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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 4 AVRIL 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 3 avril 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

1.  Répression de l'activité de mercenaire. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
M. Marc Joulaud, rapporteur de la commission de la défense.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Frédéric Dutoit,
Axel Poniatowski,
Paul Quilès,
Francis Hillmeyer,
Eric Diard.
Clôture de la discussion générale.

Article unique. - Adoption «...»

Mme la ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Urbanisme, habitat et construction. - Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi «...».
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

M.
Jean-Pierre Grand,
Mme
Odile Saugues,
MM.
Philippe Folliot,
Patrick Braouezec,
Robert Lecou,
Jean-Yves Le Bouillonnec,
Pierre Morel-A-L'Huissier.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er A «...»

Amendement n° 8 de la commission des affaires économiques : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 1er A modifié.

Article 1er B «...»

Amendement de suppression n° 110 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 65 de M. Boisserie : MM. François Brottes, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article 1er B.

Article 1er. - Adoption «...»
Article 1er bis A «...»

MM. Daniel Garrigue, le ministre.
Adoption de l'article 1er bis A.

Articles 1er bis B et 1er quater. - Adoptions «...»
Article 1er quinquies «...»

Amendement n° 67 de M. Michel : MM. François Brottes, le président, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 1er quinquies.

Après l'article 1er quinquies «...»

Amendement n° 9 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 92 de M. Meyer : MM. Jean-Pierre Grand, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 2. - Adoption «...»
Après l'article 2 «...»

Amendement n° 39 de M. Tourtelier : MM. Philippe Tourtelier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 64 rectifié de M. Dionis du Séjour : MM. Jean Dionis du Séjour, le rapporteur, le ministre, François Brottes, Hervé Mariton, Philippe Tourtelier, Philippe Folliot, Daniel Garrigue. - Adoption.
M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

répression de l'activité de mercenaire

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la répression de l'activité de mercenaire (n°s 607, 671).
    La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, pendant des siècles, l'emploi de mercenaires fit partie des pratiques ordinaires des Etats. En France même, ce fut seulement la révolution de 1830 qui mit fin à cette pratique, avec le licenciement des derniers régiments suisses. Cependant, ce phénomène n'a pas disparu dans le monde entier. Il est favorisé par deux faits : d'une part, la fin de la guerre froide, qui a fait disparaître ou s'éloigner un certain contrôle des rivalités entre Etats, et par conséquent la surveillance de ces Etats, et, d'autre part, le changement d'attitude des principales institutions financières à l'égard des pays en voie de développement, la montée de certains mécontentements sociaux étant parfois exploitée par des groupes utilisant des mercenaires.
    L'Afrique, continent auquel la France porte une attention constante, souffre tout particulièrement de cette pratique ; la guerre qui déchire aujourd'hui la Côte d'Ivoire en est malheureusement une illustration tragique.
    La France se devait de réagir contre le développement du mercenariat en se dotant d'une législation équilibrée.
    Le mercenariat est un phénomène dangereux, qui contribue à pérenniser des situations de crise dans les Etats les plus fragiles. De véritables entreprises de guerre, souvent d'origine anglo-saxonne, ont, sur ce terreau, pu apparaître et fructifier. Elles fournissent à des Etats à la dérive des produits guerriers « clés en main » et à des oppositions peu soucieuses du respect des procédures légales les moyens de parvenir à leurs fins. Il est à noter, d'ailleurs, qu'il ne s'agit plus du mercenariat traditionnel, individuel, mais de véritables entreprises commerciales, d'autant plus redoutables qu'elles disposent de moyens importants.
    La France doit à son engagement pour la stabilité et la paix, à son engagement particulier à l'égard de l'ensemble du continent africain, à sa réputation morale aussi, de lutter contre le mercenariat. La crédibilité de notre pays est en jeu. Mais les affirmations politiques doivent être assorties de mesures juridiques adaptées, et de ce point de vue, nous souhaitons appronfondir ce phénomène d'une façon à la fois mesurée et réaliste.
    Parlons clair : tout Etat a le droit de se défendre et le devoir de protéger ses citoyens. S'il n'a pas les moyens militaires de le faire par lui-même, il doit avoir la possibilité de recruter à cet effet les personnels nécessaires pour conforter son assise. Il est d'ailleurs d'usage dans toutes les grandes nations militaires - dont la France - de fournir aux pays alliés l'assistance qu'ils requièrent pour former, encadrer et assister leurs armées. Il n'est pas question de remettre en cause cet usage. Mais il convient de sanctionner les excès du mercenariat en encadrant sa pratique.
    Vous me répondrez que la convention internationale du 4 décembre 1989 est précisément destinée à sanctionner le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires. Mais elle ne nous paraît pas suffisamment équilibrée et la France ne l'a pas ratifiée. Elle condamne en effet toute participation à un conflit armé et donne une définition du mercenaire trop imprécise : tout Français présent dans un pays en conflit et servant aux côtés d'une des forces antagonistes, sous quelque forme que ce soit, pourrait être qualifié de mercenaire. De plus, la règle de la compétence universelle instituée par cette convention permettrait à des Etats parties à ce texte, bien qu'étrangers au conflit, de juger des Français pour faits de mercenariat. Ainsi, il nous semble que les droits de nos ressortissants se trouveraient insuffisamment garantis.
    Il convient donc d'adopter un dispositif équilibré, répondant à la complexité du phénomène du mercenariat.
    L'objet de ce projet de loi est d'instituer une incrimination à la fois rigoureuse dans ses éléments constitutifs, et large dans son champ d'application.
    Cela suppose en premier lieu une définition précise du mercenariat.
    Seule sera prise en compte la participation directe à des hostilités. Sont donc exclus la formation, la préparation et l'entraînement.
    Ne seront concernées que les personnes directement recrutées à cet effet et qui comptent sur un avantage personnel ou une rémunération importante, c'est-à-dire très disproportionnée par rapport aux rémunérations des armées régulières.
    De même, ne pourront être poursuivis ni les ressortissants d'un Etat partie au conflit, ni les membres des forces armées de cet Etat, ni les personnes envoyées en mission auprès d'une des parties au conflit. Des Français en mission dans un pays en guerre à des fins autres que la participation directe aux hostilités ne tomberaient donc pas sous le coup du texte.
    Ce projet de loi permettra également de faire face à des situations plus larges. En particulier, les conflits internationaux ne sont pas les seuls visés. En effet, les mercenaires sont de plus en plus fréquemment employés dans des conflits internes ou dans des situations de violence destinées à renverser les institutions ou à porter atteinte à l'intégralité territoriale des Etats ; nous le constatons régulièrement.
    Les activités répréhensibles ne concerneront pas les seuls mercenaires. L'organisation du mercenariat, sa direction, son recrutement, son financement tomberont également sous le coup de la loi. Le texte ne s'en tient donc pas à la répression des seules personnes.
    Outre les Français, seront susceptibles d'être poursuivis les étrangers résidant habituellement en France et se livrant à ce type d'activité.
    Enfin, l'évolution des pratiques du mercenariat nous conduit à estimer insuffisante la seule incrimination des personnes physiques. C'est la raison pour laquelle le projet inclut aussi la possibilité de poursuivre les personnes morales, les organisations et les sociétés, souvent d'origine anglo-saxonne.
    De nombreux pays amis, principalement africains, voient leur situation aggravée par l'activité des mercenaires. Nous nous devions de répondre à cette situation, de contribuer à réprimer une activité qui leur fait tort, perturbe les équilibres internes des Etats et pérennise les conflits. Ce projet de loi, dans sa détermination comme dans sa mesure, répond à cet objectif. Il comble également une lacune de notre législation.
    Ce texte, pour des raisons de calendrier, a d'abord été présenté au Sénat, qui l'a adopté à l'unanimité. Je ne doute pas qu'il suscitera également l'approbation de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.
    M. Marc Joulaud, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaire vise à caractériser et à réprimer dans le droit français l'action armée conduite par des mercenaires.
    La clarté des débats relatifs au mercenariat souffre toutefois d'une confusion entre l'acception actuelle du terme de mercenaire, très péjorative et l'acception traditionnelle, qui désigne tout simplement un militaire de nationalité étrangère, payé pour son travail, à qui rien ne permet de dénier a priori les valeurs morales du combattant.
    Aujourd'hui, la Légion étrangère française ou les Gurkhas britanniques sont des unités composées d'étrangers, dont la qualité est reconnue et estimée par tous. A l'inverse, les Etats ont traditionnellement admis que leurs ressortissants pourraient aller faire la guerre de leur propre initiative à l'étranger, non seulement pour de l'argent, mais aussi par idéal et par volonté d'engagement. Les combats pour l'indépendance de la Grèce dans les années 1820, ceux de la guerre civile en Espagne, de 1936 à 1939, sont des exemples connus.
    Les législations actuelles relatives à l'action militaire privée à l'étranger sont d'un grand libéralisme. En France, la principale disposition est celle de l'article 23-8 du code civil. Elle fait de l'activité militaire à l'étranger de chaque Français une activité libre, sous réserve d'un droit du Gouvernement à lui enjoindre de l'interrompre. Ainsi, le Français qui refuse de déférer à cette injonction encourt le risque, non pas de subir une sanction pénale, mais de perdre sa nationalité.
    La lutte contre le mercenariat s'est d'abord traduite par l'élaboration de conventions internationales, comme vous l'avez rappelé, madame le ministre.
    Le protocole I du 8 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 et relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux établit un statut juridique international du mercenaire. Celui-ci est ainsi exclu du statut de combattant régulier et donc des protections internationales garanties par ce statut aux prisonniers de guerre.
    Cependant, la définition juridique du mercenaire dans ce protocole est extrêmement étroite et repose sur six critères cumulatifs. Il faut ainsi être spécialement recruté pour prendre part à un conflit armé ; participer directement aux hostilités ; obtenir de ce fait un avantage personnel important, notamment une rémunération matérielle ; n'être ni ressortissant d'une partie au conflit, ni résident d'un territoire qu'elle contrôle ; ne pas être membre des forces armées d'un belligérant ; ne pas avoir été envoyé en mission officielle par un Etat tiers.
    Ce protocole I a été ratifié par 161 Etats, dont la France.
    Le deuxième grand texte international est la convention du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, qui fait du mercenariat une infraction pénale et punit le recrutement, l'utilisation, le financement ou l'instruction de mercenaires.
    Cependant - et c'est une distinction majeure par rapport au texte précédent - le fait de prendre « une part directe aux hostilités » ne suffit pas à caractériser un mercenaire. La voie est en fait ouverte pour caractériser un certain nombre d'opérations comme activités de mercenariat, au risque d'étendre de façon indifférenciée la qualification de mercenaire aux techniciens de l'industrie de l'armement, aux dirigeants des sociétés de ce secteur, voire aux dirigeants des Etats dont elles relèvent - et ce d'autant plus que cette convention instaure une compétence universelle pour juger pénalement de l'infraction de mercenariat.
    Compte tenu de l'incertitude juridique qu'elle engendre, la convention de 1989 ne compte que 23 adhérents et la France, comme la plupart des pays industrialisés, n'y est pas partie.
    Notre pays, qui reconnaît comme répréhensible l'activité de mercenaire, se devait cependant de sanctionner clairement cette activité. C'est l'objet du présent projet de loi.
    Celui-ci présente sous la forme d'un article unique qui crée, au sein du titre III du livre IV du code pénal, un nouveau chapitre VI intitulé « De la participation à une activité de mercenaire », composé de cinq articles.
    Le nouvel article 436-1 définit l'activité répréhensible et en caractérise la peine. La définition est, en fait, reprise du protocole I de 1977. Pour tomber sous le coup de la loi, l'activité du mercenaire, qui peut concerner soit un « conflit armé », soit un « acte de violence concerté », doit réunir chacune des six caractéristiques évoquées précédemment, et de manière cumulative.
    Ainsi l'infraction est-elle définie de façon très précise. Ne sont visés ni l'emploi par les Etats de forces étrangères soldées ; ni l'appui militaire, ouvert ou plus discret, qu'ils peuvent apporter à une partie au conflit, ni même l'enrôlement d'un Français dans les forces d'une partie à un conflit étranger.
    Cette infraction est punie au maximum de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Cette peine est en vérité comparable à celles applicables à l'exportation sans autorisation de matériels de guerre.

    Le Sénat a adopté l'article 436-1 sous réserve de deux modifications de cohérence qui sont les bienvenues.
    S'agissant d'abord des personnels dépêchés par un Etat, il a substitué à l'expression « mission officielle » le simple terme de « mission », le caractère officiel lui paraissant suffisamment établi dès lors que la mission est commandée par un Etat.
    Le Sénat a aussi substitué aux termes « forces armées de l'Etat partie », l'expression « forces armées de la partie », pour tenir compte du fait que le dispositif s'applique aux conflits aussi bien interétatiques qu'intra-étatiques.
    L'article 436-2 punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende « le fait diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne définie à l'article 436-1 ».
    L'article 436-3 dispose que ces faits, lorsqu'ils sont commis par un Français, sont punissables même s'ils sont commis à l'étranger. Il précise que, pour l'engagement des poursuites par la justice française, une plainte de la victime ou une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis n'est pas nécessaire. Cet article permet de justifier le refus par la France de la compétence universelle prévue par la convention de 1989.
    Les articles 436-4 et 436-5 précisent les peines complémentaires qu'encourent les personnes coupables des délits définis aux articles 436-1 et 436-2. Ces peines, facultatives, sont celles usuelles pour les faits délictueux. Le Sénat a adopté à l'article 436-4 un amendement de cohérence.
    Le projet de loi se caractérise d'abord par son équilibre. Il sauvegarde la capacité de la France à mener les actions de coopération militaire et d'armement de son choix et écarte de ses dispositions les soldats français servant à l'étranger. En même temps, il crée un instrument de répression efficace contre l'action des « soldats perdus » de nationalité française et assure la cohérence des engagements internationaux de la France.
    Ce texte fait l'objet d'un large consensus puisque, déposé par le précédent gouvernement, il est défendu par le gouvernement actuel. Au Sénat, il n'a donné lieu qu'à des retouches mineures et a été adopté à l'unanimité. Enfin, la proposition de loi déposée à l'Assemblée par nos collègues socialistes est la reprise pure et simple du texte du projet.
    Pour l'ensemble de ces raisons, la commission de la défense nationale et des forces armées a adopté sans modification le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Frédéric Dutoit, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, pour dix minutes.
    M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi concerne une activité « pas comme les autres » qui, loin des fantasmes qu'elle a pu générer, se trouve en réalité au confluent du pouvoir politique, de la violence armée et de l'argent sale.
    S'il est clair que la présence de mercenaires dans les conflits armés ne date pas d'aujourd'hui - ce phénomène remonte même à l'Antiquité -, il n'en reste pas moins que le recours à ce « métier » connaît actuellement une recrudescence et que les mercenaires prolifèrent partout dans le monde.
    Certes, ils ont des profils différents, des motivations variées et des origines diverses. Mais, au-delà de ces différences, ils possèdent certaines caractéristiques communes.
    En premier lieu, ils louent leur savoir-faire moyennant finances.
    Ensuite, ces hommes, à l'époque contemporaine, ne peuvent avoir qu'un rôle d'appoint et une efficacité réduite. Dans les conflits modernes, l'utilisation de soldats de fortune ne peut suffire à entraîner un renversement de situation durable. Et même si certains coups de force restent dans les annales, l'histoire récente du mercenariat est surtout faite d'échecs cuisants et de déroutes. Qu'ils soient autonomes, manipulés ou soutenus par leur patrie d'origine, les mercenaires sont des marginaux dont les moyens d'action, en personnel et en matériel, sont relativement limités.
    Nous ne pouvons que souscrire, madame le ministre, aux grands objectifs de votre projet de loi. Cela étant, il m'apparaît fondamental et indispensable que les véritables responsables, ceux qui font appel aux mercenaires, soient directement visés et ne puissent pas jouir d'une quelconque impunité. La compétence de la Cour pénale internationale à leur endroit ne doit faire aucun doute, dans la mesure où les actions menées à leur service par les mercenaires sont le plus souvent accompagnées d'exactions et de violations des droits de l'homme.
    Dès lors que l'on souhaite prévenir et réprimer des activités dangereuses pour la stabilité internationale ou l'Etat de droit, il est primordial de définir très précisément les critères constitutifs du mercenariat. Bien que ne procédant pas tous d'une inspiration analogue, plusieurs instruments internationaux permettent d'en cerner les caractéristiques principales. Cependant, les législations en vigueur de par le monde sont peu nombreuses et très disparates, qu'il s'agisse de la répression du mercenariat ou de l'encadrement des activités liées à la sécurité et à la défense exercées au profit de gouvernements étrangers.
    Révélée à l'occasion de la mise en cause de certains de nos ressortissants, l'inadaptation de la législation française fragilise la volonté de notre pays de lutter contre le surcroît d'instabilité et de violence entraîné par le recours à des mercenaires, par exemple dans les crises du continent africain. C'est pourquoi nous approuvons l'esprit général de ce projet de loi qui tend à définir le mercenariat, à l'incriminer officiellement et à le réprimer par des sanctions pénales sévères.
    Toutefois, ce texte laisse subsister certains vides juridiques.
    Tout d'abord, il laisse entier le problème posé par le développement d'activités privées de sécurité et d'assistance militaire sur la scène internationale. Des firmes agissent dans le monde entier, au gré des conflits et des besoins, pour leur propre profit ou pour celui d'un pays, notamment leur pays d'origine.
    Quelle est la réalité de ces agissements ? Il s'agit de se payer sur la dette ou sur les ressources naturelles de pays déjà en grande détresse financière, pour servir les intérêts de compagnies ou de gouvernements sans scrupules au mépris des droits de l'homme et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Malheureusement, les critiques, parfois même les scandales, auxquels ces pratiques ont donné lieu ont été peu relayés par les médias.
    Pourtant, l'action des firmes transnationales de sécurité s'accompagne souvent, sur le terrain, de violations manifestes des droits de l'homme. D'aucun considèrent, non sans raison, que ces exactions sont inhérentes à l'activité de mercenaire. Mais d'autres soutiennent que ce sont là des inventions de journalistes ou de rebelles menacés par l'intervention de ces compagnies militaires, le but de ces rumeurs étant de dresser un dernier obstacle à leur légalisation.
    En tant qu'acteurs non gouvernementaux, les firmes transnationales de sécurité échappent en grande partie aux dispositions du droit international. Le principe qui sous-tend la législation sur les atteintes aux droits de l'homme est en effet que seuls les Etats peuvent en être responsables.
    En outre, il est d'autant plus difficile de s'opposer juridiquement aux firmes transnationales de sécurité et d'assistance militaire qu'elles prennent toutes les précautions dans l'établissement de leurs contrats d'engagement.
    Si leur action peut sembler trop sensible pour échapper au contrôle des Etats qui les accueillent, il est rare, dans les faits, qu'elles y soient entièrement soumises. Les Etats exercent une tutelle plus ou moins forte sur leurs activités. Les pratiques oscillent entre l'acceptation tacite des contrats et le feu vert explicite, voire la délivrance de licences publiques d'autorisation.
    Les compagnies agissent ainsi sous le couvert de l'Etat hôte avec plus ou moins de latitude et de marge de manoeuvre. En contrepartie, les gouvernements des pays dont elles sont originaires profitent de ce formidable levier pour atteindre certains objectifs de politique étrangère ou pour appuyer leurs entreprises à l'exportation.
    L'assistance militaire, objet officiel du contrat, se transforme souvent en une aide officieuse à un belligérant.
    La disparition de la menace communiste pour les pays de l'OTAN ainsi que l'effrondrement de l'Union soviétique et de ses satellites ont permis de mettre fin au « grand jeu » de l'alimentation des guerres civiles, des guérillas et des conflits internes par les deux puissances antagonistes. Les guérillas et les mouvements de libération nationale ont alors été contraints de se « privatiser » et d'employer des méthodes plus triviales pour obtenir des moyens matériels et financiers : la drogue comme en Afghanistan, en Amérique latine ou en Asie du Sud-Est, le trafic de femmes en Afrique, etc. D'où la nécessité de corrompre certaines entreprises ou de créer des structures nouvelles regroupant des activités illégales. Le passage au privé est incontournable.
    Par ailleurs, les armées des pays en développement ou en transition démocratique tiennent une place importante dans la vie politique et sociale. Qu'elles soient détentrices du pouvoir politique, soutien vital du régime ou lobby puissant qu'il faut ménager, elles constituent dans tous les cas un sujet de préoccupation pour ces Etats.
    Leurs difficultés internes risquant de compromettre gravement la défense et la sécurité du pays, les forces armées doivent être fiables, efficaces et fidèles aux régimes en place, dont elles garantissent la pérennité. Il n'est donc pas étonnant que la formation des militaires soit l'un des plus grands marchés des sociétés privées dans les pays en développement ou en transition. Pour les premiers, elle permet d'assurer la sécurité du régime et de ses hommes ainsi que celle du pays contre les menaces de caractère interne ; c'est le cas des nombreuses gardes présidentielles africaines. Pour les seconds, elle contribue à formater les armées nationales aux standards occidentaux démocratiques et à en améliorer l'efficacité générale.
    Ainsi, plusieurs gouvernements ont engagé des entreprises de mercenaires en qualité de conseillers et d'experts free lance ; certaines d'entre elles se sont même spécialisées dans ce type de services. Comment ne pas voir dans le développement de ce mercenariat moderne le spectre du néocolonialisme ?
    Or force est de constater - et vous-même l'avez reconnu, madame le ministre - que votre projet de loi laisse entière la question du développement des activités privées dans le domaine de la sécurité et de l'assistance militaire. Tel n'est pas son objet.
    En outre, il omet d'interdire les camps d'entraînement de mercenaires, sites paramilitaires qui constituent pour eux de véritables structures de formation et de regroupement.
    Réserve faite de ces regrettables omissions, que nous pourrons certainement réparer à l'avenir, ce projet de loi a le mérite de combler un vide juridique en définissant précisément le mercenariat et en le réprimant par des sanctions pénales sévères. Cette activité condamnable méritait depuis longtemps un tel bannissement et justifie que soit édifiée toute une législation répressive. Votre texte en pose la première pierre. Le groupe communiste et républicain le votera.
    M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe UMP.
    M. Axel Poniatowski. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le grand dictionnaire encyclopédique Larousse nous apprend qu'un mercenaire est « un soldat qui sert à prix d'argent un gouvernement étranger ».
    Depuis la fin de l'empire romain, les mercenaires ont constitué l'essentiel des armées européennes tout au long des guerres successives, jusqu'en 1870. Malheureusement, depuis la Seconde Guerre mondiale et la décolonisation, ils sont réapparus de plus en plus régulièrement dans les conflits locaux, en particulier au service des nations africaines.
    Le mercenariat contribue, bien sûr, à aggraver l'instabilité partout où il sévit.
    Cette activité a pu, ces dernières années, se développer encore davantage et prendre de plus en plus d'ampleur du fait de l'accroissement des tensions et des différences au sein du monde où nous vivons, pour des raisons économiques, sociologiques, religieuses et, bien sûr, politiques. Les formidables progrès en matière d'information et de communication agissent également comme un amplificateur. C'est enfin et surtout la corruption, encore très répandue, qui alimente cette activité toujours aussi prospère. La multiplication des foyers de tension nous en apporte le triste témoignage.
    Par ailleurs, l'essor du mercenariat est lié aux mutations de nombreuses armées nationales, aujourd'hui professionnalisées, et au désengagement économique et politique de certains pays dans des régions tourmentées. L'Afrique en est le triste exemple.
    Cette activité pose aujourd'hui un problème très sérieux parce qu'elle aggrave les violences et les crises existantes, qu'elle se situe toujours en marge des diplomaties et qu'elle porte atteinte aux droits de l'homme.
    La fourniture de prestations militaires, qui contribue, comme le disait Michèle Alliot-Marie, à la marchandisation des conflits, ne peut être acceptée par notre pays. Il est nécessaire de contrer les agissements de certains de nos concitoyens qui contribuent à déstabiliser tel pays ou telle région, se plaçant ainsi en opposition directe avec l'action de la France, que celle-ci soit menée en faveur de la paix ou conformément à ses intérêts.
    Les lois étrangères sur le sujet sont floues. Elles se bornent souvent à réprimer le recrutement sur le territoire national au profit de forces armées étrangères.
    La législation française, quant à elle, comporte beaucoup de lacunes. Les moyens légaux pour combattre le mercenariat sont très insuffisants. Pour l'essentiel, ils ne permettent d'agir que dans deux hypothèses : soit le débauchage de militaires français au service de forces étrangères, soit le recrutement de ressortissants français à la solde d'organisations ou de services publics étrangers, malgré l'interdiction du gouvernement français.
    Il subsistait donc un vide juridique qui devait être comblé. C'est l'objet de ce projet de loi, qui définit clairement la notion de mercenariat et prévoit des sanctions fortes pour les personnes convaincues de mercenariat, ainsi que des peines aggravées pour ceux qui les recrutent, les financent et les équipent.
    Nous touchons là, chers collègues, au coeur de ce projet de loi, à ce qui lui donne, à mes yeux, tout son sens et, espérons-le, toute son efficacité.
    De même que c'est en s'attaquant aux réseaux mafieux internationaux en même temps qu'au petit dealer qui agit aux portes de nos écoles que l'on éradiquera le phénomène de la drogue, c'est en s'attaquant à ces organisations militaires privées soi-disant sécuritaires, essentiellement, cela a été rappelé, d'origine anglo-saxonne, que l'on parviendra à limiter ce commerce de la mort généralement nourri par l'argent illégal, frauduleux ou mafieux.
    Le projet de loi qui nous est proposé est à mes yeux sans ambiguité. Il vise bien à condamner les soldats et les marchands de chaos qui agissent en dehors des directives et des intérêts de la France, quand ils ne s'y opposent pas directement.
    Ce texte est une nouvelle pierre de l'édifice que nous construisons pour une démocratie plus solide, respectueuse des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Il encouragera aussi, j'en suis sûr, nos partenaires européens et d'outre-Atlantique à prendre des dispositions allant dans le même sens.
    Le groupe de l'Union pour un mouvement populaire approuve donc sans réserve ce projet de loi, que je vous demande, mes chers collègues, d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Paul Quilès pour le groupe socialiste.
    M. Paul Quilès. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté ce matin est identique à celui que le gouvernement de Lionel Jospin avait déposé au Sénat il y a un an.
    Cependant, avant janvier dernier, le gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, n'avait pas fait connaître sa position à l'égard de ce texte,...
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il y avait des questions plus importantes à régler.
    M. Paul Quilès. ... ce qui m'a conduit à le déposer, avec mes collègues du groupe socialiste, sous la forme d'une proposition de loi. Vous avez à présent reconnu sa nécessité et décidé de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat puis de notre assemblée. Ce projet bénéficie donc d'un large accord et nous nous en félicitons.
    Un renforcement de la législation pénale est en effet devenu indispensable pour lutter contre les nouvelles formes de mercenariat qui se développent aujourd'hui dans les pays les plus pauvres, particulièrement en Afrique. Dans ces pays, les désordres de l'économie mondiale affaiblissent les Etats et fragilisent les sociétés. Les conflits qui s'y multiplient prennent souvent la forme de guerres civiles impitoyables et interminables. Les forces qui participent à ces conflits n'ont en propre que de faibles capacités militaires mais, lorsqu'elles disposent de ressources financières substantielles, elles recrutent à l'étranger des soldats de fortune, entraînés et bien équipés. Si aucune intervention internationale ne permet de juguler la crise et de réunir les conditions du départ des mercenaires, leur participation aux combats éloigne les perspectives de règlement politique, accroît la violence des affrontements, favorise les violations des droits de l'homme et aggrave les souffrances des populations civiles.
    Le terme un peu archaïque de mercenaire ne doit pas faire illusion. Il y a là une menace grave et nouvelle pour la stabilité internationale, la paix et les droits de l'homme dans les pays les plus pauvres et les plus oubliés des grandes puissances.
    Or nous n'avons dans notre droit que peu de moyens pour lutter contre cette menace. Il existe bien, dans le code civil, un mécanisme de déchéance de la nationalité applicable en particulier aux personnes occupant un emploi dans une armée étrangère et n'y renonçant pas malgré une injonction du Gouvernement. Mais, en droit pénal, seul l'article 413-1 permet de réprimer le fait d'inciter des militaires français à passer au service d'une puissance étrangère.
    Le texte que nous examinons permet de combler cette lacune. La définition du mercenariat qu'il retient fait l'objet d'un large consensus, puisqu'il reprend en la clarifiant celle donnée par l'article 47 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève du 8 juin 1977 auquel sont parties 161 Etats, dont la France. La notion de mercenariat y est rigoureusement délimitée, empêchant toute confusion avec, par exemple, l'assistance technique militaire, dès lors qu'elle exclut toute participation directe à des combats.
    Cette définition rigoureuse de l'activité de mercenaire va de pair avec un champ d'application suffisamment large pour couvrir toutes les situations de conflit. Ce ne sont donc pas seulement les conflits internationaux qui sont visés par le projet de loi, mais aussi les conflits internes et certaines situations de violence mettant en cause la stabilité des institutions, comme les tentatives de coup d'Etat.
    En outre, le projet de loi prévoit des peines aggravées pour les personnes dirigeant ou organisant des groupements visant à recruter, encadrer ou équiper des mercenaires. Il permet également de réprimer ces groupements en tant que personnes morales.
    Enfin, le texte supprime les conditions habituellement exigées pour poursuivre des Français ayant commis des délits hors du territoire national et étend la compétence des tribunaux français à toute personne, citoyen français ou étranger, résidant habituellement sur le territoire français.
    L'adoption de ce projet de loi marquera un progrès significatif dans la protection des pays les plus vulnérables aux crises qui font l'objet d'agissements destinés à les dé-stabiliser. La France pourra s'honorer d'être le pays occidental doté de la législation la plus rigoureuse en ce domaine. Cependant, nous ne devons pas nous en tenir là. En effet, la lutte contre le mercenariat doit pouvoir également s'appuyer sur des instruments juridiques internationaux, lesquels sont, à l'heure actuelle, soit insuffisants soit inadaptés.
    Le premier protocole additionnel aux conventions de Genève n'incrimine pas les personnes qui commettent des actes de mercenariat, mais se contente de leur dénier le statut de combattant et, par conséquent, celui de prisonnier de guerre. Quant à la convention de 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, elle soulève de sérieuses difficultés. Dans la mesure où elle permet de retenir la qualification de mercenaire même sans participation directe aux hostilités, elle pourrait être interprétée par certains Etats parties comme s'appliquant au détachement de personnels d'assistance ou de conseil en matière militaire. De plus, les règles de compétence qu'elle prévoit pourraient donner aux juridictions des Etats parties le pouvoir de juger des citoyens français pour des faits survenus en dehors de leur territoire, alors même que ces faits seraient licites en droit français.
    La réflexion doit donc être poursuivie en vue d'élaborer un instrument international crédible de répression des activités de mercenaire permettant de répondre efficacement aux menaces nouvelles qui pèsent sur la sécurité et la stabilité politique des pays en développement. Je pense que l'Union européenne devrait se saisir de cette question.
    La tâche ne sera pas facile, compte tenu de la situation du Royaume-Uni où des « sociétés militaires privées » se sont fortement développées au cours des dernières années. Elles exercent pour la plupart des activités légitimes de conseil, d'entraînement, de soutien logistique, de déminage ou encore d'appui aux missions de l'ONU, par exemple pour la surveillance des accords de cessez-le-feu. Mais certaines d'entre elles se livrent à des pratiques beaucoup plus contestables, qui ont suscité en Grande-Bretagne de vives critiques du public et du Parlement lors des événements de Sierra Leone.
    Il faut être conscient que ces entreprises disposent d'un vivier de personnels et d'armements impressionnant. A titre d'exemple, Executives Outcomes, société sud-africaine qui est intervenue en Angola et en Sierra Leone, possède des transports de troupes blindés, des Land Rover équipées de canons antiaériens, des hélicoptères de fabrication soviétique Mi-24 et Mi-17, ainsi qu'une flotte aérienne comprenant notamment des bombardiers Mig-23 et deux Boeing 727. Sandline, entreprise britanique, a son siège au coeur de Londres. MPRI, société américaine, a dans ses rangs 17 généraux employés à plein temps et peut compter sur une ressource de 2 000 officiers.
    L'action de ces entreprises, véritables petites armées - il en existe près de 90 actuellement - pose des problèmes qui ne peuvent laisser la communauté internationale indifférente.
    Dans certains cas, les mercenaires se sont en effet livrés à de flagrantes violations des droits de l'homme sans être inquiétés, n'ayant de comptes à rendre à personne. Ainsi, Carlos Castano, un chef paramilitaire colombien est accusé d'avoir massacré, à la tête d'une armée de mercenaires, des centaines de paysans au cours d'une croisade anticommuniste, tacitement soutenu en cela par le gouvernement et l'armée. Enrique Ballesteros, rapporteur spécial de l'ONU, a estimé, dans un rapport remis en 1997, que de nombreux pays du tiers-monde hypothèquent une grande partie de leurs ressources pour financer les interventions de ces sociétés privées au détriment d'investissements de première nécessité.
    Ces sociétés privées permettent à certains Etats d'intervenir sans apparaître ouvertement. C'est ainsi que les Etats-Unis ont pu contourner l'embargo décrété par l'ONU au Rwanda en payant une société, Ronco, pour faire du déminage et livrer du matériel militaire, et intervenir en Croatie, en 1995, à travers MPRI, pour former, entraîner et équiper l'armée croate.
    La définition d'une politique européenne de lutte contre les activités de mercenaire devra tenir compte de l'existence de deux approches : l'une vise à interdire rigoureusement ces activités, l'autre refuse tout régime d'interdiction des interventions privées dans le domaine de la défense et n'admet au mieux que leur encadrement. L'adoption du projet de loi est cohérente avec la première approche, dont je souhaite qu'elle soit retenue par le plus grand nombre possible de nos partenaires au sein de l'Union européenne et, plus largement, au plan mondial.
    Le développement des activités de mercenaire doit par ailleurs nous mettre en garde contre les risques d'une privatisation à outrance des métiers de la défense. Quand un Etat a choisi de sous-traiter à des sociétés privées des missions régaliennes intimement liées à l'activité opérationnelle des forces et a constitué à leur profit un marché de prestations militaires, comment peut-il s'opposer à ce qu'elles recherchent d'autres contrats du même type auprès d'autres Etats ? Et dès lors qu'il refuse de distinguer entre la participation directe au combat et les tâches de soutien, comment peut-il entreprendre de lutter efficacement contre des activités de mercenaire nocives et dangereuses ?
    Ce qui vaut pour les Etats vaut aussi pour l'ONU. Certes, compte tenu de sa situation de pénurie financière, celle-ci ne peut sans doute pas éviter de faire appel à des sociétés privées pour certaines tâches de maintien de la paix, surtout si les Etats-Unis et le Royaume-Uni en font une condition de leur contribution. Mais il est troublant que ces tâches qui, par nature, devraient témoigner de la présence et de l'influence d'une autorité publique mondiale soient confiées à des entreprises commerciales. Il est également regretable que l'ONU passe des marchés de prestations militaires avec des sociétés qui, pour certaines d'entre elles, ont coutume d'assurer des missions très proches du combat. Il serait plus satisfaisant d'accroître le budget des opérations de maintien de la paix pour permettre à l'ONU de faire face normalement, par elle-même, à ce qui constitue le coeur de sa mission. Il est vrai que, pour certains Etats industrialisés - je pense aux Etats-Unis -, les 2,6 milliards de dollars que coûtent les opérations de maintien de la paix de l'ONU représentent une dépense excessive. C'est pourtant moins de 3 % de ce que pourrait coûter la guerre qu'ils mènent actuellement en Irak.
    Le développement des sociétés militaires privées, tout particulièrement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, entretient par ailleurs une confusion préjudiciable sur la nature des missions que peuvent remplir de manière parfaitement légitime les entreprises spécialisées dans la sécurité internationale. La situation de crise ou de conflit larvé que connaissent de nombreux pays en développement oblige en effet les investisseurs étrangers à veiller à la protection de leur personnel et de leurs installations. Les récentes jurisprudences montrent même qu'il y a obligation pour un responsable d'entreprise d'assurer la sécurité des salariés qu'il envoie dans une zone à risques. Des entreprises, notamment françaises, répondent actuellement à ce besoin. Elles ne doivent pas être confondues avec les sociétés militaires de type anglo-saxon, dans la mesure où leur objet est limité à des fonctions strictement civiles.
    Il n'en reste pas moins qu'en dehors des activités prohibées, il existe une grande diversité de prestations de service liées à la sécurité. Beaucoup de ces services sont assurés dans des conditions de transparence et de contrôle interne qui écartent tout risque de dérive. Mais rien ne garantit que toutes les activités de ce type soient toujours sans danger. Il me semblerait donc utile d'instituer, pour les exportations de services de sécurité qui ne sont pas liées à la vente d'équipements militaires, un régime de contrôle calqué sur celui qui est applicable aux exportations d'armement. On pourrait réfléchir par exemple à l'institution d'une commission d'exportation des services de sécurité sur le modèle de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre - la CIEEMG - et à l'instauration d'un mécanisme d'agrément et d'autorisation de ces exportations analogue à celui qui existe pour les ventes à l'étranger de matériels de guerre.
    Au-delà du texte qui nous est présenté ce matin et que nous voterons, bien entendu, d'autres mesures devront donc être prises pour maintenir sous le contrôle des autorités publiques, aux plans national mais aussi européen et mondial, l'ensemble des activités de défense et de sécurité. Face à la tendance actuelle à l'extension de la sphère des activités marchandes et à la vogue de la gestion privée jusque dans le domaine militaire, il est indispensable de réaffirmer le primat de l'intérêt général. L'activité de mercenaire illustre les dangers d'une libéralisation incontrôlée qui ne peut que déboucher sur une privatisation de la violence que nous refusons.
    M. Jacques Bascou. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe UDF.
    M. Francis Hillmeyer. Ainsi que vous l'avez souligné, madame le ministre, il y a dans notre code pénal un vide juridique qu'il s'agit aujourd'hui de combler. En effet, nulle part il n'est fait mention de l'activité de mercenaire, alors même que nous allons bientôt juger les hommes qui ont tenté de perpétrer un coup d'Etat aux Comores. Mis en examen pour « association de malfaiteurs », ceux-ci risquent d'être condamnés à une peine qui n'est à l'évidence, pas adéquate. La spécificité de ce délit doit donc être reconnue par le droit français, non seulement pour rendre notre justice plus efficace, mais aussi pour encadrer et contrôler le développement de certains services internationaux de sécurité militaire auxquels les dirigeants ont recours pour assurer leur propre protection.
    En votant en faveur de ce texte, qui est le fruit de la continuité républicaine, le groupe UDF et apparentés vise deux objectifs : lutter contre les personnes et les sociétés qui font de la guerre un commerce, et franchir une étape supplémentaire dans la définition des critères de légalité régissant la guerre et la paix.
    Le premier objectif nous impose de légiférer au plus vite, tant les sociétés militaires privées connaissent une expansion inquiétante dans des pays comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou encore l'Afrique du Sud. Ainsi, la société américaine MPRI, qui a pignon sur rue, propose ses services de sécurité militaire à des pays comme la Croatie ou la Bosnie, en employant d'anciens officiers.
    Le Gouvernement a fait le choix, dans son projet de loi, de condamner aussi bien les personnes physiques qui se livrent à des activités de mercenaire que les personnes morales qui les organisent. C'est une décision courageuse qui honore la France et qui montre bien que nous ne sacrifions pas la morale au cynisme, du moins au pragmatisme, et que nous tirons les leçons du passé. La France elle-même a en effet connu cette dérive avec des soldats perdus soutenant des causes plus que douteuses. Il faut mettre un terme à ces pratiques d'un autre temps qui ont parfois nui à l'image de notre pays, notamment dans le contexte de la décolonisation. Les mercenaires ne sont plus ces personnages sympathiques que certains films hollywoodiens nous présentaient, tout occupés à protéger les pauvres et les opprimés. Les crises sur le continent africain, dont la plus récente a eu lieu en Côte d'Ivoire, nous ont montré, si besoin était, la véritable nature de ces guerriers qui sont prêts à semer la terreur et la souffrance parmi les populations locales, en échange d'un salaire exorbitant. Le dernier exemple en date, celui des « escadrons de la mort » à la solde du pouvoir ivoirien, a permis à l'opinion occidentale de prendre conscience de ces agissements qui sont pourtant courants en Afrique.
    Au-delà de ces réalités que la France a combattues publiquement sur la scène internationale, je voudrais insister sur notre deuxième objectif. Ce texte doit nous permettre de nous interroger une fois encore sur le droit et la légalité de la guerre. Le contexte international nous exhorte à mener cette réflexion : comment et quand une guerre est-elle acceptable par la communauté internationale ? C'est une des grandes victoires de la fin du siècle dernier que d'avoir fait admettre le principe selon lequel une guerre juste est une guerre qui respecte les critères de la légalité définis par le droit international. Notre credo est aussi clair que ferme : la force militaire doit rester l'apanage des Etats, des démocraties et de leur diplomatie.
    Les dispositions du projet de loi vont dans ce sens en définissant l'activité de mercenaire comme celle de « toute personne spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n'est ni ressortissante d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n'a été envoyée en mission par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit... » Le mercenariat détruit les liens entre les actes de guerre et les actions diplomatiques. Il confisque le pouvoir aux démocraties. La décision de la guerre procède en effet de la plus haute souveraineté, celle de l'Organisation des Nations unies, et l'on a vu comment une déclaration de guerre unilatérale pouvait nuire à une cause, quel que soit son bien-fondé.
    Au demeurant, la privatisation des conflits ne peut qu'entraîner l'ordre mondial, déjà précaire, sur la pente du chaos, car il y aura toujours pour certains quelque profit à tirer de la violence et de la guerre civile. On ne peut pas tolérer que les intérêts économiques de quelques guerriers sans foi ni loi deviennent l'une des principales causes d'instabilité dans le monde. Ce combat contre le mercenariat honore la France et prolonge, dans un registre certes mineur, le message de paix dont le Président de la République s'est fait le héraut dans le concert des nations. Nous devons garder espoir dans le droit.
    Ce projet de loi, qui peut paraître dérisoire quand gronde le bruit des canons et des bombardements au Moyen-Orient, est le signe que nos démocraties ne baissent pas leur garde face aux dérèglements du monde et qu'elles continuent le combat de la légalité contre le cynisme.
    Encourageons les autres nations, en particulier européennes, à suivre notre exemple.
    Enfin, je profite de cette tribune, madame le ministre, pour vous remercier de l'efficacité de votre travail au sein du ministère, en particulier en ces moments de troubles internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Eric Diard, pour le groupe UMP.
    M. Eric Diard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Jean Lartéguy écrivait, dans Les Chimères noires, que « les mercenaires sont des hommes qui ont choisi de risquer leur mort pour donner un sens à leur vie ». Les images d'Epinal ne manquent pas pour désigner ces baroudeurs qui partaient au bout du monde avec une poignée d'hommes, quand les grands Etats ne pouvaient intervenir directement. Mercenaires, « oies sauvages », « soldats de fortune », « volontaires » ou « chiens de guerre », c'est une galerie d'« affreux » qui ne se ressemblent pas, mais qui ont tous en commun le goût de l'aventure et de l'odeur de la poudre.
    Ce temps est désormais révolu. Au moment de la décolonisation, est apparu un mercenariat traditionnel, voire artisanal. De nouveaux Etats, instables et dépourvus de forces de sécurité suffisamment formées et équipées, ont eu recours aux services d'ex-soldats occidentaux. La fin de la guerre froide a amplifié ce phénomène, sous l'effet de la conjonction d'une demande forte liée à la multiplication des conflits régionaux autour de pays ne bénéficiant plus de l'aide des grandes puissances et d'une offre de nombreux professionnels des armées soudain disponibles sur le marché de la guerre.
    Aujourd'hui, une nouvelle forme de mercenariat apparaît, reposant sur des sociétés privées pouvant fournir des services militaires « clés en main ». Depuis quelques années, l'utilisation de mercenaires dans des conflits armés ou des situations troublées a pris une ampleur dangereuse, aggravant la violence et déstabilisant les Etats. La France se devait de lutter contre de tels phénomènes. Jusqu'à présent, les moyens légaux prévus dans le droit français pour combattre de telles pratiques étaient lacunaires. Nous devons donc nous doter d'un arsenal juridique approprié.
    Le texte qui nous est proposé fonde l'incrimination de mercenaire sur une définition extrêmement précise et rigoureuse. Celle-ci repose sur six critères, largement reconnus par le droit international, puisqu'ils sont repris du protocole I du 8 juin 1977.
    Ainsi, pour tomber sous le coup de la loi, le mercenaire doit être spécialement recruté pour combattre dans un conflit armé, ne doit pas être ressortissant d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat. Il ne doit pas non plus avoir été envoyé en mission par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat. En revanche, il doit prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités, et ce en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de l'Etat partie pour lequel il doit combattre.
    Cette définition permet d'éviter plusieurs écueils.
    Sont exclus du champ d'application du projet de loi toutes les activités ne conduisant pas à prendre directement part aux hostilités. Cela permet d'éviter toute ambiguïté sur les missions d'assistance ou de conseil effectuées par nos ressortissants au profit de gouvernements étrangers, que ce soit dans le cadre d'une coopération d'Etat à Etat ou de contrats d'exportation.
    En outre, l'emploi par les Etats de forces étrangères soldées n'est aucunement dénoncé, sans plus que l'enrôlement d'un Français dans les forces d'une partie à un conflit étranger. Ainsi, madame le ministre, comme vous l'avez précisé devant le Sénat, il ne saurait être question de dénier aux Etats le droit de se défendre en renforçant à cet effet leur appareil militaire et en recrutant les personnels dont ils ont besoin. Ce serait aller à l'encontre du souci de stabilité et de paix qui est celui de la France.
    Ce texte, qui représente un premier pas, recueille un large consensus au sein des deux assemblées. Il répond, comme vous l'avez montré, à un souci d'équilibre. Enfin, il comble un vide juridique, puisqu'il complète utilement notre code pénal pour identifier clairement et sanctionner lourdement l'activité de mercenaire, de même que son organisation.
    C'est pourquoi, madame le ministre, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La discussion générale est close.

Article unique

    M. le président. J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi dans le texte du Sénat.
    « Article unique. - Après le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal, il est inséré un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« De la participation à une activité
de mercenaire

    « Art. 436-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait :
    « 1° Par toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n'est ni ressortissante d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n'a été envoyée en mission par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat, de prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de la partie pour laquelle elle doit combattre ;
    « 2° Par toute personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat et qui n'est ni ressortissante de l'Etat contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit Etat, ni n'a été envoyée en mission par un Etat, de prendre ou tenter de prendre part à un tel acte en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants.
    « Art. 436-2. - Le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne définie à l'article 436-1 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.
    « Art. 436-3. - Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre sont commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables.
    « Art. 436-4. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :
    « 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;
    « 2° La diffusion intégrale ou partielle de la décision ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par l'article 131-35 ;
    « 3° L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31.
    « Art. 436-5. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie à l'article 436-2.
    « Les peines encourues par les personnes morales sont :
    « 1° L'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38 ;
    « 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.
    « L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme la ministre de la défense. Je me félicite de l'unanimité dont a fait l'objet ce texte et je remercie l'ensemble des intervenants pour la qualité de leurs interventions. L'Assemblée nationale peut s'honorer de ce débat comme la France de ce texte.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures vingt-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

URBANISME, HABITAT ET CONSTRUCTION

Discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction (n°s 641, 717).
    La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, après une première lecture devant chacune des assemblées, le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction vient en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale.
    Ce texte, vous le savez, porte principalement sur deux sujets : la réforme des mesures d'urbanisme issues de la loi SRU, de solidarité et de renouvellement urbain, et la sécurité des ascenseurs.
    J'y ajoute le dispositif des pays, que ce texte réforme profondément. Sur ce sujet, comme lors de la première lecture, Jean-Paul Delevoye représentera le Gouvernement.
    Je ne ferai qu'un très bref rappel du contenu de ce texte, en commençant par le domaine de l'urbanisme.
    La règle dite « des quinze kilomètres » est très fortement assouplie sans que l'intérêt des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, soit remis en cause. J'ai d'ailleurs annoncé, pour toutes les communes de moins de 50 000 et même moins de 15 000 habitants, un dispositif de soutien financier aux études de SCOT, qui marque l'attachement du Gouvernement à ces démarches.
    Le contenu du PLU, le plan local d'urbanisme, est réformé et clarifié ; son évolution est facilitée, la modification devenant la règle et la révision l'exception.
    De façon équilibrée, sans que cela ne puisse devenir la règle, la possibilité est ouverte aux élus de fixer une taille minimale des parcelles constructibles, pour des motifs sont justifiés.
    Après les améliorations apportées au texte par votre assemblée, je vous informe, mais sans doute le savez-vous, que le Sénat l'a enrichi d'une réforme mesurée de la loi montagne, afin, en particulier, de faciliter la réhabilitation du patrimoine montagnard ainsi que des extensions limitées de l'urbanisation dans les communes qui ne sont pas soumises à une pression foncière.
    Le Sénat a également amélioré la carte communale en permettant aux communes dotées de ce document d'instituer un droit de préemption et un permis de démolir.
    J'en profite pour vous confirmer que le décret rendant éligibles les cartes communales à la dotation globale de décentralisation a été présenté au comité des finances locales, qui lui a donné un avis favorable ; il sera publié prochainement.
    La participation pour voirie et réseaux a été sensiblement améliorée par le Sénat.
    Enfin, plusieurs améliorations techniques ont été apportées. Vous me permettrez de souligner que la plupart d'entre elles viennent « du terrain », et non d'une démarche technocratique.
    Je terminerai sur l'urbanisme en vous disant que le principal reproche que je fais à la loi SRU est l'absence de « service après vote ». Cette loi n'a pas été correctement expliquée.
    Je souhaite, et je m'engage à le faire, profiter de la présente loi pour mener la campagne d'explication qui a été négligée à l'époque et faire passer cette nouvelle culture pragmatique dans les services susceptibles de l'appliquer ou de la faire appliquer.
    Concernant les dispositions sur la sécurité des ascenseurs, plusieurs amendements adoptés au Sénat ont permis de clarifier le texte qui vous avait été soumis et que vous aviez déjà amélioré.
    Par ailleurs, au Gouvernement, et j'en terminerai par là, j'ai déposé ce matin un amendement pour relancer la construction de logements locatifs privés.
    Vous le savez, la situation est grave, parfois très grave dans les grandes agglomérations, notamment dans l'agglomération parisienne. Soit on ne trouve plus de logements à louer, soit on en trouve mais à des prix de plus en plus élevés. La conséquence de cette pénurie nous la connaissons tous : les jeunes ne parviennent plus à « décohabiter » et restent chez leurs parents alors même qu'ils souhaiteraient vivre de façon autonome. Les cadres en mobilité professionnelle ne savent plus comment trouver un logement à un prix compatible avec leur budget. Cette pénurie se répercute, par effet de chaîne, sur les ménages plus modestes, qui se trouvent en compétition avec des familles aisées et n'ont plus d'autre choix que de gonfler les files d'attente des demandeurs de logement HLM.
    A terme, le dynamisme économique de notre pays pourrait en pâtir. Récemment, des élus de toutes tendances m'alertaient sur le cas d'une région touristique où l'absence totale d'offre de logement locatif met en péril les activités touristiques. Les travailleurs saisonniers, ne trouvant pas à se loger, hésitent à répondre aux propositions d'emploi dans cette zone.
    C'est pourquoi le Gouvernement vous propose un nouveau dispositif dynamique en faveur du logement locatif.
    Celui qui acquiert un logement neuf pour l'offrir en location peut bénéficier d'un amortissement fiscal de son bien, réduisant ainsi son imposition. Cet amortissement, qui est déjà connu, est un bon mécanisme mais les contreparties qui sont imposées aux acquéreurs aujourd'hui - je pourrais dire hier, puisque l'effet, comme je vous le montrerai tout à l'heure, est immédiat - lui font perdre une grande partie de son efficacité, surtout dans les zones où l'achat d'un logement neuf est cher. En effet, le bailleur doit vérifier le niveau de ressources de son locataire, qui ne doit pas dépasser un certain plafond. Mais, surtout, le loyer excessivement plafonné dissuade l'investisseur.
    Pour inciter à la production d'une offre locative là où elle est la plus nécessaire, et sans attendre, il faut un dispositif simple et pragmatique, plus attractif, c'est-à-dire un dispositif qui fonctionne et qui relance le locatif.
    Aussi, les plafonds de loyers, qui sont la contrepartie de l'amortissement fiscal, seront-ils non seulement maintenus mais augmentés pour coller davantage à la réalité des marchés locaux de l'immobilier. Cette disposition est d'ordre réglementaire. Le décret, en cours de préparation, sera prochainement publié au Journal officiel.
    Les plafonds de ressources des locataires, dissuasifs pour les investisseurs, seront supprimés. C'est l'objet d'un amendement que j'ai déposé ce matin et dont nous débattrons.
    J'attends de ce nouveau dispositif la production d'au moins 10 000 logements locatifs supplémentaires.
    En revanche, le rythme actuel de l'amortissement locatif, qui est connu des investisseurs, ne sera pas modifié : 8 % pendant chacune des cinq premières années de location, puis 2,5 % chaque année pendant dix ans. Il n'y a donc pas de dégradation du produit fiscal, comme le craignaient certains.
    L'engagement de location est fixé à neuf ans, avec possibilité de le proroger jusqu'à quinze ans pour bénéficier de toute la durée d'amortissement.
    Bien évidemment, pour éviter un trou d'air entre le dispositif Besson et le nouveau dispositif, je propose que ce dernier s'applique à tous les logements neufs acquis à compter d'aujourd'hui même.
    Mais le Gouvernement ne souhaite pas s'en tenir là. Il apparaît utile, en effet, d'offrir aux investisseurs de nouvelles améliorations, afin que l'effet sur l'offre soit maximal.
    Ainsi, je propose de nouvelles conditions pour les acquéreurs de parts de sociétés civiles de placement immobilier, les SCPI. Ils pourront bénéficier de l'amortissement locatif dès la souscription.
    La possibilité de bénéficier de l'amortissement fiscal sera ouverte à ceux qui ne louent pas directement, mais qui déléguent la location à certains organismes ou associations.
    Enfin, l'amortissement fiscal pourra aider ceux qui acquièrent certains types de logements anciens, sous certaines conditions à étudier, expertiser et définir d'ici à la lecture au Sénat.
    L'objectif est simple : il s'agit de remettre sur le marché, ou de ne pas faire sortir du marché, certains logements qui ne sont pas mis en location ou ne peuvent l'être, en raison de leur état.
    Les quelques semaines qui nous séparent de l'examen en deuxième lecture, le 7 mai, du projet de loi DDUHC par le Sénat seront mises à profit pour définir ces compléments au dispositif nouveau que je viens de vous présenter. Je tenais à vous en réserver la primeur, mesdames, messieurs les députés.
    Il y avait urgence à mettre en place une vraie politique de relance de l'offre locative en faisant appel aux capacités d'épargne de ceux qui ont des disponibilités. Ils rendront ainsi un vrai service à leurs concitoyens à la recherche d'un logement.
    Aussi je vous propose qu'ensemble, nous posions la première pierre de cette nouvelle politique (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un texte enrichi qui revient devant nous aujourd'hui, mais sans que les apports sénatoriaux modifient grandement l'ossature du projet voté en première lecture par notre assemblée.
    De fait, les articles 1er bis, 1er ter, 6 bis et 6 ter concernant l'urbanisme, de même que les articles 7 et 9 concernant la sécurité des constructions, les articles 14 et 19 relatifs à l'activité des organismes d'habitations à loyer modéré, des sociétés d'économie mixte et aux copropriétés, ainsi que le dispositif transitoire relatif aux pays, à l'article 21, ont été votés conformes.
    S'agissant tout d'abord des dispositions relatives à l'urbanisme, les sénateurs ont choisi de poursuivre l'effort de clarification engagé. Ainsi, le projet d'aménagement et de développement durable, le PADD, ne contient plus dorénavant que les orientations générales au sein des plans locaux d'urbanisme. Les dispositions particulières dénommées orientations d'aménagement en sont désormais dissociées.
    La Haute Assemblée a aussi amélioré la concertation entre collectivités. Il est tout à fait souhaitable, afin d'assurer la cohérence des choix d'urbanisme, que l'établissement public chargé d'un SCOT soit informé de l'élaboration d'un PLU par des communes situées à sa périphérie et qui ne sont couvertes par aucun SCOT, de même que le président d'un établissement public chargé d'un SCOT doit pouvoir, s'il le sollicite, être consulté - au même titre, notamment, que l'exécutif des conseils généraux ou régionaux - lors de l'élaboration de ce PLU d'une commune limitrophe non dotée d'un schéma.
    Le Sénat a, enfin, décidé de prolonger les assouplissements apportés aux rigidités de certains articles de la loi SRU. Ainsi, il est permis que, dans des cas clairement définis, des communes puissent se retirer d'une communauté d'agglomération, pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale. Comme l'a observé en commission notre président, Patrick Ollier, « le mouvement souhaitable et irréversible de l'intercommunalité sera d'autant mieux accepté qu'il sera consenti, et non imposé ».
    La commission, qui adhère pleinement à ces divers objectifs, a validé l'ensemble de ces avancées.
    Nos collègues du Sénat ont également souhaité enrichir le texte du projet de loi, afin de tenir compte d'enjeux spécifiques propres au milieu rural et aux zones de montagne. Elu du massif Central, d'Auvergne plus précisement, j'approuve ces propositions, comme beaucoup de nos collègues députés.
    Afin de lutter contre la désertification des campagnes et l'abandon de certains hameaux, des dérogations aux dispositions du POS ou d'un PLU, concernant la restauration des ruines, ont été complétées. Sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des lois du Sénat, Pierre Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour, quelques ajustements aux dispositions d'urbanisme relatives à la montagne ont été votés, largement inspirés de propositions formulées dans le rapport Blanc-Amoudry du 9 octobre 2002.
    On ne le dira jamais assez : la montagne se meurt de se voir souvent, de l'extérieur, écartelée entre de multiples intérêts, économiques, agricoles et pastoraux, environnementaux, paysagers et autres.
    M. François Brottes. C'est exact !
    M. Jean Proriol, rapporteur. La spécificité des enjeux et des conditions propres à la montagne a pu conduire à un traitement différencié, légitime, mais qui ne tient pas suffisamment compte de la diversité des situations dans les massifs. A trop vouloir protéger, ne finira-t-on pas par laisser dépérir nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Devra-t-on en arriver, comme pour les « fermes touristiques », à des « sites-musées », protégés mais inhabités ? A cet égard, le projet de loi relatif aux affaires rurales est très attendu. Il devra mettre en oeuvre, non pas des mesures éparses, mais une véritable réforme d'envergure.
    La commission, inspirée par sa mission d'information sur l'évaluation de la loi montagne du 9 janvier 1985, relative au développement et la protection de la montagne, a souhaité poursuivre cette démarche, afin d'assouplir sans attendre les règles spécifiques d'urbanisme qui sont devenues inadaptées à la nouvelle réalité des territoires en ce début de siècle. Elle vous propose d'élargir la qualification des éléments en continuité desquels l'urbanisation peut se réaliser dans les zones de montagne.
    Les sénateurs n'ont toutefois pas repris les dérogations aux règles d'urbanisme au voisinage des aéroports. Notre commission, pour sa part, a maintenu la position de l'Assemblée en première lecture, nous aurons l'occasion de le préciser tout à l'heure.
    D'autres articles et dispositions fondaient le socle initial de ce texte. Ils sont relatifs à la sécurité des ascenseurs et matériels assimilés : monte-charge, escaliers mécaniques, trottoirs roulants, installations de parcage automatique des véhicules.
    Les sénateurs ont souhaité apporter plus de précisions sur la nature du contrôle technique et encadrer plus fermement les modalités d'application, définies par un décret en Conseil d'Etat.
    La commission propose que les obligations des parties au contrat, et non pas seulement des entreprises chargées de l'entretien, soient précisées par décret non seulement au terme mais également au début du contrat d'entretien.
    Le décret définira les exigences de sécurité à respecter, y compris par les entreprises chargées de l'entretien à l'égard de leurs agents. Les travaux d'investissement incombent aux propriétaires. Le décret établira donc la liste des dispositifs et mesures à prendre et les délais impartis aux propriétaires pour les mettre en oeuvre. Les dépenses de fonctionnement relèvent des parties au contrat. La responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs agents est par ailleurs déjà expressément définie par le code du travail.
    L'Assemblée nationale n'avait par ailleurs pas souhaité s'atteler au problème de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite, considérant que ces questions importantes relèvent du projet de loi qui sera présenté prochainement par Mme Boisseau, mais, le Sénat ayant choisi de traiter de ces enjeux, avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission a décidé de proposer un assouplissement des règles de majorité relatives aux travaux d'accessibilité pour ces catégories de personnes, règles qui bloquent bien trop souvent la mise en oeuvre de mesures appropriées.
    M. François Brottes. Je remercie la commission !
    Mme Odile Saugues. Cette mesure nous satisfait !
    M. Jean Proriol, rapporteur. Je ne reprendrai pas en détail la présentation des dispositions des titres III et IV relatives à la participation des employeurs à l'effort de construction ; à l'activité des organismes d'habitations à loyer modéré, des sociétés d'économie mixte et aux copropriétés, qui n'ont pas fait l'objet de modifications notables.
    Le dispositif relatif aux pays, cher au président Patrick Ollier, qui clôt le texte a été remanié afin d'équilibrer les interventions des différents acteurs. La consultation du conseil général, pendant de celle du conseil régional, a été introduite par le Sénat. Comme l'a rappelé le président Ollier, l'objectif demeure une simplification des procédures. Les examens successifs ne doivent en effet pas conduire à s'écarter de la finalité de la réforme proposée.
    Enfin, monsieur le ministre, vous venez de nous annoncer la relance du logement locatif privé. Nous l'examinerons avec beaucoup de bienveillance. Il y avait effectivement un blocage dans ce domaine et le privé ne jouait pas son rôle parce qu'il ne trouvait pas d'incitations suffisantes.
    Pour ma part, je souhaite plutôt que nous revenions à la loi Périssol, qui avait provoqué un boom du logement. Vous nous annoncez des mesures d'amortissement fiscal, le déplafonnement des ressources, un amortissement dès la base pour les SCPI : ces mesures vont dans le bon sens.
    Le projet de loi du Gouvernement, enrichi et complété par le travail de la représentation nationale, est parvenu, me semble-t-il, à un équilibre satisfaisant. Comme l'attestent les nombreuses demandes d'élus locaux qui nous sont parvenues durant notre travail législatif, il est souhaitable que ce texte soit adopté rapidement, afin que l'on puisse mettre en oeuvre au plus vite des mesures certes diverses, mais toutes attendues.
    Le problème de la sécurité des biens et des personnes est au coeur de notre société. Il concerne également le droit, et le droit administratif en particulier, de plus en plus complexe, opaque, instable, et parfois même incertain aux dires des juristes et des professeurs de droit de l'urbanisme. Ce texte essaie de contribuer à rétablir la sécurité : souhaitons qu'il y parvienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Grand.
    M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi nous revient enrichi par nos collègues sénateurs, qui ont poursuivi notre indispensable travail de simplification.
    N'allons pas croire que ce texte ne répercute que des préoccupations d'élus locaux en butte aux tracasseries de l'administration, qu'elle soit centrale ou déconcentrée. En dépit du maquis législatif et réglementaire qui caractérise le système local en général et le droit de l'urbanisme en particulier, il doit se comprendre comme une impulsion, et cette impulsion vers plus de pouvoir local profitera avant tout au citoyen. Certains regretteront un encadrement plus strict - il n'est en aucun cas question d'une diminution - du rôle des préfets, mais saluons plutôt le retour des initiatives locales et un recul salutaire de la bureaucratie.
    Ce texte allège évidemment notre travail quotidien de maire ou de président d'une structure intercommunale en le simplifiant, mais cette simplification signifie surtout pour le citoyen une meilleure lisibilité de l'action publique de proximité, une meilleure compréhension des enjeux locaux. Elle signifie également une plus grande rapidité dans la délivrance des permis de construire, bloquée par les SCOT et les PLU, afin de répondre à une demande foncière croissante. La loi SRU du 13 décembre 2000 avait rendu les procédures d'urbanisation tellement complexes, à cause de la contrainte excessive du SCOT, de la modification du POS en PLU, de l'introduction de nouveaux documents, comme le PADD, qu'on avait abouti dans certains cas à un blocage des procédures et à un gel des terrains.
    Ce texte facilite le travail des élus locaux, mais sa vocation première est de leur faire davantage confiance. Ce point est fondamental car la vitalité démocratique de notre pays passe de plus en plus par la vitalité démocratique locale, et donc par plus de responsabilité locale.
    Dans ce renforcement par petites touches du pouvoir des maires, il n'est pas question d'une quelconque résurgence féodale. Je suis un farouche partisan du rôle de l'Etat, mais l'Etat, par l'intermédiaire du préfet, doit exercer toute sa compétence, mais rien que sa compétence.
    Ce texte était donc indispensable et il corrige les défauts les plus saillants des textes Voynet, Gayssot et Chevènement. Néanmoins, comme je l'avais affirmé en première lecture, nous ne pourrons faire l'économie d'un grand texte d'harmonisation doté d'une plus vaste ambition, promis par le Premier ministre.
    En premier lieu, la rationalisation de l'espace local doit se faire dans la concertation et non dans le conflit.
    En effet, la précédente majorité avait transformé le système local en terrain conflictuel des antagonismes politiciens. Par ailleurs, les élus locaux ont eu légitimement le sentiment qu'une recentralisation insidieuse s'opérait, tournant systématiquement les communes vers l'Etat et non vers le citoyen. Ces trois lois ont en partie alimenté le malaise des maires.
    Les lois Voynet, Chevènement, Gayssot peuvent être considérées comme les lois les plus idéologiques et tutélaires de la précédente législature. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Elles étaient idéologiques parce qu'elles ont été construites sur deux oppositions théoriques.
    La loi SRU est en effet le résultat d'une hostilité idéologique envers les villes à faible densité de logements sociaux, opposées aux villes à forte densité. Or elle a souvent ignoré les particularités communales et les réalités urbanistiques spécifiques.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça sent l'article 55 !
    M. Jean-Pierre Grand. Je note avec plaisir, monsieur le ministre, les mesures que vous venez d'annoncer. C'est une avancée salutaire, pragmatique, qui fera plaisir à tous les maires qui ont de nombreuses difficultés à fournir des logements à celles et ceux qui leur en demandent.
    La seconde opposition est une opposition entre milieu rural et milieu urbain. Bien qu'adoptée en CMP dans le consensus, la loi Chevènement avait montré une certaine hostilité aux communes rurales et périurbaines regroupées parfois sans ménagement dans des périmètres intercommunaux, finalement contrôlés par les villes. Je me félicite d'ailleurs que le Sénat ait sur ce point établi un dispositif de sortie des EPCI pour les communes intégrées contre la volonté de leur conseil municipal dans les nouvelles communautés d'agglomération. Nos collègues sénateurs ont permis de faire adopter, via l'article 6 sexies, un dispositif équilibré permettant la sortie de la communauté d'agglomération de communes intégrées de force dans des périmètres intercommunaux. Ce dispositif est équilibré parce qu'il est encadré dans des délais - jusqu'au 31 décembre 2004 -, et qu'il est prévu que la commune devra avoir notifié son refus explicite en temps voulu et être disposée à intégrer une autre intercommunalité.
    Ces lois étaient idéologiques et inefficaces car elles voulaient sanctionner immédiatement les communes sans leur accorder un temps d'adaptation mais aussi sans prendre en compte la réalité de leur parc locatif. Je pense en particulier à tous les logements sociaux de fait qui ne sont pas pris en compte. Vos déclarations, monsieur le ministre, vont dans le bon sens. C'est une attente très forte de l'ensemble des maires et je vous en remercie très chaleureusement.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Merci à vous également.
    M. Jean-Pierre Grand. Ces lois étaient tutélaires parce que la contrainte a été érigée en système de gestion locale, les pouvoirs du préfet ayant été à cet effet considérablement renforcés. Le rôle du préfet dans l'arrêt du périmètre intercommunal, son contrôle d'opportunité sur les périmètres des SCOT, la mixité sociale obligatoire de par la loi, les schémas de services collectifs adoptés par décret, et non par contrat : ces trois lois ont cherché à déposséder les communes d'une grande partie de leurs attributions. Les communes se sont transformées en exécutants du pouvoir central et non en partenaires.
    Ce projet de loi, avec l'aide de nos collègues sénateurs, déverrouille les aspects les plus contraignants et finalement les plus contreproductifs de la loi SRU.
    Mme Odile Saugues. C'est une obsession !
    M. Jean-Pierre Grand. Saluons d'abord le déblocage du processus d'urbanisation pour les zones NA. Les zones à urbaniser, délimitées avant le 1er juillet 2002, qui n'avaient pu bénéficier de SCOT, verront la contrainte des quinze kilomètres suspendue. Par ailleurs, la règle de la constructibilité limitée devient moins systématique, notamment en zone rurale, car le Gouvernement a posé une nouvelle définition de l'agglomération, autour d'une ville centre, non plus de 15 000 habitants, mais de 50 000 habitants.
    L'obligation d'urbaniser avec un SCOT ne devient qu'une obligation future, ce qui laisse aux communes le temps de s'adapter. En l'espèce, M. le rapporteur a très utilement précisé que le refus du préfet d'attribuer des dérogations devra être motivé et faire état d'un bilan entre les avantages et les inconvénients au regard de la situation particulière locale. Nous introduisons dans la loi la notion de cas par cas qui avait tant fait défaut dans la loi SRU.
    Nous revenons sur une contradiction majeure de cette loi, qui prétendait mettre fin à une urbanisation anarchique dans les zones d'urbanisation future mais qui densifiait l'urbanisation des zones déjà construites en permettant une division à l'infini des parcelles.
    Ce projet de loi facilitera désormais la création des pays. A cet égard, il convient de saluer l'initiative du président de la commission des affaires économiques, qui a permis de débroussailler le maquis créé par le précédent texte.
    Dans un second temps, je tiens à préciser ce que les élus de terrain attendent dans l'avenir : que nous leur fassions confiance, ce qui constituerait une démarche nouvelle, que nous privilégiions le contrat sur la contrainte, et l'approche de terrain sur les réglementations des chefs de bureaux.
    La réforme des lois Voynet, Chevènement et Gayssot ne doit pas rester enfermée dans des secteurs de compétences cloisonnés et des spécialisations ministérielles sans vision d'ensemble de l'espace local. Elle doit donc, pour éviter les simples toilettages législatifs, s'inscrire dans le cadre de la décentralisation voulue par le Premier ministre. Il faut savoir sortir de la logique purement administrative imposée par la majorité précédente.
    Nous devons fixer un calendrier précis des réformes du système local :
    D'abord, l'assouplissement immédiat des mesures les plus contraignantes, en alliant la clarification des procédures, comme pour l'opposabilité juridique du PADD, et leur simplification, comme pour le processus de constitution des pays ; le projet de loi répond parfaitement à ces exigences, et je vous en remercie, monsieur le ministre.
    Ensuite, la réalisation préalable d'études d'impact associant les élus avant toute réforme d'ampleur des dispositifs en question.
    Enfin, l'adoption d'un grand texte de mise en cohérence de l'espace local.
    Le souci de l'intérêt général doit favoriser une réflexion d'ensemble sur l'organisation spatiale du territoire.
    En conclusion, la notion de « bassin de vie ou d'emploi » doit devenir notre ligne directrice. En fonction de la polarisation spatiale autour de villes centres, il est possible de déterminer des espaces qui s'organisent spontanément en fonction d'une logique économique. Il faut contribuer à faire coïncider le bassin de vie - l'organisation spontanée de l'espace - avec les structures administratives correspondantes : EPCI et SCOT, communautés de brigades, contrats locaux de sécurité.
    Pour toutes ces raisons, le projet de loi, qui règle un grand nombre de difficultés sur le terrain, est un bon projet. Je tiens d'ailleurs à remercier le rapporteur pour son travail précieux qui a manifestement contribué à enrichir le texte.
    Monsieur le ministre, avant de vous dire que, naturellement, le groupe UMP soutiendra ce texte, je vous renouvelle nos remerciements pour les annonces que vous venez de faire, et qui prouvent une l'écoute des élus de terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Merci à vous aussi !
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen en seconde lecture de ce projet de loi, je souhaite revenir sur ce qui, au départ, constituait l'armature de ce texte, c'est-à-dire la sécurité des ascenseurs. Je le fais d'autant plus volontiers que je regrette, alors que le Gouvernement nous annonce un projet de loi sur le logement et l'urbanisme pour cet automne, de voir un enjeu aussi important pour les citoyens occulté par des débats partisans alimentés par la majorité,...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Quand cela ?
    Mme Odile Saugues. ... hier sur les pays, aujourd'hui sur les plans de déplacements urbains.
    Par ailleurs, monsieur le ministre, vous venez de nous annoncer une modification du dispositif Besson. Je regrette, au nom de mon groupe, que nous n'ayons pas pu travailler sur ce point en commission, non pas pour nous opposer systématiquement, mais parce qu'il nous paraît normal d'apporter notre part à la discussion dans un domaine à nos yeux essentiel.
    La mise en sécurité des ascenseurs constitue un enjeu suffisamment important pour nos concitoyens et mérite toute l'attention de la représentation nationale.
    En première lecture, à l'Assemblée, le sujet est passé presque inaperçu, au milieu des assauts répétés des députés de la majorité, qui rêvaient de revenir sur la mixité sociale et sur l'article 55 de la loi SRU. Nous sentons bien par moments que, même à fleurets mouchetés, cette pression est toujours constante.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Personne n'en a parlé.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est une constante chez eux !
    Mme Odile Saugues. Depuis, nous avons pris acte des récentes prises de position de M. le Président de la République à ce sujet, et nous nous félicitons de son soutien, que nous pourrions appeler un juste renvoi d'ascenseur. (Sourires.) Débarrassés, du moins momentanément, de cette épée de Damoclès, nous pouvions enfin espérer nous consacrer entièrement à cette question.
    Or force est de constater que le texte nous revient du Sénat avec des dispositions qui nous inquiètent, comme celle qui vise à remettre en cause les communautés d'agglomération, alors que nous avons pu mesurer le succès de l'intercommunalité créée par la loi Chevènement.
    Je citerai aussi, mais nous y reviendrons, l'amendement adopté par le Sénat qui retarde l'adoption des plans de déplacements urbains et montre le peu de cas que la majorité accorde, en dépit des discours présidentiels, à la lutte contre l'effet de serre.
    Pour ma part, je reviendrai sur la partie du texte qui concerne les ascenseurs, consciente qu'il s'agit là d'une préoccupation extrêmement concrète et urgente. Je vous ferai part en quelques mots d'une initiative que j'ai prise dans ma circonscription de Clermont-Ferrand nord.
    Avant l'examen en seconde lecture de ce texte, j'ai en effet tenu à écouter les différents acteurs du terrain et nous nous sommes réunis au coeur d'un quartier populaire caractérisé par une présence importante de logements sociaux et de tours. Il y avait là les associations de locataires, les bailleurs sociaux, la chambre des propriétaires, le Pact-Arim, l'ADIL, les ascensoristes présents dans le département du Puy-de-Dôme.
    Je voudrais me faire ici le porte-parole des intérêts généraux qui se sont exprimés au cours de ce débat très constructif et vous dire comment je souhaite leur donner une suite sur le plan législatif.
    Je ne vous surprendrai pas, monsieur le ministre, en vous disant que la plupart de ces acteurs du logement m'ont fait part de leur grande inquiétude face à l'ampleur du programme et surtout de son coût. Cette crainte rejoint celle que nous avions fortement exprimée au cours de la première lecture du projet de loi.
    Les aides prévues à ce jour par l'Etat pour accompagner la réalisation de ce programme prévu sur quinze ans ne sont pas à la hauteur des enjeux. Dans bien des départements, comme celui du Puy-de-Dôme, l'ANAH dispose déjà de moyens nettement insuffisants et ne peut faire face aux demandes qui lui parviennent. On voit donc les délais s'allonger et les refus se multiplier. Quant aux crédits PALULOS qui pourront soutenir ce programme, leur utilisation risque de se faire au détriment d'autres projets de réhabilitation qui sont tout aussi indispensables. Enfin, la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien n'est assurée que jusqu'à la fin de 2003 et l'évoquer ne nous paraît donc pas raisonnable.
    A la suite de cette réunion, j'ai donc cherché un moyen pour permettre un accompagnement de ce programme qui serait plus adapté et qui pourrait être présenté en une phrase : éviter que le coût des travaux ne soit supporté in fine par les locataires, notamment dans les quartiers les plus fragiles socialement.
    Au cours de cette même réunion, mon attention a été attirée par des bailleurs sociaux sur le manque de compatibilité entre les différents systèmes qui ne permettent pas toujours aux propriétaires de faire jouer convenablement les règles de la concurrence. Là encore, nous vous présenterons un amendement pour remédier à ce problème. En tout état de cause, nous souhaitons que le Gouvernement engage, au niveau européen, une demande de mise en compatibilité. Cette question a été abordée en commission. Il est nécessaire d'y revenir et de connaître vos intentions sur ce sujet, monsieur le ministre.
    Je souhaite également évoquer ici les dérives que nous redoutons, en particulier celles auxquelles pourraient donner lieu des normes européennes comme celles sur les ascenseurs anti-vandales, mais aussi, dans une moindre mesure, l'article L. 125-2-4 et les interprétations qui pourraient être faites des « risques liés à l'installation d'un ascenseur, à son mode d'utilisation et à son environnement ».
    On comprend bien cette logique trop souvent ignorée, mais il faut veiller à ne pas ouvrir la voie à une stigmatisation générale des populations les plus modestes. Je suis convaincue, monsieur le ministre, que vous partagez ce sentiment, et que, comme nous, vous considérez qu'une norme de maintenance n'implique pas que le propriétaire est responsable du comportement de ses locataires. Si votre projet de loi n'alimente guère cette ambiguïté, ce n'est pas le cas de la norme européenne de maintenance. J'espère donc que ce débat nous permettra de clarifier ces enjeux, en précisant aux propriétaires ce que le législateur attend vraiment d'eux.
    Toujours à l'occasion de cette rencontre de Clermont-Ferrand, un débat très intéressant s'est engagé sur les notions d'obsolescence et de vétusté d'un ascenseur. Ce débat ne relève pas directement de la loi, mais il semble que le décret devrait y faire référence. Cela permettrait d'améliorer les relations entre les propriétaires et les entreprises. On retrouve d'ailleurs ce souci dans l'amendement adopté par le Sénat, qui permet de procéder à un état des lieux, en fin de contrat, disposition confortée par un amendement de la commission prévoyant que cet état des lieux sera également effectué au début du contrat d'entretien.
    Enfin, nous souhaitons clarifier un débat qui a eu lieu au Sénat au sujet des responsabilités qui incombent aux propriétaires et aux entreprises, en particulier sur la question centrale de la sécurité des techniciens chargés de l'entretien. On ne le dit pas assez : les victimes d'accidents d'ascenseurs sont la plupart du temps les techniciens eux-mêmes. La commission a adopté deux amendements identiques allant en ce sens. Ils contribuent à une nécessaire clarification des responsabilités. Il est vrai que cela suscite quelques réticences, mais cela nous semble aller dans le bon sens, et compléter utilement la disposition déjà votée au Sénat.
    Vous le voyez, monsieur le ministre, notre groupe aborde donc l'examen de ce projet de loi avec des propositions concrètes et la ferme volonté d'assurer aux usagers les meilleures garanties possibles dans l'utilisation des ascenseurs, premier mode de déplacement dans notre pays.
    A notre initiative et avec l'appui du rapporteur, ce texte a été enrichi en première lecture de dispositions nouvelles. Je pense notamment à la prévention des intoxications par le monoxyde de carbone ou à l'accessibilité pour les personnes handicapées.
    A l'occasion de cette nouvelle lecture, nous vous ferons d'autres propositions concrètes, visant par exemple à réaffirmer les exigences fondamentales en matière de sauvegarde du patrimoine archéologique, qui ont été mises à mal par la baisse de 25 % de la redevance de l'Institut national de recherches archéologiques préventives.
    En matière de logement, nous souhaitons aussi faciliter la prise de décision au sein des copropriétés lorsqu'un impératif d'hygiène l'impose.
    Quant à l'urbanisme, nous vous ferons une proposition pour que les équipements publics, comme les crèches, les écoles, les équipements socioculturels et de transports soient mieux pris en compte lors d'opérations immobilières d'envergure.
    Nous vous proposerons aussi de revenir sur des amendements votés par le Sénat, dont les conséquences sont extrêmement préjudiciables pour le développement de l'intercommunalité et pour la prise en compte des enjeux écologiques dans les politiques de déplacements urbains.
    Le groupe socialiste espère que ces amendements trouveront une écoute attentive et alimenteront un débat que nous souhaitons constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Merci, madame Saugues.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
    M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction est d'autant plus importante qu'elle est très attendue par nombre de nos concitoyens et d'élus locaux. Il me paraît cependant utile de rappeler les points qui ont justifié que le texte soit soumis à la représentation nationale.
    En premier lieu, vous avez pris acte, monsieur le ministre, de la nécessité de libérer le foncier dans notre pays. A ce jour, le foncier est rare, donc cher, si bien que toute la filière du logement est grippée, et le parcours résidentiel des Français semé d'embûches. En raison du coût élevé du foncier, certains de nos compatriotes, notamment les plus modestes, se trouvent de fait exclus de l'accession à la propriété. De même, les bailleurs sociaux subissent des conséquences relativement lourdes, puisque, plus les prix sont hauts, plus les perspectives d'équilibrer leurs opérations sont aléatoires. Avec cet important projet de loi, vous permettez de dégager de nouveaux terrains à bâtir, et, donc de dégripper la filière du logement.
    Vous visez un autre objectif : assouplir les règles trop contraignantes contenues dans la loi SRU, qui a été votée dans les conditions que l'on sait - n'y revenons pas -, induisant divers effets pervers, en particulier le renchérissement du foncier, et suscitant l'incompréhension des élus locaux, des maires, particulièrement ceux des plus petites communes qui ont du mal à s'y retrouver dans ce texte, notamment en ce qui concerne la participation pour voie nouvelle et réseaux, qui ne correspondait pas du tout à leurs attentes.
    Votre projet de loi répond aussi à certaines préoccupations quotidiennes de nos concitoyens. Il s'agit des mesures regroupées sous le volet « ascenseurs », qui étaient urgentes. Vous savez personnellement ce qu'il en est à cause d'un accident survenu il y a quelques mois dans votre ville.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Un accident dramatique !
    M. Philippe Folliot. Notre parc d'ascenseurs est le plus vétuste d'Europe : il y avait donc lieu de prendre des mesures ; vous l'avez fait et vous avez eu raison.
    Le texte comprend aussi des dispositions qui concernent le logement social et l'activité des organismes gestionnaires de HLM. Vous avez accepté en première lecture un amendement de notre groupe autorisant ceux-ci à gérer les logements de l'association foncière du 1 % logement. Cette mesure est très importante et significative car elle va dans le sens de la simplification et de l'efficacité du système.
    Le Sénat, dont on connaît la qualité et la minutie du travail, a amélioré le texte sur plusieurs points sensibles. Nous avons déjà parlé de ce qui a trait à la PVR et je n'y reviendrai pas. En la matière, je crois que nous avons atteint un certain équilibre et qu'il faut s'y tenir. Vouloir sans cesse ajouter de nouvelles dispositions à ce texte aurait pour effet d'en compromettre la lisibilité pour notre administration et pour les élus qui devront interpréter et appliquer la loi sur le terrain.
    Nos collègues sénateurs ont apporté d'autres modifications visant à accroître la souplesse du dispositif. Je pense notamment à l'article 5 bis D qui, comme l'a fort justement souligné notre excellent rapporteur Jean Proriol, constitue un élément important et significatif pour toutes les communes de montagne et rurales.
    Ni l'Assemblée nationale ni le Sénat n'ont souhaité revenir sur la notion essentielle de mixité sociale. Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, et en dépit des procès d'intention qui ont été instruits, le principe de mixité sociale se trouve aujourd'hui réaffirmé et même développé. Je reviendrai tout à l'heure sur ce point.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas spontanément réaffirmé !
    M. Philippe Folliot. Le texte était bon dès le départ, et il est encore meilleur après son passage au Sénat. On peut encore, cependant, apporter quelques améliorations. Ainsi, notre groupe a déposé deux amendements très importants. Le premier vise à rappeler qu'il convient de tenir compte de la spécificité de certaines communes rurales, qui n'ont à faire face qu'à une demande de permis tous les ans, voire tous les deux ou trois ans, et pour lesquelles le processus de création de la PVR est relativement complexe. Il est nécessaire d'apporter une réponse adaptée aux interrogations des élus de ces communes. Le pétitionnaire qui le souhaite doit ainsi pouvoir prendre en charge les travaux d'adaptation des voies et de raccordement au réseau, dans la limite de 100 mètres et uniquement dans le cadre d'une extension individuelle. Certes, une telle mesure ne concerne que 10 à 20 % des cas, mais peut-être 80 % des communes les plus rurales. Un maire peut hésiter à constituer une PVR qui ne fonctionnera que pendant une dizaine d'années, avec toute la lourdeur que cela représente ; de ce point de vue, cette mesure constitue une avancée particulièrement positive.
    Le second amendement, déposé par notre collègue Dionis du Séjour, vise à faciliter la réhabilitation de bâtiments agricoles en maisons d'habitation. Il importe en effet de sauvegarder notre patrimoine bâti. Le milieu rural disposera là de nouvelles possibilités pour accueillir la population.
    Nous discuterons également des amendements de notre collègue Sauvadet traitant de l'assouplissement des règles de fonctionnement relatives aux pays, notamment aux conseils de développement.
    Je ne peux conclure, monsieur le ministre, sans dire quelques mots de l'importante annonce que vous venez de faire à propos de la relance du locatif privé. Vous venez là de répondre à une attente exprimée depuis plusieurs mois par l'ensemble des professionnels et au-delà, par les centaines de milliers de familles qui sont privées de toute aide et perspective en matière de logement, celles qui ont des revenus trop élevés pour bénéficier du locatif social mais pas assez élevés pour accéder à la propriété. Ces familles sont particulièrement nombreuses dans la région parisienne et dans les métropoles d'équilibre. Elles trouveront, dans ce que je me permettrai d'appeler le « Robien », une réponse essentielle à leurs attentes. Vous l'avez dit, le délai qui nous sépare de la seconde lecture au Sénat sera mis à profit pour améliorer, si besoin est, cet important projet de loi. Mais, à ce qui constitue un « beau gâteau », vous avez déjà su ajouter la cerise qui manquait. (Sourires.)

    M. Jean Dionis du Séjour. Joyeux anniversaire !
    M. Philippe Folliot. Nos concitoyens, j'en suis convaincu, seront satisfaits de constater combien le Gouvernement en général et le ministre que vous êtes en particulier sont sensibles à leurs préoccupations quotidiennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, c'est la crème chantilly sur l'ensemble !
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne voyons pas, pour notre part, de cerise sur le gâteau. Le texte de loi qu'il nous est proposé de discuter aujourd'hui est très caractéristique des orientations politiques et des méthodes du Gouvernement. Il s'agit d'un texte assez disparate censé modifier certaines dispositions d'urbanisme liées à l'habitat et à la construction.
    Nous ne sommes pas opposés a priori à un toilettage de la loi SRU. Il était certainement nécessaire d'en adapter certaines dispositions. Mais, cette révision précoce de la loi nous semble répondre à des objectifs d'ordre plus idéologique que pragmatique. A nos yeux, il est en effet, beaucoup trop tôt pour dresser un bilan objectif de son application et de ses conséquences.
    Les dispositions d'urbanisme de ce texte sont imprégnées d'un état d'esprit que nous ne partageons pas. Elles sous-estiment la nécessité politique d'aménager et de restructurer les espaces urbains. Elles ne prennent pas en compte les problèmes induits par l'étalement des villes dans les zones périurbaines. Elles posent simplement le principe que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu'il est donc inutile de légiférer sur l'urbanisme. La relance de la planification urbaine, qui devait être discutée avec tous les partenaires de l'aménagement, aurait favorisé une organisation plus équilibrée des territoires urbains. Un urbanisme de projets devait transcender des pratiques d'opportunités foncières.
    L'assouplissement de la loi que nous discutons aujourd'hui est préjudiciable à l'ensemble de l'architecture de la loi SRU remettant en question la plupart des objectifs qu'elle avait définis. Ainsi, le principe selon lequel chacun devait, par la construction de logements sociaux, jouer son rôle dans l'exercice de la solidarité est partiellement remis en cause. Certes, le Gouvernement n'a finalement pas répondu aux attentes de certains éléments de sa majorité qui souhaitaient revenir totalement sur les objectifs de mixité sociale, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais ce texte ouvre une brèche dans la loi SRU, et nous craignons qu'elle facilite pour le Gouvernement la destruction de l'édifice construit en 2000, qui pouvait permettre de réduire la ségrégation sociale et spatiale dans nos villes.
    M. Philippe Folliot. C'est un procès d'intention !
    M. Patrick Braouezec. Je ne prendrai que quelques exemples pour justifier ma position. Le Gouvernement prétend ajuster la loi SRU aux réalités du terrain : la remise en cause de la règle des 15 kilomètres signifie que l'objectif de lutter contre l'étalement anarchique de nos agglomérations n'est pas partagé par la nouvelle majorité. La loi SRU avait fait le choix de remodeler et de restructurer les terrains déjà urbanisés plutôt que de les laisser à l'abandon et de faciliter une extension infinie des villes en périphérie, avec tout ce qu'implique le développement de villes à l'américaine : abandon des centres-villes, fuite des classes moyennes et supérieures vers les zones périurbaines, pollution urbaine, éclatement urbain, ségrégation sociale et spatiale. Cette règle n'empêchait pas de construire. Elle autorisait les constructions, à condition qu'elles soient cohérentes avec le projet urbain de l'agglomération et son SCOT. Elle incitait ainsi les agglomérations à se doter rapidement d'un SCOT.
    Il est tout aussi fâcheux d'exclure de cette règle des 15 kilomètres les agglomérations de moins de 50 000 habitants. Pourquoi les petites villes et les villes moyennes ne seraient-elles pas concernées par ces objectifs de renouvellement urbain ? Elles sont - à leur échelle, bien sûr - confrontées aux mêmes problèmes d'urbanisme que les agglomérations de plus de 50 000 habitants. Cette nouvelle disposition risque de les inciter à ne pas se doter de SCOT et donc de projet d'urbanisme, alors que, je le répète, l'objectif de réaménagement urbain les concerne tout autant. Pourquoi tous les territoires n'auraient-ils pas droit à un aménagement cohérent et organisé ?
    Les articles 2 bis et 2 ter du projet de loi sont révélateurs du mépris de la nouvelle majorité pour les objectifs de mixité sociale affichés par la loi SRU. A l'automne dernier, la majorité a renoncé à remettre directement en cause l'article 55 de la loi SRU, qui fixe des objectifs quantifiables de réalisation de logements sociaux. Une modification du code de l'urbanisme a été préférée ; elle pourra en effet être aussi efficace, c'est-à-dire préserver un mode d'urbanisation sélectif et ségrégatif régulé par le marché et l'argent, et elle a, pour le Gouvernement, l'avantage d'être moins visible médiatiquement.
    Fixer une règle de surface minimale au sol pour toute construction nouvelle reviendrait, on a déjà pu l'observer, à exclure du champ du possible toute réalisation d'habitat collectif, même sous forme de maison de ville, au seul motif d'appliquer ce fallacieux et arbitraire principe de protection de l'intérêt paysager et des constructions traditionnelles. Cela reviendrait à exclure de l'accession à la propriété dans les communes qui ont adopté cette règle tous les ménages modestes n'ayant pas les moyens d'acheter des terrains assez étendus pour protéger ce prétendu intérêt paysager.
    Le titre relatif à l'urbanisme est aussi un condensé de dispositions de convenance. Il met la loi au service d'élus locaux qui souhaitent résoudre certains problèmes particuliers auxquels ils sont confrontés. Nous ne comprenons pas la conception de la loi qui sous-tend cette accumulation de dispositions spécifiques détournant le législateur de sa mission, laquelle consiste à concevoir l'intérêt général.
    En ce qui concerne le titre relatif à la sécurité dans les ascenseurs, nous ne pouvons que partager les objectifs de la loi et certaines de ses dispositions, s'agissant notamment de l'introduction du contrôle indépendant du travail de maintenance. Mais la question du financement effectif de ces opérations de modernisation du parc reste posée. Appliqué aux 420 000 ascenseurs français, ce programme représente un coût total de 4 milliards d'euros, étalé sur une période de quinze ans. Les propriétaires pourront théoriquement recevoir des aides de l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, mais celle-ci a vu ses crédits de paiement réduits lors du vote de la loi de finances rectificative pour 2002. Pour les logements sociaux, les travaux d'entretien et de réparation pourront profiter de crédits PALULOS,...
    Mme Odile Saugues. De ce qu'il en reste !
    M. Patrick Braouezec. ... et de primes à l'amélioration des logements à usage locatif. Mais ces crédits ne pourront suffire à financer cet important effort de modernisation du parc des ascenseurs en France. Il serait inacceptable que ce défaut de financement induise des augmentations de charges, mette en péril des petites copropriétés ou conduise à ce que la loi votée ici reste inappliquée. Il serait nécessaire de mieux étudier la question du financement de ces travaux.
    Le titre relatif aux organismes HLM ne cherche en aucune façon à résoudre les problèmes de logement social dans le pays. Il se contente de donner une meilleure sécurité financière et juridique aux organismes HLM, mais surtout il perfectionne les modalités de vente des logements sociaux existants et donc de sortie du parc de logements sociaux. Ce titre ne comporte aucune disposition majeure sur cette question absolument essentielle de l'accès au logement. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation où les crédits ouverts pour la réhabilitation et la construction de logements sociaux ne sont pas consommés, alors qu'il existe une demande sociale extrêmement forte et que des familles attendent plusieurs années avant de disposer d'un logement décent. Ce projet de loi ne règle en rien la question du niveau des loyers, du financement direct des investissements des organismes HLM. Nous ne voyons donc vraiment pas l'utilité de ces nouvelles dispositions.
    Le titre relatif aux pays est, semble-t-il, le seul qui puisse nous satisfaire. Il précise de façon satisfaisante les dispositions de la loi de 1995. Nous nous réjouissons que le Sénat ait rétabli les conseils de développement dans le rôle qui était le leur après 1995.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !
    M. Patrick Braouezec. Le texte voté par cette assemblée en première lecture constituait en effet un vrai recul en matière de démocratie participative et de consultation de tous les acteurs locaux des pays. Mais il est évident que les dispositions relatives aux pays ne pourront faire oublier l'essentiel du contenu de ce texte.
    Celui-ci organise un vrai recul en matière d'urbanisme. Il augure bien mal des prochains projets de loi concernant le logement et la politique de la ville. Si ces textes amplifient la direction prise dès à présent par cette loi, nous aurons donc à craindre que nous soit présenté un projet empreint de libéralisme forcené, un projet qui, en outre, ne serait, bien sûr, pas financé.
    Pour toutes ces raisons, le groupe communiste votera contre ce projet de loi.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous n'en sommes pas aux explications de vote ! Et je vous trouve bien sévère !
    M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.
    M. Robert Lecou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de cette discussion générale, je me limiterai à évoquer les aspects relatifs à l'intercommunalité, au rassemblement de communes, à travers les notions de pays et de communautés d'agglomération.
    Mon intervention s'inscrit dans le cadre de la défense de l'intercommunalité mais aussi de la liberté des communes, liberté qui est scellée dans la Constitution de notre pays. Mon propos sera donc : oui à l'intercommunalité, mais librement consentie.
    Cette affirmation me paraît nécessaire au moment où nous avons décidé de mettre en oeuvre la décentralisation. Il est essentiel qu'un signal fort et clair soit adressé aux maires, qui ne doivent pas subir l'intercommunalité mais au contraire en être les acteurs. Nos 36 000 communes sont en effet une richesse ! Vivons-les ainsi plutôt que de les subir ! Permettez-moi, pour illustrer mon propos, d'évoquer les inondations de l'automne dernier, au cours desquelles le réflexe du sinistré fut d'interpeller le responsable le plus proche. Ce responsable était bien entendu le maire. Car c'est lui qui peut le plus facilement mobiliser le commandant de la brigade de gendarmerie, le chef du corps de sapeurs-pompiers, le sous-préfet. Il est le mieux placé pour défendre les intérêts de ses concitoyens auprès de l'administration et des institutions.
    Oui, la commune est une richesse, oui nos 36 000 communes de France sont une richesse !
    Quant à l'intercommunalité, si elle est une nécessité, elle est, elle aussi, une richesse. En effet, chacun sait aujourd'hui que nombre de compétences, nombre de services ne peuvent plus être traités ni rendus au seul niveau de la commune. Ils doivent l'être à l'échelle d'une structure intercommunale, échelle plus judicieuse, plus efficace. D'ailleurs, l'observation de notre législation, depuis des décennies, nous prouve bien que cette intercommunalité est l'évolution logique vers laquelle nos institutions doivent tendre.
    Inciter à l'intercommunalité, tel doit être le cadre législatif. Laisser les communes libres de construire ces structures intercommunales, tel doit également être le cadre législatif respectueux de notre Constitution, laquelle dispose, dans son article 72, que les collectivités « s'administrent librement par des conseils élus ». C'est dans cet esprit, mes chers collègues, que j'apprécie - et que j'approuve - les évolutions de la loi que nous sommes en train de discuter. Je pense plus particulièrement aux dispositions relatives aux pays ainsi qu'à l'article 6 sexies nouveau, relatif aux communautés d'agglomération.
    S'agissant des pays, la volonté de simplification de leur création et de leur fonctionnement est une avancée. En effet, la loi Voynet de 1999 compliquait la constitution des pays. Le texte qui nous est proposé simplifie les choses et rend aux élus l'autorité légitime qui est la leur. L'élu local est replacé au coeur du pays. Cette évolution favorisera, je le souhaite, la création de pays, lieux de concertation et de réflexion destinés à coordonner les actions et à faire émerger des projets, sans pour autant les transformer en strates administratives et fiscales supplémentaires.
    S'agissant des communautés d'agglomération, je défends ici la liberté des communes de disposer d'elles-mêmes, c'est-à-dire de pouvoir y adhérer ou non. Sur ce thème de la liberté des communes, la loi Chevènement, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, créait un nouveau type de groupement intercommunal à fiscalité propre, spécifique pour les villes : la communauté d'agglomération.
    Celle-ci est un établissement public de coopération intercommunale qui a pour objectif, aux termes de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, d'associer des communes « au sein d'un espace de solidarité, en vue d'élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire ».
    En complément, l'article L. 5216-10 du même code permet une procédure d'extension dérogatoire du périmètre, laissant la possibilité au préfet d'inclure des communes contre leur gré dans la communauté d'agglomération, sous couvert d'assurer « la cohérence spatiale et économique ainsi que la solidarité financière et sociale qui sont nécessaires au développement de la communauté d'agglomération ».
    Cette procédure est exorbitante du droit commun. Elle relève de l'embrigadement de force. Elle est bien sûr contraire à l'esprit de démocratie et à l'idée même de liberté communale.
    A l'heure où nous prônons plus de décentralisation et d'autonomie, il me paraît urgent de rendre aux communes toute leur liberté d'action.
    Pour que celles-ci libèrent leurs énergies, pour que, au sein d'un espace de solidarité, elles élaborent ensemble un projet commun, elles doivent pouvoir le faire dans un cadre librement choisi.
    C'est cette légitime conception qui a conduit notre commission, après un long et fructueux débat, à adopter l'article 6 sexies proposé par le Sénat.
    J'approuve la démarche de cette loi qui, encourageant l'intercommunalité, revient par ailleurs au sacro-saint principe : « Oui à l'intercommunalité, mais à l'intercommunalité librement consentie. » Ainsi, le respect de l'esprit de notre Constitution sera garanti.
    Enfin, pour me situer dans l'actualité et revenir sur vos propos introductifs, monsieur le ministre, je voudrais vous dire ma satisfaction pour la confiance que vous avez souhaité rappeler envers les acteurs de terrain, envers les élus locaux, ainsi que pour votre initiative favorable à la relance du logement social, notamment le logement locatif social privé, au moment où les besoins sont ressentis sur le terrain et où les mécanismes Besson sont en déclin.
    Je vous encourage en ce sens, monsieur le ministre. J'accompagnerai votre pragmatisme à la lumière de l'expérience de mon vécu de maire qui a notamment pu apprécier les effets positifs des opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Encourager, voilà bien une démarche appréciable. Ne pas forcer, c'est votre démarche ; je la partage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Merci, monsieur Lecou.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les dispositions que contient le texte adopté par le Sénat, certaines nous offrent de réels motifs de satisfaction, même si nous voulons proposer de les améliorer encore. Par contre, il en est une qui constitue tout particulièrement un grave sujet d'inquiétude.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ah !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les motifs de satisfaction tiennent aux dispositions relatives aux pays, structures instituées par la loi de 1995 mais réellement mises en oeuvre par la loi Voynet de 1999.
    En première lecture, malgré la vive et très argumentée opposition de notre collègue Pierre Cohen, notre assemblée a adopté ce qu'on peut appeler un cavalier législatif qui taillait, sabre au clair, de sérieuses croupières à ces structures de coopération intercommunale.
    Reconnaissons au moins cette sagesse aux sénateurs : ils ont su restaurer en grande partie l'esprit de la loi Voynet.
    Ils ont d'abord rétabli dans le corps du texte la notion de charte de développement du pays. Celle-ci marque solennellement la volonté politique de construire un projet cohérent et durable sur un territoire. Ne plus faire référence à cette charte, c'était réduire le pays à un simple guichet que l'on sollicite occasionnellement pour financer des actions ponctuelles et dispersées. Considérant que le pays est bien plus qu'un espace de répartition des subventions, et qu'il doit faire naître une vision prospective et réfléchie du développement local, nous nous réjouissons de la décision du Sénat.
    De même, nous saluons sa volonté de pérenniser les conseils de développement.

    Notre assemblée avait fait diparaître l'intervention de ces conseils après la formulation de leur avis sur l'élaboration du projet de pays. Or il est déterminant de maintenir leur intervention pour les associer également au suivi de ce projet.
    Les conseils de développement regroupent en effet « des représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs », c'est-à-dire des forces vives du territoire, celles qui, par essence, sont les premiers acteurs de son développement.
    Ils sont en outre un précieux outil au service de la démocratie participative. A l'heure où chacun s'alarme du désintérêt pour la politique, ils permettent de raffermir les liens entre les citoyens et les élus.
    Nous comprenons mal, en conséquence, pourquoi les sénateurs se sont arrêtés au milieu du gué et ont refusé aux conseils de développement le droit d'être associés à la mise en oeuvre et à l'évaluation de la réalisation de la charte de développement. Nous proposerons donc des amendements tendant à combler cette lacune.
    Mais notre principal motif de regret est ailleurs, et il est bien plus grave. Il concerne les communautés d'agglomération.
    Dans des conditions qui ne sont pas dignes d'un débat éclairé, un sénateur de la majorité a obtenu de ses collègues le vote de ce que l'on doit bien appeler un cavalier législatif, qui porte réellement atteinte à cet échelon de coopération intercommunale, renforcé et développé par la loi Chevènement de 1999. L'amendement adopté par le Sénat autorise en effet une commune à quitter la communauté d'agglomération dont elle est membre.
    A l'occasion de règlements de comptes locaux, certains parlementaires ont donc eu la coupable insouciance de placer, au coeur du dispositif des communautés d'agglomération, une disposition qui l'altérera et qui l'entamera nécessairement, alors que les EPCI sont aujourd'hui très unanimement considérés - y compris - par vous-même, monsieur le ministre comme l'un des instruments les plus performants de la coopération intercommunale. On évoque même le rôle qu'ils pourraient jouer dans les processus de décentralisation.
    Cette attitude est donc doublement blâmable.
    D'une part, parce qu'une loi, expression de la volonté générale, ne peut être instrumentalisée au service d'intérêts particuliers alors qu'elle se donne pour finalité l'organisation territoriale et la coopération intercommunale au service d'une volonté, partagée, par les élus de solidarité et de mise en commun des moyens de développement.
    D'autre part, parce que cet amendement ouvre une véritable boîte de Pandore. Comment, en effet, pourra-t-on, demain, refuser à certaines communes qui invoqueront d'autres motifs, tout aussi particuliers, le droit que cet amendement accorde aujourd'hui à d'autres ?
    Dès lors, c'est bien toutes les communautés d'agglomération qui seront menacées dans leur existence.
    On imagine - et le projet initial l'avait déjà laissé apparaître - le tumulte des difficultés qui suivraient de telles décisions de retrait : la complexité des règlements financiers à opérer, avec leurs incidences sur la fiscalité ; la mise en cause de la gestion des personnels transférés ; le sort des équipements réalisés par l'EPCI.
    Sous couvert du principe de libre administration des collectivités locales, qui, en l'occurrence, n'est qu'un prétexte, certains acceptent ainsi d'aggraver encore les risques d'inégalités économiques entre les territoires.
    Construites à l'origine sur les principes de cohérence et de solidarité territoriales, les communautés d'agglomération encourent donc, par cet amendement, le risque de se disloquer pour donner naissance à de nouveaux regroupements constitués uniquement sur le fondement d'égoïsmes, d'intérêts particuliers et, comment ne pas le craindre, purement électoraux.
    Nous ne pouvons pas cautionner cela et c'est pourquoi nous proposerons un amendement tendant à la suppression de cette disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, dernier orateur inscrit.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intention n'est pas de revenir sur l'ensemble de ce projet de loi. Nous savons tous la volonté du Premier ministre - qui est aussi la vôtre, monsieur le ministre - de revoir l'ensemble des dispositifs instaurés par les lois Voynet, Chevènement et Gayssot. Ces lois devront immanquablement faire l'objet d'un toilettage, d'une simplification et surtout d'une mise en cohérence.
    Cela étant, la mise en oeuvre de la loi SRU ayant posé d'énormes problèmes, le Gouvernement et vous-même avez choisi de répondre dans l'urgence au problème du blocage des terrains, afin de relancer immédiatement l'offre foncière tout en faisant oeuvre de clarification. C'est l'objet du projet que vous nous soumettez.
    Mais son examen par le Sénat a abouti à certaines simplifications complémentaires, qui sont importantes et sur lesquelles je souhaite revenir. Elles concernent à la fois les zones rurales et, plus généralement, la liberté des communes. Au seuil d'un grand mouvement de décentralisation, cela ne peut que me satisfaire.
    Monsieur le ministre, vous venez de dire que ces propositions émanent du terrain. Je tiens à vous remercier de cette appréciation, qui montre votre ouverture, votre souci du concret et votre pragmatisme.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Merci.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. A cet égard, votre proposition de relance du logement social, du locatif privé social, correspond à la fois à votre éthique personnelle, que je salue, et à une volonté politique de répondre à des besoins avérés.
    M. Philippe Folliot. Très bien !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Concernant les zones rurales, je souhaite indiquer à l'ensemble de la représentation nationale que les maires, notamment ceux des plus petites communes - dont je fais partie -, qui disposent d'un budget étriqué et n'ont ni services techniques ni documents de planification spatiale, se trouvent aujourd'hui confrontés à des problèmes qui tiennent à l'interprétation des textes par les services de l'équipement, lesquels éprouvent eux-mêmes de nombreuses difficultés à analyser les dispositions du code de l'urbanisme et, plus particulièrement de la loi montagne de 1985.
    Je voudrais dire également combien la population rurale est excédée que l'on puisse, aujourd'hui, pour des raisons mal ou peu justifiées, refuser des permis de construire sur des terrains situés dans l'environnement immédiat d'un village ou d'un hameau.
    Comment expliquer à un agriculteur propriétaire d'un terrain qu'on lui refuse son permis parce qu'il est à plus de cinquante mètres de la dernière maison du village ? Ne pouvons-nous apporter un peu de souplesse aux règles d'urbanisme sans que l'on nous oppose le sacro-saint concept du respect de l'environnement ?
    A cet égard, le projet de loi est enrichi de dispositions spécifiques à la montagne, grâce au travail du docteur Jacques Blanc, président de la mission sénatoriale d'information sur la montagne, et de Pierre Jarlier, président de l'ANEM, l'association nationale des élus de la montagne.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Très bien !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je ne peux que souscrire à l'amélioration apportée à la définition des ruines, qui permettra de restaurer de nombreux bâtiments traditionnels aujourd'hui à l'abandon, tout comme je salue la possibilité d'accorder une autorisation, à titre dérogatoire, pour la construction, la restauration ou l'extension limitée de bâtiments d'estive - je pense en tout premier lieu à nos burons d'Aubrac.
    Cela dit, je ne saurais qu'inciter le Gouvernement et le législateur à aller plus loin dans la précision des textes, afin d'éviter que les services instructeurs puissent nous opposer telle ou telle argutie qui rendrait caduc le travail salutaire pour nos territoires ruraux que nous effectuons aujourd'hui.
    Permettez-moi de souligner également les précieux apports de l'article additionnel avant l'article 5 bis D, qui permettra un assouplissement des dispositions autorisant une urbanisation en continuité des hameaux et des constructions, même s'il aurait été préférable d'écrire au singulier ; l'apport aussi de l'article 5 bis D lui-même, qui ouvre la possibilité, pour les conseils municipaux des communes non dotées d'un PLU ou d'une carte communale, d'autoriser les constructions isolées.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Tout à fait d'accord !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Sur ce dernier point, je souhaite que les décrets d'application et les circulaires apportent plus de précision, afin que, là encore, on ne se retrouve pas en butte à des querelles sur l'interprétation des textes entre le maire, les services de la DDE et les services départementaux de l'architecture. Au demeurant, ce ne sont pas ces services qui sont en cause : ils ne font qu'appliquer des dispositions parfois peu claires ou à géométrie variable.
    Je conclurai en évoquant la liberté des communes. Aujourd'hui, la France est riche de ses 36 800 communes dont les maires, forts de leur image dans l'opinion publique, veulent pouvoir gérer eux-mêmes leurs affaires. C'est pourquoi je salue la modification de la loi Chevènement du 12 juillet 1999 proposée par un amendement sénatorial, aux conséquences limitées, mais qui mettra fin à l'extension forcée du périmètre des comités d'agglomération et permettra de revenir au principe de libre administration des collectivités locales, avec la double garantie d'un terme fixé au 31 décembre 2004 et de l'intervention du préfet. Chargé d'autoriser le retrait d'une commune d'une communauté d'agglomération, le préfet ne prendra sa décision, j'en suis sûr, qu'avec circonspection.
    Mes chers collègues, nous avançons à petits pas, la ruralité demande encore plus, mais je ne peux que vous remercier, monsieur le ministre, pour votre projet qui apporte incontestablement une pierre à l'édifice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Avant de répondre brièvement aux interventions, toutes extrêmement intéressantes, je tiens à remercier très chaleureusement M. le rapporteur, Jean Proriol, pour son exposé. Il connaît sur le bout des doigts le projet de loi, les amendements sénatoriaux ainsi que les amendements qui seront défendus dans un instant. Il a effectué, depuis le début de l'examen, un travail remarquable sur ce texte à la fois très technique et très important. Je le remercie également de l'accueil très positif qu'il a réservé au dispositif qui remplacera, si vous l'adoptez, mesdames, messieurs les députés, celui qu'on appelait jusqu'à présent le « Besson ».
    M. Jean Proriol, rapporteur. On l'appellera désormais le « Robien » !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je remercie M. Jean-Pierre Grand d'avoir souligné que la ligne directrice de ce texte est la confiance qu'il manifeste à l'égard des élus locaux, et je note son intérêt pour le nouveau dispositif d'investissement dans le logement locatif.
    Je ne m'attarderai pas, madame Saugues, sur ce que vous avez dit au sujet de l'article 55 de la loi SRU, qui est étranger à ce projet de loi. Concernant l'application de la norme européenne que vous avez évoquée, je puis vous assurer que mes services sont extrêmement vigilants afin d'éviter la stigmatisation de certains quartiers « sociaux ».
    Monsieur Folliot, je trouve la formule que vous avez employée de « parcours résidentiel », pour désigner ce que j'appelle souvent la « chaîne du logement », très belle, très imagée. En effet, agir sur le foncier pour mettre en place ensuite un nouveau dispositif pour l'investissement locatif, c'est agir sur toute la chaîne du logement, à laquelle nous sommes tous très attachés.
    S'agissant de la mise en place de la participation pour voirie et réseaux dans les petites communes, que vous connaissez bien - nous avons d'ailleurs visité certaines d'entre elles ensemble - je crois comme vous que nous sommes arrivés à un point d'équilibre.
    M. Braouzec est parti, mais il pourra se reporter au Journal officiel ; j'ai noté avec plaisir qu'il ne s'opposait pas à un toilettage de la loi SRU. Il ne s'agit pas aujourd'hui de faire autre chose qu'un toilettage. Ce texte a pour but d'apporter des précisions, des explications pour que cette loi soit mieux appliquée sans en abandonner les grands principes, que nous approuvons bien entendu.
    En revanche, j'ai été extrêmement surpris d'entendre M. Braouzec, élu d'Ile-de-France, parler d'attendre, quand il s'agit de s'attaquer aux problèmes du logement et de la pénurie foncière.
    Monsieur Lecou, je suis naturellement tout à fait d'accord avec vous : les communes et les communautés représentent une richesse pour notre pays, elles se complètent utilement. Je considère comme vous que les pays ne doivent pas être un échelon administratif supplémentaire, ce serait tellement compliqué que les élus locaux, qui pourtant sont de grands spécialistes, s'y perdraient eux-mêmes.
    Je vous remercie enfin de votre soutien au nouveau dispositif en faveur du logement actif.
    Monsieur Le Bouillonnec, le Gouvernement partage bien sûr votre enthousiasme pour les pays, mais pour des pays librement consentis, pour reprendre la formule de M. Lecou.
    Concernant les communautés d'agglomération, je ne crois pas que l'article introduit par le Sénat fragilise réellement les communautés. Je répondrai plus précisément, si vous le voulez bien, lors de l'examen des amendements, mais, d'ores et déjà, je voudrais dire que l'article 6 sexies ne permet pas, contrairement à ce que vous avez affirmé, aux communes de quitter une communauté, il donne simplement le droit au préfet de rectifier, de corriger des abus. Vous l'avouerez, nous sommes loin de l'hémorragie que vous redoutez avec l'adoption de cette disposition.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous en reparlerons !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Morel-A-L'Huissier, je veux vous aussi vous remercier de votre soutien à la politique du Gouvernement en matière de logement locatif.
    S'agissant des DDE, vous avez raison de dire que si elles rencontrent parfois, malgré tout leur dévouement et leur savoir-faire, des difficultés pour appliquer certaines dispositions, c'est que celles-ci n'ont pas été suffisamment clarifiées. C'est précisément ce à quoi nous nous employons aujourd'hui. Je le répète, je m'attacherai au « service après vote », car il sera décisif. Nous irons dans les régions, réunirons tous ceux qui auront à appliquer cette loi, dans les DDRE, les DRE et les DDE. Nous rencontrerons tous les agents concernés, nous leur proposerons des séminaires au ministère sur l'application du texte. Je pense que les élus locaux, sur le terrain, constateront un très net assouplissement, ils verront qu'un peu d'huile a été mis dans les rouages. En tout cas, l'interprétation de ce texte sera la même sur tout le territoire, elle sera plus rapide et mieux coordonnée. Vous pouvez compter sur moi.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Merci !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'en ai terminé, monsieur le président. J'espère avoir répondu, peut-être trop rapidement, mais nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de la discussion des amendements, à chacun des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er A

    M. le président. « Art. 1er A. - L'article L. 111-3 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 421-5, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs, à condition d'en conserver les principales caractéristiques et de respecter les traditions architecturales locales. »
    M. Proriol, rapporteur, et M. Raison ont présenté un amendement, n° 8, ainsi libellé :
    « Après le mot : "porteurs,, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de l'article 1er A :
    « lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Il convient de limiter les possibilités de restauration aux bâtiments qui présentent un intérêt particulier d'un point de vue architectural - par exemple parce qu'ils correspondent aux traditions architecturales de la région -, ou d'un point de vue patrimonial, notamment économique. Il s'agit notamment d'éviter la restauration à l'identique de bâtiments qui constituent des verrues dans le paysage montagnard. Bref, nous avons, si vous me permettez cette expression, monsieur le ministre, bien bordé l'autorisation donnée par l'article.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Cette précision des conditions dans lesquelles la restauration d'une ruine pourra être admise est très utile, et le Gouvernement y est favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié par l'amendement n° 8.
    (L'article 1er A, ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er B

    M. le président. « Art. 1er B. - I. - L'article L. 121-7 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les dépenses exposées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pour les études, l'élaboration, la modification et la révision de leurs documents d'urbanisme sont inscrites en section d'investissement de leur budget. Elles ouvrent droit aux attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. »
    « II. - La perte de recettes résultant pour le budget de l'Etat des dispositions du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 110, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 1er B. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Sénat a adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement qui prévoit que le coût des études des plans locaux d'urbanisme et des schémas de cohérence territoriale est inscrit à la section d'investissement des budgets locaux. Le Gouvernement comprend bien le souhait des communes de faire bénéficier ces dépenses du Fonds de compensation de la TVA. Malheureusement, les règles de la comptabilité publique prévoient que ce type de dépense doit être inscrit à la section de fonctionnement. C'est pourquoi le Gouvernement est obligé de demander la suppression de l'article 1er B.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. François Brottes. Du courage, monsieur le rapporteur !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous vous soutenons ! (Sourires.)
    M. Jean Proriol, rapporteur. J'espère, messieurs, que vous irez jusqu'au bout de votre soutien !
    Monsieur le ministre, nous sommes face à un dilemme : soit nous soutenons la position du Sénat, soit nous soutenons la vôtre. Je choisis - à titre personnel, puisque la commission n'a pas examiné cet amendement éclos dans la fraîcheur matinale - de soutenir la position du Sénat.
    Nous sommes défavorables à votre demande de suppression parce que les études engagées par les communes pour établir des documents d'urbanisme représentent précisément des dépenses d'investissement, j'insiste sur ce mot. Ces études sont en effet la première étape de l'investissement. Elles coûtent de plus en plus cher et peuvent nécessiter des réexamens, elles sont même parfois contredites par les administrations départementales ou régionales.
    M. Jean-Pierre Blazy. Souvent !
    M. Jean Proriol, rapporteur. Il semble donc totalement justifié qu'elles soient éligibles au FCTVA, car elles engagent bien l'avenir de la commune, à moyen, voire à long terme. C'est pour cette raison que je suis, à titre personnel, défavorable à cet amendement, et j'invite l'Assemblée à me suivre.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'étais à peu près certain que le rapporteur choisirait la version du Sénat parce qu'elle coûte cher à l'Etat et qu'elle rapportera de l'argent aux communes. Je vous rappelle néanmoins, mesdames, messieurs les députés, que vous demandez souvent à l'Etat de faire des réductions de dépenses.
    M. Jean-Pierre Blazy. Pas nous !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En voilà une : à vous de choisir !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Boisserie et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 65, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 1er B, après les mots : "de leurs documents d'urbanisme, insérer les mots : "y compris les plans de référence et les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager. »
    La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Monsieur le ministre, comme le rapporteur, j'ai ressenti comme un outrage l'amendement impromptu du Gouvernement que nous avons heureusement rejeté. On ne peut pas, en effet, à la fois préconiser que les communes s'engagent de plus en plus dans un aménagement concerté et programmé de leur territoire et ne pas les soutenir lorsqu'elles élaborent des documents d'urbanisme qui, le rapporteur a eu raison de le souligner, coûtent cher et concernent des investissements importants pour l'avenir.
    L'amendement n° 65 de M. Boisserie est un amendement de précision qui vise à faire bénéficier de cette mesure de récupération du FCTVA les documents qui sont annexés au plan d'ensemble, comme les plans de référence, qui s'apparentent aux schémas directeurs et aident les communes et établissements de coopération intercommunale à définir les objectifs d'investissement, à moyen et long terme, ce qui est indispensable, ou comme les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager. Ces zones, tout le monde en conviendra, concourent à une démarche d'aménagement qui favorise la mise en valeur du patrimoine et la sauvegarde des richesses du passé au profit des générations futures. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous serez sensible au fait qu'il s'agit là des propositions qui vont dans le sens du développement durable, cher au Gouvernement.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je n'y suis pas sensible.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Proriol, rapporteur. J'avais cru comprendre, monsieur Brottes, que cet amendement, qui vise à rendre éligible au FCTVA des dépenses engagées par les communes pour élaborer les plans de référence et les ZPPAUP, serait retiré. Il a, vous le savez, été repoussé par la commission.
    Autant, précédemment, j'ai plaidé pour l'éligibilité des dépenses engagées par les communes pour leurs documents d'urbanisme, parce que cette mesure paraissait justifiée - et nous l'avons votée -, autant cet amendement me semble maximaliste et aller beaucoup trop loin.
    Les plans de référence sont des documents de réflexion interne à la commune, ils n'ont pas de valeur juridique. Les études pour mettre en oeuvre des ZPPAUP sont par ailleurs déjà cofinancées par l'Etat et par les communes. Et M. Brottes voudrait qu'en plus l'Etat rembourse la TVA ! Il faut rester mesuré.
    Je souhaite que nous votions conforme l'article du Sénat. Sinon, son parcours sénatorial en deuxième lecture pourrait présenter quelque risque. C'est la raison pour laquelle je vous invite à nouveau, monsieur Brottes, à retirer cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement ayant demandé la suppression de l'article, il ne peut évidemment que s'opposer à son extension. Avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Monsieur le président, je suis sensible aux arguments massue du rapporteur. Il ne faudrait pas que, par perfidie ou par tactique, d'aucuns adoptent finalement l'amendement de M. Boisserie pour permettre au Gouvernement de revenir, devant le Sénat, sur l'éligibilité des documents d'urbanisme au financement du FCTVA.
    Donc, pour être agréable au rapporteur et rendre impossible un retour sur cet acquis, je retire l'amendement n° 65.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous voyez que nous ne sommes pas maximalistes !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En voilà un qui est sensible ! (Sourires.)
    M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.
    Je mets aux voix l'article 1er B.
    (L'article 1er B est adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - L'article L. 122-2 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :
    « 1° Les quatre premiers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
    « Dans les communes qui sont situées à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population, ou à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer, et qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d'urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle.
    « Dans les communes mentionnées au premier alinéa et à l'intérieur des zones à urbaniser ouvertes à l'urbanisation après l'entrée en vigueur de la loi n°            du            portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, il ne peut être délivré d'autorisation d'exploitation commerciale en application des 1° à 6° et du 8° du I de l'article L. 720-5 du code de commerce ou d'autorisation de création des salles de spectacle cinématographiques en application du I de l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat.
    « Il peut être dérogé aux dispositions des deux alinéas précédents soit avec l'accord du préfet donné après avis de la commission départementale des sites et de la chambre d'agriculture, soit, lorsque le périmètre d'un schéma de cohérence territoriale incluant la commune a été arrêté, avec l'accord de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4. La dérogation ne peut être refusée que si les inconvénients éventuels de l'urbanisation envisagée pour les communes voisines, pour l'environnement ou pour les activités agricoles sont excessifs au regard de l'intérêt que représente pour la commune la modification ou la révision du plan. » ;
    « 2° A la fin du cinquième alinéa, le nombre : "15 000 est remplacé par le nombre : "50 000. »
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Article 1er bis A

    M. le président. « Art. 1er bis A. - Dans le deuxième alinéa du II de l'article L. 122-3 du code de l'urbanisme, après les mots : "des périmètres déjà définis, sont insérés les mots : "des autres schémas de cohérence territoriale,. »
    La parole est à M. Daniel Garrigue, inscrit sur l'article.
    M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, je ne pense pas qu'il y ait de difficultés sur le fond mais j'aimerais vous demander une précision.
    Les schémas de cohérence territoriale peuvent être des outils de planification en matière d'aménagement très utiles dans un certain nombre d'agglomérations. Il est prévu que les périmètres de ces SCOT tiennent compte des périmètres et des structures préexistantes. Cette notion de prise en compte devrait être précisée, car il est bien évident qu'elle ne vaut pas mise en conformité avec les périmètres des autres structures, qu'elle exprime plutôt un souci de méthode. Il s'agit de connaître, dès la phase d'élaboration des SCOT, l'environnement dans lequel ils seront implantés. Car si chacun comprend qu'une certaine conformité soit nécessaire, notamment quand il s'agit de groupements de communes qui ont parmi leurs compétences les questions de planification et d'aménagement, en revanche, en présence de pays ou de parcs naturels, nous sommes dans des logiques très différentes. Il faut admettre, à condition bien sûr que ces SCOT ne soient pas des machines de guerre dirigées contre ces structures, que, dans un certain nombre de cas, ils puissent se situer à cheval sur des pays ou des parcs naturels, dès lors qu'ils prennent bien en compte un bassin de vie ou un projet concernant une agglomération. Cette notion de prise en compte relève plus de la méthodologie que de la mise en conformité. L'article L. 122-3 du code de l'urbanisme devrait, me semble-t-il, être rédigé différemment.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. A une question précise, monsieur Garrigue, je ferai une réponse précise et claire, dont vous pouvez prendre acte : il ne s'agit pas de conformité. « Tenir compte » est une notion tout à fait souple sur le plan juridique. Il s'agit simplement d'éviter des périmètres à l'évidence contradictoires. Mais je retiens votre remarque sur la méthode.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis A.
    (L'article 1er bis A est adopté.)

Articles 1er bis B et 1er quater

    M. le président. « Art. 1er bis B. - L'article L. 122-3 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :
    « 1° Le III est ainsi rédigé :
    « III. - Un projet de périmètre est déterminé, selon les cas, par les conseils municipaux ou l'organe délibérant du ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents, à la majorité des deux tiers au moins des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou la majorité de la moitié au moins des communes intéressées représentant les deux tiers de la population totale. Si des communes ne sont pas membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de schéma de cohérence territoriale, la majorité doit comprendre, dans chaque cas, au moins un tiers d'entre elles. Pour le calcul de la majorité, les établissements publics de coopération intercommunale comptent pour autant de communes qu'ils comprennent de communes membres. » ;
    « 2° Il est complété par un IV ainsi rédigé :
    « IV. - Le projet de périmètre est communiqué au préfet. Ce dernier recueille l'avis du ou des conseils généraux concernés. Cet avis est réputé positif s'il n'a pas été formulé dans un délai de trois mois. Le préfet publie par arrêté le périmètre du schéma de cohérence territoriale après avoir vérifié, en tenant compte des situations locales et éventuellement des autres périmètres arrêtés ou proposés, que le périmètre retenu permet la mise en cohérence des questions d'urbanisme, d'habitat, de développement économique, de déplacements et d'environnement. »
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis B.
    (L'article 1er bis B est adopté.)
    « Art. 1er quater. - Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :
    « 1° L'article L. 122-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Un schéma de cohérence territoriale peut également être modifié par délibération de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, après enquête publique, si la modification ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable définie au deuxième alinéa de l'article L. 122-1. Le projet de modification est notifié, avant l'ouverture de l'enquête publique, aux personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 122-8. » ;
    « 2° Après le huitième alinéa de l'article L. 122-18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Les schémas directeurs approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 précitée et les schémas directeurs approuvés ou révisés dans les conditions définies par les troisième et quatrième alinéas peuvent faire l'objet d'une modification, sans être mis en forme de schéma de cohérence territoriale, dans les conditions définies par le second alinéa de l'article L. 122-13, lorsque la modification ne porte pas atteinte à leur économie générale. » - (Adopté.)

Article 1er quinquies

    M. le président. L'amendement n° 5 de M. Deprez, tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er quater n'est pas défendu.
    M. le président. « Art. 1er quinquies. - L'article L. 122-18 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Lorsque l'établissement public mentionné à l'article L. 122-4 a été constitué, avant l'entrée en vigueur de la loi n°                  du                  portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, sous la forme d'un syndicat mixte comprenant d'autres personnes publiques que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents compris dans le périmètre du schéma de cohérence territoriale, ce syndicat reste compétent jusqu'à l'approbation du schéma de cohérence territoriale ou, lorsqu'il s'agit d'un schéma directeur, jusqu'à l'approbation de la révision de ce schéma mentionnée au deuxième alinéa. Les personnes publiques autres que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents compris dans le périmètre du schéma se retirent du syndicat mixte dans le délai de six mois à compter de l'approbation du schéma ou de sa révision. A l'issue de ce délai, le retrait est prononcé d'office par arrêté préfectoral. »
    L'amendement n° 66 de M. Michel n'est pas défendu.
    M. Michel a présenté un amendement, n° 67, ainsi rédigé :
    « Compléter la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article 1er quinquies par les mots : "sauf pour les syndicats mixtes à la carte ou les personnes publiques autres que les communes et établissements publics qui n'ont pas pris la compétence SCOT. »
    La parole est à M. François Brottes, pour soutenir cet amendement.
    M. François Brottes. M. Michel pose un problème très sérieux qui a été longuement évoqué au Sénat.
    Comme vous le savez, il existe à travers le pays plusieurs syndicats mixtes qui regroupent, outre des communes ou structures intercommunales ayant compétence pour s'occuper du schéma de cohérence territoriale, des conseils généraux ou des conseils régionaux ; lorsque le schéma de cohérence est concerné, ces derniers ne participent pas au débat.
    C'est ce qu'on appelle les syndicats « à la carte ». Cette notion n'a pas de véritable existence juridique mais dans notre paysage institutionnel, ce ne sont pas des cas isolés, y compris en Auvergne, territoire cher à M. le rapporteur,...
    M. Jean Proriol, rapporteur. Et à M. Michel !
    Mme Odile Saugues. Et à moi-même !
    M. François Brottes. ... comme à nous tous, puisqu'au coeur de notre pays !
    Nous examinons une disposition votée par le Sénat tendant soit à supprimer ce type de syndicats mixtes, soit à en faire sortir les conseils généraux et régionaux. Je sens que le Gouvernement est pris d'une fièvre administrative et bureaucratique visant à créer perpétuellement de nouvelles structures. On risque d'aboutir à un empilement d'administrations, parfaitement illisible et qui, à terme, coûtera très cher au contribuable.
    Monsieur le ministre, vous avez exprimé tout à l'heure votre souci de réduire la dépense publique - souci que nous pouvons partager. Pourquoi donc créer de nouvelles structures, par exemple en Auvergne, alors qu'il en existe déjà qui remplissent la même mission ? Revenir à un syndicat par type de compétence reviendrait à recréer, partout sur le territoire, une série d'établissements publics, ce qui, à mon avis, ne va pas dans le sens de l'histoire.
    M. Michel propose, dans cet amendement n° 67, que les syndicats mixtes, qui regroupent des conseils généraux et des conseils régionaux, puissent continuer à gérer les schémas de cohérence territoriale.
    Pour gagner en précision, je proposerai une modification lègère. Je sais que la présidence n'apprécie guère les sous-amendements déposés en séance,...
    M. le président. Je vous sens un peu timide dans votre expression ! (Sourires.)
    M. François Brottes. ... mais celui-ci consisterait à ajouter, après « sauf », les mots : « si le syndicat mixte exerce déjà d'autres compétences que celles qui sont liées aux SCOT ».
    M. le président. Monsieur Brottes, votre tentative était subtile mais je vous arrête tout de suite : vous êtes en fait en train de présenter un nouvel amendement et c'est impossible. Vous avez « laissé passer » la défense de l'amendement n° 66. Mais, maintenant, nous en sommes à l'amendement n° 67.
    M. François Brottes. Je parle bien de cet amendement, monsieur le président...
    M. Jean-Pierre Grand. Quel artiste !
    M. le président. Vous connaissez la procédure, monsieur Brottes. Si une idée surgit, on peut en débattre dans le respect des règles. Mais, en l'occurrence, ce fut un peu tardif.
    M. François Brottes. Il me semble pourtant que l'on peut amender en séance.
    M. le président. Certes, mais en respectant la procédure. Et puis, il faut un texte écrit. L'exception est rarissime ; en tout cas, lorsque je préside, je ne l'accepte pas.
    Mme Odile Saugues. Quelle autorité !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Proriol, rapporteur. Quelle est la tactique de M. Michel, reprise par M. Brottes ?
    L'amendement n° 66 de M. Michel, ci-devant avocat d'Auvergne, vise à supprimer des dispositions transitoires indispensables à la mise en oeuvre des articles 1er bis et 1er ter votés conformes par nos deux assemblées. Ces deux articles posaient le principe selon lequel le SCOT ne pouvait être élaboré que par des syndicats mixtes fermés, excluant la région et le département. Or, si l'on supprimait les dispositions transitoires, la région et le département devraient quitter le syndicat mixte dès la promulgation de la loi : ce serait trop brutal !
    M. François Brottes. Je parlais de l'amendement n° 67, monsieur le rapporteur !
    M. Jean Proriol, rapporteur. Je le dirai d'ailleurs à M. Michel lorsque je le rencontrerai sur ses bases territoriales et électorales.
    Quant à l'amendement dont nous discutons,...
    M. François Brottes. Ah !
    M. Jean Proriol, rapporteur. ... c'est un amendement de repli qui vide l'article 1er de son sens, puisqu'il a pour objet d'empêcher le retrait des régions et des départements des syndicats mixtes chargés des SCOT.
    Cet amendement n° 67 pose en outre un problème rédactionnel. M. Brottes l'a bien compris puisqu'il vient de nous proposer oralement une troisième version, qui cette fois-ci élimine l'expression « syndicat mixte à la carte », qui nous paraît dangereuse. Si on connaît les menus « à la carte », on ne connaît pas encore, juridiquement, les syndicats mixtes « à la carte ».
    Nous ne pouvons donc retenir ni l'amendement de M. Michel ni la nouvelle version, un peu complexe, formulée oralement par M. Brottes.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Pardonnez-moi, monsieur le président, d'interrompre ce débat auvergnat.
    Le Gouvernement comprend la préoccupation de M. Michel, auteur de l'amendement. Quand une structure existe et a la charge d'élaborer un SCOT, il est vrai qu'il serait complètement illogique d'interrompre de façon brutale le travail entamé, qui est long, fastidieux et la plupart du temps, coûteux. Reste que l'article 1er quinquies, dans sa rédaction actuelle, répond au souci exprimé par M. Michel et par M. Brottes. Il permet de poursuivre et de mener à bien les démarches en cours, il donne le temps aux collectivités locales de trouver la solution la plus adaptée, en respectant à la fois les consensus locaux et le principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre.
    Après ces précisions, auxquelles vous serez certainement sensible, monsieur Brottes, le Gouvernement vous propose de retirer l'amendement de M. Michel.
    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Je ne retirerai pas plus l'amendement de M. Michel que mon sous-amendement, qui apportait une précision utile, même s'il gênait le rapporteur...
    M. Jean Proriol, rapporteur. Il ne me gêne pas : je ne l'ai pas !
    M. François Brottes. On m'oppose une raison de forme dont je prends acte. Cela étant, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous confirmiez ce point : une fois que le schéma est adopté, il faut soit que les collectivités concernées - conseil général ou conseil régional - quittent le syndicat mixte, soit que les autres collectivités créent, pour le suivi du schéma et ses éventuelles révisions ultérieures, une autre structure. N'est-ce pas cela ?
    M. le président. Je crois que la position du rapporteur et du ministre est connue.
    M. François Brottes. C'était juste une question, monsieur le président. Personne n'est obligé d'y répondre.
    M. le président. Une question n'appelle pas forcément de réponse.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Surtout quand elle est bonne !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quinquies.
    (L'article 1er 
quinquies est adopté.)

