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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 8 MAI 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
Séance du mercredi 7 mai 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

BAISSE D'INFLUENCE DE LA FRANCE
AUPRÈS DES PAYS DE L'EST «...»

MM. Jean Dionis du Séjour, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

SITUATION EN IRAK «...»

MM. Jacques Desallangre, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

TVA SUR LA RESTAURATION «...»

M. Didier Quentin, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires europénnes.

POLITIQUE INTERNATIONALE «...»

Mme Elisabeth Gigou, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU «...»

MM. Pierre Lellouche, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

TEKNIVAL «...»

MM. Philippe Armand Martin, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

AVENIR DES RETRAITES «...»

MM. Pascal Terrasse, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

EUROPE DE LA DÉFENSE «...»

M. Antoine Carré, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

REVENU MINIMUM D'INSERTION
ET REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ «...»

MM. François Vannson, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

BILAN DE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE «...»

MM. Gaëtan Gorce, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN «...»

MM. Gérard Dubrac, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE «...»

Mme Bérengère Poletti, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

2.  Représentation des personnels mis à la disposition de la direction des constructions navales. - Discussion d'une proposition de loi «...».
M. Philippe Vitel, rapporteur de la commission de la défense.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jean-Pierre Giran,
Jean-Claude Viollet,
Gille Artigues,
Daniel Paul,
Jean Lemière,
Mme
Marguerite Lamour.
Clôture de la discussion générale.

Article unique. - Adoption «...»
Après l'article unique «...»

Amendement n° 1 rectifié du Gouvernement : Mme la ministre, MM. le rapporteur, Gérard Charasse, Gilles Artigues, Pierre Forgues, Daniel Paul, Yves Fromion. - Adoption.

Titre «...»

Amendement n° 2 de M. Vitel : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
3.  Dévolution du nom de famille. Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat «...».
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Guy Geoffroy,
Philippe Vuilque,
Pierre-Christophe Baguet,
Mme
Muguette Jacquaint.
Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 1 de la commision des lois : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Article 1er «...»

Amendement n° 2 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements n°s 17 de M. Vuilque et 14 de Mme Jacquaint : M. Philippe Vuilque, Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejets.
Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er

Amendement n° 18 de M. Vuilque : MM. Philippe Vuilque, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 15 de Mme Jacquaint : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Article 2 «...»

Amendement n° 3 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 «...»

Amendement n° 4 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 «...»

Amendement n° 6 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 «...»

Amendement n° 7 de la commission : MM. le rappporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 «...»

Amendement n° 8 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 19 de M. Vuilque : MM. Philippe Vuilque, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article 6 modifié.

Après l'article 6 «...»

Amendement n° 9 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 10 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Article 7 «...»

Amendement n° 11 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
L'article 7 est ainsi rédigé.
L'amendement n° 20 de M. Vuilque n'a plus d'objet.

Article 8 «...»

Amendement de suppression n° 21 de M. Vuilque : MM. Philippe Vuilque, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 12 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 8 modifié.

Après l'article 8 «...»

Amendement n° 13 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Article 9 «...»

Amendement de suppression n° 22 de M. Vuilque : MM. Philippe Vuilque, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 16 de Mme Jacquaint : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article 9.
MM. Philippe Vuilque, le garde des sceaux.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
4.  Chèque-emploi associatif. - Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi «...».
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
M. Jean-Pierre Decool, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Christophe Masse,

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

M.
Gilles Artigues,
Mmes
Muguette Jacquaint,
Muriel Marland-Militello,
MM.
Michel Liebgott,
Gérard Charasse.
Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Articles 1er à 3. - Adoptions «...»
VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.
5.  Dépôt d'un rapport «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (la séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'il a été convenu que le premier mercredi de chaque mois, les quatre premières questions porteraient sur des thèmes européens.
    Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

BAISSE D'INFLUENCE DE LA FRANCE
AUPRÈS DES PAYS DE L'EST

    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. Ma question s'adresse à M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Elle concerne l'inquiétude du groupe UDF face à la baisse d'influence de la France auprès des pays de l'Est qui vont rejoindre l'Union européenne, et notamment de la Pologne.
    Les faits sont là, monsieur le ministre : divergences au sommet de Nice quant à la représentation des nouveaux adhérents dans les institutions européennes, tension à Copenhague sur le budget consacré à l'intégration de ces pays, choix par le gouvernement polonais d'équiper son armée de F16 de préférence aux offres européennes, soutien des pays de l'Est, à côté de l'Espagne et de l'Angleterre, à la politique américaine en Irak, et, tout récemment, annonce qu'une des trois régions militaires, cadre de la transition en Irak, sera administrée par la Pologne.
    Ces divergences ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont notamment le résultat d'une politique déterminée de la part de la diplomatie américaine opposant « vieille Europe » et « nouvelle Europe ».
    La France ne peut assister les bras croisés à l'accumulation de ces divergences, d'abord en raison de nos relations avec ces pays, notamment avec la Pologne, une histoire forte de plusieurs siècles - songeons aux figures emblématiques de Frédéric Chopin, de Marie Curie-Slodowska, gardons en mémoire le combat du peuple polonais à la fois contre le nazisme, le communisme et le stalinisme - ensuite et surtout parce que rien ne se fera dans la nouvelle Europe sans ces pays qui ne tarderont pas à faire sentir leur poids politique.
    Les agriculteurs français ont besoin de ces pays pour imposer leurs vues, Hervé Gaymard l'a bien compris. La France aura besoin de leur soutien pour faire avancer son projet politique européen, notamment dans les domaines militaire et diplomatique.
    Dans ce contexte, la France a le droit d'interpeller ces pays sur leurs choix politiques, et le Président de la République, d'ailleurs, ne s'en est pas privé, mais elle a surtout le devoir de réagir diplomatiquement pour créer une nouvelle dynamique avec eux. Quelles initiatives comptez-vous prendre rapidement dans ce domaine pour que la France, la Pologne et, plus généralement, les pays de l'Est aient à nouveau la volonté d'un destin partagé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, la France n'oublie rien. Les faits sont têtus, mais la France a une vision volontaire de l'Europe, une Europe unie après les tragédies du passé, une Europe solidaire pour construire un avenir commun, fidèle aux aspirations de nos peuples, une Europe responsable face aux défis du monde où elle entend jouer tout son rôle.
    Laissons de côté les vaines querelles. L'élargissement est une chance pour l'Europe, notre diversité et nos valeurs communes sont une richesse.
    Mais, pour réussir l'élargissement, il faut agir ensemble. Il faut le faire avec exigence, pour rendre l'Europe à vingt-cinq plus efficace, plus démocratique, plus transparente. C'est tout le sens de la convention sur l'avenir de l'Europe présidée par M. Giscard d'Estaing. Il faut le faire avec lucidité, car l'Europe est une communauté fondée sur le respect de règles et la mise en oeuvre de politiques. Chacun des membres est à égalité de droits et de devoirs. Il faut avoir le courage d'avancer, c'est tout le sens du sommet à quatre tenu le 29 avril à Bruxelles sur la défense. Il faut enfin l'audace, il faut la confiance, parce qu'il est possible de trouver des solutions à la réforme des institutions comme nous avons su en trouver à Bruxelles l'automne dernier sur les questions budgétaires, parce que notre ambition européenne n'est pas contradictoire avec une relation transatlantique équilibrée mais qu'au contraire, elle la renforcera : une Europe forte pour des relations transatlantiques fortes.
    Toutes les initiatives de la France, notre dialogue permanent avec les pays de l'élargissement, sont fondées sur cette volonté et sur ces principes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION EN IRAK

    M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jacques Desallangre. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
    Monsieur le ministre, la population irakienne souffre, exposée au risque d'une catastrophe humanitaire et à l'arrivée d'un pouvoir théocratique. L'Europe affiche ses divisions, les Etats-Unis rappellent avec suffisance qu'ils décourageront les pays industrialisés avancés de toute tentative visant à défier leur leadership et qu'ils concéderont peut-être à l'ONU quelques tâches jugées accessoires.
    La France, qualifiée avec mépris de puissance de seconde zone, va-t-elle justifier cette appellation insultante, en cédant à ceux qui, de plus en plus nombreux à droite, regrettent qu'elle soit restée elle-même,...
    M. Jean-Marc Nudant. Mais non !
    M. Jacques Desallangre. ... et pressent le Gouvernement d'aller implorer le pardon de George Bush, à ceux qui veulent une France petite, soumise, humble, capitularde ? Va-t-elle au contraire, mains tendues mais pas tête basse, répéter aux Etats-Unis qu'alliance ne signifie pas allégeance, et qu'en confiant l'un des trois protectorats en Irak à la Pologne, ils disent clairement vouloir contrarier la difficile construction européenne ?
    La France va-t-elle lutter pour que l'Europe retrouve crédit et audience, pour que l'Europe travaille à faire mentir ceux pour qui l'ONU est aujourd'hui inapte à dire le droit, seulement condamnée à légitimer les interventions du seul gendarme crédible pour faire appliquer son droit, les USA ?
    Monsieur le ministre, allez-vous écouter ceux qui, dans vos rangs, vous pressent de sauver la morale des affaires en sacrifiant la morale politique ? (Applaudissement sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, depuis le début de la crise, nous défendons une position fondée sur des principes, et c'est pour cela que la France est comprise et respectée.
    Nous avons aujourd'hui une triple exigence : reconstruire l'Irak dans le respect de sa souveraineté et de son unité, oeuvrer à la stabilité de la région à travers le processus de paix, à travers la lutte contre le terrorisme et la prolifération, réunir la communauté internationale autour d'objectifs clairs : la liberté, le développement et la paix.
    Sur chaque question et à chaque étape, nous sommes mobilisés dans un esprit d'ouverture et de proposition.
    Au-delà de la phase d'urgence actuelle, phase humanitaire et de sécurisation, qui relève d'abord de la coalition, nous proposons la suspension immédiate des sanctions, l'affectation prioritaire des recettes pétrolières aux besoins de la population, et leur gestion dans la transparence, la certification du désarmement de l'Irak par les Nations unies, seules légitimes, en liaison avec les forces présentes sur le terrain.
    Mais la question essentielle est bien l'instauration d'une autorité irakienne légitime. La coalition met en place une solution provisoire. Il faudra rapidement passer à un processus incontestable, qui devra impliquer l'ensemble de la communauté internationale, c'est-à-dire les Nations unies.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. le ministre des affaires étrangères. Il n'y a pas, d'un côté, la morale et de l'autre, l'intérêt. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La France ne barguigne pas. La France ne monnaye pas. Elle n'avance pas un sac de cendres sur la tête. (« Très bien ! » et applaudissement sur divers bancs.) La France fait un choix clair, celui de la responsabilité collective. (« Très bien ! » sur divers bancs.) C'est le choix de la conviction et de l'efficacité, et c'est l'intérêt de tous. Pour être à la hauteur des défis de l'Irak, de la région et du monde, nous devons agir tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

TVA SUR LA RESTAURATION

    M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe groupe UMP.
    M. Didier Quentin. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Madame la ministre, des informations de presse récentes ont pu faire croire à un report de la baisse de la TVA sur la restauration...
    M. Maxime Gremetz. Mais oui ! Et le pire, c'est que c'est vrai !
    M. Didier Quentin. ... en raison, d'une part, du coût plus élevé que prévu de cette mesure et, d'autre part, des réticences de certains de nos partenaires européens. Il en est résulté une grande émotion chez les professionnels de l'industrie hôtelière et de la restauration, déjà atteints en 2002 par une chute de fréquentation de 10 à 12 % en nombre de couverts.
    M. le Premier ministre, qui s'est rendu à Bruxelles, le mardi 29 avril 2003, notamment pour plaider devant le Président de la Commission européenne la cause des restaurateurs, a commencé de les rassurer, en déclarant que le Gouvernement travaillait toujours sur une baisse de la TVA au 1er janvier 2004.
    Vous avez vous-même conduit une série de consultations auprès de nos partenaires européens à propos de ce passage au taux réduit de 5,5 %.
    M. André Chassaigne. C'est l'Arlésienne !
    M. Didier Quentin. Vous n'avez pas hésité à dire que nous avons un bon dossier économique et social, en soulignant que Bruxelles est sensible à notre argumentaire sur la création d'emplois et sur le rôle du secteur de la restauration en matière de formation des jeunes.
    C'est pourquoi, madame la ministre, je vous serais reconnaissant de nous confirmer ici la détermination du Gouvernement à faire aboutir cette baisse de la TVA, dont on peut penser que, comme celle de la TVA sur les travaux d'entretien pour les locaux à usage d'habitation, elle rapporterait plus qu'elle ne coûterait au budget de l'Etat. Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser comment vous entendez convaincre tous nos partenaires européens, je dis bien tous, puisque notre demande doit être approuvée à l'unanimité ? (Applaudissements sur les bancs sur groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Effectivement, monsieur le député, comme vous l'avez souligné vous-même, ce dossier est prioritaire et tient tout particulièrement à coeur au Gouvernement et au Premier ministre.
    M. Philippe Vuilque. On dit cela tous les ans !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Dès le 4 juin 2002, le ministre des finances, M. Francis Mer, et le ministre du budget, M. Alain Lambert, ont fait officiellement par écrit une demande à la Commission pour obtenir le taux réduit de TVA sur la restauration.
    M. Albert Facon. C'est long !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très long !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Et le Premier ministre a plaidé sans relâche ce dossier, parce que cette mesure nous paraît essentiellement bonne pour l'emploi, comme cela a été le cas de la baisse de la TVA pour la réhabilitation des immeubles obtenue il y a quelques années par le précédent gouvernement.
    Les premiers résultats sont là puisque, vous l'avez vous-même indiqué, le Président de la Commission a confirmé auprès de Jean-Pierre Raffarin que la Commission reprenait notre demande et ferait une telle proposition en juin prochain. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cela dit, c'est vrai que c'est une décision qui requiert l'unanimité et, si la majorité des Etats de l'Union européenne sont favorables à la demande de la France, il y a trois Etats, dont l'Allemagne, qui sont encore réticents. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous avons un excellent dossier, et je suis contente de voir que la profession hôtelière peut compter sur les élus de la nation (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), car elle a pris des engagements en matière d'emploi.
    J'ajoute que la mobilisation continue. Le dossier étant bon et la France ne s'étant jamais autant mobilisée pour le secteur de la restauration hôtelière, nous n'avons jamais été aussi près du but !
    M. Alain Néri. Ça, c'est vrai !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Il y a déjà huit Etats membres de l'Union qui appliquent le taux réduit de TVA sur la restauration. Il faut maintenant qu'il y en ait un neuvième et que ce soit la France, à la satisfaction de tous. Telle est la volonté du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE INTERNATIONALE

    M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.
    Mme Elisabeth Guigou. Ma question s'adresse au Premier ministre.
    Monsieur le Premier ministre, nous avons soutenu la position des autorités françaises sur l'Irak. Nous avons ensemble refusé cette guerre, une guerre illégitime au regard du droit international, une guerre meurtrière pour la population irakienne, ...
    M. Pierre Lellouche. ... qui est désormais libre !
    Mme Elisabeth Guigou. ... une guerre lourde de conséquences pour le futur.
    Mais, depuis la chute du dictateur irakien, on n'entend plus la France (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), on ne sait plus ce que veut le Gouvernement, on ne voit pas bien le sens du déplacement de M. Chirac à Saint-Pétersbourg ou du mini-sommet à quatre sur la défense européenne.
    On ne comprend pas non plus...
    M. Bernard Accoyer. Vous ne comprenez pas grand-chose !
    Mme Elisabeth Guigou. ... que votre gouvernement se soit mis dans la situation de subir la tutelle de Bruxelles sur les finances publiques. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaireet du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. La faute à qui ?
    Mme Elisabeth Guigou. Notre pays est en panne sur la scène européenne et internationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) En ne respectant pas les règles européennes, il affaiblit son autorité. En ne proposant rien pour sortir l'Europe de la crise, il fait le jeu des partisans d'une Europe minimale.
    M. Claude Goasguen. Quel esprit nuancé !
    Mme Elisabeth Guigou. En ne formulant aucun projet de réforme de l'Organisation des Nations unies, il renforce l'unilatéralisme américain.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Tout à fait !
    Mme Elisabeth Guigou. Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin agir pour restaurer la crédibilité de notre pays (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour donner à l'Europe une envergure politique et sociale, et pour assurer la suprématie de l'ONU ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Dérisoire !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, il est clair que la voix de la France continue à porter, et pas uniquement à Bruxelles, et elle continuera à porter de par le monde, comme nous l'a rappelé le ministre des affaires étrangères, car nos valeurs, nous y croyons, et nous saurons les porter haut et les défendre, y compris à l'ONU.
    M. Éric Raoult. Très bien !
    Mme Martine David. N'importe quoi !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous ne sommes pas sous la tutelle de Bruxelles. Nous avons signé, il y a quelques années, un traité qui nous engage,...
    M. Maxime Gremetz. Malheureusement !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... un traité de copropriété, pour reprendre les termes de notre Premier ministre, qui nous amène ensemble à être coresponsables de la manière dont nous gérons notre monnaie. Au-delà, nous devons nous montrer responsables en ce qui concerne notre politique budgétaire.
    La Commission adopte, aujourd'hui, c'est vrai...
    M. François Hollande. Une sanction !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... une mesure nous obligeant à lui répondre avant le 4 octobre, et nous le ferons de manière responsable, mais, dans les propos qu'elle tient aujourd'hui, elle ne manque pas de rappeler que si les finances publiques françaises sont vulnérables...
    M. François Hollande. C'est à cause de vous !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... c'est parce que l'assainissement des finances qui a commencé en 1995 s'est arrêté en 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La Commission a clairement indiqué par ce biais qu'indépendamment de l'évolution de la conjonture (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. François Hollande. Ce n'est pas cela !
    M. le président. Laissez le ministre s'exprimer !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... le problème de fond des finances publiques était que, pendant plusieurs années, nous avons gaspillé la croissance ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette croissance nous fait aujourd'hui temporairement défaut, et pas uniquement à nous, Français, mais à toute l'Europe, vous le savez ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous prenons des mesures, y compris avec les réformes qui sont à faire, que vous n'avez pas faites et que nous allons faire, pour, à la fois sur le court terme et sur le long terme, bâtir la croissance de notre pays au sein d'une Europe à laquelle nous croyons ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Ce n'est pas parce que la réponse ne vous convient pas qu'il faut manifester. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Il n'a pas répondu à la question !

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe UMP.
    M. Pierre Lellouche. Cette question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. J'ai l'honneur de la poser aussi au nom de l'association Reporters sans frontières, qui vient de célébrer, le 3 mai dernier, tristement d'ailleurs, la Journée internationale de la liberté de la presse. Tristement car, cette année, nous avons battu tous les records : 130 journalistes sont en prison à travers le monde pour avoir essayé d'exercer leur métier.
    M. Maxime Gremetz. Il faut le dire à vos alliés américains !
    M. Jacques Desallangre. La guerre en Irak a bien amélioré ce score !
    M. Pierre Lellouche. Je rappelle que le droit d'informer et d'être informé figure parmi les droits fondamentaux de la personne humaine et qu'à ce titre il est reconnu par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce droit, comme les autres droits de l'homme, d'ailleurs, est ouvertement et quotidiennement tourné en dérision, aujourd'hui, à la commission des droits de l'homme de l'ONU...
    M. Claude Goasguen. Présidée par la Libye !
    M. Pierre Lellouche. ... qui est pourtant chargée de les faire respecter. Cette commission est devenue, ces dernières années, aux dires mêmes des organisations humanitaires, le lieu de braderies, de marchandages permanents entre les pays les plus répressifs, qui sont, je les cite, « davantage occupés à se protéger les uns les autres » qu'à faire respecter les droits de l'homme. A tel point d'ailleurs que, plus on est répressif, plus on a envie d'être membre de la commission des droits de l'homme. On a vu la Corée du Nord, par exemple, être candidate, cette année, à la commission.
    Le comble de la mascarade a été atteint, vous le savez, le 20 janvier dernier, lorsque la République libyenne, en la personne de Mme Najat al-Hajjaj, a été désignée comme présidente de la commission des droits de l'homme de l'ONU. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Un député du groupe Union pour la démocratie française. Scandaleux !
    M. Pierre Lellouche. La Libye, chacun le sait, pratique quotidiennement la torture, les disparitions, les arrestations arbitraires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Des journalistes libyens ont disparu depuis trente ans, et la voici emblème des Nations unies !
    M. François Loncle. Grâce à la France !
    M. Pierre Lellouche. Comment s'étonner, alors, que la cinquante-neuvième session de la commission, qui vient de s'achever, ait vu un véritable déferlement, une avalanche de scandales de ce genre ? Ainsi, la résolution présentée par l'Union européenne sur la Tchétchénie...
    Monsieur le président. M. Lellouche, votre temps est écoulé.
    M. Pierre Lellouche. Il est écoulé ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
    M. le président. Oui. Vous n'êtes pas là pour un discours. Posez votre question, et posez-la en votre nom et nom pas au nom d'une association, car vous êtes le député de la nation et non pas le député d'intérêts particuliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pierre Lellouche. J'ai dit aussi, monsieur le président...
    M. le président. Posez votre question, et ne m'obligez pas à m'énerver !
    M. Pierre Lellouche. Je ne saurais vous énerver. Avant de poser la question, je voulais simplement dire...
    M. le président. Posez votre question au ministre, qui attend !
    M. Pierre Lellouche. Le ministre sait ce qui s'est passé à la commission sur la Russie, sur Cuba...
    M. le président. Quelle est votre question, monsieur Lellouche ?
    M. Pierre Lellouche. Je demande à M. le ministre de préciser quelle est l'intention de la France s'agissant de cette commission, de nous dire ce que la France a fait au mois de janvier quant à l'élection de la Libye, et de bien vouloir nous expliquer ce que la France compte faire à l'égard de cette commission.
    Nous avons souligné, à juste titre, d'ailleurs...
    M. le président. Merci, monsieur Lellouche. C'est la question que vous posez en tant que député.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
    M. le président. On n'est pas ici le porte-parole d'associations ou d'intérêts particuliers. Vous êtes député de la nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous posez la question difficile des droits de l'homme et de leur respect dans la société internationale, notamment à travers l'action de la commission des droits de l'homme. Vous évoquez un certain nombre de situations internationales, vous évoquez la situation de la Libye, qui a aujourd'hui la présidence de cette commission. Vous savez dans quel contexte cette élection a eu lieu, à la demande du groupe africain, selon des procédures qui sont celles de cette commission, et j'ai eu l'occasion d'expliquer devant votre assemblée comment les choses se sont passées et comment la France a pris ses responsabilités, en ayant le souci de la vigilance et de l'exigence vis-à-vis de cette commission.
    Les droits de l'homme, nous le savons, sont bafoués tous les jours sur la scène internationale.
    M. Jacques Desallangre. Eh oui !
    M. le ministre des affaires étrangères. Vous avez mentionné en particulier le cas de Cuba, et cela en valait la peine, car l'association que vous avez mentionnée a connu un compte douloureux au cours des dernières semaines. Des journalistes, des écrivains, des intellectuels ont été poursuivis, arrêtés, condamnés à des peines exceptionnellement lourdes. La répression dans ce pays a été générale, jusqu'à plusieurs condamnations à mort.
    La France - et je prendrai le cas particulier de Cuba - a condamné cette situation. Elle l'a fait au nom de nos valeurs, au nom de l'amitié que nous avons pour le peuple cubain. Nous en avons immédiatement tiré les conséquences, au plan bilatéral, en réduisant nos contacts avec ce pays, au plan européen, en décidant de suspendre les négociations de coopération entre Cuba et l'Union européenne. Au niveau de la commission des droits de l'homme, j'avais souligné devant vous l'engagement de la France : vigilance et exigence. Or, le bilan de la dernière session nous le montre, vous l'avez rappelé, le fonctionnement de la commission n'est plus adapté et doit être revu. Nous voulons, en concertation avec tous nos partenaires, élaborer des solutions concrètes pour en améliorer l'efficacité. Il faut être audacieux. Il faut envisager, par exemple, la mise en place d'un corps permanent d'inspecteurs internationaux, qui permettra de dire le droit, de dire l'information dans la situation de chacun des pays concernés.
    Promouvoir partout les droits de l'homme est au coeur des ambitions de la France. Nous voulons renouveler le débat sur le système multilatéral le plus efficace dans ce domaine. Car les instruments dont dispose la communauté internationale ne répondent pas aujourd'hui à toutes nos exigences. Entre le recours à la force, ou à la coercition, et le simple constat d'impuissance, il y a voie pour une démarche exigeante, fondée sur la responsabilité et sur la volonté collective. C'est le choix de la France, monsieur Lellouche. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi M. Lellouche quitte-t-il l'hémicycle ?

TEKNIVAL

    M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Armand Martin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
    Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la tenue du Teknival, ou grande rave party, qui a rassemblé plus de 35 000 personnes à Marigny-le-Grand, dans la Marne, le week-end dernier. Cette manifestation avait recueilli une autorisation administrative préalable, et ce conformément au droit applicable en matière de rassemblements festifs à caractère musical.
    Je rappellerai pour mémoire qu'il y a peu - pour ne pas dire sous l'exercice du précédent gouvernement - la majorité des rave parties se déroulait en toute clandestinité (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), avec pour corollaire des conditions de salubrité et de sécurité publiques tout à fait déplorables, tant pour les participants eux-mêmes que pour les habitants proches des sites de ces manifestations. Nous avons même pu regretter, à l'occasion de certaines d'entre elles, le décès de participants, et ce en raison de l'absence de toute coordination avec les autorités.
    J'en parle en connaissance de cause, car je m'étais déjà rendu, il y a deux ans, à Marigny-le-Grand. J'y étais à nouveau le week-end dernier. Ce Teknival 2003 s'est inscrit dans un cadre légal. La sécurité de tous et des conditions sanitaires satisfaisantes ont été assurées.
    M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas vrai ! Tout le monde se plaint !
    M. Philippe Armand Martin. Je souhaite, monsieur le ministre, rendre hommage à l'action de l'Etat, notamment à celle des forces de l'ordre et de tous les services de secours, même si, c'est vrai, on ne peut que regretter que l'environnement et les exploitations agricoles aient pu souffrir, dans certains cas, de ce rassemblement.
    M. Alain Néri. Ah ! Quand même !
    M. Phillipe Armand Martin. Néanmoins, j'attends, monsieur le ministre, une réponse claire à deux questions que se posent, inquiets, les élus et la population. Pouvez-vous me préciser si les forces de sécurité ont pu engager des procédures contre le trafic de produits stupéfiants ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour indemniser les exploitants agricoles et les différentes collectivités locales qui, malgré les efforts réalisés en matière de parkings, ont parfois dû déplorer des dégâts conséquents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, d'abord, le choix ne se posait pas dans les termes suivants : une rave party ou pas de rave party. Plutôt que l'affrontement parfaitement inutile auquel nous assistons depuis dix ans entre l'Etat et des jeunes - celui-là bafoué parce qu'il ne peut pas canaliser les rassemblements, ceux-ci criant, et cela s'est passé à toutes les époques, à l'incompréhension des gouvernements et des politiques -, le Gouvernement a fait le choix, et naturellement, je l'assume pleinement, d'essayer de canaliser ces rassemblements pour ne pas s'enfermer dans une incompréhension avec les jeunes.
    Comment cela s'est-il passé ? D'abord, je vous remercie d'avoir posé cette question, avec ce ton et dans une démarche constructive. (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je voudrais rendre hommage aux organisateurs, qui ont tenu la plupart de leurs engagements. Quels étaient-ils ?
    Ils ont aidé les services de l'Etat à nettoyer les déchets.
    M. Jacques Desallangre. Non ! Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils ont rendu public l'adresse du rassemblement au dernier moment. Il y a quand même eu 40 000 jeunes là où on en attendait 20 000. Surtout, ils ont aidé les services de police et de gendarmerie à dissuader de partir ceux qui n'étaient pas en état de partir - et ce n'est pas par hasard si nous n'avons pas eu à déplorer des morts ou des blessés graves.
    Certes, tout ne s'est pas bien passé, il y a eu des débordements. Mais c'est incomparablement supérieur à ce qui s'était passé sur le même site en 2001.
    M. Jacques Desallangre. C'est faux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les services de police ont procédé à des arrestations ; un véhicule sur trois a été contrôlé ; trente-sept interpellations ; dix procédures judiciaires contre des dealers : voilà le bilan.
    Je recevrai vendredi les élus, dont vous-même, ainsi que les représentants des agriculteurs. Ils seront tous indemnisés, et pour une grande partie avec la collecte récoltée par les organisateurs.
    Finalement, ce qu'on peut se demander, c'est pourquoi il a été possible à cette majorité de faire ce qu'avait suggéré M. Jack Lang à la majorité précédente sans avoir été entendu !
    M. Nicolas Perruchot. Il faut toujours écouter Jack Lang ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Voilà la seule question qui se pose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. C'était un site protégé !

AVENIR DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le Premier ministre, vous venez de présenter aujourd'hui, à grand renfort de communication, votre avant-projet de réforme des retraites. Cette réforme, vous la présentez au nom de la sauvegarde des retraites.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les socialistes n'ont rien fait, eux !
    Un député du groupe socialiste. Arrêtez ! C'est un air connu !
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est, nous le croyons, qu'un prétexte. Prisonnier de votre idéologie libérale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous préparez la France à une régression des retraites, aujourd'hui et demain.
    M. Richard Mallié. N'importe quoi !
    M. Pascal Terrasse. Personne ne conteste la nécessité d'une réforme, bien évidemment. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les travaux du Conseil d'orientation des retraites, créé par l'ancien gouvernement, avait permis en effet d'apaiser un climat tendu, et qui l'était notamment en raison du plan Juppé de 1995.
    M. Yves Fromion. Lui, il a eu du courage !
    Un député du groupe socialiste. Le courage de prendre sa retraite avant la réforme ! Droit dans ses bottes !
    M. Pascal Terrasse. Ces travaux du COR ont d'ailleurs abouti à un diagnostic aujourd'hui largement partagé.
    Vous menez une campagne catastrophiste pour faire croire qu'il n'y a pas d'autres alternatives à vos propositions.
    M. Yves Fromion. Quelles sont-elles, ces alternatives ?
    M. Pascal Terrasse. Aujourd'hui même, vous écrivez à tous les Français pour exiger d'eux qu'ils travaillent plus longtemps en vue de toucher des retraites plus faibles.
    M. Claude Goasguen. La question !
    M. Richard Mallié. Arrêtez votre démagogie !
    M. Pascal Terrasse. Comment allez-vous expliquer aux salariés, ceux du secteur privé, ceux du secteur public, que vous refusez d'inscrire dans la loi un niveau de pension minimum garanti, et que leurs ressources vont en effet diminuer à très court terme de 20 % à 30 % ?
    M. Yves Bur. Vous avez eu cinq ans pour agir !
    M. Pascal Terrasse. Travailler toujours plus pour gagner toujours moins, voilà en réalité ce qui guide votre démarche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Mallié. C'est de la désinformation !
    M. Pascal Terrasse. Vous maltraitez les retraités, qui vont non seulement toucher une pension plus faible, mais vont en outre être pénalisés par le déremboursement des médicaments que vous venez de décider, sans compter ce que vous préparez. C'est le contrat entre les générations qui est aujourd'hui fragilisé. C'est le droit à la retraite à soixante ans à taux plein qui est remis en cause.
    M. Richard Mallié. Et pourquoi vous n'avez rien fait quand vous étiez au pouvoir ?
    M. Pascal Terrasse. C'est la porte ouverte aux fonds de pension. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vos projets ne sont pas financés.
    Un député du groupe socialiste. Ils ont besoin d'argent, après avoir spéculé à tout va !
    M. Pascal Terrasse. L'hypothétique transfert des cotisations chômage vers les retraites est un pari risqué. Tout cela n'est naturellement pas très sérieux. Votre échec en matière de lutte contre le chômage en est d'ailleurs la preuve : vous refusez de chercher d'autres financements.
    Votre réforme, monsieur le Premier ministre,...
    M. Claude Goasguen. La question !
    M. le président. Monsieur le député, veuillez poser votre question.
    M. Pascal Terrasse. Je la pose tout de suite, monsieur le président.
    M. le président. Je vous en prie, posez votre question ! Ne m'obligez pas à être brutal avec vous comme je l'ai été avec M. Lellouche, ce que je regrette.
    M. Pascal Terrasse. Laissez-moi trois secondes pour la poser.
    M. le président. Votre temps est écoulé !
    M. Pascal Terrasse. Votre réforme, monsieur le Premier ministre, est idéologique. C'est celle de la régression et de l'appauvrissement.
    M. Claude Goasguen. La question !
    M. le président. S'il vous plaît, monsieur Terrasse !
    M. Pascal Terrasse. Les Français attendent mieux que vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, permettez-moi de vous le dire, l'avenir des retraites, ce n'est pas un problème de droite ou de gauche. C'est un problème national, c'est un problème qui transcende les générations, et c'est un problème que dans la plupart des pays européens, on a été capable de régler avec un vrai consensus national.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le problème mérite que nos recherchions ensemble l'intérêt général et non pas que nous nous jetions à la figure, comme vous venez de le faire, des affirmations qui sont mensongères,...
    M. Bernard Accoyer. Oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui ne reposent sur aucune réalité, et qui surtout sont contraires à tout ce que vous avez dit pendant les cinq dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En réalité, chaque gouvernement, de Michel Rocard à Edouard Balladur, d'Alain Juppé à Lionel Jospin, s'est efforcé - avec plus ou moins de vigueur, il est vrai - d'apporter sa pierre à l'édifice. Eh bien, je crois, moi, que cette continuité mérite de se cristalliser autour de la réforme que nous proposons, ....
    M. François Hollande. Les choses vont se cristalliser, en effet !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et ce pour trois raisons. D'abord, parce qu'il s'agit de ne pas changer le système de nos retraites. Nous voulons défendre le système de répartition. Nous avons fait le choix d'un système de solidarité, et je crois que ce choix devrait nous rassembler. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ensuite, parce que nous sommes pressés par le temps, mesdames et messieurs les députés.
    M. Yves Fromion. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans quelques années, il sera trop tard, et le déclin du système sera tel que les scénarios soit d'une baisse drastique des pensions, que vous évoquez, soit de la privatisation, deviendront alors inéluctables. Et ces scénarios, aucun d'entre vous, aucun d'entre nous, ne veut les vivre.
    M. Pascal Terrasse. Qu'est-ce que vous faites ?
    M. Jacques Desallangre. Changez l'assiette !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, monsieur le député, parce que le projet que nous présentons est un projet juste, équitable et équilibré. (« Oh non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il est juste, équitable et équilibré parce qu'il repose sur un effort, partagé par tous les Français,...
    M. Jacques Desallangre. Faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'allongement de la durée de cotisation pour maintenir le même niveau de pension qu'aujourd'hui. D'ailleurs, mesdames et messieurs les députés, c'est le choix qu'ont fait tous les autres pays européens.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sur les quinze pays d'Europe, quatorze ont choisi d'allonger la durée de cotisation pour permettre de sauvegarder leur régime de retraite. Toutes les affirmations que vous venez d'avancer, monsieur Terrasse, sont fausses. Nous avons, nous, introduit dans la loi un minimum garanti, qui n'existe pas aujourd'hui. Nous avons décidé de stopper la dégradation du taux de remplacement alors que pendant cinq ans, vous y avez assisté impuissants, sans rien changer à la législation existante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Enfin, ce texte repose sur une mobilisation générale pour l'emploi des plus de cinquante ans, problème sur lequel, là encore, vous n'avez rien fait, ...
    Mme Elisabeth Guigou. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... contribuant à déséquilibrer encore un peu plus les régimes de retraite.
    Mesdames, messieurs les députés, la démarche du Gouvernement est ouverte.
    Mme Martine David. C'est plutôt l'étroitesse d'esprit qui caractérise votre démarche !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous écoutons, nous dialoguons, mais nous avançons, parce que c'est notre devoir. Monsieur Terrasse, je crois que vous vous grandiriez à examiner avec lucidité et avec responsabilité le défi que nous avons tous ensemble à relever. Car, un jour ou l'autre, les Français jugeront. (« En effet ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

EUROPE DE LA DÉFENSE

    M. le président. La parole est à M. Antoine Carré, pour le groupe UMP.
    M. Antoine Carré. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense.
    Madame la ministre, la crise irakienne a mis en lumière les défis et les grandes réflexions dont la communauté internationale doit se saisir : la question du désarmement, les modes de règlement des conflits, le rôle de l'ONU, l'équilibre dans les relations entre les Etats.
    La France est tout particulièrement attachée à la sérénité et à la qualité des réponses qui doivent être apportées à ces enjeux. Elle y contribue activement et, avec ses partenaires européens, elle cherche à définir l'apport de l'Europe en la matière.
    En effet, pour se faire entendre dans le monde, l'Europe doit développer des instruments lui permettant de définir une politique étrangère collective. Pour cela, le préalable est la construction d'un outil militaire commun.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Antoine Carré. Dans ce sens, le Premier ministre belge a convié à Bruxelles le 29 avril dernier, pour un mini-sommet sur l'Europe de la défense, les dirigeants allemands, français et luxembourgeois.
    Madame la ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale des propositions retenues lors de cette réunion pour renforcer l'Europe de la défense, et nous préciser l'accueil fait à ces projets par les Etats membres actuels et futurs de l'Union européenne, en sachant qu'hier nous apprenions avec satisfaction que le choix du motoriste de l'A400 M avait été celui du regroupement des constructeurs européens, français, allemands, britanniques et espagnols ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, la déclaration qui a suivi la réunion du 29 avril des quatre chefs d'Etat et de Gouvernement que vous évoquiez à l'instant représente en effet un apport important à la construction européenne, indispensable si nous voulons que l'Europe puisse être entendue dans le monde et puisse défendre ses positions, ses valeurs et ses intérêts.
    Cette déclaration comporte essentiellement quatre propositions, qui visent :
    Premièrement, à annexer au traité constitutionnel une clause générale de solidarité et de sécurité commune liant tous les pays de l'Union européenne ;
    Deuxièmement - et c'est un élément très important - à installer une agence européenne de développement et d'acquisition des capacités, appelée sommairement Agence de l'armement européen ;
    Troisièmement, à créer un collège européen de sécurité et de défense, ce qui est essentiel pour la formation des officiers et des sous-officiers de l'ensemble de l'Europe ;
    Quatrièmement, à renforcer les capacités militaires européennes par la mise en commun des moyens et des capacités.
    Concrètement, c'est une incitation adressée à l'ensemble des pays de l'Union européenne à développer la future force de réaction rapide européenne par l'ajout à la brigade franco-allemande d'éléments belges et luxembourgeois, en attendant, bien entendu, que tous les autres rejoignent cette formation.
    M. Jean Glavany. Ça fait pas beaucoup !
    Mme la ministre de la défense. Cette déclaration incite également à créer un noyau de capacité collective de planification et de conduite des opérations, utilisable lorsque l'Union européenne sera amenée à intervenir dans des opérations où, par exemple, l'OTAN ne voudrait pas s'impliquer.
    Elle incite également à créer un commandement européen de transport aérien stratégique - cet élément important n'est pas sans rapport avec le dernier sujet que vous avez évoqué.
    Enfin, elle incite à établir un quartier général multinational déployable.
    Quant aux réactions, elles ont été en quelque sorte symbolisées par l'attitude du secrétaire général du Conseil de l'Europe, M. Solana, qui a jugé la déclaration comme une contribution importante.
    M. le président. Madame la ministre, veuillez conclure.
    Mme la ministre de la défense. J'ai terminé, monsieur le président.
    J'ajoute que la plupart de nos partenaires ont salué cet effort de relance de la politique européenne de sécurité et de défense. Si certains avaient été réticents au départ, leur position a évolué par la suite, puisque, le week-end dernier, les ambassadeurs et les ministres des affaires étrangères de l'ensemble des pays ont marqué leur satisfaction en la matière.
    M. le président. Merci, madame...
    Mme la ministre de la défense. Enfin, l'annonce hier, alors que j'étais au Bundestag, que l'A-400M serait équipé de moteurs européens...
    M. Yves Fromion. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. ... marque une avancée de cette Europe de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

REVENU MINIMUM D'INSERTION
ET REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

