du rapport de la Cour des comptes ? Cette enquête donnera-t-elle lieu à un rapport définitif et public et à quelle échéance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Effectivement, monsieur le député, la Cour des comptes a réalisé un rapport provisoire dont on a un peu parlé il y a quelques mois, et nous attendons toujours le rapport définitif qui devrait être publié, j'imagine, dans les prochaines semaines. L'administration a déjà répondu aux questions posées par la Cour des comptes sur cette gestion des années 1996 à 2000. La directrice de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a également été entendue.
    Sans attendre le rapport définitif, et compte tenu des informations dont je disposais, j'ai d'ores et déjà engagé un certain nombre de réformes.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le garde des sceaux. La première concerne le fonctionnement de cette administration. L'administration centrale a été renforcée et dotée d'un certain nombre de moyens permettant d'évaluer les politiques menées. Je suis également en train de renforcer les directions départementales pour doter cette direction, jusque sur le terrain, d'une structure qui lui permette de tenir sa place de façon efficace.
    J'ai commencé à supprimer un certain nombre d'associations para-administratives - il y en avait 170 -, dont la Cour des comptes a fortement critiqué l'existence. Ces associations vont soit disparaître, soit être intégrées dans des groupements d'intérêt public.
    J'ai engagé une réorganisation du centre de formation des éducateurs, de façon que la formation apportée à ces personnels essentiels dans la lutte contre la délinquance des mineurs et pour la prévention soit plus efficace et corresponde effectivement aux besoins de la société moderne.
    Enfin, je vous confirme que nous sommes en train de mettre en oeuvre les centres éducatifs fermés. Les premiers de ces établissements ouvriront le mois prochain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME DE L'APA

    M. le président. La parole est à Mme  Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ma question s'adresse au Premier ministre.
    Comme le principe de la retraite par répartition, l'allocation personnalisée d'autonomie illustre concrètement la solidarité entre les générations. Son succès démontre qu'elle répond de manière pertinente à un besoin majeur. Or vous vous apprêtez à remettre en cause ce progrès social. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous commencez bien mal la réforme des retraites que vous avez annoncée hier ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Selon le projet de décret présenté au comité des finances locales, votre gouvernement veut faire payer davantage les personnes âgées pour leur maintien à domicile (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), alors qu'elles souhaitent, bien souvent, vivre chez elles le plus longtemps possible. Par exemple, les personnes dont les ressources mensuelles sont comprises entre 623 et 949 euros, soit 4 000 et 6 200 francs, devront désormais acquitter elles-mêmes une partie des frais. Décidément, il ne fait pas bon être âgé et modeste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Alors que, dans le même temps, vous allégez l'impôt sur la fortune, vous faites supporter aux personnes âgées dépendantes et à leurs familles un effort financier particulièrement injuste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. Laissez Mme Danièle Hoffman-Rispal s'exprimer !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. N'oubliez pas que l'APA constitue un droit universel, incompatible avec l'instauration du recours sur succession que propose le ministre du budget. Ne négligez pas non plus le formidable gisement d'emplois nouveaux que représente le secteur de l'aide à domicile. Tout retour en arrière sera très mal ressenti ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Vous pouvez attendre deux minutes que Mme Hoffman-Rispal ait posé sa question. (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - « Non ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Continuez, madame.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous à la représentation nationale que vous comptez mettre en oeuvre une réforme drastique de l'APA (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) - pour reprendre une expression de M. Fourcade -, qui consistera à faire payer davantage les personnes âgées pour leur dépendance ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, soyez bien élevés.
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la députée, nous souhaitons en effet financer cette bonne mesure qu'est l'APA (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste)...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bonne mesure !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... alors que rien n'avait été prévu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Roman et M. Henri Emmanuelli. Il ne fallait pas réformer l'ISF !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. L'APA, pour l'année 2003, va coûter 3,7 milliards d'euros...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et l'ISF ?
    M. le président. Je vous en prie !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... dont deux tiers seront à la charge des départements et un tiers à la charge de l'Etat. Vous n'aviez prévu, mesdames, messieurs de l'opposition, que 2,5 milliards d'euros pour ce dispositif. Nous allons en assurer le financement et le rendre plus équitable.
    Il est faux de dire que les faibles revenus seront pénalisés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Premièrement, les mesures que nous allons prendre ne seront pas rétroactives, c'est-à-dire que les 800 000 personnes qui ont déposé des dossiers APA ne seront pas concernées. Deuxièmement, après l'entrée en vigueur des nouvelles mesures, 40 % des bénéficiaires de l'APA ne verseront aucune participation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. François Hollande. Et les 60 % restants ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées ... 25 % verseront une participation comprise entre 0 et 9 %, et 28 % verseront une participation de 10 à 20 %.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et l'ISF ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous allons donc sauver la mesure, assurer son financement et la rendre plus équitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Rires et exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    Selon vous, qu'il s'agisse de la retraite ou de l'APA,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et l'ISF ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées ... vous avez fait du social, nous n'en faisons pas.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Exactement !
    M. le président. Monsieur Falco...
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Pendant cinq ans, vous avez demandé des rapports sur la retraite, connaissant les difficultés que nous rencontrerions dans les années à venir, et vous avez pratiqué ce que vous savez fort bien faire, c'est-à-dire l'immobilisme ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous, nous répondons par de l'action, du social, de la solidarité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

    M. le président. La parole est à M. Guy Drut, pour le groupe UMP.
    M. Guy Drut. Monsieur le ministre de l'intérieur, dans la nuit de vendredi dernier, un incendie d'origine volontaire a ravagé le collège Henri-Dunant de Meaux, au coeur du quartier sensible de La Pierre Collinet. Tous les élèves de cet établissement, ainsi que l'ensemble du personnel enseignant, ne pourront reprendre les cours que dans quelques jours, dans des conditions d'urgence, en étant relogés dans des préfabriqués. Ils sont, comme tous les habitants et les acteurs publics de cette ville, profondément traumatisés par ce nouvel acte de délinquance d'une violence inouïe, mais ils ne baissent pas les bras et envisagent l'avenir avec courage et lucidité.
    A cet égard, monsieur le ministre, je tiens à rendre hommage à la réactivité des pouvoirs publics : les forces de police, le procureur, l'inspecteur d'académie, ainsi d'ailleurs que le conseil général. Ils se sont immédiatement mobilisés pour nous aider, Jean-François Copé, les élus de Meaux, moi-même, à essayer de trouver une solution. J'associe naturellement à cet hommage vos collègues Luc Ferry et Xavier Darcos, qui ont mis tout en oeuvre pour nous épauler dans nos démarches. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Cela peut vous arriver aussi, messieurs !
    Il n'en demeure pas moins que cet incident dramatique pose, une fois encore, malheureusement, la question du traitement de la délinquance dans les quartiers difficiles et, plus précisément, celle de la protection des établissements scolaires car, en plus, dans la nuit de lundi dernier, c'était le lycée Jean-Vilar, dans la même ville, qui était la cible de vandales.
    Monsieur le ministre, vous avez déjà fait beaucoup, et avec efficacité, mais, aujourd'hui, il nous faut aller plus loin, ne serait-ce que pour rassurer les parents qui ont peur pour leurs enfants.
    Ma question sera simple. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour assurer encore davantage la sécurité des établissements scolaires situés dans les quartiers difficiles et pour nous permettre à l'avenir de plus agir par anticipation que réagir dans l'urgence ? (Applaudissements sur de nombreux bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, votre question révèle trois faiblesses spécifiquement françaises.
    Dans nul autre pays en Europe, on ne provoque systématiquement de façon volontaire et criminelle des incendies de voitures. C'est parfaitement inadmissible. Cela fait des années que, dans notre pays, pour des raisons que nul ne pourrait expliquer et encore moins justifier, on laisse brûler sans aucune réaction les véhicules des gens qui habitent dans les quartiers les plus modestes. Le résultat est là. Ce qui a brûlé d'abord, c'est le véhicule de l'enseignant. Nous avons connu encore de nombreux incendies au cours de la nuit de la Saint-Sylvestre, mais il y a une différence, c'est que deux fois plus d'auteurs ont été interpellés. Avec Dominique Perben, nous allons veiller à ce qu'ils soient punis sévèrement. (Applaudissements sur de nombreux bancs de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Le « pas vu, pas pris », ça suffit, et ça suffit aussi quand il s'agit de nos compatriotes les plus exposés.
    Deuxième question, celle des quartiers dits sensibles. Dans le quartier de La Pierre Collinet, il y a tout un tas de gens qui ne demandent qu'une seule chose : pouvoir y vivre tranquillement. Les GIR de Seine-et-Marne, depuis quelques semaines, y ont procédé à cinquante interpellations. Les résultats sont insuffisants mais ils sont là : la délinquance a reculé de 6 %.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Troisième point, les collèges et les lycées. Xavier Darcos et Luc Ferry mènent une action déterminée et, dans les semaines qui viennent, nous allons vous proposer un plan spécifique avec notamment la vidéosurveillance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La violence est partout un cancer mais la violence est inadmissible et scandaleuse (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) quand elle touche des enfants que les familles confient à l'Etat pour qu'ils apprenent quelque chose.
    C'est le prochain défi qu'avec Xavier Darcos et Luc Ferry nous allons relever. Nos prédécesseurs ont fait si peu. Rassurez-vous, nous ferons mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Henri Emmanuelli. Démago !
    M. le président. Ne vous énervez pas ! Cela ne sert à rien !

RELATIONS ENTRE LES UNIVERSITÉS FRANÇAISES
ET ISRAÉLIENNES

    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.
    M. Claude Goasguen. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    Le 27 janvier dernier, le conseil d'administration de l'université Paris-VI adoptait une deuxième résolution remettant partiellement en cause la malheureuse résolution, d'ailleurs votée dans des conditions douteuses, qui concernait les relations privilégiées entre les universités françaises et israéliennes depuis l'accord conclu à l'initiative du gouvernement de Mme Cresson.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ce n'est pas vrai !
    M. Claude Goasguen. L'attitude initiale d'exclusion, voire de discrimination à l'égard d'universités israéliennes qui, par ailleurs, oeuvrent pour la paix...
    M. Maxime Gremetz. C'est une insulte pour les Israéliens et leurs universités !
    M. Claude Goasguen. ... a suscité, à juste titre, l'émotion de la communauté universitaire et des intellectuels de tous bords. De plus, elle a contribué à dégrader le climat entre étudiants appartenant à diverses communautés. Malheureusement, d'autres universités, comme celles de Grenoble ou de Montpellier, s'en tiennent à une attitude d'exclusion inadmissible.
    Il n'appartient, certes, ni au ministre ni à la souveraineté nationale d'attenter à l'autonomie de chaque université. De plus, les voeux émis par les conseils d'administration n'ont aucune valeur de droit positif.
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Et alors ?
    M. Claude Goasguen. Néanmoins, nous souhaiterions qu'une telle attitude...
    M. Maxime Gremetz. Quelle attitude ?
    M. Claude Goasguen. ... soit solennellement fustigée par le ministre de l'éducation nationale et que vous nous indiquiez quelle est la position du Gouvernement, afin d'effacer ce qui ne saurait représenter la communauté universitaire française, faite d'ouverture et non d'exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je partage votre préoccupation.
    Je n'ai pas attendu la date d'aujourd'hui pour déclarer ce que je pensais de la motion votée le 16 décembre par l'université Paris-VI. Vous l'avez rappelé à juste titre, les universités sont autonomes, mais cela ne m'empêche pas, à titre personnel et en tant que ministre, de répéter très clairement que je juge cette motion à la fois déplacée et absurde. Je constate d'ailleurs avec satisfaction qu'elle a été publiquement désavouée par les dix-sept autres universités de l'Ile-de-France.
    M. Claude Gatignol. Très bien !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je voudrais ajouter, si vous permettez que j'élargisse votre question, que je suis également préoccupé, et peut-être davantage encore, par la montée d'un fléau qu'on croyait éradiqué de nos établissements, notamment des collèges : la montée des actes et des propos antisémites. Je suis d'autant plus préoccupé par cette recrudescence de l'antisémitisme que, sous prétexte qu'il ne vient pas, le plus souvent, des parages habituels de l'extrême droite, il bénéficie sinon d'une relative tolérance, du moins d'une indifférence. Par conséquent, j'ai demandé hier même aux recteurs de veiller que tous les incidents racistes ou antisémites qui se produisent dans nos établissements soient punis avec la dernière sévérité. C'est le minimum. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais j'ai également demandé qu'on mette en place, au coeur même de notre administration et non pas dans un comité Théodule présidé par des intellectuels (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), une cellule de veille, de suivi et d'aide aux chefs d'établissement. En effet, face à des conflits communautaires, ceux-ci sont parfois en grande difficulté, ne sachant pas exactement quels mots choisir et comment expliquer aux élèves les principes républicains qui régissent notre école.
    Enfin, je crois que l'école est victime d'une dérive communautariste qui sévit en France depuis une dizaine d'années. C'est cela, le véritable problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.) Ayons le courage de rappeler les principes laïques et républicains au sein de l'école, notamment de dire que, dans la grande tradition française de la Déclaration des droits de l'homme, un être humain, qu'il soit enfant ou adulte, mérite d'être respecté, abstraction faite de toutes ses appartenances communautaires, qu'elles soient religieuses, linguistiques, nationales, culturelles, ethniques ou autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Emmanuelli. Vive la laïcité !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est cela qu'il faut rappeler, car nous l'avons peut-être un peu oublié dans les dix dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

EMPLOIS DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

    M. le président. La parole est à  M. Christophe Masse, pour le groupe socialiste.
    M. Christophe Masse. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Christian Bataille. L'intellectuel de luxe ! L'intellectuel décadent !
    M. Christophe Masse. Monsieur le ministre, l'emploi reste en France une grande préoccupation et il faut traiter cette question avec sérieux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Or, s'il existe un secteur dans lequel la responsabilité du Gouvernement est engagée, c'est bien l'éducation nationale. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Monsieur le ministre, dans le cadre de votre politique de démantèlement des contrats aidés, qu'ils s'agisse des CES, des CEC ou des emplois-jeunes, c'est toute une politique éducative et sociale que vous remettez en cause. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Christophe Masse. Les aides-éducateurs et les surveillants manifesteront d'ailleurs demain à ce sujet.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Bravo !
    M. Christophe Masse. Face à ce démantèlement, que proposez-vous ? Cinq mille assistants d'éducation supplémentaires. Mais la proposition a déjà été rejetée par le Conseil supérieur de l'éducation nationale et, de toute façon, elle ne vous permettrait pas d'innover comme vous le souhaitez : 5 000, c'est bien, mais c'est insuffisant, car c'est 20 000 postes qu'il faut pour juin 2003, puis 60 000 en 2004 et 40 000 en 2005 et 2006. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Pourquoi pas 500 000 ?
    M. Christophe Masse. Monsieur le ministre, savez-vous quelle est actuellement la plus grande entreprise de France qui licencie activement ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Daewoo !
    M. Christophe Masse. Quelle est la plus grande entreprise qui se sépare de sa jeunesse ? Quelle est celle qui organise le plus vaste plan social qu'ait jamais connu la France ? C'est votre ministère. C'est vous, monsieur le ministre, vous et votre gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Deflesselles. Démagogue !
    M. le président. Posez votre question, monsieur le député.
    M. Christophe Masse. Une avalanche de mots ne masquant que rarement une absence d'action, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour arrêter ce véritable massacre social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Théodule ! Théodule !
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je vais vous répondre avec grand plaisir, même si c'est pour répéter ce que j'ai déjà eu l'occasion de vous dire ici même à plusieurs reprises. Mais la répétition est l'âme de l'enseignement. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je vous redis donc très simplement, car il est inutile de tourner autour du pot, que le système des emplois-jeunes ne nous convenait pas.
    M. Bernard Roman. C'est pourquoi vous les jetez à la rue...
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Tout d'abord, c'était un système bâtard au sein du service public, puisque les contrats étaient de droit privé. En second lieu, personne n'avait réfléchi, lors de sa mise en place, aux véritables fonctions dont nous avions besoin au sein des établissements, si bien que la plupart des syndicats l'avaient alors rejeté, c'est un point que l'on a tendance à oublier, parce que cela arrange tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous mettons en place un meilleur système, celui des assistants d'éducation, et faisons porter nos efforts sur deux points particuliers : d'une part, il s'agira de contrats de droit public ; d'autre part, nous multiplierons par six le nombre des jeunes adultes qui s'occupent des enfants handicapés. Ainsi, en 2003, il y aura plus de surveillants dans nos établissements qu'il n'y en avait en 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    J'ajoute, pour compléter le tableau, que nous allons avoir la possibilité de recruter 30 000 enseignants par concours. Les professeurs comprennent ce que je dis et savent que c'est une excellente nouvelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

ENGAGEMENT CIVIQUE DES JEUNES

    M. le président. La parole est à M. Edouard Courtial, pour le groupe UMP.
    M. Edouard Courtial. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Théodule ! Théodule !
    M. Edouard Courtial. Monsieur le ministre, les jeunes se reconnaissent peu dans les partis et les institutions. Ils manifestent cependant, en certaines occasions, une véritable soif de mobilisation. Ils sont notamment désireux de s'impliquer dans la société civile, en collaborant à des projets associatifs, éducatifs ou humanitaires.
    Pourtant, il faut bien reconnaître que la politique menée jusqu'à maintenant en faveur de la jeunesse s'est peu préoccupée de répondre à cette soif d'engagement. A titre d'exemple, cette dernière est peu valorisée par notre système éducatif. Il en résulte une grande inégalité entre les jeunes, selon que leur milieu familial ou social leur permet ou non de se lancer dans ce type de projets.
    Aujourd'hui, le Gouvernement doit donner une nouvelle impulsion à la politique en faveur de la jeunesse, afin d'aider les moins de trente ans à mener à bien des actions civiques ou altruistes, et plus généralement pour contribuer à leur épanouissement.
    Monsieur le ministre, vous avez aujourd'hui même présenté en conseil des ministres un plan de promotion de l'engagement des jeunes. Par conséquent, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale quelles en sont les grandes lignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Théodule ! Théodule !
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, j'ai rencontré, cette année, de nombreux jeunes, dans les associations et dans les...
    Un député du groupe socialiste. Dans les salons !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... conseils de jeunes. Je les ai reçus et j'ai travaillé avec eux de façon fructueuse. A cette occasion, j'ai pu faire trois constatations qui justifient le projet que nous allons mettre en place au mois de mars prochain, et qui propose aux jeunes 10 000 projets d'engagement.
    La première constatation, c'est que les jeunes en ont par-dessus la tête d'être associés aux « sauvageons », à l'image de l'incivilité et de la violence. Au lieu d'annoncer que « des jeunes ont affronté la police dans tel ou tel quartier », la télévision devrait dire plus simplement que « des voyous ont affronté la police ». Car ce sont bel et bien des voyous, ce ne sont pas les « jeunes ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mon deuxième constat, c'est que, entre la vie publique dans les établissements scolaires et la vie privée dans la famille, il y a tout un espace intermédiaire dans lequel les jeunes qui n'ont pas de passion particulière pour un sport ou pour un art se trouvent un peu désoeuvrés. Les jeunes ont envie de s'engager pour les autres et d'être reconnus pour leurs engagements, mais ils ne savent pas trop comment s'y prendre. C'est pourquoi nous allons leur proposer, au mois de mars, 10 000 projets qui leur permettront de s'investir dans les associations de jeunesse ou d'éducation populaire, mais aussi dans les entreprises, et dans quatre domaines : celui de l'aide à autrui, du caritatif, de l'humanitaire ; celui du civisme, dans les conseils de jeunes ou dans des projets concernant la parité entre hommes et femmes ou le développement durable ; dans les domaines artistiques, sportifs et culturels ; et, pour les plus grands d'entre eux, puisque le dispositif s'adressera aux jeunes de onze à vingt-huit ans, dans le domaine de la vie économique, notamment de l'entreprise.
    Ce qui a changé depuis notre jeunesse, c'est que l'adolescence commence plus tôt et dure plus longtemps. Cette longue adolescence impose aux adultes qu'ils aident les jeunes à s'engager. Ce qui anime le projet, c'est l'idée que les adultes, tout en assumant le fait qu'ils sont adultes, vont aider les jeunes à s'engager dans des projets qui leur permettront de donner du sens à leur vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ACTIVITÉS DE L'AÉROPORT D'ORLY