Après l'article 1er quinquies

    M. le président. M. Proriol, rapporteur, a présenté un amendement, n° 9, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er quinquies, insérer l'article suivant :
    « A la fin de la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 122-18 du code de l'urbanisme, les mots : "le dernier alinéa sont remplacés par les mots : "l'avant-dernier alinéa. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Amendement de coordination.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Meyer a présenté un amendement, n° 92, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er quinquies, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 122-18 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Lorsqu'un schéma directeur approuvé avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ou un schéma directeur approuvé dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de ladite loi en application du troisième alinéa ci-dessus ou un schéma directeur révisé avant le 1er janvier 2003 en application du quatrième alinéa ci-dessus est annulé pour vice de forme ou de procédure, l'établissement public prévu à l'article L.122-4 peut l'approuver à nouveau, après enquête publique dans le délai d'un an à compter de la décision juridictionnelle qui l'a annulé, sans mettre le schéma directeur en forme de schéma de cohérence territoriale. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Pierre Grand. Je défends l'amendement de M. Meyer qui n'a pas pu rejoindre l'hémicycle, faute de moyens de transport.
    Cet amendement vise à permettre, lorsqu'un ancien schéma directeur est annulé pour vice de forme ou de procédure, que l'établissement public qui le gère puisse le régulariser après enquête publique, sans attendre l'élaboration d'un schéma de cohérence territoriale. Cette faculté est ouverte pour régulariser les anciens POS par l'article 4 quater. Il paraît nécessaire de l'ouvrir pour les anciens schémas directeurs.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Proriol, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
    (L'amendement est adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - L'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :
    « 1° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
    « Ils comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune.
    « Ils peuvent, en outre, comporter des orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou à des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager. Ces orientations peuvent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, prévoir les actions et opérations d'aménagement à mettre en oeuvre, notamment pour mettre en valeur l'environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune. Elles peuvent prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics. » ;
    « 2° Au quatrième alinéa, les mots : "Ils fixent les règles générales sont remplacés par les mots : "Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales. »
    Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

    M. le président. M. Tourtelier et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 39, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Dans le a de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, après les mots : "plus de cinq ans, sont insérés les mots : "renouvelable une fois. »
    La parole est à M. Philippe Tourtelier.
    M. Philippe Tourtelier. Le code de l'urbanisme prévoit le principe d'un « gel de constructibilité » pendant cinq ans dans des zones de rénovation urbaine, principe qui s'applique uniquement aux constructions nouvelles et pas aux adaptations ou à la réfection des logements existants. En pratique, sont concernées dans des quartiers ou des centres-bourgs, des zones d'habitat pavillonnaire assez diffus, qui pourraient constituer une opportunité en cas de rénovation urbaine.
    Ce gel est prévu sur cinq ans, laps de temps qui nous paraît très court : premièrement pour élaborer un plan d'urbanisme, d'autant qu'il s'agit souvent de zones sensibles ; deuxièmement, pour faciliter le recours à l'acquisition amiable.
    Nous proposons donc que cette période de cinq ans soit renouvelable une fois, ce qui permettrait d'approfondir les projets de renouvellement urbain et, surtout, d'éviter les procédures d'expropriation - qui se déclenchent automatiquement au bout de cinq ans - et, par conséquent, de faciliter les acquisitions amiables.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Proriol, rapporteur. Défavorable. Cet amendement permettrait aux communes de geler la constructibilité de terrains pour une durée de dix ans, ce qui est vraiment très long et, d'une certaine mesure, attentatoire au droit de propriété, le propriétaire ne pouvant rien faire de son terrain pendant cette période.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Même avis. Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé pour dire qu'il était excessif de prolonger jusqu'à dix ans une telle atteinte au droit de propriété.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.
    M. Philippe Tourtelier. D'abord, il ne s'agit pas de dix ans, mais de cinq ans renouvelables : ce n'est pas la même chose.
    Ensuite, je pense que M. le rapporteur et M. le ministre confondent droit de propriété et droit d'usage. En l'occurrence, rien n'interdit au propriétaire de demander à la commune d'acheter. A suivre un tel raisonnement, le droit de préemption urbain constituerait lui aussi une atteinte au droit de propriété.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Dionis du Séjour, Goulard, Folliot, Sauvadet, Merly, Diefenbacher, Lassalle, Abelin, Demilly, Leteurtre et Vercamer ont présenté un amendement, n° 64 rectifié, ainsi libellé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme, il est inséré un article L. 123-3-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 123-3-1.- Dans les zones agricoles, le règlement peut désigner les bâtiments agricoles qui, en raison de leur qualité architecturale ou patrimoniale, peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet par l'exploitation agricole. »
    La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement revient sur une disposition dont nous avions déjà débattu en première lecture : la transformation de bâtiments agricoles désaffectés en habitations.
    Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à travailler avec la représentation nationale pour aboutir à une solution en deuxième lecture. Vous avez tenu parole. Nous vous en remercions, ainsi que les membres de votre cabinet et ceux de la commission dont, en premier lieu, le rapporteur, M. Jean Proriol. Nous avons grâce à eux établi un projet de rapport qui vous est soumis aujourd'hui.
    La loi SRU interdit aujourd'hui dans la zone « A », agricole, aux non-agriculteurs la transformation de bâtiments agricoles désaffectés en grange et en locaux d'habitation. Il y a là un véritable blocage, notamment dans les pays d'habitat dispersé. Résultat : la loi a été fréquemment contournée en délimitant des micro-zones « N ». Et parce qu'on n'a pas voulu traiter le vrai problème, on aboutit à un effet de mitage en zone agricole.
    L'amendement n° 64 rectifié vise à rendre aux élus liberté et responsabilité en ce domaine. Il permettra le maintien de retraités agricoles à domicile, à proximité de leur famille ainsi que la participation bénévole à l'exploitation agricole des membres de la famille, bien sûr dans les limites prévues par la loi. Il permettra ensuite, et c'est très important, comme Philippe Folliot l'a dit dans son intervention, de sauvegarder un patrimoine bâti traditionnel qui n'a plus de vocation agricole mais contribue à la richesse des paysages ruraux, et qui menace aujourd'hui de tomber en ruines. Il permettra enfin, le maintien de la population en milieu rural.
    Ainsi, lorsqu'ils le jugeront opportun, et dans les limites imposées par l'article L. 111-3 du code rural - notamment le respect des distances par rapport à un bâtiment agricole nuisant à une habitation -, les élus pourront autoriser la transformation des fermes désaffectées sans modification du zonage. Par ailleurs, la délimitation des zones « N » retrouvera sa vraie vocation, qu'elle n'aurait jamais dû perdre, de définition des zones où les élus autoriseront des constructions nouvelles.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Proriol, rapporteur. La commission, réunie ce matin au titre de l'article 88, a examiné cet amendement et a émis un avis favorable.
    Cet amendement permet de traiter la question du devenir du bâti agricole. Je considère pour ma part qu'il s'agit d'une véritable avancée. Nous avions effectivement signalé que la loi SRU provoquait un blocage. L'amendement n° 64 rectifié, comme l'a dit M. Dionis du Séjour, réintroduit une certaine liberté.
    M. Jean-Pierre Blazy. Et une certaine responsabilité.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Je suis donc d'accord pour insérer cette disposition, qu'il ne sera sans doute pas facile à appliquer sur le terrain. Elle devra l'être dans un souci de responsabilité et d'égalité.
    Tout le monde va y trouver son compte : le bâtiment lui-même, le monde rural, le propriétaire, ainsi que sa famille, qui pourra restaurer un bâtiment et permettre à l'un des siens de continuer de vivre dans le monde rural.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je tiens à remercier les auteurs de cet amendement, parmi lesquels M. Dionis du Séjour, M. Folliot et M. Goulard.
    Cet amendement, très attendu, va permettre au milieu rural de « respirer ». Des bâtiments qui risquaient de se dégrader petit à petit et de disparaître du paysage pourront ainsi être réhabilités. L'activité agricole y gagnera, ce qui contribuera à la préservation des terres et des exploitations.
    Le Gouvernement est donc très favorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Il faut, par notre débat, éclairer la portée de cet amendement. Si tant est que les questions posées puissent obtenir des réponses...
    J'entends bien qu'il faut apporter des assouplissements ; certaines situations sont complètement figées. J'entends bien qu'on parle de la famille de l'agriculteur. Mais je tiens à dire que la famille sera peut-être remplacée demain par un autre propriétaire privé n'ayant plus rien à voir avec elle.
    M. Jean Dionis du Séjour et M. Philippe Foliot. C'est vrai.
    M. François Brottes. L'histoire patrimoniale évolue, ne nous racontons pas des histoires : personne n'est dupe.
    Nous sommes tous très attachés au maintien et à la survivance de l'agriculture, qui assure l'entretien du paysage. Or, parfois, les néo-ruraux ont tendance à se plaindre du voisinage de l'activité agricole : au début, tout beau, tout nouveau, et puis, quand le coq chante trop fort, au bout d'un moment, cela dérange !
    Cela nous amène à nous interroger sur le maintien, à terme, de l'agriculture et sur ce que recouvre l'expression « exploitation agricole » utilisée à la fin de cet amendement. Il est en effet précisé que ce changement de destination ne doit pas compromettre l'exploitation agricole.
    Si l'on entend par « exploitation agricole » l'exploitation agricole de la zone environnante, l'intérêt de l'agriculture ne risque pas d'être compromis.
    Si l'on entend par « exploitation agricole » l'unité d'exploitation, le risque est grand que, unité après unité, l'agriculture finisse par disparaître de ces secteurs.
    Ne voyez aucune perfidie dans ma question, monsieur le ministre. Je crois essentiel de définir précisément le sens de cette expression et j'espère que vous le ferez dans votre réponse.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La réponse est extrêmement simple, monsieur le député : les deux sont vrais. L'exploitation agricole, c'est à la fois l'entité économique et l'environnement agricole, lequel ne doit pas être compromis mais, au contraire, amélioré par cette revitalisation. L'habitat est une composante du caractère agricole de la zone.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Monsieur Brottes, en tant qu'élu rural, vous savez que, parfois, les agriculteurs et leurs familles nous demandent plutôt des voisins que des terrains. Ce que souhaitent les jeunes qui s'installent, c'est de ne pas être isolés, perdus dans la nature, et de pouvoir, comme nous tous, entretenir des relations sociales.
    Il est vrai que des bâtiments agricoles récupérés et transformés en habitation par un membre de la famille pourront être ensuite négociés. Mais nous prenons toutes les précautions nécessaires puisque les distances fixées par l'article 111-3 du code rural entre l'habitation et un établissement classé devront être respectées. L'avantage de l'amendement de M. Dionis du Séjour est précisément de ne pas modifier ces règles. Néanmoins, monsieur Brottes, je suis sûr qu'un jour nous serons amenés à revenir sur l'article 111-3, qui ne donne pas toute satisfaction pour le développement du monde rural.
    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. La réponse de M. le ministre a le mérite d'être claire. Il s'agit bien de préserver l'environnement agricole du secteur concerné.
    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. La transformation de bâtiments agricoles fait l'objet de beaucoup de demandes et de contentieux. Nos débats doivent donc éclairer aussi bien l'administration que le juge. Nous sommes nombreux à souhaiter mettre un peu de souplesse dans les règles de construction en zone rurale. Faute d'avoir trouvé une lumière suffisante auprès de mes collègues, puis-je demander à l'auteur de l'amendement, au rapporteur et au ministre comment il faut comprendre la notion de qualité architecturale ou patrimoniale ?
    M. le président. Mes chers collègues, le débat se prolonge et je vous demande maintenant d'être brefs.
    La parole est à M. Philippe Tourtelier.
    M. Philippe Tourtelier. Les intentions qui inspirent cet amendement sont parfaitement louables. Mais, comme l'a reconnu son auteur, il est déjà possible de répondre à la question, même si c'est par des voies un peu détournées. En l'occurrence, on ouvre un boulevard à la revente des bâtiments transformés en maisons et à une multiplication des autorisations qui nous conduira par la suite, ainsi que l'a suggéré le rapporteur, à modifier les distances prévues à l'article 111-3. Attention ! Il faut parfois protéger l'agriculture contre les agriculteurs.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
    M. Philippe Folliot. Le souci de M. Brottes est fort légitime, mais il faut prendre en compte un élément essentiel qui est la notion d'antériorité de l'exploitation dans le secteur concerné. Tout acquéreur, le jour où le bien viendrait à quitter le giron familial, saura parfaitement qu'il y a eu auparavant une exploitation agricole là où se trouve la maison qu'il souhaite acheter.
    S'agissant de la qualité architecturale du bâtiment, il paraît évident qu'un hangar désaffecté à ossature métallique n'entre pas dans le cadre de l'amendement et que seul le bâti traditionnel est concerné. A cet égard, nous l'avons tous dit, l'attente est relativement forte. En zone agricole et plus généralement en milieu rural, le problème de fond est le manque de population. Permettre à des non-agriculteurs de venir y habiter ne peut être que très positif.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Proriol, rapporteur. Dans notre esprit, monsieur Mariton, il ne s'agit pas, bien sûr, de réhabiliter un bâtiment à l'état de semi-ruine qui polluerait le paysage comme une verrue. Il ne s'agit pas non plus de transformer en habitation une stabulation ouverte aux quatre vents qui permet l'aération des animaux, mais pas forcément des humains ! (Sourires.) Les bâtiments à restaurer doivent répondre aux critères du bâti traditionnel dans la région concernée. Voilà comment je conçois la notion de qualité architecturale ou patrimoniale, qui exclut certaines constructions imposées à un paysage qui n'y était pas accoutumé.
    M. Philippe Folliot. Il n'y aura pas de lofts à la campagne !
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Compte tenu de la difficulté qu'il y a aujourd'hui à créer de l'habitat en zone rurale, je trouve cet amendement très intéressant. Partir de l'existant est une démarche judicieuse.
    Quant à la notion de qualité architecturale ou patrimoniale, il ne faut pas essayer de la définir trop précisément. Les élus prendront leurs responsabilités en désignant les bâtiments concernés dans le cadre du règlement.
    M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !
    M. Daniel Garrigue. En cas de désaccord, il sera toujours possible de saisir le juge administratif, qui sanctionnera les erreurs manifestes d'appréciation de la qualité architecturale ou patrimoniale.
    En outre, cette notion peut varier considérablement suivant les régions et, pour la préciser utilement, nous devrions entrer dans des détails qui ne relèvent pas du domaine de la loi.
    M. Jean Dionis du Séjour et M. Philippe Folliot. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Mesdames, messieurs les députés, vous sentez bien où porte le courant : ce n'est pas de Paris que l'on va définir la qualité architecturale et patrimoniale d'un bien ! Paris, au contraire, fait de plus en plus confiance aux élus en matière d'habitat. En effet, avec les plans locaux d'urbanisme, qui succèdent aux anciens POS, les élus disposent d'une procédure démocratique bien établie, consistant à soumettre le PLU à l'enquête d'utilité publique, donc au débat collectif, puis au vote du conseil municipal. A la suite de cette procédure, certains bâtiments seront déclarés, le cas échéant, réhabilitables, tandis que des hangars agricoles en fibrociment, en lamellé-collé ou à ossature métallique ne le seront évidemment pas, faute de qualité architecturale ou patrimoniale. Enfin, comme l'a très bien dit M. Garrigue, le juge, en cas de fausse manoeuvre, est là pour dire le droit.
    M. Hervé Mariton. Il se peut qu'il n'y ait pas de PLU.
    M. François Brottes. Alors, c'est le préfet qui tranche.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
    J'informe l'Assemblée qu'à la demande du Gouvernement, nous débuterons nos travaux à quinze heures par l'examen des articles 20 et 22 consacrés aux pays.
    Par conséquent, les articles et amendements précédant ces dispositions sont réservés.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 641, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction :
    M. Jean Proriol, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 717) ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 560, relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République :
    M. Jean-Pierre Grand, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 722) ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 699, relatif à la protection de l'environnement en Antarctique :
    M. Serge Grouard, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 753).
    Eventuellement, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT