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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 10 AVRIL 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 9 avril 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

GIAT INDUSTRIES «...»

M. François Rochebloine, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

LICENCIEMENTS «...»

MM. Jacques Desallangre, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

PNEUMOPATHIE ATYPIQUE «...»

MM. Jacques Domergue, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

ASSURANCE MALADIE «...»

MM. Claude Evin, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

LUTTE CONTRE LA GRANDE CRIMINALITÉ «...»

MM. Jean-Luc Warsmann, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

CÔTE D'IVOIRE «...»

M. Axel Poniatowski, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT «...»

Mme Annick Lepetit, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

FILIÈRE PORCINE «...»

MM. Daniel Prévost, Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

ÉDUCATION ROUTIÈRE À L'ÉCOLE «...»

MM. Marc Francina, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE «...»

Mme Patricia Adam, M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

ÉTABLISSEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES «...»

MM. Charles Cova, Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

INNOVATION «...»

M. Jean-Michel Fourgous, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

3.  Simplication et codification du droit. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Xavier de Roux,
Hervé Novelli,
Gaëtan Gorce,
Paul-Henri Cugnenc,
Jean-François Mancel,
Eric Woerth.
Clôture de la discussion générale.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. André Vallini, le secrétaire d'Etat, Etienne Blanc, rapporteur de la commission des lois ; Jérôme Lambert. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 86 de M. Madelin : MM. Alain Madelin, Xavier de Roux, vice-président de la commission des lois ; le secrétaire d'Etat, Jérôme Lambert. - Adoption.

Article 1er «...»

Mme Muguette Jacquaint, MM. Jérôme Lambert, le vice-président de la commission.
Amendement n° 3 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 4 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 62 de M. Bénisti : MM. Guy Geoffroy, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 6 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article 1er modifié.

Suspension et reprise de la séance «...»
Article 2 «...»

M. Xavier Bertrand, Mme Muguette Jacquaint.
Amendement n° 58 de M. Lasbordes : MM. Pierre Lasbordes, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 «...»

M. Jérôme Lambert, Mme Muguette Jacquaint.
Amendement de suppression n° 63 de M. Braouezec : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 43 de M. Etienne Blanc : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article 3.

Article 4 «...»

M. Jérôme Lambert.
Amendements de suppressioin n°s 64 de M. Braouezec, 87 de M. Sauvadet et 97 de M. Lambert : Mme Muguette Jacquaint, MM. François Sauvadet, Jérôme Lambert, le rapporteur, le vice-président de la commission, le secrétaire d'Etat, Jean Leonetti. - Retrait de l'amendement n° 87.
M. Jérôme Lambert. - Rejet, par scrutin, des amendements n°s 64 et 97.
Amendement n° 7 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 «...»

M. Jérôme Lambert, Mme Muguette Jacquaint.
Amendement de suppression n° 65 de M. Braouezec : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 9 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 88 de M. Sauvadet : MM. François Sauvadet, le président, le secrétaire d'Etat.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Décision du Conseil constitutionnel «...».
5.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

    M. le président. Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Leonid Sloutski, président du groupe d'amitié Russie-France de la Douma d'Etat de la Fédération de Russie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

GIAT INDUSTRIES

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
    M. François Rochebloine. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. J'y associe tous mes collègues du département de la Loire, mais également tous nos collègues qui ont un établissement de GIAT Industries dans leur département.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !
    M. François Rochebloine. L'annonce d'un sixième plan pour le groupe GIAT Industries a provoqué un profond mouvement de colère et d'indignation dans les régions touchées par la vague de suppressions d'emplois qui en découlera.
    Le 25 février, ici même, j'avais alerté votre gouvernement sur les graves conséquences qu'entraînerait une restructuration aussi brutale. Hélas, le plan présenté conduira inexorablement au désengagement de l'Etat du secteur de l'armement terrestre. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Nos collègues Pascal Clément et Chantal Robin-Rodrigo l'ont largement souligné hier, lors de la séance de questions d'actualité. Avec plus de 3 750 emplois supprimés dans les trois ans à venir,...
    M. Albert Facon. C'est terrible !
    M. François Rochebloine. ... ce sont les deux tiers des personnels qui sont visés, tandis que deux sites sont rayés de la carte, Saint-Chamond et Cusset, d'autres sévèrement dégraissés, comme Tarbes et Roanne.
    Au terme du plan, la production industrielle devrait être divisée par trois. Pour cela, ce n'est pas moins d'un milliard d'euros qui seront injectés dans l'entreprise. Avec un tel plan, qui peut encore croire à l'avenir de GIAT Industries ?
    M. Christian Bataille. Personne !
    M. François Rochebloine. Et pourtant, le rapport de nos collègues Fromion et Diébold est clair : GIAT Industries a un avenir, pour peu que l'Etat joue son rôle, qu'il assume enfin ses responsabilités, notamment avec un niveau de commandes suffisant.
    Après cinq plans sociaux menés par les différents gouvernements successifs, la logique reste toujours la même : dégraisser, dégraisser et encore dégraisser.
    M. Jacques Desallangre. Eh oui !
    M. François Rochebloine. Ne vous étonnez donc pas, dans ces conditions, que les paroles, les promesses faciles ne puissent plus être entendues. C'est la crédibilité même de l'Etat qui est en cause, lui qui s'apprête à laisser des friches industrielles, comme ce sera le cas dans le département de la Loire, où l'on annonce plus de 1 350 suppressions d'emplois.
    M. le président. Merci, monsieur Rochebloine.
    M. François Rochebloine. Comprenez-le, cette situation est inacceptable.
    M. le président. Merci, monsieur Rochebloine.
    M. François Rochebloine. J'en termine, monsieur le président, si vous le voulez bien.
    M. le président. Vous avez terminé, monsieur Rochebloine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Rochebloine. S'il vous plaît...
    M. le président. Alors posez votre question !
    M. François Rochebloine. Monsieur le Premier ministre, nous avons exprimé notre défiance à l'égard de la direction générale du groupe encore ce matin en commission, laquelle direction n'a pas su ou voulu préparer un vrai projet industriel à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi nous vous demandons que ce plan soit retiré le temps de permettre le réexamen...
    M. le président. Merci, monsieur Rochebloine !
    M. François Rochebloine. ... des potentialités du groupe par une nouvelle équipe dirigeante (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), un nouveau président, qui, eux, seront réellement soucieux d'assurer sa pérennité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, c'est justement parce que le Gouvernement entend conserver à la France une industrie de l'armement terrestre...
    Un député du groupe socialiste. Ce n'est pas vrai !
    Mme la ministre de la défense. ... que nous avons autorisé la direction de l'entreprise à présenter ce plan. Il est important d'agir maintenant, parce que l'on a trop tardé à mettre en oeuvre des solutions courageuses, raisonnables...
    M. Jean-Pierre Kucheida. Ben voyons !
    Mme la ministre de la défense. ... et qui veillent à préserver GIAT Industries dans l'avenir.
    M. Bernard Derosier. On dirait du Raffarin !
    Mme la ministre de la défense. Il y a eu dans le passé des plans qui ont systématiquement surestimé les besoins industriels, qui n'ont pas fait les adaptations nécessaires. Et je le dis très clairement, si à l'époque on avait réalisé des ajustements portant sur peut-être 500 personnes de plus, ceux qui sont envisagés aujourd'hui concerneraient probablement moins de salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Ce que nous prévoyons, c'est un plan qui garantisse une industrie en s'appuyant sur un noyau dur que nous assurons parce qu'il s'appuie sur la loi de programmation militaire que vous avez votée (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Yves Fromion. Tout à fait !
    Mme la ministre de la défense. ... et qui nous permet ainsi de passer, sur le long terme, de vraies commandes. Ce sont des commandes de matériel, avec le VBCI. Ce sont des commandes de maintenance et de développement, notamment pour le char Leclerc et l'AMX 10 P - il y en a pour vingt-cinq ans. Ce sont aussi des commandes pluriannuelles de munitions. Cela signifie que les personnels de l'entreprise auront enfin, et pour la première fois depuis dix ans, de vraies perspectives à long terme. Et pour les autres,...
    M. Albert Facon. Combien de chômeurs ?
    Mme la ministre de la défense. ... nous avons un plan social qui prend en compte toutes les situations.
    M. Albert Facon. Trois mille chômeurs !
    Mme la ministre de la défense. Dans ce plan, comme vous le savez, monsieur le député, puisque vous étiez là ce matin, lorsque j'ai évoqué cette question devant la commission de la défense de votre assemblée, le ministère de la défense et l'Etat assument toutes leurs responsabilités.
    La nouvelle dimension de GIAT Industries, telle que nous la prévoyons aujourd'hui, correspondra exactement aux mêmes normes que les industries d'armement britannique...
    M. Albert Facon. Quel exemple ! On voit ce que font les Anglais en ce moment !
    Mme la ministre de la défense. ... ou allemande, lesquelles, que je sache, ne sont pas vouées à la disparition.
    Je croix, monsieur le député, que nous donnons enfin une vraie perspective à GIAT Industries, à ses salariés et à l'industrie de l'armement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LICENCIEMENTS

    M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jacques Desallangre. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il ne répond pas quand on l'interroge !
    M. Jacques Desallangre. Cela ne fait rien ! Mais il est vrai que la question précédente portait sur un sujet sérieux et qu'elle aurait mérité une réponse de M. le Premier ministre. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le Premier ministre, quelle que soit la conjoncture économique - croissance ou récession -, les plans sociaux se succèdent, inexorablement.
    M. Jean-Michel Ferrand. C'est l'héritage !
    M. Jacques Desallangre. Ne serait-ce que depuis votre arrivée au Gouvernement, ce sont plus de 125 000 personnes supplémentaires qui ont été privées d'emploi.
    Mais le plus révoltant, c'est que, trop souvent, cela se produit sans aucune raison économique. « Licenciements économiques », assurent les employeurs. En fait, c'est de licenciements boursiers qu'il s'agit. Car, alors même qu'elle est prospère, telle ou telle entreprise annonce des plans dits « sociaux » et jette à la rue des centaines, voire des milliers de salariés. Pourtant le rôle de l'Etat ne doit-il pas être de protéger les plus faibles, de réduire les inégalités et l'injustice sociale ?
    C'est pourquoi mes collègues du groupe communiste et républicain et moi-même avons déposé, hier après-midi, une proposition de loi tendant à redéfinir la notion de licenciement économique et à proscrire les licenciements boursiers.
    Mais, dès aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, je vous pose la question : accepterez-vous de faire discuter cette loi ? Accepterez-vous d'envisager que soit interdit un licenciement dit « économique » quand il est décidé par une entreprise qui fait des bénéfices, constitue des réserves et distribue des dividendes à ses actionnaires ? Accepterez-vous qu'en cas d'infraction à cette interdiction, les actionnaires - je dis bien les actionnaires, pas l'entreprise - supportent les conséquences financières de leurs décisions, et qu'ainsi l'on mette fin à une situation où les bénéfices sont pour les actionnaires et les sacrifices pour la collectivité nationale ? Allez-vous accepter de bannir le terme de « licenciements économiques » quand il s'agit en fait de licenciements boursiers, qui créent artificiellement de la valeur pour l'actionnaire, mais qui créent, hélas, pour les salariés, l'insécurité, la détresse, la misère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, je suis choqué, comme vous, de ces mouvements de la Bourse, qui semble se réjouir des licenciements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean Le Garrec. Ce sont des larmes de crocodile !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est ignorer le respect que l'on doit aux salariés qui travaillent pour la réussite des entreprises en France. C'est ignorer la réalité vécue par les familles à l'occasion de ces licenciements.
    Mais, monsieur le député, vous donnez une mauvaise réponse à une bonne question. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En suggérant que l'Etat devrait interdire les licenciements économiques et taxer les actionnaires, vous ignorez la réalité du monde économique.
    M. Richard Mallié. Exactement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pourtant, monsieur le député, votre précédente tentative en ce sens, à l'occasion du vote de la loi de modernisation sociale, avait été, je vous le rappelle, sanctionnée par le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les même bancs.) C'est, monsieur le député, que le fonctionnement des entreprises suppose la confiance des investisseurs, en France et à l'étranger. Or cette confiance ne peut pas s'accommoder de rigidités administratives comme celles que vous suggérez d'instaurer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nos entreprises ont des atouts à faire valoir sur les marchés extérieurs. Les isoler, les couper du reste du monde, ce serait sacrifier des emplois dans notre pays.
    M. Jacques Desallangre. Pas de grands mots !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous devons, au contraire, construire un modèle dans lequel la mondialisation est maîtrisée, avec des règles socialement justes.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas le cas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est le thème de la responsabilité sociale des entreprises, que la France défend au niveau européen et qu'elle défendra à la prochaine réunion du G8 à Evian.
    Dans cet esprit, monsieur le député, j'ai d'ailleurs demandé aux partenaires sociaux de négocier sur les règles à appliquer en matière de licenciement et sur le traitement social des restructurations. Vous aviez, à l'époque, ironisé sur la capacité des partenaires sociaux à se saisir de ce dossier. Eh bien, vous aviez tort, ils s'en sont saisis. J'attends maintenant leur réponse pour vous présenter, avant la fin de l'année, un texte qui permettra de modifier en conséquence le droit du travail.
    M. Jean-Claude Lefort. Par ordonnances ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, monsieur le député, je souhaite rappeler aux entreprises que nous sommes à la veille d'un retournement démographique qui va mettre en évidence la nécessité pour les entreprises d'investir dans les compétences de leurs salariés et de les fidéliser.
    M. Jacques Desallangre. Et surtout de les respecter !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faut désormais que les entreprises y pensent aussi avant de licencier. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

PNEUMOPATHIE ATYPIQUE

    M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Jacques Domergue. Ma question s'adresse au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    L'épidémie de pneumopathie atypique, également désignée sous le nom de syndrome respiratoire aigu sévère, qui sévit en Asie, touche la France depuis quinze jours. Au niveau mondial, l'épidémie a fait 103 morts et a touché 2 600 personnes. En France, seize personnes font l'objet d'un suivi et 296 notifications de cas suspects ont été recensées par l'Institut de veille sanitaire. Quatre cas sont considérés comme avérés ou probables, selon le directeur général de la santé.
    Le premier des quatre cas français est celui d'un cardiologue, hospitalisé à Tourcoing, qui travaillait à l'hôpital de Hanoi, où il a été infecté. Il est rentré en France le 23 mars dernier, à Roissy. Les trois autres cas concernent des personnes qui faisaient également partie de ce voyage : le deuxième cas est celui d'un médecin de Besançon qui était assis à côté de lui dans l'avion ; le troisième cas est celui d'une infirmière hospitalisée à Montpellier qui, fort heureusement, a développé une forme bénigne de la maladie et qui a pu être déshospitalisée ; le quatrième, enfin, à Bordeaux, pose le problème du mode de contamination et de dissémination de la maladie.
    Aujourd'hui, on connaît un peu mieux le germe, qui paraît correspondre à un coronavirus, parfois associé à un paramixovirus. Aucun traitement curatif n'est aujourd'hui disponible. C'est dire le peu d'efficacité que nous avons, une fois la maladie déclarée. Le mode de contamination le plus probable est la voie aérienne, expliquant la rapidité de la propagation de la maladie. D'autres voies de propagation font l'objet d'hypothèses, comme une propagation par le contact ou par des cafards dans les canalisations des établissements, comme on l'a appris ce matin.
    Monsieur le ministre, doit-on s'attendre à une intensification des mesures d'isolement et de prévention, et peut-on dès aujourd'hui entrevoir l'ampleur de l'épidémie, tant au niveau mondial que dans l'Hexagone ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député Domergue, l'épidémie de pneumopathie atypique est naturellement préoccupante. Je voudrais d'abord, avant de vous répondre, rendre hommage à l'équipe médicale du SAMU qui est allée remplir une mission difficile à Hanoi, qui était de retour dimanche et qui suscite chez nous fierté et reconnaissance. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    Pour répondre à votre question, monsieur Domergue, je voudrais vous dire deux choses.
    D'abord, la vigilance sanitaire est toujours de règle, et elle est appliquée par les SAMU, les hôpitaux, les services aux frontières pour les vols en provenance de pays d'endémie. Bien entendu, les consignes qui concernent les informations aux voyageurs sont toujours rigoureusement appliquées.
    Mais, si vous me le permettez, je voudrais vous dire une deuxième chose. En six semaines, depuis le 26 février - le premier cas connu à Hanoi -, nous n'avons en France que quatre cas probables : l'un est sorti de l'hôpital ; deux ont des évolutions favorables ; le quatrième, il est vrai, est préoccupant. Jamais, à ce jour, nous n'avons encore observé de transmission sur le sol national. Par conséquent, si la vigilance est de règle, permettez-moi de dire que je ne voudrais pas qu'on cède à la phobie. Et je n'accepte pas non plus la tentation d'une certaine discrimination vis-à-vis d'une communauté qui appartient à la France, au prétexte que le virus serait d'origine asiatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je crois qu'il nous faut rester vigilants, mais aussi raison garder. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ASSURANCE MALADIE

    M. le président. La parole est à M. Claude Evin, pour le groupe socialiste.
    M. Claude Evin. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, vous vous êtes engagé à « présenter au printemps un projet de loi de financement rectificatif en cas d'écart significatif avec les objectifs ». Et vous avez même ajouté : « Il faut toujours garder le contact avec la réalité et se fonder sur la vérité, même si elle est parfois désagréable. »

    Lundi dernier, dans un quotidien national, vous avez reconnu que le déficit de l'assurance maladie pour 2002 serait beaucoup plus important que celui que vous nous aviez annoncé l'automne dernier. Et nous savons tous très bien que cette situation ne va faire que s'aggraver au cours de l'année 2003.
    Contrairement à ce que vous avez affirmé à plusieurs reprises ici, ce n'est pas uniquement une absence de recettes qui explique le creusement de ce déficit, mais une absence de politique de maîtrise de l'évolution des dépenses. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. ) Depuis que vous êtes à la tête de ce ministère, vous ne cessez de répéter que c'est grâce à la confiance que vous avez dans les prescripteurs de soins que vous arriverez à maîtriser ces dépenses. Force est aujourd'hui de constater l'échec de cette politique.
    M. Charles Cova. C'est la vôtre qui a échoué !
    M. Claude Evin. Or, lorsque le déficit de la sécurité sociale s'aggrave, c'est la solidarité nationale qui est fragilisée. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    A défaut d'avoir tenu le discours juste et d'avoir pris les décisions qui s'imposaient, vous vous apprêtez donc à procéder à des déremboursements massifs pour les assurés sociaux,...
    M. Robert Lamy. Vous êtes mal placé pour donner des leçons !
    M. Claude Evin. ... et donc à les renvoyer vers les assurances privées pour la prise en charge de leurs soins, et cela sans que la représentation nationale ait eu à en débattre.
    M. Lucien Degauchy. Mais qu'est-ce que c'est que cette caricature ?
    M. Claude Evin. Que vous le vouliez ou non, il y a là un glissement insidieux vers la privatisation de l'assurance maladie. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous nous annoncez des réformes pour l'automne prochain, mais l'ampleur de la dégradation des comptes, que vous êtes, de fait, en train d'accepter par votre inertie,...
    M. Renaud Donnedieu de Vabres. Oh ! Ça va !
    M. Bernard Accoyer. M. Evin est amnésique !
    M. Claude Evin. ... ne vous laissera pas beaucoup de choix à la fin de cette année.
    Quand donc, monsieur le ministre, au cours de ce printemps, allez-vous saisir le Parlement de la dégradation inquiétante des comptes de la sécurité sociale, comme vous vous y étiez engagé. Et quand nous ferez-vous des propositions tendant à garantir un haut niveau de remboursement des soins par la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député Evin, vous savez l'estime et le respect que j'ai pour les fonctions que vous avez exercées. Or j'avoue que la façon dont vous avez abordé votre question me déçoit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais vous savez, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, si vous voulez que je vous fasse une réponse à l'emporte-pièce, dites-le ! Je peux le faire ! (Mêmes mouvements.)
    Mme Martine David. Nous voulons la vérité !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mais je préfère vous démontrer, premièrement, que vous n'êtes pas le plus qualifié, monsieur Evin, pour nous parler de la maîtrise des dépenses de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il suffit, pour cela, de rappeler les taux d'évolution des ONDAM votés et réalisés entre 1998 et 2001 : en 1998, ils ont été respectivement de 2,4 % et de 4 % ; en 1999, de 1 % et de 2,6 % ; en 2000, de 2,9 % et de 5,6 % et, en 2001, de 2,6 % et de 5,6 %. Voilà pour la maîtrise ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. S'il vous plaît, un peu de calme !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En second lieu, je vous remercie de m'avoir annoncé des déremboursements, parce que je l'ignorais !
    On m'a remis hier le rapport de Jean-François Chadelat, dont la version provisoire avait donné lieu à des conclusions aussi définitives que contradictoires : certains, comme vous, disant qu'il s'agissait de privatiser la sécurité sociale, et d'autres qu'on allait socialiser les assurances !
    Autrement dit, laissez-nous procéder à la concertation. Oui, j'admets que la situation est préoccupante, mais nous nous concerterons et nous ferons la réforme à l'automne comme convenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

LUTTE CONTRE LA GRANDE CRIMINALITÉ

    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe de l'UMP.
    M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le garde des sceaux, nombre de nos concitoyens sont choqués de voir se développer une criminalité de plus en plus violente.
    M. François Hollande. Vous allez voir que cela va sans doute être encore la faute de Vaillant ! (Sourires.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Ces dernières semaines, il suffisait d'ouvrir le journal chaque matin pour y lire des informations stupéfiantes : attaque de convoyeurs de fonds au bazooka, assaut d'une prison au lance-roquettes, trafic d'armes de guerre qui prospérait depuis plusieurs mois démantelé à quelques kilomètres de Paris, trafics d'êtres humains fondés sur la prostitution.
    M. François Hollande. Mais c'est affreux !
    M. Jean-Luc Warsmann. Les Français sont également révoltés devant le développement de la délinquance écologique : je pense à ces « voyous des mers » qui polluent nos océans et nos plages quasiment en toute impunité.
    M. François Hollande. Des voyous, il y en a partout !
    M. Jean-Luc Warsmann. Toutes ces formes de criminalité ont des points communs.
    D'abord, elles se moquent des frontières : elles profitent du manque de concertation entre les Etats, y compris entre les Etats européens.
    Ensuite - et il faut avoir le courage de le dire -, elles profitent également des failles dans nos propres lois.
    Quelles mesures concrètes comptez-vous proposer, à la fois pour lutter efficacement contre ces formes de délinquance et pour que le dernier mot reste à la loi et à la justice ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je partage votre sentiment d'inquiétude devant le développement d'une forme de criminalité, qui est le fait de véritables professionnels profitant de l'ouverture des frontières et utilisant, avec beaucoup d'efficacité et à des fins criminelles, les nouvelles technologies de communication et la libération des échanges.
    C'est la raison pour laquelle nous avons élaboré un projet de loi ayant pour objet de répondre à ces nouvelles formes de criminalité. Vous serez amenés à en débattre à la fin du mois de mai.
    Afin de lutter contre la criminalité organisée, ce texte prévoit une nouvelle organisation des institutions judiciaires avec la mise en place de tribunaux spécialisés qui disposeront de moyens d'action beaucoup plus efficaces - cela vaut aussi bien pour les procureurs de la République que pour les juges d'instruction - et qui seront capables d'assurer une coopération judiciaire internationale à un bon niveau.
    Par ailleurs, ce texte permettra de lutter plus efficacement, d'une part, contre les délits liés à l'environnement, à la santé publique, aux questions économiques et financières et, d'autre part, contre les discriminations, en particulier raciales.
    Enfin, le texte simplifiera la procédure, ce qui se traduira par un gain de temps et d'efficacité, donc par davantage de moyens accordés à l'institution judiciaire pour lui permettre de lutter plus efficacement contre ces nouvelles formes de criminalité.
    Ce projet de loi vise à donner à la justice, comme cela a été fait pour la police et la gendarmerie, la capacité d'assurer la sécurité, et donc la liberté des Français.
    Voilà l'état d'esprit qui a sous-tendu l'élaboration de ce texte équilibré, dont nous aurons l'occasion de débattre ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