    M. le président. La parole est à M. Jean Marsaudon, pour le groupe UMP.
    M. Jean Marsaudon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Excellent ministre !
    M. Jean Marsaudon. Monsieur le ministre, sans préjuger de ce que sera votre décision concernant l'implantation éventuelle d'un troisième aéroport en région parisienne, je souhaite attirer votre attention sur la situation du trafic sur la plate-forme d'Orly. Il est vrai que le bassin aéroportuaire d'Orly subit actuellement une très importante baisse de son activité économique, en raison, d'une part, des tragiques événements du 11 septembre 2001 et, d'autre part, des délocalisations d'entreprises que le précédent gouvernement a incitées à s'installer autour de Roissy. Cela entraîne de graves difficultés sur le marché de l'emploi dans le secteur, et une sérieuse baisse des ressources fiscales pour les communes riveraines.
    Aujourd'hui, on murmure que, pour relancer l'activité d'Orly, on pourrait y augmenter encore le trafic aérien. S'il s'agit uniquement d'accroître le nombre de passagers qui transitent par l'aéroport, soit. Mais s'il s'agit d'augmenter le nombre des appareils qui décollent ou atterrissent au-delà des 250 000 créneaux horaires fixés par l'arrêté du 6 octobre 1994, cela ne sera pas acceptable.
    Je rappelle, par ailleurs, que le 26 avril 1994 le schéma directeur de la région Ile-de-France a préconisé un maximum de 200 000 mouvements annuels, chiffre régulièrement dépassé dans la réalité. Il ne serait pas davantage acceptable que l'on remette en cause le couvre-feu nocturne et le fait que la piste n° 2 ne doit être utilisée qu'exceptionnellement. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez à nouveau confirmer aujourd'hui l'ensemble de ces dispositions visant à assurer la tranquillité des dizaines de milliers de riverains de cette zone fortement urbanisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Marsaudon, autour d'un aéroport de l'importance d'Orly, le développement économique est lié à l'acceptation par les riverains, par leurs représentants et par leurs associations, de certaines nuisances. C'est pour cette raison que, dès notre arrivée au Gouvernement, le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer et moi-même avons engagé une concertation avec les élus, dont vous faites partie, avec les associations et les agents économiques. Cette concertation a duré deux mois. Dès le 28 juillet, nous avons pris des mesures. Premièrement, je confirme le maintien du couvre-feu à Orly.
    Un député du groupe socialiste. Et à Roissy ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Deuxièmement, je confirme également le plafonnement à 250 000 créneaux horaires.
    Troisièmement, les trajectoires sont désormais respectées, et les compagnies aériennes qui ne se plieraient pas à cette règle seraient sanctionnées.
    M. Georges Tron. Il n'y a pas de problème !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Quatrièmement, nous allons confier à un parlementaire le soin de nous faire des propositions pour que le développement économique et les richesses fiscales qu'il peut générer soient équitablement partagés.
    Enfin, s'il faut encore développer Orly, monsieur le député, je demande que chacun prenne ses responsabilités. Nous estimons quant à nous que ce développement ne peut se faire que par un accroissement de la capacité d'emport des appareils. Toutefois, si l'on m'apporte une lettre signée de tous les élus des localités situées autour d'Orly et par laquelle ils déclareraient accepter le dépassement des 250 000 créneaux horaires, je serai prêt à les recevoir pour étudier la question avec eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

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SÉCURITÉ DU TRANSPORT MARITIME

Discussion d'une proposition de résolution
tendant à la création d'une commission d'enquête

