Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2002-2003)

 

ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 5 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 4 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Convocation du Parlement en Congrès «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

TRANSPORT AÉRIEN «...»

MM. François Asensi, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

POLITIQUE DE L'IMMIGRATION «...»

MM. Christian Estrosi, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

POLITIQUE DE L'EMPLOI «...»

MM. Gaëtan Gorce, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES «...»

MM. Jean-Luc Préel, Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

AIDE AUX COMMUNES AFFECTÉES
PAR LE NAUFRAGE DU PRESTIGE «...»

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

AUDIT SUR LES GRANDS PROJETS D'INFRASTRUCTURES
DE TRANSPORT «...»

MM. Patrick Ollier, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

SITUATION ÉCONOMIQUE DES BASSINS MINIERS «...»

MM. Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

RETRAIT DU PERMIS DE CONDUIRE «...»

MM. Alain Marleix, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

DÉCENTRALISATION «...»

Mme Josette Pons, M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.

SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE «...»

MM. Didier Migaud, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

CONTRATS-JEUNES EN ENTREPRISE «...»

Mme Brigitte Le Brethon, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

DRAPEAU TRICOLORE ET DEVISE NATIONALE
AU FRONTON DES ÉCOLES «...»

MM. Xavier Bertrand, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

3.  Risques technologiques et naturels. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Pierre Cohen,
Jean Lassalle,
Daniel Paul,
Jacques Pélissard,
Jean-Yves Le Déaut,
François Sauvadet,
Jacques Bascou,
Maxime Gremetz,
Mmes
Marcelle Ramonet,
Claude Darciaux,
MM.
François-Michel Gonnot,
Jean Launay.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

CONVOCATION DU PARLEMENT EN CONGRÈS

    M. le président. J'ai reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

« Paris, le 27 février 2003.    

                « Monsieur le Président,
    « Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République a été voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2002 et par le Sénat le 11 décembre 2002. De même, le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen a été adopté par l'Assemblée nationale le 17 décembre 2002 et par le Sénat le 22 janvier 2003.
    « J'ai décidé de soumettre ces deux projets de loi constitutionnelle au Congrès en vue de leur approbation définitive dans les conditions prévues par l'article 89 de la Constitution.
    « Je vous adresse, ci-joint, avant sa publication au Journal officiel, le décret de convocation du Congrès auquel sont annexés les textes que cette assemblée aura à examiner, sous votre présidence, le 17 mars 2003.
    « Veuillez croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération.

    « Jacques Chirac »        

    Le décret de convocation du Congrès auquel sont joints les textes des projets de loi constitutionnelle que cette assemblée aura à examiner sera annexé au compte rendu de la présente séance.
    En ma qualité de Président du Congrès, j'ai fixé à quatorze heures trente l'heure d'ouverture de la séance.

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

TRANSPORT AÉRIEN

    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    Monsieur le ministre, la liquidation d'Air Lib et, demain, la privatisation d'Air France font peser de lourdes menaces sur la filière transport et aéronautique française. L'Etat, en abandonnant Air Lib et en privatisant Air France, renonce à ses missions d'intérêt général en matière de transport, d'aménagement du territoire et d'organisation du ciel européen.
    Le statut public d'Air France autorise son actionnaire majoritaire, l'Etat, à définir les grandes orientations, et notamment le refus du dumping social et les aventures boursières. Aujourd'hui, la situation financière de l'entreprise est bonne et des coopérations internationales pertinentes et ambitieuses ont été établies.
    Air Lib est victime du désengagement de l'Etat. Aux Etats-Unis, les chantres du libéralisme n'ont pas hésité à soutenir leur secteur aérien en grave difficulté après les événements du 11 septembre. Vous faites tout le contraire, en programmant même la privatisation des aéroports. Air Tahiti, elle, n'a pas connu les mêmes difficultés de montage pour l'acquisition d'Airbus, avantage que vous n'avez pas accordé à Air Liberté.
    Contrairement aux personnels et aux usagers, certains actionnaires s'en sortent particulièrement bien, dont le président du MEDEF, M. Seillière, qui semble occuper une place privilégiée dans l'agenda de M. le Premier ministre.
    Si Air France à statut public peut jouer un rôle dans la reprise des salariés d'Air Lib, à qui le Gouvernement veut faire croire qu'Air France privatisée pourrait reprendre ces salariés, d'autant que le contexte international dans lequel évolue le transport aérien est plus qu'incertain ?
    Monsieur le ministre, à l'instar du personnel et d'élus d'Ile-de-France, je vous demande au nom des députés communistes la réouverture du dossier d'Air Lib pour la constitution d'un pôle aérien à capital public majoritaire autour de la compagnie nationale, pôle qui intégrerait l'ensemble des potentiels humains et technologiques d'Air Liberté. Je vous demande également de répondre favorablement à la table ronde demandée par les élus du pôle d'Orly. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous faites un parallèle entre Air France et Air Lib. Pardonnez-moi de vous dire que les situations de ces deux entreprises sont loin d'être semblables. Air France est en bonne santé et se développe. Air Liberté, par contre, était une entreprise extrêmement endettée, dont pratiquement toutes les lignes étaient déficitaires et dont la seule valeur résidait dans la qualité de son personnel, et probablement pas, hélas, dans la qualité de son management.
    Vous me posez la question de savoir pourquoi Air France doit être privatisée. Eh bien justement, c'est pour qu'Air France ne connaisse pas les sinistres qu'a connus Air Lib ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est pour lui permettre de se développer, d'établir de bons réseaux mondiaux. Et sachez, monsieur le député, que cette entreprise a le souci de rester compétitive.
    Vous me demandez pourquoi, avec Air France et Air Lib, on ne pourrait pas construire un grand pôle aérien français. Eh bien, je vais vous donner ma réponse, qui sera une autre réponse que celle que vous avez en tête. Lorsque Air Lib a déjà déposé son bilan en 2001, mon prédécesseur ne s'est même pas posé la question. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il a estimé qu'on ne pouvait pas établir un grand pôle aérien avec Air Lib, qui était déjà en mauvaise santé. Voilà ma réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

POLITIQUE DE L'IMMIGRATION

    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe UMP.
    M. Christian Estrosi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
    Monsieur le ministre, depuis le printemps dernier, vous vous êtes attaqué avec détermination aux filières d'immigration clandestine qui s'enrichissent et se nourrissent sur le dos d'immigrés en situation de détresse.
    Loin de remettre en cause la vocation de terre d'accueil et de refuge de la France pour toutes celles et tous ceux qui subissent la dictature, la guerre, la famine, vous avez fait le choix d'assumer vos responsabilités et de prendre l'attache de nombreux pays dont sont ressortissants les candidats à l'immigration clandestine.
    C'est notamment dans ce sens que vous avez pris hier l'initiative d'organiser un vol groupé vers deux pays d'Afrique. Le groupe UMP condamne les réactions irresponsables, voire insultantes, qui ont pu naître sur ce sujet, car les vols regroupés prolongent ce dialogue que vous avez initié et visent à éviter que se crée, par lâcheté et laxisme, voire par naïveté, un nouveau Sangatte.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, pouvez-vous nous expliquer votre politique en matière d'immigration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je commencerai par une information : combien de vols groupés nos partenaires européens, qui sont autant de démocraties, ont-ils organisé en 2002 ? L'Italie, vingt-six ; les Pays-Bas, vingt-six également ; l'Espagne, onze ; l'Allemagne en organise chaque mois, et le gouvernement socialiste de M. Schröder a demandé à s'associer à la France pour des vols groupés à l'initiative des deux pays. Quant à la Grande-Bretagne de M. Tony Blair, elle a fait sienne une demande de la France pour que soient organisés par plusieurs pays européens des retours groupés.
    M. Richard Mallié. Eh oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Voilà pour le premier élément de la polémique : la France ne doit pas rester la seule démocratie au monde à ne pas être maître de la question de savoir qui peut entrer sur son territoire et qui ne le peut pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais il y a mieux : les cinquante-quatre Ivoiriens et Sénégalais n'étaient même pas entrés sur le territoire national, puisqu'ils se trouvaient dans la zone de transit, avant la frontière ! Dix-huit d'entre eux avaient fait une demande d'asile politique - demande qui s'est vu rejeter -, les autres n'avaient présenté aucune demande. Dans ces conditions, que propose-t-on au Gouvernement ? Fallait-il qu'en tant que ministre de l'intérieur, je les laisse entrer de Roissy alors qu'ils n'avaient pas de papiers, ce qui est contraire à la loi ? Fallait-il que je les laisse dans la zone de transit de Roissy alors que cinq cents personnes s'y trouvent actuellement, pour une capacité d'accueil de deux cent soixante-quinze places ? Est-ce légitime, est-ce digne de les laisser dans ces conditions-là ? Alors que reproche-t-on au Gouvernement ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) De les avoir raccompagnés en un jour ? Parce qu'en raccompagner cinquante-quatre en cinquante-quatre jours eût été plus conforme à l'idée que certains se font des droits de l'homme ?
    La vérité, c'est que nous refusons l'immigration zéro, qui n'a aucun sens, mais que nous sommes, en revanche, décidés à appliquer la loi. Ceux qui n'ont pas de papiers n'ont pas vocation à rester sur le territoire national. - (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Telle est la politique du Gouvernement. Nous l'assumons. Quant à ceux qui ont laissé la situation empirer ces dernières années, ils sont responsables d'un climat de xénophobie qui règne dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE DE L'EMPLOI

    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le Premier ministre, depuis dix mois vous assistez passivement à l'augmentation du chômage et à la multiplication des plans sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Depuis dix mois, vous n'avez pris aucune initiative pour soutenir concrètement la croissance et l'emploi. Bien au contraire, vous avez détruit un à un tous les outils de la politique de l'emploi mis en place sous la précédente législature.
    M. Jean Marsaudon. On en voit les résultats !
    M. Gaëtan Gorce. Vous avez fait preuve d'imprévoyance en élaborant un projet de loi de finances fondé sur une prévision de croissance irréaliste, qui a été démentie par votre propre ministre des finances.
    Vous avez fait preuve d'imprudence en décidant, au pire moment, de diminuer de 6 % le budget pour l'emploi et d'abroger la loi de modernisation sociale et les garanties qu'elle apportait contre les licenciements. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous faites preuve aujourd'hui d'improvisation en annonçant une conférence pour l'emploi à l'ordre du jour incertain et aux objectifs indéterminés.
    Si l'on devait d'ailleurs appliquer à votre politique le titre d'un tube d'un de vos chanteurs préférés, ce serait plus sûrement Noir c'est noir que L'Idole des jeunes. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Christian Bataille. Excellent !
    M. Gaëtan Gorce. Vous donnez même le sentiment de vous résigner à cette dégradation. N'est-ce pas votre propre ministre de l'emploi qui a présenté les licenciements comme une maladie à laquelle on ne pourrait opposer aucun traitement ? Jusqu'où allez-vous laisser monter la fièvre ?
    A observer votre inaction, monsieur le Premier ministre, on ne peut s'empêcher d'appliquer à votre politique la formule d'Edgar Faure : « L'immobilisme est en marche, rien ne pourra l'arrêter. »
    M. Jean Marsaudon. C'est eux qui disent ça !
    M. Gaëtan Gorce. Et ne me répondez pas en vous défaussant sur vos prédécesseurs. En dix mois, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de plus de 80 000, en particulier chez les jeunes, et le moral des ménages n'a jamais été plus bas depuis 1997.
    Dès lors ne serait-il pas temps, monsieur le Premier ministre, que vous assumiez enfin, sur la question de l'emploi et de la croissance, toutes vos responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Roman. Il y a peu de chances ! Pour M. Raffarin, c'est toujours la faute des autres !
    Mme Martine David. Ça, c'est sûr ! Les ennuis, c'est toujours la faute des autres !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comme d'habitude (Sourires), « comme d'habitude », vous caricaturez la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Comme d'habitude, vous amenez des arguments au service d'une politique de l'emploi qui a été la vôtre et qui n'a pas réussi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Jean Glavany. Comme d'habitude, c'est la faute des autres !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... puisque pendant deux ans, le chômage a augmenté. Face à cette augmentation régulière du chômage, le Gouvernement a décidé de s'attaquer aux problèmes structurels, aux handicaps de compétitivité qui gênent notre pays dans son développement.
    Mme Martine David. On voit les résultats !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est le cas de l'insertion des jeunes, pour laquelle nous avons les plus mauvais résultats de l'Union européenne. C'est le cas du taux d'activité des plus de cinquante ans, pour lequel nous avons les plus mauvais résultats de l'Union européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine Billard. Bien sûr, tout s'arrangera si on retient les propositions du MEDEF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est le cas de la formation professionnelle, pour laquelle nous avons des instruments qui sont aujourd'hui insatisfaisants.
    Le Gouvernement a commencé à s'attaquer à l'ensemble de ces handicaps, en assouplissant les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Maxime Gremetz. Et voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... en mettant en place de nouveaux allégements de charges, en mettant en oeuvre un contrat sans charges pour les jeunes, qui réussit remarquablement bien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et en organisant, le 18 mars prochain, une table ronde sur l'emploi qui va nous permettre d'évoquer avec les partenaires sociaux l'ensemble des sujets que je viens d'énoncer.
    M. Christian Bataille. Attendons la table ronde et tout s'arrangera !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais le Gouvernement, monsieur le député, s'est aussi attaqué à un problème que vous n'aviez pas traité, en décidant la réactivation du dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Comme d'habitude, c'est la faute des autres !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et je me souviens, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, de l'ironie avec laquelle les socialistes évoquaient, il y a quelque mois, sur ces bancs, le renvoi à la négociation sociale, notamment dans la discussion des projets de loi relatifs à la modernisation sociale ou à la formation professionnelle.
    M. Christian Bataille. La table ronde résoudra tous les problèmes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Eh bien, hier, les partenaires sociaux se sont réunis et, contrairement à ce que vous aviez annoncé, ils ont engagé la discussion pour trouver ensemble les voies d'un meilleur équilibre entre la protection des salariés et la nécessité de l'adaptation de notre outil industriel.
    De la même manière que vous avez manié l'ironie au sujet du dialogue social avant d'être démentis par les faits, vous serez démentis par la politique que nous conduisons et par ses résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Comme d'habitude, c'est la faute des autres !

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Luc Préel. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    Monsieur le ministre, une société se juge en partie à la manière dont elle se préoccupe de ses anciens. Deux défis majeurs doivent être relevés : le financement des retraites et la prise en charge de la dépendance. Lorsque celle-ci survient, la plupart des personnes âgées souhaitent rester à domicile, mais l'hébergement en établissement devient parfois nécessaire, si bien que 680 000 personnes dépendantes sont actuellement hébergées dans divers établissements. Beaucoup d'entre eux rencontrent aujourd'hui de graves difficultés pour faire face à la prise en charge des soins et de la dépendance. La réforme de la tarification, très complexe, associée à la mise en place des 35 heures et de l'allocation personnalisée d'autonomie, a encore accru les difficultés et a conduit à des augmentations de tarif difficilement supportables par les personnes hébergées.
    La signature d'une convention tripartite est donc nécessaire et devrait se réaliser dans les plus brefs délais. La plupart des établissements sont engagés dans cette démarche. Malheureusement, elle est liée à l'effort de l'Etat pour assurer le financement des soins. Lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, il avait été prévu pour 2003 la signature de 1 800 conventions tripartites. L'ONDAM, dans son volet médico-social, devait en assurer le financement. Il semblerait qu'aujourd'hui des économies soient envisagées dans ce secteur,...
    Mme Martine Billard. Eh oui !
    M. Jean-Luc Préel. ... ce qui serait contraire aux engagements pris et à l'attente du personnel de ces établissements, mais surtout des personnes hébergées et de leurs familles.
    L'Etat assurera-t-il le financement des soins ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de les rassurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le député, vous l'avez dit fort justement, une société se juge à la manière dont elle protège les plus faibles : les enfants et les personnes âgées.
    M. André Chassaigne. Et ce n'est pas avec votre politique que les choses vont s'arranger !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous avez fort justement rappelé que 10 000 établissements hébergent 600 000 personnes âgées dépendantes.
    Un député du groupe socialiste. Ce n'est pas la question !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Or, 5 % de ces établissements devraient être aujourd'hui fermés, et 20 % des lits sont totalement inadaptés. A notre arrivée, alors qu'un conventionnement tripartite avait été initié en 2000, 320 conventions à peine étaient signées en juin 2002. Nous avons pu faire en sorte que 1 200 soient signées à la fin de l'année 2002.
    Monsieur le député, votre question est précise. Vous me demandez si le Gouvernement fera face aux 1 800 conventions prévues pour l'année 2003, conventions qui sont indispensables pour améliorer la qualité de l'accueil, de la médicalisation et de la formation dans nos établissements. Monsieur le député, le Gouvernement honorera ses engagements : 1 800 conventions seront négociées et signées en 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) La dignité de nos anciens est aussi une priorité du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

AIDE AUX COMMUNES AFFECTÉES
PAR LE NAUFRAGE DU PRESTIGE

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, pour le groupe UMP.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la mer.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis le naufrage du Prestige, les communes du littoral aquitain souffrent d'une surmédiatisation de la marée noire. Les images de décontamination, avec des combinaisons blanches,...
    M. André Gerin. Vous pensez à Juppé ?
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. ... des masques, font penser aux images de Tchernobyl et provoquent des dégâts économiques majeurs.
    Le bassin d'Arcachon, dont je suis l'élue, paie un lourd tribut dans cette marée noire, et je ne vous cache pas, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il envisage l'avenir avec inquiétude.
    Les professionnels de la mer et du tourisme ne pourront pas surmonter cette crise sans la solidarité de l'Etat, et ce dans le long terme. Des mesures ponctuelles ont déjà été prises, notamment l'aide des communes pour le nettoyage et l'indemnisation des professionnels de la mer qui y participent.
    M. Jacques Desallangre. Et TotalFina ?
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Mais je crois qu'au-delà de ces mesures ponctuelles, c'est un véritable dispositif général qu'il nous faut mettre en oeuvre.
    M. Jacques Desallangre. TotalFina n'y participe pas, lui !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Car nous sommes, monsieur le secrétaire d'Etat, dans une situation un peu particulière : cette crise est caractérisée par le fait qu'il n'y a pas consolidation du risque.
    C'est la raison pour laquelle je vous demande d'envisager l'instauration d'une zone franche pour les communes sinistrées du littoral aquitain.
    M. Jacques Desallangre. Et Thierry Desmarets, il paiera quand ?
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce dispositif permettrait d'avoir des allégements fiscaux, sociaux, financiers, afin que nos acteurs économiques puissent surmonter ce cap difficile.
    M. Jacques Desallangre. Et c'est l'Etat qui paiera, une fois de plus !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous avez montré, monsieur le secrétaire d'Etat, votre implication dans la gestion de cette catastrophe. Vous avez montré votre détermination à nous aider à trouver des solutions face aux grandes difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Je vous demande donc d'examiner avec bienveillance cette proposition de création d'une zone franche.
    En outre, pourriez-vous d'ores et déjà m'indiquer les mesures que vous comptez prendre pour les professionnels de la mer, notamment pour les ostréiculteurs, et, d'une manière générale, pour les acteurs économiques locaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Albert Facon. Il va encore faire une boulette ! (Sourires.)
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame des Esgaulx, je voudrais d'abord, devant la représentation nationale, rendre hommage à tous ceux qui ont nettoyé et qui nettoient les plages : les élus, les bénévoles, les membres des associations, les travailleurs du SDIS, ceux de la sécurité civile. Ce sont 20 000 tonnes qui ont été ramassées en mer et plus de 11 000 sur le littoral. C'est un travail remarquable, et je souhaiterais que l'Assemblée nationale puisse aujourd'hui remercier toutes celles et tous ceux qui l'ont accompli. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Usant d'un langage plus militaire, je dirai qu'il faut maintenant éviter les conséquences collatérales de tout cela, éviter les images inutiles qui font tort aux professionnels et que vous venez d'évoquer.
    Pour ce qui est de l'ostréiculture, elle n'a pas été touchée, que ce soit dans le bassin d'Arcachon que vous représentez, ou que ce soit à Marennes-Oléron ou dans les autres grands bassins ostréicoles français. Nous devons donc aider l'ostréiculture à restaurer son image.
    S'agissant du tourisme, il est vrai que, lors des vacances de février, l'industrie de la thalassothérapie a enregistré une baisse de fréquentation, en particulier sur la côte basque. L'industrie du surf a également connu des problèmes. Globalement, pour l'instant, il n'y a pas de dommages. Toutefois, il pourrait y en avoir cet été si des mesures ne sont pas prises.
    Nous allons donc, comme vous l'avez souhaité, madame la députée, et comme le Premier ministre l'a indiqué il y a quelques semaines en se rendant dans votre circonscription, à Arcachon, mobiliser les moyens de l'Etat...
    M. Jacques Desallangre. Surmédiatisation !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... et mettre en place une mission chargée d'évaluer l'impact global du sinistre. Nous allons aussi aider les secteurs de la pêche et de l'ostréiculture sur le plan de leurs trésoreries en prévoyant des exonérations de cotisations sociales, un étalement du paiement des soldes et...
    M. Jacques Desallangre. Faites payer Total !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... une exonération de la redevance domaniale.
    M. Jacques Desallangre. Faites payer Total !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Nous allons également demander à l'Europe de redéployer les crédits communautaires. Nous allons intervenir auprès du FIPOL et travailler avec la Commission.
    Nous allons par ailleurs appuyer la commercialisation et la restauration de l'image des produits ostréicoles.
    Enfin, nous allons lancer des campagnes de communication en faveur de l'ostréiculture et du tourisme pour aider les Français.
    M. Jacques Desallangre. Et les pollueurs ?
    M. Maxime Gremetz. Et Total ?
    M. le président. Monsieur Gremetz !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Ce ne sont pas les cris de l'opposition qui empêcheront de faire éclater la vérité sur ce qui ne s'est pas passé sur la côte aquitaine, et que vous avez eu raison de rappeler, madame des Esgaulx.
    M. Jacques Desallangre et M. Maxime Gremetz. Et les pollueurs ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Ces cris n'aideront pas à restaurer la situation dans votre région !
    La situation était grave. L'Etat a fait son devoir, et les élus locaux, dont vous faites partie, l'ont aidé. Aujourd'hui, nous sommes en situation de revenir à la normale. Il faut que les Français le sachent : les plages ne sont plus polluées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Desallangre, pouvez-vous vous calmer ? Faites comme M. Lefort, qui, aujourd'hui, est très calme ! (Sourires.)

AUDIT SUR LES GRANDS PROJETS
D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

    M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe UMP.
    M. Patrick Ollier. Monsieur le ministre de l'équipement, l'absence de toute vision politique de la précédente majorité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) en matière d'aménagement du territoire, dont l'abandon du schéma national d'aménagement du territoire est un des aspects - mais ce n'est pas le seul -, s'est soldée par la coexistence anarchique d'un grand nombre de projets d'infrastructures de transport, annoncés à grand renfort médiatique par le précédent gouvernement, sans que les financements en aient été prévus.
    M. Richard Mallié. C'était une habitude !
    M. Patrick Ollier. C'était de la démagogie à l'état pur ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

    En 2002, vous avez chargé le Conseil général des ponts et l'inspection générale des finances d'un audit sur les grands projets d'infrastructures de transport, et demandé à la DATAR une étude prospective.
    Enfin, un débat au Parlement est prévu pour le mois de mai prochain.
    Nous souhaiterions donc être tenus informés de l'avancement de cette démarche,...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Allô !
    M. Patrick Ollier. ... qui est essentielle pour refonder notre politique des transports, dans le cadre, enfin redéfini par notre majorité, d'une vraie politique d'aménagement du territoire, indispensable à notre pays...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Allô !
    M. Patrick Ollier. ... et nécessaire pour préserver les équilibres et compenser les handicaps dans le domaine des transports.
    Les indiscrétions se faisant persistantes sur le contenu de cet audit, nous sommes très impatients d'en connaître les grandes lignes,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est dans Le Monde !
    M. Patrick Ollier. ... compte tenu de l'importance qu'attachent les représentants de la nation aux projets d'équipement destinés à dynamiser notre pays et à renforcer sa compétitivité.
    Enfin, dans la perspective du débat parlementaire, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser comment le Gouvernement compte mener le travail de réflexion avec le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président Ollier, l'inspection générale des finances et le Conseil général des ponts ont effectivement rendu, il y a quelques jours, l'audit qui leur était demandé par Francis Mer, par Dominique Bussereau et par moi-même.
    M. Alain Néri. C'est dans Le Monde !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il s'agit d'un document public, qui va d'ailleurs être mis en ligne aujourd'hui, ou au plus tard demain. Ainsi, la représentation nationale pourra connaître la totalité du contenu de cet épais document dont un grand journal du soir, comme on dit (Rires sur les bancs du groupe socialiste), n'a donné qu'un court extrait, un vraiment très court extrait !
    Comment percevoir cet audit ? C'est d'abord et avant tout une photographie claire et honnête faite par des hauts fonctionnaires de l'ensemble des projets ferroviaires, routiers et fluviaux promis, annoncés - financés ou non financés - depuis plusieurs années.
    A partir de cette photo faite par les auditeurs, qui constitue une bonne base de travail, nous devons maintenant faire une analyse très fouillée de ces grands projets.
    Ce document de réflexion pose plusieurs problématiques. J'en citerai trois.
    M. Maxime Gremetz. Le TGV à Amiens !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La première est celle de la crédibilité du scénario d'un triplement du fret d'ici à 2020 ?
    La deuxième problématique a trait aux délais de production des projets. Il y a dix ou quinze ans, les projets étaient concrétisés en sept ou huit ans, alors que, aujourd'hui, force est de constater qu'il faut une quinzaine d'années entre l'ébauche d'un projet et la réalisation de celui-ci. Cette question devra être abordée avec courage, et il faudra voir les procédures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La troisième problématique concerne le financement. Les auditeurs préconisent une redevance du type de celle qui existe dans d'autres pays européens comme la Suisse ou l'Allemagne. Puisque, comme l'a promis le Premier ministre, un débat sur cet audit aura lieu au Parlement, nous en déciderons ensemble.
    Enfin, je vous précise que le Gouvernement disposera dans les prochaines semaines du rapport des sénateurs Haenel et Gerbaud sur le fret ferroviaire,...
    M. Maxime Gremetz. Le troisième aéroport !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... de celui du sénateur de Richemont sur le cabotage maritime, d'une étude prospective de la DATAR sur le socle des propositions de l'Etat pour une nouvelle politique de transports.
     Vous voyez, monsieur le président de la commission des affaires économiques, que le Gouvernement est soucieux de bien préparer le débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.
    M. Francis Delattre. Il n'y a rien sur l'aérien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je serai évidemment extrêmement attentif à toutes les propositions que pourra me faire la commission que vous présidez. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

SITUATION ÉCONOMIQUE DES BASSINS MINIERS

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur le Premier ministre, le chômage, hélas, s'accroît de nouveau en France, et les bassins miniers en souffrent particulièrement.
    M. Lucien Degauchy. Cela a l'air de vous faire plaisir !
    M. Jean-Pierre Kucheida. Comme vous le savez, ces régions n'ont pas terminé leur reconversion, en dépit des énormes efforts consentis par les collectivités, notamment les communes. Nombre d'entre elles se sont d'ailleurs appauvries : il a fallu réaménager les villes, effacer les cicatrices laissées par l'extraction charbonnière, reconquérir les friches, travailler à l'implantation de nouvelles entreprises. La population, qui se consacra pendant longtemps à l'exploitation, n'a pas encore pu se réadapter à la réalité du monde du travail d'aujourd'hui ni aux nouvelles techniques, même si les choses évoluent peu à peu.
    Pire, elle est aujourd'hui victime de nouveaux séismes industriels avec les fermetures de Metaleurop, Biache, Testut, de la Cokerie de Drocourt, de Daewoo et de bien d'autres entreprises, qui, hélas, ne trouvent pas de repreneur.
    Imaginez-vous ce que représente la fin d'une entreprise comme Metaleurop, qui va déposer son bilan vendredi sans que rien n'ait été fait, malgré les promesses ostensibles du Gouvernement ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ce sont 830 emplois qui sont concernés, sans compter les emplois induits, alors que le taux de chômage dans le bassin minier est déjà de 20 % et atteint souvent 25 % à 30 % dans les villes les plus importantes.
    Cette politique a été encore aggravée par la réduction du nombre des contrats emploi-solidarité, les CES. Une note du directeur du travail et de l'emploi vient de m'informer que, alors qu'il y avait cent CES pour Liévin en 2002, il n'y en aurait plus que cinquante en 2003 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Pourtant cela concerne les personnes les plus en difficulté. Et que dire de la diminution des contrats emploi consolidé, les CEC, et de la suppression des emplois-jeunes ?
    Cet inquiétant état des lieux m'amène à vous interroger sur les outils de conversion des bassins miniers mis en place par François Mitterrand à Lens, qui sont le FIBM, la SOFIREM, la FINORPA et le GIRZOM.
    M. le président. Monsieur Kucheida, pouvez-vous poser votre question.
    M. Jean-Pierre Kucheida. Il faudrait leur redonner de la force, leur redonner du muscle, et, au-delà, il conviendrait de mettre en place des zones franches.
    M. le président. Monsieur Kucheida, le Gouvernement a compris votre question.
    M. Jean-Pierre Kucheida. Monsieur le Premier ministre, dites-nous tout simplement ce que vous allez faire pour notre région. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Bernard Roman. Candidat à la présidence du conseil général du Pas-de-Calais.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député,...
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas normal, cela !
    M. Jean-Pierre Kucheida. Cela fait quinze ans qu'il n'y connaît rien !
    M. le président. Pouvez-vous vous calmer trente secondes pour écouter le ministre ? Une question lui a été posée, laissez-le au moins y répondre !
    M. Bernard Roman. M. Delevoye est candidat à la présidence du conseil général du Pas-de-Calais !
    M. le président. Monsieur Roman, seul M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a la parole.
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas normal !
    M. Richard Mallié. Emmanuelli, taisez-vous !
    M. le président. Monsieur Emmanuelli !
    Poursuivez, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je tiens à saluer, à travers vous, monsieur Kucheida, toutes celles et tous ceux qui se battent pour la reconversion de territoires en difficulté.
    Monsieur Emmanuelli, vous estimez certes que je suis incompétent pour répondre à la question qui vient d'être posée,...
    M. Henri Emmanuelli. Non ! je dis que ce n'est pas normal que ce soit vous qui y répondiez !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... mais reconnaissez au moins que, ayant longtemps présidé l'Association des maires de France, je connaissais parfaitement le combat que mène M. Kucheida comme président de l'Association des communes minières. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Répondez à la question, monsieur le ministre !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je suis de ceux qui pensent que ce sont respect et écoutes mutuels qui peuvent le mieux permettre de mobiliser les moyens revendiqués.
    La liquidation judiciaire de l'entreprise Metaleurop, qui doit être prononcée prochainement, est en effet regrettable.
    M. Marc-Philippe Daubresse. La gauche n'a rien fait pendant quinze ans !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Cela dit, je ne vous suivrai pas sur le terrain de la polémique, me contentant d'indiquer que nous refusons l'illusion qui a consisté, à un moment donné, à croire à l'utilité de la poursuite des activités minières et à y consacrer des milliards et des milliards alors que l'on savait que c'était inutile ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Albert Facon. Vous n'avez pas été élu dans le bassin minier !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous ne céderons pas non plus à l'impuissance en se disant que l'on ne peut rien faire.
    Nous souhaitons, au contraire, nous mobiliser pour protéger les salariés. Ainsi, le directeur départemental du travail a reçu les salariés, et je serai jeudi à Lens, à la sous-préfecture, pour examiner les propositions des élus.
    Il faut redonner un espoir à ce bassin en difficulté, et cet espoir passe par un rebondissement économique et non par les solutions illusoires que vous aviez préconisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. Baratin !
    M. le président. Madame David, vous n'avez pas la parole !

RETRAIT DU PERMIS DE CONDUIRE

    M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, pour le groupe UMP.
    M. Jean Glavany. Quel est le ministre du Cantal qui répondra à M. Marleix ? (Sourires.)
    M. Alain Marleix. Monsieur le garde des sceaux, près de 8 000 personnes meurent chaque année dans des accidents de la circulation. Un quart de ces victimes sont des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Pour eux, la barbarie des routes constitue la première cause de mortalité.
    Face à cette situation, le Président de la République a réagi vivement en faisant de la lutte contre la violence routière un des grands chantiers de son quinquennat.
    Sous l'impulsion du Premier ministre, vous avez entamé, avec vos collègues Nicolas Sarkozy et Gilles de Robien, une action résolue pour mettre un terme à cette triste exception française. Dans ce contexte, vous avez présenté en conseil des ministres un projet de loi qui tend à mieux protéger les victimes en luttant contre les chauffards.
    Cependant, certains professionnels de la route, dont l'emploi est directement lié à la possession du permis de conduire, s'inquiètent des aménagements que vous proposeriez d'apporter à l'octroi du « permis blanc », qui leur permettait, jusqu'à présent, de continuer à travailler sous certaines conditions.
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très juste !
    M. Alain Marleix. Par ailleurs, en milieu rural où n'existent pas de moyens de transport public, un abandon du permis dit « permis aménagé » ou « permis blanc » risquerait de priver d'emploi des personnes qui demeurent loin de leur lieu de travail.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la façon dont vous envisagez de concilier les besoins professionnels de certains conducteurs et la lutte indispensable contre la violence routière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Marleix, je vous remercie d'avoir posé cette question, car la réponse que je vais vous apporter devrait permettre de dissiper certains malentendus.
    Nous devons avant tout penser aux victimes de la route et lutter avec détermination contre la violence routière.
    Quelles sont les dispositions prévues par le projet de loi en ce qui concerne l'éventuel aménagement des retraits de permis ? Il s'agit, me semble-t-il, de dispositions assez simples et que je crois, très sincèrement, équilibrées.
    Ainsi, l'aménagement du retrait de permis ne sera pas possible en cas d'homicide involontaire - c'est bien la moindre des choses -, en cas de blessures involontaires et en cas de délits graves comme la mise en danger d'autrui, le délit de fuite, la conduite sous l'empire de l'alcool au-dessus de 0,8 gramme par litre, la conduite avec usage de stupéfiants, le refus de se soumettre à des contrôles d'alcoolémie ou encore la récidive de délit de grande vitesse.
    En revanche, dans tous les autres cas, il restera possible pour les magistrats, si vous en décidez ainsi, d'aménager le retrait de permis, ce qui est important en particulier en milieu rural. Ainsi, cette possibilité existera en cas d'excès de vitesse de plus de 50 kilomètres/heure sans récidive, de conduite en état alcoolique entre 0,5 et 0,8 gramme - il vous appartiendra bien sûr d'en décider -, de refus de priorité, de non-respect d'un stop ou d'un feu rouge, donc d'actes relativement graves, mais qui, juridiquement, constituent non des délits mais des contraventions.
    J'ajoute que l'aménagement du retrait de permis restera également possible lorsqu'il s'agira d'une peine complémentaire d'une peine principale : par exemple, une peine de prison avec sursis.
    Tels sont, monsieur le député, les éléments qui figurent dans le projet de loi. Ces dispositions me paraissent équilibrées. Nous devons d'abord penser aux victimes. Ce n'est qu'ensuite que nous devons tenir compte des conditions de vie professionnelle, en particulier dans l'espace rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉCENTRALISATION

    M. le président. La parole est à Mme Josette Pons, pour le groupe UMP.
    Mme Josette Pons. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, le Parlement va très prochainement se réunir en Congrès pour ratifier la réforme constitutionnelle relative à la décentralisation.
    Après plus de quatre mois de consultations, vous avez, lors des XXVIes Assises des libertés locales, à Rouen, fait la synthèse des perspectives pour le chantier de la décentralisation avec le ministre de l'intérieur et en présence du Premier ministre. Les consultations auxquelles vous avez procédé vont permettre au Gouvernement d'établir les priorités qui doivent être mises en oeuvre pour appliquer concrètement sa volonté et celle de la représentation nationale d'organiser la nouvelle décentralisation dans le souci premier de la proximité. Comme le Premier ministre l'a précisé, les collectivités locales et leurs élus, ainsi que l'ensemble des corps intermédiaires, peuvent être des relais efficaces en cette matière, car la proximité est source d'efficacité.
    Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser le bilan de ces assises ? Pouvez-vous préciser les grandes lignes que retiendra le Gouvernement afin de donner à la réforme constitutionnelle un contenu ambitieux et proche des attentes des élus et des citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Madame la députée, le bilan des XXVIes Assises des libertés locales est très riche puisqu'elles ont réuni 58 000 participants. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ces assises ont été animées par de très nombreux responsables politiques, parmi lesquels on comptait cinquante-six représentants élus de la gauche, dont deux anciens Premiers ministres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les vingt-sept assises régionales qui se sont déjà tenues n'ont jamais réuni moins de neuf cents personnes. Cent vingt-sept ateliers départementaux ont été organisés et six cent trois propositions ont été formulées, auxquelles il a été fortement répondu par le Premier ministre le 28 février dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    A cette occasion, un très grand appétit de décentralisation s'est exprimé dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Desallangre. Gare à l'inquisition !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. En conséquence, le calendrier est le suivant.
    Le Congrès se réunira le 17 mars. Dès le mois d'avril, les projets de loi organique seront déposés devant le Parlement. Cet été, les projets de loi de transfert et d'expérimentation seront examinés. Enfin, le Gouvernement espère qu'au 1er janvier 2004 les premiers transferts et les premières expérimentations seront effectifs.
    Par cette politique, nous espérons sortir de l'anémie qui a fait que certains territoires ont été oubliés (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. François Lamy. Un peu de conviction !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... et trouver ainsi, dans la force de nos territoires, le moyen de faire face avec plus d'énergie à la crise économique et sociale qui frappe le monde entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.
    M. Didier Migaud. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous à ce point admiratif de Johnny Hallyday (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) que vous puissiez reprendre à votre compte l'une de ses chansons : « J'arrive à tout casser, à tout casser » ?
    Dans l'affirmative, nous ne vous souhaitons pas le même succès que lui !
    En effet, la situation économique et sociale n'a jamais été depuis cinq ans aussi préoccupante qu'aujourd'hui (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) : augmentation du chômage, explosion du déficit budgétaire, perte de confiance à la fois des acteurs économiques et de nos concitoyens. Tous les indices clignotent au rouge !
    Certes, il y a la situation internationale et le climat de guerre. Mais cela n'explique pas tout, loin de là : vos propres choix pèsent, pour une très grande part, dans la réalité d'aujourd'hui, et votre sens de la communication n'est plus suffisant pour cacher la vérité aux Français.
    M. Francis Delattre. Cachez donc votre culotte !
    M. Didier Migaud. Vous proclamez que la rigueur n'est pas à l'ordre du jour, mais elle a en fait déjà commencé pour le plus grand nombre. C'est le plus grand nombre qui, par l'augmentation des taxes, cotisations, tarifs publics ou autres impôts locaux, paient vos largesses fiscales d'un coût élevé au profit d'un nombre restreint de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Georges Tron. Vous avez roulé les Français !
    M. le président. Monsieur Tron, je vous en prie !
    M. Didier Migaud. C'est le plus grand nombre qui va souffrir du gel de 4 milliards d'euros, auquel vous vous êtes condamné en raison d'hypothèses irréalistes de croissance. Ce sont toutes les politiques publiques et les engagements de l'Etat qui vont être en grande partie remis en cause au détriment de l'activité et de l'emploi.
    Je vous poserai, monsieur le Premier ministre, deux questions.
    M. Michel Herbillon. Caricature !
    M. Didier Migaud. Comment pouvez-vous persévérer dans de tels choix injustes et inefficaces ?
    M. Edouard Landrain. Vous nous avez laissé une telle situation !
    M. Didier Migaud. Etes-vous conscient que votre politique conduit aujourd'hui la France droit dans le mur et l'immense majorité de nos concitoyens à l'austérité, c'est-à-dire à l'aggravation du chômage et des inégalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, l'actuel gouvernement...
    M. Jean Glavany. Ce n'est pas l'idole des jeunes ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... n'a pas créé le ralentissement économique : il l'a trouvé, il le subit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est faux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La dégradation des finances publiques, il ne l'a pas créée : il l'a trouvée, il la subit. (Mêmes mouvements.)
    M. Jean Glavany. Il l'aggrave !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le dérapage des déficits budgétaires, il ne l'a pas créé : il l'a trouvé, il le subit. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Comment réparer les dommages de votre gestion ? Telle est votre question. (Mêmes mouvements.)
    Le Gouvernement s'y attelle avec courage, avec détermination et avec confiance.
    M. Jean Glavany. Le Gouvernement subit tout !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En premier lieu, il tiendra la dépense, ce que vous n'avez pas fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. Laquelle ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La mise en réserve de crédits à laquelle vous avez fait allusion, il l'a annoncée en début d'année, il l'a mise en oeuvre dans la transparence et il en avait parlé dès le vote du budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    S'agissant des moins-values fiscales, monsieur le député,...
    M. Jean Glavany. Il les subit !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... le Gouvernement ne provoquera pas de récession qui serait liée, par exemple, à l'augmentation des impôts...
    M. Bernard Roman. Parlez-nous de la baisse de l'ISF !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... pas plus qu'il ne tentera de compenser ces moins-values fiscales par une réduction aveugle des dépenses.
    M. Albert Facon. Et le prix de l'essence ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement soutient la croissance et l'emploi. Tel est son engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les Français savent qu'avec courage il pourra atteindre cet objectif.
    Vous avez parlé tout à l'heure de « mur ».
    Mme Martine David. Vous allez droit dedans !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Par son action, le Gouvernement a évité celui que vous aviez dressé devant lui et donc devant les Français. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

CONTRATS-JEUNES EN ENTREPRISE

    M. le président. La parole est à Mme Brigitte Le Brethon, pour le groupe UMP.
    Mme Brigitte Le Brethon. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité...
    M. Christian Bataille et M. Arnaud Montebourg. Et du chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je vous en prie ! Si vous ne voulez pas écouter la réponse, écoutez au moins la question !
    Mme Brigitte Le Brethon. Monsieur le ministre, la situation de l'emploi reste fragile, et nous en connaissons tous les causes. Chaque jour apporte son nouveau lot d'annonce de licenciements. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Les patrons voyous !
    Mme Brigitte Le Brethon. Dans ce contexte, le chômage des jeunes reste plus fort que la moyenne nationale, surtout pour ceux qui n'ont pas de qualification. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Il faut légiférer !
    Mme Brigitte Le Brethon. Lors de vos récents déplacements sur le terrain, dans le Calvados, à Caen, et hier dans la Sarthe, où vous avez accueilli le Premier ministre, vous avez pu rencontrer des jeunes bénéficiaires de contrats-jeunes en entreprise. Ceux-ci ont pu directement vous exprimer leur attente et vous faire part de leur réaction face à ce dispositif qui leur permet d'entrer dans la vie économique et, surtout, de bénéficier de contrats à durée indéterminée. De même, vous avez pu vous entretenir avec des responsables d'entreprise qui participent par ce biais à l'insertion professionnelle.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, à quelques semaines de sa mise en oeuvre, nous dresser rapidement un premier bilan qui nous permette de savoir, au-delà du nombre des contrats, comment les entreprises et les jeunes ont accueilli ce dispositif et de connaître ses perspectives de développement ?
    Plus généralement, pouvez-vous nous indiquer quels moyens d'accompagnement vous comptez mettre en oeuvre...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Aucun !
    Mme Brigitte Le Brethon. ... en faveur des jeunes à la recherche d'un emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. Christian Bataille. Voilà le ministre du chômage !
    M. le président. Monsieur Bataille, je vous en prie !
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, chacun aura remarqué que le groupe socialiste a applaudi au mot « chômage », mais pas aux mots « contrats-jeunes » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    Je comprends que le groupe socialiste n'applaudisse pas car les contrats-jeunes sont un succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Après cinq mois, près de 50 000 contrats-jeunes ont été signés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cela dépasse les prévisions que le Gouvernement avait faites et nous permet désormais d'être certains d'atteindre l'objectif de 250 000 contrats-jeunes à la fin de l'année 2004.
    M. Albert Facon. Où ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces contrats avaient suscité beaucoup de critiques, notamment sur les bancs de gauche. On prédisait qu'ils ne profiteraient qu'aux grandes entreprises. Or c'est tout le contraire : ces contrats se concluent massivement dans les PME. On affirmait que, comme les emplois-jeunes, ils bénéficieraient plutôt aux jeunes qualifiés qu'aux jeunes non qualifiés. Or c'est tout le contraire.
    M. François Lamy. Allez sur le terrain !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce sont des jeunes non qualifiés et dont la plupart sont au chômage, ou des jeunes en rupture avec le système éducatif qui sont aujourd'hui recrutés.
    En fin de compte, la principale qualité du dispositif est sa pérennité car il s'agit de contrats à durée indéterminée. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il suffit, pour le comprendre, de parler, comme nous l'avons fait hier avec le Premier ministre, avec des jeunes qui ont vu cesser d'un coup les galères, les stages-parkings (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Christian Bataille. Quel cynisme ! C'est le ministre du chômage qui parle, monsieur le président !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et tous les dispositifs mis en place sans perspectives, remplacés par un vrai contrat à durée indéterminée qui leur permet d'envisager l'avenir avec sérénité, de s'installer dans la vie,...
    M. Christian Bataille. N'importe quoi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et de reconstruire leur personnalité.
    M. Christian Bataille. Vous êtes le ministre du chômage !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quant à la critique formulée à propos de la formation, elle n'a aucun sens car les entreprises qui recrutent avec des contrats à durée indéterminée mettent évidemment en place les dispositifs d'accompagnement et de formation nécessaires pour rentabiliser leur investissement.
    Ce succès, madame la députée, encourage le Gouvernement à poursuivre dans la voie qu'il a choisie, celle de l'encouragement à l'économie et au secteur marchand, parce que la politique de l'emploi doit être une politique de vérité et une politique de courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

DRAPEAU TRICOLORE ET DEVISE NATIONALE
AU FRONTON DES ÉCOLES

    M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe UMP.
    M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    Monsieur le ministre, l'école a longtemps été un espace protégé, où nos enfants pouvaient acquérir les savoirs, les règles de vie en commun et les valeurs de la République. Aujourd'hui, l'école et ce que nous avons de plus cher, nos enfants, sont menacés par la violence et par le développement du communautarisme. Ces dangers ne sont pas propres à l'école mais ils y sont d'autant plus intolérables que c'est à l'école que se forge le caractère et que se dessinent les comportements d'adulte.
    Si nous voulons éviter le développement des particularismes et la tentation du « chacun pour soi », voire la loi du plus fort, il faut rompre avec le renoncement et s'appuyer davantage sur ce qui fonde notre engagement : la République. Cette République a une devise : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Elle a ses couleurs : le bleu, le blanc...
    M. Maxime Gremetz. Et le rouge ! N'oubliez pas le rouge !
    M. Xavier Bertrand. ... et le rouge. Cette République, qui n'est ni de droite ni de gauche, nous dépasse et nous rassemble tous.
    M. Jacques Desallangre. Bravo !
    M. Xavier Bertrand. L'exemple de la ville de Saint-Quentin, dont je suis l'élu, en témoigne : à la rentrée dernière, nous avons mis en place le drapeau tricolore sur la façade des quarante-quatre écoles de la ville et nous avons été surpris de l'accueil très favorable qu'ont réservé à cette initiative les enseignants, les parents d'élèves et les enfants eux-mêmes.
    Monsieur le ministre, vous avez exprimé la semaine dernière votre souhait que, dans toute la France, le drapeau français soit associé, au fronton des établissements scolaires, au drapeau européen et à notre devise républicaine. J'ai aussitôt entendu, comme beaucoup de mes collègues, de très nombreux témoignages de satisfaction.
    Oui, la République est une valeur moderne ! C'est aussi une valeur d'avenir !
    Quand et comment allez-vous permettre que, chaque jour dans ce pays les enfants qui entrent à l'école puissent, en levant les yeux, lire les trois mots de notre devise et voir les trois couleurs qui symbolisent la République et qui font notre fierté ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Desallangre. Très bien !
    M. Jean Glavany. M. Bertrand se réveille vingt ans après !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Vous avez raison, monsieur Bertrand, c'est à l'école que se joue l'essentiel de la nation, et c'est bien pour cela que la République française a appelé « instituteurs » ceux qui sont là pour instituer la République. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Comme vous le savez, Luc Ferry et moi-même avons annoncé la semaine dernière un certain nombre de mesures tendant à faire en sorte que cet espace de laïcité où se manifestent les valeurs de la République puisse se maintenir et que plus jamais ne réapparaissent, dans l'enceinte des écoles, des manifestations de communautarisme, d'opinions religieuses, d'ostracisme, voire de racisme ou d'antisémitisme, comme celles auxquelles, hélas, on assiste actuellement. Ces manifestations sont la honte de la République, la honte de l'école de la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il faut, comme vous en donnez l'exemple à Saint-Quentin, commencer par les symboles.
    M. Jean Glavany. Un exemple bien tardif !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. C'est pourquoi nous avons décidé que, sur le fronton de nos écoles, de nos collèges et de nos lycées flottent le drapeau de la République française et celui de l'Europe. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous aiderons pour ce faire les collectivités qui le souhaiteront. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Christian Bataille. Cela coûte moins cher que des postes !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Je vous rappelle, mesdames et messieurs les députés, qu'il y a quelques semaines vous avez voté à l'unanimité une disposition qui qualifie de délit les atteintes portées aux symboles de la République française, notamment à l'hymne national.
    Mme Martine Billard et M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Je souhaite que, lors de la prochaine rentrée scolaire, tous les élus, les députés, les sénateurs de tous bords, en se rendant dans un établissement scolaire, passent sous le drapeau bleu-blanc-rouge et sous le drapeau de l'Europe...
    M. Christian Bataille. Grotesque !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... et qu'ils expliquent les valeurs de la République à nos élèves.
    M. Jean-Pierre Raffarin m'a donné son accord ce matin pour que je vous le dise : soyez avec nous, mesdames et messieurs les élus, les défenseurs de la République et de la nation ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Paulette Guinchard-Kunstler.)