CÔTE D'IVOIRE

    M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe de l'UMP.
    M. Axel Poniatowski. Madame la ministre de la défense, la guerre en Irak a eu notamment pour effet, ces dernières semaines, de reléguer au second plan la grave crise ivoirienne et l'engagement des troupes françaises dans ce pays, troupes dont les effectifs, je le rappelle, s'élèvent à plus de 3 000 hommes.
    Jeudi dernier, pour la première fois, les rebelles ont participé, à Yamoussoukro, à la réunion du gouvernement de réconciliation nationale issu des négociations de Marcoussis. Neuf ministères ont été réservés aux trois mouvements rebelles, sans qu'y figurent finalement les postes clefs de la défense et de l'intérieur. Il faut, maintenant, que les ministres concernés prennent possession de leur ministère à Abidjan, où la tension reste vive.
    La situation politique reste donc fragile dans un pays où les intérêts français sont importants, puisqu'ils représentent plus d'un tiers des investissements de la Côte d'Ivoire, assurés par plus de 1 000 entreprises françaises.
    D'où mes questions, madame le ministre. Quelle est actuellement la situation du conflit sur le terrain ? Quel est aujourd'hui le rôle assigné aux troupes françaises ? Le sud et le nord du pays vous semblent-il durablement séparés ? Des exactions criminelles sont-elles encore détectées dans Abidjan ? Les sinistres escadrons de la mort, proches du pouvoir actuellement en place, sévissent-ils toujours ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Poniatowski, la première mission des troupes françaises, depuis le 19 septembre 2002, a été de protéger les ressortissants français et étrangers qui risquaient d'être pris entre deux feux, c'est-à-dire dans les combats entre les forces nationales et les rebelles. Depuis cette date, les forces de la CEDEAO sont intervenues et la force Licorne travaille avec elles à l'application de la résolution 1464 des Nations unies.
    La mission des troupes françaises est triple : premièrement, continuer à protéger les ressortissants étrangers ; deuxièmement, veiller au respect du cessez-le-feu ; troisièmement, contribuer à la réconciliation en mettant en place toutes les conditions d'un retour à la paix.
    Aujourd'hui, le processus politique, vous l'avez rappelé, est en train de s'enclencher et, malgré quelques difficultés, semble se mettre en place.
    Pour ce qui est du terrain lui-même, on peut dire que la situation est à peu près calme le long de la ligne de cessez-le-feu, si l'on excepte vendredi dernier, journée au cours de laquelle un accrochage entre la force Licorne et les rebelles a fait trois morts parmi ces derniers.
    Toutefois, à l'ouest du pays, la situation demeure d'autant plus préoccupante que les FANCI comme les rebelles utilisent des Libériens, dont l'attitude est complètement incontrôlée et incontrôlable ; là réside le véritable risque.
    La force de la CEDEAO et les forces françaises s'activent pour stabiliser cette zone et oeuvrent pour l'engagement d'un processus de réconciliation nationale et pour restaurer l'unité de ce pays.
    Vous le savez, monsieur le député, la France est très attachée à la Côte d'Ivoire, de par son histoire et de par ses intérêts. Nos militaires font là-bas un travail remarquable. Toutes les images que nous avons pu voir d'eux à la télévision ont montré à la fois leur professionnalisme et leur maîtrise, y compris face aux provocations. Ils ont évité des bains de sang, même si, malheureusement, des charniers ont été découverts.
    Par ailleurs, dans Abdijan même, il n'y a pas aujourd'hui de nouvel exemple d'intervention des brigades de la mort dont vous parliez. La situation semble assez bien contrôlée.
    Je voudrais simplement, mesdames et messieurs les députés, que nous pensions à ces jeunes hommes et à ces jeunes femmes qui sont aujourd'hui en Côte d'Ivoire dans une situation encore fragile et qui ont déjà fait face à de très grandes difficultés. Nous pouvons leur exprimer notre admiration et nos remerciements pour la façon dont ils servent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT

    M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste.
    Mme Annick Lepetit. Monsieur le Premier ministre, les déclarations que vous avez faites lors de votre intervention à la télévision, jeudi dernier, nous semblent le plus souvent contradictoires et incohérentes. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Certes, vous avez été ferme dans vos intentions, mais vous êtes resté très flou pour ce qui est des mesures que vous allez prendre. Nous sommes donc très inquiets, vous le comprendrez, des conséquences qu'elles auront pour notre pays, dont la situation économique et sociale est de plus en plus dégradée.
    M. Yves Fromion. La faute à qui ?
    Mme Annick Lepetit. Vous avez déclaré vouloir à la fois réduire l'emploi public, diminuer le budget de l'Etat, continuer à baisser les impôts. Cela veut-il dire diminuer le nombre des fonctionnaires,...
    M. Lucien Degauchy. Oui !
    Mme Annick Lepetit. ... réduire les moyens des administrations (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), aggraver les déficits publics alors qu'ils ont déjà dépassé la limite autorisée par l'Union européenne ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    S'agissant justement des déficits, comment comptez-vous les réduire, c'est-à-dire respecter des engagements pris par la France à l'égard de l'Europe, sans toucher aux budgets des ministères de l'emploi, de l'éducation nationale ou du logement ?
    Expliquez-nous, monsieur le Premier ministre, comment vous allez à la fois baisser la TVA sur la restauration et les cotisations sociales, conformément aux engagements que vous avez pris devant les Français ?
    Expliquez-nous comment vous allez pouvoir réduire le déficit de la sécurité sociale sans augmenter la CSG ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Expliquez-nous comment vous allez parvenir à soutenir la consommation alors que le pouvoir d'achat des ménages est en chute libre ? C'est d'ailleurs la première fois depuis cinq ans qu'il est aussi bas.
    Puisqu'il faut avoir, selon une expression que vous utilisez souvent, monsieur le Premier ministre, le courage de dire la vérité aux Français (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), comment comptez-vous concrètement faire ce que vous dites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. Avant d'applaudir M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, attendez qu'il ait parlé, mes chers collègues. (Sourires.)
    M. Albert Facon. C'est la grenouille qui revient, le temps est beau !
    M. le président. Monsieur Facon !
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, il est faux de dire que le pouvoir d'achat des Français a baissé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, il a augmenté l'an dernier de 3,2 % et, selon l'INSEE, il devrait progresser de 1,3 % au cours du premier trimestre de cette année. (Mêmes mouvements.)
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui le dites !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, ce n'est pas moi, c'est l'INSEE !
    Cela dit, il est exact que nous traversons une phase conjoncturelle difficile. Mais nous ne sommes pas les seuls : le monde entier est dans cette situation.
    Il est non moins exact, madame la députée, que nous conduisons une politique, et que celle-ci se jugera non à l'aune des résultats des prochains mois, mais à celle des résultats des prochaines années ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un scandale !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette politique consiste effectivement à maîtriser les dépenses, à réduire les déficits...
    M. Augustin Bonrepaux Et les impôts !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et à renforcer la croissance. En renforçant la croissance et en maîtrisant les dépenses, nous pourrons, mathématiquement, réduire les déficits, et, par conséquent, honorer nos engagements vis-à-vis de Bruxelles. Ces engagements, nous les tiendrons (« Comment ? » sur les bancs du groupe socialiste), car ce sont des engagements de responsabilité envers le futur.
    Cette responsabilité, nous l'assumerons (« Comment ? » sur les mêmes bancs), ministère par ministère, en conduisant une politique qui respecte les engagements des lois de programmation et qui crée les conditions permettant de dépenser mieux en dépensant moins et de diminuer les frais de fonctionnement.
    M. Albert Facon. Mais il n'y a plus rien à dépenser !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous le ferons dans la durée ! Et vous constaterez, année après année, les résultats de cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

FILIÈRE PORCINE

    M. le président. La parole est à M. Daniel Prévost, pour le groupe de l'UMP.
    M. Daniel Prévost. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, les éleveurs de porcs, particulièrement en Bretagne, connaissent de graves difficultés. En effet, une nouvelle fois, après les crises successives d'avril, d'août et d'octobre 2002, la question du seuil d'un euro le kilo de carcasse est posée. Un tel seuil a en effet été franchi la semaine dernière au « cadran » de Plérin, où le cours a baissé de 4,5 centimes, portant ainsi le prix de retrait à 0,95 euro le kilo, alors qu'il devrait être à 1,30 euro. Cet état de fait aggrave de façon alarmante la situation économique et financière des producteurs et menace nombre d'exploitations déjà mises à mal ces derniers temps.
    Nous savons, monsieur le ministre, que vous êtes éminemment conscient des difficultés que rencontre la filière porcine.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il ne fait rien !
    M. Daniel Prévost. Les mesures que vous avez prises en mars dernier en témoignent : négociations avec les autorités japonaises et coréennes afin de lever les mesures d'embargo ; ouverture par la Commission européenne d'une opération de stockage et discussion du montant des aides ; contribution du Gouvernement à l'élaboration, par les organisations professionnelles du secteur porcin, d'un système de régulation du marché et du prix perçu par les éleveurs.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, d'ores et déjà nous indiquer la portée et les résultats de ce dispositif, et ainsi rassurer les acteurs de la filière porcine, plus particulièrement les éleveurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il est vrai, monsieur le député, que les producteurs de porcs connaissent actuellement une situation dramatique. J'ai d'ailleurs pu le constater ces derniers temps sur le terrain, et la semaine dernière encore à l'occasion du congrès de la Fédération nationale porcine.
    Depuis dix mois nous ne sommes pas restés inertes, vous l'avez dit. Cela s'est traduit par la réouverture des marchés japonais et coréen, par la mise en place de mesures de stockage et, enfin, par une mesure d'aide à la trésorerie, dont je précise qu'elle sera effective dès le tout début du mois de mai.
    Bien entendu, il faut aller plus loin. Cela passe d'abord par une politique de court terme. J'ai ainsi demandé à la Commission de Bruxelles la possibilité de disposer de restitutions à l'exportation, compte tenu de la situation dramatique que nous vivons.
    Mais des mesures structurelles sont également nécessaires dans cettefilière. C'est ainsi que, au plan national, nous allons, en concertation avec les professionnels, renforcer l'organisation collective. Pour ma part, je vais le plus rapidement possible agréer l'interprofession, car c'est indispensable pour l'équilibre à long terme de la filière.
    M. René André. Très bien !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Mais il faut aussi agir au niveau européen. En effet, je suis frappé de voir que, pour cette filière comme pour d'autres, Bruxelles ne fait pas grand-chose, tout en interdisant à Paris d'intervenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) J'ai donc soumis hier, à l'occasion du Conseil des ministres de l'agriculture qui s'est tenu à Luxembourg, des propositions afin que, pour les productions qui ne relèvent pas d'une organisation commune de marché, comme celles du porc ou de la volaille, nous puissions avoir la possibilité de gérer les situations de crise. Je ne suis pas le seul à soutenir cette vision des choses. En effet, tous les pays européens sont plus ou moins dans la même situation. Nous battons donc aussi à Bruxelles pour pouvoir enfin disposer de mécanismes de régulation des marchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ÉDUCATION ROUTIÈRE À L'ÉCOLE

    M. le président. La parole est à M. Marc Francina, pour le groupe de l'UMP.
    M. Marc Francina. Ma question s'adresse à M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    L'insécurité routière a fait 7 520 morts en 2001. La lutte contre ce fléau a été érigée en grand chantier national par le président de la République. Pour sa part, le Gouvernement a réalisé d'importants efforts afin d'endiguer ce dramatique phénomène, efforts dont le projet de loi contre la violence routière est la dernière manifestation. Si bien que le nombre des tués sur les routes a diminué depuis neuf mois, avec une baisse d'environ 30 % pour les trois derniers mois.
    Toutefois, pour compléter les politiques de sanction, vous avez annoncé, lors du conseil des ministres du 2 avril dernier, différentes dispositions nouvelles concernant l'éducation à la sécurité routière. Aussi, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les mesures concrètes et pratiques qui vont être mises en oeuvre dans le milieu scolaire, afin de responsabiliser les futurs chauffeurs et d'éviter qu'ils ne deviennent les chauffards de l'an 2020 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait de la lutte contre la violence routière l'une de ses priorités, comme le souhaitait le Président de la République.
    Il est normal que l'école se soucie du problème car les jeunes sont à la fois les premiers acteurs et les premières victimes de cette violence. En effet, les accidents de la route représentent la première cause de mortalité des jeunes entre quinze et vingt-trois ans et pratiquement le quart des tués sont des jeunes de nos lycées.
    Nous devons prendre conscience de cette réalité et aider les jeunes à ne pas devenir demain à la fois les auteurs et les victimes de la criminalité routière.
    Nous oeuvrons pour cela dans trois directions :
    Premièrement, nous souhaitons mettre en place une formation contrôlée qui sera nécessaire pour les jeunes : s'ils n'ont pas satisfait au premier niveau de cette formation, ils ne pourront pas conduire de vélomoteur et, s'ils n'ont pas satisfait au second, ils ne pourront passer l'examen du permis de conduire. L'attestation scolaire de sécurité routière sera exigée pour être conducteur de vélomoteur, puis pour passer l'examen du permis de conduire.
    Deuxièmement, notre démarche doit s'inscrire dans une politique générale. Ainsi, nous souhaitons que les contrats éducatifs locaux, l'« école ouverte » et l'ensemble des politiques qui se font avec les partenaires de l'école prennent en compte la lutte contre la violence routière.
    Enfin, il faut démythifier toutes ces images de violence et de rapidité qui font que les jeunes pensent qu'ils se valoriseront en étant brutaux et rapides ou en utilisant des engins mécaniques bruyants dont ils ne maîtrisent pas complètement la conduite.
    Bref, il faut travailler sur le long terme pour changer les mentalités. Nous apprendrons alors non seulement à bien conduire, à bien nous conduire et surtout, c'est essentiel, nous sauverons des vies. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

    M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste.
    Mme Patricia Adam. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, votre gouvernement a décidé de réduire l'accès à l'allocation personnalisée d'autonomie des personnes âgées les plus handicapées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous avez, dans le même temps, annoncé 400 millions d'euros de coupes budgétaires dans le dispositif de financement de l'APA, alors que le Premier ministre axe sa politique de communication sur la maltraitance des personnes âgées. C'est le comble du cynisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous parlerez-vous encore du coût exorbitant de l'APA, comme vous le faites depuis six mois,...
    M. Edouard Landrain. Il est exorbitant !
    Mme Patricia Adam. ... alors que cette réforme, plus qu'attendue par nos concitoyens, a montré toute sa pertinence ?
    Nous parlerez-vous encore du nombre exponentiel des bénéficiaires (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors que l'administration vient de démentir vos allégations et de confirmer les évaluations du précédent gouvernement, qui avait annoncé 600 000 bénéficiaires en 2002, et non 800 000, comme vous l'avez prétendu pour tenter de justifier de nouvelles coupes budgétaires ?
    Sur ce dossier des personnes âgées, l'orientation de votre gouvernement et de votre majorité ne trompe pas. En effet, que peut-on penser lorsque le ministre de la santé déclare, lors d'une interview à un quotidien, que l'allongement de la durée de la vie n'avait pas à être pris en charge par la sécurité sociale ? Que peut-on penser quand un parlementaire UMP dépose, comme nous avons cru le comprendre, une proposition de loi visant à créer une assurance dépendance privée, et cela quelques mois après avoir entendu ici même le ministre de la santé affirmer qu'il n'excluait pas une mise en concurrence de la sécurité sociale et des assurances privées ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire la vérité ? Pouvez-vous dire la vérité à nos concitoyens ?
    M. Renaud Donnedieu de Vabres. La vérité, c'est que la gauche est nulle !
    Mme Patricia Adam. Le projet de votre gouvernement vise-t-il à faire sortir à terme l'aide aux personnes âgées du champ de la solidarité nationale, pour le grand bénéfice des sociétés d'assurance privées ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quelle que soit votre réponse, je vous rappellerai que, sous le gouvernement précédent, socialiste, la sécurité sociale était excédentaire et non déficitaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Lemasle. Touché-coulé !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la députée, vous me donnez une nouvelle occasion de préciser dans cette enceinte certaines choses.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous aviez menti !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie !
    M. Christian Bataille et M. Manuel Valls. M. Bonrepaux a raison !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. En premier lieu, je confirme que les chiffres avancés étaient exacts : en 2002, un million de personnes ont demandé l'APA et 600 000 dossiers ont été déposés. Notre problème était l'année 2003, où nous n'aurons pas, comme on le pensait, 800 000 dossiers, mais près de 900 000 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Manuel Valls. Quel succès ! Bravo !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous aviez prévu 2,5 milliards d'euros. Il en faudra 4 milliards pour financer l'APA en année pleine. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. Parlez-nous de l'ISF !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous avons sauvé l'APA et nous en avons conservé le caractère universel comme son caractère social.
    Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous avons pris en compte les problèmes que rencontraient les présidents de conseils généraux puisque, grâce aux mesures salutaires que nous avons prises, 800 millions d'euros ont pu être dégagés...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Empruntés !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... qui allégeront d'autant la fiscalité dans notre pays.
    Voilà, madame la député, ce que nous avons fait.
    Vous avez joué dans un film de fiction alors que nous jouons, en ce qui nous concerne, dans un film d'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

ÉTABLISSEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES

    M. le président. La parole est à M. Charles Cova, pour le groupe UMP.
    M. Charles Cova. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a quelque temps, nous nous sommes entretenus sur le sujet majeur de l'harmonisation et de la modernisation des maisons accueillant des personnes âgées. Cette initiative avait été lancée en 1997 et nettement accentuée en 2002.
    Pour l'année 2003, vous avez un projet ambitieux, qui a été contesté, lors du forum des professions de la gérontologie et du handicap, par certains retraités. Pouvez-vous nous dire si l'engagement que vous avez pris ce jour-là sera tenu ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !
    M. le président. Ne répondez pas à la place du secrétaire d'Etat !
    M. Charles Cova. Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous inviter vos services à ne plus utiliser dorénavant l'expression « maison de retraite », par trop péjorative, et à lui substituer celle de « résidence pour personnes âgées » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine Billard. Cela ne coûte rien !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le député, vous avez rappelé la place importante occupée par les 10 000 établissements publics ou privés qui accueillent 680 000 personnes âgées et emploient près de 300 000 salariés.
    La démarche « qualité » doit être poursuivie afin de répondre à un triple enjeu : un enjeu humain, un enjeu social et un enjeu économique.
    En 2003, nous dégagerons les moyens nécessaires pour atteindre l'objectif de qualité : 700 conventions seront financées dès cette année sur les marges de manoeuvre de l'ONDAM et 400 conventions concernant les établissements déjà médicalisés seront également signées, ce qui fera autant de conventions signées qu'en 2002. Je rappelle qu'entre 2000 et 2001, seulement 330 conventions avaient été signées.
    Nous devrons à l'avenir simplifier un processus trop complexe,...
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... qui fait intervenir deux autorités de tarification, le préfet et le président du conseil général, et trois sources de financement, l'assurance maladie, l'APA et l'aide sociale. Cette réflexion, que vous souhaitez, doit s'inscrire dans le cadre du débat sur le financement de l'APA, que nous aurons dans cette enceinte, et dans celui sur la décentralisation qu'a fort justement provoqué M. le Premier ministre.
    Monsieur le député, je vous assure que, la prochaine fois que je répondrai à l'une de vos lettres, j'appellerai « résidences pour personnes âgées » vos maisons de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INNOVATION

    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Michel Fourgous. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Madame la ministre, comme de nombreux députés, j'estime que l'innovation est avant tout un état d'esprit, une culture : il faut savoir travailler en équipe, mobiliser le meilleur des hommes et des femmes de notre pays, donner envie aux acteurs de prendre des risques et de créer de la valeur ajoutée, tous ensemble, sans considérations idéologiques. Vous avez bien voulu rencontrer notre groupe de travail « génération entreprise » et dialoguer avec nous sur le thème de l'innovation.
    Pour développer durablement l'emploi des Français, nous devons renforcer l'attractivité du territoire, enrichir la croissance des entreprises, et notamment leurs capacités de recherche et développement. La grandeur de la France passe par sa compétitivité économique : c'est la compétitivité qui protège durablement nos emplois, qui paye nos hôpitaux et nos écoles. C'est la créativité qui crée la croissance.
    Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quels seront les coûts et les effets attendus de votre plan « innovation », sachant que l'innovation, c'est l'avenir de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. La parole est à Mme  la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, vous m'interrogez sur le coût du plan « innovation » que j'ai élaboré en étroite coopération avec Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, et sur les effets que nous en escomptons.
    De quoi s'agit-il ?
    La France accuse en ce domaine un retard très inquiétant, d'où la nécessité de prendre des mesures concrètes et ciblées qui consisteront à encourager les jeunes entreprises innovantes, par des allégements de charges sociales, et les investisseurs à apporter leurs capitaux et leurs expériences aux entreprises, par des exonérations d'impôts adaptées.
    M. Jean-Pierre Blazy. Encore !
    M. François Hollande. Ben voyons !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Si la représentation nationale accepte ces propositions,...
    M. François Hollande. Elle ne les acceptera pas !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... que nous lui ferons à l'automne, elles entreront en vigueur le 1er janvier 2004.
    J'ajoute que nous réfléchissons actuellement à la modernisation du crédit-impôt recherche, afin d'en faire un instrument très efficace de soutien à l'innovation.
    M. François Hollande. Cela fait rire M. Raffarin ! Il n'y croit pas lui-même !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. J'en viens aux coûts. Le manque à gagner atteindra environ 150 millions d'euros par an.
    Comme vous pouvez le constater, monsieur le député, contrairement à nos prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Jean-Pierre Dufau. Il y avait longtemps !
    M. le président. Monsieur Dufau, je vous en prie !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... qui ont toujours eu une propension à alourdir la dépense publique, nous agissons pour notre part par des abaissements d'impôts afin de relancer l'offre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'ajouterai une dernière remarque.
    Les recettes fiscales dont nous nous privons profiteront aux activités productives qui sont appelées à se développer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ainsi, avec cet effort fiscal, le Gouvernement réalise un investissement sur l'avenir tout en affirmant avec force que la croissance et la compétitivité de notre économie sont, comme vous l'avez très bien dit, étroitement liées à l'innovation et à la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