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Edouard Landrain, Christophe Priou et Jacques Barrot tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité (n°s 503, 569).
    La parole est à M. Jacques Le Guen, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Jacques Le Guen, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, mes chers collègues, le 19 novembre 2002, soit moins de trois ans après le naufrage de l'Erika, un nouvel accident maritime majeur est survenu et dégrade aujourd'hui les côtes françaises. Le naufrage du pétrolier Prestige par 3 500 mètres de fond, avec 70 000 tonnes de fioul à son bord, est l'accident de trop.
    C'est en effet la troisième marée noire par du fioul lourd en moins de quatre ans dans les eaux européennes, après celles de l'Erika en 1999 et du Baltic Carrier en 2001. Je citerai également le naufrage du Ievoli Sun en Manche le 31 octobre 2000, avec 6 000 tonnes de produits toxiques, dont 4 000 tonnes de styrène à son bord, qui a constitué une réelle menace pour les côtes françaises.
    Le caractère récurrent des catastrophes maritimes ne peut aujourd'hui être ignoré, et il mérite réflexion. Certes, le risque zéro n'existe pas, mais il ne fait pas de doute que des mesures concrètes restent à prendre pour réagir face aux comportements délinquants dans le domaine maritime.
    Le Gouvernement n'est pas resté passif face à cette catastrophe. Dès le 14 novembre 2002, les moyens des centres de stockage POLMAR-terre ont été mis en état de préalerte ; le 3 décembre 2002, le préfet maritime de l'Atlantique a déclenché le plan POLMAR-mer, appliqué dès le lendemain par la décision de dérouter un navire.
    Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de débloquer des moyens financiers afin de lutter contre la pollution de nos côtes : 50 millions d'euros seront directement affectés au plan POLMAR afin de financer des actions de nettoyage, notamment pour les communes les plus petites. Les moyens humains déployés ont également été très importants.
    Ces mesures font suite à des engagements importants : ainsi, lors du sommet de Malaga, le 26 novembre 2002, la France et l'Espagne ont décidé d'interdire désormais l'accès de leurs zones économiques exclusives aux « navires-poubelles » que sont les pétroliers de plus de quinze ans, à coque unique et qui transportent des produits pouvant présenter un risque pour le milieu marin, tels que le fioul lourd ou le goudron.
    Par ailleurs, lors du conseil des ministres du 4 décembre 2002, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, a annoncé un ambitieux programme d'actions pour améliorer la sécurité maritime, notamment par un renforcement des contrôles des navires.
    Ces mesures vont bien évidemment dans le bon sens. Mais elles font suite à d'autres engagements et plans d'actions, proposés après le naufrage de l'Erika, et dont il faut aujourd'hui évaluer l'efficacité et l'application.
    Partant de ce constat, nos collègues Edouard Landrain, Christophe Priou et Jacques Barrot ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité.
    L'application conjointe de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale conduit à examiner la recevabilité de cette proposition de résolution avant de se prononcer sur son opportunité.
    Concernant la recevabilité de la proposition de résolution, le principal obstacle pourrait résider dans l'existence de poursuites judiciaires en cours : les pollutions maritimes consécutives aux naufrages de l'Erika et du Prestige ont en effet donné lieu à deux procédures d'information judiciaire en cours, la première depuis le 15 décembre 1999 au tribunal de grande instance de Paris, la seconde depuis le 2 janvier 2003 au tribunal de grande instance de Brest.
    Cependant, ces actions judiciaires ne devraient pas empêcher la création d'une commission d'enquête parlementaire dont l'objet n'est pas d'examiner les causes particulières des naufrages de l'Erika et du Prestige, et encore moins de rechercher les responsables directs de ces accidents.
    Quant à l'opportunité de créer une commission d'enquête, elle ne fait pas de doute : il n'est que de voir les marées noires à répétition, malgré les dispositifs existants.
    La proposition de résolution soumise à notre examen prévoit quatre champs d'investigation, dont je tiens à souligner la pertinence.
    Il s'agit, en premier lieu, d'évaluer l'efficacité des dispositifs existants en matière de sécurité maritime, de prévention des pollutions marines par les hydrocarbures et de lutte contre ces pollutions. Ces questions sont en effet régies par plusieurs dispositifs, législatifs, communautaires mais aussi internationaux, comme le Mémorandum de Paris de 1982 sur le contrôle des navires étrangers par l'Etat du port.
    Par ailleurs, la prévention et la lutte contre les pollutions relèvent essentiellement des plans POLMAR-terre et POLMAR-mer, qui sont très largement interministériels.
    Un bilan du fonctionnement et de l'efficacité de ces dispositifs est aujourd'hui nécessaire. Leur caractère interministériel s'accompagne en effet d'une multiplicité d'intervenants, dont il est aujourd'hui indispensable d'évaluer l'action : il faut définir précisément quelles sont les missions de chacun, afin d'éviter tout risque de doublon, établir clairement les responsabilités et garantir une intervention rapide et efficace.
    La proposition de résolution prévoit, en second lieu, qu'il reviendrait à la commission d'enquête d'examiner si les mesures préconisées par la commission d'enquête du 5 juillet 2000 sur la sécurité maritime des produits dangereux ou polluants, constituée à la suite du naufrage de l'Erika, ont bien été appliquées ou sont en passe de l'être.
    Rappelons en effet que cette commission d'enquête avait formulé de nombreuses propositions de grande qualité et traitant un grand nombre de sujets. Concernant la prévention des pollutions, elle a ainsi proposé des mesures concrètes portant sur les contrôles de sécurité, les pavillons de complaisance ou encore le partage des responsabilités entre pollueurs potentiels. S'agissant de la lutte contre ces pollutions, elle avait proposé la révision du plan POLMAR-mer, une meilleure association des communes au plan POLMAR-terre, l'accroissement des moyens accordés à ces plans, ou encore un partage plus clair des responsabilités. Il semble pour l'instant que, parmi ces propositions, peu se soient traduites par des mesures concrètes. Un bilan doit donc être établi.
    En troisième lieu, la proposition de résolution prévoit de charger la commission d'enquête d'apprécier l'état d'avancement de la France dans l'application des objectifs du « Paquet Erika I » et dans la transposition des directives européennes relatives au contrôle renforcé des navires à risque. Là encore, de nombreuses propositions n'ont pas forcément été traduites dans les faits.
    Quatrième point, la commission aura à formuler des propositions concrètes pour mettre en place une politique de sécurité maritime ambitieuse, à l'échelon national, européen et international.
    Je souscris pleinement à l'analyse de MM. Edouard Landrain et Christophe Priou : si des mesures concrètes s'imposent aujourd'hui à l'évidence, une évaluation des dispositifs existants est avant tout nécessaire afin d'identifier les points de blocage et de proposer des actions pertinentes.
    Il revient à la représentation nationale de mener une telle réflexion, dans le cadre d'une commission d'enquête.
    C'est pourquoi j'appelle l'Assemblée nationale à adopter la proposition de résolution soumise à notre examen, conformément au vote unanime de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord vous dire qu'il va de soi que le Gouvernement est extrêmement favorable à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux. Les quatre champs d'investigation de cette commission d'enquête, que M. Le Guen vient de rappeler, sont particulièrement importants et lui permettront d'éclairer utilement le débat actuel.
    A la suite du naufrage de l'Erika, une première commission d'enquête avait été constituée. Je salue d'ailleurs le travail qu'avaient fait à l'époque M. Daniel Paul et M. Jean-Yves Le Drian. Le Conseil économique et social, en 2000, avait également fait un travail tout à fait intéressant sur ce sujet.
    Nous nous réjouissons également, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de la constitution de cette commission d'enquête parce que la sécurité maritime, cela a été dit par M. le rapporteur, est une priorité du Gouvernement. Je l'ai rappelé encore il y a quelques jours devant la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, qui travaille également sur ce sujet. Et chacun se souvient des paroles fortes du Président de la République, qui a parlé des « voyous des mers ». C'est un terme qui montre bien la très forte détermination des pouvoirs publics français.
    Des navires sûrs, des équipages qualifiés, une circulation protégée, des cargaisons identifiées sont naturellement les objectifs fondamentaux d'une politique de sécurité maritime. Mais dans cette affaire - et les députés ici présents, qui connaissent bien le sujet, le savent -, la France n'est pas seule : l'action doit être mondiale, elle doit être européenne...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très juste !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... et bien sûr nationale.
    Sur le plan international, nous avons des défis à relever au sein de l'Organisation maritime internationale. Ces défis s'appellent conditions de travail des marins, amélioration des routes maritimes, augmentation des points de signalement obligatoire des navires, et puis, bien sûr, élimination progressive et définitive des navires dangereux.
    Le secrétaire général de l'OMI a confirmé au Gouvernement français, dans un courrier récent, la volonté de se mobiliser au sein de cette organisation pour examiner toutes les mesures qui peuvent être nécessaires. Il faut naturellement que la France et l'Europe soient porteuses d'un message très fort pour que les bonnes intentions de l'OMI, si tant est qu'elles soient telles, se traduisent dans la réalité.
    Au sein du FIPOL - M. Priou est souvent intervenu sur ce sujet -, il faut aussi que nous portions le trésor de guerre au niveau des vrais besoins, en passant rapidement de 184 millions d'euros à 270 millions d'euros.
    Je voudrais rappeler, enfin, que le conseil des ministres a récemment adopté la procédure de ratification de cinq conventions internationales relatives aux gens de mer. Il reste un sixième texte. Ces conventions devront naturellement être ratifiées.
    Notre premier objectif est de passer d'un taux de prise en charge des dépenses liées au naufrage de l'Erika de 80 % à 100 % au prochain comité exécutif du FIPOL.
    Notre second objectif est d'ouvrir, comme le souhaitent les élus d'Aquitaine et de la côte atlantique, une deuxième antenne du FIPOL en France, à Bordeaux - une première antenne avait été ouverte à Lorient.
    Sur le plan européen, nous avons bâti un dispositif réglementaire important avec les paquets Erika I et Erika II. Les derniers textes seront prochainement transposés. Après la catastrophe du Prestige, il y a eu une véritable mobilisation européenne, avec une attitude commune de la France et de l'Espagne. Un vote qui nous apparaissait au départ difficile a été acquis à l'unanimité au conseil « Transports » du 6 décembre à Bruxelles. Il y a eu ensuite une affirmation très forte de la part des chefs d'Etat et de gouvernement au Conseil européen de Copenhague. Il a été décidé, par exemple, d'accélérer la disparition des navires à simple coque transportant des marchandises dangereuses, ou encore de présenter avant le 1er juillet 2003 des plans d'identification des lieux de refuge pour les navires en détresse. Sur ce point des lieux de refuge, qui n'est pas simple - les élus de sites portuaires le savent, chacun aimerait que le lieu de refuge soit plutôt chez le voisin -, une mission interministérielle a été mise en place par le ministère des transports et de la mer et le ministère de l'environnement. Nous devons répondre à la Commission avant le 1er juillet 2003 et apporter une réponse adaptée à la France. Je souhaite, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que la commission d'enquête puisse nous apporter sa réflexion sur la définition des lieux de refuge...
    M. Patrick Ollier, président de la commission, et M. Jacques Le Guen, rapporteur. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... et sur la politique qui convient le mieux en la matière.
    Enfin, la directive du 13 décembre 1999 sur le temps de travail des gens de mer a été transposée en droit interne par un arrêté du 13 décembre 2002. Il faut maintenant veiller à ce qu'il soit appliqué.
    Je voudrais dire un mot sur l'Agence européenne de sécurité maritime, qui est un instrument important. Il a été reproché à notre gouvernement d'avoir désigné un peu tardivement son représentant. Nous l'avons fait, en effet, en dernier. C'est que nous avons voulu agir différemment, ne pas désigner un haut fonctionnaire - quelles que soient par ailleurs les qualités des hauts fonctionnaires - mais plutôt quelqu'un du milieu maritime, en l'occurrence un armateur. La France a désigné M. Vallat, qui vient d'être élu vice-président de cette agence pour les deux premières années et qui en assumera la présidence durant la troisième année. Quant au choix du siège de l'agence, le Président de la République a rappelé récemment qu'il défendait la candidature de Nantes. Il est important pour la France que nous soyons entendus sur ce point. C'est une bagarre à mener au niveau européen.
    L'action à mener se situe, en troisième lieu, au niveau national.
    Sur le nombre d'inspecteurs nécessaires pour arriver au fameux taux de contrôle de 25 %, une polémique est née, dans laquelle je ne veux pas entrer. Lorsque le gouvernement actuel est arrivé aux affaires, nous en étions environ à 10 % de navires contrôlés. Nous en étions là au mois de juillet. Je dois dire d'ailleurs, pour être parfaitement honnête, que c'était dû aussi au fait que les inspecteurs recrutés par le précédent gouvernement étaient en formation. Grâce à un travail important de nos services, nous avons pu atteindre et même dépasser au mois de décembre le fameux taux de 25 %, et ce en comptant simplement sur les inspecteurs du cadre, qui ont accompli un travail énorme.
    Cela dit, la formation de nouveaux inspecteurs étant en cours, et l'effort qui a été demandé aux inspecteurs ne pouvant leur être demandé de manière permanente, nous avons décidé de faire appel à des experts vacataires. Nous avons eu plus de 120 candidats. A cet égard, je remercie un certain nombre de membres de la représentation nationale - je pense notamment à Mme Tanguy -, qui nous ont adressé un grand nombre de candidatures d'experts. Sur ces 120 candidatures, soixante-dix-sept ont été retenues et soixante-deux vacataires ont été embauchés, après un entretien avec leur directeur régional des affaires maritimes. Ces soixante-deux vacataires viennent renforcer les effectifs des équipes d'inspection. Nous allons donc non seulement atteindre l'objectif de 25 % - nous l'avons déjà atteint en décembre - mais le dépasser et aller beaucoup plus loin dans les contrôles.
    M. Didier Quentin. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Une autre mesure nationale vise à écarter de notre zone économique exclusive les pétroliers à simple coque âgés de plus de quinze ans et transportant des fiouls lourds. J'avoue qu'il faudra bien que nous réfléchissions aux fondements juridiques de tout cela. D'ailleurs, la commission d'enquête pourra également nous aider dans ce domaine. Il reste que les autorités maritimes, en particulier notre marine nationale, appliquent sans faiblesse cette consigne donnée par le Président de la République à la suite du sommet de Malaga. Au moins trente navires ont été envoyés au large de cette zone, comme le Gouvernement en avait pris l'engagement.
    Nous devons, enfin, essayer de réduire les zones de non-droit. Dans ce processus important, politiquement lourd de conséquences, qu'est l'élargissement de l'Union européenne, il nous faut bien négocier l'entrée de Chypre et de Malte dans l'Union européenne, et bien traiter le problème des pavillons de complaisance.
    J'ai lu ce matin, peut-être comme vous, deux pages assez effarantes dans la presse nationale consacrées aux mécanismes mis en place par certains affréteurs - si tant est qu'ils méritent ce nom - ou certains armateurs. Il faut frapper les vrais coupables et essayer de les trouver là où ils sont. Là encore, le Gouvernement attend de la commission d'enquête qu'elle fasse des propositions fortes, et je pense naturellement qu'elle sera en mesure d'en faire. Il faudra fixer des niveaux de sanction dissuasifs, essayer de trouver les vrais coupables, lutter contre les moins-disants maritimes - par le biais, certainement, d'un renchérissement des obligations d'assurance, ce qu'ont fait les Etats-Unis d'Amérique. Il faudra aboutir à l'élimination de facto des navires dangereux et pourquoi pas - il ne faut pas rêver, ce sera difficile, mais c'est nécessaire - de certains opérateurs peu crédibles.
    La semaine dernière, M. Vidalies posait une question, ici même, dans laquelle il rappelait ce qui se passe actuellement sur les côtes landaises. Ces jours-ci, ces heures-ci même, on a pu voir des images montrant la situation sur les côtes des Pyrénées-Atlantiques. Lorsque le malheur s'abat sur nos côtes, nous devons pouvoir disposer de moyens supplémentaires nous permettant de lutter contre les pollutions. A cet égard, je rends hommage aux équipes qui sont en mer actuellement et qui travaillent dans des conditions météorologiques difficiles, ainsi qu'aux pêcheurs espagnols qui, souvent bénévolement, viennent appuyer les moyens de la flotte européenne basée au port de La Rochelle-La Pallice.
    Mais les moyens POLMAR-terre doivent être encore plus adaptés et les stockages plus sécurisés. Je propose également à la commission d'enquête de réfléchir à la question des navires dépollueurs. Il serait bon que nous ayons en Europe, pour la façade ouest, la Manche, la mer du Nord, un ou deux grands navires dépollueurs à l'échelle européenne, capables d'arriver rapidement sur zone et d'intervenir. La même chose serait naturellement souhaitable pour la façade méditerranéenne. Quatre sociétés ont répondu à des appels d'offres que nous lançons actuellement dans ce domaine, et nous allons voir comment avancer, en particulier au niveau européen.
    Mesdames, messieurs les députés, je crois que cette commission d'enquête rendra un grand service à l'action des pouvoirs publics, à l'action française et à l'action européenne. Nous en attendons beaucoup de propositions, et il va de soi que l'ensemble des moyens des services de l'Etat seront mis à sa disposition. Le Gouvernement attend beaucoup d'elle. La lutte contre les voyous des mers ne doit pas être simplement présente dans nos discours, ceux que nous tenons tous à l'intérieur de cette enceinte, elle doit être l'objet d'un travail quotidien. Je suis convaincu que la mise en place de cette commission d'enquête nous permettra de réaliser des avancées importantes et significatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Edouard Landrain.
    M. Edouard Landrain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Jacques Le Guen a excellemment exposé les termes du problème posé par le naufrage du Prestige.
    Quant à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souligné un certain nombre de choses qu'il faudra faire et rappelé les mesures que l'on aurait déjà dû prendre et qui avaient été prévues par le passé à la suite du dépôt de l'excellent rapport de la commission d'enquête sur le naufrage de l'Erika.
    Les Français ne comprennent pas. Ils se demandent pourquoi, si peu de temps après un précédent naufrage, il a été possible qu'un navire poubelle puisse couler dans des conditions comparables et que sa cargaison puisse polluer nos côtes, alors qu'on aurait pu penser que tout avait été mis en place pour éviter le renouvellement de ce genre de catastrophe.
    « Plus jamais ça », avait-on dit à la fin de la commission d'enquête sur le naufrage de l'Erika. Des préconisations, des conseils, des recommandations avaient été posés. Ont-ils été suivis d'effets ? C'est une question que nous sommes en droit de nous poser.
    L'Assemblée nationale ne pouvait pas être absente du débat qu'ouvre le naufrage du Prestige. La création d'une commission d'enquête sur cette catastrophe nous paraît donc parfaitement légitime, voire indispensable.
    La commission d'enquête précédente avait fait un travail sérieux et reconnu. Mais les textes qui en sont sortis, même s'ils ont rencontré l'approbation de tous, n'ont sans doute pas été totalement enregistrés et compris. Qu'en a-t-il été ? A-t-on été suffisamment réactif ? Y a-t-il eu de l'indolence, sinon même de la négligence ?
    Qu'a-t-on fait pour le contrôle des navires ?
    Qu'a-t-on fait en matière de techniques de récupération ? Vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'Etat, de navires dépollueurs. Qu'en a-t-il été ?
    La commission d'enquête sur le naufrage de l'Erika avait regretté le manque de remorqueurs de puissance de haute mer. Qu'en a-t-il été ?
    Elle avait également déploré le manque d'avions de repérage. Qu'en a-t-il été ?
    On avait évoqué la création de ports-refuges. Qu'en a-t-il été ?
    On avait suggéré la mise à disposition de moyens sur terre comme sur mer. Qu'en a-t-il été ?
    La commission devra revenir sur toutes ces questions, et sur bien d'autres.
    Vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, évoqué un certain nombre de pistes sur lesquelles s'engager, et pas seulement au plan national, mais aussi au plan européen, et au plan mondial.
    Est-ce que, en 2003, le droit maritime, qui est en vigueur depuis quelques lustres, répond encore à nos préoccupations actuelles ?
    Les Etats-Unis ont réussi, en prenant des mesures drastiques, à empêcher que de tels drames se reproduisent chez eux. Ainsi, ils ont interdit l'approche de leurs côtes aux navires à simple coque de plus de quinze ans et aux navires affretés par des gens ne présentant pas des garanties financières et d'assurances suffisantes. Ils s'appuient aussi sur un corps de garde-côtes extrêmement performant. Pourquoi les Etats-Unis ont-ils réussi, là où nous, c'est le moins qu'on puisse dire, nous patinons ?
    Est-il nécessaire de créer un corps de garde-côtes européen ? La coopération entre les différents pays de l'Union européenne est-elle actuellement suffisante pour garantir la sécurité sur nos mers ? Voilà les questions que nous devrons nous poser !
    La commission devra consulter et interroger tous ceux qui ont eu à connaître du problème. Elle devra rechercher les responsabilités éventuelles et mieux définir les moyens permettant d'éviter que ne se reproduisent de tels drames. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.
    M. Maxime Bono. Mes chers collègues, notre commission des affaires économiques s'est prononcée favorablement et à l'unanimité sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime.
    Comment, en effet, ne pas réagir devant la répétition de ces catastrophes écologiques qui frappent nos côtes, ainsi que devant le risque toujours présent et l'ampleur des récidives ? Comment ne pas s'interroger, corrélativement, sur l'efficacité des mesures préconisées après le naufrage de l'Erika, le 12 décembre 1999 ?
    C'est donc par souci d'efficacité, très sereinement, et animés d'une volonté affirmée de poursuivre ce que le gouvernement précédent avait engagé, que les députés socialistes sont prêts, aujourd'hui, à accueillir favorablement cette proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la sécurité maritime.
    Toutefois, il serait vain de vouloir faire jouer à cette future commission le rôle d'un procureur qui tenterait de prouver que les marées noires qui nous ont frappés auraient pour cause une quelconque inaction du gouvernement précédent. J'aborde ce sujet parce que certains s'y sont hasardés et que l'orateur précédent m'a semblé laisser entendre que c'était le cas.
    M. Edouard Landrain. J'ai parlé de la recherche d'éventuelles responsabilités !
    M. Maxime Bono. Je me permettrai donc de rappeler qu'au plan national, dès le 10 février 2000, le ministre de l'équipement, des transports et du logement de l'époque, M. Gayssot, avait organisé une table ronde réunissant les principaux acteurs du transport maritime pétrolier de France. Tous s'étaient alors engagés en signant une charte, qui précisait notamment que les affréteurs prenaient l'engagement de ne plus utiliser de navires à simple coque à partir de 2008, de navires de plus de quinze ans sauf s'ils ont été soumis à des contrôles très stricts, ainsi que de navires qui ont souvent changé d'armateurs et de sociétés de classification.
    Par ailleurs, deux comités interministériels de la mer, les fameux CIMER, se sont tenus les 28 février et 27 juin 2000, sous la présidence du Premier ministre de l'époque. Il y a été décidé le renforcement des effectifs des centres de sécurité des navires, l'extension des missions des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage - les CROSS -, la réforme du dispositif de formation des inspecteurs de sécurité des navires, le lancement du plan de modernisation des aides à la navigation prévoyant la mise en place de bouées de nouvelle génération et d'aides radioélectriques, et, surtout, le renforcement du corps des officiers de port.
    S'agissant de ce dernier point, vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat - et je vous en remercie -, que seize postes ont été créés au titre de la loi de finances pour 2001 et sept autres au titre de la loi de finances pour 2002. Quant à vous, vous avez décidé, pour 2003, la création de sept postes supplémentaires pour atteindre l'objectif de trente postes, fixé en février 2000, ce dont, comme beaucoup d'entre nous, je me réjouis.
    Au plan international, après le naufrage de l'Erika, la France a contribué à faire progresser de manière significative la sécurité maritime, en particulier lors de sa présidence de l'Union européenne.
    Trois mois après le naufrage de l'Erika, la Commission européenne adoptait une première série de propositions connues sous le nom de « paquet Erika 1 », relatif, d'une part, au renforcement du contrôle des navires par l'Etat du port et des contrôles des sociétés de classification et, d'autre part, à l'élimination accélérée des navires pétroliers à simple coque.
    Sous l'impulsion de la France, un second train de mesures, dit « paquet Erika 2 », a rapidement suivi le premier. Une agence européenne de sécurité maritime a été créée et un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information du trafic maritime mis en place.
    Par une circulaire de février 2002 et un décret du 4 mars de la même année, la France a amorcé l'application de ce dispositif dans ses aspects réglementaires. Néanmoins, force est de constater qu'à ce jour le Parlement français n'a toujours pas été saisi de la transposition des cinq directives des « paquets Erika ». Cela dit, à la date du naufrage du Prestige, seul le Danemark - j'y insiste - avait transposé dans son droit interne un de ces cinq textes !
    Notre action volontariste, au plan national comme au plan international, n'est donc pas à remettre en cause.
    En revanche, comment ne pas s'étonner de la position de la droite européenne qui, le 12 décembre dernier, au Parlement européen, a rejeté la demande de création d'une commission d'enquête sur la sécurité maritime, demandée, entre autres, par le groupe socialiste ?
    Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'heure n'est pas à la polémique mais à l'action. Loin de nous opposer à votre démarche, nous pourrions nous y associer pleinement.
    La commission d'enquête, en l'état actuel de nos débats, s'attacherait à explorer quatre champs d'investigation : efficacité des dispositifs existants ; mise en oeuvre des mesures préconisées par la commission d'enquête instituée après le naufrage de l'Erika ; état d'avancement de notre pays dans la transposition des directives européennes ; propositions concrètes.
    Il nous semble cependant indispensable que la commission inclut sans équivoque possible dans son champ d'investigation les conditions de déclenchement et d'application des plans POLMAR-terre et POLMAR-mer, à la lumière tant des informations tirées du rapport du 5 juillet 2000 que de leur récente mise en oeuvre à l'occasion du naufrage du Prestige. Cela fait l'objet d'un amendement que présentera notre collègue Jean-Pierre Dufau et que la commission des affaires économiques a accepté à l'unanimité.
    Dans le même ordre d'idées, c'est-à-dire afin de remplir au mieux notre mission d'information, un second amendement vous sera proposé dans le but d'examiner les conditions de coopérations transfrontalières, tant il est vrai que les pollutions, elles, ne connaissent pas de frontières.
    A cet égard, il convient de rappeler l'historique de la triste épopée du Prestige. M. Laudrain estime qu'elle ressemble beaucoup à celle de l'Erika, mais, pour ma part, j'estime qu'il y a des différences non négligeables.
    Le Prestige, pétrolier à simple coque, vieux de vingt-trois ans, affrété en Russie, battant pavillon panaméen et disposant d'un équipage grec que l'on dit expérimenté, avait été contrôlé en 2001 par une société américaine et reconnu « bon pour le service », et restait autorisé à accoster dans certains ports américains en eau profonde. Parti de Saint-Pétersbourg, il a subi une forte tempête de plusieurs jours - quatorze jours, je crois - dans le golfe de Gascogne, sans subir d'avarie. Le 13 novembre, à la suite d'un choc important, sans doute causé par un container perdu par un navire qui le précédait, le Prestige à lancé un signal de détresse et a demandé à accoster au port de Vigo, ce qui lui fut refusé. Six jours plus tard, il sombrait. Vous connaissez la suite.
