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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 27 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 26 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

CONJONCTURE ÉCONOMIQUE «...»

MM. Jean-Christophe Lagarde, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

POLITIQUE SOCIALE «...»

MM. Maxime Gremetz, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

RECONDUITE À LA FRONTIÈRE
DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE «...»

MM. Georges Ginesta, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

GIAT-INDUSTRIES «...»

M. Jean Glavany, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

MORAL DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISES «...»

MM. Alain Suguenot, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DÉCENTRALISATION DE PERSONNELS
DE L'ÉDUCATION «...»

MM. Louis Cosyns, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
SUR LE COMMERCE DES SERVICES «...»

MM. Michel Destot, François Loos, ministre délégué au commerce extérieur.

PLAN DE LUTTE CONTRE L'EXCLUSION «...»

M. Yves Bur, Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.

JOURS DE CHASSE «...»

M. Roland Chassain, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

POLITIQUE DE LA RECHERCHE «...»

M. Michel Charzat, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

AVENIR D'EDF «...»

MM. Emmanuel Hamelin, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SCOLARISATION DES ENFANTS DE DEUX ANS «...»

MM. Yannick Favennec, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Modification du règlement de l'Assemblée nationale. - Discussion d'une proposition de résolution «...».
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Guy Geoffroy,
Philippe Vuilque,
Maurice Leroy,
Daniel Paul.
Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendements identiques n°s 1 de M. Vuilque, 4 de M. Gérard Léonard et 6 de M. Brunhes : MM. Philippe Vuilque, le rapporteur. - Adoption.

Articles 1er, 2, 3 et 4. - Adoptions «...»
Article 5 «...»

Amendements identiques n°s 2 corrigé de M. Vuilque, 3 de M. Gérard Léonard et 7 de M. Brunhes : MM. Philippe Vuilque, Gérard Léonard, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6. - Adoption «...»

M. Guy Geoffroy.

Suspension et reprise de la séance «...»
Article 7 «...»

Amendement n° 5 de M. Balladur : MM. le rapporteur, le président, Philippe Vuilque. - Adoption.
Adoption de l'article 7 modifié.

Titre «...»Articles 8 et 9. - Adoptions «...»
VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de résolution.

Suspension et reprise de la séance «...»

3.  Assistants d'éducation. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 3022 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. - Rejet.
Amendement n° 3023 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er «...»

M. Yves Durand, Mme Martine Billard, MM. Emile Zuccarelli, Alain Néri, Mmes Catherine Génisson, Hélène Mignon, MM. Simon Renucci, Gaëtan Gorce, Christophe Masse, Jean Le Garrec.
Amendements de suppression n°s 1082 à 1093 respectivement déposés par MM. Yves Durand, Jean-Marc Ayrault, Alain Néri, Patrick Roy, Mme Catherine Génisson, M. Victorin Lurel, Mme Hélène Mignon, M. Simon Renucci, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Gaëtan Gorce, Christophe Masse et Jean-Pierre Blazy et amendements de suppression n°s 3006 de Mme Billard et 3026 de M. Braouezec : Mme Martine Billard, MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre, Yves Durand. - Rejet par scrutin.
Adoption de l'article 1er.

Suspension et reprise de la séance «...»
Avant l'article 2 «...»

Amendements identiques n°s 2 à 13 respectivement déposés par MM. Yves Durand, Jean-Marc Ayrault, Alain Néri, Patrick Roy, Mme Catherine Génisson, M. Victorin Lurel, Mme Hélène Mignon, M. Simon Renucci, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Gaëtan Gorce, Christophe Masse et Jean-Pierre Blazy : MM. Yves Durand, Alain Néri, Patrick Roy, Mme Catherine Génisson, MM. Louis-Joseph Manscour, Simon Renucci, Gaëtan Gorce, Christophe Masse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe UDF.

CONJONCTURE ÉCONOMIQUE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    La conjoncture économique est aujourd'hui extrêmement préoccupante et les Français sont légitimement inquiets.
    M. Albert Facon. Très inquiets !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ils sont inquiets pour l'emploi et pour l'activité économique. La consommation, qui était le dernier moteur de la croissance intérieure, semble s'étioler, tandis que le moral des ménages s'affaiblit.
    M. Jean Glavany. Il n'y a plus de moral !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Le contexte international, évidemment, n'arrange rien mais le Président de la République a récemment déclaré que la France pourrait retrouver de la croissance dès que la situation internationale se stabiliserait.
    Vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré que l'essentiel des conséquences économiques négatives de la crise en Irak était derrière nous. L'UDF se réjouit de cette perspective dessinée d'un retour à la croissance. Encore faudra-t-il que cette croissance puisse s'enraciner dans un environnement favorable.
    Quelles mesures comptez-vous prendre pour que la perspective d'une amélioration de la conjoncture économique se réalise et que la croissance soit la plus élevée possible dès qu'elle sera de retour ? Comment allez-vous favoriser la consommation des ménages, notamment de ceux qui ont les revenus les plus faibles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Claeys. Bonne question ! Elle mériterait une réponse !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, il est clair que la conjoncture actuelle est morose, mais c'est au niveau mondial, et pour les raisons que vous connaissez. Sachant que les événements irakiens ont d'ores et déjà déployé leurs conséquences négatives en matière économique, lorsqu'ils seront derrière nous, si nous voulons que la conjoncture s'améliore, nous aurons le devoir d'accompagner le rebond de l'économie française, comme l'a rappelé le Président de la République, hier. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Ce rebond, à court terme, nous l'avons déjà largement préparé grâce aux décisions politiques déjà prises. Ainsi, les entreprises bénéficieront cette année d'une réduction de leurs charges pour un total de quatre milliards d'euros.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Alain Néri. Et pour les salariés, que fait-on ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En outre, puisque la décision a été prise d'harmoniser « par le haut » les SMIC dès le 1er juillet prochain, la moitié des gens payés au SMIC verront leur pouvoir d'achat augmenter d'au moins 5 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Sans même parler des baisses d'impôts qui, jusqu'à présent, ne se sont pas forcément traduites par une augmentation de la consommation,...
    M. Jean Le Garrec. Forcément !
    M. Alain Néri. Ça ne nous étonne pas totalement !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... il est clair donc que les consommateurs vont être en mesure de retrouver le chemin de la consommation.
    Mme Martine David. Blablabla !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quant aux entreprises, non seulement elles savent toutes que nous créons, à moyen terme, les meilleures conditions pour leur croissance, leur développement, leur transmission et leur naissance, mais aussi que toutes les mesures que nous avons prises, notamment pour favoriser l'innovation, visent à leur faciliter la tâche. Ce seront elles qui feront la croissance. Or, le jour où celle-ci reviendra, il y aura 1,5 % de produit intérieur brut à récupérer très rapidement : c'est ce que nous a coûté le déstockage de l'économie française depuis un an et demi ; il n'attend qu'une chose pour disparaître...
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'on nous débarrasse de vous !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... cette fameuse relance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

POLITIQUE SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Maxime Gremetz. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    Monsieur le ministre, votre ministère est encore à l'honneur ! Les chiffres montrent une nouvelle hausse du chômage et notamment de celui des jeunes - 7,4 % -, une augmentation de la précarité, des licenciements collectifs et des délocalisations pour le seul profit des actionnaires.
    Certes, le contexte international joue pour une part dans cette situation, mais vos décisions, votre politique de classe, sont désastreuses pour les Français et le pays.
    Cette nouvelle dégradation de l'emploi coïncide avec la satisfaction donnée au MEDEF (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) par l'abrogation de l'essentiel de la loi de modernisation sociale. C'est un véritable feu vert donné au patronat pour licencier, exploiter et déréglementer.
    Et n'oublions pas la faillite d'Air Lib, la privatisation d'Air France, le démantèlement des services publics et la déréglementation du fret à la SNCF : autant d'emplois en moins ! Il y a aussi la suppression des emplois-jeunes : 22 000 dans l'éducation nationale seront au chômage le 1er mai.
    Dans le même temps, le pouvoir d'achat stagne, les salaires sont gelés, la consommation des ménages et le moral des Français sont au plus bas, la croissance s'affaisse et les déficits augmentent.
    M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
    M. Maxime Gremetz. Pourtant, allègrement, vous distribuez 22 milliards d'euros de cadeaux, sous forme d'exonération de cotisations patronales, à ceux qui licencient. Vous voulez privatiser la protection sociale et la santé. Vous vous attaquez à notre système de retraite par répartition. Vous supprimez le contrôle de l'utilisation des fonds publics, qui s'en vont souvent en placements financiers. Vous allégez encore l'impôt sur les grandes fortunes et piochez dans la poche des personnes âgées et de leurs familles pour financer l'APA. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Gremetz, je n'ai pas encore entendu votre question !
    M. Maxime Gremetz. Vous refusez de légiférer contre les « patrons voyous », contrairement à l'engagement pris par le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, M. Gremetz va poser sa question.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, vos mesures sont de plus en plus contestées et combattues, dans la rue et partout, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) des propositions alternatives sont formulées tendant au progrès social et à la justice. Allez-vous enfin y répondre positivement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il faut reconnaître à Maxime Gremetz la grande cohérence de ses positions, et depuis longtemps.
    M. Jean Roatta. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est à peine plus critique à l'égard de notre gouvernement qu'il l'était à l'égard du précédent ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La politique de l'emploi que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin conduit est une politique claire et, surtout, une politique de bon sens.
    M. Augustin Bonrepaux. Et le chômage ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle consiste à préparer le retour de la croissance en s'appuyant sur les entreprises plutôt que sur des artifices.
    Ce n'est pas, monsieur Gremetz, la dépense publique qui fait la croissance.
    M. Guy Drut. Eh non !
    M. Richard Mallié. Bien au contraire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est le nombre d'heures travaillées, multiplié par la productivité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et le moins qu'on puisse dire, c'est que, en la matière, notre pays a encore beaucoup de progrès à accomplir.
    M. Christian Estrosi. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Que nous propose M. Gremetz ? De réduire encore un peu plus le temps de travail ? De creuser un peu plus le déficit ? De renforcer le sentiment d'injustice que suscite une politique d'assistance qui décourage l'initiative et le travail ? Ce n'est pas le choix que nous avons fait.
    M. Maxime Gremetz. Et les 6 millions de pauvres !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tous les pays européens connaissent aujourd'hui les mêmes difficultés en matière d'emploi. Ce que le Gouvernement veut, avec la politique économique et la politique de l'emploi qu'il conduit, c'est faire en sorte que, dès le retour de la croissance, celle-ci soit plus riche en emplois qu'elle ne l'a été par le passé. C'est dans ce sens que nous agissons, monsieur Gremetz, et c'est dans ce sens que nous allons continuer à agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RECONDUITE À LA FRONTIÈRE DES ÉTRANGERS
EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

    M. le président. La parole est à M. Georges Ginesta, pour le groupe UMP.
    M. Georges Ginesta. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, vous avez mis en place la procédure des vols groupés...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. La procédure des charters !
    M. Georges Ginesta. ... afin d'organiser le retour d'immigrés en situation irrégulière dans leur pays d'origine.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est très bien !
    M. Georges Ginesta. Ces vols groupés ont suscité une forte émotion, due moins à des faits avérés qu'à une agitation faite d'effets d'annonce et d'un certain tapage médiatique.
    Or, la question réclame une approche sereine et responsable. Vous êtes allé sur place et vous avez réuni l'ensemble des associations qui apportent aide et soutien à ces personnes. Vous avez annoncé que le Gouvernement entendait maintenir cette politique et, en concertation avec les associations, que vous veilleriez à prendre toutes les précautions nécessaires pour assurer ces vols dans les meilleures conditions. Dans ce but, vous avez invité les associations à être présentes sur ces vols.
    Monsieur le ministre, comment se déroulent-ils ? Pouvez-vous nous dire de quelle manière les associations ont accueilli vos propositions ? Enfin, quel rôle et quelle place auront-elles dans l'organisation de ces vols et leur suivi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, c'est en vertu d'une convention internationale de 1944, dite Convention de Chicago, qu'a été édicté le droit pour chaque pays de raccompagner chez eux des étrangers arrivant sans papiers ou avec des documents falsifiés. Ce n'est pas une question purement française, c'est une question internationale.
    Depuis un mois, 270 étrangers ont été renvoyés dans leur pays d'origine par l'intermédiaire de trois vols groupés et par des places réservées sur des vols commerciaux. Demain, un nouveau vol groupé aura lieu à destination de Bucarest. Il est organisé avec nos amis espagnols ; et il est bon que, par les temps qui courent, il y ait de nouveau des projets européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mieux, avant-hier, j'ai reçu une délégation de représentants du gouvernement britannique - socialiste s'il en est ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Au début du mois d'avril, le gouvernement français organisera avec le gouvernement socialiste anglais (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) un vol groupé de retour des Afghans en Afghanistan. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce dont les socialistes français ne veulent pas entendre parler, les socialistes anglais le font bien volontiers avec nous !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ils font la guerre ! Pas nous !
    M. le président.
S'il vous plaît, mes chers collègues !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est dorénavant toutes les semaines que des vols de ce type seront organisés.
    Désormais, le dossier de tout étranger en situation irrégulière sera examiné par un représentant du ministre des affaires étrangères, et il aura droit à un entretien confidentiel avec l'assistance d'un interprète. De plus, ce qui n'a jamais été fait, un membre de la Croix-Rouge voyagera avec un médecin dans chacun de ces avions. Le transport organisé à destination d'Abidjan et Dakar - dont l'avion est revenu tôt ce matin - s'est déroulé dans d'excellentes conditions. Le médecin qui y participait en a attesté ainsi que l'observateur de la Croix-Rouge. Dorénavant, il n'y aura pas d'avion de retour sans qu'une association soit présente dans cet avion. Je dis à la représentation nationale que ce sera la Croix-Rouge ou toute autre association qui voudra y participer.
    Les droits de l'homme, nous, nous n'en parlons pas, nous les mettons en oeuvre, c'est mieux ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

GIAT-INDUSTRIES

    M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.
    M. Jean Glavany. Monsieur le président, je voudrais d'abord faire remarquer à M. Sarkozy que les socialistes français n'ont pas besoin de l'autorisation des travaillistes britanniques pour savoir ce qu'ils ont à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Au cas où vous ne le sauriez pas, chers collègues, nous pouvons avoir des divergences avec nos amis travaillistes britanniques qui, par exemple, participent à la guerre en Irak que nous condamnons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Madame la ministre de la défense, je souhaite vous interroger sur la situation du groupe GIAT-Industries. Je le fais avec gravité et sans véhémence, parce que je reconnais que la situation dans laquelle vous avez trouvé cette entreprise, il y a dix mois, n'était guère meilleure que celle que nous avions trouvée nous-mêmes en 1997. Je pense surtout à ces milliers de salariés du groupe GIAT-Industries qui, sur sept sites à travers la France, et notamment à Tarbes, vivent de plan de restructuration en plan de restructuration depuis une quinzaine d'années, et ils sont dans l'angoisse, attendant une annonce que l'on nous dit imminente.
    M. Pierre Lellouche. Qu'est-ce que Jospin a fait pour GIAT-Industries ?
    M. Jean Glavany. Un récent rapport du contrôle général des armées a montré de manière assez spectaculaire que, sans plan industriel véritable, tout plan de restructuration, tel que celui qui est actuellement préparé par la direction de l'entreprise, entraînerait ipso facto la condamnation de cette entreprise. Voilà qui crée une situation nouvelle.
    Les syndicats ont usé de leur droit d'alerte et ont missionné une expertise externe, à qui il faut donner du temps : encore un fait nouveau.
    Enfin, la situation internationale, la guerre en Irak et la fracture européenne qu'elle a révélée, crée encore une situation nouvelle.
    Est-il dès lors raisonnable de prendre, dans la précipitation, des décisions sur l'armement terrestre en France, avant que le grand débat sur l'Europe de la défense que nous voulons ait lieu ?
    Madame la ministre, ma question sera simple. Face à cette triple situation nouvelle, ne serait-il pas sage, comme le demandent les syndicats de GIAT, de procéder à un moratoire de toute décision concernant GIAT pour au moins quelques mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, puisque je vous ai reçu, comme j'ai reçu l'ensemble des syndicats de GIAT, vous savez que, en la matière, il ne m'est pas possible de donner de précisions. La loi stipule, en effet, qu'il appartient au président de faire les annonces aux représentants du personnel.
    Ce que je note, c'est que tous ceux que j'ai reçus m'ont demandé que la situation de GIAT, qui n'a que trop duré - comme l'angoisse des salariés - fasse l'objet d'une décision rapide.
    C'est la voie qui a été choisie puisque le président a d'ores et déjà convoqué pour le 7 avril les instances nécessaires.
    Notre but est de prévenir le démantèlement de GIAT et de redonner à cette entreprise une viabilité industrielle.
    C'est la raison pour laquelle j'ai fixé trois objectifs :
    Premièrement un objectif industriel : que, cette fois-ci, les salariés aient la garantie que les activités qui seront reprises et prolongées existeront encore dans dix ou quinze ans.
    Deuxièmement, un objectif social : que personne ne soit laissé sur le bord de la route.
    Troisièmement, un objectif d'aménagement du territoire : que les communes en particulier ou les départements qui connaîtront des restrictions d'activités se voient offrir une compensation.
    Notre seul souci, monsieur le député, c'est que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation qu'après les précédents plans sociaux - tout particulièrement le dernier qui date d'à peine deux ans - qui ont surestimé les capacités économiques et industrielles et sous-estimé les besoins d'adaptation.
    Ce que je note, c'est que le dernier plan s'est appuyé sur des productions de chars Leclerc dont on savait, à l'époque, qu'elles seraient terminées en 2004, de la même façon qu'il a aussi surestimé les besoins en armements terrestres et munitionnaires des armées françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

MORAL DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISES

    M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe UMP.
    M. Alain Suguenot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    Avec la crise irakienne, qui vient s'ajouter à la crise économique que nous vivons, hélas ! depuis que, au printemps dernier le Gouvernement a repris les rênes, et suite aux mesures prises par nos prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Maxime Gremetz. On verra l'année prochaine !
    M. Alain Suguenot. ... lesquelles n'ont fait que rendre moins attractives nos entreprises, force est de constater que celles-ci s'interrogent et sont inquiètes. Or, un chef d'entreprise qui s'interroge et qui s'inquiète, ce sont des emplois qui ne sont pas créées, des entreprises qui ferment - lourd héritage ! - et, bien évidemment, des drames familiaux et le désarroi face au chômage.
    Monsieur le ministre, face à cette situation, au-delà des mesures complémentaires, courageuses, qui ont été annoncées le 18 mars en faveur de l'emploi et au-delà de la loi Dutreil, le Gouvernement a-t-il un message fort de sortie de crise à délivrer aux entreprises, en espérant que, dans les semaines ou les mois à venir, nous pourrons définir des priorités leur permettant...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et les salariés ?
    M. Alain Suguenot. ... d'apercevoir la sortie du tunnel ?
    Vous savez que les entreprises attendent beaucoup de nous et que c'est probablement par l'investissement que nous sortirons de cette crise par le haut. Si nous avons des priorités, il faut délivrer par conséquent ce message dès aujourd'hui. Les entreprises vous font confiance et font confiance au Gouvernement, pour donner un nouvel essor au tissu économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la confiance du Gouvernement, les entreprises l'ont ; la confiance des entreprises, le Gouvernement l'a aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Brottes. Alors tout va bien ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre politique, c'est de dire à nos entreprises : c'est vous qui faites la croissance, c'est donc vous qui faites l'emploi.
    M. Gérard Charasse. On voit le résultat !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le rôle du Gouvernement, c'est de vous faciliter la vie et l'initiative, de créer les conditions pour que vous soyez encore plus dynamiques que vous ne l'avez été.
    Les mesures que nous avons prises dans le passé récent, l'année dernière et au début de cette année - et que vous avez rappelées, monsieur le député -, ont toutes, notamment celles qui sont en cours de discussion législative, le même objectif : créer les conditions pour que l'initiative économique soit plus facile, plus profitable et qu'elle permette d'accélérer le développement de nos entreprises et d'en multiplier le nombre, le tout dans des métiers qui sont faits pour nous et qui ne sont pas faits pour les autres,...
    M. Patrick Lemasle. Ça ne veut rien dire !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... je veux parler des pays à bas salaires.
    Ces mesures, qui sont en cours de développement, seront progressivement complétées par de nouvelles dispositions, notamment en matière d'innovation, car l'une des faiblesses de notre pays, c'est de ne pas investir suffisamment dans le renouvellement de l'offre.
    Elles seront aussi confortées, je n'en doute pas, par le résultat positif des discussions entre les partenaires sociaux sur la formation. Il s'agit d'un sujet majeur. Les partenaires sociaux, et donc les entreprises, s'en sont saisies. Je ne doute pas qu'ils créeront très prochainement les conditions qui permettront, dans ce domaine aussi, de retrouver confiance. La confiance, c'est de savoir que le Gouvernement a une politique, qu'il a fixé un cap et qu'il n'en changera pas. Les entreprises ayant confiance dans cette politique en tireront les conséquences positives dès que le ciel se sera éclairci. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉCENTRALISATION DE PERSONNELS
DE L'ÉDUCATION

    M. le président. La parole est à M. Louis Cosyns, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Louis Cosyns. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Le Parlement réuni en congrès à Versailles, la semaine dernière, a définitivement adopté le projet de loi constitutionnelle sur la décentralisation présenté par M. le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
    M. Christian Bataille. Hélas !
    M. Louis Cosyns. Mais cette révision constitutionnelle n'était qu'un point de départ, et, le 28 février dernier, à Rouen, le Premier ministre a annoncé les grandes lignes du projet de décentralisation, notamment en matière d'éducation.
    Au cours des Assises des libertés locales, les collectivités territoriales avaient manifesté leur souhait de mieux assumer leurs compétences dans ce domaine, et, pour ce faire, demandé des transferts de personnels. Le Premier ministre s'est engagé à ce que les modalités de ces transferts soient définies dans le dialogue et la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
    Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser l'état des discussions sur cette question,...
    M. Gérard Bapt. Ah, le téléphone ! Allô !
    M. Louis Cosyns. ... et nous dire quelles pourraient être les modalités, le contenu et le calendrier de ces transferts au sein de l'éducation nationale, qui, introduisant souplesse (« De l'échine ? » sur les bancs du groupe socialiste) et cohérence, me semblent une grande chance pour l'avenir de notre système éducatif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, vous l'avez rappelé, les décisions que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a prises en matière de décentralisation ont été précédées d'un très vaste débat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), puisque plus de 55 000 personnes - élus, présidents des exécutifs territoriaux - ont été rencontrées. C'est après les avoir entendues, et à leur demande le plus souvent...
    M. Augustin Bonrepaux. Menteur !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... que nous avons décidé d'un certain nombre de transferts.
    Rien n'est plus logique pour un ministère aussi gigantesque que celui de l'éducation nationale, comme l'a rappelé la semaine dernière Luc Ferry, que de faire en sorte que le service public s'organise au plus près des besoins des gens et des territoires. Si je prends l'exemple de la médecine scolaire, il n'y a rien de plus logique que de la transférer à un bloc des compétences départementales, qui inclut déjà la prévention médicale infantile et l'ensemble des politiques sociales. C'est d'ailleurs à l'unanimité que le bureau de l'assemblée des présidents des conseils généraux a souhaité ce transfert.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est faux !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. C'est absolument vrai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Menteur !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, on se calme !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais ce sont des mensonges !
    M. Jean-Claude Lefort. Vous êtes un menteur, monsieur Darcos !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il faut cependant rassurer nos personnels : le statut général de la fonction publique s'applique, que l'on appartienne à la fonction publique d'Etat ou à la fonction publique territoriale, et ils seront consultés pour l'adaptation de leurs missions, c'est avec eux que nous dialoguerons et nous ferons en sorte que tout se passe de manière honnête.
    M. Jean-Claude Lefort. Quelle bonne blague !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Les techniciens ouvriers de services seront transférés aux régions, l'ensemble du système médical sera confié aux départements, et tout le secteur d'orientation y gagnera une cohérence territoriale, ce qui est bien logique, car on ne s'oriente pas dans l'espace intersidéral, mais en fonction des besoins d'un territoire.
    Un député du groupe socialiste. Ouais, vous avez l'air d'un drôle de Jedi !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il ne s'agit même pas de courage dans cette affaire : notre seul objectif est l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
SUR LE COMMERCE DES SERVICES

    M. le président. La parole est à M. Michel Destot, pour le groupe socialiste.
    M. Michel Destot. Le 31 mars prochain, la Commission européenne publiera la liste des secteurs qu'elle souhaite ouvrir à la concurrence dans le cadre des négociations concernant l'accord général sur le commerce des services. C'est un enjeu majeur pour l'Union européenne et pour la France, mais cela se prépare sans aucune transparence.
    M. André Chassaigne. Tout à fait !
    M. Michel Destot. Or, cet accord va intégrer les listes nationales d'engagement dans lesquelles chaque pays indique le degré d'accès qu'il est disposé à garantir pour les fournisseurs étrangers de services. Monsieur le Premier ministre, nous le disons clairement, nous ne voulons pas que ces négociations soient l'occasion de brader les services publics de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous refusons la logique d'ouverture à tout va du marché des services publics. Nous nous opposons fermement à leur affaiblissement. Les services publics, qu'ils soient nationaux ou locaux, sont et doivent demeurer un élément central de notre cohésion sociale, de notre équilibre environnemental et, souvent, de notre efficacité économique à long terme.
    A l'heure où des secteurs comme l'assurance santé, l'éducation et la formation, les transports publics sont évoqués, nous pouvons être légitimement inquiets de l'évolution des négociations, d'autant qu'elles se déroulent dans la plus grande opacité, et que c'est cette opacité qui a tant contribué à la désaffection de nos concitoyens pour la construction européenne.
    Compte tenu de l'enjeu de ces négociations, permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de m'étonner que vous n'ayez pas pris la peine de consulter la représentation nationale sur des questions pourtant capitales pour l'avenir du pays. Après le gel puis l'annulation des crédits, après les mauvaises nouvelles dans l'enseignement, la politique de la ville ou le logement, après les plans sociaux qui se multiplient, que faut-il craindre ? Peut-on au moins savoir quels sont les secteurs que votre Gouvernement s'apprête à ouvrir à la libéralisation, ou si vous avez donné mandat à la Commission européenne pour s'opposer aux ouvertures à la concurrence de nos services publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
    M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le député, vous avez raison, les négociations de l'OMC sont extrêmement importantes. Elles abordent aujourd'hui la question des services. Nous sommes en effet engagés dans une négociation multilatérale internationale...
    M. Jean-Claude Lefort. Mauvaise !
    M. le ministre délégué au commerce extérieur. ... qui fait suite à la réunion de Doha où un programme a été adopté après la catastrophe des Etats-Unis, le 11 septembre 2001. Ce programme avait et a toujours pour vocation de venir d'abord prioritairement en aide aux pays en voie de développement...
    M. Maxime Gremetz et M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !
    M. le ministre délégué au commerce extérieur. ... pour qu'ils puissent intégrer l'organisation internationale du commerce de façon plus favorable pour eux. Nous faisons tous nos efforts pour que les pays en voie de développement puissent être effectivement bénéficiaires de cette négociation internationale. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Cet agenda, qui a été arrêté à Doha, comporte plusieurs étapes. La première était une négociation sur l'accès au médicament pour les pays en voie de développement, qui a eu lieu à la fin du mois de décembre de l'année dernière.
    M. Jean-Claude Lefort. Avec quel résultat ? Zéro !
    M. le ministre délégué au commerce extérieur. La France, l'Union européenne se sont engagées très fortement, mais les Etats-Unis n'ont pas signé, alors que nous avions trouvé les voies et moyens pour permettre aux pays en voie de développement de bénéficier d'un accès au médicament.
    M. Michel Destot. Vous ne répondez pas à ma question !
    M. le ministre délégé au commerce extérieur. La seconde étape, dont vous avez parlé, monsieur Destot, a fait l'objet de trois réunions d'information auxquelles vous avez été invité, mais où vous n'êtes pas venu. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il ne nous a pas échappé que la politique des services est extrêmement importante. Nous avons, dans ce domaine, des intérêts offensifs et défensifs. Nous avons sanctuarisé ce qu'on appelle « l'exception culturelle ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons sanctuarisé l'éducation et la santé. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les activités de service représentent 70 % de notre activité économique et nous y avons de nombreux intérêts, défensifs et offensifs (« Ce n'est pas vrai !» sur les bancs du groupe socialiste), à propos desquels nous avons organisé des réunions et des consultations, auxquelles, malheureusement, vous n'avez pas pu assister. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Mes chers collègues, vous ne donnez pas une très bonne image de l'Assemblée !

PLAN DE LUTTE CONTRE L'EXCLUSION

    M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe UMP.
    M. Yves Bur. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.
    Madame la secrétaire d'Etat, il y a quelques jours, vous avez présenté un plan destiné à renforcer la lutte contre la précarité et l'exclusion. Dans cette période troublée, il est juste que nous restions attentifs aux difficultés des plus fragiles d'entre nous. L'adoption, en 1998, de la loi d'orientation relative à la lutte contre l'exclusion n'a pas atteint ses objectifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Les droits constatés par cette loi demeurent toujours difficiles d'accès. Ce constat exige remobilisation de tous les services publics mais aussi des acteurs associatifs autour des objectifs que vous avez réactualisés.
    Pour que ces hommes et ces femmes puissent retrouver espoir et dignité dans les épreuves qu'ils traversent, pouvez-nous dire comment vous comptez relancer l'action publique pour réduire l'exclusion...
    M. Gérard Bapt. Avec quels crédits ?
    M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?
    M. Yves Bur. ... sans pour autant promouvoir l'assistance, qui décourage ceux qui travaillent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.
    Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Monsieur le député, ces dernières années, plusieurs millions de nos concitoyens, parmi les plus pauvres et les plus fragiles, ont eu le sentiment d'être abandonnés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), tout comme les acteurs de terrain qui les accompagnent au plus près de leurs difficultés. Oui, on peut le dire, la lutte contre l'exclusion était en panne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. En effet !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. C'est pourquoi ce plan de renforcement que j'ai présenté hier est un signe politique fort.
    M. Jean-Pierre Dufau. Balladur !
    M. le président. Monsieur Dufau, voyons !
    M. Jean Le Garrec. Ce que vous dites est scandaleux, madame la secrétaire d'Etat !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Un milliard d'euros supplémentaire sera engagé pour son application d'ici à 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    L'objectif principal de ce plan est de rendre directement accessibles les droits consacrés dans la loi de 1998, car il est urgent que tous nos concitoyens connaissent leurs droits,...
    M. Michel Lefait. Baratin ! Du vent !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ... et que le guichet ne soit plus un obstacle à l'insertion, mais un appui. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Mais l'accès au droit, c'est aussi l'accès au logement. Et c'est pourquoi il est essentiel d'agir sur la prévention des expulsions locatives. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Hélène Mignon. Avec quels crédits ?
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Nombre de personnes de bonne foi pourraient ne pas faire l'objet d'une expulsion si elles connaissaient leurs droits (Mêmes mouvements) et si elles savaient mobiliser à temps les aides dont elles peuvent disposer.
    C'est pourquoi nous allons renforcer le dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous devons également encourager les bailleurs privés à louer leurs logements aux familles défavorisées, tout en intensifiant la lutte contre l'habitat indigne.
    Pour autant, nous n'oublions pas la question essentielle de l'accès aux soins. C'est ainsi que nous allons renforcer et multiplier les permanences d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, jusque dans les zones rurales les plus isolées.
    Dans cette même perspective, nous allons mobiliser le monde de l'action sanitaire et sociale pour lutter contre la souffrance psychique et améliorer la prise en charge de la dépression et de l'angoisse qui frappent les plus fragiles de nos concitoyens.
    M. Albert Facon. C'est tiré de quel roman ?
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Nous développons enfin l'information en matière d'alimentation, pour essayer de remédier aux nombreuses carences nutritionnelles que l'on constate chez les personnes en difficulté.
    Voilà, monsieur le député, les grandes lignes de ce plan. Il engage l'ensemble du Gouvernement, et il démontre sa volonté de traiter réellement cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

JOURS DE CHASSE

    M. le président. La parole est à M. Roland Chassain, pour le groupe UMP.
    M. Roland Chassain. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Madame la ministre, la chasse, vous le savez, est avant tout un art de vivre en harmonie avec l'espace et la nature. C'est une activité ancrée depuis des siècles dans le respect de pratiques traditionnelles transmises de génération en génération, liée aux modes de vie en zone rurale et que pratiquent essentiellement des gens simples - ouvriers, retraités ou agriculteurs - qui ont une véritable passion pour leur terroir. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous avez engagé, depuis le mois de mai, un important travail de concertation sur ce sujet. Vous avez ce matin, en conseil des ministres, proposé que le pouvoir de décision concernant le choix des jours de non-chasse soit transféré aux préfets. Votre prédécesseur, au contraire, avait imposé ce choix de façon autoritaire et arbitraire, sans aucune consultation des acteurs de cette activité qui est partie intégrante de notre patrimoine culturel. Il s'agit donc d'une avancée notoire dans la reconquête de la confiance et dans la restauration du dialogue avec les chasseurs rompu par le gouvernement précédent.
    Cependant, vous êtes consciente que nos amis chasseurs sont impatients de revenir aux pratiques traditionnelles qui, comme le rappelait le Président de la République, fondent notre culture nationale. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quel est l'état d'avancement des travaux de l'Observatoire de la chasse et de la faune sauvage, et, par ailleurs, quel calendrier peut être raisonnablement envisagé pour réformer la loi Cochet votée par la gauche plurielle ? Allez-vous instaurer des dates d'ouverture et de fermeture adaptées aux coutumes spécifiques de chaque région ?
    M. Gérard Charasse. Pas de réforme !
    M. Yves Cochet. Non !
    M. Roland Chassain. Madame la ministre, les chasseurs représentent la France profonde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous m'interrogez sur les mesures que j'ai prises pour sécuriser les dates de dérogation figurant dans les arrêtés que j'ai signés.
    Je mène tout d'abord un travail de concertation extrêmement intense avec les instances européennes. C'est ainsi que je rencontrerai demain la commissaire européenne à l'environnement, Mme. Margot Wallström. En second lieu, l'Observatoire de la faune sauvage, dont la composition et l'organisation sont fixées, sera installé dans les tout prochains jours, avant le 1er avril.
    M. Daniel Vaillant. Ce sera plutôt la pêche, alors !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Nous suivons aussi avec intérêt les travaux du comité ORNIS sur le guide interprétatif des directives.
    Dans le même temps, de nombreuses dispositions législatives et réglementaires sont prêtes. Ce matin, en conseil des ministres, a été adopté un projet de loi relatif à la chasse. Vous avez bien voulu saluer la déconcentration du jour de non-chasse, mesure de liberté, qui était réclamée par de nombreux chasseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Mais il ne faut pas oublier que ce projet de loi relatif à la chasse comporte d'autres mesures sur le statut des fédérations, avec la limitation du contrôle a priori aux simples missions d'intérêt général, la fixation des cotisations, la meilleure association des nombreuses associations agréées.
    La semaine dernière, mon collègue Henri Plagnol a proposé au Conseil des ministres la création du guichet unique du permis de chasser. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans les prochaines semaines, la représentation nationale aura à examiner toutes ces mesures. D'autres suivront qui respecteront la philosophie du Gouvernement en matière de chasse : responsabilité, décentralisation, développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE DE LA RECHERCHE

    M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, pour le groupe socialiste.
    M. Michel Charzat. Avant de poser ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre, je voudrais revenir un instant, monsieur le président, sur les propos quelque peu surprenants de Mme Versini, propos que je juge déplacés, voire insultants (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) de la part d'une représentante de cette droite qui, en 1997, avait préféré abandonner l'examen de la loi contre les exclusions, au profit de la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par Jacques Chirac, ce qui a néanmoins permis à la gauche, reconnaissons-le, de faire voter une grande loi contre les exclusions, loi que vous feriez mieux d'appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier, vous vous exprimiez en ces termes : « Une France créative, c'est une France qui mise sur l'innovation. Et nous ferons les efforts nécessaires pour porter nos moyens financiers, nos efforts de recherche à 3 % du PIB pour l'horizon 2010. (« Paroles ! Paroles ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mes chers collègues, l'affichage était bon, les résultats ne le sont pas. Le budget pour 2003 a vu les crédits de la recherche diminuer. Depuis, de reports en gels et en annulations de crédits, ainsi qu'en suppressions d'emplois dans les établissements publics scientifiques et techniques, la recherche est la première victime de la rigueur budgétaire.
    Cette baisse de 30 % des moyens de la recherche publique est sans précédent et provoque une profonde inquiétude dans la communauté scientifique de notre pays.
    Comme chaque fois qu'elle est au pouvoir, la droite sacrifie les choix d'avenir (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : la recherche, l'information, l'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    « Le Gouvernement fait des prisons, plutôt que de mettre des financements sur les perspectives de l'avenir » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vient de déclarer récemment Axel Kahn, le directeur de l'institut Cochin.
    Madame la ministre déléguée à la recherche, vos compétences, vos convictions, votre carrière sont unanimement respectées. Comment pouvez-vous encore cautionner par votre participation les mauvais coups de ce Gouvernement, qui démotivent nos chercheurs, qui diminuent notre potentiel scientifique, qui affaiblissent la compétitivité à long terme de notre économie ?
    M. Jean Marsaudon. Ces propos sont scandaleux !
    M. Michel Charzat. Monsieur le Premier ministre, il est nécessaire de résister à l'hégémonisme des Etats-Unis dans le domaine militaire et diplomatique. Il est tout aussi nécessaire de relever le défi technologique américain.
    Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, allez-vous donner aux chercheurs des conditions de travail favorables ? Allez-vous remettre en cause des choix qui nous entraînent dans la spirale du déclin scientifique, technique et économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, l'ensemble de nos concitoyens, et donc tout naturellement l'ensemble des chercheurs, connaissent le contexte budgétaire actuel. Ils savent que le Gouvernement ne peut laisser s'accroître ce déficit qui hypothèque notre avenir. Vous avez parlé d'avenir : la recherche, c'est justement la préparation de l'avenir de notre pays, de celui de notre jeunesse, de celui de nos entreprises, de celui de nos emplois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Le Gouvernement s'est donc trouvé confronté à la condition de deux termes qui n'étaient pas spontanément conciliables : d'une part, annuler des crédits, pour limiter le déficit,...
    Un député du groupe socialiste. Un déficit creusé par vos baisses d'impôts !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. ... et d'autre part, maintenir le potentiel de haut niveau de la recherche dans nos entreprises, dans nos organismes de recherche publique et dans nos universités.
    Alors, oui, le Gouvernement a annulé des crédits. (« C'est une honte ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais le chiffre que vous signalez, qui résulte d'un agrégat de données hétérogènes, est tout à fait excessif.
    M. Yves Cochet et M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pas du tout !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. L'annulation est de 9,4 % des crédits de fonctionnement et d'investissement de nos laboratoires.
    M. Alain Néri. C'est énorme !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. J'ai entendu l'inquiétude des chercheurs,...
    Mme Martine Billard. Ça ne se voit pas !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. ... et en particulier des jeunes chercheurs qui se sont mobilisés. Ces annulations ne mettent pas en danger la vie de nos laboratoires. (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ils disposeront en 2003 du même montant de crédits que ce qu'ils ont consommé en 2002, par le jeu de la diminution des fonds de roulement des organismes.
    M. Pierre Cardo. Eh oui !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. La recherche est une priorité du Gouvernement (Exclamations sur les mêmes bancs) et je vais vous en donner quelques exemples, si toutefois vous me permettez de le faire. Le ministère de la recherche est un des rares ministères où l'on ait totalement reporté les crédits de 2002 sur 2003 pour les jeunes qui se sont mobilisés ; les allocations de recherche ont été revalorisées de 5,5 % ; 400 postes de doctorants ont été créés ; la France s'est engagée dans des grands projets, comme le projet ITER de production d'énergie propre dont je vous ai déjà parlé. De même, il y a quelques jours, le Président de la République a fait une large part à la recherche dans le plan cancer qu'il a proposé.
    Mme Martine David. Ce ne sont que des paroles !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Et puis, nous avons un potentiel excellent, c'est vrai, et vous le reconnaissez. Ce qui est paru dans la presse contribue justement à desservir la recherche, car cela ne met pas en avant la capacité de nos chercheurs à travailler et à donner la mesure de leur talent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Cet excellent potentiel sera mis en valeur par différents outils et différentes mesures visant à redynamiser notre système de recherche : la réforme de l'Etat apportera une simplification, une flexibilité, et une souplesse accrue dans la gestion de nos moyens humains et financiers ; la décentralisation sera approfondie, avec les partenariats à mettre en place,...
    M. Jacques Desallangre. Au fond, nous n'avions pas bien compris : votre politique est excellente ! (Sourires.)
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. ... et bien sûr le rayonnement de la France sera accru dans la construction de l'espace européen de la recherche.
    Je voudrais terminer...
    M. le président. Oui, madame la ministre, s'il vous plaît.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. ... en vous disant que je fais confiance à nos chercheurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, veuillez laisser finir Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. ... pour relever ce défi dont vous avez parlé, dans une dynamique constructive, et que je suis complètement engagée à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AVENIR D'EDF

    M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Emmanuel Hamelin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (« Encore lui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le ministre, EDF a présenté ce matin, dans le cadre de son conseil d'administration, ses comptes pour l'année 2002. Ceux-ci font apparaître une forte croissance, tant du chiffre d'affaires, qui frôle les 50 milliards, que de l'excédent brut d'exploitation, qui atteint 11,2 milliards. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette annonce, tant il est évident que la croissance du groupe en Europe doit pouvoir compenser les pertes de marché de l'entreprise en France, pertes qui sont par ailleurs inévitables, du fait de l'ouverture du marché à la concurrence. En effet, le Conseil européen de l'énergie a adopté à l'unanimité la directive qui ouvre totalement le marché des entreprises et celui des particuliers. A partir de 2007, les Français ne seront donc plus obligés d'acheter leur électricité auprès d'EDF, mais pourront faire appel à d'autres fournisseurs.
    Par ailleurs, le résultat de l'entreprise a semble-t-il été affecté par de lourdes pertes des filiales sud-américaines. Il s'établit ainsi en recul par rapport à l'année précédente, mais il est toujours positif, à 480 millions.
    Enfin, on constate une légère fragilisation de la situation financière de l'entreprise. L'endettement de celle-ci atteint en effet 26 millions, alors que les fonds propres restent stables à 13,9 milliards.
    Dans ces conditions, je souhaiterais connaître votre analyse, monsieur le ministre, sur la situation de l'entreprise et sa future stratégie de développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Albert Facon. Tout va bien !
    Mme Martine David. Tout va très bien, madame la marquise !
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous avez souligné l'importance de l'entreprise EDF, avec près de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et noté l'évolution nuancée, suivant les endroits, de ses performances. Il est clair que, notamment au Brésil et en Argentine, EDF a subi, comme beaucoup d'autres entreprises, les conséquences des dévaluations des monnaies de ces pays. Mais il reste que sa performance industrielle, en Argentine par exemple, est excellente, même si sa performance financière, compte tenu de l'endettement généré par sa croissance externe, est beaucoup moins bonne.
    En ce qui concerne l'Europe, EDF est un des acteurs majeurs sur le marché. C'est donc dans le domaine privilégié de son développement, dont nous allons, avec le président Roussely, approfondi, les modalités. Car nous avons besoin d'avoir une entreprise...
    M. Jacques Desallangre. Publique !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... en croissance. Nous avons également besoin d'avoir une entreprise...
    Mme Martine David. Publique !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... performante. A cet égard, la performance d'EDF n'est pas satisfaisante. (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il y a un certain nombre de domaines où nous devons améliorer la productivité d'EDF, de manière à...
    M. Jacques Desallangre. A la vendre !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... tirer mieux parti d'un considérable effort d'investissement qui a été fait dans notre pays, non seulement au profit des acteurs français, mais aussi au profit des ventes hors de France. Vous savez que nous avons pris des positions en Italie, en Allemagne, en Angleterre. Certaines de ces positions ont besoin d'être confortées. L'ensemble a besoin d'être consolidé. C'est l'objectif que l'entreprise va se donner dans les prochaines années, notamment à travers la nécessaire évolution de ses statuts (« Nous y voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain), ...
    M. Maxime Gremetz. Et voilà ! La solution, c'est de privatiser, comme toujours !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... qui suivra l'évolution de son régime de retraites, ...
    M. Maxime Gremetz. Et voilà !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et qui sera confortée, dans l'intérêt de l'entreprise, ...
    M. Jacques Desallangre. Et où est l'intérêt des Français dans tout cela ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... par l'ouverture de son capital, pour consolider un bilan qui, comme vous l'avez dit, monsieur le député, souffre d'un endettement un peu excessif. L'augmentation de capital qui en découlera sera exclusivement dédiée à renforcer les moyens d'EDF pour son développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Le service public, il ne sait pas ce que c'est !

SCOLARISATION DES ENFANTS DE DEUX ANS

    M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Yannick Favennec. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le ministre, vous avez déclaré lors d'une récente interview que la question de la scolarisation des enfants de deux ans devait être posée.
    Outre l'intérêt que l'école peut représenter pour l'éveil des enfants avant trois ans, la scolarisation précoce est extrêmement importante en milieu rural, notamment dans ma circonscription du nord de la Mayenne.
    M. Jean-Claude Perez. Dans les nôtres aussi !
    M. Yannick Favennec. En effet, nos petites communes n'ont pas les moyens d'assurer financièrement la création de crèches municipales ou de haltes-garderies, et les familles dont les deux parents travaillent connaissent d'énormes difficultés pour faire garder leurs enfants de moins de trois ans, soit en raison du coût, soit en raison de l'insuffisance du nombre d'assistantes maternelles. Si la prise en charge des enfants de deux ans dès la maternelle était remise en cause ,...
    M. Gérard Bapt. Mais elle est remise en cause !
    M. Yannick Favennec. ... cela aurait des répercussions sur les effectifs, entraînerait des fermetures de classes, et aurait pour conséquence d'accélérer la désertification des zones rurales.
    M. Jean-Claude Perez. Eh oui !
    M. Yannick Favennec. A la campagne, une fermeture de classe a de graves conséquences, non seulement pour les élèves et leurs familles, mais aussi pour toute l'économie locale et la vie sociale. La présence ou non d'une école conditionne le développement rural, car c'est aussi un outil d'aménagement du territoire.
    Un député du groupe socialiste. Très juste !
    M. Yannick Favennec. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître vos orientations en ce qui concerne la scolarisation des enfants de deux ans. Et j'aimerais savoir comment le Gouvernement envisage, dans les années à venir, de concilier la nécessaire lutte contre la désertification rurale, l'intérêt pédagogique de l'enfant et le rôle de l'école dans nos campagnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Je voudrais vous remercier, monsieur le député, de me permettre de m'expliquer sur la question de la scolarisation à deux ans. Je crois que c'était en effet nécessaire.
    M. Yves Durand. C'est plutôt nécessaire, oui !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. La première question à se poser concernant la préscolarisation est celle-ci : est-ce qu'elle est utile, est-ce qu'elle est dans l'intérêt de l'enfant ? (« Oui » sur les bancs du groupe socialiste.)
    La deuxième observation que nous faisons,...
    M. Richard Cazenave. Les socialistes veulent faire les questions et les réponses !
    M. le président. Monsieur Cazenave !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Je crois qu'on peut aborder cette question sans préjugés idéologiques ni pédagogiques. Je vais essayer de la présenter simplement.
    M. Jean-Claude Lefort. Le ministre nous reformule la question, et se la pose à lui-même ! C'est plus facile !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il y a aujourd'hui à peu près 35 % des enfants de moins de trois ans qui sont scolarisés, avec des disparités très importantes. Et contrairement à ce que j'entends dire ici ou là, ce n'est pas aux élèves qui sont dans les situations sociales les plus difficiles que la préscolarisation profite le plus.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il y a des territoires, des départements qui se sont plus engagés que d'autres. Et du coup, la scolarisation à deux ans, qui à l'origine était destinée à favoriser les élèves de ZEP, a souvent favorisé des élèves qui appartiennent à des milieux plutôt favorisés.
    M. Edouard Landrain. Eh oui !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. La deuxième observation que nous faisons, c'est que l'effet de la préscolarisation sur la scolarité ultérieure, en particulier sur le redoublement du CP, est pratiquement nul.
    M. André Chassaigne. Ce n'est pas possible de dire des choses pareilles !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Ce qui joue, c'est l'influence des familles, c'est le milieu. Du coup, par un paradoxe étrange, lorsqu'un enfant de deux ans est scolarisé alors qu'il est dans une situation sociale très difficile, il réussit plutôt moins bien que lorsqu'un enfant de deux ans est scolarisé alors qu'il appartient à un milieu favorable. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je suis désolé, je décris ce que nous disent les spécialistes. Je n'ai pas inventé ces statistiques ni ces observations, elles ont été faites par les spécialistes de ces questions.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas vrai !
    M. André Chassaigne. Nous, nous connaissons la réalité du terrain !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Cependant, comme l'a déjà dit Luc Ferry, il est hors de question de remettre en cause la scolarisation à deux ans. Ce n'est pas la peine de vous énerver, je vous répète qu'il n'en est pas question. Ce qui est en jeu, c'est de savoir comment il faut développer cette préscolarisation pour qu'elle soit bénéfique à ceux qui en ont le plus besoin, ...
    M. Jean-Claude Lefort. Mieux vaut être riche qu'intelligent, voilà la réalité !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... c'est-à-dire en particulier dans les milieux où il n'y a pas d'encadrement familial suffisant, dans les endroits où il n'y a pas d'accueil en crèche suffisant, bref là où ce sera le plus profitable à l'enfant. Il ne s'agit pas de préscolariser à tout prix, il s'agit de rendre service à ceux qui en ont besoin.
    M. Albert Facon. Il s'agit surtout de faire des économies !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. C'est dans cet esprit que nous allons continuer d'agir, de sorte que, aussi bien à la ville qu'à la campagne, nous poursuivions, lorsque ce sera nécessaire, cette préscolarisation à deux ans, mais d'une manière cohérente. Vous voyez combien sont absurdes les slogans qui voudraient nous présenter comme des ennemis de l'école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à vingt heures vingt.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

MODIFICATION DU RÈGLEMENT
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Discussion d'une proposition du résolution

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Jean-Marc Ayrault, Hervé Morin et Alain Bocquet tendant à compléter le règlement de l'Assemblée nationale et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128.
    La parole est à M. Pascal Clément, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, mes chers collègues, une réflexion sur les méthodes d'organisation du travail parlementaire s'impose. Du reste, monsieur le président, dans le discours que vous avez prononcé à la suite de votre élection à la présidence de l'Assemblée, vous aviez fait observer que, à la suite de l'instauration du quinquennat, il était indispensable que l'Assemblée nationale modifie l'organisation de ses travaux, pour rendre enfin plus modernes certaines règles dont le caractère suranné était patent et dont l'adaptation se posait avec une acuité particulière.
    Si la procédure législative garantit la libre expression des opinions et la clarté des décisions prises, elle présente des inconvénients manifestes : caractère redondant de l'examen de certains textes en commission puis en séance publique, longueur et technicité excessive des débats dans l'hémicycle, inadéquation entre l'organisation de la semaine parlementaire et le déroulement du débat public. Bref, la célèbre formule du président Edgar Faure : « litanie, liturgie, léthargie », utilisée alors pour décrire la procédure budgétaire, est aujourd'hui transposable parfois à la procédure législative ordinaire. Elle ne doit plus être de mise.
    Au début de la présente session, vous avez voulu, monsieur le président, créer un groupe de travail informel sur le fonctionnement et l'organisation du travail parlementaire, constitué de deux représentants de chacun des groupes. Son champ de réflexion n'a pas été limité a priori et aucune date butoir n'a été fixée pour l'aboutissement de ses travaux, lesquels pourraient, à terme, déboucher, le cas échéant, sur une refonte de l'organisation du processus législatif. J'aspire, pour ma part, à aller loin dans cette réforme à mes yeux nécessaire.
    Mes chers collègues, présentée par notre président et cosignée par l'ensemble des présidents des groupes, la proposition de résolution soumise à notre examen est une première étape. Elle rassemble un nombre limité de mesures concrètes sur lesquelles un accord a pu être trouvé avec l'ensemble des groupes parlementaires, ce qui est, me semble-t-il, une première dans l'histoire de notre assemblée.
    Au-delà de ce texte, il conviendra d'envisager demain les mesures qui pourraient être mises en oeuvre à terme pour assurer une véritable refondation de l'organisation du travail législatif.
    Notre commission des lois a adopté, au cours de sa première réunion, quatre modifications de fond au texte de la proposition de résolution initiale.
    Souhaitant tenir compte des arguments et des avis d'experts qui lui ont été opposés par la suite, notre commission a accepté de revenir sur deux d'entre elles ce matin, lors de sa réunion tenue en application de l'article 88 de notre règlement.
    S'agissant des dispositions touchant à l'organisation générale des travaux de l'Assemblée, dans un premier temps notre commission avait supprimé l'article 1er de la proposition initiale, qui tendait à prévoir dans le règlement la possibilité pour l'Assemblée de recevoir des personnalités dans le cadre de ses séances publiques, tout en chargeant le Bureau d'en déterminer les modalités. La commission avait estimé que cette disposition n'était pas indispensable. En effet, alors que le règlement ne le prévoyait pas expressément, notre assemblée a auditionné onze chefs d'Etat et de gouvernement étrangers au cours de ses séances publiques depuis 1993, comme récemment, le 3 décembre dernier, le président de la Convention pour l'avenir de l'Europe, M. Valéry Giscard d'Estaing, et cela sans susciter la moindre objection. De surcroît, l'audition des personnalités extérieures demeure exceptionnelle et ne correspond pas à la mission première de notre assemblée, tout le monde en est conscient.
    La commission des lois a cependant accepté ce matin deux amendements, présentés respectivement par M. Philippe Vuilque, du groupe socialiste, et M. Gérard Léonard, du groupe UMP, visant à rétablir l'article 1er de la proposition initiale. Elle a finalement estimé qu'il était souhaitable de confier au Bureau le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les personnalités pourront être admises à s'adresser à l'Assemblée nationale. J'avoue avoir été sensible à l'explication de M. Vuilque,...
    M. Jean-Louis Idiart. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. ... qui a fait observer qu'un groupe de l'opposition pourrait ainsi demander au président de l'Assemblée une audition. Sans modification du règlement, il ne le pourrait pas, puisque cette possibilité ressortit au droit coutumier, si l'on peut dire, et non au droit écrit de notre règlement. La commission des lois a donc rétabli le texte initial.
    Notre commission s'est montrée favorable aux deux modifications prévues à l'article 2 de la proposition de résolution initiale pour le régime des séances. Ainsi, la matinée du mercredi matin sera réservée aux travaux des commissions, ce qui se justifie pleinement si l'on veut que ces dernières puissent effectuer correctement leur travail. Au cours de cette matinée, seul le Gouvernement conservera la faculté d'inscrire la discussion des textes en vertu des dispositions de l'article 48, alinéa 1, de la Constitution, lequel lui confère une priorité dans la définition de l'ordre du jour du Parlement. Mais on peut espérer qu'il s'en abstiendra. (Sourires.)
    En outre, l'horaire d'ouverture des séances sera reporté de neuf heures à neuf heures trente. Cette initiative permettra de donner aux commissions plus de temps pour l'examen des amendements prévu dans le cadre de l'article 88 de notre règlement.
    Afin de lutter contre l'absentéisme du début de soirée, notre commission a souhaité également décaler l'heure du début de la séance du soir de vingt et une heures à vingt et une heures trente et a prévu, en conséquence, que la séance de l'après-midi puisse se poursuivre jusqu'à vingt heures, le cas échéant.
    Notre commission a approuvé la disposition prévue à l'article 3 de la proposition de résolution initiale, permettant à la conférence de présidents de remplacer le scrutin public à la tribune, requis lorsqu'une majorité qualifiée est exigée par la Constitution ou en cas d'engagement de la responsabilité du Gouvernement, par un scrutin organisé dans les salles voisines de la salle des séances. Elle a complété cet article afin de préciser que la durée du scrutin serait fixée par la conférence des présidents.
    S'agissant de la procédure législative, notre commission des lois s'est montrée favorable à l'introduction dans notre règlement d'une pratique mise en oeuvre sur décision de la conférence des présidents au mois de décembre 2001 et consistant à limiter à quinze minutes le temps de parole pour la défense des motions déposées dans le cadre des séances d'initiative parlementaire mensuelles prévues par l'article 48, alinéa 3, de notre Constitution. Cette limitation, loin de desservir l'opposition, est indispensable si l'on veut conserver leur sens à ces séances, dont la durée est limitée et qui doivent permettre à chaque groupe de voir une véritable discussion s'engager sur le texte qu'il a choisi.
    En revanche, notre commission a jugé dans un premier temps que la suppression de la possibilité de déposer une question préalable à l'encontre du texte discuté dans le cadre des séances mensuelles d'initiative parlementaire était contestable et ne servait pas les intérêts de l'opposition. Elle a estimé que, même si l'ordre du jour d'une séance d'initiative parlementaire était décidé par l'Assemblée, le texte choisi par un groupe devait pouvoir être contesté par les députés d'autre groupe.
    Cependant, il est certain que l'usage d'une question préalable dans une séance d'initiative parlementaire peut paraître contraire à l'esprit des séances d'initiative parlementaire, qui doivent permettre à chaque groupe d'obtenir un minimum de discussion sur le texte qu'il présente.
    C'est pourquoi notre commission a accepté, ce matin, deux amendements présentés par M. Philippe Vuilque et M. Gérard Léonard, lesquels tendent à revenir au texte initial de la proposition de résolution, et donc à supprimer la question préalable dans le cadre des séances prévues à l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.
    Je me suis rangé à l'avis de la commission des lois. Je ferai toutefois observer que la « niche » parlementaire peut être pour le Gouvernement l'occasion de faire discuter un texte qu'il ne veut pas déposer lui-même. C'est donc un peu une fausse barbe. Lors de la précédente législature, monsieur Vuilque, le PACS a été discuté par le truchement d'une proposition de loi.
    Les droits de l'opposition pourraient donc être menacés car on n'est jamais certain de l'origine exacte de la proposition de loi discutée.
    Dans le même temps, on maintient la possibilité de défendre une exception d'irrecevabilité. Rappellerai-je que, pour ce qui concerne la proposition de loi relative au PACS, l'exception d'irrecevabilité avait été votée, ce qui avait fait cesser le débat.
    Je me range donc à l'avis de la commission mais, à titre personnel, j'exprime une réserve.
    Deux articles de la proposition de résolution ont trait à l'exercice de la fonction de contrôle.
    La commission a approuvé la disposition permettant d'offrir au groupe, dont un ou plusieurs membres est à l'origine de la création d'une commission d'enquête, une « fonction exécutive » au sein de ladite commission, celle de rapporteur ou de président. Il s'agit de garantir aux groupes, notamment à ceux de l'opposition, de participer plus activement aux commissions d'enquête dont ils peuvent être à l'initiative, et de renforcer le pluralisme au sein de ces commissions.
    La commission a également approuvé la disposition permettant à la conférence des présidents de créer, à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, des missions d'information et d'évaluation. Mais les règles de fonctionnement de ces missions n'étant pas prévues, il nous a semblé souhaitable que celles-ci soient régies par les mêmes dispositions que celles qui sont applicables aux missions d'information des commissions, dont elles se distingueraient uniquement par leur procédure de création et par le fait que leurs rapports pourraient faire l'objet d'un débat en séance publique.
    Du reste, monsieur le président, s'agissant des projets de lois d'habilitation à légiférer par ordonnances, prévus par l'article 38 de notre Constitution, je vous ferai une proposition lors d'une prochaine conférence des présidents. Je pense en effet que l'Assemblée serait bien inspirée d'utiliser l'idée qui est la vôtre de mettre en place une mission d'information et d'évaluation pour avoir par la suite un débat à l'Assemblée, afin d'assurer le suivi des ordonnances, dont l'ampleur, je le rappelle, est sans précédent sous la Ve République. Cela permettrait une application concrète d'une disposition prise à votre initiative.
    Tel est, mes chers collègues, l'essentiel des travaux de la commission des lois. En son nom, je vous demande d'adopter la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.
    M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, à votre initiative, dès le début de cette session, un groupe de travail informel a été constitué afin de réfléchir à l'amélioration du fonctionnement et de l'organisation, donc de l'efficacité, du travail parlementaire.
    Dès votre discours d'investiture, au mois de juin dernier, vous aviez appelé de vos voeux une réforme interne. C'est tout à l'honneur de l'Assemblée nationale et de ses membres, toutes tendances confondues puisque tous les groupes ont participé au groupe de travail, que d'avoir entamé une réflexion sur l'adaptation de ses méthodes et de ses procédures internes.
    Il va sans dire que le Gouvernement s'interdit d'intervenir sur une question qui concerne une affaire strictement interne à l'Assemblée nationale.
    M. Philippe Vuilque. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il se désintéresse de mesures qui visent à améliorer les fonctions de législateur et celles de contrôleur de l'action gouvernementale inhérentes à l'institution parlementaire.
    Aussi, qu'il me soit permis de saluer la réflexion collective qui a abouti à cette proposition de résolution cosignée par vous-même, monsieur le président, mais également par l'ensemble des présidents de groupe, M. Barrot, M. Ayrault, M. Bocquet et M. Morin.
    Je veux également saluer la très grande qualité du rapport présenté par le président de la commission des lois, M. Clément, qui a été étroitement associé aux réflexions du groupe de travail depuis l'origine.
    Le texte dont l'Assemblée nationale est aujourd'hui saisie et sur lequel il ne m'appartient pas, je le répète, de porter une quelconque appréciation est une étape importante dans l'adaptation du fonctionnement de l'institution parlementaire, qui doit pouvoir continuer à remplir pleinement ses missions exigeantes au service de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Louis Idiart. Très bien !
    M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.
    Il est vrai que nous avons profité des conseils éclairés du président de la commission des lois.

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, le président et rapporteur de la commission des lois a rappelé d'une manière suffisamment détaillée et précise les principales caractéristiques de la proposition de résolution. Je m'autoriserai cependant à y revenir, sans entrer dans les détails, pour formuler, au nom du groupe UMP, un certain nombre d'observations et évoquer des éléments d'ouverture pour ce qui, immanquablement, va suivre.
    Auparavant, je voudrais rappeler pour mieux le cerner le contexte dans lequel se situe la proposition de résolution. Vous avez souhaité, monsieur le président, que celle-ci s'inscrive dans la parfaite continuité de toute une série de modifications, tant constitutionnelles que réglementaires, qui sont intervenues depuis de nombreuses années et qui ont toutes eu pour objet d'adapter notre institution aux nécessités d'un temps en constante mutation.
    Faire du Parlement et de notre assemblée en particulier une institution vivante, au contact des réalités d'un monde et d'un pays en perpétuelle mutation, sans cesse adaptée à ses missions, exige de porter un regard permanent, ouvert et toujours plus fin sur nos aspirations et nos pratiques, et donc sur les modifications qu'il faut apporter à celles-ci.
    Comme un certain nombre de mes collègues nouveaux parlementaires de cette XIIe législature, je remarque votre volonté, monsieur le président - que personne n'y voie flagornerie -, de faire en sorte que notre assemblée travaille à la fois dans la rigueur et dans l'ouverture, dans le respect de toutes ses composantes, pour que la loi soit votée et contrôlée, pour que la majorité puisse y exercer le mandat qu'elle a reçu du peuple et que l'opposition puisse exercer son droit de contrôle, son droit de parole, son droit inaliénable à faire valoir le point de vue de ceux, nombreux, qu'elle représente sur ses bancs.
    C'est à cette aune-là qu'il faut apprécier le texte qui nous est proposé aujourd'hui. Car la tentation pourrait être grande de considérer que cette proposition de résolution est somme toute mineure, qu'elle n'apporte que des modifications à la marge, qu'elle est donc de peu de poids face au grand dessein que vous avez fixé pour cette législature et qui consiste à refondre notre travail, dans la perspective de lui permettre d'être plus actuel, plus moderne, plus efficace.
    Nous constatons tous, dans l'opinion publique, combien est grand le décalage entre l'important, l'étonnant, le très volumineux travail effectué dans cette assemblée et l'image qui en ressort directement dans l'opinion ou par la voie des médias.
    Il est vrai qu'à se limiter à la seule vision de notre hémicycle cet après-midi, certains pourraient être tentés de dire que, la séance des questions d'actualité terminée, où il est bon d'être présent pour être éventuellement vu, les parlementaires vaquent à d'autres occupations bien éloignées du mandat qui leur a été confié. Or nous savons tous qu'il n'en est rien et qu'en marge de ce que nous faisons ici se tiennent, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, une foule de réunions de travail, institutionnelles ou non, qui ont toutes leur justification et qui concourent toutes à ce que le travail qui est achevé en séance publique, en séance solennelle, puisse porter les fruits que nous en attendons.
    Aussi, lorsque l'article 1er de la proposition prévoit d'inscrire dans notre règlement, et donc d'officialiser, partant du principe que ce qui va sans dire va probablement encore mieux en le disant, la possibilité pour notre institution de recevoir de hautes personnalités françaises ou étrangères, il s'agit de manifester notre volonté de faire en sorte que notre assemblée s'ouvre sur le monde, sur l'avenir et, surtout, à l'avis et à l'opinion de ceux qui comptent dans le monde et qui peuvent donc nous apporter l'éclairage de leur connaissance éminente des choses.
    De la même manière, prévoir un article additionnel pour faire en sorte que la commission des affaires économiques porte enfin son nom dans le règlement n'est pas subalterne : c'est tout simplement nécessaire.
    Il est également tout à fait souhaitable d'officialiser le fait que le mercredi matin, jour du conseil des ministres, c'est-à-dire celui où la tenue de séances publiques de notre assemblée est probablement la moins opportune, soit de préférence consacré aux réunions de commissions, de groupes et d'instances diverses. Il en est de même de la proposition faite en commission et à laquelle ses membres ont adhéré sans difficulté, de reporter au soir la demi-heure qui nous fait défaut : il ne s'agit pas de faire face à l'« absentéisme » - ce terme n'est pas le plus approprié - mais de tenir compte du rythme de travail qui est le nôtre, qui n'est pas celui de gens qui s'absentent, mais au contraire celui de gens qui ont de longues journées de travail...
    M. Gérard Léonard. Epuisantes !
    M. Guy Geoffroy. ... et qui doivent faire face à de multiples obligations.
    M. Gérard Léonard. Harassantes !
    M. Guy Geoffroy. Quant à la question préalable, le président de la commission en a parlé. Aussi n'y reviendrai-je pas. Je ne reviendrai pas davantage sur les amendements de coordination, non plus que sur les commissions d'enquête, où seront donnés officiellement de nouveaux droits à l'opposition lorsque c'est elle qui en sera à l'origine.
    Tout cela n'est pas mineur. Il fallait faire ce premier pas, modeste peut-être dans son contenu, mais fort dans son sens et dans la volonté qu'il manifeste pour l'avenir.
    Néanmoins, comme vous l'avez dit, monsieur le président, et comme l'a rappelé M. le président de la commission des lois, nous ne pouvons pas nous arrêter en si bon chemin. Il nous faudra probablement envisager d'autres modifications de notre règlement, dans le cadre du groupe de travail informel que vous avez mis en place, et peut-être même modifier à nouveau notre texte fondateur - l'exemple le plus éminent est la révision constitutionnelle de 1995 créant la session unique - pour que l'Assemblée puisse, encore plus qu'aujourd'hui, assumer ses responsabilités devant le peuple qui l'a désignée.
    Je voudrais revenir sur certaines questions qui ont été évoquées en commission des lois. En effet, comme vous l'avez vous-même souhaité, monsieur le président, la parole est libre dans le groupe de travail informel et certaines propositions peuvent susciter votre intérêt.
    D'abord, certains estiment que les commissions ne sont pas suffisamment nombreuses. Notre Constitution est en jeu. Loin de moi l'idée de suggérer une augmentation considérable du nombre de commissions, mais plusieurs collègues s'interrogent sur une éventuelle transformation de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne en commission des affaires européennes à un moment où l'Europe avance, où l'Union se fait de plus en plus forte entre les pays qui la composent. Je ne dis pas que c'est mon opinion, mais cette idée en a été émise et elle mérite d'être soumise à la réflexion.
    De même, ne serait-il pas intéressant de réfléchir à la création d'une commission de l'enseignement ou des affaires éducatives, puisque ces questions sont au coeur de toutes nos préoccupations et constituent des éléments importants pour l'avenir de notre pays ?
    S'agissant des amendements, je serai prudent, car s'il est quelque chose de sacré pour nous c'est bien le droit d'amendement. Cela dit, il faudra incontestablement aller plus loin pour donner à ces amendements plus de force, plus de pertinence, pour qu'ils soient plus à même de faire évoluer le débat, nos réflexions et de rendre nos décisions plus efficaces.
    Bref, monsieur le président, ce que vous nous avez proposé, avec vos collègues présidents de groupe, est éminemment intéressant, important. Bien entendu, le groupe UMP vous apportera son total soutien, en espérant que l'esprit dans lequel vous dirigez cette assemblée et animez ce groupe sera suivi d'effets. J'ajoute, parce qu'il ne faut pas l'ignorer, que la suite sera peut-être plus délicate et nécessitera beaucoup de doigté, mais nous savons que vous en avez. En effet, si les propositions qui nous sont faites aujourd'hui sont consensuelles, d'autres le seront peut-être moins. Sachez néanmoins que le groupe UMP, qui est sensible à ce que vous proposez, vous soutiendra dans les évolutions ultérieures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Geoffroy, pour l'instant nous faisons des réformes consensuelles. C'est difficile, mais c'est un petit pas. Naturellement, nous allons continuer avec la collaboration, je l'espère, du président de la commission des lois et de Didier Migaud, ancien rapporteur général, qui connaît bien la loi qui a modifié la procédure budgétaire.
    M. Gérard Léonard. Notre président a de bonnes idées !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de résolution visant à compléter et à moderniser le règlement de notre assemblée. Vaste programme !
    Cosignée par l'ensemble des présidents de groupe - c'est une première depuis la création de la Ve République et cela mérite d'être à nouveau souligné -, cette résolution est la traduction des propositions émises par le groupe de travail que notre président, Jean-Louis Debré, a souhaité réunir pour réfléchir à l'amélioration du fonctionnement de notre assemblée et de l'organisation de ses travaux.
    Nous nous félicitons de votre initiative, monsieur le président, de la démarche pragmatique et consensuelle que vous avez adoptée, de l'esprit dans lequel a fonctionné ce groupe de travail qui vient poursuivre et compléter les réflexions de vos prédécesseurs, notamment pour la réforme de la procédure budgétaire.
    Cette proposition de résolution n'est, selon vos propres souhaits, qu'une première étape qui, évidemment, en appelle d'autres permettant d'envisager une profonde refonte des procédures qui régissent notre travail parlementaire.
    Cette refonte est indispensable. En effet, avec nos expériences diverses de la vie parlementaire, nous avons tous conscience de l'inadaptation des procédures, de leur lourdeur, du manque de disponibilité, de l'inflation législative, de la faiblesse du contrôle exercé sur le Gouvernement et de l'insuffisance de l'évaluation menée par notre assemblée. Et pourtant, pour reprendre une phrase du constitutionnaliste Guy Carcassonne, « le Parlement ne manque pas de pouvoirs, mais de parlementaires pour les exercer... Il ne manque à nos parlementaires ni légitimité ni compétence, mais plutôt disponibilité et force du nombre ». Le Parlement « se manque ainsi à lui-même ». Tout cela contribue à aggraver la fracture entre les élus et les citoyens.
    Les propositions d'amélioration du travail parlementaire contenues dans ce texte court sont modestes, mais pratiques et vont sans nul doute contribuer à améliorer sensiblement le travail parlementaire. Je m'attacherai, dans un premier temps et au nom du groupe socialiste, à vous faire part de nos réflexions sur le contenu de cette réforme, pour ensuite vous présenter d'une manière plus précise nos propositions, selon nous indispensables pour renforcer, rénover notre démocratie parlementaire et remettre ainsi notre assemblée au coeur de la démocratie française.
    La résolution s'inscrit dans un processus qui va tenter de remplir trois objectifs : permettre de légiférer dans de meilleures conditions ; assurer de manière plus efficace la fonction de contrôle ; enfin, restaurer l'image de l'Assemblée nationale et réaffirmer son rôle central dans le fonctionnement de la démocratie. Il s'agit de modifier notre règlement sur les points suivants : l'organisation générale des travaux de l'Assemblée - articles 1, 2 et 3 - ; l'amélioration de la procédure législative - articles 4, 5 et 6 - et le renforcement du contrôle parlementaire - articles 7 et 8.
    S'agissant de l'organisation générale du travail, l'article 1er se propose d'insérer un nouvel alinéa à l'article 14 du règlement de l'Assemblée pour permettre au bureau de fixer les conditions permettant d'inviter des personnalités à s'adresser à l'Assemblée nationale dans le cadre de ses séances constitutionnelles, ce qui consacrerait ainsi la pratique. En effet, comme l'a rappelé le président Clément, l'audition des personnalités extérieures est largement pratiquée par les commissions. L'extension à la séance publique a déjà eu lieu à de nombreuses reprises. Depuis 1993, ce sont onze chefs d'Etat et de gouvernement étrangers qui ont ainsi été auditionnés et, pour prendre un exemple récent, le 3 décembre 2002, nous avons entendu M. Valéry Giscard d'Estaing dans le cadre d'un débat sur l'Europe. Nous sommes donc très favorables à cette disposition.
    Nous ne partageons pas à ce sujet les préventions du président de la commission des lois qui souhaite supprimer cet article au motif qu'il y aurait un risque de télescopage avec l'article 31 de la Constitution, qui autorise les membres du Gouvernement à être entendus par l'Assemblée quand ils le demandent, et avec l'article 48 de la Constitution, qui prévoit l'inscription prioritaire des textes gouvernementaux. Ce risque n'est qu'une hypothèse d'école. Certes, le Conseil constitutionnel n'a jamais eu l'occasion de se prononcer sur la question des personnalités habilitées à s'exprimer dans le cadre de ces séances, mais il pratique dans sa jurisprudence une interprétation restrictive et limitative de ce genre de dispositions. Par exemple, s'agissant de la séance de questions prévue par l'ancien alinéa 2 de l'article 48, le Conseil a précisé qu'à ses yeux cela signifiait une seule séance de questions. On peut donc légitimement en déduire que cette disposition de notre règlement sera également, le cas échéant, interprétée d'une manière restrictive, c'est-à-dire sans préjudice de la fixation prioritaire de l'ordre du jour, celui-ci étant d'ailleurs, en fait, largement concerté. Telles sont les raisons pour lesquelles je proposerai un amendement de rétablissement de l'article 1er, amendement que la commission des lois a d'ailleurs adopté ce matin au titre de l'article 88.
    L'article 2, quant à lui, vise à introduire deux modifications à l'article 50. Une matinée par semaine, le mercredi, sera réservée aux travaux des commissions et l'heure d'ouverture des séances du matin sera décalée à neuf heures trente, afin de favoriser la présence des députés aux réunions organisées en vertu de l'article 88 du règlement. C'est une disposition de bon sens qui nous permettra d'éviter de jongler entre les réunions de commission et les séances.
    L'article 3 tend à assouplir les dispositions relatives au scrutin public à la tribune, prévues à l'article 65, et donne à la conférence des présidents la possibilité d'en faciliter le déroulement en l'organisant dans les salles voisines de la salle de séances. Cette disposition est bienvenue. Elle évitera la perte de temps et les bousculades que nous avons connues dans l'hémicycle. Il nous faudra d'ailleurs réfléchir à la modernisation de cette procédure un peu obsolète et décalée.
    Venons-en aux propositions concernant l'amélioration de la procédure législative.
    L'article 4 modifie l'article 91 du règlement sur deux points. D'abord, il vise à limiter à quinze minutes le temps de parole pour la défense des motions dans le cadre des séances d'initiative parlementaire. Cette limitation résultait jusqu'ici d'un accord intervenu en conférence des présidents. Il s'agit donc d'acter dans le règlement une pratique. Nous y sommes favorables.
    Ensuite, l'article 4 supprime de la question préalable dans le cadre des séances d'initiative parlementaire. En effet, le vote d'une telle question préalable, qui a pour objet de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer, est pour le moins paradoxal s'agissant d'une initiative parlementaire et contraire à la philosophie qui a présidé à la création de ces séances. Nous sommes donc là aussi tout à fait favorable à cette disposition. Le président Clément l'a jugé discutable et a cité l'exemple du PACS en disant que le Gouvernement avait profité d'une niche parlementaire pour imposer à sa majorité un projet qu'il ne souhaitait pas présenter lui-même. Selon lui, supprimer la question préalable reviendrait à priver l'opposition d'un temps de parole et, dans le cas du PACS, les choses se seraient passées différemment.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !
    M. Philippe Vuilque. Si la question préalable est supprimée, cela n'empêche pas l'adoption de l'exception d'irrecevabilité ou de la motion de renvoi en commission. Dans le cas du PACS, s'il n'y avait pas eu de question préalable, c'est probablement l'exception d'irrecevabilité ou la motion de renvoi en commission qui aurait été adoptée. C'est un jeu parlementaire entre la majorité et l'opposition.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Il faut supprimer toutes les motions ou les maintenir toutes !
    M. Philippe Vuilque. Dans le même ordre d'idée, nous pourrions aller plus loin. En effet, il nous semble aussi paradoxal de pouvoir interrompre l'examen d'un texte d'initiative parlementaire après la discussion générale. L'article 94 de notre règlement mériterait d'être revu. Le récent débat sur la suppression du mot « race » a montré combien cette disposition, qui empêche de passer à la discussion des articles si une majorité le décide, est dommageable pour l'initiative parlementaire. Le Gouvernement a déjà bien assez de pouvoirs pour nous contraindre.
    Les articles 5 et 6, quant à eux, tirent les conséquences de ces modifications et n'appellent pas de notre part de commentaires particuliers.
    Le troisième objectif est l'amélioration de la fonction de contrôle prévue aux l'articles 7 et 8.
    L'article 7 propose que, lors de la constitution d'une commission d'enquête, la fonction exécutive - président ou rapporteur - soit réservée à un membre du groupe auteur de la proposition. C'est une excellente proposition qui, selon nous, va renforcer l'efficacité des investigations et la fonction de contrôle de l'Assemblée et surtout permettre à l'opposition de mieux jouer son rôle.
    L'article 8 prévoit que la conférence des présidents pourra créer des missions d'information et d'évaluation. Nous ne pouvons qu'approuver cette démarche qui, nous l'espérons, renforcera la capacité d'évaluation de notre assemblée.
    Encore une fois, ces propositions, qui peuvent paraître restreintes, n'ont rien de révolutionnaire, mais elles permettront, si nous les adoptons, d'améliorer l'efficacité de notre travail. Nous y sommes donc très favorables.
    Une autre proposition, qui, elle ne nécessite pas de modification réglementaire, mais suppose l'accord du Gouvernement, est l'institution d'un débat d'initiative parlementaire pour chaque groupe à chaque session. Cette proposition nous paraît pertinente et bienvenue. Nous avons en effet impérativement besoin de lisibilité, de crédibilité, d'efficacité et d'équité dans le fonctionnement de nos institutions sinon nous nous couperons définitivement, à terme, des préoccupations démocratiques citoyennes. Nous y sommes très sensibles au groupe socialiste. C'est pourquoi, monsieur le président, notre président de groupe, Jean-Marc Ayrault, vous a fait parvenir nos réflexions sur le sujet.
    Nos propositions s'articulent autour de trois exigences : l'impérieuse nécessité de replacer l'Assemblée nationale au coeur de la démocratie française ; la nécessité de rendre plus efficace le travail de l'Assemblée et l'indispensable renforcement de la fonction de contrôle de l'Assemblée.
    Tout d'abord, il nous semble indispensable de replacer l'Assemblée au coeur de notre démocratie. Le Parlement doit redevenir le véritable lieu de débat. Il faut, pour cela, rechercher un nouvel équilibre entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale. L'objectif de nos propositions est de renforcer la responsabilité du Gouvernement et des ministres et de rendre les instruments du parlementarisme rationalisé moins agressifs. Par exemple, pourquoi ne pas envisager l'obligation, pour le Premier ministre, d'engager la responsabilité de son gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale dans les jours qui suivent sa nomination ? On pourrait également prévoir un vote de confiance à la fin de chaque session sur le compte rendu de l'action du Gouvernement et alléger la « tutelle » de l'exécutif sur la majorité parlementaire. Nous sommes pour la suppression de l'article 49-3 de la Constitution et du vote bloqué.
    M. Gérard Léonard. C'est un remords !
    M. Philippe Vuilque. Nous voudrions aussi augmenter la part d'initiative parlementaire dans l'ordre du jour. Nous proposons, par ailleurs, que le Gouvernement présente au Parlement ses grandes orientations politiques à l'occasion d'un débat qui pourait être suivi d'un vote et l'instauration d'une séance de questions au Gouvernement supplémentaire d'une heure, consacrée spécifiquement à l'action d'un ministre. Et puis, on a peut-être un peu tendance à l'oublier, il serait bon d'associer plus réellement le Parlement à la préparation des normes européennes.
    Ensuite, pour rendre plus efficace le travail de l'Assemblée, qui pâtit, encore une fois, d'un fonctionnement pesant et dépassé, il est nécessaire de permettre aux députés d'être effectivement associés à l'élaboration de la loi grâce à des procédures de concertation avec le Gouvernement.
    Nous proposons l'augmentation à dix du nombre des commissions permanentes et un redécoupage de leurs compétences ; la mise en place d'un statut de l'opposition qui prévoirait notamment l'attribution à celle-ci de la présidence de la commission des finances et le droit de l'opposition d'obtenir au moins la création d'une commission d'enquête par an. Je ne dis pas cela parce qu'aujourd'hui nous sommes dans l'opposition. L'opposition a vocation à devenir majorité et la majorité à devenir opposition.
    M. Pascal Clément, président de la commission ; rapporteur. Ce n'est pas une vocation, mais cela peut arriver !
    M. Philippe Vuilque. Cela peut arriver, en effet !
    M. Guy Geoffroy. Vous êtes très bien dans l'opposition ! Cela vous va très bien !
    M. Philippe Vuilque. Nous espérons y rester le moins longtemps possible, mon cher confrère ! Et nous pensons que ce serait faire un pas significatif que de donner la présidence de la commission des finances à l'opposition, comme cela se fait dans d'autres pays.
    Nous proposons aussi la reconnaissance d'un pouvoir législatif propre des commissions sur certains textes et un débat en séance publique sur la base du texte adopté en commission ; la consultation des députés dans les commissions permanentes avant la présentation d'une loi et la mise à disposition des députés d'une capacité d'expertise renforcée.
    Enfin, la fonction de contrôle de l'Assemblée doit être également renforcée. Cette dernière doit pouvoir mieux contrôler de manière suivie l'action du Gouvernement.
    Organisons une audition annuelle obligatoire des ministres sur le bilan de l'action de leur ministère devant la commission parlementaire compétente. Ce serait le pendant de l'audition des ministres devant notre assemblée, avec la question supplémentaire au Gouvernement, que je proposais tout à l'heure.
    Renforçons l'évaluation de l'application des lois : obligation de publier les textes d'application dans les six mois suivant la promulgation d'une loi ; obligation, pour chaque ministre, de rendre compte de l'application d'une loi un an après sa promulgation, éventuellement devant la commission permanente.
    Organisons le débat et le vote avant toute opération extérieure impliquant un engagement des forces militaires françaises, ainsi que la ratification des accords de défense par le Parlement.
    Ces quelques pistes risquent de ne pas être toutes consensuelles. Reste que les solutions proposées nous semblent indispensables si l'on veut éviter que se creuse le fossé entre les politiques et le citoyen.
    En attendant ces réformes, nous vous apportons notre appui et nous voterons, monsieur le président, cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Emile Zuccarelli. Très bien.
    M. le président. Monsieur Vuilque, merci de votre intervention. Mais je rappelle que ce n'est pas « ma » proposition de résolution, dans la mesure où elle a été signée par l'ensemble des présidents de groupe. Elle résulte d'un travail collectif, et j'y tiens beaucoup. Car si nous voulons progresser dans la modification de notre règlement, il faut le faire tous ensemble, avec le concours de la commission des lois, naturellement.
    La parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe UDF.
    M. Maurice Leroy. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, rapporteur, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui est l'aboutissement d'une réflexion et de travaux menés à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, pour améliorer les conditions et l'efficacité du travail législatif.
    Le groupe UDF salue et soutient cette initiative qui aboutit à une proposition reflétant un consensus de tous les groupes politiques, puisqu'elle a été cosignée par tous leurs présidents. Pour avoir participé personnellement au groupe de travail informel, je puis témoigner de l'esprit d'ouverture, de dialogue et d'échange qui a prévalu.
    On a parlé à plusieurs reprises de petits pas. Après tout, je préfère les petits pas qui permettent d'avancer aux grandes déclarations, aux grands discours fulgurants, qui font très joli dans les tribunes de presse, mais à la suite desquels on patine sans avancer. Saluons donc ce petit pas, qui a le mérite d'être pragmatique et consensuel.
    Nos collègues Philippe Vuilque et Guy Geoffroy ont fait des propositions. Pour ma part, je m'en tiendrai au débat qui nous occupe aujourd'hui. Certes, nous pourrions à loisir débattre de l'article 40 de la Constitution qui limite l'initiative parlementaire, revenir sur l'article 49 alinéa 3, etc. Mais on n'en sortirait pas.
    Je tiens également à rendre hommage à la qualité de la présidence de notre Assemblée, qui est impartiale, attentive, accessible et disponible, dans le respect de l'opposition et du pluralisme. C'est important, comme l'a dit l'orateur du groupe socialiste. L'alternance étant inscrite dans les faits que cela nous plaise ou non, nous serons appelés, en fonction du vote des Françaises et des Français, à être un jour dans l'opposition, le lendemain dans la majorité.
    M. Jean-Louis Idiart. Je demande une suspension de séance ! (Sourires.)
    M. Maurice Leroy. Le groupe UDF votera cette proposition de résolution tendant à compléter le règlement de l'Assemblée nationale. Cela dit, je reviendrai brièvement sur le texte initial qui nous avait été proposé dans le cadre des « initiatives » parlementaires - terme que je préfère à celui de « niche » : en effet, que la majorité soit de droite, de gauche ou du centre, les propositions de loi retournent « à la niche ». (Sourires.)
    Je ne comprends pas bien, monsieur le président de la commission des lois, le retour de la question préalable. Comme vous le savez, j'ai assisté, avec d'autres collègues, aux débats sur le PACS. Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie, mais on sait pertinemment que si la majorité de l'époque avait été présente, dans l'hémicycle, Mme Guigou n'aurait pas eu à lire trois fois son discours pour permettre à nos collègues de rejoindre la séance, et que l'exception d'irrecevabilité n'aurait jamais été adoptée. Mais c'était là un accident de parcours et il faut le prendre comme tel.
    Ce retour est par ailleurs contradictoire avec le principe de l'initiative parlementaire. De toute façon, demeure l'exception d'irrecevabilité, avec un temps de parole de quinze minutes, qui suffit à créer le débat. Le groupe UDF votera donc l'amendement n° 1, qui permet de rétablir le texte initial.
    M. le président. Et le renvoi en commission demeure !
    M. Maurice Leroy. Tout à fait ! Par conséquent, nous serions bien inspirés d'en rester là.
    Ce texte a tout de même été signé par l'ensemble des présidents du groupe. Et au-delà du respect qui leur est dû, je ne vois pas pourquoi nous reviendrions sur un travail qui a fait l'objet d'un accord unanime. C'est assez rare dans notre assemblée pour être souligné.
    Le rétablissement de la question préalable, qui limiterait l'initiative des groupes politiques de notre assemblée, serait enfin en contradiction avec l'article 7 de la proposition de résolution lequel - rendons-en hommage au président Jean-Louis Debré - constitue une ouverture en direction de l'opposition. Jusqu'à présent, en effet, l'auteur d'une proposition de loi n'en était pas forcément le rapporteur. Cet article dispose que la fonction de président ou de rapporteur sera réservée à un membre du groupe auteur de la proposition de loi.
    Concernant l'organisation de nos travaux, il serait bon, monsieur le secrétaire d'Etat, que le calendrier des textes soit plus lisible. Quant aux réunions de la commission, elles suivent de trop près la distribution du texte à étudier. Mais soyons honnête, l'embouteillage parlementaire est de tous les gouvernements.
    Au-delà de cette proposition de loi, il nous faudra encore progresser. Votre programme est vaste sans doute. Mais réjouissons-nous déjà de ce petit pas.
    M. le président. Souvent, les petits pas évitent les faux pas ! (Sourires.)
    La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Monsieur le président, mosieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise, beaucoup l'ont déjà dit, a la particularité d'être cosignée par tous les présidents du groupe de notre Assemblée. Ses dispositions reflètent le consensus obtenu, dans un premier temps, au sein du groupe de travail informel mis en place en novembre 2002, à l'initiative du président de notre Assemblée.
    L'objectif de cette concertation est de réfléchir aux mesures qui permettraient d'améliorer les conditions du travail législatif, de rendre plus efficace la fonction de contrôle du Parlement et, de manière générale, de restaurer le rôle de celui-ci dans le fonctionnement de la démocratie.
    Les députés communistes sont d'autant plus sensibles à cette démarche qu'ils n'ont cessé, depuis de nombreuses années, de dénoncer le grave déséquilibre qui existe dans nos institutions entre le législatif et l'exécutif - au détriment, en particulier, de l'Assemblée élue au suffrage universel direct - et de réclamer la modification du dispositif.
    Cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement des réformes entreprises sous divers présidents de l'Assemblée au cours de la dernière décennie, et qui ont incontestablement amélioré le fonctionnement et l'organisation des travaux parlementaires. Cette fois, outre les modifications concernant l'horaire d'ouverture des séances du matin, les jours de réunion des commissions, les dispositions relatives au scrutin public à la tribune, il s'agit de permettre au bureau d'inviter des personnalités extérieures à s'adresser à l'Assemblée et à la Conférence des présidents de décider de la création de missions d'information et d'évaluation ; de réserver la présidence ou la fonction de rapporteur des commissions d'enquête au groupe à l'origine de leur création et de supprimer la possibilité de défendre une question préalable lors des séances d'initiative parlementaire.
    Compte tenu de l'accord de tous les groupes sur ces points, comment ne pas se féliciter de la sage décision prise par le président de la commission des lois, rapporteur de cette proposition, de ne pas maintenir ses amendements relatifs à ces questions ?
    La faculté accordée à l'opposition de faire inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée, dans le cadre de ces « niches », une proposition de loi élaborée par elle représente une avancée de la démocratie parlementaire. Entraver cette faculté en permettant à la majorité de décider qu'il n'y a pas lieu de discuter serait aller de toute évidence à l'encontre de cette avancée. D'autant plus que la majorité dispose déjà du pouvoir de décider de ne pas examiner les articles en vertu de l'article 94 du règlement, ce qui est incompatible avec le principe du débat démocratique. Le principe des « niches » parlementaires n'a de sens que si un vote a effectivement eu lieu après débat sur les dispositions du texte.
    Le groupe des député-e-s communistes et républicains s'est vu refuser la discussion des articles de ses deux dernières propositions de loi présentées lors des séances d'initiatives parlementaires. La première concernait le droit à la retraite avant 60 ans pour les salariés ayant cotisé quarante annuités : l'article 40 lui a été opposé. L'autre concernait la suppression du mot « race » dans notre législation : l'UMP a décidé de ne pas examiner les articles. Ces exemples révèlent clairement que le principe des « niches » est vidé de toute signification et de toute portée et soulignent l'urgence d'une modification de l'article 94 du règlement.
    Au-delà des dispositions de la proposition de loi en discussion, il faut bien constater que toutes les réformes de règlement intervenues au cours des précédentes législatures n'ont été que des adaptations fonctionnelles. De toute évidence, des réformes essentielles restent à faire pour que l'Assemblée retrouve, comme le rappelait la commission Vedel en 1993, « une place et un rôle qui doivent, dans une démocratie, être les siens ».
    Mon groupe a eu l'occasion à maintes reprises de souligner l'enjeu crucial de cette question que nous estimons au coeur de la crise de nos institutions. La Ve République souffre, en effet, d'un déséquilibre au profit du pouvoir exécutif que relevait déjà le Président Mitterrand, fin 1992, dans sa lettre de mission à la commission Vedel. En 1995, le candidat Jacques Chirac, quant à lui, estimait qu'il était « temps de mettre fin à la dérive monarchique des institutions ». Or rien n'est intervenu pour corriger ce déséquilibre. Au contraire, la présidentialisation du régime s'est accrue avec un renforcement des pouvoirs personnels du Président de la République, notamment du fait de l'élargissement du prétendu « domaine réservé », de l'adoption du quinquennat et de la concomitance des élections présidentielles et législatives.
    C'est dire qu'il faut bien plus que les réformes fonctionnelles - quel que soit leur intérêt par ailleurs - pour rétablir la primauté du Parlement dans les institutions et pour que celui-ci exerce pleinement son droit d'initiative, son pouvoir de décision en matière législative et constitutionnelle et son rôle de contrôle de l'exécutif. D'où l'exigence de modifier, non seulement notre règlement mais aussi la Constitution. Tel est l'avis du groupe des député-e-s communistes et républicains, qui a déjà eu l'occasion d'exposer ses propositions.
    Permettez-moi d'en rappeler les principales : la maîtrise par l'Assemblée de son ordre du jour, ce qui implique la modification de l'article 48 de la Constitution ; la suppression de la définition restrictive du domaine de la loi, régie par les articles 34 et 37 ; la suppression de l'article 40 portant l'irrecevabilité à caractère financier des propositions de loi ou amendements parlementaires par une obligation d'équilibre ; la suppression du vote bloqué - article 44, alinéa 3 - et de la procédure d'adoption sans vote de la loi - article 49, alinéa 3 - ainsi que de la délégation du pouvoir législatif au Gouvernement par le biais des ordonnances - article 38 ; l'autorisation de l'Assemblée pour toute opération militaire extérieure ; la création d'une procédure d'autorisation pour les négociations européennes et internationales engageant la France ; l'augmentation du nombre des commissions permanentes et l'élargissement de leur pouvoir de contrôle ; l'organisation d'un véritable contrôle de l'exécutif, qui passerait par la désignation du Premier ministre par un vote de l'Assemblée sur proposition du Président de la République, par la modification des conditions de vote des motions de censure, par un droit de l'Assemblée à suppléer à la carence gouvernementale en cas de retard dans les décrets d'application.
    Comme vous pouvez le constater, le chantier est vaste et ambitieux, mais c'est le gage d'une revalorisation radicale du rôle de l'Assemblée nationale, dont dépend l'exercice plein de la souveraineté populaire.
    Monsieur le président de l'Assemblée, notre groupe a pu apprécier la concertation que vous avez engagée avec les présidents des groupes et au sein du groupe de travail et nous nous félicitons de cette proposition de résolution, qui est son premier aboutissement. Nous notons avec la plus grande satisfaction votre engagement de poursuivre la réflexion « jusqu'à envisager (...) une refonte profonde des procédures qui régissent le travail parlementaire ». Soyez assuré de la coopération de notre groupe ; il soumettra à la discussion l'ensemble de ses propositions, dont certaines ont été évoquées au cours de mon intervention.
    Bien évidemment, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés - e - s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 1, 4 et 6.
    L'amendement n° 1 est présenté par M. Vuilque et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 4 par M. Gérard Léonard ; l'amendement n° 6 par M. Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après le premier alinéa de l'article 14 du règlement de l'Assemblée nationale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le bureau détermine les conditions dans lesquelles des personnalités peuvent être admises à s'adresser à l'Assemblée dans le cadre de ses séances. »
    La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Monsieur le président, nous en avons déjà longuement parlé : mon amendement vise à donner au bureau la possibilité d'inviter des personnalités extérieures, possibilité supprimée dans un premier temps par la commission.
    Le président Clément avait une crainte, ou plus exactement une double crainte : que notre règlement ne devienne contraire aux articles 31 et 48 de la Constitution.
    A notre avis, ce n'est pas le cas, car le droit des ministres à venir s'exprimer à l'Assemblée, en vertu de l'article 31, est imprescriptible.
    En outre, nous proposons que « le bureau détermine les conditions dans lesquelles des personnalités peuvent être admises » et non pas « les conditions dans lesquelles elles sont admises ». C'est par conséquent le bureau, avec le président, qui décide. Ainsi, même dans une configuration politique où le président de l'Assemblée et son bureau, pour quelque raison que ce soit, entreraient en dissidence avec le Gouvernement - puisqu'on sait que le président de l'Assemblée est au départ l'émanation d'une majorité -, on ne voit pas comment, juridiquement, il aurait la possibilité d'imposer l'audition d'une personnalité extérieure au moment même où le Gouvernement souhaiterait s'exprimer devant l'Assemblée.
    De telles préventions nous paraissent donc infondées. C'est pourquoi, avec d'autres groupes politiques, nous souhaitons ce rétablissement.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 1, 4 et 6.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Articles 1er, 2, 3 et 4

    M. le président. « Art. 1er. - Les dispositions des treizième et quatorzième alinéas de l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale sont insérées après le quatrième alinéa de cet article. »
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)
    M. le président. « Art. 2. - L'article 50 du règlement de l'Assemblée nationale est ainsi modifié :
    « I. - Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « La matinée du mercredi est réservée aux travaux des commissions. Sous réserve des dispositions de l'article 48, alinéa 1er, de la Constitution, au cours de cette matinée, aucune séance ne peut être tenue en application de l'alinéa précédent.
    « II. - Dans le troisième alinéa , les mots : "19 h 30 sont remplacés par les mots : "20 heures, les mots : "21 heures par les mots : "21 h 30 et les mots : "9 heures par les mots : "9 h 30. » - (Adopté.)
    « Art. 3. - Après les mots : "l'article 65-1, la fin du dernier alinéa de l'article 65 du règlement de l'Assemblée nationale est ainsi rédigée :
    « Il est procédé au scrutin public à la tribune ou dans les salles voisines de la salle des séances, sur décision de la conférence des présidents, lorsqu'il a lieu en application du 3° ci-dessus. » - (Adopté.)
    « Art. 4. - Après le septième alinéa de l'article 66 du règlement de l'Assemblée nationale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
    « II bis. - La conférence des présidents fixe la durée du scrutin public lorsqu'il a lieu dans les salles voisines de la salle des séances. » (Adopté.)

Article 5

    M. le président. « Art. 5. - I. - Après le quatrième alinéa de l'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Dans la discussion d'une exception d'irrecevabilité ou d'une question préalable déposée à l'encontre d'un texte discuté dans le cadre d'une séance tenue en application de l'article 48, alinéa 3 de la Constitution, peuvent seuls intervenir l'un des signataires, pour une durée qui ne peut excéder quinze minutes sauf décision contraire de la conférence des présidents, le Gouvernement et le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond. Avant le vote, la parole est accordée, pour cinq minutes, à un orateur de chaque groupe.
    II. - En conséquence, le sixième alinéa du même article est complété par la référence : "ou à l'alinéa 5 ».
    Je suis saisi de trois amendements identiques n°s 2 corrigé, 3 et 7.
    L'amendement n° 2 corrigé est présenté par M. Vuilque et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 3 par M. Gérard Léonard ; l'amendement n° 7 par M. Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Rédiger ainsi le début du dernier alinéa du I de l'article 5 :
    « A l'encontre d'un texte discuté dans le cadre d'une séance tenue en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, il ne peut être mis en discussion et aux voix qu'une seule exception d'irrecevabilité. L'adoption de cette proposition entraîne le rejet du texte à l'encontre duquel elle a été soulevée. Dans la discussion, peuvent seuls (le reste sans changement). »
    La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 2 corrigé.
    M. Philippe Vuilque. Cet amendement vise à revenir au texte initial de la proposition de résolution et donc à supprimer la possibilité de défendre une question préalable lors des séances mensuelles d'initiative parlementaire. Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés dans la discussion générale. Je ferai simplement observer à M. Clément que l'opposition est favorable à cette suppression alors qu'elle aurait pu considérer, au contraire, qu'il n'était pas dans son intérêt de se priver de cette possibilité de s'exprimer, justement parce qu'elle est dans l'opposition.
    M. Xavier de Roux. Aujourd'hui !
    M. Philippe Vuilque. Comme pour nos propositions concernant l'attribution à l'opposition de la présidence de la commission des finances, nous estimons que la suppression de la question préalable favorisera le travail parlementaire.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Je ne reviendrai pas, moi non plus, sur les arguments dont nous avons déjà largement débattu. Je soulignerai simplement que les réserves exprimées par le président de notre commission, rapporteur de la proposition de résolution, méritaient débat. Est-il logique qu'un texte, selon qu'il émane du Gouvernement ou des parlementaires, fasse l'objet de deux régimes différents ? La question devait être posée. Cela étant, pour parvenir à un accord unanime des quatre groupes, ces amendements devaient être retenus. En tout cas, vos observations n'étaient pas inutiles, monsieur le président.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Vous êtes très aimable !
    M. le président. Il n'est jamais inutile que le président de la commission des lois et rapporteur s'exprime. (Sourires.)
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2 corrigé, 3 et 7.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

    M. le président. « Art. 6. - Dans le deuxième alinéa de l'article 104 du règlement de l'Assemblée nationale, la référence : "l'article 91, alinéas 4 et 6 est remplacée par la référence : "l'article 91, alinéas 4 et 7. »
    Je mets aux voix l'article 6.
    (L'article 6 est adopté.)
    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, je demande une suspension de séance pour raisons techniques.
    M. le président. Je suspends la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Article 7

    M. le président. « Art. 7. - L'article 128 du règlement de l'Assemblée nationale est ainsi modifié :
    « I. - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa, la référence : "l'article 91, alinéa 4 est remplacée par la référence : "l'article 91, alinéas 4 ou 5.
    « II. - A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa, la référence : "l'article 91, alinéa 7 est remplacée par la référence : "l'article 91, alinéa 8. »
    M. Balladur et M. Clément ont présenté un amendement, n° 5, ainsi rédigé :
    « Après le premier alinéa de l'article 7, insérer le paragraphe suivant :
    « « A la fin du premier alinéa de l'article 128, les mots : "et il ne peut être présenté d'amendement sont supprimés. »
    La parole est à M. Pascal Clément.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cet amendement - on lui pardonnera son origine récente - tend à répondre à une question qui s'est posée ce matin encore mais à laquelle les députés de la commission des affaires étrangères sont souvent confrontés.
    Ce matin, donc, la commission des affaires étrangères s'est réunie pour examiner un projet de loi de ratification de six conventions de l'Organisation internationale du travail. Or, dans ce type de procédure, la ratification est autorisée aux termes de chacun des six articles, les six conventions étant annexées au projet de loi. Bien sûr, le Parlement ne peut en aucun cas amender une convention négociée par les gouvernements ou par les chefs d'Etat. Cela étant, l'article 47 de son règlement offre au Sénat la possibilité de ratifier, par exemple dans le cas que je viens d'évoquer, cinq conventions et d'en refuser une. L'Assemblée, en revanche, pour en refuser une est obligée de les repousser toutes les six. Autrement dit, il existe une forte disparité entre le règlement du Sénat et celui de l'Assemblée nationale.
    Je précise encore une fois qu'il ne s'agit ni de créer un droit d'amendement concernant les conventions, ni de permettre le vote de la ratification d'une convention sous condition : le Parlement ne dispose pas de tels pouvoirs sous la Ve République. Il n'est cependant pas normal que le Sénat puisse, parmi les conventions qui lui sont soumises, en éliminer une et conserver les autres, alors que l'Assemblée ne peut même pas rétablir la convention qu'il aurait ainsi supprimée. Nous n'avons même pas ce droit-là !
    C'est parce qu'il existe un tel écart entre les pouvoirs du Sénat et ceux de l'Assemblée que j'ai déposé, avec mon collègue président de la commission des affaires étrangères, un amendement visant soit à donner à l'Assemblée les mêmes pouvoirs qu'au Sénat, soit, au cas où - et je ne l'exclus pas - le Conseil constitutionnel considérerait que le règlement du Sénat n'est pas conforme à la Constitution, à provoquer l'annulation de la disposition qui confère ce pouvoir au Sénat. Tel est l'intérêt de cet amendement. On ne fait pas un texte par rapport au juge constitutionnel, mais, comme les pouvoirs de l'Assemblée concernant la ratification des traités font l'objet d'un débat légitime, il ne revient à personne, sauf au juge constitutionnel, de prendre une décision.
    J'ai soutenu personnellement et avec suffisamment de conviction, lors du débat sur la réforme constitutionnelle, la possibilité pour le Sénat de bénéficier de la primeur de l'examen des textes concernant les collectivités territoriales pour réclamer aujourd'hui que les règlements des deux assemblées fassent l'objet d'une stricte égalité de traitement.
    Nous verrons donc si le juge constitutionnel nous suit. S'il ne nous suivait pas, la même logique devrait conduire le Conseil, à la prochaine occasion, à revenir sur l'article 47 du règlement du Sénat. Tel est l'objet de cet amendement.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur le président de la commission des lois.
    Permettez-moi, cependant, de vous interroger du haut de mon perchoir(sourires.), à propos de l'article 128.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Vous avez tous les droits, monsieur le président !.
    M. le président. En effet, l'article 128 prévoit déjà l'ajournement. Ainsi, dans le cas où la commission croit que le Gouvernement a tort d'inclure six conventions dans une seule loi de ratification, l'Assemblée pourrait décider l'ajournement, ce qui obligerait le Gouvernement à retirer son texte et à le vérifier.
    Ce n'est qu'une observation car je ne suis ni juriste ni spécialiste du règlement.
    M. Gérard Léonard. Mais si ! (Sourires.)
    M. le président. Un magistrat, ce n'est pas un juriste !(sourires.)
    La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. J'ai bien entendu vos propos, monsieur le président, mais nous sommes tout à fait favorables à cet amendement. D'ailleurs, l'un de nos collègues l'avait également suggéré.
    En fait il s'agit d'un juste retour des choses. A cet égard, je partage entièrement l'avis du président Clément selon lequel, même si - car cela est possible - le Conseil constitutionnel décidait que le règlement du Sénat n'est pas si constitutionnel que cela et qu'il faudra le revoir, cela serait tout bénéfice pour l'Assemblée nationale !
    Je profite de l'occasion pour rappeler, monsieur le président, que nous avons été particulièrement choqués que les lois de décentralisation donnent la primauté au Sénat pour l'examen des textes concernant les collectivités territoriales. Si donc nous pouvions faire cette petite amabilité au Sénat, je ne vois pas pourquoi nous nous en priverions.
    M. le président. Il n'est pas question d'amabilité. Il faut que la position du Conseil constitutionnel soit logique : ce qui est bon pour le Sénat doit être bon pour nous.
    M. Gérard Léonard et M. Jean Le Garrec. Voilà !
    M. Bernard Accoyer. Bon pour la France !
    M. le président. Le problème est de savoir si une telle disposition est constitutionnelle.
    M. Philippe Vuilque. Exactement.
    M. le président. Si le Conseil constitutionnel décidait que tel n'est pas le cas, nous serions dans une situation juridique difficile, car il faudrait qu'il décide aussi que ce qu'il a accepté pour le Sénat est également inconstitutionnel. En effet, les deux assemblées doivent être dans des situations identiques. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Vuilque. L'Assemblée ne doit pas être défavorisée !
    M. le président. Je m'interrogeais simplement sur la possibilité d'utiliser l'article 128 dans ce but, mais je ne suis pas président de la commission des lois.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Vous auriez pu aisément ! (sourires.)
    M. Jean-Louis Idiart. Qui peut le plus peut le moins !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Monsieur le président de l'Assemblée, je vous fais d'abord observer qu'ajourner signifie seulement retarder, ce qui pourrait poser problème. Nous voulons que l'Assemblée puisse repousser une convention présentée avec d'autres dans un projet de loi de rectification, ou en réintroduire une rejetée par le Sénat. Or, actuellement nous ne pouvons pas revenir sur un amendement du Sénat éliminant une convention, car lui seul a ce pouvoir. C'est pourquoi il est bon de modifier le règlement de l'Assemblée.
    Le règlement du Sénat a été certes soumis au Conseil constitutionnel. Si ce dernier a été distrait, il sera obligé d'avaler son chapeau, ce que je n'ose pas croire !
    M. le président. N'imaginons pas cette hypothèse, monsieur le président.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Monsieur le président, je ne l'imagine que par pur jeu de l'esprit ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. Evidemment !
    M. le président. Vous me rassurez !
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Donc, si le Conseil constitutionnel a laissé passer, même par pure distraction - improbable ! -, une telle disposition, celle-ci est devenue constitutionnelle et les questions que nous nous posons sur la constitutionnalité de cet amendement sont sans objet.
    M. le président. Elles ne se posent plus.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. En effet son contenu a déjà été validé par le Sénat.
    M. le président. Exact.
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. En conséquence elle sera constitutionnelle pour l'Assemblée, CQFD. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Il est bon de se retrouver entre juristes de temps à autre, cela fait du bien ! (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. Et les compliments réciproques sont bien agréables !
    M. le président. Certes ! Mais quant on m'adresse des compliments sur la façon dont je préside les débats, il n'y a aucun journaliste dans les tribunes. (Rires.)
    Je vais les convoquer et nous recommencerons la semaine prochaine !
    M. Maurice Leroy. Comptez sur nous pour donner toute la publicité que cela mérite !
    M. le président. Merci monsieur Leroy, j'ai été très sensible à vos propos, mais il n'y avait personne du côté de la presse quand vous les avez tenus !
    M. Jean Le Garrec. Quelle ingratitude !
    M. Jean-Louis Idiart. Si c'était pareil à l'UMP M. Accoyer serait plus tranquille !
    M. le président. N'en rajoutez pas !
    Je mets aux voix l'amendement n° 5.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 5.
    (L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 8 et 9

    M. le président. « Art. 8 - Après l'article 140 du règlement de l'Assemblée nationale, il est inséré un article 140-1 ainsi rédigé :
    « Art. 140-1. - Le bureau des commissions d'enquête comprend un président, deux vice-présidents et deux secrétaires.
    « La fonction de président ou celle de rapporteur revient de plein droit à un membre du groupe auquel appartient le premier signataire de la proposition de résolution du vote de laquelle résulte la création de la commission d'enquête ou, en cas de pluralité de propositions, de la première déposée, sauf si ce groupe fait connaître au président de l'Assemblée sa décision de ne revendiquer aucune des deux fonctions.
    « Les membres du bureau et, le cas échéant, le rapporteur sont désignés dans les conditions prévues à l'article 39. »
    Je mets aux voix l'article 8.
    (L'article 8, est adopté.)
    « Art. 9. - I. - Après le deuxième alinéa de l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Des missions d'information peuvent également être créées par la conférence des présidents sur proposition du Président de l'Assemblée.
    « II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les rapports des missions d'information créées par la conférence des présidents peuvent donner lieu à un débat sans vote en séance publique. » - (Adopté.)

Titre

    M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé :
    « Proposition de résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale. »

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.
    Je constate que l'ensemble de la proposition de résolution est adopté à l'unanimité des présents.
    Conformément à l'article 61 de la Constitution et à l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la résolution sera soumise au Conseil constitutionnel.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.

3

ASSISTANTS D'ÉDUCATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux assistants d'éducation (n°s 640, 694).

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle l'examen des articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

    M. le président. MM. Braouezec, Dutoit, Liberti et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 3022, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Au début du premier alinéa du I de l'article L. 322-4-20 du code du travail, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
    « Les contrats de travail conclus en vertu des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 sont des contrats de droit public lorsque l'employeur est une personne morale de droit public, des contrats de droit privé lorsque l'employeur est une personne morale de droit privé. »
    La parole est M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, cet amendement constitue bien évidemment, vous l'avez compris, un amendement de repli par rapport à notre position de fond en faveur de la pérennisation des emplois-jeunes.
    Il s'agit de transformer les contrats emplois-jeunes dans les administrations, notamment au sein de l'éducation nationale, en contrats de droit public, afin de favoriser leur intégration et la validation des acquis pour l'accès aux concours internes. La situation des adjoints de sécurité démontre que ce statut est bien plus favorable à la pérennisation des emplois et à la continuité du service rendu au public. Elle démontre également que la suppression de plus de 20 000 aides-éducateurs à la rentrée prochaine relève d'un choix délibéré du Gouvernement, qui ne se comporte pas de la même façon à l'égard de la police nationale. Cet aspect de la question a été éludé hier par le ministre, mais il est évident que le Gouvernement réserve un sort différent à la police nationale et à l'éducation nationale.
    Nous déplorons le rejet de nos amendements visant à cette pérennisation. Il s'agissait notamment de permettre la titularisation des aides-éducateurs au sein de l'éducation nationale au moyen d'un examen professionnel validant leur expérience de cinq années. Les aides-éducateurs ont pourtant apporté la preuve de leur utilité au sein de l'enseignement primaire et secondaire, notamment en permettant de répondre à des besoins nouveaux en termes d'étude surveillée, d'aide aux devoirs, d'aide aux travaux encadrés, d'accès aux nouvelles technologies ou d'éveil aux activités artistiques et sportives.
    La fin de ce dispositif se traduirait par la suppression de 20 000 aides-éducateurs dès la rentrée de septembre. Il s'agirait donc d'un plan de licenciement considérable et d'une très grave dégradation du système éducatif. Notre amendement s'inscrivait dans la nécessité globale de résorption de l'emploi précaire et de pérennisation. Son financement était assuré par une réforme de la politique fiscale du Gouvernement avec la majoration de l'impôt de solidarité sur la fortune que vous venez de réduire et la non-réduction de l'impôt sur le revenu sur les deux tranches les plus hautes.
    Aussi, contestons-nous le rejet pour irrecevabilité de notre amendement au motif qu'il dégraderait les finances publiques. L'évocation de l'article 40 de la Constitution nous paraît abusive puisque nous avions proposé des recettes en rapport avec les dépenses. Nous déplorons que cela nous prive d'un nécessaire débat de fond sur les choix budgétaires du Gouvernement qui tournent le dos à l'emploi et à l'amélioration du système éducatif.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour donner l'avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a émis un avis défavorable, considérant que cet amendement sans rapport avec le projet de loi qui instaure un nouveau type de contrat de droit public pour les assistants d'éducation, puisqu'il traite de la situation des emplois-jeunes actuels.
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche pour donner l'avis du Gouvernement.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Cet amendement a l'avantage de souligner le défaut de l'ancien dispositif et les améliorations que lui apporte le nouveau. Je suis évidemment de l'avis de la commission, l'amendement aurait pu être très intéressant il y a quelques mois encore mais il est aujourd'hui désuet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3022.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Braouezec, Dutoit, Liberti et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 3023, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après le deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-20 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Les contrats désignés au premier alinéa doivent, lorsque l'employeur est une personne morale de droit public, prévoir une formation sur le temps de travail préparant aux concours de recrutement de la fonction publique. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Cet amendement tend à imposer à l'employeur d'un emploi-jeune, lorsqu'il s'agit d'une personne de droit public, de lui assurer une formation sur le temps de travail pour qu'il se prépare aux concours de recrutement de la fonction publique. Il s'agit de favoriser l'intégration au sein du service public des salariés employés sous contrat emploi-jeune. L'objectif est de pérenniser ces emplois et le service rendu au public, notamment dans l'éducation nationale.
    En 1997 - et nous n'avons pas varié dans notre position - nous avions déjà défendu un amendement prévoyant explicitement une formation aux concours de la fonction publique lors de l'examen de la loi portant création des emplois-jeunes. Il importe en effet de favoriser la validation des acquis professionnels des emplois-jeunes. Cette mesure est de l'intérêt des intéressés comme de la collectivité qui doit faire fructifier ces expériences. La formation doit se faire sur le temps de travail, un emploi à temps plein ne permettant pas de la suivre avec des chances importantes de succès.
    Là encore, nous déplorons le rejet pour irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution d'un amendement sur ce sujet.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Même avis que pour le précédent amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3023.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Le 6° de l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est remplacé par les dispositions suivantes :
    « 6° Les emplois occupés par les assistants d'éducation, les maîtres d'internat et les surveillants d'externat des établissements d'enseignement. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Yves Durand.
    M. Yves Durand. Monsieur le président, je défendrai tout à l'heure un amendement demandant la suppression de cet article 1er, qui crée un nouveau contrat totalement dérogatoire au statut de la fonction publique et introduit, de ce fait, une précarité supplémentaire.
    La dérogation à l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 sur la fonction publique qu'il prévoit a d'ailleurs motivé, je le rappelle, son rejet par l'ensemble des organisations syndicales au conseil supérieur de la fonction publique.
    Les réponses qui nous ont été données hier à ce sujet ont été beaucoup trop succinctes. Il convient donc d'y revenir à l'occasion de l'examen des amendements.
    Ainsi M. le ministre a souligné qu'il s'agissait d'un contrat de droit public. Par conséquent, le recours d'un de ces salariés contre l'employeur en cas de conflit relèvera du tribunal administratif. Or chacun sait que les délais y sont extrêmement longs. Il ne sera donc pas possible d'obtenir rapidement des décisions de nature à régler les conflits entre l'employeur et le jeune.
    Je crains même que les trois ans - renouvelables - fixés pour la durée de ces contrats soient écoulés quand le tribunal administratif statuera. C'est pourquoi le tribunal administratif ne nous paraît pas une instance de recours adapté pour assurer, comme nous le souhaitons, une véritable protection à ces assistants d'éducation en cas de conflit, alors que, je le répète, les aides-éducateurs avaient les prud'hommes et les MI-SE, les commissions paritaires.
    Voilà pourquoi j'ai dit, hier, qu'il y avait « institutionnalisation de la précarité ». C'est ce qui m'amène à demander, au nom du groupe socialiste, la suppression de cet article.
    Et nous souhaitons, monsieur le président, avoir un débat de fond lorsque nous défendrons l'amendement de suppression.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Hier, M. le ministre a vanté les avantages du nouveau statut par rapport aux deux précédents. Que les nouveaux emplois se fondent sur des contrats de droit public, est-ce une avancée par rapport aux emplois-jeunes ? On peut en discuter. En tout cas, par rapport au statut des MI-SE, ce n'est finalement qu'une reconduite.
    Mais revenons sur cette question du contrat de droit public. Si, pour les étudiants qui sont appelés à remplir ces fonctions, ce n'est, je le répète, que la reconduite du statut de droit public qu'avaient déjà les MI-SE, pour les non-étudiants - qui pourront être embauchés, vous l'avez dit et cela n'a pas été infirmé, le projet de décret qui circule ouvre la possibilité de recruter des mères de famille ou des retraités, et on connaît les catégories de retraités autorisées à reprendre un travail, car elles sont très précisément édictées par la loi ! Pour les étudiants, disais-je, et les non-retraités, vous créez bel et bien un nouveau statut précaire : un CDD de trois ans, renouvelable une fois, ce qui est une dérogation au droit du travail. Cela fait six ans d'emploi précaire ! Et après ? L'article 3 fait référence à la possibilité pour les établissements recruteurs de cotiser aux ASSEDIC pour ces salariés, car je suppose que vous ne l'avez prévue que pour les non-étudiants. En effet, il faut être cohérent. Soit il s'agit d'un emploi de droit public et il n'y a pas de cotisation aux ASSEDIC, soit il s'agit d'un nouveau contrat de droit privé - un CDD précaire - et, dans ce cas, effectivement, il y a possibilité de cotiser à l'assurance chômage.
    Alors que vous reprochiez aux emplois-jeunes d'être sous contrat de droit privé, mais sans toutes les obligations qu'il induit, vous êtes en train de recréer la même chose avec ce nouveau statut. Vous êtes dans la même incohérence que vous dénonciez !
    Voilà pourquoi je suis favorable à la suppression de ce nouveau statut.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Au risque de remonter un peu en amont de la discussion, je dirai que l'article 1er du projet de loi est à l'image du reste de ce texte : il reste dans un clair-obscur visant à masquer l'essentiel.
    Vous entendez ajouter les assistants d'éducation aux exceptions prévues par la loi au principe selon lequel les emplois de l'Etat et des collectivités locales sont pourvus par des fonctionnaires, dont acte.
    Pourquoi pas ? S'il s'agissait de définir leurs missions et d'expliquer ensuite pourquoi ces postes ne peuvent être pourvus par concours. La tentative de réformer le statut, dans doute obsolète, des maîtres d'externat et surveillants d'internat qui date de 1937 pourrait être honorable s'il s'agissait de cela. Mais il n'en est rien.
    Le projet de loi ne donne aucune garantie aux personnels éventuellement concernés quant à leur statut. Il ne rend pas non plus très lisibles les missions que vous entendez leur confier. En fait c'est un habillage destiné à masquer la suppression des emplois de maître d'internat, de surveillant d'externat et d'aide éducateur.
    Je ne défends pas la pérennisation inconditionnelle des emplois contractuels dans le secteur public mais je constate que les aides éducateurs, comme leurs collègues maîtres d'internat et surveillants d'externat, ont démontré l'importance des rôles de surveillance, d'encadrement et d'animation qui leur sont confiés. Vous vous apprêtez pourtant - pour des raisons manifestement budgétaires - à les supprimer, au profit donc d'assistants d'éducation en nombre bien inférieur et sans offrir de débouchés aux jeunes actuellement en fonction, ni dire qui assumera demain les missions remplies par des dizaines de milliers de postes ainsi supprimés. Sans définir non plus le véritable statut des assistants d'éducation dont vous proposez la création.
    Nul ne conteste les missions de service public exercées par ces agents promis à la disparition dans les établissements scolaires. Comment allez-vous faire assurer par l'Etat ces missions d'encadrement ?
    En fait, votre démarche d'aujourd'hui n'est que le prolongement d'un choix politique que l'on voit se dessiner depuis dix mois : l'éducation et l'enseignement ne sont plus des priorités nationales. Bien pire, votre département ministériel apparaît clairement comme la variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire. Comme d'autres, les missions de service public assumées par les aides éducateurs et les surveillants en font les frais, hélas !
    M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. Ne nous engageons pas dans l'aventure à laquelle nous mènerait le projet de loi de M. Ferry et M. Darcos ! On nous dit qu'il s'agit de remédier à la précarité des emplois d'aides-éducateurs. Et, pour ce faire, on nous propose un contrat de droit public de trois ans renouvelable une fois, certes, mais qui ne constitue pas un véritable statut. Il reste un simple contrat, un contrat qui, en réalité, ne fait qu'accroître encore la précarité.
    Qu'il faille toiletter le statut des MI-SE, j'en conviens. Mais aller jusqu'à les supprimer, c'est remettre en cause la possibilité pour les jeunes les plus modestes, des milieux populaires, d'accéder à des études. Ce faisant, vous les privez de l'ascenseur social. Nous ne pouvons que condamner unanimement cette décision et demander la suppression de l'article 1er du projet de loi.
    En ce qui concerne les aides-éducateurs, tout le monde se plaît à reconnaître qu'ils remplissent une mission irremplaçable. Une enquête menée par la direction de la programmation et du développement du ministère de l'éducation nationale, donc de vos services, messieurs les ministres, conclut que les directeurs d'écoles, les principaux des collèges et les enseignants qui travaillent avec les aides-éducateurs jugent positifs et utiles les changements intervenus grâce à leur présence. Ils continuent en affirmant que le climat général s'est amélioré jusqu'à l'intérieur des salles de classe. Un directeur et un principal soulignent même l'amélioration des résultats de leurs élèves. Il ne pouvait en être autrement puisque, grâce aux aides-éducateurs, l'aide individualisée s'est accrue et que les élèves, de ce fait, se sentent mieux écoutés et mieux compris et s'impliquent davantage dans leurs études.
    En outre, la contribution des aides-éducateurs se révèle essentiellement en ce qui concerne les nouvelles technologies, en particulier l'informatique. Or, nous avons un rôle essentiel à jouer en faveur du développement de l'informatique dès l'école primaire. Chacun sait que celui qui n'aura pas la maîtrise de l'outil informatique sera l'illettré du xxie siècle. Prenons garde que les élèves les plus modestes, issus des milieux populaires, qui n'auraient pas d'ordinateur chez eux et ne pourraient donc pas s'initier à l'outil informatique et à l'Internet, ne deviennent les illettrés du xxie siècle !
    Prenons garde de créer une coupure, de faire disparaître l'égalité des chances, bref prenons garde que l'école publique ne remplisse plus son rôle !
    Que le bon sens et la raison l'emportent : suivez notre proposition et supprimez l'article 1er qui vise, en réalité, à démanteler la raison même de l'école publique : l'égalité des chances.
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Nous ne pouvons déconnecter la discussion de ce projet de loi de la situation de l'emploi - plans sociaux qui se multiplient, chômage qui augmente, surtout chez les jeunes. C'est pourquoi nous contestons votre décision de diminuer de façon drastique le nombre de postes occupés aujourd'hui par les aides-éducateurs, les maîtres d'internat et les surveillants d'externat. Ce sont 10 000 postes qui seront supprimés cette année. Vous ne le contestez pas, monsieur le ministre, puisque vous avez dit : « Plus de surveillants, moins d'adultes. » En effet, vous créez 16 000 postes pour remplacer les aides-éducateurs et les surveillants mais 6 000 d'entre eux seront consacrés à l'accompagnement des handicapés dans leur scolarité, mesure que nous saluons. Pour remplir toutes les missions actuellement assurées par les surveillants et les aides-éducateurs, c'est donc seulement 10 000 postes qui seront mis à disposition du monde scolaire.
    Qui va en pâtir ? L'école primaire, le collège ou le lycée ? Nous aimerions connaître vos orientations sur ce point.
    Par ailleurs, pour ces postes d'assistants d'éducation, dont nous ne savons pas s'ils seront réservés aux jeunes, puisque le texte indique simplement qu'il faut avoir plus de vingt ans, vous prônez la polyvalence, la fusion entre les missions d'animation et de surveillance. Pourtant, le CEREQ - centre d'études et de recherches sur les qualifications - indiquait dans son rapport qu'il fallait mettre plus de cohérence dans la fonction des aides-éducateurs et que, en tout état de cause, les missions de surveillance et d'animation étaient antagonistes. Vous faites exactement le contraire. On peut s'en étonner car la méthode éducative est surprenante.
    Je ne reviendrai pas sur le statut que vous préconisez pour ces assistants d'éducation, les intervenants précédents l'ayant évoqué. C'est un emploi précaire !
    Pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe socialiste et moi-même nous aurons à coeur de supprimer l'article 1er.
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Messieurs les ministres, vous proposez, ou plutôt vous imposez, par une nouvelle dérogation au statut général de la fonction publique, la création d'un nouveau corps : les assistants d'éducation. Du même coup, vous supprimez deux fonctions, qui étaient devenues indispensables au bon fonctionnement tant des écoles que des collèges et des lycées : les surveillants et les aides-éducateurs.
    Après les débats d'hier soir, je me permets de conseiller à mes collègues de lire les débats qui ont eu lieu ici même en 1997, lors de la discussion sur le texte de loi « Nouveaux emplois, nouveaux services ». Ils pourront ainsi constater que notre souci était bien de mettre le pied à l'étrier aux jeunes concernés, de leur permettre de rebondir dans leur parcours professionnel, qui ne correspondait pas forcément à l'emploi-jeune qu'ils occupaient - je rappelle que plus de la moitié d'entre eux ont ainsi eu accès à un emploi définitif.
    Ainsi, nous avons créé les emplois-jeunes, et de ce côté de l'hémicycle, nous n'en avons pas honte !
    Vous vous êtes beaucoup félicités hier soir du plan Handiscol. Je me joins à vous, mais n'oubliez pas que nous le devons à Ségolène Royal.
    Pour en revenir au texte en discussion, force est de constater que vous diminuez le nombre de jeunes mis à disposition des établissements scolaires. Il est difficile de se faire une idée précise de ce que seront les postes de travail de ces assistants d'éducation. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que la préparation aux examens et un poste de maître d'internat ou de surveillant d'externat n'étaient pas compatibles. Cela ne permettait pas de suivre un bon cursus universitaire, les plages horaires dégagées pour l'étude n'étant pas suffisantes. Cela ne vous empêche pas d'annoncer aujourd'hui un changement de statut avec augmentation de la charge de travail et baisse de la rémunération ! Vous compliquez l'organisation d'un emploi du temps cohérent en ouvrant la possibilité d'exercer dans un établissement et une collectivité locale ou dans plusieurs établissements. Pensez-vous que les assistants d'éducation bénéficieront ainsi d'un statut rassurant, sécurisant, leur permettant de travailler en toute sérénité ?
    Vous voudriez dégoûter les jeunes de postuler que vous ne vous y prendriez pas autrement ! Apparemment, la relève est prête ! On a parlé de mères de famille et de jeunes retraités. Et comme le disait à l'instant ma collègue, jeunes retraités, on sait bien à quoi cela correspond...
    Par ailleurs, le recrutement sera opéré par les chefs d'établissement. Comment s'entendront-ils entre eux et avec les maires sur le nom d'un candidat puisque aucun critère social ni de qualification n'encadre le recrutement ? Les candidats pourront-ils postuler près de leur domicile - puisque vous parlez de proximité ! - ou de l'université qui les accueille ?
    Monsieur le ministre, ce projet de loi est un mauvais coup porté à une partie de notre jeunesse, aux étudiants d'origine modeste et aux jeunes scolarisés dans des établissements réputés difficiles, où l'on sait que la confiance est à recréer avec certains élèves, où il faut renouer le lien social avant même de s'attaquer à l'échec scolaire. Vous énoncez de grands principes, à grand renfort de slogans et de publicité. Vous parlez, comme tous les membres de ce gouvernement, de dialogue social mais vous acceptez finalement d'être seul, ou presque, contre tous.
    La « Lettre adressée à ceux qui aiment l'école » ne fera pas oublier l'avis exprimé de façon quasi unanime par la communauté éducative au Conseil supérieur de la fonction publique, ni le vote, lui aussi, quasi unanime des syndicats au Conseil supérieur de la fonction publique. Quant au vote favorable de l'UNI, il me fait redouter le pire !
    Votre projet n'a qu'une qualité à mes yeux, celle, non pas d'être discuté puisque vous êtes sourd aux appels de l'opposition, mais d'être présenté aux élus ; ce qui n'est pas le cas du projet de création du CIVIS, contrat d'insertion dans la vie sociale, de M. Fillon, qui serait institué par deux décrets.
    Décrets et article 49-3 ne sont pas des preuves éclatantes de dialogue et de reconnaissance des droits de l'opposition, ainsi que des droits des citoyens que nous représentons.
    Monsieur le ministre, comme mes collègues qui viennent de s'exprimer, je demande la suppression de l'article 1er.
    M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.
    M. Simon Renucci. Il est clair qu'il s'agit là d'une nouvelle dérogation au statut de la fonction publique et que ce nouveau statut aggravera la précarité. Son rejet unanime par la représentation syndicale de la fonction publique en témoigne.
    En laissant de côté toute polémique car, tôt ou tard, les choses seront remises dans leur contexte, personne ne peut nier le souci qu'a eu le gouvernement précédent de mettre le pied à l'étrier aux jeunes. Nombreux sont les jeunes à avoir bénéficié des avantages des emplois-jeunes : plus de la moitié ont pu, par ce biais, obtenir un emploi définitif.
    Le changement de statut, outre qu'il accroît la précarité, entraîne une augmentation de la charge de travail et une baisse de la rémunération. Il n'obéit à aucune cohérence car, à l'instar du Canada Dry, s'il ressemble à celui des emplois-jeunes, il n'en a pas la dimension juridique, sociale et humaine. En effet, le recrutement sera le fait du prince. Les candidats seront, certes, de qualité, mais leurs qualités seront hétérogènes, ils seront d'âges différents et l'on risque de priver les jeunes de l'ascenseur social car il n'existe à ce jour aucune possiblité de validation des acquis.
    Les emplois-jeunes jouent un rôle important dans l'apprentissage des nouvelles technologies - entre autres - dans le seul lieu où il soit possible d'acquérir ce facteur d'intégration quand on n'a pas Internet à la maison. Comment imaginer dès lors que l'enfant reste au centre du système éducatif ?
    La situation est difficile. La suppression de ces emplois vous laisse seul contre tous. C'est la raison pour laquelle je suis très modéré dans mes attaques, car il semble aujourd'hui totalement erroné d'imaginer que vous ne changerez pas d'avis. Nous vous demandons instamment de réfléchir, car votre proposition est incompatible avec l'idée que l'on se faisait, ou que l'on peut se faire, de l'éducation nationale, facteur d'intégration. Comme mes collègues, je demande la suppression de cet article.
    M. Emile Zuccarelli. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je voudrais à mon tour attirer l'attention de l'Assemblée sur les conditions très particulières dans lesquelles ce débat s'est engagé. Voilà maintenant plusieurs semaines, pour ne pas dire plusieurs mois, que, sur tous les bancs, et en particulier sur ceux du groupe socialiste, des députés souhaitent un véritable débat sur l'éducation et sur la politique éducative. A l'évidence, ce débat n'aura pas lieu, ou, s'il a lieu, ce sera après qu'aura été prise toute une série de décisions budgétaires et statutaires - encore que l'on puisse évidemment douter que l'adjectif « statutaires » s'applique bien aux mesures qui nous sont présentées.
    Cela veut-il dire qu'il n'y a pas de politique éducative ? On peut parfois le penser. Ou cela veut-il dire que cette politique éducative ne mérite pas un débat ? On peut parfois se demander si le Gouvernement donne bien la priorité à l'école. Ou cela veut-il dire que l'on ne souhaite pas afficher certaines des orientations qui, petit à petit, sont définies et avouées au fil des réponses aux questions que nous posons - et nous entendions encore, tout à l'heure, M. Darcos parler de la scolarisation des enfants de deux ans - ? Toutes ces questions, la représentation nationale est en droit de se les poser, et elles sont d'autant plus légitimes que le dispositif proposé, dont mes collègues ont dénoncé les faiblesses, notamment en termes de précarité, fait suite à celui des aides-éducateurs qui, lui, a plutôt bien fonctionné et dont chacun s'accorde à considérer - et c'était le cas, au début de cette législature, du ministre de l'éducation nationale lui-même - qu'il avait rendu des services, avait été particulièrement utile et avait permis d'assurer un véritable accompagnement dans l'ensemble des établissements scolaires. On s'en prive aujourd'hui sans ouvrir de véritables perspectives, ni pour les jeunes concernés ni pour les activités qu'ils pouvaient assumer. En effet, au-delà de ces cinq ans, que deviennent les jeunes concernés ? Et que deviennent les activités qu'ils assumaient ? Naturellement, la question aurait pu être posée à d'autres, et nous aurions souhaité, nous, pouvoir la traiter et la régler différemment.
    Je disais que ce débat avait du mal à se nouer. En effet, les explications tardent à venir. Je n'ai pas manqué d'observer, hier soir, que vos réponses étaient d'une brièveté qui pourrait traduire la densité de votre réflexion et de vos propositions, mais qui nous donnaient parfois le sentiment que vous ne vouliez pas vous engager sur le fond du débat.
    C'est donc dans cet esprit que je vous interpelle. Des questions ont été posées sur ces dispositions, sur leur caractère précaire, sur le devenir des emplois-jeunes, et sur la conception que vous vous faites de l'école et des établissements scolaires. Au cours de ce premier débat, j'espère que nous aurons enfin de véritables réponses du Gouvernement et que la discussion pourra dépasser le cadre anecdotique de tel ou tel amendement pour aborder le fond des sujets qui nous concernent tous dans cet hémicycle. Il est finalement assez rare que l'Assemblée puisse débattre de l'école, alors que l'école est au coeur de la République.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Masse.
    M. Christophe Masse. Hier soir, il a été longuement question de la notion de pacte républicain. Nous sommes tous conscients que l'école est le premier producteur d'égalité sociale. Devant ce qu'il faut bien appeler un formidable gâchis, les questions sont nombreuses. Je pense d'abord à l'espoir que ces aides-éducateurs avaient donné aux enseignants. Je pense aussi aux relations de complémentarité qu'ils avaient tenté de nouer avec les chefs d'établissement. Hier soir, nous avons rendu un juste hommage à ces derniers. Ceux qui les connaissent bien savent qu'ils préféreraient vaquer à des tâches essentielles plutôt qu'à certains travaux accessoires dont les aides-éducateurs les déchargeaient.
    Vous avez également, monsieur le ministre, gâché la confiance des parents d'élèves dans un système éducatif qu'ils qualifiaient de solidaire. Mon collègue Gaëtan Gorce l'a rappelé : les aides-éducateurs arrivaient à maintenir un lien social important. Pendant des années, dans les quartiers et les établissements réputés difficiles, ils ont été indispensables, car ils prenaient le temps de discuter avec les élèves, s'occupaient des retards scolaires, des relations parents-élèves. Là aussi, vous avez privé les chefs d'établissement d'un relais très important.
    Vous allez prononcer l'arrêt de mort de la catégorie des MI-SE et des aides-éducateurs au profit d'assistants d'éducation moins nombreux, sans statut, sans défense, à qui l'on confiera des missions d'encadrement qui, en réalité, ne seront pratiquement plus remplies. Avec cet article 1er, vous nous demandez de créer une nouvelle catégorie de non-titulaires, dérogatoire au statut général de la fonction publique.
    On a longuement parlé aussi de précarité. Hélas, nous sommes en train de l'institutionnaliser, avec un CDD de trois ans renouvelables, ce qui, à la sortie fait, six ans d'emploi précaire.
    Vous, qui nous avez si souvent reproché les contrats emplois-jeunes en raison, disiez-vous, du « manque de lisibilité de la sortie du dispositif », voilà que vous proposez un dispositif encore plus précaire à sa sortie, sans statut particulier, sans missions particulières. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 1er.
    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, à propos de votre texte, M. Zuccarelli a parlé de « clair-obscur ». C'est une technique picturale bien connue, que j'apprécie, comme vous sans doute, qui êtes un homme de culture, et en particulier chez Rembrandt ou dans la peinture flamande. Mais, en matière législative, c'est inacceptable. A cet égard, l'intervention de Mme Billard était extrêmement éclairante.
    M. le président. Pour le clair-obscur éclairant, c'était parfait... (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. Vous parlez de « contrats de droit public ». Mme Billard vous a fait remarquer, avec raison, que cela existait déjà pour les maîtres d'internat et les surveillants d'externat.
    M. Bernard Accoyer. Mais pas pour les emplois-jeunes !
    M. Jean Le Garrec. En même temps, vous prévoyez, à l'article 3, une possibilité de cotisation à l'UNEDIC.
    M. Bernard Accoyer. C'est très bien !
    M. Jean Le Garrec. Dans ce cas, ce n'est plus un contrat de droit public mais de droit privé,...
    M. Bernard Accoyer. Mais non, il est à durée déterminée !
    M. Jean Le Garrec. Mais le ministre répondra, et s'il nous rassure, tant mieux. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un contrat de droit privé définissant une nouvelle condition de précarité.
    M. Bernard Accoyer. On voit qu'il a été secrétaire d'Etat chargé des nationalisations !
    M. Jean Le Garrec. Alors que les contrats à durée déterminée ne peuvent excéder dix-huit mois, avec des renouvellements, vous prévoyez trois ans, ce qui correspond d'ailleurs à une attente du MEDEF. On est donc en droit de se demander s'il s'agit bien d'un contrat de droit privé ?
    Un dernier point, accessoire mais pas inintéressant, concerne les formes de recrutement. Vous prévoyez la possibilité de cumuler sa retraite et un emploi, ce qui, dans le débat qui s'est engagé sur les retraites, constitue une nouvelle préoccupation, dont nous aurons l'occasion de reparler.
    M. Alain Néri. Il a raison !
    M. Jean Le Garrec. Mais laissons pour l'instant ce point de côté.
    Le véritable problème, c'est la nature exacte du contrat tel que vous le définissez dans ce texte. La réponse à cette question est fondamentale, car elle éclairera la suite du débat engagé, avec le talent qu'on lui connaît, par M. Durand.
    M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements identiques ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 1er. »
    Ces amendements n°s 1082 à 1093, 3006 et 3026 ont été respectivement présentés par M. Durand, M. Ayrault, M. Néri, M. Roy,  Mme Génisson, M. Lurel, Mme Mignon, M. Renucci, Mme Carrillon-Couvreur, M. Gorce, M. Masse, M. Blazy, Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; MM. Braouezec, Liberti, Dutoit et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    La parole est à M. Yves Durand, pour soutenir les amendements n°s 1082 à 1093.
    M. Yves Durand. Tous ces amendements sont défendus.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 3006.
    Mme Martine Billard. Je voudrais poser à M. le ministre une question sur l'article 3, car, de sa réponse, dépendra notre acceptation de l'article 1er. De quel organisme les personnes recrutées sur la base de ces contrats dépendront-elles, à la sortie du dispositif, pour toucher l'équivalent du chômage ? De l'Etat ou des ASSEDIC ? Cotiseront-elles ? Une circulaire définira-t-elle des catégories ? Chaque établissement pourra-t-il décider globalement pour les personnes qu'il embauchera ou pourra-t-il décider contrat par contrat ? Ainsi, les étudiants relèveraient de l'Etat et les non-étudiants des ASSEDIC ? J'irai encore plus loin que ce que j'ai précisé tout à l'heure. Avec de tels contrats, il suffit d'avoir vingt ans et le niveau du baccalauréat pour être recruté. Des demandeurs d'emploi pourront donc être recrutés pour trois ans, puis voir leur contrat renouvelé une fois. A quoi pourront-ils prétendre après six ans d'emploi précaire ? Si l'établissement n'a pas cotisé aux ASSEDIC, l'Etat versera leur prime de chômage dans les conditions que l'on connaît aujourd'hui, c'est-à-dire après deux ou trois mois d'attente. La précarité s'en trouvera aggravée. En revanche, s'ils dépendent des ASSEDIC, ils auront droit à toutes les garanties du système : retour à l'emploi et formation. Cette précision me semble donc fondamentale.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour présenter l'amendement n° 3026.
    M. Patrick Braouezec. Le groupe communiste s'oppose, comme l'ensemble de la communauté éducative, à la création de ce nouveau statut d'assistant d'éducation. Nous considérons qu'avec ce projet le Gouvernement masque le plus grand plan de licenciements de l'histoire de l'éducation nationale par la création d'emplois taillables et corvéables à merci.
    Ces contrats de droit public n'offrent que peu de garanties aux nouveaux salariés. Ils seront à la merci du bon vouloir des chefs d'établissements, n'ayant pour recours que la voie du tribunal administratif. Nous pensons qu'il aurait été souhaitable d'envisager de garder les aides-éducateurs en modifiant leur statut, en les intégrant à la fonction publique, tant leur apport au sein des établissements scolaires a été apprécié.
    De plus, il est important que l'Etat évalue ses politiques et sache reconnaître que, s'il a créé un besoin nouveau, il se doit de le pérenniser. L'attitude que vous adoptez est incompréhensible. Alors que vous avez, dans les établissements scolaires, des personnels qui sont impliqués dans les projets éducatifs, alors que ces jeunes gens et ces jeunes filles ont acquis une expérience, vous allez les « jeter » comme des moins que rien, et, dans le même temps, embaucher de nouveaux jeunes qu'il faudra former. Cette attitude est incompréhensible.
    Bien sûr, nous ne défendons pas le statu quo pour les aides-éducateurs. Nous voulons au contraire que leurs fonctions, leurs salaires et leur statut soient sécurisés. Mais nous n'arrivons pas à comprendre comment 16 000 assistants d'éducation vont remplacer 26 000 aides-éducateurs et surveillants.
    Monsieur le ministre, il faut, dans les établissements scolaires, davantage d'adultes, de médecins, d'infirmières, de psychologues, de conseillers d'orientation, de surveillants, d'aides-éducateurs, de personnel technique et administratif. Il faut une école ouverte sur la ville et sur la vie qui implique davantage les associations et les parents, une école ouverte dans laquelle un maillage de compétences et de solidarité prenne en charge l'enfant de manière individualisée. Ce n'est pas du tout ce que vous nous proposez.
    Pour atteindre ces objectifs, il ne faut pas un budget en régression ni une politique de démantèlement qui va fragiliser l'école, encore moins une cohorte de 16 000 supplétifs de l'éducation nationale qui, dans des conditions difficiles, devront accomplir un travail de plus en plus ingrat.
    C'est la raison pour laquelle je propose, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, de supprimer l'article 1er.
    M. le président. Sur les amendements n°s 1082 à 1093, 3006 et 3026 je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Tout ce qui vient d'être dit est assez surprenant. Chacun s'accorde à reconnaître ici qu'il était nécessaire de modifier ce statut pour obtenir un ensemble cohérent. Or c'est ce que propose le Gouvernement qui adresse un signal fort en créant ce nouveau statut de droit public.
    D'autre part, je tiens à rassurer certains de nos collègues, notamment M. Braouezec : il ne s'agit pas de supprimer les aides-éducateurs, bien au contraire. Permettez-moi, à ce propos, de rappeler que le précédent gouvernement avait reconnu par l'intermédiaire de son ministre de l'éducation, M. Jack Lang, que le dispositif des aides-éducateurs n'avait pas vocation à être maintenu. Nous, nous faisons le contraire, puisque nous maintenons le dispositif en dotant les jeunes qui en bénéficient d'un statut cohérent.
    Enfin, l'article 1er étant l'un des éléments fondamentaux de ce texte, il est bien sûr hors de question d'accepter sa suppression.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. J'ai bien entendu les objections qui ont été formulées à l'encontre de l'article 1er, qui est fondamental puisqu'il institue le dispositif. Si nos amendements nous permettent d'avoir un véritable débat sur le fond, ils auront leur utilité.
    Je suis d'accord avec vous sur un point important. En effet, comme le rappelait à l'instant le rapporteur, les emplois-jeunes avaient trouvé leur place dans le système éducatif et certaines des missions qu'ils remplissaient étaient utiles, je crois que chacun en convient, même si le dispositif n'était pas bon et avait rencontré, lors de sa mise en place, de vives oppositions - vous le rappeliez hier, monsieur Durand -, jusques et y compris dans le milieu syndical.
    M. Yves Durand. J'ai dit qu'un syndicat y était opposé. Tous les autres y étaient favorables !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Quelques syndicats, soit, ne relançons pas le débat. En tout cas, vous savez que ce dispositif avait suscité des oppositions et je crois que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il n'était pas raisonnable de revenir au statu quo ante.
    C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre en place un dispositif qui prend le relais de ces emplois-jeunes, dont M. le rapporteur vient d'ailleurs de rappeler que mon prédécesseur avait lui-même reconnu qu'il n'était de toute façon pas possible de les pérenniser en l'état. Nous avons donc décidé de créer un statut de contractuel de droit public. Je crois que l'amendement, défendu tout à l'heure par M. Braouezec, était à lui seul un hommage à cette décision, qui est bonne. Du reste, je crois que vous aurez beaucoup de mal à nous convaincre que ces agents de droit public bénéficieront de garanties moindres que celles des agents de droit privé.
    Je veux répondre très précisément à la question, en effet, importante, que vous avez posée sur les indemnités de chômage, madame Billard. Je ne comprends pas bien votre inquiétude, puisque tous les contractuels, qu'ils soient de droit privé ou de droit public, ont droit à ces indemnités.
    M. Bernard Accoyer. Bien sûr!
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'était le cas des MI-SE. En l'occurrence, l'Etat était son propre assureur,...
    Mme Martine Billard. Ce n'est pas la même chose !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... mais on peut choisir un autre système, celui de l'affiliation aux ASSEDIC, qui ne change rien pour les jeunes.
    Mme Martine Billard. Si !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Pour nous, c'est le meilleur, car c'est le plus facile à gérer pour l'éducation nationale. Je vous réponds donc très simplement : c'est celui que nous choisirons.
    Mais ce que je ne comprends pas - pardonnez-moi d'être juste un tout petit peu critique sur ce point -, c'est comment vous pouvez soulever cette question alors que les seuls contractuels que l'on avait « oubliés », c'étaient précisément les emplois-jeunes, sur ce sujet, puisque, vous le savez, on avait tout simplement oublié de prévoir les indemnités de chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous le dis très calmement et sans vouloir polémiquer.
    M. Bernard Accoyer. Merci de le rappeler !
    Mme Martine Billard. Vous pourriez peut-être recommencer ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il n'y a pas de danger que l'on recommence,..
    M. Yves Durand. En effet, puisque vous les avez supprimés !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... je crois qu'on a compris le film.
    Même si vous soulignez à juste titre - et je n'en ai jamais disconvenu, car cela va de soi - que le nombre des recrutements ne sera pas égal au nombre total des emplois-jeunes et des MI-SE en 2002, je le reconnais bien volontiers...
    M. Alain Néri. Ce serait difficile de ne pas le reconnaître !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... ce qui est essentiel pour moi, c'est que le dispositif de l'assistance à l'éducation, le principe de l'assistance à l'éducation soit pérennisé, que l'on ne revienne pas cinq ans en arrière. Je pense que c'est très important. Et à partir du moment où les difficultés budgétaires actuelles, que vous connaissez comme moi, seront levées, il est évident que mes successeurs pourront faire monter le dispositif en tant que de besoin et au fur et à mesure qu'on aura les moyens de le faire.
    J'ajoute que de toute façon, le meilleur moyen qu'il y ait encore moins de jeunes adultes dans les établissements, ce serait de ne pas voter l'article 1er.
    M. Yves Durand. Je demande la parole, monsieur le président.
    M. le président. Nous sommes dans un débat, monsieur Durand. Je vous donne donc bien volontiers la parole.
    Mais faites court, monsieur Durand.
    M. Yves Durand. Je ferai très court, vraiment très court. Nous ne sommes pas là pour faire de l'obstruction, je vous l'ai dit dès le début, monsieur le président. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
    M. le président. C'est un débat, mes chers collègues. Laissez M. Durand parler.
    M. Yves Durand. ... mais pour avoir un débat. Des questions extrêmement précises ont été posées sur ce point, qui est effectivement fondamental, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre. Cet article 1er est l'article fondateur de votre projet de loi. S'il était supprimé, ce qui serait à mon avis une bonne chose, l'ensemble de cet édifice par ailleurs fragile s'écroulerait. C'est dire que le sujet est d'importance.
    Des questions très précises ont été posées, donc, par Mme Billard et par M. Le Garrec - qui a clarifié le clair-obscur -, notamment sur ce problème du recours au tribunal administratif. C'est le tribunal administratif qui appréciera, c'est vrai, mais moi je vous ai posé une question précise : un tribunal administatif mettra plus de trois ans à examiner un recours, alors que le contrat, s'il n'est pas renouvelé - et il est fort possible qu'il ne le soit pas -, s'arrêtera au bout de ces trois ans. Il y a là une question précise, qui touche à la nature même de ce contrat que vous instituez. Or, monsieur le ministre, vous n'avez pas vraiment répondu sur ce point. Voilà pourquoi - mais c'est bien sûr vous, monsieur le président, qui avez toute latitude pour présider -, je souhaiterais, pour examiner ce point particulier, pouvoir réunir mon groupe et donc bénéficier d'une courte suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela dit, je sais, monsieur le président, que le scrutin a été annoncé dans le palais.
    M. le président. Le scrutin ayant été annoncé dans le palais, en effet, je ne peux pas suspendre.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 1082 à 1093, 3006 et 3026.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   91
Nombre de suffrages exprimés   91
Majorité absolue   46
Pour l'adoption   24
Contre   67

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)
    M. le président. Le groupe socialiste a demandé une suspension de séance. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour dix minutes.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Mes chers collègues, nous allons maintenant examiner plusieurs séries d'amendements identiques présentés par des membres du groupe socialiste. Pour des raisons que chacun comprendra, les liasses qui vous seront distribuées ne comprendront que le premier amendement de chaque série. J'ai voulu éviter que l'on imprime des masses de papier. Tout cela coûte très cher et c'est du travail inutile. Mais il va de soi que j'inviterai chacun des auteurs, s'il le souhaite, à défendre son amendement, dans les conditions réglementaires habituelles.

Avant l'article 2

    M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques ainsi libellés :
    « Avant l'article 2, insérer l'article suivant : Le code de l'éducation (livre Ier) est complété par un article L. 121-1-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 121-1-1. - Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur doivent permettre à chaque jeune d'accéder à la connaissance et de manière indissociable à la citoyenneté. »
    Les amendements, n°s 2 à 13, ont été respectivement présentés par M. Durand ; M. Ayrault ; M. Néri ; M. Roy ; Mme Génisson ; M. Lurel ; Mme Mignon ; M. Renucci ; Mme Carrillon-Couvreur ; M. Gorce ; M. Masse et M. Blazy.
    La parole est à M. Yves Durand, pour soutenir l'amendement n° 2.
    M. Yves Durand. Je rappelle que l'article 2 porte à la fois sur le recrutement - nous y reviendrons - et sur les missions, les fonctions des assistants d'éducation, lesquelles, comme beaucoup d'entre nous l'ont dit hier dans la discussion générale, restent floues, vagues et pour tout dire inexistantes.
    Ce que nous souhaitons, avant d'aborder l'article 2, et puisque le principe des assistants d'éducation peut être discuté après le vote de l'article 1er, c'est d'essayer de donner un peu de corps, monsieur le ministre, à votre texte, de lui donner un peu de contenu. Par conséquent, je ne doute pas que vous serez attentif à ces amendements et qu'ils emporteront même votre accord.
    Que dit mon amendement ? Il dit que « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur doivent permettre à chaque jeune d'accéder à la connaissance et de manière indissociable à la citoyenneté ». On peut penser qu'il s'agit là d'un pur amendement de principe. Ce n'est pas le cas. Car jamais, dans le texte de votre projet de loi, il n'est fait mention de la mission éducative des assistants d'éducation. Votre texte est très flou, ce qui peut faire craindre, je reprends l'expression et je m'en excuse, que les assistants d'éducation pourraient devenir les « bonnes à tout faire » de l'éducation nationale.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. C'est un terme malheureux.
    M. Yves Durand. J'ai été le premier à utiliser cette expression, je n'ai pas été le dernier. C'est qu'il y a vraiment une crainte. Et cette crainte, il serait bon de la lever en affirmant que les assistants d'éducation - comme l'école en général, et comme l'ensemble de l'équipe éducative - participent à une éducation à la citoyenneté. Celle-ci se fait bien sûr par le livre, par l'enseignement lui-même - il y a des cours d'instruction civique -, mais elle se fait également par l'éducation du comportement.
    L'une des missions essentielles des aides-éducateurs, et également des MI-SE, notamment les maîtres d'internat, était justement l'éducation au comportement civique, au vivre-ensemble, à la tolérance, au respect que les élèves doivent avoir pour les autres élèves comme pour les enseignants et l'équipe éducative. Ces jeunes étaient d'ailleurs souvent l'interface entre les adultes à proprement parler que sont les enseignants et les élèves. Leur rôle était extrêmement important, non pas, bien entendu, monsieur le ministre, dans la transmission des savoirs, qui relève des enseignants, mais dans l'éducation à la citoyenneté.
    En effet, nul n'a jamais prétendu que les aides éducateurs, les surveillants, ou demain vos assistants d'éducation - tout au moins, je l'espère -, puissent se substituer aux enseignants, qui ont seuls la formation pour transmettre les connaissances.
    Mais à côté de la transmission des connaissances, le rôle de jeunes gens qui ne sont pas encore tout à fait des adultes mais plus des adolescents est d'une importance considérable, d'autant plus que nombre de jeunes connaissent aujourd'hui, dans les établissements, des difficultés d'intégration ou peinent à trouver leur voie dans la vie professionnelle et sociale. C'est ce que nous voulons rappeler avec l'énoncé du principe inscrit dans notre amendement, qui, appliqué dans le cadre des établissements, donnera plus de clarté à la mission de vos assistants d'éducation.
    Voilà pourquoi je souhaite voir l'Assemblée adopter cet amendement.
    M. le président. La parole est M. Alain Néri, pour soutenir l'amendement n° 4 et l'amendement n° 3 de M. Ayrault.
    M. Jean-Marc Ayrault. Je fais en effet confiance à M. Néri, pour soutenir mon amendement.
    M. Alain Néri. Que l'on me permette de faire un peu d'histoire. Lorsque Jules Ferry a créé l'école publique, l'école de la République, il avait comme perspective l'instruction publique. A l'époque, d'ailleurs, on ne parlait pas de ministère de l'éducation nationale, mais de ministère de l'instruction publique. Nos prédécesseurs s'étaient rendu compte de la nécessité de faire accéder l'ensemble des citoyens à la connaissance pour aller vers l'égalité et pour faire en sorte que l'école soit effectivement le creuset de la République.
    M. Jean-Marc Ayrault. Très bien !
    M. Alain Néri. Puis, les choses ont peu à peu changé. On s'est aperçu que parler d'instruction publique n'était plus suffisant, que l'instruction publique n'était qu'une partie de l'éducation. On s'est rendu compte que, à côté de la transmission des connaissances, il y avait tout ce qui permettait à la communauté nationale de vivre en harmonie et de marcher vers le progrès.
    C'est ainsi que nous sommes passés à l'éducation nationale. J'insiste sur l'adjectif « nationale » car, il y a quelques années, ce ministère est devenu simplement le « ministère de l'éducation ». Si un pouvoir régalien doit s'exercer, c'est bien dans le cadre de l'éducation. Et cela renvoie au problème évoqué récemment d'une éventuelle décentralisation. Pour ce qui nous concerne, nous sommes attachés à l'éducation nationale et à son unicité. Il ne saurait être question pour nous d'une quelconque décentralisation, tant pour les programmes que pour les personnels. Peut-on imaginer que le diplôme passé à Marseille n'ait pas la même qualité ou la même valeur que celui obtenu à Paris, à Lille ou à Clermont-Ferrand ?
    Nous sommes attachés au maintien et au développement de cette éducation générale, qui permet à tous les petits Français de devenir des citoyens, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, qui leur donne les mêmes possibilités d'accéder à la culture et à l'éducation et, par là même, de tenir toute leur place dans la société et de participer ainsi au développement et à l'avenir de la France et de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Néri, vous rendez hommage à Jules Ferry, et vous avez raison. Mais n'oubliez pas Victor Duruy, qui a beaucoup oeuvré pour l'éducation des jeunes filles.
    M. Yves Durand. Tout à fait !
    M. le président. J'ai beaucoup d'admiration pour Jules Ferry, mais j'en ai aussi beaucoup pour Victor Duruy. (Applaudissements.)
    M. Alain Néri. Vous avez tout à fait raison raison, monsieur le président. Nous rendrons aussi hommage à Victor Duruy, et à quelques autres...
    M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour défendre l'amendement n° 5.
    M. Patrick Roy. Il s'agit d'un amendement qui me paraît consensuel.
    Tout le monde sait ici que la vraie force d'un pays, c'est d'abord son école et non son armée ; il n'est pas inutile de le rappeler en cette période troublée. Par conséquent, ce qui fait la force de la France, c'est son école : c'est elle qui lui permet de se doter d'hommes et de femmes capables d'appliquer, d'imaginer, d'entreprendre, voire parfois de s'opposer à des décisions malheureuses.
    Par définition, l'école doit donc être l'objet de toutes les attentions du pays. Or nous sommes inquiets de voir qu'elle n'est plus la priorité du Gouvernement de la France, qui s'engage ainsi sur une voie dangereuse.
    Notre République s'est fondée sur l'école de la République, dont Jules Ferry a été l'un des créateurs, mais pas le seul comme cela vient d'être rappelé. Notre République, qui regroupe des gens qui ont des opinions différentes, mais qui se respectent et qui veulent agir pour le bien collectif, a pour creuset l'école.
    L'école républicaine a un bon bilan aujourd'hui, les deux tiers d'une génération obtiennent le baccalauréat et la plupart des bacheliers accèdent aux études supérieures, même si, comme je l'ai rappelé hier, il existe encore une inégalité d'accès aux grandes formations prestigieuses.
    Cet amendement vise donc à rappeler que la mission des futurs assistants d'éducation est bien une mission éducative d'accompagnement du personnel qualifié qui est chargé de l'enseignement.
    Un point me paraît essentiel. L'école est certes là pour apporter des connaissances nouvelles et pour transmettre les savoirs. Mais il est évident qu'elle est aussi devenue aujourd'hui le creuset principal de la citoyenneté. Il faut le rappeler parce que c'est là son autre mission, et je mets celle-ci sur le même plan que la simple transmission des savoirs. La citoyenneté se construit à l'école. L'école doit apprendre aux jeunes Français et aux jeunes Françaises qu'il est important de pouvoir dialoguer, comme nous le faisons dans cet hémicycle : certes, nous avons des idées différentes, mais nous nous parlons et nous sommes capables de nous écouter, voire de nous entendre. L'école doit apprendre le respect des autres et de leurs opinions et à être à l'écoute de ceux qui sont de cultures différentes.
    Apprendre aux jeunes la citoyenneté, c'est leur apprendre qu'ils doivent s'engager, que rien ne se fera sans eux, et que ce n'est pas en déléguant à d'autres le pouvoir de décider et d'agir que le pays progressera. Chacun doit être convaincu qu'il a une action à mener, quelle qu'elle soit, et qu'il doit participer au mouvement collectif.
    L'amendement n° 5 est important parce qu'il rappelle que l'apprentissage de l'exercice de la citoyenneté est aujourd'hui l'autre mission essentielle de l'école, à côté de la transmission des savoirs.
    Enfin, après Alain Néri, je voudrais rappeler avec force que l'éducation doit être nationale, et que l'on doit être extrêmement attaché à ce caractère. Si l'on s'engageait un jour dans la voie d'un démantèlement du service public de l'éducation nationale et c'est une de nos craintes actuelles -, la mission essentielle de l'école disparaîtrait.
    M. le président. Avant de donner la parole à Mme Catherine Génisson, pour défendre l'amendement n° 6, je voudrais rappeler que c'est Victor Duruy qui imposa à chaque commune de France la création d'une école de filles comme la loi Guizot y avait imposé la création d'une école de garçons. Je suis heureux d'avoir rendu hommage à Victor Duruy (Applaudissements) et je donne la parole à Mme Catherine Génisson, pour soutenir l'amendement n° 6.
    Mme Catherine Génisson. En ce qui me concerne, j'ai fait mes études primaires à l'école annexe de Douai, et j'en suis très fière. C'était effectivement à l'époque une école de filles,...
    M. Patrick Roy. Une très bonne école, que je connais !
    Mme Catherine Génisson. ... une très bonne école même.
    En permettant l'apprentissage des connaissances, l'école rend possible l'émancipation, la formation de la personnalité, l'attention aux autres, le désir de vivre ensemble, le respect des règles de vie dans la cité et la participation à cette vie. Tel est le fondement même de l'école républicaine que nous défendons tous. L'amendement que je défends tend à le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour défendre l'amendement n° 7 de M. Lurel.
    M. Louis-Joseph Manscour. Victorin Lurel comptait, comme moi, défendre haut et fort la sauvegarde des principes de l'éducation nationale, mais il a dû se rendre en Guadeloupe. C'est pourquoi je vais soutenir son amendement en son nom.
    Si les Antilles ont Aimé Césaire, Patrick Chamoiseau, Maryse Condé et bien d'autres, c'est grâce à l'école de la République. Malgré l'éloignement - la distance entre nos îles et la métropole est de 7 000 kilomètres - malgré la colonisation, l'école leur a permis de devenir ce qu'ils sont. Aimé Césaire a d'ailleurs siégé cinquante ans ici, et je tenais à lui rendre hommage. C'est grâce à l'école qu'ils ont pu s'exprimer convenablement, et nous également.
    C'est pourquoi nous ne comprenons pas comment un philosophe apprécié par de nombreux étudiants a pu en quelques mois se métamorphoser, aux yeux de beaucoup, en un ministre aussi contesté !
    M. Yves Durand. D'ailleurs, ça nous fait de la peine ! (Sourires.)
    M. Louis-Joseph Manscour. Je le dis avec d'autant plus d'émotion que ce projet de loi a soulevé un vif émoi dans la grande famille antillaise de l'éducation nationale. En proposant la création d'assistants d'éducation, vous dérogez au sacro-saint principe du droit français selon lequel toute personne exerçant à temps plein une mission permanente de l'administration est un fonctionnaire. Vous créez une nouvelle catégorie d'agents non titulaires de l'administration, donc un nouveau facteur de précarisation de l'emploi.
    Monsieur le ministre, je tiens, au nom de Victorin Lurel, à appeler votre attention sur les conséquences qu'aurait l'application de votre projet de loi dans les départements d'outre-mer et particulièrement pour la Guadeloupe et la Martinique. Vous vous proposez de créer dans ces deux îles moins de 200 postes d'assistants en remplacement d'une centaine de postes de MI-SE et de plus de 900 postes d'aides éducateurs. Alors que le nombre des postes affectés à la surveillance des établissements d'enseignement public diminuera déjà de 40 % en métropole, il diminuera de 80 % chez nous !
    M. Patrick Roy. En effet !
    M. Yves Durand. C'est scandaleux !
    M. Louis-Joseph Manscour. Une fois de plus, les départements d'outre-mer, déjà défavorisés, paieront le prix le plus fort. C'est inadmissible !
    En vérité, monsieur le ministre, votre réforme provoquera une nouvelle régression sociale, en métropole certainement, mais beaucoup plus encore dans les départements d'outre-mer.
    En démocratie, toutes les options politiques sont légitimes : d'un côté, il y a les options conservatrices et libérales ; de l'autre, les options sociales et progressistes. Vous avez choisi votre camp ; nous avons choisi le nôtre : nous oeuvrons pour la mise en oeuvre d'une politique créatrice d'emplois et de promotion sociale.
    Monsieur le ministre de l'éducation nationale, en voulant supprimer ceux qu'on appelle communément « les pions », certains membres du Gouvernement ne souhaitent-ils pas faire de vous un pion sur l'échiquier des mesures impopulaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Simon Renucci, pour défendre son amendement n° 9 ainsi que l'amendement n° 8 de Mme Hélène Mignon.
    M. Simon Renucci. Quel plus important débat que celui de l'éducation ? Quel plus fort enjeu pour nous, représentants du peuple, que d'offrir à nos enfants les moyens les plus appropriés à leur épanouissement personnel ?
    La mission éducative doit être pour les assistants d'éducation une mission d'accompagnement dans l'enseignement, mais aussi dans l'apprentissage de l'exercice de la citoyenneté. La citoyenneté se construit dans la vie, mais elle se construit surtout à l'école, dans la mesure où celle-ci est un lieu de tolérance et doit le demeurer, un lieu d'apprentissage du respect des autres, de la vie en communauté, mais aussi un lieu d'apprentissage des diverses cultures afin de mieux les respecter. Dès l'école, il faut apprendre à nos enfants à devenir des citoyens qui soient respectueux des autres, mais aussi de la liberté des autres.
    La défense de la diversité dans la liberté pose de façon indirecte, s'agissant de ces assistants d'éducation, dont les missions sont mal définies et la formation non précisée, la question de leur appartenance à tel ou tel groupe social, c'est-à-dire à tel ou tel groupe de population. S'il s'agit de jeunes ayant pour mission de transmettre ou de partager des valeurs avec d'autres jeunes moins âgés, cela peut se comprendre. S'il s'agit, à l'instar de ce qui se fait outre-Atlantique, de faire encadrer de jeunes enfant, par des mamies, cela relève d'une option teintée de libéralisme que nous respectons mais que nous ne partageons pas car elle permet pas de répondre aux difficultés de l'avenir, de constituer une vision d'avenir.
    Finalement, les jeunes retiendront que vous avez un regard dirigé ailleurs que vers leurs préoccupations d'avenir. Or on ne construit pas l'avenir contre les jeunes ou sans eux. Pour le construire, il faut faire une place particulière aux jeunes : c'est ce que permettaient les emplois-jeunes, qui ont été tant galvaudés, mais dont on finira certainement par reconnaître le mérite.
    Quand nous disons « cohérence », vous dites « cohérence ». Quand nous disons « partage », vous dites « partage ». Quand nous disons « avenir », vous dites « avenir ». Mais regardons-nous dans la même direction ?
    Ce qui me choque le plus, c'est que, en dépit de nos appels, nous n'entendons pas de réponse constructive quant à l'avenir de ces jeunes, en particulier de ceux qui ont été embarqués dans les emplois-jeunes...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Dans cette galère !
    M. Guy Geoffroy. Un bateau ivre !
    M. Simon Renucci. Oui, ils y ont été embarqués et on leur a bien dit que ce serait pour cinq ans, pas plus. Qu'en sera-t-il dans cinq ans de vos projets, qui tournent le dos aux jeunes ?
    Les emplois-jeunes étaient une tentative, pour une tranche d'âge, pendant cinq ans, d'apporter le confort d'un emploi et une bouffée d'oxygène. On ne peut répondre à une souffrance par une autre souffrance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre les amendements n°s 10 et 11.
    M. Gaëtan Gorce. La solidarité nivernaise me conduira en effet à défendre mon amendement n° 11 et l'amendement n° 10 de Mme Carrillon-Couvreur.
    Monsieur le ministre, il y a manifestement un malaise dans l'éducation nationale. Ce malaise s'est traduit ces derniers mois par différentes initiatives, non sur le terrain politique mais sur le terrain syndical : protestations des organisations, grèves, manifestations.
    Pour que notre école soit efficace, il faut que les enseignants soient motivés et que l'ensemble de ceux qui concourent au fonctionnement de l'école de la République se sentent mobilisés pour les tâches qui leur sont confiées. Mais aujourd'hui, il y a un doute, un malaise, dont nos amendements témoignent pour une part.
    Comment ne pas voir que les réductions budgétaires, avec la suppression des emplois-jeunes, mettent en péril un certain nombre d'initiatives telles que les classes APAC, les classes à projets artistiques et culturels ? Dans mon département, plusieurs projets, sur lesquels de nombreux enseignants, parfois accompagnés par les parents d'élèves, s'étaient mobilisés, ont été condamnés car les sommes nécessaires - je sais bien que l'on peut par la suite se retourner vers les collectivités locales -, qui peuvent ne pas paraître très importantes vues de Paris, n'ont pas été rassemblées. Ce type de situation casse la dynamique, met fin à la volonté d'ouverture et inhibe toute mobilisation.
    Nos amendements appellent l'attention sur le fait que la politique qui est menée par le Gouvernement et sur laquelle l'Assemblée nationale est amenée à se prononcer doit stimuler les énergies, les initiatives et les volontés, créer une dynamique en faveur de l'école. Or c'est malheureusement le contraire que nous déplorons aujourd'hui.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Masse, pour soutenir les amendements n°s 12 et 13.
    M. Christophe Masse. L'article 1er a été voté. Nous l'avons combattu et essayé d'engager le débat.
    Il s'agit maintenant de préciser les missions des assistants d'éducation, car le texte est à cet égard relativement flou.
    On a régulièrement rappelé que les équipes éducatives, dans un collège ou un lycée, devaient être soudées. Cette unité, cette solidarité doivent se manifester autant dans le savoir lui-même que dans les conditions d'accessibilité à ce savoir, ce que permettaient jusqu'à présent les aides-éducateurs.
    On ne peut passer sous silence le travail de médiation que devra accomplir, comme je l'espère, l'assistant d'éducation.
    M. Guy Geoffroy. Ce sera le cas !
    M. Christophe Masse. Dans le texte tel qu'il est rédigé, on fait malheureusement très peu référence aux ZEP. Ce sont des endroits que certains ici connaissent bien et c'est dans ces zones que le rôle de l'assistant d'éducation doit être le plus clairement défini.
    L'assistant d'éducation, c'est le grand frère, c'est celui qui aide les élèves à faire le soir leurs devoirs, c'est le copain du foot. Or ces missions diverses ne sont pas précisées, ni même clairement autorisées par le texte.
    Nous devons, en adoptant cet article additionnel avant l'article 2, joindre au savoir et à l'éducation tout ce qui touche à la philosophie de la citoyenneté et aux différents liens sociaux qui existent encore et qui doivent être préservés.
    J'invite donc l'Assemblée à adopter nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Toutes les explications que nous venons d'entendre sont sûrement très intéressantes, mais les amendements qui viennent d'être défendus n'ont pas de lien direct avec le projet de loi.
    M. Yves Durand. Mais si !
    Mme Catherine Génisson. Ils concernent les missions des assistants d'éducation !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Sur le fond, je rappellerai que les amendements sont satisfaits par les articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 121-1 du code de l'éducation, qui énoncent les missions et les objectifs du service public de l'éducation.
    En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
    M. le président. Monsieur le ministre, vous devez vous souvenir que Victor Duruy a été ministre de l'instruction publique pendant six ans. C'est ce que je nous souhaite en vous demandant de donner l'avis du Gouvernement.
    M. Guy Geoffroy. Nous aussi !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Trois ans renouvelables ! (Sourires.)
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Merci, monsieur le président, de vos aimables souhaits, qui me touchent beaucoup. Je vais essayer de tenir ce temps, mais ce sera probablement difficile.
    M. Alain Néri. A l'impossible, nul n'est tenu ! (Sourires.)
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En effet, et fort heureusement d'ailleurs !
    Sur le fond, nous nous retrouvons sur un certain nombre de points, que je voudrais énumérer avant de faire ressortir nos divergences.
    Nous sommes évidemment d'accord, du moins si je vous ai bien compris, sur le fait que les assistants d'éducation doivent avoir, non pas des missions d'enseignement à proprement parler, mais des missions éducatives. Cette distinction est importante et on peut accepter l'idée, au sens large, de missions éducatives dévolues aux assistants d'éducation, comme on l'avait acceptée pour les emplois-jeunes.
    En revanche et comme vous l'avez dit, monsieur Durand, il n'est pas question que les assistants d'éducation soient utilisés par les établissements pour se substituer aux enseignants eux-mêmes.
    Nous sommes également d'accord sur un deuxième point : il est clair que les tâches éducatives que pourront remplir les assistants d'éducation à l'avenir sont extrêmement importantes. La surveillance fait partie au sens large de l'éducation : il ne s'agit pas simplement d'une tâche policière, si je puis dire.
    M. Yves Durand. Surtout pas !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il est évident que, dans le cas des AVS, les aides à la vie scolaire, il s'agit d'une tâche éducative éminente. Mais il en va de même, ainsi que l'a rappelé M. Patrick Roy, lorsqu'il y va de la lutte contre la « fracture digitale », c'est-à-dire contre ces distinctions qui s'introduisent entre les élèves selon qu'ils ont ou non un ordinateur chez eux.
    Les assistants d'éducation auront donc à assurer ce type de tâche.
    Troisième point sur lequel nous nous retrouvons, probablement le plus important : nous sommes les uns et les autres attachés au service public et notamment à l'idée que les diplômes, les programmes, la définition des voies de formation doivent demeurer dans le giron de l'Etat. Il s'agit là de missions d'intérêt national, qui ne doivent pas être privatisées, qui ne doivent pas être marchandisées. Nous restons attachés à la tradition républicaine du service public.
    J'en viens au point de divergence. Ce point mériterait d'ailleurs que nous poursuivions la discussion entre nous.
    Pendant un peu plus de deux siècles - c'était l'héritage de la grande Révolution française - on a conçu les missions de l'école républicaine à partir de l'idée que les enfants étaient avant tout des élèves. On a évoqué à ce propos les noms prestigieux de Victor Duruy, de Jules Ferry, et d'Aimé Césaire, pour qui j'ai une affection particulière et avec qui j'ai eu la chance de passer quelques heures en tête-à-tête, au mois de décembre dernier, communiant tous deux dans cette idée républicaine. On aurait également pu citer Victor-Hugo.
    On voulait « élever » les enfants. On voulait qu'ils deviennent autres que ce qu'ils étaient à l'origine. Là résidait la mission d'égalisation des conditions, la mission d'« élévation » à proprement parler, qui fondait l'idée même d'une citoyenneté républicaine.
    Voilà pourquoi je me retrouve assez volontiers dans la formulation des amendements. Mais ces derniers trouvaient mieux leur place dans le cadre d'une discussion de la loi d'orientation de 1989, que je vous proposerai au mois de juin.
    La loi de 1989, a, par certains de ses aspects - pas tous, fort heureusement -, mis l'accent, notamment se référant à des « élèves au centre du système », sur l'idée que la mission de l'éducation n'était pas tant de faire en sorte que les élèves deviennent à l'arrivée autres que ce qu'ils étaient au départ, que d'épanouir la personnalité de chaque élève et de travailler à cet épanouissement en termes quasi psychologiques. C'est le grand défaut de cette loi d'orientation, dont nous pourrions discuter car il ne s'agit de rien de moins que de la conception républicaine de l'école.
    Nous nous accordons sur les missions des assistants d'éducation, mais je vous propose de garder vos amendements à l'esprit et de les évoquer de nouveau lors de notre débat du mois de juin, dans la perspective de la discussion d'une révision de la loi d'orientation de 1989, dont l'année prochaine sera vraisemblablement l'occasion.
    J'appelle donc l'Assemblée à rejeter les amendements identiques.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2 à 13.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous propose d'interrompre nos travaux, que nous reprendrons ce soir, tranquillement et sereinement.
    La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 640, relatif aux assistants d'éducation :
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 694).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 26 mars 2003
SCRUTIN (n° 135)


sur les amendements n° 1082 de M. Durand, n° 1083 de M. Ayrault, n° 1084 de M. Néri, n° 1085 de M. Roy, n° 1086 de Mme Génisson, n° 1087 de M. Lurel, n° 1088 de Mme Mignon, n° 1089 de M. Renucci, n° 1090 de Mme Carillon-Couvreur, n° 1091 de M. Gorce, n° 1092 de M. Masse, n° 1093 de M. Blazy, n° 3006 de Mme Billard et n° 3026 de M. Braouezec tendant à supprimer l'article premier du projet de loi relatif aux assistants d'éducation.

Nombre de votants

91


Nombre de suffrages exprimés

91


Majorité absolue

46


Pour l'adoption

24


Contre

67

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe UMP (363) :
    Contre : 67 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 21 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Pour : 1. - Mme Martine Billard.