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est reprise.

3

RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n°s 606, 635).
    La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi soumis à votre examen a été adopté en première lecture par le Sénat sans qu'aucune opposition n'y ait été enregistrée.
    M. François-Michel Gonnot. C'est exceptionnel !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. En effet, il répond à une préoccupation qui est partagée par tous : mieux garantir la sécurité de nos concitoyens. On peut relier les dispositions de ce texte à des événements marquants et souvent meurtriers de notre histoire nationale récente. Comprenons-nous bien : nous allons traiter ensemble, dans les heures et les jours qui viennent, de la vie de personnes qui sont exposées aux risques. Nous devrons toujours avoir cela à l'esprit lorsque nous en serons aux discussions techniques.
    Le titre Ier, qui traite des risques industriels, tire en effet ses caractéristiques du retour de l'expérience de la catastrophe de Toulouse du 21 septembre 2001. Le titre II, quant à lui, trouve son origine dans l'analyse des dernières catastrophes naturelles survenues en France : avalanches et coulées de lave torrentielles dans les départements alpins, mouvements de terrain en Seine-Maritime et, surtout, inondations du nord et de l'ouest de la France en 1995, inondations torrentielles de 1999 dans l'Aude ou de 2002 dans le Gard, l'Hérault et le Vaucluse. Reviennent alors en mémoire le drame de Vaison-la-Romaine, en 1992, et celui de Nîmes, en 1988.
    A l'occasion des travaux préparatoires de cette loi, mes collaborateurs et moi-même avons gardé un souvenir fort des entretiens que nous avons eus avec nombre d'entre vous, élus de circonscriptions ravagées par les crues ou marquées dans leur chair par des sinistres industriels. Nous avons voulu répondre à leurs attentes, sans pour autant tomber dans le piège qui consiste à prévoir de tout arrêter ou de tout interdire pour réduire le danger. Ce projet de loi s'adresse à une société qui se doit d'être adulte face aux risques.
    L'accident de Toulouse et les inondations du Gard ont peut-être créé une occasion. Ils n'ont pas créé un besoin. Ce texte n'est pas un texte de circonstance. Ses dispositions ont été mûrement réfléchies et sont souvent le fruit d'années d'expérience. Elles sont pragmatiques et rapidement applicables. Ce projet ne constitue pas une réaction sous le coup de l'émotion. Il n'est pas improvisé. Au contraire, il se fonde sur des retours d'expérience. Ses sources d'inspiration sont à rechercher dans divers rapports d'expertise, issus notamment de votre assemblée ou de l'inspection générale du ministère chargé de l'environnement. Je citerai en particulier le rapport de la commission d'enquête menée par François Loos et Jean-Yves Le Déaut pour les risques technologiques, sans oublier de saluer l'apport de Philippe Douste-Blazy et Jean Diébold - il n'aura pas échappé aux observateurs attentifs que plusieurs articles du projet concernant les assurances sont repris de leur proposition de loi de l'année dernière. Je précise, par ailleurs, que, si j'ai souhaité, pour le cas des risques technologiques, repartir du projet déposé par mon prédécesseur, j'ai pris le temps de le remodeler en grande partie,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est vrai !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... pour le rendre plus réaliste sur certains points et plus ambitieux sur d'autres (M. Yves Cochet s'exclame.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ce projet est donc mûrement pesé. Dans le registre des risques naturels, il me semble juste de rappeler à quel point mes collaborateurs et moi avons été influencés par les travaux de l'Association française de prévention des catastrophes naturelles, coprésidée par votre collègue Christian Kert et le sénateur Yves Dauge. J'ai pris les avis des deux commissions parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale et je veux remercier ici non seulement le président Ollier et votre rapporteur Alain Venot, mais aussi tous les orateurs qui se sont exprimés au nom des groupes en commission, et dont je salue le ton dénué de toute polémique qui a marqué leurs interventions.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mesdames, messieurs, un texte législatif n'a d'intérêt que s'il donne des instruments à une volonté politique. Celui-ci donne de la force et de la perspective aux mesures techniques, méthodologiques et financières que j'ai arrêtées dès mon arrivée sur le double front des risques technologiques et naturels.
    Il vient d'abord conforter le plan d'action global sur les risques industriels que j'ai engagé dès mon arrivée. Dans le domaine des risques industriels, l'essentiel des progrès à réaliser n'est pas du domaine de la loi. Ainsi, la très grande majorité des propositions du rapport Loos-Le Déaut ou du rapport de la mission Essig ne relèvent pas du domaine législatif. En particulier, les actions de réduction à la source du risque, prioritaires pour éviter des accidents comme celui de Toulouse, sont du domaine du règlement, ou même, dans certains cas, de la simple bonne pratique.
    Le plan d'action global que j'ai lancé comporte plusieurs volets. Dans le domaine de la prévention des risques, je me suis attachée, par exemple, au réexamen complet des conditions de sécurité de l'ensemble des sites Seveso, dans le cadre de la directive Seveso 2 - révision des études de dangers et programmes d'investissements pour réduire le risque à la source -, ainsi qu'à l'harmonisation des méthodes d'évaluation des risques conduites à l'échelon régional. Je sais que vous y tenez, et à juste titre. Il ne saurait y avoir de différence dans la pratique des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement selon que l'on se situe en Alsace ou en Bretagne. Je me suis aussi attachée à introduire la notion de probabilité, à l'exemple de ce qui se fait dans la sûreté nucléaire, alors que l'approche française était jusqu'à présent strictement déterministe.
    Dans le domaine du contrôle des installations industrielles, le Gouvernement s'est attaché au renforcement pluriannuel de l'inspection des installations classées. En plus des 150 agents qui arriveront courant 2003, le Gouvernement a décidé de créer, dans les DRIRE, 400 postes budgétaires dédiés au risque d'ici à 2007. Au total, les effectifs de l'inspection passeront d'environ 800 au moment de l'explosion de l'usine AZF à plus de 1 400 fin 2007.
    Dans le registre de l'information et de la transparence, plus de quatre-vingts commissions locales expérimentales autour des sites Seveso ont été créées, préfigurant ce que seront les commissions locales d'information et de concertation - CLIC - prévues par la loi. J'ai demandé la publication sur Internet des arrêtés d'autorisation des usines Seveso et, à terme, des résultats des inspections qui y seront menées.
    Enfin, j'ai pris l'initiative, avec mon collègue Gilles de Robien, de lancer une réflexion sur la sécurité des noeuds de transports, comme les ports ou les gares de triage, sujet primordial sur lequel on ne s'était pas penché sérieusement jusqu'ici. J'espère qu'il sera temps, lors d'une prochaine lecture de ce texte, d'intégrer des dispositions issues de ce travail, si elles sont de nature législative.
    Il s'agit donc d'un chantier de très grande envergure, dont les dispositions que nous allons discuter ne sont que l'un des aspects.
    Dans le domaine des risques naturels aussi, ma volonté est de renforcer par la loi des actions de terrain déjà lancées, et non le contraire. Sur le sujet des inondations en particulier, la loi va appuyer le plan de prévention des inondations que j'ai présenté au mois de septembre et qui comportait deux volets : le financement, à hauteur de 130 millions d'euros, des initiatives locales tendant à réguler les débits des rivières ou des fleuves en amont des bassins versants ; la réforme du système de prévention des crues, à laquelle plusieurs d'entre vous sont attachés, et qui consistera en la reformulation des missions des services, qui devront mieux connaître les caractéristiques des bassins versants dont ils auront la charge, et en leur regroupement, pour obtenir des unités mieux dotées en agents capables de se spécialiser.
    J'ajoute que le système français de prévision des crues sera renforcé par la création, dans quelques semaines, du centre hydrométéorologique de Toulouse, que j'ai chargé de la double mission d'harmoniser et de surveiller les méthodes des services de prévision des crues et de servir de « second rideau » à ces services dans les bassins à réaction rapide, sujets aux orages cévenols. Je vous précise que ce centre à vocation nationale sera bien entendu ouvert aux collectivités locales ou à leurs groupements qui souhaitent développer des services de prévision des crues. Il leur apportera l'appui méthodologique nécessaire.
    Les mesures techniques et législatives se renforcent mutuellement. Ainsi, alors que je mets en oeuvre une réforme en profondeur de la prévision des crues, afin de mieux informer la population en temps de crise, le projet de loi contient de nombreuses dispositions tendant à développer une meilleure conscience du risque auprès des populations exposées, afin qu'elles réagissent mieux aux informations qu'elles reçoivent en temps de crise.
    Ainsi encore, alors que je mets en oeuvre un plan de soutien de 130 millions d'euros aux initiatives locales tendant à réguler les débits en tête de bassin, en amont des zones urbanisées, par le développement de zones d'expansion des crues, le projet de loi contient des dispositions tendant, d'une part, à faciliter la construction d'ouvrages de régulation des débits qui auront pour conséquence de créer des zones d'expansion des crues ou de maintenir l'inondabilité de zones d'expansion naturelles qui allient de faibles enjeux socio-économiques avec de forts enjeux écologiques, et, d'autre part, à limiter l'érosion des sols en amont des bassins versants.
    Dans le domaine des inondations, le paradoxe veut en effet que les enjeux soient le plus souvent en aval, alors que les solutions sont en amont, dès lors que l'on souhaite promouvoir les mesures qui ralentissent la crue avant qu'elle n'atteigne les zones urbanisées. Ce texte apporte des outils nouveaux aux pouvoirs publics.
    J'en viens maintenant au coeur même du projet de loi. Celui-ci s'attaque à la source des problèmes. C'est sa première caractéristique fondamentale.
    Le titre Ier vise à donner une place plus importante aux représentants des salariés dans la politique de prévention des risques technologiques menée par chaque entreprise. En effet, les salariés sont les principales victimes de ces accidents, alors qu'ils ne sont pas assez associés à la gestion des risques dans l'entreprise. En leur donnant un rôle plus développé dans la réduction du risque, c'est aussi le risque d'accidents ayant des conséquences sur l'extérieur que l'on réduit. Le projet de loi inclut donc un volet « social », préparé et négocié par François Fillon et moi-même, avec les partenaires sociaux. Il est ainsi prévu que le rôle du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail soit renforcé dans le domaine des risques technologiques. Il pourra faire appel à un expert en risques technologiques. Il pourra alerter les inspecteurs des installations classées. Il sera mieux associé à la procédure d'autorisation par l'Etat et il sera consulté sur les moyens de secours à mettre en place dans l'entreprise.
    Le titre II s'attaque, lui aussi, à la racine du problème en donnant des instruments nouveaux aux pouvoirs publics pour travailler sur les terrains qui engendrent le risque et non plus seulement sur les terrains exposés au risque, c'est-à-dire les zones urbanisées. Il s'agit, encore une fois, de travailler à la racine du problème. Il s'agit de maîtriser le risque en travaillant en amont des zones urbanisées, tout en respectant les milieux naturels.
    La tradition française, dans le registre de la prévention des catastrophes naturelles, est d'aménager les terrains exposés aux risques. Ce projet de loi complète d'ailleurs l'arsenal en la matière - nous en reparlerons tout à l'heure. L'un de ses apports fondamentaux est cependant de donner aussi aux pouvoirs publics les instruments pour travailler sur les terrains qui engendrent le risque ou qui sont susceptibles d'apporter des solutions pour le réduire. Au lieu de ne travailler qu'en aval, on préviendra aussi le risque en amont. C'est ainsi que la construction d'ouvrages de régulation des débits trouve un cadre juridique.
    Le plan de prévention des inondations que j'ai présenté prévoit le financement de la construction de petits ouvrages de régulation des débits, en tête de bassin. Neutres quand le débit est faible, ils retiennent l'eau dans les zones d'expansion des crues lorsque le débit est anormal. Il s'agit de briser la crue, de réduire sa valeur extrême, de ralentir le rythme d'écoulement des eaux en amont des zones urbanisées.
    Le projet de loi, pour résoudre les conflits liés au foncier nécessaire à la mise en oeuvre de ces ouvrages, prévoit que les collectivités maîtres d'ouvrage puissent instituer une servitude de surinondation sur des terrains d'expansion des crues. Il facilitera donc la construction et le fonctionnement des ouvrages prévus dans le plan de prévention des inondations que j'évoquais.
    Le Gouvernement a négocié avec le monde agricole, que je remercie, le principe et les modalités d'une indemnisation de cette servitude. Il est en effet indispensable d'inciter les propriétaires et les exploitants de l'amont, si l'on veut qu'ils interviennent pour protéger les habitants en aval, et d'indemniser les pertes éventuelles de cultures occasionnées par la surinondation. Votre rapporteur a proposé d'expliciter ces dispositions dans le corps du texte, alors que le Gouvernement avait prévu que le projet n'évoquerait que le principe de cette indemnisation. Je salue sur ce point sa lucidité, manière de dire que j'exprimerai au cours du débat l'accord du Gouvernement sur son amendement.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Un débat a été ouvert en commission autour de cette servitude de surinondation. Il concerne la dérogation au droit du fermage instituée par la loi. Le souci qui inspire la position du Gouvernement est de conférer aux collectivités locales un droit qui soit en rapport avec leur degré d'implication financière et l'importance de l'objectif - la lutte contre les inondations, faut-il le rappeler ? - qui les anime.
    Le projet de loi s'attache aussi à rétablir le caractère naturel du lit des cours d'eau. Les aménagements en amont qui calibrent trop les cours d'eau et qui empêchent la rivière ou le fleuve de se répandre sur les terres riveraines provoquent en effet une élévation du niveau de l'eau en même temps qu'une augmentation de sa vitesse d'écoulement. C'est la raison pour laquelle le texte a pour objectif de limiter ces aménagements, voire de les faire disparaître aux endroits stratégiques des cours d'eau.
    Les dispositions législatives ainsi prévues sont respectueuses des milieux naturels et sont les instruments d'une régulation des débits par les méthodes les plus douces et les plus efficaces, c'est-à-dire les méthodes les plus durables.
    Le titre II prévoit aussi une disposition tendant à lutter efficacement contre l'érosion des sols.
    L'érosion des sols accélère les ruissellements et favorise les avalanches et les mouvements de terrain. Or plusieurs pratiques agricoles sont susceptibles de la ralentir ou de la limiter. Ces « bonnes pratiques » sont différentes selon les régions. Dans l'Ouest de la France, par exemple, il peut s'agir de maintenir la couverture végétale des sols afin que l'eau de pluie pénètre mieux dans la terre, au lieu de s'écouler en surface trop rapidement. Il peut aussi s'agir d'empêcher l'arrachage des haies et l'érosion mécanique des talus, les deux étant des « barrages naturels ». En zone montagneuse ou semi-montagneuse - en ce cas, les crues comme les laves torrentielles et les avalanches sont concernées -, il s'agira d'éviter la disparition des murets ou d'autres barrières naturelles. Partout en France, sur les coteaux, il s'agira de labourer les terres dans le sens perpendiculaire de la pente afin de limiter les phénomènes de ruissellement.
    Le respect de ces pratiques doit être obtenu par la voie de la concertation. Mais il peut être nécessaire de donner aux représentants de l'Etat dans les départements le pouvoir de les imposer lorsque la voie partenariale, un certain temps s'étant écoulé, n'a pas porté ses fruits.
    Il est clair, à mes yeux, qu'il faudra limiter le nombre des zones d'érosion et leur périmètre à ce qui est nécessaire à la prévention des risques naturels. Mais à l'intérieur de ces zones, les bonnes pratiques devront être respectées.
    Cette disposition profondément innovante a été négociée avec les représentants du monde agricole. Elle constitue une rupture dans la politique de prévention des risques naturels. Elle permet de conjuguer préservation des milieux naturels et prévention des risques.
    Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter s'attache aussi à développer la conscience du risque dans l'esprit des décideurs publics et des citoyens les plus exposés.
    Le risque ne sera jamais supprimé, quels que soient les efforts déployés pour le réduire. Il faut développer l'information préventive et donc la conscience du risque. Des comportements préventifs en découleront. La meilleure prévision des crues et les services de secours les plus entraînés et les plus réactifs ne suffiront jamais : la population doit être cogestionnaire du risque. Pour cela, elle doit connaître les caractéristiques du risque et la conduite à tenir pour s'en préserver.
    En développant la transparence autour du risque, on milite aussi pour son acceptabilité. Le projet de loi constitue une rupture en ce qu'il responsabilise les décideurs et les citoyens, parfois victimes de l'illusion du « risque zéro ». On a bien senti à Toulouse à quel point on était proche, dans certaines circonstances, du rejet en bloc, par la population, de l'industrie à risque dans son ensemble. L'orientation qui a été prise d'arrêter la chimie du phosgène à la Société nationale des poudres et explosifs est un signe de ce vers quoi nous nous acheminons à terme si nous ne parvenons pas à rendre les populations exposées mieux conscientes des enjeux réels, et non supposés ou fantasmés.
    Plusieurs dispositions sont ainsi prévues.
    Pour ce qui concerne les risques naturels et technologiques ensemble, je vous propose d'exprimer votre accord sur la mention obligatoire du risque lorsqu'une transaction - location ou vente - est effectuée sur un immeuble dans une zone soumise à un risque technologique ou naturel.
    M. Yves Cochet. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Les retours d'expérience des grandes crues torrentielles de l'Aude en 1999 ou du Gard en 2002 nous enseignent que les nouvelles populations qui s'installent en milieu rural, après avoir longtemps habité en milieu urbain, ne connaissent pas suffisamment les milieux naturels et n'ont pas suffisamment conscience des risques auxquels elles peuvent éventuellement être exposées. La mention obligatoire du risque, lorsqu'une location ou un achat d'immeuble sont effectués dans une zone identifiée comme dangereuse, contribuera au développement de comportements préventifs.
    Je sais infiniment gré au rapporteur et à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire d'avoir bien voulu reconnaître l'importance qui s'attache à ce que les locataires soient aussi informés du risque, le cas échéant. Les exclure de cette mesure causerait une grave injustice sociale.
    M. Yves Cochet. C'est vrai !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Sur les seuls risques naturels, le projet de loi contient une disposition rendant obligatoire la pose de repères de crues sur les édifices publics. Cette mesure sera à la charge des maires, sur le fondement d'informations fournies par les services de l'Etat. Elle a pour but de perpétuer la mémoire du risque auprès des populations.
    L'obligation d'information des populations dans les communes les plus exposées aux risques naturels est aussi prévue par la loi. Tous les deux ans, dans les communes où un plan de prévention des risques a été prescrit ou approuvé, le maire devra assurer une information des habitants. Il sera libre des modalités de cette information - réunion publique ou information écrite par le moyen du bulletin municipal.
    Cette disposition est protectrice pour les maires. Il ne faut pas oublier que le code général des collectivités territoriales leur confère une grande responsabilité en cas de catastrophe naturelle. Tout ce qui permettra de diffuser dans la population une meilleure connaissance du risque rendra cette dernière plus réceptive et réactive aux injonctions que le maire peut donner au titre de son rôle préventif. Il agira, en cas de crise, sur un terrain mieux préparé.
    Sur les seuls risques technologiques, j'observe que des obligations d'information existent déjà. Mais elles sont insuffisantes. Mettre simplement à disposition des données ne suffit pas. Il faut porter l'information sur le risque au citoyen de manière active, sans attendre qu'il la cherche. Une disposition forte de la loi va dans ce sens : la création de comités locaux d'information et de concertation autour de chaque site à risque, sur le modèle de ce que l'on enregistre déjà dans les domaines du nucléaire ou des déchets. Les CLIC disposeront de budgets et de capacités d'expertise, pour justifier le « C » de concertation, auquel j'attache personnellement une grande importance et qui fait la différence avec les CLIS - commissions locales d'information et de surveillance - des déchets, par exemple. Partant du principe que la concertation ne se décrète pas, je n'ai souhaité à ce stade fermer aucune porte, ni sur la composition des comités, ni sur leur présidence, ni sur leur articulation, qui sera pourtant nécessaire, avec les structures qui se sont d'ores et déjà créées à cet effet dans certaines régions très industrielles.
    Le projet de loi s'attache enfin à traiter la question de l'urbanisme hérité du passé.
    Pour ce qui concerne le titre Ier, deux questions se posent : comment empêcher les situations de s'aggraver ? comment remédier aux situations déjà graves ?
    Tout d'abord, un premier principe est posé : celui de l'indemnisation par l'industriel de la servitude créée par toute augmentation du risque de son fait. Il s'agit du cas de l'extension d'une usine Seveso. Jusqu'à présent, ces servitudes n'étaient pas indemnisées.
    Dans le domaine de la maîtrise de l'urbanisation, des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, seront mis en place au voisinage des usines Seveso. Ces plans détermineront, en fonction du danger, les zones inconstructibles et celles dans lesquelles il est possible d'imposer des travaux de bon sens aux riverains, comme la pose de fenêtres résistantes aux explosions ou de dispositifs de ventilation spécifiques. Pour les aider dans ces travaux, un crédit d'impôt, ajouté à l'initiative du Sénat, leur sera ouvert.
    Ces plans pourront, et c'est là une nouveauté majeure par rapport aux dispositions du projet du gouvernement précédent, utiliser les outils de l'expropriation et du délaissement. Dans ce dernier cas, le propriétaire d'un bien en zone de délaissement se voit offrir la possibilité soit de quitter sa maison et d'être indemnisé, soit de rester. Il s'agit de se donner les moyens de reconquérir petit à petit les zones soumises à un risque important. Les frais occasionnés par le délaissement et l'expropriation seront partagés entre les collectivités locales, les industriels et l'Etat.
    Cette démarche est tout à fait novatrice. Jusqu'à présent, on se contentait de ne pas aggraver les situations. Pour la première fois, on se donne les moyens de les faire évoluer. Cette politique ne pourra être que progressive et s'étendre bien entendu sur plusieurs décennies. Elle sera menée conjointement par les collectivités locales et l'Etat.
    Pour ce qui concerne le titre II, le projet de loi s'attache à donner aux pouvoirs publics des moyens nouveaux de prévention dans les zones urbaines. Les dispositions prévues à cette fin constituent une rupture dans la tradition de la prévention des risques naturels.
    Elles conduiront en effet, d'une part, à revenir progressivement sur les situations héritées du passé en matière d'urbanisme. Trop souvent, le reproche a été fait à l'instrument PPR - plan de prévention des risques - de bien résoudre la question de l'urbanisme à venir en le limitant, mais de ne pas apporter de réponse adaptée pour l'urbanisme passé. Le projet de loi permet de résoudre progressivement la question des habitations construites avant le PPR.
    Ces dispositions permettront, d'autre part, de faire financer des dépenses de prévention par des fonds d'origine assurancielle, donc non budgétaire.
    Le fonds de prévention des catastrophes naturelles, dit « fonds Barnier », est alimenté par un prélèvement sur les flux financiers induits par des contrats d'assurance, prélèvement de 2,5 % sur les surprimes « catastrophes naturelles » adossées aux contrats d'assurance « dommages aux biens ». Ses ressources annuelles sont d'environ 20 millions d'euros. Il dispose de réserves de plus de 80 millions d'euros, compte tenu du fait que ses conditions d'intervention actuelles sont trop restrictives : indemnisation de l'expropriation en cas de risque immédiat pour la vie humaine.
    Le projet de loi part du constat que, dans la Somme, comme dans l'Aude ou le Gard, les indemnisations versées par les assurances ne suffisent pas pour reconstruire les biens fortement endommagés ailleurs que sur leur emplacement initial. Elles ne permettent pas d'acquérir le terrain nécessaire au transfert hors de la zone dangereuse. Le titre II prévoit donc que le fonds Barnier puisse intervenir en complément des indemnisations versées par les assurances, afin de contribuer au financement de l'achat d'un terrain hors de la zone dangereuse par les propriétaires des habitations ou immeubles d'exploitation de petites entreprises détruites ou endommagées à plus de 50 % de leur valeur. Il s'agit de soustraire au danger les personnes et les biens exposés à une avalanche ou une crue torrentielle, par exemple.
    Le projet de loi prévoit aussi que le fonds Barnier puisse financer les travaux de prévention dans les habitations prévues par les PPR approuvés. Il peut s'agir de travaux mettant les installations électriques au-dessus du niveau des plus hautes eaux, scellant les cuves à fuel au sol, créant des batardeaux devant les entrées, des escaliers intérieurs et des exutoires sur les toits permettant d'être hélitreuillé en cas de crue torrentielle. Le rapporteur m'a fait observer que le taux de subvention envisagé par le Gouvernement pour ces travaux - 25 % - lui paraissait insuffisant pour bien les solvabiliser. Le débat parlementaire nous permettra, j'en suis sûr, monsieur le rapporteur, de progresser sur ce point.
    M. Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je l'espère.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ajoute une dernière remarque sur la question des PPR. Je sais que nombreux sont ceux qui estiment que la concertation autour de leur mise en oeuvre est insuffisante. C'est la raison pour laquelle j'ai émis un avis favorable à un amendement du sénateur Doligé créant une commission départementale des risques naturels majeurs qui permettra d'organiser à l'échelon pertinent cette concertation.
    Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter place l'homme au coeur de la prévention du risque. Il le responsabilise lorsqu'il est exposé à ces risques, mais il s'attache aussi, et nous avons travaillé en ce sens avec Philippe Douste-Blazy et Jean Diébold, à mieux l'indemniser lorsqu'il a été victime d'un accident industriel.
    Dans le cas de Toulouse, l'entreprise à l'origine de l'accident était solvable et a contribué à raccourcir les délais d'indemnisation. Et pourtant, l'indemnisation a été globalement ressentie comme trop lente. Qu'en aurait-il été en cas d'insolvabilité, ou simplement face à une entreprise moins coopérante ?
    Le projet de loi propose, en cas de catastrophe industrielle constatée par l'administration, d'ouvrir le droit à réparation immédiate, sans franchise et dans des délais encadrés par la loi. Ce système permettra un remboursement rapide et garantira les assurés contre une éventuelle défaillance de l'industriel à l'origine de l'accident. Pour cette dernière raison, cette garantie nouvelle induira sur l'ensemble des contrats d'assurance dommages une légère surprime, évaluée à 2 euros.
    Il était prévu, par ailleurs, avant l'examen au Sénat, d'inciter l'industriel à garantir ses risques par un contrat d'assurance ou par des réserves propres. Pour cela, la diffusion d'une évaluation des dommages matériels potentiels en cas d'accident industriel était prévue. Ce n'était pas le cas jusqu'à présent. Ces obligations d'information, parce qu'elles sont susceptibles d'être examinées par les actionnaires ou les analystes financiers, ont un caractère d'incitation marqué. Plutôt que d'instituer une assurance obligatoire pour les établissements Seveso, comme certains le demandaient, j'avais préféré jouer le jeu du marché et de la transparence, qui doit avoir, à mon sens, un effet équivalent par des voies plus souples. Encore faut-il pour cela qu'on considère - et j'empiète un peu, là encore, sur la discussion des articles - le fait qu'une entreprise est responsable non seulement de son installation, mais aussi des effets qu'elle peut avoir, en cas de pollution ou d'accident, sur l'extérieur. C'est pour moi une évidence.
    M. Yves Cochet. Eh oui ! C'est le principe pollueur-payeur !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Et je sais que votre rapporteur et la commission m'ont entendue.
    Enfin, comment parler de réparation sans penser à ce qu'il est maintenant courant d'appeler « l'affaire Metaleurop » ?
    M. Daniel Paul. Oh oui !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Dans cette affaire, un industriel sans scrupule a organisé sa disparition et son insolvabilité, laissant derrière lui un champ de ruines sociales et environnementales.
    M. Yves Cochet. Il faut prévoir le pire !
    M. François Sauvadet. Oui !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ce comportement n'est heureusement pas représentatif de la façon de faire de la majorité des entreprises. Il n'est pas question, parce qu'un industriel a eu un comportement inadmissible, de construire un système tendant à tous les considérer comme tels.
    Il reste que la politique française de gestion des sites et sols pollués souffre de faiblesses, que beaucoup d'entre vous ont sans doute eu l'occasion d'identifier sans qu'il soit besoin de Metaleurop.