    Même sans aucun esprit de polémique ni sans s'arroger un quelconque droit d'ingérence, il est difficile de ne pas s'interroger sur la façon dont les gouvernements français et espagnol ont coopéré durant ces six jours d'errements erratiques et d'hésitations. L'ensemble de ces points méritent, à n'en pas douter, d'être examinés, et de faire l'objet d'une enquête. C'est aussi cela qu'attendent de nous nos concitoyens. C'est aussi cela que nous devons faire si nous voulons nous montrer efficaces dans le futur.
    J'ose espérer, mes chers collègues de la majorité, que vous n'aurez pas sur ce sujet la même attitude inquiétante que celle de la droite européenne qui, au Parlement européen, a refusé - dans quels buts ? pour quelles raisons ? - la constitution d'une commission d'enquête sur le sujet.
    M. François Goulard. C'est par respect du principe de subsidiarité. C'est à nous de travailler !
    M. Maxime Bono. Mes chers collègues, cette commission d'enquête sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux sera la deuxième à avoir été créée sur le sujet en moins de trois ans. Entre les deux décisions de création de ces commissions, le Ievoli Sun, en octobre 2000, le Baltic Carrier, en 2001, et le Prestige, hier, ont fait subir de graves dommages à notre littoral ou fait peser de graves menaces sur celui-ci. Cela démontre que notre action - celle de l'Etat, celle du législateur, et, plus largement, celle des pouvoirs publics - devra nécessairement s'inscrire dans la durée et dans un cadre plus vaste que le simple cadre national.
    Il n'en demeure pas moins vrai que les législations européennes sont difficilement applicables à l'ensemble des navires qui transitent dans nos eaux territoriales, a fortiori quand ils n'accostent pas dans nos ports.
    Hélas ! Comment ne pas souligner la prégnance dans le monde du transport maritime de la recherche du profit maximum pour une responsabilité minimum ?
    Aux termes de la convention de Genève de 1958 sur la haute mer et de la convention de 1982 sur le droit de la mer, « les navires naviguent sous le pavillon d'un seul Etat et se trouvent soumis à sa juridiction exclusive en haute mer ». La loi du pavillon est donc l'expression de la souveraineté d'un Etat sur un navire. Elle implique parallèlement des obligations. Or certains Etats ne sont pas toujours en mesure ou n'ont pas toujours la volonté de les assumer. Et nous savons que, en l'absence d'un code de l'Etat du pavillon, les Etats respectent mal leurs engagements internationaux.
    Nous savons aussi que certains pays n'hésitent pas à pratiquer un dumping social très préjudiciable à la sécurité maritime.
    Enfin, comment ne pas évoquer les conditions de recrutement de certains équipages ? Ces recrutements sont effectués de plus en plus pour le compte des armateurs par des sociétés spécialisées, appelées manning operators, expression que j'aurais bien du mal à traduire correctement en français, mais que d'aucuns n'hésitent pas à traduire par « marchands d'hommes ».
    M. le président. Monsieur Bono, je vous invite à conclure !
    M. Maxime Bono. Je termine, monsieur le président.
    Tout cela doit nous inciter, mes chers collègues, comme nous y sommes invités, à examiner sans complaisance l'état d'avancement de notre législation et les moyens que nous affectons à la sécurité maritime. Nous y sommes prêts.
    Par ailleurs, tous ces éléments nous rappellent aussi à un devoir de cohérence, pour que ne sévissent plus de par le monde les ravages d'une concurrence exacerbée et féroce, qui sont, en réalité, ceux d'une mondialisation libérale effrénée qui ne respecte pas plus les Etats et les peuples qu'elle ne porte attention aux hommes et aux femmes, qu'elle broie dans sa recherche exclusive du profit.
    Voilà, mes chers collègues, l'état d'esprit dans lequel nous aborderons les travaux de cette commission. Je ne doute pas que beaucoup d'entre vous se reconnaissent dans celui-ci et que, dans quelques instants, ils n'hésiteront pas à s'associer à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.
    M. Jean Lassalle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis élu de l'un des départements lourdement sinistrés par l'affaire qui nous occupe cet après-midi. Je suis non seulement l'un des députés des Pyrénées-Atlantiques, mais aussi le président de la commission du tourisme et celui de l'association des maires du département.
    Bien entendu, dans une affaire comme celle-là, chacun a dit avec son style et avec son coeur ce qu'il ressentait. Force est de constater que, dans de tels moments, notre sentiment est un peu partagé entre le désir de crier notre écoeurement, de dire combien nous sommes touchés dans ce que nous aimons le plus profondément, combien nous sommes touchés dans notre chair, et le souhait de trouver le ton juste pour ne pas alarmer inutilement toutes celles et ceux qui devaient venir nous rendre visite, notamment au cours de l'été prochain, car c'est sur eux que repose une part très importante de notre économie.
    Les marins, les hommes de la mer sont touchés. Les plages de Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Bidart, Guéthary et bien d'autres, les plages des Landes et de la Gironde, bref les plages du littoral atlantique - nous sommes un des pays qui a la plus grande façade atlantique - sont touchées, et les centaines de millions qui leur ont été consacrés semblent, du jour au lendemain, avoir été investis en pure perte. Tout le secteur de la pêche est logé à la même enseigne.
    Et partout se posent les mêmes questions : comment une telle catatrophe est-elle possible en 2002, alors que nous disposons, a priori, de tant de moyens modernes, de tant de technologies, de tant d'intelligences...
    M. Jean-Pierre Dufau. A priori !
    M. Jean Lassalle. ... pour la prévenir, pour stopper les « cargos voyous », comme on les appelle ? Comment se fait-il que nous n'ayons pas d'appareils permettant de pomper les hydrocarbures le moment venu ? Comment se fait-il que nous n'ayons pas du matériel pour barrer la route au liquide funeste qui vient, jour après jour, se déposer sur notre littoral ? Que font les autorités françaises ? Les autorités européennes ? Les autorités mondiales ?
    Et, pour autant, il ne faut pas verser dans le catastrophisme.
    Je suis donc très heureux que nos collègues du groupe de l'UMP aient pris l'initiative de déposer cette proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête parlementaire sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux et que M. le secrétaire d'Etat ait appuyé fortement cette demande.
    J'ai déjà la chance de participer à une commission d'enquête, et je me rends compte que cela peut servir de thérapie de groupe, si je puis dire. En effet, il est des moments où des hommes et des femmes gravement touchés par un événement ont besoin de dire à d'autres, qui sont des responsables, ce qu'ils ont sur le coeur et ce qu'ils ressentent tant ils ont le sentiment de parler dans le désert, d'exprimer des opinions dont il ne sera jamais tenu compte, tant ils sont persuadés que l'événement en question se reproduira dans un, deux ou trois ans.
    Je suis également bien placé pour savoir que les réponses ne « saute pas aux yeux ». Sinon, elle seraient connues depuis longtemps. Mais s'il existe des solutions, c'est ensemble que nous devrons les appliquer. Nous disposerons certainement pour cela de tous les ingrédients nécessaires. Il faut donc se mettre au travail. Et qui mieux qu'une autorité supérieure, respectée de tous, réunissant toutes les forces qui la composent, qui mieux que l'Assemblée nationale peut le faire ? Il faudra par conséquent qu'elle détermine qui sont les responsables, car si nous ne répondons pas à ces questions, nous n'inspirerons plus jamais confiance.
    Ensuite, il faudra examiner ce qui a été mis en place et comprendre pourquoi cela n'a pas fonctionné. Il faudra aussi se pencher sur la question du matériel.
    Pourquoi ces bateaux obsolètes à simple coque, dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils sont extrêmement dangereux, circulent-ils notamment au large d'Ouessant, véritable autoroute de la mer où se croisent des centaines de cargos ? Par ailleurs, comment pourrait fonctionner une agence européenne ? Surtout comment faire pour que l'on ne voie plus jamais cela ?
    Nous avons du pain sur la planche, mais cette initiative est bien partie, car elle vient de tous les rangs. A nous d'être au rendez-vous ! Je souhaite que cette proposition de résolution soit votée à l'unanimité pour que nous puissions nous mettre au travail dans les plus brefs délais, afin de répondre à l'attente de ceux qui sont touchés dans leur chair.
    J'espère qu'à l'avenir nous dirigerons un peu plus nos efforts vers ces grands faits de société qui sont si dangereux et que nous lèverons le pied dans d'autres secteurs. En effet, au lieu de mettre en place à tour de bras des directives qui empoisonnent et emprisonnent chaque jour davantage des terres tranquilles, campagnardes ou montagnardes, qui luttent pour leur survie...
    M. François Sauvadet. Très juste !
    M. Jean Lassalle. ... et sur lesquelles ne plane aucun danger, nous serions bien inspirés de nous attaquer aux vrais problèmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Au moment où notre assemblée se propose de mettre en place une nouvelle commission d'enquête sur la sécurité des transports maritimes, il ne me paraît pas inutile de rappeler pourquoi nous en sommes arrivés à la situation actuelle.
    Le transport maritime a connu au fil des dernières années, et connaît toujours, une croissance extrêmement importante. Cette évolution trouve sa source dans l'accession de nouveaux pays aux échanges internationaux, ce dont il faut se réjouir, et dans les externalisations de productions vers des pays en voie de développement - souvent les mêmes, d'ailleurs. Cette explosion du transport maritime porte en elle de profonds dysfonctionnements et, par voie de conséquence, des risques lourds pour les équipages - n'oublions jamais que les premières victimes des naufrages sont les hommes qui sont à bord des navires ! -, pour la sécurité de nos côtes et pour la préservation de notre environnement. C'est la mondialisation libérale qui a entraîné le développement du transport maritime. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. Non !
    M. Daniel Paul. De la même manière qu'une part prépondérante du commerce extérieur de notre pays est en réalité constituée d'échanges entre filiales d'un même groupe, le transport de fret maritime consiste aussi bien souvent en ce type d'échanges. Le pétrole qu'une société va chercher dans les pays du Moyen-Orient vient approvisionner des raffineries lui appartenant.
    Cette stratégie globale pèse sur les coûts, qu'il s'agisse de coûts directs ou de risques encourus. Jusqu'aux années 70, par exemple, les compagnies pétrolières avaient leur propre compagnie maritime, sous pavillon national et avec des équipages homogènes.
    M. François Goulard. Eh oui ! Maintenant ça n'existe plus !
    M. Daniel Paul. Rapidement, pour réduire les coûts et pour échapper aux risques liés aux aléas du trafic, les majors pétroliers ont eu recours à des flottes extérieures, aux mises en concurrence, pour aboutir aux prix les plus bas, dégradant ainsi la qualité des navires et les conditions de vie et de travail des équipages.
    M. François Goulard. Merci la CGT !
    M. Daniel Paul. On voit aujourd'hui les conséquences de cette évolution, dont les catastrophes qui ont souillé depuis vingt-cinq ans les côtes de notre pays ne sont que les aspects les plus frappants. Parallèlement, les pavillons perdaient des navires, des marins, et la politique maritime perdait aussi des moyens techniques, administratifs et budgétaires.
    Enfin, tout cela se passait dans le cadre de structures maritimes internationales obsolètes, héritées du xixe siècle pour certaines, dominées par des pays totalement soumis à cette orientation. Ainsi, à l'Organisation maritime internationale, la majorité est détenue par des pays abritant des pavillons de complaisance. C'est dans cette logique destructrice que se trouve l'origine des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, et c'est en agissant sur cette logique, en la remettant en cause, que nous pourrons espérer en sortir.
    Faut-il rappeler que les bateaux sous-normes, interdits d'entrée aux Etats-Unis, ont aujourd'hui toute liberté de naviguer sur le reste des mers et que c'est un bannissement généralisé qu'il convient de décider ?
    Faut-il rappeler que le petit frère de l'Erika, qui naviguait sous pavillon libérien, était en fait détenu à Washington par des hommes d'affaires américains et qu'il a été, comme par hasard, quinze jours après le naufrage de l'Erika, vendu à une autre compagnie afin qu'il puisse continuer à naviguer ? D'ailleurs, il navigue toujours.
    Faut-il rappeler que le fait d'éloigner les navires dangereux de nos côtes n'empêche pas les catastrophes ? Le Prestige a coulé à des centaines de kilomètres du golfe de Gascogne, ce qui n'empêche pas notre littoral d'être souillé.
    Faut-il rappeler que ni le Prestige ni le Tricolor n'avaient touché un port français pour y être éventuellement inspectés. ?
    Faut-il rappeler que, si les autorités européennes poursuivent en ce sens, nous nous dirigeons vers une fragilisation des services portuaires, qui concourent aussi à la sécurité, par une mise en concurrence dangereuse ?
    Faut-il rappeler que la pollution pétrolière résulte plus des dégazages que des naufrages, non seulement parce qu'il n'y a pas assez de stations de dégazage, mais aussi parce que dégazer dans un port, cela fait perdre du temps, même si c'est gratuit, et que le temps cela compte ?
    Faut-il rappeler que le principe pollueur-payeur en intégrant tous les partenaires de la chaîne, qui n'est pas un principe révolutionnaire puisqu'il est appliqué aux Etats-Unis, reste à mettre en oeuvre en Europe ?
    Faut-il rappeler que tous les types de transports autres que maritimes sont soumis à des conditions de contrôle strictes auxquelles seul le transport maritime parvient encore à échapper, faute d'une instance internationale dégagée des intérêts économiques ?
    Faut-il rappeler que des brevets de capitaine au long cours, ça s'achète dans certains pays, et que les équipages, qui ont perdu toute homogénéité, se recrutent aux quatre coins du monde, surtout dans les pays de très bas salaires ?
    Faut-il rappeler enfin qu'il faut s'attaquer au système qui permet à des pays de cacher des responsabilités en même temps que d'abriter des profits ?
    Aujourd'hui, les populations n'en veulent plus ; elles n'en peuvent plus. Elles contraignent de ce fait les gouvernements à prendre des mesures, et c'est très bien ainsi. Or, tout le problème est de savoir si le pouvoir politique est décidé, au niveau d'un Etat comme au plan international, à tordre le cou à des pratiques inadmissibles, à des voyous qui sont les produits et les promoteurs d'un système.
    Gesticuler en faisant de belles déclarations montre aujourd'hui ses limites, surtout quand, dans le même temps, les budgets sont réduits. Est-il vrai, comme l'a annoncé la presse fin décembre, que malgré le tour de vis donné à la fin de l'année dernière, les moyens accordés à la sécurité maritime ont été réduits ? Qu'en est-il aujourd'hui alors que l'on nous annonce un « plan de rigueur » - je le mets entre guillemets de façon à ne mécontenter personne - ?
    M. Jean-Marc Lefranc. Quarante-six milliards de déficit !
    M. Daniel Paul. Mais, fondamentalement, est-on décidé à faire en sorte que le politique décide là où la loi du marché est devenue prépondérante ? Est-on décidé à imposer aux grands groupes l'interdiction de recourir à des navires sous-normes physiques et à des équipages sous-normes sociales ?
    Il me semble tout à fait fondé de créer une commission d'enquête, même si nous connaissons la complexité des obstacles - M. le secrétaire d'Etat l'a rappelée. En effet, de nombreuses difficultés naissent dans des instances que nous ne maîtrisons pas et plusieurs pays européens, ou candidats à l'entrée dans l'Union européenne, freinent les initiatives. Il est de notoriété publique que ce qui se passe en Grèce, à Malte ou à Chypre ne va pas dans le sens d'une bonne configuration du transport maritime. Cela dit, je crains que l'objectif soit moins de s'attaquer au système en pointant ses tares que de se prémunir de la colère des habitants excédés de voir que les naufrages se répètent sans que l'on s'attaque à leurs causes.
    Nous nous abstiendrons, non que nous soyons réticents à dresser des bilans, puisque j'ai présidé une commission d'enquête sur le même sujet, mais parce que nous craignons fort que l'on n'aille pas là où cela fait mal, que l'on ne cherche pas à briser la logique qui nourrit les scandaleux naufrages actuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.
    M. Christophe Priou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je n'avais pas l'honneur d'être parlementaire lorsque s'est tenue la commission d'enquête créée après le naufrage de l'Erika, mais, comme beaucoup d'élus locaux à l'époque, j'ai contribué à organiser le nettoyage des plages, qui a duré de nombreux mois. Quant au problème de l'indemnisation, il n'est pas encore réglé. Entre le naufrage de l'Erika et celui du Prestige, ont eu lieu ceux du Ievoli Sun, du Giorgio et celui du Tricolor qui défraie régulièrement la chronique et continue de polluer les côtes du nord de la France à l'heure où la technologie devrait permettre d'éviter ce genre d'accident.
    Même si une catastrophe n'est jamais semblable à une autre, les travaux réalisés par M. Paul et M. Le Drian après le naufrage de l'Erika devraient servir d'expérience, pour ce qui est du nettoyage notamment, à nos collègues du Sud-Ouest dont les départements sont aujourd'hui touchés. Demain, c'est toute la façade atlantique qui peut l'être.
    S'agissant de l'indemnisation, M. Paul a parlé de volonté politique. C'est en effet à l'Etat, au Gouvernement, de peser politiquement sur le FIPOL.
    En ce domaine, j'ai d'ailleurs constaté, depuis le mois de mai, un changement dans le ton employé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) vis-à-vis des élus locaux, des victimes privées et publiques de l'Erika, ainsi que dans le délai de traitement des dossiers. En effet, le FIPOL, à la mentalité anglo-saxonne, avait tendance à traîner les pieds.
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. Tout à fait !
    M. Christophe Priou. De guerre lasse, de nombreux professionnels privés ont fini par signer ce qui leur était proposé, mais ils sont loin d'avoir récupéré les sommes perdues avec le naufrage de l'Erika. Ils sont loin des 80 %.
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. C'est vrai !
    M. Christophe Priou. Nous aborderons ensuite la phase juridique, puisqu'il y aura un procès, et nous sommes là en position de faiblesse. Il y a eu plusieurs mises en examen et la mémoire semble faire défaut à mes collègues de l'opposition. Je le répète, si à l'époque M. de Robien ou Mme Bachelot avaient signé à la va-vite un protocole d'accord avec une grande société multinationale, même française, s'engageant à verser environ 600 millions de francs - 100 millions d'euros - de réparations, nous serions aujourd'hui cloués au pilori ! Quant à M. Gayssot, quelques semaines après le naufrage, il avait déjà signé un protocole d'accord avec cette société. On nous parle du principe « pollueur-payeur » et l'on chiffre les dégâts dus à la catastrophe de l'Erika à près d'un milliard d'euros, mais que se passera-t-il dans quelques mois, lors du procès ? Cette société, qui est d'ailleurs la seule solvable parmi toutes celles qui ont été mises en examen, nous dira alors : « Pourquoi voulez-vous que je rembourse les sommes que je dois en vertu du principe « pollueur-payeur » puisque l'Etat et le Gouvernement ont, à l'époque, signé un protocole d'accord avec moi pour solde de tout compte ? » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Christine Boutin. Il a raison !
    M. Christophe Priou. Avant de donner des leçons, il faut se souvenir de ce qui s'est passé à l'époque !
    M. Alain Vidalies. Jusque-là, tout allait bien !
    M. Christophe Priou. Je suis obligé d'intervenir car, en tant qu'élu local, j'ai vécu l'abandon des populations pour le nettoyage et pour l'indemnisation.
    M. Alain Vidalies. C'est indécent de polémiquer sur ce sujet !
    Mme Christine Boutin. Il n'y a que la vérité qui blesse !
    M. le président. Laissez poursuivre M. Priou !
    M. Christophe Priou. Certes, il faut aujourd'hui renouveler et dépoussiérer le droit maritime, mais il ne faut pas oublier le droit d'agir. Dans l'attente de la constitution d'un corps de garde-côtes européen, l'action politique a montré son efficacité ces dernières semaines. La marine nationale est capable d'intervenir pour écarter le danger qui menace nos côtes. Il faut donc afficher une volonté politique pour agir sur le transport maritime, tout en travaillant au niveau de l'OMI, qui peut être qualifié de « truc » ou de « machin », mais qui, comme l'a dit M. Paul, est dirigée par des Etats qui font sans doute preuve de beaucoup de complaisances dans tous les domaines.
    La création de cette commission d'enquête doit permettre de pérenniser, de sécuriser le transport maritime, qui augmente régulièrement et va continuer à se développer. Sans jeu de mots, c'est l'un des modes de transport les plus sûrs et les moins polluants, à condition toutefois qu'il soit effectué dans des conditions satisfaisantes.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Priou !
    M. Christophe Priou. Et puisque ce transport maritime est peu cher, il existe des marges de manoeuvre qui permettraient de renforcer la sécurité. Il y a un effort à accomplir en la matière. Nous devons également relayer la politique mise en place et la doter de moyens suffisants. A titre d'exemple, pour la Loire-Atlantique, la SNSM - Société nationale de sauvetage en mer - dispose d'un budget de 250 000 euros et le SDIS, les sapeurs-pompiers de un million d'euros. Je me félicite également de la commande qui a été passée pour de nouveaux remorqueurs de haute mer, qui vont remplacer ceux qui ont plus de vingt-cinq ans. Ces remorqueurs pourront aller en Méditerranée, là où nous n'avons pas encore de moyens de secours. Nous devrons nous attaquer ensuite aux vrais problèmes. Et là, je rejoins mes collègues s'agissant de cette pollution diffuse et perverse qui est plus grave que celle occasionnée par les naufrages du Prestige et de l'Erika. Je pense aux dégazages, ou aux déballastages, qui polluent nos côtes et mettent en danger toute l'économie du littoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, pour les propos que vous avez tenus concernant les difficultés dans lesquelles se débattent les populations des côtes polluées et pour l'attention que vous leur portez.
    Après l'Erika en 1999, c'est un nouveau naufrage, celui du Prestige qui nous réunit aujourd'hui. La même colère, la même exigence de vérité, la même recherche de responsabilité nous animent. L'intérêt de la création de cette commission d'enquête est évident dès lors qu'elle aura pour objectif d'aller au fond des choses et de faire résolument progresser la sécurité maritime dans les faits. Le risque serait que cette commission soit une commission de plus, dont le rapport s'empilerait sur tous ceux établis depuis plusieurs décennies, et que nous n'avancions pas. L'intervention de Maxime Bono a traduit l'état d'esprit du groupe socialiste : attitude ouverte, positive et responsable. Nous n'avons pas l'intention de polémiquer. Mais revenons au Prestige !
    Après la condamnation unanime de ce bateau, une sourde polémique s'installe. Pour certains, le Prestige n'aurait pas été cette « poubelle flottante » conduite par des « voyous des mers ». Une clarification est donc nécessaire. Pour ces mêmes personnes, le 13 novembre, c'est après un choc important, sans doute avec un conteneur perdu par un bateau précédent, que le Prestige a lancé son signal d'alerte. Affrontant une forte tempête dans le golfe de Gascogne, le navire n'a sombré que six jours plus tard, après avoir accompli un mystérieux, dangereux et sinueux périple.
    Que s'est-il passé au cours de cette semaine fatidique ? Comment les gouvernements espagnol, portugais et français ont-ils coopéré pendant cette période décisive ? Pourquoi la droite, majoritaire au Parlement européen, a-t-elle repoussé la création d'une commission d'enquête sur les causes et les effets du naufrage du Prestige ? Craignait-on de mettre en cause le Gouvernement espagnol ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Faut-il rappeler qu'en 1997, après le naufrage de l'Aegean Sea de 1992, l'Etat espagnol a été condamné par le tribunal de La Corogne à verser une indemnisation équivalente à celle du FIPOL aux victimes de la marée noire de l'époque ? Dans l'esprit du sommet de Malaga, je défendrai un amendement pour que la commission d'enquête examine aussi les conditions de coopération transfrontalière face à une pollution marine pouvant toucher plusieurs Etats. Nous avons le droit de savoir !
    Aujourd'hui, sur le terrain, après la Galice, nous mesurons les effets catastrophiques du naufrage du Prestige sur les côtes françaises - aquitaine en particulier. Les agents de l'Etat, les agents communaux, les pompiers départementaux, les militaires et la protection civile, les entreprises privées et parfois les associations et les bénévoles effectuent un travail remarquable dans des conditions épouvantables en cette période de tempêtes successives. Mais la montée en charge du dispositif a été trop lente, et il me paraît nécessaire d'analyser les conditions de déclenchement et de mise en oeuvre des plans POLMAR-mer et terre, au niveau opérationnel comme au niveau des engagements financiers. J'ai donc déposé un autre amendement visant à inclure cette question dans le champ des investigations de la commission. Je suis persuadé, en effet, que l'on peut améliorer les dispositifs actuellement en vigueur, gagner en efficacité et mieux cerner les responsabilités et l'engagement de l'Etat.
    Enfin, comment ne pas évoquer le drame économique que ce naufrage représente pour les travailleurs de la mer - pêcheurs, ostréiculteurs - et l'inquiétude montante des professionnels du tourisme ? La question des indemnisations doit être traitée, et les préjudices doivent être réparés.
    Une pollution massive a souillé l'Aquitaine. Il faut en effacer les traces. Cela nécessite du temps et des moyens exceptionnels. Notre ambition est de restaurer l'image de cette belle région dès la prochaine saison. Nous attendons de l'Etat une solidarité à la hauteur de l'enjeu.
    J'ai volontairement centré mon propos sur la catastrophe du Prestige, car c'est - malheureusement - le naufrage de ce navire qui a relancé le débat et provoque la résolution de création d'une commission d'enquête à l'Assemblée nationale. Il est évident que notre travail aura une portée plus générale, sur la base des objectifs définis dans la proposition de résolution. Le groupe socialiste entend apporter sa contribution au travail de cette commission, avec un souci de précision et un esprit constructif. Les propositions que nous serons amenés à formuler devront être simples, réalistes, concrètes et rapidement applicables. Nous verrons l'état d'esprit de la majorité à l'occasion de l'examen des amendements que nous proposerons.
    Il est des sujets où l'on se plaît à reconnaître que l'exemple américain peut servir l'Europe : celui de la sécurité maritime en est un.
    M. le président. Merci de conclure !
    M. Jean-Pierre Dufau. A titre de réciprocité, la sagesse de ceux que certains notamment la « vieille Europe » pourrait, dans d'autres domaines, être de bon conseil pour les Etats-Unis. Vous voyez que mon état d'esprit est résolument constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
    M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens d'emblée à remercier mes collègues, Edouard Landrain, Christophe Priou, Jacques Barrot et M. le rapporteur Jacques Le Guen d'avoir pris l'initiative de créer cette commission d'enquête. Trop de catastrophes maritimes sont intervenues ces dernières années, noircissant progressivement nos côtes. Des mesures ont été prises après le naufrage de l'Erika, et lors du récent sommet de Malaga, pour limiter l'accès à la zone de 200 milles des pétroliers de plus de quinze ans. Néanmoins, nous sommes toujours confrontés à des comportements délinquants, pour reprendre les termes du rapporteur Jacques Le Guen.
    Je centrerai mon propos sur la densité du trafic maritime, en prenant l'exemple de la mer du Nord. 700 bateaux environ s'y croisent chaque jour. Dans ce détroit, des navires du rail descendant croisent ceux du rail montant. A cette navigation maritime le long de ce qu'on peut qualifier d'autoroute de la mer, il faut ajouter la circulation perpendiculaire des ferries reliant la France à l'Angleterre. Rien d'étonnant à ce que des bateaux entrent en collision ! Le Tricolore échoué dans la mer du Nord le 14 décembre dernier, augmente la dangerosité de la circulation maritime et les risques de pollution ; depuis cette date, trois bateaux ont percuté l'épave. Au-delà de la pollution des plages du Nord et de ses conséquences écologiques et économiques, plus de 1 000 oiseaux mazoutés ont été retrouvés sur le littoral flamand. Il faut savoir qu'il en périt cent fois plus en haute mer ! Des collectivités territoriales, des associations, des bénévoles, en concertation avec les services de l'Etat, se sont mobilisés, parfois au péril de leur santé, pour soigner les animaux souillés et enlever les galettes de pétrole. Souvenez-vous de la solidarité qui s'était manifestée après le naufrage de l'Erika.