SIMPLIFICATION ET CODIFICATION DU DROIT

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n°s 710, 752).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. Simplifier et codifier le droit par ordonnance, quel beau programme, monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat ! Tout a été dit hier soir sur ce sujet par vous et notre rapporteur : la surchauffe normative de l'Etat, l'inflation des textes, la confusion des sources de droit depuis que la moitié de nos lois ont pour origine l'Union européenne et que la Cour de cassation, profitant de la confusion générale, interprète à sa guise et très librement la volonté du législateur.
    L'insécurité juridique règne donc dans ce pays depuis un certain temps, sinon un temps certain. Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, personne ne connaît plus la loi et, finalement, chacun l'interprète à sa façon, qu'il s'agisse de la fonction publique ou des tribunaux, comme la jurisprudence de la Cour de cassation nous en donne presque quotidiennement des exemples.
    Nous sommes très bien placés, chers collègues, pour parler de cette surchauffe législative et normative, parce que nous ne faiblissons pas. Il suffit de voir le nombre de propositions de loi que l'on nous demande de signer chaque semaine pour se rendre compte qu'il est de tradition et de culture, dans ce pays, dès qu'il y a un problème, d'être persuadé qu'une loi est capable de le régler. Notre prurit législatif reste donc extrêmement violent. De ce fait, et nous le condamnons chaque jour, la loi a envahi le domaine réglementaire et celui-ci devient chaque jour plus tatillon.
    Lorsque la loi est votée, encore faut-il l'appliquer ! Dans de nombreux cas, c'est très simple : on ne l'applique pas, jusqu'à ce qu'un jour, un juge, on ne sait comment, sorte un texte d'un tiroir et fasse tomber la foudre sur la tête d'un justiciable qui ignorait totalement l'existence de ce texte. Quant aux fonctionnaires chargés de l'application de la loi, ils attendent la circulaire ministérielle. Or, les circulaires ministérielles sont faites dans les bureaux, et elles disent évidemment la doctrine des bureaux qui durent en général plus longtemps que les parlementaires. Des textes sont ainsi interprétés à l'encontre des souhaits du législateur. Il en va de même de la jurisprudence et l'un des problèmes auxquels se heurtera la mise en oeuvre de votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, est précisément qu'il nous faut nous frayer un chemin dans une jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation, qui profite du flou ou de la complexité des textes pour aller dans le sens du juge et non du législateur. « Du législateur il faut attacher la main du juge. » Cela ne signifie pas qu'il faille le rendre dépendant, mais il faut le rendre prisonnier de l'esprit de la loi.
    La tâche de simplification à laquelle vous vous êtes courageusement attaché n'est pas une billevesée ; c'est une chose extrêmement grave. C'est même probablement la mesure la plus importante qui ait été prise depuis le début de cette législature. Je vous souhaite donc bonne chance, monsieur le secrétaire d'Etat, car vous avez du travail devant vous. Il s'agit d'un enjeu extrêmement important, car nous le savons tous, l'attractivité d'un territoire, notamment au sein de l'Union européenne, tient justement à la façon dont la loi y est appliquée et à la sécurité juridique qui y règne. Comment voulez-vous attirer des investisseurs si nos entrepreneurs ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés ?
    J'ai entendu sur les bancs de l'opposition, hier, M. Lambert dire qu'il aurait été préférable de faire une loi plutôt que de recourir à des ordonnances. Il est pourtant évident qu'une commission parlementaire ne suffirait pas pour simplifier notre droit, ou alors il lui faudrait siéger à plein temps, jour et nuit, tant la tâche est immense. Le Parlement doit donc donner à l'exécutif une mission d'exécuter. C'est la seule façon de procéder. Ne soyons pas naïfs ! Mais c'est là aussi que se trouve la difficulté, car, nous avons vu, chemin faisant, combien les résistances étaient vives. Changer un formulaire dans ce pays est une véritable révolution tant la culture du formulaire et la civilisation du guichet y sont fortes.
    Vous avez pour tâche de mettre fin à la civilisation du guichet, mais la route est longue. Et la loi d'habilitation que nous examinons et qui sera probablement amendée est la feuille de route que l'Assemblée entend donner au Gouvernement, qui aura à lui rendre compte. C'est pour cela d'ailleurs que le texte en est précis.
    M. Jérôme Lambert. Au contraire, il est flou !
    M. Xavier de Roux. Monsieur le secrétaire d'Etat, ne tombez pas dans un piège qui est une des billevesées de notre temps, à savoir la codification à droit constant que l'on considère, notamment au Conseil d'Etat, comme la merveille des merveilles. Ce n'est pas parce qu'on codifie en accumulant les textes qu'on rend ceux-ci lisibles et organisés. Il vaut mieux être souple et faire tomber les branches à mesure qu'elles meurent, plutôt que les codifier à droit constant. Il ne faut pas céder à la tentation de faire de la loi de la République un tombeau des pharaons. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le secrétaire d'Etat, votre tâche est considérable. Vous devrez résister à la fois à la culture des bureaux et à la culture des institutions. Vous devrez avoir le courage de prendre des mesures à l'encontre d'une jurisprudence qui ne respecte pas l'esprit de la loi. Et puis vous devrez simplifier des textes. M. Lambert nous a reproché de vouloir modifier certains textes qui constituent, selon lui, des avancées considérables, comme la loi sur les nouvelles réglementations économiques. Mais il aurait fallu les essayer dans le réel, avant de les voter.
    M. Jérôme Lambert. Difficile !
    M. Xavier de Roux. A l'aune de la réalité, on se rend compte qu'il y a beaucoup de branches mortes à faire tomber. Et je peux assurer, en tant que juriste, qu'elles sont vraiment mortes.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons confiance dans le travail que vous allez faire. Comme M. Pascal Clément, le président de la commission des lois, le disait hier, il faudra créer une mission parlementaire, non pas pour vous surveiller, mais pour vous aider, pous vous montrer que le Parlement tient à cette simplification et que nous voulons aller jusqu'au bout.
    Ce sera très important pour le pays. S'en prendre réellement à l'immensité des besoins artificiels de l'Etat est la seule façon d'alléger les charges publiques. C'est aussi la façon d'améliorer l'attractivité du territoire en permettant aux énergies créatrices et imaginatives - et Dieu sait qu'il y en a dans ce pays - de se préoccuper de leurs projets et non pas de ce qu'on leur demande à droite et à gauche.
    Je terminerai sur deux exemples.
    Premier exemple : lorsque nous avons parlé de créer un chèque emploi-service, dans le cadre de la loi d'initiative économique et de confier la gestion de son contentieux à la CANCAVA, l'URSSAF s'est mise immédiatement en grève. Or les cotisations des travailleurs indépendants ne représentent que 3 % des cotisations récoltées par l'URSSAF ! On nous a dit qu'on allait supprimer 3 000 emplois : 3 000 emplois pour récolter ces 3 % ?
    Deuxième exemple, qui touche à la vie des citoyens et que je ne puis éviter de vous raconter, tant je le trouve emblématique.
    M. le président. Brièvement, alors !
    M. Xavier de Roux. Lorsque la fille du poète Supervielle a eu besoin, il y a quelques années, d'établir sa nationalité française, ce qui semblait assez simple, on lui a fait cette réponse assez extraordinaire : prouvez-nous que vous êtes française puisque vous êtes née en Uruguay et que votre père, Supervielle, est né à l'étranger. Elle est allée chercher dans les archives de sa famille et elle est revenue avec les actes de son père, engagé volontaire pendant la Première Guerre mondiale, à l'occasion de laquelle il avait été fortement décoré. Le fonctionnaire lui répondit que de nombreux étrangers s'étaient engagés volontairement dans notre armée, et que cela ne prouvait pas qu'ils aient été français. D'ailleurs, ajouta-t-il, nous avons débusqué, il n'y a pas si longtemps, un colonel qui ne l'était pas ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. Monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, je souhaiterais d'emblée vous féliciter pour la volonté que vous affichez de vous attaquer à un serpent de mer toujours dénoncé, mais jamais terrassé : la complexité administrative.
    Vous nous proposez de vous autoriser à simplifier et à codifier le droit par ordonnance. Tout parlementaire - et moi le premier - ne peut qu'être réticent devant la procédure des ordonnances. Faire la loi est un privilège du Parlement, qu'il n'est jamais très sain de mettre trop longtemps entre parenthèses. Certes, vous m'objecterez, comme vous l'avez déjà fait en privé, que cela fait des années que la loi ne détermine plus les principes fondamentaux ; car celle-ci, par une dérive condamnable, traite de ce qui devrait rester du domaine réglementaire ou administratif. La raison en est, trop souvent, qu'il faut inscrire dans la loi ce qui est refusé, nié, retardé par l'administration.
    Il y a une phrase d'Einstein que j'affectionne : « On ne règle pas les problèmes uniquement avec ceux qui ont contribué à les créer. » C'est pourquoi plusieurs de mes collègues et moi-même vous proposerons d'instituer une commission de suivi et d'évaluation, qui accompagnera le travail du Gouvernement et de l'administration.
    Voilà quelques semaines, près de 160 parlementaires ont cosigné une proposition de loi prévoyant que le Gouvernement ferait chaque année des propositions de simplification au Parlement. Ce n'est pas une injonction adressée au Gouvernement mais un voeu des parlementaires, qui mérite d'être accompagné par le Gouvernement. Ce serait le moyen, pour les parlementaires, de contrôler, d'apporter des améliorations et, en tout cas, d'insuffler du dynamisme à ces ordonnances et à ceux qui vont les rédiger. Finalement, cette intrusion du législatif dans l'exécutif est une petite revanche, après tant d'années où l'inverse s'est produit.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que votre volonté de réforme s'applique au droit fiscal et modifie les pratiques de cette administration où le contribuable est présumé coupable et donc condamné, avant jugement définitif, à déposer des cautions exorbitantes, durant une très longue période.
    Pour le reste, monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte est une véritable avancée, qui concrétise une volonté. Vous pouvez compter sur ma détermination, comme sur celle de nombre de nos collègues, pour la conforter tout au long de cette législature. Voilà pourquoi nous souhaitons être associés, dès le début, à votre travail afin de prolonger et de remplir notre rôle de parlementaires...
    M. Jérôme Lambert. Notre rôle se joue ici, pas dans les cabinets ministériels !
    M. Hervé Novelli. Il ne s'agit pas de compliquer la loi, mais de la simplifier. Car, nos concitoyens nous demandent de leur simplifier un peu la vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous nous saisissez aujourd'hui d'une loi visant à vous autoriser par délégation à modifier certaines dispositions dans nos différents codes, dans un souci de simplification.
    Je voudrais dire, après d'autres, la réticence que nous inspire le recours à cette procédure de l'article 38.
    L'idée que le Parlement - dont le pouvoir est déjà largement contenu dans cette Constitution -, puisse considérer comme normal de se dessaisir sur des sujets de cette importance nous paraît, dans son principe, tout à fait contestable.
    Elle nous paraît également contestable dans ses modalités. En quoi le Gouvernement et l'administration seraient-ils plus aptes que les parlementaires et le Parlement à simplifier notre droit ? Si j'en juge par les différents textes qui nous sont présentés, mais aussi par les textes réglementaires sur lesquels le Gouvernement est amené à intervenir et à s'exprimer, j'ai plutôt le sentiment que c'est l'administration qui complique à l'excès, en dehors de la délibération publique, les règles auxquelles sont soumis nos concitoyens.
    Il eût été logique d'engager ce débat dans cet hémicycle en permettant à celles et ceux qui, au contact du terrain, connaissent les difficultés auxquelles sont confrontés leurs concitoyens, d'aborder l'ensemble des dispositions auxquelles vous songez.
    Cette démarche me paraît donc, dans son principe comme dans son objet, particulièrement critiquable. Mais elle est critiquable aussi parce que, sur un certain nombre de sujets, le Gouvernement avance masqué. Par exemple, de nombreuses dispositions concernent le droit du travail ; elles nous laissent perplexes quant aux objectifs poursuivis par le Gouvernement et sur lesquels il serait souhaitable de débattre. Des précisions seraient parfois utiles.
    On nous propose, entre autres, une harmonisation des seuils d'effectifs ; mais s'agit-il de les rehausser ou de les rabaisser ?
    Concernant l'élection des délégués du personnel, de nombreuses dispositions du code du travail font allusion à dix salariés. Si ce seuil est rehaussé, certaines entreprises n'auront plus de représentation du personnel.
    Concernant le mode de calcul des effectifs à partir desquels ces seuils sont déclenchés, le code du travail est simple et clair : c'est la règle du prorata temporis qui s'applique. Faut-il revenir sur ce mode de calcul ? Sinon, quelle est votre intention ?
    Vous nous proposez également de revoir les procédures de licenciement individuel et les conditions dans lesquelles les délais de convocation pour l'entretien préalable pourront être fixés. Aujourd'hui, on se base sur cinq jours ouvrables, dans l'hypothèse où il n'y a pas de représentants du personnel ; sinon, les délais varient. Entendez-vous réduire les garanties accordées aux salariés ? Comment souhaitez-vous faire évoluer les choses ? Quel est l'objectif de cette disposition ?
    Mon dernier exemple, et je m'en tiendrai là pour ne pas alourdir la démonstration, concerne les comités d'entreprise et les délégués du personnel. Le délai de protection accordé aux candidats à ces différentes élections est de trois mois pour les membres du comité d'entreprise et de six mois pour les délégués du personnel. Vous souhaitez opérer une harmonisation. Mais dans quel sens ?
    Je pourrais ainsi citer de nombreux autres exemples. Le rapport de la commission ne nous a d'ailleurs, à cet égard, pas rassurés. Sur de nombreux sujets, nous avons des interrogations, pour ne pas dire des inquiétudes. J'espère que ces inquiétudes ne deviendront pas des craintes fondées et légitimes, compte tenu de l'objectif qui vous anime.
    Si je conteste le principe de cette délégation et les modalités de celle-ci, si je m'interroge sur le fait qu'il s'agit de questions touchant au droit du travail, je suis également réservé quant à la méthode suivie par le Gouvernement.
    Premier aspect, qui a son importance pour notre assemblée : on aurait pu imaginer, compte tenu du nombre de dispositions de ce texte touchant à des questions de droit du travail, de sécurité sociale ou de santé publique, que la commission des affaires sociales serait consultée, tout au moins qu'elle donnerait son avis ou nommerait un rapporteur pour avis. Vous me répondrez que de nombreux domaines sont également abordés, qui ne concernent pas les questions sociales. Mais s'agissant de sujets d'une extrême sensibilité, il aurait été logique que notre commission donne son sentiment.
    Mais en ce qui concerne la méthode, ce n'est pas tant sur la consultation de notre commission que je voudrais intervenir, que sur la place qui est faite aux partenaires sociaux. Là encore, nous manquons totalement d'indications. Quelle concertation engagerez-vous ? S'agissant des quelques exemples que j'ai cités et qui concernent, notamment, la représentation du personnel ou la protection accordée aux salariés susceptibles de faire l'objet d'un licenciement, nous avons la conviction forte que c'est aux partenaires sociaux qu'il conviendrait de demander de réfléchir et de donner leur avis.
    La grande réflexion qui avait été engagée sur la réforme de nos relations sociales, le partage entre la loi et la négociation, la représentativité des acteurs, les accords majoritaires, semble aujourd'hui interrompue. Le débat, régulièrement agité par le ministre des affaires sociales, n'a débouché sur aucune initiative concrète. Vous aviez là l'occasion de faire de la concertation avec les partenaires sociaux un préalable à l'intervention du législateur. Vous auriez pu, au moins, nous donner l'assurance que cette concertation produirait tout son effet, afin que des décisions de cette importance ne soient pas prises unilatéralement.
    La simplification et la codification auraient pu être l'occasion de renforcer notre démocratie sociale et de réfléchir à la place que nous devons donner aux partenaires sociaux dans l'évolution des règles sociales. Pour notre part, nous sommes très favorables à une évolution de cette nature, dès lors qu'elle s'accompagne des garanties que j'ai indiquées, en termes de représentativité et d'accords majoritaires. Mais encore faudrait-il que les partenaires sociaux aient toute latitude pour travailler dans ces différents domaines. Or j'ai le sentiment que, sur ces questions, nous les privons d'une opportunité tout à fait intéressante et tout à fait légitime.
    Voilà les craintes que je voulais exprimer à l'orée de ce débat. J'aurai l'occasion d'en reparler au cours de la discussion des articles. Je regrette que tous ces points n'aient pas pu être abordés plus directement et plus clairement en commission, du moins dans la commission à laquelle j'appartiens. Cela nous aurait peut-être permis d'obtenir des précisions et d'éviter certaines interpellations en séance.
    Le paradoxe est sans doute que les simplifications dans lesquelles vous vous êtes engagé sont parmi les tâches les plus complexes auxquelles tous les gouvernements ont essayé de s'atteler au cours de ces dernières années.
    Il importe d'avoir un droit simple, un droit adapté aux situations, un droit qui soit considéré comme légitime par nos concitoyens.
    On sait que l'inflation des lois - qui n'est d'ailleurs pas le fait du Parlement, mais celui du Gouvernement, qui ne manque jamais d'inscrire une disposition nouvelle à l'ordre du jour - nuit indiscutablement à l'autorité et, sans doute, à l'efficacité de la loi.
    Nous devrions avoir le souci de faire en sorte que loi n'intervienne que dans les domaines essentiels, ce qui supposerait que des procédures puissent exister. J'évoquais celle concernant la démocratie sociale, qui nous permettrait d'intervenir en arbitre là où c'est nécessaire, pour fixer les garanties indispensables. Mais cela supposerait que nous sachions faire vivre une vraie démocratie politique et sociale, que nous sachions nous appuyer sur l'ensemble des partenaires et des corps intermédiaires, plutôt que de nous retourner - comme vous le faites à travers ce texte - vers l'administration.
    Au fond, par le biais d'une loi de simplification, vous ne nous proposez rien d'autre que de renforcer le pouvoir régalien de l'administration - de « votre » administration. Je ne crois pas que ce soit le sens dans lequel on puisse souhaiter faire évoluer notre démocratie, et en tout cas la façon dont nous bâtissons le droit dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai pu mesurer, dès la prise de vos fonctions, lors de vos divers déplacements, et plus récemment encore à l'occasion de votre venue dans ma circonscription, à Béziers, votre volonté de vous attaquer à l'une des principales préoccupations de nos concitoyens : simplifier le fonctionnement de notre administration, en la rendant plus compréhensible et plus proche de chacun d'entre nous. En effet, le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi est aujourd'hui très éloigné de la réalité.
    En prenant cette initiative tant attendue, il fallait à la fois simplifier et adapter notre corpus administratif aux grands enjeux de notre temps. L'urgence de la situation et la complexité de la matière obligent à recourir, par le biais du vote de cette loi d'habilitation, aux ordonnances pour atteindre l'objectif défini par le Premier ministre de « libérer les énergies » : libérer l'énergie des administrés, en supprimant un certain nombre de tracasseries administratives, et libérer l'énergie des agents publics en rendant leur activité plus intéressante et leur action plus compréhensible. Réformer l'Etat, c'est aussi rendre aux fonctionnaires leur vocation première, servir l'Etat, afin de mieux servir leurs concitoyens. Ils redeviennent ainsi les premiers militants de la République.
    Ce projet, monsieur le ministre, permet tout d'abord de revenir à l'« esprit des lois ». Il ouvre aussi un nouvel espace à l'action publique, à travers plusieurs mesures concrètes. Il est urgent, en effet, de revenir à l'esprit des lois car les textes sont aujourd'hui trop nombreux et extraordinairement complexes. Selon le Conseil d'Etat, le nombre annuel de lois adoptées s'est accru de 35 % en trente ans, celui des décrets de 25 %, et celui des pages du Journal officiel a doublé en quinze ans. Nous en sommes ainsi à 8 000 lois, à 400 000 règlements et à 6 000 traités ou accords internationaux. Où allons-nous nous arrêter ?
    A cet égard, une caractéristique propre à notre pays mérite d'être soulignée : à chaque fois qu'une difficulté surgit, on prévoit un encadrement juridique renforcé. Or on s'éloigne ainsi de l'esprit des lois, cher à Montesquieu mais aussi aux pères fondateurs de la ve République.
    Michel Debré, en effet, n'avait de cesse de rappeler l'importance de la distinction entre l'article 34, domaine exclusif de la loi, et l'article 37, domaine du règlement. Au lieu de conserver cette distinction, on a souvent confondu allègrement les deux et l'on a souvent mêlé des matières qui relèvent de l'article 37 à des textes qui, sous couvert de l'article 34, sont en plein champ réglementaire.
    Or, comme le souligne le Conseil d'Etat dans son rapport public paru en 1991 : « Qui dit inflation, dit dévalorisation ». La loi n'est plus appliquée, car son application et surtout son contrôle ne sont plus possibles. La complexité de ce patchwork inachevé se développe évidemment au détriment des plus défavorisés, de ceux qui n'accèdent pas à la connaissance des textes, délaissant ainsi une partie de leurs droits. La législation fiscale est à cet égard une illustration emblématique de la situation de complexité extrême dans laquelle nous nous trouvons.
    Il faut donc ouvrir un nouvel espace à l'action publique. La qualité d'un service public repose sur sa simplicité, sur la cohérence entre les services et sur leur adaptation aux besoins des usagers. En 1974, déjà, Jacques Chirac avait donné une impulsion majeure à l'action gouvernementale en proposant de développer le rôle des usagers, d'harmoniser les rapports entre les citoyens et l'administration, et de redonner aux fonctionnaires toute leur place en cherchant à les motiver. En 1995, Alain Juppé avait insisté sur la nécessité de simplifier les procédures administratives pour libérer l'initiative des entreprises, notamment des PME. Entre temps, malheureusement, d'autres courants se sont chargés d'alourdir encore, sensiblement, notre système administratif.
    Cela étant, la simplification ne saurait être synonyme de déréglementation. Elle oblige à clarifier notre action. Pourquoi, ainsi que le propose notre rapporteur, ne pas fixer comme premier objectif de n'édicter de règles nouvelles qu'en supprimant un nombre au moins équivalent de règles existantes ?
    Monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte vise à simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens dans leurs relations avec les services publics mais aussi la vie quotidienne de ces derniers. Eh bien, remplaçons la suspicion et la présomption de fraude par la confiance et la présomption d'innocence.
    Ainsi, les déclarations sur l'honneur remplaceront progressivement la nécessité de se justifier en fournissant des pièces toujours plus nombreuses. L'administration sera également chargée de transmettre tout document dont elle dispose à toute autre administration qui en aurait l'utilité. De même, elle sera tenue d'indiquer le délai de traitement qu'elle prévoit pour répondre à l'usager.
    Votre texte prévoit encore de simplifier certaines procédures, de faciliter l'établissement de la preuve de la nationalité, notamment pour les Français nés à l'étranger, d'alléger les procédures de validation du permis de chasse et bien d'autres mesures tout autant nécessaires.
    En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi d'évoquer à deux titres le fonctionnement de l'hôpital public. Je veux d'abord souligner qu'il souffre beaucoup de la complexité des règles en vigueur. Le manque d'harmonie entre ceux qui soignent et ceux qui gèrent est ainsi dû en grande partie au fait que les gestionnaires doivent appliquer une multitude de textes qui les éloignent de la réalité, du bon sens et de l'efficacité, que recherchent précisément les médecins, infirmières et autres collaborateurs, qui sont au service des malades. Pour le personnel soignant, l'évaluation du risque calculé et raisonnable doit passer avant le respect dogmatique d'un principe de précaution qui stérilise dynamisme et imagination.
    Je veux par ailleurs appeler votre attention sur un autre problème. Du fait d'une mesure indigne et vexatoire datant de 1999, des médecins exerçant une activité libérale à l'hôpital sont en effet contraints de percevoir leurs honoraires au prix de grandes tracasseries administratives. Or il me semble que ce texte visant à encourager la simplification administrative fournit précisément l'occasion de rétablir un climat de confiance entre l'administration et les praticiens exerçant à l'hôpital public. Je présenterai un amendement allant dans ce sens à l'article 16. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel.
    M. Jean-François Mancel. Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, va dans la bonne direction. Grâce à lui, nos concitoyens vont voir enfin se concrétiser, dans leur vie de tous les jours, la simplification de notre administration. Mais il va avoir également des conséquences importantes pour les fonctionnaires, sans doute parfois injustement décriés, car en réalité leurs compétences et leurs qualités personnelles et professionnelles sont souvent annihilées par la lourdeur et la complexité de nos procédures. Selon une formule, hélas ! trop française, ne dit-on pas, en effet, « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » voire « très compliqué » ? (Sourires.)
    Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de présenter quelques suggestions. La première concerne le vote par procuration. Voilà quelque temps, j'avais déposé une proposition de loi, qui a été d'ailleurs très largement soutenue par mes collègues de l'UMP et je les en remercie, visant à autoriser la déclaration sur l'honneur, mesure qui a précisément été retenue dans le projet de loi. En revanche, et j'ai déposé un amendement dans ce sens, je souhaiterais qu'on aille au-delà de ce que prévoit le texte s'agissant du lieu où doit être déposée la déclaration sur l'honneur. Actuellement, ce sont les gendarmes, les policiers et les magistrats qui accueillent les électeurs désireux de voter par procuration. Or, tous ces fonctionnaires ont bien d'autres choses à faire, leur préoccupation majeure consistant d'abord et avant tout à assurer la sécurité de nos concitoyens. Je pense donc que cette déclaration sur l'honneur pourrait être faite en mairie.
    Ma deuxième proposition tend, comme je l'avais d'ores et déjà suggéré dans une autre proposition de loi, à inverser la logique de la loi de 2000, qui prévoyait que lorsque l'administration, sollicitée par un citoyen, ne répondait pas dans un délai de deux mois, son silence valait refus. La surdité administrative devenait en définitive un mode de gestion publique. C'était pour le moins provocateur. Je propose donc de prévoir que si l'administration ne répond pas dans les deux mois, ce silence vaudra accord de sa part, ce qui constitue une autre forme de provocation, j'en ai bien conscience. (Sourires.)
    Plus sérieusement, je mesure qu'une telle disposition pourrait avoir des conséquences négatives, qu'on a peut-être du mal, d'ailleurs, à évaluer, et pourrait porter atteinte notamment aux droits des tiers, dans des procédures complexes. Je considère néanmoins qu'il ne faut pas abandonner cette idée et je souhaiterais vivement que vous acceptiez de l'expérimenter au niveau local. On pourrait, dans un certain nombre de départements, vérifier avec les acteurs de la vie publique, économique et sociale quels sont les domaines dans lesquels cette disposition pourrait progressivement s'appliquer.
    Ma troisième suggestion concerne la commande publique. Notre code des marchés publics, qui est le fruit d'un empilement de mesures, est, en effet, extrêmement complexe, et il a aujourd'hui pour conséquences évidentes de renchérir les coûts et de ralentir les réalisations, sans pour autant protéger les deniers publics. Telle était pourtant sa vocation. Une remarque de Roger Fauroux, qui a été auditionné par la commission des finances de notre assemblée il y a quelques semaines, a particulièrement retenu mon attention. « Pour obtenir de bon rabais, il faut qu'il y ait un face à face, a-t-il fait observer. Or notre code des marchés publics élimine systématiquement le face à face. C'est ce qui explique sans doute son inefficacité. Il faut donc aller le plus loin possible dans la réforme. Sans doute le Gouvernement va-t-il se heurter à de nombreux blocages car, en la matière, les idées reçues et les archaïsmes sont grands. Mais sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous bénéficierez notamment du soutien de tous les acteurs locaux, qui mesurent quotidiennement les aberrations du système actuel.
    Ma quatrième suggestion concerne la responsabilité des fonctionnaires. Je suis frappé de constater que, dans de nombreuses directions territoriales, les fonctionnaires sont aujourd'hui amenés à retarder, encadrer très strictement ou à rejeter les dossiers, non pas parce qu'ils considèrent qu'il est bon d'agir ainsi, mais parce qu'ils tentent de se couvrir. L'introduction du droit pénal dans la responsabilité des fonctionnaires, avec les sanctions qui peuvent l'accompagner, constitue de plus en plus une menace pour bon nombre d'agents publics qui cherchent à échapper à cette responsabilité, souvent injuste et trop sévère, en utilisant la complexité et la lourdeur des procédures. Une réflexion dans ce domaine me paraît utile, importante et urgente.
    Ma dernière suggestion sera plus traditionnelle, si j'ose dire. Au cours des dernières années, nous avons vu s'émietter, s'atomiser les responsabilités au niveau territorial. Il faut donc absolument renforcer le pouvoir des préfets. Il ne doit y avoir qu'un seul décideur, qu'un seul responsable pour l'ensemble des administrations d'Etat. Il appartient évidemment à l'ensemble du Gouvernement et au Premier ministre, en premier lieu, d'imposer cette conception, de façon que cet esprit de chapelle, qui s'est beaucoup trop développé dans nos départements ou dans nos régions entre différentes administrations, ne porte atteinte à l'efficacité de l'Etat.
    Voilà les quelques réflexions et propositions que je voulais vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais vous êtes déjà sur la bonne voie. Continuez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Eric Woerth, dernier orateur inscrit.
    M. Eric Woerth. Ce débat fait suite à celui d'hier, organisé par l'UMP, dans le cadre de la niche parlementaire, et qui portait sur la maîtrise des dépenses publiques. C'est le même état d'esprit et les mêmes objectifs qui prévalent : il s'agit de réformer l'Etat pour en accroître l'efficacité et de mettre les citoyens et les contribuables au coeur de cette réforme. A cet égard, ce texte, monsieur le secrétaire d'Etat, m'apporte une double satisfaction, sur la méthode et sur le fond.
    Sur la méthode, vous avez choisi de déposer un projet de loi d'habitation, et donc de réformer par ordonnances. En général, c'est plutôt mal vu dans cette enceinte, où l'on n'aime pas beaucoup se dessaisir du pouvoir de légiférer. Mais, en l'occurrence, c'était nécessaire et même indispensable. Vous avez privilégié l'efficacité et vous avez eu raison de le faire. Nous devons effectivement privilégier le respect de nos engagements plutôt que la défense de nos compétences.
    Notons aussi que ce texte n'est pas le fruit du hasard, d'une réflexion en chambre ou d'une discussion technocratique. Vous êtes beaucoup allé sur le terrain, monsieur le secrétaire d'Etat, et ce texte est le résultat d'une écoute au sein de nos régions. D'ailleurs, les nombreux domaines qu'il balaie le montrent bien. Tous les points abordés sont extrêmement concrets et touchent souvent à la vie de tous les jours.
    Sur le fond, ce projet, particulièrement ambitieux, prévoit des allégements tous azimuts qui concernent à la fois les particuliers, la vie des entreprises, les électeurs, et j'en passe. Je noterai tout particulièrement quelques éléments emblématiques. Je veux tout d'abord relever que vous avez fort justement mis l'accent sur la confiance. Une société moderne est en effet une société qui choisit de faire confiance à ses citoyens et non de s'en méfier. C'est ce principe qui devrait guider la plupart de nos règles administratives.
    Vous avez également décidé de combattre l'inefficacité. Le code des marchés constitue, à cet égard, un bon exemple puisqu'il aboutit à l'effet inverse de celui recherché. Personne quasiment n'y comprenant plus rien, c'est l'obscurité qui l'emporte. Et, finalement, seuls ceux qui y comprennent quelque chose ont la part belle. Une fois encore, ce sont la transparence, la démocratie, et, probablement aussi, l'efficacité et la maîtrise des coûts qui en pâtissent. Il est donc très important, même s'il s'agit là de la dixième réforme du code des marchés, de s'engager sur la voie de la simplification et de la confiance à l'égard des gestionnaires publics.
    Vous prévoyez encore de réformer les mécanismes d'enquête publique qui sont eux aussi extrêmement compliqués. Il est vrai qu'à vouloir trop enquêter, trop donner la parole, on finit par ne plus la donner à personne ou, tout au moins, à ne la donner qu'à ceux qui la prennent sans arrêt et qui ne représentent souvent qu'eux-mêmes. On en oublie ainsi 90 % des citoyens.
    La multiplication des enquêtes publiques, qui retardent les projets, conduisent, elles aussi, à l'inaction plutôt qu'à l'efficacité publique. Vous réformez donc le nombre de commissions administratives.
    Au total, de nombreux facteurs d'inefficacité seront donc, je l'espère, éliminés, nous le verrons lorsque les ordonnances seront publiées.
    D'une certaine manière, vous relancez également notre démocratie - ce n'est certes pas l'objet principal du texte, et, bien entendu, il existe d'autres moyens de le faire - en réformant le vote par procuration, dont les modalités actuelles non seulement constituent une atteinte grave aux libertés de nos concitoyens, mais pèsent aussi sur l'efficacité de la structure administrative. A cet égard, il faudra autoriser le vote par Internet. Le Conseil supérieur de français de l'étranger, le CSFE, va d'ailleurs bientôt procéder ainsi. Même si une grande prudence sera nécessaire, ce nouveau moyen de communication qui est dans l'esprit du temps devra progressivement être utilisé.
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
    M. Eric Woerth. Enfin, la clarification touchera de nombreux domaines : le social, les contrats des particuliers, etc.
    Pour conclure, car dans les discussions générales on a souvent tendance à être trop bavard (Sourires), je dirai que ce texte reflète un état d'esprit. J'évoquerai spontanément la notion de « respect ». Une administration digne d'un grand pays doit commencer par respecter les citoyens et les contribuables que nous sommes tous. Elle n'est pas là pour entraver ; elle est là pour impulser. Elle n'est pas là pour compliquer ou obscurcir ; elle est là au contraire pour rendre les choses plus claires et plus compréhensibles. C'est en ce sens, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre projet de loi s'inscrit réellement au coeur des engagements de notre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, je vais m'efforcer de faire brièvement la synthèse d'une discussion générale particulièrement riche. A cet égard, je veux remercier tous les orateurs, quelles que soient leurs appartenances partisanes, pour ce débat de grande qualité qui a eu le mérite de montrer combien la simplification était un vrai choix de société.
    Nous pouvons d'ailleurs relever quelques éléments de consensus, au-delà des effets oratoires. Tout d'abord, et ce n'est déjà pas si mal, la nécessité de simplifier a été reconnue par tous. Ainsi, M. Gaëtan Gorce vient de dresser le constat que l'inflation législative nuit à l'autorité et à l'efficacité de la loi, que le projet de loi vise précisément à restaurer. Tous les orateurs ont également souligné l'audace du projet et son caractère novateur, les uns pour le déplorer, les autres pour s'en réjouir.
    Par ailleurs, je voudrais essayer de répondre aux inquiétudes légitimes qui ont été exprimées au cours de la discussion générale.
    La première porte sur la procédure, la méthode, c'est-à-dire le recours aux ordonnances. On a parlé de « chèque en blanc », de volonté de « court-circuiter » l'Assemblée, de « dessaisir les parlementaires » de leurs prérogatives, d'« affaiblir la démocratie et la loi ». Bien évidemment, il n'en est rien. Je rappellerai, une fois encore, les termes de l'article 38 de la Constitution qui sont très clairs : l'habilitation n'est en aucun cas un blanc-seing donné au Gouvernement ; c'est au contraire une feuille de route, puisque le Parlement habilite le Gouvernement à prendre des mesures qui relèvent du domaine de la loi pour réaliser une partie précise et bien délimitée de son programme. En outre, les ordonnances sont ensuite soumises à la ratification du Parlement. Dans le cadre du projet de loi d'habilitation, celui-ci fixe les objectifs, M. François Sauvadet l'a d'ailleurs rappelé avec beaucoup de force. C'est donc bien la représentation nationale qui précisera la finalité des ordonnances.
    On a dit ensuite que celles-ci affaibliraient l'autorité de la loi et la force du Parlement. Or, de très nombreux orateurs de la majorité ont souligné que c'était exactement le contraire. En effet, c'est la prolifération législative qui affaiblit le crédit de la loi dans notre pays, alors que la simplification - M. Jean Léonetti l'a rappelé hier - renforce, au contraire, la démocratie et la loi. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », disait Montesquieu. Aussi le projet de loi vise-t-il à soustraire du domaine de la loi des dispositions qui n'en relèvent pas pour lui permettre de définir à nouveau les principes fondamentaux de l'organisation sociale. Cette démarche correspond à une aspiration extrêmement forte de nos concitoyens, qui ont d'ailleurs manifesté leur impatience - les dernières élections nationales l'ont, je crois, suffisamment démontré. Le Parlement se doit d'y répondre. Ce projet de loi est un signal fort que la majorité adresse aux Français pour leur montrer qu'elle les a entendus.
    La deuxième crainte, qui a été évoquée à plusieurs reprises au cours de la discussion générale, concerne l'allégement des procédures qui accroîtrait le risque de fraude et encouragerait les tricheurs. Le Gouvernement fait le choix de la confiance et de la responsabilité,...
    M. Jérôme Lambert. Ce n'est pas une réponse !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... Eric Woerth vient de le rappeler. Remplacer - nous aurons l'occasion d'en reparler au cours de la discussion des articles - les pièces justificatives demandées aux guichets pour le moindre dossier par des déclarations sur l'honneur, c'est bien faire le choix de la responsabilité. Ce n'est pas parce qu'il y a des tricheurs - et il y en aura toujours - qu'il faut enfermer nos concitoyens dans un corset de règles.
    Jean-François Mancel vient de le démontrer avec force à propos du vote par procuration.
    Quant à Xavier de Roux, il a eu des formules éloquentes, estimant que la loi ne devait plus être le tombeau des pharaons et qu'à force d'exiger toujours plus de procédure, on imposait la doctrine des bureaux aux guichets, soit exactement le contraire de ce que doit être une grande démocratie parlementaire comme la nôtre.
    Une troisième inquiétude concerne la mise en oeuvre de ces mesures et les résistances qu'elles peuvent susciter, tant du côté des administrations que de celui des corporations privées qui, pour certaines d'entre elles, sont des rentières de la complexité. Aussi, je veux remercier les orateurs de la majorité d'avoir souligné qu'il fallait au Gouvernement du courage et de la ténacité pour faire le choix de la simplification.
    Hervé Novelli a évoqué un serpent de mer toujours dénoncé mais jamais terrassé, et il a invité le Gouvernement à continuer à faire preuve de la même ardeur.
    Paul-Henri Cugnenc a également souligné à quel point il faut être déterminé dans ce domaine.
    C'est précisément cette volonté d'aboutir qui justifie le recours aux ordonnances. En effet, nous savons bien que toutes les entreprises de simplification précédentes se sont enlisées dans les méandres des débats et n'ont fait que nourrir des résistances, pas toujours motivées - c'est le moins que l'on puisse dire - par le sens de l'intérêt général.
    La simplification est, aux yeux du Gouvernement, le levier essentiel de la réforme de l'Etat. J'en veux pour preuve que les fonctionnaires de terrain - Jean-François Mancel et Eric Woerth viennent de le rappeler - attendent avec beaucoup d'impatience qu'on les libère des règlements qui, trop souvent, entravent leur capacité d'initiative.
    On ne peut évidemment pas reprocher aux fonctionnaires d'appliquer la loi et les règlements. Mais si le nombre des décrets et des circulaires ne cesse d'augmenter, il ne reste plus de place pour une véritable administration de terrain. Le Gouvernement considère que la simplification permettra enfin de donner à la réforme de l'Etat un contenu concret et à nos fonctionnaires les moyens d'entretenir des rapports différents avec nos concitoyens en faisant en sorte que, selon la formule d'Alain - un philosophe radical -, le guichet ne soit plus un obstacle, mais au contraire un appui.
    Quant aux inquiétudes des professionnels - architectes, artisans, experts-comptables -, elles sont légitimes.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Nous aurons l'occasion d'y revenir à propos des mesures relatives à la commande publique ou à la mise en oeuvre du titre emploi simplifié. Bien entendu, le Gouvernement prendra le temps de la concertation et fera tout pour dissiper des inquiétudes qui reposent très largement sur des malentendus.
    Enfin, vous avez tous souligné que si ce projet marquait une étape significative, il n'était qu'une étape, et vous avez invité le Gouvernement à aller plus loin.
    Ce projet de loi traduit une ambition forte que le Gouvernement compte mettre en oeuvre tout au long de la législature. A ceux des parlementaires de la majorité qui ont regretté, par exemple, que le volet fiscal ne soit pas plus nourri, que nous ne simplifiions pas davantage encore les règles relatives aux marchés publics - même si nous allons très loin -, ou qui ont souhaité que nous engagions le débat sur la dépénalisation, je veux répondre qu'il ne faut pas brûler les étapes. Ce projet est une première étape ambitieuse et très consistante.
    Il y aura beaucoup à faire pour que, comme le souhaite le Gouvernement, les ordonnances soient achevées d'ici à la fin de l'année. Dès l'automne, un deuxième train d'ordonnances vous sera présenté, que le Gouvernement souhaite voir alimenté par vos contributions. Tout au long de la législature, à raison d'une loi par an au moins, nous continuerons à simplifier la loi, car j'ai tout à fait conscience que, à lui seul, ce projet n'y suffira pas.
    Ce que nous attendons, c'est, finalement, une révolution culturelle : faire en sorte que, dans notre démocratie - vous avez été nombreux à le souligner -, les critères d'évaluation du bon ministre ou du bon parlementaire ne consistent pas forcément à présenter toujours plus de textes, qui nécessiteront, d'ailleurs, toujours plus de fonctionnaires pour les appliquer.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il nous faut également repenser le processus d'élaboration de la loi. Le Gouvernement ne peut pas le faire sans le concours des deux assemblées, et je me réjouirai que des initiatives fortes en ce sens se manifestent au cours du débat parlementaire.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. François Sauvadet a suggéré la mise en place d'études d'impact contradictoires en amont, d'autres celle de missions d'information et d'évaluation permettant aux parlementaires d'être associés à la rédaction des ordonnances et de faire des propositions pour nourrir la réflexion du Gouvernement sur les chantiers législatifs à venir.
    Il nous faut aussi convaincre nos concitoyens, en leur expliquant que le « risque zéro » n'existe pas, que la loi, à elle seule, ne peut pas régler tous les problèmes, et que la meilleure des préventions, c'est la responsabilité. En définitive, ce projet de loi exprime avant tout la volonté de renouer avec les valeurs humanistes qui ont fait la force de notre République et de réconcilier nos concitoyens avec la loi et les institutions. Cependant, nous n'oublions pas qu'il nous faudra convaincre les Français que la meilleure des préventions, c'est, avec la responsabilité, la renaissance du civisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je veux d'abord, dans un souci d'objectivité, rappeler que le Premier ministre, M. Raffarin, avait annoncé, dès juillet 2002, dans son discours de politique générale, son intention de « simplifier nos législations dans un certain nombre de domaine [...] qui concernent la paperasse tous les ennuis et toutes les tracasseries qui font qu'aujourd'hui, les acteurs socio-économiques sont transformés en bureaucrates ».
    Il est également tout à fait exact que l'article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de demander au Parlement, pour l'exécution de son programme, l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant une durée limitée, des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi, tel que défini à l'article 34 de la Constitution.
    Mais avec le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes bien au-delà de l'objectif annoncé. Vous l'avez d'ailleurs vous-même présenté comme un projet de loi « de grande envergure », constituant l'un des piliers de la réforme de l'Etat.
    L'habilitation que vous nous demandez - mon collègue Jérôme Lambert l'a très bien démontré hier lors de l'examen de l'exception d'irrecevabilité - est bien trop large et trop vague pour être acceptable. De surcroît, elle n'est pas justifiée politiquement, puisque vous disposez, depuis les élections législatives de 2002, d'une majorité plus que confortable, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, qui vous aurait permis de procéder par la voie législative ordinaire.
    En outre, et à supposer qu'il y ait urgence à légiférer - ce que nous contestons -, la diversité et, surtout, l'importance des dispositions du projet auraient nécessité à tout le moins un examen approfondi par la commission, ou plutôt par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale.
    En fait, l'habilitation que vous sollicitez porte, excusez du peu, sur une trentaine de lois et une quinzaine de codes. Il s'agit donc d'un véritable texte « fourre-tout » - le mot revient souvent, mais c'est celui qui caractérise le mieux votre texte - dans lequel on trouve des dispositions fort disparates, d'importance très inégale, qui vont des relations avec l'administration et du droit administratif aux marchés publics, en passant par le droit des contrats publics ou privés de conception, de transformation, d'exploitation, et de financement d'équipements publics, des dispositions et procédures fiscales, les conditions d'établissement de la preuve de la nationalité, la réglementation des associations syndicales de propriétaires, les permis et les licences de chasse, le recouvrement des cotisations et contributions sociales, le droit des organismes d'assurance maladie, les procédures électorales, le domaine sanitaire et social, la substitution de régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation préalable concernant les entreprises, pour leur création ou certaines de leurs activités, les enquêtes statistiques obligatoires revêtant un caractère d'intérêt général, l'allègement de cotisations sociales, le droit des licenciements et la protection des salariés investis d'une mission de représentation, le droit des sociétés commerciales et, enfin, le contrôle exercé sur les professions réglementées.
    Avec ce véritable inventaire à la Prévert, nous sommes bien loin, je le répète, des lois d'habilitation traditionnelles, telles que celles que le précédent gouvernement avait utilisées - nous le reconnaissons volontiers - pour procéder à l'adoption de la partie législative de certains codes, en décembre 1999, ou encore pour mettre le droit interne en conformité avec le droit communautaire européen, en janvier 2001.
    Le champ de votre loi, monsieur le secrétaire d'Etat, est tellement vaste et tellement divers que même des députés de votre majorité, se sont étonnés, en commission des lois, de l'importance du dessaisissement qui nous est demandé. Ainsi, M. Jérôme Bignon s'est déclaré « impressionné par le contenu du projet de loi ». Quant au président de notre commission des lois, M. Pascal Clément, il a jugé, pour sa part, que l'habilitation demandée était « d'une ampleur sans précédent ». On ne saurait mieux dire !
    M. Xavier de Roux. Eh oui !
    M. André Vallini. J'ajoute que votre projet de loi comprend des dispositions inutiles et redontantes avec celles qui existent déjà. Je pense notamment aux dipositions relatives à la simplication des relations entre l'administration et les usagers. En effet, la principale disposition de l'article 1er concerne la détermination des procédures pour lesquelles les autorités administratives et les services publics indiqueront aux usagers le délai dans lequel leur demande sera instruire. Or, l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, votée sous la précédente législature, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite « loi DCRA », impose à l'ensemble des administrations et des services publics administratifs, quelle que soit leur collectivité de rattachement, d'adresser, pour toute demande, un accusé de réception qui doit mentionner le délai - deux ou quatre mois en principe - au terme duquel, en l'absence de décision explicite de l'administration, l'usager sera considéré comme titulaire d'une décision implicite, de rejet ou d'acceptation.
    J'ajoute que l'essentiel du 1° de l'article 1er relève de l'organisation interne des services administratifs et donc du pouvoir réglementaire.
    En fait, il apparaît clairement que le volet « amélioration des relations citoyens-administration » n'est qu'un prétexte, un alibi destiné à « faire passer » les vingt-huit autres articles qui portent, eux, sur des sujets autrement plus importants.
    Je citerai quelques exemples.
    D'abord, les mesures relatives aux contrats publics et privés. L'article 4 du projet de loi légalise un ensemble de montages contractuels portant atteinte à la concurrence, ce qui est grave, soit en la limitant, soit en y faisant totalement obstacle.
    M. Alain Madelin. Mais non, c'est l'inverse !
    M. André Vallini. Pas du tout. Il prépare ainsi la généralisation de la maîtrise d'ouvrage privée et du recours par l'Etat et les collectivités territoriales aux contrats de conception-réalisation-maintenance et il ouvre donc la voie à une extension illimitée des dérogations à la loi relative à la malîtrise d'ouvrage publique, dite « loi MOP ».
    Le recours à la formule de crédit-bail est également favorisé, alors que cette formule est trop souvent un moyen de limiter la concurrence et l'égalité d'accès à la commande publique.
    En outre, l'article 4 permet l'octroi d'une autorisation d'occupation du domaine public combinée avec un bail à construire ou un crédit-bail. L'Etat comme les collectivités locales pourront ainsi réduire artificiellement leur taux d'endettement en violation du principe de transparence et de saine gestion des deniers publics.
    Dans le domaine du droit social, l'article 20 risque d'aboutir à une véritable remise en cause du droit du travail dans notre pays.
    Nous craignons en effet que les mesures que vous préconisez, sous couvert, pour ne pas dire sous prétexte, de simplification, d'assouplissement, de réduction des délais, aient pour objet et pour conséquence de réduire les droits des salariés et de faire reculer la législation sociale de notre pays.
    M. Alain Madelin. Voilà la paupérisation !
    M. André Vallini. En tout état de cause, si simplification il doit y avoir dans ce domaine essentiel, car il y a certainement des choses à simplifier, elle doit à l'évidence faire l'objet d'une vraie concertation, monsieur le secrétaire d'Etat, avec l'ensemble des partenaires sociaux, notamment avec les syndicats, et ne pas être le simple reflet d'une obéissance aux exigences du MEDEF (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Et voilà !
    M. Hervé Novelli. Il y avait longtemps !
    M. André Vallini. ... ou de l'aile la plus libérale de notre majorité emmenée par M. Alain Madelin dont la présence dans l'hémicycle est d'ailleurs significative de l'importance qu'il attache à ce texte libéral. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Hervé Novelli. Il est souvent là !
    M. André Vallini. Je vais prendre quelques exemples des questions graves que soulève votre projet en matière de droit du travail.
    Vous souhaitez, dites-vous, « harmoniser les seuils d'effectifs qui déterminent l'application de certaines dispositions du code du travail ainsi que le mode de calcul de ces effectifs ». S'agit-il de remettre en cause la prise en compte des salariés les plus précaires - salariés en contrats à durée déterminée, intérimaires, travailleurs à domicile, travailleurs mis à disposition par une autre entreprise - dans l'effectif des entreprises qui avait été introduite par les lois Auroux en 1981-1982 ?
    M. Hervé Novelli. Belles lois !
    M. André Vallini. Oui, ce sont de grandes lois historiques sur plan social et nous en sommes fiers.
    M. Hervé Novelli. Pas nous !
    M. André Vallini. Vous souhaitez, dites-vous, « harmoniser les délais applicables aux procédures individuelles de licenciement ». S'agit-il de modifier le délai de convocation à l'entretien préalable fixé à cinq jours ouvrables - délai très court - pour permettre au salarié de se faire assister par un conseiller de son choix ?
    Vous souhaitez, dites-vous, « harmoniser les durées de protection contre le licenciement des candidats aux élections professionnelles et des anciens représentants du personnel. » S'agit-il de dissuader et de fragiliser un peu plus tout candidat à la fonction de délégué du personnel, notamment dans les petites entreprises où les représentants du personnel sont déjà peu présents ?
    Vous souhaitez, dites-vous, « harmoniser les procédures relatives aux congés pour motifs personnels ou familiaux. » S'agit-il d'harmoniser ou de réduire l'accès aux différents droits aux congés familiaux ou personnels : mariage, naissance, adoption, décès d'un membre de la famille proche ?
    Vous souhaitez, dites-vous, « alléger les contraintes de tenue de registres pesant sur les employeurs, notamment par un regroupement et une harmonisation. » S'agit-il de réduire les obligations des employeurs, donc les moyens de contrôle des inspecteurs du travail et les moyens d'information des représentants du personnel ?
    M. Alain Madelin. On va supprimer les inspecteurs du travail !
    M. Jérôme Lambert. C'est ça, oui !
    M. André Vallini. Il faut supprimer les inspecteurs du travail ! J'espère que cela figurera au compte rendu de la séance !
    M. Jérôme Lambert. Oui ! Nous avons bien entendu !
    M. Alain Madelin. Vous n'avez pas compris !
    M. André Vallini. L'aile la plus libérale de la majorité, emmenée par M. Madelin, souhaite supprimer les inspecteurs du travail. C'est très intéressant !
    M. Alain Madelin. J'ai voulu dire qu'au niveau d'incompréhension où vous en étiez, vous pouviez ajouter à votre liste la suppression des inspecteurs du travail !
    M. le président. Pas d'échanges individuels, monsieur Madelin ! Poursuivez, monsieur Vallini.
    M. André Vallini. Vous souhaitez, dites-vous, « abroger dans les entreprises diverses dispositions du code du travail devenues obsolètes ou sans objet ». S'agit-il de supprimer la définition du temps partiel, qui a été modifié par la loi Aubry en fonction de la nouvelle durée légale du travail fixée à 35 heures et conformément à la directive européenne du 15 décembre 1997 ?
    M. Alain Madelin. On peut aussi supprimer le droit du travail !
    M. André Vallini. Bref ! j'arrête là les questions que nous nous posons, que nous vous posons sur vos intentions. La démonstration est ainsi faite que les possibilités que vous réservez au Gouvernement de modifier des dispositions importantes du code du travail et de bouleverser le droit du travail sont tout simplement inacceptables.
    Il en va de même dans le domaine du droit du commerce et des sociétés. L'habilitation que vous nous demandez en la matière à l'article 2 est très générale, beaucoup trop générale, et ne permet pas de connaître véritablement vos intentions.
    M. Hervé Novelli. Elles sont pures !
    M. André Vallini. Comme l'a reconnu Gérard Léonard, député UMP, en commission des lois, il est clair, je le cite, que cette question « excède le cadre de l'habilitation », car il s'agit, selon les propres termes de Georges Fenech, autre député de l'UMP, membre de la commission des lois, « d'un débat de fond, excédant les limites d'une réforme de simplification et de codification ». On ne saurait mieux dire ! Nous ne disons d'ailleurs pas autre chose que MM. Léonard, Fenech et Pandraud qui se sont indignés du caractère beaucoup trop vague et trop général de l'habilitation que vous demandez à la représentation nationale.
    En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, la procédure d'habilitation est en l'espèce tout à fait inacceptable, s'agissant d'un texte comportant des chapitres tellement importants qu'il faudrait pratiquement une loi spécifique pour chacun d'eux. Cela est si vrai que même des députés UMP l'ont souligné en commission des lois. Ainsi M. Gérard Léonard a estimé que : « une telle façon de procéder équivaut à un véritable dessaisissement du Parlement sur des sujets de grande portée ».
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, a considéré que « la méthode retenue pourrait susciter des interrogations et des inquiétudes ». Enfin, Jérôme Bignon s'est demandé « si les délais impartis au Gouvernement pour prendre les ordonnances n'étaient pas trop limités, compte tenu de l'ampleur des réformes envisagées ».
    Les parlementaires de votre majorité doutent donc, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je sais bien qu'ils ne tiendront pas le même langage en séance publique, discipline majoritaire oblige !
    Vous avez déclaré que « le choix d'un rythme soutenu exigeait le recours à l'habilitation législative ». C'est à l'évidence une raison compètement fallacieuse, qui masque en fait la volonté de déposséder le Parlement de ses droits...
    M. Guy Geoffroy. Mais non !
    M. André Vallini. Et si, pour le rapporteur, M. Etienne Blanc, c'est la « diversité des simplifications demandées et leur caractère technique qui justifie le recours aux ordonnances », il s'agit, là encore, d'une raison fallacieuse,...
    M. Guy Geoffroy. Absolument pas !
    M. André Vallini. ... car l'importance de certaines dispositions aurait, au contraire, pleinement justifié le recours à la procédure législative ordinaire.
    Si le Gouvernement devait malgré tout s'entêter dans cette procédure et donc bafouer les droits du Parlement, dont la vocation première est, je le rappelle, de faire les lois, qu'il lui laisse au moins le temps nécessaire pour travailler sérieusement avant de vous autoriser à faire son travail. C'est donc un examen approfondi par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale qu'il faut envisager. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter le renvoi en commissions de ce projet de loi d'habilitation.
    M. Jérôme Lambert. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur Vallini, malgré votre voix défaillante, vous avez soutenu cette motion avec ardeur. Cependant, pour m'être moi-même souvent livré à cet exercice, j'en connais les limites rhétoriques. Ainsi, il ressort clairement de vos propos qu'il faut au contraire poursuivre le débat...
    M. André Vallini. En commission !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... puisque vous n'avez cessé de répéter qu'il fallait définir plus précisément les finalités de la loi d'habilitation. C'est précisément ce que nous allons commencer à faire. Il appartient en effet au législateur souverain de donner une feuille de route au Gouvernement, en fixant avec précision les domaines dans lesquels il l'habilite à légiférer par ordonnances.
    Vous avez aussi parlé d'un texte « fourre-tout », argument classique, mais qui est l'hommage du vice à la vertu. Cela signifie tout simplement qu'il s'agit d'un texte ambitieux dont le champ d'application couvre effectivement celui d'une trentaine de lois et d'une dizaine de codes. En effet, il n'est pas possible de simplifier un petit bout du droit sans s'attaquer à l'ensemble de la chaîne. Il faut bien comprendre que la simplification est un processus global.
    Enfin, vous avez dit - c'est un aveu - que chacune des dispositions du texte justifierait, à elle seule, une loi spécifique. Cela veut dire que si l'on utilisait la voie classique, il faudrait une année de débats parlementaires pour parvenir au même résultat...
    M. André Vallini. Et alors ! On est là pour ça.
    M. Dominique Tian. Il y a urgence !
    M. André Vallini. Mais non, il n'y a pas d'urgence !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... et à condition que la gauche ne fasse pas trop d'obstruction.
    Là est bien le problème : vous avez une conception archaïque, fondamentalement dirigiste. Vous voulez étendre toujours davantage l'empire de la loi et de l'Etat au risque d'étouffer la société.
    Nous avons une conception moderne du Parlement, qui doit sortir de la tendance à légiférer toujours plus en ajoutant à la complexité, et accepter de donner au Gouvernement mandat de simplifier. Si la majorité le veut bien, je pense que cela ressortira du débat.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Etienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapport que nous avons présenté rappelle clairement que le texte proposé est très large. Il touche à trente lois, à quinze codes et il traduit une volonté politique affichée. Tirant argument de ce caractère très large, l'opposition met en avant la crainte que le Gouvernement pourrait, dans le cadre des ordonnances, déraper et se livrer à des modifications très substantielles de pans entiers de notre droit.
    Je rappelle donc une fois de plus - car je l'ai souligné hier de manière très explicite - que les dispositions prévues par l'article 38 encadrent très sévèrement ce dispositif, notamment en ce qui concerne les délais que ce soit pour prendre ou pour ratifier les ordonnances. De plus, les conditions de la ratification et le contrôle qui peut être effectué par le Parlement constituent, à l'évidence, des garanties suffisantes.
    Suivant le même raisonnement, l'opposition affirme que ces ordonnances constitueraient en réalité de véritables alibis. A cet égard je regrette qu'aucun de ses membres n'ait participé aux auditions organisées par la commission des lois. Nombre de leurs inquiétudes auraient en effet été levées car nous avons pu interroger des responsables des services qui avaient la charge de préparer les ordonnances sous l'autorité des ministres. A ma connaissance, c'est la première fois, dans l'histoire de la Ve République et dans le fonctionnement de la commission qu'il en a été ainsi.
    Ces auditions nous ont permis de bien comprendre et de mieux cibler les conditions dans lesquelles ces ordonnances seront prises. Pour l'illustrer cela je vais prendre deux exemples dans le domaine du droit social, à propos duquel vous avez manifesté une certaine inquiétude.
    Si vous lisez avec beaucoup d'attention le rapport que nous avons établi, vous verrez que le droit social ne risque aucun bouleversement. En tout état de cause, les droits syndicaux et les droits fondamentaux des salariés ne sont pas touchés.
    Ainsi vous savez que, dans les procédures de licenciement, existe une kyrielle de délais différents, qui dépendent de l'importance de l'entreprise, de la nature du licenciement, de l'ancienneté du salarié. Pour les salariés, ce maquis législatif est source d'incertitudes et tous ceux qui ont fréquenté les conseils de prud'hommes savent bien qu'il s'y déroule le plus souvent des discussions d'un autre âge portant essentiellement sur la forme ce qui empêche fréquemment d'aborder le fond. A cet égard, le projet prévoit simplement qu'il faut harmoniser les délais pour que les règles soient plus claires et plus lisibles.
    Mon deuxième exemple concerne les congés spéciaux accordés aux salariés pour un décès, une naissance ou tout événement d'ordre familial ou autre. Ils sont tellement divers et nombreux que la question est d'une complexité inouïe. Or l'intérêt d'un salarié est de connaître exactement la nature de ses droits quel que soit l'événement.
    Certes, on peut toujours agiter un chiffon rouge et prétendre que le fait de toucher au droit social entraîne un risque majeur. Mais, l'application des dispositions de l'article 38 et les termes du rapport écartent toute inquiétude. C'est la raison pour laquelle, au nom de la commission, je demande que soit rejetée la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. La motion que nous sommes en train d'examiner nous offre la dernière possibilité de stopper l'examen de ce texte, donc de revenir à une procédure législative ordinaire. C'est aussi pour moi la dernière occasion de répéter ce qui a déjà été dit et redit : si l'article 38 permet une procédure évidemment constitutionnelle, il s'agit tout de même, comme en cas de recours à l'article 49-3, d'un dessaisissement du Parlement du pouvoir de légiférer qu'il tient du peuple français. Ce n'est pas une mince affaire que d'examiner un texte habilitant le Gouvernement à dessaisir le Parlement de son droit d'élaborer la loi.
    Les membres du groupe socialiste ont souligné, tout au long de leurs interventions depuis hier, que, compte tenu tant de l'importance et de la variété des domaines concernés que du flou des dispositions proposées par le Gouvernement, nous refusions de donner notre aval à cette procédure à propos d'un projet de loi.
    Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, ce n'est pas la première fois que des auditions sont organisées dans le cadre d'une habilitation à légiférer par ordonnances. Vous auriez surtout pu, comme je l'ai fait naguère, organiser plus tôt ces auditions. En l'occurrence, vous ne nous y avez conviés que quelques jours avant l'examen du texte en commission. Il était donc difficile de mener une réflexion approfondie dans un délai aussi bref. Nous considérons donc qu'il faut poursuivre cette réflexion. Tel est tout le sens de l'intervention d'André Vallini, qui nous propose de renvoyer ce texte à plusieurs commissions, au moins pendant quelques jours.
    Par ailleurs, vous avez précisé vous-même qu'il s'était agi d'auditions de hauts fonctionnaires qui seront chargés de préparer les ordonnances. Cela signifie que, quand nous aurons donné l'habilitation au Gouvernement, ce seront de hauts fonctionnaires qui mettront les textes en forme.
    M. Alain Madelin. Ne soyez pas méprisant !
    M. Jérôme Lambert. Que devient donc le rôle des élus dans une telle procédure ? Certes on nous dit que les portes du ministère seront grandes ouvertes et que nous pourrons faire part de nos idées. Mais nous sommes parfaitement capables d'élaborer la loi en débattant dans cette enceinte. Pourquoi choisir une autre voie et ne pas nous laisser travailler comme d'habitude ?
    Pour apaiser nos inquiétudes vous avez évoqué l'encadrement des ordonnances, notamment les délais de ratification. Il y aura certes des lois de ratification, mais quelles garanties avons-nous aujourd'hui, en dehors de la parole d'un ministre qui ne sera peut-être plus membre du Gouvernement dans un an, que ces projets feront l'objet d'un véritable débat dans cette enceinte ?
    Nous allons donc nous dessaisir de la possibilité de débattre sur les sujets en cause, sans avoir la moindre certitude de pouvoir le faire au moment de la ratification des ordonnances.
    Enfin, vous avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il appartenait au Parlement de préciser le champ d'habilitation de ces ordonnances. Fort bien, mais il va falloir beaucoup travailler. En effet, une chose est de dire que l'on va donner l'habilitation pour des ordonnances concernant les licenciements ou d'autres sujets ; une autre est de définir le sens dans lequel les ordonnances devront trancher. S'agira-t-il d'améliorer la protection des salariés par exemple ? S'agira-t-il d'instaurer des délais plus favorables à la protection des salariés ou de les restreindre ?
    Jamais, dans aucune de vos interventions, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, chers collègues de la majorité, vous n'avez indiqué dans quel sens vous souhaitez aller. C'est pourquoi nous devons bien définir le champ que nous donnons au Gouvernement pour agir.
    Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du chapitre Ier :

« Chapitre Ier

« Mesures de simplification de portée générale »

    M. Madelin a présenté un amendement, n° 86, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Un conseil d'orientation de la simplification administrative formule toute proposition pour simplifier la législation et la réglementation ainsi que les procédures, les structures et le langage administratifs.
    « Il est composé de trois députés, de trois sénateurs, d'un conseiller régional, d'un conseiller général, d'un maire ainsi que de deux membres du Conseil économique et social et quatre personnalités qualifiées.
    « En cas de besoin, les dispositions du présent article sont précisées par décret. »
    La parole est à M. Alain Madelin.
    M. Alain Madelin. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous-même et certains orateurs avez parlé d'« une étape extrêmement importante sur le chemin de la simplification administrative », attendue avec beaucoup d'impatience par nos compatriotes harcelés « textuellement » par nos lois et nos règlements. Nous vous accompagnons bien évidemment sur ce chemin, avec nos votes et nos encouragements. Mais pour faire mieux encore, mon amendement vous propose une structure d'accompagnement permanente sur ce qui sera en fait une longue route. En effet, vous donnez le coup d'envoi mais la marche sera longue. Vous avez cité entre autres le rendez-vous annuel de simplification administrative souhaité par beaucoup de parlementaires de la majorité.
    Un tel travail de simplification ne peut se faire, parce qu'il est très technique et très compliqué - j'en connais comme vous les détours -, que dans un dialogue, un aller et retour permanent entre les parlementaires, d'une façon générale les élus et vos services. C'est la raison pour laquelle je vous propose, et c'est une bonne chose que de le faire tout au début de ce texte, un conseil d'orientation sur la simplification. Composé de députés, de sénateurs, mais aussi d'un conseiller régional, d'un conseiller général, de membres du Conseil économique et social et de personnalités qualifiées, il aurait pour mission de vous accompagner dans cette longue marche de la simplification de notre droit.
    Peut-être pourrait-il également vous accompagner dans la préparation des ordonnances. Je sais que d'autres amendements de ce type seront présentés à d'autres endroits du texte. C'est à vous de savoir si le conseil que je vous propose suivra aussi cette ordonnance, ou si une structure spécifique est nécessaire. En tout état de cause, le conseil tel que je le propose serait permanent, ce qui permettrait un échange fructueux entre les élus et l'administration. Et puisqu'il faut faire simple, je ne propose pas une structure de plus, je suggère de transformer la COSA, qui existe déjà, en élargissant sa représentation pour faire face à cette nouvelle mission.
    M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 86.
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission des lois consitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission s'est déclarée favorable à cet amendement, après s'être demandé s'il ne revêtait pas un caractère réglementaire. Mais puisque nous simplifions, simplifions !
    L'amendement n° 86 va tout à fait dans le sens de ce que souhaite la commission des lois, c'est-à-dire pouvoir assurer le suivi de la simplification administrative, ainsi que de la mise en route des ordonnances.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je voudrais d'abord saluer la contribution éminente d'Alain Madelin à l'entreprise de simplification, et souligner la forte valeur symbolique de cet amendement. En effet, la simplification sera une longue route, et la première étape significative que nous franchissons aujourd'hui ne constitue qu'un point de départ dans l'esprit du Gouvernement.
    Il semble éminemment souhaitable que les parlementaires soient associés à chaque étape du processus de simplification. Le présent projet de loi a été nourri par les contributions des élus, parlementaires ou élus de terrain, et qu'une instance permanente ait vocation à faire des propositions de simplification dans les domaines législatif et réglementaire s'inscrit dans l'ambition du Gouvernement.
    Comme il s'agit en l'occurrence de déterminer les modalités d'association des parlementaires, et que je suis très respectueux de la souveraineté de l'Assemblée, je m'en remets, pour ce qui concerne lesdites modalités et le texte de l'amendement, à la sagesse de l'Assemblée. Mais au nom du Gouvernement, je me réjouis qu'à travers cet amendement, les parlementaires manifestent leur volonté d'accompagner l'exécutif dans cette entreprise permanente de simplification.
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Vous venez de dire, M. le secrétaire d'Etat, que cet amendement avait une forte valeur symbolique. Je le pense moi aussi et c'est la conclusion de tout ce que nous avons dit au cours des heures précédentes : on va organiser, pour longtemps, une forme de dessaisissement du Parlement. De ce point de vue, j'y vois - pour ma part - un marché de dupes. D'un côté, on ne fera plus la loi et on laissera le soin au Gouvernement de procéder à des réformes administratives importantes - vous ne seriez pas là, mes chers collègues, si vous n'étiez persuadés que ce que nous allons faire est important ! De l'autre côté, on va transformer une commission pour surveiller ces réformes ! Mais le rôle des parlementaires n'est pas de siéger dans des commissions. Il est de faire leur travail dans les commissions du Parlement, et ici dans cette enceinte.
    Permettez-moi au passage un clin d'oeil à l'article 1er, qui prévoit de simplifier les commissions administratives. Or, avant l'article 1er, on nous propose d'en renforcer une. N'est-ce pas un peu paradoxal ? Mais le plus grave, c'est d'entériner une fois pour toute le dessaisisement du Parlement. Nous y sommes opposés.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
    (L'amendement est adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes dispositions modifiant les règles des procédures administratives non contentieuses, aux fins de :
    « 1° Simplifier les démarches des usagers :
    « a) En réduisant le nombre de pièces ou démarches demandées aux usagers, ainsi que la fréquence selon laquelle celles-ci sont exigées ;
    « b) En modifiant les conditions d'élaboration, de révision et d'évaluation des formulaires administratifs ;
    « c) En substituant des déclarations sur l'honneur à la production de pièces justificatives et en précisant corrélativement les conséquences qui s'attachent à l'éventuelle inexactitude de ces déclarations ;
    « d) En organisant, dans le respect des règles de protection de la liberté individuelle et de la vie privée établies par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la transmission de documents entre les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics qui en relèvent, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d'une mission de service public ;
    « 2° Réduire les délais d'instruction des demandes et accélérer la prise de décision, en déterminant les procédures pour lesquelles les autorités administratives et services publics mentionnés au précédent alinéa indiqueront aux usagers le délai dans lequel sera instruite leur demande ;
    « 3° Simplifier la composition et le fonctionnement des commissions administratives et réduire le nombre de celles des commissions qui ont un caractère consultatif et dont la consultation ne met pas en cause l'exercice des libertés publiques ou le principe de libre administration des collectivités territoriales. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint, premier orateur inscrit sur l'article.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'article 1er autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances, toutes dispositions modifiant les règles de procédure administrative, afin de simplifier les démarches des usagers auprès des administrations. Le nombre de pièces ou démarches demandées aux usagers, ainsi que la fréquence selon laquelle celles-ci sont exigées seront réduits. Les conditions d'élaboration, de révision et d'évaluation des formulaires administratifs seront modifiées. Les déclarations sur l'honneur remplaceront la production de nombreuses pièces justificatives. La transmission de documents entre les administrations de l'Etat sera organisée. Les délais d'instruction des dossiers et la prise de décision seront accélérés. Enfin, le nombre des commissions administratives sera réduit.
    C'est un programme très ambitieux. Des mesures comme la réduction des délais, la transmission des documents entre administrations, la modification des formulaires administratifs sont, certes, indispensables, mais elles nécessitent des moyens. Or, vous ne parlez nullement de leur coût dans votre projet de loi. Ces mesures auront pourtant des répercussions budgétaires pour les diverses administrations.
    Il faudra également songer à la formation des personnels et aux moyens techniques à mettre en oeuvre pour moderniser notre administration, afin, par exemple, que la transmission de documents s'effectue le mieux possible, sans risque d'erreurs ou de fuites inopportunes.
    Les personnels de nos administrations, confrontés au sentiment de carence des services publics qui grandit chez les usagers, sont les premiers à déplorer le manque de moyens humains et logistiques. Quels seront-ils quand le Gouvernement pourra agir par ordonnance, et alors même qu'il envisage de ne remplacer qu'un agent sur deux partant à la retraite. Or 40 % des agents doivent partir à la retraite d'ici à 2012.
    Par ailleurs, M. le Premier ministre, s'il veut tenir sa promesse et celle du Président de la République de baisser significativement les impôts, est dans l'obligation de geler les dépenses de l'Etat, notamment celles engendrées par la fonction publique.
    Moins de dépenses, mais pour qui ? Vos mesures sont une fois de plus trop approximatives, notamment en ce qui concerne la transmission de documents entre les administrations de l'Etat et les collectivités locales.
    Un autre point nous préoccupe : le Gouvernement va pouvoir, par ordonnance, simplifier la composition et le fonctionnement des commissions administratives et réduire le nombre des commissions ayant un caractère consultatif - autrement dit en supprimer. Or ces commissions souvent composées de représentants de l'administration et d'usager représentent pour ces derniers des instances protectrices de leurs droits. Il est vrai qu'elles sont très nombreuses. Mais le projet de loi ne précise pas lesquelles seraient susceptibles d'être supprimées, pas plus que les simplifications auxquelles vous procéderez dans les autres.
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. L'article 1er a été souvent présenté par le Gouvernement en particulier comme regroupant en son sein les mesures symboliques de ce projet. Il s'agit a priori de choses sympathiques : simplifier des formulaires ou remplacer des documents par des déclarations sur l'honneur, par exemple.
    En défendant l'exception d'irrecevabilité hier, au nom du groupe socialiste, j'avais indiqué que, derrière ces a priori sympathiques, cet article pouvait receler de nombreux problèmes et non des moindres.
    Le premier, notre collègue vient de l'évoquer, c'est celui des moyens à mettre en oeuvre pour opérer le contrôle des déclarations des usagers. Jusqu'à présent, le contrôle a lieu au moment du dépôt du dossier, qui est déclaré recevable s'il contient les pièces requises. C'est relativement simple. Demain, une personne qui voudra prétendre à un droit fera la déclaration sur l'honneur qu'elle peut y prétendre. On lui fera confiance. On sait bien que certains - 1 %, 2 % ? nul ne le sait - seront tentés de frauder. Des contrôles seront donc nécessaires.
    Les quelques contrôles qui seront forcément effectués - sur 5 ou 10 % de dossiers peut-être - entraîneront une surcharge de travail pour l'administration. Et comment ces vérifications pourront-elles être faites à l'heure où vous nous annoncez, et même où vous décidez, que vous allez réduire le nombre des agents de l'Etat ?
    J'ajoute que vous risquez de placer certains de nos concitoyens dans des situations délicates. En effet, actuellement, lorsqu'un dossier est incomplet, l'administration interrompt la procédure. Mais, la vérification ne s'opérant plus au moment du dépôt du dossier, certains penseront avoir des droits et demanderont à en bénéficier en faisant une déclaration sur l'honneur. S'il s'avère, après vérification, qu'ils se sont trompés et qu'ils sont en faute, quelle sanction faudra-t-il leur appliquer ? Vous aurez transformé un citoyen, peut-être de bonne foi, en délinquant ! La mesure que vous proposez, si on ne s'en donne pas les moyens serait lourde de conséquences.
    Enfin, je partage l'avis de notre collègue communiste sur la réorganisation ou la suppression de certaines commissions administratives. Certes, il en existe beaucoup, des dizaines, mais on ne nous dit pas lesquelles pourraient être concernées. La commission compétente en matière de réinsertion sociale l'est-elle ? Nous l'avons déjà dénoncé : on donne l'habilitation au Gouvernement pour des mesures complètement floues, imprécises. On ne sait pas où il veut aller, ce qu'il veut faire. Ce n'est pas normal !
    M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Monsieur Lambert, n'en faites pas un plat ! C'est le gouvernement précédent qui a institué la déclaration sur l'honneur, et tout le monde en est très heureux d'ailleurs, dans le code des marchés publics. Une déclaration sur l'honneur remplace toute la paperasse - que vous adorez ! - dont l'objet était de prouver que l'entreprise avait bien payé ses cotisations sociales et ses impôts. Le formulaire unique - vous adorez ça aussi ! - qui la remplace n'est qu'une simple déclaration sur l'honneur. Et c'est un décret du 7 mars 2001 qui l'a institué, nous n'inventons rien !
    M. le président. M. Etienne Blanc, rapporteur, a présenté un amendement, n° 3, ainsi rédigé :
    « Après le c du 1° de l'article 1er, insérer l'alinéa suivant :
    « c bis) En substituant des régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation administrative préalable ; ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Monsieur le président, il s'agit d'aller plus loin encore dans la simplification en substituant un régime déclaratif au régime d'autorisation administrative préalable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je m'en remets à la sagesse de l'assemblée.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Etienne Blanc, rapporteur, a présenté un amendement, n° 4, ainsi rédigé :
    « Dans le 2° de l'article 1er, substituer aux mots : "précédent alinéa, les mots : "d du 1°. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. L'amendement n° 4 est rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Etienne Blanc, rapporteur, a présenté un amendement, n° 5, ainsi rédigé :
    « Dans le 2° de l'article 1er, substituer aux mots : "indiqueront aux usagers le délai dans lequel sera, les mots : "indiquent aux usagers le délai dans lequel est. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Amendement rédactionnel également.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Bénisti a présenté un amendement, n° 62, ainsi rédigé :
    « Compléter le 2° de l'article 1er par les mots : "et prévoir les modalités selon lesquelles ces derniers pourront exercer les voies de recours en cas de dépassement de ces délais. »
    La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. L'amendement est défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Etienne Blanc, rapporteur, a présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Après le mot : "consultatif, supprimer la fin du 3° de l'article 1er. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. L'objet de cet amendement est de supprimer une réserve inutile. En effet, la question de la préservation des libertés publiques et du respect du principe de la libre administration des collectivités territoriales se posera lors de l'élaboration des ordonnances mais en aucun cas dans la loi d'habilitation.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à simplifier et harmoniser par ordonnance les règles relatives aux conditions d'entrée en vigueur des lois, ordonnances, décrets et actes administratifs, ainsi que les modalités selon lesquelles ces textes sont publiés et portés à la connaissance du public, en prenant en compte les possibilités offertes par les technologies de l'information. »
    La parole est à M. Xavier Bertrand, premier orateur inscrit sur l'article.
    M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la multiplication actuelle des lois, des décrets, des circulaires et autres textes rend quasiment impossible l'application de l'adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi ». Comment peut-on obliger nos concitoyens à suivre l'évolution de notre droit quand les gouvernements eux-mêmes avouent parfois ne pas arriver à compter tous ces textes ?
    Votre volonté, monsieur le secrétaire d'Etat, d'adapter notre régime de publication à notre temps, avec la publication simultanée sur support papier et sur support électronique, va bien évidemment dans le bon sens. Vouloir réserver la version papier du Journal officiel aux mesures les plus générales va aussi dans le sens de la clarification et donc de la simplification pour tous les Français. Là encore, nous ne pouvons que vous en remercier.
    Mais permettez-moi d'aborder le sujet récurrent des décrets d'application. En annexe du rapport sur ce projet de loi d'habilitation figure notamment un avant-projet de loi relatif aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs. Son article 1er dispose que « les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication au Journal officiel de la République française. Toutefois, lorsque l'exécution de tout ou partie de leurs dispositions nécessite des mesures d'application, ces dispositions n'entrent en vigueur qu'à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
    Si cette disposition peut paraître très technique, elle est pourtant, me semble-t-il, fondamentale.
    Pour ce qui est des délais, d'abord, ne pourrait-on pas envisager un délai raisonnable entre la publication et l'entrée en vigueur de la norme nouvelle ? Si les professionnels peuvent plus facilement, par intérêt, suivre l'ensemble de la procédure législative et donc ne pas être surpris, il n'en est pas de même pour la plupart de nos concitoyens. C'est véritablement une question de lisibilité.
    Ensuite, si le Parlement doit donner, par les lois qu'il adopte, une orientation politique générale, sans nécessairement entrer plus avant dans le détail, le Gouvernement doit, lui, prendre le plus rapidement possible les mesures d'application.
    Ne pourrait-on pas prévoir, monsieur le secrétaire d'Etat, des délais raisonnables - sans qu'il m'appartienne de dire s'ils doivent être définis par une règle précise - pour que la loi entre en vigueur et que le Gouvernement en publie les décrets d'application le plus rapidement possible ? Car nous connaissons trop souvent une situation de vide juridique. Alors qu'en ce qui concerne les transpositions de directives européennes, la norme est beaucoup plus encadrée, le droit français, notamment pour ce qui est de la loi, appelle des clarifications.
    Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des précisions sur les mesures que vous envisagez pour réduire les délais de publication des décrets et faire en sorte que toute loi votée soit appliquée dans des délais raisonnables ? Je le répète, c'est véritablement une question de lisibilité.
    Qui plus est, la réactivité médiatique est aujourd'hui telle que nos concitoyens sont très souvent interloqués lorsqu'ils constatent, après avoir appris qu'un texte était voté, que nous sommes dans l'incapacité de leur dire à quel moment il entrera en application.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. L'article 2 pose le principe de l'harmonisation des règles relatives à l'entrée en vigueur des lois, ordonnances, décrets et actes administratifs, ce qui concernerait également les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance du public.
    Il est vrai que, si l'on souhaite que l'adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » puisse effectivement s'appliquer, il convient de simplifier des règles complexes en matière de publication des lois et actes administratifs. Et à cet égard, ce qui vient d'être dit sur la publication des décrets est, à mon avis, très important.
    Actuellement, en effet, une loi peut aussi bien préciser la date de son entrée en vigueur que renvoyer pour cela à un décret.
    Par ailleurs, le fait que cette date d'entrée en vigueur diffère selon que l'on se trouve à Paris, en province ou dans les DOM-TOM, doit nous inviter à réfléchir à de nouvelles modalités dans ce domaine, afin de parvenir à une égalité de traitement entre tous nos concitoyens.
    Cependant, je ferai quelques remarques. La première sur la forme, puisque nous refusons catégoriquement le recours aux ordonnances. Je n'y reviendrai pas, parce que je crois que vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Oui !
    Mme Muguette Jacquaint. La seconde remarque portera sur les nouveaux moyens auxquels vous souhaitez recourir pour faciliter la connaissance des règles en vigueur sur le territoire.
    En effet, il est prévu que les nouvelles technologies viennent compléter la publication « papier ». La diffusion en ligne deviendrait une obligation juridique.
    Nous ne pouvons qu'être d'accord avec la publication en ligne des textes entrant en vigueur. Cela constituera un bon moyen d'être informé de manière quasiment immédiate de la date à partir de laquelle ils sont opposables.
    Cependant, le recours à l'Internet afin de faciliter la publication des lois et des actes administratifs ne doit pas faire oublier que tout le monde n'a pas encore accès à cette nouvelle technologie. La fracture numérique est encore une réalité en France.
    C'est pourquoi nous ne souhaitons pas que certains textes, comme vous le prévoyez dans l'exposé des motifs, puissent ne faire l'objet que d'une diffusion en ligne sous prétexte qu'ils ne s'adresseraient qu'à un public averti et spécialisé. La loi, comme je l'ai déjà dit, doit s'appliquer de la même manière pour tout le monde, que son contenu soit technique ou non.
    C'est pourquoi nous ne souhaitons pas non plus que la diffusion en ligne devienne la règle au détriment de la publication « papier ».
    Mais, sur la forme, je le répète, nous contestons toujours le recours aux ordonnances. C'est pourquoi nous voterons contre cet article.
    M. le président. M. Lasbordes a présenté un amendement, n° 58, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par les mots : "et de la communication. »
    La parole est à M. Pierre Lasbordes.
    M. Pierre Lasbordes. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 58.
    (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance :
    « 1° Les mesures nécessaires pour rendre compatibles avec le droit communautaire les dispositions législatives relatives à la passation des marchés publics ;
    « 2° Les mesures permettant de clarifier les règles applicables aux marchés passés par certains organismes non soumis au code des marchés publics. »
    La parole est à M. Jérôme Lambert, premier orateur inscrit sur l'article.
    M. Jérôme Lambert. Le groupe socialiste votera l'amendement de suppression de cet article présenté par le groupe communiste. Car, avec l'article 3, nous abordons l'un des aspects les plus contestables de l'habilitation que le Gouvernement demande au Parlement de lui donner.
    Il s'agit des marchés publics et de la commande publique. Ce sont les outils par lesquels les élus peuvent gérer, construire, développer leurs collectivités territoriales. Même si on ne saurait contester la complexité de certaines procédures et la nécessité de simplifier parfois les choses, nous pensons, que, pour ce faire, dans ce domaine essentiel et sensible, il importe d'avoir ici, dans cette enceinte, un débat sérieux. On ne peut pas s'en remettre à des avis technocratiques qui seront finalement imposés, d'abord aux parlementaires que nous sommes, et ensuite, une fois que la loi sera promulguée, à tous les élus, à tous les responsables de collectivités territoriales. Nous n'admettons pas l'habilitation sur un tel sujet.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. L'article 3 a pour objet de permettre au Gouvernement de prendre par ordonnances, d'une part, les mesures nécessaires pour rendre compatibles avec le droit communautaire les dispositions relatives à la passation des marchés publics et, d'autre part, les mesures permettant de clarifier les règles applicables aux marchés passés par certains organismes non soumis au code des marchés publics.
    Plusieurs raisons nous ont conduits à déposer un amendement de suppression de cet article. En effet, nous sommes plus qu'embarrassés, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous permettre de procéder par ordonnances en ce qui concerne les marchés publics et les procédures de commandes publiques.
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Auparavant, c'est par décret que ces choses étaient réglées !
    Mme Muguette Jacquaint. Ces domaines sont, nous le savons tous, sensibles et complexes. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs rappelé dans son rapport public 2002 « l'impérieuse nécessité d'apporter aux collectivités publiques, comme aux opérateurs, la clarification et la sécurité juridique dont ils ont besoin et qu'ils sont en droit de revendiquer ».
    Or, vous souhaitez prendre des mesures par ordonnances en matière de marchés publics et de commandes publiques alors même que cette procédure est source d'insécurité juridique.
    Par ailleurs, en raison de la complexité des choses et des enjeux politiques et financiers inévitablement liés à ces domaines, l'examen par les parlementaires d'éventuelles modifications devrait être évident, notamment en ce qui concerne les dispositions de contrôle des procédures de passation des marchés, qu'ils soient publics ou passés par des organismes non soumis au code des marchés publics.
    Le plus préoccupant est que vous souhaitez adopter par ordonnances de nouvelles dispositions dans le domaine législatif, touchant en particulier la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
    Mais quelles nouvelles dispositions souhaitez-vous adopter ? Une fois de plus, l'imprécision règne dans ce texte.
    Par ailleurs, il est paradoxal de lire dans le rapport de M. Blanc que « parallèlement, devra être engagée la réforme réglementaire du code des marchés publics ». Dès lors, pourquoi ne pas engager une réforme globale, législative et réglementaire, du code des marchés publics, qui s'appuierait sur un débat parlementaire approfondi, indispensable dans ce domaine bien complexe qu'est le code des marchés publics ?
    Quant à la commande publique, vous envisagez, à terme, une refonte globale du droit applicable en la matière. Dans ces conditions, où est l'urgence actuelle ? Pourquoi envisager de recourir à la procédure contestable des ordonnances si c'est pour prévoir, de toute façon, une refonte globale du droit de la commande publique ?
    M. Jérôme Lambert. Exact !
    Nous pouvons lire dans le rapport qu'« il conviendrait de réunir dans un seul code l'ensemble des règles régissant la commande publique ». Cette codification fait-elle partie de votre programme annuel d'habilitation, ou aurons-nous la possibilité de codifier des règles qui nécessitent un véritable examen par le Parlement ?
    C'est dire l'importance de cet article 3 et c'est dire également notre inquiétude.
    Vous pouvez considérer, monsieur le président, que j'ai défendu notre amendement de suppression de l'article 3.
    M. le président. MM. Braouezec, Brunhes, Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 63, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 3. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Eienne Blanc, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Etienne Blanc et M. Tian ont présenté un amendement, n° 43, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 3 par l'alinéa suivant :
    « 3° Les mesures nécessaires à l'allégement des formalités imposées aux entreprises soumissionnaires. »
    La parole est à M. Etienne Blanc.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Cet amendement propose de mettre en place une procédure qui allégera les formalités imposées aux entreprises soumissionnaires et simplifiera le travail des commanditaires publics.
    L'idée est d'habiliter le Gouvernement à mettre en oeuvre une procédure départementale de certification annuelle des entreprises susceptibles de répondre aux appels d'offres, afin d'éviter à ces dernières de devoir systématiquement, à chaque appel d'offres, réitérer les mêmes démarches administratives.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Sur le fond, c'est une excellente mesure : il s'agit de permettre le référencement des entreprises pour dispenser notamment les plus petites d'entre elles, les entreprises artisanales, d'avoir à redéposer à chaque fois le même dossier. Mais elle relève très clairement du domaine réglementaire. Une des ambitions de cette loi étant justement de mettre fin à la confusion trop fréquente entre la loi et le règlement, le Gouvernement souhaite que cet amendement soit déclaré irrecevable.
    M. Jérôme Lambert. Puisque vous empiétez sur le domaine législatif, nous pouvons bien empiéter sur le domaine réglementaire !
    M. le président. Pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, mais le terme « irrecevable » n'est pas adapté.
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. En effet, monsieur le président. Je corrige : le Gouvernement émet un avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
    (L'article 3 est adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour aménager le régime juridique des contrats existants et créer de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public pour la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions. Ces dispositions détermineront les règles de publicité et de mise en concurrence relatives au choix du co-contractant, ainsi que les règles de transparence et de contrôle relatives au mode de rémunération du co-contractant, à la qualité des prestations et au respect des exigences du service public. Elles pourront notamment étendre et adapter les dispositions prévues au I de l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure aux articles L. 34-3-1 et L. 34-7-1 du code du domaine de l'Etat et aux articles L.1311-2 et L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, à d'autres besoins ainsi qu'à d'autres personnes publiques. »
    La parole est à M. Jérôme Lambert, inscrit sur l'article.
    M. Jérôme Lambert. Au cours de la discussion générale et du débat sur les différentes motions de procédure, l'article 4 a déjà fait l'objet de nombreuses interventions. J'avais moi-même, en défendant l'exception d'irrecevabilité, traité de ce sujet et indiqué que nous ne manquions pas d'arguments pour nous opposer à cet article, ce que nous sommes bien résolus à faire.
    Tout d'abord, en globalisant les marchés comme vous le faites et en revenant à des pratiques antérieures - démarche dénoncée par tous les professionnels comme l'atteste un article paru aujourd'hui dans un quotidien - toutes les PME et les architectes seront exlus du secteur du bâtiment. Ils seront obligés de passer sous les fourches caudines de quelques grands groupes, qui, finalement, se partageront les marchés, comme cela a déjà été le cas dans un passé récent. C'est d'ailleurs pour faire cesser de telles dérives très préoccupantes que des lois nouvelles avaient été adoptées, il y a quelques années.
    Aujourd'hui, on revient en arrière, comme on était revenu en arrière pour ce qui est des constructions de prisons, de gendarmeries et de commissariats de police, mais, en l'espèce, il y avait urgence, ce qui a conduit le Conseil constitutionnel à faire une exception. Dans le cas présent, l'argument d'urgence ne tient pas
    Avec l'article 4, il s'agit de procéder à une généralisation. Il faut donc refuser au Gouvernement la possibilité d'édicter des ordonnances dans le domaine qu'il vise. Au reste, on s'aperçoit, quand un tel système est évalué, qu'il ne donne pas des résultats extraordinaires. En France, nous avons l'exemple des lycées d'Ile-de-France sur le plan de la qualité, en particulier de ceux de type Pailleron. A l'étranger, là où ce système est appliqué, les réalisations sont plus chères et de moins bonne qualité. Par conséquent, le contribuable n'a rien à y gagner et, finalement, c'est lui qui paiera l'addition de ces changements profonds de la réglementation.
    Cela dit, nous savons a priori ce que veut faire le Gouvernement, et c'est pourquoi nous nous y opposons résolument.
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 64, 87 et 97.
    L'amendement n° 64 est présenté par MM. Braouezec, Brunhes, Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 87 est présenté par M. Sauvadet ; l'amendement n° 97 est présenté par MM. Lambert, Dosière et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 4. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 64.
    Mme Muguette Jacquaint. L'article 4 est, comme cela vient d'être dit, important. Il a d'ailleurs fait l'objet de développements dans la question préalable et, pour ma part, j'en ai parlé dans mon intervention dans la discussion générale.
    Cet article me conduit à faire deux remarques.
    La première est pour dire que nous ne pouvons pas accepter d'habiliter le Gouvernement à aménager le régime juridique des contrats administratifs et des marchés publics par ordonnance.
    Ces derniers sont régis par des règles de passation strictes permettant d'assurer leur transparence et leur publicité afin d'éviter toute opacité. Un tel dispositif a d'ailleurs été instauré non sans raison : il s'agissait d'éviter les affaires de corruption qui ont gangréné le domaine des marchés publics. C'est pourquoi nous considérons qu'il est risqué de confier au Gouvernement, sans un contrôle parlementaire démocratique, la possibilité de revenir sur les règles existantes relatives aux marchés publics.
    Ma deuxième remarque porte sur la volonté du Gouvernement de créer de nouvelles formes de contrats publics. En cette affaire, nous ne sommes plus exactement dans le cadre de la simplification administrative, mais dans celui de la création d'une nouvelle catégorie juridique de contrats. Cet argument devrait suffire à lui seul pour rejeter le recours aux ordonnances. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, vous souhaitez officiellement utiliser ces dernières afin de simplifier le droit, mais la preuve est faite que vos intentions sont tout autres.
    Il faut souligner la dangerosité qu'il y aurait à créer de nouveaux types de contrats sans recourir au débat parlementaire, car, finalement, nous ne savons pas exactement ce que vous entendez par « nouvelles formes de contrats publics ».
    Apparemment, ces contrats globaux seraient indispensables pour développer le partenariat public-privé. Le problème est qu'ils ressemblent étrangement aux tristement célèbres METP : marchés d'entreprise de travaux publics !
    Ces contrats de longue durée, conclus pour la construction et l'exploitation d'équipements publics, ont été pourtant à l'origine de plusieurs grandes affaires politico-financières, sur fond de financement occulte des partis politiques, comme dans le cas du marché des lycées de la région d'Ile-de-France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Remiller. Pas vous, pas ça !
    Mme Muguette Jacquaint. Il est dans l'intérêt de tous, mes chers collègues, de rappeler de telles choses.
    Du reste, la réforme de 1985, engagée par la loi sur la maîtrise d'ouvrage public, visait à encadrer les METP. Pour cela, il a été décidé que ces contrats seraient découpés en lots, en séparant la conception, la réalisation et l'exploitation d'un projet d'investissement effectué par un partenaire privé.
    L'objectif de cette réforme était de permettre aux PME d'accéder plus facilement aux appels d'offres publics dont elles étaient auparavant systématiquement écartées au profit des grandes entreprises. Au mieux, elles étaient reléguées au rang de sous-traitantes ; or on sait, malheureusement, dans quelles conditions travaillent les entreprises sous-traitantes dans le domaine du bâtiment.
    Appliquée dans son esprit et dans sa lettre, la loi sur la maîtrise d'ouvrage public permettait une égalité d'accès à la commande publique et une saine mise en concurrence des talents, pour une satisfaction optimale de l'intérêt général.
    Il s'agissait surtout de permettre aux administrations et aux collectivités locales de mieux suivre l'évolution financière d'une opération - et la dérive éventuelle de ses coûts -, ce que la pratique des marchés globaux rendait difficile.
    Toutefois, en 1999, la Cour des comptes a souligné que l'entretien d'une certaine opacité provoquait d'importants gaspillages au préjudice des contribuables. Si bien que la pratique des METP a été interdite en 2001 par le nouveau code des marchés publics.
    Pour développer le partenariat public-privé en matière de financement et de construction de grosses infrastructures, l'article 4 prévoit donc que le Gouvernement serait habilité à prendre par ordonnance des mesures permettant à l'Etat, aux collectivités locales et aux personnes publiques en général de conclure à nouveau ce type de contrats. Cependant, la notion floue de partenariat public-privé est très préoccupante.
    Aussi, pour éviter un retour en arrière et certaines pratiques que je viens de rappeler, je demande à l'assemblée d'adopter cet amendement de suppression de l'article 4.
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l'amendement n° 87.
    M. François Sauvadet. L'article 4 est un article important puisqu'il touche à la maîtrise d'ouvrages publics. Cela dit, en déposant un amendement de suppression de cet article, je ne m'inscris pas du tout dans la même démarche que celle adoptée par Mme Jacquaint, qui, elle, conteste au Gouvernement le droit d'avancer dans la voie de la simplification.
    Mon amendement vise à obtenir des explications sur certains points qui suscitent des craintes, dont j'espère qu'elles seront levées à l'issue de cette discussion utile.
    La loi MOP de 1985 a posé comme principe un découpage très strict des opérations d'équipement public en plusieurs tranches, chacune étant mise en oeuvre par une personne distincte. Il en est résulté que chaque appel d'offres devait donner lieu à un tour de table permettant à tous les talents de présenter, en toute transparence, une offre sur une maîtrise d'ouvrage. Du reste, l'article 7 de ce texte dispose que pour la réalisation d'ouvrage, la mission de maître d'oeuvre doit être distincte de celle de l'entrepreneur et ne permet donc pas l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage dans un couple concepteur-constructeur.
    Toutefois, la LOPSI du 29 août 2002 a permis de déroger à cette règle pour les bâtiments de la police nationale, de la gendarmerie, des armées et pour les prisons. Dans le cadre de ces dispositions, l'Etat est autorisé à passer avec une personne ou un groupement de personnes, de droit public ou privé, un marché unique portant à la fois sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance d'immeubles affectés à la police nationale, à la gendarmerie, à l'armée ou à l'administration pénitentiaire. Il s'agissait de permettre à l'Etat, compte tenu de l'urgence et de la nécessité d'équiper notre territoire, de construire plus vite et à moindre coût, en assurant une gestion performante des bâtiments.
    Le problème posé par l'article 4 du présent projet de loi, c'est qu'il vise à étendre les procédures dérogatoires à la loi sur la maîtrise d'ouvrages publics et au code des marchés publics, en prévoyant de confier à des entreprises privées la conception, la réalisation, la gestion et l'exploitation de bâtiments. On voit bien le risque que fait courir cette extension : des contrats risquent d'être monopolisés par des groupes constitués, ou en tout cas par des organismes qui ont déjà une certaine expertise en la matière, ce qui interdira à de nouveaux talents, à des PME, de participer à l'appel d'offres dans les mêmes conditions que ces groupes.
    L'inquiétude est aussi de voir se perdre une certaine qualité architecturale au profit de produits banalisés. A ce sujet, j'indique à Jérôme Lambert que le problème posé par les CES de type Pailleron n'est pas un problème de normes, mais un problème d'accès à la commande publique. Parallèlement à ce risque de se retrouver avec des produits plus banalisés, il y en a un autre auquel il faut prêter une grande attention celui d'une destructuration de notre tissu de PME locales et d'architectes de talent. En ces temps où nous devons encourager l'emploi, nous devons faire preuve de vigilance et veiller à ce que les petites entreprises puissent accéder à la commande publique, élément essentiel de l'activité de nos entreprises.
    La législation en vigueur a donné satisfaction, en favorisant la qualité des constructions, le bon emploi des deniers publics et la transparence dans l'accès à la commande publique.
    Quant à la réforme de 2001, elle a visé à cadrer les marchés d'entreprise de travaux publics en exigeant que les contrats soient découpés en lots, opérant une séparation entre conception, réalisation et maintenance, afin de permettre aux PME d'accéder plus facilement aux appels d'offres.
    Ce que je crains, ainsi que mes collègues du groupe UDF, c'est que les nouvelles dispositions aboutissent à une déstructuration de notre tissu de PME du bâtiment, avec des conséquences négatives pour l'emploi.
    L'autre risque que nous courons, je le dis très simplement, c'est un risque d'entente entre les grands concepteurs.
    Face à cette perspective, je comprends l'inquiétude exprimée par les syndicats professionnels et par les opérateurs locaux. Je crains que, sous couvert de simplification, on ouvre la porte à une dimension tout à fait nouvelle et destructurante.
    Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le vice-président de la commission, je vous demande simplement de nous préciser quel sera le contour de cette mesure. C'est un point suffisamment important pour que nous l'évoquions au cours de ce débat sur un texte visant à habiliter le Gouvernement à simplifier par voie d'ordonnance la vie de nos entreprises.
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l'amendement n° 97.
    M. Jérôme Lambert. Il n'est pas nécessaire de modifier les dispositions en vigueur. Qui le demande ? Quelques grands groupes peut-être, mais certainement pas les architectes, les artisans ou les PME-PMI. Quant aux élus, s'ils espèrent une simplification, ils ne souhaitent assurément pas de changement. Or plutôt que simplifier, vous voulez carrément changer les règles du jeu.
    L'article 4 doit être supprimé car il n'entre pas dans le cadre d'une loi de simplification.
    M. Sauvadet a demandé des explications. Pour les avoir, il suffit de se reporter à l'exposé des motifs du projet et au rapport de M. Blanc. Les choses sont claires de ce point de vue et elles le sont tellement que nous ne pouvons que nous y opposer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements de suppression ?
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Sur ces trois amendements, la commission a émis un avis négatif.
    L'article 4 comporte deux volets.
    Le premier volet vise à étendre les dispositions d'ores et déjà adoptées par l'Assemblée nationale dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et dans la loi d'orientation et de programmation sur la justice, qui affranchissaient le maître d'ouvrage de la loi sur la maîtrise d'ouvrage public.
    Le principe est simple : on instaure une dichotomie entre la maîtrise d'oeuvre et la construction. Ce qui a été accepté pour la justice, pour la construction des gendarmeries ou des commissariats de police, pourrait l'être pour d'autres investissements utiles à la collectivité.
    Le second volet prévoit la création d'un nouveau contrat instaurant un partenariat entre le public et le privé.
    Tout le monde reconnaît la nécessité de relancer l'investissement dans certains secteurs, notamment dans le secteur hospitalier, auquel je fais référence dans mon rapport d'une manière très explicite. Face au vieillissement, à l'obsolescence de nos hôpitaux et d'un certain nombre de bâtiments publics destinés aux services sociaux ou aux services hospitaliers, il faut relancer l'investissement.
    M. Jérôme Lambert. Avec quels moyens financiers ?
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Pour ce faire, un nouveau contrat est proposé. Il permettra de régler à la fois les questions de construction, de maîtrise d'oeuvre, de maintenance et de gestion.
    Je voudrais faire observer que, dans l'histoire de notre pays, le partenariat public-privé a donné des résultats assez étonnants.
    M. François Sauvadet. Ce n'est pas vraiment le sujet !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Les salines d'Arc-et-Senans, par exemple, ont été construites dans ces conditions. De même, le baron Haussmann n'a fait ni plus ni moins que de mettre en place des contrats public-privé lorsqu'il s'est agi de réaliser dans Paris un nouvel urbanisme.
    M. François Sauvadet. La situation n'est plus la même !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Si vous voulez remonter un peu plus loin dans l'histoire de notre pays, vous constaterez que les grandes voies romaines, le système des postes et le réseau ferré ont tous été créés avec des contrats qui ont laissé toute sa place à la maîtrise d'oeuvre.
    M. Jérôme Lambert. Comparaison n'est pas raison !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Il ne faut donc pas aller trop loin dans la critique et s'en tenir à des principes bien arrêtés.
    Au-delà de ces observations très générales, je dirai que les amendements posent des questions de fond, renvoyant au souci d'assurer la transparence, la publicité et au souhait de bien identifier, dans un contrat de partenariat public-privé, ce qui relève de l'ingénierie financière. Mais cela est parfaitement faisable dans l'ordonnance qui mettra en oeuvre le nouveau contrat. Il convient en effet de faire en sorte que, lorsqu'ils ont à arbitrer, les élus puissent identifier dans le contrat ce qui concerne l'ingénierie financière. Celle-ci ne doit pas être noyée dans un contrat global, afin que l'on puisse bien s'assurer des termes de comparaison et déterminer quelle est l'offre la plus intéressante.
    Reste le problème des petites et moyennes entreprises.
    Rien n'interdit à ces entreprises de peser sur les contrats. D'abord, elles peuvent se regrouper et s'organiser pour y accéder.
    M. Jérôme Lambert. Elles vont devenir de grosses entreprises !
    Mme Muguette Jacquaint. Elles vont apprécier !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Ensuite, l'allotissement n'est pas interdit et, de plus, le contrat dont il s'agit ici s'ajoutera à ceux que l'on connaît aujourd'hui et qu'on peut classer en deux catégories : les contrats de marché public et les contrats de délégation de service public. Ce sera un troisième type de contrat. Mais rien n'interdira au maître d'ouvrage de choisir un contrat de marché public ou un contrat de délégation de service public.
    N'oublions pas non plus que dans la sous-traitance et la maintenance, il existe à l'évidence des secteurs dans lesquels les petites et moyennes entreprises sont plus performantes que les grands groupes.
    Je conclurai en rappelant que le dernier mot reviendra aux élus locaux, c'est-à-dire à la maîtrise d'ouvrage. Et si le maître d'ouvrage souhaite qu'un marché soit confié à de petites ou moyennes entreprises, rien ne l'empêchera de les choisir. Mais que l'on ne rejette pas par principe le partenariat public-privé, qui permet, dans notre pays qui a besoin d'investissements lourds dans des secteurs bien déterminés, de répondre à une demande très forte des collectivités. (« Très bien » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Monsieur Sauvadet, la commission a parfaitement vu le problème qui concerne les maîtres d'oeuvre, c'est-à-dire les architectes.
    Avant la LOPSI et depuis la loi de 1975 votée sous la présidence de M. Giscard d'Estaing, il était toujours obligatoire d'avoir recours à un architecte. La première exception a été faite en 2002 dans la LOPSI pour un certain nombre de bâtiments. Nous avons actuellement besoin d'hôpitaux et de prisons et nous sommes dans la même situation que lors de la discussion de la LOPSI.
    Il est évident que le rôle de l'architecture dans notre civilisation doit être respecté. Il n'est pas du tout question de sacrifier l'architecture ni le rôle qu'elle doit avoir.
    M. Jérôme Lambert. Ce sera pourtant la conséquence de vos dispositions !
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Il conviendra au Gouvernement de veiller, dans la mise en oeuvre de l'ordonnance, de faire en sorte que l'architecture soit, du fait de son caractère créateur, respectée dans les contrats.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Nous en venons à un volet majeur du projet de loi.
    Je ne crois pas, monsieur Lambert, qu'on puisse se satisfaire de la situation actuelle. Nous n'avons pas dû entendre les mêmes élus. Toutes les associations départementales de maires, toutes tendances politiques confondues - je pourrais citer les propos d'un certain nombre d'élus de votre bord, tels que le président du conseil régional d'Aquitaine - expriment l'exaspération des élus, notamment des maires, face à l'extrême complexité des appels d'offres, l'absurdité de la nomenclature qui a été élaborée, j'ai le regret de le rappeler, sous le gouvernement précédent, et la complexité de l'élaboration de tout projet.
    M. Hervé Novelli. Eh oui !
    M. Jérôme Lambert. Eh bien ! Simplifions !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat Sur ce premier volet, mes collègues Alain Lambert, ministre délégué au budget, et Francis Mer, ministre des finances, sont en train de finaliser un décret qui simplifiera radicalement, par voie réglementaire, la nomenclature ainsi que les appels d'offres, en alignant notamment les seuils nationaux sur les seuils européens afin de ne pas ajouter une complexité supplémentaire aux exigences de la législation européenne.
    M. Hervé Novelli. Parfait !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je ferai un deuxième constat : qui peut croire que la parole de l'Etat soit crédible alors que les délais ne cessent d'augmenter entre la décision politique et la réalisation des équipements publics ? Savez-vous qu'en France il faut en moyenne dix ans pour construire un tribunal, une prison, un lycée, un bâtiment hospitalier ou un bâtiment universitaire ? Les délais se sont gravement allongés au cours des cinq dernières années.
    Si nos concitoyens ont, lors des dernières élections, exprimé avec force leur exaspération devant l'impuissance de l'action publique, c'est, aux yeux du Gouvernement, d'abord parce qu'ils ne supportent plus des annonces non suivies d'effets. Il n'y a rien de plus préjudiciable pour l'image de l'Etat que des chantiers qui s'éternisent - n'a-t-il pas fallu presque vingt ans pour construire l'hôpital européen Georges-Pompidou ?
    L'ambition du Gouvernement est de réduire les délais de réalisation des ouvrages et des équipements publics. Pour cela et par dérogation à la loi sur la maîtrise d'ouvrage public, ont déjà été simplifiés et autorisés les marchés globaux, de la conception à la maintenance, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi d'orientation et de programmation sur la justice, pour ce qui est des prisons et des commissariats.
    J'informe la représentation nationale que le Gouvernement estime que ces dispositions réduisent les délais de moitié, ce dont tout le monde, sur tous ces bancs, devrait se réjouir.
    J'en viens au principe.
    Qu'est-ce que ce fameux marché global, de la conception à la maintenance ? Il traduit l'idée simple et de bon sens que, lorsqu'il s'agit d'un équipement public, il est opportun de s'interroger sur la finalité de celui-ci en demandant le point de vue des utilisateurs, par exemple des enseignants quand il s'agit d'un lycée, des médecins quand il s'agit d'un hôpital public, des magistrats quand il s'agit d'un tribunal ou des policiers quand il s'agit d'un commissariat. Il y a quelque chose de choquant à séparer, s'agissant d'un équipement public, la conception de la maintenance.
    Avec cette loi, nous généralisons la possibilité de recourir à un marché global. On gagnera en réduction des délais. Je suis pleinement convaincu - nous sommes prêts à procéder à une évaluation commune avec le Parlement quand les mesures seront entrées en application - que la qualité de l'équipement public sera accrue, ce qui est l'essentiel, du fait que l'exploitation et la maintenance ne seront pas dissociées de la conception.
    Les professionnels expriment des inquiétudes légitimes, que François Sauvadet a exposées avec une grande pertinence.
    S'agissant des architectes, je voudrais, confirmant les propos de Xavier de Roux et du rapporteur, rassurer la représentation nationale.
    Bien entendu, le Gouvernement attache une très grande importance à l'indépendance des architectes, à la noblesse du geste architectural et à la qualité des bâtiments publics. La présente loi ne touche en rien à la loi « architecture », qui n'est nullement remise en question. Néanmoins, pour tenir compte des préoccupations de leur ordre, nous veillerons à ce que les architectes soient partenaires des nouvelles dispositions. Le Gouvernement étudie la création d'un conseil d'orientation, pour ce qui est du partenariat public-privé, qui associerait les architectes afin que l'on puisse tenir compte de leurs préoccupations.
    M. Jérôme Lambert. Une commission de plus !

    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Les petits artisans et les petits entrepreneurs s'inquiètent pour tout ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre.
    Lorsqu'il a exposé avec moi les modalités de cette loi au Perreux, devant des représentants des forces vives, en particulier des socioprofessionnels, le Premier ministre a tenu à préciser qu'il faudrait tenir le plus grand compte de l'égalité d'accès aux marchés publics, permettre aux petites entreprises de se grouper et faire en sorte de les protéger dans le cadre de la sous-traitance car il pourra parfaitement y avoir, à l'intérieur du contrat global, des contrats de sous-traitance.
    Les artisans et les petits entrepreneurs sont aujourd'hui les premières victimes de la complexité législative parce qu'ils ont les plus grandes difficultés à faire face aux exigences de la loi quand elles sont trop détaillées. C'est là la première des inégalités. Nous allons donc essayer de concilier l'efficacité et la prise en compte légitime des soucis des petites entreprises.
    J'en arrive au partenariat public-privé, qui est l'élément le plus novateur. Il s'agit de rendre possible, en amont, l'association entre l'ingénierie privée et les capitaux privés pour des opérations particulièrement complexes, pour la réalisation d'infrastructures telles que de grands équipements sportifs ou, pourquoi pas, des hôpitaux publics, des aéroports attendus par les élus locaux, en s'inspirant du système de la concession autoroutière. L'exploitation de l'équipement serait confiée par contrat à une personne privée, sur une durée très longue, nécessaire à l'amortissement d'opérations complexes.
    Qui pourrait aller contre, à un moment où, tous les élus le savent bien, l'Etat ne peut répondre tout seul aux besoins immenses d'équipements et d'infrastructures publics dans ce pays ?
    Un débat sera organisé devant la représentation nationale à partir de l'audit sur les infrastructures.
    Dans la période actuelle, qui pourrait refuser de stimuler la croissance et l'emploi en encourageant les investissements et en associant les énergies privées et les énergies publiques ?
    Car telle est bien l'ambition du Gouvernement : faire en sorte que l'on cesse d'opposer la France du privé et la France du public. Pour gagner les batailles difficiles sur le marché mondial, pour permettre à notre pays de mettre à jour ses équipements, il faut prendre les mesures nécessaires.
    Permettez-moi au passage de dissiper un malentendu. En matière de transparence, la législation européenne est déjà suffisamment exigeante et le droit de la concurrence existe aussi. Ils ne sont nullement remis en question. Bien entendu, le Gouvernement prendra toutes les dispositions de nature à assurer le respect très strict des règles de la concurrence et du cahier des charges qui, en tout état de cause, sera fixé par la collectivité publique.
    Mobiliser les énergies privées, les associer, dans le cadre du cahier des charges fixé par la collectivité publique, à la mise en oeuvre des équipements dont notre pays a besoin, qui ne souscrirait à une telle ambition ?
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission, et M. Etienne Blanc, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.
    M. Jean Leonetti. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, j'ai ressenti les mêmes inquiétudes et les mêmes réticences que celles qui ont été exprimées sur tous les bancs.
    M. Hervé Novelli. Pas sur tous les bancs !
    M. Jean Leonetti. J'aurais pu tenir à peu de choses près les propos qu'a tenus François Sauvadet.
    Je prendrai quant à moi un exemple parlant.
    Qu'est-ce qu'un hôpital ? On dit qu'il existe des structures hospitalières privées et des structures hospitalières publiques. Quelles sont les différences ? Pour ce qui concerne les constructions, certes, il y a des différences. Mais que les malades se rendent dans une clinique ou dans un hôpital, ils y reçoivent des soins conformes aux connaissances médicales dans notre pays et remboursés de la même façon par l'assurance maladie. Par conséquent, qu'ils soient privés ou publics, les établissements hospitaliers offrent un service public, mais avec deux règles différentes.
    Par ailleurs, a-t-on déjà vu de petites entreprises avoir accès aux marchés de construction d'hôpitaux ou de cliniques ? Jamais, parce que la complexité du dossier à monter, la qualité, je dirai même la spécificité architecturale requise, ne réservent cette possibilité qu'à des équipes habilitées et habituées à construire des structures de ce type et qui ne peuvent concourir avec d'autres.
    J'en viens à la transparence. On a posé le problème de l'honnêteté des agents publics et des élus. J'ai la faiblesse de penser que ce ne sont pas les structures qui sont malhonnêtes ou honnêtes, mais ceux qui les utilisent. Les procédures actuelles nous montrent bien que les hommes, parce qu'ils sont malhonnêtes, arrivent à pervertir les structures, quelles qu'elles soient ainsi que les appels d'offres pour parvenir à leurs fins. Dans l'immense majorité des cas, les structures importent peu et, dans notre pays, les marchés sont, dans leur ensemble, transparents et honnêtes.
    J'en arrive à ce qui est peut-être le point le plusimportant.
    A quoi servirait de lancer un plan « Hôpital 2007 » si nous savions pertinemment que la masse budgétaire prévue par Jean-François Mattei ne pourrait jamais être consommée avant 2014 ?
    M. Hervé Novelli. Bonne question !
    M. Jean Leonetti. Nous sommes dans la même situation que pour les gendarmeries, les prisons, où le taux d'occupation est actuellement de 120 %, ou les commissariats de police.
    Dans les hôpitaux, toutes les situations ne doivent pas être réglées dans l'urgence, à la seconde, sauf quand ce sont les malades qui sont concernés. En revanche, il y a des bâtiments qui ne peuvent pas attendre dix ou quinze ans pour sortir des structures. Ce serait sinon à désespérer.
    Mme Muguette Jacquaint. Le logement social, par exemple !
    M. Jean Leonetti. Je regrette beaucoup, madame, qu'en cinq ans le gouvernement précédent n'ait pas rénové les infrastructures publiques hospitalières et qu'il les ait laissées dans un tel état de vétusté.
    M. François Sauvadet. C'est vrai ! Il a raison !
    M. Hervé Novelli. Absolument !
    M. Jean Leonetti. Aujourd'hui, il est indispensable d'effectuer un rattrapage. Cet article peut calmer les angoisses des uns et des autres. En fait, le public et le privé ne sont pas très différents. Dans le contexte actuel, les petites entreprises n'ont pas accès à ces grands bâtiments spécifiques. Or, il faut obtenir très rapidement des structures hospitalières dignes de notre pays et qui puissent accueillir les IRM et les scanners qui nous font défaut. Je vous rappelle que nous sommes derrière le Portugal et la Grèce dans ce domaine. Cela montre le retard structurel de nos hôpitaux publics.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai fait part de mes inquiétudes, de mes réticences et nous en avons débattu. Il n'y a pas antinomie entre efficacité et transparence, ni entre efficacité et accès des PME à l'ensemble des marchés. L'article 4 est un article d'efficacité. J'espère que M. Sauvadet a été convaincu, d'autant que le Gouvernement, je pense, saura prendre les mesures nécessaires pour balayer les réticences qui pourraient subsister.
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. M. Novelli a fait tout à l'heure des signes de dénégation pendant que je m'exprimais. Il a été l'excellent rapporteur de la loi pour l'initiative économique...
    M. Hervé Novelli. Justement ! C'est dans la même veine !
    M. François Sauvadet. ... qui visait précisément à encourager les PME, les PMI, l'esprit d'entreprise. Il devrait donc comprendre mon souci de faire en sorte que, lorsqu'une entreprise est créée, elle ait de l'activité. Or, la commande publique constitue une part importante de cette activité et faciliter l'accès à cette commande publique est une préoccupation que nous devons partager.
    M. Hervé Novelli. Il est facilité !
    M. François Sauvadet. Je ne suis pas de l'avis de M. le rapporteur. Bien entendu, ma crainte essentielle n'est pas celle d'une absence de transparence. M. Blanc a insisté sur les formes dérogatoires. Il est vrai qu'il faut être plus efficace pour les hôpitaux, les prisons, les gendarmeries, les grands équipements publics. Les délais sont en effet trop longs et il y a là un réel problème d'efficacité auquel nous avons d'ailleurs été sensibles puisque nous avons voté le dispositif dérogatoire qui nous était proposé. Néanmoins, l'article 4 offrira-t-il une perspective de relance aux petites et moyennes entreprises ? Je n'en suis pas si sûr, car ce n'est pas la commande qui est aujourd'hui en cause. C'est la question de l'accès à la commande publique qui est posée.
    Par ailleurs, M. le rapporteur indique que le regroupement sera possible pour les PME. Bien sûr, mais il est extrêmement complexe. Imaginez le problème quand il faut regrouper toute la chaîne pour avoir une offre globale ! En général, comment cela se passe-t-il concrètement dans nos collectivités territoriales ? On procède, dans la transparence, à un tour de table des compétences de tous ceux qui paricipent à l'appel d'offres. Je tiens à insister sur ce point.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur de Roux, je vous ai écoutés avec intérêt. Vous avez montré que vous aviez conscience des difficultés qui peuvent éventuellement surgir. Je partage votre souci de simplification, d'harmonisation avec les règles européennes. Nous devons en effet avoir un droit « recollé », si je puis dire, pour éviter toute insécurité juridique dans la commande publique. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez assisté récemment à une réunion en Côte-d'Or, où vous avez rencontré les élus locaux. Ils ont évoqué à maintes reprises la nécessité d'une simplification pour éviter de se trouver dans une situation d'insécurité juridique. Je souscris à cet objectif que vous souhaitez atteindre avec cet article. Je souhaite seulement que nous mettions à profit les quelques semaines que nous avons encore devant nous pour éclaircir les points qui font encore débat et qui suscitent l'inquiétude légitime des différents opérateurs. C'est un enjeu extrêmement important.
    Dans mon esprit, il ne s'agit nullement d'engager un quelconque débat ou de jeter la suspicion sur le nécessaire partenariat public-privé auquel je souscris naturellement, monsieur Novelli,...
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. François Sauvadet. ... par philosophie, pourrais-je dire, en tant que membre de l'Union pour la démocratie française. Mais c'est un point suffisamment sérieux pour que l'on y prête attention.
    Vous avez déjà commencé à nous donner des précisions, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment s'agissant de la commission qui permettra de suivre l'évolution de ce processus, et je vous en remercie. Compte tenu des éléments que vous nous avez déjà donnés, je retire mon amendement de suppression, tout en rappelant qu'il reste encore du chemin à parcourir pour apaiser toutes les craintes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. L'amendement n° 87 est retiré.
    J'indique d'ores et déjà que sur le vote des deux amendements identiques n°s 64 et 97, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous dites que votre projet permettrait de demander dorénavant l'avis des usagers. J'ai vraiment l'impression que nous ne vivons pas dans le même monde ! Je vois toutes les réalisations qui sont inaugurées chaque semaine, ou chaque mois, dans mon département, et vous semblez dire que rien ne se fait et que tout est bloqué. Nous ne devons pas assister aux mêmes manifestations publiques - parce qu'il y en a ! Depuis longtemps déjà, et de plus en plus, les règles actuelles amènent à demander l'avis des usagers. Il n'y a donc pas lieu de justifier un changement sous prétexte d'instaurer une pratique qui a déjà cours !
    Vous dites aussi que les petites entreprises ne peuvent pas aujourd'hui faire face à la complexité des marchés. Mais M. Sauvadet a bien souligné que cela ne sera pas plus simple pour elles avec les marchés globalisés. Ce sera le contraire de ce que vous pensez ! Je ne reprends pas les arguments de M. Sauvadet mais je regrette qu'il ait retiré son amendement, car le noeud du problème est bien là. Seuls, les petites entreprises, les architectes, les PME et les PMI ne pourront pas participer au marché. Ils devront se mettre sous la coupe de grands groupes, donc perdre toute indépendance. La seule possibilité qui leur restera, vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, sera d'avoir des contrats de sous-traitance. Si telle est la perspective que vous offrez à nos petites entreprises locales, départementales ou régionales, pour avoir accès demain à des marchés publics d'une certaine importance, on peut s'attendre à ce qu'elles réagissent, parce qu'on sait bien ce que c'est que la sous-traitance. Ce n'est pas de gaieté de coeur que ces entreprises se mettront sous la coupe de grands groupes.
    Vous nous indiquez, monsieur le secrétaire d'Etat, que pour régler le problème soulevé par les architectes - vous reconnaissez donc qu'il y a bien un problème ! - vous allez créer une commission. Or, tout à l'heure, à propos d'un autre article, on a dit que le nombre de commissions allait être réduit. C'est une bonne chose que de reconnaître qu'il y a un problème, mais il vaudrait mieux éviter qu'il existe !
    M. le président. Monsieur Lambert, s'il vous plaît ! C'est votre troisième prise de parole sur le même sujet. L'Assemblée est parfaitement informée sur votre position !
    M. Jérôme Lambert. Enfin, ce n'est pas parce qu'il y a plusieurs entreprises dans un secteur qu'il y a concurrence, comme l'illustre le problème de la distribution de l'eau dans notre pays.
    M. François Sauvadet. Ce n'est pas la même chose !
    M. Jérôme Lambert. Il y a plusieurs grands groupes : il devrait donc y avoir concurrence ! Mais, en réalité, où est la concurrence ? Je vous laisse réfléchir.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix les amendements n°s 64 et 97.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   38
Nombre de suffrages exprimés   34
Majorité absolue   18
Pour l'adoption   8
Contre   26

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Etienne Blanc, rapporteur, a présenté un amendement, n° 7, ainsi rédigé :
    « Dans la deuxième phrase de l'article 4, substituer au mot : "détermineront, le mot : "déterminent. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Etienne Blanc, rapporteur, a présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase de l'article 4, substituer aux mots :"pourront notamment, le mot : "peuvent. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Amendement rédac-tionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

    M. le président. « Art. 5. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour :
    « 1° Abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes ;
    « 2° Elargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques ;
    « 3° Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts ;
    « 4° Simplifier et alléger les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale ;
    « 5° Clarifier la formulation d'actes administratifs résultant de dispositions de forme législative et relative à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt. »
    La parole est à M. Jérôme Lambert, premier orateur inscrit sur l'article.
    M. Jérôme Lambert. Comme je l'ai dit en soutenant l'exception d'irrecevabilité, cette habilitation à faire n'importe quoi ne peut être admise par notre assemblée et, si elle est adoptée, elle sera sans doute sanctionnée par le Conseil constitutionnel, du moins je l'espère. Il est question, dans cet article 5, d'« abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes ».
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Voilà quelque chose de bien au moins !
    M. Jérôme Lambert. Mais qu'est-ce qui est sans objet et qu'est-ce qui est obsolète ? A un moment donné, par exemple, vous avez considéré la TIPP flottante comme étant obsolète et le Conseil d'Etat vous a rappelé fort justement que vous aviez eu tort. Est-ce que ce sont de telles dispositions que vous souhaiteriez abroger à travers l'habilitation que vous sollicitez ? C'est un grave problème, car le Parlement n'est peut-être pas au coeur de tout, mais il tient à ses prérogatives en matière d'impôt, de dépenses publiques. Abroger des dispositions fiscales, ce n'est pas rien !
    A l'article 5, toujours, un peu plus loin je lis : « Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts ».
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Vous vous rendez compte, on veux supprimer des formalités !
    M. Jérôme Lambert. Supprimer la forme des paiements, cela veut dire supprimer les paiements.
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Mais non ! Il s'agit de supprimer des formalités !
    M. Jérôme Lambert. Mais le paiement de quels impôts, est-il question de supprimer ? On est dans le flou. Nous souhaitons que M. le secrétaire d'Etat nous réponde, car, en l'état, cet article ne peut être accepté par le groupe socialiste.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. L'article 5 vise à modifier le code général des impôts et le livre des procédures fiscales notamment pour abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes - nous aimerions quelques précisions à cet égard - ; élargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques ; simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts ; simplifier et alléger les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale, etc.
    Cet article pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, une fois encore, vous proposez l'abrogation de dispositions sans préciser celles qui feront l'objet de cette suppression. Lorsque le Gouvernement souhaite légiférer par ordonnance en matière de droit fiscal, le législateur est en droit de connaître précisément sur quelles dispositions porterait cette habilitation. Cette raison justifie à elle seule notre amendement de suppression. Je ne reviendrai pas sur l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen concernant le recouvrement de l'impôt, car il a fait l'objet de commentaires lors de la présentation de la question préalable.
    La quatrième mesure en matière fiscale que vous comptez prendre concerne justement le recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale, dont vous prévoyez de simplifier et d'alléger les modalités. Comment d'ailleurs ? Nous ne le savons pas.
    Vous nous demandez de vous accorder une habilitation qui vous permettrait de modifier le code général des impôts sans que l'Assemblée soit informée.
    M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. On l'a modifié 3 000 fois !
    Mme Muguette Jacquaint. Le Conseil des impôts, dans son rapport intitulé « Vingtième rapport au Président de la République sur les relations entre les contribuables et l'administration fiscale » de 2002, souligne que les contribuables ne sont pas suffisamment associés à la réflexion sur la norme fiscale. Or, que sommes-nous sinon les représentants de ceux qui nous ont élus ? Et, pourtant, nous sommes amenés à nous dessaisir nous-mêmes du processus de création et de simplification du droit en matière fiscale.
    Sous prétexte que la législation fiscale et les modalités de recouvrement de l'impôt sont d'une grande complexité, ce que je reconnais bien volontiers, le Gouvernement préfère confier le travail de simplification à un groupe d'études nommé par l'exécutif. On crée des groupes d'études, des commissions supplémentaires et le Parlement se trouve de plus en plus souvent dessaisi. Notre rôle est pourtant de voter les lois et d'exercer notre contrôle ! Nous souhaiterions donc que M. le secrétaire d'Etat nous donne des éclaircissements.
    M. le président. Puis-je en déduire, madame Jacquaint, que, dans le même élan, vous avez défendu l'amendement n° 65 ?
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait, monsieur le président !
    M. le président. Avant de passer aux amendements sur l'article 5, j'indique d'ores et déjà que, sur le vote de l'amendement n° 88, je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    MM. Braouezec, Brunhes, Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 65, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 5. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Je souhaite faire deux observations. La première porte sur l'alinéa 3° de l'article 5 où il est question de : « Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts ». Bien entendu, ce n'est pas le paiement de certains impôts qu'il s'agit de supprimer ! Ce sont les formalités de paiement. Le terme « formalités » s'applique à la fois aux déclarations et aux modes de paiement.
    Le deuxième point porte sur le caractère obsolète de certaines dispositions. Ainsi, notre rapport mentionne expressément les articles 1455 et 1457 du code général des impôts, où nous en avons trouvé quelques exemples significatifs, comme l'exonération de taxe professionnelle des pêcheurs « alors même que la barque qu'ils montent leur appartient », ou la référence aux « personnes qui vendent en ambulance dans les rues [...] de l'amadou, des balais, des statues et des figures en plâtre », ou encore aux « chiffonniers au crochet » ou aux « rémouleurs ambulants ». L'idée de cette loi d'habilitation est de faire en sorte que toutes ces formules réellement obsolètes, vous en conviendrez, soient supprimées.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. S'il y a un domaine pour lequel nos concitoyens souhaitent des mesures de simplification, c'est bien le domaine fiscal. Mais je voudrais rassurer l'opposition : ce n'est pas du tout le grand soir !
    M. Hervé Novelli. Dommage !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Certains le regretteront sur d'autres bancs ! (Sourires.)
    Mme Muguette Jacquaint. Nous avons eu, malheureusement, certaines expériences d'ordonnances...
    M. Jean Leonetti. Mais pas de grand soir !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Les dispositions que nous prendrons par ordonnance sont modestes. Ce sont des aménagements techniques qui ne nécessitent nullement un débat à l'Assemblée. Pour l'essentiel, d'ailleurs, les mesures de simplification n'ont pas d'impact budgétaire. Celles qui se traduiraient par de moindres recettes relèveront de la loi de finances. Le rapporteur général, qui nous honore de sa présence, y veillera.
    Certaines de ces habilitations seront bien utiles à la vie quotidienne de nos concitoyens et réjouiront les amoureux de notre langue qui siègent ici. Nous pourrons notamment modifier l'intitulé de certains actes de l'administration fiscale adressés aux contribuables. Nous mettons d'ailleurs en place, à l'initiative du ministre du budget Alain Lambert, un groupe de travail chargé de reformuler des intitulés anciens, voire archaïques, et de les rendre plus compréhensibles au contribuable, qui sera ainsi mieux informé sur le contenu et les conséquences des pièces de procédure. Pour tous ceux d'entre nous qui ont reçu dans leur permanence des contribuables désarçonnés par les notifications qui leur étaient envoyées, qui nous demandaient de jouer un rôle d'écrivain public, il s'agit là d'une mesure d'utilité publique !
    De la même façon, nous allons encourager la dématérialisation des formalités déclaratives de paiement. Par exemple, nous remplacerons le plus souvent possible les timbres par des chèques, améliorant ainsi la gestion des services, réduisant les coûts et facilitant la vie de nos concitoyens.
    Qui peut s'opposer à de telles dispositions, qui relèvent du bon sens ?
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Etienne Blanc, rapporteur, a présenté un amendement, n° 9 rectifié, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le 3° de l'article 5 par les mots : "et simplifier les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale ;
    « II. - En conséquence, supprimer le 4° de cet article. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il s'agit d'une précision très utile, à laquelle le Gouvernement est favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Sauvadet a présenté un amendement, n° 88, ainsi rédigé :
    « Compléter le 3° de l'article 5 par les mots : "et instaurer le prélèvement à la source pour l'impôt sur le revenu. »
    La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez affiché du haut de cette tribune une volonté affirmée de réformes. Le groupe UDF vous a dit qu'il était prêt à vous y aider.
    Cet amendement, simple dans son expression, vise à mettre en place la retenue à la source de l'impôt sur le revenu.
    C'est un débat récurrent. Notre groupe s'était déjà exprimé à ce propos dans le cadre du projet de loi de finances pour 2003, et nous avions alors présenté un amendement allant dans ce sens. Le ministre nous avait opposé un certain nombre d'arguments visant à démontrer que cette mise en place n'était pas possible ; le rapporteur général s'en souviendra certainement.
    Les avantages qu'une telle disposition entraînerait ont été exposés dans une étude sur la retenue à la source, reprise par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en février 2002. Ces avantages profiteraient à la fois au contribuable et à l'Etat.
    Pour le contribuable, une telle mesure favoriserait l'adaptation rapide du montant de l'impôt aux fluctuations du revenu. Elle serait indiscutablement un facteur de simplification des relations avec l'administration fiscale. Enfin, elle permettrait de bénéficier plus rapidement des nouvelles dispositions fiscales, ce qui, j'ai cru le comprendre, est aussi l'une de vos préoccupations.
    Pour l'Etat, une telle mesure permettait d'accroître considérablement l'efficacité de l'administration fiscale, ce qui est un des objectifs prioritaires du Gouvernement et de la majorité, dont l'UDF fait partie.
    On le voit bien, la retenue à la source présenterait plusieurs avantages et répondrait aux objectifs du projet de loi d'habilitation.
    Je voudrais répondre par avance aux arguments techniques avancés par le Gouvernement. De très nombreux pays développés - européens, notamment - ont adopté depuis longtemps la retenue à la source de l'impôt sur le revenu. Le système fonctionne donc.
    En résumé, les Français veulent cette réforme, ils la souhaitent, ils l'attendent. Beaucoup de pays dans le monde l'ont mise en place. Notre majorité s'honorerait à lancer cette initiative, qui serait très bien perçue par l'ensemble des contribuables français.
    M. le président. La séance doit normalement se terminer à dix-neuf heures trente. Or le sujet étant important, de nombreux orateurs souhaitent s'exprimer.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous propose donc de poursuivre ce débat ce soir à vingt et une heures.
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. J'en suis d'accord.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    M. le président. J'informe l'Assemblée que le Conseil constitutionnel, saisi de la résolution, adoptée le 26 mars 2003, modifiant le règlement de l'Assemblée nationale, m'a fait parvenir le texte de sa décision rendue dans sa séance du 9 avril 2003, en application de l'article 61, alinéa premier, de la Constitution, déclarant conformes à la Constitution les dispositions contenues dans cette résolution.
    Ces dispositions sont donc désormais applicables.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 710, portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit :
    M. Etienne Blanc, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 752).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 9 avril 2003
SCRUTIN (n° 140)


sur l'amendement n° 64 de M. Braouezec et l'amendement n° 97 de M. Lambert tendant à supprimer l'article 4 du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (contrats de coopération entre personnes de droit public et personnes de droit privé).

Nombre de votants

38


Nombre de suffrages exprimés

34


Majorité absolue

18


Pour l'adoption

8


Contre

26

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Pour : 2. - MM. Georges Ginesta et Maurice Giro.
    Contre : 26 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - M. Jacques Remiller.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Abstentions : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (11).