    En particulier, le fait que les capacités financières d'une entreprise ne soient évaluées qu'au début de son activité, alors que le sol n'est pas pollué, et à la fin de son activité, quand il est souvent trop tard, est une faiblesse du dispositif. De même, le fait que le préfet ne puisse pas demander des travaux de dépollution des sols en cours d'exploitation rend les situations encore plus critiques à la fermeture.
    J'ai donc ajouté au projet, par amendements gouvernementaux, des dispositions - dont la plupart avaient fait l'objet de propositions dans des rapports d'inspection antérieurs - qui tendent globalement à mieux prendre en compte la pollution des sols au cours de la vie des entreprises. Comme le reste du texte, elles recherchent l'efficacité au moindre coût.
    Ce projet a la particularité d'être à la fois ambitieux et profondément réaliste.
    Il est ambitieux parce qu'il s'attaque à des questions laissées en suspens depuis de nombreuses années, en proposant des évolutions en profondeur. Ainsi de la résorption de l'urbanisme existant autour des usines à risque au moyen de l'expropriation et du délaissement. Ainsi de la modification des pratiques agricoles pour limiter l'érosion en amont des zones inondables.
    Mais ce projet est aussi réaliste. Dans chaque domaine, il recherche les solutions les moins dogmatiques, les mieux adaptées aux réalités du terrain et les plus acceptables par les entreprises. Surtout, il prend en compte le temps et ne cherche pas à dénouer en quelques mois des situations qui ont mis des dizaines d'années, parfois des siècles, à se sédimenter : il se place à l'échelle de la génération.
    Mesdames et messieurs les députés, l'horizon de ce projet est le long terme, car il privilégie la négociation et le partenariat local. Il évite la stigmatisation de tel ou tel prétendu responsable, qu'il s'agisse des agriculteurs pour les inondations ou des industriels pour les accidents technologiques. Il part aussi du principe que ne rien faire pour améliorer la sécurité des entreprises serait faire le lit du refus de l'industrie par l'opinion et, paradoxalement, préparer à terme de nouvelles délocalisations.
    L'examen au Sénat l'a montré, ce projet peut être à l'origine de discussions qui transcendent souvent les groupes politiques. Nous parlons d'enjeux cruciaux puisqu'ils concernent encore une fois la vie de beaucoup de nos concitoyens. Je suis persuadée que votre assemblée saura nourrir le débat et j'ai la conviction que le projet en sortira grandi.
    Mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, ce projet de loi, inspiré par des parlementaires, préparé en concertation avec des industriels, des organisations syndicales, la profession agricole et grâce à un partenariat étroit avec chacun des ministres concernés, est attendu et marquera une avancée significative. Il est réaliste et équilibré. Il a pour objet la sécurité de nos concitoyens. En cela, il est au coeur des engagements du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le premier projet de loi de la nouvelle majorité dans le domaine de l'écologie concernant la prévention des risques reflète une nouvelle philosophie, celle d'une écologie humaniste qui place l'homme au centre de ces préoccupations, conformément aux orientations dégagées par le Président de la République en mai 2001 à l'occasion de son discours d'Orléans. Ce projet, dont nous commençons aujourd'hui l'examen, renforce les modalités de prévention des risques technologiques et naturels et améliore l'indemnisation des victimes. Il s'imposait après la catastrophe de Toulouse et les terribles inondations de ces dernières années.
    Pour autant, ce n'est pas un texte de circonstance qui aurait été partiel donc insuffisant, émotionnel donc excessif. Votre projet, madame la ministre, est en effet ambitieux, pragmatique et réaliste, concret et innovant. Votre important travail de préparation a pris en compte des propositions formulées par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale présidée par M. François Loos et dont M. Jean-Yves Le Déaut était le rapporteur. Cette intégration, en amont du travail législatif, des propositions de l'Assemblée nationale doit être particulièrement saluée.
    Les principales dispositions du projet de loi, dans sa rédaction initiale, poursuivent quatre objectifs principaux : renforcer l'information du public, maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques, prévenir le risque à la source et mieux garantir l'indemnisation des victimes.
    Pour renforcer l'information du public en matière de risques industriels, il est prévu, outre l'obligation d'une réunion publique lors des enquêtes relatives à des demandes d'autorisation d'installations particulièrement dangereuses, la création de comités locaux d'information et de concertation - les CLIC - financés par l'Etat et dotés du droit de faire appel à des experts reconnus.
    Concernant les risques naturels, le projet de loi met l'accent sur l'information préventive des populations, qui doivent devenir cogestionnaires du risque. Le maire se voit confier la mission de mener des campagnes d'information sur le risque.
    Par ailleurs, le projet de loi initial a rendu obligatoire la mention du risque et des sinistres survenus lorsqu'une transaction est effectuée sur un immeuble dans une zone soumise à un risque, ainsi que l'information des locataires par le bailleur sur l'existence du risque.
    Pour maîtriser l'urbanisation dans les zones exposées aux risques industriels, outre l'extension des possibilités d'instituer des servitudes d'utilité publique, la principale innovation du projet de loi réside dans la création de plans de prévention des risques technologiques.
    Dans le périmètre de ces plans, des mesures permettront de mieux maîtriser l'urbanisation future, de renforcer la protection des riverains, et, surtout, de résorber progressivement l'urbanisation existante grâce à la préemption, au délaissement et, si nécessaire, à l'expropriation.
    S'agissant des risques naturels, le projet de loi vise également à réduire la vulnérabilité des personnes et des biens, en revenant progressivement sur les situations héritées du passé. Il prévoit donc la possibilité, pour les collectivités publiques, de bénéficier d'un cofinancement du fonds de prévention des risques naturels majeurs, le fonds Barnier, lorsqu'elles procèdent à l'acquisition amiable de biens exposés et largement endommagés, la procédure d'expropriation pour cause de risque naturel majeur, pour l'instant réservée à l'Etat, étant par ailleurs ouverte aux communes et à leurs groupements.
    Enfin, le champ des dépenses pouvant être cofinancées par le fonds Barnier est étendu aux études et travaux de prévention et de résistance au risque, engagés par des personnes privées.
    Pour prévenir le risque à la source en matière de risques industriels, deux grands axes sont retenus. Le premier consiste à renforcer très significativement l'association des salariés à la prévention des risques, au travers de leurs représentants au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le second vise à inciter les entreprises à réduire le risque à la source.
    Il est également prévu de faire participer les exploitants au financement des mesures de reconquête des zones urbanisées exposées aux risques.
    Le projet de loi entend aussi donner une nouvelle dimension à la politique des risques naturels.
    Concernant la prévention des inondations, le projet de loi crée de nouveaux instruments afin de briser la crue et de ralentir le rythme d'écoulement des eaux en amont des zones urbanisées. Il s'agit de créer des zones d'expansion des crues ou de maintenir le caractère inondable de zones d'expansion naturelles des cours d'eau.
    A cet effet, le projet prévoit que les collectivités maîtres d'ouvrage pourront instituer des servitudes de sur-inondation. Celles-ci seront bien entendu indemnisées, afin d'en renforcer l'acceptabilité par les propriétaires et exploitants situés en amont. Les propriétaires pourront également exercer un droit de délaissement.
    Le projet de loi se montre par ailleurs particulièrement innovant en traitant de la lutte contre l'érosion des sols, qui accélère le ruissellement et favorise les avalanches et les mouvements de terrain. Afin de limiter ce phénomène, il est prévu d'inciter les exploitants à mettre en oeuvre de « bonnes pratiques » agricoles dans des zones sensibles. Ces pratiques devront donner lieu à une large concertation, mais pourront être imposées par le préfet lorsque cette procédure n'aura pas abouti.
    Pour mieux garantir l'indemnisation des victimes, un volet important relatif à l'indemnisation des catastrophes technologiques est prévu. Il permettra l'indemnisation, dans les trois mois, des dommages subis par des particuliers, y compris pour certains dommages à des biens non assurés et la simplification de la procédure d'indemnisation, notamment pour ce qui concerne l'expertise de la valeur des biens sinistrés.
    Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, certains enrichissements ont été apportés au texte. Ainsi, des dispositions importantes ont été adoptées à l'initiative du Gouvernement afin de pallier des vides juridiques mis en évidence par le placement en redressement judiciaire de la société Metaleurop Nord.
    En matière de risques naturels, les sénateurs ont souhaité renforcer la concertation en créant des commissions départementales des risques naturels, qui associeront un grand nombre d'intervenants représentant à la fois les collectivités locales, les acteurs économiques et sociaux concernés et les administrations compétentes. Ils ont également accordé une consécration législative aux établissements publics territoriaux de bassin, dont l'utilité est aujourd'hui reconnue de manière consensuelle.
    Certains des choix faits par le Sénat sont, en revanche, plus discutables. Ainsi, en matière de risques technologiques, les suppressions de l'obligation d'une réunion publique lors des enquêtes publiques, de la mesure visant à lutter contre la dilution des responsabilités pour le respect des règles de sécurité en cas de sous-traitance et des dispositions de l'article 14 relatives à l'évaluation du coût des accidents industriels éventuels paraissent particulièrement regrettables. Elles affaiblissent en effet le texte dans les trois axes essentiels que sont le renforcement de l'information des populations, la lutte contre les effets pervers de la sous-traitance et l'incitation à la réduction à la source du risque.
    S'agissant de l'ensemble des risques naturels et technologiques, les sénateurs ont également fait le choix de supprimer l'information préventive des locataires par le bailleur.
    Notre commission s'est donc attachée à rétablir l'équilibre du projet de loi. Elle a également jugé nécessaire de l'enrichir sur certains points. Sa démarche s'est située dans le même cadre que la vôtre, madame la ministre. Comme vous, nous avons voulu apporter les solutions les moins dogmatiques, les mieux adaptées aux réalités du terrain, aux impératifs de sécurité et au fonctionnement des entreprises.
    En matière de risques technologiques, la commission vous propose les modifications suivantes :
    Rétablir l'obligation d'une réunion publique lors des enquêtes relatives à des demandes d'autorisation d'installations particulièrement dangereuses ;
    Définir un équilibre du financement des mesures mises en oeuvre dans le cadre des PPRT, plus protecteur des collectivités locales ;
    Permettre la participation de l'Etat, des collectivités locales ou de leurs groupements aux actions de réduction du risque à la source lorsque cette participation est moins coûteuse que le financement des mesures de maîtrise des sols ;
    Améliorer les dispositions relatives au relogement des occupants des biens délaissés ou expropriés dans les zones exposées à des risques technologiques ;
    Majorer le temps laissé aux représentants du personnel au CHSCT des établissements particulièrement dangereux pour exercer leurs attributions ;
    Rétablir la disposition visant à lutter contre la dilution des responsabilités en matière de respect des règles de sécurité en cas de sous-traitance et notamment de sous-traitance en cascade ;
    M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
    M. Alain Venot, rapporteur. Préciser le dispositif relatif à l'élargissement du CHSCT aux chefs d'entreprises extérieures et à des représentants de leurs salariés en limitant cet élargissement aux réunions relatives à la sécurité tenues dans les établissements particulièrement dangereux ;
    Rétablir les dispositions de l'article 14 relatives à l'évaluation du coût des accidents industriels éventuels ;
    Préciser, enfin, les obligations de remise en état des sites industriels à la fin de l'exploitation pour garantir la sécurité juridique des exploitants.
    En matière de risques naturels, les propositions de la commission sont les suivantes :
    Accroître la sécurité juridique du maire dans sa mission d'information des populations sur les risques ;
    Lever les ambiguïtés relatives à l'indemnisation, en précisant que celle-ci ne se limite pas à l'indemnisation de la perte de valeur vénale du terrain, les occupants et exploitants devant également être indemnisés du préjudice subi après chaque sur-inondation ;
    Garantir à la fois les droits des propriétaires et ceux des collectivités en précisant les conditions du recours au droit de délaissement ;
    Permettre la délivrance de permis de construire dérogeant à certaines règles du plan local d'urbanisme pour permettre la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés à la suite d'une catastrophe naturelle ;
    Etendre la contribution du fonds Barnier aux acquisitions amiables de biens appartenant à des entreprises de moins de vingt salariés - et non dix - exposés à un risque naturel majeur et fortement endommagés ;
    Enfin, rétablir l'information des locataires sur les risques naturels et technologiques.
    L'ensemble de ces modifications et celles qui pourraient être apportées au cours des débats devraient permettre d'enrichir votre texte, madame la ministre, qui a le triple mérite d'assurer la sécurité d'aujourd'hui, d'entamer la reconquête du passé et de protéger l'avenir.
    Mes chers collègues, la commission vous propose donc d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Trente morts, plus de 8 000 blessés dont de nombreux gravement atteints, et pour certains de manière irréversible, près de 30 000 logements détruits ou sinistrés, plusieurs centaines d'entreprises et de commerces hors d'usage, détruits ou endommagés, sans compter les effets encore prégnants, sur le plan psychologique, humain, social et économique, perceptibles dans toute l'agglomération toulousaine. Les plaies ont du mal à cicatriser.
    Vous avez raison de dire, madame la ministre, qu'on ne fait pas une loi sous l'emprise de l'émotion. Je voudrais cependant rendre hommage à toutes ces victimes et à leurs familles, à ceux qui ont perdu leur emploi, à tous ceux qui, en plein hiver et dans l'attente de nouvelles fenêtres, du rétablissement des services publics - écoles, collèges, lycées,... - et des commerces de proximité, ont souffert pendant de longs mois.
    Je veux également rendre hommage à tous ceux qui ont apporté soutien, aide et soulagement : pompiers, associations, protection civile, bénévoles, travailleurs sociaux, gendarmes, policiers, élus, représentants de l'Etat et des collectivités territoriales...
    Voter un texte qui permette enfin de tourner la page d'une histoire industrielle cruelle et de faire en sorte qu'il y ait un « après Toulouse », constituerait le meilleur moyen de rendre hommage à tous ces hommes et à toutes ces femmes.
    Je voudrais associer à mes propos Hélène Mignon, députée de la Haute-Garonne, et Yvette Bénayoun Nakache, députée durant la précédente législature.
    M. Yves Cochet. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Tous trois, pendant des mois, avons vécu avec émotion un quotidien fortement marqué par ce drame.
    A la suite de la catastrophe, les réactions ont été vives, parfois violentes, car les déchirements sont souvent restés sans écho. Ces différentes réactions étaient indéniablement légitimes. En effet, on ne peut que regretter qu'en dépit de moyens de mobilisation sans précédent, un pays aussi riche et développé que le nôtre ait pu faire preuve de tant d'insuffisances et d'incapacités en de pareilles circonstances, laissant à l'abandon une partie de la population.
    Face à une telle situation, le gouvernement de Lionel Jospin a réagi dans l'urgence en octroyant des aides exceptionnelles, l'Assemblée nationale a diligenté une mission d'enquête parlementaire sur les risques industriels, dont le président était François Loos et le rapporteur Jean-Yves Le Déaut, et un débat national, ainsi que des réunions régionales décentralisées et démocratiques, ont vu le jour.
    Un premier projet de loi, préparé par Yves Cochet, n'a pu être examiné en première lecture ; un autre texte nous est à présent soumis après avoir été débattu au Sénat.
    Qu'une réponse législative intervienne un an et demi après la catastrophe, cela peut paraître long. Gageons que ce délai aura permis de poser les bases d'un rapprochement avec une industrie chimique que nous devons continuer à développer, mais en toute sécurité pour les salariés et les riverains.
    Si je devais mentionner une conséquence de la catastrophe de Toulouse, ce serait le divorce entre les citoyens, d'une part, et les industriels et les décideurs institutionnels, d'autre part. Comment redonner confiance aux citoyens dans le milieu industriel quand toute une série de dysfonctionnements a été banalisée pendant des années ?
    Aujourd'hui, la recherche incessante du meilleur moyen de produire doit intégrer l'impérieuse nécessité de garantir la sécurité de l'homme et de son environnement, et un développement basé sur le dialogue, la concertation et la transparence.
    Tous ces objectifs peuvent être atteints, car, je dois le reconnaître, le projet de loi va améliorer l'existant. Toutefois, celui-ci ne répond pas à toutes les attentes. Aussi, je tiens à attirer votre attention sur différents points.
    Tout d'abord, ce projet de loi ne doit pas être examiné dans un esprit partisan ; il doit être à la hauteur du drame vécu à Toulouse.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Ensuite, il faut éviter quelques réflexes idéologiques qui consistent à soutenir activement le lobbying des industriels ou des compagnies d'assurance, comme cela a été plus ou moins le cas en première lecture au Sénat.
    M. François Sauvadet. Allons !
    M. Pierre Cohen. L'esprit de ce texte doit être en rupture avec des schémas simplistes, qui, sous couvert de rentrées fiscales ou d'emplois, laissent aux industriels une grande latitude qui leur permet notamment de confondre, dans leurs rapports aux riverains, communication et information.
    Par ailleurs, il faut chasser de nos esprits l'idée que le risque zéro est réaliste et qu'il suffit de déplacer les usines. Attention : même en délocalisant les unités de production, les salariés continuent à être soumis aux risques - les mêmes causes produisant les mêmes effets - et le développement urbain n'a de cesse que de rapprocher la main-d'oeuvre de son bassin d'emploi.
    De plus, en matière de délocalisations, les risques sont d'autant plus importants que celles-ci concernent souvent des pays où la législation et le droit du travail sont inexistants ou bafoués.
    Le difficile équilibre auquel nous devons parvenir passe par des impératifs que je me contenterai d'évoquer rapidement, car Jean-Yves Le Déaut, rapporteur de la mission parlementaire sur les risques industriels, les abordera certainement plus en détail. Je tiens à signaler à cette occasion que les conclusions de son rapport ont été appréciées par toutes les parties concernées par la catastrophe de Toulouse.
    Rappelons, en premier lieu, que nous ne portons aujourd'hui notre attention que sur un seul volet des risques industriels : les sites. Gardons-le à l'esprit, le transport de certaines matières dangereuses comporte, à lui seul, autant de danger que leur production.
    M. François Brottes. C'est vrai !
    M. Pierre Cohen. Aussi est-il urgent de mettre en oeuvre sur ce sujet une commission d'enquête, ainsi que le préconise d'ailleurs le rapport parlementaire. Vous-même, madame la ministre, avez pris l'engagement de diligenter un rapport en ce sens dans les prochains mois. Nous pouvons, en attendant, adopter l'amendement de François Brottes intégrant la réglementation communale sur le transport des matières dangereuses dans les plans de prévention des risques technologiques.
    M. François Brottes. Merci, monsieur Cohen !
    M. Pierre Cohen. En deuxième lieu, il est apparu à Toulouse, et l'enquête l'a confirmé, qu'un des maillons faibles du processus de décision se situait au niveau de l'étude de danger et de son évaluation.
    Nous devons maintenir l'étude de danger sous la responsabilité de l'industriel. Néanmoins, il faut bien cadrer son élaboration et en faire un document partagé en toute transparence.
    Il est par ailleurs indispensable, à la lumière de ce qui s'est passé à Toulouse, que cet exercice s'effectue sur la base de références validées par un organisme tel que l'INERIS. Sur le pôle chimique de Toulouse, aucun plan de prévention des risques n'avait envisagé la moindre explosion. L'essentiel des préconisations ne portait que sur des mesures destinées à se protéger des émanations de gaz toxiques.
    On peut dès lors mesurer le décalage qui s'est produit entre l'origine de la catastrophe, les moyens dont disposaient sur place les secours et l'incompréhension des populations traumatisées.
    De plus, même si j'accepte la notion d'occurrence, je considère qu'il est opportun d'établir comme référence les dangers encourus par le produit lui-même, avec sa masse ou son volume, indépendamment des probabilités et des dispositifs de sécurité.
    M. Yves Cochet. Voilà !
    M. Pierre Cohen. La notion de « référence de départ » peut faire réfléchir sur le risque lui-même, sur les améliorations possibles à apporter en amont, qu'il s'agisse du mode de production, de la masse du stockage - à Toulouse, en l'occurrence, on aurait ainsi certainement évité cette grave explosion - ou du produit de substitution éventuel. La réconciliation avec la chimie passe aussi par une certaine révolution qui permettra d'atteindre un objectif essentiel : celui d'une chimie propre, dans un souci de développement durable. D'autres industries y parviennent. Misons aussi sur celle-là.
    Ensuite, il y a nécessité de rendre plus lisibles tous les dispositifs. Comment peut-on se retrouver dans les PPRT, les PIG, les PPI, les zones Z1 et Z2 ?
    Deux choses me paraissent indispensables.
    La première est l'obligation d'informer les citoyens sans tabou ni confidentialité, sur tous les dispositifs de secours, et d'organiser des exercices de simulation conformes au plan particulier d'intervention. A Toulouse, ils n'ont jamais eu lieu.
    La seconde est l'obligation d'inclure les zones Z1 et Z2 dans le périmètre foncier de l'entreprise, d'abord pour les nouvelles installations, puis, à terme, pour les entreprises existantes.
    Je vous rappelle que ces zones sont issues des directives Seveso, en particulier la zone Z2, où peuvent apparaître, en cas d'accident, des effets irréversibles pour la santé et des blessures sérieuses.
    Nous défendons ardemment l'obligation de concertation et de dialogue abordée par une partie du projet de loi. Il n'est cependant pas question de remettre ainsi en cause la responsabilité de l'industriel dans son mode de production, ni de revenir sur le rôle régalien de l'Etat, chargé de contrôler l'entreprise et éventuellement d'en dénoncer les insuffisances.
    En revanche, nous nous mobiliserons afin que les DRIRE consacrent des crédits suffisants à l'inspection des sites et bénéficient d'un budget à la hauteur des besoins réels. A cet égard, madame le ministre, vous avez pris certains engagements qui constitueront certainement une amélioration par rapport au précédent budget.
    Pour favoriser la transparence des processus de production, il est urgent de formaliser les instances de concertation où cohabitent industriels, salariés, représentants de l'Etat, associations, élus et riverains. Les comités locaux d'information et de concertation, les CLIC, doivent se retrouver au sein d'un SPPPI travaillant au niveau départemental. Ils doivent acquérir une personnalité morale, bénéficier de l'autonomie dans leur fonctionnement et s'organiser selon les voeux de leurs membres : élection du président, choix de l'information et des actions.
    Afin d'alimenter un vrai débat démocratique, les comités locaux, ainsi que le CTP/CHS, doivent pouvoir appliquer des moyens de contre-expertise aux études de danger, et revendiquer un droit d'alerte dans le cas où le projet rencontre de fortes oppositions.
    Enfin, ce que nous avons vécu à Toulouse me conduit à donner un signal fort : les systèmes d'indemnisations, d'expertises et de réparations ont montré leurs limites et leur inadaptation par rapport à l'urgence et à l'ampleur du phénomène.
    Certes, le projet de loi en tient compte. Mais je tiens à le préciser, dans ces cas extrêmes, des décisions d'exception doivent pouvoir être prises et appliquées sur le champ, sans passer par des marchandages dont l'arbitrage se traite in fine à Matignon.
    La constitution officielle de fonds réservés à cet effet est donc nécessaire pour répondre aux actions d'urgence. Cela éviterait des enjeux d'intérêts qui prolongent de façon indésirable les délais de traitement des dossiers.
    Pour répondre à ce type de détresse, il y a lieu aussi de mobiliser des compétences nationales et de les coordonner, afin que, dans les heures qui suivent une catastrophe, une cellule de crise puisse soulager les acteurs locaux, lesquels se trouvent, face à ces situations, à la limite de leurs capacités. La création d'une cellule nationale de gestion de crise dans les cas de catastrophe me paraît donc une priorité.
    Vous avez pu le comprendre, madame la ministre, la triste expérience de Toulouse, ajoutée à d'autres situations, concernant d'autres lieux, peut contribuer à étoffer une loi qui s'attache à trouver un équilibre entre d'une part la citoyenneté et son cadre de vie et d'autre part une économie industrielle, fût-elle celle de l'industrie chimique.
    L'essentiel aujourd'hui est que son développement soit partagé et accepté de tous. La catastrophe de Toulouse vaut bien une utopie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Cochet. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
    M. Jean Lassalle. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, le projet qui nous rassemble cet après-midi est d'autant plus délicat à appréhender qu'il met en cause de nombreux éléments auxquels nous tenons très profondément. La vie humaine, d'abord, si souvent touchée au cours de ces dernières décennies. Ensuite, le rôle que nous voulons tenir vis-à-vis de notre environnement, et la relation de l'homme à son territoire, qu'il s'agisse des campagnes, des villes ou de ces nouvelles zones, dites agglomérées, où se retrouvent, pêle-mêle, les hommes et les activités à haut risque. Enfin, ce sujet nous interpelle sur l'avenir, sur ce que nous préparons à l'égard de ceux qui nous suivrons.
    Par ailleurs, ce débat intervient au moment, peut-être, le plus difficile, tant ces sujets sont devenus sensibles : aujourd'hui - et c'est normal - le moindre de ces problèmes draine des dizaines de caméras de télévision et d'observateurs. Or il est souvent très difficile d'avoir à intervenir à chaud quand, pris dans une véritable tourmente, on ne sait pas au juste comment réagir.
    J'ai vécu pour ma part, dans ma circonscription, le tremblement de terre d'Arette, l'un des plus forts enregistrés au cours du siècle dernier en France ; j'ai connu une avalanche qui a emporté une partie de ma famille ; j'ai connu trois crues dites « centennales » en dix ans dans le gave qui passe devant chez nous ; j'ai connu des tempêtes très importantes... A chaque fois, j'ai pu voir combien l'homme était désemparé devant les éléments déchaînés et comme étaient peu nombreux les hommes et les femmes capables de garder le sang froid dans ces moments-là, comme étaient peu nombreux ceux qui avaient conservé certains réflexes de nos anciens face à ces situations.
    Dans notre département des Pyrénées-Atlantiques se trouvent le bassin de Lacq, dont David Habib parlera certainement, le littoral, touché par la catastrophe du Prestige, le tunnel du Somport. Ma seule circonscription comporte 250 kilomètres de montagnes - la frontière avec l'Espagne -, avec ses stations de ski et ses lieux à haut risque. Ce sujet nous intéresse donc tout particulièrement.
    J'estime, madame la ministre, que ce projet de loi est équilibré. Le groupe UDF le soutiendra et le votera. Nous essaierons bien de faire passer quelques amendements de-ci, de-là, mais nous pensons qu'il est dans l'ensemble équilibré, parce qu'il a été réfléchi. Il s'est d'abord fondé sur les préconisations de M. Cochet, puis il a été éclairé par la commission d'enquête qui a travaillé après la tragédie de Toulouse.
    J'ai le privilège de participer actuellement aux travaux de deux commissions d'enquête. C'est une activité dont j'ignorais tout avant mon élection, et je me rends compte aujourd'hui qu'un travail très profond est engagé à cette occasion, que l'on prend le temps d'accomplir, à l'abri du circuit un peu fou du monde actuel, de l'obligation de résultats immédiats, des journaux télévisés. On prend le temps de dérouler minutieusement la chaîne des situations et des événements qui ont conduit au problème.
    Les deux commissions d'enquête auxquelles je participe abordent des sujets sérieux. Dans le cas de Toulouse, en particulier, les travaux ont permis de laisser passer le moment de l'indignation, ce moment où tout paraît fini, où on se révolte contre ce qui n'a pas été fait et contre ceux qui n'ont pas agi. Il faut, en de tels moments, trouver de toute urgence quelqu'un à accuser et clouer au pilori. Mais, le temps passant, un travail sérieux s'engage, on y voit un peu plus clair et l'intelligence de l'homme reprend le dessus.
    C'est donc dans le creuset de ces réflexions que votre projet de loi a été élaboré, madame la ministre, et ce sont elles qui ont inspiré votre travail, monsieur le président de la commission. A mes yeux, ce sujet comporte trois niveaux très simples. D'ailleurs, je ne sais exprimer des choses compliquées : la plupart du temps, je ne les comprends même pas. (Sourires.)
    M. Alain Venot, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean Lassalle. L'« avant », d'abord, me semble très important, car il touche à la prévention, qu'il s'agisse des risques naturels ou des risques technologiques, industriels, nucléaires.
    Ensuite vient le moment de la catastrophe. J'en ai vécu quelques-unes, et je sais tout ce que l'on ressent dans ces moments-là.
    Enfin, il y a l'après-catastrophe, ce qui se passe immédiatement après. Vous êtes complètement déconcerté, perdu, vous ne savez pas s'il y a des victimes et combien, ni l'étendue de l'onde de choc. Vous voyez arriver les premiers représentants des médias, qui resteront, selon le cas, trois, quatre, huit, dix jours... Vous avez alors le sentiment de vivre un grand malheur, mais vous êtes également réconforté et rassuré par tant de témoignages d'humanité.
    Puis tout le monde s'en va. Chacun est pris par ses obligations. Vous restez tout seul avec vos concitoyens et avec M. le préfet, que d'ailleurs vous voyez de moins en moins souvent, parce qu'il a, lui aussi, autre chose à faire ailleurs. Et tout le monde vous demande : « Quand va-t-on être indemnisé, quand va-t-on être dédommagé ? » « Et alors, ce dossier catastrophe naturelle, il avance ou il n'avance pas ? » Il y a aussi les assurances, et enfin tout le reste, beaucoup de choses que nos concitoyens ont du mal à comprendre, et qu'ils ne comprendront certainement jamais.
    Revenons-en à l'avant. Il est nécessaire, avant tout, de bien connaître le risque, et surtout ne pas avoir la prétention de parvenir au risque zéro. Nous n'y arriverons en effet jamais. Toutes nos expériences, toutes nos entreprises ne sont qu'humaines : aussi performantes et intelligentes soient-elles, elles n'arriveront jamais au niveau de perfection auquel nous aimerions les conduire. Le danger de rechercher un hypothétique risque zéro est de tout geler, de tout bloquer définitivement.
    Pour connaître le risque, il faut faire appel aux meilleurs experts, aux meilleurs techniciens - et Dieu sait s'il y en a ! - et les organiser, en trouvant le bon équilibre entre les pouvoirs publics, l'Etat, et le milieu local. Ce sont, par exemple, les associations de salariés dans les entreprises, ou, en milieu rural, les agriculteurs, les maires, bref tous ceux qui vivent au quotidien les situations qui nous intéressent.
    Une fois que le risque est connu, il est très important de le porter à la connaissance du public. Les gens sont à notre époque capables de comprendre qu'ils vivent dans une zone où il peut se passer des événements difficiles, voire redoutables, et qu'ils doivent par conséquent s'y préparer et s'organiser. Du reste, nos anciens le faisaient remarquablement.
    C'est également une étape dans laquelle une respiration entre le niveau central et le niveau local doit être favorisée. Des interfaces sont indispensables. Elles sont ce qui manque le plus à notre société. Souvent les uns butent contre les autres, l'Etat et les pouvoirs locaux, quels qu'ils soient, s'opposent entre eux. Leur association permettrait d'obtenir des uns et des autres la quintessence de ce qu'ils peuvent donner, et nous vivrions en commun une grande aventure.
    J'ai eu l'occasion de rencontrer l'INERIS : c'est un formidable pôle d'intelligence et de savoir, comprenant plus de 560 personnes, dont 270 ingénieurs. Il peut jouer ce rôle d'interface entre les pouvoirs publics et le monde industriel. Je ne citerai qu'un second exemple, celui de l'association française des établissements publics territoriaux de bassin, qui consacre un travail remarquablement intéressant et très organisé aux fleuves et rivières de France.
    Nous devons réaliser ensemble les cartes dans toutes les régions, en ciblant bien les endroits à risques car on ne peut plus continuer à équiper certains sites dans de telles conditions. Dans certains secteurs, il convient de prendre des précautions et il faut préciser lesquelles. Il est également indispensable de préparer les moyens d'intervention afin que ceux qui sont touchés ne soient pas, le moment venu, complètement démunis.
    Les plans de protection contre les risques naturels ou les plans relatifs aux risques technologiques, lorsqu'il s'agit d'industries, sont généralement élaborés par des hommes de grande qualité et de très bonne foi. Cependant, ils ne sont pas présents lorsque la catastrophe se produit et ce sont des personnes qui n'ont pas participé à la préparation de ces plans qui doivent les mettre en oeuvre, faisant ainsi face, dans l'urgence, à une situation à laquelle ils n'ont pas été suffisamment préparés. Il en résulte souvent un sentiment de confusion extrême sur place.
    Il nous semble également nécessaire d'envisager la création progressive - cela plaira beaucoup à nos concitoyens - de brigades d'intervention capables de se mobiliser très rapidement lorsqu'un accident se produit. Elles pourraient être mises en place tant sur le plan local qu'à l'échelon national pour les cas où il s'agirait de catastrophes de très grande ampleur. En effet, il serait judicieux de mobiliser ainsi davantage l'immense volonté de rendre service qui existe chez tous nos concitoyens pour peu qu'on l'éveille.
    Nous avons peut-être péché par excès dans un domaine où l'on était insuffisamment intervenu dans le passé. On a voulu trop normaliser et ouvert un peu trop les parapluies alors que c'est sans doute dans une gestion dynamique, au quotidien, par laquelle chacun s'engage en apportant ce qu'il a de meilleur, dans une large mobilisation des forces vives que nous devrions pouvoir dégager les moyens d'intervention qui font si souvent défaut le jour où la catastrophe se produit.
    Il est également indispensable de s'intéresser à ce qui se passe après la catastrophe. Bien souvent, en effet, les maires sont dans le plus grand désarroi parce qu'ils sont pratiquement abandonnés, n'ayant en face d'eux que de la paperasse à remplir et des complications toujours plus nombreuses. Ainsi que le prévoit le projet, il faut simplifier les formalités et suivre une démarche à dimension humaine.
    Nous sommes donc saisis d'un texte important et sérieux. Il nous incite à penser à la manière dont nous voulons traiter tant ces zones urbaines ou péri-urbaines dans lesquelles on fait cohabiter les habitations et des entreprises dangereuses, que nos campagnes. En effet, si ces dernières ne sont plus entretenues, si nous acceptons qu'il n'y ait plus d'hommes dans nos montagnes, demain ce seront les plaines et les villes qui seront saccagées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en préambule, de vous donner un exemple qui concerne l'agglomération havraise.
    Le chantier que je souhaite évoquer est, en effet, emblématique : c'est celui de la construction d'une centrale de cogénération à Gonfreville-l'Orcher, un chantier dont le maître d'ouvrage est un consortium Total-EDF-Texaco. Ce chantier n'est pas lui-même classé Seveso, mais il est totalement situé à l'intérieur d'un périmètre intégralement classé Seveso 2. Dans ces conditions les interventions devraient y être assurées, conformément aux recommandations de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles, par des salariés disposant d'une qualification particulière, et rompus à un certain nombre d'exercices liés au risque particulier sur ce site.
    Pourtant, le délégué du maître d'ouvrage a passé commande de travaux en entreprise générale à une société belge, qui a sous-traité ensuite à une société d'origine libanaise, installée en Suisse, laquelle a encore sous-traité à une société allemande, qui a confié le chantier à sa filiale française, et celle-ci a encore sous-traité à une société polonaise qui se trouve ainsi au cinquième niveau de sous-traitance par rapport au client !
    Nous avons donc actuellement sur ce chantier une quarantaine de salariés polonais. Or, toutes les statistiques le prouvent, les salariés intérimaires sous-traitants et souvent sous statut précaire, sont les premières victimes des accidents technologiques.
    Alors que ce constat est unanimement admis, la sous-traitance en cascade - qui plus est, à base d'emploi précaire - aggrave considérablement les risques. Rien n'a évolué depuis le 21 septembre 2001 à ce sujet.
    Après l'accident de Toulouse, l'ensemble des forces représentées ici a affirmé, notamment par le biais du rapport de l'Assemblée nationale, sa forte volonté de tout faire pour éviter qu'une catastrophe similaire ne se reproduise. Cette commission avait émis des propositions fortes, concrètes, pertinentes, que nous espérions retrouver dans votre projet. Mais il y a loin, madame la ministre, de la coupe aux lèvres.
    Votre projet est resté au milieu du gué. A l'exception de quelques avancées dans le chapitre consacré à la sécurité du personnel, il fait le choix du statu quo en matière de réflexion sur les risques industriels. Il ne s'agit que d'un projet d'aménagement des risques et de traitement des conséquences d'un accident.
    En clair, le Gouvernement, comme dans le domaine de l'emploi, compte sur une bonne pratique des industriels - pourtant l'exemple que j'ai donné est éloquent -, sans trop de contraintes législatives et sans véritables moyens humains et financiers pour une mise en oeuvre efficace. Si certaines dispositions de votre projet de loi vont en effet dans le bon sens en matière d'information - je pense aux réunions publiques annuelles, aux comités locaux d'information et de concertation - ainsi qu'en ce qui concerne le renforcement des rôles des CHSCT, encore que vos amis du Sénat aient porté gravement atteinte, dans l'article 9, à leur représentation de droit commun, globalement, pourtant, ce projet n'apporte pas de réponses satisfaisantes, ou, en tout cas, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux, en particulier de celui décrit par notre collègue de Toulouse.
    Ainsi il ne nous paraît pas judicieux d'essayer de répondre par une même loi aux problématiques différentes des risques technologiques et des risques naturels. Du même coup, paradoxalement, le champ d'application de votre projet de loi se restreint. Il ne traite que marginalement des questions d'emploi et de compétence sur site, qui sont pourtant des dimensions essentielles de leur sécurité.
    Même dans ce domaine, vous avez de la peine à vous débarrasser de certains dogmes libéraux. Il est en effet, selon nous, illusoire de prétendre que les choses vont s'améliorer en disant aux entreprises qu'on leur fait confiance pour s'autocontrôler.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mais non !
    M. Daniel Paul. J'ai des exemples précis, madame la ministre.
    Cette dérive est d'autant plus inquiétante que, faute de personnels en nombre suffisant, les DRIRE et les CRAM demandent aux entreprises elles-mêmes de procéder aux contrôles qui relèvent de l'Etat, et de leur adresser les rapports sur ces contrôles.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Tchernobyl, c'était l'Etat !
    M. Daniel Paul. Nous sommes en France, madame la ministre, et je parle d'entreprises qui sont sur le territoire français, à proximité de grandes agglomérations !
    Vous n'hésitez d'ailleurs pas à indiquer que « la très grande majorité des propositions du rapport parlementaire ne relève pas du domaine législatif, en particulier les actions de réduction à la source du risque industriel ».
    M. Jacques Pélissard. Elle a totalement raison !
    M. Daniel Paul. Ces actions sont pourtant fondamentales et prioritaires pour éviter les accidents mortels comme celui de Toulouse.
    L'efficacité de tout le dispositif de maîtrise de l'urbanisation repose - toujours selon la commission d'enquête - « sur une évaluation pertinente du risque ». La clef de voûte du sytème est donc l'étude de danger.
    Dans ce domaine des risques technologiques, la recherche me semble être aussi une priorité à prendre en compte. En 1998, notre collègue Jean-Claude Sandrier a proposé et obtenu, dans le cadre d'un CIADT, la constitution à Bourges d'un pôle sur les risques industriels et environnementaux. Aujourd'hui, il est nécessaire de renforcer la dynamique engagée, ce qui suppose sa transformation en centre national sur les risques industriels et environnementaux, afin de promouvoir la recherche et la formation supérieure, sans lesquelles toute avancée dans le domaine du risque serait handicapée. Pourrez-vous nous éclairer sur les intentions du Gouvernement à cet égard ?
    Nous regrettons qu'avant de créer les plans de prévention des riques technologiques, votre projet ne rende pas obligatoire une étude des dangers permettant d'afficher un état des lieux, objectif et exhaustif, une évaluation la plus exacte possible des zones exposées, incluant un diagnostic des préjudices moraux et financiers pesant sur les populations concernées.
    Dans le même esprit, nous considérons que la réduction du risque à la source devrait être une priorité absolue. En effet, la meilleure solution pour régler le problème de l'urbanisation à l'intérieur des périmètres de danger est de faire reculer ceux-ci. Cela est techniquement possible. Ainsi notre collègue sénateur-maire de Oissel, Thierry Foucaud, vient de mener un excellent travail dans ce sens avec l'entreprise La Grande Paroisse. Toutefois cela nécessite des efforts financiers importants de la part des exploitants, qui doivent y être contraints en même temps qu'encouragés. De ce point de vue, votre projet est pour le moins frileux.
    Ne devrait-on pas ne décider des périmètres qu'après avoir fait, avec tous les partenaires concernés, l'examen des mesures à prendre pour réduire les risques à la source ? Cela éviterait les conséquences sur la valeur de l'immobilier par un classement trop rapide.
    Dans un autre domaine, celui de la transparence de l'information et de la consultation, votre projet ne prévoit pas de renforcer les droits et moyens d'intervention des salariés, via les CHSCT ou les comités d'entreprises, des populations ou des élus locaux à un niveau suffisant.
    Votre texte, sous le prétexte de laisser une place plus large aux partenaires sociaux, renvoie plusieurs aspects importants de sa mise en oeuvre à des négociations de branche ou d'entreprise, ce qui constitue, pour les acteurs sociaux intéressés, « une mise en cause de l'ordre public social ».
    La question du renforcement des moyens de contrôle de l'Etat est, elle aussi, absente de cette loi - encore que vous ayez annoncé d'autres dispositions dasn votre intervention liminaire - alors que les moyens pour l'inspection des installations classées par l'INERIS, les inspections du travail en particulier, sont notoirement insuffisants. Ce texte, comme beaucoup d'autres actions du Gouvernement, laisse transpirer la volonté d'un désengagement, caché mais bien réel, de l'Etat.
    En matière d'indemnisation des victimes, les condi-tions de fermeture de l'usine Metaleurop Nord et la catastrophe de l'Erika montrent que le régime de responsabilité actuelle est inefficace et incapable de prévenir les dommages comme de les réparer.
    M. Jacques Desallangre. Tout à fait !
    M. Daniel Paul. Il nous semble, madame la ministre, pour reprendre le titre d'un quotidien auquel nous sommes particulièrement attachés, que vous êtes « en manque d'assurance ». Je vous fournirai ce journal si vous le souhaitez : il s'agit de l'Humanité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Pélissard. Surprise !
    M. Alain Bocquet. Excellent journal !
    M. Daniel Paul. C'est effectivement un très bon journal.
    A cet égard, le Groupement des entreprises mutuelles d'assurance, qui rassemble, notamment, la MAAF, la MACIF, la MAIF et la MATMUT, vous reproche, à raison, de ne pas l'avoir associé à la préparation de ce texte. Elles ont pourtant été amenées à traiter 32 000 dossiers de sinistres après l'explosion de l'usine AZF de Toulouse.
    Plus grave, leurs dirigeants ont appellé notre attention sur le fait que votre loi obligera tous les particuliers à s'assurer individuellement contre les catastrophes naturelles, alors qu'elle exonérera les industriels, ce qui constitue un transfert de responsabilité vers les victimes. Nous proposerons de corriger cela par différents amendements.
    D'une manière générale, les propriétaires actuels de logements situés en zone Seveso qui souhaiteraient vivre hors de la zone de dangers générés par des établissements industriels à risques doivent pouvoir prétendre être indemnisés au prix du marché, hors coefficient de vétusté.
    Dans le même esprit, ceux qui sont situés dans le PPRT et qui devront, comme le prévoit le projet, prendre un certain nombre de mesures pour adapter leur cohabitation en la protégeant des risques ne devraient pas avoir à supporter le coût des travaux. Au cours du débat, nous ferons un certain nombre de propositions pour corriger les lacunes de votre texte à ce sujet.
    Nous regrettons également que le projet reste flou, voire muet, sur les transports de matières dangereuses, par route, rail, air, fleuve, mer, ou tubes, selon les cas.
    M. Alain Bocquet. C'est vrai !
    M. Daniel Paul. Madame la ministre, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi relative à la maîtrise des risques industriels que j'ai déposée avec le groupe communiste, en janvier dernier, on pouvait lire :
    « L'examen des risques doit être pluriel, contradictoire, élaboré par des experts agréés, avec des financements clairs, relevé du service public afin de permettre les choix de gestion dans la transparence et que les citoyens, quel que soit leur rôle dans l'entreprise ou la place de leur habitat aux alentours puissent en toute conscience en assurer les risques [...] La population vivant autour dispose donc de droits - droit d'information, de transparence, d'alerte - définis par la loi. La sûreté n'est plus l'affaire des seuls industriels, des seuls travailleurs, de la population seule, c'est l'affaire de tous ensemble. Une culture de la sécurité industrielle ne se développera qu'ancrée dans la démocratie locale ».
    Pour cela, il est nécessaire de prendre un acte législatif fort et de faire le choix d'une politique claire pour connaître les risques, faire des choix citoyens de gestion et construire une maîtrise progressive, mais réelle, des risques. En l'état, force est de constater que votre projet n'a pas cette ambition.
    C'est dans cet état d'esprit que les parlementaires communistres et républicains, aborderont l'examen de ce texte et détermineront leur vote au vu des améliorations que vous aurez accepté de lui apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme  la présidente. La parole est à M. Jacques Pélissard.
    M. Jacques Pélissard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous vivons dans une société de risques et nous avons malheureusement construit depuis plusieurs décennies une société à risques. La croyance idéaliste en un quelconque risque zéro s'oppose frontalement à la logique du progrès. En effet, toutes les conquêtes de la science, de l'espace - récemment encore, le drame de Columbia l'a illustré - sont porteuses de risques. Le corollaire de toute entreprise ambitieuse est bien l'acceptation d'un risque.
    Votre texte, madame la ministre, présente une approche innovante en récusant l'idée, certes réconfortante mais totalement irréaliste, voire perverse, du risque zéro. Il prend en effet en compte la part de risque indispensable à l'innovation et au progrès. La réduction du risque doit être recherchée et la mise en jeu du principe de précaution, loin d'imposer l'inertie, loin d'interdire toute décision créative, exige, tout au contraire, d'agir selon une grille de choix raisonnés et adaptés à des risques identifiés.
    Cette démarche passe nécessairement par la responsabilisation - c'est un mot que vous avez souvent utilisé, madame la ministre - de tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse de l'Etat, avec ses prérogatives régaliennes, des entreprises, des collectivités locales ou, bien sûr, des citoyens.
    Notre réponse politique doit conjuguer la nécessaire maîtrise des risques et diverses réponses : la réponse aux attentes des personnels et des populations qui travaillent ou habitent dans des zones exposées à des risques naturels ou technologiques, la réponse aux exigences de développement économique, aux exigences de compétitivité de notre pays, aux exigences tout aussi légitimes de notre population en termes d'emploi. En effet, la situation l'impose sur un double registre.
    D'abord, 23 500 communes sont exposées à un ou plusieurs risques naturels, et plus de 15 000 communes sont soumises à des risques d'inondation qui ont frappé récemment la Somme, l'Aude, le Gard, le Vaucluse. A cet égard, il est évident que certaines formes de cultures intensives ont détruit les haies et accéléré les ruissellements ; que les imperméabilisations généralisées en sites urbains et l'endiguement par trop systématique des cours d'eau ont accéléré la vitesse de collecte des eaux de ruissellement et la concentration des crues sur les sites fragiles.
    S'agissant, parallèlement, des risques industriels, après Seveso, en 1976, il y a eu Bhopal, en 1984, et puis Toulouse, plus proche de nous. Ces drames nous rappellent que la sécurité n'est jamais acquise, que les technologies évoluent, que les hommes sont faillibles, que les accidents, par définition, sont le résultat de la conjonction d'erreurs humaines et de défaillances techniques.
    Face à ces risques technologiques, nous avons trop souvent fermé les yeux sur des dangers évidents induits par la présence de certaines entreprises. L'exemple de Metaleurop est malheureusement éloquent. L'Etat, les élus et, souvent même, la population ont privilégié la préservation de l'emploi au détriment de la prise en compte du risque, voire de la protection de la santé publique.
    De même, notre société est responsable d'un véritable laisser-faire urbanistique et d'un laisser-aller immobilier dans une extension non maîtrisée de nos agglomérations, qui les a rapprochées de zones à risques, qu'ils soient industriels ou naturels, ou de zones inondables.
    Votre projet de loi, madame la ministre, s'attaque à ces défis de notre société dans une triple approche que vous me permettrez de caractériser par sa vertu.
    Première approche, ce projet de loi s'inscrit dans l'architecture d'ensemble de la politique nationale du développement durable.
    Le Président de la République, en mai 2001 à Orléans, avait exprimé sa philosophie : une écologie humaniste plaçant l'homme au centre de ses préoccupations. Votre projet de loi démontre la volonté cohérente et globale du Président de la République et du Gouvernement dans ce domaine.
    En effet, parallèlement au texte de loi que nous examinons, la réflexion est aujourd'hui conduite au niveau de la charte de l'environnement, dont vous avez initié la rédaction, charte adossée à la Constitution, à valeur constitutionnelle, déclinant les principes essentiels que sont le principe de préservation, le principe de précaution, ou d'anticipation, le principe d'information, le principe de responsabilité et le principe d'intégration des préoccupations environnementales dans les autres politiques publiques.
    Dans le même temps, a été mis en place le Conseil national du développement durable.
    Il s'agit donc bien d'une approche d'ensemble, conceptuelle, juridique, éthique, associant tous les partenaires : Etat, collectivités locales, associations, industriels, universitaires. Le mouvement est lancé.
    Dans cette logique volontariste, votre texte, madame la ministre, est en matière écologique le premier à décliner les trois volets, social, économique et, bien sûr, environnemental, qui constituent les piliers du développement durable.
    Votre loi s'inscrit également dans un plan d'action global.
    Dans le domaine des risques industriels, l'essentiel des progrès à réaliser ne sont pas du domaine de la loi. Le rapport de nos collègues Loos et Le Déaut le disait, la mission Essig le confirmait. Il en est ainsi des actions de réduction à la source du risque, fondamentales et prioritaires pour éviter des accidents. Elles sont du domaine du règlement, relèvent même parfois de la simple bonne pratique. Sans tarder, vous les avez mises en oeuvre.
    Vous avez engagé un plan d'action d'ensemble sur les risques industriels comprenant, en particulier, des actions dans le domaine de la prévention des risques, avec le réexamen complet des conditions de sécurité pour l'ensemble des sites Seveso, avec une action réussie au plan européen pour renforcer la directive Seveso 2, avec des dotations budgétaires supplémentaires au profit de l'INERIS dont nous savons tous qu'il est l'expert public de référence en matière de risques industriels.
    Vous avez également agi dans le domaine du contrôle, avec des moyens nouveaux pour l'inspection des installations classées. La loi de finances pour 2003 prévoit le renforcement des effectifs des DRIRE par 150 agents nouveaux. D'ici à 2007, 400 postes budgétaires dédiés aux risques sont prévus.
    Dans le domaine de l'information et de la transparence, vous avez initié la création de plus de quatre-vingts commissions locales expérimentales autour des sites Seveso, préfigurant les CLIC de la présente loi.
    Dans le domaine des risques naturels, le texte se situe également dans le cadre d'une approche globale.
    En effet, le plan de prévention des inondations que vous avez arrêté en octobre 2002 vise à la mise en place de quinze bassins prioritaires de programmees intégrés de prévention, conjuguant l'ensemble des mesures du plan Barnier et mettant l'accent sur le développement d'actions de ralentissement des crues en amont des bassins. Ce sont 130 millions d'euros qui sont mobilisés par l'Etat pour la période de 2003 à 2006. Conjugués avec les autres contributions publiques, ils permettront de financer 400 millions d'euros de mesures de prévention.
    En appui à cette politique, sans sédimentation juridique - parce qu'on risque toujours d'empiler -, en évitant d'ajouter de nouvelles strates législatives, votre texte comble les lacunes de notre droit en termes d'outils juridiques. Je pense, bien sûr, aux servitudes que vous prévoyez en matière de risques et à la mention des risques lors des cessions ou locations. Je pense également à de nouveaux outils financiers et aux nouvelles possibilités offertes par le fonds de prévention des catastrophes naturelles que nous connaissons sous le nom de « Fonds Barnier ».
    Enfin, troisième élément, votre loi prévoit une approche pluri-catégorielle de la sécurité.
    S'agissant de la sécurité industrielle et des questions d'environnement industriel, la sécurité des travailleurs, celle de l'outil de production, celles des populations avoisinantes, la préservation du milieu naturel apparaissent comme des aspects extrêmes d'un continuum dont les éléments ne peuvent être traités de façon disjointe. L'interaction de ces différents aspects est bien souvent permanente.
    Il en va de même pour les risques naturels. C'est bien la conjonction des actions de l'Etat, des collectivités locales et des habitants, avec les aides financières et fiscales que prévoit la loi, qui permettra de faire face à cette seconde problématique.
    L'intelligence de votre projet consiste à décliner cette approche et les actions qu'elle implique en associant les acteurs de façon partenariale dans la durée.
    Votre projet s'inscrit en effet dans le temps. En matière de risques industriels comme naturels, il serait irréaliste de considérer que peuvent intervenir dans l'immédiat une réduction des vulnérabilités dans les zones urbaines les plus exposées et la diffusion de la conscience du risque dans les populations. De même, les actions de véritable réparation des territoires ruraux qui seront permises par les mesures relatives à la prévention de l'érosion ne se traduiront pas instantanément dans les faits. C'est bien dans le temps, dans la constance d'une politique volontariste traduite par votre loi que nous pourrons effectivement avoir des résultats au rendez-vous de nos exigeantes attentes.
    J'évoquerai quelques points du projet de loi.
    L'information du public d'abord.
    Des obligations d'information existent déjà, mais elles sont insuffisantes. Là où il y a une attention souvent émiettée ou concentrée lors des commentaires à chaud des drames sur nos écrans, là où il y a une angoisse à éclipse devant la vulnérabilité de notre société, vous proposez la « mise en conscience » de notre société face aux risques, par une information large, débattue, régulière, présente même au coin de la rue avec les repères de crues.
    Vous avez raison, nous vivons dans une société où nous devons faire le pari de la raison et de la réflexion de nos concitoyens, formés et informés, et nous approuvons la création d'un CLIC autour de chaque site à risques. Le fait que le CLIC puisse faire appel aux compétences d'experts reconnus nous paraît également positif. Je me demande même s'il ne faudrait pas prévoir pour ses membres, comme cela existe d'ailleurs pour les membres d'un conseil municipal, le financement de formations adaptées aux besoins spécifiques de chaque site industriel. L'INERIS par exemple, pourrait prodiguer de telles formations.
    Le Sénat a supprimé la réunion publique lors de l'enquête publique prévue à l'article 1er du projet de loi. Je pense qu'une telle réunion est nécessaire pour éviter le syndrome du dossier disponible mais trop technique, donc inexploitable par le public. La formule proposée par notre commission des affaires économiques et de l'environnement me paraît intéressante et nous y souscrivons.
    Il en va de même pour le rétablissement de l'article 14 prévoyant l'estimation de la probabilité d'occurrences et du coût des dommages matériels potentiels aux tiers qui, dans une approche de transparence, doit être effectivement prévue. La transparence, en effet, ne se divise pas. C'est par l'explication, le débat, le questionnement que les légitimes inquiétudes pourront être levées.
    L'information sur le risque lors des cessions ou locations de biens immobiliers procède, là encore, d'une nécessaire connaissance commune du risque, donc comprise et acceptée. Dans ce contexte, le rajout des locataires, évincés par le Sénat, à la liste des bénéficiaires de l'information est tout à fait légitime.
    Dans le domaine de l'urbanisation, la mise en place des PPRT au voisinage des usines Seveso constitue une démarche intéressante de planification. Ces plans, accompagnés des dispositions relatives à l'expropriation, au délaissement, permettront de mobiliser les moyens de reconquête des zones soumises à un risque important. Cette démarche, madame la ministre, et je me permets de vous en féliciter, est novatrice en Europe et dans le monde, elle est progressive, partenariale en termes de financement.
    S'agissant de la participation des salariés, le rôle donné aux CHSCT permet d'attribuer une place plus importante aux représentants des salariés dans la politique de prévention.
    De même, le projet visant à encadrer la sous-traitance présente des aspects intéressants.
    Cependant, ne nous y trompons pas, la sous-traitance est multiple, elle ne doit pas être, comme cela avait été le cas dans un précédent rapport, l'objet d'une opprobre généralisée. C'est souvent en externalisant auprès d'entreprises sous-traitantes, compétentes dans leur « coeur de métier », que les entreprises utilisatrices pérennisent la performance de leur outil industriel.
    Enfin, s'agissant des sinistres écologiques constatés à la fermeture de sites industriels, notre législation est caractérisée par de graves vides juridiques.
    Vous avez apporté, par amendement, des dispositions intéressantes, en particulier l'article 16 ter qui permet aux préfets de faire réaliser une étude sur les conséquences de l'activité d'une installation soumise à autorisation sur l'environnement. A ce sujet, je considère que le Sénat comme notre commission ont eu raison de ne pas assujettir les entreprises simplement soumises à déclaration.
    En conclusion, ce texte dans ses deux volets - volet technologique et volet risques naturels majeurs - va dans le sens de la responsabilisation des acteurs, de la responsabilisation de chaque citoyen. Aux craintes, qu'elles soient ou non justifiées, à une tradition hélas ! souvent d'opacité, doivent se substituer la prise de conscience des contraintes du développement durable, la responsabilité partagée dans la clarté, bref une véritable culture de sécurité. Madame la ministre, le groupe UMP vous apporte son soutien constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, l'émotion suscitée par la catastrophe survenue à Toulouse le 21 septembre 2001 a été considérable. Au niveau local, plus d'un an après la catastrophe, comme Pierre Cohen vient de le rappeler, l'indemnisation et la reconstruction n'étaient pas achevées et l'activité économique du pôle chimique de Toulouse semble durablement amputée.
    Sur le projet de loi sur la prévention des risques technologiques et naturels, notre appréciation de départ est positive, car votre projet reprend l'esprit de plusieurs dispositions contenues dans le texte déposé par votre prédécesseur, Yves Cochet. Il s'inspire également des recommandations que j'ai formulées dans le rapport de la Commission d'enquête parlementaire intitulé : « Les leçons de Toulouse : 90 propositions pour réduire, ensemble, les risques industriels ».
    La reconnaissance par arrêté de l'état de catastrophe technologique symétrique de ce qui existe pour les catastrophes naturelles, le droit à la réparation du dommage pour la victime dans un délai de trois mois, une meilleure maîtrise de l'urbanisme autour des établissements technologiques à risques, une prévention des risques technologiques reposant essentiellement sur la mise en place de servitudes pour les collectivités locales faisaient partie de nos recommandations. Vous les avez reprises et nous pensons que cette évolution du droit apportera plus de sécurité à nos concitoyens.
    Vous avez également souhaité renforcer l'information du public tant dans le domaine des risques technologiques que dans celui des risques naturels. Nous y sommes également favorables.
    Nous avons, bien évidemment, souligné l'importance primordiale du facteur humain dans la sûreté des installations industrielles. Nous souhaiterions que vous alliez encore plus loin, en donnant encore plus de place aux salariés dans les entreprises afin qu'ils améliorent la prévention des risques technologiques.
    En première lecture, le Sénat, qui a apporté des améliorations sur la responsabilité environnementale, a malheureusement diminué la portée de ce texte sur des points importants. Le projet de loi du Gouvernement est une bonne base de travail, mais il faut l'améliorer, et nous vous le disons solennellement, en prenant mieux en compte les recommandations de la commission d'enquête parlementaire.
    En premier lieu, l'importance de la réduction des risques à la source doit être mieux marquée dans les textes. En conséquence, l'obligation de réaliser une étude de dangers pour les installations classées Seveso doit figurer dans la loi. La loi doit également définir selon quels principes les études de dangers doivent être réalisées et introduire l'obligation de parler clair à l'aide d'une échelle de risques que les pouvoirs publics devront définir et utiliser systématiquement.
    Par ailleurs, le fonctionnement des commissions locales d'information doit être amélioré. Celles-ci doivent pouvoir faire effectuer des expertises contradictoires et donc disposer de moyens financiers adéquats.
    Comme vous, nous pensons que des outils efficaces doivent être mis en place pour permettre une maîtrise réelle de l'urbanisation. La mise en place d'un droit de délaissement ne peut, toutefois, suffire. Dans ce texte, les collectivités locales sont au centre du dispositif législatif, mais elles doivent en assumer, heureusement ou malheureusement, tous les risques politiques. Le financement visant à maîtriser l'urbanisme grâce au dispositif de préemption est mal assuré et semble être essentiellement à la charge des collectivités locales.
    Le dispositif que vous proposez pour financer le délaissement et l'expropriation ne nous paraît pas suffisamment clair. Il stipule que des conventions lieront des industriels, l'Etat et des collectivités territoriales. Celles-ci restent facultatives et le texte ne dit pas ce qui se passera si les différentes parties ne parviennent pas à un accord. Les collectivités locales n'en peuvent plus de payer encore et toujours pour des responsabilités incombant à l'Etat.
    A cet égard, le mécanisme central que nous proposons - tout dépend du Gouvernement, qui peut faire jouer l'article 40 - est la création de fonds régionaux de prévention des risques industriels, dont les ressources proviendront de l'Etat et des industriels. Ces fonds régionaux alimenteront à leur tour des établissements publics fonciers chargés, dans les zones à risque, de mettre en oeuvre, le cas échéant, des expropriations, de faire jouer les droits de délaissement et de préemption, mais également de financer des investissements réalisés par les entreprises pour réduire les risques à la source. Un tel dispositif nous paraissait bon, et la commission d'enquête l'a voté à l'unanimité. Malheureusement, nous ne le retrouvons pas.
    Dans le domaine de l'indemnisation, nous applaudissons au vote d'articles qui devraient permettre une meilleure indemnisation des particuliers sinistrés, mais ce n'est pas à eux seuls d'en supporter le coût. Nous devons avoir un débat au cours de l'examen du texte sur la responsabilité des particuliers, des assurances et des industriels.
    Un autre volet fondamental du projet de loi concerne la formation des personnels, leur intervention dans la prévention des risques et le recours à la sous-traitance.
    Il faut, à notre sens, modifier en profondeur la légitimité et le fonctionnement des CHSCT - une partie du texte va dans ce sens -, augmenter le temps de formation des élus qui y siègent, mieux les informer, réunir les CHSCT dès le lancement d'une étude de danger, les informer des incidents et quasi-incidents dans les entreprises. Ceux-ci devront être inclus dans le bilan social de l'entreprise.
    Nous proposons également d'instaurer, dans les établissements Seveso, un délégué à la sécurité industrielle élu par le personnel et membre de droit du CHSCT, à qui seront confiés des pouvoirs analogues à ceux que la loi confère aux délégués mineurs.
    Par-dessus tout, vous l'avez dit, je crois, la sous-traitance en cascade doit être interdite dans tous les établissements Seveso à seuil haut.
    Les conséquences de la catastrophe de Toulouse n'ont pas fini d'apparaître et les enseignements d'en être tirés. Il faut tout faire pour ne plus connaître un tel drame.
    Quelques semaines après la catastrophe, la représentation nationale s'était donné les moyens d'analyser ce qui s'était passé à Toulouse en créant une commission d'enquête à laquelle nous sommes nombreux, ici, à avoir participé. Elle était présidée par François Loos, alors dans l'opposition, aujourd'hui membre du Gouvernement, et j'en étais le rapporteur. Après avoir visité dix-sept sites industriels et auditionné 400 personnes, elle a remis un rapport qui a été adopté à l'unanimité.
    M. Maxime Gremetz. Eh oui, cela arrive !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Alors essayons d'améliorer encore le texte que vous nous soumettez, madame la ministre, et que, de façon non sectaire, j'ai jugé positif au départ.
    Je voudrais, en guise de conclusion, vous poser cinq questions qui concernent les risques industriels.
    Première question : en France, 63 000 installations classées sont soumises à autorisation. Entendez-vous élargir la prévention aux entreprises autres que celles classées Seveso à seuil haut ? Ne pensez-vous pas que certains entrepreneurs auront tendance à tirer parti des effets de seuil, en dimensionnant leurs installations juste en dessous du seuil fixé par la réglementation, pour éviter des contraintes nouvelles ?
    La deuxième question a déjà été posée par le rapporteur et par M. Paul : faudra-t-il élargir les règles que nous fixons aujourd'hui à certains autres établissements à risques ? Le site le plus dangereux du Rhône n'est pas situé le long de l'autoroute de la chimie ; c'est la gare de Lyon-Part-Dieu, où transitent de nombreux wagons de produits toxiques et plus de 100 000 voyageurs par jour. Faudra-t-il, comme François Brottes l'a proposé dans un amendement du groupe socialiste, élargir certaines dispositions de ce texte aux ports et aux gares de triage ? D'ores et déjà, comme je l'avais demandé dans mon rapport, le groupe socialiste demande la constitution d'une mission parlementaire d'information sur le transport des matières dangereuses.
    Troisièmement, l'Etat s'engage-t-il, par votre intermédiaire, madame la ministre, à ce que des moyens accrus soient affectés - et je défends ici le ministère de l'écologie - à la prévention des pollutions et des risques ? Le budget pour 2003, malheureusement, n'était pas à la hauteur en termes d'autorisations de programme. Vous avez parlé de 400 nouveaux inspecteurs d'installations classées d'ici à 2007. Les membres de la commission d'enquête avaient jugé qu'il fallait doubler ce nombre pour disposer de 1 500 inspecteurs susceptibles d'être efficaces d'ici quelques années. Nous nous posons la question. Je rappelle que le gouvernement précédent avait pris un certain nombre d'engagements dans ce domaine.
    Quatrième question : êtes-vous favorable à une clarification du rôle de l'Etat dans la réparation des dommages consécutifs à de très grandes catastrophes technologiques ? Faudra-t-il prévoir un seuil au-delà duquel c'est la solidarité nationale qui prendrait en charge la réparation des dommages, via la caisse centrale de réassurance ? Je connais déjà la réponse de Bercy - qui est la même que sous tous les gouvernements concernés -, mais c'est une question que nous devons nous poser au niveau du Parlement.
    Enfin, dernière question : dramatique au plan humain, la catastrophe de Toulouse l'est aussi au plan économique. Le concept de défense en profondeur doit permettre de réduire les distances de danger dans des proportions considérables, donc d'atténuer les risques pour l'environnement et les populations avoisinantes. Il faut absolument réduire les périmètres de protection en modifiant les processus industriels, en limitant les seuils de stockage des produits dangereux, en fragmentant les stocks et en entourant les substances inflammables de barrières physiques protectrices. Il est nécessaire qu'en parallèle il y ait harmonisation européenne de l'outil essentiel que représentent les études de danger, afin qu'à un même risque correspondent les mêmes mesures de précaution dans les pays de l'Union. Nous avons vérifié que ce n'était malheureusement pas le cas. Selon qu'on est au Pays-Bas ou en France, pour le même danger d'explosion dans une sphère de GPL, ce ne sont pas les mêmes distances de protection qui sont imposées. La recherche sur les risques, la formation à la sûreté et l'amélioration du retour d'expérience doivent également être approfondis. Je suis favorable à la création d'une échelle de mesure de la gravité d'un incident ou d'un accident, pour qu'il y ait une meilleure information du public, comme nous le voyons pour les tremblements de terre. Quelles mesures comptez-vous prendre pour imposer le concept de défense en profondeur, véritable socle de la réduction des dangers à la source ?
    Vous voyez, madame la ministre, que notre appréciation initiale favorable n'a rien d'un blanc-seing, car rien ne serait pire qu'un texte en « trompe-l'oeil », uniquement voté pour calmer l'émotion des Toulousains après le drame du 21 septembre 2001.
    M. François Sauvadet. Oh !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Ce débat doit déboucher sur un texte fondateur qui fixera les frontières entre le développement industriel et les servitudes d'urbanisme et qui instituera des règles pour l'avenir. Mais n'oublions pas les situations existantes quand des usines à risques continuent à fonctionner en plein tissu urbain. Nous devons enfin préciser les responsabilités de chacun : Etat, industriels, assurance, collectivités territoriales, salariés et riverains.
    Tout cela est possible si nous osons aborder toutes les questions, y compris celles qui fâchent, parce que les mesures nécessaires ont un coût. La société ne peut pas exiger de ses responsables politiques des décisions difficiles si certains sujets restent tabous. Nous les aborderons franchement durant ce débat, madame la ministre, et nous espérons que vous serez réceptive à nos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est attendu. Il est important parce que, comme beaucoup l'ont souligné, et comme vous l'avez vous-même rappelé, madame la ministre, une profonde émotion a été soulevée dans ce pays à la suite de drames qui ont coûté des vies. A cet égard, nous avons vu des images qui nous ont saisis au plus profond de nous-mêmes. Il était donc du devoir du Gouvernement et du Parlement de se saisir de ce sujet pour essayer de voir comment nous pouvons ensemble mieux prévenir les risques, mais aussi apporter de meilleures solutions pour ceux qui sont directement touchés dans leur famille. Nous voyons bien que nous pouvons faire des progrès.
    Pour avoir moi aussi présidé une commission d'enquête, monsieur Le Déaut, dans un autre domaine, celui de la santé, puisqu'elle concernait l'ESB - la maladie de la vache folle -, je voudrais d'abord redire très clairement à cette tribune que le risque zéro n'existe pas, comme cela a été dit par les uns et par les autres.
    A partir de ce constat, notre responsabilité est, d'abord, de nous demander si nous avons tout mis en oeuvre pour que le citoyen soit clairement informé des risques éventuels qu'il encourt, et ensuite de responsabiliser chacun des acteurs. On a d'ailleurs vu, par le passé, qu'une succession d'insuffisances pouvait aboutir à des situations catastrophiques.
    Il est également important, madame la ministre, de mettre l'accent sur le contrôle des mesures prises. Il faut que nous ayons davantage une culture de l'évaluation. Dès lors que nous avons mis en place des dispositifs, nous devons nous assurer que leur mise en place est effective. C'est notamment le cas pour les dispositifs d'alerte. Vous vous souvenez des polémiques qui ont eu lieu pour savoir si chacun avait bien assumé sa responsabilité, c'est-à-dire si le risque avait bien été identifié, dans la mesure où il pouvait l'être. Sur tous ces aspects, il faut que nous soyons extrêmement précis.
    D'ailleurs, les commissions d'enquête parlementaire, comme M. Le Déaut l'a souligné à juste titre, ont contribué fortement à éclairer les conditions dans lesquelles des événements se sont produits et ont su faire des propositions intéressantes.
    Donc, votre texte, je le dis très clairement, madame la ministre, va dans la bonne direction.
    D'abord, il permettra d'assurer une grande transparence en matière de risques technologiques et naturels, notamment par la création de comités locaux, de comités départementaux. Je précise cependant, à ce sujet, qu'il faudra s'interroger, s'agissant des risques naturels, sur la portée des comités départementaux. Car il arrive que des bassins versants dépassent les limites d'un département. Il faudra, là aussi, faire preuve de souplesse afin de s'adapter aux situations locales et d'éviter la modélisation.
    Il faudra, madame la ministre, associer, dans une démarche volontaire de responsabilité, l'ensemble des partenaires. On a beaucoup parlé des industriels, de la responsabilité des chefs d'entreprise. Là aussi, je voudrais insister sur le fait qu'il faut associer à cette responsabilité les salariés eux-mêmes, ceux qui sont dans l'entreprise. Il sera également nécessaire, madame la ministre, d'assurer une meilleure formation de ceux qui travaillent au sein des entreprises à risques. De même, il faudra aussi associer, bien évidemment, les sous-traitants. Ce n'est pas simplement l'affaire du patron, des industriels.
    M. Daniel Paul. Il y a des patrons chez les sous-traitants !
    M. François Sauvadet. Bien sûr. Je vous suis reconnaissant de le reconnaître. (Sourires.)
    Je crois donc que le dialogue doit être très ouvert. Et de ce dialogue nouveau doit naître une dimension nouvelle, à savoir la notion de l'acceptabilité du risque. Et le risque ne peut être acceptable que si l'on se fonde sur une démarche de transparence et de mutualisation des risques. Nous avons déjà une expérience en la matière, je veux parler des risques nucléaires, au sujet desquels de profondes inquiétudes se sont manifestées. La mise en place de structures d'échanges et d'information, au sein desquelles se sont retrouvés l'ensemble de ceux qui étaient sensibilisés à ce sujet, a contribué fortement à faire apparaître la notion d'acceptabilité du risque.
    Je voudrais également insister sur la nécessité d'une mise en place progressive et d'une volonté forte mais proportionnée. Nous aurons l'occasion, au cours du débat, d'évoquer certains sujets. Vous vous souvenez par exemple de la sécurisation de certains silos, à grains notamment, qui était appliquée partout sur le territoire même quand les risques n'étaient pas particulièrement avérés. Je crois donc qu'il faut que nous ayons bien présent à l'esprit que si notre volonté doit être forte, elle doit aussi être proportionnée aux risques, ce qui est notamment vrai s'agissant des risques technologiques.
    S'agissant de la prévention, on a beaucoup parlé des installations statiques, et je sais que vous êtes sensible à ce sujet, madame la ministre. Mais il faudrait parler aussi du transport des produits dangereux. Nous avons, là aussi, un travail de prévention à faire et des process à mettre en place pour s'assurer que ce que nous faisons circuler sur nos routes ne soit pas facteur de danger. On s'en souvient, des accidents se sont produits. Et puis, le transport maritime est également concerné. En ces temps où nos côtes ont été gravement touchées, il convient de réaffimer que le débat sur ce sujet n'est pas clos. Certes, aucun texte ne marquera un grand soir ou un grand matin en matière de prévention, mais celui-ci sera une avancée. Et j'espère que nos compatriotes comprennent que nous mettons ici en place toutes les mesures permettant d'assurer une bonne prévention et une bonne maîtrise du risque.
    En ce qui concerne les conditions de l'aide et de l'indemnisation que l'on doit apporter aux victimes, nous devons tirer toutes les leçons de ce que nous avons connu pour apporter, au-delà du plan matériel, un soutien psychologique aux victimes de tels traumatismes. Il y a là aussi des progrès à faire.
    En matière de risques naturels, enfin, vous avez eu raison de rompre avec la logique du gouvernement précédent. On a souvent désigné les agriculteurs comme des coupables, au lieu d'en faire des partenaires. Aussi faut-il saluer votre volonté de mettre autour de la table tous ceux qui, par leur activité, concourent à la prévention. Vous avez procédé à une consultation très large, madame la ministre, et c'est d'autant plus heureux que ce n'est pas toujours le cas. C'est dans cet esprit que vous avez avancé, et c'est dans cet esprit que nous avancerons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bascou.
    M. Jacques Bascou. Madame la ministre, mon prédécesseur à cette tribune, M. Sauvadet, a dit que ce projet de loi était attendu. Le titre II relatif aux risques naturels est également très attendu par les élus et les populations dans de nombreux départements, notamment sur le volet inondations.
    En effet, ces trois dernières années, dans l'Aude, la Somme et, plus récemment, dans le Gard, l'Hérault et le Vaucluse, des inondations catastrophiques et meurtrières ont rappelé que l'inondation était le premier risque naturel dans notre pays, une commune sur trois étant directement concernée. Est également apparue au cours de ces événements la nécessité de remettre à plat et d'améliorer les procédures traditionnelles, qu'il s'agisse des procédures d'alerte, de gestion des secours, de prévention, de reconstruction ou d'indemnisation.
    Certes, des progrès ont été réalisés ces dernières années : réalisation d'une cartographie des zones inondables, modernisation des services d'annonce de crue, améliorations de la couverture radar pour les prévisions météorologiques, accélération de la mise en place des plans de prévention des risques - ils étaient une centaine en 1997, on en comptait plus de trois mille l'année dernière.
    De même, un important travail d'étude et de proposition a été réalisé ces dernières années : rapports parlementaires d'Yves Dauge et Thierry Mariani, travaux de la commission d'enquête sur les inondations, dont le rapporteur était Jacques Fleury, propositions de loi récentes, propositions de la commission des affaires économiques. Il manquait simplement un débouché législatif à ces propositions. Lors de la discussion du projet de loi sur l'eau voté en première lecture le 11 janvier 2002, la plupart des conclusions de la mission d'enquête parlementaire avaient été reprises. Mais vous n'avez pas souhaité, madame la ministre, transmettre au Sénat le projet sur l'eau à votre prise de fonction. Aujourd'hui, vous nous présentez un nouveau texte, qui s'appuie sur les constats faits lors des missions sur le terrain ou sur les auditions de la commission d'enquête.
    Premier constat : si les causes des inondations sont naturelles et si le risque zéro n'existe pas, il faut renforcer la conscience et la culture du risque chez nos concitoyens, et donc développer l'information préventive.
    Deuxième constat ; les dispositifs traditionnels de protection, notamment les ouvrages lourds, type barrages et digues, ont montré leurs limites, voire leur dangerosité, la plupart des victimes de l'Aude ayant péri après la rupture de digues. L'entretien des cours d'eau et des berges, la réalisation de travaux de réhabilitation des lits des rivières, la régularisation des débits, la création de zones de rétention ou d'extension des crues sont autant de solutions douces qui semblent pertinentes.
    Dernier constat : il est nécessaire de clarifier les compétences et les responsabilités de chacun des intervenants - Etat, collectivités locales, agences de l'eau, syndicats mixtes, agences de bassin, ententes interdépartementales -, comme l'avait d'ailleurs souligné la Cour des comptes en 1999.
    Le texte que vous nous présentez aujourd'hui amène des réponses à ces constats. Certaines propositions de la commission d'enquête parlementaire, adoptées par tous les groupes politiques, ainsi que des dispositions du projet de loi sur l'eau de Yves Cochet relatives aux inondations y sont reprises. Mais, dans bien des domaines, il aurait été nécessaire d'aller plus loin et surtout d'être plus précis. Je vais prendre quelques exemples.
    En ce qui concerne l'information et la sensibilisation des populations aux risques naturels, l'élaboration du PPR pourrait être le moyen, en associant tous les acteurs en amont, de développer à la fois la conscience et la culture du risque. Aujourd'hui, la mise en oeuvre des PPR inondations ne satisfait ni les élus ni les populations. Ces documents sont conçus au niveau communal alors qu'ils devraient l'être au niveau intercommunal, à l'échelle d'un bassin versant. Ils se bornent à dicter des interdictions pour l'urbanisation future mais ne traitaient pas, jusqu'à maintenant, des habitations construites avant leur mise en place.
    Vous annoncez des mesures visant à aider les propriétaires d'habitation à financer des travaux de protection ou de mise hors d'eau, en modifiant les conditions d'intervention du fonds Barnier. Mais quels seront les critères d'attribution, quel sera le montant des aides ? Le fonds Barnier, même doublé, sera-t-il suffisant ? J'en doute.
    De même, concernant la mise en oeuvre des procédures d'expropriation, de délaissement ou d'acquisition de terrains d'expansion ou de sur-inondation ; quelle sera la part de financement demandée aux communes ? Quel sera le rôle de l'Etat ? Ne va-t-on pas transférer les responsabilités, et donc les charges, sur les collectivités locales ?
    La mission de l'Etat est d'assurer, en amont, la solidarité entre communes sollicitées pour la rétention des crues - leurs moyens financiers sont souvent modestes - et, en aval, la solidarité avec les communes fortement urbanisées, souvent touchées par les inondations mais plus riches. L'Etat doit faire jouer la péréquation.
    Enfin, dans le domaine de la prévention, les intervenants sont nombreux, je l'ai dit. Ne serait-il pas temps d'avoir un seul maître d'oeuvre de travaux ? Le financement par le fonds Barnier de certains de ces travaux ne serait-il pas l'occasion de consacrer les établissements publics territoriaux de bassin comme coordonnateurs ?
    M. Jean Launay. Très bien !
    M. Jacques Bascou. Ce sont toutes ces questions que mes collègues poseront à travers un certain nombre d'amendements. J'ose espérer que, dans les heures qui viennent, vous apporterez des éclaircissements, comme vous avez commencé à le faire en préambule de ce débat. Mais j'ose espérer que vous ferez preuve de plus d'ouverture que la commission et le rapporteur, qui ont rejeté tous les amendements présentés sans les discuter.
    M. David Habib et M. Jean Launay. Ce n'est pas bien !
    M. Maxime Gremetz. Ça, non !
    M. Jacques Bascou. Du débat qui va suivre sur les articles et les amendements dépendra l'attitude du groupe socialiste au moment du vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais aborder un aspect de la question, celui qui concerne les inondations. Mais je suis particulièrement sensible aux risques technologiques. Etant membre d'un comité d'hygiène et de sécurité, ayant ramassé des mains sur les presses, ayant vu aussi un certain nombre d'explosions, je veux insister sur le fait - que Daniel Paul a bien mis en lumière - qu'on n'assurera pas la sécurité industrielle sans donner des moyens réels aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sans faire participer les salariés à la réflexion sur la question de la sécurité et sans y associer étroitement les habitants qui vivent autour des zones d'activités et des zones industrielles. C'est là un problème majeur. Et s'agissant de ces diverses actions, qui ne coûtent pas beaucoup à l'Etat, je trouve que ce projet est timide, pour ne pas dire plus.
    Au moment où je parle de sécurité technologique et industrielle, je trouve absolument remarquable qu'un grand patron japonais, celui de Toyota, puisse dire que la productivité des salariés français est meilleure que celles des salariés américains et anglais - 20 % de mieux - et qu'il en va de même pour la qualité de leur travail. C'est une heureuse contribution au débat sur la culture du travail, sur le supposé déclin de la compétitivité française.
    M. Jean-Claude Lemoine. Cela n'a rien à voir avec le débat !
    M. Maxime Gremetz. Certes, cela n'a rien à voir avec le débat, mais, selon moi, sécurité, productivité et qualité du travail sont des éléments inséparables. Je n'ai pas résisté au plaisir de vous citer ces propos d'un bon expert en la matière, et je vous recommande donc cet article.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Est-ce aussi dans l'Humanité ?
    M. Maxime Gremetz. J'en arrive au sujet qui nous réunit cet après-midi, les pieds dans l'eau. (Sourires.) Député d'un département, la Somme, qui a été très durement frappé par les inondations d'avril 2001, je connais malheureusement trop bien les conséquences humaines désastreuses des inondations sur les populations touchées.
    Ce fut d'ailleurs à ce titre que j'ai participé la même année à la commission d'enquête parlementaire sur les causes des inondations et leurs conséquences afin d'évaluer les dégâts, ainsi que la pertinence des outils de prévention, d'alerte et d'indemnisation. Les conclusions du rapport de cette commission ont été adoptées à l'unanimité. Comme quoi des consensus peuvent se dégager sur les grandes questions : dès qu'il ne s'agit plus de moyens financiers, nous arrivons à nous mettre d'accord sur les dispositions à prendre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est toujours cela !
    M. Maxime Gremetz. C'est dire combien le contenu de votre texte de loi me tient à coeur, madame la ministre.
    Hélas ! ma déception est grande de constater que, à vos yeux, le problème posé par les risques naturels ne mérite pas à lui seul un texte de loi.
    Mon désappointement est profond en constatant la faiblesse des solutions apportées aux problèmes soulevés.
    Ma désillusion est importante. En effet, alors que, unanimes, les parlementaires recommandaient que les vingt propositions qu'ils faisaient soient transcrites au plus vite dans un texte de loi, votre projet s'est peu inspiré de l'imposant travail parlementaire que mes collègues et moi-même avons réalisé il y a un an et demi, dans le cadre de la commission d'enquête.
    Ainsi, vous faites presque totalement abstraction des dispositions à prendre afin de planifier la gestion des crises, comme l'élaboration par les communes de plans de secours en collaboration avec les préfets, de plans de réquisition de logements vacants et de services départementaux afin d'assurer le relogement immédiat des sinistrés. Aujourd'hui encore, dans la Somme, plus de deux ans après les inondations, des gens vivent encore dans des mobile homes !
    Mme Marcelle Ramonet. Et dans l'Aude !
    M. Maxime Gremetz. Le chapitre Ier du projet de loi, qui a trait à l'information, a une importance certaine.
    Je suis sensible à l'idée proposée à l'article 19 sur les repères de crues. En effet, pour se prémunir des conséquences des inondations, il est indispensable de bien les connaître, afin de savoir quelles sont les mesures de précaution à prendre, quel est le degré de vulnérabilité des personnes et des biens à une éventuelle crue, quelles sont les véritables zones à risques.
    L'analyse des inondations catastrophiques de ces dernières années révèle qu'une profonde méconnaissance du phénomène des inondations n'a pu qu'en accroître les pénibles conséquences pour les personnes qui se trouvent souvent démunies lorsque survient la crue. La mise en place d'une véritable culture du risque exige une bien meilleure connaissance de ce phénomène, indispensable pour l'ancrer dans les mentalités. Par exemple, la pose obligatoire de repères de crues me paraît être un moyen efficace pour assurer cette mémoire du risque.
    En ce qui concerne l'information des citoyens, le constat actuel est affligeant : elle est complètement inadaptée, totalement illisible pour un non-spécialiste, qui ne peut pas la comprendre.
    L'information doit être pragmatique et accessible. Il est donc fondamental d'inscrire ce principe dans la loi.
    Si tel est le cas, je pense que les 119 communes qui composent le bassin hydraulique de la Somme participeront activement à l'organisation de réunions d'information, sans se sentir contraintes de le faire.
    Dans le chapitre II sur l'incitation à l'implantation de haies, la mise en place de zones de rétention et d'expansion des crues, on ne peut qu'être en accord avec vous, madame la ministre.
    Mais on est en droit d'être particulièrement inquiet - et je le suis, je ne vous le cache pas - de l'absence d'engagement financier de l'Etat dans la mise en place de telles mesures, qui, de prime abord, paraissent positives. Elles sont positives, mais ce ne sont pas les communes de deux cents habitants de la Somme qui pourront les appliquer.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ça, c'est sûr !
    M. Maxime Gremetz. C'est évident.
    Suite aux inondations dans le département de la Somme, faute d'un engagement financier suffisant de l'Etat, nombre de communes déjà endettées à cause des conséquences de la crue ont dû encore plus fragiliser leurs finances pour réaliser des aménagements nouveaux de protection et d'entretien des cours d'eau.
    Dans le même temps, et afin de répondre aux mêmes objectifs, le conseil général a été contraint d'augmenter fortement les impôts, augmentation qui a été supportée par l'ensemble des habitants du département.
    Aussi, du fait de l'absence de participation de l'Etat, ou tout au moins d'une participation bien insuffisante, vos mesures révèlent à nouveau un Etat donneur de leçons, qui laisse aux communes et aux autres collectivités locales le poids de la charge financière des mesures de prévention.
    Nous pensons au contraire qu'il faut aider ceux qui entreprennent les travaux de prévention. Il en est ainsi pour les collectivités locales, mais aussi pour les particuliers.
    Enfin, comment ne pas s'indigner de la faiblesse du concours de l'Etat à l'indemnisation des victimes, vrai problème s'il en est ?
    Comment ne pas être révolté par la quasi-absence de solidarité nationale ? Je ne parle pas de celle dont ont fait preuve, à travers le pays, les gens eux-mêmes, c'est-à-dire la solidarité nationale du peuple, mais de la solidarité de l'Etat. Sachez, chers collègues, que ce n'est qu'aujourd'hui que l'association des maires de la Somme vient de distribuer les chèques pour les gens qui avaient les pieds dans l'eau il y a deux ans, qui avaient des besoins immédiats et qui n'avaient rien !
    Par ailleurs, comme les communes manquent de moyens, on en arrive même à donner des chèques pour financer les travaux à réaliser dans les communes, alors que les gens ont donné pour les gens. C'est un détournement de la solidarité humaine.
    Vous voyez à quoi on peut en arriver, quand on ne répond pas aux besoins !
    Dans la Somme, nombreuses sont les familles qui, aujourd'hui, se trouvent toujours dans une extrême situation de précarité du fait des retards et de l'insuffisance des indemnisations.
    Madame la ministre, votre projet de loi manque cruellement d'ambition, et, dans son état actuel, il est indéfendable auprès des victimes des inondations, qui ont tant souffert dans mon département. Dans la vallée de la Somme, des travaux nécessaires n'ont toujours pas été faits depuis deux ans. Qui va les financer ? Nous allons rencontrer le président du conseil général à ce sujet.
    Toutefois, le conseil général dit : « Ce n'est pas à nous de financer ces travaux, nous avons déjà augmenté les impôts ». L'Etat, lui, dit : « Ce n'est pas à nous de le faire, cela relève de la compétence du département ». Quant aux communes, elles n'en peuvent plus et se demandent : « Qu'est-ce qu'on peut faire ? »
    Voilà quelques points sur lesquels je voulais appeler l'attention.
    C'est pourquoi le groupe communiste présentera des amendements importants visant à donner plus de substance au texte. Du sort qui leur sera réservé dépendra notre vote.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Marcelle Ramonet.
    Mme Marcelle Ramonet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la prévention des risques et des pollutions est indiscutablement du ressort de l'Etat, qui élabore la politique de l'environnement et la met en oeuvre.
    Voici donc venu le temps d'examiner un projet attendu, tant il doit nous permettre de répondre à un certain nombre de situations que nous connaissons ou avons eu à connaître. C'est un projet novateur, concerté, avec une vision cohérente dans le temps et particulièrement ambitieux.
    Les événements dramatiques des dernières années nous ont montré que notre législation n'était pas suffisamment efficiente. Qu'il s'agisse des risques industriels ou des risques naturels, nous avons encore en mémoire les catastrophes des dernières années. La représentation nationale avait donc le devoir d'agir. C'est ce que vous nous proposez de faire aujourd'hui, madame la ministre, et je m'en félicite.
    Ainsi que l'avaient démontré le rapport Loos-Le Déaut et le rapport Essig, dans le domaine des risques industriels, l'essentiel des progrès à accomplir relève certes de la loi, mais pas uniquement. Les actions de réduction à la source du risque, composante essentielle pour éviter des accidents tels que celui d'AZF, relèvent aussi du domaine réglementaire...
    M. David Habib. Non !
    Mme Marcelle Ramonet. ... ou même, sur certains aspects, de celui de la simple bonne pratique.
    Dès votre arrivée au ministère, madame la ministre, vous avez appréhendé cette problématique en arrêtant un plan d'action global sur les risques industriels, qui ne se limite pas à la simple loi.
    Pour illustrer mon propos, je citerai quelques exemples : le réexamen des conditions de sécurité des sites français dans le cadre de la directive Seveso 2 et la prise en compte du stockage d'engrais ; le renforcement budgétaire de l'INERIS, expert public du risque industriel ; le renforcement pluriannuel de l'inspection des installations classées - 150 agents arriveront dans les DRIRE courant 2003 et ce sont plus de 400 postes qui y seront créés d'ici à 2007.
    Une politique de prévention des risques technologiques et industriels doit aussi reposer sur l'information du public et sur la transparence. Sur ce point, force est de constater que nous avions du retard avant la création, à votre initiative, de quatre-vingts commissions locales expérimentales autour des sites Seveso, préfigurant les comités locaux d'information et de concertation prévus dans le présent texte.
    Cet impératif de transparence implique également la publication des arrêtés d'autorisation des usines Seveso sur internet ou, à terme, la publication des résultats des inspections qui seront menées.
    La catastrophe de Toulouse a révélé les carences de notre législation sur l'information, sur la gestion du risque dans l'entreprise, sur la rapidité et l'efficacité de l'indemnisation des victimes. Il fallait y remédier.
    S'agissant des risques technologiques, auxquels ma région, la Bretagne, n'est sans doute pas la plus exposée, puisque, dans la classification des établissements à risque, nous sommes parmi les seuils bas, une des préoccupations principales en Europe est la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, notamment dans la perspective de l'élargissement de l'Union. Sur ce point, j'ai pu recueillir le sentiment de nos collègues européens, lors d'un colloque qui s'est tenu à Copenhague, à l'invitation du Parlement danois, en novembre dernier, et où je représentais notre assemblée, à la demande du président Patrick Ollier.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    Mme Marcelle Ramonet. La directive Seveso 2, que le Parlement européen souhaitait d'ailleurs amender il y a quelques mois, n'est en vigueur que depuis trois ans. La Commission européenne a reconnu ne pas bénéficier d'un retour d'information suffisant de la part des exploitants industriels ou des Etats membres sur les éventuels problèmes d'application de cette directive. Quel est votre sentiment sur ce point ?
    Le second volet de votre projet de loi concerne les risques naturels, tempêtes, inondations, avalanches, mouvements de terrain, qui touchent périodiquement l'ensemble du territoire national.
    Le risque le plus fréquent reste celui des inondations, puisque 2 millions de nos concitoyens y sont plus ou moins exposés dans les 15 700 communes répertoriées.
    La perte d'une seule vie humaine est un drame. En 2002, il y eut cinquante drames humains du fait d'une catastrophe naturelle, dont vingt-quatre pour les seules inondations.
    Je suis moi-même l'élue d'une ville qui a souffert d'inondations sans précédent en 2000 et en 2001.
    En application des nouvelles dispositions du code général des collectivités territoriales, les maires disposent de pouvoirs de police importants dans le domaine de la sécurité et de l'environnement. Néanmoins, l'Etat doit jouer un rôle central dans la prévention des inondations.
    S'agissant de l'alerte, il est vrai, l'Etat n'a pas d'obligation légale, bien qu'il assure une alerte météorologique. Sur ce point, nous vivons sur un système désuet, hérité du xixe siècle. Vous avez donc décidé, dans le cadre du plan de lutte contre les inondations, la réorganisation en profondeur des services de prévention des crues, afin de mieux anticiper les alertes.
    A Quimper, nous avons engagé, sur ce qui relève de notre responsabilité municipale, un certain nombre d'actions pour prévenir les inondations et, en tout état de cause, pour en limiter les effets dévastateurs. Nous avons ainsi mis en place, depuis les dernières inondations, un système info-crues qui permet de donner l'alerte dans chaque foyer ou dans chaque entreprise situés dans un périmètre inondable, plusieurs heures avant une possible crue. Une telle mesure pourrait être généralisée.
    De même, la prévention peut d'ores et déjà, comme c'est également le cas dans ma ville, s'exercer au travers des PPR, les plans de prévention des risques. Certes, cela pose des contraintes en matière d'urbanisme, mais il s'agit d'un élément essentiel pour assurer la sécurité de nos concitoyens, ce qui est de notre responsabilité première.
    Enfin, avec votre plan de prévention des inondations, avec la mobilisation de 130 millions d'euros d'ici à 2006, en plus des dotations publiques, vous permettez le financement de mesures de prévention essentielles, à hauteur de 400 millions d'euros.
    Avec le texte que nous examinons aujourd'hui, nous tirons donc les enseignements des carences de nos dispositifs de prévention des risques. Vous nous proposez ainsi de réduire le danger en donnant aux pouvoirs publics les moyens de travailler en amont des zones urbanisées, tout en respectant les milieux naturels - ce sera le cas avec le financement de petits ouvrages destinés à briser les crues -, de développer la conscience du risque auprès des populations les plus exposées afin de susciter des comportements préventifs, de réduire la vulnérabilité des personnes et des biens dans les zones urbanisées.
    Un certain nombre d'innovations introduites par ce texte doivent être soulignées : l'indemnisation plus rapide des victimes de catastrophes technologiques, que celles-ci soient couvertes ou non par des contrats d'assurance-dommages ; la création d'une commission départementale des risques naturels majeurs ; l'encouragement des bonnes pratiques agricoles par des aides lorsqu'elles induisent des surcoûts ou des pertes de revenus ; l'extension du champ de compétence du « fonds Barnier » aux travaux de prévention effectués en application d'un PPR et réalisés sur une exploitation agricole ; les obligations d'information en matière de risques naturels ou technologiques au profit d'un acquéreur d'un bien ou pour un locataire.
    Il manquait dans notre législation un grand texte, avec des mesures cohérentes et pertinentes, pour prévenir les risques technologiques et naturels. Cette lacune est désormais comblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux.
    Mme Claude Darciaux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, repenser le risque industriel, c'est tout l'enjeu du titre Ier de ce projet de loi, marqué par la volonté de promouvoir un débat permanent avec les collectivités locales, les industriels, les services de l'Etat, les populations et la société civile dans la perspective d'une culture du risque partagé.
    Le texte proposé forme un canevas relativement positif, madame la ministre, mais il n'en présente pas moins certaines lacunes que je voudrais souligner.
    Ainsi, les moyens de contrôle sont insuffisants pour que ce contrôle soit efficace, réalisé partout de façon fiable, régulière, homogène, en privilégiant le travail en réseau des services de l'Etat.
    Il y a également une absence de mesures volontaristes pour réduire les risques à la source, tant dans la conception, que dans l'exploitation et la maintenance des installations dangereuses.
    De même, il est nécessaire de durcir les règles de sécurité s'agissant de la sous-traitance, laquelle est un moyen de diluer les responsabilités et d'accroître les risques d'accidents.
    Il faut aussi renforcer l'expertise, car la délimitation des périmètres de sécurité diffère beaucoup en fonction de l'estimation, tant d'un site à l'autre que d'un pays à l'autre ; d'où l'obligation de redéfinir le risque industriel et d'harmoniser les études de danger au niveau tant national qu'européen.
    Enfin, l'accompagnement financier du droit de préemption et de délaissement n'est pas tranché. Le coût financier des opérations correctives d'urbanisme reste très lourd et son financement, plus que problématique. Le projet de loi prévoit que la répartition de la charge de financement des opérations d'urbanisme tendant à réduire l'exposition des populations aux risques sera fixée par une convention tripartite entre l'Etat, les collectivités locales et les exploitants. Toutefois, ce financement croisé dans la procédure de délaissement reste flou et imprécis. Ainsi, cette disposition permet aux propriétaires désireux de quitter une zone soumise à de fortes contraintes de mettre en demeure les collectivités locales d'acquérir leurs biens. Or il n'y a rien de pire que de mettre en place un droit dont l'usage restera largement inopérant.
    Il n'est pas acceptable non plus que les collectivités locales soient mises dans l'obligation morale d'acquérir des logements. Avec quel financement les communes vont-elles pouvoir racheter les terrains à risque ?
    Vous créez un droit nouveau, mais ce n'est pas aux collectivités locales de payer : c'est à l'Etat de prendre ses responsabilités.
    M. Albert Facon. Très bien !
    Mme Claude Darciaux. Les collectivités locales ne peuvent pas accepter de compenser financièrement un préjudice, les exploitants d'installations à risque pouvant, quant à eux, se constituer un périmètre de protection sans aucune habitation, tandis que les collectivités locales assumeraient le coût des expropriations et des délaissements nécessaires.
    Le projet de loi exonère les industriels de toute obligation d'assurance et de responsabilité financière alors que ce sont eux qui génèrent risques et pollutions.
    M. Daniel Paul. Très juste !
    Mme Claude Darciaux. Ces mesures d'urbanisme pourraient concerner entre 12 000 et 35 000 logements. Or c'est l'Etat qui, dans la plupart des cas, était responsable de la délivrance des permis de construire avant 1982. C'est donc à lui d'intervenir au titre de la solidarité nationale.
    Le droit accordé aux riverains de faire usage du droit de délaissement doit être accompagné de moyens financiers à la hauteur des espoirs et des attentes qu'il fera naître.
    Nous ne pouvons qu'être inquiets de la sollicitation accrue des collectivités locales, qui seront mises financièrement à contribution, auront à diffuser l'information et se verront donner de nouvelles responsabilités.
    Aujourd'hui, les maires sont en première ligne pour répondre aux besoins des populations. Ils ont besoin d'être aidés et soutenus dans leur mission...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est vrai !
    Mme Claude Darciaux. ... et non accablés par des charges supplémentaires.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est encore vrai !
    Mme Claude Darciaux. Le problème de la gestion et de l'usage des terrains préemptés, délaissés ou expropriés se pose aussi. Comment les aménager ? Comment les gérer pour éviter qu'ils ne soient laissés à l'abandon ? Les cessions peuvent être faites aux exploitants. Mais qu'en sera-t-il s'ils les refusent ?
    Madame la ministre, le texte qui nous est proposé nous paraît insuffisant. Nous avons cependant le souci d'être constructifs.
    Il faut qu'ensemble, entreprises et pouvoirs publics, nous développions une véritable culture de sécurité admettant la responsabilité personnelle de chacun et la responsabilité collective de tous car, si le risque est acceptable avant l'accident, il devient inacceptable après. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - M. Yves Cochet et M. Daniel Paul applaudissent également.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Gonnot.
    M. François-Michel Gonnot. Madame la ministre, en le présentant, vous avez rappelé à juste titre de quelle façon relativement unanime le Sénat avait examiné et enrichi le projet de loi. Je puis quant à moi témoigner, avec l'ensemble de mes collègues commissaires, que le texte, qui nous vient du Sénat, a été examiné par la commission des affaires économiques avec un intérêt commun partagé, avec le sentiment que des mesures étaient nécessaires et que celles que vous nous proposez sont attendues et de bon sens.
    Cet examen s'est déroulé dans un relatif consensus même si chacun a le souci d'enrichir le projet de loi.
    Il est vrai que les populations touchées par les drames que Jean Lassalle a rappelés tout à l'heure avec beaucoup de coeur et d'émotion ou celles frappées par la catastrophe de Toulouse ou par les nombreuses inondations qu'a connues notre pays ces dernières années, ainsi que tous ceux, qui, à un titre ou à un autre, se sentent concernés par ce texte, attendent des mesures, et des mesures allant dans le sens que vous nous avez proposé.
    Améliorer l'information, renforcer les mesures de prévention des risques, permettre des mesures de protection quand c'est nécessaire, garantir les droits aux assurances pour les sinistrés, autant de mesures à la hauteur des enjeux.
    Il s'agit à chaque fois de mieux responsabiliser les industriels, les agriculteurs, les riverains, les élus et les sinistrés potentiels face aux risques.
    Il s'agit, pour reprendre votre formule, de « rendre tous les acteurs cogestionnaires du risque ». Mais il est clair qu'il est aussi du devoir de la puissance publique, c'est-à-dire du Gouvernement, d'essayer de tout mettre en oeuvre pour réduire le risque à la source. Le Gouvernement ne doit pas seulement essayer de mobiliser toutes les énergies et mettre en oeuvre tous les moyens pour prévenir les risques et protéger les populations quand l'accident intervient : il faut également faire en sorte que les risques soient le plus possible réduits, voire éliminés.
    C'est dans cet esprit, madame la ministre, que nous avons essayé d'enrichir le texte.
    Je voudrais, à titre personnel, vous remercier et, à travers vous, remercier l'ensemble du Gouvernement pour l'écoute qu'il a accordée à tous les professionnels et à tous ceux qui avaient, d'une façon ou d'une autre, un témoignage à apporter ou des solutions à proposer.
    En ce qui me concerne, j'ai été très touché par la façon dont vous avez essayé, avec vos collaborateurs, non seulement d'écouter, mais aussi de comprendre et, c'est le plus important, d'apporter des solutions.
    Dans l'optique de réduire le risque à la source, je me suis permis de présenter deux amendements qui me semblent particulièrement importants et attendus, bien qu'ils dérogent au droit communautaire et qu'il puissent sembler un peu originaux quant à la manière dont l'Etat doit gérer les risques naturels, notamment les inondations.
    Le premier concerne les risques technologiques. Il vise à permettre à l'Etat et aux collectivités territoriales d'aider financièrement les entreprises à réduire l'exposition des personnes aux risques que présentent des installations Seveso « seuil haut » lorsque le coût de leur intervention est inférieur au coût qu'ils supporteraient en raison de la mise en oeuvre de mesures de délaissement et d'expropriation.
    En effet, on sait que la réduction à la source du risque est très souvent possible en matière technologique et industrielle, que ce soit par une modification des process industriels permettant une réduction des volumes de substances dangereuses utilisées ou stockées ou par la mise en place de dispositifs de protection.
    Cette réduction à la source du risque peut permettre de réduire en conséquence les périmètres de dangers, améliorant ainsi la protection des personnes et levant nombre de contraintes, notamment sur le plan urbanistique.
    Je suis heureux que le rapporteur ait examiné cet amendement avec beaucoup d'intérêt et que la commission ait accepté, à la quasi-unanimité, de le porter au cours de notre débat.
    Le second amendement concerne les inondations.
    Depuis des décennies, le Gouvernement ne remplit plus ses devoirs de propriétaire sur le domaine public fluvial.
    M. Jean-Pierre Grand. Très juste !
    M. François-Michel Gonnot. Depuis près de trente ans, notamment pour ce qui concerne la vallée de l'Oise et celle de l'Aisne, que je connais plus particulièrement, l'Etat - et tous les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas dérogé à la règle - n'entretient plus les cours d'eau dont il est propriétaire : il ne cure plus les rivières ni ne drague plus les fleuves. Combien de nos rivières domaniales se trouvent aujourd'hui pratiquement à l'abandon, alors même que les rivières privées le sont beaucoup moins et que l'Etat veille d'ailleurs souvent à ce qu'elles soient correctement entretenues, lui-même étant parfaitement défaillant pour ce qui est sa propriété ?
    Il suffit de voir dans quelle misère budgétaire survivent les services de la navigation et dans quelle pauvreté financière se débat Voies navigables de France pour comprendre que l'Etat, tous gouvernements et toutes majorités confondus, n'ait jamais, depuis des décennies placé l'entretien de ses cours d'eau dans ses priorités, hormis quand il avait le devoir, en particulier sur les portions navigables, de faire en sorte que les conditions normales de navigabilité soient assurées.
    Pourtant, la politique de prévention et de lutte contre les inondations est pour l'Etat un devoir reconnu par la loi. Mais aucun des services de l'Etat n'en est vraiment responsable sur le domaine public fluvial.
    L'entretien des cours d'eau n'évitera pas les inondations, mais il est évident qu'il en limiterait ici ou là les conséquences pour les riverains.
    J'évoquerai en quelques mots le cas de la rivière Oise.
    Nous avons connu en dix ans quatre crues centennales : en 1993, en 1995, en 2001 et en 2003. Chaque fois, entre quatre cents et trois mille familles ont été sinistrées. Nous constatons aujourd'hui un véritable ras-le-bol des populations, qui ne supportent plus la défaillance complète de l'Etat quant à l'entretien nécessaire sur des portions de voies navigables.
    Dans cette rivière, il y a quarante à quatre-vingts centimètres de boues et de limons en amont de Compiègne. Il est prévu que vous vous rendiez près de Compiègne et, à cette occasion, je vous montrerai une portion navigable de l'Oise qui peut être traversée à pied.
    Il importe que l'Etat puisse se donner les moyens d'assumer ses devoirs si longtemps laissés en jachère.
    J'avais proposé un autre amendement, qui tendait à créer un domaine public fluvial des collectivités territoriales. Ce dispositif aurait permis à l'Etat de céder, éventuellement pour un euro symbolique, des portions de rivière ou de lac à des collectivités intéressées. Les nouveaux propriétaires auraient dû assurer l'entretien, mais ils auraient aussi bénéficié des redevances aujourd'hui perçues par l'Etat.
    Malheureusement, cet amendement n'a pas été retenu par la commission des finances,...
    M. Jean Launay. C'est bien dommage !
    M. François-Michel Gonnot. ... qui l'a considéré comme contraire à l'article 40 de la Constitution. Je sais cependant que cet amendement suscite un grand intérêt, non seulement de votre part, madame la ministre, mais aussi de celle d'un certain nombre d'autres membres du Gouvernement. Je crois qu'il pourrait être un élément de réflexion important dans le cadre de la décentralisation dont il est largement question actuellement et sur laquelle nous aurons à nous prononcer prochainement. Après tout, l'Etat ne se limite pas au Gouvernement ni à ses sevices centraux.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est ce qu'a dit le Premier ministre à Rouen !
    M. François-Michel Gonnot. L'Etat, c'est aussi, pour une certaine part de responsabilité, les collectivités locales, qui peuvent agir en son nom ou en se substituant à lui. Dans le cadre d'une réflexion sur ce thème, il serait intéressant d'entendre votre point de vue et de connaître, le cas échéant, le sort que vous pourriez réserver à un tel dispositif.
    Le texte que nous allons examiner est attendu, mais il importe de ne pas nous limiter aux conséquences des changements climatiques et des inondations qu'ont subies de vastes parties de notre territoire, ni aux conséquences de la catastrophe de Toulouse. S'il nous faut désormais prendre en compte la notion de risque dans la culture des affaires publiques, nous devons aussi faire en sorte que soit prise en compte l'obligation impérieuse qui nous incombe de nous efforcer par tous les moyens de réduire le risque. Cela nécessite un certain nombre de mesures et nous en attendons beaucoup de l'examen du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay, qui sera le dernier orateur à s'exprimer lors de la présente séance.
    M. Jean Launay. Madame la ministre, mes chers collègues, il nous faut donc, une nouvelle fois, nous jeter à l'eau. (Sourires.)
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Bravo !
    M. Jean Launay. S'il est vrai que faire et défaire, c'est toujours travailler, constatons tout de même que, dans le texte qui vient en discussion aujourd'hui, le volet relatif aux risques naturels a déjà été largement ouvert lors de l'examen en première lecture de la loi sur l'eau, sous la précédente législature.
    Vice-président de la commission d'enquête sur les inondations, présidée d'abord par Eric Dologé, puis par Robert Galley, et dont le rapporteur était Jacques Fleury, j'avais obtenu l'accord d'Yves Cochet, alors ministre, pour ajouter un chapitre IV intitulé « De la prévention des inondations » au titre consacré au volet territorial de la loi. L'occasion était en effet assez belle, parce que rare, de pouvoir traduire rapidement en dispositions législatives des propositions concrètes tirées des conclusions d'une commission d'enquête (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    L'occasion est toujours là, madame la ministre, d'autant que vous avez repris des dispositions qui figuraient dans la loi sur l'eau, et que nous avons déposé quelques amendements concrets, dont nous espérons qu'ils seront adoptés après avoir été examinés plus sérieusement avec vous en séance publique qu'ils ne l'ont été, dans le cadre de l'article 88 du règlement, en commission, où ils ont été traités à la hussarde dès lors qu'ils étaient présentés par l'opposition.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Me voilà colonel de hussards !
    M. Jean Launay. Ces amendements visent à approfondir le dialogue, parfois insuffisant, entre les services de l'Etat et les communes. Ils tendent à une clarification des compétences respectives de l'Etat et des collectivités locales dans le dispositif de prévision des crues, le rôle de l'Etat ne pouvant se limiter à une fonction de coordination. Ils introduisent dans la gestion des risques les échelles intercommunale et interdépartementale, concourant ainsi à affirmer la reconnaissance législative des établissements publics territoriaux de bassin tout comme leur rôle dans l'élaboration et la coordination de la mise en oeuvre de schémas d'aménagement et de gestion des eaux.
    Mais, au-delà du texte qui nous mobilise aujourd'hui, je voudrais, madame la ministre, parler un peu de l'avenir.
    La transposition en droit français de la directive cadre européenne sur l'eau, à laquelle travaillent actuellement vos services, est nécessaire mais elle ne me semble pas suffisante. En effet, la question que se posent les élus et la population est celle de savoir quels sont les outils d'une véritable politique de l'eau, et qui peut les mettre concrètement en oeuvre sur le terrain.
    Si l'on veut définir une véritable stratégie de la gestion de l'eau, il faut aborder rapidement, j'en suis convaincu, le débat concernant les moyens d'assurer une bonne opérationnalité.
    En fait, nous nous situons ici au carrefour de la décentralisation et de l'aménagement du territoire. Quels mandats et quels moyens l'État donnera-t-il demain aux établissements publics territoriaux de bassin institutionnalisés et aux différents échelons de l'administration locale pour qu'ils puissent remplir leurs obligations ? Pourquoi traiter le problème des inondations indépendamment des autres aspects de la gestion des fleuves et des rivières ?
    Madame la ministre, je l'avais dit au moment de l'ouverture des travaux de la commission d'enquête sur les inondations et je le répète aujourd'hui : bâtir un projet de gestion intégrée des fleuves me semble indispensable car seul un tel projet est de nature à répondre de façon pertinente au mandat que se voient confier les élus que nous sommes en ce domaine.
    L'aménagement du territoire ne se décrète pas : il s'organise. Or les secteurs relevant de votre ministère, l'eau en particulier, vous permettent d'aborder les problèmes de manière transversale, donc de peser véritablement sur le débat, même si le concept d'aménagement du territoire est désormais attaché à l'intitulé de la charge d'un de vos collègues.
    Alors, madame la ministre, je vous souhaite bon courage ! N'oubliez pas l'eau et, au-delà, la vision de l'organisation des territoires qu'elles sous-tend ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Cochet. Très bien !
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 606, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels à la réparation des dommages :
    M. Alain Venot, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 635).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
A N N E X E

DÉCRET DU 27 FÉVRIER 2003 TENDANT À SOUMETTRE DEUX PROJETS DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS
    Le Président de la République,
    Sur le rapport du Premier ministre,
    Vu l'article 89 de la Constitution,
                Décrète :
    Art. 1er. - Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2002 et par le Sénat le 11 décembre 2002 et le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen, voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 17 décembre 2002 et par le Sénat le 22 janvier 2003, dont les textes sont annexés au présent décret, sont soumis au Parlement convoqué en Congrès le 17 mars 2003.
    Art. 2. - L'ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu'il suit :
    1. Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen ;
    2. Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
    Art. 3. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.
    Fait à Paris, le 27 février 2003.

    Jacques Chirac        

            « Par le Président de la République :
    Le Premier ministre,

    Jean-Pierre raffarin        

A N N E X E
Projet de loi constitutionnelle relatif
à l'organisation décentralisée de la République
Article 1er

    L'article 1er de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « Son organisation est décentralisée. »

Article 2

    Dans le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution, le mot : "locales est remplacé par le mot : "territoriales.

Article 3

    Après l'article 37 de la Constitution, il est inséré un article 37-1 ainsi rédigé :
    « Art. 37-1. - La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »

Article 4

    Le dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat. »

Article 5

    L'article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
    « Art. 72. - Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité terrtoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.
    « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.
    « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.
    « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.
    « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.
    « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »

Article 6

    Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-1 ainsi rédigé :
    « Art. 72-1. - La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence.
    « Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.
    « Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. »

Article 7

    Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-2 ainsi rédigé :
    « Art. 72-2. - Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
    « Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
    « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
    « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
    « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »

Article 8

    « Après l'article 72 de la Constitution, sont insérés deux articles 72-3 et 72-4 ainsi rédigés :
    « Art. 72-3. - La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal comun de liberté, d'égalité et de fraternité.
    « La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l'article 73 pour les départements et les régions d'outre-mer, et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l'article 73, et par l'article 74 pour les autres collectivités.
    « Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII.
    « La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises.
    « Art. 72-4. - Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.
    « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat. »

Article 9

    L'article 73 de la Constitution est ainsi rédigé :
    « Art. 73. - Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
    « Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la loi.
    « Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.
    « Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique.
    « La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au département et à la région de la Réunion.
    « Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti.
    « La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »

Article 10

    L'article 74 est ainsi rédigé :
    « Art. 74. - Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République.
    « Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
    « - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;
    « - les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;
    « - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;
    « - les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.
    « La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles :
    « - le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;
    « - l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;
    « - des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;
    « - la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'Etat, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.
    « Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. »

Article 11

    Après l'article 74 de la Constitution, il est inséré un article 74-1 ainsi rédigé :
    « Art. 74-1. - Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
    « Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. »

Article 12

    I. - Au premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots : « le deuxième dimanche suivant » sont remplacés par les mots : « le quatorzième jour suivant ».
    II. - Au troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les mots : « les représentants du Gouvernement dans les territoires d'outre-mer » sont remplacés par les mots : « les représentants de l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie ».
    III. - A l'article 60 de la Constitution, après les mots : « des opérations de référendum », sont insérés les mots : « prévues aux articles 11 et 89 ».

Projet de loi constitutionnelle
relatif au mandat d'arrêt européen
Article unique

    L'article 88-2 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du traité sur l'Union européenne. »