    Dégazages sauvages, qui représenteraient 97 % des dégazages - il convient d'utiliser un vocabulaire bien précis -, densité du trafic maritime, navires pollueurs ou navires poubelles : autant d'éléments qui justifient cette proposition de création d'une commission d'enquête parlementaire. Il est urgent de prendre des mesures tant au niveau national qu'européen ou international afin de limiter les accidents maritimes. Cette commission est plus que nécessaire. J'en soutiens fermement la mise en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous l'avons tous dit, les multiples et importantes catastrophes de ces dernières années soulignent la précarité de l'équilibre écologique marin et la nécessité de mettre en oeuvre des mesures de prévention. Le Prestige, par exemple, avait pris la mer avec un équipage multinational travaillant dans des conditions misérables. Dès lors, la catastrophe, sans être inéluctable, était prévisible.
    La majorité du trafic maritime de pétrole, qui s'élève à 2,1 milliards de tonnes par an, est acheminée par des navires immatriculés sous pavillon de complaisance. Sur les 3 500 pétroliers de plus de 10 000 tonnes en service, 53,4 % sont dans ce cas. Le développement de ces pavillons de complaisance, encouragé par tous - y compris par la France -, a fortement contribué à laisser naviguer des navires sans réel contrôle de sécurité. L'âge de ces navires ne cesse d'augmenter. Il faut donc prendre des mesures. Il convient non seulement de revoir la politique portuaire dans le cadre européen, mais aussi de renforcer les contrôles dans les seuls ports français - à condition qu'il n'y ait pas de « fuite » vers d'autres ports européens plus proches. Parce que la pollution, que ce soit celle-ci ou une autre, ne s'arrête pas aux frontières. L'Union européenne et la France, au sein de l'Union, doivent adopter de nouvelles règles de sécurité.
    Au-delà de notre commission d'enquête, dont je m'apprête à soutenir la création, je voudrais souligner que nous avons déposé deux propositions de lois. La première vise à encadrer le transport maritime pour lutter contre cette nouvelle forme de délinquance, la délinquance écologique aux conséquences désastreuses. Nous y proposons, par exemple, d'affecter à la marine nationale française une nouvelle mission, celle de garde-côtes, comme c'est déjà le cas en Suède. Bien sûr, nous pourrions créer un corps de garde-côtes européen. Mais, en attendant, notre marine pourrait assurer dès maintenant une telle mission. On pourrait également contrôler les navires dès qu'ils entrent dans les eaux territoriales françaises, dont la limite serait portée à 200 milles.
    On s'interroge souvent sur les rejets volontaires d'hydrocarbures, c'est-à-dire les dégazages. Certes, ces dégazages existent mais il y a aussi des déballastages, qui sont les plus fréquents et représentent les plus gros tonnages. Ces résidus de combustion viennent de tous les bateaux, comme des cargos de marchandises, qui n'ont rien à voir avec les pétroliers.
    On entend parfois parler de « situation de non-droit ». Or pas du tout. La convention MARPOL - et ce n'est pas du verlan (Sourires) - a été signée en 1973, à l'instigation de l'OMI. Mettre en oeuvre cette convention demande un effort politique. Le Gouvernement peut s'y engager.
    Notre seconde proposition de loi a trait au facteur humain. On incrimine tel marin, tel capitaine. On a même vu, à la suite de certains échouages, le capitaine être interpellé immédiatement alors qu'en général il n'en peut mais. Reste que l'équipage est bien souvent en nombre insuffisant, qu'il travaille dans des conditions dangereuses ou ne bénéficie pas du repos nécessaire. C'est pourquoi, tant pour des motifs d'ordre social que pour des motifs de sécurité, les navires, dont l'équipage ne serait pas couvert par un contrat de travail garantissant l'application des normes de l'OIT, ne devraient plus traverser nos eaux territoriales. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, la France a-t-elle ratifié toutes les conventions de l'OIT sur les droits des marins ?
    Tout en étant d'accord avec cette commission d'enquête, je me suis donc permis de déposer un amendement complétant l'article unique par un alinéa concernant les conséquences du non-respect de ces droits sociaux et insistant sur la nécessité de formuler des propositions concrètes en la matière.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la protection du milieu marin et la lutte contre les pollutions nécessitent d'appréhender de façon globale et systématique ces diverses préoccupations. C'est pourquoi nous voterons la mise en place de cette commission d'enquête.
    M. le président. La discussion générale est close.
    J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Conformément aux articles 140 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, il est créé une commission d'enquête de trente membres chargée :
    « - d'évaluer l'efficacité des dispositifs existants en matière de sécurité maritime, de prévention des pollutions marines par les hydrocarbures et de lutte contre ces pollutions ;
    « - d'examiner si les mesures préconisées de la Commission d'enquête du 5 juillet 2000 sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants ont bien été appliquées ou sont en passe de l'être ;
    « - d'apprécier l'état d'avancement de notre pays dans l'application des objectifs du "Paquet Erika 1 et dans la transposition des directives européennees relatives au contrôle renforcé des navires à risque ;
    « - de formuler des propositions concrètes pour mettre en place une politique de sécurité maritime ambitieuse à l'échelle nationale, européenne et internationale. »
    MM. Dufau, Bono, Emmanuelli, Vidalies et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 1, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa de l'article unique par les mots :", notamment les conditions de déclenchement et la mise en oeuvre des plans POLMAR-terre et mer. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Cet amendement permet de viser expressément les conditions de déclenchement et la mise en oeuvre des plans POLMAR-terre et mer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. La commission accepte cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Favorable, naturellement, à cet amendement.
    Il est important de savoir comment le système fonctionne. Actuellement, les plans POLMAR-terre sont mis en oeuvre sous l'autorité des préfets de département, eux-mêmes coordonnés par les préfets de zone de défense - en Aquitaine, ils sont sous l'autorité du préfet de Gironde, préfet d'Aquitaine et préfet de la zone de défense - et les plans POLMAR-mer sous l'autorité des préfets maritimes.
    Je crois que l'amendement de M. Dufau permettra de vérifier la fiabilité de nos dispositifs.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Dufau, Bono, Emmanuelli, Vidalies et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « Avant le dernier alinéa de l'article unique, insérer l'alinéa suivant :
    « - d'examiner les conditions de coopérations transfrontalières pour faire face à une pollution maritime pouvant toucher plusieurs Etats. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. La pollution maritime ne connaît pas les frontières ; le naufrage du Prestige l'a une nouvelle fois démontré. L'analyse de la chaîne des décisions franco-espagnoles, portugaises le cas échéant, depuis le naufrage du Prestige doit permettre à la commission d'enquête d'évaluer cette coopération et éventuellement de dégager de nouvelles règles générales de codécision. A l'heure de l'Europe, nous ne pouvons que nous retrouver sur un tel amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. L'amendement a été adopté par la commission, mais contre l'avis du rapporteur. J'y vois en effet un risque d'ingérence dans la politique maritime de nos voisins européens, notamment l'Espagne et un risque de dérapage. Il ne s'agit pas de mettre d'autres Etats en accusation. La question a d'ailleurs déjà été évoquée par la commission d'enquête sur l'Erika.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Tout à l'heure, notre commission a adopté cet amendement. Je regrette, pour ma part, dans son principe, il n'ait pas été intégré dans le dispositif prévu par le rapporteur. Nous l'avions proposé mais la majorité, qui était alors celle de la commission, a cru bon de le rejeter.
    Je demande à nos collègues de la majorité parlementaire de repousser cet amendement qui ne correspond pas du tout aux objectifs de cette commission d'enquête. Si d'aventure il était accepté, il ouvrirait à cette commission d'autres perspectives et créerait des problèmes qui n'ont pas lieu d'être. Cette commission d'enquête est destinée à faire la vérité, à dégager les responsabilités et à faire des propositions concernant ce qui s'est passé sur le territoire français.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, en écoutant avec attention l'intervenant et, à l'instant, le rapporteur et le président de la commission, et en lisant non moins attentivement, dans l'article unique de la proposition de résolution, le quatrième point, rappelé tout à l'heure par M. Le Guen : « formuler des propositions concrètes pour mettre en place une politique de sécurité nationale à l'échelle nationale, européenne et internationale », il me semble que l'article unique correspond parfaitement à ce qui est proposé.
    Le Gouvernement suit donc la position de la commission et est défavorable à cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Edouard Landrain.
    M. Edouard Landrain. Monsieur le président, je ne sais pas si nous nous sommes bien fait comprendre tout à l'heure, en exposant les raisons qui justifient la mise en place de cette commission. Nous avons l'intention d'aborder absolument toutes les questions qui pourraient être posées, ...
    M. Maxime Bono. Cela ne s'est pas vu à Bruxelles !
    M. Edouard Landrain. ... mais il ne faut pas préjuger des résultats de cette commission et commencer à pointer le doigt sur certaines responsabilités, pour trouver des coupables. On verra bien ! Ce qu'ont dit tout à l'heure le président de la commission et le rapporteur me semble frappé au coin du bon sens : attendons. Il me semble percevoir, derrière cette proposition, un certain souffle, une connotation politique qui n'est pas du tout dans l'esprit de cette commission ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Je n'avais pas compris que la commission d'enquête se limitait, comme l'a indiqué M. Ollier, le président de la commission, au territoire français ! Car, enfin, voilà un navire qui coule en dehors de notre zone économique exclusive, à environ 600 ou 700 kilomètres ou, pour parler comme les marins, à quelque 500 milles marins de nos côtes, à la suite d'une décision prise par le gouvernement espagnol. Et - comme notre collègue Lassalle l'a rappelé tout à l'heure - nous en subissons aujourd'hui les conséquences sur notre littoral.
    Nous n'aurions pas le droit d'aller examiner ce qui s'est passé pendant ces quelques jours, qu'ont évoqué nos collègues socialistes ? Que s'est-il passé avec les accords de Malaga ? Dans quelles conditions l'Europe, à laquelle nous appartenons, favorise-t-elle les accords entre Etats, pour lutter contre ce que vous appelez, dans votre propre camp, les « voyous des mers » ?
    Nous ne devons pas nous fixer de tabous. Ce n'est pas, d'ailleurs, à la commission d'enquête de fixer son périmètre de travail, mais à l'Assemblée nationale !
    Ce serait trop facile de dire que c'est en nous réunissant à trente, dans quelques jours, que l'on décidera de ce qu'il faut faire ! C'est à l'Assemblée, dans sa sagesse, de fixer les limites dans lesquelles nous devons travailler.
    M. François Sauvadet. Ce n'est pas possible !
    M. Daniel Paul. Sans revenir sur les raisons pour lesquelles j'ai fait savoir tout à l'heure que je m'abstenais sur ce texte, je souhaite qu'il soit clair qu'une commission d'enquête parlementaire a le droit de savoir, aujourd'hui, comment le gouvernement français a travaillé avec les gouvernements voisins.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Le moment est grave, et nous ne nous situons pas dans le cadre d'un affrontement politique. Nous sommes ici les représentants des populations victimes. Faut-il rappeler que, tous les jours dans les Landes, on ramasse des tonnes de mazout ? Or, à chaque fois que nous prenons des initiatives pour savoir où sont les responsabilités, nous nous heurtons, pour des raisons que nous ignorons, à votre refus de vous associer à cette démarche de transparence. Les questions deviennent donc de plus en plus pressantes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) La semaine dernière encore, à Bruxelles - et c'était probablement, d'ailleurs le lieu le plus adéquat -, la proposition de commission d'enquête que nous avons présentée a été repoussée. Et là aussi, et pour la deuxième fois, des considérations juridiques ont été invoquées pour justifier ce refus.
    Aujourd'hui, les choses nous paraissent assez simples. Et nous ne préjugeons de rien. Nous voulons obtenir des réponses aux questions que nous nous posons pour faire en sorte qu'une telle catastrophe ne puisse plus se reproduire et pour soulever le problème de l'indemnisation. A cet égard, ce n'est pas le jour où la presse annonce que le FIPOL n'a pas osé dire quelle somme il pourrait prendre en charge, compte tenu des crédits dont il dispose - 10 ou 20 % du montant des sinistres seulement -, que l'on va rassurer les victimes. Il faut savoir où sont les responsabilités. Il ne s'agit pas en effet d'un sinistre ordinaire. La dérive de ce bateau, pendant six jours, entre l'Espagne, la France et le Portugal, puis vers le large a fait l'objet de décisions contradictoires. Quelqu'un les a prises, en a été informé : qui ? quand ? comment ? La pollution actuelle, de notre littoral - Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde, Charente-Maritime - est le résultat direct de ces décisions. Les départements victimes doivent connaître la vérité. Ce cas ne doit pas être le seul dans ce pays où les victimes ne pourraient pas savoir ce qui s'est passé.
    Nous vous demandons simplement de ne pas ajouter le doute au doute, après la décision qui est intervenue à Bruxelles. Si vous persistez dans votre refus, vous renforcerez notre conviction, qui sera forcément relayée par nos populations, que dans cette affaire, il y a un déficit de transparence et quelque chose à cacher. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Christine Boutin. Triste attitude politicienne...
    M. Alain Vidalies. Si tel n'est pas le cas, acceptez notre amendement, et rien ne s'opposera à ce que nous accomplissions en commun, un travail positif.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. J'ai bien entendu les arguments qui viennent d'être développés et je me demande où sont les intentions cachées. Parce que enfin, chers collègues, de l'opposition...
    M. Jean-Pierre Dufau et M. Henri Emmanuelli. On veut savoir !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Emmanuelli, vous n'étiez pas en commission, tout à l'heure, lorsque nous avons eu ce débat. Alors ne m'interpellez pas sur un point dont vous n'avez pas connaissance.
    M. Henri Emmanuelli. Je suis là et je sais quelles sont mes intentions !
    M. le président. La parole est à M. Ollier et à lui seul.
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, M. Ollier m'a interpellé !
    M. le président. Non, il a simplement dit que vous n'étiez pas en commission, ce n'est pas une attaque !
    M. Henri Emmanuelli. On n'a pas besoin d'avoir siégé en commission pour intervenir dans l'hémicycle !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Donc, en commission, tout à l'heure, je le dis pour que chacun soit informé, j'ai proposé un sous-amendement qui était de nature à satisfaire les intentions des collègues qui viennent de s'exprimer et qui allait dans le sens souhaité par les auteurs de la proposition et le rapporteur. Or, surprise, l'opposition a voté contre ce sous-amendement et donc sa propre proposition.
    M. Alain Vidalies. Reprenez-le !
    M. Henri Emmanuelli. Si vous ne faites pas de politique, reprenez-le !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. J'en ai déduis que le dispositif prévu par le rapporteur et les signataires du présent texte était le meilleur qui soit. Et je me demande où sont les arrière-pensées, les suspicions et le manque de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Vidalies. Le mazout est chez nous !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. En conséquence, et comme le ministre l'a fait observer, le dernier alinéa de l'article unique répond parfaitement au souhait exprimé. Prévoir que la commission d'enquête sera chargée de « formuler des propositions concrètes pour mettre en place une politique de sécurité maritime à l'échelle nationale, européenne et internationale » permettra d'engager une étude sur les conditions dans lesquelles le système de lutte contre la pollution a été mis en oeuvre de part et d'autre de la frontière.
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas du tout le même objet !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. J'ajoute que nous sommes dans le cadre d'une commission d'enquête, telle que définie par l'ordonnance de 1958, article 6, et non dans celui d'une mission d'information. Les pouvoirs d'une commission d'enquête sont encadrés par la loi et soumis à des contraintes auxquelles on ne peut se soustraire. Si les membres de la future commission d'enquête souhaitent se rendre à l'étranger, ils pourront le faire. Ainsi, nos collègues travaillant sur les conditions de la présence du loup en France ont décidé ce matin de partir à Rome pour obtenir un certain nombre d'informations.
    M. Alain Vidalies. Si cela ne pose pas de problème, acceptez notre amendement !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne vois donc pas pourquoi vous souhaitez absolument introduire un amendement qui n'ajoute rien à un texte qui n'empêche rien. Il s'agit de reprendre, dans la transparence, tous les éléments qui ont malheureusement permis à une telle catastrophe de se produire.
    Pour toutes ces raisons, je demande à la majorité de repousser cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Ce débat est éloquent. Nous souhaitons, quant à nous, que les faits soient clairement établis. Lorsque le Prestige a coulé, il était sous la responsabilité du gouvernement espagnol. La pollution est aujourd'hui sur les côtes françaises. A l'heure actuelle, les Pyrénées-Atlantiques, les Landes, la Gironde et peut-être déjà la Charente-Maritime sont souillées.
    Nous voulons donc, dans le cadre de cette commission d'enquête, pouvoir aller demander, de façon autorisée, à l'Etat espagnol et à l'Etat français ce qui s'est passé. Les décisions ont-elles été conjointement prises ? Quel a été le degré d'information ? Bref, nous voulons savoir où sont les responsabilités pour en tirer toutes les conclusions. Il y aurait ingérence s'il s'agissait de s'occuper des affaires d'un autre pays qui n'auraient aucune conséquence sur notre propre territoire. Tel n'est pas le cas. La pollution est sur les côtes françaises. Nous demandons simplement au gouvernement espagnol de nous donner des explications. Dans quelles conditions s'est opérée la coopération entre la France, l'Espagne et le Portugal ? C'est ne pas vouloir faire la lumière sur ce point qui peut prêter à équivoque.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. Il est hors de question de vouloir cacher quoi que ce soit.
    M. Henri Emmanuelli. Alors acceptez notre amendement !
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. Les choses sont parfaitement claires. Il est évident que, tel qu'il est rédigé, le texte prévoit la possibilité d'aller en Espagne. J'ai le sentiment en fait que vous cherchez à faire le procès du gouvernement espagnol...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais non !
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. Ne confondez pas le rôle d'une commission d'enquête avec une action judiciaire. Nous avons proposé un sous-amendement que vous avez refusé. Restons-en à présent au texte initial.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Et on passe au vote !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Permettez-moi d'ajouter une précision afin que l'on ne s'imagine pas que seuls certains, ici, seraient animés de bonnes intentions. Aux termes de l'ordonnance de 1958, les commissions d'enquête doivent respecter un cadre précis. Elles ne peuvent porter que sur les enquêtes liées au territoire national et sur les dispositifs touchant au service public ou concernant le fonctionnement de l'Etat ou, éventuellement, du système privé. Une commission d'enquête créée dans ces conditions ne peut donc avoir aucun pouvoir d'ordre contraignant et juridique sur le territoire d'un pays européen, fût-il ami et frontalier comme l'Espagne.
    M. Jean Lassalle. Absolument !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. En revanche, et comme je l'ai déjà indiqué à propos de la commission d'enquête sur le loup, rien ne l'empêchera de se rendre éventuellement en Espagne pour interroger les services espagnols sur les conditions dans lesquelles les faits se sont produits. Laissons la commission d'enquête faire son travail. L'amendement n° 2 ne donnerait aucun pouvoir supplémentaire à la commission d'enquête.
    M. Michel Vergnier. Votez-le puisque cela ne change rien !
    M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Passons au vote !
    M. le président. J'applique le règlement, mes chers collègues !
    M. Henri Emmanuelli. Eh oui, il y a heureusement un règlement ! Il faut vous y faire !
    Monsieur le président de la commission, cette polémique n'a pas de sens.
    M. Edouard Landrain. La faute à qui ?
    M. Henri Emmanuelli. Vous venez de nous dire à l'instant - certes, je ne suis pas membre de la commission que vous présidez, mais j'ai le droit de siéger dans cet hémicycle - que vous aviez proposé en commission un sous-amendement dont l'opposition n'a pas voulu. Nous vous avons demandé à deux ou trois reprises de le reprendre en séance. Or vous vous y refusez, vous nous reprochez ensuite de chercher à politiser le débat et d'être animés de mauvaises intentions.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr !
    M. Henri Emmanuelli. Pourquoi ne reprenez-vous donc pas ce sous-amendement qui répondait aux desiderata de l'opposition ? Nous souhaitons simplement savoir ce qui s'est passé.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Nous aussi !
    M. Henri Emmanuelli. Ainsi, lorsque nous engagerons des poursuites pour obtenir une indemnisation, nous saurons à qui nous adresser. Il y a aujourd'hui près de 500 millions d'euros de dégâts, ne serait-ce qu'en Galice. Or le FIPOL ne dispose que de 180 millions d'euros. Quant à l'Etat français, il s'est montré jusqu'à présent plutôt chiche sur le terrain. Nous recherchons simplement à protéger les intérêts de nos populations, qui sont aussi en l'occurrence, je vous le signale, ceux de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Comme je l'ai déjà indiqué, le Gouvernement suit le président de la commission et le rapporteur. Il ne voit que des avantages à ce que la commission puisse se rendre dans d'autres pays. A elle de s'organiser pour le faire !
    M. François Sauvadet. Bien sûr !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Elle pourra par exemple se rendre aux Etats-Unis.
    M. Henri Emmanuelli. Commençons par l'Espagne !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. On nous parle sans cesse des bienfaits du système américain : eh bien, il serait intéressant, comme le fait d'ailleurs la délégation de l'Union européenne, que la commission s'y rende. Naturellement, elle pourra aussi aller dans les pays européens et notamment en Espagne. Aux termes de l'article unique, la commission dispose de tous les instruments nécessaires. Comme le souhaite le rapporteur, elle sera en mesure de faire du bon travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Yves Cochet a présenté un amendement, n° 3, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :
    « - d'examiner les conditions de travail sanitaires et sociales et notamment leur influence sur la sécurité des navires et de formuler des propositions concrètes pour restaurer les droits sociaux des marins. »
    La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Cet amendement fait suite à mon intervention à la tribune et aux propos de M. le ministre, qui a lui aussi évoqué les conditions de travail des marins. Celles-ci ne cessent en effet de se dégrader au niveau international. Tel est le constat dressé par l'ITF - International Transport Workers Federation - et les associations caritatives qui travaillent dans les ports.
    Ce constat est accablant. Les abandons d'équipages impayés sur des navires bloqués pour des raisons variables - saisies commerciales, détention pour des raisons de sécurité, arraisonnements - constituent chaque jour les manifestations du non-respect des droits de l'homme qui cache une situation quotidienne dramatique : exploitation de l'homme au profit d'armateurs sans scrupules, maltraitance à la limite de l'esclavage.
    Or la France possède la deuxième zone maritime économique exclusive mondiale : elle a donc un rôle majeur à jouer pour modifier cette situation au-delà de ses frontières territoriales. La réalité des conditions sociales des marins est méconnue. Elle apparaît parfois au détour de telles catastrophes. Mais il ne faudrait pas que cela dure : nous devons dépasser le constat et organiser un travail de prévention et de contrôle sur les marins abandonnés et les droits sociaux des équipages en général. La législation sociale doit s'adapter aux réalités de la navigation maritime internationale et à la nécessité de mieux défendre les droits des marins évoluant dans ce contexte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jacques Le Guen, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'invite l'Assemblée à le repousser car il me semble partiellement satisfaisait par les deuxième et troisième alinéas de l'article, puisque la commission d'enquête sur l'Erika avait déjà formulé quelques propositions en la matière. Reste à les mettre en oeuvre et il s'agit là d'un travail de longue haleine.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Le Gouvernement suit l'avis du rapporteur. Il me semble également que l'amendement de M. Cochet est repris dans l'article unique. J'indique en outre aux orateurs qui se sont exprimés sur ce point important que le conseil des ministres a adopté récemment cinq conventions internationales de l'OIT. Elles sont actuellement soumises au Conseil d'Etat. J'espère que le Parlement les examinera afin qu'elles puissent être définitivement ratifiées par la France. Le problème des conditions de travail est, en effet, extrêmement important, monsieur Cochet. C'est un des aspects de la sécurité maritime.
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Sur un sujet aussi grave et qui nous touche tous veillons à ne pas nous livrer à des polémiques stériles. Les Français ne l'accepteraient pas.
    Une commission d'enquête a pour objectif d'éclaircir tout ce qui doit l'être, pour en tirer toutes les leçons et donner ensuite des recommandations aux pouvoirs publics. En l'occurrence, il s'agira de faire des recommandations fortes visant à interdire la circulation des bateaux-poubelles. Tel est le souhait de nos compatriotes qui ne comprennent pas comment ces naufrages et ces catastrophes à répétition peuvent se produire. A cet égard et comme l'avez dit monsieur Emmanuelli, les images de nos côtes souillées sont insoutenables.
    Une commission d'enquête est régie par des règles de droit. Elles permettent ainsi, sur le territoire national, de convoquer, voire de faire amener, par tout moyen, une personne qu'elle souhaite entendre sur le sujet en cause. Le président de la commission des affaires économiques l'a justement rappelé. Il en va différemment en cas d'extraterritorialité, mais une commission d'enquête peut demander à auditionner, par exemple, puisque l'on a évoqué la dimension européenne du problème, des membres de la Commission de Bruxelles ou des autorités espagnoles.
    M. Henri Emmanuelli. Vous avez voté contre à Bruxelles !
    M. François Sauvadet. J'ai moi-même présidé une commission d'enquête que nous avons animée ensemble, gauche et droite - M. Vergnier s'en souvient sans doute puisqu'il en était le rapporteur -, sur le grave problème de la vache folle qui touchait également à des problèmes de sécurité publique. Nous avons accompli un travail sérieux et nous avons notamment entendu des représentants des autorités anglaises. Néanmoins cela est soumis à des règles très strictes et il n'est pas possible de contraindre les intéressés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Dans le domaine en cause, nous voulons aussi travailler sérieusement, tous ensemble, tirer les enseignements des accidents survenus, chercher des solutions pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Monsieur le président, je maintiens évidemment cet amendement car il me semble indispensable de bien souligner ce caractère très précis des conditions de travail des marins.
    Par ailleurs, monsieur Sauvadet, n'oubliez pas que sous la XIe législature - la précédente - la majorité accordait à des députés de l'opposition la possibilité de présider une commission d'enquête ou d'en être le rapporteur. Ce n'est pas le cas actuellement, nous le regrettons.
    M. Alain Marty. Il reste quatre ans ! Vous pouvez toujours espérer !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution, modifié par l'amendement n° 1.
     M. Daniel Paul. Le groupe communiste s'abstient.
    (L'article unique de la proposition de résolution, ainsi modifié, est adopté.)

Constitution de la commission d'enquête

    M. le président. Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du règlement, avant le mardi 11 février, à dix-sept heures, le nom des candidats qu'ils proposent.
    La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.
    Je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
    M. le président. La séance est reprise.

3

INITIATIVE ÉCONOMIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'initiative économique (n°s 507 rectifié, 572).
    Hier soir, l'Assemblée a fini d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Rappel au règlement

    M. Michel Vergnier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour un rappel au règlement.
    M. Michel Vergnier. Monsieur le président, afin que la plus grande clarté prévale dans la suite de nos débats, je tiens à exprimer nos regrets quant à la façon dont s'est terminée la séance d'hier soir.
    En effet, alors que vous vous apprêtiez à lever la séance, M. le secrétaire d'Etat a demandé à répondre aux orateurs. Or il nous avait été précédemment indiqué que cette réponse interviendrait aujourd'hui. Certes, nous ne maîtrisons pas la volonté du Gouvernement, mais de nombreux orateurs qui s'étaient exprimés dans la discussion générale avaient alors quitté l'hémicycle, pensant entendre cet après-midi les réponses de M. le secrétaire d'Etat aux questions qu'ils avaient posées.
    Monsieur le secrétaire d'Etat aux PME, ne voyez dans ma remarque aucune mauvaise intention, mais je tenais à la formuler afin que, dans la suite de la discussion, les réponses aux questions posées par des députés de l'opposition ou de la majorité soient données en présence des orateurs, sauf si ceux-ci n'ont pas eu la courtoisie d'attendre.
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, je regrette de n'avoir pu donner à ceux qui n'étaient pas là les réponses qu'ils attendaient. J'ai répondu hier soir sur les principaux sujets abordés par les trente-cinq députés qui se sont exprimés et dont les interventions se sont souvent recoupées sur des thèmes centraux.
    J'aurai l'occasion d'apporter de plus amples précisions lors de la discussion des amendements, ce qui devrait donner satisfaction aux députés qui n'ont pu m'écouter hier soir.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est M. Michel Vergnier.
    M. Michel Vergnier. Monsieur le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, madame la rapporteure de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique, mes chers collègues, la discussion d'un projet de loi est toujours un moment privilégié, attendu, souhaité, pour chacune et chacun d'entre nous. Personne - tout au moins selon moi - n'étant censé détenir à lui seul la vérité, car on ne détient guère que la sienne, chacun devrait attendre avec impatience la confrontation avec celle des autres pour aboutir à la meilleure solution possible. En tous les cas, il s'agit de rechercher l'intérêt général et non pas d'additionner des intérêts particuliers.
    L'année dernière, à peu près à la même époque d'ailleurs, votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avait présenté un projet de loi qui avait pour objet le développement des petites entreprises et de l'artisanat. Il ne s'était trouvé personne, sur les bancs de l'opposition d'alors, pour dire que ce projet n'était pas utile. Au contraire, de nombreux députés avaient reproché au Gouvernement, donc à sa majorité, de déposer ce projet trop tard, puisqu'il ne serait examiné qu'en première lecture et ne verrait donc pas le jour réellement.
    Beaucoup d'entre nous ont cependant vu un hommage au travail accompli et se sont dit que cette première lecture serait sans doute suivie d'une autre après les élections, quelle que soit la majorité qui sortirait des urnes, même si des modifications devaient être apportées pour combler certaines lacunes. Je tiens donc à rappeler brièvement les objectifs visés par ce projet de loi présenté par le secrétaire d'Etat d'alors, François Patriat. Ce texte s'insérait d'ailleurs dans un vaste programme de développement mis en place par Mme Lebranchu et dont on nous disait que les mesures avaient été pertinentes.
    Son premier objectif était donc de favoriser le développement de l'entreprise en facilitant le financement des PME, en améliorant les conditions de transmission des entreprises pour assurer leur pérennité, en menant une politique en faveur de l'innovation.
    Il s'agissait ensuite de donner un statut moderne aux femmes et aux hommes des petites entreprises, en assurant une meilleure sécurité à l'entrepreneur et à son conjoint, en menant une réflexion approfondie sur la formation, tant des entrepreneurs que des salariés.
    Enfin, il tendait également à améliorer l'environnement dans lequel s'exerce l'activité des petites entreprises, en allégeant leur fiscalité, en privilégiant leur dimension sociale et territoriale, et en simplifiant les démarches administratives et la réglementation.
    Tout cela nous semblait cohérent, global, avec un fil directeur précis qui couvrait l'ensemble du champ d'investigation, de la création à la transmission d'entreprise, en passant pas son développement.
    Ce projet a été abandonné, non repris, sacrifié, je ne sais ! Beaucoup de travail a donc été accompli pour rien. Pourtant, les consultations avaient été nombreuses, les discussions intéressantes, et les auditions constructives.
    Puisqu'il en est ainsi - malheureusement, pour l'efficacité et l'image de la politique, car abandonner systématiquement ce que les autres ont fait au gré des changements de majorité, ne donne pas une image très positive - tournons-nous vers l'avenir, et faisons consciencieusement ce qui nous est demandé.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendions ce texte avec impatience.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ah !
    M. Michel Vergnier. Bien entendu, puisqu'il s'agit d'un domaine important.
    Nous nous disions que, après tout, il se situerait peut-être dans le prolongement de ce qui avait déjà fait. Nous avons d'ailleurs beaucoup attendu, dans un premier temps sans avoir aucune indication, malgré le temps qui passait inexorablement, puis, il y a quelques semaines, nous avons été fixés. Le texte « Agir pour l'initiative économique » était enfin connu de nous-même, c'est-à-dire de l'opposition, parce que je suppose que, en ce qui concerne la majorité, le travail avait été commencé avant.
    La création d'une commission spéciale a été une très bonne décision. En revanche, son installation et le début de nos travaux, quelques jours seulement avant que nous soyons saisis de ce texte ont été nettement moins judicieux. Nous estimons même qu'il s'est agi d'une véritable caricature de préparation démocratique de l'examen d'un projet de loi.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Excessif !
    M. Michel Vergnier. Laissez-moi vous rappeler que les conditions de travail de la commission n'ont pas été satisfaisantes du tout, en précisant que je n'en veux pas du tout à ses responsables. En effet, elle ne s'est réunie que deux fois avant l'examen des amendements : la première, pour constituer son bureau et auditionner le ministre ; la seconde, pour des auditions qui ont duré du matin au soir, mais sans aucune consultation préalable des membres de l'opposition. Ces derniers ont donc dû se débrouiller à la hâte pour libérer leur journée. Or tous les parlementaires savent combien il est aisé de modifier ainsi un calendrier en trois jours !
    Bref, nous avons dû accepter des méthodes de travail contestables, mais nous nous y sommes pliés de bonne grâce. En effet, le sujet étant d'importance, nous avons estimé qu'il était nécessaire de laisser nos états d'âme au vestiaire, car lorsque l'on est élu, on est payé pour avoir des états de service, et pas des états d'âme.
    M. Charles de Courson. Oh, c'est beau comme l'antique !
    M. Michel Vergnier. Telle a été la réalité de nos travaux.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes venu devant la commission spéciale ; vous nous avez présenté, avec, je dois le reconnaître, beaucoup de courtoisie, ce texte qui, selon vous, donne de l'air aux entreprises et va développer l'envie de créer, en simplifiant et en incitant. Je ne doute pas, je le répète, de la sincérité de votre engagement. En revanche, je conteste, l'efficacité et la pertinence des mesures contenues dans ce texte.
    Je suis monté à cette tribune pour défendre le renvoi en commission, et je dois, dans le temps qui m'est imparti, convaincre quelques membres de la majorité actuelle de le voter.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique. Tout espoir est permis ! (Sourires.)
    M. Michel Vergnier. Telle est la tâche que l'on m'a confiée. Devant donc essayer de convaincre, il me faut éviter de m'éloigner du sujet.
    Ce ne sera pas une grande découverte, pour certains, de voir que ce texte était insuffisamment préparé, puisque de nombreux orateurs, qui se sont exprimés avant moi, en ont déjà montré les lacunes et les insuffisances.
    Un tel sujet mérite que l'on puisse en débattre sereinement, puisque ce sont 5,5 millions d'actifs qui sont concernés. De plus, les entreprises sont un sujet de première importance sur le plan économique et social et il y a, dans ce domaine, c'est vrai, un fort potentiel de création d'emplois et d'innovation. Faciliter leur transmission et leur développement contribue à la création ou à la préservation des emplois, il faut bien le dire, et c'est sans doute l'essentiel. Surtout, les petites entreprises jouent aussi un rôle primordial dans l'aménagement et le maillage du territoire.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je dois vous rappeler que nous ne partons pas de rien et qu'un certain nombre de mesures, déjà très favorables aux PME, ont été prises au cours des cinq années précédentes.
    Mes chers collègues, je vais devoir faire référence à ce qui se disait l'année dernière. Vous nous avez reproché de discuter d'un texte « mort-né », au motif que le projet de loi de François Patriat était le dernier texte de la législature et qu'il n'aurait pas le temps d'aboutir. Nous avions mis l'ouvrage sur le métier et, manifestement, nous avons bien fait, puisque, moins d'une année après nos discussions, vous reprenez l'ouvrage après, néanmoins, et je le regrette profondément, l'avoir consciencieusement effilé et surtout dénaturé.
    S'il reprend l'esprit de nombreuses dispositions mises en place par le gouvernement précédent, ce qui souligne la justesse de celles-ci, le texte relatif à l'initiative économique apparaît fortement en retrait par rapport au texte proposé en 2002 par François Patriat, au nom du gouvernement de l'époque.
    Vous nous avez reproché notre lenteur, je vais vous reprocher votre précipitation ! Manifestement, l'expression « vite fait, bien fait » ne peut vraiment pas qualifier le travail que vous nous présentez aujourd'hui ! Alors que le texte de François Patriat se caractérisait par la prise en compte des besoins respectifs des PME et des artisans, le vôtre se focalise sur une conception de l'attractivité, réduite à la seule question fiscale, qui conduit à une multiplication d'exonérations dont on met en doute la justification économique. C'est du moins ce que je crois, mais je laisse à d'autres le droit de ne pas penser la même chose.
    M. Jean Roatta. Merci !
    M. Michel Vergnier. C'est cela, la démocratie !
    M. Jean-Marc Lefranc. Bien sûr !
    M. Michel Vergnier. Mais c'est aussi le respect !
    M. Jean-Marc Lefranc. Toujours !
    M. Michel Vergnier. En revanche, les moyens d'assurer le développement réel des entreprises par la formation, le soutien des entrepreneurs et de leurs salariés - car il n'y a jamais de bonnes entreprises sans bons salariés -...
    M. Jean-Marc Lefranc. C'est vrai !
    M. Michel Vergnier. ... par les dimensions sociales et d'emploi liées à la création d'entreprise, de même que celle liée à l'aménagement du territoire, sont absents de ce texte. Ou alors, il faudra que l'on me montre où elles sont cachées !
    Il s'agit d'un texte qui permet de multiplier les cadeaux fiscaux, sans doute à une certaine clientèle, alors même que le ralentissement économique et la levée par le Gouvernement des garde-fous législatifs se traduisent par la multiplication des licenciements.
    La majorité prétend ainsi favoriser l'emploi par la remise en cause de l'impôt de solidarité sur la fortune.
    Maxime Gremetz, hier, présentait des tableaux. Je suis désolé, je n'en ai pas mais vous connaissez bien ces choses : je vous rappelle, puisque vous invoquez sans cesse la fuite des capitaux, que selon la direction générale des impôts, moins de 24 000 contribuables ont transféré leur domicile fiscal à l'étranger,...
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ce sont 24 000 de trop !
    M. Michel Vergnier. ... soit 0,08 %, et le nombre de redevables de l'ISF partis à l'étranger est d'environ 350, soit 0,2 %.
    Il faut aussi rappeler que l'encouragement fiscal qui avait été décidé en 1996 - vous vous souvenez quelle était alors la majorité - en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires, qui a coûté 303 millions d'euros - somme qui peut nous faire penser à une autre ! - et qui était censée développer l'emploi - à l'époque, nous avions entendu les mêmes discours ! - en a maintenu 350, soit un coût par emploi de 760 000 euros !
    Les chiffres sont là, et ils sont têtus. Ce cadeau fiscal extraordinaire était pourtant supposé favoriser l'investissement et l'emploi ! Voyez le résultat ! Permettez-nous de craindre qu'il en aille de même aujourd'hui.
    Si notre texte était « mort-né » - par votre faute, puisque rien ne vous interdisait de le transmettre au Sénat, mais vous avez préféré l'enterrer - le vôtre est un grand prématuré.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. On le mettra en couveuse !
    M. Michel Vergnier. Où est la grande loi d'orientation réclamée à cor et à cri par l'opposition de l'ancienne législature ?
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique, pour les articles non fiscaux. Prématuré, cela veut dire qu'il y a de la vie !
    M. Michel Vergnier. Cela signifie aussi qu'on aurait pu le mener à terme en travaillant davantage !
    M. Jean-Jacques Descamps. Vous avez perdu les élections !
    M. Michel Vergnier. D'où la motion de renvoi en commission dont j'essaie de démontrer clairement la nécessité.
    Les artisans et les très petites entreprises ne se retrouvent pas dans ce texte. D'ailleurs, si vous y trouvez une seule fois le mot « artisan », dites-le moi. Pour ma part, je ne l'ai pas rencontré !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il est partout !
    M. Michel Vergnier. Je sais que ce ne sont pas forcément les entreprises que vous défendez !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Les artisans sont-ils des entrepreneurs, oui ou non ?
    M. Michel Vergnier. J'ai écouté hier, avec beaucoup de respect, une de vos collègues, parler d'une droguerie...
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. D'une quincaillerie !
    M. Michel Vergnier. Je pourrais moi aussi citer beaucoup d'exemples. Mais la promotion sociale s'applique à tous : je suis, pour ma part, fils de maréchal-ferrant. Si vous saviez quel beau métier c'est, mais comme les fins de mois étaient difficiles !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Beau métier, en effet ! Il en reste quelques-uns.
    M. Michel Vergnier. Ils sont désormais itinérants.
    Mais poursuivons, car évoquer chacun nos souvenirs ne fera pas beaucoup avancer le « schmilblick ».
    La précédente opposition avait reproché à notre texte de manquer « d'ampleur et d'ambition ». Je comprends maintenant, en voyant sa propre copie, qu'elle nous reprochait plutôt de privilégier les « petits » au détriment des « gros » !
    Pourtant, en relisant les débats avec beaucoup d'attention, je constate que vous nous reprochiez de ne pas nous intéresser assez aux problèmes des artisans, des commerçants et des petits entrepreneurs. C'était même votre reproche principal.
    Avec tout le respect que je leur dois, à eux et à leurs opinions, je citerai quelques-uns de vos intervenants.
    M. Gaillard disait : « En France, le secteur de l'artisanat espérait mieux. Une loi d'orientation aurait traduit la volonté d'un changement de mentalité, lequel est nécessaire si l'on veut, par exemple, que l'apprentissage soit mieux considéré. »
    Je précise, pour ceux qui n'auraient pas bien lu le projet de loi actuel, que l'apprentissage, en l'occurrence, c'est pour plus tard ! N'est-ce pas là « mettre la charrue avant les boeufs » ?
    M. Gaillard poursuivait : « Les petites entreprises ne réclament pas d'être traitées comme des grandes mais veulent que leur différence de taille et de fonctionnement soit prise en compte [...] Vous ne réglez rien aux problèmes de développement des entreprises qui comptent moins de vingt salariés. Vous auriez pu aller plus loin dans votre excellente idée : la mobilisation des ressources inutilisées des PEL, en donnant la possibilité d'utiliser le crédit qui leur est rattaché. » Vous avez bien entendu !
    Voilà ce que vous disiez, il y a un an. Cela se passe de commentaires ! Tous les amendements que nous avons proposés sur ce point ont été retoqués !
    Vérité d'aujourd'hui ou de demain ? Je ne sais plus !

    Qui a dit : « Quant à la formation, qui demeure un des thèmes de préoccupation majeurs des petites entreprises, elle n'est pas évoquée alors que nombre d'entreprises ne trouvent pas la main-d'oeuvre qualifiée dont elles ont besoin » ? Pensez-vous que ce soit un député socialiste ? Eh bien, c'était un député de vos rangs s'exprimant l'année dernière sur le projet de loi Patriat, projet qui comportait pourtant des mesures relatives à la formation. Vous, vous les renvoyez à plus tard.
    Nous voyons à travers ces grands discours que vous avez fait preuve de beaucoup d'acharnement pour nous donner des leçons, avec un enthousiasme tel que l'on ne peut aujourd'hui que s'étonner de votre silence. Ces leçons n'ont pas été retenues. Vous ne vous les êtes pas appliquées.
    Mon voisin de circonscription qui s'intéresse beaucoup à l'artisanat, Nicolas Forissier, déclarait quant à lui : « Ce projet souffre de très graves lacunes. Il manque toute la dimension sociale de l'environnement des petites entreprises ». Et il déplorait : « La valorisation de la formation en entreprise n'est qu'effleurée alors qu'elle devrait fait l'objet d'un volet entier tant cette question est importante pour assurer l'attractivité du secteur artisanal. » Ai-je besoin de préciser que pas une ligne du projet de loi que nous examinons n'évoque la question fondamentale de la formation ?
    Mieux encore, on nous a expliqué qu'il n'était « presque pas fait mention » de l'aménagement du territoire dans le projet de loi Patriat. « Pourtant chacun connaît l'importance des petites entreprises pour le développement des territoires en difficulté. Dans les zones rurales défavorisées, l'emploi repose principalement sur elles » - je suis d'accord. « Il faudrait donc consentir un effort particulier pour stimuler leur création dans ces zones. » Il fallait, disiez-vous, faire en sorte de ne pas traiter pareillement l'ensemble du territoire. Vous dites aujourd'hui le contraire quand nous vous interrogeons sur l'aménagement du territoire.
    Il va falloir nous expliquer, maintenant que vous êtes dans la majorité, en quoi le texte actuel correspond à ce que vous réclamiez il y a un an !
    Si nous avions travaillé davantage en commission, madame la rapporteure, nous aurions pu combler toutes ses lacunes, grâce à nos amendements.
    Chers collègues de la majorité, vous avez caricaturé notre position, mais la vôtre n'est-elle pas caricaturale ? Pouvez-vous nous expliquer en quoi vous traitez les uns différemment des autres, et en quoi vous vous êtes appliqués vos propres conseils de l'an passé ?
    Tout cela ne me saute pas aux yeux. Je dois vous dire que j'ai pu, d'ailleurs, à la relecture de nos travaux, relever d'autres contradictions. Certains de vos propos nous invitaient à moins de « dirigisme » - ce sont vos propres mots - moins d'administration dans la vie quotidienne, tandis que d'autres nous expliquaient que le libéralisme implique une règle du jeu et demandaient par conséquent au gouvernement de l'époque de mettre fin aux pratiques de concurrence déloyale.
    Ce même gouvernement auquel il a été reproché d'« imposer des règles censées protéger les salariés mais qui constituent autant d'entraves à la liberté d'entreprendre » alors que « les entreprises n'ont pas besoin de davantage de lois » - mais alors pourquoi légiférer ? - « de règlements, de contraintes mais au contraire de souplesse et de liberté ».
    Nous y voilà ! Ainsi parlait M. Charié dont l'absence m'étonne, car il s'intéresse fort d'habitude à ce sujet.
    M. Jean-Jacques Descamps. Ne pourrait-on parler du projet ?
    M. Michel Vergnier. J'en parle sans arrêt ! Ne comprenez-vous pas que je démontre que vous dites l'inverse de ce que vous disiez il y a un an ? C'est pourtant éclairant ! Seriez-vous gênés de vous l'entendre dire ?
    Nous voilà, disais-je, à la sacro-sainte « liberté d'entreprendre » que nous n'avons, d'ailleurs, jamais voulu bafouer...
    M. Michel Roumegoux. Mais si !
    M. Michel Vergnier. ... mais que nous n'avons jamais voulu dissocier de l'« égalité d'entreprendre » sans laquelle nulle liberté ne peut « subsister ». Relisez donc Du contrat social de Rousseau ! Ou, si vous préférez, dans Montesquieu : « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent. »
    Nous avons même eu droit à un numéro de haute voltige. Ainsi, après avoir réclamé moins de lois, M. Charié lui-même affirmait : « L'économie de marché exige l'application intransigeante du droit de la concurrence et c'est à l'Etat, qui défend les libertés des faibles, d'y veiller. Si l'activité des petites entreprises n'est pas soutenue, la société ne sera bientôt plus administrée par le pouvoir politique, mais par les grandes entreprises. » Intéressant, n'est-ce-pas ?
    Je conçois que, pris par la passion de l'opposition - comme je le suis parfois moi-même -, on puisse se laisser griser par certaines tentations. Mais cela ne permet pas d'exécuter des sauts périlleux arrière sans risque, et même si certains ne manquent pas de talent, ils ne se retrouvent pas moins dans une position bancale !
    Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est tout sauf une loi d'orientation pour l'artisanat et les petites entreprises, car il ne traite que de la liberté d'entreprendre en oubliant totalement la dimension sociale et les dimensions « emploi » et « environnement de l'entreprise » qui existaient dans le texte du précédent gouvernement.
    Je n'aurai pas la mauvaise foi de vous dire, comme on nous l'avons entendu l'an passé, que « les questions sociales sont proprement éludées ». Je me permettrai simplement de trouver qu'elles s'y réduisent comme peau de chagrin.
    Pour ce qui est de la protection des entrepreneurs, et surtout des indépendants et de leur famille, vous vous révélez nettement moins ambitieux que dans les discours de contestation que vous teniez l'année dernière. Vous nous reprochiez de ne pas avoir déposé d'amendement sur la création d'un « reste à vivre ». Les parlementaires de l'opposition soutenaient cette mesure et avaient déposé des amendements pour en augmenter le montant. Or, dans votre texte, vous n'avez même pas repris cette disposition.
    Vous optez pour l'insaisissabilité de la résidence principale, non pour tous les entrepreneurs, mais seulement pour ceux qui la choisissent par un acte, payant au demeurant. Mais, quelle protection réelle l'insaisissabilité de la résidence principale dont il est question à l'article 6 de votre projet offre-t-elle à l'entrepreneur ? Ne va-t-elle, au contraire, se révéler contre-productive ? Les banques seront sans doute conduites, soit à demander de plus grandes garanties aux entrepreneurs ayant choisi cette protection, soit à augmenter leurs taux, ce qui, dans les deux cas, peut entraîner un effet de dissuation sur les créateurs d'entreprise potentiels. Et quelle protection avez-vous envisagé pour l'entrepreneur, et c'est souvent le cas pour les plus jeunes, qui ne possède pas de résidence principale ?
    Vous n'avez cessé de plaider l'année dernière, de façon très démagogique, pour la séparation entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel, non que je défende cette option, mais qu'en est-il aujourd'hui ? Où sont les actes ?
    Sur le statut du conjoint collaborateur, vous étiez intarissables l'année dernière, vous êtes devenus muets. Lorsque l'article 11 du projet de loi Patriat, qui comportait des avancées pour les conjoints, a été examiné, M. Proriol a déclaré qu'il aurait été incompréhensible de ne rien prévoir pour les conjoints collaborateurs.
    Que dire de votre texte ? Il n'y a rien pour régler le problème.
    Pour les femmes d'artisan et de commerçant qui, en dépit des différents statuts de conjoints, ou plutôt de conjointes, existants, ne bénéficient que d'une couverture sociale et d'une retraite minimales, nous avions proposé de rendre obligatoire l'adhésion à un statut. Le groupe Démocratie libérale avait brandi l'étendard de la liberté, mais le groupe UDF nous avait soutenus, notamment le sage M. Gengenwin : « La liberté totale, c'est bien beau, mais cela conduit souvent à renvoyer à plus tard ses obligations, et l'on se retrouve démuni le jour où l'on en aurait besoin. L'obligation faite au conjoint d'adopter ce statut de collaborateur lui donnera des garanties supplémentaires. Vous avez raison, il faut aller dans ce sens. »
    Nous avions même été plus loin, puisque nous avions rendu obligatoire l'affiliation des conjoints à l'assurance-vieillesse, en assouplissant les conditions de rachat de périodes de cotisation, et en instaurant une période transitoire de trois ans pendant laquelle l'affiliation reste optionnelle. Un grand nombre d'entre vous s'étaient réjouis d'une telle mesure.
    La plupart des quelques mesures proposées dans le volet « accompagnement social des projets » de ce texte nous paraissent acceptables. Néanmoins, nous serons vigilants, car vous avez une fâcheuse tendance à reprendre d'une main ce que vous avez donné de l'autre. J'en prendrai pour exemple l'article 19.
    Comment ne pas être favorable, dans un premier temps, à une mesure qui étend aux demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans le dispositif prévu par le code du travail permettant à des personnes en difficulté de bénéficier d'une aide en cas de création d'entreprise ? Le problème, c'est que, dans le même temps, vous nous expliquez que cette aide peut consister en une avance remboursable et qu'un décret décidera de tout cela, ainsi que des conditions d'accès au bénéfice de ces aides.
    Nous serons vigilants.
    Si j'ai tout compris...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Ce n'est pas sûr !
    M. Michel Vergnier. Vous avez raison. Etes-vous sûr d'avoir tout compris, vous ?
    M. Charles de Courson. On s'accroche !
    M. Michel Vergnier. Si j'ai tout compris, pour vous, aider, ce n'est pas donner, c'est prêter. Ce n'est pas la même conception de la générosité ! Avec une telle conception, vous pouvez bien vous permettre des effets de générosité envers les publics en difficulté que vous allez sans doute dissuader un peu plus, au nom d'un souhait très contestable de responsabilisation, de tenter une démarche entrepreneuriale.
    Les gens que vous prétendez vouloir aider - je précise au passage que les chômeurs de longue durée ne sont pas tous âgés de plus de cinquante ans - sont les improbables bénéficiaires d'une aide qui n'en sera plus une.
    Votre texte ne parle pas non plus beaucoup des salariés des entreprises. Plus exactement, vous ne les évoquez que lorsqu'il est question de les transformer en ex-salariés, en les y encourageant fortement. Les salariés créateurs sont à l'honneur.
    A vous lire, surtout entre les lignes, le salarié d'une entreprise est un peu comme un mineur. Il n'atteint la majorité que lorsqu'il devient lui-même entrepreneur et quitte enfin le foyer familial de son ancienne entreprise. Votre texte incite d'ailleurs fortement et le foyer familial et l'ancien mineur devenu majeur à couper le cordon ombilical.
    Quand on vous lit, on éprouve la curieuse impression qu'un chef d'entreprise serait un homme quand le salarié serait un adolescent.
    Ce n'est pas à vous que je vais expliquer que ce qui fait la valeur d'une entreprise, ce sont les hommes, surtout dans les petites entreprises.
    Vouloir aider les salariés qui veulent devenir entrepreneurs est une chose - que vous faites, peut-être pas d'ailleurs aussi bien que vous le pensez -, aider les salariés à rester ou à venir dans les PME en est une autre que vous ne faites pas, bien au contraire : vous renforcez la différence existant entre les grandes et les petites entreprises, en rendant ces dernières beaucoup moins attractives.
    Pourquoi un salarié irait-il travailler dans une petite entreprise où on ne lui propose pas de conditions de travail intéressantes et des avantages sociaux équivalents à ce qui est proposé ailleurs ? Il y a là quelque chose qu'il faut expliquer.
    Non seulement vous avez stoppé le processus de mise en place de la réduction du temps de travail dans les PME...
    M. Jean-Marc Lefranc. Heureusement !
    M. Michel Vergnier. Salariés à deux vitesses... Il y a des choses dont on reparlera.
    Il y a des choses auxquelles je crois beaucoup, ce sont les conditions de travail des gens et le temps libéré, et l'histoire, l'histoire à venir, pas celle de demain, pas celle de l'année prochaine, tranchera. Vous avez pris vos responsabilités, nous avions pris les nôtres.
    M. Jean-Marc Lefranc. C'est le peuple qui a pris les siennes !
    M. Michel Vergnier. Respect des uns envers les autres. Nous avions fait une loi, vous avez décidé autrement, c'est votre droit, mais pouvons-nous nous donner rendez-vous pour en reparler ?
    M. Jean-Jacques Descamps. Ce sont les électeurs qui décident !
    M. Michel Vergnier. Alors là, restez modestes !
    M. Charles de Courson. Et vice versa !
    M. Michel Vergnier. Les électeurs, on les connaît bien les uns et les autres. Il y a d'autres fois où ils vous ont remerciés aussi. Alors, ne soyez pas si sûrs de vous. Vous savez, les gens regardent d'abord le travail que vous faites. Il regardent d'abord votre honnêteté.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Dominique Tian. C'est ce qu'ils ont fait. Bonne explication !
    M. Charles de Courson. Vous avez raison !
    M. Michel Vergnier. Mais c'est la vérité !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Vergnier !
    M. Michel Vergnier. Cela fait partie du débat, monsieur le président, mais je vais effectivement poursuivre et j'invite mes collègues qui se sentent aujourd'hui en position de force (Sourires)...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Mais non !
    M. Jean-Marc Lefranc. Nous sommes modestes !
    M. Dominique Tian. Vous n'avez pas cité Jospin !
    M. Michel Vergnier. ... dans cet hémicycle à faire preuve de modestie ! Vous savez, l'histoire va vite !
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous allez stopper le processus mais pourquoi ne pas vouloir mettre en place le comité des activités sociales et culturelles que nous avions prévu ?
    Pourquoi encore compliquer, demandent les chefs d'entreprise. Que cela ne soit pas dans votre texte n'est pas une surprise dans la mesure où vous étiez déjà opposé aux CACS créés par l'article 14 du projet de loi Patriat et que vous les aviez combattus à l'époque. Là, au moins, il y a une cohérence. Votre seul argument était de dire que notre dispositif méconnaissait la compétence des partenaires sociaux. Bien entendu, c'était totalement caricatural. La loi devait se borner à fixer un cadre, c'est-à-dire un champ d'application de la mesure et le contenu minimal de l'accord, le reste étant renvoyé à la négociation collective. Alors pourquoi ne pas vouloir le faire ?
    La plupart des organisations syndicales sont tombées d'accord pour que les prérogatives restent limitées aux compétences sociales du comité d'entreprise, à savoir la gestion des oeuvres sociales et culturelles. Ainsi, conformément aux voeux des partenaires sociaux, l'article 14 fournissait le cadre législatif nécessaire à la création de comités des activités sociales et culturelles, en prévoyant le regroupement, par accord interentreprises ou accord interprofessionnel, accord de branche ou accord territorial, des entreprises ne disposant pas d'un comité d'entreprise et souhaitant créer un CACS.
    Cette mesure non contraignante permettait aux salariés de bénéficier des services et avantages offerts par une « version allégée » d'un comité d'entreprise. Or la faiblesse des avantages sociaux est souvent considérée comme un inconvénient majeur pour les salariés des PME.
    En négligeant de reprendre cette mesure dans votre texte, vous faites perdurer une certaine discrimination entre les salariés des petites entreprises et ceux des grandes entreprises.
    Vous introduisez même une nouvelle discrimination pour les salariés des PME puisque l'article 9 de votre projet prévoit que les salariés des entreprises de moins de 200 salariés pourront se voir refuser la possibilité de bénéficier d'un aménagement de leur temps de travail afin de créer leur propre entreprise.
    En pénalisant les salariés des PME, vous pénalisez les PME elles-mêmes qui ont de plus, dans certains secteurs, et vous le savez, des difficultés à recruter.
    Et que dire de la formation ? Tout ce que vous ne dites pas, puisqu'il n'y a pas une ligne consacrée à ce sujet dans le texte. Or la question de la formation, je l'ai déjà dit, est essentielle dans les petites entreprises, que ce soit la formation des salariés ou celle des nouveaux entrepreneurs.
    Notre texte prévoyait, dans son article 12, une amélioration du système de la formation continue en organisant et finançant le remplacement du salarié parti en formation, et ce afin de rendre effectif le droit à la formation continue du salarié. L'aide forfaitaire déjà existante accordée à l'employeur étant inopérante, il était proposé de la remplacer par une aide proportionnelle à la durée de la formation sur la base d'un montant revalorisé et de baisser à 70 heures le nombre d'heures de formation nécessaires pour l'obtention de cette aide.
    Cette proposition intervenait en complément de mesures déjà prises dans le domaine de la formation.
    En effet, le gouvernement précédent avait pris des dispositions permettant une meilleure reconnaissance des qualifications acquises par l'expérience professionnelle, dispositions concernant notamment de nombreux salariés des petites entreprises ayant un faible accès à la formation continue. Ainsi, la loi de modernisation sociale a étendu la validation des acquis de l'expérience et permis l'établissement de règles reconnaissant l'expérience professionnelle et rénovant les procédures d'homologation des formations professionnalisées par la tenue d'un répertoire national de certification professionnelle.
    De plus, il avait également procédé à une réforme du financement de l'apprentissage et clarifié la gestion et l'affectation de la taxe d'apprentissage, permettant aussi une réduction des inégalités de moyens entre les différents centres de formation des apprentis.
    Peut-être est-ce parce que vous opposez de manière réductrice progrès social et développement économique que vous avez négligé de mener cette réflexion sur la formation...
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Voilà qui ne vous ressemble pas, monsieur le député !
    M. Michel Vergnier. Elle est pourtant un outil essentiel de pérennisation des petites entreprises et leur donne aussi de la valeur ajoutée.
    Les petites entreprises sont celles qui dynamisent notre tissu économique.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Ça c'est vrai !
    M. Michel Vergnier. Vous négligez également le rôle essentiel qu'elles ont dans l'aménagement du territoire, en constituant un maillage géographique serré, en assurant le soutien de la croissance, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales.
    Pourtant, l'aménagement du territoire était l'axe privilégié de la proposition d'un sénateur nommé M. Raffarin, qui avait été adoptée en première lecture sous la précédente législature. M. Raffarin appartient, je crois, à votre majorité.
    Pourtant, le « document d'orientation et de consultation » publié cet été par le ministère rappelle que, « aidées par des incitations bien ciblées, les entreprises peuvent aussi contribuer au développement des zones économiquement défavorisées ».
    En réalité, aucune réflexion générale n'est menée dans ce texte sur le rôle des collectivités locales, les réseaux d'entreprises, ni même la prise en compte des zones particulièrement défavorisées du territoire.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est une analyse hâtive du texte.
    M. Michel Vergnier. C'est la vérité. Vous vous bornez à annoncer l'extension du mécanisme des zones franches. Augustin Bonrepaux en a parlé.
    M. Jean-Louis Dumont. Excellemment !
    M. Michel Vergnier. Je crois que tout le monde a bien compris. Ce qu'il faut, c'est une réflexion d'ensemble sur l'attractivité des territoires.
    La loi sur les nouvelles régulations économiques améliore l'équilibre des relations entre les différents acteurs du marché et vise à protéger les intérêts des PME face aux grands groupes.
    La loi solidarité et renouvellement urbains intègre le schéma d'équipements commerciaux dans un document d'urbanisme plus large, garant d'un développement équilibré du commerce dans le territoire.
    Nous avons, de plus, fortement soutenu le commerce de proximité en milieu rural et dans les centres-villes par l'intermédiaire de FISAC, et vous avez pris, d'ailleurs, à ce sujet, de bonnes mesures.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Merci ! Enfin !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Il était temps !
    M. Michel Vergnier. Dans les zones rurales, l'emploi repose en grande partie sur les petites entreprises. Il est donc important de soutenir, par des mesures spécifiques que vous ne proposez pas, la création, la transmission et le développement d'entreprises dans ces zones.
    Il est indispensable d'inscrire les territoires dans le développement économique en veillant au maintien et au développement d'un service minimal marchand dans chacun d'eux.
    Si vous manquez d'idées en la matière, peut-être pourrions-nous en discuter en commission. Nous pourrions alors vous en proposer : mieux aider l'entreprise à s'ancrer dans l'économie locale, en créant par exemple des maisons d'initiative locale, en finançant des locaux, en favorisant des coopérations à l'échelle des bassins d'emploi... Voilà un chantier de taille que nous pourrions reprendre tous ensemble en retournant en commission.
    Il faut trouver les moyens d'un développement économique durable et équilibré, qui permette aux petites entreprises et aux artisans de mieux et davantage participer à la création d'emplois et à l'animation des territoires. La politique de contractualisation, telle qu'elle est pratiquée dans l'agriculture par le biais des CTE, qui ont été supprimés sans être supprimés, parce que c'était difficile,...
    M. Jean-Marc Lefranc. C'est une usine à gaz !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. De la bureaucratisation !
    M. Michel Vergnier. ... pourrait être un excellent outil de développement.
    Autre oubli de votre projet de loi, l'économie solidaire. Or l'existence des petites entreprises suppose solidarité, mutualisation, travail en réseau.
    Les coopératives, qui mettent l'économie au service de l'homme et non pas le contraire, sont pourtant compétitives et innovantes. Il ne faut pas les oublier. Permettons-leur d'être en situation de concurrence équitable face à de grands groupes.
    Notre objectif était la création d'un million d'entreprises en cinq ans. Faites la même chose !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. On fait ça au démarrage !
    M. Michel Vergnier. Nous sommes au moins d'accord là-dessus. Mais nous l'avions dit bien avant un candidat à la présidence de la République qui s'appelait Jacques Chirac.
    M. Patrick Labaune. Pour qui vous avez voté !
    M. Michel Vergnier. Oui, cher monsieur.
    M. Patrick Labaune. C'était bien !
    M. Michel Vergnier. Et on pourra s'en expliquer.
    Mais cet objectif, monsieur le secrétaire d'Etat, était assorti de la volonté de pérenniser les entreprises créées.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est un sujet très important !
    M. Michel Vergnier. Votre projet de loi ne donne pas aux entreprises les moyens d'assurer, après leur création, leur développement...
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Si !
    M. Michel Vergnier. ... puisque, comme je l'ai dit, vous négligez la formation, le soutien aux entrepreneurs et aux salariés, vous proposez une protection insuffisante et vous ne semblez pas réellement préoccupé par les créations ou la préservation des emplois.
    Il me semble qu'il y a souvent de l'incantation, mais j'espère me tromper.
    Vous faites une présentation quasi promotionnelle - félicitations d'ailleurs, votre document est très beau, la première page aussi - de la création d'entreprise : effet d'annonce, affichage... Ce n'est tout de même pas de la braderie ! Mais il faut toujours assurer le service après-vente, car créer c'est bien, pérenniser c'est mieux. Moi, je suis un homme de la terre. De même qu'il est plus sage de finir son assiette avant de se resservir, il faut penser à permettre aux entreprises viables qui existent déjà d'être reprises dans de bonnes conditions avant de se préoccuper de faire du chiffre en création.
    Prenez garde qu'un projet de création tous azimuts ne se fasse pas aux dépens de mesures nécessaires à la survie à long terme des entreprises.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Un tiens vaut mieux que deux « tu l'auras ».
    M. Michel Vergnier. Cette survie passe par une prise en compte de la question des transmissions, mais inutile, je crois, de vous faire la leçon. L'année dernière, l'un des vôtres disait : « La transmission est l'enjeu majeur des dix prochaines années. Les gouvernement successifs se sont focalisés sur le nombre des créations sans se préoccuper assez des transmissions. L'essentiel des aides publiques sont concentrées sur la création : il faut changer de cap. »
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est fait !
    M. Michel Vergnier. « Votre projet de loi, disait-il à M. Patriat, a d'ailleurs le mérite de poser ce problème. » C'est M. Gaillard qui parle.
    M. secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Poser le problème, c'est bien ; le résoudre, c'est mieux.
    M. Michel Vergnier. Ainsi, vous nous reprochiez l'année dernière de ne pas suffisamment nous préoccuper des transmissions. Mais, si je ne m'abuse, les mesures de votre projet relatives à cette question sont exactement les mêmes, à quelques exceptions près - qui, c'est vrai, ne sont pas négligeables puisque vous transformez nos mesures incitatives en cadeaux. Très souvent, vous doublez ce que nous avons fait. Et vous ne faites aucune allusion à un dispositif que nous avions expérimenté avec succès les prêts à la reprise d'entreprise.
    M. secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Trente mille annoncés et 10 000 réalisés !
    M. Michel Vergnier. Vous reprenez la limitation de l'imposition des plus-values en cas de reprise d'entreprise en fixant des seuils moins favorables et en faisant disparaître le traitement préférentiel assuré au profit des salariés employés depuis vingt-quatre mois, avant la cession ou la donation. En ouvrant cette mesure à tous, vous transformez une incitation au choix d'un repreneur averti à une simple déduction fiscale.
    Votre article 23, concernant la réduction d'impôt pour les intérêts d'un prêt destiné à la reprise d'entreprise, est l'exacte réplique de l'article 8, à cette exception près que vous transformez une incitation fiscale en cadeau fiscal puisque vous augmentez considérablement le seuil de déductibilité.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. A la grande satisfaction des artisans et des commerçants !
    M. Michel Vergnier. Vous faites un nouveau cadeau fiscal dans l'article 24 qui traite de l'exonération de droit pour les donations d'entreprise à un salarié, en multipliant par deux le plafond de l'exonération générale des droits de mutation qui était prévu dans le texte Patriat.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Faiblement !
    M. Michel Vergnier. Mais je ne vais pas vous reprochez, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir repris - en partie - le texte Patriat, en l'adaptant à vos idées.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. En lui donnant du souffle !
    M. Rodolphe Thomas. Vous allez donc voter pour !
    M. Michel Vergnier. Par contre, je m'étonne que vous ayez totalement ignoré d'autres mesures favorables au développement des entreprises.
    Ainsi, nous avions apporté un soutien constant aux principaux réseaux d'accompagnement qui, en contribuant à renforcer la formation des porteurs de projets, jouent un rôle crucial dans la période de démarrage et limitent les risques de défaillance pouvant survenir les premières années.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Plus de 50 % de subventions !
    M. Michel Vergnier. Les réseaux d'accompagnement auraient mérité encore plus.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation Ils ont eu 50 % dans la loi de finances pour 2003 !
    M. Michel Vergnier. Vous voyez qu'on peut dialoguer !
    L'une des mesures concernant ces structures prévoit d'accorder trop d'avantages fiscaux à des entreprises pour les dons qu'elles font à celles-ci.
    L'article 10 du projet, qui traite « du contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique », ne favorise pas seulement l'essaimage - nous aurons l'occasion d'en reparler dans les débats -, mais tend à inciter les salariés à se tourner vers leur entreprise d'origine pour une fonction habituellement assurée par les réseaux de création d'entreprise ayant par ailleurs une expérience importante en la matière. Le contrat prévoit que l'accompagnateur assumera jusqu'à la création de l'entreprise les engagements pris par le salarié à l'égard des tiers. Quel réseau de création pourrait assumer un tel risque, notamment financier ?
    Y a-t-il là un oubli de votre part ou une volonté d'empêcher les réseaux de jouer leur rôle en leur fixant un cadre juridique dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas taillé sur mesure ? J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous éclairiez sur ce point, et que nous puissions en reparler.
    Le projet de loi Patriat prévoyait l'extension du champ d'action des groupements de prévention agréés en leur permettant de recueillir des données comptables, financières et économiques, et en rendant possible l'adhésion des petites entreprises individuelles. L'adhésion à ces groupements, qui ont été créés en 1984 et dont le rôle est d'aider l'entrepreneur à mieux analyser les risques de son entreprise, est en effet réservée à des entreprises constituées en société. Pourquoi ne pas avoir repris notre proposition de réforme, puisque la prévention des risques est un enjeu stratégique pour la survie des entreprises, surtout des plus petites ?
    De même, aucune des mesures que nous avions envisagées pour rééquilibrer les relations entre le créateur d'entreprise et la banque n'est reprise dans le texte initial, pas même celle assurant une meilleure protection des personnes physiques non professionnelles se portant caution ou codébitrices de l'entrepreneur. Il était question de renforcer l'information des cautions quant à leurs engagements et d'étendre la compétence des commissions départementales de surendettement aux cautions de crédits professionnels, ainsi que de créer une obligation de proportionner des engagements des cautions aux moyens de ceux qui les accordent. Dans la précipitation, la commission a heureusement voté un amendement allant dans ce sens.
    De même, pourquoi n'avez-vous pas poursuivi la réflexion engagée par le texte Patriat sur la nécessité de sécuriser les concours bancaires ? En effet, afin de permettre à l'entreprise de surmonter d'éventuelles difficultés de trésorerie et de rechercher de nouvelles sources de financement, l'article 3 du projet prévoyait d'instaurer un délai minimal de préavis en cas de dénonciation d'un crédit par l'établissement prêteur. Pourquoi ne pas reprendre cela ?
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nostalgie...
    M. Michel Vergnier. J'en viens maintenant à un oubli majeur, qui est l'accès au financement. Vous avez écarté la question de l'épargne populaire, à laquelle, je le répète, vous étiez favorable l'année dernière. Le projet de loi de M. Patriat avait prévu un meilleur accès à l'argent réglementé pour le créateur d'entreprise auquel était offerte la possibilité d'utiliser son PEL, son PEA ou son LEE, sans pénalités.
    Le projet de loi prévoyait également l'augmentation du plafond de dépôt du CODEVI. Pour seule réponse aux problèmes de financement des PME, le Gouvernement ne propose que l'assouplissement de la définition du caractère usuraire des taux bancaires - c'est l'article 17, mais une fois encore, la question sera réglée en séance, nous étions tous d'accord en commission et je n'y reviens pas.
    En revanche, vous vous êtes bien gardé de faire une quelconque publicité au dispositif des prêts à la création d'entreprise, les PCE. Vous n'en avez même pas parlé. Ces prêts permettent d'alléger le risque consenti par les banques tout en assurant la solidité des projets. Ce texte réduit la question de l'attractivité à sa seule dimension fiscale, ce qui conduit à proposer de nombreuses mesures d'exonération dont la justification économique nous sera fournie peut-être un jour, et dont nous verrons le résultat à l'heure du bilan.
    Ce projet de loi correspond à votre politique libérale, et, après tout, pourquoi pas ? Mais il est franchement très regrettable qu'il serve de prétexte à une indécente réforme de l'ISF.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est le rapport Besson !
    M. Michel Vergnier. Le maire de Cannes a tenu des propos très instructifs lorsqu'il a dit que, si la réforme de l'ISF allait effectivement lui permettre de faire des économies, il les investirait ailleurs que dans sa ville, parce que ce serait plus intéressant fiscalement.
    M. Patrick Labaune. Il va investir à Vénissieux !
    M. Michel Vergnier. Je vous invite à lire ce petit article que vous trouverez dans un grand quotidien que vous lisez sans doute avec beaucoup d'attention. Mais il ajoute tout de même que, si cela peut servir à créer de l'emploi, c'est bien.
    M. Patrick Labaune. C'est le but !
    M. Michel Vergnier. Nous avions bien compris que c'était le but déguisé !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Avoué !
    M. Charles de Courson. Affiché !
    M. Michel Vergnier. De plus, la reprise du principe des fonds communs de placement territoriaux, qui prévoyaient des seuils d'exonération fiscale des sommes investies égaux à ceux applicables aux FCP à risques, ainsi qu'une limitation des prêts accordables aux entreprises dont le chiffres d'affaire est inférieur à 7,6 millions d'euros, s'accompagne de la mise en place d'une exonération des produits, plus-values et dividendes.
    Enfin, comme dans le projet de loi de finances pour 2003, il est prévu de faire compenser par l'Etat les pertes subies par les investisseurs, sous la forme de déductibilité fiscale de ces pertes. Si le dispositif préexistait au sein du code général des impôts, le doublement de l'avantage fiscal existant ne peut se justifier que par la volonté d'appliquer l'un de vos principes favoris : la mutualisation des pertes, alors que la somme des exonérations fiscales appliquées au produit de l'investissement permet la privatisation des profits.
    Je vous ai indiqué tout à l'heure combien de foyers étaient concernés par l'ISF. Vous dites qu'il n'est aucunement question d'une réforme de l'ISF dans votre projet de loi, alors que certains membres de la majorité ont multiplié les déclarations faisant allusion à la prétendue nécessité d'une telle réforme.
    M. François Sauvadet. D'un ajustement !
    M. Michel Vergnier. Permettez-moi, monsieur Sauvadet, de ne pas penser exactement comme vous.
    M. François Sauvadet. Vous pouvez essayer !
    M. Michel Vergnier. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons pu en discuter pendant une heure, et ce fut très intéressant, d'autant plus que nous n'avons appris l'existance de cette mesure qu'au dernier moment. Le président de la commission spéciale et le rapporteur général étaient surpris de voir le Gouvernement déposer un texte qu'ils n'avaient pas prévu, qui allait plus loin, nous a dit M. Carrez, que ce sur quoi il avait travaillé. Il a d'ailleurs incité, comme c'est normal, les collègues de sa majorité à suivre le Gouvernement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique, pour les articles fiscaux. Il ne va pas plus loin, il est surtout meilleur !
    M. Michel Vergnier. Au moment où les plans de licenciement se multiplient, ne trouvez-vous pas un peu indécent de parler de la réforme de l'ISF ? Le Premier ministre fait des déclarations : vous paraît-il normal qu'il n'aille pas jusqu'au bout de ses idées ? D'ailleurs, hier, un orateur a eu le courage de dire, ici, qu'il fallait aller jusqu'au bout. Peut-être le Premier ministre a-t-il voulu laisser la besogne aux parlementaires et se contenter, lui, des incantations ? Nous verrons bien. En tout cas, je vous recommande la lecture d'un très intéressant sondage publié aujourd'hui.
    M. Patrick Labaune. On a vu ce qu'ils donnaient, les sondages !
    M. Michel Vergnier. Vous apprendrez ce que pensent les Français de cette réforme. La lecture des sondages est quelquefois très instructive.
    Nous avons entendu bien des choses, l'année dernière, dans cet hémicycle. On nous disait que nous nous montrions à visage découvert, que, pour nous, la politique, c'était promettre, afficher, chercher à séduire. Mes chers collègues, ne prenez pas les gens pour ce qu'ils ne sont pas, ne les prenez pas pour des idiots. Il ne faut pas leur dire n'importe quoi, car les chiffres, eux, seront têtus. Souvenez-vous des 350 emplois dont je vous ai parlé tout à l'heure. A travers votre réforme, on pourra chiffrer, regarder, comprendre, mais, une fois l'effet d'aubaine dissipé, il faudra bien regarder ensemble la réalité.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, tout au long de mon intervention, que je vais essayer d'abréger...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ah !
    M. Patrick Labaune. Bravo, cher collègue !
    M. Michel Vergnier. Cher collègue, j'ai essayé de travailler honnêtement sur ce texte ; vous avez le droit de ne pas partager mes opinions...
    M. le président. Monsieur Vergnier, ne vous laissez pas interrompre, et continuez.
    M. Michel Vergnier. ... mais je ne vous reconnais pas celui de dire si je dois ou non terminer, et je vais en décider moi-même. J'ai vu que vous aviez beaucoup souffert quand je vous ai rappelé vos contradiction de l'année dernière.
    M. Patrick Labaune. On peut remonter jusqu'en 1981 !
    M. le président. Mon cher collègue, M. Vergnier a la parole, laissez-le terminer.
    M. Michel Vergnier. Ce texte comporte de nombreuses lacunes, je viens de le dire, et il mériterait que l'on retourne en commission.
    M. François Sauvadet. On en revient, de la commission !
    M. Michel Vergnier. En effet, vous nous renvoyez, monsieur le secrétaire d'Etat, à un texte ultérieur. Ce n'est pas crédible, car, comme je vous l'ai dit l'autre jour, dans une explication de vote, lorsqu'on construit un édifice, il faut veiller aux fondations et ne pas se contenter de tape-à-l'oeil. Soyons sérieux. Votre texte manque de fondations, celles qui permettent d'assurer le suivi de la formation, celles qui permettent que l'on ne se berce pas d'illusions. La préparation a été amorcée par le gouvernement précédent. Vous l'avez rejetée. Je ne mets personne en cause, mais, en commission spéciale, nous avons travaillé dans la précipitation, dans l'à-peu-près. Dans les rangs mêmes de votre majorité, vous n'étiez pas d'accord entre vous. Cela avait au moins le mérite d'instaurer un débat, mais même les rapporteurs étaient quelquefois surpris.
    Nous aurions dû prendre plus de temps pour travailler ensemble et je voudrais, pour terminer, citer un de vos collègues, dont les paroles méritent d'être méditées, où il est question de girouettes, de changement.
    M. Jean-Marc Lefranc. C'est un morceau d'anthologie !
    M. Michel Vergnier. Mon voisin Nicolas Forissier - voisin et ami, j'ose le dire, car je ne réduis pas mon amitié à l'appartenance politique -...
    M. Charles de Courson. Chut !
    M. Michel Vergnier. ... disait, et écouter ce conseil, monsieur le secrétaire d'Etat : « Prenons le temps de travailler ensemble pour élaborer une réponse honnête et consensuelle au problème des PME. Dès les toutes premières semaines de l'entrée en fonction du prochain gouvernement, il faudra engager la concertation, afin de faire le tour de toutes les questions. Cette concertation préalable devra déboucher sur un véritable contrat de législature, passé avec les acteurs sociaux. Il définira, pour une période de cinq ans, et selon un échéancier bien déterminé, les actions mises en oeuvre pour réformer les conditions d'existence et de développement d'entreprise, et cela quel que soit le gouvernement. »
    Monsieur le secrétaire d'Etat, le résultat des élections n'a pas été conforme à ce que je souhaitais.
    M. François Sauvadet. Nous, si !
    M. Michel Vergnier. Mais, vu ce qu'il est, ne me faites pas regretter que Nicolas Forissier ne soit pas ministre. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Labaune. Ça, c'est la phrase assassine !
    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique. Je voudrais remercier M. Vergnier, qui a plaidé l'implaidable et défendu l'indéfendable. Nous étions en plein surréalisme et je me demandais de quel texte nous parlions.
    A l'évidence, vous avez davantage cité le nom de M. Patriat que celui de M. Dutreil.
    M. Michel Vergnier. C'est vrai !
    M. Eric Besson. Il le connaît mieux !
    M. Michel Vergnier. Quoique...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Parler autant d'un texte qui n'a pas été adopté...
    M. Michel Vergnier. Qui a été adopté en première lecture, ce qui n'est pas le cas de celui dont nous discutons !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. ... et qui a plus d'un an relève d'une vision un peu passéiste et dégage comme un parfum de nostalgie, non pas pour le texte, mais pour l'époque où vous aviez la majorité.
    M. Didier Migaud. Cela reviendra !
    Mme Marylise Lebranchu. Plus que quatre ans !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Je le regrette pour vous, mais les temps changent.
    M. Eric Besson. Plus vite que vous ne le pensez !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est l'un des grands mérites du texte que nous allons examiner ensemble : avec lui, nous sommes passés des textes d'orientation au temps de l'action. Les actions ont été mûries, réfléchies.
    M. Michel Vergnier. Sans nous ! Vous avez réfléchi sans nous !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Contrairement à ce que vous nous avez dit, il n'y a pas eu de précipitation, et M. le secrétaire d'Etat a mené une concertation sans précédent...
    M. Gérard Bapt. Sur l'ISF ?
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. ... à tel point que les parlementaires auraient pu avoir le sentiment que ce texte allait être adopté sans eux. Je tiens à rendre hommage à la volonté d'information et de pédagogie dont à fait preuve M. le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cela faisait longtemps qu'un texte n'avait pas été préparé ainsi. Nous avons eu plusieurs mois pour consulter,...
    M. Gérard Bapt. La précipitation sur l'ISF !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. ... et pour nous concerter.
    M. Michel Vergnier. Nous voulions simplement que l'on écoute nos conseils !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Quant à la commission spéciale, au-delà de toutes ces consultations menées par le ministère et le ministre lui-même, elle a, je crois, bien travaillé.
    M. Charles de Courson. Jusqu'à deux heures du matin !
    M. François Sauvadet. C'est vrai ! Nous y étions !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Vous l'avez du reste reconnu, monsieur Vergnier. Nous avons auditionné pendant plus de quinze heures. Nous avons examiné 240 amendements et en avons adopté quatre-vingts, et...
    M. Eric Besson. Quatre-vingts amendements de la majorité !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. ... c'est le signe que la commission spéciale a accompli le travail parlementaire qui lui incombait.
    M. François Sauvadet. Tout à fait !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Tout cela indique qu'il n'y a pas eu de précipitation, ni de la part du ministre, ni de la part de la commission spéciale.
    Ce texte est presque uniquement fiscal, avez-vous dit. C'est passer un peu vite, monsieur Vergnier, sur nombre de mesures concrètes. Ainsi, le titre Ier porte sur la simplification de la création d'entreprise. Vous ne l'avez pas évoqué.
    M. Michel Vergnier. Je vais en parler, rassurez-vous !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Et la commission spéciale a proposé un certain nombre d'amendements dont j'espère qu'ils rencontreront l'assentiment du Gouvernement car ils complètent heureusement ce texte.
    Le tite II est consacré à la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur. A ce propos, je regrette, monsieur Vergnier, la vision quelque peu passéiste que vous avez exprimée, non pas en évoquant le texte de M. Patriat, mais en disant qu'il n'y avait rien dans le nôtre qui concernât l'artisan. Mais l'artisan, monsieur Vergnier, c'est un entrepreneur ! L'artisan, c'est quelqu'un qui exploite une entreprise soit individuellement, soit en dirigeant une société. Et le grand mérite de ce texte, c'est qu'il ne segmente pas, justement. Il prend en compte l'entrepreneur quel que soit son statut, qu'il soit petit ou moyen, qu'il soit un artisan, un commerçant ou un professionnel libéral.
    M. Michel Vergnier. Vous allez avoir du mal à nous le démontrer !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. J'ajoute que le texte de M. Patriat était un texte d'orientation, alors que celui-ci, et c'est la grande différence, a le grand mérite d'être tourné vers l'action. Vous avez dit qu'il n'y avait rien sur la création, rien sur la transmission. Un titre entier est consacré à la transmission des entreprises !
    Ensuite, vous avez laissé entendre que ce texte n'était finalement qu'un prétexte à des amendements honteux ou scandaleux...
    M. Michel Vergnier. Oui, scandaleux !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. ... sur l'ISF, et ce à une période où s'accumulent les plans sociaux. Mais la philosophie du texte est d'afficher notre croyance dans l'entrepreneur, notre confiance dans celui qui crée, et qui par là même crée des emplois et de la richesse. C'est justement lorsqu'on est confronté à des plans sociaux qu'il faut donner une véritable impulsion, dans tous les domaines. C'est ce à quoi tend ce texte, ainsi que les amendements adoptés par la commission spéciale. Sur le plan fiscal ou financier, notamment, la commission spéciale a souhaité drainer une partie des flux financiers, ce qui n'était pas initialement prévu par le texte, vers la création et vers le développement des entreprises. C'est cela, et ce n'est que cela qui figure aujourd'hui dans les amendements adoptés par la commission spéciale. Et vouloir réduire le projet de loi, comme vous le faites, à un alibi pour réformer l'ISF, c'est vraiment le prendre par le petit bout de la lorgnette.
    M. Michel Vergnier. Un petit bout qui coûte cher !
    M. le président. Monsieur Vergnier, vous n'avez plus la parole.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Non, cela ne coûte pas cher, monsieur Vergnier, quand on voit le coût des 35 heures !
    Mes chers collègues, la commission spéciale a délibéré, discuté, amendé. Elle a fait son travail et il n'y a donc plus lieu de renvoyer ce texte en commission. Le Premier ministre a indiqué que, sur un certain nombre de points, le temps de la réforme et de l'action était venu. C'est tout le mérite du projet de loi que nous allons examiner article par article. Je vous demande bien sûr de rejeter cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Besson. Quel dommage !
    M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe UMP.
    Mme Chantal Brunel. Le groupe UMP votera contre la motion de renvoi en commission. Nous estimons que ce projet est très bon pour la création et la transmission d'entreprise, ainsi que pour le drainage de l'épargne vers l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Eric Besson, pour le groupe socialiste.
    M. Eric Besson. Mon collègue Michel Vergnier a fait une intervention extrêmement claire et intéressante, sur un ton tout à la fois posé, ferme et conciliant. Il a même été parfois presque émouvant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je pense par exemple au moment où il a confessé son amitié pour Nicolas Forissier en lui souhaitant une belle carrière. On ne s'attendait pas à une telle conclusion.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Ça viendra !
    M. Georges Siffredi. Et vous, monsieur Besson, quand serez-vous ministre ?
    M. Eric Besson. Par conséquent, tout y était, le fond, la forme et la petite touche romantique.
    M. Michel Vergnier. Mais attention, M. Forissier et moi ne vivons pas ensemble !
    M. Eric Besson. Sur le fond, Michel Vergnier a clairement montré - cela a agacé certains de nos collègues, mais il n'y avait pas de quoi -, en s'appuyant sur des citations explicites, que vous faites sur bien des points l'inverse de ce que vous disiez il y a un an. Ou plus exactement, vous ne faites pas, sur bien des points, ce que vous prétendiez vouloir faire il y a un an.
    Michel Vergnier a également montré le caractère inachevé de ce texte, qui confine parfois au bricolage. Monsieur le secrétaire d'Etat, hier soir, à la tribune, lorsque vous avez parlé des FIP, les fonds d'investissement de proximité, j'ai eu le sentiment - mais on pourra se reporter au compte rendu du Journal officiel, parce qu'après tout il était tard, et j'étais peut-être un peu distrait - que vous nous expliquiez en définitive que vous-même vous ne saviez pas encore très bien comment tout cela allait fonctionner. Vous semblez vous poser des questions sur la faisabilité de ce que vous nous proposez. Cela paraît confirmer ce que dit Michel Vergnier sur la nécessité d'approfondir ce texte en commission.
    Il a également insisté, et à juste titre, sur la faiblesse des dispositifs d'accompagnement. C'est la très grande lacune de ce texte. Créer, c'est bien, mais si ce n'est pas pour réduire la mortalité des nouvelles entreprises, si ce n'est pas pour permettre leur pérennisation, cela ne servira pas à grand-chose. J'imagine que ce que l'on appelle le turn over d'entreprises n'est quand même pas le but du texte.
    S'appuyant sur des exemples très concrets, Michel Vergnier a aussi montré la faiblesse des dispositifs que vous proposez en faveur des toutes petites entreprises.
    Cela dit, je voudrais profiter de cette intervention - la première depuis que nous nous sommes séparés hier soir - pour faire deux remarques, monsieur le secrétaire d'Etat.
    Premièrement, j'ai été extrêmement surpris, au-delà de l'heure tardive - après tout, certains d'entre vous avaient envie de vous entendre -, qu'après nous avoir tous écoutés les uns et les autres, et avec beaucoup de courtoisie, vous ne nous ayez quasiment pas apporté de réponse. Autrement dit, vous êtes monté à la tribune pour faire quelques commentaires généraux, mais sans prendre la peine de répondre point par point aux interventions des différents orateurs, ce à quoi ne nous avaient pas habitués les ministres sous la précédente législature.
    M. le président. Monsieur Besson, ce point a déjà été évoqué tout à l'heure dans le cadre d'un rappel au règlement, et le secrétaire d'Etat y a répondu.
    M. Jean-Pierre Gorges. Mauvais élève !
    M. Eric Besson. Il a répondu sur ce point ? Sur l'heure tardive ou sur...
    M. le président. Sur sa réponse d'hier soir, en disant qu'il serait amené à répondre plus précisément aux orateurs lors de la discussion des articles.
    M. Eric Besson. Très bien. Merci, monsieur le président.
    Pour ce qui concerne le deuxième point, je voudrais appeler l'attention de nos collègues de la majorité sur quelque chose qui m'a profondément choqué hier. Plusieurs d'entre eux sont montés à la tribune en disant qu'ils s'exprimaient en tant que chef d'entreprise et en tant que député. Cela heurte quand même la conception que nous avons de notre place, du rôle que nous jouons ici.
    M. François Sauvadet. Oh ! Monsieur Besson !
    M. Eric Besson. Nous sommes détenteurs d'une part de la souveraineté nationale, nous représentons l'intérêt général. Il est extrêmement rare, lors de la discussion du PLFSS, que des collègues montent à la tribune en disant qu'ils s'expriment en tant que chirurgien, ou en tant que médecin, ou, lorsque nous abordons les questions de l'éducation nationale, qu'ils s'expriment en tant que professeur, ou, sur tel autre sujet, qu'ils s'expriment en tant qu'avocat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. C'est arrivé souvent, mon cher collègue. Très souvent.
    M. Eric Besson. Monsieur le président, je suis heureux que vous me permettiez ce dialogue avec nous. Ce n'est peut-être pas la coutume, mais nous pouvons poursuivre, si vous le souhaitez. Ce serait avec grand plaisir.
    M. le président. Je voulais simplement vous dire que c'est arrivé.
    M. Eric Besson. Chers collègues de la majorité, plusieurs d'entre vous ont dénoncé ce qu'ils ont estimé être un fossé entre les chefs d'entreprise et le grand public, ou ce qui serait la mauvaise image des chefs d'entreprise. Je ne crois pas que vous y remédierez en commençant vos discours à la tribune par : « Moi, je suis ou j'ai été chef d'entreprise, et donc je peux vous parler du fond »...
    M. Jean-Marc Nudant. Cela permet une certaine compréhension, quand même !
    M. François Sauvadet. C'est une expérience intéressante !
    M. Georges Siffredi. M. Vergnier a bien dit qu'il était fils de maréchal-ferrant, et personne ne lui a reproché de l'avoir dit.
    M. Eric Besson. ... et en caricaturant, du coup, les opinions, les parcours et les prises de position de l'opposition...
    M. le président. Monsieur Besson, votre temps de parole est terminé !
    M. Eric Besson. J'achève, monsieur le président. En comptant l'interruption, j'ai peut-être excédé de dix secondes mon...
    M. le président. Il n'y a pas eu d'interruption, monsieur Besson.
    M. Eric Besson. Je parle de la vôtre.
    Je suggère simplement, pour la suite de nos débats, parce que nous allons avoir quelques discussions animées, que chacun veuille bien s'exprimer en tant que député, puisque c'est à ce titre que nous sommes ici, et pas en tant que chef d'entreprise. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Besson, je vous rappelle que c'était une explication de vote. Et vous n'avez même pas dit ce que serait la position du groupe socialiste sur cette motion de renvoi, ce qui est, me semble-t-il, le plus important,...
    M. Eric Besson. Merci, monsieur le président, mais c'est que j'ai été tellement troublé...
    M. le président. ... mais je crois que nous l'avons compris.
    M. Eric Besson. ... par le fait que vous m'avez demandé d'arrêter. J'ai tellement voulu vous obéir.
    Je vais vous faire une confidence : je crois savoir que le groupe socialiste va voter pour la motion de renvoi en commission.
    M. le président. C'est ce que j'ai cru comprendre aussi, malgré votre explication de vote.
    M. François Brottes. Vous portez un jugement de valeur, monsieur le président ! Ce n'est pas normal !
    M. Eric Besson. Si vous commencez comme ça, monsieur le président, les choses vont être plus compliquées que prévu, je vous le dis.
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je trouve que notre collègue représentant le groupe socialiste a été fort laborieux dans ses explications. Car enfin, si vous aimiez les petites et moyennes entreprises autant que vous le dites, pourquoi diable avez-vous attendu la fin de la précédente législature pour examiner votre projet de loi à l'Assemblée nationale ? N'était-ce pas pour être bien sûrs que vous n'auriez pas à le voter ?
    M. François Sauvadet. Voilà !
    M. Michel Vergnier. Vous n'avez rien écouté !
    M. Charles de Courson. Et pourquoi ne vouliez-vous pas avoir à le voter ? Pour une raison politique. Souvenez-vous, en effet, mes chers collègues, du vote du groupe communiste sur le texte de M. Patriat. Nos collègues communistes ont-ils voté pour ce texte ? Pas du tout ! Et donc, votre problème, il est simple : c'est que vous n'êtes pas d'accord entre vous sur la nécessité de développer les petites et moyennes entreprises. Je ne dis pas cela pour le groupe socialiste, mais pour ce que l'on appelait doctement la « gauche plurielle », qui n'a d'ailleurs jamais été plurielle, car elle est complètement contradictoire !
    Et aujourd'hui, vous avez le culot de demander qu'on renvoie ce texte en commission ! Pour qu'on attende quatre ans et demi, comme vous l'avez fait ? Eh bien non, chers collègues, le groupe UDF votera contre cette motion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 507 rectifié, pour l'initiative économique :
    Mme Catherine Vautrin et M. Gilles Carrez, rapporteurs au nom de la commission spéciale (rapport n° 572, tomes I à III).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT