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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 14 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 13 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Allocation personnalisée d'autonomie. - Suite de la discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat «...».

Rappel au règlement «...»

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le président, Denis Jacquat, Georges Colombier, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

M. Jean Auclair.

Rappel au règlement «...»

Mme Hélène Mignon.

Reprise de la discussion «...»

Mme
Paulette Guinchard-Kunstler,
MM.
Patrick Beaudouin,
Jacques Le Guen,
Philippe Vitel,
Mme
Martine Billard.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : Mme Muguette Jacquaint, M. Denis Jacquat, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Maxime Gremetz. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 11 de Mme Guinchard-Kunstler : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Guinchard-Kunstler : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Bernard Derosier. - Rejet.
Amendement n° 14 de Mme Guinchard-Kunstler : Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 12 de Mme Guinchard-Kunstler : MM. Michel Vergnier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Guinchard-Kunstler : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Denis Jacquat. - Rejet.

Article 1er «...»

MM. Maxime Gremetz, Victorin Lurel, Philippe Martin (Gers), le secrétaire d'Etat, Bernard Derosier.
Amendements de suppression n°s 2 de Mme Jacquaint et 15 de Mme Guinchard-Kunstler : Mmes Muguette Jacquaint, Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article 1er.

Article 2 «...»

Mmes Paulette Guinchard-Kunstler, Hélène Mignon, MM. Michel Vergnier, Bernard Derosier, Jean-Marie Le Guen, Mme Muguette Jacquaint, M. Maxime Gremetz.
Amendements de suppression n°s 3 de Mme Jacquaint et 16 de Mme Guinchard-Kunstler : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Paulette Guinchard-Kunstler. - Rejet.
Adoption de l'article 2.

Article 2 bis «...»

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. le président.
Adoption de l'article 2 bis.

Article 3 «...»

Amendements de suppression n°s 4 de Mme Jacquaint et 17 de Mme Guinchard-Kunstler : Mmes Muguette Jacquaint, Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article 3.

Après l'article 3 «...»

Amendement n° 23 de M. Vergnier : MM. Michel Vergnier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 21 rectifié de Mme Guinchard-Kunstler : MM. Michel Vergnier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 4 «...»

M. Bernard Derosier.
Amendements de suppression n°s 5 de Mme Jacquaint et 18 de Mme Guinchard-Kunstler : M. Maxime Gremetz, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 8 de Mme Jacquaint : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 24 de M. Michel Bouvard : MM. Denis Jacquat, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° 24 repris par M. Derosier : MM. Bernard Derosier, Denis Jacquat. - Rejet.
Amendement n° 6 de Mme Jacquaint : M. Maxime Gremetz.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement n° 6.
Adoption de l'article 4.

Article 5 «...»

M. Bernard Derosier.
Amendement de suppression n° 19 de Mme Guinchard-Kunstler : Mme Hélène Mignon, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article 5.

Après l'article 5 «...»

Amendement n° 13 rectifié de Mme Guinchard-Kunstler : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 6 «...»

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
Amendement de suppression n° 7 de Mme Jacquaint : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 20 de Mme Guinchard-Kunstler : Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article 6.
Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble de la proposition de loi à une séance ultérieure.
2.  Dépôt d'un rapport «...».
3.  Dépôt d'une proposition de loi modifiée par le Sénat «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

Suite de la discussion d'une proposition de loi
adoptée par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (n°s 642, 685).

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler pour un rappel au règlement.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur les article 91 et 86 du règlement. J'ai déjà eu l'occasion de le dire lors des travaux de la commission : non seulement les chiffres cités dans le rapport sont ceux d'une association - l'ODAS - et non d'une structure officielle, mais ils comportent en plus - et je souhaite vraiment appeler l'attention de l'Assemblée nationale et de mes collègues sur ce point - une erreur : alors qu'ils sont supposés retracer les dépenses effectives au titre de l'APA, ils représentent en réalité une projection sur 2004.
    Cet exemple illustre le flou qui règne sur l'ensemble des données chiffrées citées par le rapport de la commission, dont certaines sont mêmes fausses. Je demande donc concrètement la correction de cette erreur.
    La seconde raison de mon rappel au règlement tient au fait que M. Bur et M. Jacquat ont, hier soir, à deux reprises, interprété des propos que j'ai tenus en commission,...
    M. Xavier de Roux. Fichtre !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je vous en prie !
    ... laissant entendre que je reconnaissais que le surcoût de l'APA était de 1,5 milliard d'euros.
    Or je ne faisais, monsieur Jacquat, que mentionner les informations fournies par l'ODAS. Je vous demande donc de ne plus utiliser ce genre d'arguments, car mes propos s'inscrivaient dans une lecture globale des erreurs du rapport de l'ODAS, qui ne devaient donc pas m'être attribuées.
    Je le répète, le flou règne autour des chiffres. Si nous ne marquons pas la volonté d'exprimer les choses clairement, nous n'arriverons pas à travailler sérieusement. C'est le sens de mon rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mme Paulette Guinchard-Kunstler, je pense que la commission a pris acte de vos précisions.
    La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est pas dans mon intention, que je sois dans la majorité ou dans l'opposition, de changer de caractère.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Sans doute !
    M. Denis Jacquat. Par ailleurs, j'ai beaucoup de respect pour Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    J'ai effectivement, hier, cité une phrase figurant à la page 13 du rapport : « Au total, le surcoût de l'APA est ainsi évalué à 1,5 milliard d'euros et non pas à 2,2. »
    Au cours de la réunion de la commission hier matin, à laquelle Mme Paulette Guinchard-Kunstler assistait d'ailleurs le directeur du FFAPA, M. Lenain, nous a indiqué que le budget prévisionnel de l'APA pour 2003 devait s'élever, si j'ai bonne mémoire, à 3,7 milliards d'euros.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Cela n'a rien à voir !
    M. Denis Jacquat. Toute la question était hier soir d'évaluer l'écart par rapport aux prévisions. Pour ma part, j'ai retenu et je retiens toujours le chiffre de 1,2 milliard d'euros. Mais il est exact que j'ai cité cette phrase qui figure dans le rapport. Si, madame, je l'ai mal interprétée, je vous demande de m'excuser.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas mon propos !
    M. Denis Jacquat. Mais je tiens à vous dire qu'à aucun moment il n'était dans mon intention de vous nuire ou de mentir.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'en prends acte.
    M. Denis Jacquat. Le problème est très important. Comme vous, nous cherchons à disposer de chiffres exacts. Nous souhaitons que l'APA soit financée en 2003, et pendant les quelques heures qui nous séparent de la fin du débat, je me battrai pour que l'APA demeure la prestation que nous avons voulue il y a deux ans.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Georges Colombier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je sais, madame Guinchard-Kunstler, que vous n'avez pas pu être présente hier soir...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. L'ordre du jour a été bouleversé ! Je ne pouvais pas le prévoir !
    M. Georges Colombier, rapporteur. Ne voyez aucun sous-entendu dans mes propos. Sachez seulement que j'ai tenu la promesse que j'avais faite lorsque nous avons auditionné M. Lenain et que j'ai fait part de toutes les précisions qu'il avait apportées dans mon rapport oral, hier soir. M. Le Guen m'a d'ailleurs donné acte de cette preuve d'honnêteté. Si certains chiffres de mon rapport sont erronés, c'est bien involontairement, ce n'est pas dans le but de tricher.

Discussion générale (suite)

    M. le président. Chers collègues, ces précisions ayant été apportées, la parole est à M. Jean Auclair, dans la suite de la discussion générale.
    Mme Hélène Mignon. J'avais également demandé la parole pour un rappel au règlement !
    M. le président. Je vous la donnerai après M. Auclair.
    M. Jean Auclair. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, le département de la Creuse est l'un des départements les plus concernés par la mise en place de l'APA. Parce qu'il est caractérisé par un pourcentage de personnes âgées parmi les plus élevés de France, voire d'Europe, et parce qu'il dispose d'un potentiel fiscal parmi les plus faibles de France, le département de la Creuse a failli sombrer dans un sinistre financier organisé par le précédent gouvernement.
    Eh oui, mes chers collègues, la Creuse était au bord de l'asphyxie financière, car le ratio dépenses d'APA sur potentiel fiscal atteignait 100 % ! Nos collègues socialistes ont souvent la mémoire courte ; je crois donc qu'il convenait de le rappeler.
    La très bonne proposition de loi de notre collègue de Broissia devrait ni plus ni moins sauver cette prestation. L'APA ne peut exister que si son financement est envisagé sérieusement, et voilà l'objet de cette propostion. Il en est ainsi depuis la nuit des temps : la droite, lorsqu'elle reprend le pouvoir, doit pallier les multiples égarements financiers de la gauche.
    Avec mes collègues conseillers généraux, nous avons été reçus par M. François Fillon et M. Hubert Falco, afin de leur faire part de la situation creusoise et de défendre l'avenir de notre département. Attentifs aux acteurs de terrain et aux élus locaux, les ministres concernés ont réservé le meilleur accueil à notre contribution à la réflexion sur le financement de cette mesure et à notre proposition visant à solliciter la solidarité nationale pour que la contribution creusoise soit ramenée à un niveau compatible avec ses moyens financiers. Je tiens à les en remercier publiquement devant la représentation nationale. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ne fuit pas ses responsabilités ; il les assume.
    Le projet de décret, qui a été soumis au comité des finances locales le 4 février, prévoit de modifier les conditions de détermination du montant de l'aide et la participation des bénéficiaires de l'APA à domicile. Il fait donc partie des dispositifs visant à assurer le financement de l'APA en 2003. Contrairement à ce que certains se complaisent à dire, les personnes les plus modestes, dont les revenus sont inférieurs à 623 euros - elles représentent 40 % des bénéficiaires -, demeurent exonérées de participation. Pour les plus aisées, dès lors que leurs revenus atteingnent 2 483 euros, la participation passera de 80 à 90 %.
    Qui peut trouver cela scandaleux ?
    M. Xavier de Roux. Personne !
    M. Jean Auclair. Ce que nous proposons n'est ni plus ni moins qu'une mesure de justice sociale.
    La proposition de loi, discutée en première lecture au Sénat, nous est présentée dans l'urgence et je salue l'action du Gouvernement, qui est en train de sauver l'APA, rien de moins. Quand j'apprends que des élus de l'opposition osent nous reprocher de ne pas établir un dispositif pérenne, je trouve qu'ils ne manquent pas de toupet et feraient mieux de faire preuve de davantage de pudeur. Quand je constate qu'un sénateur socialiste creusois ose se fendre d'une proposition de loi, prétendument pour défendre le département qu'il représente, je me demande pourquoi il ne s'est pas empressé de prodiguer ses bons conseils à l'ancien gouvernement, deux ans auparavant. Mais à cette époque, il n'était pas question de financement. Seule l'élection présidentielle comptait, et naturellement l'élection du candidat Jospin...
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. C'est honteux !
    Mme Hélène Mignon. Petit !
    M. Jean Auclair. A titre d'exemple, je rappelle que, à l'occasion d'une visite de Mme Guinchard-Kunstler, le président du conseil général de la Creuse annonçait, à grand renfort médiatique, que l'APA ne coûterait pas un sou aux Creusois.
    M. Xavier de Roux et M. Guy Geoffroy. Eh oui !
    M. Jean Auclair. Il s'appuyait sur les dires, d'ailleurs rapportés dans la presse, de la secrétaire d'Etat aux personnes âgées, à l'hôtel de ville de Guéret. Je cite : « Il y aura de l'argent pour les départements tels que le vôtre. » Nous connaissons la suite !
    M. Xavier de Roux. Eh oui !
    M. Guy Geoffroy. On rase gratis !
    M. Jean Auclair. On parlait, au conseil général de la Creuse, d'une augmentation de la fiscalité de soixante-treize points ! Après avoir pris connaissance de la première enveloppe attribuée via le FFAPA, lors des débats sur les orientations budgétaires, le président du conseil général parlait encore d'une augmentation de cinquante-trois points.
    Cette proposition, dans ses différents articles, rectifie les erreurs commises et permet d'assurer le financement de la prestation sans la dénaturer. Ainsi, la date d'ouverture des droits devrait-elle être modifiée pour s'identifier à celle de la notification de la décision, tout en réservant la possibilité d'une procédure d'urgence.
    Par ailleurs, les conditions de contrôle de l'effectivité de l'aide versée seront renforcées.
    L'article 4 de la proposition de loi prévoit une triple modification du fonctionnement du FFAPA. Je tiens, notamment, à revenir sur celle qui vise à ce qu'une fraction de l'emprunt contracté par le FFAPA soit consacrée aux départements les plus défavorisés. Le Gouvernement fait jouer la solidarité nationale, puisque environ 80 millions d'euros devraient leur être réservés. Là encore, la preuve est faite que nous avons une approche pragmatique. Le gouvernement Raffarin n'est pas, lui, un marchand d'illusions !
    Mme Hélène Mignon. C'est un sauveur !
    M. Jean Auclair. Ainsi, au regard des projections effectuées, la Creuse devrait-elle bénéficier pour 2003 d'environ 6 millions d'euros supplémentaires. Déduction faite des participations de l'Etat, l'APA, en 2003, ne devrait pas coûter beaucoup plus que la PSD. Lorsque, cette nuit, j'ai écouté mon collègue socialiste annoncer que la fiscalité du département de la Creuse allait augmenter de 18 ou 19 %, je peux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce n'est pas à cause de l'APA, mais plutôt du fait de la gestion complètement folle, en un mot socialiste, des affaires creusoises ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Charles Cova. Très bien !
    M. Jean Auclair. Les socialistes creusois devront en assumer seuls la responsabilité, car ils ne pourront pas se cacher derrière le coût de l'APA.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, au nom des Creusois qui, en toute logique, n'auraient pas dû voir leurs impôts augmenter, je tenais donc à saluer tout particulièrement votre action en vous remerciant pour ce que vous avez fait et ce que vous ferez à l'avenir pour la Creuse. Vous venez de désamorcer à nouveau une des bombes à retardement laissées par le gouvernement Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon, pour un rappel au règlement. Sur quel article, madame Mignon ?
    Mme Hélène Mignon. Sur l'article 58, monsieur le président.
    Hier soir, dans son intervention, M. Dubernard a affirmé vouloir recadrer le débat en se tenant à l'écart des excès de langage, ce que nous ne pouvons qu'approuver. Malheureusement, monsieur Dubernard, en abordant les chiffres de la fiscalité, vous vous êtes laissé aller à des inexactitudes. Je voudrais rétablir la vérité pour ce qui concerne la Haute-Garonne, dont je suis l'élue. Notre collègue Idiart, président de la commission des finances du conseil général, était d'ailleurs également présent.
     Dans vos propos, dont j'ai recherché le compte-rendu pour être sûre de ne pas avoir commis d'erreur, vous avez affirmé que ce département avait augmenté ses impôts locaux de 25 % à 30 %. Je tiens à vous signaler que la Haute-Garonne, dont la fiscalité n'avait pas augmenté depuis 1995, a été en effet contraint de l'augmenter de 4 % en 2003, compte tenu des pertes fiscales liées à l'explosion d'AZF et à la réforme de la taxe professionnelle, avec la suppression définitive de sa part salariale.
    M. Bernard Derosier. Très bien !
    M. Jacques Le Guen. Elle était compensée !
    M. le président. Nous quittons la Creuse et la Haute-Garonne pour revenir à la discussion générale.
    M. Michel Vergnier. Il faut venir en Creuse, monsieur le président. C'est un beau pays !
    M. le président. Il n'y a que des beaux pays représentés dans cet hémicycle, cher collègue !

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'histoire des sept dernières années montre que c'est du Sénat que sont toujours venus...
    M. Bernard Derosier. ... les mauvais coups !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ... les reculs dans l'assistance aux personnes âgées dépendantes.
    M. Bernard Derosier. Le Premier ministre était sénateur !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Un premier recul est survenu avec la mise en place de la prestation spécifique dépendance. Je rappelle qu'il existait auparavant une allocation compensatrice pour tierce personne, versée à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur âge, qu'elles aient moins ou plus de soixante ans. C'est sous la pression et à l'initiative du Sénat que la PSD l'a remplacée. Savez-vous, madame Tharin - je vois que vous m'écoutez avec intérêt -, ce que celle-ci a fait économiser chaque année aux conseils généraux ? Un total de 1,5 milliard de francs.
    M. Xavier de Roux. Heureusement !
    M. Jacques Le Guen. C'était nécessaire !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. S'il vous plaît, messieurs, ne commencez pas ! Nous connaissons tous, dans nos familles ou autour de nous, des personnes âgées en situation de dépendance, pour lesquelles les familles s'investissent. Tout le monde savait, depuis des années, qu'il nous fallait trouver un système pour accompagner l'investissement de ces familles et des professionnels. A cet égard, le passage à la PSD a constitué un premier recul.
    Le deuxième recul a lieu aujourd'hui. Le dispositif proposé par la proposition de loi « rogne » l'allocation personnalisée d'autonomie, surtout si l'on tient compte du décret préparé par le Gouvernement, qui augmente la participation au plan d'aide pour les personnes dont le revenu se situe entre 4 000 et 6 000 francs. Il est donc très intéressant, d'un point de vue politique, de constater que, en ce domaine, le recul vient systématiquement du Sénat.
    M. Michel Vergnier. C'est parce que les sénateurs sont tous très jeunes ! (Sourires.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Mais il me paraît également significatif que les deux rappels au règlement qui viennent d'avoir lieu portent sur les chiffres.
    La proposition du Sénat dont nous abordons la discussion ne s'accompagne d'aucun chiffre officiel.
    Si je n'avais pas réclamé l'audition du président du FFAPA devant notre commission - et vous avez, monsieur Colombier et monsieur Dubernard, très gentiment répondu à ma demande - nous aurions été contraints de nous appuyer sur des données provenant d'une association qui n'a rien d'officiel, et qui, en six mois, a tenu des discours complètement différents. Au mois de juillet, elle parlait de catastrophe, mais en janvier, son deuxième bilan faisait état de chiffres inférieurs même à ceux annoncés par mon collègue Pascal Terrasse. Ce dernier estimait en effet qu'environ deux milliards d'euros seraient dépensés pour la mise en place de l'APA la première année. Or on nous a annoncé cette nuit la somme de 1,850 milliard.
    M. Xavier de Roux. N'importe quoi !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur, j'ai l'habitude de dire les choses très simplement.
    M. Xavier de Roux. Moi aussi, j'ai cette habitude !
    M. le président. Monsieur de Roux...
    M. Bernard Derosier. C'est un avocat, c'est un bavard ! Nous ne sommes pas au tribunal, cher collègue !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce sujet est tellement compliqué qu'il faut bien, à un moment ou à un autre, produire les chiffres. Le rapport de Pascal Terrasse indique très clairement les montants exacts pour 2002 et 2003, monsieur Falco. J'ai lu le compte rendu du débat de cette nuit : les chiffres que vous avez cités en répondant à Mme Hoffman étaient ceux de 2004-2005. Je vous renvoie au rapport de Pascal Terrasse.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous n'allons pas refaire le débat de cette nuit !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur Falco, dans un débat aussi compliqué, il faut savoir entendre la vérité, et éviter la manipulation et l'interprétation des chiffres.
    M. Jean Auclair. Quel culot !
    M. Guy Geoffroy. C'est valable pour tout le monde !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Deuxième exemple d'interprétation ou, du moins, de flou : en relisant les propos tenus hier soir par M. Falco, j'apprends qu'un rapport de la DREES aurait été remis hier matin. Il serait intéressant que tous les parlementaires en prennent connaissance : nous pourrions ainsi parler de chiffres exacts, en ayant l'ensemble des éléments à notre disposition.
    Vous évoquez le nombre de dossiers déposés et de dossiers complets. Or les dossiers complets ne sont pas forcément ceux pour lesquels l'APA est attribuée. Quand on sait que 20 % des dossiers déposés sont refusés, on peut conclure qu'il n'y a pas 800 000 dossiers d'APA en 2002, mais beaucoup moins.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il fallait être là hier !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur Falco, dès que nous disposerons des chiffres officiels, nous pourrons avoir une claire vision des choses. La règle de base du travail du Parlement, c'est d'être informé correctement.
    Je ne reviendrai pas, monsieur Dubernard, sur les remarques que vient de faire Mme Mignon, mais je crois que beaucoup de choses fausses ont été dites depuis le début de cette discussion.
    D'autre part, je suis surprise du caractère uniquement financier du débat qui nous est proposé depuis cinq ou six mois, ce que M. Le Guen a fortement mis en relief hier soir. La droite et le Gouvernement sont incapables de reconnaître que l'allocation personnalisée d'autonomie a également été, dans toutes les régions, un véritable dispositif de création d'emplois. Je ne donnerai que trois chiffres : dans le territoire de Belfort, 280 équivalents temps plein ont été créés cette année ; dans le Gers - le président du conseil général est là -, plus de 600 ; dans la Creuse, comme l'a indiqué hier soir Michel Vergnier, 1 000. Quel département ne s'enorgueillirait pas d'un dispositif de cette ampleur pour créer des emplois sur le terrain, là où sont les personnes âgées ? Je me demande, tout à l'heure, en souriant, si ce n'est pas plus efficace que les zones franches. L'APA crée des emplois là où sont les personnes âgées, en milieu rural, dans les quartiers, partout où s'applique ce dispositif. Monsieur Jacquat, je sais que vous partagez mon point de vue à cet égard...
    M. Denis Jacquat. Les zones franches, ça marche bien !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. L'allocation personnalisée, en plus d'une prise en charge de qualité et de l'investissement des personnes âgées, est une véritable chance de création d'emplois en milieu rural et dans les quartiers, et d'aménagement du territoire.
    M. Guy Geoffroy. Pourquoi ne pas l'avoir financée, alors ?
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'ai l'impression que ce qu'a dit Jean-Marie Le Guen n'a pas été entendu, en tout cas pas par vous, monsieur Auclair. J'ignore si vous ne l'avez pas remarqué ou si c'est un choix politique que vous ne voulez pas assumer, mais quand on ajoute l'augmentation, proposée dans le décret, du plan d'aide pour les personnes dont le revenu est compris entre 4 000 et 6 000 francs, et celle de la réduction d'impôt pour emploi à domicile, dont ne bénéficient, par définition, que les personnes qui paient des impôts, on s'aperçoit que les personnes âgées très aisées bénéficieront d'un dispositif d'aide beaucoup plus important et sont donc privilégiées.
    D'autre part, nous savons tous que le coût de la prise en charge des personnes âgées dépendantes est très élevé. Le Président de la République s'est engagé à mettre en place un grand plan en faveur des personnes handicapées. Or si on veut les prendre correctement en charge, le coût sera également très élevé. Nous savons en outre que la meilleure façon d'éviter la dépendance et de réduire les coûts de sa prise en charge, c'est de mener une grande politique de la gériatrie et de la maladie d'Alzheimer.
    J'ai tenté, certes modestement - je ne suis restée qu'un an au Gouvernement, même si j'ai été largement entendue par Lionel Jospin -, de mettre en place un dispositif d'accueil de jour pour les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas remis en cause ces décisions, qui sont prises en compte dans l'ONDAM de 2003. En revanche, je n'ai pas entendu M. Mattei reprendre à son compte les plans que j'ai lancés en direction de la gériatrie. Or on sait que c'est en agissant dans ce domaine que l'on peut éviter aux personnes âgées de souffrir de certaines dépendances.
    Enfin, je voulais exprimer de façon très forte mon inquiétude face à la réduction de crédits à laquelle vont être soumises les maisons de retraite. Vous avez annoncé, monsieur Falco, la possibilité de signer 1 800 conventions tripartites destinées à consacrer des moyens supplémentaires et à améliorer la qualité de la prise en charge des personnes âgées dans les établissements, notamment les maisons de retraite. Or vous ne disposez d'aucun moyen de les financer cette année. C'est une promesse pour 2004. Tous ensemble, nous devons nous battre pour cet enjeu : si nous grignotons l'APA, si nous refusons de mettre en place un dispositif solide en faveur des personnes âgées dans les maisons de retraite, on pourra parler d'un véritable recul. Nous devons tous prendre nos responsabilités et assurer la réussite du dispositif.
    Je conclurai par une question : le Président de la République a déclaré grandes causes nationales la prise en charge des personnes handicapées, la lutte contre la violence routière et la lutte contre le cancer, trois dossiers où l'humain a toute sa place, mais la prise en charge des personnes âgées ne s'inscrit-elle pas dans cette continuité ? Le dossier de la dépendance des personnes âgées ne relève pas de la politique partisane. Il fait au contraire partie des grands dossiers de société. Plutôt que d'accompagner cette grande réforme sociale, votre gouvernement a fait le choix de crier haro sur le gouvernement auquel j'appartenais. Je peux vous assurer, mesdames et messieurs de la majorité, que vous vous seriez grandis en tenant les promesses qu'avait faites votre candidat, entre les deux tours de l'élection présidentielle. « L'Etat, en aucune manière, ne saurait se dérober à l'obligation de financement de l'APA », déclarait-il alors. Pourtant, l'Etat se dérobe bel et bien aujourd'hui. Le Premier ministre, qui prétend tenir les promesses électorales, ne veut manifestement pas tenir celles qui concernent les personnes âgées.
    Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'Etat, de dire qu'il est bien difficile de faire entendre, dans ce gouvernement, la voix des personnes âgées dépendantes. Il faudra encore une grande mobilisation de tout le pays pour qu'elles soient correctement prises en charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je veux dire, à l'intention du président de la commission, que ce n'est pas par galanterie que j'ai accordé à ma collègue Mme Guinchard-Kunstler quelques minutes supplémentaires, et que j'aurai la même mansuétude à l'égard des parlementaires de la majorité, et au moment de l'examen des amendements. Comme le sait le président de la commission, un débat qui se passe bien mais qui prend un peu plus de temps vaut mieux qu'un débat qui accroche sur des rappels au règlement intempestifs.
    La parole est à M. Patrick Beaudouin.
    M. Patrick Beaudouin. Bravo, monsieur le secrétaire d'Etat, pour votre soutien à la proposition du Sénat pour sauver l'APA, qui est un bon dispositif mal financé - ce n'est d'ailleurs pas le seul. Bravo pour votre engagement sans faille en faveur des personnes âgées.
    De nombreux orateurs - le président de la commission, notre rapporteur, et beaucoup d'autres - ont fort bien expliqué les nécessaires mesures du présent dispositif, et je n'y reviens pas. Certes, le principe de l'APA n'est contesté par personne. Elle est une mesure d'adaptation de la solidarité à l'évolution des structures démographiques de notre société.
    De plus en plus de personnes âgées doivent vivre de leurs propres moyens, soit à domicile, soit dans des établissements spécialisés. Il est donc normal que la communauté nationale les aide à conserver le plus longtemps possible leur autonomie.
    La mise en place de l'APA est donc bien une nécessité, comme le montrent les chiffres déjà souvent cités. Financer l'APA est une chose, procurer le service qui découle d'elle en est une autre. L'APA n'est pas seulement une distribution de secours, c'est une véritable politique de soutien aux personnes âgées.
    Le maintien de leur autonomie passe par deux conditions : la qualité des actions destinées à des personnes fragiles, mais exigeantes quant au rapport humain ; la présence d'un personnel compétent et diplômé, donc rassurant, est un facteur psychologique important.
    La qualification technique de personnels spécialement formés pour ces tâches nouvelles d'assistance aux personnes âgées est en effet absolument nécessaire. Le développement de l'allocation implique donc le recrutement d'un personnel nombreux et peut offrir des débouchés à des jeunes ou à des adultes attirés par le secteur social. Dans de nombreux départements, à l'exception de quelques métropoles, les auxiliaires de vie formés à leur métier manquent cruellement.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Tout à fait !
    M. Patrick Beaudouin. Or la formation est essentielle pour des personnes qui doivent prendre en charge une population fragile, souvent exigeante et difficile à contenter.
    Nous devons donc faire face à la satisfaction de deux besoins, quantitatif et qualitatif, en personnels qualifiés. Si les chiffres prévus sont atteints, il faudra sans doute créer, à court terme, plus de 50 000 emplois spécialisés. Le seul département du Val-de-Marne, dont je suis l'élu, a estimé son besoin à près de 7 000 emplois.
    Pour faire face à cette demande et aux changements intervenus dans le champ de cette action sociale, ainsi qu'à la diversification des missions, certains diplômes ont été réformés. Le CAFAD - certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile - a d'ailleurs été remplacé, le 26 mars 2002, par le diplôme d'auxiliaire de vie sociale. Cette appellation englobe différents types de professionnels : l'aide à domicile, l'aide ménagère, l'auxiliaire familiale et de vie.
    Cette dernière exerce une fonction particulièrement sociale en permettant le maintien à domicile d'une personne en perte d'autonomie, dans le respect de ses choix de vie. L'acquisition de cette déontologie lui permet d'assurer une prestation individualisée, fondée sur l'évaluation de l'ensemble des besoins de la personne aidée, dans un souci de collaboration avec l'entourage de la personne, sa famille, son réseau professionnel.
    Ce qui manque, ce sont les centres de formation, les écoles, qui devront se trouver dans les secteurs où la demande est la plus présente. Cela nécessite une étude précise de la situation territoriale de l'APA pour faire face à l'extension de celle-ci sur l'ensemble du territoire et à sa dispersion.
    En conséquence, il existe deux options : soit la formation est confiée aux départements, soit elle est confiée aux communes ou aux groupements de communes. Le concept de l'intercommunalité peut en effet trouver là un grand rôle à jouer.
    Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre un exemple : vingt et une communes, dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, toutes tendances politiques confondues, se sont récemment réunies dans une association librement consentie - ce qui sous-entend : hors la loi Chevènement -, l'ACTEP, association des collectivités territoriales de l'Est parisien. Elles souhaitent entreprendre des projets communs. L'un des premiers dont l'idée ait été retenue a été la création d'une école d'auxiliaires de vie, à savoir des aides puéricultrices, dont on manque également, et des auxiliaires de vie sociale pour les personnes âgées. Cette solution intéressante s'adapte aux besoins, sans souci des contingences territoriales.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement va-t-il en même temps qu'il met en place l'APA de façon définitive en la finançant, faciliter les moyens de recruter les aides au maintien de l'autonomie recherchée ? Comment le Gouvernement pense-t-il soutenir les propositions de création ou augmenter les possibilités d'accueil dans les centres ou écoles de formation ?
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez dit, offrir, à des jeunes ou à des moins jeunes, des emplois au service de la solidarité nationale, au profit des plus faibles, c'est donner un nouveau contenu à la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen.
    M. Jacques Le Guen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on connaît le mot de l'un de nos prédécesseurs, Emile de Girardin : « Gouverner, c'est prévoir. » Cette formule, qui fait désormais partie du langage courant, prend, me semble-t-il, tout son sens à l'occasion de l'examen par notre assemblée de la proposition de loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et l'allocation personnalisée d'autonomie, texte adopté par le Sénat le 27 février.
    Lors de son entrée en vigueur, l'APA a été présentée par le gouvernement socialiste comme une avancée majeure...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    M. Jacques Le Guen. ... de nature à résoudre la difficile question de la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Certes, le précédent dispositif, la prestation spécifique dépendance, présentait des lacunes et devait être aménagé. Mais, comme de coutume avec la gauche, ce qui n'a pas été instauré par elle est synonyme de régression sociale. Et tout ce qui est mis en oeuvre à son initiative est, au contraire, porteur de progrès social. Mais, comme de coutume avec la gauche, le problème du financement de l'APA s'est posé rapidement, trop rapidement.
    Comme le rappellent les auteurs de la proposition de loi, qui ne couvre que l'année en cours - il est important de le souligner -, un financement complémentaire de 1,2 milliard d'euros est d'ores et déjà nécessaire pour assurer la survie immédiate du dispositif.
    A l'origine de ce qui, si aucune mesure n'est prise, se transformera en impasse financière, on constate une grave incapacité à prévoir la montée en puissance de l'allocation.
    Dès lors, les conseils généraux ont vite été débordés par l'afflux des demandes, et nombre d'entre eux - ceux dont la population comporte une proportion de personnes âgées supérieure à la moyenne - ont été confrontés à des difficultés majeures dans l'élaboration de leur budget 2003. Ainsi, pour le conseil général du Finistère, la charge nette de l'APA a tout simplement doublé d'une année sur l'autre : 23 millions d'euros en 2002, 46,5 millions d'euros d'inscrits cette année au budget primitif. Cette différence équivaut à plus de 15 points de fiscalité. Quinze mille bénéficiaires étaient attendus à terme. Ce chiffre était atteint au 31 décembre 2002. Si la fiscalité départementale ne doit augmenter cette année que de 7,3 %, c'est au prix de réduction de crédits dans d'autres secteurs.
    On touche là les limites d'une idée sans doute généreuse, mais dont les conséquences ont été, ô combien, manifestement sous-évaluées. Quand la majorité de gauche de ce conseil général qualifie le Gouvernement de cynique, alors que, en s'appuyant notamment sur le texte dont nous débattons aujourd'hui, il s'apprête à assurer la sauvegarde de ce dispositif, je ne peux que m'interroger sur le sens des responsabilités, ou plutôt sur l'absence de sens des responsabilités, dont font preuve ces élus socialistes.
    Mme Hélène Mignon. Parce que vous croyez faire preuve d'un grand sens des responsabilités, avec ce texte ?
    M. Jacques Le Guen. Les cyniques ne sont-ils pas, en définitive, celles et ceux qui, de manière plus ou moins convaincue, poussent actuellement des cris d'orfraie et tentent de monter les personnes âgées et leurs familles contre le Gouvernement...
    M. Philippe Martin (Gers). A juste titre.
    M. Jacques Le Guen. ... alors qu'ils ont failli - c'est une évidence - dans la mise en place de ce dispositif ?
    M. Jacques Le Guen. Je considère pour ma part que les mesures qui nous sont proposées dans cette proposition de loi comme celles que s'apprête à prendre le Gouvernement, outre le fait qu'elles préservent le dispositif - ce qui est tout de même capital -, sont empreintes d'équité puisque l'effort financier sera partagé à part égale, à hauteur de 400 millions d'euros chacun, entre l'Etat, les conseils généraux et les usagers.
    Les personnes âgées et les familles sont donc mises à contribution. Cela reste toutefois dans des proportions acceptables, qu'il s'agisse de l'abaissement du plafond de ressources, du relèvement du montant maximal de la participation des personnes les plus aisées ou encore du passage de 5 % à 12 % de la participation des personnes âgées bénéficiant de l'APA à domicile. Ces 12 % sont à comparer aux 30 % demandés aux personnes hébergées en établissement. Il y a donc là une certaine équité à réduire le différentiel de participation sollicitée selon que la personne âgée réside à domicile ou en établissement.
    Il convient d'ailleurs de souligner qu'une fois ces modifications entrées en vigueur, les personnes percevant les revenus les plus modestes, soit 40 % des bénéficiaires, demeureront exonérées de toute participation. Il est bon de le rappeler.
    Quant aux dispositions de cette proposition de loi, est-il choquant de procéder à un contrôle de l'effectivité de l'aide accordée à domicile ? Souvenons-nous des dérapages constatés avec l'allocation compensatrice pour tierce personne avant l'instauration de la PSD !
    Concernant la modification de la date d'ouverture des droits, il faut savoir raison garder. Les élus départementaux présents dans l'hémicycle connaissent parfaitement les difficultés engendrées lors de l'entrée en vigueur de l'APA et des problèmes ultérieurs de régularisation qui se sont posés. De plus, la procédure d'urgence demeure.
    L'ensemble des ajustements ainsi opérés, mes chers collègues, répondent à une exigence de sauvegarde de l'APA...
    M. Philippe Martin (Gers). Il s'agit surtout de faire des économies !
    M. Jacques Le Guen. ... et n'entraînent pas de remise en cause substantielle du dispositif :...
    M. Philippe Martin (Gers). Ah ! Comment ?
    M. Jacques Le Guen. ... ils l'adaptent aux réalités.
    Par contre, au-delà de cette année, la pérennité de l'allocation reste à assurer. Et la tâche s'annonce bien plus difficile que l'exercice qui nous est proposé maintenant.
    La population vieillit : aujourd'hui, une personne sur cinq a plus de soixante ans. La répartition sera de une sur trois en 2040. Dans le Finistère, les plus de soixante ans devraient représenter plus de 26 % de la population dès 2010. Parallèlement, l'espérance de vie après soixante ans augmente. Son accroissement, de l'ordre de deux mois par an, la ferait passer de vingt-deux ans en moyenne actuellement à vingt-huit ans en 2040.
    Comme dans le débat sur la réforme des retraites, il faut d'ores et déjà intégrer ces données pour préparer l'avenir...
    M. Jean-Marie Le Guen. En effet !
    M. Jacques Le Guen. ... et assurer aux personnes âgées des conditions de vie dignes et décentes, quel que soit leur état, quel que soit leur degré d'autonomie, et ce en tenant compte des réalités financières et économiques. Je rappellerai le propos d'Emile de Girardin : « Gouverner, c'est prévoir ». L'erreur du précédent gouvernement, erreur typiquement socialiste, a été de privilégier une approche uniquement sociale...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est faux !
    M. Jacques Le Guen. ... et d'occulter l'ensemble des autres éléments d'appréciation.
    M. Gilles Carrez. Très juste ! Il fallait le rappeler.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Guen.
    M. Jacques Le Guen. Le rapport d'évaluation quantitative et qualitative de la loi du 20 juillet 2001, dont nous devrions avoir à connaître d'ici le 30 juin, devrait nous éclairer sur le court et le moyen terme et nous permettre d'apporter, si nécessaire, de nouvelles adaptations à l'APA.
    Là aussi, notre responsabilité sera grande. Mais je ne doute pas que nous saurons en faire preuve, comme aujourd'hui en examinant cette proposition de loi, et, comme le fait le Gouvernement dans la politique qu'il conduit, dans l'intérêt de nos concitoyens. Car notre but est bien celui que rappelait notre collègue Denis Jacquat hier soir : sauver l'APA. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.
    M. Philippe Vitel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'accompagnement des seniors et la prise en charge de leur dépendance seront un enjeu majeur du prochain demi-siècle.
    Cela est la conséquence directe du formidable accroissement de l'espérance de vie qui fera des nouveau-nés d'aujourd'hui les centenaires du xxiie siècle. Le progrès a parfois des effets pervers. Ce n'est pas pour cela que nous devons le remettre en cause. Alors, à nous, puis à nos enfants, de nous adapter à cette nouvelle structuration de la société.
    La cellule familiale de notre enfance était le plus souvent construite autour de trois générations. L'une était en éclosion et en apprentissage. La seconde, force vive de notre société, était active et productive, au service des deux autres. La troisième, enfin, goûtait paisiblement aux dividendes justement mérités de cette vie d'efforts et de labeur.
    Aujourd'hui, nous constatons de plus en plus souvent que ce sont quatre générations qui constituent la structure de notre cellule familiale. Nous percevons déjà les difficultés que cette mutation a entraînées.
    En 2020, 13 millions de nos concitoyens seront âgés de plus de 65 ans, 2 millions d'entre eux auront plus de 85 ans et l'on prévoit même une population de centenaires supérieure à 100 000. Alors, d'une manière générale, quatre et parfois cinq générations constitueront cette structure familiale, chaque tranche ayant sa spécificité et donc ses problèmes propres.
    M. Patrick Beaudouin. Très juste !
    M. Philippe Vitel. Le législateur a depuis longtemps compris qu'il était du devoir de solidarité de la nation de venir en aide à ceux qui, perdant leur autonomie, nécessitaient qu'on leur donne les moyens de vivre dans la dignité et d'échapper à l'exclusion que cet état entraîne.
    Ainsi, dès le milieu des années 1970, l'allocation compensatrice pour tierce personne était mise en place.
    En 1997 lui succédait la prestation spécifique dépendance. Bien sûr, la PSD n'était pas la panacée, elle n'était pas parfaite et méritait d'être aménagée. Mais à mon sens elle ne méritait pas un procès en règle instruit sur la base de griefs à bien des égards excessifs et, pour certains, infondés. Bref, son arrêt de mort fut impitoyablement signé.
    C'est le 7 juin 2001 qu'est née l'allocation personnalisée d'autonomie qui nous réunit aujourd'hui, allocation reposant sur les principes d'une prestation de sécurité sociale, allocation établie dès l'origine au détriment de toute logique financière, créant pour les budgets départementaux et sociaux une charge dont il était aisé de prévoir qu'elle serait rapidement insupportable. A telle enseigne qu'aujourd'hui, après seulement un an de montée en puissance, c'est 1,2 milliard d'euros qui font défaut afin d'assurer le financement de l'APA en 2003.
    Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, il est de notre devoir, aujourd'hui, de sauver la prestation que nos prédécesseurs ont si légèrement mis en place, sans aucune prospective sur les contraintes financières qu'allait générer leur générosité, au demeurant honorable mais parfaitement irresponsable en termes de gestion de politique publique.
    Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, cette proposition de loi va permettre ce sauvetage. En écoutant certains membres de l'opposition, j'ai presque l'impression qu'on nous le reproche !
    Mais s'il faut aujourd'hui donner à nos aînés les ressources nécessaires afin de leur apporter au quotidien l'aide que leur état de dépendance nécessite, notre responsabilité politique devra sans tarder nous conduire à anticiper l'évolution inéluctable de notre société que les perspectives démographiques nous annoncent.
    Par une organisation sociale et une politique adaptée, nous devrons replacer les seniors au coeur de la société tout en assurant une croissance durable de celle-ci, croissance sans laquelle aucun équilibre financier ne pourra être trouvé.
    Cela nécessitera l'élaboration d'une politique volontariste, transversale, ambitieuse, à même d'apporter les réponses cohérentes et rationnelles à l'aide demandée. Cela va bien au-delà du versement d'une simple allocation, dont bien sûr l'utilité n'est pas discutable, mais qui ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt et servir uniquement à nous donner bonne conscience.
    Mme Hélène Mignon. Qu'est-ce que vous proposez ?
    M. Philippe Vitel. Cette politique devra s'appuyer sur un secteur professionnel de qualité, encadré, formé à la polyvalence, ou spécialisé, par exemple dans l'aide aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, qui malheureusement seront de plus en plus nombreuses.
    La lutte contre l'isolement devra générer une diversification des réponses en termes de services. De nouveaux métiers se sont déjà développés, dont le point commun est la prise en compte prioritaire du relationnel. Ce nouvel espace qui s'ouvre devant nous devra être l'occasion de développer une nouvelle dynamique économique, donc de l'emploi. Et beaucoup d'emplois sont à la clef.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas en réduisant les financements que vous allez les créer !
    M. le président. Monsieur Le Guen, s'il vous plaît !
    M. Philippe Vitel. Il faudra aussi s'orienter vers des formules d'aide aux aidants afin de leur donner ce savoir-faire qui leur permettra de garder les aînés auprès d'eux dans leur environnement familial et à leur domicile.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vitel.
    M. Philippe Vitel. Enfin, il conviendra de mieux établir les synergies entre les différents partenaires au sein de réseaux rassemblant professionnels de santé, établissements hospitaliers, coordination gérontologique, accompagnateurs sociaux, acteurs de l'habitat. C'est cette mutualisation des savoirs et des compétences qui optimisera l'efficacité des acteurs intervenant au quotidien auprès de nos aînés dépendants.
    A nous de définir qui devra être la tête de réseau. CLIC ou pas CLIC, « that is the question » ! (Sourires.)
    Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est un grand chantier qui s'ouvre devant nous. L'enjeu humain, mais aussi économique, est considérable. Alors, n'hésitons pas à nous réjouir de cet allongement de la durée de la vie.
    Je conclus en rappelant les propos que tenait hier après-midi Jean-Pierre Raffarin, qui était avec vous aux côtés de Jean-François Lamour, ministre des sports, lors de la présentation du dispositif « Bien Vieillir » : « Faisons-en une espérance, n'en faisons pas un problème. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, je voudrais moi aussi rappeler, au nom des députés Verts, à quel point le dispositif de l'APA introduit par l'ancienne majorité a représenté une avancée significative par rapport à celui de la prestation spécifique dépendance qui avait été créée par la loi du 24 janvier 1997. Il a en effet permis d'élargir la prise en charge de la dépendance à un nombre accru de personnes. En remplaçant la condition de ressource préalable à son versement par une modulation de l'allocation en fonction des ressources, il a également évité un effet de seuil dommageable, qu'on rencontre trop souvent dans d'autres dispositifs. Enfin, la suppression du recours en récupération sur succession et donation explique effectivement le succès de l'APA par rapport à l'ancienne PSD. Cette procédure dissuadait les personnes âgées dépendantes de solliciter le bénéfice de la PSD, malgré leurs multiples besoins, et ce pour ne pas devenir des charges futures pour leurs proches. C'était vrai notamment pour celles ayant comme seul capital, si l'on peut dire, leur logement.
    L'argument budgétaire avancé aujourd'hui, sous prétexte de pragmatisme, afin de sauver l'APA, nous semble bien mal venu.
    M. Guy Geoffroy. Ah bon !
    Mme Martine Billard. En effet, on ne peut pas juger les équilibres budgétaires morceau par morceau, il faut les appréhender dans leur ensemble, et les choix doivent être faits globalement. A cet égard, il suffit de rappeler les réalités de la politique fiscale du Gouvernement actuel, comme mes collègues de l'opposition l'ont fait avant moi, mais nous ne le répéterons jamais assez. Mme Guinchard-Kunstler a fait le rapprochement avec les déductions fiscales pour aides à domicile. Elle a eu raison de dénoncer une inégalité de plus : ceux qui ont les moyens de payer les aides à domicile bénéficieront d'aides plus importantes que les autres personnes âgées. De même, vous prétendez économiser 400 millions d'euros, mais ce n'est que l'équivalent de l'allégement des recettes de l'impôt sur la fortune, contre lequel nous nous sommes élevés ici en février. A cela s'ajoutent les réductions d'impôts sur le revenu décidées par le Gouvernement, qui ne concernent que la moitié la plus aisée des foyers français. Toutes ces décisions doivent donc être mises en parallèle : moins d'impôts payés par ceux qui ont plus de moyens, et en conséquence, moins de redistribution, forcément, pour les plus modestes.
    Aujourd'hui, vous ergotez sur l'APA, comme vous l'avez déjà fait sur l'ouverture de la CMU en repoussant également de deux mois l'ouverture des droits. Franchement, quand une personne âgée sort d'une hospitalisation, ce qui est tout de même fréquent, suite à une fracture du col du fémur ou à un accident cardio-vasculaire, et qu'elle veut rentrer chez elle, il faut bien que les dispositifs puissent se mettre en place en urgence. Il y a l'APA d'urgence, me direz-vous, mais l'introduction du délai de deux mois aura finalement pour effet d'augmenter les demandes d'APA d'urgence. Est-ce bien efficace comme solution ?
    Par ailleurs, par l'intermédiaire du décret, vous prévoyez d'abaisser de 949 à 623 euros par mois le seuil de ressources en dessous duquel les allocataires sont exonérés de toute participation aux frais. Pensez-vous réellement que, à moins de 1 000 euros, le dispositif s'adressait à des personnes aisées ? Rien qu'à Paris, département plutôt favorisé par rapport à d'autres, et notamment par rapport à la Creuse, c'est indéniable, plus de la moitié des bénéficiaires de l'APA ont des revenus inférieurs à 900 euros par personne.
    En tant que conseillère générale, j'ai toujours soutenu l'idée d'une nécessaire solidarité entre les départements les plus riches et les moins riches. C'est là une position qui n'a pas toujours été entendue avant 2001 au sein du conseil général de Paris, puisqu'il nous était souvent expliqué, lors des débats budgétaires, que Paris souffrait de la nécessité de la solidarité nationale et avait moins de ressources.
    M. Jean Tiberi. C'est vrai, madame !
    Mme Martine Billard. Eh bien non ! Il est tout à fait juste que des départements plus riches contribuent à la solidarité nationale au profit des départements plus pauvres, par exemple la Creuse.
    M. Michel Vergnier. Très bien !
    M. Jean Tiberi. Combien d'argent aura été pris à Paris, madame ?
    Mme Martine Billard. Quant à la responsabilisation face à tels ou tels abus dans l'attribution de l'aide, je ne pense pas qu'il faille légiférer au point de détail où on en arrive aujourd'hui.
    M. Guy Geoffroy. Comme si le financement était un détail !
    Mme Martine Billard. Le travail de contrôle des dépenses est de la compétence des départements. Et en tant que députée de Paris, je tiens aussi à saluer le travail accompli par la commission qui a été mise en place. Loin de pousser à la dépense, elle étudie avec les personnes âgées elles-mêmes le meilleur dispositif et arrive à éviter les excès de sorte que parfois, en effet, certaines personnes n'obtiennent pas le maximum de l'aide quand il ne correspond pas à leurs besoins.
    Mais ce que vous introduisez, c'est tout autre chose, avec l'obligation de fournir tous les justificatifs dans le délai d'un mois, sous peine de ne pouvoir bénéficier de l'APA. Il faut se rappeler que celle-ci s'adresse à des personnes âgées dépendantes, qui vont donc avoir des difficultés à réagir rapidement. Les personnes qui les entourent n'auront pas forcément non plus une réaction suffisamment rapide. Dans ces conditions, certaines personnes risqueront de se voir retirer l'APA alors qu'à aucun moment elles n'auront tenté de frauder. Ce sont des personnes qui auront eu simplement, comme c'est le cas quand on est âgé, un temps de réaction beaucoup plus long que des personnes plus jeunes.
    Pour toutes ces raisons, il nous semble évident que ce texte est une bien mauvaise façon de « sauver l'APA ». C'est pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais, à ce stade de la discussion, apporter quelques précisions aux différents orateurs, non sans les avoir remerciés pour le ton responsable qu'ils ont su adopter tout au long de ce débat.
    A notre ami Jean Auclair, député de la Creuse, je voudrais dire qu'en effet le Premier ministre est très préoccupé par la situation des départements en difficulté. Et c'est tout naturellement qu'il nous avait demandé, à François Fillon et à moi-même, d'y porter attention.
    Grâce à la fraction du FFAPA que nous dégageons pour les départements les plus fragiles, la Creuse recevra ainsi, en 2003, 6 millions d'euros supplémentaires. Comme je l'ai dit hier soir, le FFAPA apportera donc à la Creuse une participation de plus de 50 %, le département finançant les 50 % restant. Vous voyez donc que c'est une amélioration considérable par rapport à ce qui était prévu dans le passé.
    Mme Guinchard-Kunstler a dit que les reculs sociaux émanent toujours du Sénat.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Oui, pour ce qui est des personnes âgées !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Au vu de la proposition de loi déposée par le Sénat, je doute que les collectivités départementales, de gauche comme de droite, partagent son analyse. Cette proposition de loi nous permet en effet de dégager un concours spécifique destiné aux départements en difficulté. En outre, une aide complémentaire de 400 millions d'euros leur sera versée.
    La deuxième affirmation de Mme Guinchard-Kunstler concerne les chiffres.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Ecoutez, on s'est largement, très largement, exprimé cette nuit sur le sujet. Je crois que la DREES nous offre un bilan qui...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Donnez-nous-le !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous allez l'avoir, madame, mais laissez-moi répondre ! Vous m'avez dit, il y a un instant, de vous laisser parler et je l'ai fait bien volontiers. Maintenant, c'est à mon tour de parler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je vous laisse parler.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Le bilan de la DREES pour le quatrième trimestre 2002 m'a été remis le 10 mars. Il sera, comme vous le savez, madame, édité et diffusé dans les prochains jours, et vous l'obtiendrez. C'est de ce bilan que j'ai tiré les chiffres énoncés hier soir.
    La troisième affirmation de Mme Guinchard-Kunstler concerne l'impact pour l'emploi. Mais nous ne l'avons absolument pas contesté lors des débats de cette nuit. Nous y reviendrons d'ailleurs certainement lors de la discussion des différents amendements.
    Je vais, si vous le permettez, m'étendre un peu plus sur ce qu'a dit Mme Guinchard-Kunstler concernant la signature des conventions tripartites. Dans cette enceinte, je me suis déjà exprimé sur la modernisation de nos établissements. Notre souci, je le répète, est d'aller vers toujours plus de qualité. Mais je saisis volontiers l'occasion qui m'est donnée de préciser la position du Gouvernement.
    Première affirmation : les objectifs de la réforme sont bons.
    Ils visent à promouvoir la qualité dans chaque établissement, à réduire les inégalités tarifaires et à clarifier les coûts incombant à chaque financeur.
    Deuxième affirmation : depuis notre arrivée au Gouvernement, nous avons amplifié la dynamique de conventionnement.
    Les chiffres, que la gauche contestera certainement, sont pourtant incontestables : 330 conventions signées entre 2000 et 2001, alors que vous occupiez mes fonctions, madame Guinchard-Kunstler, contre 1 100 à la fin de l'année 2002 dont plus de 700 au second semestre.
    M. Bernard Derosier. En 2000-2001, c'était le début du processus !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous savez fort bien, monsieur le député, que ce processus a été enclenché par un décret datant de 1999.
    M. Bernard Derosier. Encore fallait-il que les établissements soient prêts !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Troisième affirmation : nous entendons prolonger et entretenir cette dynamique.
    Nos actes et nos initiatives en attestent. Ainsi, une instruction ministérielle du 13 janvier 2003 a été diffusée auprès de tous les acteurs pour lever les derniers obstacles qui pouvaient subsister dans les procédures et la méthodologie de conventionnement, qui, reconnaissons-le, est toujours trop complexe.
    Pour la première fois, un objectif ambitieux et volontariste de conventionnement a été formellement inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant. C'est ainsi que 1 800 conventions doivent être négociées et signées en 2003.
    M. Guy Geoffroy. Bravo !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Quatrième affirmation : tout est mis en oeuvre pour que cet objectif de 1 800 conventions négociées et signées en 2003 soit tenu.
    L'instruction budgétaire annuelle, qui est en cours d'élaboration et qui sera diffusée dans les jours prochains, déclinera cet objectif national région par région, afin de préciser aux acteurs locaux l'objectif à atteindre, ce qui pourra se faire par différents moyens. Ainsi, des conventions pourront être passées avec des établissements déjà médicalisés tels que les unités de soins de longue durée pour lesquelles la démarche de qualité n'en demeure pas moins essentielle - actuellement, on compte à peu près 400 conventions de ce type. De même, il pourra être fait application de l'article 32 du décret du 26 avril 1999, qui prévoit que les conventions « entrent en vigueur à compter de l'exercice budgétaire qui suit la date de leur conclusion, sauf accord entre les parties signataires pour anticiper la date d'application » - il s'agit d'un décret que vous connaissez fort bien, madame Guinchard-Kunstler. Enfin, les marges budgétaires disponibles pourront être utilisées à cette fin, et je vais m'en expliquer.
    Les crédits destinés à la médicalisation des établissements étant, dans l'ONDAM, en augmentation de 8 % par rapport aux dépenses réellement engagées en 2002 et de 3,4 % par rapport à l'objectif prévisionnel de 2002, cette progression dégage une marge budgétaire de l'ordre de 300 millions d'euros, qui permettra notamment de couvrir la mise en place en année pleine des conventions signées en 2002, de faire face aux revalorisations salariales et de poursuivre les programmes pluriannuels. Et s'il y a un solde, il pourra être utilisé pour signer le maximum de conventions en 2003.
    J'apporterai une dernière précision qui a son importance : contrairement aux déclarations de certains, aucune enveloppe de 183 millions d'euros n'est identifiée en tant que telle dans la loi de financement de la sécurité sociale, pas plus hier qu'aujourd'hui ! Quant à la marge budgétaire de 300 millions d'euros qui est dégagée, elle servira à couvrir l'ensemble des besoins tels que les revalorisations salariales ou les nouveaux programmes de conventionnement.
    M. Michel Vergnier. Donc, il n'y a pas de sous !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur Beaudouin, tous diplômes confondus, le nombre des étudiants en travail social a été accru de 3 000 unités en 2002. Parmi ceux-ci, on dénombre 600 auxiliaires de vie. En 2003, l'effort budgétaire est prolongé, et ce sont donc 3 000 étudiants supplémentaires qui recevront une nouvelle formation.
    Le traitement des personnels travaillant à domicile doit en effet être revalorisé. C'est ainsi qu'un accord de branche permettra une revalorisation de 23 % sur quatre ans. C'est certes toujours insuffisant au regard de l'immense travail qu'ils effectuent, mais cela sera une bonne chose pour les 80 000 personnes travaillant à domicile au service des personnes âgées.
    Comme vous l'avez dit, monsieur Jacques Le Guen, gouverner, c'est prévoir. C'est pourquoi nous prévoyons, avec vous, le financement de l'APA en 2003, de la même manière que nous allons essayer de le pérenniser lors de la discussion que nous aurons cet automne. Ainsi que vous l'avez souligné, il y a urgence, puisque les départements doivent voter leur budget et les taux de leur fiscalité avant le 31 mars. Il était essentiel de leur donner une lisibilité sur les financements à apporter. Les 400 millions d'euros supplémentaires permettront à la Creuse et aux autres départements d'alléger leurs charges. Je vous remercie donc d'avoir souligné notre sens des responsabilités, lequel est largement partagé dans cet hémicycle, comme il l'est au Sénat.
    Le docteur Philippe Vitel, comme tous les autres parlementaires, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, plaide en faveur d'une politique ambitieuse en faveur des personnes âgées, associant lien entre les générations, prévention et prise en charge de la dépendance, lutte contre la maltraitance, modernisation des établissements et maintien à domicile. Je connais son attachement à toutes ces questions, puisqu'il préside le groupe d'étude de l'Assemblée nationale sur les personnes âgées dépendantes.
    Mme Billard, qui a été la dernière à intervenir, ne partage pas, bien sûr, nos préoccupations et conteste la manière dont nous entendons agir pour sauvegarder l'APA. C'est son droit.
    Mme Muguette Jacquaint. Encore heureux qu'elle en ait le droit !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je la remercice toutefois pour le ton de ses propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour une durée ne pouvant excéder une heure trente.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la détresse, l'humiliation parfois, la culpabilité des enfants et des parents, autant de sentiments que nous ne pouvons plus admettre à propos du vieillissement ou de la dépendance. Il faut avoir vu ce que c'est que d'être traité comme si l'on était sénile quand on arrive à la fin de sa vie, alors qu'on aimerait terminer son existence dans la dignité.
    L'approche du vieillissement a changé. Aujourd'hui, il est fréquent de voir réunies quatre, voire cinq générations. C'est le résultat d'une véritable révolution démographique, qui se caractérise par l'allongement de l'espérance de vie.
    Ce vieillissement de la population, qu'on constate dans tous les pays développés, est aussi une chance individuelle, parce qu'il est avant tout le fruit de l'allongement de l'espérance de vie de chacun d'entre nous.
    Toutefois, le vieillissement est aussi un défi pour notre société : il faut maintenir une cohésion entre des générations séparées par près d'un siècle et permettre à toutes les personnes âgées de tirer le meilleur parti de leurs capacités, c'est-à-dire, finalement, garantir la dignité des personnes.
    A cet effet, il faut d'abord donner la possibilité à chacun de travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite. Cela implique de faire évoluer les mentalités, d'adapter les emplois en fonction de l'âge des salariés, d'assurer un droit à la formation tout au long de la vie pour maintenir les compétences. Ces relations entre âge et travail sont un enjeu essentiel pour les politiques de l'emploi et pour l'avenir de notre système de retraite.
    Il faut enfin garantir aux personnes âgées la préservation de leur autonomie lorsque survient le grand âge et qu'elles ne peuvent plus accomplir sans aide les actes de la vie quotidienne.
    Permettre aux personnes âgées de vivre dans la dignité implique de reconnaître leurs besoins et ceux de leur famille.
    Avec l'allongement de la vie, le rôle social des personnes âgées a changé, de même que les formes de la solidarité familiale et nationale. La place réservée aux plus âgés nous renseigne sur notre société, sur son degré de cohésion et de solidarité.
    Jusqu'à présent, notre société n'a apporté que partiellement les réponses adaptées à la diversité des situations. La prestation spécifique dépendance, d'ailleurs conçue comme provisoire, n'a pa été à la hauteur des attentes : elle était insuffisante dans ses montants, inégalitaire dans son attribution, restrictive dans ses conditions d'accès, au point de n'être versée qu'à 135 000 personnes, quatre ans après sa création. D'où l'avancée sociale opérée par le précédent gouvernement avec la création de l'APA.
    Est-il besoin de rappeler que l'APA a été unanimement saluée lors de sa mise en place, en remplacement de la PSD, au 1er janvier 2002 ?
    D'abord, la vocation universelle de l'APA a constitué la différence fondamentale entre cette prestation et le dispositif antérieur. Elle instaurait enfin le droit à une prise en charge adaptée, individualisée par le biais d'un plan d'aide mais selon un barème national. Le relèvement significatif du montant de l'aide permettait désormais de couvrir des dépenses autres que celles de personnel : téléalarme, aménagement du logement. L'abandon du recours sur succession, la suppression du plafond de ressources et l'intégration au dispositif des personnes moyennement dépendantes - classées en GIR 4 - ont également contribué à élargir le nombre des bénéficiaires, le faisant passer de 135 000 à 800 000 personnes potentielles.
    Aujourd'hui, compte tenu des évolutions démographiques et du fait que le grand âge s'accompagne fréquemment d'une perte de l'autonomie, l'essentiel de l'effort repose à nouveau sur les familles. Celles-ci doivent subvenir financièrement aux dépenses nécessaires, et parfois s'y épuisent. Nombreux sont les enfants et les petits-enfants qui ne supportent plus d'être obligés de mettre leurs parents dans des établissements, de les arracher à leur milieu, en ayant souvent sentiment de hâter leur fin. Nous ne pouvons pas laisser ces familles dans le désarroi. Quand il faut consacrer à cela une somme élevée chaque mois - parfois de l'ordre de 1 500 euros ou 2 500 euros -, la famille ne peut plus faire face, et les difficultés financières s'ajoutent à la détresse et au sentiment de culpabilité des enfants.
    C'est pourquoi il est impératif - et c'est le sens même de notre engagement - que les progrès du niveau de vie s'accompagnent d'un progrès des droits. Le premier de ceux-ci est de pouvoir rester aussi longtemps que possible, c'est-à-dire tant que ne s'impose pas une prise en charge médicale intense, à domicile. Trop souvent la seule alternative a été le maintien à l'hôpital ou la vie en établissement.
    De même, il est essentiel de reconnaître les besoins fondamentaux des personnes âgées, tant dans le domaine de la santé que dans ceux de l'habitat et de la vie quotidienne, des ressources financières ou des relations humaines. Les difficultés peuvent être d'ordre physique, affectif ou psychologique, et il faut toutes les prendre en charge. C'est particulièrement vrai dans le cas des personnes atteintes de démence sénile, comme la maladie d'Alzheimer dont la prévalence augmente avec l'âge.
    Ce nouveau droit, le droit de choisir, implique que la solidarité nationale s'exerce en faveur de tous. Nous y attachons la plus grande importance. L'APA dépasse, de ce point de vue, l'aide sociale, qui n'intervient que pour les plus démunis, et seulement si la famille ne peut pas subvenir à leurs besoins. En ce sens, l'APA a constitué un progrès sensible dans l'accompagnement du vieillissement.
    Elle est, en effet, accordée aux personnes moyennement dépendantes - celles qui peuvent, par exemple, se déplacer à l'intérieur de leur logement ou s'alimenter seules, mais qui ont besoin d'être aidées pour la toilette ou l'habillage -, qui étaient auparavant exclues de la PSD.
    Elle est, ensuite, un droit égal et objectif, et un barème national garantit l'égalité sur tout le territoire.
    Elle est, enfin, un droit personnalisé : la personne âgée peut choisir les modalités d'aide qu'elle voudra privilégier à l'intérieur d'un cadre national.
    Toutefois, et nous l'avons dit en temps voulu, les principes qui fondent les nouveaux droits reconnus par l'allocation personnalisée d'autonomie exigent un financement garanti par la solidarité nationale, afin de prendre conscience que la prise en charge globale des personnes âgées appelle le développement de la qualité des services.
    D'où notre idée d'un « cinquième risque », par analogie avec les quatre risques déjà pris en charge par la sécurité sociale : maladie, vieillesse, accidents du travail et charge d'enfants. La reconnaissance d'un risque est fondamentale, car elle conditionne l'égalité des droits, sur une base objective.
    Malheureusement, et contrairement au relatif consensus qui s'était déjà dégagé à l'époque, vous vous êtes écartés de cette perspective. Mais cela ne m'étonne pas.
    Le surcoût que représente l'APA pour les départements justifierait, à en croire le Gouvernement et les présidents de conseils généraux qui sont membres du Sénat et qui ont pris l'initiative du présent texte, que nous anticipions, au détour d'une proposition de loi, un débat nécessairement plus global, que nous aurions dû avoir, de toute façon, à l'occasion de l'évaluation quantitative et qualitative de la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie, et qui nous aurait permis de clarifier les estimations chiffrées très diverses qui nous sont fournies.
    Avec cette proposition de loi, vous hypothéquez, sans trop le dire, le devenir de l'allocation personnalisée d'autonomie.
    Les député-e-s communistes et républicains ne partagent ni cette stricte vision comptable ni cette méthode tant la complexité du financement de l'APA par le FFAPA, qu'il s'agisse des ressources, des dépenses ou du nombre de bénéficiaires existants ou à venir, est prégnante.
    Le directeur du FFAPA nous a lui-même dit que les chiffres cités n'étaient pas conformes à la réalité. La majorité, qui veut restreindre le champ de l'APA, en reste à ces incertitudes.
    D'autres raisons majeures motivent notre demande de renvoi en commission.
    La première tient au fait que la question de la perte d'autonomie et de sa prise en charge est abordée principalement sous l'angle étroit de son financement. En outre, il est symptomatique de constater que le regard que vous portez, mes chers collègues, sur le vieillissement et la dépendance n'est pas toujours très positif ; il est même souvent négatif. Les termes employés en témoignent : on fait référence au « coût » de la dépendance, au « poids » des retraités, à la « charge » du troisième âge pour la société. Vous parlez également de « problème » démographique, alors que nous pensons, quant à nous, « défi démographique ». Vous faites état de l'engagement de crédits importants, d'« une distribution généreuse » - sous-entendu non méritée - de l'APA, sans véritablement vous contraindre à une vision qualitative de leur utilisation.
    Je me souviens qu'il avait été fait grief à la précédente secrétaire d'Etat aux personnes âgées, qui a porté la loi de juillet 2001, d'aborder la discussion sur l'APA sous un angle trop politique. Aujourd'hui, nous vous renvoyons le compliment, mesdames, messieurs de la majorité, car vous occultez les enjeux sociaux et démographiques du vieillissement de la population.
    Je fais à mon tour grief au Gouvernement de limiter par sa vision comptable la hauteur et la qualité de réponses qui ne peuvent être que collectives et solidaires.
    Les chiffres sont là pour rappeler l'acuité du problème de la perte d'autonomie, du handicap, quel que soit l'âge de la personne. En France, 5,5 millions de personnes, soit environ 10% de la population, déclarent souffrir d'une gêne dans leur vie quotidienne et 3,2 millions de personnes se déclarent handicapées.
    Les chiffres sont également là pour nous inciter à relever le défi de l'allongement de la vie, en répondant durablement aux réels besoins d'aide à la personne, en développant des politiques volontaristes en faveur de nos aînés, respectueuses du droit de chacun à la dignité et à la liberté de choix.
    Comment, alors qu'en 2020, 27% de la population aura plus de soixante ans, dont deux millions auront plus de quatre-vingt-cinq ans, ne pas opter pour des solutions solides et pérennes ? Comment ne pas ambitionner d'asseoir le droit et les moyens relatifs à la prise en charge des personnes de grand âge qui seront plus nombreuses à rencontrer des difficultés pour les actes de la vie quotidienne ?
    Comme l'a précisé mon amie Michelle Demessine au Sénat, une étude épidémiologique récente, réalisée par une unité bordelaise de l'INSERM, évalue à 135 000 le nombre de nouveaux cas d'Alzheimer par an. La fréquence de la démence augmentant avec l'âge, nous allons devoir affronter cette réalité difficile.
    Comment, dans ces conditions, ne pas poursuivre, amplifier et, ainsi, anticiper davantage l'effort déployé par le précédent gouvernement, notamment avec la création de l'APA ?
    Au contraire, vous rognez sur l'existant en cherchant à restreindre l'aide aux personnes âgées dépendantes, alors qu'il serait nécessaire de franchir une étape supplémentaire en inscrivant le risque de perte d'autonomie dans le périmètre de la protection sociale. Sinon, comment sera-t-il possible, comme le préconisent pourtant les auteurs de l'étude, de faire évoluer les critères d'attribution de l'APA afin qu'à l'avenir ils prennent « mieux en compte l'atteinte des fonctions cognitives pour mieux répondre au besoin d'aide des sujets déments » ?
    Il est tout aussi improbable, dans ces conditions, qu'il soit envisagé de développer ce qui fait actuellement défaut à l'APA, à savoir la garantie de le préservation de l'autonomie, par la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention.
    A ce titre, je tiens à dire que la piste « d'ajustement » régulièrement avancée par la majorité en vue de diminuer la dépense de manière substantielle, en revenant sur le degré de dépendance requis pour prétendre à l'APA, résulte d'un « mauvais calcul ». En effet, si, demain, le tiers des bénéficiaires de l'APA relevant du GIR 4, qui sont des personnes moyennement dépendantes et qui doivent être aidées pour les activités corporelles, pour les repas, la toilette, l'habillage, n'avaient plus droit à aucune prestation, ne bénéficiant plus d'un contrat et d'une aide à la vie quotidienne, leur état général se dégraderait immédiatement et très rapidement, avec pour conséquence une hospitalisation et des soins beaucoup plus lourds et sûrement plus coûteux pour la collectivité.
    M. Maxime Gremetz. Très juste !
    Mme Muguette Jacquaint. On le sait, une large et bonne application de l'APA, valorisant la prévention, c'est sûrement l'investissement le plus humain et le plus ambitieux si l'on veut que notre société relève le défi de l'allongement de la vie.
    Le fait que l'APA ait vocation à s'adresser à un public plus large que la PSD est vraiment un élément positif majeur. Laisser entendre que l'on pourrait, sur ce point, revenir en arrière relève du mépris ou d'une totale incompréhension de la situation des personnes en perte d'autonomie.
    Qu'il faille s'attacher à mieux définir le besoin d'aide est, certes, une évidence, comme il est évident que la grille AGGIR est loin d'être un outil fin, susceptible de retracer les besoins évolutifs d'accompagnement des personnes : les frontières entre les groupes de cette grille sont ténues.
    En 2001, le législateur a fait preuve d'intelligence en se donnant les moyens de faire bouger cet outil d'évaluation. Le comité scientifique d'adaptation des outils d'évaluation de l'autonomie devait rendre son rapport le 31 janvier 2003. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous des éléments d'information à nous fournir à ce sujet ? C'est un premier rendez-vous de taille que vous semblez trop négliger, mes chers collègues ! C'est pourquoi le travail de notre commission doit en tenir compte et réexaminer le texte à l'aune de ces remarques.
    Vous négligez également la clause de revoyure inscrite à l'article 15 de la loi du 20 juillet 2001, qui souffre des mêmes critiques et qui justifie notre demande de renvoi en commission.
    Pourquoi le rapport d'évaluation quantitative et qualitative de la loi devant être présenté au Parlement avant le 30 juin 2003, utile hier notamment pour revoir les modalités de financement de l'APA, devrait-il être désormais vidé de son intérêt ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit puisque la présente proposition de loi, combinée au décret augmentant la participation des allocataires de l'APA maintenus à domicile, vient non seulement anticiper un débat futur, mais aussi l'escamoter. Surtout, elle nous prive d'éléments chiffrés incontestables. Et j'en viens là à notre deuxième argument en faveur du renvoi en commission.
    Pourtant, l'ensemble du monde associatif et nombre de parlementaires, dont nous sommes, concevaient ce rendez-vous comme une occasion à ne pas manquer afin de supprimer les imperfections initiales du dispositif, principalement en faisant définitivement basculer cette allocation de perte d'autonomie dans le champ de la sécurité sociale.
    Malheureusement, le Gouvernement et la majorité orientent prématurément et précipitamment les discussions qui se feront non plus sur la base de l'APA, mais sur une prestation déjà revue a minima, pour ne pas dire une PSD bis.
    Il est à craindre dans ces conditions que les difficultés pratiques apparues au fur et à mesure de l'application de la nouvelle allocation ne puissent pas être surmontées. Je pense en particulier aux conditions d'élaboration du plan d'aide par l'équipe médico-sociale. Les départements dans leur grande majorité ont, il faut le souligner, « joué le jeu » et augmenté considérablement les moyens humains existants, antérieurement mobilisés pour la gestion de la PSD.
    En dépit de cela, et c'est le souhait des associations, telles que l'UNIOPSS et l'UNASSAD, que nous avons auditionnées, il est encore nécessaire de travailler à la qualité de la procédure d'évaluation. Car évaluer la réalité de la situation du demandeur, définir un plan d'aide adapté, exigent de réels savoir-faire, une compétence spécifique et du temps pour croiser les regards.
    Les associations prestataires qui, depuis de longues années déjà, gèrent l'aide à domicile, pourraient utilement participer, aider à l'élaboration du plan d'aide. Je l'ai dit tout à l'heure, la grille AGGIR est un outil d'évaluation perfectible.
    Or, en introduisant dès à présent les modifications envisagées par le Sénat, vous jetez l'opprobre trouble sur les personnes en situation de dépendance relative, ce qui est inacceptable. De surcroît, vous orientez de manière radicale les discussions futures. Vous instrumentalisez les discussions que nous aurons à l'issue du bilan de l'APA. Il sera non plus question de remettre à plat un dispositif qui a tout de même fait la preuve de son utilité, mais bien d'entériner et de poursuivre le démantèlement de l'APA avec, pour commencer, le décret du Gouvernement et votre proposition de loi.
    Aussi, en réglant provisoirement pour l'année 2003 l'équation du financement, vous dévoilez les intentions sur l'ébauche réelle de la prestation d'autonomie en 2004. Cela signifie, pour un système de croisière dans une vision a minima, une prestation sérieusement diminuée qui ne permettra plus de faire face à la dépendance et au maintien à domicile ; une prestation policée avec la conséquence d'attenter à la dignité des personnes âgées dépendantes ; enfin et surtout, moins de bénéficiaires - objectif attendu du rétablissement du recours sur succession dont certains souhaitent le retour. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas avoir accepté cette mesure au Sénat, mais j'ai envie de dire : pour combien de temps ?
    Le Gouvernement, relayé par sa majorité, prend prétexte des limites d'ordre financier de l'APA pour porter atteinte, mesure après mesure, à son esprit. Cette réforme ambitieuse est victime non pas de son succès mais du fait qu'en 2001 nous soyons en quelque sorte restés au milieu du gué.
    Aujourd'hui, vous tirez parti du caractère hybride de l'APA : elle n'est plus vraiment une prestation d'aide sociale, mais elle n'est pas totalement non plus une prestation sociale malgré sa vocation universelle, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes de financement. Pour autant, concernant le sujet central du financement résultant, dès l'origine, de compromis, vous n'ébauchez pas de perspective de solution à long terme.
    L'article 4 de la proposition de loi soulage les départements uniquement pour l'année 2003.
    Contrairement à vous, qui prétendez que les dispositions de la proposition de loi doivent simplement permettre de sauvegarder l'APA pour cette année, je pense qu'il s'agit surtout de poser les premières pierres pour contenir la demande, restreindre la prestation actuelle.
    Le contexte peu propice au progrès social dans lequel s'inscrit le texte que nous examinons ne doit pas être négligé.
    Bien que contradictoire avec les priorités affichées tant par le Président de la République que par les membres du Gouvernement en matière de dépendance, de compensation du handicap, de prise en charge de qualité, de lutte contre la maltraitance, les mesures initiées, qui relèvent du bricolage face à l'importance de la question du vieillissement de la population, s'inscrivent pleinement, tout en étant structurantes pour l'avenir, dans la démarche beaucoup plus générale de ce gouvernement. Cette démarche vise, pour des considérations budgétaires, à économiser sur le dos des plus faibles, en réduisant, touche après touche, les droits des individus les plus fragiles.
    Après le précédent de l'aide médicale d'Etat et de la CMU, vous envisagez désormais de ne plus répondre aux besoins des personnes les plus âgées de la population française.
    Vos choix sont d'autant plus critiquables et inacceptables que, dans le même temps, il faut le redire, vous multipliez les cadeaux aux entreprises : vous ouvrez les vannes des exonérations sociales et fiscales en tous genres, tels les 500 millions d'allègements rien qu'au titre de l'ISF, tout en cherchant à alléger les contraintes pesant sur les entreprises, notamment en supprimant le contrôle de leur utilisation des aides publiques.
    Il y a deux poids, deux mesures. Votre attitude montre bien le sens de votre politique à l'égard de ceux « d'en haut » et de ceux « d'en bas ». Nos concitoyens modestes âgés, toujours davantage mis à contribution, devront justifier au franc le franc leurs dépenses sous peine de voir le couperet tomber. Les plus fortunés pourront, dans le même temps, jouir d'une juteuse réduction de leur impôt sur le revenu et les entreprises, les grands groupes, pourront utiliser l'argent public sans justification, comme bon leur semblera, au nom de la liberté d'entreprendre. Car ils entreprennent, certes, mais des plans sociaux !
    En un mot, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues de la majorité, votre politique ne saurait tenir lieu de projet pour les personnes en perte d'autonomie : telle est la troisième raison de fond que nous avançons pour conclure au rejet de la proposition de loi.
    L'économie de 400 millions d'euros que vous escomptez réaliser sur le dos des bénéficiaires de l'APA à domicile et de leurs familles, par le biais de mesures législatives et réglementaires, sur lesquelles je reviendrai, est à mettre en parallèle avec les décisions prises à l'encontre des personnes âgées accueillies en établissement.
    On ne peut en effet s'engager, d'un côté, à poursuivre un plan sur cinq ans, mis en place par le précédent gouvernement pour médicaliser les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées, et décider, de l'autre, de réduire à néant le montant des crédits disponibles dans le cadre de l'ONDAM pour 2003 destinés à améliorer la qualité de la prise en charge des 680 000 personnes concernées.
    Les conséquences seront lourdes pour les établissements qui seront désormais dans l'incapacité de créer notamment des postes de personnel soignant. Au-delà, ce revirement nous fait nous interroger sur le rôle du Parlement, qui entérine pourtant chaque année l'enveloppe de l'ONDAM.
    Peut-on savoir à quoi serviront les 183 millions d'euros ainsi économisés ?
    Par ailleurs, je souhaite que les échanges que nous aurons nous permettent de faire la lumière sur le coût réel de l'APA pour les conseils généraux. Indiscutablement, ces derniers ont dû assumer, en 2002, la montée en charge rapide de l'APA qu'ils financent à plus de deux tiers. Les conséquences sur la fiscalité locale sont, pour certains départements, très importantes, on le sait. Elles mettent en péril les politiques sociales des départements et les déséquilibrent. De plus, elles impliquent des augmentations d'impôt en grande partie injustes car elles sont mal réparties sur l'ensemble du territoire. Dans ces conditions, nous ne pouvons que soutenir la fronde bien légitime des élus, des présidents de conseils généraux, laissés seuls devant la montée en charge du dispositif.
    Or le dénouement que vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, est loin de répondre, même de manière transitoire, au problème. Pour 2003, la règle du partage en trois tiers se traduit quand même par une diminution du montant de la prestation pour le bénéficiaire, une augmentation de la charge pour le département, ainsi que par une participation de l'Etat par l'emprunt sans garantie pour l'avenir.
    Prenons l'exemple concret d'un département qui m'est cher, le département de la Seine-Saint-Denis, afin de mieux saisir les enjeux.
    Sa population de 1,4 million d'habitants comprend des personnes âgées qui, tout au long de leur vie, ont beaucoup donné pour le développement économique régional et national dans des conditions de vie et de travail difficiles. Aujourd'hui, elles vivent avec des petites retraites proportionnelles aux petits salaires qu'elles ont gagnés.
    Voilà qui explique le succès de la prestation, avec 14 709 dossiers dont 9 406 pour l'APA à domicile et 5 303 pour l'APA en établissement, contre seulement 1 100 dossiers de PSD. Cette demande très forte, imprévisible, nous a révélé la réalité de besoins trop longtemps cachés.
    La PSD portait la charge du département à 10 millions d'euros. En 2002, l'APA a représenté plus de 33 millions d'euros dont 80 % à la charge du département, soit 26,8 millions d'euros. En 2003, l'inscription budgétaire est de 50 millions d'euros, soit 84 % pour le département. La moindre des choses serait donc que l'Etat, au titre de la solidarité nationale, prenne en charge 50 % du surcoût lié au passage de la PSD à l'APA.
    Partant de là, nous nous sommes livrés à quelques évaluations concernant les effets des mesures que vous nous proposez. Vous allez voir qu'elles nous éclairent beaucoup sur le sens de cette réforme.
    Votre nouveau barème se traduit par une mise à contribution des personnes dont les ressources sont comprises entre 948 et 623 euros, mais également par une augmentation forte de la participation des personnes dont les ressources sont supérieures à 948 euros tout en restant des ressources moyennes.
    M. Maxime Gremetz. Les grandes fortunes, quoi !
    M. le président. N'interrompez pas Mme Jacquaint.
    M. Maxime Gremetz. Permettez que j'exprime mon soutien !
    M. le président. Vous l'interrompez aussi.
    Poursuivez madame Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Premier constat, pour la Seine-Saint-Denis, la moitié des personnes aujourd'hui exonérées ne le seront plus. Les personnes qui ne contribuaient pas devront désormais acquitter une participation allant de 1 % à près de 16 %. Par conséquent, sur un plan d'aide de 550 euros mensuels, la participation qui était nulle pour 700 euros de ressources serait de 20,49 euros et pour 948 euros de ressources, elle serait de 86,97 euros contre zéro actuellement.
    M. Maxime Gremetz. Il faut faire payer les riches !
    Mme Muguette Jacquaint. Il va de soi que pour des plans d'aide plus importants la participation devient très vite dissuasive. Ainsi, pour un GIR 1 - 1 106 euros de plan d'aide -, la participation s'élèvera à 148,34 euros pour une personne qui dispose de seulement 900 euros de ressources. Mais à partir de 2 483 euros de ressources, l'APA ne représentera plus que 10 % du besoin d'aide alors qu'aujourd'hui la prestation en finance 44 % pour ce niveau de ressources.
    Il est donc clair que le barème rend rapidement dissuasives les demandes d'APA pour les personnes aux ressources moyennes puisque, avec des ressources de 1 300 euros par exemple, la participation du bénéficiaire représentera 33 % du plan d'aide contre 13 % aujourd'hui.
    Les tranches les plus élevées de ressources sont proportionnellement moins touchées que les tranches inférieures même si l'APA devient tout à fait résiduelle dans ce cas. En effet, un effort de 27 euros par tranche de 100 euros est demandé entre 623 euros et 948 euros de revenu alors que ce taux est de 20 euros entre 2 483 euros et 3 162 euros. Ainsi, une personne qui bénéficie de 948 euros de ressources verra son allocation réduite de 87 euros alors qu'une autre disposant de 3 162 euros de ressources ne subira une diminution que de 55 euros.
    Cette petite étude illustre très bien ce que nous dénonçons : l'augmentation de la participation est une démarche à courte vue qui cache en fait son objectif réel, dissuader les demandes de prestation. Et je pourrais prendre aussi l'exemple du département du Val-de-Marne qui lui aussi est confronté à des dépenses sociales très lourdes, dimension qui n'a pas été suffisamment prise en compte dans les critères de péréquation et les coefficients appliqués.
    Comme vous le voyez, la rustine financière que propose l'article 4 avec l'augmentation de 400 millions d'euros des ressources du fonds de financement de l'APA n'est pas adaptée ou, du moins, pas dans tous les départements.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour éviter ces rafistolages, ce fonctionnement en yoyo et une remise en cause annuelle au gré des gouvernements, il faut franchir une étape supplémentaire et faire de l'APA une prestation de sécurité sociale à part entière. C'est la seule alternative pour en finir avec les ambiguïtés actuelles qui permettent le grignotage de l'allocation, d'autant qu'une telle option est pleinement justifiée par le caractère universel, intergénérationnel et solidaire de la sécurité sociale qui a vocation à couvrir ce risque nouveau.
    La perte d'autonomie, et ce quel que soit l'âge, doit être compensée dans le cadre de notre régime national de protection sociale. J'insiste dès à présent, même si j'aurai l'occasion de revenir ultérieurement sur cette discrimination par l'âge et selon l'origine du handicap : il est désormais nécessaire, dans la mesure où les besoins concrets d'aide pour les actes de la vie quotidienne sont les mêmes, que nous nous posions la question du cinquième risque dans des termes différents.
    L'équation peut paraître difficile à résoudre puisque, de toute façon, il faut avoir le courage de le dire, à ressources constantes, la sécurité sociale ne peut assumer cette nouvelle prestation, quelle que soit l'option retenue : cinquième risque au sein de la branche maladie, rattachement à la branche vieillesse, ou création d'une nouvelle branche consacrée à la perte d'autonomie.
    Certains avancent la piste de la prévoyance individuelle en faisant appel aux assurances privées. Nous la rejetons catégoriquement. Comment envisager qu'un risque, auquel chacun est exposé, ne soit couvert qu'en fonction des possibilités financières personnelles. Seule notre protection sociale peut assurer l'ouverture d'un droit nouveau, accessible à tous, et égal sur l'ensemble du territoire.
    Votre proposition de loi ne se saisit du problème que par le petit bout de la lorgnette et c'est très regrettable. Ce faisant, vous brisez l'élan de l'APA, qui a indiscutablement permis de rompre l'isolement d'un grand nombre de personnes, en mettant en lumière des besoins énormes de prise en charge, jusqu'ici ignorés.
    Il ne faut donc pas s'étonner que la montée en charge du dispositif se soit faite beaucoup plus rapidement que prévu. En conséquence, les crédits inscrits pour financer l'APA ont également évolué, plaçant certains départements dans des situations financières plus ou moins difficiles.
    Mettant en avant le surcoût de 1,2 milliard d'euros, le Gouvernement, en concertation avec les seuls conseils généraux, a fait le choix de réduire les dépenses, quitte à dénaturer, voire à remettre entièrement en cause, les principes qui ont présidé à la création de l'APA. Ainsi, par la proposition de loi qui nous est présentée, vous poursuivez méthodiquement votre plan de démantèlement de l'APA, dans la droite ligne du décret qui vise à porter de 5 % à 12 % environ la participation des personnes âgées maintenues à domicile.
    Encore un mot sur ce décret. En abaissant le plafond de ressources pour l'application du ticket modérateur de 935 à 623 euros, le Gouvernement considère qu'une personne vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté doit « partager l'effort » du financement de l'APA, ce qui est aberrant.
    Aujourd'hui, vous proposez, par l'article 1er, de repousser l'ouverture des droits du dépôt du dossier complet à la notification de la décision d'attribution par le président du conseil général. Les personnes âgées qui attendent leur aide, les familles et les associations apprécieront le cynisme avec lequel on justifie ce recul. Dites plutôt carrément que vous économisez entre deux à six mois d'allocation sur chaque bénéficiaire.
    M. Philippe Martin (Gers). Voilà la vérité !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous aurez au moins le mérite de la clarté !
    Les articles 2 et 3 visent à renforcer le contrôle d'effectivité de l'aide. Considérant que le code de l'action sociale et des familles prévoit déjà des modalités de contrôle, constatant que vous recherchez encore à réaliser de petites économies sur le dos de personnes fragiles, modestes, par d'inutiles tracasseries administratives, nous défendrons des amendements de suppression sur ces articles, comme nous le ferons pour l'article 1er.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    Mme Muguette Jacquaint. Renvoyer l'attribution de l'APA à la date de la notification par le président du conseil général revient à faire perdre plusieurs mois aux bénéficiaires...
    M. Maxime Gremetz. Evidemment ! Il n'y a pas de petites économies !
    Mme Muguette Jacquaint. ... car le traitement administratif et médical des dossiers ne peut être inférieur à ce délai. La perte sera d'autant plus importante que la dépendance sera forte. En outre, le recours à cette prétendue simplification administrative sera probablement différent selon les départements, ce qui placera les allocataires dans des situations dissemblables. Ainsi, c'est le principe même de l'APA dans sa continuité territoriale qui est mis à mal.
    Contrôler est normal, personne ne le conteste. Encore que tout le monde, comme je l'ai dit tout à l'heure, n'est pas contrôlé avant autant de sévérité. Mais contrôler pour dissuader est profondément détestable, surtout dans ces situations de détresse.
    L'article 4 autorisant le recours à l'emprunt du fonds de financement de l'APA ne nous satisfait pas non plus, je l'ai dit. Vous y préconisez une fausse solution, alors que vous n'avez cessé de reprocher au gouvernement précédent son absence de prévision de financement sur le long terme.
    M. Charles Cova. C'est pourtant la vérité !
    Mme Muguette Jacquaint. En attribuant 400 millions d'euros de ressources supplémentaires à ce fonds, vous permettez, certes, de faire face aux besoins des départements pour 2003, bien que la formulation on ne peut plus vague et le renvoi à un décret ne permettent pas de savoir selon quels critères ceux-ci seront éligibles à ce concours financier exceptionnel. Mais vous ne proposez aucune solution pérenne pour financer l'allocation.
    L'unique initiative de la commission des affaires sociales du Sénat consistant à préciser que la charge et le remboursement de l'emprunt souscrit par le FFAPA seront assurés par la prochaine loi de finances ne change pas fondamentalement le problème.
    En outre, concernant l'approche générale de la prise en charge de la perte d'autonomie, vous êtes, monsieur le secrétaire d'Etat, en pleine contradiction. C'est forcément ce qui arrive lorsqu'on multiplie les effets d'annonce sans tenir ses promesses.
    Monsieur Falco, pouvez-vous m'expliquer comment vous pouvez, dans le même temps, créer un comité de vigilance sur la maltraitance à l'encontre des personnes âgées et accepter qu'on leur fasse subir, avec cette proposition de loi, les conséquences d'un tel retour en arrière ?
    Avec la suppression des crédits prévus dans l'ONDAM, les personnes qui n'auront plus les moyens de rester à leur domicile avec une APA convenable viendront intégrer des établissements sous-dotés, en manque de personnel. Or, la première des maltraitances, n'est-ce pas la « non-traitance » par manque de moyens ?
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est un vrai choix politique !
    Mme Muguette Jacquaint. Cette question du financement nous a, mes collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains et moi-même, profondément indignés car il n'est pas exagéré de dire que vous prenez la responsabilité de ponctionner dans la poche même des personnes âgées dépendantes les 500 millions d'euros d'allègement de l'ISF que vous venez de faire voter à l'Assemblée nationale.
    Alors, à quand la récupération sur succession au premier euro ? Cela ne devrait pas vous faire reculer. A quand l'exclusion de l'APA des personnes relevant du GIR 4, qui devront recommencer à se débrouiller comme elles le peuvent, avec un début de perte d'autonomie, avec une maladie d'Alzheimer laissant l'entourage impuissant ?
    M. Bernard Derosier. On fait payer les pauvres !
    Mme Muguette Jacquaint. Je ne parlerai pas du manque criant d'établissements. Vous êtes resté prudent sur cette question mais j'ai encore envie de demander : jusqu'à quand ?
    Votre politique à courte vue remet en cause toute politique de prévention, source d'économies pour la sécurité sociale.
    Nous avons auditionné des représentants des organisations de personnes âgées, des organismes de services d'aide à domicile et des directeurs d'établissement. Toutes les personnes qui n'y arrivaient déjà pas, imaginez-vous les tourments qu'elles vont endurer après votre réforme ? Le petit pécule ou l'argent de l'appartement seront vite engloutis par les prix de journée. Et après ?
    En fait, cette réforme de l'APA n'est qu'une première étape vers une privatisation du risque alors que la situation est déjà marquée par le manque de moyens humains et financiers. Et très rapidement elle va conduire à un point de non-retour, provoquant le désespoir des personnes âgées et de leurs familles.
    Nous ferons quant à nous, au cours de ce débat, des propositions constructives et raisonnables afin d'améliorer et financer une allocation universelle indispensable pour assurer à nos anciens une vie quotidienne digne et sereine.
    Moins d'APA aujourd'hui, c'est moins de prévention de la dépendance, moins d'emplois d'aides à domicile. Vous créez les conditions d'une allocation moins généreuse et socialement moins juste. En réalité, ne nous trompons pas, vous avancez vos pions vers une assurance dépendance privée battant en brèche la solidarité entre générations.
    C'est avec un triste et amer sentiment que je conclurai car il y a des progrès sociaux dont les retouches ne peuvent conduire qu'à la régression. Vous nous présentez un texte d'opportunité, en réponse aux demandes pressantes de certains conseils généraux, avant même d'avoir en main un bilan correct de l'APA qui permettrait de prendre toute la mesure des enjeux.
    Pour toutes ces raisons, nous demandons à l'Assemblée d'adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. Merci, madame Jacquaint, pour votre effort de concision et pour ne pas avoir dépassé votre heure et demie !
    M. Maxime Gremetz. Je vais pouvoir récupérer le temps de parole qu'elle n'a pas utilisé ! (Sourires.)
    M. le président. Non, monsieur Gremetz, cela n'est pas possible !
    Dans les explications de vote, la parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Denis Jacquat. Mme Muguette Jacquaint a présenté cette motion de renvoi en commission avec beaucoup de concision et de dignité, car il est vrai qu'elle aurait pu parler une heure et demie. Comme en commission, elle a présenté sa philosophie, expliqué comment elle voyait l'avenir de l'allocation personnalisée d'autonomie et il faut lui reconnaître une certaine constance dans les idées.
    Mme Jacquaint l'a dit fort justement : cette proposition est un texte de transition qui permettra d'assurer le financement de l'APA pour cette année. Le financement, c'est en effet l'aspect essentiel de cette proposition de loi. L'APA est victime de son succès, là encore nous sommes d'accord. Mme Jacquaint a indiqué en commission qu'il fallait agir vite pour en assurer la pérennité. Nous le pensons aussi. Elle a même évoqué la piste du cinquième risque. Pourquoi pas ?
    Il faut l'étudier. Cela dit, nous pouvons avoir des divergences sur les modalités de financement, l'essentiel est d'avoir des points de convergence sur un texte social essentiel pour notre pays.
    Mme Jacquaint a dit fort justement que la grille AGGIR était perfectible. Nous avons d'ailleurs demandé sa révision, car lorsqu'elle a été mise en place on ne parlait pas de maladies neurodégénératives, d'Alzheimer.
    En revanche, je tiens à la rassurer, ainsi que tous ses amis : jamais Georges Colombier et moi-même n'aurions accepté d'être rapporteur ou porte-parole du groupe UMP sur ce texte s'il avait été question de réintroduire le recours sur succession ou de supprimer l'élargissement aux personnes en GIR 4. Lorsque nous étions dans l'opposition, nous nous sommes battus pour des éléments de base et ce n'est pas parce que nous sommes maintenant dans la majorité que nous allons changer d'avis !
    M. Philippe Martin (Gers). C'est bien d'avoir résisté ! Les tentations existaient !
    M. Denis Jacquat. Mme Jacquaint a dit en commission, et elle l'a répété, qu'il fallait tenir compte, pour la péréquation, de la situation économique et sociale des départements. Là encore je suis d'accord. Néanmoins, on a souvent pensé aux départements ruraux, où vivent beaucoup de personnes âgées, mais les départements industriels qui sont en crise - je pense au mien : la Moselle - sont confrontés au problème des jeunes, et même à celui des clandestins pour peu qu'ils se situent à une frontière. Si l'on doit, à l'avenir, opérer une péréquation, il faudra donc prendre en compte d'autres paramètres, car même des départements dits riches ont leurs propres difficultés. Nous avons donc des points de convergence, mais nous ne sommes plus d'accord lorsque Mme Jacquaint nous dit que nous voulons un démantèlement de l'APA. J'espère, chère madame, que c'était une erreur de langage,...
    Mme Muguette Jacquaint et M. Maxime Gremetz. Non !
    M. Denis Jacquat. ... car jamais au grand jamais nous n'avons dit que nous voulions un tel démantèlement ! Et il en va de même pour la privatisation du risque. Nous n'en voulons pas ! Ce n'est pas parce que nous sommes passés de l'opposition à la majorité que nous avons changé d'avis. M. Raffarin a parlé de « nouvelle gouvernance ».
    M. Maxime Gremetz. Ah là, là !
    M. Denis Jacquat. La nouvelle gouvernance, c'est d'être près des Français, proche de la réalité et de la traduire au mieux, en tenant compte de la situation économique.
    Lorsque j'analyse votre intervention, madame Jacquaint, je constate que nous avons beaucoup plus de points de convergence que de points de divergence. En outre, il y a urgence à délibérer, car les conseils généraux veulent que nous rendions notre copie conforme avec le Sénat pour pouvoir construire leur budget avant le 31 mars de cette année. A grand regret, l'UMP ne votera donc pas cette motion de renvoi en commission.
    M. Bernard Derosier. C'est bien dommage !
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'ai entendu parler de « nouvelle gouvernance », mais, pour l'instant, la nouvelle gouvernance, cela consiste à priver le Parlement de parole. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, il est manifestement interdit de permettre l'adoption d'amendements à cette proposition de loi, même s'ils viennent de la majorité, et nous avons tous à l'esprit l'utilisation, par le Gouvernement, de l'article 49-3 de la Constitution sur le projet de loi relatif aux modes de scrutin. Si c'est cela la nouvelle gouvernance. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous ne pouvez pas être d'accord monsieur Jacquat, car je sais votre attachement au rôle et au travail du parlementaire !
    Quant à l'intervention de Mme Jacquaint, je voudrais aussi en souligner la grande qualité. Elle a, en effet, bien montré quels étaient les enjeux de l'allocation personnalisée d'autonomie et la dynamique de prise en charge des personnes âgées. Permettez-moi simplement, madame Jacquaint, de vous dire une chose. Si je me suis investie dans la mise en valeur de l'APA, je peux vous assurer que ce n'est pas du tout pour réaliser une opération politicienne ou partisane.
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas moi qui l'ai dit !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vos propos étaient un peu ambigus. Il était urgent de réaliser une véritable mobilisation autour des personnes âgées et c'est la seule explication de mon investissement en la matière. Cela dit, s'il est une proposition de loi qui mérite le renvoi en commission, c'est bien celle-là ! Elle reste en effet floue tant sur le financement,...
    M. Guy Geoffroy. C'est vous qui dites cela ? C'est un comble !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ... que sur les quantités. (Prostestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Aucun élément ne nous a été donné sur l'évolution de la grille AGGIR. Il aurait été facile, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte que le rapport qui doit être présenté en juin de cette année le soit plus tôt. Vous allez prendre des décisions qui sont lourdes de conséquences pour les personnes âgées et l'allocation personnalisée d'autonomie sans disposer des informations nécessaires. Nous aurons les chiffres dans trois ou quatre mois, et vous verrez bien alors que l'on vous aura fait prendre à la hussarde des décisions qui ne sont pas dignes du Parlement !
    M. Michel Vergnier. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je disais mardi matin, lorsque nous avons examiné la proposition de loi visant à ouvrir le droit à la retraite avant soixante ans aux personnes ayant cotisé quarante annuités, que les gouvernements et les présidents de commission changeaient, mais que le discours était toujours le même. Eh bien là, ça change ! C'est au moins le mérite de cette discussion ! J'aime bien relire les débats de l'année précédente ; cela me permet de temps en temps de vous rafraîchir la mémoire. Ne baissez pas la tête, monsieur Jacquat !
    L'APA est l'une des plus grandes avancées sociales réalisées par le gouvernement précédent pour diverses raisons. D'abord, elle a permis un traitement personnalisé de la dépendance, que ce soit à domicile ou en établissement. Ensuite, à l'inverse de la PSD, l'absence de recours sur succession a occasionné une progression des demandes. En effet, les gens qui ont travaillé toute leur vie pour acheter une petite maison et la transmettre à leurs enfants ne veulent pas l'hypothéquer. Enfin, l'égalité des personnes âgées est maintenant assurée quel que soit leur lieu d'habitation, alors qu'auparavant l'aide était plus ou moins importante selon la richesse des départements. A cela s'est ajoutée une augmentation sensible de l'allocation variant selon les ressources et le degré de dépendance. Quoi de plus juste ? C'était donc une grande avancée.
    Le dispositif n'avait, pour nous, qu'un défaut : nous n'étions pas d'accord pour un financement par les départements. En effet, les créateurs de la sécurité sociale avaient dit que des risques nouveaux apparaîtraient au sein des quatre branches et qu'il faudrait les prendre en considération. En outre, si l'APA est une prestation de sécurité sociale, ce n'est pas une allocation - du point de vue de la dignité, c'est différent : c'est un droit ! Par ailleurs, qui dit prestation de sécurité sociale dit participation à la fois des salariés - c'est la solidarité nationale - et des employeurs. La droite, monsieur Jacquat, la majorité actuelle, qui était minorité à l'époque, m'avait soutenu vigoureusement sur ce point en disant qu'il fallait créer ce que vous appeliez alors non pas une prestation de sécurité sociale, mais un « cinquième risque ». C'est bien ça ?
    M. Denis Jacquat. Oui !
    M. Maxime Gremetz. Or ce n'est pas ce que vous dites aujourd'hui !
    M. Denis Jacquat. Mais cela n'a rien à voir !
    M. Maxime Gremetz. Comment, cela n'a rien à voir ? Qu'est-ce qu'on modifie aujourd'hui ? Et pourquoi ? C'est une question de financement, bien entendu ! Il manque 1,2 milliard d'euros que l'on divise par trois : un emprunt de l'Etat, 400 millions que l'on prend dans la poche des personnes âgées et des familles (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et 400 millions payés par les départements ! La question est celle d'un financement pérenne.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz, en indiquant la position de votre groupe sur la motion de renvoi en commission ! Vous avez dépassé votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Bien sûr ! Nous prendrons tout notre temps, après, pour bien examiner les amendements.
    Je vous lirai tout à l'heure une dépêche qui concerne les Etats-Unis - malheureusement, on n'a pas souvent l'occasion de les citer en exemple ! - : des milliardaires y expliquent pourquoi il faut instaurer un impôt sur les grandes fortunes ! C'est extraordinaire ! Et vous, vous avez fait un gros cadeau d'impôt aux grosses fortunes ! Si vous ne l'aviez pas fait, vous n'auriez pas besoin, aujourd'hui, de ponctionner les familles et les personnes âgées.
    Vous l'avez compris, monsieur le président, je soutiens la magnifique démonstration faite par Mme Jacquaint. Nous aurons l'occasion de défendre tout à l'heure longuement et avec âpreté les amendements que nous avons déposés.
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffmann-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci, et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 11, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 232-2-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 232-2-1. - La politique de santé publique doit améliorer la prise en charge des personnes âgées par le développement des connaissances des maladies liées à l'âge et le soutien aux soins gériatriques. »
    La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Dans ce débat autour de l'APA, qui a lieu depuis trois ou quatre mois, on a oublié de dire quelque chose dont Mme Jacquaint a d'ailleurs fort bien parlé. La dépendance apparaît à la plupart des gens comme inéluctable : parce que l'on vieillit, on va devenir dépendant. Or, quand on prend le temps d'écouter les spécialistes en gériatrie, on apprend que seulement 20 % des personnes âgées sont touchées par la dépendance. En effet, il faut savoir qu'actuellement, en France, plus on vieillit, mieux on vieillit. L'un des enjeux essentiels pour la maîtrise du coût de la dépendance est d'éviter que les personnes âgées entrent dans la dépendance. Il faut donc aider les hôpitaux et l'ensemble des structures sanitaires à mettre en place une spécialité en gériatrie et des équipes mobiles dans ce secteur. Je l'ai dit plusieurs fois, j'avais modestement commencé ce travailLors du débat sur le PLFSS pour 2003, M. Mattei a accepté un amendement, faisant de ce dispositif une priorité. Or, pour le moment, nous n'avons aucune nouvelle de sa mise en place.
    L'amendement n° 11 a pour objet de montrer que la dépendance n'est pas inéluctable, qu'elle peut être évitée ou soignée et qu'il est nécessaire et urgent, non seulement de mettre en place une politique pour le « bien vieillir », mais aussi et surtout de faire en sorte que les personnes âgées soient soignées de manière à leur éviter le handicap lourd de la dépendance.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. J'entends bien les propos de Mme Guinchard-Kunstler. A la limite, on peut y souscrire, mais pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous ne m'avez pas écoutée ! J'ai dit que j'avais commencé à le faire !
    M. Georges Colombier, rapporteur. En tout cas, la commission a repoussé cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Défavorable.
    M. le président. La parole est à Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je le répète, un amendement a été accepté par M. Mattei, au mois de novembre dernier, dans le cadre de l'examen du PLFSS pour 2003. Vous n'avez pas répondu à ma question : la continuité du plan de gériatrie que j'avais mis en place est-elle assurée ?
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 10, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 6 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, il est inséré un article
 6 bis ainsi rédigé :
    « Art. 6 bis. Le Gouvernement présente au Parlement avant le 30 mars 2003 un rapport exposant les conditions dans lesquelles sera garanti le financement des conventions pluriannuelles tripartites des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, comme prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. »
    La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons largement engagé, Mme Jacquaint et moi-même, le débat sur les conventions tripartites et vous nous avez déjà répondu. Vous-même avez cité le nombre d'établissements en état de vétusté et qui peinent à assurer leur mission. Ce n'est donc pas une question politicienne. Nous devons reconnaître tous ensemble que notre société a toujours eu du mal à évaluer la situation des personnes âgées et à les prendre en charge, en particulier dans les établissements.
    A cet égard, votre réponse ne me paraît pas satisfaisante.
    J'observe d'abord que la réforme de la tarification ne date pas de 1999, puisqu'elle a été mise en place par le décret du 5 mai 2001, que j'ai moi-même signé. Avec Mme Guigou, nous avons doté les DASS de moyens supplémentaires afin qu'elles puissent passer des conventions tripartites avec les conseils généraux et les établissements.
    En outre, si en 2002, le nombre de conventions tripartites signées a notablement augmenté, c'est là le résultat de nos efforts conjoints. N'ayons pas peur de le reconnaître, car, j'y insiste, la question des personnes âgées constitue un formidable enjeu de société qui dépasse de beaucoup la politique partisane !
    Il reste que le chiffre de 1 800 conventions que vous avez annoncé pour 2003 est à mes yeux insuffisant. En demandant un rapport au Gouvernement sur les capacités de financement des conventions tripartites et de la réforme de la tarification, nous espérons obtenir de vous des réponses fiables sur les moyens concrets qui seront consacrés aux personnes âgées vivant en établissement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Ayant entendu M. le secrétaire d'Etat s'engager sur la signature de 1 800 conventions en 2003, je ne puis qu'être défavorable à cet amendement de Mme Guinchard-Kunstler, qui a été repoussé par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je me suis déjà longuement expliqué sur ce point et je ne reviens pas sur les indications que j'ai données. Je confirme à l'Assemblée le chiffre de 1 800 conventions pour 2003. Et je m'étonne que Mme Guinchard-Kunstler le trouve insuffisant, elle qui n'en a signé que 330 en 2000-2001...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ou vous ne m'avez pas écoutée, monsieur Falco, ou vous êtes malhonnête !
    M. le président. Madame Guinchard-Kunstler !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'ai été correcte, je demande à M. le secrétaire d'Etat de l'être à son tour !
    M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis hier soir, vous « surfez » sur le chiffre des conventions que vous auriez signées.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je ne « surfe » pas !
    M. Bernard Derosier. D'abord, vous n'êtes pas le seul signataire, par le truchement de vos directions départementales ; les départements le sont également, donc les présidents de conseils généraux.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Bien sûr !
    M. Bernard Derosier. Ensuite, vous n'êtes pour rien dans ce chiffre ! Que le nombre de conventions signées sous le gouvernement Jospin soit moins important que sous le gouvernement actuel, c'est tout à fait normal : le processus est long à engager et, à ce jour encore, les établissements ne sont pas tous prêts à proposer une telle convention à la signature de l'Etat et du département.
    Alors cessez de nous infliger ce genre de comparaison entre des chiffres faramineux, dont le mérite vous reviendrait, et des chiffres plus modestes, dont le gouvernement Jospin, et Mme Guinchard-Kunstler en particulier, serait responsable. Il y va de la qualité du dialogue entre nous.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 14, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 15 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, il est inséré un article 15 bis ainsi rédigé :
    « Art.15 bis. - Le Gouvernement présentera au Parlement au plus tard le 15 septembre 2003 un rapport d'évaluation qualitative et quantitative sur les actions menées par le fonds de modernisation de l'aide à domicile. »
    La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Cet amendement a pour but d'obtenir du Gouvernement une évaluation des actions menées par le fonds de modernisation de l'aide à domicile.
    Ce fonds, mis en place en même temps que l'APA, représente une chance importante pour le secteur de l'aide à domicile et les associations qui y oeuvrent. L'aide à domicile, tout le monde en convient, est un formidable gisement d'emplois. Mais vous-même évoquez souvent les questions de maltraitance, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous reconnaîtrez que, pour garantir la qualité de ce secteur et répondre à l'exigence de dignité et de respect de nos aînés, nous avons besoin du fonds de modernisation pour améliorer la formation des aides à domicile et assurer la diversité de l'offre de services. Les premières conventions signées l'an dernier par Mme Guinchard-Kunstler témoignent de cette diversification avec, par exemple, la présence de psychologues, pour apporter une aide aux familles, ou d'ergothérapeute pour aider les personnes âgées à prendre une douche ou à mieux entretenir leur logement. Nous avons donc besoin de mieux connaître les actions de ce fonds.
    Par ailleurs, le précédent gouvernement souhaitait associer le plus largement possible les professionnels du secteur à la gestion quotidienne de l'activité du fonds. Ainsi, un comité national de pilotage, associant les partenaires sociaux, devait être constitué pour définir les priorités opérationnelles et les critères d'éligibilité. Où en est la mise en place de ce comité ?
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement inutile puisqu'il est déjà satisfait par l'article 15 de la loi du 20 juillet 2001.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. La loi du 20 juillet 2001 dispose en effet que le conseil de surveillance du fonds de financement de l'APA - qui comprend deux députés et deux sénateurs - transmet tous les ans au Parlement et au Gouvernement un rapport qui rend compte de la mise en oeuvre de l'ensemble du dispositif de l'APA, dont le fonds de modernisation de l'aide à domicile est une pièce maîtresse.
    Cet amendement est donc sans objet et j'en demande le rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffmann-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 12, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement présentera au Parlement au plus tard le 30 décembre 2003 un rapport sur le nombre d'emplois créés par la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. »
    La parole est à M. Michel Vergnier.
    M. Michel Vergnier. A propos des conventions - je n'y reviendrai qu'un instant -, puis-je vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'à défaut d'être président de conseil général j'ai été président d'une maison de retraite transformée en EPAD et que j'ai bien suivi la procédure de conventionnement. Une convention ne se signe pas comme cela ; il faut auparavant élaborer un projet de vie, notamment pour justifier du nombre d'emplois créés par les maisons de retraite au titre de leurs nouvelles activités, et tout cela demande du temps.
    Dans ces conditions, comment peut-on déplorer qu'il y ait eu très peu de conventions en 2001 et beaucoup en 2002 ? Heureusement, car si c'était le contraire, cela voudrait dire que tout a été signé à la va-vite, sans concertation et au détriment de la qualité. Vous devriez donc féliciter les DDASS d'avoir été exigeantes sur le contenu des projets.
    Notre amendement n° 12 invite le Gouvernement à faire le point sur le nombre d'emplois créés par la loi du 20 juillet 2001. J'ai eu le plaisir d'être le porte-parole de mon groupe dans le débat sur la loi pour l'initiative économique, dont l'objectif affiché était par le biais de déductions fiscales, de favoriser la création d'emplois. Du moins était-ce l'argument avancé pour réduire de 500 millions l'impôt sur la fortune. C'est un pari sur l'avenir, ai-je dit au ministre, même si l'on peut apprécier d'emblée les effets sur l'investissement. Eh bien, avec l'APA, les emplois sont déjà créés.
    Dans la Creuse - je rectifie le chiffre -, c'est 400 emplois équivalents temps plein qui ont été créés. Ce n'est pas rien ! Pas une seule entreprise creusoise, en dehors de l'hôpital public, n'emploie 400 salariés.
    Le rapport que nous demandons intéressera donc tout le monde, et puis il ne coûte rien.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Puisqu'il ne coûte rien, pourquoi ne pas l'avoir prévu à l'époque ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Oh ! là ! là ! Positivez !
    M. Georges Colombier, rapporteur. Je ne crois pas que mon ton soit agressif, monsieur Le Guen, et pour positiver ma réponse, j'indique que ce rapport sur le nombre d'emplois créés est une idée si intéressante que le Gouvernement a certainement prévu de le présenter d'ici à la fin de l'année. Je suis persuadé que M. le secrétaire d'Etat vous le confirmera dans sa réponse.
    Dans ces conditions, l'amendement a été repoussé par la commission et je ne peux qu'en demander le rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je vais suivre l'avis de la commission car, comme nous l'avons rappelé à différentes reprises, la loi du 20 juillet 2001 dispose déjà, dans son article 15, que le Gouvernement présentera, au plus tard le 30 juin 2003, un rapport d'évaluation quantitative et qualitative de l'application de la loi. Ce rapport précisera bien sûr le nombre d'emplois créés.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 22, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Les annexes aux projets de loi de financement de la sécurité sociale présentent le rapport financier du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie prévu à l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement a pour objet de visualiser de façon claire et indiscutable, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'effort demandé à la collectivité nationale en faveur de l'APA. La transparence des finances sociales était - et demeure, je l'espère - un des chevaux de bataille de l'actuelle majorité. Pendant des mois, sous la législature précédente, elle nous a expliqué qu'il fallait clarifier les comptes de la sécurité sociale pour que chacun sache exactement qui paye quoi. A tel point, d'ailleurs, que la même mesure a été proposée hier par Denis Jacquat, porte-parole de la majorité.
    Où sont-ils d'ailleurs les porte-parole et les orateurs de la majorité ? Ils ne font que voter et jamais ils ne s'expriment ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. Oh !
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous le regrettons, étant donné la qualité de leurs interventions, notamment de celles de Denis Jacquat, qui s'est déclaré hier encore très favorable à cette proposition.
    M. Guy Geoffroy. La ficelle est un peu grosse !
    M. Jean-Marie Le Guen. J'imagine que nos collègues de la majorité étant parfaitement d'accord avec cet amendement, qui rejoint par ailleurs la critique permanente qu'ils nous adressaient sur la prétendue non-transparence des comptes sociaux, ils auront à coeur de le voter.
    A moins que, indépendamment du fait qu'ils refusent pour l'essentiel à faire leur travail de parlementaire, n'ayant pour objectif que de voter conforme un texte déjà présenté à la va-vite par le Sénat, ils ne redoutent d'avoir à se poser la question rétrospective : « Mais qu'est-ce que nous avons voté exactement dans le PLFSS pour 2003 ? »
    Le financemement de l'APA pour 2002 avait été assuré, nous l'avons vu, par la majorité précédente. Alors, est-ce que, par hasard, il n'était pas de la responsabilité de l'actuelle majorité de prévoir dans ce PLFSS, au mois de novembre, le financement dont on nous a dit qu'il n'est pas assuré pour 2003 ?
    De la même façon, mes chers collègues, vous devrez assurer le financement pour 2004. Vous ne pourrez plus dire : « Mais comment, l'ancienne majorité n'avait pas financé ? » Non ! Le financement de l'APA est annuel et prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    D'ailleurs, même si vous pensiez, c'est votre seconde antienne : « Comment cela, les socialistes n'ont pas prévu, en 2001, que se produirait, en 2004, un dérapage d'un milliard de francs ? » - chiffre que nous contestons, mais peu importe - je ne manquerais pas de vous rappeler les chiffres que vous présentez vous-mêmes en matière de sécurité sociale. Vous avez voté un PLFSS pour 2003 qui reconnaît explicitement un besoin de financement de 7 milliards d'euros. L'opposition, sans doute rendue circonspecte par sa défaite, voulait rester mesurée dans ses critiques et n'annonçait qu'un déficit de 10 milliards. Savez-vous, aujourd'hui, à combien est estimé le déficit que vous vous apprêtez à cautionner ? A plus de 15 milliards !
    Et vous venez nous faire la leçon sur le dérapage de nos déficits sociaux et notre incapacité de financement ?... Mais regardez d'abord où vous en êtes !
    L'intérêt commun de notre assemblée est de se donner les moyens de mesurer et contrôler l'effort social de la nation en créant, en l'occurrence, une sorte de ligne individualisée pour le financement de l'APA.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. M. Le Guen a raison de rappeler que Denis Jacquat est favorable à la mesure qu'il propose et j'y ai moi-même souscrit hier soir. Reste que son adoption nécessiterait une modification de la loi organique, car faire figurer le FFAPA en annexe à la loi de financement de la sécurité sociale ne serait pas suffisant pour en permettre le contrôle par le Parlement. C'est pourquoi la commission a repoussé l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Rejet pour les mêmes raisons.
    M. le président. Avant de donner la parole à M. Jacquat, je vous rappelle, mes chers collègues, que vous êtes nombreux à vouloir achever ce débat cet après-midi. Compte tenu du nombre d'orateurs inscrits sur les articles et de l'abondance des amendements, je vous incite à la concision.
    Je vous en prie, monsieur Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Monsieur le président, je salue votre vigilance et, monsieur Le Guen, votre lucidité. Alors que vous venez tout juste de passer le cap brillant du demi-siècle, vous avez remarqué que nous voulions un vote conforme. Vous qui savez parfois me donner raison, peut-être allez-vous aujourd'hui me donner tort, mais dans ces conditions, je voterai conformément à la demande de la commission et du Gouvernement.
    M. Bernard Derosier. Se renier, c'est dur !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Le troisième alinéa de l'article L. 232-14 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
    « A domicile, les droits à l'allocation personnalisée d'autonomie sont ouverts à compter de la date de la notification de la décision du président du conseil général mentionnée au premier alinéa de l'article L. 232-12.
    « Dans les établissements visés respectivement au I et au II de l'article L. 313-12 en tant qu'ils ne dérogent pas aux règles mentionnées au 1° de l'article L. 314-2, les droits à l'allocation personnalisée d'autonomie sont ouverts à compter de la date du dépôt d'un dossier de demande complet.
    « Le président du conseil général dispose d'un délai de deux mois à compter de la date du dépôt du dossier de demande complet pour notifier au bénéficiaire sa décision relative à l'allocation personnalisée d'autonomie.
    « Au terme de ce délai, à défaut d'une notification, l'allocation personnalisée d'autonomie est réputée accordée pour un montant forfaitaire fixé par décret, à compter de la date d'ouverture des droits mentionnés aux deux alinéas précédents, jusqu'à ce que la décision expresse le concernant soit notifiée à l'intéressé. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    M. Jacquat renonce à la parole. Vous aussi, monsieur Gremetz ?
    M. Maxime Gremetz. Sûrement pas ! (Rires.) Je n'ai pris aucun engagement à ce sujet, je suis tranquille. Mais vous vouliez peut-être décider pour moi...
    M. le président. Allez-y !
    M. Maxime Gremetz. Les articles de cette proposition de loi ne font que répondre, selon nous, à un problème purement financier. Vous hypothéquez ainsi le débat sur les conclusions du rapport qui doit être remis dans trois mois, débat fort utile car il nous aurait permis d'appréhender l'avenir et de mieux juger des enjeux futurs.
    Ce faisant, vous montrez les limites de votre vision et vous refusez de réfléchir à une évidence : le risque de dépendance n'est pas fatal, mais manifestement il sera croissant. Il convient donc d'assurer dès aujourd'hui le financement pérenne de la couverture de ce risque au lieu de se contenter de répondre aux difficultés actuelles en occultant la possibilité que ces difficultés, si le dispositif reste en l'état, ne se reproduisent.
    Souvenons-nous qu'au moment de l'examen de la loi qui a instauré l'APA, les parlementaires communistes ont été les seuls à défendre et formaliser l'idée de la couverture universelle du risque de la perte d'autonomie dans le champ de la protection sociale, regrettant la solution hybride alors retenue. A l'époque, un certain consensus s'était fait sur le caractère provisoire de l'APA, à mi-chemin entre une prestation sociale, qui par essence relève de l'assistance et du principe de solidarité, et une prestation de sécurité sociale universelle, relevant de la solidarité nationale.
    Sur les bancs de la droite, d'aucuns nous rejoignent et reconnaissent, comme l'avance le manifeste du GRITA du 16 décembre 2002, que « la réponse à terme à la question de perte d'autonomie ne peut se concevoir que dans le cadre de la sécurité sociale ». Vous qui parlez beaucoup de dialogue et de concertation, si vous écoutiez les associations et le GRITA, vous iriez dans ce sens-là. Ce n'est pas M. le rapporteur qui me contredira.
    Cette perspective d'évolution de l'APA, qui aurait pu se matérialiser après le rapport d'évaluation quantitative, qualitative et financière de la loi, prévu avant juin 2003 lors de la clause de rendez-vous, n'est plus désormais de l'ordre du possible, dans la mesure où la proposition de loi et les dispositions réglementaires à venir se situent dans une logique d'économie et de retour vers une véritable prestation d'aide sociale, pour ne pas dire une PSD bis.
    L'heure n'est plus à envisager de franchir une étape supplémentaire pour asseoir véritablement un droit à la prise en charge ou une compensation de la perte d'autonomie. Il s'agit bel et bien de revenir en arrière. Nous regrettons vivement ce virage à 180 degrés opéré par l'opposition d'hier, devenue majorité aujourd'hui. Nous continuons de penser, quant à nous, qu'il faut viser la couverture universelle de la perte d'autonomie des personnes âgées, qu'il est nécessaire de répondre aux questions soulevées par la situation des personnes handicapées vieillissantes ou atteintes avant l'âge de soixante ans de maladies dégénératives.
    Pour les nombreuses associations signataires du Livre blanc paru en 1999 et intitulé « Pour une prestation d'autonomie », la discrimination entre les personnes, selon leur âge ou l'origine de leur déficience, mérite une nouvelle réflexion. Les besoins concrets d'aides diverses dans la vie quotidienne existent, que la personne ait plus ou moins de soixante ans. Ce sont ces arguments, que je partage totalement, qui ont présidé au dépôt d'un amendement visant à faire de l'APA une véritable prestation de sécurité sociale destinée à compenser les incapacités des personnes dépendantes.
    La question reste ouverte quant au rattachement de ce dispositif, chacun mettant un peu ce qu'il veut sous le générique « cinquième risque » : nouvelle branche autonome, rattachement à la branche vieillesse ou à la branche maladie. Pour l'heure, nous avons choisi la dernière option en accord avec les acteurs qui oeuvrent dans ce domaine.
    Concernant le financement, il nous semble opportun qu'il soit assis sur une cotisation sociale. Nous savons pertinemment, puisque la question se pose de manière récurrente chaque année lors du vote du PLFSS, que la part salariale et la part patronale dans la richesse produite ne sont plus du tout à parité. C'est pourquoi nous proposons un financement pérenne grâce à une cotisation reposant sur la valeur travail et capital, cotisation modulée pour chaque entreprise en fonction de la masse salariale dans la valeur ajoutée. Nous rejetons en revanche, comme certains l'envisagent, l'augmentation de la CSG, impôt touchant principalement les seuls revenus du travail et dédouanant l'entreprise.
    Nous regrettons que notre amendement portant sur le financement ait été jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, pourtant, nous avions prévu des recettes et il aurait permis à l'Etat de faire des économies. Ces derniers temps, le couperet de l'article 40 ne cesse de tomber : notre proposition de loi, mardi, et, aujourd'hui, nos amendements en ont été victimes. La discussion devient impossible. Bientôt, nous ne pourrons plus prendre la parole que pour demander des suspensions de séance ou pour faire des rappels au règlement.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Que le président de la commission des finances nous explique pourquoi il a jugé notre amendement irrecevable !
    M. le président. Il faudrait conclure, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. J'aimerais bien l'entendre sur ce point.
    Monsieur le président, j'élève donc une vigoureuse protestation. Je veux bien qu'on essaie de terminer nos travaux cet après-midi mais si l'on cherche à nous empêcher de nous exprimer en refusant nos amendements, alors là, on risque de travailler tard cette nuit, je vous le promets !
    M. le président. Ce n'est tout de même pas une menace, monsieur Gremetz ?
    M. Maxime Gremetz. Une simple précision, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je tenais absolument à m'exprimer sur cet article 1er et à faire entendre une petite musique un peu différente. Je n'hésiterai pas à jouer les ahuris, ou le huron de la littérature, pour m'étonner de la teneur de nos débats. La majorité s'apprête en effet à voter l'une des lois les plus réactionnaires qui soient sans avoir l'air d'y toucher. Des arithméticiens, des comptables scrupuleux, des notaires, des greffiers utilisent un langage de compassion, enrobé de sucre et de miel pour donner l'impression aux petites gens qu'ils travaillent pour eux. Mais en fait, ils sont en train de diminuer leurs revenus.
    Chez moi, en Guadeloupe, et cela vaut pour tout l'outre-mer, le revenu moyen se situe aux alentours de 4 000 francs - vos 623 euros. Actuellement, près des deux tiers des retraités - et avec la vieillesse, viennent la maladie, le handicap, et donc la dépendance - demandent une retraite pour inaptitude au travail, et bénéficient à ce titre d'une allocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse. Eh bien, dorénavant, ils devront cotiser plein pot pour se faire accompagner dans la maladie, le handicap et la dépendance ! Voilà votre politique ! Et ma vision, même si elle vient de loin, ne doit pas être très différente de celle que peuvent avoir des élus de provinces métropolitaines.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes en train de démanteler une législation sociale au motif qu'elle serait marquée au coin de l'idéologie. Mais qu'est-ce que l'idéologie, si ce n'est comme nos amis communistes disaient à une certaine époque, une politique de classe ? En l'occurence, il s'agit d'une politique arrogante menée par une majorité tyrannique, dominatrice et sûre d'elle-même. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui n'hésite pas à démanteler un pan important de la législation sociale mise au point par le précédent gouvernement. Chez moi, c'est vécu douloureusement, et je tenais à le dire à la faveur de l'examen de l'article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
    M. le président. La parole est à M. Philippe Martin (Gers).
    M. Philippe Martin (Gers). J'ai la chance de présider le conseil général d'un département, le Gers, où le bonheur de vivre et la consommation régulière de foie gras et d'armagnac permettent de nous placer en tête des départements français où l'on vit le plus vieux. (Sourires.) Nous mesurons chaque jour le privilège que cette situation nous confère, mais aussi la responsabilité qu'elle suppose vis-à-vis de nos anciens, qui sont de plus en plus âgés.
    C'est pourquoi la mise en oeuvre de l'APA, allocation universelle, juste, et créatrice d'emplois - 600 dans le Gers comme le rappelait Paulette Guinchard-Kunstler tout à l'heure - a été ressentie comme une bouffée d'espoir, de reconnaissance, bref, de vraie solidarité, et ce, quel que soit le lieu où l'on habite, que ce soit à Neuilly, au Raincy, ou à Marciac.
    Aujourd'hui, les projets du Gouvernement, les propositions du Sénat, sonnent le glas de ces espoirs. Parce que vous ne voulez pas aller chercher l'argent là où il est, parce que vous voulez faire des économies sur le dos des personnes âgées et des conseils généraux, pour faire toujours plus de cadeaux aux Français les plus riches, vous nous proposez des mesures qui, sous couvert de rechercher la pérennisation, sont autant de régressions sociales et de retours à la funeste PSD.
    Dans mon département, monsieur le secrétaire d'Etat, 80 % des allocataires de l'APA ont des revenus inférieurs à 900 euros. C'est dire s'ils sont peu concernés par les baisses que votre Gouvernement a consenties pour ceux qui payent l'impôt sur la fortune ! Et 50 % des allocataires sont des retraités agricoles...
    M. Michel Vergnier. Eh oui !
    M. Philippe Martin (Gers). ... dont les pensions, vous le savez, sont faibles et risquent de le rester durablement avec votre politique.
    Et c'est là que vos projets sont à la fois injustes et graves. Non seulement vous n'offrez pas aux départements ruraux, disposant de bases fiscales faibles et d'une population âgée importante, de vrais moyens pour financer l'APA - sinon vous accepteriez l'excellent amendement de mon collègue Vergnier - mais, surtout, vous trahissez la confiance des associations de retraités agricoles - je pense à l'AICRA 32 - qui se sont fortement mobilisées pour faire la promotion de l'APA auprès de leurs adhérents et qui aujourd'hui se sentent flouées.
    L'abaissement du seuil de participation au plan d'aide - de 949 à 623 euros - ou la mise en place d'un délai de deux mois avant le versement de l'APA ne sont pas acceptables car ils vont conduire certains retraités agricoles à devoir vendre une partie de leurs biens pour financer leur participation. De telle sorte, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sans avoir à réintroduire le recours sur succession, vous avez en réalité introduit dans cette loi un véritable recours sur l'existant. C'est cela que nous ne pouvons accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Martin, Le Raincy n'a ni foie gras ni armagnac mais un foyer de la protection judiciaire de la jeunesse...
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je veux simplement faire remarquer à M. Martin qu'avec les mesures que nous prenons, la part du FFAPA pour le Gers s'équilibrera à 50 % avec la part départementale. Grâce à cette solidarité que nous mettons en place, le Gers et la Creuse ne seront pas défavorisés.
    M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Que ce soit au Raincy ou dans le Gers, à chacun sa qualité de vie, monsieur le président ! Vous avez, par ailleurs, fait allusion à des « contraintes horaires ». Mais M. le secrétaire d'Etat nous a dit qu'il avait le temps. Alors profitons-en !
    Vous venez ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, sinon de répondre en tout cas d'intervenir spontanément, ce qui est une bonne chose et je souhaiterais que vous le fassiez plus souvent.
    M. Guy Geoffroy. A vos ordres, chef !
    M. Bernard Derosier. Certes, dans le cadre des questions au Gouvernement, le mardi ou le mercredi vous vous engagez souvent dans de mauvaises réponses et dans de bonnes polémiques. Mais depuis le début de ce débat, je ne vous ai guère entendu répondre sur le fond. Vous vous êtes borné à nous dire que nous sommes dans l'ère de la nouvelle gouvernance et du dialogue.
    M. Denis Jacquat. Et c'est vrai !
    M. Bernard Derosier. Or Mme Hoffman-Rispal et Mme Guinchard-Kunstler vous ont posé à plusieurs reprises des questions qui sont restées sans réponse. Votre cabinet est sans doute en train de les préparer.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Cessez donc de nous donner des leçons !
    M. Bernard Derosier. Monsieur Falco, je ne vous donne pas de leçons : j'engage le débat démocratique avec vous. Si chaque commentaire est une leçon...
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Oui, on sait : la démocratie, c'est vous ! Nous, nous ne savons pas ce que c'est !
    M. Bernard Derosier. C'est votre appréciation. Je vous en laisse la responsabilité.
    M. Mansour Kamardine. Parlez donc de l'article 1er, monsieur Derosier !
    M. Bernard Derosier. L'article 1er vise donc à modifier le droit d'accès à l'allocation personnalisée d'autonomie. Convenez au moins, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il ne s'agit pas de « sauver l'APA » comme vous le répétez depuis hier soir.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous voyez bien que j'ai dit des choses !
    M. Bernard Derosier. Car toute loi est susceptible d'être améliorée sinon elle s'apparenterait à un carcan. Or l'application de la loi de juillet 2001, Mme Guinchard me pardonnera, a fait apparaître quelques imperfections.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Tout à fait !
    M. Bernard Derosier. Et certains présidents de conseils généraux, que je ne dénoncerai pas ici, se sont engouffrés dans cette brèche et n'ont pas payé l'allocation forfaitaire au bout de deux mois, comme la loi les y obligeait.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Tout à fait !
    M. Bernard Derosier. Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez des sources d'information dont le Parlement ne dispose pas, il vous serait facile de recenser ces départements où la loi de juillet 2001 n'a pas été respectée. Mais vous avez fait un autre choix. Aujourd'hui, vous allez aggraver encore la situation, puisque vous renvoyez l'ouverture des droits à un délai de deux mois après constatation que le dossier est complet. Quelle sera toutefois la sanction pour les départements qui laisseront courir le délai sous des prétextes fallacieux ?
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Bonne question !
    M. Bernard Derosier. Le principe d'un contrôle du respect de la loi par les collectivités territoriales n'étant en rien choquant, selon moi, avez-vous imaginé un moyen qui garantisse que la loi sera respectée en la matière ?
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 2 et 15.
    L'amendement n° 2 est présenté par Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s- communistes et républicains ; l'amendement n° 15 est présenté par Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffmann-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 1er ».
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint pour quelques mots, je pense, dans la mesure où M. Gremetz a indiqué tout à l'heure dans son intervention sur l'article 1er qu'il présentait en même temps cet amendement.
    Mme Muguette Jacquaint. Moi, aussi, j'ai pris des engagements pour ce soir et je vois bien que nos collègues ne souhaitent pas de séance de nuit, mais qu'on nous permette quand même de nous exprimer !
    M. le président. Bien sûr !
    Mme Muguette Jacquaint. L'article 1er vise à repousser de deux mois la date d'ouverture du droit à l'APA. Désormais, donc, l'entrée en jouissance des droits de l'allocation correspondra non plus à la date de dépôt du dossier complet, mais à celle de la notification de sa décision par le président du conseil général. Or, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire en commission, cette mesure va conduire, qu'on le veuille ou non, à exclure des personnes qui ne feront pas la démarche pour obtenir l'APA, car elles ne pourront plus en bénéficier dès leur sortie de l'hôpital. C'est scandaleux !
    Non, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne sauvez pas l'APA : vous durcissez les conditions qui y donnent droit pour les personnes qui en ont le plus besoin.
    D'ailleurs, cette disposition vient s'ajouter à d'autres du même type. D'ores et déjà, en effet, vous avez retardé d'un mois l'ouverture des droits à la CMU, vous avez supprimé le ticket modérateur pour les populations étrangères. Cela fait beaucoup de mesures antisociales. Alors cessez de répéter que vous voulez sauver le système : non, vous le dégradez.
    Nous ne pouvons pas accepter, quant à nous, qu'on revienne sur le principe de l'automaticité de l'ouverture du droit à la rétroactivité. D'autant que, comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsque la personne formule sa demande, elle est déjà en situation d'urgence et dans l'attente du soutien précieux que constitue l'APA. Vous nous dites qu'il faut simplifier et alléger la gestion administrative, et contrôler que les allocataires remplissent toutes les conditions. Notons au passage qu'on est moins pointilleux sur certains contrôles. Quelques départements, par exemple, faute de tenir les délais d'instruction des dossiers, continuent de recourir systématiquement à l'allocation forfaitaire, considérée comme mode normal de gestion de l'APA, contrairement à l'esprit de la loi de 2001, qui lui donnait un caractère exceptionnel.
    Je le répète, nous ne pouvons pas accepter que cette prestation soit remise en cause pour un grand nombre de ses bénéficiaires. Pour nous, il est impératif que les demandes d'APA soient satisfaites en temps utile et que le montant forfaitaire soit maintenu en l'état. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression de l'article 1er.
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour soutenir l'amendement n° 15.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. En préalable, je tiens à souligner que les propos de M. le secrétaire d'Etat sur la démocratie m'ont extrêmement surprise. La démocratie, c'est nous tous, ici ! Nous sommes les députés de toute la France, chacun représentant sa circonscription. Or j'estime que la démocratie est ici bafouée,...
    M. Guy Geoffroy. Quel excès !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ... car aucun amendement n'est accepté, pas même ceux de la majorité.
    S'agissant de l'amendement n° 15, je me bornerai à insister sur deux points, Mme Jacquaint ayant très bien montré en quoi l'article 1er était dangereux. Je rappellerai tout d'abord que cet article est le résultat de l'inquiétude d'un certain nombre de conseils généraux, face à la montée en charge de la demande. Et il est vrai que l'APAE forfaitaire a été versée de façon très importante. Aujourd'hui, on prend prétexte de cette situation particulière pour opérer un véritable recul, et instaurer une inégalité entre les personnes âgées hébergées en établissement et celles restant à leur domicile.
    Par ailleurs, quand une personne âgée sortant de l'hôpital nécessite une prise en charge à domicile, c'est tout de suite qu'il la lui faut. Repousser le délai de deux mois, c'est ne pas tenir compte de cette réalité. Monsieur le secrétaire d'Etat, écoutez les infirmières et les équipes médico-sociales qui mettent en place les plans d'aide et qui constatent qu'elles interviennent déjà souvent trop tard. Faites très attention car, à partir d'une situation particulière, vous êtes en train de mettre en place un système régressif.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 2 et 15 ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. La plupart des personnes attendent la notification de l'aide pour recourir à un service, parce qu'elles veulent connaître leur classement dans la grille AGGIR avant de procéder à l'embauche. C'est pourquoi les deux premiers mois étaient souvent versés sans être dépensés.
    M. Victorin Lurel. C'est un postulat !
    M. Georges Colombier, rapporteur. La commission a donc rejeté ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. En fixant, pour l'ouverture du droit à l'APA, la date de la notification de la décision du président du conseil général, l'article 1er constitue une mesure de simplification visant à alléger la gestion administrative du contrôle de l'effectivité de l'aide par les départements, d'une part, et à clarifier les règles pour l'usager, d'autre part.
    Comme vous le savez, l'APA est une prestation affectée, soumise à un contrôle d'effectivité auquel les deux mensualités actuellement versées à titre rétroactif ne dérogent pas. Or ces mensualités ne correspondent généralement pas à une aide effective. La grande majorité des personnes âgées n'anticipent pas la décision d'attribution : elles ne recourent pas aux services d'une tierce personne sans avoir obtenu la garantie d'une prise en charge en bonne et due forme. Ainsi, dans la pratique, la conjugaison des principes de rétroactivité et d'effectivité s'avère inopérante et source d'incompréhension. Non seulement le contrôle d'effectivité peut conduire à reprendre ce qui vient d'être accordé, mais il exige la mise en oeuvre par les services instructeurs de procédures lourdes et aléatoires de récupération des sommes indûment versées.
    Pour toutes ces raisons, je m'oppose à ces amendements de suppression.
    M. le président. La parole est à Mme Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. La réponse de M. le secrétaire d'Etat me semble résulter d'une absence de connaissance de la réalité. L'allocation personnalisée d'autonomie est basée sur la construction d'un plan d'aide, réalisé par l'équipe médico-sociale après avoir évalué, avec la famille et l'entrourage, le niveau de dépendance de la personne âgée.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous avez bien écouté ce que je viens de dire, vous devez comprendre que cet article est inspiré par une situation particulière, propre à la première année d'application de l'APA. Je peux vous assurer qu'à partir du moment où le dispositif aura atteint sa vitesse de croisière dans l'ensemble des départements, l'enjeu sera, au contraire, d'intervenir le plus rapidement possible. Ce délai de deux mois imposé avant la prise en charge est donc dangereux pour les personnes âgées elles-mêmes.
    M. Michel Vergnier. Bien sûr !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Cet article se fonde sur le soupçon.
    Depuis le début de l'examen des articles, j'essaie de m'exprimer sans aucun esprit de polémique. Je le répète, monsieur le secrétaire d'Etat, le phénomène que vous décrivez est simplement le résultat de la première année de montée en charge. Ensuite, ce délai de deux mois se révélera dangereux, et c'est pour cette raison qu'il ne faut pas l'inscrire dans la loi. Les médecins exerçant dans les services de moyen séjour sont ravis de pouvoir compter sur l'attribution immédiate de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile, qui permet aux personnes âgées de quitter rapidement l'hôpital.
    Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr !
    M. Victorin Lurel. C'est du vécu !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2 et 15.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - L'article L. 232-7 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
    « 1° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « A la demande du président du conseil général, le bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie est tenu de produire tous les justificatifs de dépenses correspondant au montant de l'allocation personnalisée d'autonomie qu'il a perçu et de sa participation financière. » ;
    « 2° Dans le dernier alinéa, après les mots : "à l'article L. 232-4,, sont insérés les mots : "si le bénéficiaire ne produit pas dans un délai d'un mois les justificatifs mentionnés à l'alinéa précédent. »
    La parole est à M. Denis Jacquat, inscrit sur l'article.
    M. Denis Jacquat. J'y renonce, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Une partie de cette proposition de loi est basée sur la méfiance : on soupçonne que l'APA pourrait être utilisée autrement que pour compenser la dépendance. Le même soupçon pesait sur l'ACTP, ce qui a entraîné le mise en place de la PSD.
    L'application de ce que l'on appelle le principe de l'effectivité, se traduisant par un plan d'aide, constitue un vrai progrès dans nos politiques sociales, je crois que tout le monde est d'accord sur ce point.
    Le principal enjeu de l'allocation personnalisée d'autonomie, c'est la construction d'une politique complète en direction des personnes âgées, conduisant par exemple à ce que les équipes médico-sociales soient formées à la gérontologie, ce qui n'est pas le cas encore dans tous les départements : certains l'ont fait, d'autres non.
    Une fois de plus, ce n'est pas une telle politique qui nous est proposée, mais un certain nombre de dispositifs inspirés par le soupçon. Et je le répète - je l'ai peut-être exprimé un peu vivement tout à l'heure, mais c'est un fait -, je ne suis pas surprise que cette proposition vienne du Sénat.
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. L'article 2 tend à compléter le contrôle de l'effectivité de l'usage des fonds en donnant au président du conseil général la possibilité, éventuellement a posteriori, de demander au bénéficiaire la production de justificatifs des dépenses engagées dans le cadre du plan d'aide. A la suite d'une dénonciation ? Je n'irai pas jusqu'à le prétendre.
    Les dispositions actuelles ont-elles vraiment besoin d'être complétées ? Je ne le crois pas. Ne l'oublions pas, c'est la personne âgée qui est au centre de nos préoccupations. Il n'est pas très cohérent de vouloir l'aider à mieux vivre chez elle tout en assortissant cette aide de tracasseries administratives.
    Avez-vous réfléchi, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce que l'on exigera de ces personnes, dont vous connaissez la fragilité ? Pour la plupart d'entre elles, la simple vue d'un imprimé constitue en soi un traumatisme, et entraîne un stress tel que souvent, la famille le leur cache. Or en négligeant de répondre, on s'expose à la suppression du versement de l'allocation. J'espère que ce n'est pas le but recherché, mais je suis fondée à m'interroger sur ce point.
    L'allocation pour perte d'autonomie n'est certes pas un complément de retraite, comme certains ont pu le croire lors de sa création. Elle doit être versée dans un but précis, après l'établissement d'un plan d'aide. Pourtant, comme pour le RMI et la CMU, voilà qu'un sentiment de suspicion commence à peser sur l'allocataire, ainsi que sur sa famille et sur tous ceux qui consacrent leurs compétences à son maintien à domicile.
    Ce délai d'un mois peut paraître long, mais il est en fait trop court pour que la personne âgée puisse fournir les justificatifs demandés. Les retards - et non les tentatives de fraude - vont être la cause de nombreuses radiations, entraînant autant de contentieux.
    Peut-être les conseils généraux vont-ils, dans un premier temps, gagner quelques euros mais, in fine, lorsque cette période de prévention aura disparu, personne ne sera bénéficiaire : ni les deniers publics, ni la personne qui reste pourtant au centre de nos préoccupations.
    C'est pour cette même raison que je trouve absurde de ne pas continuer à ouvrir les droits à l'APA dès le dépôt du dossier. Peut-être faudra-t-il, alors, prendre dans l'urgence des mesures exceptionnelles, comme l'a dit M. Fillon, voici quelques jours, à propos de la CMU. Mais qui décidera de l'urgence, monsieur le secrétaire d'Etat, et - je vous le demande encore -, qui va y gagner ?
    Vous comprendrez donc que nous ne pouvons accepter cet article, où s'additionnent suspicion et mauvaise prise en compte des personnes dépendantes. Il est inspiré à la fois par un mauvais calcul financier et par un mépris des personnes auxquelles vous prétendez vous intéresser.
    Mes chers collègues, vous avez, comme moi, reçu des lettres et des appels téléphoniques ; vous avez rencontré des personnes âgées et des familles inquiètes. Monsieur le secrétaire d'Etat, si le Gouvernement ne veut pas entendre l'opposition, qu'il ne soit quand même pas sourd à l'appel de ces personnes. Comme vous l'a demandé M. Jacquat : restez proche des Français !
    Et, s'il est vrai qu'il ne s'agit que d'une mesure transitoire, alors, ensemble, remettons tout à plat, et ne nous précipitons pas. Ne nous attaquons pas maintenant à la loi de 2001, mais prenons du recul, attendons de voir ce qui se passera dans les mois à venir. Nous pourrons alors, à bon escient, apporter une contribution qui ne soit pas mathématique, mais qui, dans notre optique, apporte un confort supplémentaire à la personne en difficulté et à sa famille.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.
    M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, mes chers collègues, supprimez cet article ! J'ai, décidément, beaucoup de mal à comprendre son utilité, alors que les dispositions qu'il contient figurent, par ailleurs, dans le décret d'application.
    J'ai du mal à comprendre, mais j'ai de la mémoire, et cela me rappelle étrangement une époque où nos anciens étaient accusés d'utiliser l'allocation compensatrice pour tierce personne pour donner de l'argent de poche à leurs petits-enfants ou leur payer une Mobylette ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas si lointain que cela, et vous le savez. Cela me choque profondément. Cette mesure, qui se veut sans doute comptable, est vraiment inacceptable.
    Elle est choquante, mais aussi blessante. Il est choquant que l'on imagine que des personnes âgées, ou leurs familles, puissent utiliser la perte d'autonomie pour gagner de l'argent ! Blessant de soupçonner ceux qui, jour après jour, voient augmenter leur fragilité.
    Lorsque vous proposez une telle mesure, pensez-vous aux personnes âgées dépendantes ou qui le deviennent ? Sans doute, si vous en aviez dans votre famille, ne l'auriez-vous pas défendue. La préoccupation première de nos aînés, c'est de vivre, c'est de garder leur dignité, c'est d'aimer les leurs, de les protéger, de s'inquiéter de leur avenir, et non pas de monter des dossiers trafiqués. Pour le faire, d'ailleurs, il faudrait une grande habileté et surtout une volonté coupable qui devrait être sanctionnée.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez comme moi que la fraude fiscale est énorme dans notre pays, surtout de la part des plus aisés. C'est ceux-là qu'il faut traquer, si vous voulez gagner de l'argent ! C'est à ceux-là qu'il faut s'attaquer, pas à nos aînés ! Car, comme le chantait si bien Jacques Brel, « Mourir, cela n'est rien. Mourir, la belle affaire ! Mais vieillir, ah ! vieillir... ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues de la majorité, je vois quant à moi dans cet article une sorte d'hommage du vice à la vertu. En effet, combien de fois vous ai-je entendu reprocher à la gauche son excès de bureaucratie, sa volonté de favoriser les interventions de l'administration ? Or, avec cet article, vous êtes en train d'introduire une procédure qui, après un an et quelques mois de fonctionnement de l'APA, ne se justifie pas. Car il n'y a vraiment aucune raison de se donner des moyens d'investigation supplémentaires par rapport à ceux qui sont prévus dans la loi.
    Alors pourquoi cette volonté de tenir ainsi en suspicion les bénéficiaires de cette allocation ? En fait, je pense que la réponse se trouve dans la philosophie politique qui vous anime. Vous avez a priori de la suspicion pour tout bénéficiaire d'une allocation sociale, et derrière votre volonté d'en contrôler l'usage se cachent finalement les vieux démons de la droite réactionnaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. N'ayons pas peur des mots !
    M. Bernard Schreiner. Irresponsable !
    M. le président. Monsieur Derosier, je n'ose croire que vous provoquez vos collègues pour allonger le débat.
    M. Bernard Derosier. A peine, monsieur le président ! (Sourires.)
    M. le président. Poursuivez, s'il vous plaît, monsieur Derosier, en faisant preuve de votre sens des responsabilités.
    M. Bernard Derosier. Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président. Je pense que cette disposition s'explique aussi par une autre raison. Sachant que l'APA s'adresse à un public fragilisé, vous attendez de ces tracasseries supplémentaires qu'elles le découragent de la solliciter et escomptez ainsi des économies.
    M. Michel Vergnier. C'est le but !
    M. Bernard Derosier. Mais si telle est votre intention, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut le dire clairement devant la représentation nationale.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Voilà un article particulièrement choquant, particulièrement injuste, mais aussi, sauf erreur, révélateur de votre état d'esprit. Les collègues qui se sont exprimés avant moi ont bien montré à quel point cette attitude choquante et mesquine aura des effets négatifs pour les personnes concernées. L'Assemblée s'est pourtant donné pour but de les aider. En tout cas, c'est notre intention.
    A combien d'entre nous est-il arrivé d'avoir des difficultés pour conserver toutes les pièces qui pourraient leur être utiles, tel relevé bancaire ou tel autre document ? Et nous qui ne sommes pas toujours d'une efficience totale dans ce domaine, nous demanderions à des personnes âgées de l'être ?
    Vous allez me dire que la loi est dure, mais que c'est la loi et qu'une telle mesure est nécessaire. Mais en quoi, mes chers collègues ? L'assemblée des départements de France ou même quelque président de conseil général nous ont-ils interpellés au sujet de fraudes que des responsables de terrain auraient constatées dans leur département ? Y a-t-il eu de telles prises de position publiques de la part des élus ?
    Le Gouvernement qui vient défendre ce texte dans la précipitation peut-il nous montrer un document, signé par exemple de l'inspection générale des affaires sociales ou de tout autre corps de contrôle et d'inspection de l'Etat, qui démontrerait que l'APA donne lieu à du coulage ? Non. A ma connaissance, et sauf révélation intéressante du Gouvernement, aucun élément ne vient justifier cette position, si ce n'est une intuition que vous partagez avec nos collègues sénateurs.
    Cette intuition traduit, en réalité, une attitude psychologique et mentale vis-à-vis de l'APA et, d'un certain point de vue, vis-à-vis de toute innovation sociale. Il s'agit là véritablement d'une constance, que l'on a pu relever déjà par le passé, non seulement au moment de la mise en oeuvre des premières lois sur la dépendance, mais aussi lors de la mise en place du RMI.
    M. Denis Jacquat. Pas d'accord ! Le RMI était une très bonne chose !
    M. Jean-Marie Le Guen. Et au-delà même de ces quinze dernières années, c'est à propos de l'ensemble des lois sociales que l'on retrouve en permanence la bonne et belle intuition qui est celle de la droite, et qui revient à justifier la disqualification morale d'une aide sociale par le fait qu'elle a été détournée par certaines personnes.
    Cette attitude constante a aujourd'hui ceci d'exceptionnel qu'elle ne se fonde sur aucune réalité, aucun témoignage d'un responsable un tant soit peu qualifié pour nous en parler. Il s'agit là d'une pure « pépite idéologique », si j'ose dire, bien représentative de l'attitude qui est la vôtre face aux questions sociales.
    Mes chers collègues, si nous avions un débat normal, je suis sûr que la plupart d'entre vous demanderaient aujourd'hui le retrait de cet article, afin de se donner le temps de la réflexion, à travers un rapport par exemple, quitte à amender le texte en prévoyant tout un système d'exceptions.
    Mais ce n'est pas du tout ce que vous faites, parce que la mécanique de cet article, voire de tout le texte, est inspirée par une pensée sociale profondément réactionnaire, dont vous êtes incapable de vous départir.
    Ou alors il faudrait que vous sortiez du carcan qui est le vôtre et que vous vous exprimiez en tant que parlementaires, témoignant de votre attitude réelle vis-à-vis de l'APA. En exerçant tout simplement votre travail de parlementaire, votre droit d'amendement, et en décidant le retrait de cet article, vous feriez preuve d'un minimum de dignité par rapport à cet objectif : faire en sorte que la vie soit plus facile pour les personnes âgées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. Je vous rappelle, madame, que vous aurez dans un instant l'occasion d'intervenir sur l'amendement n° 3.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, en intervenant sur l'article, je compte développer les raisons qui nous ont incités à déposer un amendement de suppression.
    M. Denis Jacquat. Très bien !
    Mme Muguette Jacquaint. Un débat a d'ailleurs eu lieu en commission. Certaines mesures de la proposition de loi sont choquantes car empreintes de suspicion à l'égard des personnes dépendantes qui ont droit à l'APA. Il vaudrait mieux dire franchement que l'on cherche à réduire le nombre de bénéficiaires de l'APA. Si l'on ne peut évidemment s'opposer au principe de l'effectivité, on ne peut que s'interroger sur le renforcement des conditions de contrôle, dans la mesure où les services départementaux ont déjà du mal à appliquer le dispositif en vigueur.
    De plus, la logique coercitive qui sous-tend les nouvelles dispositions, considérant les bénéficiaires de l'APA comme des tricheurs en puissance, donne un caractère pour le moins maladroit à votre proposition de loi.
    Bien sûr, il faut contrôler, mais on est moins tatillon pour d'autres contrôles et on ne peut accepter l'esprit dans lequel vous proposez ceux-là, qui n'ont comme objectif que de réduire les droits. Ajouter des tracasseries, complexifier encore davantage la production de justificatifs pour des personnes qui, étant dépendantes, ont déjà des difficultés à gérer leurs affaires, notamment lorsqu'elles n'ont pas recours à des associations prestataires et sont elles-mêmes employeurs, cela ne me paraît pas normal. Sanctionner en suspendant le versement de l'aide en cas de défaut de production de justificatifs correspondant à l'aide ne me semble pas non plus être la solution la plus appropriée pour renforcer le contrôle de l'effectivité de l'aide.
    M. le président. Veuillez conclure, madame Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. J'ai droit à cinq minutes, je vous le rappelle.
    M. le président. Cinq minutes au plus !
    Mme Muguette Jacquaint. Nombre de départements ont eu tendance à privilégier le gré à gré dans un premier temps.
    Enfin, dernier argument contre la réécriture proposée, cette justification des dépenses au regard du plan d'aide au franc le franc m'apparaît difficilement applicable lorsque les personnes - comme j'en connais - utilisent une partie de leur plan d'aide pour des dépenses autres que celles consacrées à des aides en personnel, par exemple pour des travaux de rénovation de leur logement afin d'y être plus à l'aise. Il est évident que c'est plus difficile à justifier, mais cela répond à un besoin et c'est prévu dans la loi de 2001.
    Pour toutes ces raisons, mais également parce que cette disposition anticipe le bilan à venir et crée, comme je l'ai dit, une suspicion à l'égard des personnes âgées et de leurs familles, nous avons demandé la suppression de l'article 2. Vous aurez compris, monsieur le président, que j'ai ainsi défendu mon amendement.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande la parole !
    M. le président. Mon cher collègue, vous allez pouvoir intervenir dans quelques instants. Cinq orateurs ont exprimé la position du groupe socialiste. Je vous donne cependant la parole pour une courte intervention afin que vous exprimiez celle de groupe communiste.
    M. Maxime Gremetz. Je ne peux pas ne pas dire un mot sur cet article qui est ce qu'il y a de plus révoltant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est de l'inquisition, c'est insultant pour les personnes âgées.
    M. Bernard Schreiner. Allez, Maxime !
    M. Maxime Gremetz. Le pire, c'est qu'on généralise ce genre de mesures. Ce n'est pas par hasard si toutes les associations protestent avec indignation. Elles sont colère. Continuez ainsi. Cela vous jouera des tours, je vous préviens.
    M. Bernard Schreiner. C'est ce qui vous est arrivé !
    M. Maxime Gremetz. On a déjà fait cela avec le PARE pour les chômeurs. Résultat, on en a éliminé 875 000 des listes de demandeurs d'emploi. On le refait avec les bénéficiaires de la CMU et de l'AME. C'est systématique. Et le plus révoltant, c'est que l'on considère les personnes âgées, les chômeurs, les pauvres qui bénéficient de la CMU, comme des suspects, comme des tricheurs en puissance. Et cela au moment où l'on abroge la loi sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics ! Les patrons voyous s'en donnent à coeur joie pendant que vous vous en prenez aux personnes âgées et aux chômeurs.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Très bien !
    M. Michel Vergnier. Retirez cet article, monsieur le secrétaire d'Etat !
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 3 et 16.
    L'amendement n° 3 est présenté par Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 16 est présenté par Mme Guinchard-Kunstler, Mme Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 2. »
    Je considère que ces amendements ont été défendus et je demande l'avis de la commission.
    M. Georges Colombier, rapporteur. Quelques commentaires pour répondre aux différents intervenants. Depuis quelques années, la solidarité s'est inversée. Souvent, ce sont les grands-parents, voire les arrière-grands-parents qui, désormais, aident les plus jeunes.
    M. Michel Vergnier. Tant mieux !
    M. Georges Colombier, rapporteur. Pour ma part, je n'ai aucune suspicion contre les personnes âgées. Je les connais trop bien. Mais j'entends certains de nos concitoyens qui, par égoïsme ou par méconnaissance du sujet peut-être, souhaitent un contrôle.
    Enfin, le texte doit impérativement être voté avant la fin du mois de mars dans les mêmes termes que nos collègues du Sénat. Nous sommes donc dans l'urgence.
    M. Michel Vergnier. Retirez l'article !
    M. Georges Colombier, rapporteur. Quoi qu'il en soit, la commission a rejeté ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. C'est une mauvaise querelle : il n'est fait aucune obligation, les députés de gauche le savent bien, et le président du conseil général a la faculté de le faire ou de ne pas le faire. Pour certains députés, le seul fait de prévoir la possibilité de demander des pièces justificatives serait offensant, installerait une suspicion. Pourtant, personne ne s'étonne de devoir présenter des ordonnances et le détail des justificatifs aux organismes d'assurance-maladie, et tout le monde colle des vignettes sur les demandes de remboursement.
    M. Bernard Derosier. Plus maintenant, il y a la carte Vitale.
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur Colombier, ce n'est pas vous qui faites preuve de suspicion, mais la proposition de loi : permettez-moi de lire les termes exacts du texte que vous nous proposez aujourd'hui : « A la demande du président du conseil général, le bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie est tenu de produire tous les justificatifs de dépenses. »
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. « A la demande » !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. « Dans le dernier alinéa, après les mots : " à l'article L. 232-4, sont insérés les mots : " si le bénéficiaire ne produit pas dans un délai d'un mois les justificatifs mentionnés à l'alinéa précédent. » Vous voyez bien qu'il y a suspicion. M. Derosier a raison. Et c'est la suspicion qui vous guide dans votre approche de toutes les interventions sociales.
    Pourtant, je peux vous assurer que, lorsque les personnes âgées demandent l'allocation personnalisée d'autonomie, c'est qu'elles en ont besoin.
    Lisez le texte que vous avez accepté au Sénat. Il s'agit bien de créer une obligation pour les conseils généraux, alors que les décrets prévoyaient déjà ce contrôle. Je ne vois pas l'intérêt de les inscrire dans la loi.
    M. Maxime Gremetz. Je vous en supplie, par dignité, retirez cet article !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 3 et 16.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. Maxime Gremetz. Le rouge de la honte monte au front de M. Jacquat !
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Article 2 bis

    M. le président. « Art. 2 bis. - L'article L. 232-15 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 232-15. - L'allocation personnalisée d'autonomie peut, sur délibération du conseil général, être versée directement aux salariés, aux services d'aide à domicile, notamment ceux visés à l'article L. 129-1 du code du travail, ou aux établissements visés au 6° de l'article L. 312-1 du présent code et au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique utilisés par le bénéficiaire de l'allocation. »
    La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, inscrite sur l'article.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Voici le seul article qui ait de l'intérêt, puisqu'il va permettre de construire le secteur du maintien à domicile.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.
    (L'article 2
bis est adopté.)

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - L'article L. 232-16 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
    « Art. L. 232-16. - Pour vérifier les déclarations des intéressés et s'assurer de l'effectivité de l'aide qu'ils reçoivent, les services chargés de l'évaluation des droits à l'allocation personnalisée d'autonomie et du contrôle de son utilisation peuvent demander toutes les informations nécessaires aux administrations publiques, notamment aux administrations fiscales, aux collectivités territoriales, aux organismes de sécurité sociale et de retraite complémentaire qui sont tenus de les leur communiquer. Lesdites informations doivent être limitées aux données nécessaires à l'identification de la situation du demandeur en vue de l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie et au contrôle de l'effectivité de l'aide, en adéquation avec le montant d'allocation versé. Elles sont transmises et utilisées dans des conditions grantissant leur confidentialité. »
    Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 4 et 17.
    L'amendement n° 4 est présenté par Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 17 est présenté par Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 3. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 4.
    Mme Muguette Jacquaint. Les arguments évoqués à l'appui de notre amendement de suppression de l'article 2 renforçant les conditions de contrôle de l'effectivité de l'aide apportée aux bénéficiaires de l'APA à domicile valent aussi pour le présent amendement, car, là encore, il s'agit de suspicion à l'égard des personnes ayant droit à l'APA.
    La procédure de contrôle, par les services chargés de l'évaluation de l'APA, des déclarations faites par les bénéficiaires de cette allocation étant déjà prévue à l'article L. 232-16 du code de l'action sociale et des familles, il est inutile, monsieur le secrétaire d'Etat, de la compléter. Cette disposition n'a d'autre raison que de déceler tout ce qui pourrait remettre en cause le bénéfice de l'APA en vue de réaliser des économies - vous ne vous en cachez d'ailleurs pas.
    Toutes les associations et les travailleurs sociaux s'insurgent contre de telles mesures qui s'inscrivent dans la même logique que celles qui ont été prises concernant l'AME ou la CMU. En réalité, votre texte souhaite arrêter la montée en charge, pourtant inéluctable, de l'APA par la dissuasion : il faut être tatillon, soupçonneux, il faut contrôler. De cette manière, on fera des économies et on diminuera le nombre des personnes qui ont droit à l'APA.Vous remettez en cause une mesure qui allait dans le sens du progrès social.
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour soutenir l'amendement n° 17.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est toujours la même suspicion qu'à l'article précédent : contrôles avec toujours le même objectif, décourager les personnes âgées et les culpabiliser. Je trouve très grave cette façon de jouer avec le sentiment de culpabilité.
    Michel Vergnier, a cité une phrase de Jacques Brel sur la vieillesse. Quant à moi, je pense toujours à sa chanson, « Les Vieux » : « puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit ». Le regard que vous portez sur la vieillesse révèle votre incapacité à concevoir que les personnes âgées sont dignes et veulent sortir de la dépendance. Vous pensez toujours que ce sont des grippe-sous qui ne veulent qu'une chose, récupérer de l'argent, alors qu'ils ne demandent qu'à vivre dignement.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous nous faites des procès d'intention !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Non, monsieur Dubernard. Les articles 2 et 3 sont empreints de suspicion, ils sont marqués par le soupçon que vous avez traditionnellement en considérant les politiques sociales.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Je voudrais simplement dire, sur le même ton, qu'il n'y a pas, d'un côté, ceux qui n'aimeraient pas les personnes âgées et, de l'autre, ceux qui les aimeraient.
    Les deux amendements ont été rejetés par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 4 et 17.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
    (L'article 3 est adopté.)

Après l'article 3

    M. le président. M. Vergnier, Mme Guinchard-Kunstler, Mme Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement n° 23, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Après le I de l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
    « I bis. -     1° Il est institué, à compter de 2003, une dotation de solidarité pour les départements aux faibles ressources financières et à la population particulièrement âgée.
    « Les dépenses correspondantes sont retracées dans une section spécifique du Fonds de Financement de l'allocation personnalisée d'autonomie dénommée « Fonds de solidarité » abondée par une fraction de la recette mentionnée au 2° du III ; cette fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, ne peut être supérieure à 10 % des sommes en cause.
    « Cette dotation de solidarité permettra la prise en charge intégrale par le FFAPA des dépenses relatives à la mise en oeuvre de l'APA au-delà d'un seuil égal à 28 % du potentiel fiscal.
    « La référence pour les dépenses de l'année N est le potentiel fiscal de l'année N-2.
    « Au titre du rattrapage de l'année 2002, le seuil susvisé sera de 17 % ; les sommes correspondant à ce rattrapage seront prises sur la part de recettes de l'année 2002 versée en 2003.
    « Les dépenses seront plafonnées à une moyenne départementale égale respectivement à 50 % et 30 % du montant de la majoration pour tierce personne telle que définie au 1°, par allocataire à domicile et en établissement. Ces dépenses prendront en compte l'allocation différentielle pour les résidents en établissement sous réserve qu'elle ait été instituée avant le 31 décembre 2002.
    « La dotation de solidarité sera versée par acomptes mensuels suivant les dépenses prévisionnelles et régularisées au cours de l'exercice suivant.»
    « 2° La dotation globale de fonctionnement des départements est majorée à due concurrence.»
    « 3° Les pertes de recettes engendrées par l'application des 1° et 2° sont compensées à due concurrence par la majoration de l'impôt prévu aux articles 885 A et suivants du code général des impôts.»
    La parole est à M. Michel Vergnier.
    M. Michel Vergnier. Cet amendement ne vous surprendra pas, puisqu'il concerne la péréquation entre départements.
    Les données disponibles permettent d'établir avec certitude la charge réelle qui pèsera sur les départements non seulement au titre de l'année 2003 mais aussi au titre des années ultérieures. Tout à l'heure, mon collègue du Gers, Philippe Martin, s'est exprimé. Mais on pourrait citer bien d'autres départements : l'Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Haute-Loire, la Haute-Vienne, le Tarn-et-Garonne, les Hautes-Pyrénées, et bien d'autres...
    M. Maxime Gremetz. Et la Somme !
    M. Michel Vergnier. Et la Somme. Tous ces départements sont confrontés à des difficultés analogues.
    Avec cet amendement, qui n'augmente pas les dépenses, monsieur le secrétaire d'Etat, mais qui vise à une autre répartition, nous apporterions une véritable preuve de la solidarité nationale entre les départements. Nous pourrions ainsi constater que l'effort que vous avez fait en 2003 - et que je souligne à nouveau, parce qu'il faut le reconnaître - serait pérennisé de façon comptable, mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire en permettant d'aider ceux qui ont le moins de moyens. Parce que, voyez-vous, je le dis très simplement, entre le département des Hauts-de-Seine et celui de la Creuse, il n'y a pas photo ! Et il n'est pas besoin de vous dire lequel des deux a le plus besoin d'être aidé. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de considérer cet amendement avec attention. Nous voulons assurer, je le répète, la pérennité de cette mesure, au moyen d'un dispositif qui n'est pas inflationniste, compte tenu des dispositions de maîtrise des dépenses de l'APA d'une part, et de l'augmentation naturelle du potentiel fiscal, d'autre part.
    Donc, mes chers collègues, nous allons voir si la solidarité entre départements peut jouer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Cet amendement est très semblable à deux amendements qui allaient dans le même sens et qui avaient été repoussés par la commission. L'avis est défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous nous sommes déjà exprimés à plusieurs reprises sur cet amendement. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 21 rectifié, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Après le I de l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
    « I bis. - Il est institué, à compter de 2003, une dotation de solidarité pour les départements qui, compte tenu de la faiblesse de leur potentiel fiscal, ne disposent pas des ressources suffisantes pour assurer le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Ne sont éligibles à cette dotation de solidarité que les départements dont, d'une part, le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans rapporté à la population départementale est supérieur à 1,20 fois la moyenne des ratios départementaux et dont, d'autre part, le potentiel fiscal par habitant du département est inférieur à 0,85 fois la moyenne des ratios départementaux.
    « La dotation de solidarité allouée aux départements remplissant cette double condition est égale au ratio de ces deux critères diminué du coefficient de 1,50.
    « Ces dépenses sont retracées dans une section spécifique du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, dénommée « Fonds de solidarité », qui ne peut être inférieure à 10 % du montant du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. »
    La parole est à M. Michel Vergnier.
    M. Michel Vergnier. Il s'agit d'un amendement de repli, dans le même esprit que le précédent, mais un peu moins précis. Il avait d'ailleurs été présenté au Sénat par mes collègues creusois André Lejeune et Michel Moreigne. Puisque vous n'avez pas voulu envisager cette péréquation dans un sens très précis, regardez-la au moins dans cette acception plus large.
    Je vais même faire une ouverture, monsieur le secrétaire d'Etat. Puisque vous ne voulez pas assurer la pérennité des ressources des départements pour les anées à venir, prenez au moins l'engagement devant nous que l'année 2003 ne sera pas la seule année pour laquelle ils seront aidés. Vous avez dit que l'aide que vous nous apportiez, et que je salue encore une fois... Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, ne hochez pas la tête, écoutez-moi.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Mais je n'ai rien dit !
    M. Michel Vergnier. Non, mais vous avez l'air de dire que c'est une demande que vous ne comprenez pas, et qui vous embête.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Mais je n'ai rien dit ! C'est du cinéma !
    M. le président. Je ne comprends pas, monsieur Vergnier, M. le secrétaire d'Etat n'a rien dit.
    M. Michel Vergnier. Monsieur le président, vous savez bien qu'il y a aussi un langage qui s'appelle le langage gestuel...
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Ça, c'est le métier !
    M. Michel Vergnier. C'est cela, c'est le métier.
    Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, dites-nous au moins que l'année 2003 ne sera pas la seule qui verra le Gouvernement aider les départements les plus en difficulté et que ce qui a été fait cette année sera pérennisé. Ou alors, acceptez notre amendement, pour que nous puissions avoir ces certitudes.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. C'est un amendement de repli. Il est hors champ. Il a donc été repoussé par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Comme M. Vergnier le sait, une révision de la loi se fera à l'automne 2003. Il est certain que cette révision, en fonction des évaluations qui auront été faites d'ici là, nous permettra, tous ensemble, de pérenniser cette loi.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - A. - L'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
    1° Dans la deuxième phrase du neuvième alinéa du II, les mots : "dans la limite de 80 % des recettes disponibles du fonds après prise en compte des dépenses visées au 2° et au 3° sont remplacés par les mots : "et correspondent au minimum à 90 % des recettes disponibles du fonds après prise en compte des dépenses visées aux 2°, 3° et 4° ;
    2° Le II est complété par un 4° et un 5° ainsi rédigés :
    « 4° Un concours spécifique versé à titre exceptionnel pour 2003 aux départements dont le rapport entre, d'une part, les dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie en 2003 après déduction du concours prévu au 1° au titre de 2003 et, d'autre part, le potentiel fiscal tel que défini au 1°, est supérieur à un taux fixé par décret. Ce concours peut faire l'objet d'acomptes.
    « Ce concours est réparti entre les départements concernés en fonction du montant du rapport défini à l'alinéa précédent. Les modalités de la répartition sont fixées par décret.
    « Ce concours est égal à une fraction du montant de l'emprunt visé au 3° du III. Cette fraction est fixée par décret dans la limite de 20 % de ce montant. » ;
    « 5° Les dépenses relatives au remboursement de l'emprunt mentionné au III. » ;
    3° Le III est complété par un 3° ainsi rédigé :
    « 3° A titre exceptionnel en 2003, un emprunt souscrit par le fonds au cours de l'exercice 2003, dont le montant et la durée de remboursement sont fixés par décret, pour aider les départements à faire face à la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie. »
    B. - La charge et le remboursement de l'emprunt mentionnés au 3° du III de l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles seront assurés dans les conditions prévues par la loi de finances et dans le respect du concours financier de l'Etat aux départements tel qu'il est défini au 1° du II dudit article. »
    M. Jacquat, inscrit sur l'article, a renoncé à prendre la parole, de même que Mme Guinchard-Kunstler. Y renoncez-vous également, monsieur Derosier ?
    M. Bernard Derosier. Non, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Je ne voudrais pas que le Conseil constitutionnel soit amené à considérer qu'il n'y a pas eu débat, et donc j'alimente ainsi l'argumentation de celles et ceux qui défendraient un éventuel recours.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet article aborde, d'une certaine façon, les problèmes de financement. Et je veux en profiter, monsieur le secrétaire d'Etat, pour vous interroger. Aurais-je une réponse ? Les historiens l'apprécieront lorsqu'ils liront le compte rendu de nos travaux dans le Journal officiel. Mais, je crains fort qu'ils constatent que vous n'aurez pas beaucoup répondu à nos questions.
    La question est simple, monsieur le secrétaire d'Etat. Au-delà de cette proposition de loi, il y a un décret, dont on a parlé dans la discussion générale, et qui remet en question le seuil de revenu à partir duquel la personne bénéficiaire pourra recevoir cette allocation. Il y a donc, d'une certaine façon, modification du ticket modérateur. Par ailleurs, le plafond au-dessous duquel on peut demander le bénéfice de l'APA a été sérieusement réévalué puisque de 949 euros, il a été ramené à 623 euros. De ce fait, monsieur le secrétaire d'Etat, dans cette proposition de loi que le Gouvernement soutient, il semblerait qu'avec 623 euros - 4 000 francs -, on soit trop riche pour bénéficier de l'allocation personnalisée d'autonomie. J'aimerais donc que vous nous donniez votre définition de la richesse personnelle : à partir de quelle somme peut-on être considéré comme ayant des revenus satisfaisants ?
    Dans le décret que j'évoquais à l'instant, le Gouvernement manifeste également la volonté de trouver des ressources, ou en tout cas de faire des économies. Ce sont les fameux 400 millions à la charge de l'Etat, sur le 1,2 milliard d'euros qu'il faudrait trouver pour l'année 2003. Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire maintenant quelle est la hauteur des recettes escomptées à travers ce décret ? Ce serait intéressant, je crois, pour la représentation nationale d'apprécier exactement le bien-fondé des mesures que vous mettez en place.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques n°s 5 et 18.
    L'amendement n° 5 est présenté par Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 18 est présenté par Mme Guinchard-Kunstler, Mme Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 4 ».
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 5.
    M. Maxime Gremetz. L'article 4 instaure les mécanismes, ou plus exactement les bricolages, les rafistolages, apportant des correctifs immédiats concernant le financement de l'APA. Comme vous, je regrette que le rythme de la montée en charge du nombre de bénéficiaires de l'allocation n'ait pas été mieux estimé - mais c'est toujours très difficile à faire.
    Toutefois, je regrette tout autant sinon plus que les dispositifs antérieurs - ACTP, PSD - n'aient pas pris entièrement la mesure du défi qui nous était posé avec la perte d'autonomie.
    Mais aussi et surtout, je déplore vivement que vous n'en tiriez aucun enseignement. En effet, ce que nous dévoile cette montée en charge de l'APA, c'est que beaucoup de personnes dépendantes ont été exclues de la PSD que vous avez instaurée, privant ainsi ces personnes âgées dépendantes d'une prise en charge du soutien nécessaire.
    D'autre part, cette avancée sociale a permis aux travailleurs sociaux comme aux associations de mettre en lumière des situations indignes à notre époque. Dans certains départements, avec l'APA, nous avons découvert des personnes âgées en réelle perte d'autonomie, livrées à elles-mêmes, vivant dans des logements inadaptés, sans soutien, et qui, doucement, glissaient dans l'isolement et le dépérissement. Grâce à l'APA, toutes ces personnes ont pu retrouver le chemin de la dignité en recevant le bénéfice d'une aide et d'une prise en charge.
    Je disais que vous ne tirez aucun enseignement de cette situation, car votre politique se limite à renforcer des carcans budgétaires. Au lieu d'adapter le financement au nombre de bénéficiaires potentiels, vous allez faire entrer dans un financement préétabli - un cadre de 1,2 milliard - le nombre de bénéficiaires correspondant aux moyens débloqués. Cela veut dire qu'on va réduire le gâteau, alors que le gâteau des autres augmente sensiblement - je parle des riches et des fortunés -, et que l'on va laisser les personnes âgées dépendantes assumer seules leur handicap et plonger leurs familles dans le désarroi.
    Je veux bien qu'on nous reproche nos erreurs, mais vous n'êtes plus fondés à le faire, car vous n'anticipez pas l'avenir, c'est le moins qu'on puisse dire. Vous organisez ce rafistolage financier pour recommencer l'année prochaine. Voilà le noeud du problème. J'en ai la conviction, par cette proposition de loi, vous vous faites le bras armé des fossoyeurs de l'APA et vous n'assurez en rien la pérennité du financement.
    Avec cet article 4, sous couvert d'aider les départements à franchir le cap de l'année, vous enclenchez une première vague d'économies au détriment des allocataires et de leurs familles. Dans ces conditions, cette rustine budgétaire ne garantit pas le droit de l'APA après 2003, aucune piste financière pérenne n'est enclenchée. C'est du bricolage ! Le dispositif est peu précis, le Gouvernement décidant même d'arrêter par décret la répartition entre les départements du concours exceptionnel au fonds. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement sur ce point. Nous ne voulons pas ôter toute bouffée d'oxygène aux départements. Mais d'autres financements existent et nous présenterons d'autres propositions en ce sens pour répondre à l'inquiétude bien légitime des présidents de conseil général.
    Dans l'immédiat, parce que les modalités de répartition de l'emprunt sont floues, son remboursement aléatoire et sa pérennité non assurée, nous proposons de supprimer cet article.
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour soutenir l'amendement n° 18.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. L'article 4 fait passer la part du fonds versé aux départements de 80 % à 90 %. Cette disposition ne tient aucun compte de l'amélioration de la péréquation entre les départements, même si cet article prévoit pour 2003, nous ne le nions pas, un concours spécifique pour aider ceux qui sont en difficulté.
    M. Vergnier vous a demandé tout à l'heure de prendre des engagements pour les années à venir et je vous ai bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, quand vous nous avez dit que des réponses seraient apportées, dans le cadre de l'adaptation de la loi et en fonction de l'évaluation qui en aura été faite. Mais vous comprendrez que, dans ces conditions, puisqu'il s'agit d'un élément important, nous ne pouvons pas accepter cette proposition dans le cadre de l'article.
    Le deuxième point de l'article, c'est l'emprunt de 400 millions d'euros pour alimenter le fonds de financement de l'APA. Je ne peux pas m'empêcher de penser que, puisque vous aviez déjà les chiffres au moment de la discussion du PLFSS, vous aviez la possibilité d'aborder ce sujet à ce moment-là. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Soit c'est une erreur, soit c'est un choix politique. Et ce choix, je ne peux pas m'empêcher de le rapprocher de deux autres décisions qui avaient été prises, ici même, dans le cadre du projet de loi de finances. La première, c'est l'augmentation de la réduction d'impôt pour l'emploi à domicile - 73 millions d'euros -, et la seconde, c'est la diminution de l'impôt sur la fortune, qui correspond à ce chiffre. Il s'agit là d'un vrai choix politique. A un moment donné, il faut accepter de dire les choses comme elles sont. Défendez-les, vos choix ! C'est votre politique !
    M. Denis Jacquat. Mais on vous a répondu, hier !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Tout à fait !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Nous sommes là pour cela, pour faire de la politique. Et je n'ai toujours pas de réponse à la question.
    M. Denis Jacquat. Sur les 73 millions d'euros, vous avez eu la réponse hier !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je crois que je la pose pour la troisième fois : avez-vous fait un lien entre l'augmentation de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile et l'augmentation de la participation prévue dans le plan d'aide ? C'est un vrai choix politique.
    De plus, le directeur du fonds de financement de l'APA nous l'a dit, on ne sait pas du tout, mais alors pas du tout, comment le FFAPA va pouvoir rembourser l'emprunt. Le dispositif proposé est donc à la fois insuffisant et insuffisamment stable.
    C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 4.
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je n'élude absolument pas le débat, mais toutes ces questions ont été abordées cette nuit et j'ai l'impression qu'on se répète. Moi, je ne vois pas l'intérêt de répéter ce que j'ai déjà dit hier.
    M. Maxime Gremetz. Il vaut mieux se répéter que se contredire !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 5 et 18 ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Certes, l'orthodoxie financière de l'article 4 n'est pas irréprochable, mais je me permets de rappeler qu'il s'agit là d'une mesure de financement provisoire, visant à sauver l'APA pour 2003.
    M. Maxime Gremetz. Ah ! Pour 2003 !
    M. Georges Colombier, rapporteur. En l'absence de loi de finances, il était difficile de recourir à une autre méthode que l'emprunt. Mais la pérennisation de l'APA devrait être étudiée par la représentation nationale à l'automne prochain. La commission a donc rejeté ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 5 et 18.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 8, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi les deuxième et troisième alinéas du 2° du A de l'article 4 ;
    « 4° Un concours spécifique versé à titre exceptionnel pour 2003 aux départements dont le rapport entre, d'une part, les dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie en 2003 après déduction du concours prévu au 1° au titre de 2003 et d'autre part, pour chaque département, la prise en compte du potentiel fiscal tel que définie au 1°, le revenu par habitants, le nombre de personnes âgées bénéficiaires du fonds national de solidarité, une réévaluation de la prise en compte du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion dans le calcul de la péréquation, est supérieur à un taux fixé par décret. Ces critères détermineront les principes de la répartition du concours spécifique prévu au présent alinéa, et sera soumis pour avis aux présidents de conseil général. Ce concours peut faire l'objet d'acomptes.
    « Ce concours est réparti entre les départements en fonction du montant du rapport déterminé au précédent alinéa. Les modalités de la répartition sont fixées par décret. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'étais moi-même présente la nuit dernière. On a dit, dans la discussion générale, ce qu'on avait à dire. Qu'on se répète en défendant des amendements,...
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je parlais pour moi, madame Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Non, non, mais il faut nous dire si on a le droit de se répéter en défendant des amendements. Et si on n'a plus le droit d'amender, il faut le dire clairement. Parce que moi je veux bien que l'on soit pressé, mais quand même l'APA, c'est une question importante, et ça mérite un débat.
    Notre amendement n° 8 concerne - et d'ailleurs on en a un peu parlé dans la discussion des amendements après l'article 3 - les difficultés que rencontrent et risquent de rencontrer à l'avenir les départements pour le financement de l'APA.
    Pour certains, cela consisterait en une augmentation substantielle, comme on l'a dit, de la charge et de la pression fiscale. Moi, je suis pour une péréquation, mais je crois qu'il y a quand même des critères à prendre en compte dans cette péréquation. Si je prends l'exemple d'un département comme la Seine-Saint-Denis où il y a beaucoup de familles qui sont au RMI, il s'agirait de passer de 33 millions à 66 millions d'euros, ce qui est considérable. Par conséquent, le concours financier exceptionnel des 400 millions apportera - et pour une seule année - une réponse a minima. Car il reste flou quant à la répartition.
    Nous insistons sur le fait que la répartition doit prendre en compte une vision globale de la situation économique et sociale de chaque département. Le nouveau préfet que j'ai eu l'occasion de recevoir - comme vous, monsieur le président - a été vraiment étonné par le nombre de familles en état de pauvreté ou de difficulté dans le département de la Seine-Saint-Denis. C'est pourquoi nous proposons que soit pris en compte non seulement le potentiel fiscal - ce critère n'est pas suffisant pour apprécier au mieux la situation - mais aussi le revenu par habitant, le nombre de personnes âgées bénéficiaires du fonds national de solidarité, et que soit réévaluée la pris en compte du RMI dans le calcul de la péréquation. Ainsi, la répartition se ferait au plus juste des réalités du terrain, apportant équitablement une bouffée d'oxygène aux départements qui en ont le plus besoin concernant le versement de l'APA.
    Mais cette situation met encore en lumière la nécessité de sortir de la logique de l'aide sociale pour la dépendance. Il ne faut pas en rester, même si c'est très social, à ce qui existait auparavant, c'est-à-dire, au fond, la logique de la PSD. Nous convenons tous que la dépendance sera un problème grandissant du fait de l'allongement de la durée de vie. Le nombre de personnes âgées en situation de perte d'autonomie ne fera que croître. Dès lors, les départements auront toujours à faire face à des situations financières délicates. Aussi sommes-nous confortés dans l'idée, qu'a d'ailleurs défendue mon collègue Maxime Gremetz, de mettre en place une prestation financée par la solidarité nationale et la sécurité sociale.
    Dans l'immédiat, nous proposons donc d'améliorer les dispositions actuelles de votre texte, pour que la réalité de chaque département soit bien prise en compte dans la péréquation. Et on va vite se rendre compte que les 400 millions d'aide exceptionnelle ne suffiront pas à pérenniser le versement de l'APA.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Cet amendement est superflu parce que le dispositif prévoit déjà une répartition prenant en compte la situation des départements en difficulté, ce qui n'est d'ailleurs que justice.
    La commission a donc rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je partage bien sûr le souci qu'a Mme Jacquaint de soulager l'effort de ces départements. Je suis toutefois réservé sur le dispositif qu'elle nous propose. Pour ma part, je souhaite maintenir le dispositif qui a été voté au Sénat et qui, je crois, est plus souple, prenant en compte le besoin de financement réel des départements. Je suis donc moi aussi défavorable à cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Michel Bouvard a présenté un amendement, n° 24, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa du 2° du A de l'article 4, substituer aux mots : "le potentiel fiscal tel que défini au 1°, les mots : "le revenu moyen par habitant. »
    La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir cet amendement.
    M. Denis Jacquat. M. Michel Bouvard m'a demandé de défendre cet amendement.
    Le mode de répartition du concours s'appuyant sur le potentiel fiscal ne prend pas en compte l'ensemble des charges supportées par les conseils généraux et est, de ce fait, imparfait. Etant donné l'obligation dans laquelle se sont trouvés la quasi-totalité des conseils généraux d'accroître la fiscalité pour faire face à cette dépense, il paraît juste de prendre en compte le revenu moyen par habitant, qui détermine la capacité contributive réelle des ménages par rapport à leurs revenus. Tel est l'objet de cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Il est certes intéressant, mais je me dois de donner un avis défavorable.
    Mme Muguette Jacquaint. Vous auriez pu dire que mon amendement aussi était intéressant !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je demande à M. Jacquat de retirer son amendement. La proposition de M. Bouvard est bonne, mais il est difficile de l'adopter, puisque l'Assemblée et le Sénat doivent voter un texte conforme avant la fin du mois de mars.
    M. le président. Monsieur Jacquat, retirez-vous cet amendement ?
    M. Denis Jacquat. En défendant cet amendement, j'ai respecté l'engagement que j'avais pris, mais je partage totalement l'opinion de M. le secrétaire d'Etat et de M. le rapporteur. Aussi, je retire cet amendement.
    M. Bernard Derosier. Je le reprends, monsieur le président !
    M. le président. L'amendement n° 24 est repris par M. Bernard Derosier.
    Vous avez la parole, monsieur Derosier.
    M. Bernard Derosier. Je reprends cet amendement, car M. le secrétaire d'Etat vient de dire qu'il est bon. En effet, il permettrait d'améliorer la loi de 2001 et de compenser d'une certaine façon les mauvais coups que vous lui portez.
    Mes collègues de la majorité ont entendu leur secrétaire d'Etat indiquer qu'il s'agit d'un bon amendement : ils ne manqueront sans doute pas de le voter avec nous.
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Il s'agit en effet d'un bon amendement, et M. le secrétaire d'Etat a eu parfaitement raison de le dire. Toutefois, comme cela a été souligné plusieurs fois aujourd'hui, il y a urgence car ce texte doit être voté avant le 31 mars pour répondre à l'attente des conseils généraux. Certes, c'est un bon amendement, mais je vais inviter mes collègues à ne pas le voter, afin que nous puissions défendre au mieux les intérêts des conseils généraux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Alors, il ne fallait pas le présenter !
    M. Denis Jacquat. Avant l'heure, ce nest pas l'heure !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24, repris par M. Bernard Derosier.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Bernard Derosier. Pauvre Michel Bouvard, trahi par les siens !
    M. le président. Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 6, ainsi libellé :
    « Substituer au premier alinéa du 3° du A de l'article 4 les cinq alinéas suivants :
    « 3° Le III est complété par un 3° et un 4° ainsi rédigé :
    « 3° Une contribution pour les années 2003 et 2004 de solidarité pour le financement de la perte d'autonomie des personnes âgées.
    « Cette contribution est due par les contribuables célibataires, veufs ou divorcés dont le revenu net imposable excède le montant de la limite inférieure de l'avant-dernière tranche du barême de l'impôt sur le revenu fixé au 1 du I de l'article 197 du code général des impôts. Ce montant est doublé pour les contribuables mariés soumis à une imposition comune.
    « Le montant de la contribution est égal à 6 % du montant de l'impôt sur le revenu résultant de l'application des 1 à 4 du I de l'article 197 précité.
    « La contribution est déclarée, contrôlée, et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je trouve que ce qui vient de se passer est tout de même un peu gros du point de vue de la méthode : il suffit que l'opposition reprenne un bon amendement, un excellent amendement de la majorité, pour qu'il devienne un très mauvais amendement qui doit être repoussé !
    M. Denis Jacquat. C'est toujours un très bon amendement, mais il vient avant l'heure !
    M. le président. Nous en sommes à l'amendement n° 6, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Certes, monsieur le président, mais vous m'accorderez que je puisse me livrer à quelques commentaires durant les cinq minutes qui me sont imparties.
    Premièrement, nous n'obtenons pas de réponse à nos questions.
    Deuxièmement, on nous reproche presque de nous répéter.
    Bref, je ne dirai pas ce que je pense parce que ce serait déplaisant.
    (M. Jean-Louis Debré remplace M. Eric Raoult au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. Maxime Gremetz. Nous avons dénoncé le caractère inique de cette proposition de loi destinée à apporter une réponse au problème du financement de l'APA. Votre équation financière ne peut recevoir notre approbation, car il existe d'autres solutions - bien meilleures - que celle que vous proposez. Mais vous ne voulez pas en entendre parler. Ainsi, nous avons évoqué la prestation sécurité sociale et le financement correspondant que nous proposons.
    Par ailleurs, je découvre un M. Jacquat que je connaissais pas jusque-là et qui négocie des virages à 180 degrés. C'est extraordinaire !
    M. Guy Geoffroy. Vous êtes mal placé pour donner des leçons de conduite, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes remarquable d'incohérence, mesdames, messieurs de la majorité !
    Nous formulons donc une autre proposition pour éviter de faire supporter aux familles le surcoût de l'APA. Les 400 millions d'économies que vous espérez faire sur leur dos correspondent exactement à l'allégement de l'ISF.
    A ce propos, il est piquant de constater qu'aux Etats-Unis, où, comme chez nous, les riches ne veulent plus payer, celui qui propose de rétablir l'impôt sur les grandes fortunes est l'homme le plus riche de la planète ! Je veux parler de Bill Gates, qui accuse les riches de ne même plus vouloir payer pour la solidarité !
    Moi, je trouve cela scandaleux ! Quand on a plein de fric, on peut bien en donner un petit peu à ceux qui créent des richesses ! Eh bien, chez nous, les 400 millions dont je parlais, vous allez les « grignoter » dans les poches des personnes âgées ! C'est honteux, je le dis tel que je le pense !
    Notre amendement propose donc de revenir sur la réduction d'impôt sur les deux tranches les plus élevées du barème de l'impôt sur le revenu. En effet, vous n'avez pas seulement abaissé l'impôt sur les grandes fortunes, vous avez aussi accordé une réduction d'impôt à ceux dont les revenus sont touchés par les deux tranches les plus hautes du barème, c'est-à-dire les hauts revenus !
    Cet amendement est motivé par plusieurs raisons essentielles. Il s'agit d'épargner aux familles le poids du financement de la montée en charge du dispositif de l'APA et d'éviter aux départements d'accroître leur fiscalité.
    Bonjour, monsieur le président.
    M. le président. Bonjour, monsieur Gremetz. Vous avez mis du temps à vous apercevoir que j'étais arrivé !
    M. Maxime Gremetz. En effet, je ne m'en étais pas aperçu, tant j'étais passionné par l'impôt sur les grandes fortunes. Je rêvais qu'il y ait des patrons un peu plus humains dans ce pays. On en trouve ailleurs, mais ça n'arrivera jamais ici !
    Cet amendement est aussi motivé par deux autres exigences : financer l'APA sans la remettre en cause et promouvoir une justice fiscale et sociale.
    Nous proposons donc de supprimer la réduction d'impôt sur le revenu des personnes physiques pour les deux tranches les plus hautes, qui représente à elle seule la logique de l'égalité qui guide l'action de votre gouvernement. Vous le savez bien, les baisses d'impôt profitent aux plus riches, alors qu'il aurait mieux valu accentuer les efforts en faveur des plus modestes, qui, eux, soutiennent concrètement la croissance.
    Le caractère inégalitaire de cette réforme est patent : un couple sans enfant déclarant un revenu de 421 150 euros, autrement dit 230 000 francs par mois, économise 10 100 euros, soit plus de huit fois le SMIC brut, alors qu'un couple qui ne dispose que de 20 500 euros, soit 11 200 francs par mois, économise, lui, 75 euros. La démonstration est faite que votre politique de réduction d'impôt favorise toujours les mêmes.
    Nous voulons marquer du sceau de la solidarité nationale le financement de l'aide sociale. Plutôt que de faire financer l'APA par les familles modestes, il me semble plus juste de supprimer l'allégement de l'ISF ou la réduction de l'impôt sur le revenu dans les conditions que je viens de préciser . D'autant que la suppression de cette réduction pour les deux tranches les plus élevées du barème rapporterait à elle seule à l'Etat 1,2 millards d'euros, ce qui permettrait de combler l'intégralité du manque de financement de l'APA pour 2003.
    Tel est l'objet de notre amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Le texte proposant des mesures d'urgence destinées à financer l'APA en 2003, il n'a pas pour objet de réformer la politique fiscale du Gouvernement. La commission a donc rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Il est conforme à celui de la commission : rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
    (L'article 4 est adopté.)

Article 5

    M. le président. « Art. 5. - L'article 15 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonie est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « Ce rapport s'attachera notamment à éclairer les divers moyens permettant d'assurer une meilleure adéquation de l'aide distribuée aux besoins des personnes affectées par une perte d'autonomie. »
    La parole est à M. Bernard Derosier, inscrit sur l'article.
    M. Bernard Derosier. Monsieur le président, comme Maxime Gremetz, je suis honoré que vous participiez à nos travaux sur un sujet important, et peut-être aurez-vous sur M. le secrétaire d'Etat une influence "magnétique qui le conduira à répondre enfin aux questions qui lui sont posées.
    M. le président. Monsieur Derosier, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif ne me permet pas, du haut du perchoir, d'influencer le Gouvernement. (Sourires.)
    M. Bernard Derosier. Certes, monsieur le président, mais vous êtes trop bien placé pour savoir que, théoriquement, c'est le pouvoir législatif qui contrôle le pouvoir exécutif.
    M. le président. Certes, mais je ne contrôle pas les ministres.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Qui contrôlez-vous alors ?
    M. le président. Les ministères ! (Sourires.)
    M. Bernard Derosier. Enfin, c'est un autre débat, monsieur le président.
    J'en reviens à mon propos. Tout à l'heure, dans ce qu'il pensait être une réponse, M. le secrétaire d'État a ouvert un mauvais débat en disant à Paulette Guinchard-Kunster qu'il avait déjà répondu hier soir aux questions que celle-ci lui a posées cet après-midi à plusieurs reprises. Non, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas apporté ces réponses au cours du débat qui s'est pousuivi jusqu'à près d'une heure et demie du matin. Et cet après-midi, à la fin de la discussion générale, vous avez répondu aux orateurs qui sont intervenus aujourd'hui, mais pas à ceux qui se sont exprimés hier soir. Mais là n'est pas la question. Et si Mme Guinchard-Kunstler n'était pas là hier soir, c'est parce que, comme nous l'avons souligné dans un rappel au règlement, l'ordre du jour avait été modifié.
    J'en viens à l'article 5 avec l'examen duquel nous abordons la fin de ce texte que je suis tenté de qualifier d'« APAcide ». Vous prétendez sauver l'APA, en réalité, vous êtes en train d'y mettre fin !
    Pour illustrer mon propos, monsieur le secrétaire d'État, et en espérant recevoir à un certain moment une réponse de votre part, je voudrais vous livrer le fruit de mon expérience. Le président du conseil général de mon département m'a indiqué que 57 millions d'euros avaient été inscrits pour l'APA dans le budget primitif du département pour l'année 2002, et ce sur la base des prévisions que vous avez dénoncées tout au long de l'année 2002. Par rapport à cette somme, le FFAPA a versé 27 millions d'euros, soit presque la moitié, ce qui est formidable. Cependant, pour faire face à la demande, plus importante que prévu, il aura fallu finalement inscrire 97 millions d'euros au budget de 2002. Le concours du FFAPA n'étant que 27 millions d'euros, le compte n'y est donc pas !
    Vous prétendez, monsieur le secrétaire d'État, que le FFAPA finance 50% des dépenses engagées par les départements : comment expliquez-vous cette différence ?
    Pour 2003, la prévision est de l'ordre de 180 millions d'euros. Or le président du FFAPA, dans une lettre adressée au président du conseil général de mon département annonce que la dotation pour 2003 sera de 46 millions d'euros. Là encore, on est loin des 50% que prévoyait la loi de 2001 !
    En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, derrière ce texte se dissimulent toute une série de mesures dissuasives. Au fond, vous ne souhaitez pas que l'APA soit cette grande mesure sociale que la gauche a voulue en 2001.
    Hier, vous avez lancé un ballon d'essai en indiquant que vous envisagiez la récupération sur succession, mais devant le tollé que cette annonce a soulevé vous avez renoncé à cette idée. Aujourd'hui, vous êtes en train de mettre en place une récupération sur succession par anticipation, c'est-à-dire du vivant de la personne !
    Vos hochements de tête, monsieur le secrétaire d'Etat, semblent indiquer que j'ai raison. J'espère que vous le direz de façon plus explicite.
    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 19, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 5. »
    La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l'article 5 dont nous ne voyons pas l'intérêt. Au contraire, son contenu nous interpelle fortement.
    Selon l'article 15 de la loi du 20 juillet 2001, un rapport d'évaluation quantitative, qualitative et financière devait être présenté avant le 30 juin 2003. Nous ne voyons pas pourquoi ce rapport devrait aussi s'attacher à éclairer les divers moyens permettant d'assurer une meilleure adéquation de l'aide aux besoins des personnes affectées par une perte d'autonomie.
    A notre sens, un rapport a pour finalité d'indiquer de façon tout à fait objective ce qui a été constaté. Ensuite, ce peut être le rôle d'une commission d'examiner ce rapport et de donner son avis. En tout cas, ce n'est pas aux auteurs du rapport d'indiquer la politique qui devrait être conduite.
    Nous ne savons pas si la mesure proposée concernera les GIR ou les financements. Celle-ci est vraiment très vague, nous en demandons donc la suppression.
    Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, si au cours de ces dernières heures, nous avons répété un certain nombre de choses, si nous avons tant insisté sur certains points, c'est parce que, au-delà de ce texte, qui, finalement, peut être considéré comme un simple petit bout de papier, nous, nous voyons les visages, les regards de ces personnes âgées dépendantes qui attendent beaucoup de nous et qui s'interrogent sur le sort qui leur sera réservé demain.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. L'urgence avec laquelle ce texte est attendu exige un vote conforme des deux assemblées.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Georges Colombier, rapporteur. C'est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Il est conforme à celui de la commission : défavorable.
    M. Maxime Gremetz. On va tuer le Parlement !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Bernard Derosier. Dans ce pays, il n'y en a plus que pour le Sénat !
    M. Maxime Gremetz. Ils se font hara-kiri !
    M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
    (L'article 5 est adopté.)

Après l'article 5

    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci, et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 13 rectifié, ainsi libellé :
    « Après l'article 5, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 17 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisés d'autonomie, il est inséré un article 17 bis rédigé :
    « Art. 17 bis. - Le comité scientifique créé à l'article 17 rendra ses conclusions au plus tard le 30 mars 2003. »
    La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Cet amendement a pour objet de montrer que ce texte ne repose pas sur des fondements précis faute d'avoir disposé des bilans financiers et qualitatifs dont nous aurions eu besoin.
    Le comité scientifique d'évaluation de la grille AGGIR devait remettre son rapport avant le 31 janvier. Or aujourd'hui, ni le Parlement ni, semble-t-il, le Gouvernement n'ont reçu de rapport. Aussi, des questions très importantes restent toujours sans réponse. Par exemple, que va-t-il advenir du GIR 4 ? Nous ne le savons toujours pas. Pourtant, il serait intéressant de le savoir, puisque, dans mon département, quelques conseillers généraux considèrent que les personnes âgées qui ont recours à des aides à domicile ne sont pas dépendantes. Une telle conception traduit une méconnaissance complète du dossier, car les personnes qui font appel à une aide à domicile, à une auxiliaire de vie, le font par nécessité, autrement dit, parce qu'elles sont dépendantes. Donc, on voit bien que le concept de dépendance n'est encore pas connu et que la dépendance moyenne n'est toujours pas considérée comme une vrai dépendance.
    En l'absence du rapport du comité scientifique d'évaluation de la grille AGGIR, un certain nombre de questions restent donc en suspens, alors qu'il s'agit d'enjeux considérables.
    Ainsi que l'a rappelé M. Derosier, si je n'étais pas présente hier soir, c'est parce que l'ordre du jour prévoyait initialement que la discusion de ce texte commencerait aujourd'hui. Cela dit, je n'ai toujours pas obtenu de réponse à ma question sur le devenir du GIR 4.
    Autre question pour laquelle je n'ai toujours pas obtenu de réponse : avez-vous comparé, monsieur le secrétaire d'Etat, l'augmentation de la participation au plan d'aide et celle de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile ?
    M. Le Guen a posé la question hier soir. Je la pose pour la troisième fois aujourd'hui. Nous n'avons pas obtenu de réponse. En tout cas, si l'on compare les deux dispositifs, on s'apercoit que ce sont les personnes les plus aisées qui sont aidées, alors que ce sont les personnes les plus modestes qui financeront l'augmentation de la participation au plan d'aide.
    Faute d'avoir obtenu de réponses jusqu'à présent, je répète donc mes questions : quel est le devenir du GIR 4 ? Quand le rapport du comité scientifique d'évaluation de la grille AGGIR nous sera-t-il remis ? Avez-vous établi le lien patent qu'existe entre l'augmentation de la participation au plan d'aide et celle de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile ?
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Madame Guinchard-Kunstler, si le rapport du comité n'a pu être rendu en temps et en heure, cela est notamment dû aux difficultés liées à la grille AGGIR, cote mal taillée mais toujours utilisée. Demander la publication pour la fin du mois en cours n'est pas possible. C'est la raison pour laquelle la commission a rejeté l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame Guinchard-Kunstler, répondant à votre première question, je vous indique que les conclusions du rapport du comité nous seront remises au plus tard le 30 mars. Le Parlement sera sollicité par l'intermédiaire des commissions des affaires sociales du Sénat et de l'Assemblée. Ensemble, nous examinerons les propositions qui nous seront faites sur le GIR 4.
    Quant à votre seconde question, je vous ferai parvenir les éléments de réponse, dont je ne dispose pas ici, en séance publique.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

    M. le président. « Art. 6. - Après l'article 19 de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 précitée, il est inséré un article 19 bis ainsi rédigé :
    «Art. 19 bis. - Pour 2002, le fonds de modernisation de l'aide à domicile mentionné à l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles verse aux départements, sur ses ressources, des subventions destinées à contribuer à la compensation par ces collectivités, au titre de leur action sociale facultative, des charges éventuelles occasionnées en 2002, du fait de la modification de la structure des tarifs issue de l'application des articles L. 312-8 et L. 315-1 du même code, aux résidents bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie accueillis à titre payant dans des établissements habilités à l'aide sociale, qui percevaient jusqu'alors la prestation spécifique dépendance, l'allocation compensatrice tierce personne ou la majoration tierce personne.
    « Le montant de cette contribution non renouvelable est arrêté à la somme de 36 millions d'euros.
    « Il est réparti entre les départements au prorata du nombre de bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance en établissement recensés, pour chaque département, dans les groupes 1 et 2 de la grille mentionnée à l'article L. 232-2 dudit code à la date du 30 juin 2001. »
    La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, inscrite sur l'article.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il est évident que le passage de la PSD à l'APA a posé un problème pour les établissements. J'ai tenté, avec Mme Guigou, de le régler mais nous n'avons pas eu, il faut le dire, le temps nécessaire pour aller au bout de notre démarche.
    Un engagement avait été pris. Vous l'avez, monsieur le secrétaire d'Etat, repris en partie.
    Ce qui me gêne profondément, c'est que vous sollicitiez le fonds de modernisation de l'aide à domicile.
    Dans la discussion générale, l'un de nos collègues a montré l'importance de la formation du personnel. En effet, travailler auprès de personnes âgées est un vrai métier, auquel très peu de gens sont formés. Nous avons pour notre part créé le diplôme d'auxiliaire de vie sociale et mis en place le fonds de modernisation de l'aide à domicile.
    Je me souviens qu'avant d'entrer au Gouvernement nous avions, dans le cadre de la préparation de la loi de 2001, mené une rude bagarre pour faire comprendre combien la formation était essentielle. Plusieurs de nos collègues, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, prétendaient que ce n'était pas au fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie de financer la formation. Pourtant, la formation du personnel qui s'occupe des personnes âgées, à domicile comme en établissement, est un grand chantier et ce secteur est un formidable gisement d'emplois. Le Commissariat au Plan a même reconnu qu'il s'agissait du gisement d'emplois le plus important.
    Faire prendre en charge par le fonds de modernisation de l'aide à domicile les charges supplémentaires pouvant résulter de la réforme de la tarification est à mes yeux symboliquement dangereux.
    Vous m'objecterez que le fonds de modernisation n'a pas suffisamment dégagé de moyens pour l'année 2002. Mais quand la circulaire budgétaire est-elle partie ? Au mois de décembre dernier, si mes renseignements sont bons, ce qui a ôté toute possibilité aux départements.
    Je vous le dis avec une grande simplicité mais aussi avec beaucoup de passion : il importe que, pour les vingt ou trente années à venir, s'occuper des personnes âgées à domicile soit un vrai métier. L'enjeu est considérable !
    Ce n'est pas M. Jacquat qui, me semble-t-il, préside une association de maintien à domicile,...
    M. Denis Jacquat. En effet !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ... qui me contredira.
    J'avais, monsieur le secrétaire d'Etat, lancé l'accord de branche et la convention collective unique. Vous avez donné votre agrément à l'accord de branche.
    Il faut cesser de s'invectiver en disant : « C'est moi qui l'ai fait ! »
    Quoi qu'il en soit, soyez très vigilant quant au message que vous voulez envoyer sur la formation, c'est-à-dire sur la reconnaissance même de ces métiers que sont, par exemple, ceux d'aide-soignante et d'aide médico-psychologique. Ils sont à mes yeux essentiels.
    M. le président. Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 7, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 6. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement va dans le même sens que les propos que vient de tenir Mme Guinchard-Kunstler.
    Le maintien à domicile exige, et c'est bien, de plus en plus de personnels formés. La formation de ces personnels est donc très importante. Par ailleurs, j'ai moi aussi constaté que ce secteur créait des emplois.
    Le fonds de modernisation de l'aide à domicile permet d'apporter des réponses en direction des professionnels, mais il contribue également au développement de la qualité et de la diversité des services rendus aux usagers ainsi qu'à leurs familles. Or l'article 6 ruine en partie ces efforts, comme le déplorent toutes les associations, puisqu'il prévoit que les crédits destinés à la formation des équipes de maintien à domicile seront détournés pour compenser la hausse des tarifs d'hébergement en établissement.
    Nous sommes tous d'accord pour améliorer encore le maintien à domicile, ce qui exigera des personnels formés. Mais vos actes vont à l'encontre de cet objectif !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. J'estime que l'article 6 permettra de mettre fin à une injustice : avec le système antérieur, certaines personnes voyaient leurs ressources diminuer en accédant à l'APA. Ce n'est pas le texte de loi lui-même qui aboutissait à cette injustice, mais la « culbute » qu'impliquaient le texte sur l'APA et la triple tarification.
    Il ne saurait être question de supprimer l'article 6. Je souscris cependant en grande partie à vos propos, madame Jacquaint, et je donnerai tout à l'heure des explications complémentaires à propos du dernier amendement de Mme Guinchard-Kunstler.
    La commission a rejeté l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame Guinchard-Kunstler, nous sommes très attentifs au fonds de modernisation. Je puis vous assurer que ses moyens seront maintenus en 2003, en relation avec l'offre de formation disponible, justement pour ne pas pénaliser la formation. Mais il nous fallait trouver, et je ne vous en fais pas le reproche, 36 milliards d'euros pour compenser le passage de la PSD à l'APA. C'était indispensable.
    Nous veillerons à ce que l'offre de formation disponible soit effectivement maintenue.
    L'avis du Gouvernement est le même que celui de la commission : défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Nous nous sommes battus pour que le fonds puisse être porté jusqu'à 500 millions. En effet, quand on met en oeuvre une telle réforme, il faut anticiper l'avenir et prévoir les personnels qualifiés nécessaires. Sinon, cette réforme n'a aucune chance.
    Nous avions également demandé, ce qui avait donné lieu à de longues discussions, que ces salariés aient une convention collective.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire votre attention sur les risques qu'il y aurait à ponctionner le fonds alors que nous manquons cruellement de gens formés et que certaines municipalités ont proprement « liquidé » leurs services d'aide ménagère et d'aide à domicile. Des services publics existaient, mais on les a purement et simplement supprimés et, ce faisant, on a licencié des personnes par dizaines et on les a invitées à aller se faire embaucher dans des associations privées, dans des conditions tout à fait inacceptables.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mmes Guinchard-Kunstler, Hoffman-Rispal, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Pérol-Dumont, M. Renucci et les membres du groupe socialiste ont présenté l'amendement, n° 20, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 19 bis de la loi du 20 juillet 2001, substituer aux mots : "modernisation de l'aide à domicile, les mots : "financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. »
    La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce que vient d'expliquer Maxime Gremetz est au coeur des problèmes que pose sur le terrain l'organisation de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, non pas en termes financiers, mais en termes d'organisation.
    Si un certain nombre de communes - je connais l'une de celle à laquelle mon collègue a fait référence - ont supprimé leurs services d'aide à domicile, c'était pour des raisons de coût. En effet, avant que ne soit mise en place la convention collective des aides à domicile, que j'avais préparée et qui a été signée au mois de décembre, les salaires des aides à domicile étaient tels que la profession n'attirait pas et que ces services coûtaient moins cher à un certain nombre de conseils généraux.
    J'insiste donc pour que les 36 millions d'euros nécessaire soient prélevés non sur le fonds de modernisation de l'aide à domicile, mais globalement sur le fonds de financement de l'APA, d'autant plus que ce fonds est cette année excédentaire.
    Il faut former le personnel, l'organiser, le structurer. Il faut des psychologues pour soutenir les aides à domicile, les personnes âgées et leurs familles. Tout est à construire en ce domaine. Soyons vigilants ! Gardons l'argent nécessaire à ce secteur, qui est essentiel mais où tout, je le répète, est à construire !
    Le xxe siècle aura vu se mettre en place les politiques en direction de la petite enfance. Le xxe, avec l'allocation personnalisée d'autonomie, le fonds de modernisation de l'aide à domicile et la mobilisation que le gouvernement de Lionel Jospin a initiée, doit voir naître une véritable politique du troisième âge, ce second bout de la vie. Tel est l'enjeu.
    Vous auriez tout intérêt à solliciter plutôt le fonds de financement de l'APA d'autant plus que vous savez fort bien que, pour ce qui concerne la maltraitance des personnes âgées, la formation et la qualification du personnel sont essentielles : la souffrance est aussi ressentie par le personnel, qui se rend compte qu'il n'est pas formé pour s'occuper correctement des personnes âgées dépendantes.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous le répète avec passion, il vaudrait beaucoup mieux prendre les 36 millions sur le fonds de financements de l'APA ou à partir d'autres dispositifs, y compris les réductions d'impôts que vous avez fait le choix d'accorder dans le cadre du budget de 2003.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Georges Colombier, rapporteur. Les décrets relatifs à la mise en oeuvre du fonds de modernisation de l'aide à domicile ayant tardé à être publiés, celui-ci n'a pu être doté à temps de façon significative.
    La mesure proposée est ponctuelle. Elle est destinée à redresser des injustices subies, du fait de l'application de l'APA, par des personnes hébergées en établissement.
    Une mesure législative est nécessaire à la réalisation du transfert. Néanmoins, la réflexion que celui-ci inspire sera au coeur du débat sur la refonte de l'APA qui interviendra lors de la prochaine session parlementaire.
    Hier soir, j'ai souligné le travail remarquable accompli par les associations d'aide à domicile ainsi que par leurs personnels et demandé son avis à M. le secrétaire d'Etat.
    Dans sa réponse, M. Falco nous a précisé certaines des mesures qu'il n'avait pas manqué d'impulser en matière de formation et de salaires - je pense notamment à l'accord de branche, dont on ne peut que se réjouir. Les personnels, acteurs indispensables, attendaient un tel geste depuis très longtemps.
    Quant à l'amendement, il a été rejeté par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je voudrais remercier le rapporteur de ses propos.
    Ayant déjà eu l'occasion de m'expliquer sur l'amendement, je m'en tiendrai à la position de la commission : avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
    (L'article 6 est adopté.)
    M. le président. Nous avons achevé l'examen des articles.
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition, auraient lieu le mardi 18 mars, à l'issue du vote sur l'ensemble du projet relatif aux entreprises de transport aérien.
    Mes chers collègues, je vous rappelle que nous nous retrouverons lundi 17 mars, à Versailles, à quatorze heures trente, pour la réunion du Congrès du Parlement, convoqué pour le vote sur deux projets de loi constitutionnelle.

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 13 mars 2003, de M. Jean-Marie Geveaux un rapport, n° 694, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif aux assistants d'éducation (n° 640).

3

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
MODIFIÉE PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 13 mars 2003, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à la création d'un chèque-emploi associatif.
    Cette proposition de loi, n° 695, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Mardi 18 mars 2003, à neuf heures, première séance publique :
    Questions orales sans débat ;
    Fixation de l'ordre du jour.
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France ;
    Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie ;
    Discussion du projet de loi, n° 677, modifiant l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications :
    M. Jean Proriol, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 691).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communication du 12 mars 2003

N° E 2230. - Projet de décision du Conseil concernant l'application à Gibraltar de la convention établie sur la base de l'article K. 3, paragraphe 2, point c, du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne (note de la délégation du Royaume-Uni au Comité de l'article 36-6363/03 [CATS 10 COPEN 12]).
N° E 2231. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant une seconde phase du programme d'action communautaire (2004-2008) visant à prévenir la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes et à protéger les victimes et les groupes à risque (programme DAPHNE II). - Document de la Commission (COM [2003] 54 final).

CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 18 mars 2003, à 10 heures, dans les salons de la présidence.