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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 26 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 25 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président.
1.  Questions au Gouvernement «...».

DÉFENSE EUROPÉENNE «...»

MM. Laurent Fabius, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

DÉFICIT DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE «...»

MM. Jean-Luc Préel, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

GUERRE EN IRAK «...»

MM. Jean-Pierre Brard, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

CONFÉRENCE DE PAIX POUR LE PROCHE-ORIENT «...»

MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

PLAN CANCER «...»

Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

PROTECTION CONTRE LES RISQUES D'ATTENTATS «...»

MM. Alfred Trassy-Paillogues, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT «...»

MM. François Huwart, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CYCLONE ÉRIKA «...»

Mmes Béatrice Vernaudon, Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

POLITIQUE EXTÉRIEURE ET DE SÉCURITÉ EUROPÉENNE «...»

M. Alain Marty, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

NÉGOCIATIONS ENTRE LA CNAM
ET LES SYNDICATS DE MÉDECINS «...»

Mme Catherine Génisson, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

AUGMENTATION DU CAPITAL DE FRANCE TÉLÉCOM «...»

MM. Jean-Marc Roubaud, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

MÉDIATHÈQUES DE PROXIMITÉ «...»

MM. Roger Boullonnois, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

2.  Assistants d'éducation. - Discussion d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

MM. Yves Durand, le président.

Ouverture de la discussion «...»

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : M. Yves Durand.

Rappels au règlement «...»

MM. Guy Geoffroy, Jean-Marc Ayrault, le président.

Reprise de la discussion «...»

Exception d'irrecevabilité (suite) : MM. le ministre, Pierre-André Périssol, Jean-Pierre Dufau, Stéphane Demilly. - Rejet par scrutin.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : M. Patrick Roy.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)
    M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos trois collègues élus dimanche dernier : Jean-Pierre Brard (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), Victor Brial (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et François Huwart (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

DÉFENSE EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste.
    M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, alors que se poursuit la guerre si meurtrière en Irak, dont chacun ici souhaite qu'elle soit la plus courte possible, il est de notre responsabilité politique de penser déjà aux conditions futures d'une paix mondiale durable. Cela concerne bien sûr l'ensemble des relations internationales, qu'il faudra réorienter dans le sens de la solidarité et du droit, mais cela concerne particulièrement la construction d'une défense européenne unie, qui est absolument essentielle.
    L'une des leçons de cette période tragique est en effet qu'aucun pays, si puissant soit-il, ne peut à lui seul assurer une sécurité globale, légitime et efficace. Si l'on veut éviter que ne dégénèrent les crises, si l'on veut obtenir un désarmement pacifique - on l'a bien vu avec le détestable régime de Saddam Hussein -, il faut à la fois un contrôle international du désarmement, sous l'égide de l'ONU, et la menace d'une force militaire suffisante. Or l'Europe, avec l'ONU, peut bien proposer le droit, elle ne dispose pas d'une vraie puissance militaire à mettre au service de ce droit. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    J'ajoute que, si l'on souhaite que les anciens pays du bloc soviétique ne se tournent pas systématiquement vers les Etats-Unis en cas de crise, il faut non pas leur intimer le silence mais pouvoir leur proposer l'alternative d'une défense européenne crédible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le Premier ministre, la monnaie unique a été réalisée. Elle doit être complétée, mais elle est utile. Désormais, en même temps que l'avancée d'une Europe politique et scientifique, en même temps que la construction d'une Europe sociale, une défense européenne unie doit être notre objectif.
    M. François Goulard. Avec quels crédits ?
    M. Laurent Fabius. Elle ne se réalisera pas spontanément : elle se fera sur la base d'une volonté politique farouche, à partir de quelques pays, dont la France et l'Allemagne,...
    M. François Goulard. L'Allemagne n'a plus de défense !
    M. Laurent Fabius. ... et elle devra être ouverte à d'autres pays, y compris, si c'est possible, à la Grande-Bretagne. Cela suppose des projets concrets, chiffrés, datés, négociés et débattus, nous le souhaitons, devant le Parlement.
    Monsieur le Premier ministre, si vous partagez cette ambition, que comptez-vous faire concrètement pour réaliser une défense européenne unie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, nous partageons cette conviction.
    D'abord, je voudrais dire combien nous sommes, comme vous, frappés par les horreurs de cette guerre et combien nous souhaitons qu'elle soit rapide. Elle n'a déjà été que trop meurtrière.
    M. Jacques Desallangre. Il faut l'arrêter !
    M. le Premier ministre. Il est évident que, dans la question irakienne, les Européens convaincus ont aussi été des Européens déçus. La manière dont les différents pays ont traité cette question nous a touchés, mais nous avons veillé à ce que l'on puisse toujours avoir des contacts avec l'ensemble des pays européens pour que le projet européen ne soit pas victime de la guerre en Irak. Dans cette déception d'Européens convaincus qui est la nôtre, il y a une part de satisfaction, celle d'avoir vu les peuples de l'Europe se rassembler derrière les positions de la France car l'Europe des peuples s'est exprimée à l'occasion de cette guerre.
    M. François Hollande. La gauche !
    M. le Premier ministre. L'Europe des peuples est descendue dans la rue pour dire que la France avait raison de défendre sa vision d'un monde multipolaire. Cette déterminiation nous engage à protéger notre projet européen.
    Mais ce projet européen impose d'abord des efforts à notre pays. Car, pour pouvoir convaincre les autres, encore faut-il ne pas laisser notre défense dans un état d'affaiblissement considérable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous pouvons nous battre pour la paix parce que nous savons consentir les efforts nécessaires pour notre défense. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La loi de programmation militaire voulue par le chef de l'Etat a mis les moyens au service de la crédibilité de notre parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il était très important d'avoir opéré ce redressement pour faire en sorte que, lorsque nous parlons de la paix, nous ne nous inscrivions pas dans le champ du pacifisme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française) mais parmi ceux qui veulent que la force puisse être mise au service du droit. Nous nous battons pour le droit, mais nous pensons que la force peut être nécessaire pour faire exister le droit. (Mêmes mouvements.)
    Il faut, vous avez raison, accomplir encore de gros efforts en matière de construction et de défense européennes. C'est pourquoi nous donnons beaucoup d'importance à l'accord des ministres de la défense, qui se sont réunis les 14 et 15 mars à Athènes, dans la perspective de construire les étapes de cette Europe de la défense.
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous n'y croyez pas !
    M. le Premier ministre. Cette construction est difficile.
    Aujourd'hui, nous sommes un peu sceptiques quant à certaines décisions. Malgré tout, je me dois de dire à la représentation nationale que nous avançons sur un certain nombre de points très précis. Nous sommes en train d'organiser la relève de l'OTAN par l'Europe en Macédoine...
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le Premier ministre. ... et, pour ce qui concerne le porte-avions britannique, nous progressons, en dépit des circonstances, dans la voie d'une coopération réelle et sincère.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le Premier ministre. Tout cela est difficile, mais nous voulons veiller à ce que le projet européen garde toute sa consistance, en ayant pour objectif que l'Europe puisse équilibrer le monde.
    L'Europe est au coeur de la vision de ce monde multipolaire pour lequel se bat la France. Pour ce faire, il faut aller vers une politique étrangère et une défense communes. Tout cela mettra du temps, mais nous y travaillons. D'ores et déjà, je peux vous dire que la contribution franco-allemande concernant l'avenir des institutions européennes et tendant à donner plus de force et à la politique étrangère et à la défense est soumise à tous nos partenaires, espagnols et britanniques compris, afin que l'on puisse dégager une volonté commune.
    Nous savons que la tâche est difficile. Mais si nous voulons vraiment que le monde ne soit pas un monde unilatéral qui détruise la diversité, l'Europe doit être ce pôle d'équilibre. Elle a besoin pour cela d'une défense commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉFICIT DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Monsieur le ministre, le Président de la République a présenté hier un « plan cancer ». Celui-ci, qui était très attendu, prévoit une mobilisation du pays pour lutter contre ce fléau. L'UDF salue ce plan en espérant que les moyens humains et financiers suivront.
    M. Christian Bataille. Malheureusement non !
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, nous sommes inquiets.
    La santé est à juste titre l'une des préoccupations majeures des Français, nous disposons d'un système de soins performant, financé par la solidarité nationale et les dépenses de soins sont appelées à augmenter plus vite que le PIB en raison du vieillissement de la population et des nouveaux médicaments. Or, en 2002, le déficit s'est élevé à 7 milliards d'euros. A la fin de 2003, le déficit sera probablement supérieur à 10 milliards d'euros, en raison d'une augmentation des dépenses plus rapide mais surtout de recettes inférieures aux prévisions car la croissance est moindre que celle qui avait été envisagée.
    Bien entendu, il est urgent de réformer la gouvernance de la santé. L'UDF propose une réelle régionalisation de la santé pour permettre une politique de santé de proximité, prenant en compte les besoins et responsabilisant tous les acteurs. Toutefois, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment financer le déficit. La solution n'est certainement pas dans une nouvelle répartition entre l'assurance de base et les assurances complémentaires. Certes, on peut déplacer le curseur, mais cette modification n'est pas à la hauteur du besoin de financement. N'oublions pas qu'au bout du compte, c'est le malade qui paie la cotisation.
    Monsieur le ministre, comment financerez-vous le déficit ? Une augmentation de la CSG est-elle envisagée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, je vous avais annoncé au mois de novembre dernier un déficit sur l'année 2002 de 3,3 milliards pour le régime général et de 6,1 milliards pour l'assurance maladie. En raison de difficultés économiques, il sera probablement plus élevé, car il manque 800 millions d'euros de recettes.
    Le Gouvernement n'a pas attendu pour agir devant ces difficultés.
    M. Augustin Bonrepaux. Si !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il me faut rappeler une nouvelle fois, parce que nous ne l'avons pas fait assez, que nous avons récupéré une sécurité sociale dont l'équilibre était lié à une croissance durable. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    La croissance s'étant retirée, les déficits sont réapparus. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est la raison pour laquelle il nous faudra une réforme de fond.
    Dès le 5 juin, nous nous sommes engagés dans une nouvelle politique de confiance et de responsabilité partagée, d'abord avec les professionnels : la consultation à 20 euros assortie du recours aux médicaments génériques nous a permis de dégager 260 millions d'euros d'économie. Ensuite avec les patients, dont la responsabilisation a été engagée pour ce qui concerne la visite à domicile, et cela fonctionne très bien.
    Monsieur Préel, vous me demandez comment nous allons procéder.
    Laissez-nous clôturer les comptes de 2002 et engager, comme l'a fait François Fillon à la demande du Premier ministre, les concertations nécessaires. Une réforme d'ensemble viendra en son temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

GUERRE EN IRAK

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le Premier ministre, « l'emploi de la force en violation de la charte par un Etat agissant le premier constitue la preuve suffisante d'un acte d'agression », selon les textes de l'ONU.
    Nous savons aujourd'hui, grâce au général Tommy Franks, que la guerre était préparée depuis un an déjà. Pourquoi ? Les Etats-Unis ont la volonté de dominer la région et de s'approprier les richesses pétrolières de l'Irak pour commencer, au risque de mettre le feu à la planète tout entière.
    Dans cette période, la France s'est exprimée clairement, que ce soit par la voix du Président de la République ou par celle de M. le ministre des affaires étrangères.
    Durant les dernières semaines, où j'ai pu regarder la télévision plus que d'habitude (Sourires), je veux dire à M. le ministre des affaires étrangères que, quelles que soient nos origines, quelles que soient nos convictions, quand il a porté la parole de la France, nous avons été fiers d'être Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Aujourd'hui, il faut que la guerre s'arrête, il faut rétablir le droit international, il faut stopper les agresseurs anglo-américains, il faut empêcher que les engins de mort que sont les B 52, assimilables à des armes de destruction massive, ne continuent à tuer autant d'innocents !
    Mes questions seront simples.
    Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour rétablir l'ONU dans ses prérogatives ?
    Que comptez-vous faire pour provoquer une réunion de l'assemblée générale des Nations unies ?
    Que comptez-vous faire pour empêcher le survol du territoire national par les B 52, ces engins de mort terrifiants qui tuent des innocents en Irak et qui menacent la sécurité des populations françaises ?
    M. le président. Monsieur Brard...
    M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président.
    Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour fermer nos ports aux navires qui participeraient à l'agression ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur Brard, la guerre est là, comme vous l'avez dit, avec son visage hideux, que nous connaissons tous, avec son cortège de souffrances, de misère, de victimes.
    Chacun ici connaît notre position sur ce conflit. Face au terrible et cruel régime de Saddam Hussein, nous avons jusqu'au bout plaidé pour le désarmement pacifique de l'Irak et mis en garde contre les conséquences de la guerre.
    Dans ces circonstances, que veut la France ? Que la guerre soit la plus courte et la moins meurtrière possible, que les pays de la région s'abstiennent de toute implication dans le conflit, qui embraserait alors l'ensemble de la zone, et que les événements ne conduisent pas à la radicalisation des esprits ni à une flambée du terrorisme.
    Il existe néanmoins, ainsi que l'a souligné le Président de la République, des usages entre alliés, que nous devons respecter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Hervé Mariton. Très juste !
    M. le ministre des affaires étrangères. Parmi ceux-là figure le droit de survol.
    M. Maxime Gremetz. Pas pour les hors-la-loi ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre des affaires étrangères. Aucun membre de l'OTAN, quelle que soit sa position par rapport à la guerre, n'a remis en cause cet usage.
    M. Hervé Mariton. Très bien !
    M. le ministre des affaires étrangères. Dès lors, que peut faire la France pour ramener la paix ?
    Nous devons d'abord répondre à l'urgence humanitaire en prenant part aux discussions en cours aux Nations unies pour adapter le programme « pétrole contre nourriture » et apporter tout notre concours aux organisations spécialisées des Nations unies comme aux organisations non gouvernementales. C'est pour cela que je suis allé hier devant la commission des droits de l'homme de l'ONU, à Genève, où j'ai également rencontré le président du Comité international de la Croix-Rouge.
    La France veut ensuite établir le plus rapidement possible la pleine souveraineté de l'Irak sur son territoire, laquelle passe par le respect de son unité et de son intégrité territoriale et qui implique un rôle central des Nations unies dans le processus de reconstruction de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CONFÉRENCE DE PAIX POUR LE PROCHE-ORIENT

    M. le président. La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour le groupe UMP.
    M. Renaud Donnedieu de Vabres. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l'Assemblée nationale suit heure par heure, en liaison parfaite avec le Gouvernement, l'évolution de l'intervention américaine et britannique en Irak. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Loncle. C'est faux ! L'Assemblée ne joue pas son rôle !
    M. Arnaud Montebourg. C'est un scandale !
    M. le président. Je vous en prie ! Chacun a le droit de s'exprimer !
    M. Renaud Donnedieu de Vabres. Comme les Français, nous constatons avec inquiétude l'évolution du conflit sur le terrain - malheureusement prévisible - et ses répercussions au plan mondial.
    La lutte contre le terrorisme et la réouverture d'un processus crédible de paix au Moyen-Orient entre Israéliens et Palestiniens sont deux impératifs qui, aujourd'hui, peuvent rassembler les Européens et, au-delà, de très nombreux peuples et tous les citoyens du monde choqués par les attentats du 11 septembre et par les massacres quotidiens en Israël et en Palestine.
    Vous avez eu raison de relancer le principe d'une conférence de paix pour le Proche-Orient. La publication de la feuille de route établie par le Quartet, constitué par l'Union européenne, l'ONU, les Etats-Unis et la Russie, ne doit pas être une simple précaution de dernière heure. Ce parcours vers la paix est une exigence, un devoir moral et politique.
    Monsieur le ministre, pensez-vous possible de rassembler les gouvernements européens pour mettre en oeuvre concrètement cette initiative utile ? Ces gouvernements seraient alors soutenus par l'Europe des citoyens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la France n'a pas cessé de le dire tout au long de ces derniers mois : le Moyen-Orient n'avait pas besoin d'une nouvelle guerre.
    C'est une région aux fractures nombreuses : politiques, religieuses, culturelles, ethniques. C'est une région fragilisée par de nombreux conflits, dont se nourrit, chacun le sait, le terrorisme. C'est une région où s'exprime la frustration des peuples, un profond sentiment d'injustice devant toute politique du deux poids, deux mesures.
    C'est pourquoi la France a la conviction que le conflit israélo-palestinien est central. Que le régler est une urgence, une nécessité dont dépend toute la stabilité de la région.
    Nous avons une chance à saisir.
    L'objectif est clair et partagé par la majorité des Etats : la création d'un Etat palestinien viable et démocratique aux côtés d'un Israël vivant en sécurité.
    La méthode est connue : nous disposons de la feuille de route du Quartet. Nous demandons sa publication immédiate, sa mise en oeuvre, et notamment la tenue de la première phase, qui doit être marquée par la conférence internationale.
    Les circonstances le permettent, avec un nouveau gouvernement israélien et la nomination d'Abou Mazen comme Premier ministre de l'Autorité palestinienne.
    Les Européens doivent se retrouver pour jouer tout leur rôle. Nous sommes unis sur les principes, le Conseil européen l'a rappelé à la fin de la semaine dernière. L'Europe constitue le partenaire naturel de cette région : loi de la géographie, loi de l'histoire, loi de la culture. Il nous faut avancer avec détermination, dans une concertation étroite avec nos amis Américains, pour créer les conditions indispensables d'une percée politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PLAN CANCER

    M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UMP.
    Mme Bérengère Poletti. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Depuis de trop nombreuses années, le cancer, nous le savons tous, est un véritable drame national.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô, allô !
    Mme Bérengère Poletti. Aujourd'hui, il est enfin reconnu comme tel grâce au Président de la République, qui en a fait une cause nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et qui a dévoilé, lundi dernier, le plan de lutte élaboré par le Gouvernement.
    Rappelons-nous qu'à partir du moment où la tuberculose a fait l'objet d'une telle attention il a pu enfin être mis un terme à ce fléau. C'est donc un grand espoir qui traverse aujourd'hui le pays puisque, chaque année, près de 150 000 personnes meurent du cancer en France et que des centaines de milliers d'autres connaissent la souffrance physique et psychologique.
    Cet espoir, c'est aussi le développement de la recherche, qui permettra de comprendre les causes, de détecter plus en amont et de traiter plus efficacement.
    Nous disposons de techniques modernes très sophistiquées, mais qui ne sont pas toutes déployées sur le territoire national. Je ne doute pas que ces équipements seront enfin mis à la disposition de toute la population et que notre retard se comblera rapidement.
    Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment va s'organiser la mise en place des mesures de prévention, de dépistage systématique, de soins, notamment contre la douleur, et d'accompagnement humain, afin que la population bénéficie de manière équitable d'une meilleure prise en charge ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, hier, le Président de la République a présenté le plan cancer dans la logique du choix qu'il avait fait, le 14 juillet, de consacrer à cette maladie un des grands chantiers de son quinquennat. A la demande du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, et moi-même avons oeuvré pendant sept mois à coordonner le travail de spécialistes - médecins, biologistes, chercheurs - et d'associations de patients. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ce qui a changé, par rapport à d'autres plans,...
    M. Albert Facon. C'est qu'il y a moins d'argent pour celui-ci !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... c'est que, probablement - mais il s'agit d'une maturation collective -, nous n'avions pas abordé le problème dans sa globalité. Cette fois-ci, tout est basé sur l'accompagnement de la personne humaine sur le plan médical, sur le plan psychologique et sur le plan social. C'est un combat que les équipes médicales doivent mener avec les malades et leurs proches.
    M. Jean Glavany. Où sont les crédits pour la recherche ?
    M. Christian Bataille. Il n'y en a plus !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous savons désormais que nous pouvons gagner entre 5 et 10 % de vies par la prévention et le dépistage, entre 5 et 10 % de vies par une meilleure coordination des soins, entre 5 et 10 % de vies par un traitement innovant. C'est pourquoi nous nous sommes fixé un objectif à cinq ans : gagner 20 % de vies en développant prévention, dépistage, soins et, bien entendu, recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ce qui atteste la crédibilité du plan, c'est son calendrier, établi sur cinq ans, et son financement qui, à cet horizon, atteindra 640 millions d'euros, soit au total, en mesures nouvelles cumulées, 1,64 milliard d'euros, y compris les crédits pour la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

PROTECTION CONTRE LES RISQUES D'ATTENTATS

    M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour le groupe UMP.
    M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le ministre de l'intérieur, depuis le déclenchement du conflit en Irak plus encore que par le passé, il est essentiel d'assurer la protection de nos concitoyens et de les rassurer alors que l'inquiétude monte et que l'on perçoit des signes de tension entre les différentes communautés. Un récent sondage révèle qu'un Français sur deux est inquiet des conséquences éventuelles de cette guerre et que 46 % d'entre eux craignent la reprise des attentats terroristes.
    Face à cette menace, il s'agit, sans fébrilité mais avec efficacité, de se mobiliser et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de nos concitoyens. Après l'ouverture du centre opérationnel Beauvau la semaine dernière, pouvez-vous nous détailler l'organisation que vous avez mise en place et les actions que vous avez engagées pour protéger les Français contre les risques d'attentats ? En un mot, pouvez-vous les rassurer et nous rassurer à ce propos ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, la première priorité qu'a fixée le Premier ministre lors de la réunion des préfets, c'est d'éviter le moindre dérapage, la plus petite violence entre les communautés.
    Deux remarques à ce propos.
    Je veux d'abord rendre hommage aux organisateurs des différentes manifestations, qui ont été nombreuses et se sont déroulées, pour l'essentiel, dans le calme, ce qui n'a pas été le cas dans tous les pays.
    Mais je veux aussi dire l'émotion du Gouvernement devant l'agression inadmissible et scandaleuse dont ont été victimes un certain nombre de jeunes du seul fait qu'ils étaient juifs. On ne peut accepter des comportements de cette nature. (Applaudissements sur tous les bancs.) Ils sont inadmissibles, ils sont intolérables, d'où qu'ils viennent et quelles qu'en soient les victimes. Cette guerre n'est pas la nôtre, et qu'il s'agisse des musulmans de France ou des juifs de France, chacun a le droit de prier, de croire ou de vivre son appartenance comme il pense devoir le faire. C'est la leçon de la République.
    Les préfets ont reçu l'ensemble des propriétaires ou des responsables d'établissements publics et privés ayant vocation à recevoir du public, afin que puissent y être organisés des contrôles aléatoires. La SNCF et la RATP ont renforcé les mesures de sécurité. La police et la gendarmerie assurent la protection de 2 000 sites. Par ailleurs, le nombre des militaires affectés à la sécurité intérieure a été multiplié par deux, avec l'accord de Mme Alliot-Marie, puisqu'ils sont désormais au nombre de 800.
    Voilà, monsieur Trassy-Paillogues, les réponses que le Gouvernement souhaitait vous apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT

    M. le président. La parole est à M. François Huwart, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Huwart. Ma question s'adresse à M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Michel Delebarre. Aïe aïe aïe !
    M. le président. Monsieur Delebarre...
    M. François Huwart. Monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré : « Sur le plan économique, l'essentiel des conséquences négatives de la crise irakienne sont derrière nous. »
    M. Maxime Gremetz. Quel imprudent !
    M. François Huwart. Je comprends bien que votre rôle ne soit pas de faire profession de pessimisme, mais est-ce si sûr ? Après avoir remonté, la bourse fléchit à nouveau, dans la perspective d'un conflit peut-être plus long et compliqué que prévu, et dont les conséquences seront plus durables.
    Mais surtout, au-delà de ces éléments tristement et dramatiquement conjoncturels, les Français sont durablement inquiets des conséquences de votre politique. C'est sans doute pourquoi vous avez le plaisir de me retrouver dans cet hémicycle... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pierre Lellouche. Ils recommencent déjà ! Ils sont vraiment incurables !
    M. François Huwart. Les Français sont inquiets de la situation sociale, de la baisse des prévisions de croissance, du creusement des déficits publics, des plans sociaux en cascade, de la situation très dégradée des entreprises. Ils me l'ont dit pendant la campagne électorale.
    Leur inquiétude est renforcée par le manque de lisibilité de votre politique. La pente, comme disait M. le Premier ministre, leur paraît en effet plus forte aujourd'hui qu'il y a dix mois, plus forte surtout pour eux. Et la route, qui devait être droite, ils ne la voient plus bien. C'est la confiance qui leur manque.
    Que comptez-vous donc faire, monsieur le ministre, pour redonner aux Français la confiance dans leur avenir et la confiance en eux-mêmes ? Sans la confiance, sans politique de l'emploi forte, sans politique de solidarité forte, il n'y a pas, vous le savez bien, de croissance. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Laissez M. Mer répondre, s'il vous plaît !
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, la confiance ne se décrète pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Albert Facon. Parlez-nous des plans sociaux !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La confiance, c'est le résultat d'un environnement dans lequel chacun des acteurs économiques découvre que le futur lui appartient, que le futur se bâtit à travers les initiatives individuelles, que le futur se construit grâce à des perspectives favorables.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bla-bla-bla !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'objectif d'un gouvernement, de quelque gouvernement que ce soit, en matière de politique économique, c'est de créer les conditions pour que les différents acteurs économiques, personnes et entreprises, aient envie de voir le futur positivement.
    M. Christian Bataille. Vous allez dans le mur !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est cela, le but de notre politique économique, qui ne change pas, quelle que soit, disons, la conjoncture.
    Mme Martine David. Il faudrait justement qu'elle change !
    M. Michel Lefait. Elle est obsolète !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est clair qu'aujourd'hui nous avons des difficultés en matière conjoncturelle (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), comme tous les pays du monde.
    Il est non moins clair que nous avons une politique, qu'elle est simple et qu'elle consiste à afficher des conditions de plus en plus favorables pour que l'initiative économique soit la solution de nos problèmes.
    M. Jean-Pierre Blazy. Tout pour le MEDEF !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est autour de ces idées que nous avons, à travers les différentes lois et les différents budgets, bâti les éléments qui nous permettront progressivement, sur cinq ans, de démontrer que notre pays saura régler ses problèmes en sortant par le haut. (Applaudissements sur les bancs du gorupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Menteur !

CYCLONE ÉRIKA

    M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, pour le groupe UMP.
    Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, iaorana.
    Dans la nuit du 13 au 14 mars, la Grande Terre de Nouvelle-Calédonie a été frappée par un cyclone exceptionnellement ravageur, baptisé Erika. Des dégâts très importants sont à déplorer. La ville de Nouméa a été frappée de plein fouet et les familles défavorisées installées en périphérie figurent parmi les plus touchées. Elles sont d'ailleurs toujours hébergées dans des gymnases ou des salles paroissiales.
    Madame la ministre de l'outre-mer, vous vous êtes rendue immédiatement sur place pour exprimer à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie notre compassion ainsi que la solidarité nationale.
    En Polynésie, il y a juste vingt ans, une série de cyclones a laissé nos îles dans une situation analogue. C'est un traumatisme collectif que l'on n'oublie pas. Pourtant notre expérience m'autorise à vous dire, mes chers collègues, que de cette tragédie peut sortir un bien immense. Grâce à la solidarité nationale, nous avons entrepris aussitôt un programme intensif de construction de maisons modèles aux normes anticycloniques. Des centaines de familles ont pu être relogées, parmi lesquelles des familles très défavorisées. Nous avons pu ainsi amorcer une politique de rupture avec la précarité et la promiscuité. Outre la relance économique, ce programme a eu des conséquences heureuses et inattendues. Je n'en citerai qu'une : les instituteurs ont très vite fait la relation entre ces changements et la progression des résultats scolaires.
    Madame la ministre de l'outre-mer, mes collègues Pierre Frogier et Jacques Lafleur s'associent à moi pour vous demander de bien vouloir présenter à la représentation nationale un bilan de votre récente mission en Nouvelle-Calédonie et lui indiquer quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement pour reconstruire ce territoire à court et moyen terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Emile Zuccarelli. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Madame la députée, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir évoqué la situation particulièrement douloureuse de nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie et de leur avoir exprimé votre solidarité et celle de la Polynésie, qui a vécu un drame identique il y a quelques années.
    Après ce cyclone aux effets dévastateurs, puisque des vents de plus de 300 kilomètres/heure ont soufflé, le Gouvernement a pris immédiatement quatre séries de mesures.
    Premièrement, il a débloqué une aide d'extrême urgence de 500 000 euros, qui vient d'être portée à 650 000 euros, pour faire face aux besoins de première nécessité des sinistrés.
    La deuxième série de mesures a été prise en collaboration avec Nicolas Sarkozy. Une équipe de la sécurité civile s'est rendue en Nouvelle-Calédonie avec dix tonnes de matériel et s'est positionnée en soutien des trois mille militaires, gendarmes et pompiers qui s'étaient déployés immédiatement sur l'ensemble du territoire. J'ai pu mesurer sur place le travail remarquable et l'extraordinaire dévouement de l'ensemble de ces personnels.
    Troisièmement, nous avons débloqué 25 millions d'euros sur le budget du ministère de l'outre-mer pour financer en urgence des logements destinés aux mille familles actuellement sans abri.
    Enfin, nous avons mis en place un fonds de secours pour indemniser particuliers, agriculteurs et éleveurs, ainsi que les collectivités locales pour les dégâts qui ne sont pas couverts par les assurances.
    Cet effort exceptionnel de solidarité du Gouvernement a été unanimement apprécié. Et si la Nouvelle-Calédonie présente aujourd'hui l'image de la désolation, elle offre aussi celle, beaucoup plus réconfortante, d'une population qui, dans toutes ses composantes, fait preuve d'une extrême solidarité, d'un immense courage et d'une très grande dignité que nous devons tous saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE EXTÉRIEURE ET DE SÉCURITÉ EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe UMP.
    M. Alain Marty. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    La guerre en Irak est malheureusement déclenchée. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à regretter que cette action ait été engagée de façon unilatérale et en dehors du droit international. Nous sommes également nombreux à soutenir l'action exemplaire du Président de la République, qui a su faire entendre la voix singulière de la France, et à soutenir notre diplomatie, qui a joué, en la matière, un rôle remarquable. En ce moment, j'ai une pensée pour l'ensemble des victimes et pour les souffrances que va engendrer ce conflit, qui était évitable.
    Cela étant, nous avons du mal aujourd'hui à évaluer les conséquences de cette guerre. Parmi celles-ci, nous constatons que l'Europe sort affaiblie et divisée. Or, l'Europe ne peut se permettre d'être uniquement un espace économique. Comme vient de le dire M. le Premier ministre, nous devons être en mesure de créer très vite les conditions d'une Europe capable de défendre ses valeurs, sa sécurité et ses intérêts partout dans le monde.
    Ces idées ne sont toutefois pas partagées par tous. Aussi, madame la ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment. Les pays européens sont-ils aujourd'hui capables d'évoluer vers une diplomatie et une politique de défense commune ? Ne faut-il pas que cet approfondissement se fasse d'abord parmi les Quinze, avant que les futurs Etats membres qui veulent nous rejoindre en 2004 soient à même de se prononcer ? Enfin, l'organisation de l'Europe n'est-elle pas la conséquence de choix politiques ? Ce projet est important pour l'Europe, pour l'équilibre du monde et pour la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, il est vrai que la guerre d'Irak a divisé l'Europe puisque certains ont voulu recourir à la force tandis que d'autres, parmi lesquels notre pays, auraient souhaité que la responsabilité collective de la communauté internationale fût mise au premier plan. Et tout cela, comme l'a souligné le ministre des affaires étrangères, dans le but commun de désarmer l'Irak. Est-ce pour autant la fin annoncée du projet politique européen ? Certainement pas, et peut-être même faut-il dire : au contraire. Comme le Président de la République l'a rappelé, l'Europe a en effet déjà connu des crises extrêmement profondes. Or elle n'a jamais cessé de progresser, elle n'a jamais connu de recul. Et aujourd'hui, nul ne souhaite en France que nous fassions marche arrière.
    Des travaux sont en cours. Il y a tout d'abord ceux de la Convention, dont nous appuyons très fermement la poursuite. La présidence grecque a proposé d'écouter le Président de la Convention en juin et même en avril. Il y a aussi, ce qui est très nouveau, la constitution d'une véritable opinion publique européenne. Or, celle-ci réclame plus et pas moins d'Europe.
    Enfin et surtout, il faut rappeler que le dernier conseil européen de Bruxelles des 20 et 21 mars dernier, quelles que soient par ailleurs les divergences subsistant entre Etats, est parvenu à une déclaration commune qui, pour répondre à votre question, associe non seulement les Quinze mais également les futurs Etats membres de l'Europe. Cette déclaration pose des principes essentiels pour l'avenir : l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Irak, la primauté des Nations unies et la responsabilité qui incombe à la communauté internationale tout entière, enfin, le renforcement de la politique de défense et de la politique étrangère et de sécurité commune, comme l'a rappelé tout à l'heure le Premier ministre.
    M. Patrick Lemasle. Il n'a rien dit !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous célébrons aujourd'hui le 46e anniversaire du traité de Rome, qui a été signé le 25 mars 1957. J'ai réuni ce matin au ministère des affaires étrangères les neuf anciens commissaires européens français : nous nous sommes accordés pour que la France porte haut ce message, car, si l'Europe existe, notre pays en est l'un des principaux bâtisseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

NÉGOCIATIONS ENTRE LA CNAM
ET LES SYNDICATS DE MÉDECINS

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, au nom du « pari de la confiance », vous vous êtes largement investi, depuis votre nomination, dans les négociations entre les professions médicales et la caisse nationale d'assurance maladie. Aujourd'hui, dans un contexte d'aggravation croissante des dépenses de santé, et alors que nos concitoyens s'interrogent sur la pérennité de notre système de protection sociale, la rupture semble totale entre la Caisse nationale d'assurance maladie et les principaux syndicats de médecins. Le désaccord porte, entre autres, sur la possible création de « fenêtres de liberté tarifaire » permettant à des médecins d'effectuer des dépassements d'honoraires non remboursés par la sécurité sociale.
    M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    Mme Catherine Génisson. Face à ce dispositif qui rompt l'égalité d'accès des citoyens aux soins, la Caisse nationale d'assurance maladie argue que cela relève de choix politiques du Gouvernement et non du champ conventionnel. Par ailleurs, les syndicats médicaux vous interpellent directement. Monsieur le ministre, vous engagez-vous à maintenir le respect des remboursements par la sécurité sociale des tarifs effectivement payés par les patients pour les actes médiaux ? Vous engagez-vous à respecter le principe de l'opposabilité des tarifs de remboursement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, en dépit des difficultés rencontrés, je ne crois pas que l'on puisse parler d'échec des négociations.
    M. Albert Facon. Si !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je suis tenu régulièrement informé. Ce matin, la discussion a repris. Et cet après-midi, la Caisse nationale d'assurance maladie doit faire de nouvelles propositions, sur lesquelles les syndicats donneront naturellement leur avis. Il ne m'appartient pas ici, vous le comprendrez, de dévoiler la teneur de ces nouvelles propositions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Depuis la prise de mes fonctions, j'essaie d'assurer une médiation. S'il ne s'agit certainement pas de porter atteinte à l'autonomie des partenaires conventionnels, il me revient cependant de dire que nous souhaitons aller vers une maîtrise médicalisée, et non vers l'inégalité d'accès aux soins.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Enfin, entre l'étatisation et la privatisation, c'est la voie conventionnelle qui nous paraît la meilleure. J'espère donc que, dans les jours à venir, nous pourrons considérer les choses d'un oeil plus optimiste.
    M. Albert Facon. Un oeil de cyclope !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En tout état de cause, s'il s'avère qu'en 2003, comme en 1998, il n'y a pas de convention, nous prendrons nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AUGMENTATION DU CAPITAL DE FRANCE TÉLÉCOM

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Marc Roubaud. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, a annoncé hier une augmentation de son capital à hauteur de 19 milliards d'euros. Il était certes urgent de prendre des mesures pour cette entreprise publique que le gouvernement précédent avait laissée aller à la dérive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    France Télécom connaît en effet un endettement record de 68 milliards d'euros, et ses pertes pour 2002 - record, elles aussi - se sont élevées à 20,3 milliards d'euros. Pensez-vous que ces mesures soient de nature à assurer la pérennité de l'entreprise, car nos concitoyens en ont assez de voir l'argent public gaspillé ? Ne craignez-vous pas, toutefois, que ces dispositions soient de nature à léser les petits actionnaires ou les salariés de l'entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous remercie de votre concision, mon cher collègue. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, la décision prise par le conseil d'administration de France Télécom hier matin a, bien sûr, été mûrement réfléchie, avec, d'ailleurs, le concours des actionnaires. Elle vise à mettre en oeuvre la deuxième partie du plan de redressement de France Télécom qui en comporte trois.
    La première partie de ce plan consistait à éviter que l'entreprise se heurte à ce qu'on a appelé « le mur de liquidités », c'est-à-dire à une crise de trésorerie. Cela a été brillamment fait à l'occasion de l'émission de 9 milliards d'obligations en janvier et décembre derniers.
    La deuxième partie va consister à reconstituer un minimum de fonds propres pour cette entreprise qui, après avoir apuré le passé, se retrouve avec des fonds propres négatifs à hauteur de 10 milliards. L'augmentation de capital de 15 milliards qui vient d'être décidée avec le fort soutien du système bancaire - il était prêt à aller au-delà des 6 milliards de souscriptions prévues - va résoudre au moins partiellement le problème et redonner à cette entreprise un minimum de fonds propres par rapport au niveau de ses dettes, que vous avez rappelées, et qui vont être diminuées d'autant.
    La troisième partie du plan consiste à créer les conditions pour que la performance de France Télécom continue à s'améliorer sur le plan technique et des résultats, de manière que cette entreprise génère progressivement une capacité de désendettement venant de son exploitation, tout cela après investissement. Tel est l'objet du travail accompli par le management, avec méthode, depuis plusieurs années. Il s'agit de relever le défi qu'a lancé Thierry Breton de disposer de 15 milliards pour réduire l'endettement de France Télécom à partir ce ce biais.
    Bien évidemment, nous avons souhaité que l'augmentation de capital se fasse dans les meilleures conditions possibles pour les petits actionnaires.
    M. Jean-Pierre Brard. Et les salariés !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est la raison pour laquelle, de manière parfaitement délibérée et après avoir réfléchi au sujet pendant un mois, nous avons choisi les quinze prochains jours, eu égard à la tenue de la Bourse et à l'état du marché, pour lancer cette opération qui sera réussie puisqu'elle est souscrite. Elle devrait permettre aux petits actionnaires, soit par la souscription d'actions avec les bons qu'ils vont toucher gratuitement, soit par la vente de ces derniers au profit d'autres actionnaires désireux d'acheter des actions, de bénéficier de conditions analogues à celles qui leur ont été offertes lors de la première augmentation de capital réservée au public par France Télécom. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MÉDIATHÈQUES DE PROXIMITÉ

    M. le président. La parole est à M. Roger Boullonnois, pour le groupe UMP.
    M. Roger Boullonnois. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, l'aménagement culturel du territoire est l'une de vos priorités. C'est dans ce sens que vous avez souhaité mettre au coeur de votre action le développement des médiathèques de proximité dans les zones rurales et les quartiers périphériques des villes. Il est nécessaire en effet de résorber la fracture numérique à tous les niveaux. En zone rurale comme dans beaucoup de quartiers, les besoins sont grands en termes de culture et d'accès à l'information, mais aussi d'espaces de vie favorisant les échanges.
    C'est dans cet esprit que vous avez lancé un appel à idées auprès de jeunes architectes, qui ont été invités à présenter leurs réflexions sur ce type d'équipement. Le jury s'est réuni le 11 mars dernier. Pouvez-vous nous faire part de ses conclusions et des suites qui vont être données à ce programme de développement des médiathèques de proximité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, une enquête récente, parue à l'occasion du Salon du livre, fait apparaître que 39 % de nos concitoyens n'achètent jamais un livre et que 40 % d'entre eux, environ, ne lisent jamais un livre. On mesure bien l'ampleur du problème, surtout si l'on croise ces statistiques avec celles que nous connaissons en matière d'illettrisme ou concernant l'érosion de la lecture de la presse, notamment quotidienne.
    C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité inscrire au coeur de l'action de mon ministère le livre et la lecture, et notamment la lecture publique. Comment allons-nous procéder ?
    Nous allons tout d'abord nous appuyer sur le formidable réseau des 2 800 bibliothèques publiques de notre pays.
    Nous allons également poursuivre le programme des bibliothèques municipales à vocation régionale. Après l'inauguration de la bibliothèque de Troyes, après l'achèvement de celle de Toulouse, j'ai souhaité qu'un certain nombre de nouveaux projets soient engagés : à Angoulême, à Rouen, à Clermont-Ferrand notamment.

    J'ai aussi souhaité l'implantation d'une nouvelle génération d'équipements de proximité dans les territoires les plus abandonnés de la République : campagnes et périphérie des villes. Nous y réaliserons, naturellement avec le concours des collectivités locales et en appuyant leurs initiatives, des équipements de taille moyenne, de 200 à 1 000 mètres carrés, qui donneront un accès aux références culturelles de base - le livre mais également la presse -, et qui seront le cadre d'une familiarisation avec les nouvelles technologies de l'information. Et, à cet égard, vous avez raison d'évoquer la réduction de la fracture numérique. Ces espaces devront être également d'une qualité architecturale convenable, et même très bonne. C'est la raison pour laquelle j'ai invité seize jeunes architectes à participer à un concours d'idées. Leurs propositions sont actuellement présentées au Salon du livre.
    Nous allons engager dès cette année un certain nombre de projets en mobilisant des moyens du ministère de la culture et grâce au concours particulier des bibliothèques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

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ASSISTANTS D'ÉDUCATION

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux assistants d'éducation (n°s 640, 694).

Rappel au règlement

    M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.
    M. Yves Durand. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, je me félicite que nous puissions commencer, cet après-midi, l'examen du projet de loi relatif aux assistants d'éducation, je ne peux, en revanche, que regretter que le Gouvernement, et probablement vous-même, ayez souhaité que ce débat se déroule en catimini.
    M. le président. Monsieur le député, un rappel au règlement doit se limiter à rappeler le règlement.
    M. Yves Durand. C'est ce que je fais, monsieur le président.
    Je me félicite que nous disposions de plusieurs jours pour examiner ce texte, ce qui nous permettra probablement, monsieur le ministre, de connaître quelles sont vos intentions politiques en matière éducative.
    M. Daniel Vaillant. Très bien !
    M. Yves Durand. Le groupe socialiste, par le dépôt de ses amendements qui sont des amendements sérieux,...
    M. Lionnel Luca. Cela se voit : 3 000 amendements pour trois articles !
    M. Yves Durand. ...permet à la démocratie de vivre là où elle doit s'exprimer, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale.
    M. Lionnel Luca. Voilà un grand moment de démocratie, en effet !
    M. Guy Geoffroy. Trois mille amendements pour trois articles, ce n'est pas sérieux !

Ouverture de la discussion

    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi concernant les assistants d'éducation car je vais essayer de le démontrer, il permettra de résoudre bien des difficultés liées au statut des aides-éducateurs ou à celui des MI.SE, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, et d'inscrire enfin dans un statut de droit public la notion d'assistance à l'éducation, que vous allez, je l'espère, consacrer par la légitimité législative.
    Afin qu'il soit plus facile à chacun de comprendre en profondeur l'intérêt des assistants d'éducation, je commencerai par rappeler brièvement les difficultés auxquelles se heurtaient les deux dispositifs anciens et même pour dire très simplement les choses, à indiquer pourquoi ils étaient mauvais, ce qui ne vise évidemment pas les personnes concernées : en effet, le dispositif des aides- éducateurs n'était pas bon pour cinq raisons qui sont aujourd'hui évidentes.
    D'abord, il avait été mis en place sans que l'on réfléchisse véritablement aux fonctions que devaient remplir les aides.
    M. Daniel Vaillant. C'est faux !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ainsi, cet exemple est très parlant ; sur les 58 000 jeunes adultes qui remplissaient et remplissent encore aujourd'hui ces fonctions d'aide à l'éducation, seulement 1 101 s'occupaient de la scolarisation des enfants handicapés.
    M. Bernard Perrut. Malheureusement !
    M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la recherche. Or, nous savons que pour prendre en charge au sein de notre système scolaire les 15 000 élèves handicapés scolarisables, il faut environ 6 000 auxiliaires de vie scolaire, les AVS. D'ailleurs, la loi nous y oblige.
    Ensuite, le statut choisi par le précédent gouvernement était inadapté et il relevait en grande partie du bricolage, puisqu'on recourait à des contrats de droit privé, ce qui entraînait de très grandes difficultés de gestion au sein de la fonction publique.
    Par ailleurs ce dispositif installait les jeunes dans une position d'assistés pour cinq années, ce qui est évidemment beaucoup trop long, d'autant qu'aucune formation véritable ne leur était apportée et sans que leurs missions soient véritablement précisées, ce qui constitue un mauvais signal pour entrer dans la vie active.
    De plus, rien n'avait été prévu par le précédent gouvernement pour la sortie du dispositif : ni titularisation ni même indemnités de chômage. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy Et ils voudraient nous donner des leçons !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Les crédits budgétaires prévus pour les aides-éducateurs étaient évidemment en grande diminution.
    M. Jean-Louis Idiart. Alors, autant les mettre à la rue tout de suite !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Nous étions dans une situation d'autant plus difficile que la sortie du dispositif pour les aides-éducateurs était prévue au 1er janvier 2003, ce qui n'a aucun sens au sein du système éducatif : nous avons donc été obligés de prévoir une prolongation de six mois des contrats en cours.
    J'en profite pour souligner que tous les aides-éducateurs actuellement en place, les emplois-jeunes, continueront d'exercer leur mission aussi longtemps qu'ils le souhaiteront dans le cadre du contrat qu'ils avaient passé. Par conséquent, personne ne sera « renvoyé » ou « éjecté » du système tel qu'il existe aujourd'hui.
    Si l'on avait jugé ce dispositif si grandiose, si efficace, si intéressant pourquoi ne pas l'avoir pérennisé à temps ? Il est un peu facile de prétendre aujourd'hui que l'on y travaillait alors qu'on avait eu cinq ans pour y réfléchir et mettre en place les moyens de prolonger le dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La vérité, c'est que tout le monde savait qu'il n'était pas bon et qu'on laissait, comme certains me l'ont d'ailleurs dit très clairement, une grenade dégoupillée ou une bombe à retardement au sein même de l'éducation nationale. Il fallait donc résoudre le problème et c'est le premier défi auquel le nouveau système des assistants d'éducation devrait permettre d'apporter une réponse.
    Pour ce qui est des MI-SE, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, j'ai trouvé, à mon arrivée au ministère, un rapport qui avait été remis en 1999 à M. Claude Allègre et à Mme Ségolène Royal et qui concluait que le dispositif était si mauvais qu'il fallait le changer d'urgence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. Yves Durand. Le réformer !
    M. Lionnel Luca. Ils ont réformé Allègre !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Evidemment, il y quatre ans, la seule urgence était d'attendre et de ne rien faire alors qu'on savait parfaitement que ce dispositif n'était pas bon, au moins pour deux raisons que je veux rappeler.
    Inventé en 1937, il avait été mis en place pour servir d'aide sociale aux étudiants, ce qui est très bien et nous allons préserver cet aspect, mais, à l'époque, les universités fonctionnaient exclusivement sur le système du cours magistral et il n'existait pas de partiels. Ainsi, les étudiants pouvaient très bien s'installer dans ce dispositif, y trouver leur bonheur et remplir leurs fonctions de manière satisfaisante. En revanche, à partir du moment où les universités ont fonctionné avec le système des partiels et du contrôle continu, à partir du moment où les travaux dirigés et les travaux pratiques se sont développés, il était évident qu'on allait se heurter à de grosses difficultés.
    La première a touché les étudiants eux-mêmes puisque les conditions qui leur étaient faites ne leur permettaient pas de préparer leurs examens dans des conditions satisfaisantes. La comparaison des résultats aux examens des MI-SE avec ceux des autres catégories d'étudiants salariés montre qu'ils échouent dans des proportions beaucoup plus élevées. Cela est parfaitement normal puisqu'ils ne sont pas placés dans des conditions qui leur permettent de préparer les examens de façon satisfaisante.
    Le système n'était pas bon non plus pour les établissements puisque, au moment des partiels, les surveillants étaient massivement absents. Nul ne songe ici à le leur reprocher. C'est simplement un constat : étant étudiants, il leur fallait se rendre aux partiels et, par conséquent, être absents des établissements.
    Il convenait donc de mettre un terme à ces deux dispositifs et de proposer enfin un véritable statut moderne de l'assistance à l'éducation : statut de droit public et statut unique. C'est exactement ce que je vous propose dans ce projet de loi.
    Le premier avantage de ce nouveau dispositif par rapport aux deux systèmes anciens des aides-éducateurs et des MI-SE...
    M. Jean-Pierre Dufau. Travailler plus pour gagner moins !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... est qu'il sera destiné en priorité aux étudiants, en particulier aux étudiants boursiers.
    M. Patrick Roy. Ce n'est pas sûr !
    M. Yves Durand. Ce n'est pas dans le texte !
    M. Jean-Pierre Dufau. Quelques étudiants !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ensuite, les deux missions prioritaires des assistants d'éducation seront la surveillance et l'aide aux handicapés.
    Il y aura donc, comme je l'ai toujours affirmé, davantage de surveillants dans les établissements à la rentrée de 2003 qu'il n'y en avait à celle de 2002, et il y aura six fois plus d'aides à la scolarisation des enfants handicapés dans le nouveau système que dans l'ancien. Cela ne signifie pas que les autres missions qui étaient remplies par les aides-éducateurs ne seront pas préservées, notamment celles qui consistaient à travailler au sein des CDI, par exemple, ou à exercer des fonctions de médiation.
    Ce système sera meilleur tant pour les étudiants que pour les établissements.
    Pour les étudiants, auxquels il sera bien sûr réservé en priorité, le système sera meilleur puisqu'il leur permettra de cumuler un emploi, par exemple de surveillant ou d'auxiliaire de la vie scolaire, avec une bourse attribuée sur critères sociaux, ce qui facilitera le mi-temps. Cela sera vivable pour eux et leur permettra à la fois de mieux préparer leurs examens et d'être davantage présents dans les établissements.
    Ensuite, les fonctions proposées aux assistants d'éducation seront mieux définies et plus variées que les seules fonctions de surveillance ou d'aide à la scolarisation du handicap puisque, comme je viens de l'indiquer, les autres missions seront préservées, notamment celles qui consistaient à travailler dans les CDI ou à assurer des fonctions de médiation.
    Par ailleurs, ces assistants d'éducation bénéficieront d'une formation alors que, jusqu'à présent, elle était inexistante.
    Surtout, ils pourront bénéficier - j'ai entamé une négociation avec les universités sur ce point - d'une validation des acquis de l'expérience, notamment sous forme de crédits. Ainsi, pour prendre un exemple simple et parlant, imaginons le cas d'un étudiant en psychologie qui travaillerait dans une CLIS ou dans une UPI, donc s'occuperait pendant un an d'enfants handicapés. Il est évident qu'il n'y aurait aucune raison de lui refuser la possibilité de rédiger un mémoire ou un rapport d'activité, de le faire valider et reconnaître sous forme d'obtention de crédits. Cela permettra aux étudiants de moins éprouver de difficultés, notamment au niveau de leur DEUG.
    Enfin, les concours internes de recrutement de l'éducation nationale seront ouverts à ces assistants d'éducation, ce qui n'est pas une disposition négligeable.
    Le système sera également meilleur pour les établissements puisque je souhaite mettre en place une formule de recrutement de proximité, sauf dans le cas - je déposerai moi-même un amendement sur ce point - du recrutement des auxiliaires de vie scolaire chargés de s'occuper des enfants handicapés. Cependant, pour l'essentiel, il s'agira d'un recrutement de proximité effectué par les établissements, ce qui permettra aux chefs d'établissement de s'assurer qu'ils ont choisi la bonne personne, le bon étudiant, celui qui habite à proximité du collège ou du lycée, qu'il sera présent et suivra ses études à l'université dans de bonnes conditions.
    Grâce au cumul des avantages du mi-temps pour les étudiants et du recrutement de proximité pour les établissements, nous aurons beaucoup plus de chances que les assistants d'éducation soient présents,...
    M. Yves Durand. C'est pour cela que vous supprimez des postes !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... ce qui n'était pas toujours le cas pour les MI-SE. Je vous rappelle d'ailleurs que dans les grandes académies, comme celle de Toulouse, nombre d'entre eux ne rejoignaient pas leur affectation dans un collège ou un lycée lorsqu'elles leur semblait trop éloignée de l'université.
    En ce qui concerne l'accueil des enfants handicapés, nous multiplierons par six le nombre de jeunes adultes s'occupant de leur scolarisation. Néanmoins, étant donné la particularité de cette mission, il faudra prévoir, comme je le suggérais tout à l'heure, une modalité de recrutement spécifique pour ces auxiliaires de vie scolaire. Il sera effectué au sein des rectorats par les inspecteurs d'académie afin qu'il soit possible de s'assurer que ces jeunes possèdent les compétences nécessaires pour exercer ces fonctions si difficiles.
    Le dispositif de droit public sera donc pérennisé et il ne s'arrêtera pas au bout de cinq ans comme celui des emplois-jeunes. En outre, il pourra, en fonction à la fois des besoins et des crédits, monter en puissance au fur et à mesure que cela paraîtra nécessaire.
    Je conclurai en traitant du financement de ce dispositif. Pour cela, je me bornerai à citer cinq chiffres portant évidemment sur un tiers d'année, comme il convient pour le recrutement de 2003.
    En septembre 2003 seront donc recrutés 16 000 assistants d'éducation pour un coût total de 109 millions d'euros financés à hauteur de 14 millions d'euros par une mesure nouvelle inscrite dans la loi de finances pour 2003 et que le Premier ministre m'avait accordée sachant, dès le mois de juillet dernier, que nous aurions à mettre en place ce nouveau dispositif ; pour 36 millions d'euros par recyclage d'autres crédits figurent en loi de finances pour 2003 ; par une ouverture de 34 millions d'euros en loi de finances rectificative 2003 ; enfin pour 25 millions d'euros de crédits emplois-jeunes non utilisés les années antérieures mais déjà affectés aux établissements et qui appartiennent à des lignes de crédit non fongibles.
    Il est donc clair, et je le dis sans fard, qu'il y aura un peu moins de jeunes adultes dans nos établissements à la rentrée prochaine.
    M. Jean-Pierre Dufau. C'est une litote !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En revanche, ils seront centrés sur les missions essentielles, il y aura davantage de surveillants, d'AVS et le reliquat sera affecté aux missions les plus importantes que remplissaient les emplois-jeunes et que nul ne songe ici à nier. Au contraire, le grand succès de ce dispositif sera de pérenniser une fois pour toutes la notion d'assistance à l'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Durand. Nous n'en savons pas davantage ! Heureusement que nous avons déposé des amendements, sinon nous ne saurions rien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il était indispensable de repenser les dispositifs de surveillance et d'aide à l'éducation.
    Le dispositif des maîtres d'internat et des surveillants d'externat, fondé sur une réglementation ancienne, ne répond plus aux besoins de surveillance qui s'exprime aujourd'hui dans les établissements scolaires. Actuellement plus de 50 000, ils sont recrutés, en priorité, parmi les candidats aux carrières de l'enseignement, mais le bilan de leur insertion professionnelle est mitigé : leurs chances de réussite aux concours d'accès à la fonction d'enseignant sont faibles.
    Dans le même temps, les contraintes de leurs études les empêchent d'exercer au mieux leur rôle de surveillance dans des établissements qui peuvent connaître des phénomènes de violence importants. Ainsi que vient de le rappeler M. le ministre, un rapport sur ce sujet a été remis à M. Claude Allègre en 1999, confirmant le caractère obsolète de leur statut.
    Il y est notamment indiqué : « Il apparaît qu'en raison de l'âge des dispositions en vigueur, de la distinction dépassée entre maîtres d'internat et surveillants d'externat et de l'inadaptation croissante de la réglementation avec la vie des établissements, une refonte d'ensemble s'impose incontestablement.
    M. Lionnel Luca. Eh oui !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. « La qualité du service susceptible d'être assumé par des jeunes étudiants n'est plus compatible avec les exigences posées pour l'encadrement des élèves. En outre, les intéressés ne peuvent pas suivre normalement les études en premier cycle universitaire.
    « Les conditions d'exercice de leurs missions, de réussite et d'insertion professionnelle des intéressés sont actuellement insatisfaisantes. Une refonte du cadre statutaire correspondant doit être envisagé d'urgence. »
    On ne peut pas être plus clair !
    La même réflexion s'impose s'agissant des aides-éducateurs dont les premiers contrats arrivent à terme. Ceux-ci, ont été recrutés sur des contrats de droit privé à durée déterminée. Il convient de rappeler que le dispositif, tel qu'il a été conçu, avait pour vocation d'assurer aux jeunes une situation temporaire, mais d'une durée suffisante, au cours de laquelle ils pouvaient acquérir une expérience professionnelle ou parfaire un projet professionnel facilitant leur insertion future.
    Si l'apport qualitatif des aides-éducateurs dans les établissements scolaires n'est pas contesté, en revanche, la faiblesse de la formation, le caractère hétéroclite des fonctions qu'ils ont été amenés à remplir ont été soulignés par de nombreux rapports. Dans ces conditions, il était devenu urgent pour le Gouvernement de présenter un dispositif plus adapté aux besoins des établissements et aux attentes des jeunes.
    Le dispositif des assistants d'éducation proposé aujourd'hui par le Gouvernement présente plusieurs avantages par rapport aux dispositifs antérieurs.
    D'abord, pour les jeunes, la coexistence de deux statuts différents, l'un de droit public, l'autre de droit privé, était source de complexité.
    Le Gouvernement a fait le choix de la simplification. Les assistants d'éducation bénéficieront de contrats de droit public pour une durée initiale de trois ans, renouvelable dans la limite d'un engagement maximum de six ans. Ils bénéficieront par conséquent d'un statut d'agent public. Ce choix est un signe fort de la stabilité souhaitée pour ces nouvelles fonctions.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Absolument !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Le nouveau dispositif ouvert en priorité aux étudiants permettra de leur offrir plus de postes que l'ancien système des MI-SE, qui seul leur était réservé, et ceci dès la rentrée 2003, puisque 16 000 nouveaux postes seront recrutés.
    M. Christophe Masse. Tragique !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. De même, ce nouveau statut préserve le caractère d'aide sociale aux étudiants. Ainsi le travail à mi-temps sera encouragé afin de rendre cet emploi compatible avec la poursuite d'études universitaires. Par ailleurs, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre de l'éducation nationale, et vous venez de le rappeler, à faciliter le cumul de ce travail à mi-temps avec l'attribution d'une bourse sur critères sociaux, ce qui garantira, pour ceux qui relèvent de ces critères, un revenu assurant leur autonomie.
    Le nouveau dispositif offira également des fonctions plus diversifiées aux étudiants que l'ancien statut des MI-SE : surveillance bien sûr, mais aussi aide éducative et appui aux équipes pédagogiques.
    Le statut d'agent public permettra de surcroît aux jeunes titulaires des diplômes exigés de se présenter aux concours internes de recrutement des personnels enseignants, d'éducation, d'orientation et de documentation, ce qui n'était pas possible pour les aides-éducateurs.
    Enfin, ils auront la possibilité de faire valider l'expérience qu'ils auront acquise dans les établissements.
    Quant aux établissements scolaires, ils avaient, c'est vrai, été un peu oubliés au bénéfice de l'aide sociale aux étudiants. Ils restent pourtant la clef du dispositif ; c'est à leur service que doivent se mettre les surveillants comme les aides-éducateurs et, demain, les assistants d'éducation. Désormais, aux termes de l'article 2 du projet de loi, il revient aux établissements de recruter directement leurs assistants d'éducation.
    Cette mesure encourage la gestion de proximité et doit permettre une meilleure adéquation entre les postes et les profils.
    Je rappelle que les MI-SE et les aides-éducateurs actuellement en poste pourront aller au terme de leur contrat, aux côtés des 16 000 assistants d'éducation qui seront recrutés à la prochaine rentrée scolaire. Au total, ce sont plus de 82 000 postes qui assureront à la prochaine rentrée les tâches déjà énoncées.
    A ces besoins des établissements s'ajoute l'impulsion donnée tant par le chef de l'Etat que par vous-même, monsieur le ministre, en faveur de la scolarisation des handicapés.

    Le recrutement de 6 000 auxiliaires de vie scolaire parmi les assistants d'éducation est un des leviers essentiels de la politique volontariste du Gouvernement en faveur des enfants handicapés. Ces AVS recevront une formation spécifique et qualifiante qui leur permettra de prendre en charge l'accueil et l'intégration scolaire de ces enfants. C'est là un effort sans précédent.
    En conclusion, ce projet de loi est nécessaire et répond tant aux attentes des étudiants qu'aux besoins des établissements scolaires. Ce n'est pas un projet pour cinq ans, mais un projet qui pérennisera dans le temps la fonction d'assistant d'éducation en donnant un statut moderne aux actuels surveillants : ils feront plus là où il faut faire plus, mais, surtout, ils feront mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Yves Durand.
    M. Yves Durand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, certains pourraient considérer que le moment où s'ouvre notre débat sur les assistants d'éducation le rend, compte tenu des circonstances, inopportun, sinon quelque peu décalé par rapport aux préoccupations que nous partageons avec l'ensemble des Français, attachés à la paix. A l'heure où la guerre frappe une nouvelle fois, au moment où le monde risque de se déchirer dans un conflit que certains, de part et d'autres, voudraient transformer en guerre de religion, en une nouvelle croisade du bien contre le mal, il peut paraître bien dérisoire de débattre pendant de longues heures - du moins je le pense - autour des trois articles d'un projet de loi instituant un nouveau corps dans l'éducation nationale.
    M. René Couanau. Il ne tient qu'à vous de raccourcir !
    M. Guy Geoffroy. Tous ces amendements sont-ils bien nécessaires ?
    M. Yves Durand. Et pourtant, nous sommes au coeur du sujet. Derrière ce texte apparemment technique, sur lequel M. le ministre et M. le rapporteur ne nous ont apporté que bien peu d'éclaircissements,...
    M. Daniel Vaillant. Exact !
    M. Yves Durand. ... il y va de l'école, de sa capacité à rassembler tous les enfants et tous les jeunes de notre nation dans une même citoyenneté.
    M. Jean-Jack Queyranne. Très bien !
    M. Yves Durand. C'est bien l'école, celle que notre République a su fonder depuis deux cents ans...
    M. Lionnel Luca. Deux cents ans ? C'est remonter bien loin...
    M. Yves Durand. ... sur les principes de liberté, d'égalité et de laïcité, qui peut construire le « vivre-ensemble » dont le monde aura, n'en doutez pas, de plus en plus besoin. C'est bien l'école républicaine et ses enseignants qui se trouvent à la pointe du combat pour la tolérance et la lutte contre toutes les formes de discrimination et de racisme.
    Le conflit qui s'est engagé peut avoir les pires conséquences sur notre propre cohésion nationale. Nous en avons tous conscience et chacun d'entre nous en mesure les risques. Le repli sur soi et les tentations communautaristes peuvent en être dramatiquement exacerbés.
    Face à ces dangers qui pourraient être mortels pour notre modèle d'intégration républicaine, c'est à l'école qu'il revient d'offrir à tous les jeunes, au-delà de leurs différences, le lieu privilégié où ils pourront, malgré tout, apprendre à vivre ensemble en toute fraternité.
    M. Guy Geoffroy. Recadrez un peu votre propos ! Vous sortez du sujet !
    M. Yves Durand. Non, mon cher collègue. Car c'est bien de l'école qu'il s'agit, et nous nous emploierons, malgré vous, à le démontrer durant les jours prochains. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Guy Geoffroy. Présomptueux !
    M. Christophe Masse. Le débat est là !
    M. Jean-Louis Idiart. Mais ces principes les dérangent !
    M. Yves Durand. C'est en allant dans la même école, en y étudiant les mêmes programmes, que les enfants puis les jeunes sauront dégager l'universel à partir de leur propre culture d'origine. Ils vivront alors pleinement la laïcité qui constitue de plus en plus l'un des fondements de la liberté individuelle et de la fraternité.
    Mme Françoise Imbert et M. Daniel Vaillant. Très bien !
    M. Yves Durand. Encore faut-il, monsieur le ministre, que l'école et tous ceux qui la servent soient soutenus dans leur éprouvante mais admirable mission.
    Mme Françoise Imbert. Très juste !
    M. Jean-Jack Queyranne. Mais aujourd'hui ce n'est pas le cas !
    M. Lionnel Luca et M. Guy Geoffroy. Demandez à Allègre !
    M. Daniel Prévost. Qui voulait dégraisser le mammouth ?
    M. Yves Durand. Encore faut-il que les enseignants, qui s'impliquent personnellement et quotidiennement dans une tâche de plus en plus difficile, puissent s'appuyer sur leur ministre qui doit rester, à leurs yeux, un des leurs, par le fait qu'il est le premier d'entre eux !
    M. Michel Delebarre. Ils ne sont pas fauchés ! (Sourires.)
    M. Yves Durand. Voilà pourquoi les mises en cause, les attaques, fussent-elles diffuses, ou seulement le fruit de la maladresse, ne font qu'accentuer le malaise d'une profession - et il n'y a pas là de quoi rire, monsieur le ministre ! (Exclamations sur divers bancs.)
    M. Michel Delebarre. Non, pas du tout !
    M. Lionnel Luca. Vous en savez quelque chose ! Vous avez la mémoire courte !
    M. Yves Durand. Le malaise d'une profession, disais-je, qui mérite avant tout la considération de la nation, donc de celui qui a l'honneur d'être un ministre de la République, leur ministre.
    M. Guy Geoffroy. Vous avez le mémoire courte ! Et Allègre, qu'a-t-il fait ?
    M. Yves Durand. Voilà qui explique pourquoi l'ensemble des enseignants, monsieur le ministre, a été blessé...
    M. Guy Geoffroy. Par Allègre, oui !
    M. Yves Durand. ... et nous avec eux, par vos propos injustes accusant certains enseignants de gauche de tolérer les propos antisémites.
    Que ce soit à l'école, au collège, au lycée, il n'y a pas d'enseignants de gauche, de droite ou du centre,...
    M. Bernard Perrut. Ah bon ?
    M. René Couanau. A croire que cela a beaucoup changé !
    M. Lionnel Luca. On évolue !
    M. Yves Durand. ... mais des femmes et des hommes qui mettent toute leur énergie à assurer de leur mieux l'engagement qu'ils ont pris envers le pays et les jeunes lorsqu'ils ont choisi le métier d'enseignant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Le premier devoir d'un membre du Gouvernement est de respecter cet engagement-là !
    M. Guy Geoffroy. Il fallait le dire à Allègre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Durand. Malheureusement, je crains fort que le texte que vous nous présentez aujourd'hui ne témoigne la même désinvolture, celle-là même qui vous fait sourire, à l'égard des personnels de l'éducation nationale et de leurs organisations syndicales.
    M. Michel Delebarre. C'est du mépris !
    M. Lionnel Luca. Quel procès d'intention !
    M. Yves Durand. En effet, nous examinerons cet après-midi un projet de loi qui a suscité l'opposition unanime de toutes les fédérations enseignantes, des deux fédérations de parents d'élèves...
    M. Lionnel Luca. Oh !
    M. Yves Durand. ... et de toutes les organisations étudiantes, à l'exception de l'UNI (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), petit bras armé de l'UMP dans le monde enseignant (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Lionnel Luca. Ce n'est pas électoral, cela ?
    M. René Couanau. Le petit bras, c'est vous !
    M. Guy Geoffroy. Quel niveau !
    M. Yves Durand. ... mais dont l'influence électorale y est des plus faibles.
    M. Lionnel Luca. Ça, ce ne sont pas les gros bras de l'UNEF !
    M. Yves Durand. Le 27 janvier dernier, la section syndicale du Conseil supérieur de la fonction publique a voté unanimement contre votre projet. Le 30 janvier, réuni en séance plénière, le Conseil supérieur de l'éducation l'a rejeté à son tour.
    M. Michel Delebarre. Et vlan !
    M. le président. Monsieur Delebarre, chacun aura compris que vous étiez là !
    M. Yves Durand. Mais, pour vous, peu importe cette unanimité : vous persistez à refuser d'entendre l'ensemble des organisations représentatives du monde enseignant qui vous demandent purement et simplement le retrait de ce texte.
    M. Patrick Roy. Très bien !
    M. Yves Durand. Vous transformez le dialogue social dont vous vous réclamez par ailleurs à longueur de déclarations en véritable dialogue de sourds - ou en aimable discussion de salon.
    La réponse que vous demandent de leur apporter les enseignants et l'ensemble des personnels de l'éducation nationale inquiets, par ailleurs, de l'avenir du service public, vous la réservez à un journal à grand tirage paraissant le dimanche...
    M. Lionnel Luca. Ce n'est pas le Monde !
    M. Yves Durand. Leurs journalistes apprécieront !
    « Concernant les assistants d'éducation, ils savent bien mais ils ne peuvent le dire, que ce qui a été décidé est un grand succès », peut-on y lire. C'est témoigner pour le moins d'une curieuse conception de la concertation et de l'écoute ! Alors que tous les responsables affichent une opposition unanime à votre projet, vous décrétez avec superbe, et avant même qu'il ne soit voté et appliqué, qu'il est un grand succès !
    Je voudrais à ce propos, monsieur le ministre, vous demander, si vous en avez la possibilité, de rappeler à vos recteurs, en particulier à celui de Lille,...
    M. Patrick Roy et M. Michel Delebarre. Très bien !
    M. Yves Durand. ... que ce projet de loi n'est pas encore voté...
    M. Daniel Vaillant. Qu'il n'est pas d'actualité !
    M. Yves Durand. ... et qu'il peut être inopportun d'envoyer - sans doute l'a-t-il fait sans votre accord - à tous les chefs d'établissement et aux parlementaires une lettre indiquant le nombre d'assistants d'éducation, comment ils seront payés, où ils seront placés et quel grand projet notre ministre a eu là.
    M. Michel Delebarre. Le Parlement ne sert plus à rien, monsieur le président !
    M. Yves Durand. Monsieur le ministre, les recteurs sont d'abord des fonctionnaires qui doivent défendre la République.
    M. Patrick Roy. La démocratie est bafouée !
    M. Yves Durand. Et prétendre informer des modalités d'application d'un texte, alors qu'il n'a pas été voté ni même discuté au Parlement, relève pour le moins de la désinvolture.
    M. Guy Geoffroy. Que vous le vouliez ou non, il sera voté !
    M. Yves Durand. Peut-être pourriez-vous relire avec bonheur, monsieur le ministre, les déclarations du Premier ministre sur la nécessaire modestie des membres du Gouvernement...
    M. Michel Delebarre. Hou la la !
    M. Yves Durand. ... dans leurs rapports avec les forces vives et les organisations syndicales.
    M. Michel Delebarre. Ne lui demandez pas l'impossible !
    M. Yves Durand. Sans doute est-ce cette grande difficulté à établir une concertation véritable et responsable avec les représentants des enseignants - ils claquent systématiquement la porte de vos tables rondes - et des parents d'élèves qui vous contraint à défendre vos projets par le biais de la publication de livres.
    Je ne peux croire, monsieur le ministre, que le seul but du livre que vous préparez...
    M. Michel Delebarre. Encore ? On n'a pas encore fini le premier ! (Sourires.)
    M. René Couanau. Jaloux !
    M. Lionnel Luca. Disons plutôt que M. Delebarre n'a pas encore compris le premier !
    M. Yves Durand. ... soit de court-circuiter le mouvement syndical. On ne saurait remplacer la nécessaire confrontation avec les partenaires sociaux par des oeuvres littéraires, fussent-elles des succès de librairie.
    M. Michel Delebarre. Lui-même ne les lit pas !
    M. le président. Monsieur Delebarre, ce que dit M. Durand vous intéresse-t-il vraiment ?
    M. Yves Durand. Je ne sais si M. Delebarre est intéressé par mes propos, monsieur le président, mais j'ai l'impression qu'ils font beaucoup rire M. le ministre, tout comme le fait que les organisations syndicales refusent désormais de participer à ses tables rondes.
    M. le président. L'humour a sa place dans cet hémicycle, monsieur Durand.
    M. Yves Durand. Certes, mais peut-être pas sur des sujets aussi importants que l'école de la République.
    M. Guy Geoffroy. Allons ! Nous ne sommes pas à la messe !
    M. Yves Durand. Ce n'est pas vraiment ma philosophie.
    M. Michel Delebarre. Avec Yves Durand comme curé, vous êtes mal barrés ! (Rires.)
    M. René Couanau. Il y a aussi des mauvais laïques et ils sont pires que les autres...
    M. le président. Poursuivez votre démonstration, monsieur Durand.
    M. Yves Durand. La Constitution le rappelle, notre République est sociale, ce qui implique la reconnaissance et le développement du rôle des syndicats représentatifs. Il est vrai que vous ne pouvez plus dialoguer avec eux que par l'intermédiaire de la presse, les ponts semblant coupés avec les syndicats d'enseignants.
    De même, vos récentes déclarations concernant la décentralisation des personnels sont une nouvelle illustration de votre double langage. Et n'allez pas, monsieur le ministre, nous renvoyer aux conclusions du rapport Mauroy, comme vous l'avez fait la semaine dernière lors d'une séance de questions d'actualité !
    Je vous rappelle que le rapport Mauroy concluait une commission multipartite...
    M. Michel Delebarre. Et consensuelle !
    M. Yves Durand. En effet. M. Raffarin y avait d'ailleurs participé, avant lui aussi de claquer la porte. Autrement dit, ce rapport ne faisait que reprendre l'avis, non d'une tendance politique, mais de l'ensemble des tendances politiques, et ses conclusions n'étaient que des propositions et en aucun cas des décisions. Ce rapport ouvrait seulement des pistes ; mais surtout, il insistait sur la nécessité de la concertation pour aborder le problème des personnels. Or c'est bien le manque de concertation que vous reproche avec virulence l'ensemble des syndicats.
    M. Lionnel Luca. Lesquels ?
    M. Yves Durand. Tout cela a abouti à un résultat : vous avez perdu la confiance du monde enseignant. C'est aussi ce qui explique le rejet massif du projet de loi sur les assistants d'éducation, exprimé par la communauté éducative, mais aussi par les élus tant au Conseil supérieur de l'éducation qu'au Conseil supérieur de la fonction publique. Malgré cela, vous persistez à vouloir passer en force en présentant devant le Parlement un texte bâclé. Et pardonnez-moi, on ne peut pas dire que vos explications de tout à l'heure nous aient un tant soit peu éclairés sur ce qu'il recouvre en réalité !
    M. Michel Delebarre. Très bien !
    M. le président. Monsieur Delebarre, allons !
    M. Michel Delebarre. Je soutiens mes amis, monsieur le président ! (Sourires.)
    M. Yves Durand. J'ai effectivement, et de plus en plus, l'appui de M. Delebarre...
    M. le président. On ne choisit pas ses amis, monsieur Durand. (Rires.)

    M. Yves Durand. ... et cela me rassure !
    Sous des apparences purement techniques, votre texte dissimule votre véritable volonté politique en matière d'éducation - dont vous ne nous avez dit mot durant les dix minutes d'intervention dont vous nous avez gratifiés.
    M. Christophe Masse. C'était très flou !
    M. Yves Durand. En effet, derrière quelques modifications du code de l'éducation se cache la traduction en matière d'éducation d'une idéologie de droite (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) que vous avez du reste qualifiée avec fierté, lors d'une émission télévisée, de « décomplexée ». Avec ce texte, c'est bien l'école de l'égalité des chances qu'il s'agit de remettre en cause (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. Guy Geoffroy. Ouille, ouille !
    M. Lionnel Luca. Quelle égalité ? Où est-elle ?
    M. Yves Durand. ... l'école de l'égalité des possibles,...
    M. Lionnel Luca. C'est vous qui avez aggravé les inégalités !
    M. Yves Durand. ... cette école que les républicains ont construit patiemment depuis des décennies. Et je vais tenter de vous le démontrer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il existe, monsieur le ministre, plusieurs manières de remettre en cause des acquis fondamentaux qui font partie intégrante de notre République...
    M. René Couanau. Fantasme !
    M. Christophe Masse. On dirait que ce sont des gros mots pour eux !
    M. Yves Durand. ... et constituent les bases de notre contrat social.
    La première, la plus courageuse, celle qui correspond à l'exigence démocratique, aurait consisté à présenter clairement et ouvertement votre projet comme se substituant aux mesures précédemment mises en place. Vous auriez pu nous proposer, par exemple, une abrogation de la loi de 1989, puisqu'il semble que telle est votre opinion.
    Mais vous n'avez pas choisi cette voie courageuse, monsieur le ministre. Elle comporte, certes, des périls, mais elle vous aurait permis d'être fier du combat mené pour vos idées. Au contraire, vous avez choisi de masquer vos intentions derrière des dispositions apparemment techniques. Du reste, le temps accordé initialement à ce débat à l'Assemblée nationale, je l'ai déjà dit lors de mon rappel au règlement, est une preuve supplémentaire de votre volonté répétée de dissimulation. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas rire ! Surtout ne pas rire !
    M. Yves Durand. C'est pourquoi je me réjouis une nouvelle fois du dépôt de plus de 3 000 amendements. Ils permettront un débat de fond et je me félicite que le groupe socialiste en ait pris l'initiative.
    M. Michel Delebarre. Très bien !
    M. Daniel Prévost. L'éléphant barrit !
    M. René Couanau. Nous ne sommes plus en campagne pour les régionales, monsieur Delebarre !
    M. Yves Durand. Ainsi, par ce débat, et publiquement, devant les Français, nous tenons à démasquer les réelles intentions de votre gouvernement en matière éducative, qui contredisent les principes mêmes de l'école de la République. Cette contradiction est d'ailleurs la première justification de l'exception d'irrecevabilité que j'ai l'honneur de soutenir devant vous.
    Monsieur le ministre, pour faire passer votre projet de loi sur les assistants d'éducation, vous prétendez que les deux dispositifs qu'il supprime sont devenus obsolètes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est l'inspection générale qui le dit !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Et c'est bien le cas !
    M. Yves Durand. Certes, la création des maîtres d'internat et des surveillants d'externat date de 1937. Si je ne m'abuse, on la doit au Front populaire et à Jean Zay, ce qui ne doit pas contribuer à vous rendre ce dispositif particulièrement sympathique !
    M. Michel Delebarre. Sûrement !
    M. Yves Durand. Qu'il soit nécessaire de réformer et d'adapter un dispositif vieux de plus de soixante ans tombe sous le sens.
    M. Lionel Luca. Que ne l'avez-vous fait !
    M. Yves Durand. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle - vous l'avez indiqué - Claude Allègre avait demandé en 1999 un rapport sur ce sujet à l'inspection générale.
    M. Lionnel Luca. Sans suite !
    M. Yves Durand. Chacun s'accorde sur la nécessité de réformer le statut des maîtres d'internat et des surveillants d'externat.
    M. Guy Geoffroy. Vous ne l'avez pas fait !
    M. Yves Durand. Un certain nombre de propositions ont d'ailleurs été faites, que ce soit pour permettre aux établissements ruraux de bénéficier des surveillants d'externat, ou pour adapter les horaires de travail aux nouvelles organisations des études supérieures.
    Tous les intéressés, et notamment les organisations étudiantes, demandaient des réformes pour préserver - j'y insiste - un système auquel ils sont profondément attachés.
    M. Robert Lamy. Mais vous ne les avez pas faites !
    M. Yves Durand. Mais vous, monsieur le ministre, vous ne réformez pas, vous n'adaptez pas en vue d'améliorer un système qui a permis à des milliers de jeunes étudiants de poursuivre leurs études supérieures et de découvrir la fonction enseignante pour éventuellement s'y engager. Non, vous ne réformez pas : vous supprimez !
    M. Lionnel Luca. C'est que nous sommes révolutionnaires ! (Sourires.)
    M. Yves Durand. C'est à ces jeunes, sans moyens financiers suffisants pour faire des études et dont vous supprimez les postes, que vous répondez avec désinvolture qu'ils sont obsolètes et inutiles.
    M. Robert Lamy. C'est toi qui es obsolète !
    M. Jean-Louis Idiart. Quelle délicatesse !
    M. Yves Durand. Quant aux aides-éducateurs dont vous supprimez les contrats, il suffit de s'intéresser à la vie de chaque école, de chaque collège, de chaque lycée qui en bénéficie pour constater le rôle indispensable qu'ils jouent auprès des enseignants. Combien de sites informatiques, pour lesquels les collectivités locales ont souvent consenti des efforts financiers importants, combien d'actions d'initiation aux langues étrangères et aux activités artistiques vivent et se développent avec plus de facilité, grâce à la présence des aides-éducateurs ?
    M. René Couanau. Aviez-vous assuré leur avenir ?
    M. Yves Durand. La suppression ou le non-renouvellement de ces postes va désorganiser bien des établissements scolaires dès la rentrée prochaine, et vous le savez !
    M. Patrick Roy. Eh oui !
    M. Yves Durand. C'est d'ailleurs pour cela que les enseignants, les parents et les étudiants se mettent systématiquement en grève.
    Monsieur le ministre, vous avez provoqué plus de trois grèves dans la même année scolaire !
    M. Michel Delebarre. C'est une vraie réussite !
    M. Yves Durand. Vous êtes devenu le champion de la grève, mais pas forcément celui de l'efficacité ! Vous dites que l'école est en panne : je crains que ce soit plutôt votre ministère ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !
    M. Yves Durand. Pis, votre politique pénalisera les enfants qui ne disposent pas, dans leur famille, de l'ouverture à la culture ou à l'informatique que leur apportait les aides-éducateurs. Vous cassez un dispositif qui est, de l'aveu de tous, c'est-à-dire de ceux qui travaillent dans les établissements, une véritable réussite. Mon collègue Patrick Roy y reviendra tout à l'heure à l'occasion de la question préalable.
    Pour remplacer ces deux dispositifs, qui, chacun à sa manière, avaient leur place auprès des équipes éducatives, vous prétendez instituer, avec les assistants d'éducation, un meilleur système, plus apte à répondre aux besoins des établissements.
    Or votre dispositif d'assistants d'éducation ne remplacera ni les MI-SE, ni les aides-éducateurs, que ce soit en quantité - nous y reviendrons - ou, surtout, en efficacité. Votre principal argument pour défendre votre nouveau dispositif - au demeurant brièvement et superficiellement - est que les assistants d'éducation bénéficieront d'un contrat de droit public, alors que les aides-éducateurs n'avaient qu'un contrat de droit privé.
    M. Guy Geoffroy. Belle trouvaille !
    M. Yves Durand. En fait, la réalité contredit vos déclarations. Une fois de plus, la supercherie s'ajoute au double langage. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, ce contrat public proposé aux assistants d'éducation échappe à la règle fixée par l'article 3 du statut général de la fonction publique. Il « institutionnalise » la précarité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Il faut oser !
    M. Lionnel Luca. Venant de vous, c'est gonflé !
    M. Yves Durand. Le nouveau statut d'assistant d'éducation, en effet, n'ouvre droit ni au recours aux prud'hommes, comme pour l'aide-éducateur qui est soumis au droit privé, ni à la protection du statut de la fonction publique, dont ils ne font pas partie.
    Le maître d'internat ou surveillant d'externat, quant à lui, en cas de conflit, pouvait compter sur l'arbitrage des commissions académiques paritaires, dont ne bénéficiera jamais l'assistant d'éducation qui, en cas de conflit avec son employeur, sera totalement démuni de protection et de possibilité d'arbitrage. Si vous appelez cela un progrès social, c'est que nous n'en avons pas la même conception. Ce qui d'ailleurs ne m'étonne pas. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Lionnel Luca. Affirmation totalement gratuite !
    M. Yves Durand. C'est la réalité !
    En faisant miroiter la protection d'un statut public aux futurs assistants d'éducation, vous les dupez !
    M. Bernard Perrut. Il ne faut pas exagérer !
    M. Lionnel Luca. C'est ce que réclamait le parti communiste !
    M. Yves Durand. Par ailleurs, rien n'empêche que ce nouveau type de contrat puisse être utilisé pour l'avenir à d'autres fonctions dans l'éducation nationale.
    M. Patrick Roy. Il a raison !
    M. Yves Durand. D'autant plus que les CDD de droit public n'apparaîtront que sur une ligne de crédits budgétaires et non pas sur une ligne d'emplois. M. Darcos, qui connaît bien cette maison, sait de quoi je parle. Ils pourront varier d'une année sur l'autre. Si une diminution de cette ligne est programmée dans les futures lois de finances...
    M. Michel Delebarre. Le risque existe !
    M. Yves Durand. L'actuelle nous en donne la preuve ! ... la mise au chômage des assistants d'éducation sera immédiatement programmée. Une fois de plus, tant sur le plan de l'emploi que sur le plan du statut, c'est la précarité que vous installez.
    M. Guy Geoffroy. Pure invention !
    M. Christophe Masse et M. Patrick Roy. Excellente démonstration !
    M. Guy Geoffroy. C'est un procès d'intention !
    M. Yves Durand. Si le ministre avait pris plus de huit minutes et demie pour expliquer un peu plus longuement son projet, peut-être serions-nous convaincus. Mais ce n'est pas le cas !
    Volontairement ou insidieusement, vous ouvrez ainsi une brèche dans le statut de la fonction publique. Voilà une autre raison de voter cette exception d'irrecevabilité. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    La supercherie devient plus flagrante encore quand on considère le mode de recrutement des assistants d'éducation.
    Monsieur le ministre, j'attendais de vous qu'en présentant votre projet de loi, vous insistiez sur ce point. Or, à aucun moment vous n'en avez parlé ! C'est pourtant l'un des points essentiels - d'ailleurs M. le rapporteur y a fait allusion - parce que c'est aussi celui à propos duquel l'ensemble des organisations syndicales et étudiantes vous ont reproché d'enfoncer un coin dans ce qu'est aujourd'hui la nature du service public de l'éducation. Cela valait tout de même la peine de l'aborder, ici, à la tribune de l'Assemblée nationale !
    En effet, les modalités de recrutement nous paraissent inadmissibles - et pas seulement à nous, si j'en juge par les votes unanimes exprimés par les organisations syndicales et de parents d'élèves - au regard de la notion de service public, quand on examine qui peut être recruté, d'une part, et qui recrute, d'autre part.
    Qui peut être recruté en tant qu'assistant d'éducation ? Réponse : tout le monde...
    M. Guy Geoffroy. Non !
    M. Yves Durand. ... à condition d'avoir vingt ans et le baccalauréat.
    Mme Catherine Génisson. Absolument !
    M. Yves Durand. Voilà sans doute ce que vous appelez des emplois mieux adaptés aux besoins des établissements ! Les aides-éducateurs étaient, eux, recrutés par les rectorats, c'est-à-dire les représentants du ministre de l'éducation nationale, et l'étaient sur un profil de poste qui correspondait au projet d'établissement. Il est vrai qu'une telle notion, qui fonde la capacité des établissements à pratiquer une vraie pédagogie adaptée aux élèves, disparaît complètement de votre politique, de vos déclarations, et - nous le verrons sans doute - de vos écrits.
    M. Lionnel Luca. Vous mettez en cause les chefs d'établissement !
    M. Yves Durand. Pour vous, la notion même d'équipe éducative, partie intégrante de la loi de 1989, une équipe constituée d'adultes et cimentée par un même projet, n'a plus lieu d'exister. D'ailleurs, lorsque l'on affirme, comme vous l'avez fait lors de votre conférence de presse de rentrée, que la volonté de « mettre l'élève au centre du système éducatif n'est plus de mise », il devient dès lors tout à fait possible de confier la tâche d'assistant d'éducation - excusez-moi, mais l'idée a été lancée par votre directeur de cabinet - à des mères de famille ou à des militaires en retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lionnel Luca. Et pourquoi pas ?
    M. Yves Durand. Au-delà, mes chers collègues, de la sympathie que l'on peut éprouver pour ces catégories (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Lionnel Luca. Pour qui prenez-vous les mères de famille ? C'est insultant !
    M. René Couanau. Scandaleux !
    M. Yves Durand. ... force est de constater leur inadéquation avec les besoins et les attentes des élèves comme du personnel enseignant.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça fait mal !
    M. Yves Durand. Ce n'est pas faire insulte aux mères de famille et aux militaires en retraite que de penser que, en dépit de leur qualification dans leur propre fonction ils ne pourront peut-être pas remplir auprès des collégiens et lycéens, avec les enseignants, celle d'éducateur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Perrut. Vos propos sont scandaleux !
    M. Yves Durand. Une telle annonce a provoqué à la fois l'hilarité et la consternation. (« En effet ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C'est ce qui vous a d'ailleurs amené à y renoncer, du moins officiellement, car dans votre texte, rien n'interdit de telles embauches !
    M. Lionnel Luca. Eh bien ! Tant mieux !
    M. Yves Durand. Tant mieux, dit la droite.
    M. Lionnel Lucas. Bien sûr !
    M. Yves Durand. Nous verrons votre position là-dessus, monsieur le ministre.
    A moins que ne soit accepté l'amendement de la commission des affaires sociales, proposé par le groupe socialiste, qui vise à réserver les postes d'assistants d'éducation aux étudiants boursiers, ce qui n'est pas prévu dans votre texte,...
    M. Lionnel Luca. Et les étudiants non boursiers, alors ?
    M. Yves Durand. ... et si l'exception d'irrecevabilité que je soulève se trouvait, malheureusement, rejetée. Mais n'anticipons pas sur le vote de notre assemblée.
    C'est là l'un des scandales de votre projet de loi et une des raisons pour lesquelles non seulement les organisations étudiantes, mais aussi les syndicats d'enseignants exigent son retrait : aucun critère social ni de qualification ne donne la priorité aux étudiants. Vous nous parlez de vivier. Vos déclarations peuvent paraître sympathiques, mais, dans le texte, rien ne stipule que les étudiants sont effectivement prioritaires pour occuper les postes des futurs assistants d'éducation. Alors que, aujourd'hui, plus d'un tiers des étudiants travaillent pour payer leurs études, vous instaurez un dispositif qui va reléguer les jeunes qui n'ont pas d'argent pour financer leurs études dans des petits boulots inadaptés à la poursuite d'études supérieures, parce que dévoreurs de temps et d'énergie.
    M. Lionnel Luca. C'est la situation actuelle, justement !
    M. Yves Durand. Au moment où vous lancez, comme d'habitude à grand fracas médiatique, la Charte de l'engagement des jeunes, vous fermez la porte des études supérieures à des jeunes pour lesquels ces postes que vous supprimez constituaient la seule chance de promotion et, pour certains, d'intégration dans notre société républicaine.
    Quant à ceux qui seront malgré tout embauchés en tant qu'assistants d'éducation par les établissements, les horaires, 1 400 heures par an sur trente-neuf à quarante-cinq semaines - c'est le texte -, c'est-à-dire plus de trente-cinq à trente-neuf heures par semaine, éventuellement dans plusieurs établissements, rendront impossible la poursuite des études, à moins d'accepter un mi-temps, donc un demi-salaire.
    M. Christophe Masse. Quelle contradiction !
    M. Lionnel Luca. Cela existe déjà !
    M. Yves Durand. Le résultat le plus net du remplacement des MI-SE et des aides-éducateurs par les assistants d'éducation peut se résumer en une formule que ne désavouerait pas le président du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Guy Geoffroy. Il ne manquait plus que lui !
    M. Yves Durand. ... que beaucoup d'ailleurs apprécient, si j'en juge par ces mouvements sur la droite,...
    M. Michel Lefait. C'est leur ange gardien !
    M. Yves Durand. ... « travailler plus pour gagner moins ! » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialisteet du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Lionnel Luca. Travailler mieux !
    M. Yves Durand. Bien entendu, ceux qui avaient lu, dans le document ministériel distribué aux fédérations syndicales et de parents d'élèves, lors de la table ronde du 27 novembre 2002, que la priorité était accordée aux étudiants pour l'attribution des postes d'assistants d'éducation, n'ont sans doute rien compris à cette note, tout comme les personnels qui avaient compris que le ministère de l'éducation nationale n'était pas demandeur du transfert des TOSS aux collectivités locales !
    Vous aviez d'ailleurs, monsieur le ministre, paraît-il, fait supprimer du compte rendu de la table ronde cette partie de la discussion. C'est sous la pression des organisations syndicales qu'elle y a été réintégrée. N'est-ce pas un peu, de votre part, l'aveu d'une faute sur ce point ?
    La seconde caractéristique qui rend ce projet inacceptable est bien sûr le recrutement des assistants d'éducation par l'établissement lui-même. Après la question : qui est recruté ? vient la question : qui recrute ?
    M. Guy Geoffroy. Le chef d'établissement, représentant du ministre !
    M. Yves Durand. Bonne réponse ! Voilà quelqu'un qui a lu le projet de loi !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Copinage et magouilles !
    M. Yves Durand. Monsieur le ministre, vous prétendez ainsi - recrutement par le chef d'établissement, disons plutôt par l'établissement, avec le conseil d'établissement - mieux répondre aux besoins particuliers de chaque établissement...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais oui !
    M. Yves Durand. ... en répondant à ce que vous appelez un souci de proximité, exprimé par les enseignants et les parents.
    Mais la proximité n'est pas le « localisme » et les établissements scolaires ne sont pas des unités repliées sur elles-mêmes, qui n'auraient pas à tenir compte des établissements environnants. En réalité, vous voulez modifier le rôle du chef d'établissement et la nature même des établissements scolaires.
    M. Guy Geoffroy. On voit que vous n'avez jamais été chef d'établissement !
    M. Yves Durand. J'ai été enseignant très longtemps, et je sais ce qu'est l'équipe éducative, le rôle du chef d'établissement, et l'indépendance intellectuelle de ces enseignants et des chefs d'établissement, comme l'égalité qu'il doit y avoir sur tout le territoire national entre les établissements, parce que c'est le fondement même du service public de l'éducation nationale et le garant de l'égalité des chances entre les élèves ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    En réalité, je crains, monsieur le ministre - mais peut-être nous répondrez-vous ici avant de le faire dans l'ouvrage que vous préparez dans le secret de votre bureau ministériel -...
    M. Lionnel Luca. Que c'est médiocre !
    M. Yves Durand. ... que vous vous inspiriez du modèle anglo-saxon, dans lequel l'établissement recrute lui-même ses enseignants.
    Certes, aujourd'hui, ce n'est pas le cas en France pour les enseignants. Mais qui ne voit que vous ouvrez là une brèche dans le service public d'éducation ?
    M. Robert Lamy. Ne dites pas n'importe quoi !
    M. Yves Durand. Il y a d'ailleurs un autre exemple, qui a l'avantage, monsieur le ministre, de ne pas nous faire traverser la Manche. J'ai l'impression que vous souhaitez décalquer le fonctionnement du système d'enseignement public français sur celui de l'enseignement privé.
    Mme Catherine Génisson. Il connaît bien !
    M. Yves Durand. Si c'est là votre projet, dites-le clairement, ne le faites pas subrepticement !
    M. Lionnel Luca. Procès d'intention !
    M. Yves Durand. Ce débat-là porte sur la nature même du système éducatif...
    M. Guy Geoffroy. Rien n'est démontré !
    M. Lionnel Luca. Procès en sorcellerie !
    M. Yves Durand. ... et il mérite beaucoup mieux qu'un projet de loi sur les assistants d'éducation.
    Ce changement très important du mode de recrutement des personnels ne concerne aujourd'hui que les assistants d'éducation, c'est vrai, mais qui empêchera qu'il se généralise si nous n'y mettons pas un coup d'arrêt dès aujourd'hui ?
    Avec des établissements de plus en plus autonomes, de plus en plus de personnels sortis de l'éducation nationale sans que l'on sache si vous étiez d'accord ou pas d'accord...
    M. Lionnel Luca. Tout est compliqué !
    M. Yves Durand. ... au courant ou pas au courant, dont rien n'empêche que les tâches ne soient confiées par la suite à des entreprises privées, avec de plus en plus de personnels recrutés directement par des chefs d'établissement,...
    M. Lionnel Luca. Quelle affabulation !
    M. Yves Durand. ... c'est la conception même du service public d'éducation qui serait mise en cause !
    Votre projet de loi, c'est la première porte mais elle s'ouvre...
    M. Michel Lefait. C'est une brèche !
    M. Yves Durand. ... pour que les conditions de remise en cause du service public d'éducation se mettent ainsi subrepticement en place.
    M. Michel Lefait. C'est le pied dans la porte !
    M. Yves Durand. Comme certains de mes collègues, monsieur le ministre, vous allez sans doute m'accuser de vous faire là un procès d'intention.
    M. Lionnel Luca. On peut le dire !
    M. Guy Geoffroy. C'est tout à fait ça !
    M. Lionnel Luca. Un procès en sorcellerie !
    M. Yves Durand. Alors, pour lever les doutes que nous avons, qu'ont les enseignants, les parents, les étudiants,...
    M. Guy Geoffroy. Vous n'êtes pas leur porte-parole exclusif !
    M. Yves Durand. ... démontrez-nous comment, avec le dispositif que vous mettez en place, vous n'ouvrez pas une voie qui peut permettre d'aller beaucoup plus loin !
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas la bonne direction !
    M. Yves Durand. Même si vous-même, et je veux bien vous en faire crédit, vous ne le souhaitez pas ouvertement, votre projet en tout cas, dans son état actuel, permet une telle dérive.
    M. Jean Le Garrec. Et voilà !
    M. Yves Durand. En plus de la précarité, vous allez institutionnaliser la ségrégation, ce qui est contraire au principe d'égalité devant l'école. Qui empêchera par exemple un responsable d'établissement des beaux quartiers, devenu responsable du recrutement d'une partie de son personnel, de rejeter la candidature d'un jeune d'une cité voisine au prétexte qu'il n'est pas « comme il faut » ou qu'il n'est pas adapté à l'environnement social du collège ou du lycée ? C'est ce que j'appelle institutionnaliser, organiser la ségrégation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Voilà un procès d'intention !
    M. Jean-Marc Nudant. Ce sont les chefs d'établissement qui vont être contents d'entendre ça !
    M. Lionnel Luca. Quelle confiance vous leur accordez !
    M. Yves Durand. En tout cas, leurs syndicats et leurs représentants refusent tous ce projet ! C'est donc probablement qu'ils ont les mêmes doutes et les mêmes inquiétudes que celles que j'exprime.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très juste !
    M. Lionnel Luca. Quelle coïncidence !
    M. Yves Durand. Dans le service public, la recherche de la qualité de l'enseignement doit être égale sur tout le territoire et l'exigence de réussite s'impose à tous les établissements scolaires. C'est en tout cas cette recherche permanente de l'égalité qui est le fondement du service public d'éducation, ce qui exclut la concurrence entre de soi-disant bons établissements et de soi-disant mauvais établissements.
    Ce n'est pas parce que la ghettoïsation d'un grand nombre de nos villes a provoqué trop souvent une certaines ghettoïsation des écoles qu'il faut institutionnaliser et renforcer ce phénomène, ce que va inévitablement provoquer, malheureusement, votre projet de loi. C'est une raison supplémentaire de voter l'exception d'irrecevabilité que je présente.
    Par ailleurs, outre que vous imposez au conseil d'administration, notamment aux chefs d'établissement,...
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas pareil !
    M. Yves Durand. Non, ce n'est pas pareil ! ... des responsabilités dont ils ne veulent pas parce qu'elles ne sont pas les leurs, vous créez un système dans lequel l'intérêt général laissera malheureusement la place au pire des clientélismes,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Bien sûr !
    M. Yves Durand. ... et je vais vous en donner des exemples.
    Comment un chef d'établissement pourra-t-il résister efficacement à la pression des demandes d'emploi constantes et répétées de tels proches de parents, d'amis ou d'élus,...
    M. Lionnel Luca. Comment peut-on dire de telles choses des chefs d'établissements ! C'est une honte !
    M. Yves Durand. ... d'autant plus que, hélas !, le chômage s'accroît ?
    M. Lionnel Luca. Ce ne sont pas des commerçants !
    M. Yves Durand. Avec ce mode de recrutement, la priorité de l'embauche sera-t-elle donnée à un jeune étudiant dont la famille aux faibles revenus habite un quartier défavorisé de la commune voisine, même si la qualification et le profil intellectuel de ce jeune le prédisposent à l'évidence à ce poste, et ce dans l'intérêt des élèves ? Le fait que les aides-éducateurs et les surveillants d'externat soient recrutés par l'éducation nationale, c'est-à-dire au niveau des académies, permettrait d'assurer la mixité sociale dans les établissements par un recrutement plus général. Avec votre système, en dépit de leur grande qualité,...
    M. Guy Geoffroy. Il est temps de s'accrocher !
    M. Lionnel Luca. C'est difficile de se rattraper ! Ça s'appelle être en rappel !
    M. Jean-Marc Nudant. Cela s'appelle surfer !
    M. Yves Durand. ... les chefs d'établissements subiront une pression formidable à laquelle ils devront résister.
    Outre les membres du conseil d'administration, votre système de recrutement, dont vous n'avez, je le répète, absolument pas parlé dans votre présentation, ce qui doit tout de même être un signe, mettra aussi les élus, et notamment les maires, dans une situation difficile.
    Comment un maire pourra-t-il refuser de prendre en partie en charge le financement d'assistants d'éducation, sans craindre les foudres des parents qui sont aussi ses électeurs ?
    Monsieur le ministre, je suis maire d'une commune de la banlieue de Lille. Quand le principal d'un des trois collèges viendra m'expliquer qu'il n'a des crédits que pour embaucher deux assistants d'éducation et que le conseil d'administration, légitimement, considère qu'il en faudrait un troisième, et me demandera de l'aider à embaucher ce troisième, qu'il se proposera de mettre à la disposition de la commune, le mercredi, le samedi après-midi et pendant les petites vacances, que vais-je faire ? Ou refuser parce que ma commune, en difficulté sociale et financière, n'a pas la possibilité de supporter cette nouvelle charge, et je serai alors le responsable devant l'ensemble de la communauté éducative du mauvais fonctionnement de l'établissement, ou accepter et mettre le doigt dans l'engrenage du transfert de charges, qui est une philosophie de votre gouvernement (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...
    M. Michel Lefait. Et les impôts vont baisser !
    M. Yves Durand. ... exonérant ainsi l'Etat, votre gouvernement et vous-même de la responsabilité première de la République : éduquer.
    M. Jean Le Garrec. Reprenez votre explication, monsieur Durand, c'est le problème de fond !
    M. Yves Durand. C'est une telle perversion qu'instaure votre projet de loi par le recrutement direct par les chefs d'établissement, et c'est une raison supplémentaire de soutenir et de voter la motion d'irrecevabilité que je soutiens.
    Venons-en aux missions que votre projet de loi attribue aux assistants d'éducation, ou plus exactement ne leur attribue pas. Là encore, j'ai remarqué votre extraordinaire brièveté sur le sujet. J'ai l'impression que je présente votre projet mieux que vous, messieurs les ministres.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est gentil !
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Merci !
    M. Yves Durand. Ces missions, elles sont floues, vagues et, pour tout dire, sur le plan éducatif, inexistantes.
    Selon le texte de loi, des assistants d'éducation peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d'assistance à l'équipe éducative ainsi que des fonctions d'encadrement et de surveillance des élèves, y compris en dehors du temps scolaire. Cela veut tout dire, et cela ne veut rien dire ! On peut même se demander si la fonction éducative n'a pas totalement disparu !
    Les MI-SE que vous supprimez avaient quant à eux des tâches précises à accomplir, celles de surveillance.
    Les aides-éducateurs avaient des missions précises, contrairement à ce que vous avez expliqué, parce qu'ils étaient recrutés à partir d'un profil qui devait répondre aux exigences du projet d'établissement. A partir de ce projet, par exemple l'apprentissage des langues étrangères, qui implique une mobilisation de l'ensemble de l'équipe éducative, l'établissement définissait un profil de poste, en fonction duquel le recteur pouvait alors recruter tel ou tel jeune. Vos assistants d'éducation, eux, ne sauront absolument pas pourquoi on les embauche et ce qu'ils auront à faire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. René Couanau. Allons ! Ce n'est pas sérieux !
    M. Yves Durand. Il est à craindre qu'ils ne se transforment - l'expression est un peu triviale, mais je n'en trouve pas d'autre - en bonnes à tout faire de l'éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. C'est scandaleux !
    M. Yves Durand. Monsieur le ministre, quelles perspectives ouvrez-vous à ceux que vous dupez ainsi en créant ces nouveaux postes ? Au fond, votre projet est tout à fait révélateur de l'idéologie anti-jeunes qui inspire toute la politique de votre gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. François Liberti. C'est clair ! Ce sont les jeunes qui trinquent !
    M. Yves Durand. ... et il montre à l'évidence votre refus d'offrir aux jeunes étudiants et aux jeunes en général le chemin vers l'autonomie qu'ils revendiquent à juste titre.
    M. Bernard Perrut. C'est inadmissible !
    M. Yves Durand. Les jeunes ont changé parce que la société a changé.
    M. René Couanau. Pas vous !
    M. Yves Durand. Comment ne pas répondre à l'extraordinaire volonté que les jeunes ont de se prendre en charge le plus rapidement possible ? La révolution de la massification de l'enseignement secondaire, l'ouverture, certes encore trop inégale, de l'enseignement supérieur à un nombre croissant de jeunes étudiants ont accru la maturité - on l'a vu quand il s'est agi de défendre la République l'année dernière, la paix en ce moment - mais aussi l'exigence des jeunes d'aujourd'hui. M. Yves Durand. Parmi ces exigences, il y a celle d'une autonomie plus grande. Pour eux, l'autonomie ne signifie pas la rupture avec leur passé mais la liberté qu'ils revendiquent d'entrer dans la vie comme ils le souhaitent, à leur rythme, et de s'intégrer dans la société par leurs propres moyens, d'acquérir vite les moyens de leur liberté.
    C'était la philosophie généreuse qui guidait Jean Zay quand il a créé le statut des surveillants d'externat en 1937. Allez-vous être, monsieur le ministre, celui qui tourne le dos à cette générosité-là en supprimant l'un des moyens les plus efficaces d'ouvrir aux jeunes la porte de l'enseignement supérieur ?
    Vous vous êtes fait le porte-parole d'un anti-jeunisme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Guy Geoffroy. Ça suffit !
    M. Yves Durand. ... que vous qualifiez volontiers de soixante-huitard. Je crains, hélas ! que votre volonté d'être crédible auprès de vos nouveaux amis de droite, qui ont toujours stigmatisé les jeunes (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Robert Lamy. C'est inadmissible !
    M. Bernard Perrut. Inacceptable !
    M. Yves Durand. ... ne vous conduise, en fait, au pire des conservatismes.
    Par ailleurs, votre dispositif sera totalement inefficace pour les établissements.
    Quel type d'encadrement, compte tenu du manque de qualification, de l'absence de formation et de l'absence de missions, allez-vous offrir aux établissements et aux élèves qui en ont le plus besoin ? Vous ne cessez de lancer des plans anti-violence, des plans contre l'illettrisme, pour la santé des élèves, en faveur de l'engagement des jeunes, mais, dans le même temps, vous supprimez des emplois d'enseignants et vous cassez les équipes éducatives stables et cohérentes qui, seules, peuvent apporter une réponse efficace aux maux que, par ailleurs, vous prétendez combattre.
    Vous savez très bien, toutes les études, et surtout, l'expérience des enseignants le montrent, que la réussite scolaire des élèves dépend en grande partie de la qualité du travail en équipe de l'ensemble de la communauté éducative. Or ce travail en équipe nécessite la stabilité de ceux qui la composent. Comment des assistants d'éducation, sans mission claire, travaillant selon les besoins, pour ne pas dire le bon plaisir du chef d'établissement, sans véritable formation, devant parfois travailler dans plusieurs établissements, pourront-ils s'intégrer dans l'équipe éducative ?
    De fait, vous revenez sans le dire à la bonne vieille conception conservatrice selon laquelle l'enseignement n'a qu'une fonction, celle de transmettre les savoirs, indifférent aux bruits de la vie extérieure. Or chacun sait que l'enfant est un tout et qu'à l'école, au collège, au lycée, il nous appartient de le considérer dans son histoire, dans sa psychologie, dans son affectivité. La seule transmission des savoirs, si elle est nécessaire, ne suffit pas, à moins de considérer que ceux qui, au départ de leur parcours scolaire, n'ont pas la chance d'avoir cet équilibre, seront rejetés à jamais d'un système qui, au contraire, devrait leur donner la chance d'acquérir du savoir et de la culture.
    L'éducation, vous en savez la définition aussi bien que moi. Selon le Petit Robert, c'est la mise en oeuvre des moyens pour assurer la formation et le développement d'un être humain. Je n'ai pas l'impression que le système que vous mettez en place dans les établissements scolaires permettra à tous les élèves, et en particulier aux plus pauvres, d'en bénéficier.
    Voilà pourquoi nous sommes fondamentalement contre votre projet de loi, parce que, derrière trois dispositions techniques, il y a une conception que, jusqu'à maintenant, vous nous cachez, mais qu'un jour, j'espère, vous aurez le courage de nous expliquer ici, publiquement, à l'Assemblée nationale.
    Si tel était le cas, en rompant avec la volonté de considérer l'élève comme le point central du système éducatif, vous rompriez avec tout ce qui a sous-tendu la politique éducative depuis vingt ans.
    M. Ghislain Bray. Parlons-en !
    M. Yves Durand. Alors, je le répète, il faudrait le dire clairement, et notamment là où vit la démocratie : ici, à l'Assemblée.
    Monsieur le ministre, ce projet de loi est un mauvais projet...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Un bon projet !
    M. Yves Durand. ... parce qu'il tourne le dos à l'intérêt de l'école et qu'il rompt avec la marche historique vers la démocratisation de l'enseignement entamée dans notre pays dans l'immédiat après-guerre. Il est, hélas ! le reflet de l'ensemble de votre politique éducative.
    Au-delà de ses dispositions concrètes, qui sont contraires à l'intérêt de l'école et des élèves, ce projet de loi est un des éléments de la régression scolaire que vous imposez aux Français. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il traduit parfaitement, en effet, la fin de la priorité donnée à l'éducation nationale,...
    M. Patrick Roy. Oui !
    M. Yves Durand. ... et il révèle la volonté idéologique de remettre en cause l'école républicaine dans sa vocation égalitaire,...
    M. Patrick Roy. Bien parlé !
    M. Yves Durand. ... et ce pour laisser la place à un système où la concurrence entre établissements ferait son apparition, mettant ainsi à mal l'égalité de tous devant le savoir et la culture. Ce serait bien la fin de la priorité à l'éducation nationale !
    M. Pierre Cohen. Et ce serait scandaleux !
    M. Yves Durand. Nous l'avons souligné lors de la discussion budgétaire, l'éducation n'est plus la priorité de ce Gouvernement. Avec un mauvais budget, auquel s'ajoute l'annonce d'une suppression de crédits qui ressemble fort à un plan d'austérité, avec la volonté maintenant clairement exprimée de supprimer ou de transférer des milliers de postes de fonctionnaires de l'éducation nationale, la réalité éclate au grand jour : l'éducation est sacrifiée à l'idéologie libérale...
    M. Jean-Louis Idiart. Ultra-libérale !
    M. Christian Ménard. Préféreriez-vous l'idéologie marxiste ?
    M. Yves Durand. ... sur l'autel des cadeaux fiscaux consentis aux plus aisés.
    La scolarisation des enfants de deux ans, si importante pour les enfants vivant dans des familles défavorisées, est remise en cause,...
    M. Christian Ménard. Qui a dit cela ?
    M. Yves Durand. ... si je vous ai bien entendu. Mais peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre. Tout au moins je l'espère, car je ne souhaite pas en faire un sujet de polémique. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Sinon, qu'est-ce que ça serait ! Nous avons échappé au pire !
    M. Yves Durand. Dans la région où je suis élu,...
    M. Christian Ménard. Les électeurs n'ont pas fait le bon choix !
    M. Yves Durand. ... plus de 65 % des enfants de l'académie de Lille âgés de deux ans sont scolarisés dans les écoles maternelles, et c'est une chance pour eux. Si l'effort qui a été consenti dans cette académie depuis des années, tant par les gouvernements de gauche que par ceux de droite, devait être remis en cause, ces enfants seraient les premiers à être pénalisés.
    Mme Catherine Génisson. Excellente remarque !
    M. Jean-Louis Idiart. Oui, ce serait le cas !
    M. Patrick Roy. C'est l'américanisation de la société !
    M. Yves Durand. Voilà pourquoi je ne veux pas en faire un sujet de polémique. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, j'ai été profondément inquiet quand je vous ai entendu, sur une radio périphérique parisienne, mettre en doute la nécessité de scolariser les enfants âgés de deux ans.
    M. Jean-Louis Idiart. Il voulait se confesser !
    M. Yves Durand. C'est là, n'en doutez pas, un sujet particulièrement grave.
    M. Guy Geoffroy. Caricature !
    M. Yves Durand. Il n'est plus fait mention nulle part de l'éducation prioritaire, ni de la création de classes à option. De nombreux crédits sont gelés pour cette année, en attendant, sans doute, leur suppression. L'enseignement des langues et l'éveil aux arts et à la culture sont remis en cause par l'annulation massive de crédits pédagogiques : près de 90 % de ces crédits ont été supprimés la semaine dernière par un décret du Premier ministre. C'est une hémorragie sans précédent !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous dites 90 % ? Il n'en resterait donc plus que 10 %. J'en doute !
    M. Yves Durand. Ainsi, en plus de ce projet de loi, monsieur le ministre, vous êtes l'auteur du plan de licenciement le plus important et le plus brutal que la France ait connu cette année. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Roy. Eh oui !
    M. Yves Durand. Mes chers collègues, les chiffres sont là !
    M. Guy Geoffroy. C'est vous qui avez supprimé ces emplois en les condamnant d'avance !
    M. Pierre Cohen. Vous ne ferez croire cela à personne, monsieur Geoffroy !
    M. Jean-Louis Idiart. Surtout, monsieur Geoffroy, ne retournez jamais dans votre collège !
    M. Yves Durand. Les chiffres sont là : vous supprimez 25 000 postes d'aide-éducateur et 5 600 postes de surveillant, alors que vous ne prévoyez que 16 000 postes d'assistant d'éducation, dont le financement reste d'ailleurs fort aléatoire.
    M. Guy Geoffroy. Non, il est assuré !
    M. Yves Durand. Vous parlez de « cofinancement ». Autrement dit, vous n'assurerez pas tout seul le financement de ces postes !
    M. Jean-Marc Lefranc. Non !
    M. Yves Durand. Vous ferez appel aux collectivités locales et territoriales pour vous aider à les financer. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Lefait. Si !
    M. Yves Durand. Autre duperie, autre supercherie !
    M. Jean-Louis Idiart. C'est ainsi que l'on supprime les dépenses !
    M. Jean-Marc Lefranc. Mais vous, à gauche, vous n'avez fait que ça !
    M. Yves Durand. C'est donc un plan de licenciement de plus de 15 000 emplois que vous déclenchez, au mépris de l'avenir de jeunes,...
    M. Christian Ménard. Démago !
    M. Yves Durand. ... de la sérénité des établissements scolaires et du respect de vos propres déclarations devant la représentation nationale.
    En effet, vous avez répondu à Christophe Masse, lors de la séance de questions au Gouvernement du mercredi 5 février, et répété tout à l'heure, qu'il y aura « plus de surveillants dans les établissements en 2003 qu'il n'y en avait en 2002 ». Or, dans une lettre que m'a adressé le recteur de l'académie de Lille,...
    M. Jean-Louis Idiart. Je ne sais pas qui c'est celui-là, mais il n'a pas l'air brillant ! Il va falloir le muter !
    M. Roland Chassain. C'est un socialiste, comme vous !
    M. Yves Durand. ... et qu'ont reçue tous les chefs d'établissement - j'ai déjà indiqué ce que j'en pensais tant sur le plan de la méthode que sur celui de la conception de la démocratie -, il est clairement indiqué que plusieurs centaines de postes de jeunes adultes seront supprimés dant les établissements scolaires.
    Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre. Comme votre discours était court, l'exercice n'était pas fatigant. Mais sans doute vous ai-je mal compris, car il me semble vous avoir entendu dire qu'il y aurait moins d'adultes dans les établissements mais plus de surveillants. Vous ne manquerez certainement pas de nous expliquer cette contradiction ?
    M. Christian Ménard. Vous confondez tout !
    M. Yves Durand. Ce qui importe, c'est effectivement le nombre d'adultes encadrant les élèves dans les écoles, les lycées et les collèges. Or, quoi que vous disiez, quoi que vous répondiez, il y en aura moins, parce que vous êtes prisonnier de la politique budgétaire et économique inégalitaire de votre gouvernement.
    Mme Catherine Génisson. Exactement ! C'est la réalité !
    M. Michel Lefait. Nous attendons la démonstration de M. le ministre avec impatience !
    M. Yves Durand. Mais, au-delà des graves restrictions budgétaires qui sont opérées, votre projet de loi révèle la nature profondément réactionnaire de votre politique en matière d'éducation.
    M. René Couanau. « Réactionnaire » ? Le mot est faible. Vous devenez modéré !
    M. Yves Durand. Vous prétendez que le recrutement des assistants d'éducation directement par les établissements eux-mêmes permettrait une meilleure proximité et donc une meilleure satisfaction des besoins. J'ai démontré précédemment que le clientélisme et l'absence de vision globale des besoins au niveau d'une académie rendaient cet argument caduque et surtout fallacieux.
    M. Patrick Roy. Bien sûr !
    M. Yves Durand. Toutefois, il faut replacer cette disposition dans le cadre du projet gouvernemental de décentralisation, qui n'a rien à voir avec la décentralisation républicaine voulue par Gaston Defferre et qui, à l'époque, avait été violemment combattue par vos amis de droite, monsieur le ministre.
    Vous souhaitez donner l'autonomie aux établissements, mais pas cette autonomie pédagogique sur laquelle les gouvernements de gauche ont beaucoup travaillé, depuis qu'Alain Savary, alors ministre de l'éducation nationale, avait souhaité que chaque établissement scolaire élabore un projet. Cette autonomie-là, nous l'avons toujours défendue. C'est ce projet d'établissement qui, en effet, permet d'adapter chaque collège, chaque lycée à son environnement social et culturel et, ainsi, de répondre plus efficacement aux demandes et aux besoins des élèves, dans le cadre d'une égale exigence de résultats - et c'est là le point essentiel - sur l'ensemble du territoire. C'est aussi ce principe qui sous-tend la création des ZEP, dont vous ne parlez plus jamais, monsieur le ministre. L'éducation prioritaire paraît, en effet, absente de vos préoccupations.
    De toute cette politique, qui reposait sur l'inégalité des moyens pour aboutir à l'égalité des chances, vous ne parlez plus.
    Votre conception de l'autonomie des établissements est radicalement différente de celle mise en place par Alain Savary en 1982. Il s'agit en effet de transformer les établissements scolaires en sorte d'entreprises autonomes,...
    M. René Couanau. Affilées au MEDEF !
    M. Yves Durand. ... capables de recruter les personnels comme les élèves en assouplissant la carte scolaire - cela semble être une tentation très forte chez vous. Vous faites ainsi jouer entre les établissements une concurrence qui rompt avec la notion même de service public.
    L'autonomie des établissements peut être une excellente chose dès lors qu'elle permet de mobiliser des acteurs locaux.
    M. René Couanau. Ah !
    M. Yves Durand. Toutefois, elle ne doit, en aucun cas, jouer avec les objectifs de ces établissements, qui restent nationaux, au risque de créer une dérive particulièrement dangereuse.
    L'autonomie - votre autonomie -, ajoutée à la concurrence que ne manquera pas de développer l'application de votre texte, accentue les risques de cette dérive profondément inégalitaire.
    Cette quasi-« marchandisation » des établissements scolaires (Exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Christophe Masse. Exactement !
    M. Yves Durand. ... renforcée par l'absence d'une véritable politique de la ville, aboutira, je le crains, à la ghettoïsation des écoles, renforçant ainsi encore celle de nos quartiers et de nos villes.
    M. Guy Geoffroy. Vous avez encore d'autres termes comme ceux-là !
    M. Yves Durand. De plus, monsieur le ministre, votre politique accentuera et justifiera le consumérisme pratiqué par beaucoup trop de parents qui ne voient dans l'école qu'un marché du savoir...
    M. René Couanau. Tarte à la crème ! Vous êtes un entarteur !
    M. Yves Durand. ... établissant entre eux et les enseignants une relation de clientèle qui n'a rien à voir avec la co-éducation nécessaire à la réussite des enfants et dont se réclament l'ensemble des associations de parents d'élèves.
    Dans ces conditions, vous pourrez créer toutes les missions que vous voudrez pour lutter contre le racisme et les discriminations : elles resteront vaines, puisque votre politique aura renforcé les ghettos et donc ouvert la voie au communautarisme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dont vous vous déclarez - et je vous crois sincèrement - un adversaire résolu.
    M. René Couanau. Qu'est-ce qu'un discours réussi ? (Sourires.)
    M. Yves Durand. Monsieur le ministre, vous allez sans doute nous rétorquer que nous attribuons à votre projet de loi des vertus, si j'ose dire, qu'il n'a pas. Vous allez sans doute nous dire que ce texte ne comporte pas tous ces risques d'éclatement du système éducatif français que nous lui prêtons et toutes les intentions de remise en cause de l'école républicaine que j'ai, par cette motion, voulu mettre en évidence. Pourtant, quand on lit les dispositions concrètes de votre projet de loi, à la lumière de vos déclarations, de plus en plus précises, sur l'orientation des élèves dès la fin de la cinquième,...
    Mme Catherine Génisson. Eh oui !
    M. Yves Durand. ... sur la loi d'orientation de 1989 - que vous contestez - et sur votre conception du métier d'enseignant, qui, selon une bonne vieille conception rétrograde, ne s'apprendrait pas mais pour lequel la seule bonne maîtrise de la discipline enseignée suffirait, on perçoit, derrière les trois articles apparemment anodins que contient ce texte, la cohérence néfaste de votre politique.
    Peu à peu, votre conception de l'école se révèle au grand jour et il faut bien reconnaître que le ministre que vous êtes contredit, hélas ! de plus en plus le président du conseil national des programmes que vous avez été sous les ministères de François Bayrou, de Claude Allègre et de Jack Lang.
    Si vous voulez changer radicalement d'orientation pour notre école, dites-le clairement, car cela mérite un débat national.
    M. Guy Geoffroy. Il aura lieu !
    M. Yves Durand. Or je crains que celui que vous nous promettez depuis des mois - on nous parle maintenant du mois de juin -, ne soit déjà vidé de son sens tant les décisions de fond sont déjà prises.
    L'école mérite mieux que ce type de projet de loi, présenté devant la représentation nationale superficiellement, d'une manière désinvolte et en quelques minutes. L'école ne peut pas être le jouet des alternances politiques car elle appartient à la nation tout entière. C'est ce que signifie - et ce sera ma conclusion (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - le court texte que je vais vous lire afin de le livrer à votre méditation : « Si le gouvernement démocratique est nécessairement destiné à voir de fréquents changements de personnes [...] à côté de cette administration changeante, il faut qu'il existe un corps enseignant digne, stable, durable, veillant d'un oeil jaloux sur le plus grand et le plus permanent des intérêts publics, l'enseignement national, sur la chose la plus sacrée et la plus respectable qui soit dans le monde, l'âme de l'enfant. » Ainsi s'exprimait Jules Ferry devant des instituteurs, le 19 avril 1881.
    M. René Couanau. Quelle homélie !
    M. Yves Durand. Ces principes-là sont ceux de l'école républicaine, ce sont les nôtres. C'est parce que vous leur tournez le dos que je demande à l'Assemblée de voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Rappels au règlement

    M. Guy Geoffroy. Rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour un rappel au règlement.
    M. Guy Geoffroy. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, premier alinéa, du règlement.
    Mes chers collègues, dans le cadre de ce débat sur l'école de la République, le Journal officiel de nos débats portera trace des attaques qui ont été lancées par l'orateur précédent contre une catégorie d'agents de l'Etat,...
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. En effet !
    M. Guy Geoffroy. ... de serviteurs de la République, je veux parler des chefs d'établissement scolaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Oui !
    M. Guy Geoffroy. Il a été dit des chefs d'établissement - et ce sera attesté par le compte rendu - qu'ils n'étaient pas aptes a priori à résister aux pressions qui pourraient s'exercer sur eux.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les chefs d'établissement apprécieront !
    M. Alain Néri. Et alors ?
    M. Guy Geoffroy. Il a été dit également d'eux qu'ils risquaient d'agir - je cite - « selon leur bon plaisir ».
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Guy Geoffroy. Les chefs d'établissement scolaire, comme tous les fonctionnaires, n'agissent pas « selon leur bon plaisir » !
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas leur travail de recruter !
    M. Jean-Louis Idiart. C'est du corporatisme !
    M. Guy Geoffroy. Ils agissent pour servir l'Etat et l'école de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    En tant qu'enseignant, en tant que chef d'établissement scolaire,...
    M. Jean-Louis Idiart. Il n'y a ici que des députés de la nation !
    M. Guy Geoffroy. ... je trouve qu'il est indigne de la part d'un représentant de la nation, de surcroît membre du corps enseignant, de prononcer de telles accusations (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Pierre Cohen. Frustration !
    M. Guy Geoffroy. ... et de se livrer à un tel procès d'intention à l'encontre d'une catégorie de personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cohen. C'est une pression de chef d'entreprise !
    M. Jean-Louis Idiart. Ici, nous sommes des députés de la République, monsieur Geoffroy ! On laisse entrer le corporatisme à l'Assemblée !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est honteux !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Je voudrais appeler notre collègue (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) à un peu plus de sang-froid. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, sa colère était totalement disproportionnée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Vous n'étiez pas là, vous n'avez pas entendu les propos qui ont été tenus !
    M. Jean-Marc Ayrault. Si, j'étais là et je les ai entendus. ( «Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Mes chers collègues, seul M. Ayrault a la parole.
    M. Jean-Marc Ayrault. Je ne cherche pas à polémiquer. Le sujet est suffisamment grave pour s'en abstenir.
    Le groupe socialiste a déposé deux motions de procédure. La première vient d'être défendue par Yves Durand, qui a fait un exposé très argumenté, avec la passion qui est la sienne pour cette grande cause nationale, selon sa propre expression, qu'est l'éducation de nos enfants. Le groupe socialiste a également déposé un grand nombre d'amendements sur un texte que vous vouliez examiner, monsieur le ministre, à la sauvette, en deux heures à peine. Si nous avons agi ainsi, c'est parce que nous voulons qu'ait lieu dans cet hémicycle un débat sur l'avenir de notre système éducatif. Nous ne souhaitons rien d'autre.
    Nous avons beaucoup d'arguments pour soutenir notre thèse. Vous, vous avez les vôtres. Vous avez vos choix politiques, notamment vos choix budgétaires : vous devez en assumer la responsabilité politique. Nous, nous sommes dans notre rôle, que cela vous plaise ou non. Nous faisons partie intégrante de la représentation nationale et nous entendons assumer pleinement nos responsabilités et défendre le mandat qui nous a été confié. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mes chers collègues, pour éviter que ne se reproduise ce genre d'incident, je rappelle qu'un rappel au règlement n'est pas une sorte de poupée russe dans laquelle on se glisserait pour en trouver une plus petite ou une plus grande.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est à vous que cela s'adresse, monsieur Geoffroy ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Nadine Morano. Ça suffit, les donneurs de leçons !
    M. Alain Néri. M. Geoffroy est un lobbyiste !
    M. le président. Je souhaite que chacun intègre cette notion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je vous ai bien écouté, monsieur Durand. Vous avez beaucoup parlé de supercherie. Manifestement, c'est un problème qui vous préoccupe !
    M. Yves Durand. Oui !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Mais où est la supercherie ? Quand vous faites semblant de croire de l'Etat pourrait ne pas honorer les contrats de trois ans qui seront passés avec les assistants d'éducation, cela n'a aucun sens. Et lorsque vous évoquez les recours devant l'employeur, soyez précis, puisque c'est au fond l'essentiel de votre argumentation, le reste n'étant que variations à l'infini sur des sujets qui n'ont rien à voir (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ou à peu près rien à voir avec celui des assistants d'éducation. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Augustin Bonrepaux. Vous vous moquez du monde !
    M. le président. Je vous en prie, monsieur Bonrepaux.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Par exemple, ce projet de loi sur les assistants d'éducation ne remet pas en cause la scolarisation dès l'âge de deux ans. Personne ne peut soutenir le contraire !
    M. Michel Pajon. C'est insupportable !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. J'en reviens à la question des recours devant l'employeur qu'est l'Etat. Je pense que vous savez, sinon ça serait un peu inquiétant, que les recours des personnels contractuels de l'éducation nationale se plaident devant le tribunal administratif. Vous savez également parfaitement que si les aides-éducateurs relèvent de la juridiction prud'homale, c'est précisément parce que leurs contrats sont des contrats de droit privé. Le nouveau dispositif, en prévoyant des emplois soumis à des contrats de droit public, rendra, fort heureusement, le recours à la juridiction prud'homale inutile. Si vous ne le savez pas, c'est tout à fait inquiétant. Voilà le premier point que je voulais souligner.
    Deuxièmement, si j'étais chef d'établissement, je vous le dis très franchement, sans aucun artifice rhétorique, je me sentirais profondément insulté par les propos que vous avez tenus, monsieur Durand. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je rappelle tout de même à la représentation natioale que, selon la loi Defferre de décentralisation, les chefs d'établissement sont les représentants de l'Etat dans les établissements.
    M. René Couanau et M. Pierre Morange. Absolument !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Si vous l'avez oublié, monsieur Durand, c'est particulièrement inquiétant.
    Pour ma part, je considère que les chefs d'établissement sont parfaitement capables et suffisamment responsables pour recruter du personnel non enseignant. J'estime que le recrutement de proximité est évidemment une excellente chose (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) au même titre que je pense, d'une manière plus générale, que le renforcement de l'autonomie et du pouvoir des établissements et des chefs d'établissement dans ce type de recrutement est, lui aussi, une excellente chose. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

    Troisièmement, j'estime qu'il est particulièrement scandaleux de prétendre que les missions des aides-éducateurs étaient parfaitement claires. Au reste, l'exemple que vous avez pris pour appuyer votre démonstration - le remplacement des professeurs de langue vivante - est proprement surréaliste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Durand. Je n'ai jamais dit cela !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est précisément l'exemple même du dérapage du système des aides-éducateurs, puisque ce type de remplacement est à la limite de la légalité. Utiliser, comme on le fait dans certaines écoles primaires, des aides-éducateurs pour enseigner l'anglais, l'allemand, l'espagnol ou l'italien, c'est non seulement prendre la place d'enseignants, mais aussi confier des missions d'enseignement à des personnels qui ne sont pas qualifiés pour cela et qui sont sous-payés pour le faire. Il faut dire les choses franchement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Durand. Je n'ai jamais dit cela !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Quatrième point : lorsque l'on multiplie par six le nombre des jeunes adultes qui s'occuperont des enfants handicapés dans les établissements, vous pourriez au moins avoir l'élégance de saluer ce progrès et de reconnaître que la situation actuelle, où 15 000 enfants handicapés scolarisables ne sont pas scolarisés, est un véritable scandale, auquel nous sommes les premiers à mettre un terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La critique radicale tous azimuts n'a pas de sens : tout ce qui est excessif est insignifiant.
    Enfin, je voudrais vous dire une chose à propos des jeunes.
    Si j'étais un député appartenant à l'actuelle majorité,...
    M. Yves Durand. Il faudrait commencer par être élu !
    M. Jacques Bascou et M. David Habib. Eh oui !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... je me serais senti insulté par ce que vous avez dit du traitement que la « droite », entre guillemets, serait censée leur réserver. La vérité, c'est que la droite s'occupe de la jeunesse tout aussi bien que vous, sinon beaucoup mieux, et qu'elle ne recourt pas à ce « jeunisme » démagogique dans lequel on a sombré depuis des décennies, notamment avec l'héritage de mai 68 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Quant à la scolarisation à l'âge de deux ans - un des sujets que l'on évoque aujourd'hui mais qui n'ont aucun rapport avec notre discussion -, rien, strictement rien n'est changé.
    M. Yves Durand. M. Darcos a dit le contraire !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Dans un certain nombre de cas, s'agissant notamment de l'île de la Réunion, nous tâcherons, comme je m'y étais engagé ici même, de progresser sur ce dossier et de faire mieux que ce qui existe.
    M. Augustin Bonrepaux. Il faut des moyens pour cela !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Dernier point : vous avez dit que les assistants d'éducation seraient les « bonnes à tout faire » de l'éducation nationale. Là encore, vous maniez l'insulte avec beaucoup d'aisance.
    Je vous répondrai simplement que mieux vaut être bon à tout que de n'être bon à rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Idiart. C'est plus dur ici que dans les salons, c'est vrai !
    M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
    La parole est à M. Pierre-André Périssol, pour le groupe UMP.
    M. Pierre-André Périssol. Monsieur Durand, je vous ai bien écouté. Permettez-moi de vous dire que vous ne manquez pas d'air !
    M. Michel Lefait. Quelle éducation !
    M. Pierre-André Périssol. Vous ne manquez pas d'air ! En effet, qui a monté tout un dispositif d'aides-éducateurs sans prévoir la sortie de ce dispositif,...
    Mme Nadine Morano. Comme d'habitude !
    M. Pierre-André Périssol. ... sans assurer l'avenir, sans donner de statut correct aux personnels concernés ?
    Vous ne manquez pas d'air car, depuis 1999, les ministres de l'éducation nationale socialistes qui se sont succédé avaient en main un rapport qu'ils avaient eux-mêmes commandé et qui concluait à la nécessité, dans l'intérêt même du système éducatif, de réformer profondément le dispositif.
    M. Pierre Hellier. Ils l'ont oublié !
    M. Pierre-André Périssol. Et qu'ont-ils fait ? Rien !
    Le Gouvernement d'aujourd'hui propose une solution. Et que faites-vous ? Vous mobilisez les forces de l'immobilisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Durand. Pour M. Périssol, les syndicats, c'est l'immobilisme !
    M. Pierre-André Périssol. Comment pouvez-vous nous faire le procès de faire ce que vous n'avez pas fait ?
    Vous mobilisez contre le texte qui nous est soumis en expliquant qu'il ne faut rien bouger ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le projet de loi présenté par le Gouvernement apportera un « plus » aux établissements.
    M. Jean-Louis Idiart. Lequel ?
    M. Pierre-André Périssol. En effet, les personnels auront un statut, l'organisation de leur temps sera mieux adaptée à leurs besoins, leurs fonctions seront mieux définies et ils bénéficieront d'une formation pour mieux les exercer.
    M. Yves Durand et M. Alain Néri. Avec quels moyens ?
    M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas dans le texte !
    M. Yves Durand. Ça non !
    M. Pierre-André Périssol. Monsieur Durand, je vous ai écouté. Essayez de m'écouter à votre tour : vous y gagnerez !
    Ce « plus » pour les établissements sera aussi un « plus » pour les bénéficiaires du statut,...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui le dites !
    M. Pierre-André Périssol. ... qui auront la possibilité de mieux préparer leurs examens et donc d'obtenir de meilleurs résultats. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas possible d'entendre de tels propos ! Vous connaissez les horaires des aides-éducateurs ?
    M. Pierre-André Périssol. Cela vous fait peut-être mal, mais c'est la vérité. Moi, je vous ai écouté pendant plus d'une heure !
    M. Augustin Bonrepaux. Et alors ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre-André Périssol. Croyez-vous donner un très bon exemple ? En tout cas, vous ne m'empêcherez pas d'utiliser les cinq minutes qui me sont imparties pour dire ce que je pense.
    M. Augustin Bonrepaux. Ne dites pas de bêtises !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie !
    M. Jean Besson. Quel insolent !
    M. le président. Monsieur Périssol, poursuivez calmement.
    M. Pierre-André Périssol. Les bénéficiaires, disais-je, pourront mieux réussir à leurs examens. Ils bénéficieront d'une formation et d'une valorisation de leurs acquis. Enfin, la situation sera meilleure pour les élèves et pour la communauté éducative tout entière puisqu'il y aura six fois plus de personnels pour accompagner les handicapés et, comme le ministre l'a dit, un plus grand nombre de surveillants mieux formés à la rentrée prochaine.
    Je me suis demandé pourquoi vous critiquiez le texte en criant si fort.
    Pendant les nombreuses années où vous avez eu la responsabilité de l'éducation nationale et la possibilité de définir et de mettre en oeuvre un projet éducatif, qu'avez-vous fait pour lutter contre l'illettrisme ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Qu'avez-vous fait pour lutter contre l'échec scolaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Nous avons donné la priorité à l'éducation nationale !
    M. Pierre-André Périssol. Qu'avez-vous fait pour lutter contre la violence dans les établissements ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
    Pendant de nombreuses années, vous avez eu la possibilité d'organiser ici même, au Parlement, un grand débat. Et qu'avez-vous fait ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Rien du tout ! Ce débat, c'est nous qui allons l'engager !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous dites que ce sera mieux. Eh bien ! on verra à la rentrée prochaine !
    M. Pierre-André Périssol. Je comprends votre frustration. Mais je comprends aussi votre inquiétude car vous avez perdu l'école en 2002 et vu tant d'enseignants ne pas vous suivre aux élections qui ont eu lieu la même année !
    M. Augustin Bonrepaux. Ne craignez rien : ils vont vous suivre, mais il vous faudra courir vite ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie. Que vous arrive-t-il ?
    M. Pierre-André Périssol. Mon cher collègue, gardez votre sang-froid. Je comprends votre frustration, mais vous n'entamerez pas notre détermination.
    Je n'ai pas, monsieur Durand, entendu de votre bouche un mot qui plaide en faveur de l'irrecevabilité du texte. L'UMP votera dans ces conditions contre l'exception d'irrecevabilité et appuiera le projet du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, mesdames, messieurs, nous souhaitons que le projet de loi permette un véritable débat car nous n'avons manifestement pas la même conception de l'éducation nationale. (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous avons analysé le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, et Yves Durand a bien démontré qu'il s'agissait d'une mauvaise loi, inefficace et dangereuse.
    M. Jacques Briat. M. Durand n'a rien démontré du tout !
    M. Jean-Pierre Dufau. Cette loi prévoit le début du démantèlement de l'éducation nationale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quantitativement d'abord : vous supprimez 25 000 postes pour les remplacer par 16 000 postes d'assistant d'éducation à la prochaine rentrée. Il manque près de 10 000 postes ! Je ne vois pas où est le progrès pour l'éducation nationale, pour les élèves et pour les classes !
    M. Jean-Louis Léonard. Ce n'est pas la quantité qui compte, c'est la qualité !
    M. Jean-Pierre Dufau. Telle est bien la logique budgétaire qui est la vôtre, puisque - et c'est votre choix - la priorité n'est plus accordée à l'éducation nationale. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Louis Léonard. C'est faux !
    M. Jean-Pierre Dufau. Ce choix, vous devez l'assumer et nous vous en laissons la responsabilité.
    M. Jean-Louis Léonard. Pas de problème ! On assume !
    M. Jean-Pierre Dufau. Et comme ce choix n'est pas partagé par l'ensemble des Français ni par l'ensemble de la communauté éducative,...
    M. Jean-Louis Léonard. Les Français ont pourtant voté pour nous !
    M. Jean-Pierre Dufau. ... vous passez en force. Vous passez outre l'avis quasi unanime du Conseil supérieur de l'éducation et persistez dans votre loi mauvaise, inefficace, dangereuse.
    Pourtant, un haut responsable de l'éducation n'a-t-il pas reconnu que les aides-éducateurs remplissent des missions qui sont devenues, compte tenu de l'évolution de l'école et de la société, indispensables, comme, par exemple, l'apprentissage de l'informatique ou la médiation avec les familles, l'aide aux élèves handicapés, l'animation socio-culturelle, l'assistance aux centres de documentation ?
    Ce haut responsable de l'éducation nationale, c'était vous, monsieur le ministre, le 17 juillet, à l'Assemblée nationale.
    Au gré des circonstances, le discours change.
    Figurez-vous qu'hier j'étais dans ma circonscription. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Briat. Vous étiez dans votre circonscription ? Eh bien ! restez-y ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
    M. Jean-Pierre Dufau. J'étais, dans la perspective du prochain Parlement des enfants, dans une classe qui présentait une proposition de loi comportant plusieurs articles et tendant à maintenir en place les aides-éducateurs, dont les enfants soulignaient la nécessité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Briat. Manipulation !
    M. Jean-Pierre Dufau. N'ayez crainte : je ne vous retournerai pas le compliment en soutenant que vous mettez en cause les personnels de l'éducation nationale qui encadre ces enfants !
    Dès que vous « lâchez » un peu, vous vous révélez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Besson. Tout cela n'est pas sérieux !
    M. Jean-Pierre Dufau. Par le rôle que vous assignez aux chefs d'établissement de recruter les assistants d'éducation, par le flou qui entoure les futurs assistants d'éducation, dont la qualification n'est pas précisée et qui seront déconnectés du projet d'établissement, vous préparez ce que j'appellerai une privatisation rampante, à l'anglo-saxonne, du système éducatif et, comme si leur nombre n'était pas déjà suffisant, vous créez dans la fonction publique un nouveau statut pour les assistants d'éducation - un statut de plus !
    M. Jean Besson. Auparavant, ils n'avaient rien !
    M. Jean-Pierre Dufau. Chacun sait quel rôle d'ascenseur social a pu jouer, pour des générations de maîtres d'internat, le statut de 1937. Or ce statut, vous le mettez à mal.
    Chacun a pu se rendre compte aussi que l'école se doit d'être avant tout l'école de l'égalité des chances,...
    M. Jacques Briat. C'est sûr, ce n'est pas la vôtre !
    M. Jean Besson. Avec vous, c'est surtout l'école de l'indigence !
    M. Jean-Pierre Dufau. ... et non celle de l'élite ! C'est cette école de la République que nous voulons promouvoir et défendre.
    Yves Durand a bien démontré que, pour nous, et c'est une différence avec vous, monsieur le ministre, et avec votre majorité, l'élève reste au coeur du système éducatif.
    M. Jean-Louis Léonard. C'est vrai pour nous, pas pour vous !
    M. Jean-Pierre Dufau. Nous n'avons pas la même conception de l'école (« C'est certain ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) parce que nous n'avons pas la même conception de la société.
    M. le président. Il vous faut conclure, cher collègue.
    M. Jean-Pierre Dufau. En conséquence, le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité, et j'espère que nous serons nombreux à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe UDF.
    M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, on a à plusieurs reprises parlé de pédagogie dans cet hémicycle. Je serai donc bref et clair : le groupe Union pour la démocratie française votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous remercie pour votre brièveté, monsieur Demilly.
    Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   177
Nombre de suffrages exprimés   177
Majorité absolue   89
Pour l'adoption   60
Contre   117

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Jérôme Bignon. Voilà qui commence très bien !

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Patrick Roy.
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, franchement, je ne comprends pas ! (Rires.)
    M. Jean Le Garrec. Ça commence bien !
    M. Patrick Roy. Quand je me suis engagé en politique, je pensais qu'à l'image de la pédagogie par objectifs l'ambition d'un gouvernement, lorsqu'il engageait une réforme, était de tendre vers une avancée, était de se fixer un but, celui de la qualité renouvelée et amplifiée, était encore d'analyser au plus près la réalité pour conduire le pays vers un nouveau progrès.
    A l'image de nos admirables révolutionnaires - Mirabeau, par exemple, que l'on voit derrière cet hémicycle - qui se sont un jour levés avec courage contre l'injustice et les privilèges, il me paraît obligatoire - c'est une simple question de bon sens civique - qu'une nouvelle loi ne puisse tendre que vers le positif. La réforme est utile dès lors qu'elle répond à un besoin, dès lors qu'elle s'oppose à une injustice.
    Mais il est vrai aussi qu'une réforme ne peut s'imposer durablement que si elle a été mûrement réfléchie, collectivement négociée et consensuellement amendée. Une réforme ne peut s'imposer durablement que si elle apporte une réponse précise et attendue à une situation donnée.
    Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu'il soit possible d'avoir raison tout seul. Je crois au contraire que la démocratie est fondée sur l'art du débat, afin que la loi soit comprise, admise et souhaitée par le plus grand nombre, au profit de l'intérêt général de la nation.
    Nous sommes ici pour débattre sur un projet de loi essentiel puisqu'il aborde l'avenir de notre jeunesse, et donc l'avenir du pays. Or, je suis au regret de vous le dire, votre projet de loi est un mauvais projet de loi. Il manque de souffle, il est précipité, il n'est pas collectif et, surtout, il fera régresser la performance de notre école. (« Menteur ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Quand j'évoque une régression éducative, je sens bien votre désapprobation. Elle pourrait d'ailleurs ne pas me heurter, car la démocratie, c'est l'expression de la diversité. Mais la démocratie, c'est aussi l'art, parfois difficile, d'écouter l'avis contraire, de comprendre l'opposition et de reconnaître ses propres errements, d'accepter ses propres contradictions.
    De surcroît, la démocratie ne se limite pas à cet hémicycle, d'autant moins - faut-il le rappeler ? - que la double montée de l'abstention électorale et du vote extrémiste fait que notre assemblée n'est plus l'expression majoritaire de l'opinion du pays. Si nous voulons le redevenir, il nous faut être pleinement et sincèrement à l'écoute de nos concitoyens. La démocratie vit aussi ailleurs et il nous faut savoir l'entendre.
    Que nous dit-elle aujourd'hui ? Que nous disent les forces vives du pays ? Que nous disent les forces éducatives de la nation ? Vous le savez comme moi - et je suis vraiment surpris que ni vous ni vos amis politiques n'en soyez troublés -, les forces éducatives de la nation, dans un avis unitaire quasi unanime, rejettent ce projet de loi. Elles considèrent - et elles ont raison - que ce texte casse le progrès et qu'il confirme, de la part de votre gouvernement, l'abandon de l'éducation comme priorité en France. Avec l'abandon de l'emploi, dont votre gouvernement est également responsable, l'avenir de la France ne peut que transposer le climat noir de son présent.
    Les forces éducatives de notre pays s'opposent donc à ce texte. Le 30 janvier, le Conseil supérieur de l'éducation vous donne un avis négatif quasiment unanime. Le Conseil supérieur de l'éducation, ce n'est pourtant pas négligeable, mais vous ne semblez pas troublé, pas plus que ne vous trouble, quelques jours plus tard, le 6 février, le vote unanime de la parité syndicale au Conseil supérieur de la fonction publique.
    Dans la même logique, vous ne décelez pas, dans la mobilisation des personnels, l'appel qui vous est lancé pour changer ce texte. Je pense en particulier aux journées du 28 janvier, du 6 février et du 18 mars. Je crois, comme l'ensemble des personnels, que ce texte doit être changé. Mieux encore, je crois qu'il doit être retiré.
    Nous avons reçu, comme vous, l'ensemble des forces syndicales éducatives et des organisations de parents d'élèves. Nous les avons lues également, et nous avons pu ainsi vérifier la large opposition au texte que vous proposez, un texte dont vous sembliez penser qu'un examen furtif, à la sauvette, jeudi dernier en fin d'après-midi, aurait été à la hauteur de l'enjeu.
    Témoin de cette opposition, qui aurait pourtant dû vous alerter, le SNES écrivait, le 26 février : « Le ministre continue à proposer un statut d'assistant d'éducation au rabais par rapport à celui des surveillants. En outre, ce statut ne permettra plus aux étudiants d'accéder à l'autonomie financière dont ils peuvent avoir besoin pour poursuivre leurs études. Par ailleurs, le ministère continue à entretenir la confusion sur les chiffres pour cacher que la disparition de 15 000 à 20 000 adultes est programmée pour les établissements scolaires à la rentrée 2003. Il est donc bien loin d'un projet qui permettrait, selon lui, "de répondre de manière durable et dans des conditions d'efficacité renforcée au besoin d'une présence de jeunes adultes dans les écoles, les collèges et les lycées et contribue ainsi à la politique de prévention de la violence à l'école. »
    Le même jour, le syndicat des enseignants rend publique une lettre aux députés nous demandant de ne pas voter le projet de loi. En voici un extrait : « Comment lutter contre la violence scolaire en supprimant les postes de ceux qui la préviennent dans les établissements ? Comment combattre le chômage des jeunes en faisant disparaître les emplois qui leur étaient destinés ? Comment encourager l'engagement des jeunes en supprimant l'un des principaux dispositifs sociaux qui leur permet de financer leurs études ? »
    La démarche du Gouvernement rencontre l'hostilité de la très grande majorité du monde éducatif.
    Qu'en est-il des parents d'élèves ? La FCPE déclare : « En dépit d'un refus massif de toute la communauté éducative, le Gouvernement s'obstine à supprimer 25 600 postes de surveillants et d'aides-éducateurs, en contradiction avec les intentions affichées de lutter efficacement contre la violence et les difficultés scolaires. Il crée un statut d'assistant d'éducation et creuse un déficit de plus de 10 000 postes. Le dispositif d'assistant d'éducation, au profil extrêmement flou, constitue un recul. Les étudiants ne sont plus des candidats prioritaires pour assurer cette fonction, contrairement aux promesses du ministre. Ainsi, les jeunes d'origine populaire n'auront plus la possibilité de financer leurs études supérieures. C'est aussi une menace pour l'impartialité du recrutement et la qualité de l'encadrement des élèves. Le recrutement est laissé à la discrétion des chefs d'établissement. La suppression massive des aides-éducateurs porte déjà un coup sérieux au fonctionnement des écoles primaires, comme en témoignent de nombreux parents d'élèves. »
    De son côté, la Fédération des associations générales étudiantes écrit, le 11 mars dernier : « Si nous sommes ouverts à la mise en place d'un nouveau statut, nous sommes intransigeants sur le recrutement étudiant, les critères sociaux comme base de sélection et un niveau de salaire équivalent à la situation actuelle. En effet, nous sommes particulièrement surpris et très inquiets de voir que les textes proposés, projet de loi comme projets de décrets, prétendent créer un statut sans rien préciser du vivier de recrutement, si ce n'est un niveau bac. Ce point est pourtant fondamental et l'est d'autant plus que le projet de loi prévoit un recrutement opéré par les établissements et non plus par le recteur, comme c'était le cas pour les MI-SE. »
    Par ailleurs, la FAGE regrette et désapprouve « la dégradation du salaire horaire, puisque la charge de service sera plus lourde que celle des actuels MI-SE pour une rémunération relativement identique. A cet égard, les perspectives évoquées par le ministre d'un possible cumul pour les étudiants entre bourse et emploi d'assistant à temps partiel restent floues. »
    J'achève ici les citations, mais je dois vous dire, monsieur le ministre, que je partage toutes ces analyses et que je rejoins ce cortège de critiques assorties de perplexité et de colère.
    Votre texte aurait dû engager une nouvelle marche en avant vers le progrès. C'est dans ce seul contexte, je l'ai dit, qu'une loi est utile, qu'une loi rassemble la nation autour de ses idées force, autour de son ambition collective, autour de la clairvoyance lumineuse de sa perspective.
    Le gouvernement de Lionel Jospin, dont le bilan sur l'emploi contraste fortement avec les résultats qui sont déjà, malheureusement, les vôtres,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et comment !
    M. Patrick Roy. ... avait lancé un grand programme sur l'emploi des jeunes. Ce programme avait trouvé sa déclinaison heureuse dans l'enseignement avec l'arrivée des aides-éducateurs, ceux-là mêmes que vous allez supprimer malgré tous les appels à la raison qui vous sont lancés.
    L'arrivée des aides-éducateurs dans les établissements a permis une formidable avancée de notre système éducatif, notamment dans les écoles primaires, qui ressentent aujourd'hui un sentiment de colère et de résignation.
    La particularité de l'école primaire, vous le savez, monsieur le ministre, est d'être animée par des enseignants pluridisciplinaires. De manière hypocrite, on peut considérer, comme certains membres de l'UMP l'ont fait, à mon grand regret, en commission, que cette multicompétence coule de source. Mais, je vous le dis comme je le pense, je n'ai pas encore rencontré cet enseignant modèle et exemplaire qui, au-delà de ses compétences pour l'enseignement de la langue, des mathématiques, de l'histoire, de la géographie, de l'éducation civique et des sciences, excellerait aussi dans les langues étrangères, l'informatique, les arts plastiques, la musique et, je ne veux pas les oublier, les activités sportives.
    Dans ce contexte, nos enseignants sont avant tout des pédagogues admirables, fiers de la mission qui leur est confiée, mesurant avec sérieux la confiance que leur font les parents d'élèves. Ils ont à coeur la réussite des élèves qui leur sont confiés, sachant bien que tout se joue souvent au cours de ces premières années et que l'école reste le meilleur correcteur de l'injustice sociale qui continue à vivre dans notre pays et qui s'amplifie depuis l'arrivée de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. René Couanau. Vous osez dire cela après quinze ans de socialisme ! Après M. Lang, après M. Jospin !
    M. Patrick Roy. Venez sur le terrain et vous le constaterez !
    M. René Couanau. Regardez plutôt derrière vous !
    M. Patrick Roy. Cette multicompétence, les enseignants du primaire l'assument avec force, passant leurs journées à être professeurs de français, puis de mathématiques, de géographie, d'histoire, d'éducation civique, de sciences... Mais - à l'impossible nul n'est tenu - ils ont quand même bien du mal à assumer avec la même qualité d'exception l'ensemble des disciplines artistiques et sportives. J'ai souvent croisé des enseignants qui excellaient en musique, d'autres en arts plastiques, d'autres en sport, d'autres encore en informatique, mais, très honnêtement, je n'ai pas encore croisé celle ou celui qui excellerait en tout.
    En même temps qu'ils ont à couvrir ce vaste champ de compétences, les enseignants ont aussi à faire face à des élèves de plus en plus différenciés, qui nécessitent des rythmes de plus en plus personnalisés. Là encore, c'est l'intime conviction que tout se joue à ce niveau scolaire qui inspire leur engagement. Mais dispenser une vraie pédagogie différenciée n'est pas si simple lorsque l'enseignant est seul face à sa classe. L'idéal, c'est qu'il puisse travailler avec un petit groupe d'élèves pour lequel il se rend réellement disponible. Pour réussir ce pari scolaire et social, les ZEP et maintenant les REP ont apporté une première réponse. Et je me demande souvent où l'on en serait aujourd'hui si nous n'avions pas créé ces outils.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On ne l'imagine que trop !
    M. Patrick Roy. Mais pour permettre ce soutien individualisé, il fallait passer la vitesse supérieure, c'est-à-dire se fixer une nouvelle ambition en se dotant de moyens amplifiés. Ce sont les aides-éducateurs qui ont permis la généralisation des activités de soutien, celles-là mêmes, monsieur le ministre, que vous avez décidé de supprimer, restant sourd depuis des mois à l'angoisse qui monte, en premier lieu, des quartiers en difficulté.
    Pourtant, la démonstration est simple : un enseignant plus un aide-éducateur dans la même classe, autrement dit un plus un, cela fait deux ! Dans la même logique, deux adultes dans une classe, ça fait une demi-classe pour un adulte, et ça change tout ! Car pendant que l'aide-éducateur anime pour une demi-classe des activités nouvelles, l'enseignant titulaire peut appliquer avec les autres élèves une pédagogie différenciée et pratiquer des activités de soutien qui sont très difficiles, pour ne pas dire impossibles, à mettre en place avec l'ensemble d'une classe.
    Ces quelques heures par semaine où la classe pouvait se couper en deux, ce qui permettait à chaque élève de recevoir un enseignement personnalisé, ont été vécues par l'ensemble de la communauté éducative comme un vrai bonheur, comme une véritable avancée. Chaque élève a son rythme et l'école a le devoir d'en tenir compte. Ce vrai bonheur, cette grande avancée, vous avez décidé de les casser en choisissant d'être le ministre du grand retour en arrière. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer. N'importe quoi !
    M. Patrick Roy. Mais oui ! Dans les écoles primaires, c'est bien ce qui va arriver à la rentrée prochaine.
    M. Alain Néri. Avec, en plus, un transfert de charges !
    M. Guy Geoffroy. Pure invention !
    M. Patrick Roy. Pas du tout ! M. Néri a raison.
    La disparition des aides-éducateurs signifie entre autres, la disparition brutale de ces moyens en personnel dont les écoles ont bénéficié durant cinq ans.
    M. Bernard Accoyer. Apparemment, M. Roy n'a pas lu le projet de loi !
    M. René Couanau. Pourquoi les socialistes n'ont-il pas pérenniser les emplois ?
    M. Patrick Roy. Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous portez un coup fatal à la pédagogie de soutien personnalisée et vous hypothéquez gravement l'avenir et la réussite des jeunes des quartiers en difficulté. Si l'arrivée de ces aides-éducateurs a favorisé l'instauration massive d'activités de soutien, elle a aussi permis la création de fonctions encore inédites. Parmi celles-ci, il faut évidemment citer la mise en place des sites informatiques et leur gestion quotidienne. Nos aides-éducateurs ont apporté, avec leur jeunesse, toute leur culture informatique parce qu'ils sont de cette génération du multimédia et qu'ils la maîtrisent souvent comme une langue maternelle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer. M. Roy doute de la qualité des enseignants ! C'est quand même fort !
    M. Patrick Roy. Les mairies ont bien souvent joué le jeu et répondu au défi lancé. Face aux possibilités nouvelles, face au nouvel espace de liberté ouvert, elles ont accompagné le mouvement, en participant à la mise en place technique des sites informatiques. Ainsi, pendant qu'une moitié de la classe bénéficiait de la pédagogie de soutien dirigée par l'enseignant titulaire, l'autre moitié pouvait se confronter à l'ordinateur, sous la conduite de l'aide-éducateur. Mais vous avez décidé, monsieur le ministre, de revenir sur cet incontestable progrès. Lorsque, à la rentrée prochaine, votre politique aura abouti à l'arrêt de ces innovations, les Français jugeront sévèrement votre gouvernement.
    M. Dominique Richard. Comme l'année dernière !
    M. Patrick Roy. Soutien scolaire, gestion des sites informatiques, la liste n'est pas close. Je veux ajouter encore la gestion des bibliothèques, l'animation des ateliers sportifs, sur le même principe que les sites informatiques. L'école a reçu un nouveau souffle, a repris avec espoir sa marche vers le progrès et la réussite pour tous. C'était un formidable bond en avant.
    M. René Couanau. Quel était le taux d'échec scolaire ?
    M. Patrick Roy. De plus, chacun sait ici que l'école n'a pas qu'une fonction de simple transmission des savoirs. Si celle-ci est évidemment capitale, et c'est une des forces historiques de notre pays, l'école est aussi un lieu de vie privilégié, un lieu de citoyenneté. Dans les quartiers où elle est parfois le seul bâtiment de la République, c'est encore plus vrai. Confronté à son obligation de multi-compétences disciplinaires, l'enseignant doit encore endosser le costume de l'éducateur, quand ce n'est pas celui du travailleur social, et, là encore, l'arrivée des aides-éducateurs a permis bien des innovations positives. Le constat est indéniable.
    M. René Couanau. Cette intervention est pire que celle de M. Durand !
    M. Patrick Roy. Du fait de leur jeunesse, qui en faisait un lien parfait dans le système social scolaire, les relations avec les parents d'élèves et les habitants du quartier autour de l'école se sont améliorées. Du fait du rôle qu'ils jouaient - parfois celui de grand frère - et du modèle qu'ils donnaient, les aides-éducateurs ont apporté de nouvelles réponses aux élèves dans la fonction éducative. Du reste, il y a quelques mois encore, avant que vos projets ne soient annoncés, on entendait souvent dire au sein des équipes pédagogiques : « Mais comment avons-nous pu fonctionner avant qu'ils n'arrivent ? » (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aujourd'hui, les enseignants ont compris qu'ils vont malheureusement devoir réapprendre, dès la prochaine rentrée, à fonctionner sans eux. Ils savent surtout que votre gouvernement va les priver d'un atout important.
    M. René Couanau. Tout le monde savait que ces emplois étaient prévus pour cinq ans !
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, j'ai reçu, dans ma permanence, de très nombreux aides-éducateurs en colère. Et j'en reçois encore, souvent accompagnés de leurs équipes enseignantes. Tous viennent me demander de les aider car ils ne comprennent pas le sens des décisions prises au ministère, contre l'avis général.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Quand on leur explique bien les choses, ils comprennent !
    M. Patrick Roy. Mais comme ils savent compter, ils se doutent bien que les discourts rassurants du Gouvernement ne sont que duperie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. René Couanau. Il faut leur exliquer que tout cela est de votre faute !
    M. Patrick Roy. La suppression des aides-éducateurs, c'est le grand retour en arrière pour l'éducation dans notre pays. Bien sur, ce statut nouveau n'a pas connu partout le plein succès, il a montré quelques limites perfectibles. Mais au lieu de procéder à une suppression pure et simple,...
    M. Jean-Marie Geveaux. rapporteur. C'est l'inverse que nous faisons !
    M. Patrick Roy. ... la solution évidente aurait consisté à reconduire le dispositif en conservant tout ce qui avait été positif et en corrigeant les défauts qui avaient été décelés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà qui aurait été une bonne loi !
    M. Guy Geoffroy. Pourquoi ne pas l'avoir fait vous-mêmes ?
    M. Patrick Roy. Monsieur Geoffroy, il ne vous aura pas échappé que depuis quelque temps nous ne sommes plus au gouvernement !
    M. Guy Geoffroy. Mais vous n'avez rien proposé !
    M. Patrick Roy. L'actuel gouvernement a fait le choix du conservatisme en dévoilant par ailleurs quelle conception passéiste il a des rapports sociaux. Avec ce texte, il montre aussi, une fois de plus, avec quelle désinvolture il traite du problème de l'emploi. Alors que les plans sociaux se succèdent, que les baisses drastiques de financement de l'emploi aidé mettent en grande difficulté le secteur associatif en charge de l'insertion, il veut maintenant fermer de nouvelles porte aux jeunes. Comment comprendre une telle mesure alors que le chômage des jeunes continue de grimper ?
    Non, monsieur le ministre, le marché ne peut pas répondre à tout. Je suis même sûr du contraire. Je crois que, faute d'une intervention énergique de la puissance publique, dans certains domaines, dans certaines situations, au coeur de certains territoires, c'est le désespoir qui s'installe. Avec cette suppression massive d'emplois, avec ces portes qui vont se fermer, c'est l'espoir que votre gouvernement va faire disparaître. Et à l'âge de ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail, c'est la confiance dans la République qui va s'en trouver ébranlée.
    Le chômage est un cancer qu'il faut combattre avec de vrais moyens, avec une vraie volonté, avec de vraies mesures. Les emplois-jeunes ont constitué une vraie réponse, peut-être même le dispositif le plus réussi qu'un gouvernement de la France ait jamais élaboré pour lutter contre ce fléau.
    M. Dominique Richard. Quelle emphase !
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, je vais peut-être vous surprendre mais la gauche sait compter. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous savons que l'opération que vous comptez faire se traduira, inévitablement et mécaniquement, par des suppressions de postes,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !
    M. Patrick Roy. ... à l'image d'ailleurs des suppressions de postes d'enseignants qui sont annoncées un peu partout.
    M. Bernard Accoyer. C'est la qualité qui compte !
    M. Patrick Roy. Mais votre refus en commission d'accepter un amendement socialiste stipulant que les assistants d'éducation devaient exercer dans un seul établissement cache peut-être une volonté de masquer par la tricherie...
    M. René Couanau. Oh !
    M. Patrick Roy. ... cette baisse d'emplois qui est en fait un plan social d'un volume gigantesque.
    Pourquoi sommes-nous aussi inquiets sur le flou qui entoure l'affectation unique des futurs assistants d'éducation ? Monsieur le ministre, nous croyons aux vertus de l'équipe pédagogique. Là où ils étaient, les aides-éducateurs avaient réussi à intégrer ces équipes et à s'inscrire pleinement dans le projet pédagogique de l'établissement, tout simplement parce qu'ils étaient totalement présents dans le temps sur le même établissement. Cette assise commune de lieu de travail est indispensable pour cimenter l'équipe. Dès lors qu'un membre de l'équipe ne sera plus pleinement au sein de l'unité, il connaîtra alors les pires difficultés pour s'intégrer.
    Le refus de vos amis d'accepter cet amendement socialiste est donc inquiétant car il montre le peu d'attachement que votre ministère manifeste à l'égard de la cohésion de l'équipe éducative. M. Geveaux, rapporteur du texte,...
    M. Bernard Accoyer. Excellent rapporteur !
    M. Patrick Roy. ... a voulu justifier l'injustifiable. Il en a évidemment le droit. Loin de moi l'idée de le lui constester. Mais je ne cacherai pas que son argumentaire m'a semble très discutable et que j'ai eu le sentiment qu'il masquait peut-être les vraies raisons du positionnement. Chacun connaît la technique de débat qui consiste, pour ne pas avouer la véritable raison du choix, à avancer d'autres arguments, faux mais peut-être plus avouables.
    M. René Couanau. C'est sans doute comme ça qu'on fait au parti socialiste !
    M. Patrick Roy. M. Geveaux, donc, a proposé de rejeter cet amendement sous prétexte qu'il serait jusqu'au-boutiste.
    D'abord, il ne me paraît pas très sérieux d'utiliser cet argument à propos de notre collègue Yves Durand, dont nul n'ignore ici le souci exemplaire et constant d'éviter la polémique...
    M. Yves Durand. Tout à fait !
    M. Guy Geoffroy. Cela n'avait échappé à personne ! (Sourires.)
    M. Patrick Roy. M. Durand cherche toujours à travailler dans l'intérêt général.
    Ensuite, M. Geveaux annonce qu'il souhaite plus de souplesse.
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. Patrick Roy. Il est vrai que c'est un mot qui plaît beaucoup à ceux qui siègent à droite dans cet hémicycle :...
    M. Guy Geoffroy. Et les rigides sont à gauche !
    M. Patrick Roy. ... souplesse pour licencier, souplesse dans les remboursements de santé, souplesse dans les rapports sociaux.
    Monsieur Geveaux, vous ne m'en voudrez pas mais je suis de ceux qui pensent que ce terme, a priori plutôt sympathique, peut aussi cacher une réalité de régression et de contrainte.
    M. Bernard Accoyer. Quel préjugé !
    M. Patrick Roy. Cette souplesse que vous défendez tant n'est pas rassurante. Elle n'implique pas une volonté de cohésion de l'équipe éducative, pourtant essentielle dans la réussite de l'établissement scolaire.
    M. Bernard Accoyer. Vous, vous préférez la raideur !
    M. René Couanau. La raideur cadavérique !
    M. Patrick Roy. Vous, vous souhaitez la souplesse. Nous, nous défendons la cohésion.
    M. Jean-Claude Leroy. Très bien !
    M. Patrick Roy. Les propos de M. Frédéric Reiss en commission confirment toute la distance qui existe entre nos positions. Il a fait observer, en effet, que les personnels chargés d'animer des ateliers de lecture, par exemple, travaillaient pour plusieurs établissements sans que cela pose de problème. C'est là une vision étriquée de la vie éducative, une vision de pure gestion. Car, dès lors qu'un membre du personnel n'est plus exclusivement rattaché à un établissement, comme Yves Durand, dans sa grande sagesse, le demandait dans son amendement, cette personne n'est plus au coeur de l'équipe et n'est donc plus moteur dans une pédagogie collective.
    M. René Couanau. Quel charabia !
    M. Patrick Roy. Pour en terminer sur question, je me demande si le refus d'accepter cet amendement de clarté ne cache pas autre chose de moins avouable. En effet, les choix budgétaires opérés sur l'école vont aboutir, comme je l'ai lu à la page 28 du rapport, à la suppression de 15 600 postes. C'est une chose que vous allez devoir assumer et expliquer. L'exercice sera plutôt sportif, et pourrait même se révéler assez explosif. Dire qu'on va faire mieux avec moins est pour le moins stupéfiant !
    M. René Couanau. Aucun problème !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Cela s'est déjà vu !
    M. Patrick Roy. Demain, de votre propre aveu, nos établissements auront moins de personnel, et tout laisse à penser que les coupes les plus claires seront opérés sur les écoles primaires. Demain, donc, il faudra vous justifier devant les parents d'élèves de chaque école, qui vous diront que, malgré vos belles promesses et votre vocabulaire de qualité, il savent compter. Du reste, monsieur le ministre, mes amis et moi observerons de très près la situation à la prochaine rentrée.
    Le rejet de l'amendement d'Yves Durand, qui vise, je le rappelle, à ce que ces nouveaux personnels soient rattachés exclusivement à un établissement, vous ouvre une porte de sortie, ce qui ne laisse pas de m'inquiéter. En effet, il suffira de multiplier les écoles où les assistants d'éducation interviendront pour masquer le déséquilibre. Sur le papier, on fera ainsi croire que l'effectif est stable, sauf que ce sera le même jeune qu'on verra dans plusieurs écoles,...
    M. René Couanau. Quel machiavélisme ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)     M. Patrick Roy. ... sauf que ce même jeune ne fera plus que quelques heures par école, sauf que ce même jeune ne pourra plus assurer la continuité des actions nouvelles animées par les aides éducateurs que vous avez fait disparaître !
    M. Gilles Cocquempot. M. Ferry n'entend pas cela !
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, à l'image d'un metteur en scène d'un film de série B qui fait défiler à plusieurs reprises les mêmes figurants pour donner l'illusion d'un vaste mouvement de foule, vous voulez pratiquer l'éparpillement pour faire croire au maintien des postes. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Mais les équipes éducatives ne veulent pas tourner dans un film de cinéma, surtout s'il est mauvais ! Ces équipes éducatives donnent tout à l'éducation et n'acceptent rien de l'illusion.
    M. Alain Néri. C'est en effet inacceptable !
    M. Patrick Roy. Je voudrais à présent aborder un autre point très inquiétant de votre projet.
    M. René Couanau. Ce n'est plus une série B, c'est un film d'horreur ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Roy. Je veux parler du transfert de financement sur les collectivités locales. Ma première réflexion sera d'ordre général. Une fois de plus, nous aurons la démonstration que l'Etat ne veut pas assurer pleinement sa mission : en demandant aux collectivités, et, en pratique essentiellement, je l'imagine, aux communes, d'engager de nouvelles dépenses, il trouve le moyen d'alléger les siennes. Tout cela permet d'annoncer avec force une baisse des impôts sur le plan national, qui me semble d'ailleurs aujourd'hui remise en cause au vu de la situation économique grave que connaît la France depuis l'arrivée au pouvoir de cette nouvelle majorité de droite.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Cela avait commencé avant !
    M. Patrick Roy. Baisse des impôts sur le plan national donc, mais à bon compte... Une fois de plus, nous assistons à un transfert de charges sans transfert de financements. Il va donc y avoir une augmentation de la pression fiscale locale. Or chacun sait ici que l'impôt sur le revenu est le plus juste. Le diminuer, c'est offrir un cadeau aux citoyens les plus aisés, comme le Gouvernement l'a fait dès son arrivée dans une belle logique d'injustice fiscale.
    M. René Couanau. On s'éloigne un peu du sujet !
    M. Patrick Roy. Certes. Mais il est bon de rappeler ces faits car vous ne semblez toujours pas avoir compris !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est très important de le rappeler !
    M. René Couanau. C'est surtout un fond de sauce pour les socialistes !
    M. Patrick Roy. La répétition fixe la notion !
    Or chacun sait aussi, inversement, que, l'imposition locale est injuste. En transférant des charges non financées, le Gouvernement va contraindre les collectivités locales à augmenter la pression fiscale et d'abord en direction des plus démunis. Encore une belle logique d'injustice fiscale !
    M. Yves Durand. Absolument !
    M. Patrick Roy. Vous faites décidément très fort !
    M. Gilles Cocquempot. Certains ne connaissent que le VIIe arrondissement de Paris !
    M. Patrick Roy. Ma deuxième réflexion découle de la première. Actuellement, les collectivités investissent de plus en plus dans les affaires scolaires, à la fois par choix et par obligation. En quinze ans, l'effort s'est accru d'environ 40 %, mais dans un grand désordre. Certains lycéens ont droit aux livres gratuits alors que d'autres continuent de les payer. Dans le département des Landes, tous les élèves de troisième ont un ordinateur portable à leur disposition, ce qui constitue un luxe inouï pour l'immense majorité des collégiens français.
    M. Yves Durand. C'est un département socialiste !
    M. Patrick Roy. Mais c'est dans les écoles primaires que les disparités sont les plus marquées. Certaines communes engagées dans des expérimentations d'aménagement des rythmes scolaires dépensent, en effet, des sommes considérables pour des activités culturelles et éducatives hors temps scolaire. Les communes assurent désormais 38 % des dépenses d'éducation et sont presque toujours sollicitées dans la mise en oeuvre des innovations pédagogiques : développement des arts, de l'enseignement des langues, aménagement des rythmes scolaires, création d'un brevet d'informatique et Internet. Le fossé entre les écoles riches et les écoles pauvres a donc tendance à se creuser et cette évolution met en cause les fondements de l'école républicaine. Or le texte qui nous est proposé aujourd'hui risque fort d'accentuer ce déséquilibre.
    Troisième réflexion : vous allez mettre les maires dans des situations vraiment intenables. Comme je l'ai dit, il est fortement probable - c'est d'ailleurs la logique de votre démarche - que la baisse des effectifs, que vous reconnaissez, touchera prioritairement les écoles primaires, là où pourtant, je le rappelle, tout se joue. Et pour compenser ces pertes d'emploi, le projet de loi donne la possibilité aux maires de financer les postes.
    M. Gilles Cocquempot. Et voilà !
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, quel conseil donnerez-vous aux maires de communes déjà étranglées fiscalement sur la conduite à tenir ?
    M. Yves Durand. Il s'en moque !
    M. Patrick Roy. Comment nos élus locaux, au contact direct et quotidien de la population, des parents d'élèves, des équipes pédagogiques, vont-ils devoir trancher le dilemme qui leur sera posé ? Un dilemme en forme de piège moral.
    M. Bernard Accoyer. Quel tissu de mensonges ! C'est malhonnête !
    M. Guy Geoffroy. C'est de l'affabulation !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Non, c'est vrai !
    M. Patrick Roy. Ce n'est pas malhonnête ! En effet, que dira-t-on au maire ?
    M. Guy Geoffroy. Cela se passe dans quel pays ?
    M. Patrick Roy. En France !
    M. Guy Geoffroy. Je n'ai pas vu cela chez moi !
    M. Patrick Roy. Justement : il y a deux France, et vous venez de le reconnaître !
    M. Michel Lefait. M. Geoffroy ne connaît que la France d'en haut !
    M. Guy Geoffroy. C'est de l'invention pure et simple !
    M. le président. Mes chers collègues !
    M. Patrick Roy. Que dira-t-on au maire, disais-je ? « Pour faire fonctionner le site informatique, il y avait un aide-éducateur. Le Gouvernement a supprimé le poste. Aujourd'hui, il n'y a que vous, monsieur le maire, qui puissiez recréer un poste. Nous comptons sur vous, car, sans vous, ce site informatique n'existera plus. »
    J'ai pris l'exemple d'un site informatique, mais, bien évidemment, j'aurais pu en prendre d'autres.
    Que répondront les maires, surtout ceux des communes pauvres ? Car, pour eux, le choix sera alors dramatique : ou bien ils financeront les postes, par souci éducatif, mettant alors leur commune dans de graves difficultés financières ;...
    M. Michel Lefait. Et les contribuables !
    M. Patrick Roy. Et les contribuables, bien sûr.
    ... ou bien ils choisiront la voie de la sagesse financière, portant ainsi la responsabilité de l'arrêt de l'activité nouvelle.
    M. Michel Lefait. Dans tous les cas, ils seront perdants !
    M. Patrick Roy. En effet ! D'ailleurs, je constate que les remarques qui viennent des bancs de l'opposition sont pleines de bons sens. (Sourires.)
    M. Gilles Cocquempot. C'est normal ! De l'autre côté, il n'y a plus personne !
    M. Patrick Roy. Nous ne comprenons pas pourquoi vous décidez de supprimer un dispositif à l'évidence bien plus juste - je veux évidemment parler des aides-éducateurs - pour le remplacer par ce nouveau statut, qui met à ce point en danger l'égalité de l'enseignement pour tous.
    J'aborderai maintenant, monsieur le ministre, un autre aspect du texte, qui marque une nouvelle régression par rapport aux dispositions actuelles : le choix que vous avez fait du futur recrutement par les chefs d'établissement. A ce propos, je n'ai vraiment pas senti qu'ils avaient été agressés par les propos d'Yves Durand.
    M. Guy Geoffroy. Nous les relirons ensemble !
    M. Patrick Roy. Avec grand plaisir ! Si vous le souhaitez, nous les relirons à la buvette ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. Absolument ! Et devant la presse !
    M. Patrick Roy. Là encore, l'opposition syndicale - tout le monde, en fait - est totale.
    M. Guy Geoffroy. Les syndicats, c'est une minorité, pas « tout le monde » !
    M. Patrick Roy. Si !
    Du reste, je m'étonne que ce très large front du refus n'ait pas alerté le Gouvernement sur le bien-fondé de cette disposition. Ce très large front du refus, auquel évidemment je veux m'associer, repose sur une vraie connaissance de la vie scolaire sur le terrain. Car il est certain que c'est d'abord sur le terrain qu'il est possible de mesurer la valeur d'une disposition. Je comprends d'autant plus ce très large front du refus que j'ai pu vérifier très concrètement son étendue dans ma circonscription lors de discussions avec les chefs d'établissement, et ce sentiment semble bien partagé par beaucoup d'autres. Ces chefs d'établissement m'ont tous dit la même chose.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Vous avez vu les mêmes, c'est pour cela.
    M. Guy Geoffroy. Cela dépend des informations qu'on leur donne.
    M. Patrick Roy. Je m'en entretenais, hier soir encore, avec deux de mes amis, Gilles Cocquempot et Marc Dolez.
    M. Michel Lefait. Voilà de bonnes références !
    M. René Couanau. Et quel était le menu ? (Sourires.)
    M. Patrick Roy. Ce sont deux ardents défenseurs de la parole militante, éducative et pédagogique. Ils me confirmaient les mêmes réactions inquiètes sur leur secteur géographique.
    Monsieur le ministre, c'est en pensant qu'on peut avoir raison tout seul face aux acteurs de terrain et face aux militants pédagogiques qu'on va droit dans le mur.
    M. Guy Geoffroy. Comme Claude Allègre !
    M. Patrick Roy. En outre, lors de l'examen de ce projet de loi, en commission, le jeudi 13 mars dernier, nous avons entendu les députés de la majorité affirmer que les aides-éducateurs avaient été recrutés à l'époque par les chefs d'établissement. Yves Durand a alors immédiatement rectifié cette erreur.
    M. Michel Lefait. Il s'agissait des recteurs.
    M. Patrick Roy. Peut-être pouvez-vous nous dire si cette erreur était volontaire ou si elle était due à une méconnaissance du monde de l'éducation. En tout cas, votre projet de loi fait du chef d'établissement un employeur soumis à toutes les contraintes qu'une telle situation suppose. Face à cette disposition, les chefs d'établissement sont inquiets. Ils craignent en effet, avec raison, de subir des pressions pour employer telle ou telle personne, alors même qu'un tel choix pourrait entrer en contradiction avec le bon fonctionnement ou le projet pédagogique de leur établissement.
    M. René Couanau. Quel manque de confiance !
    M. Patrick Roy. Il ne s'agit pas d'un manque de confiance ; ils seront soumis à des pressions, ce qui est très différent.
    M. Guy Geoffroy. Il faut être capable de résister aux pressions.
    M. Yves Durand. Ce n'est pas leur travail.
    M. Michel Lefait. Bien sûr !
    M. Patrick Roy. La mission de ces chefs d'établissement consiste aujourd'hui à gérer l'équipe éducative, noble tâche qui requiert une attention de chaque jour. Yves Durand a raison : recruter du personnel, négocier avec les collectivités territoriales, ce n'est pas leur travail.
    En outre, cette disposition écarte totalement l'Etat du recrutement.
    M. René Couanau. Mais non !
    M. Patrick Roy. Donc, l'Etat disparaît, avec tous les dangers que cela représente.
    Monsieur le ministre, je voudrai aborder un autre point du projet de loi qui pose problème, d'ailleurs, il y en a beaucoup.
    M. Gilles Cocquempot. En effet !
    M. Patrick Roy. Il s'agit de la priorité d'embauche aux étudiants, que vous affirmez, verbalement, avec force...
    M. René Couanau. Cette disposition ne peut pas être inscrite dans la loi.
    M. Patrick Roy. ... et qui soulève une forte inquiétude dans l'ensemble de la communauté éducative.
    Vous nous demandez de vous faire confiance, monsieur le ministre. Mais l'expérience de la vie politique m'a appris à être très prudent avec ce type de discours. Je me méfie.
    Selon une citation bien connue, les paroles s'envolent, seuls les écrits restent.
    M. René Couanau. C'est votre expérience au parti socialiste ?
    M. Patrick Roy. Certes, monsieur le ministre, vous êtes très sympathique, mais nous serions plus rassurés s'il y avait une disposition écrite.
    Certes encore, ce qui figure, à la page 31 du rapport de M. Geveaux semble rassurant. En effet, il est écrit : « Ainsi que l'a réaffirmé le ministre au cours du débat précité, "priorité absolue sera donnée aux étudiants et aux jeunes par voie de directive aux rectorats et aux chefs d'établissement. Il n'est donc pas question de remplacer les pions par leurs grands-pères, comme cela a pu être colporté ici ou là de manière passablement malveillante... ». Monsieur le ministre, oui, les mots sont rassurants, mais ils ne figurent pas dans la loi.
    M. René Couanau. Ça ne peut pas être dans la loi !
    M. Patrick Roy. De plus, ils comportent déjà une contradiction. En effet, alors que vous affirmez que le recrutement se fera par les chefs d'établissement, et non plus par l'Etat, via le rectorat, le rapport de M. Geveaux indique que les rectorats recevront une directive. C'est intéressant, mais puisqu'ils ne seront plus concernés, j'ai bien peur que cette directive ne soit qu'un document administratif de plus, sans effet réel.
    M. René Couanau. C'est aberrant ! Quelle conception de l'administration !
    M. Patrick Roy. Des mots rassurants, donc, mais avec, comme on le voit, une première contradiction et, surtout, des mots qui ne sont pas dans la loi.
    Permettez-nous d'émettre une crainte au vu de vos arguments et choix politiques en commission.
    Honnêtement, nous étions prêts à vous croire. Mais, comme nous voulions obtenir une garantie, nous avons déposé, là encore sous la radieuse lumière d'Yves Durand (Rires), un amendement visant à fixer un âge limite supérieur. Nous avons proposé trente ans.
    M. Guy Geoffroy. Un an de plus que pour les étudiants ! C'est révolutionnaire !
    M. Patrick Roy. Pour votre part, en précisant un âge minimum de vingt ans, vous ne fixez aucune barrière. Tout devient donc possible.
    M. René Couanau. Cela s'appelle de la souplesse !
    M. Patrick Roy. Votre refus de voter l'amendement montre qu'effectivement une dérive est possible et même probable. Le fait de ne pas fixer une limite montre bien que vous avez des arrière-pensées. En effet, pourquoi refuser cet amendement, sauf à vouloir laisser la porte ouverte à toutes les aventures ? Notre amendement n'avait qu'un seul but : éviter ces dérives et garder le dispositif pour les jeunes. D'ailleurs, ce sera ma dernière observation sur ce critère.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah !
    M. Patrick Roy. Vous reconnaissez vous-même, dans ce rapport, que vous avez délibérément choisi le terme de « priorité » aux étudiants plutôt que celui d'« exclusivité ». Convenez qu'il y a lieu d'être inquiet, d'autant que M. Geveaux indique clairement dans son rapport : « Pour autant, priorité ne signifie pas exclusivité : dans l'hypothèse où des postes ne seraient pas pourvus par les étudiants, du fait de leur indisponibilité horaire où géographique, l'absence de condition contraignante relative au statut d'étudiant permettra de recruter le personnel nécessaire en tout état de cause. »
    M. René Couanau. C'est le bon sens !
    M. Patrick Roy. « Les modalités de recrutement obéiront dans ce cas à des critères de proximité, les établissements pouvant ainsi faire appel à des personnes autres que les étudiants, telles que des jeunes demandeurs d'emploi, des mères de famille désirant concilier une activité de proximité avec l'éducation de leurs enfants... »
    M. René Couanau. Ou bien les emplois-jeunes que vous n'avez pas su garder !
    M. Patrick Roy. M. Geveaux termine d'ailleurs son paragraphe par trois points de suspension, ponctuation symbole laissant la porte ouverte à toutes les dérives.
    Monsieur le ministre, je pense aujourd'hui, très sérieusement, au mauvais coup qui se prépare contre le milieu étudiant, et plus précisément contre les étudiants socialement défavorisés. Voilà une porte de promotion qui se rétrécit puisque votre projet aboutira à favoriser la sélection par des critères sociaux. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Lemasle. Exact !
    M. Patrick Roy. Le présent projet de loi est dans la droite ligne de ce gouvernement : toujours plus pour quelques-uns, toujours moins pour tous les autres. Moins d'impôts pour quelques-uns et moins d'APA pour les autres. Plus de liberté, de souplesse économique pour quelques-uns et plus de chômage pour tous les autres.
    M. Patrick Lemasle. Exact !
    M. Patrick Roy. J'en viens maintenant à l'une des idées-forces qui forme le socle de la philosophie de ce projet de loi.
    Si l'on en croit les déclarations du ministère, confirmées, bien évidemment, par le rapport de M. Geveaux, il s'agirait de remédier à l'obsolescence des statuts des maîtres d'internat et surveillants d'externat.
    M. Guy Geoffroy. C'est déjà pas mal !
    M. Patrick Roy. La principale critique faite au dispositif MI-SE est qu'il est devenu obsolète. Il ne répondrait plus complètement aux besoins de surveillance qui s'expriment dans les établissements scolaires avec des étudiants parfois absents pour cause d'examen, avec des étudiants encore faiblement impliqués dans leurs fonctions. Le Gouvernement s'est d'ailleurs servi d'un rapport remis à Claude Allègre sur les MI-SE, qui, reconnaissons-le, a été fait à la va-vite et seulement sur six académies.
    M. Lionnel Luca. C'est bien connu que ce qui est fait à la va-vite est rarement bon !
    M. Patrick Roy. Ce statut, c'est vrai, est ancien puisqu'il date des années 1937-1938, de belles années sociales, comme M. Durand l'a souligné à juste titre. Il mérite donc des aménagements, ce que personne ne conteste dans cet hémicycle. Mais il doit s'agir d'aménagements positifs, d'aménagements qui vont vers le progrès, d'aménagements à la hauteur du défi éducatif de la France, d'aménagements pour aller vers plus de réussite sociale et non d'aménagements de recul social et éducatif, pris à la va-vite. Précipitation n'est pas éducation.(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Lionnel Luca. Voilà qui restera dans les annales !
    M. Patrick Roy. L'actuel statut des MI-SE est un outil toujours utile, à la fois aux établissements scolaires et aux étudiants d'origine sociale modeste. Lorsqu'on interroge des étudiants, des surveillants, on constate qu'ils sont attachés à leur travail, qu'ils sont satisfaits de leur sort car cela leur permet, non seulement d'étudier, mais aussi de financer leurs études, souvent longues, sans pour autant effectuer trop d'heures de travail. Le statut des MI-SE est un acquis du Front populaire. Il y en a d'autres que vous connaissez bien et que je me plais à rappeler puisqu'ils ont été votés par les bancs de la gauche. Car, et l'histoire le montre, quand il y a un progrès social, c'est toujours par la gauche qu'il est voté et par la droite qu'il est combattu.
    M. Lionnel Luca. C'est une vision hémiplégique de l'histoire !
    M. Patrick Roy. Pour en revenir au statut des MI-SE, celui-ci a permis et permet encore à de nombreux étudiants, souvent d'origine modeste, en l'absence d'aides sociales directes de l'Etat, de poursuivre leurs études tout en bénéficiant ainsi d'une expérience professionnelle dans le domaine éducatif. Ce dispositif constitue l'unique statut d'étudiant salarié et permet aux MI-SE de bénéficier de dispositions facilitant la conciliation de leurs études et de leur emploi. Le recrutement étant effectué sur des critères sociaux, il constitue une aide importante en direction des jeunes et contribue ainsi à démocratiser l'enseignement supérieur. Un tiers des étudiants aujourd'hui doit, en effet, travailler pour financer ses études.
    Or démocratiser l'enseignement supérieur reste l'un des enjeux majeurs auxquels nous avons à faire face. Pour répondre à cet objectif, nous devons être à la hauteur de la France, la terre historique des droits de l'homme.
    M. Lionnel Luca. Le rapprochement est audacieux !
    M. Patrick Roy. Aujourd'hui, le combat n'est pas encore gagné et, au lieu d'aller de l'avant, votre projet de loi pénalisera les espoirs de promotion sociale. Aujourd'hui, sur 800 000 jeunes d'une classe d'âge, 500 000 décrochent le baccalauréat, alors que 4 000 seulement d'origine sociale défavorisée entrent dans l'une des dix grandes écoles. Et les autres ?
    A côté des grandes écoles, considérées comme la voie royale, existe une vraie forêt de formations efficaces, parfois mal connues, non seulement à l'université, mais aussi dans les sections de techniciens supérieurs, dans les écoles d'ingénieurs, dans l'éducation nationale et dans d'autres ministères.
    Peut-on donc parler d'ouverture sociale dans l'enseignement supérieur ? Oui, si l'on regarde les flux en quantité. Non, si l'on examine la répartition sociologique de la population étudiante et si on la compare à la population de la France. En effet, si les enfants d'ouvriers constituent plus d'un tiers des jeunes de dix-sept à dix-neuf ans, ils ne représentent qu'un septième des effectifs universitaires. Ils suivent des voies bien spécifiques ; ils sont nombreux en IUT, mais moins présents dans les filières de santé et les écoles d'ingénieurs.
    Avoir une université d'accès égalitaire est une belle ambition, mais cela se construit peu à peu. Nous nous étions engagés dans cette voie avec volonté, persuadés que nous étions sur le bon chemin, celui de l'égalité, de la raison et de la justice sociale. Au contraire, avec ce nouveau statut hasardeux vous risquez de freiner le développement de cette ambition. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Lionnel Luca. Incroyable ! On n'imaginait pas que cela existait encore !
    M. Patrick Roy. Il est une autre incohérence : alors que la durée maximale du nouveau contrat sera de trois ans, renouvelable une fois, dans le même temps, le ministère installe un nouveau cursus licence-mastère-doctorat, soit trois, cinq et huit ans. La durée du contrat est donc inadaptée pour des étudiants souhaitant suivre des études supérieures longues.
    Mais j'ai encore mieux. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. René Couanau. Parce que vous êtes capable d'en rajouter ?
    M. Patrick Roy. Je vais en effet aborder la question des salaires, sur laquelle vous faites très fort.
    M. Lionnel Luca. Vous lassez même vos collègues ! Certains quittent l'hémicycle !
    M. Patrick Roy. Non seulement, avec cette suppression d'effectifs, le ministère détiendra le record national des licenciements en France...
    M. le président. Monsieur Roy, il vous reste précisément six minutes pour atteindre le maximum de temps de parole autorisé pour une motion de procédure.
    M. Patrick Roy. ... mais, de plus, vous aller proposer à ceux qui vont rester de travailler davantage sans gagner plus !
    M. Lionnel Luca. Vos collègues s'en vont !
    M. Ghislain Bray. Ils craquent !
    M. Patrick Roy. J'entends encore les arguments que vous avez développés contre les 35 heures.
    M. René Couanau. Parlons-en !
    M. Patrick Roy. Vous affirmiez notamment avec véhémence qu'il fallait laisser les Français qui le veulent travailler plus pour gagner davantage. Vous en faisiez l'un de vos arguments politiques majeurs.
    M. Yves Durand. Les intéressés vont gagner moins !
    M. Patrick Roy. Souvenez-vous-en parce que, demain, grâce à ce nouveau statut, les futurs assistants d'éducation travailleront plus - 35 heures - mais ne gagneront rien de plus. Chapeau !
    Pour être encore plus clair, je peux souligner que vous allez ainsi baisser le salaire horaire de 20 %.
    M. Patrick Lemasle. C'est incroyable !
    M. Patrick Roy. Quelle belle avancée sociale !
    Quand la vérité sera connue de tous, vous aurez du mal à justifier cette décision. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Où trouvez-vous cela ?
    M. René Couanau. C'est la mine de Zola !
    M. Patrick Roy. Il serait plus sage que vous décidiez de retirer votre texte,...
    M. Alain Néri. Oui !
    M. Patrick Roy. ... de revoir votre copie,...
    M. Patrick Lemasle. Très bonne idée !
    M. Patrick Roy. ... dans l'intérêt de tous et, en premier lieu, de notre jeunesse.
    M. Yves Durand. Enfin un peu de sagesse !
    M. Patrick Roy. Il n'y a pas de déshonneur à reconnaître une erreur, à admettre la précipitation. Je crois même que l'on en sort grandi.
    Monsieur le président, comme j'aurais encore beaucoup de pages à lire, je voudrais savoir combien de temps il me reste.
    M. le président. Le calcul doit être simple pour vous qui avez commencé votre introduction en faisant des additions, même si, en l'occurrence, il s'agit d'une soustraction : puisqu'il vous restait six minutes, il y a trois minutes, il vous reste donc trois minutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Roy. J'en viens donc à ce que sera la prochaine rentrée de 2003, la première du nouveau ministre, l'ancienne étant celle de M. Lang.
    M. Yves Durand. C'est pourquoi elle a été réussie !
    M. Patrick Roy. D'abord, il y aura des suppressions de classes.
    Puis, le nombre des surveillants sera réduit ; ils n'auront donc plus de temps à consacrer au dialogue ; ils ne pourront faire que de la surveillance. Or cela est extrêmement grave, car, vous le savez, le dialogue entre les surveillants et les jeunes apporte beaucoup.
    M. Yves Durand. C'est vrai !
    M. Patrick Roy. Il est favorisé par la proximité culturelle de l'échange entre l'élève et le surveillant, qui utilisent le même langage.
    M. René Couanau. C'est pour cela qu'il faut les recruter sur place !
    M. Patrick Roy. S'il est question de musique, ils parleront trash métal, rock et reggae. S'il est question de poésie, ils parleront rap. S'ils évoquent l'avenir, ils exprimeront les mêmes doutes et les mêmes espoirs. La diminution du nombre des surveillants affectera ce dialogue.
    Je ne traiterai pas de la réduction des effectifs, puisque je n'ai plus de temps, mais je tiens tout de même à signaler qu'ils diminueront de 15 600. C'est très fort et nous aurons l'occasion d'y revenir.
    M. Yves Durand. C'est très grave !
    M. Patrick Roy. J'avais prévu de répondre brièvement à une liste de points négatifs, mais je vais en arriver directement à la conclusion. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Lemasle. C'est dommage !
    M. Patrick Roy. Oui, c'est dommage !
    M. Guy Geoffroy. Il était pourtant très convaincant !
    M. René Couanau. Monsieur le président, donnez-lui encore cinq minutes, c'est trop bon !
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, vous avez compris pour quelles raisons nous pensons que ce texte est mauvais, précipité, mal écrit, mal élaboré, sans concertation et sans écoute. Il serait donc sage de le retirer.
    M. Patrick Lemasle. Quel réquisitoire !
    M. Patrick Roy. Nous pourrions alors avoir le recul utile pour bien débattre, pour aboutir à des propositions qui constituent de réel progrès, tant pour notre éducation nationale que pour nos jeunes.
    D'ailleurs, pour appuyer mes arguments, je vais reprendre l'un des vôtres en rappelant les propos tenus par des parlementaires de droite dans cet hémicycle, lorsque nous avons débattu très brièvement, trop brièvement, de l'excellente proposition de loi de notre collègue Alain Bocquet sur la possibilité de partir en retraite à taux plein avant l'âge légal dès lors qu'on avait cotisé quarante ans.
    M. Ghislain Bray. Vous ne manquez pas de culot !
    M. Lionnel Luca. Vous pouviez le faire !
    M. Patrick Roy. Attendez !
    L'argument majeur de la majorité pour refuser ce texte reposait sur le fait qu'interviendrait, dans quelques mois, un grand débat national sur les retraites. Ce sujet devait y être intégré et l'on ne pouvait en traiter isolément.
    M. Ghislain Bray. Eh oui !
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, je vous retourne l'argument : puisque vous avez annoncé un grand débat sur l'éducation nationale - à une date que vous pourriez d'ailleurs préciser aujourd'hui -...
    M. Yves Durand. Nous aimerions bien la connaître, parce que cela fait dix fois qu'on la repousse !
    M. Patrick Roy. ... acceptez d'ajourner l'examen de ce texte dont nous traiterons dans le cadre de ce vaste débat.
    M. Patrick Lemasle. Excellente proposition !
    M. René Couanau. Et que faites-vous des emplois jeunes à la prochaine rentrée ?
    M. Ghislain Bray. Cela ne les choque pas, ils repoussent toujours !
    M. Patrick Roy. Enfin, monsieur le ministre, je dois vous faire part de mon profond étonnement face à des pratiques qui ne me semblent pas très républicaines. Je ne sais pas si elles sont le fait du ministère ou du rectorat, mais j'aimerais que vous puissiez nous rassurer sur ce sujet auquel je suis extrêmement sensible.
    En effet, comment est-il possible que des chefs d'établissement aient reçu du recteur, il y a quelques jours, du moins dans le département du Nord ; une note très complète sur les futurs assistants d'éducation ?
    M. Lionnel Luca. C'est de la préparation !
    M. Patrick Roy. Celle-ci traitait de leur recrutement, de leur rémunération, de leur service, de leur formation, bref, elle était très complète, alors que nous commençons seulement à débattre du sujet.
    M. René Couanau. C'est le sens de l'organisation !
    M. Patrick Roy. Cela signifie-t-il que le Parlement ne sert plus à rien ?
    M. Guy Geoffroy. Mais non !
    M. Patrick Roy. Cela signifie-t-il que nos débats sont fictifs ?
    M. René Couanau. Je voudrais bien que ce soit le cas de ce discours !
    M. Patrick Roy. Cela signifie-t-il que l'Assemblée nationale ne représente plus la voix de la France ? Je vois dans cette initiative un dérapage très inquiétant et un témoignage de mépris pour notre démocratie.
    Monsieur le ministre, à l'école élémentaire, on apprend aux élèves que c'est le Parlement qui vote la loi, pas le ministère ou le rectorat. Je pense que, convaincus, nous allons ensemble voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 640, relatif aux assistants d'éducation :
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 694).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 25 mars 2003
SCRUTIN (n° 133)


sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Ayrault au projet de loi relatif aux assistants d'éducation.

Nombre de votants

177


Nombre de suffrages exprimés

177


Majorité absolue

89


Pour l'adoption

60


Contre

117

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (363) :
    Contre : 113 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 56 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).
    Contre : 1. - M. Eric Jalton.