    M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour le groupe UMP.
    M. François Vannson. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, vous avez présenté aujourd'hui devant le conseil des ministres le projet de loi sur le revenu minimum d'insertion et le revenu minimum d'activité. Après quinze ans de RMI, pendant lesquels l'insertion a été pour beaucoup oubliée, ce projet est très attendu.
    Il est très attendu par les élus locaux, qui souhaitent exercer la pleine responsabilité du dispositif d'insertion.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. François Vannson. Il est très attendu également par les salariés qui perçoivent de bas salaires et qui ne comprennent pas que certains bénéficient d'allocations sans contreparties. (Exlamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Yves Fromion. Très juste !
    M. François Vannson. Il est très attendu enfin par les RMIstes eux-mêmes, qui aspirent à retrouver une place au sein de notre société et veulent reprendre le chemin de l'insertion et de l'emploi.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, je me réjouis de cette annonce. D'autant qu'en 1997, j'avais présenté avec plusieurs de mes collègues une proposition de loi visant à l'instauration d'un revenu minimum d'activité, laquelle avait été rejetée par la majorité d'alors. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. Bernard Deflesselles. Exactement !
    M. François Vannson. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser à la représentation nationale le contenu de votre projet ? Quelles seraient les nouvelles responsabilités qui incomberaient aux collectivités territoriales et comment fonctionnerait le RMA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, notre projet s'appuie sur une conviction : le RMI ne doit pas être un toboggan vers l'exclusion ou vers l'assistance durable. Il doit au contraire être un tremplin vers l'insertion et vers l'emploi.
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je me souviens que vous aviez effectivement déposé sur le sujet une très intéressante proposition de loi. Du reste, nous avons repris plusieurs des éléments qu'elle comportait.
    Pourquoi une réforme est-elle nécessaire ? Il faut une réforme parce que la situation du RMI - qui pourrait prétendre le contraire ? - n'est pas satisfaisante. Ainsi, aujourd'hui, seul un allocataire sur deux bénéficie d'un contrat d'insertion, tandis que près d'un allocataire sur quatre n'a eu aucune expérience professionnelle, que près d'un sur trois perçoit le RMI depuis plus de trois ans et que près d'un sur dix depuis plus de dix ans.
    La réforme que nous proposons s'appuie sur deux idées simples.
    D'abord, il faut que le RMI soit géré au plus près. Ce sont donc désormais les départements qui auront l'entière responsabilité de la gestion et du financement du revenu minimum.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Naturellement, ce dispositif restera dans ses grandes lignes un dispositif national - c'est-à-dire que les conditions d'obtention et le niveau du revenu minimum d'insertion seront fixés par la loi -, mais ce sont les départements qui mettront en oeuvre et géreront l'ensemble de la politique du revenu minimum d'insertion. Bien entendu, la loi de finances pour 2004 prévoira le dispositif de transfert de ressources correspondant.
    Ensuite, nous proposons une véritable innovation : la création d'un revenu minimum d'activité. Il s'agit d'inciter les RMIstes à reprendre le travail.
    M. Jacques Desallangre. Ils veulent bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A cet effet, nous voulons activer les dépenses de solidarité en les branchant sur le monde du travail. Nous autoriserons donc, pour les personnes qui sont au RMI depuis plus de deux ans, le cumul d'une aide sociale, c'est-à-dire du revenu minimum, et d'un salaire versé par l'employeur -, salaire qui devra, sur la base d'un mi-temps, être au moins égal au SMIC. Je pense que le RMIste et l'employeur seront tous les deux gagnants.
    M. André Chassaigne. Ce n'est pas nouveau !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est tout à fait nouveau : cela n'existait pas jusqu'à aujourd'hui, et en particulier dans le secteur marchand. La majorité précédente avait en effet réservé l'ensemble des dispositifs d'insertion au secteur non marchand. Nous prévoyons, pour notre part, qu'ils puissent être élargis au secteur marchand et au secteur non marchand (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), tous en permettant aux RMIstes de garder les droits qui sont attachés à cette allocation, en particulier en matière de couverture sociale.
    Cette réforme s'inscrit dans la stratégie de la majorité pour revaloriser le travail. C'est en même temps un engagement que nous remplissons.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

BILAN DE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE

    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le Premier ministre, il y a un an, dans votre discours de politique générale, vous promettiez « un Etat attentif », et nous n'avons eu qu'un gouvernement attentiste face à la montée de la crise économique et résigné face au chômage. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous promettiez « une France créative », et nous avons une économie en panne. Vous promettiez « une République en partage », et nous avons vu un Etat dans lequel l'UMP, votre parti, souhaite régner sans partage. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    Mme Nadine Morano. Des mots !
    M. Gaëtan Gorce. Mais le plus grave n'est pas tant ce bilan que l'absence totale de perspectives dans laquelle vous inscrivez l'action de votre gouvernement. Votre politique reste en effet minée par ses contradictions. Si gouverner c'est prévoir, si gouverner c'est choisir, alors on peut se demander si notre pays est véritablement gouverné depuis un an.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. En effet, gouverner, c'est choisir !
    M. Gaëtan Gorce. En un an, vous n'avez pas su expliquer comment concilier la réduction des déficits et vos promesses fiscales.
    M. Lucien Degauchy. Et Jospin ?
    M. Gaëtan Gorce. Vous n'avez pas su expliquer comment concilier une politique de l'emploi et la baisse du budget qui lui est consacré.
    Saurez-vous expliquer aujourd'hui à la représentation nationale comment vous comptez préserver notre système de protection sociale, tout en laissant filer sans réagir les déficits de la sécurité sociale au-delà des 10 milliards d'euros ?
    Saurez-vous expliquer aujourd'hui à la représentation nationale pourquoi vous avez choisi de faire de la fonction publique et du service public la cible de toutes vos attaques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
    M. Richard Mallié. Ridicule !
    M. Gaëtan Gorce ... alors que l'Etat est le garant de la cohésion sociale dont nous avons tant besoin en période de crise ?
    Saurez-vous expliquer aujourd'hui comment vous comptez relancer la croissance, alors que vous ne prenez aucune initiative pour soutenir la consommation ?
    M. Lucien Degauchy. Immobiliste !
    M. Gaëtan Gorce. En somme, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale ce que vous avez répondu au président de notre assemblée lorsqu'il s'inquiétait dernièrement du manque de lisibilité, de cohérence et de volontarisme de votre politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme le disait Georges Pompidou, quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites.
    M. Christian Bataille. C'est le Sapeur Camember !
    M. le Premier ministre. Je constate le mépris que vous avez pour notre travail. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Oh ! je ne dis pas que tout réussit. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Et surtout, je ne doute pas qu'il reste beaucoup de choses à faire. Je ne suis jamais dans l'autosatisfaction. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et nous sommes vraiment convaincus que ce qui reste à faire est plus important que ce qui a été fait.
    M. François Hollande. Vous ne parlez que de vous !
    M. le Premier ministre. Je vous en prie, respectez ce que les Français constatent !
    Respectez les baisses de la délinquance !
    Respectez le retour de l'autorité républicaine ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Respectez la justice !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et le chômage !
    M. le Premier ministre. Respectez notre loi de programmation militaire !
    M. Jacques Desallangre. Et les licenciements !
    M. le Premier ministre. Respectez l'action que nous conduisons pour faire en sorte que les Français sentent le travail revalorisé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et les licenciements !
    M. le président. Je vous en prie !
    M. le Premier ministre. Nous voulons revaloriser le travail, parce que nous pensons vraiment que c'est par l'effort que nous pourrons résoudre les problèmes qui se posent à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Alors, bien sûr, il y a des difficultés. Oh ! vous n'êtes pas responsables de toutes les difficultés, mesdames, messieurs les députés socialistes (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais il est vrai que si vous aviez fait les réformes nécessaires quand la croissance atteignait 4 %, ce serait plus facile aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous, nous devons procéder aux réformes de structures avec seulement 1 % de croissance.
    M. François Hollande. Quelles réformes !
    M. le Premier ministre. Pour ce qui est de la réforme des retraites, je l'engage et nous l'engageons en concertation (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) et avec détermination !
    M. Jacques Desallangre. C'est les salariés qui vont payer !
    M. le Premier ministre. Il faut le faire dans l'intérêt du pays.
    Mme Martine David. Et le chômage !
    M. le Premier ministre. Voilà ce qui nous anime.
    Je vous invite simplement à respecter notre travail, comme vous respectez le vôtre.
    M. Daniel Vaillant. Vous, vous n'avez pas respecté le nôtre !
    M. le Premier ministre. Parce que nous travaillons au service des Françaises et des Français,...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Pas de tous !
    M. le Premier ministre. ... au service de la France. Je ne vous laisserai pas dire que nous attaquons telle ou telle catégorie de Français, car nous travaillons pour la France. (« D'en haut ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous ne voulons pas opposer le secteur privé au secteur public. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous voulons de la justice. Nous voulons de l'équité. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous voulons que cessent les disparités actuelles en matière de retraite ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Notre combat, il est pour l'équité. Je pense aux infirmières. Je pense aux policiers.
    M. François Hollande. Vous pensez à vous !
    M. le Premier ministre. Je pense aux enseignants. Je pense à tous ceux qui travaillent dans la fonction publique et qui ont droit évidemment au respect de la nation ! Ils ne font pas figure d'accusés au regard de la politique que mène le Gouvernement.
    M. François Hollande. Ils en sont les victimes !
    M. le Premier ministre. Je m'inscris en faux contre vos propos.
    Notre combat, c'est celui de la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) D'une France plus équitable, d'une France plus juste ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Notre combat n'est pas celui d'un gouvernement qui dirige pour les uns contre les autres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) mais celui d'un gouvernement qui dirige pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN

    M. le président. La parole est à M. Gérard Dubrac, pour le groupe UMP.
    M. Gérard Dubrac. Monsieur le ministre de la santé, le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer l'un des trois grands chantiers de son quinquennat, en fixant les grandes orientations de la politique anticancer, laquelle met l'accent notamment sur la prévention, sur la coordination de la recherche et sur l'humanisation des soins.
    Chaque année, en France, ce sont près de 150 000 personnes qui meurent du cancer. Par conséquent, tout le monde peut être concerné, un jour ou l'autre, par cette maladie.
    Chez la femme, le cancer du sein est la principale cause de mortalité par cancer : 11 000 décès en 2000. De plus, les statistiques révèlent que la mortalité par le cancer du sein est en constante augmentation.
    Lutter contre le cancer, c'est non seulement soutenir les chercheurs, mais aussi favoriser les meilleurs soins possibles, et surtout développer la prévention. Ainsi, favoriser le dépistage précoce, c'est accroître les chances de lutter efficacement contre cette maladie.
    La généralisation du dépistage du cancer du sein a été maintes fois proclamée, mais elle n'a jamais été mise en oeuvre. Vous avez annoncé hier, monsieur le ministre, le lancement d'une campagne d'information en faveur d'un dépistage organisé du cancer du sein, dispositif qui sera ouvert à toutes les femmes, dans tous les départements, et ce avant la fin de l'année. Pouvez-vous nous préciser les modalités d'organisation de cette campagne de sensibilisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, vous avez rappelé qu'en juillet dernier le Président de la République a décrété la mobilisation générale contre le cancer. Et c'est en mars 2003 que le plan cancer a été annoncé, Claudie Haigneré et moi-même en ayant la charge sous l'autorité du Premier ministre.
    Parmi les mesures de ce plan cancer, le dépistage tient une place essentielle. La généralisation du dépistage du cancer du sein a été souhaité par tous le monde. Toutefois, en septembre 2002, seulement trente-trois départements avaient engagé cette action, et, aujourd'hui, on n'en compte encore que quarante-neuf, ce qui est très insuffisant. Une telle situation est probablement dû au fait que le dépistage du cancer du sein est du ressort des départements. Certains s'y sont lancés, très vite, et l'ont très bien fait, avec compétence, acquiérant une expérience en la matière. Cependant, il est inacceptable que plus de la moitié des départements n'aient pas rempli cette obligation.
    Un député du groupe socialiste. Belle réussite de la décentralisation !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Désormais, c'est l'Etat qui assumera ce dépistage. Il passera des conventions avec les départements qui pratiquent déjà le dépistage - et qui continueront de le faire. Mais là où le département ne le fera pas, l'Etat se substituera à lui, car il est de notre responsabilité de garantir l'égalité d'accès aux soins pour toutes les femmes.
    Quant à la campagne à laquelle vous faisiez allusion, qui associe la Ligue contre le cancer, la caisse d'assurance maladie et le Gouvernement, elle a pour but de faire passer l'information. En effet, dans les départements où le dépistage a lieu, seulement 20 à 60 % des femmes y ont recours, car elles assimilent trop souvent le fait de s'y soumettre à la possibilité d'être atteinte d'un cancer. Il faut faire passer le message contraire : aller se faire dépister, c'est garantir une meilleure santé et, en tout état de cause, une meilleure chance de guérison. Tel est le sens de cette campagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

    M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UMP.
    Mme Bérengère Poletti. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales,...
    M. Albert Facon. N'en rajoutez plus !
    Mme Bérengère Poletti. ... les Françaises et les Français sont de plus en plus nombreux à reconnaître votre volonté et votre détermination (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour rétablir un climat de sécurité et faire respecter l'autorité de l'Etat, dans le respect des principes fondamentaux de notre République.
    Malgré cela, il nous arrive encore d'entendre, ici ou là, à propos des résultats de votre action, des interrogations - quand ce ne sont pas des incantations critiques - soulevées notamment par certains beaux esprits, détracteurs systématiques appartenant en particulier aux extrémismes de tous bords.
    Eh bien, non, nous ne sommes pas dans le domaine de l'illusion ! Aussi, monsieur le ministre, pour répondre à ceux qui ne veulent pas reconnaître le succès de votre action, je vous demande de présenter devant la représentation nationale la réalité des chiffres relevés sur le terrain concernant la lutte contre la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je comprends (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste)...
    Vous ne devriez pas vous en réjouir si vite, mesdames et messieurs les députés socialistes. Attendez la suite !
    Au mois d'avril 2001, les députés de la majorité de M. Jospin n'interrogeaient pas le ministre de l'intérieur de l'époque pour savoir quels étaient les chiffres de la délinquance, puisque, à cette époque, la délinquance avait augmenté de 16 % en France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. La campagne électorale est finie !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Au mois d'avril 2002, dernier mois de l'exercice du gouvernement Jospin, les députés socialistes auraient pu demander au même ministre de l'intérieur où en étaient les chiffres de la délinquance, puisque celle-ci avait augmenté de 16 % un an plus tôt !
    M. Daniel Vaillant. C'est faux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Eh bien, tenez-vous bien : au mois d'avril 2002, la délinquance avait encore augmenté de 8 %, soit 24 % d'augmentation en deux ans ! « (Hou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Daniel Vaillant. C'est faux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés socialistes, vous devriez applaudir les policiers et les gendarmes, car, au mois d'avril 2003, la délinquance a diminué de 7,25 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Christian Bataille. Caricature !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce qui était impossible pour vous devient possible pour nous (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), à effectifs constants - les nouveaux emplois ne sont pas en effet encore sortis de l'école - pour la simple raison que nous avons donné des consignes claires : la priorité, c'est la lutte contre les délinquants et le soutien aux victimes. Vous étiez silencieux ! Nous, nous n'avons pas d'état d'âme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) : nous soutenons les policiers et les gendarmes, avec un seul mot d'ordre. Ils travaillent et ils obtiennent des résultats ! Et je vous invite à nous poser l'année prochaine, au mois d'avril, la même question, madame la députée, parce que nous avons bien l'intention de continuer dans cette voie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

REPRÉSENTATION DES PERSONNELS
MIS À LA DISPOSITION DE LA DIRECTION
DES CONSTRUCTIONS NAVALES

Discussion d'une proposition de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Giran et plusieurs de ses collègues relative à la représentation au sein du conseil d'administration et des instances représentatives des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN, en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n°s 735, 822).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.
    M. Philippe Vitel, rapporteur de la commission de la défense nationale et des formes armées. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, mes chers collègues, la proposition de loi dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur devant vous aujourd'hui marque l'intérêt et l'attention que la représentation nationale accorde au bon déroulement de la réforme du service à compétence nationale issu de l'ancienne direction des constructions navales. Nous sommes nombreux, sur les bancs de cet hémicycle, à nous soucier du devenir d'une industrie stratégique pour la défense de notre pays.
    Je ne m'attarderai pas longtemps sur la situation de DCN. Permettez-moi tout de même de souligner que cet industriel de l'armement naval emploie actuellement plus de 14 000 personnes et qu'il a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 1,5 milliard d'euros en 2002. J'ajoute qu'il intervient dans des secteurs essentiels à notre défense, telle la construction des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, qui sont le fer de lance de la dissuasion nucléaire.
    La pérennité de DCN est absolument essentielle. Elle suppose le passage d'un statut d'administration à celui d'une véritable société. Cette réforme a été adoptée lors du vote de la loi rectificative pour 2001 après, il faut bien le dire, de nombreuses années d'une inertie dangereuse pour la survie du savoir-faire de DCN.
    Dans quelques semaines, cette étape sera enfin franchie. Je crois pouvoir dire que nous sommes ici nombreux, à nous réjouir de cet événement. Il reste que la réforme se heurte aujourd'hui à quelques difficultés de mise en oeuvre, qui ont trait notamment à la définition des droits de certaines catégories de personnels. En effet, si la loi de finances rectificative pour 2001 a prévu de concilier les acquis statutaires des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat, avec la liberté de choix d'affiliation ou de non-affiliation à la convention collective qui s'appliquera lors de l'entrée en activité de la société, elle n'a pas résolu tous les problèmes. Mais comment aurait-il pu en être autrement puisque les dispositions votées tenaient en un seul article ?
    En l'état actuel du droit, les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers de l'Etat ne pourraient pas être représentés au conseil d'administration ou de surveillance de la société, ni aux instances représentatives du personnel. En effet, la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public, et le code du travail disposent que les représentants des personnels qui siègent à ces instances sont désignés par les salariés et ont un statut de salarié.
    Cette question n'est pas anodine, au vu des compétences du conseil d'administration ou de surveillance et des instances représentatives du personnel dans la bonne marche des entreprises. Je vous en épargnerai le détail, sans omettre de souligner pourtant qu'elles portent notamment sur la prise des décisions stratégiques pour l'entreprise et sur les conditions de travail.
    Il est pourtant indispensable que les personnels mis à la disposition de DCN par l'Etat restent, tout en conservant leur statut, pleinement associés à la vie de la future société. Etant donné que les ouvriers de l'Etat, les fonctionnaires et les agents sous contrat sont environ 12 460 et qu'ils représentent en conséquence la majorité de l'effectif global - 74 % pour être précis -, il serait pour le moins contreproductif de les écarter et de les marginaliser, au moment où la mobilisation de tous est plus que jamais nécessaire à la réussite de la transformation de DCN en société. Concrètement, cela implique qu'ils puissent être électeurs et éligibles dans les élections professionnelles ou d'entreprise, avec la possibilité d'être désignés à toutes les fonctions qui découlent de la position d'élu.
    Comme le droit du travail permet à certaines règles de nature conventionnelle de compléter les normes législatives, un accord d'entreprise aurait pu prévoir cette possibilité, sous réserve de l'unanimité des organisations syndicales. Mais en dépit d'un dialogue social privilégié au sein de DCN tout au long de l'année 2002, ce point n'a pu faire l'objet d'un consensus. Faute d'un accord unanime des organisations syndicales, la solution doit donc passer par l'adoption de dispositions législatives dérogatoires.
    La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Giran et plusieurs de nos collègues vise opportunément à répondre au problème posé en prévoyant un régime spécifique pour DCN. Les ouvriers de l'Etat, mais aussi les fonctionnaires et les agents sous contrat pourront ainsi être associés, comme les personnels salariés, au fonctionnement de l'entreprise.
    Sur ma recommandation, la commission de la défense nationale et des forces armées a adopté ce texte à l'unanimité, après l'avoir assorti de quelques modifications. Certaines de ces améliorations sont d'ordre purement rédactionnel. La commission a également adopté un amendement de fond qui tend à préciser la portée de la proposition de loi sans en remettre nullement en cause l'objet.
    Dans le texte initialement soumis à la commission, rien n'indiquait que les ouvriers de l'Etat, les fonctionnaires et les agents sous contrat bénéficieraient des mêmes droits que les salariés en termes d'accès à l'information et aux prestations délivrées par les instances auxquelles ils seraient amenés à participer. La commission a donc décidé d'insérer une phrase renvoyant aux textes juridiques pertinents pour les droits dont pourront se prévaloir les ouvriers de l'Etat, les fonctionnaires et les agents sous contrat, ainsi que leurs représentants. Nous répondons par là même à la revendication essentielle des syndicats.
    Les propositions de la commission de la défense sont équilibrées et correspondent pleinement à l'esprit originel de la proposition de loi.
    Lors de la réunion de notre commission tenue en application de l'article 88 de notre règlement, nous avons examiné un amendement du Gouvernement portant sur GIAT-Industries, qui affecte la forme du texte autant qu'il en élargit la portée. On peut regretter que cet amendement n'ait pas pu être examiné plus tôt par la commission. Cependant, l'urgence des mesures à prendre, y compris pour apporter des assurances aux organisations syndicales, peut expliquer ce procédé.
    Sur le fond, l'article additionnel proposé n'appelle pas d'objection particulière et la commission a émis un avis favorable à son adoption par notre assemblée.
    GIAT-Industries et DCN sont deux industriels publics de l'armement, mais, à vrai dire, la comparaison s'arrête à ce seul aspect, tant leurs secteurs d'activités, leurs situations financières et leurs perspectives d'avenir respectives sont différents.
    Je ne reviendrai pas sur la situation de GIAT-Industries, dont notre commission a pu mesurer les difficultés sur la base du rapport d'information de nos collègues Yves Fromion et Jean Diébold. Il convient néanmois de rappeler que cette société nationale se trouve au seuil d'une restructuration que d'aucuns qualifient de « dernière chance » et dont les conséquences sociales très lourdes justifient les mesures législatives présentées par le Gouvernement.
    M. Pierre Forgues. Ce sont des mesures d'enterrement social !
    M. Philippe Vitel, rapporteur. Un nouveau plan social important s'impose. Les hypothèses avancées par la direction de l'entreprise au début du mois d'avril évoquaient le départ ou la reconversion de près de 3 750 des 6 250 personnels d'ici à 2006. Parmi eux figurent des fonctionnaires, qui pourront réintégrer le ministère de la défense, mais aussi des ouvriers sous décret, qui sont d'anciens ouvriers de l'Etat recrutés au titre des établissements de GIAT-Industries.
    Pour que les mesures de reclassement de ces ouvriers sous décret...
    M. Pierre Forgues. Et les autres ?
    M. Philippe Vitel, rapporteur. ... dans le secteur public soient effectives et plus diversifiées et que l'aménagement du territoire ne soit pas trop affecté, il est nécessaire de leur permettre d'intégrer, en qualité de non-titulaires, les fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière. Cette mesure est, certes, exceptionnelle, mais elle est indispensable pour la bonne marche de la restructuration de GIAT-Industries.
    Les ouvriers sous décret qui opteront pour cette possibilité conserveront certains de leurs avantages actuels puisqu'ils seront recrutés sur la base d'un contrat à durée indéterminée et qu'ils continueront à bénéficier de certaines dispositions relatives à leur régime de retraite.
    La commission a accepté ce dispositif car elle a conscience qu'il est de nature à accompagner sur le plan social la nécessaire restructuration de GIAT-Industries. Bien évidemment, elle a, au vu de cette modification de fond, également accepté un amendement modifiant la rédaction du titre de la proposition de loi.
    Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter la proposition de loi soumise aujourd'hui à notre vote sur le fondement des propositions et de l'avis de notre commission de la défense nationale et des forces armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous abordons l'examen de cette proposition de loi relative à DCN à un moment très particulier : il y a aujourd'hui un an, jour pour jour, se produisait le terrible attentat qui a tué ou blessé des agents de l'entreprise alors qu'ils étaient en train de remplir leur mission au service de DCN et au service de la France.
    Nous devons tous avoir une pensée pour eux et leurs familles.
    Cette pensée doit aussi nous conduire à dire notre reconnaissance à ceux qui ont déposé ce texte, qui tend à faire une part plus grande aux hommes et aux femmes qui travaillent pour DCN dans la nouvelle entreprise.
    La réforme de DCN est une bonne réforme. S'appuyant sur les expertises et sur les qualifications des personnels, elle donnera à l'entreprise la dimension et les moyens qui lui permettront de devenir une entreprise européenne, de passer des alliances et de répondre aux besoins de développement de tous nos moyens de navigation au niveau européen.
    Dans le cadre de cette réforme, j'attache une importance toute particulière à l'adhésion des personnels. C'est grâce à leur motivation, emportée par leur adhésion à ce projet de l'entreprise, que nous obtiendrons les résultats que nous attendons. Les personnels doivent dont être partie prenante de la nouvelle société et ce sont eux qui participeront au succès de la réforme.
    Or, ainsi que vient de le rappeler M. Vitel, cette réforme se heurte à quelques difficultés de mise en oeuvre, tenant à un certain nombre de rigidités, légales en particulier.
    La direction de DCN et, bien entendu, l'Etat, tiennent tout particulièrement à ce que les différentes catégories de personnels, y compris les ouvriers mis à disposition de la nouvelle société, aient accès à toutes les informations et à toutes les modalités de consultation concernant la situation et les perspectives économiques de l'entreprise, telles qu'elles sont prévues par le code du travail, dans le cadre des comités d'établissement et des comités d'entreprise.
    Je pense que c'est là une condition essentielle du développement d'une culture économique d'entreprise. C'est la raison pour laquelle je remercie le député Jean-Pierre Giran, qui a pris l'initiative de la proposition de loi, ainsi que votre commission, qui a réalisé un excellent travail. Après les membres de cette commission, qui ont adopté ce texte à l'unanimité, je le rappelle, le Gouvernement soutient à son tour la proposition de loi.
    Si vous le permettez, je reviendrai, lorsqu'il sera appelé, sur l'amendement relatif à GIAT-Industries, dont le contenu diffère un peu de celui de l'ensemble du texte, bien qu'il porte lui aussi sur la situation des personnels qui travaillent dans nos entreprises pour le service de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Giran.
    M. Jean-Pierre Giran. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 du 28 décembre 2001 qu'a été fondamentalement modifiée la situation de la direction des constructions navales. Jusqu'alors service à compétence nationale disposant d'un statut de droit public, la DCN devenait une entreprise nationale de droit privé, société anonyme à capitaux détenus à 100 % par l'Etat.
    Cette mutation était destinée à favoriser la compétitivité de cette activité d'intérêt national et répondait sans aucun doute à une nécessité économique. Mais elle créait dans le même temps une rupture avec une tradition à laquelle était très attaché le personnel de la DCN. Ce personnel aurait d'ailleurs, à l'époque, souhaité que cette mutation puisse s'opérer dans le cadre d'un projet de loi spécifique lors de l'examen duquel auraient été débattus et réglés l'ensemble des problèmes qu'engendrait cette transformation. Il aurait également aimé qu'une discussion globale devant la représentation nationale permette de marquer plus clairement ce que la France devait à la DCN et à ceux qui l'avaient servie. Mais les choses ayant été ce qu'elles ont été, la future entreprise DCN-SN prendra très bientôt son envol.
    Pourtant, la précipitation dans laquelle la mesure fut prise me conduit aujourd'hui à présenter, avec nombre de mes collègues, une proposition de loi destinée à combler un vide juridique. Le rapporteur, Philippe Vitel, a en effet rappelé que, dans la situation actuelle, il est interdit à tous les agents mis à la disposition de la DCN par l'Etat d'exercer leurs droits essentiels, notamment celui leur permettant de représenter leur entreprise au sein du conseil d'administration ou conseil de surveillance et, plus généralement, au sein des instances représentatives du personnel, ce droit étant réservé par la loi actuelle aux seuls salariés de l'entreprise au sens strict, c'est-à-dire aux personnels liés avec elle par un contrat de travail. Or, tel n'est pas, à l'évidence, le cas des personnels mis à disposition. Ces derniers pourraient donc injustement être privés de représentation au sein des organes d'une entreprise dont ils constituent pourtant les forces vives.
    Un problème de même nature s'était posé lors du transfert à la société nationale GIAT du personnel des établissements industriels dépendant du groupe industriel des armements terrestres.
    Néanmoins, il y avait une différence essentielle avec le problème à résoudre aujourd'hui : toutes les catégories de personnel mises à la disposition de la société nationale issue du GIAT avaient, en effet, fait l'objet d'un traitement identique. Chacun, qu'il fût fonctionnaire ou ouvrier, avait dû choisir, dans un délai donné, de devenir ou non salarié de la nouvelle société. La décision qui fut alors prise de permettre à l'ensemble du personnel transféré d'être électeur et éligible dans la nouvelle société ne pouvait ainsi engendrer aucun débat puisque n'avait été créée aucune discrimination.
    Dans le cas présent de la société nationale DCN, la situation est différente et plus complexe. Certes, la proposition de loi que je présente avec mes collègues vise à ce que tous les agents mis à disposition puissent jouir de leur plein droit de représentation et d'élection dans la nouvelle société, mais les différentes catégories d'agents n'ont pas été traitées de façon similaire du point de vue de leur transfert dans la nouvelle entreprise. Deux catégories ont été distinguées.
    Une première catégorie, formée des fonctionnaires, des militaires et des agents sous contrat, se voit invitée, sous deux ans, à choisir soit le statut de salarié de droit privé de la nouvelle entreprise, soit le retour dans les services du ministère de la défense ou éventuellement d'une autre structure de l'Etat. Ainsi, dans le cas où cette première catégorie choisirait de rester à la DCN-SN, ses membres deviendraient tous salariés de droit privé stricto sensu de l'entreprise. Leurs droits électifs ne sauraient donc alors être discutés.
    Une seconde catégorie, peut-être un peu plus favorisée, doit également être évoquée. Elle correspond aux ouvriers d'Etat. Pour eux, la situation est plus simple puisqu'ils sont autorisés, jusqu'à la retraite, à conserver leur statut de salariés de l'Etat, donc l'ensemble des avantages matériels, mais surtout psychologiques, qui sont liés à ce statut Dès lors, en permettant à l'ensemble du personnel, toutes catégories confondues, de participer dans les mêmes conditions aux instances représentatives, on applique un traitement identique à des statuts juridiquement différents. On peut comprendre cette assimilation lorsque l'on se place du point de vue de l'unité de l'entreprise, de l'efficacité de sa gestion et de la prise en compte du poids, très majoritaire parmi le personnel, des ouvriers d'Etat. Mais lorsque l'on se place du point de vue des fonctionnaires ou des agents sous contrat, on peut admettre leurs hésitations et leur frustration. C'est ce qu'ont bien compris d'ailleurs la direction de la DCN-SN et l'ensemble des syndicats et c'est à la lumière de cette compréhension et du dialogue qu'ils ont noué que doit s'analyser cette proposition de loi. Un projet d'accord a été conclu entre les partenaires sociaux afin de prévoir une représentation renforcée des cadres dans les différentes instances représentatives du personnel et - nous espérons que ce sera bientôt le cas - au sein du conseil d'administration et du conseil de surveillance. Cette attention particulière portée aux cadres s'adresse en réalité aux fonctionnaires, aux militaires et aux agents sous contrat qui, dans leur quasi-totalité, relèvent du personnel d'encadrement.
    Cette mesure contractuelle permettra de compenser la relative iniquité soulignée par certains. Notre proposition de loi est doublement justifiée puisque, au-delà de son objet propre, elle constitue une condition préalable à la signature de l'accord collectif.
    Tel est, madame la ministre, le sens de cette proposition de loi. Les employés de la DCN-SN doivent avoir les mêmes droits que ceux de n'importe quelle entreprise. D'autres, avant vous, l'avaient oublié. Je suis heureux que nous puissions aujourd'hui le rappeler et réparer cet oubli. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
    M. Jean-Claude Viollet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos au texte initial de la proposition de loi de Jean-Pierre Giran relatif à la DCN, laissant le soin à Pierre Forgues d'intervenir sur l'amendement du Gouvernement concernant GIAT-Industries.
    Un mot tout d'abord pour nous souvenir, comme vous l'avez fait, madame la ministre, à cet instant où nous évoquons l'avenir de la DCN, qu'il y aura demain un an jour pour jour - c'était le mercredi 8 mai 2002 - onze de ses salariés, ingénieurs, techniciens et ouvriers, trouvaient la mort dans un lâche attentat à Karachi et douze autres étaient blessés, alors qu'ils participaient à une mission ponctuelle pour l'assistance à la construction d'un sous-marin de type Agosta par le Pakistan.
    En ce moment même, en l'établissement de DCN Ruelle, en Charente, une cérémonie commémore la disparition d'un de ses salariés, Jean-Pierre Delavie. Cette cérémonie retient notre collègue Jean-Claude Beauchaud, également député de la Charente, et je souhaitais ici rappeler la mémoire de ces hommes victimes d'un acte ignoble, auxquels le Pakistan a tenu à rendre hommage en son ambassade à Paris, hier. Cela dit, pour rester fidèles à l'engagement pris devant eux et tous les autres salariés de DCN, le 6 juillet 2001, il nous appartient de créer toutes les conditions du succès de la transformation de DCN en société nationale.
    Nous disions alors, et nous n'avons cessé de le rappeler depuis, que la future société DCN pourrait prétendre à un avenir prometteur à condition que, assurée de son unité et de son ancrage dans le secteur public, elle soit correctement capitalisée dès le départ, qu'elle ait, sur une période suffisamment longue, un niveau d'activité suffisant et un plan de charge conséquent et que la situation de ses personnels en place au moment du changement de statut, soit assurée, pour chacune des catégories - militaires, fonctionnaires civils, agents sous contrat et ouvriers d'Etat - par un accord d'entreprise.
    Mois après mois, au fil des décisions politiques du gouvernement précédent et de celui auquel vous appartenez, madame la ministre, ces garanties se mettent en place, dans une démarche concertée à laquelle participent toutes les organisations syndicales représentatives des personnels, démarche initiée, dans la continuité, par la direction de DCN. Toutefois - cela a été dit par le rapporteur et par l'auteur de la proposition de loi -, le retour au processus législatif est aujourd'hui nécessaire pour traiter de la représentation, au sein du conseil d'administration et des instances représentatives, des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers d'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001.
    En effet, aux termes de cette dernière, les ouvriers de l'Etat de DCN conserveront leur statut et seront mis à la disposition de la future entreprise. Les autres catégories de personnels, également mis à la disposition de DCN dans un premier temps, devront opter, dans un délai de deux ans, entre la signature d'un contrat de travail de droit privé ou le retour dans les services de l'Etat. Les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers d'Etat qui ne seront pas liés à DCN par un contrat de travail ne pourront, par conséquent, pas être assimilés à des salariés de l'entreprise et donc, en principe, être représentés au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et des autres instances représentatives du personnel.
    Or, aux termes de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, les représentants du personnel qui siègent aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises nationales sont « élus par les salariés ». En outre, le code du travail prévoit explicitement que les représentants des personnels au sein des instances représentatives du personnel - qu'il s'agisse des comités d'entreprise, des délégués du personnel ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - sont, eux aussi, désignés par les salariés. Cette question n'est pas anodine compte tenu des compétences de toutes ces instances et du fait que l'implication des personnels, de tous les personnels, est l'une des clés de la réussite de la réforme en cours.
    Il est donc essentiel que les personnels mis à disposition de DCN par l'Etat, tout en conservant leurs statuts, restent pleinement associés à la vie de la future entreprise, ce qui implique notamment qu'ils puissent être électeurs et éligibles dans les élections professionnelles ou d'entreprise, avec la faculté d'être désignés à toutes les fonctions qui découlent de la position d'élu. Le droit du travail permettant à certaines règles de nature conventionnelle de compléter les normes législatives, un accord d'entreprise aurait pu prévoir la représentation des personnels de l'Etat conservant leur statut au conseil d'administration ou de surveillance ainsi que dans les instances représentatives du personnel au sein de la nouvelle société, sous réserve toutefois de l'unanimité des organisations syndicales représentatives de ces personnels. Faute de ce consensus, il convient de procéder par l'adoption de dispositions législatives dérogatoires.
    Le travail en commission de la défense nationale et des forces armées, le 30 avril dernier, a permis de préciser ce texte, notamment à travers l'adoption d'un amendement du rapporteur Philippe Vitel renvoyant non seulement aux dispositions pertinentes de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du service public, mais aussi aux titres II et III du livre quatrième du code du travail, l'un concernant les délégués du personnel, l'autre les comités d'entreprise, ainsi qu'au chapitre VI du titre III du livre deuxième de ce même code concernant les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Les attributions et les droits dont pourront se prévaloir les personnels de l'Etat mis à disposition de la future société nationale DCN sont ainsi clarifiés du point de vue de la loi. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce texte, comme il l'a fait en commission.
    Pour autant, il nous paraît nécessaire, au-delà de l'aspect purement législatif, de poursuivre la clarification du volet social de la réforme. Ainsi, madame la ministre, nous souhaitons que soit pris ici l'engagement que sera recherchée, à travers l'accord d'entreprise et dans le cadre de la mise en oeuvre de la présente loi, une juste représentation des différentes catégories de personnels de l'Etat comme de la future société, au fur et à mesure de l'évolution de celle-ci - je veux dire de l'évolution du volume et de la structure de ses effectifs, nationalement comme pour chacun de ses établissements.
    De même, il faut rechercher la meilleure articulation entre, d'une part, les instances représentatives, maintenues, des personnels de l'Etat et, d'autre part, le conseil d'administration ou de surveillance et les instances représentatives des personnels oeuvrant au sein de la future société, pour une parfaite cohérence et une pleine efficacité du dispositif d'ensemble.
    Enfin, il conviendrait de préciser que les personnels d'Etat mis à disposition de la future société DCN bénéficieront de plein droit des dispositions applicables aux salariés de la future entreprise s'agissant de l'exercice du droit syndical - chapitre II du titre Ier du livre quatrième du code du travail -, de l'intéressement, de la participation et des plans d'épargne salariale - titre IV du livre quatrième du code du travail -, de la formation économique, sociale et syndicale - titre V du livre quatrième du code du travail -, ainsi que de l'ensemble des dispositifs sociaux qui y verront le jour, qu'il s'agisse des oeuvres sociales, des activités sportives ou culturelles des comités d'établissement ou du comité central d'entreprise et, s'ils en font le libre choix, des dispositifs de prévoyance par exemple. Cela renvoie bien évidemment à la question de la participation financière de l'employeur, c'est-à-dire à un arbitrage entre la future société et l'Etat, pour les personnels mis à disposition. Selon nous, ce point devrait être tranché avant le changement de statut de DCN.
    Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses ou des éléments de réponse que vous voudrez bien nous donner et des engagements que le Gouvernement prendra sur ces différents points. Je suis convaincu que seule l'évolution en cours permettra à DCN de briser le carcan administratif qui limitait jusque-là sa réactivité, de recruter les compétences nouvelles nécessaires à sa pleine vitalité, de prendre toute sa place dans le vaste mouvement d'alliances et de regroupements qui s'est engagé dans le secteur de l'industrie navale militaire et d'obtenir sa juste part des grands projets d'armement européens. Je suis tout aussi convaincu que la réussite de ce processus passe par la confiance qu'y placeront les personnels, confiance sans laquelle il serait vain d'espérer leur pleine mobilisation.
    Je conclurai, madame la ministre, en faisant observer, mais vous le savez, que nous resterons particulièrement attentifs à l'exécution des décisions prises, dans l'attente du rapport que l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 2001 vous fait obligation de transmettre chaque fin d'année, aux commissions de la défense et des finances des deux assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Monsieur le président, madame la ministre, le groupe UDF souhaite s'associer à l'hommage qui a été rendu tout à l'heure aux Français qui sont tombés il y a un an, à Karachi. Je propose de leur dédier cette proposition de loi, qui marque l'aboutissement du processus engagé avec la loi de finances rectificative pour 2001 et au terme duquel la DCN doit changer de statut, pour devenir une société de droit privé à capitaux publics.
    Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision qui permettra à la DCN d'être plus performante, plus compétitive, mais, pour que ce soit un réel succès, il faut qu'intervienne le dialogue social auquel le Gouvernement est si attaché, tout comme l'UDF - François Bayrou l'a répété à plusieurs reprises lors de la campagne présidentielle. Ce dialogue social n'a souvent lieu dans notre pays qu'après un conflit. Il faudrait qu'il puisse intervenir bien avant, comme en Allemagne ou en Espagne, et que le conflit ne soit que le résultat d'un échec de cette négociation.
    En tout cas, madame la ministre, il faut assurer l'égalité des salariés. Il ne serait pas bon que certaines personnes soient favorisées. Dans cette entreprise DCN, certaines personnes sont sous statut de la fonction publique, d'autres sous statut militaire, d'autres encore sous contrat de travail de droit privé. Toutes se battent pour leur entreprise et on leur impose des contraintes liées à la flexibilité, par exemple. Dès lors qu'elles ont les mêmes devoirs, ces personnes doivent avoir les mêmes droits. Cela va dans le sens de ce que nous souhaitons, même si nous savons que, s'agissant de fonctionnaires, les choses sont parfois un peu plus compliquées. La théorie juridique voudrait que le fonctionnaire ne soit pas directement associé à l'organisation de son travail, mais dans la réalité il en va tout autrement et l'on ne peut que s'en réjouir. Je pense en particulier à ce qui a été décidé tout récemment pour responsabiliser les fonctionnaires et mettre un terme à l'anonymat, par exemple dans leur correspondance avec les usagers. De ce point de vue, les choses sont tout à fait cohérentes. Cette proposition de loi facilitera aussi les fusions ou les réhabilitations dans l'entreprise. C'est une chose à laquelle nous sommes tous très attachés.
    La DCN fait preuve d'un savoir-faire qui existe dans d'autres entreprises, en particulier chez GIAT-Industries. Il se trouve que je suis un élu de la Loire, région particulièrement touchée par les difficultés de GIAT-Industries sur les sites de Roanne, Saint-Etienne et Saint-Chamond. J'interviendrai lorsque nous discuterons de l'amendement concernant les ouvriers sous décret, que nous voterons bien évidemment puisqu'il va dans le bon sens, mais il nous faudrait envisager d'aller plus loin dans ce domaine.
    A la DCN comme à GIAT-Industries, il y a donc un réel savoir-faire à préserver - je pense notamment aux sous-marins nucléaires et à tout ce qui tourne autour des frégates. Un travail important a été fait et je crois savoir que le carnet de commandes est complet jusqu'en 2005, mais, pour la suite, il faudra élargir les débouchés, dans le cadre de l'Europe de la défense qui se construit. En tout cas, c'est le voeu de l'UDF, qui votera bien évidemment cette proposition de loi, car elle va dans le bon sens et assure l'égalité de tous les salariés pour qu'ils soient maîtres du devenir de leur entreprise et qu'ils aient un peu plus d'audace que l'Etat jusqu'à présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise porte dérogation au code du travail. Elle permettra à différentes catégories de salariés d'être électeurs et éligibles au conseil d'administration ou de surveillance, ainsi que dans les instances représentatives du personnel de la société DCN. Si cette proposition de loi nous paraissait, en l'état primitif de sa rédaction, constituer une avancée en s'inscrivant plus largement dans le cadre du changement de statut du service à compétence nationale DCN en une société de droit privé à capitaux public au 1er juin 2003, la présentation, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 88 du règlement, d'un article additionnel par le Gouvernement modifie fondamentalement notre appréciation sur ce texte.
    A l'heure où nous parlons, les négociations entre les syndicats et la direction de GIAT-Industries sont en cours. Cet amendement vient donc interférer avec des discussions qui ne sont pas terminées et constitue un moyen de pression sur les représentants des salariés.
    M. Yves Fromion. C'est complètement faux !
    M. Daniel Paul. Vous ne vous étonnerez donc pas, madame la ministre, que le vote positif que nous nous apprêtions à émettre sur le texte initial se transforme en un vote négatif si votre amendement devait être maintenu.
    Le changement de statut de la DCN fut introduit par l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 2001. Les députés communistes avaient déjà voté contre, soutenant par leur opposition la lutte des salariés de la DCN. Ils revendiquaient le maintien du service à compétence nationale ou, à tout le moins, la tenue d'un débat public sur l'avenir de l'industrie nationale d'armement et des véritables enjeux contenus dans la transformation du statut de la DCN. Ce débat est toujours et, devrais-je dire, encore plus d'actualité aujourd'hui.
    D'abord parce que sa transformation en société de droit privé sera effective dans quelques jours, au 1er juin.
    Ensuite parce que la situation de l'emploi en France se trouve dans un contexte alarmant. Quel lien, me direz-vous ? Je vous le rappelle, l'objectif initial du changement de statut de la DCN visait à « assurer la pérennité de l'industrie navale de défense européenne et des emplois qui y sont attachés ». Or la direction de la DCN a confirmé, le 12 mars 2003, la suppression de plus de 1 000 emplois en trois ans, ramenant à 12 300 environ les effectifs de l'entreprise d'ici à 2005. Si cette décision se confirme - et il y a de forts risques -, ce seront, au final, plus de 4 000 emplois qui auront disparu en six ans. Nous sommes bien loin, donc, de la préservation de l'emploi qui était initialement promise.
    Enfin, parce que le coût de cette privatisation sera important pour l'Etat actionnaire : 540 millions d'euros pour la capitalisation, auxquels s'ajoutent 644 millions pour moderniser l'outil industriel et apurer les dettes. Au total donc, les contribuables devront payer 1,2 milliard d'euros pour un maintien encore incertain à long terme de l'entreprise dans le secteur public.
    M. Michel Voisin, vice-président de la commission de la défense nationale et des forces armées. C'est un orfèvre qui parle !
    M. Daniel Paul. Enjeux sociaux car de nombreux emplois sont visés à court ou moyen terme. Cette décision de la direction a été rendue publique au moment où l'on évoque la construction du deuxième porte-avions.
    M. Yves Fromion. Vous êtes contre ?
    M. Daniel Paul. Il semblerait que la maîtrise d'ouvrage de ce porte-avions échapperait à la DCN, ce qui serait sans précédent en matière de construction militaire, et risquerait de placer la DCN dans des difficultés supplémentaires. Comble du comble, la réalisation de la coque pourrait éventuellement lui revenir, mais, sous un faux prétexte de capacité de bassin, cette coque serait fabriquée en Pologne. Où va-t-on ? On reproduit le même schéma que pour GIAT-Industries ! Ainsi, un investissement public, financé à 100 % par de l'argent public, ne servirait pas l'emploi dans notre pays. Pour reprendre une déclaration syndicale récente, la nouvelle DCN se construit sur une politique de sous-traitance à tout va, y compris à l'étranger.
    Je l'ai indiqué, près de 1 000 emplois publics sont dès à présent en danger. La direction de la DCN compte en effet procéder, d'une part, à un plan social et, d'autre part, au non-remplacement de l'ensemble des départs dits « volontaires ». De fait, seuls les ouvriers de l'Etat ont la garantie de conserver leur statut jusqu'à leur départ en retraite.
    Les 2 500 fonctionnaires pourront demander leur détachement ou leur mise en disponibilité pour signer un nouveau contrat de travail. Quant aux 800 agents contractuels mis à disposition, ils devront conclure un CDI de droit privé avec la DCN dans les deux ans. Ces salariés, ainsi que ceux arrivant à l'âge de la retraite, ne seront pas tous remplacés. Sur les 2 000 à 2 600 postes libérés, la DCN annonce le recrutement, sous contrat privé, de seulement 1 300 à 1 400 personnes qui seraient, elles, « jetables » plus facilement.
    Plusieurs questions se posent donc à nous qui devons décider aujourd'hui si les salariés mis à disposition de la DCN pourront être électeurs et éligibles dans les instances de la DCN. Ainsi, quelles garanties seront offertes aux fonctionnaires désirant réintégrer un ministère, alors que le Gouvernement annonce un gel de l'emploi public et une réduction des déficits ?
    La coexistence de différents statuts et contrats de travail au sein d'une même entreprise va certainement faire naître des difficultés pour garantir l'homogénéité des équipes. Si l'on ajoute à cela les suppressions d'emploi à répétition que connaît la DCN, on va assister à une véritable casse des savoir-faire et des compétences acquises. La France s'est dotée d'un outil public reconnu internationalement. Or il est aujourd'hui menacé sous prétexte qu'il faut parvenir à un meilleur positionnement dans un secteur concurrentiel. Les salariés de la DCN ne sont pas dupes, eux qui ont revendiqué le maintien de leur service dans la sphère publique.
    Enjeux sociétaux aussi car l'entreprise DCN ne fabrique pas n'importe quel type de produit. Il s'agit d'armes et de navires de guerre. La transformation d'une direction en service à compétence nationale puis en société anonyme est inquiétante. L'Etat reste, pour le moment, le seul actionnaire, mais qu'en sera-t-il dans le futur ? Les accords de partenariat, les créations de sociétés ou de filiales communes avec d'autres partenaires privés étrangers font craindre une privatisation partielle ou totale de la DCN et l'abandon de sa mission de service public. La conclusion des contrats de vente d'armes serait alors conditionnée prioritairement par la recherche de profits maximums. Les armes ne doivent en aucun cas être considérées comme des marchandises comme les autres. Il est donc nécessaire d'obtenir de véritables garanties pour que la DCN ne devienne pas, par le jeu de fusions et de participations croisées, un simple marchand de canons, rapidement visé par les grands groupes des Etats-Unis comme c'est le cas dans d'autres pays européens.
    Enjeux sociétaux enfin, au vu de ce qu'on appelle trop simplement le « nouveau désordre mondial ». Aujourd'hui, les armées sont professionnalisées, les industries d'armement sont massivement privatisées, la politique de défense suit, à travers l'Europe, les concepts stratégiques américains, et les Etats-Unis, dont le budget d'armement ne cesse de croître, se définissent comme les maîtres sans partage du monde. Aussi la question des possibilités d'un contrôle citoyen sur des décisions qui nous concernent tous se pose-t-elle aujourd'hui avec insistance.
    Il est temps d'écouter tous ceux qui, dans tous les pays du monde, ont manifesté contre la guerre en Irak et demandent la paix et le désarmement de la planète. Les sommets du G8, où se rassemblent les dirigeants des huit pays les plus riches - et les mieux armés - du monde, sont obligés de se réunir dans des zones rouges, interdites aux citoyens. Le prochain, qui se tiendra début juin à Evian, fait déjà l'objet de mesures extraordinaires pour un pays comme le nôtre.
    Etait-il nécessaire, dans un contexte régional tendu, de vendre trois sous-marins Agosta 90 B au Pakistan, mais aussi six sous-marins de type Scorpène à l'Inde ? Est-il normal que l'Etat prenne comme arguments, pour la transformation de la DCN en société de droit privé, ses difficultés financières et sa prétendue non-compétitivité ? Un rapport de la Cour des comptes démontrait en 2001 que le contrat d'exportation au Pakistan était déficitaire dès le départ. Aujourd'hui, l'Etat, par le biais de nos impôts, va apurer ces 304 millions de dettes. En cas de privatisation de la DCN, quels seront les moyens de contrôle de la puissance publique et des citoyens sur les marchés d'armement ? Il existe un vrai danger, nécessitant une prudence qui fait aujourd'hui défaut. C'est de sécurité et de défense nationale que nous parlons. Les salariés de la DCN, qui luttent contre le désengagement de l'Etat, en sont convaincus.
    La présente proposition de loi ne peut se penser hors de ce cadre de débat plus large. L'avenir public de la DCN est un enjeu fondamental pour ses salariés et, au-delà, pour l'ensemble de notre pays.
    Si vous retiriez votre amendement, madame la ministre, nous n'aurions aucune raison, comme je vous l'ai dit avant cette séance, de nous opposer à cette proposition de loi. Celle-ci permettrait, en effet, aux ouvriers d'Etat, qui sont mis à disposition de l'entreprise sans limitation de durée ainsi qu'aux fonctionnaires militaires et civils de participer aux instances représentatives du personnel et au conseil d'administration ou de surveillance. En revanche, elle ne concernerait que de manière transitoire - et nous pouvons le regretter - les agents sous contrat. Ces 800 salariés devront bientôt choisir entre un contrat de droit privé pour rester à la DCN et une affectation dans un service de l'Etat. Nul doute que, là aussi, nous aurons à évoquer à nouveau cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Lemière.
    M. Jean Lemière. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'adoption, par notre assemblée, de l'article unique concernant la représentation des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de la nouvelle entreprise nationale DCN au sein de son conseil d'administration ou de surveillance et de ses instances représentatives du personnel est très attendue. Ce texte est en effet indispensable si l'on veut que les droits de tous les personnels soient respectés dans le cadre de la nouvelle entreprise qui va naître le 1er juin 2003.
    Comme pour les autres sites DCN concernés, l'article unique présenté aujourd'hui, le 7 mai 2003, marque une date importante dans l'hisotoire de DCN Cherbourg.
    Songeant aux personnels qui, depuis plus d'un siècle, ont fabriqué à Cherbourg la flotte sous-marine française, il est impossible de ne pas évoquer le 8 mai 2002, ce jour noir pour DCN Cherbourg et pour la France. Les victimes de l'attentat de Karachi s'ajoutent, dans notre mémoire, aux centaines de travailleurs qui ont péri lors d'essais de submersibles tout au long de l'histoire de l'entreprise. Ceux qui ont construit les sous-marins et les militaires qui les ont utilisés ont payé un lourd tribut pour garantir la défense de la nation.
    Demain, à Cherbourg, sur le site de DCN, une plaque sera dévoilée à la mémoire de nos compatriotes, disparus il y a un an.
    Pour l'avenir, qui est désormais très proche, la participation des ouvriers de l'Etat, des fonctionnaires et des agents sous contrat au fonctionnement de la nouvelle entreprise permettra, par le biais de leur présence au sein des comités d'hygiène et de sécurité - entre autres - de poursuivre l'amélioration de la sûreté des conditions de travail.
    Les fortes commandes de l'Etat, incluses dans la loi de programmation militaire 2003-2008, chargent DCN Cherbourg de réaliser, pour cette période, deux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins nouvelle génération, Le Vigilant et Le Terrible, et de commencer la construction de deux sous-marins nucléaires d'attaque de type Barracuda.
    A côté de ce plan de charges qui représentera annuellement 2,25 millions d'heures productives, DCN Cherbourg s'est engagée dans la construction de sous-marins classiques de type Agosta et maintenant Scorpène pour le Chili, la Malaisie, bientôt peut-être pour l'Inde et le Portugal.
    La technologie française en matière de sous-marins est sans doute la meilleure au monde. Les succès remportés ne doivent cependant pas cacher la complexité des marchés d'exportation, en raison des enjeux européens et internationaux.
    Le changement de statut de DCN lui permettra de participer aux restructurations européennes. Libérée des contraintes administratives et juridiques, notamment celles inhérentes aux marchés publics, l'entreprise pourra améliorer sa compétitivité, sa réactivité et ses réseaux de commercialisation.
    Mais cette adaptation ne pouvait être pensée sans considérer la situation particulière des personnels qui doivent être mis à la disposition de la nouvelle entreprise et l'importance d'entretenir leur motivation. Ces personnels ne pouvaient rester en marge de l'évolution positive qui touche une entreprise à laquelle ils sont à la fois fidèles et dévoués. Aussi me semble-t-il indispensable et légitime qu'ils continuent d'y être pleinement associés et que, à cette fin, ils soient à la fois électeurs et éligibles au sein des instances représentatives.
    C'est pourquoi, après l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001, l'article unique qui nous est présenté aujourd'hui constitue, à sa place, un maillon essentiel pour transformer DCN en une véritable entreprise performante à capitaux d'Etat, mais avec une autonomie qui confirmera son excellence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Marguerite Lamour.
    Mme Marguerite Lamour. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi concernant la représentation du personnel de la direction des constructions navales, dont je suis cosignataire, ne peut me laisser indifférente en ma qualité de députée de Brest.
    En effet, Brest, port militaire par excellence, représente l'un des pôles importants de DCN eu égard au nombre des salariés. C'est dire si l'entreprise est essentielle au développement de notre territoire ouest-breton, tant en termes de main-d'oeuvre qu'en termes d'activité économique sur l'ensemble du pays de Brest. Par ailleurs, l'entreprise DCN connaît, depuis plusieurs mois, une profonde mutation, qui verra son épilogue, si je puis dire, dans quelques jours, puisque le 31 mai prochain aura lieu le basculement vers la société de droit privé.
    La présente proposition de loi démontre l'attention de la représentation nationale à l'égard des mutations de l'entreprise. Elle traduit la volonté des élus d'être à l'écoute de l'ensemble des salariés, en permettant à toutes les catégories de siéger au sein du conseil d'administration et des instances représentatives du personnel. Ce texte, destiné aux 14 000 salariés de DCN, dont 3 400 environ à DCN Brest, permettra à l'ensemble des personnels d'être associé aux discussions des instances représentatives. Il devrait répondre au souhait formulé par les responsables syndicaux, notamment, de voir traiter les personnels dans leur globalité, quel que soit leur statut. Ces responsables avaient mis en évidence le risque d'un traitement différencié entre les fonctionnaires civils, les militaires, les personnels sous contrat d'un côté, et les ouvriers de l'Etat mis à disposition, de l'autre.
    Le volet social est l'une des clefs du devenir de DCN. Cette proposition de loi constitue à mes yeux une avancée en matière de prise en compte des salariés. C'est ainsi que la mutation de la société DCN pourra s'effectuer le plus sereinement possible avec la participation de toutes les catégories de personnels dans leur globalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Les fonctionnaires, les agents sous contrat et les ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) sont électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, ainsi qu'aux instances représentatives du personel prévues par le code du travail. Ils bénéficient des droits reconnus aux salariés par les articles 5, 7 à 13, 15 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, les titres deuxième et troisième du livre IV, ainsi que le chapitre VI du titre troisième du livre II du code du travail. »
    Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
    (L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

Après l'article unique

    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 1 rectifié, ainsi rédigé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « Les ouvriers de la société nationale GIAT-Industries régis par le décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 relatif aux droits et garanties prévus à l'article 6 b de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant du Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) peuvent être recrutés sur leur demande en qualité d'agent non titulaire de droit public par l'une des collectivités publiques ou un établissement public à caractère administratif mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
    « En cette qualité, ils bénéficient d'un engagement à durée indéterminée, des dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires de la fonction publique dont relève la collectivité ou l'établissement public qui les recrute ainsi que, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, des dispositions réglementaires régissant ces mêmes agents.
    « Dans cette situation, ils peuvent demander à conserver, à titre personnel, le bénéfice du maintien de prestations de pensions identiques à celles qui sont servies aux ouvriers sous statut du ministère de la défense. Le montant des cotisations afférentes au risque vieillesse sera identique à celui mis à la charge des ouvriers sous statut du ministère de la défense. Les conditions d'application du présent alinéa sont précisées par un décret en Conseil d'Etat. »
    La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Mesdames et messieurs les députés, lorsque j'étais venue devant la commission de la défense nationale parler de la situation de GIAT et du projet de rénovation de cette entreprise, je vous avais indiqué que le Gouvernement serait amené à déposer un amendement pour régler la situation d'un certain nombre de personnels, et notamment pour permettre leur reclassement dans la fonction publique. C'est précisément cela que je fais aujourd'hui.
    Je vous rappelle que la société GIAT-Industries, tirant la leçon du passé, a mis au point un nouveau plan qui doit permettre de transformer l'entreprise sur une durée de trois ans, de façon à lui donner des perspectives sur le long terme et des atouts solides et sérieux en matière industrielle, économique et financière, contrairement à ce qui a malheureusement été fait par le passé. Les plans successifs antérieurs, en effet, n'ont pas conduit à des situations pérennes, notamment parce qu'ils ne prenaient pas suffisamment en compte les réalités économiques. Je ne reviendrai pas dans le détail sur le dernier plan proposé, nous avons eu l'occasion d'en discuter longuement.
    Je vous avais également indiqué que le Gouvernement entendait faire en sorte que le volet social de ce plan industriel soit exemplaire par la priorité donnée au reclassement. Je le répète, chaque salarié, dont l'emploi sera supprimé doit avoir une chance réelle de retrouver un véritable travail avec des perspectives durables. L'Etat est bien décidé à assumer dans ce domaine ses engagements en proposant à cette catégorie particulière de salariés, que sont les ouvriers sous décret, deux postes au sein des fonctions publiques, dont un au ministère de la défense.
    Toutefois, l'expérience a montré que ces reclassements au sein des fonctions publiques étaient compliqués et limités du fait d'un certain nombre de blocages administratifs, statutaires ou financiers.
    Or, l'offre que nous faisons ne sera crédible que si ces obstacles à l'accueil dans la fonction publique d'Etat, territoriale ou hospitalière sont définitivement levés. Cet amendement a donc été élaboré pour permettre le recrutement des ouvriers sous décret de GIAT-Industries en tant qu'agent non titulaire à durée indéterminée. Il leur permettra de conserver, à titre personnel, l'affiliation au régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, accordée lors de la constitution de la société nationale. Pour compenser les conséquences des ajustements, ils se verront proposer une indemnité de départ substantiellement renforcée. Bien entendu, le détail de ces mesures financières, que nous n'avons pas à discuter ici, fera l'objet de négociations au sein de l'entreprise.
    L'amendement est donc conforme aux grandes lignes que j'avais exposées au cours de mon audition du 9 avril dernier devant la commission de la défense nationale et la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Afin de concrétiser au plus tôt les engagements pris par le Gouvernement lors de l'annonce du projet de plan, nous avons saisi l'opportunité que représentait la proposition de loi sur la DCN pour y intégrer cette mesure par voie d'amendement.
    Un tel ajout a pu paraître curieux, mais l'amendement, au même titre que la proposition de loi, résout des questions essentielles relatives au statut des ouvriers sous décret.
    Je rappelle également, notamment à M. Paul, que cet amendement lui aussi a été voté à l'unanimité par la commission. Je vous laisse régler vos contradictions internes... Pardonnez-moi, monsieur Paul, mais j'ai cru en découvrir quelques unes dans le contenu même de votre discours. Bref, je n'insisterai pas là-dessus... De toute façon, le sujet ne prête pas à la polémique puisqu'il concerne des hommes et des femmes qui se trouvent aujourd'hui dans des situations difficiles, probablement parce que, dans le passé, on n'a pas pris les mesures qui auraient dû l'être.
    En votant cet amendement, mesdames et messieurs les députés, vous montrerez votre volonté de soutenir ces personnels et de concourir à leur reclassement dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1 ?
    M. Philippe Vitel, rapporteur. Lors de sa réunion, en application de l'article 88 du règlement de notre assemblée, la commission de la défense a, en effet, voté à l'unanimité l'amendement du Gouvernement.
    En ce qui concerne la situation préoccupante de GIAT, je vous renvoie à l'excellent rapport de nos collègues Yves Fromion et Jean Diébold.
    Les ouvriers sous décret représentent aujourd'hui la moitié des effectifs. Il s'agit d'anciens ouvriers de l'Etat ayant conservé l'ensemble des droits et garanties associés à leur statut antérieur en vertu du décret du 9 juillet 1990, et recrutés au titre d'un établissement. Or les règles qui régissent leur statut ne permettent pas leur intégration dans la fonction publique avec autant de facilité que les fonctionnaires détachés. Une application scrupuleuse du droit imposerait aujourd'hui aux personnels concernés une mobilité à laquelle ils ne sont pas préparés en raison de contraintes familiales ou personnelles notamment.
    Comme il est inutile d'ajouter un nouveau traumatisme au choc de la perte de leur emploi, et afin de préserver l'aménagement du territoire, le Gouvernement propose de rendre possible leur recrutement, à leur demande, dans les fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière en qualité d'agents non titulaires. Ce dispositif dérogatoire et exceptionnel devrait permettre de diversifier les solutions proposées aux personnels, ce dont on ne peut que se féliciter.
    Mais, pour que cette possibilité de reclassement soit attractive, il faut que les ouvriers sous décret puissent conserver certains de leurs avantages actuels. C'est pourquoi l'amendement du Gouvernement prévoit deux dérogations au statut général de la fonction publique : en premier lieu, les ouvriers sous décret seront recrutés sur la base d'un contrat à durée indéterminée ; en second lieu, ils conserveront le bénéfice de certaines dispositions relatives à leur régime de retraite. Même s'il présente un lien ténu avec l'objet initial de la proposition de loi, l'amendement se justifie par l'urgence des mesures à prendre pour corriger le sureffectif de GIAT-Industries et assurer ainsi son redressement. J'émets donc un avis favorable à son adoption.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.
    M. Gérard Charasse. Madame la ministre, devant l'urgence de la situation, on comprend l'intérêt de l'amendement du Gouvernement pour les ouvriers d'Etat concernés par le plan GIAT. Cependant, dans le cadre de la négociation engagée entre la direction du GIAT et les organisations syndicales, il ne faudrait pas qu'il apparaisse comme discriminatoire envers les autres catégories de salariés. Je pense aux ouvriers sous convention collective, c'est-à-dire la totalité des 385 ouvriers de la filiale Manurhin qui se trouvent dans ma circonscription. Ce site, vous le savez, hélas ! doit fermer ses portes dans trois ans, et ses ouvriers, qui ont déjà subit le chômage partiel, n'ont que peu d'espoir de retrouver du travail dans l'agglomération vichyssoise.
    Je voterai cet amendement, mais je crois que les ouvriers sous convention collective méritent, eux aussi, qu'on leur témoigne l'intérêt qui leur est dû, afin qu'ils n'aient pas l'impression qu'on leur fait subir, une fois de plus, un traitement discriminatoire. Madame la ministre, que pouvez-vous déjà leur annoncer ?
    M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Madame la ministre, en tant qu'élu de la Loire, et au nom de mes collègues Yves Nicolin, maire de Roanne, et François Rochebloine, député de la circonscription qui comprend le site de Saint-Chamond, je voudrais intervenir en quelques mots à mon tour, pour vous dire combien nous souffrons dans le département, avec l'annonce de 900 suppressions d'emplois à Roanne, et près de 700 à Saint-Chamond.
    Je sais bien que vous n'avez pas souhaité cette situation, et que si les décisions courageuses qui s'imposaient avaient été prises par le gouvernement précédent, nous n'en serions pas là. Malgré tout, je crois qu'on a raconté beaucoup d'histoires aux élus par le passé.
    Ainsi, on est venu me dire qu'il fallait fermer le site de Saint-Etienne - ma circonscription - pour pérenniser celui de Saint-Chamond. A quel beau gâchis assistons-nous aujourd'hui ! Je crois que nous accepterions mieux un sacrifice si nous estimions que votre plan social pouvait vraiment sauver l'entreprise ; or ce n'est pas véritablement l'impression que nous avons. Avec à peu près 2 500 salariés au niveau national, nous ne sommes pas sûrs que la compétitivité de l'entreprise pourra être véritablement assurée.
    Comme mon collègue, je ne peux que me réjouir de la mesure que vous proposez à travers cet amendement en faveur des agents sous décret. Mais que fait-on des autres, les ouvriers sous convention collective, qui sont nombreux ? Rien qu'à Saint-Chamond, ils représentent, je crois, à peu près deux tiers des salariés. Des propositions devraient également leur être adressées.
    Par ailleurs, nous ne voyons rien venir en matière de reconversion des sites. Ces derniers vont se retrouver complètement déserts, à Saint-Chamond comme en d'autres endroits.
    On nous affirme souvent que les salariés sous convention collective trouveront du travail dans le bassin d'emploi de leur région. Dans la nôtre, c'est impossible, sachez-le. Tous les pans de l'industrie s'y sont écroulés ces dernières années. Nous éprouvons déjà de grandes difficultés pour mettre en place les infrastructures nésessaires au développement économique de nos entreprises. Sans une aide de votre part, nous ne pourrons faire face.
    Je vous demande donc, madame la ministre, d'apporter une réponse à ces quelques questions. Je vous demande, aussi, d'user de votre influence auprès de la direction de l'entreprise, en tant que principale actionnaire, afin qu'un peu plus de temps soit consacré à l'accord de méthode. Les syndicats et les salariés n'auront ainsi pas l'impression que toutes les décisions sont prises dans la précipitation, et d'éventuelles alternatives pourront être examinées.
    Cette affaire pose également un problème de confiance. La direction actuelle s'est beaucoup trompée par le passé, et on ne voit pas comment elle pourrait formuler des propositions constructives quant à l'avenir. Il s'agit peut-être d'un domaine où vous devez intervenir, madame la ministre.
    Sachez en tout cas que nous ressentons sur le terrain, une grande détresse humaine. Nous recevons quotidiennement, dans nos mairies, des personnes inquiètes pour leur avenir. Nous n'osons pas imaginer ce qui va se passer dans quelques semaines si votre plan social prend forme, en particulier à Roanne où des listes devront être établies séparant les personnes qui restent de celles qui partent. Je crois pourtant qu'il est encore temps d'intervenir.
    Le groupe UDF votera votre amendement, car nous ne souhaitons pas rompre le dialogue avec vous, mais bien évidemment il ne s'agit pas pour nous d'approuver votre plan social. Dans votre idée, il s'agit du dernier, car il est destiné à pérenniser l'entreprise. Mais nous craignons, nous, qu'il soit le dernier en raison de la disparition de GIAT-Industries, ce qui risque d'arriver si, malheureusement, vous allez au bout des mesures que vous avez annoncées.
    M. Daniel Paul. Eh oui !
    M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues.
    M. Pierre Forgues. Madame la ministre, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'exprimer mon opposition au plan Vigneron de destruction du GIAT, cautionné, il faut bien le dire, par le Gouvernement. A l'instar des organisations syndicales, je demande que ce « plan de casse » soit retiré. Cela prouverait que le Gouvernement s'intéresse au devenir des salariés de GIAT. Il serait d'ailleurs mieux inspiré de proposer au Parlement, plutôt que cet amendement, une loi visant à sauvegarder l'entreprise et lui donner des perspectives d'avenir dans le cadre de la construction de l'Europe de la défense.
    D'un point de vue formel, est-il sérieux et responsable d'aborder, au détour d'un cavalier législatif, la question essentielle du reclassement des travailleurs qui vont être privés d'emploi ? Est-il fécond ou productif de prendre la représentation nationale à revers, de tenter de lui forcer la main, et même de lui tordre le bras, en déposant un amendement inattendu le matin du jour de l'examen d'une proposition de loi sur la DCN ? Quelle désinvolture, tant à l'égard des parlementaires qu'à l'égard des salariés ! Cela révèle l'improvisation, voire la gêne.
    Votre situation, madame la ministre, est en effet difficile. Non seulement vous refusez de discuter du fond et des dispositions d'un plan qui, je le rappelle, n'a toujours pas été présenté officiellement aux syndicats, mais, subrepticement, vous sortez de votre chapeau un amendement qui l'entérine de fait.
    Ce procédé ne semble pas vous tourmenter, pas plus que ne vous gêne l'idée d'opérer, via ce texte, un transfert de charges vers les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers, victimes de la politique de désengagement de l'Etat.
    Je souhaite donc que vous m'indiquiez quel transfert de ressources vous comptez mettre en oeuvre. Je trouve d'ailleurs curieux de devoir formuler une telle demande. Elle est motivée par le fait que le coeur du dispositif proposé est renvoyé à un décret dont nous ne connaissons pas le premier mot. C'est un chèque en blanc qui nous est demandé. Or, madame la ministre, le Gouvernement ne nous a, jusqu'à maintenant, donné aucune raison de lui accorder cette confiance aveugle.
    Tout cela n'est ni fait ni à faire. On nage dans l'improvisation. Un malheureux cavalier législatif ne saurait régler un plan social de GIAT évalué à au moins un milliard d'euros.
    Vous le savez bien, si vous mettez en oeuvre ce plan, aucune solution efficace ne permettra de reclasser dans la fonction publique les salariés de GIAT. Il ne faut pas les tromper et, du reste, ils ne seront pas dupes : 4 000 emplois sur 6 000 vont être supprimés. Il ne s'agit donc pas de sauver l'entreprise ! Il a été fait référence aux plans anciens, qui ne concernent d'ailleurs pas uniquement des gouvernements socialistes. J'ai moi-même connu beaucoup de ministres de la défense et de PDG de GIAT. Tous m'assuraient que leur plan était le dernier. Moi, je leur donnais toujours rendez-vous au prochain. Aujourd'hui, la situation n'est pas plus avancée, à ceci près que ce plan est d'une plus grande ampleur. Je ne suis pas pour autant assuré de sa réussite ni de la pérennisation de GIAT, bien au contraire.
    Sur les 4 000 salariés qui vont perdre leur emploi, combien pourrons-nous reclasser dans les hôpitaux et les collectivités locales ? Vos propositions en la matière sont tout à fait inopérantes. D'ailleurs, lorsque vous proposerez à un ouvrier de GIAT-Tarbes, qui fait construire sa maison dans le village voisin et dont l'épouse travaille sur place à l'hôpital, comme infirmière ou aide-soignante, de lui trouver, par exemple, une place à la préfecture de Charleville-Mézières...
    M. Philippe Vuilque. C'est une ville agréable ! (Sourires.)
    M. Pierre Forgues. Sans doute, mais on ne peut méconnaître le problème humain causé par un tel déplacement. Vos propositions sont de la poudre aux yeux. On recasera quelques salariés, quelques dizaines tout au plus.
    M. Yves Fromion. C'est déjà ça !
    M. Pierre Forgues. J'ajoute que ce sont les maires et les collectivités locales qui embauchent. Si on veut les inciter à le faire, il faut y consacrer des moyens.
    M. le président. Merci, monsieur Forgues...
    M. Pierre Forgues. Dans ces conditions, monsieur le président...
    M. le président. Votre temps de parole est écoulé. Concluez.
    M. Pierre Forgues. ... les députés socialistes ne voteront pas cet amendement.
    M. Yves Fromion. Ah bon ?
    M. Pierre Forgues. Car nous refusons, madame la ministre, de participer au vote d'un amendement désinvolte à notre égard et à l'égard des salariés de GIAT.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Monsieur le président, madame la ministre, j'ai dit tout à l'heure que j'aurais pu voter votre texte, qui est un texte consensuel. Mais profiter d'un texte consensuel pour tenter de faire passer une disposition qui ne l'est pas est à nos yeux inacceptable.
    J'ai passé quelques coups de téléphone entre le début de cette séance et le moment où j'ai pris la parole. J'ai ainsi appris qu'en ce moment même des discussions sont en cours, qui ont probablement pour objectif, comme l'ont indiqué mes collègues socialistes, de sauver le plus d'emplois possible, ou du moins de ne pas diviser les salariés de GIAT ni les organisations syndicales. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'ai eu confirmation que votre proposition d'amendement est inconnue de celles-ci : il s'agit donc bien d'une opération visant à les diviser et à faire pression sur eux. Ce n'est pas acceptable. Cela confirme en même temps vos intentions à l'égard de GIAT, que mes collègues viennent de dénoncer.
    Je voterai par conséquent contre cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.
    M. Yves Fromion. Ce qui vient d'être affirmé l'est à tort. La conférence de méthode qui se déroule actuellement au sein du GIAT ne vise en rien le fond du débat. Il s'agit simplement, pour les partenaires sociaux de l'entreprise, de s'accorder sur le processus à engager. Vous intentez donc un faux procès au ministre. Je m'exprime ici sans esprit polémique, c'est simplement le droit que j'essaie de traduire. Les partenaires sociaux tentent d'élaborer un plan de dialogue et d'envisager la suite des opérations. L'amendement ne saurait peser de quelque façon que ce soit sur le débat.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. J'ai entendu un certain nombre d'erreurs - pour ne pas dire de mensonges parce que je veux croire à la bonne foi de M. Forgues et de M. Paul -, que je vais m'efforcer de rectifier.
    M. Pierre Forgues. Eclairez-nous !
    Mme la ministre de la défense. Un amendement non connu des syndicats ? Je suis désolée, mais un certain nombre d'entre eux me l'ont demandé, à l'occasion de tête-à-tête, afin de garantir le reclassement des ouvriers sous décret ! Il convient, monsieur Paul, de revoir vos circuits d'information !
    De la même façon, M. Forgues parle de démanteler GIAT alors qu'il s'agit exactement de faire le contraire : sauver GIAT.
    Que s'est-il passé à l'occasion des plans précédents ? On a fait beaucoup de démagogie, surtout lors du dernier plan, qui ignorait délibérément la fin des commandes de char Leclerc après 2004, alors que celui-ci représente 75 % de l'activité de l'entreprise. Or tout le monde le savait, y compris des élus locaux. A ce moment-là, on a trompé les ouvriers.
    M. Pierre Forgues. C'est aujourd'hui qu'on le fait !
    Mme la ministre de la défense. Ma démarche, que j'ai demandé à la direction de l'entreprise d'appliquer, est tout à fait différente : elle consiste à faire quelque chose de réellement viable, sur le fondement de ce à quoi l'Etat peut s'engager en tant que client. En effet, vous, mesdames et messieurs de la majorité, avez voté une loi de programmation militaire qui offre à GIAT-Industries des perspectives d'activité sur le long terme.
    Comme je l'ai expliqué devant la commission de la défense et devant la commission des affaires économiques, c'est la raison pour laquelle a été élaboré un projet de contrat d'entreprise qui prévoira combien de VBCI ou de systèmes nous allons commander, ce que représente l'EMCO, etc. Vous connaissez les chiffres puisque vous les avez votés. Ainsi, les salariés qui resteront dans GIAT-Industries auront la certitude d'avoir ce minimum d'activité.
    A partir du moment où ce minimum d'activité aura été assuré avec la garantie des savoir-faire et des expertises de l'entreprise, il sera également possible, parce que la situation financière aura été assainie, de mettre en place les adossements et les contractualisations nécessaires avec d'autres entreprises au niveau européen afin de pouvoir développer, sur des bases saines et sur un coeur de métiers, les activités de GIAT-Industries.
    Voilà ce que nous offrons aux salariés. Contrairement aux plans précédents, nous ne rêvons pas à d'hypothétiques contrats extérieurs.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Nous nous fondons sur la réalité de la garantie de l'Etat français, en espérant - mais ce sera un nouveau développement de GIAT-Industries - qu'il y aura ensuite de nouvelles possibilités.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Pour autant, si nous nous préoccupons - et sérieusement cette fois-ci -, du devenir de GIAT sur le long terme, nous n'oublions ni ceux qui ne seront pas repris dans ce nouveau plan ni les collectivités territoriales.
    Notre but n'est pas d'opérer je ne sais quelle manoeuvre dilatoire. Il s'agit tout simplement de tenir un engagement que j'ai pris à l'égard des syndicats et de la direction pour faciliter la vie de la catégorie des salariés sous décret. En l'occurrence, l'Etat actionnaire tiendra ses engagements. Ainsi, il reprendra au sein du ministère de la défense les fonctionnaires qui, dans l'entreprise, dépendent évidemment de lui, et il proposera aux ouvriers sous décret, envers lesquels nous avons des responsabilités particulières, des reclassements dans les fonctions publiques. Cela a été annoncé depuis longtemps et figure dans le plan.
    C'est pourquoi je vous demande de faire en sorte qu'aucune complication administrative ne vienne entraver ces possibilités de reclassement en permettant qu'ils interviennent dans les conditions les meilleures et les plus simples possibles. Tel est l'objet de cet amendement, et rien d'autre.
    Si vous ne voulez pas donner ces facilités aux salariés sous décret, assumez-en la responsabilité. Ils sauront que vous êtes contre le fait de leur offrir des possibilités de reclassement facile.
    En ce qui concerne les salariés sous convention collective, il ne s'agit pas d'opposer les salariés les uns aux autres. Ce n'est pas parce que l'on essaye de régler les problèmes d'une catégorie qu'on l'oppose aux autres. Il est évident que nous devons traiter tous les cas. Je vous ai déjà indiqué que nous reprendrions les fonctionnaires au ministère de la défense ; que nous offririons aux ouvriers sous décret soit de vraies perspectives dans l'entreprise, soit des possibilités de reclassement. Eh bien, même si cela ne relève pas directement de la compétence de l'Etat, nous nous intéresserons aussi à ceux qui sont sous convention collective en mettant en oeuvre des mesures destinées à les aider prioritairement à retrouver un emploi.
    Nous tenons à être exemplaires en recourant aux méthodes les plus adaptées et, surtout, en veillant à traiter individuellement tous les cas afin que chacun bénéficie de la meilleure solution possible. Il est d'ailleurs évident que, dans leur mise en oeuvre, il faut aussi tenir compte des considérations liées à l'aménagement du territoire sur lesquelles vous m'avez interrogée.
    En effet, sur certains sites, les établissements seront fermés totalement ou partiellement, et il conviendra d'en tenir compte dans les solutions offertes aux salariés sous décret et aux salariés sous convention collective.
    A cet égard, je vous ai d'ores et déjà annoncé que le ministère de la défense opérerait certains transferts et réimplantations, en particulier en ce qui concerne Roanne et Tulle. Au-delà, nous étudions d'ores et déjà, en particulier avec les organismes qui s'occupent de la reconversion et de l'aménagement du territoire, les possibilités qui pourraient être offertes par des entreprises privées, dont certaines passent d'ailleurs des contrats avec l'Etat et avec le ministère de la défense, pour développer des activités nouvelles. Actuellement je ne peux donner aucune précision, même pour les cas dans lesquels les discussions sont avancées, car aucune n'a encore abouti. Pour certaines, cela sera très prochainement le cas et, de toute façon, elles auront toutes été menées à terme avant la fin des trois années pendant lesquelles le plan sera mis en oeuvre.
    S'agissant enfin de la dernière question relative à la méthode et au calendrier, je vous indique que ce dernier sera fixé à l'issue d'une nouvelle réunion qui se tient aujourd'hui-même. Il ne me revient d'ailleurs pas de vous l'annoncer puisqu'il doit découler des discussions entre la direction de l'entreprise et les syndicats.
    Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les indications que je tenais à vous donner. Les deux articles sont différents, mais ils ont le même objet : offrir aux hommes et aux femmes qui travaillent pour des entreprises liées au ministère de la défense des facilités et une vraie reconnaissance de ce que nous leur devons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)

Titre

    M. le président. Nous en venons maintenant au titre de la proposition de loi.
    Je vous rappelle que, conformément aux conclusions de la commission, ce titre est ainsi rédigé :
    « Proposition de loi relative à la représentation des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN au sein de son conseil d'administration ou de surveillance et de ses instances représentatives du personnel. »
    Sur ce titre, je suis saisi d'un amendement, n° 2, présenté par M. Vitel.
    Cet amendement est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :
    « Proposition de loi portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT-Industries. »
    La parole est à M. Philippe Vitel.
    M. Philippe Vitel, rapporteur. La commission de la défense a convenu de la nécessité de tirer les conséquences de l'amendement du Gouvernement en modifiant le titre de la proposition de loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de la défense. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Le titre de la proposition de loi est donc ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.
    Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

3

DÉVOLUTION DU NOM DE FAMILLE

Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la dévolution du nom de famille (n°s 808, 824).
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous avez à examiner aujourd'hui la proposition de loi du sénateur Henri de Richemont adoptée par le Sénat le 10 avril dernier en première lecture.
    Comme vous le savez, ce texte a pour objet de remédier aux imperfections techniques importantes de la loi de mars 2002 relative à la dévolution du nom de famille. Il ne s'agit pas de rouvrir un débat de fond sur ce sujet délicat. Les discussions parlementaires qui ont eu lieu l'an passé, même si elles ont pâti d'une fin de législature trop chargée, ont abouti, en définitive, sur les grandes orientations, à des solutions pour l'essentiel équilibrées.
    Le vote qui est intervenu a permis, en outre, de rendre nos règles en matière de dévolution du nom compatibles avec le principe d'égalité des sexes posé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
    A la prééminence paternelle et à l'attribution systématique du nom du mari, la loi de mars 2002 a en effet substitué le principe du libre choix par les parents du nom des enfants à leur naissance. Les parents pourront ainsi opter entre le nom du père, celui de la mère ou leurs deux noms accolés. En appliquant ce dispositif aux enfants légitimes comme aux enfants naturels, la loi a en outre procédé à l'harmonisation des règles de dévolution du nom, lesquelles ne dépendront plus de la nature du lien de filiation.
    A titre résiduel néanmoins, elle a maintenu la règle de dévolution du nom du père en l'absence de choix exprès des parents, intégrant ainsi le poids de la tradition.
    Toutefois, ce texte, dont l'entrée en vigueur était prévue au 1er septembre 2003, risque de se heurter dans son application à des difficultés majeures, sources d'insécurité juridique et d'insatisfaction pour nos concitoyens. Dans sa rédaction, le texte souffre en effet de malfaçons, de contradictions et de lacunes que, dans un souci de pragmatisme, la proposition de loi que vous examinez aujourd'hui s'efforce de corriger.
    D'une part - et c'est un impératif que je crois incontournable - elle diffère son entrée en vigueur ; d'autre part, elle apporte au texte de 2002 les aménagements techniques indispensables. Dans le prolongement de cette proposition, votre commission des lois vous propose opportunément de perfectionner encore ce dispositif, ce qui, je l'indique tout de suite, recueille ma complète adhésion.
    Il est d'abord proposé le report de l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2005, soit un peu plus d'un an après la date initialement prévue. En effet, on ne peut bouleverser un système, héritage de nos traditions, sans assurer un temps de transition suffisamment long pour mettre en place les adaptations nécessaires. Or le législateur de 2002 avait sans doute sous-estimé la durée de cette indispensable transition.
    Certes, dès le lendemain du vote de la loi, un groupe de travail interministériel a été mis en place pour préparer l'entrée en vigueur de la réforme. Cependant, le constat a dû être fait d'un calendrier trop serré devant l'ampleur de la tâche.
    En effet, en la circonstance, il ne s'agit pas seulement d'édicter les textes d'application qui s'imposent - décrets, circulaires, mises à jour de l'instruction générale relative à l'état civil - même si ceux-ci s'avèrent particulièrement délicats à élaborer. Il faut également veiller à ce que les services d'état civil et administratifs soient suffisamment formés pour répondre aux conséquences de la réforme.
    Dans la mesure où le nom figurera désormais dans le corps même de l'acte, de nouveaux modèles d'actes de naissance sont à élaborer. Ils devront être enregistrés dans les logiciels de gestion de l'état civil. De même, tous les fichiers informatiques gérés par les administrations doivent être adaptés pour permettre de prendre en compte les options désormais possibles et l'allongement des noms qui pourra en résulter.
    Le report de l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2005 permettra d'appliquer le nouveau dispositif avec la sécurité juridique indispensable. D'ailleurs, ce rapport ne sera pas pénalisant pour les parents. En effet, le champ d'application de la disposition transitoire reste inchangé, de sorte que les parents d'enfants âgés de moins de treize ans au 1er septembre prochain pourront toujours en bénéficier, sous réserve, bien sûr, du consentement de l'enfant, lorsque celui-ci aura plus de treize ans à la date de la déclaration de ses parents.
    J'en viens aux aménagements apportés par la proposition de loi.
    Soucieuse de remédier aux carences de la loi de mars 2002 et de lever certaines ambiguïtés, la proposition de loi comporte des dispositions essentielles qui, non seulement, précisent le nouveau régime, mais également faciliteront les démarches des parents, ce qui me paraît tout à fait indispensable.
    Ainsi, les possibilités existant actuellement pour les mères non mariées de transmettre leur nom sont rétablies.
    Ensuite, le bénéfice de l'option est étendu aux parents français résidant à l'étranger ainsi qu'à ceux acquérant la nationalité française, alors qu'en l'état du texte, ils en sont exclus.
    Par ailleurs, l'exercice de l'option est encadré par l'instauration d'un principe d'unicité du choix, ouvert aux seuls parents et toujours effectué devant l'officier de l'état civil. Ce choix ne pourra plus être remis en cause pour garantir la stabilité de l'état de l'enfant et l'immutabilité du nom.
    Corollaire de ce nouveau principe, le Sénat a justement supprimé la faculté qui aurait permis, à compter de 2021, aux personnes majeures d'ajouter, sans avoir à justifier d'un intérêt particulier, le nom du parent qui n'a pas été transmis.
    Autre point : le nombre de noms conférés à l'adopté, en cas d'adoption simple, est limité à deux pour éviter l'apparition de noms à quatre vocables, intégralement transmissibles.
    Votre commission des lois vous propose d'améliorer encore la lisibilité et la cohérence de ce dispositif.
    D'une part, la référence aux dispositions de la loi de mars 2002 plutôt qu'aux articles du code civil concernés me semble tout à fait judicieuse et permet de lever toute ambiguïté possible sur la date d'application de l'ensemble des dispositions de la loi.
    D'autre part, votre commission apporte des clarifications utiles sur cinq points.
    En premier lieu, elle vous propose de respecter l'ordre naturel de l'état civil d'une personne en faisant figurer, dans l'acte de naissance, le prénom avant le nom de famille. Les nouveaux modèles d'actes ont déjà pris en considération cette heureuse modification.
    En deuxième lieu, elle clarifie les conditions d'exercice de l'option en cas de légitimation de l'enfant. Ainsi, les parents n'en bénéficieront que si celle-ci ne leur avait pas été ouverte antérieurement au mariage, afin que soit respecté le principe de l'unicité du choix. En outre, la déclaration ne pourra être prise en compte que si les parents la produisent lors de la célébration du mariage ou la font constater par le juge.
    En troisième lieu, pour ne pas créer de rupture d'égalité entre les familles légitimes et naturelles tout en respectant la spécificité de la filiation hors mariage, votre commission vous propose de limiter la possibilité de changement de nom devant le juge aux affaires familiales au seul cas où les parents naturels n'auront pu faire, lors de l'établissement successif des filiations, de déclaration conjointe.
    Par ailleurs, votre commission prévoit d'harmoniser les nouvelles règles de dévolution du nom en matière d'adoption simple sans distinguer selon que l'adoptant est une personne seule ou un couple marié. Ainsi, dans les deux cas, l'adoptant pourra choisir le nom de l'adopté qui sera conservé, lorsque celui-ci porte un double nom. Ce n'est qu'à défaut de choix que le premier nom sera gardé.
    Enfin, votre commission vous suggère de supprimer la dation de nom, mécanisme qui permet de donner à l'enfant le nom de l'époux de sa mère, ou éventuellement de son père, alors même qu'aucun lien de filiation n'est établi. Ce mécanisme est en effet quasiment tombé en désuétude en pratique, puisqu'on ne recense qu'une quarantaine de cas par an.
    Je rappellerai, pour conclure, l'importance de la détermination d'un cadre juridique sûr, clair et surtout intelligible dans un domaine aussi sensible que la détermination du nom de famille, dont dépend l'identification des individus dans la société.
    Votre commission des lois et tout particulièrement son rapporteur, Sébastien Huyghe, auront contribué, par la qualité de leurs travaux, à garantir la bonne application de cette réforme. Je les en remercie vivement et je ne doute pas que votre assemblée les suivra dans leurs propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi du sénateur Henri de Richemont, qui est soumise à notre examen aujourd'hui, fait suite au vote de la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille.
    En effet, la loi du 4 mars 2002 qui a voulu remédier à l'inégalité des sexes dans la transmission du nom de famille a été adoptée in extremis par notre assemblée lors de la dernière séance de la précédente législature, au terme d'une navette parlementaire qualifiée, non sans humour, de TGV par certains auteurs, le Sénat ayant examiné le texte en première lecture le 20 février 2002, et l'Assemblée nationale le lendemain en seconde lecture.
    Cette précipitation à voter une loi compliquée nous amène aujourd'hui à réexaminer ce texte à l'initiative du sénateur de Richemont qui en avait été le rapporteur au Sénat en 2002. Il a sagement voulu éviter d'ouvrir à nouveau un débat sur le fond. Il nous propose donc surtout des aménagements techniques pour rendre la loi applicable.
    Il s'agit avant tout de reporter son application au 1er janvier 2005 afin de permettre non seulement l'élaboration et la publication des décrets d'application, mais également la refonte de l'instruction générale de l'état civil qui comporte plus de 700 articles ainsi que des modèles d'actes. Il faut également adapter les logiciels et former les officiers d'état civil.
    Toutefois, les dispositions transitoires - qui ouvrent aux parents la possibilité d'adjoindre au nom de leurs enfants de moins de treize ans celui qui ne leur a pas été transmis - sont aménagées en conséquence, afin que le report de l'entrée en vigueur de la loi ne déçoive pas les attentes de ces familles déjà constituées.
    Par ailleurs, cette proposition de loi permet de corriger un certain nombre d'incohérences ou d'oublis du texte de 2002, qui a pour principal objet d'ouvrir aux parents une triple option quant aux choix du nom porté par leurs enfants - nom de la mère, nom du père, ou les deux noms accolés dans l'ordre qu'ils souhaitent - et prévoit l'attribution du nom du père en l'absence de déclaration conjointe.
    La proposition rétablit dans le cadre de la filiation naturelle, lorsqu'elle est établie successivement, le principe selon lequel l'enfant portera le nom du parent qui l'aura reconnu en premier lieu. Cela permettra d'ouvrir la possibilité de conférer à l'enfant naturel le nom de sa mère. En effet, la loi du 4 mars 2002 produisait dans ce cas l'effet inverse de celui recherché en conférant systématiquement, en l'absence de déclaration conjointe, à l'enfant naturel reconnu par ses deux parents, le nom de son père.
    Elle ouvre une faculté de choix du nom de famille aux parents de l'enfant naturel qui aurait été reconnu par l'un de ses parents avant sa naissance, et par l'autre après sa naissance. La loi du 4 mars 2002 avait en effet « oublié » cette hypothèse.
    Elle permet également d'unifier les procédures de manière que les parents de l'enfant naturel qui l'ont successivement reconnu puissent conjointement choisir son nom de famille devant l'officier d'état civil plutôt que devant le greffier en chef du tribunal de grande instance, qui a déjà par ailleurs fort à faire.
    Cette disposition va dans le sens d'une simplification des procédures dont notre pays a le plus grand besoin.
    Elle pose le principe de l'irrévocabilité du choix du nom de famille, en précisant que le choix ouvert par la loi du 4 mars 2002 ne peut être exercé qu'une seule fois, réaffirmant ainsi le principe d'immutabilité du nom de famille, que cette loi remettait en cause presque par inadvertance, en rouvrant par exemple ce choix à l'occasion de la légitimation de l'enfant.
    C'est non seulement au nom de ce principe d'immutabilité du nom de famille mais également en vertu de celui de l'indisponibilité du nom de famille que la proposition de loi sénatoriale prévoit l'abrogation de la faculté pour une personne majeure d'adjoindre à son nom celui du parent qui n'a pas transmis le sien ou l'un des siens.
    Au-delà du respect de ces principes d'immutabilité et d'indisponibilité du nom de famille, parce que je peux comprendre que certains puissent souhaiter les remettre en cause, même s'ils font partie de notre tradition, cette disposition semble difficilement applicable et est à tout le moins contestable.
    Cette disposition semble tout d'abord difficilement applicable puisque le dispositif prévoyait que cette faculté était ouverte aux majeurs avant la naissance de leur premier enfant par une déclaration effectuée auprès de l'état civil de leur lieu de naissance. Mais comment être sûr que cette condition sera respectée, puisque les services de l'état civil n'ont aucun moyen de vérifier que le déclarant n'a pas encore eu d'enfant ?
    Cette disposition est ensuite contestable par le fait que l'article 311-22 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, permet l'adjonction d'un second nom uniquement pour ceux dont le nom a été déterminé en fonction de l'article 311-21, donc pour les personnes nées après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. Par conséquent, vous et moi, mes chers collègues, si nous n'avions pas d'enfant, ne pourrions procéder à une telle adjonction, alors même que nos parents n'ont pas eu la faculté de choix du nom de famille à nous transmettre, mais les enfants à naître à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, dont les parents auront eu, eux, la faculté de choix du nom de famille à transmettre, pourraient procéder, à compter de leur majorité, à cette adjonction.
    Cela signifie que les premières adjonctions de nom pourraient avoir lieu dans un peu plus de dix-huit ou de dix-neuf ans suivant que le report de l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 sera adopté ou non par notre assemblée.
    La proposition de loi précise par ailleurs les conditions de dévolution du nom de famille de l'adopté simple, de manière que celui-ci ne puisse pas porter plus de deux noms. En effet, la loi du 4 mars 2002 en l'état peut conduire l'adopté à être affublé de quatre noms.
    Elle précise également les modalités de dévolution du nom de famille de l'enfant légitimé, que la légitimation ait eu lieu par le mariage subséquent de ses parents, post nuptias, ou bien encore par autorité du justice.
    La proposition de M. de Richemont prévoit enfin la possibilité de choix du nom de famille pour les Français nés à l'étranger, cette faculté pouvant notamment être exercée au moment de la transcription consulaire de l'acte de naissance, et ce dans un délai de trois ans à compter de la naissance de l'enfant. Elle envisage de la même manière le cas des enfants dont les parents acquièrent la nationalité française.
    Tels sont les principaux problèmes « immédiats » que la proposition de loi soumise à notre examen entend régler, mais la complexité de la loi du 4 mars 2002 ne manquera pas de faire surgir, dans son application, un certain nombre de difficultés.
    Ainsi, comment être sûr, dans le cadre de la filiation naturelle, que tous les enfants d'une fratrie porteront le même nom, en considérant que, dans ce cas, le livret de famille n'est pas obligatoire ?
    De la même manière, dans les cas ouvrant une possibilité de modification du nom de famille, comment assurer l'unité de nom des fratries, s'il existe à la fois des enfants de moins de treize ans, pour lesquels l'accord n'est pas nécessaire, et des enfants de plus de treize ans, pour lesquels l'accord est indispensable, certains pouvant ne pas acquiescer au changement de nom ?
    Par ailleurs, monsieur le ministre, certaines questions devront être étudiées avec attention, et je voudrais évoquer quelques pistes de réflexion.
    Ainsi, l'égalité entre familles naturelles et familles légitimes n'est-elle pas rompue au profit des premières si on laisse à celles-ci, par le biais de l'article 334-3 du code civil, la possibilité de revenir sur le choix initial du nom de famille, faculté qui n'est pas ouverte aux secondes ?
    Ne faudra-t-il pas réfléchir également à la mise en place d'un registre central des reconnaissances prénatales, que les officiers d'état civil devraient consulter pour chaque déclaration de naissance d'un enfant naturel, afin d'être certains de ne pas ignorer une telle reconnaissance, qui peut avoir été faite librement dans l'une des 36 000 communes de notre pays ?
    Avec l'éclatement ou la dispersion des familles, ne faudrait-il pas, afin de permettre d'en reconstituer les diverses branches - que ce soit pour le plaisir de certains généalogistes amateurs ou pour permettre de régler les successions -, essayer d'assurer une meilleure lisibilité des registres d'état civil, notamment en indiquant les noms des deux parents sur les tables annuelles et décennales ?
    Enfin, lorsque des parents étrangers viendront déclarer devant l'officier d'état civil leur enfant, quel nom de famille devront-ils indiquer ? Celui qui résulte du choix ouvert par la législation française, ou celui que peut imposer leur législation nationale ?
    Pour terminer, il aurait sans doute été plus logique de procéder aux réformes de la filiation, du mariage et du divorce préalablement à celle de la dévolution du nom de famille, car les règles de dévolution du nom sont étroitement liées à ces matières. Aussi serons-nous vraisemblement amenés à modifier à nouveau la loi du 4 mars 2002, à l'occasion de ces différentes réformes du droit de la famille.
    C'est sans doute aussi en apportant des réponses à ces questions que les nouvelles règles de dévolution du nom de famille pourront recevoir l'application pleinement satisfaisante que nos concitoyens sont en droit d'attendre sur un sujet aussi sensible et emblématique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que chacun d'entre vous soit rassuré, vu la nature de ce texte, technique, et les interventions précises, détaillées et très concluantes du ministre et du rapporteur, je n'utiliserai certainement pas les vingt minutes attribuées au groupe UMP ! (Sourires.)
    Néanmoins, qu'il soit permis au groupe UMP de manifester son intérêt, bien sûr, mais aussi sa satisfaction qu'à l'occasion de cette proposition de loi de notre collègue sénateur Henri de Richemont, nous ayons l'occasion de permettre une mise en application, dans des conditions normales et satisfaisantes, d'une proposition qui, comme l'a rappelé notre rapporteur, fut la dernière à être étudiée, et dans quelles conditions, par la précédente législature. Nous pouvons avoir la certitude que, sans le texte qui nous est présenté, elle aurait conduit à une révolution en matière de transmission et de dévolution du nom dans des conditions plus que problématiques.
    Bien sûr, ce texte est essentiellement technique, mais il fait apparaître, malgré tout, au travers des méandres de certaines de ses imperfections et donc des corrections qui sont apportées, toute l'importance qu'il y a à prendre ces questions très au sérieux, à se donner le temps d'une réflexion globale.
    Nous voici, en effet, face à une question particulièrement délicate et sensible. Il faut alors, bien sûr, aller de l'avant et mettre notre législation en conformité avec les grands principes et avec les obligations tirées des obligations européennes notamment, mais il faut également s'assurer que le texte qui sera mis en oeuvre pourra s'appliquer sans difficulté juridique, en simplifiant le mieux possible. C'est ce à quoi aspirent nos concitoyens, comme l'a largement souligné avec justesse notre rapporteur il y a quelques minutes.
    Voyons d'abord la date de mise en application. Lors du débat en commission, certains ont déclaré préférer le maintien de la date fixée initialement, le 1er septembre 2003. Soyons sérieux ! Si la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui n'était pas votée, si nous ne reportions pas au 1er janvier 2005 l'application de la loi du 4 mars 2002, cela aurait des conséquences gravissimes pour tous les futurs parents et pour les services d'état civil des 36 000 communes de France. La liste des procédures à mettre en oeuvre, la liste des choses à modifier, la liste des principes à respecter sont trop longues pour qu'on s'amuse à aller plus vite.
    D'ailleurs, Henri de Richemont, lors de son intervention au Sénat, a reconnu que, lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Gérard Gouzes, il était allé lui-même trop vite en manoeuvre en proposant que cette loi soit appliquée beaucoup plus rapidement que ce que le gouvernement de l'époque avait prévu.
    Ce texte ne doit entrer en application qu'au 1er janvier 2005, afin que nous ayons tous, dans nos communes, le temps de former les personnels municipaux et de faire en sorte que ses dispositions puissent entrer en application dans des conditions satisfaisantes.
    Deuxième élément sur lequel il faut réfléchir, et c'est un peu plus du fond qu'il s'agit, c'est le pourquoi de la réforme. Il s'agit de passer d'une transmission coutumière, non inscrite dans la loi, la transmission du nom du père, à un mode de transmission fondamentalement différent, souhaitable éminemment, la transmission du nom de l'enfant selon le libre choix des parents. On est là au coeur de la question. Des parents, par leur libre choix autorisé et organisé par la loi, pourront transmettre à leur enfant, à leurs enfants, puisqu'ils ne peuvent pas changer d'avis après leur premier choix, le ou les noms qu'ils auront choisi de leur donner et dans l'ordre qu'ils auront eux-mêmes déterminé.
    Vouloir, par l'intermédiaire de cette proposition de loi et d'un amendement qui nous sera présenté tout à l'heure, revenir à une disposition que l'auteur de la proposition de 2003, Gérard Gouzes, lui-même, n'avait pas souhaité retenir,...
    M. Philippe Vuilque. Contraint et forcé !
    M. Guy Geoffroy. ... c'est-à-dire revenir à la possibilité pour le jeune adulte de modifier lui-même son nom, ne me semble pas raisonnable car cela remet en cause de manière fondamentale ce que l'on a rappelé sous le terme juridique, mais ô important, d'immutabilité du nom.
    Il est important que nous en restions au retour à la case départ proposé par le texte, ce qui est la plus grande des sagesses. Il s'agit bien sûr, en effet, de faire oeuvre d'actualité et de suivre les évolutions de la société, mais il ne faut pas rompre avec ce qui constitue notre histoire, nos traditions,...
    Mme Muguette Jacquaint. Toujours la tradition !
    M. Guy Geoffroy. ... tout ce qui est profondément ancré dans la vie des familles de notre pays depuis des générations et le sera encore pour de nombreuses générations.
    Pour toutes ces raisons, le groupe UMP n'aura aucune difficulté à adhérer à toutes les dispositions techniques qui vont permettre de corriger des erreurs, de combler des lacunes et d'améliorer la cohérence du texte. Il n'aura aucune difficulté non plus à adopter les amendements qui ont été proposés par le rapporteur en commission et adoptés par cette dernière. Ce texte était nécessaire pour remettre les choses en bon ordre de marche, mais aussi, tout simplement, pour permettre l'entrée en application de cette loi importante qu'est la loi du 4 mars 2002.
    Je conclurai mon propos en ouvrant des perspectives, comme l'a fait notre rapporteur.
    Le ministre délégué à la famille, Christian Jacob, lors de son intervention au Sénat, a tenu à rappeler qu'il était en train de préparer avec le garde des sceaux tout un ensemble de mesures visant à réformer le droit de la famille, l'objectif étant, entre autres, de mettre en cohérence toute une série de mesures prises les unes après les autres, sous les précédentes législatures, parfois sans aucun ordre.
    Je crois qu'il n'y a pas de meilleure conclusion, monsieur le ministre, que de souhaiter que les propositions que vous nous ferez dans le cadre de cette prochaine et nécessaire réforme du droit de la famille, que nous étudierons avec soin et approuverons sans nul doute, permettent de faire évoluer la question avec le double souci de rendre la loi sûre et de laisser notre société évoluer comme nos concitoyens le souhaitent.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi sur la dévolution du nom de famille, qui n'est que la version rectifiée de la loi que nous avons votée le 4 mars 2002, qui avait pour but de moderniser les modalités de dévolution du nom.
    Je souhaite ici rendre hommage à notre ancien collègue Gérard Gouzes, initiateur, inspirateur et rapporteur du texte qui a été voté par notre assemblée. J'espère d'ailleurs que nous aurons le plaisir de le retrouver un jour sur ces bancs.
    La réforme qu'il avait initiée avec le groupe socialiste avait un triple objectif : d'abord, mettre un terme à la contradiction juridique de notre droit interne avec les normes constitutionnelles et nos engagements internationaux, je ne reviendrai pas là-dessus, ces dispositions ayant été largement évoquées dans les précédents débats ; ensuite, instaurer la parité en matière de transmission du nom patronymique entre l'homme et la femme ; enfin, offrir aux parents la liberté de décider du nom transmis à leur enfant, et permettre à une personne majeure d'adjoindre le nom de celui de ses deux parents qui ne lui aurait pas été transmis, disposition importante et novatrice qui, en cas de désaccord des parents ou de divorce, permettait à l'enfant devenu majeur d'adjoindre à son nom celui de son autre parent.
    Ce n'est qu'avec réticence que la majorité sénatoriale accepta cette réforme, car, lors des débats en première lecture, les sénateurs ont cru bon de considérer que, faute d'accord constaté entre les époux pour attribuer à l'enfant le nom de l'épouse, seul ou accolé, il fallait revenir à la loi du mari, à celle de la tradition, évoquée tout à l'heure par M. le ministre, et par conséquent attribuer par défaut le nom du père.
    L'Assemblée prévoyait, elle, dans cette hypothèse, que le nom transmis par les parents à leur enfant était automatiquement constitué de leurs deux noms patronymiques, accolés dans l'ordre alphabétique. Pourquoi être revenu sur cette disposition ? Le Sénat aurait-il été effrayé par sa propre audace d'avoir accepté de battre en brèche son conservatisme en la matière ? Si l'ordre alphabétique ne paraissait pas satisfaisant pour les sénateurs de droite - et techniquement, cela pouvait poser problème -, pourquoi ne pas avoir accepté que le nom de la mère soit alors systèmatiquement accolé au nom du père, ce qui restait une avancée importante ?

    Les sénateurs ont également limité la possibilité pour les parents de modifier le nom de leur enfant mineur, en la réservant aux enfants de moins de treize ans, et en la subordonnant au consentement des deux parents. Ce qui va notamment empêcher les mères divorcées d'adjoindre leur nom à celui de leur ex-mari, pour les enfants dont elles ont la garde. C'est extrêmement dommageable ! Là encore, le Sénat n'a pas fait preuve de clairvoyance. Son attitude a même été dénoncée par Mme Marie-Jo Zimmermann, députée de la majorité actuelle, qui, sous la précédente législature déclarait ceci : « J'espère qu'au cours de la prochaine législature, des amendements supprimeront les dispositions d'origine sénatoriale les plus ouvertement sexistes. » Je regrette, d'ailleurs, qu'elle ne soit pas là,...
    M. Pierre-Christophe Baguet. Elle est retenue !
    M. Philippe Vuilque. ... car elle aurait probablement des choses à dire...
    Malgré ces modifications substantielles, et pour le moins contraires à l'esprit de la réforme, l'Assemblée adopta conforme la proposition de loi telle que le Sénat l'avait modifiée en première lecture, et ce pour permettre qu'elle soit votée définitivement avant la fin de la précédente législature.
    Et contrairement à ce que disait M. Geoffroy, qui nous a quittés, Gérard Gouzes, le rapporteur de l'époque, a accepté contraint et forcé cette modification parce qu'il a considéré qu'il valait mieux, malgré le retrait qui avait été opéré, que la loi soit votée - nous étions alors en fin de législature, - pour que ses principales dispositions puissent entrer en application.
    Nous voilà donc aujourd'hui saisis d'une nouvelle proposition de loi sénatoriale, adoptée le 11 avril dernier. Selon les propres termes du rapporteur, « sans remettre en cause les nouveaux principes de dévolution du nom de famille fixés par la loi du 4 mars 2002, la présente proposition de loi en est le complément indispensable ». Si elle apporte bien quelques aménagements pragmatiques et techniques, s'agissant notamment du cas des enfants nés à l'étranger, il n'en reste pas moins que, contrairement à ce qui a été affirmé, elle amoindrit considérablement, sur le fond, la portée de la réforme de mars 2002, ce qui est à nos yeux particulièrement regrettable. Elle l'amoindrit sur trois points principaux.
    Tout d'abord, elle supprime la possibilité pour toute personne, entre sa majorité et la naissance de son premier enfant, d'accoler au nom déjà transmis - en l'occurrence, dans la très grande majorité des cas, le nom du père - le nom de son autre parent. Pourquoi supprimer cette possibilité qui aurait permis à l'enfant majeur, en cas de désaccord parental, de se voir adjoindre le nom de sa mère ? Pourquoi refuser une disposition qui faisait droit au souhait légitime d'enfants majeurs dont les parents étaient séparés ou divorcés de retrouver leur racines maternelles dans leur nom ? La suppression de cette disposition est, à notre avis, discriminatoire, et elle introduit une inégalité flagrante entre les enfants qui pourront bénéficier de l'article 8 de la présente proposition de loi et les autres, inégalité qui n'a d'ailleurs pas échappé au président de notre commission des lois, M. Clément, qui a lui-même relevé cette contradiction. Je présenterai donc, au nom du groupe socialiste, un amendement permettant de réparer cette injustice.
    Le deuxième point n'est pas moins important, car il rétablit, en contradiction avec les réformes votées sous la précédente législature, une distinction entre enfants naturels et enfants légitimes en ce qui concerne les règles régissant la dévolution du nom de famille. Dorénavant, comme cela était le cas avant la réforme de 2002, l'enfant né hors mariage, dont la filiation est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de sa naissance, portera, en l'absence de reconnaissance simultanée et d'accord entre les deux parents, le nom de celui des deux parents qui l'a reconnu le premier. Voilà votre volonté. Apparemment, vous n'éprouvez aucun remords sur la rupture d'égalité qui est introduite entre les deux parents au regard de la dévolution du nom. C'est, là encore, contraire à l'esprit de la réforme voulue en 2001. Je m'étonne d'ailleurs, à ce sujet, que la délégation aux droits des femmes, qui avait été largement associée à l'examen de la loi du 4 mars 2002, n'ait pas été consultée. Mais est-ce vraiment un hasard ?
    Le troisième point concerne le droit de mise en application de la loi. Il était prévu que cette loi entrerait en vigueur le 1er septembre 2003. Cette date avait été d'ailleurs retenue à l'initiative des sénateurs, comme on l'a rappelé tout à l'heure, alors que le garde des sceaux de l'époque souhaitait une mise en application au 4 mars 2004. Cela ne manque pas de sel, quand on sait qu'aujourd'hui cette même majorité sénatoriale propose de repousser l'application de cette loi au 1er janvier 2005, pour des raisons à notre avis largement fallacieuses. Evidemment, quand le Sénat se saisit du texte un an après - et contrairement à ce qu'a dit le rapporteur -, on se met dans la seringue, comme on dit, concernant l'application de la loi. A force d'attendre, on est contraint d'en reporter l'application. On aurait souhaité l'enterrement de ces dispositions que l'on ne s'y serait pas pris autrement.
    Quant au Gouvernement, il faut reconnaître qu'il n'est pas « chaud-bouillant », comme on dit, pour appliquer la réforme, et encore moins pour l'assumer. D'ailleurs, le ministre de la famille lui-même, M. Jacob, pense que « le nom, c'est quelque chose dont on hérite, pas qu'on choisit à dix-huit ans ».
    M. Guy Geoffroy. Mais oui ! C'est vrai !

    M. Philippe Vuilque. Il y a dans cette phrase toute la philosophie du Gouvernement sur le sujet.
    Bernard Roman a utilement rappelé en commission, ainsi que le président Clément, que l'administration ne s'est pas non plus précipitée pour prendre les dispositions permettant d'appliquer la loi pourtant votée par le Parlement.
    Voilà donc où nous en sommes aujourd'hui. A partir d'un texte novateur, nous allons aboutir, si nos amendements ne sont pas retenus, à une réforme tronquée, donnant au père un droit de veto qui lui permettra d'imposer que l'enfant ne porte pas le nom de sa mère. J'invite mes collègues de la majorité à saisir l'occasion de cette nouvelle lecture pour en revenir au moins à ce que nous avions décidé collectivement en première lecture à l'Assemblée nationale fin 2001. Si nos amendements n'étaient pas retenus, nous ne pourrions cautionner un tel recul, et serions contraints de voter contre cette remise en cause de l'esprit de la loi de mars 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dévolution du nom de famille revêt un caractère d'ordre tout à la fois sociologique, culturel, et aussi, parfois, psychologique. Elle illustre bien l'ampleur des évolutions en cours dans nos sociétés occidentales. La famille traditionnelle représente une part moins importante de nos jours, et son modèle se révèle moins prédominant, ce qu'à titre personnel je regrette. La famille se décline désormais au pluriel : familles monoparentales, familles recomposées, ou multiples. Et il faut se réjouir que, sous ces nouvelles formes, certaines d'entre elles retrouvent ainsi équilibre et sérénité après des périodes difficiles.
    Il faut donc prendre en compte avec respect, désormais, ces autres types de famille, qui se sont développés de manière importante ces dernières années. Nous devons nous ouvrir, dès lors, aux nouvelles donnes que cela représente. C'est pourquoi il paraît raisonnable de ne pas perpétuer des règles intangibles en la matière.
    Toutefois, cette évolution ne doit pas aboutir à des chamboulements permanents ni à des remises en cause incessantes. Il est bon qu'une certaine stabilité puisse être mise en oeuvre. On ne peut affaiblir la continuité de la République par des propositions trop changeantes.
    Dans cette optique, le texte qui nous est présenté aujourd'hui respecte un juste équilibre. Comme le soulignait ma collègue du Sénat, Valérie Létard, le nom de famille a ceci de majeur qu'il consacre l'identité d'une famille. Il demeure le lien entre les différentes générations. Il symbolise souvent le passé, l'histoire d'une famille et son attachement à un territoire. J'ajouterai qu'il représente aussi, bien souvent, des valeurs véhiculées à travers les générations, dont il est le vecteur principal.
    La transmission d'un nom peut prendre une dimension toute particulière, comme peut l'illustrer a contrario l'extinction d'un nom par défaut de descendance masculine. L'engouement de plus en plus grand des Français pour les recherches généalogiques montre sans conteste leur attachement à leurs racines à travers l'histoire de leur patronyme. Le nom, par des recherches étymologiques, nous renseigne aussi bien sur notre histoire que sur notre géographie familiale. Dès lors, sa transmission ou sa pérennité gardent un caractère essentiel.
    L'usage veut que ce soit le nom du père qui soit choisi, usage renforcé par la Révolution, qui a instauré le principe d'immutabilité du nom, interdisant par là même de prendre un autre nom que celui exprimé dans l'acte de naissance. Si le choix qui est offert désormais en matière de nom représente incontestablement une forme de liberté supplémentaire, en particulier pour les femmes, ne peut-on craindre cependant que cette liberté n'ait parfois comme contrepartie le risque d'instaurer un rapport de forces sur une question qui, jusqu'alors, ne suscitait pas d'affrontements ? La rigidité de la réglementation pouvait préserver des familles de ces débats difficiles. Désormais, des risques peuvent surgir. Aussi, il semble essentiel de ne pas perdre de vue que l'équilibre nécessaire au développement de l'enfant passe par une grande stabilité, et il doit primer sur des désirs parfois ponctuels de certains parents. Et malgré ces éventuels écueils, il me semble tout à fait primordial de pouvoir accorder ce nouveau principe. Il ne peut y avoir de vraie liberté sans responsabilité. La position de l'UDF est claire, c'est le choix de la confiance.
    Mais, aujourd'hui, il ne s'agit pas de rouvrir le débat. La proposition de loi dont nous discutons en cet instant n'a pas pour effet de modifier en profondeur le texte qui a été adopté, mais simplement d'en corriger certaines dispositions dont l'application pouvait poser problème. Nous sommes favorables à ces aménagements, et particulièrement à ceux concernant la suppression de la possibilité offerte aux personnes majeures, nées avant l'entrée en vigueur de la loi, d'ajouter, avant la naissance de leur premier enfant, à leur nom le nom du parent qui n'avait pas été transmis.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est dommage !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Dans la pratique, cette disposition était irréaliste. Il était en effet impossible, pour les services de l'état civil, d'évaluer le nombre de demandes dont ils auraient pu être saisis. Ces modifications pouvaient en outre entraîner des problèmes de sécurité quant à l'état des personnes. De plus, l'enfant devenu adulte pouvait ainsi remettre en cause le choix de ses parents, ajoutant éventuellement par ce biais une nouvelle cause de conflit dans certaines situations familiales difficiles.
    De même, nous approuvons les dispositions concernant le choix dont les parents disposent dans la transmission du nom à leurs enfants. Ils choisissent soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux, dans la limite d'un par parent. En cas de défaut de déclaration conjointe, c'est le nom du père qui sera transmis, ce qui permet d'allier liberté de choix des parents et respect de la tradition.
    M. Hervé Morin. Très bien !
    M. Pierre-Christophe Baguet. La proposition précise qu'en cas de déclarations successives, l'enfant prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu. Cet article a le mérite de permettre à la mère célibataire de transmettre son nom, dès lors qu'elle procède la première à la reconnaissance de l'enfant à naître.
    Au-delà de ces articles, je souhaiterais mettre l'accent sur deux amendements de bon sens proposés par notre rapporteur.
    Le premier concerne la suppression de l'article par lequel, en l'absence de filiation paternelle ou maternelle, la femme du père ou le mari de la mère peut conférer, par substitution, son propre nom à l'enfant. Comme l'a souligné notre collègue Sébastien Huyghe, non seulement cette pratique est peu utilisée, mais elle porte en elle un effet qui peut s'avérer pervers. En effet, si le conjoint divorce du père ou de la mère de l'enfant, ce dernier se retrouve alors avec un nom de famille qui n'est ni celui de son père ou de sa mère, ni celui de la personne qui l'élève, ce qui risque de provoquer une fragilité psychologique, voire une crise d'identité regrettable. Si des liens très forts se sont créés entre cette personne et l'enfant, il peut être procédé à une adoption simple.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Tout à fait !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Le second amendement présenté par le rapporteur, et je tiens à l'en féliciter, concerne l'ordre des mentions figurant sur l'acte de naissance. Il propose que la mention des prénoms précède bien celle du nom de famille. Voilà qui va apporter un peu de convivialité dans l'énoncé de notre état civil. Formons le voeu que cette initiative contribue à la modification des comportements et que chacun prenne l'habitude d'énoncer successivement le prénom et le nom. J'espère que cette décision infléchira à l'avenir les rapports entre l'administration et nos concitoyens. Qui sait ?
    Le groupe UDF votera donc ce texte, parce qu'il apporte des clarifications essentielles pour la stabilité de l'état des personnes et qu'il est équilibré et respectueux de chacun. Il le votera tout en appelant de ses voeux un grand débat sur le droit de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, conformément à la tradition patriarcale de la famille, et jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, l'enfant légitime porte le nom de son père, même si aucun texte ne consacre légalement cette règle coutumière. C'est uniquement dans le cas de l'enfant naturel que celui-ci peut porter le nom de la mère, à condition qu'elle l'ait reconnu en premier, et celui de son père si la reconnaissance a été simultanée.
    Cette tradition porte la marque d'une conception de la famille datant d'une époque où il allait de soi que les enfants portent le nom du père, ce qui ne correspond plus à la réalité sociale actuelle, tant les familles sont aujourd'hui diverses.
    L'autorité parentale est d'ailleurs exercée conjointement par les deux parents et non plus seulement par le père. Une véritable « coparentalité » s'est instituée au sein de la famille.
    C'est pourquoi cette règle de la transmission du nom apparaît de plus en plus comme une discrimination à caractère sexiste, contraire à un mouvement d'égalité qui s'instaure de fait entre les époux.
    Nous constatons par ailleurs le retard que prend la France sur d'autres pays européens en n'alignant pas sa législation en la matière sur le grand principe d'égalité.
    Ces constats avaient conduit notre collègue Gérard Gouzes à déposer une proposition de loi tendant à offrir enfin aux parents le choix du nom qu'ils allaient transmettre à leurs enfants.
    Nous étions, à l'époque, d'autant plus favorables à ce texte que nous avions nous-mêmes déposé, en 1997, une proposition de loi qui allait dans le même sens. Elle ne se fondait pas sur le principe de parité, mais prenait en compte la réalité de l'autorité parentale exercée conjointement par le père et la mère. Il était donc normal qu'au nom de l'égalité l'enfant porte le nom de ses père et mère.
    La proposition de loi initiale prévoyait d'ailleurs que, si un désaccord intervenait entre les parents sur le choix du nom, les deux noms seraient accolés dans l'ordre alphabétique, dans la limite d'un seul nom pour chacun. Nous avions salué cette initiative pour, finalement, regretter que le Gouvernement fasse marche arrière concernant cette dernière disposition et cède devant les réticences de certains sénateurs.
    Désormais, selon la loi du 4 mars 2002, faute d'accord entre les parents pour attribuer le nom du père, celui de la mère ou les deux accolés, il faut revenir à la primauté de l'homme sur la femme et, par conséquent, attribuer par défaut le nom du père. N'est-ce pas là la volonté conservatrice de maintenir ce système patriarcal dont je parlais à l'instant ? L'attribution, en cas de désaccord, des deux noms accolés dans l'ordre alphabétique nous paraissait plus conforme à l'esprit de la loi, qui vise à assurer l'égalité complète, dans ce domaine, entre l'homme et la femme.
    La possibilité du double nom permet ainsi de maintenir la filiation entre un père et son enfant, dont certains craignent qu'elle ne s'affaiblisse. Mais ce lien particulier est toujours double : la filiation ne peut être complète sans la transmission par les deux parents de leur nom.
    Certains ont cru que le fait de ne plus transmettre systématiquement le nom du père à l'enfant reviendrait à affaiblir encore davantage le rôle éducatif du père face à la mère protectrice. Cependant, le père dispose de bien d'autres moyens pour jouer son rôle au sein de la famille, surtout depuis qu'a été institué le congé de paternité, droit ouvert aux pères depuis le 1er janvier 2002. La « co-parentalité » passe, en effet, par l'affirmation du rôle essentiel des pères dès les premiers mois de l'enfant. L'investissement des pères dans leur responsabilité éducative à l'égard de leurs enfants est d'autant plus fort qu'ils se sont occupés de ceux-ci lorsqu'ils étaient en bas âge. Le congé de paternité réaffirme le droit de chaque enfant à être élevé à égalité par sa mère et par son père.
    Le nom n'est désormais plus le seul moyen pour le père d'affirmer sa place au sein de la famille, son rôle éducatif ne pouvant se résoudre à la seule transmission de son nom à son enfant. L'exercice partagé de la responsabilité parentale doit donc se traduire également par la possibilité pour les enfants de porter le nom des deux parents.
    Cette affirmation de la co-parentalité trouve sa traduction dans la loi du 4 mars 2002, qui constitue une avancée dans la construction d'une société d'égalité entre les femmes et les hommes et d'un droit nouveau pour les enfants de porter le nom de leurs deux parents.
    C'est pourquoi nous regrettons, monsieur le ministre, les réticences que vous manifestez à faire appliquer une mesure certes symbolique, mais non moins essentielle, d'égalité entre les hommes et les femmes.
    Les propositions contenues dans le texte qui nous est présenté sont principalement d'ordre technique. Elles visent au mieux à corriger certaines imperfections de la loi de mars 2002, mais, malheureusement, elles limitent aussi certaines de ses dispositions.
    Nous regrettons notamment que l'article 2 de la proposition de loi remette en cause la possibilité pour une personne à qui le nom de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 du code civil d'y adjoindre en seconde position le nom de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul nom de famille.
    La loi prévoyait que cette faculté serait exercée par déclaration écrite de l'intéressé, remise à l'officier d'état civil du lieu de naissance, à compter de sa majorité et avant la naissance de son premier enfant. Or la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui vise à supprimer cette disposition en limitant la portée du principe du double nom. L'article 2 tend à empêcher la systématisation du double nom prévue par la loi.
    On refuse aux personnes majeures nées après l'entrée en vigueur de la loi, et cela avant la naissance de leur premier enfant, la possibilité d'adjoindre le nom de celui des parents qui ne leur a pas été transmis, sous prétexte que cela porte atteinte au principe de l'immutabilité des noms de famille.
    C'est tout à fait dommageable. En premier lieu, il est dérogé au principe d'égalité, puisque des enfants nés après l'entrée en vigueur de la loi pourraient se voir priver du bénéfice du droit de porter le nom de leurs deux parents. En second lieu, la loi du 4 mars 2002 n'est pas attentatoire au principe de l'immutabilité du nom, puisqu'elle prévoit seulement la possibilité pour un individu n'ayant pas encore d'enfant d'ajouter un matronyme ou un patronyme à son nom, ...
    M. Philippe Vuilque. Très juste !
    Mme Muguette Jacquaint. ... et non d'en éliminer un par choix restrictif.
    Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002, dans son article 23, prévoyait que, dans le délai de dix-huit mois après son entrée en vigueur, les parents pouvaient demander pour leurs enfants mineurs de moins de treize ans, nés avant l'entrée en vigueur de la loi, l'adjonction en deuxième position du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, et non la substitution. Le nom n'était donc en rien menacé. Or vous supprimez cette possibilité en prévoyant, dans l'article 8 de la proposition de loi, que la loi du 4 mars 2002 ne s'appliquera que pour les enfants nés après son entrée en vigueur, ce qui est très regrettable et injuste.
    M. Philippe Vuilque. Tout à fait !
    Mme Muguette Jacquaint. En effet, seule l'adjonction du deuxième nom de famille était prévue, et non la substitution du premier nom par le deuxième. Une fois encore, le principe d'immutabilité du nom n'était pas menacé par cette disposition.
    Vous justifiez le report de l'entrée en vigueur des nouvelles règles de dévolution du nom de famille par les modifications qu'elles entraîneraient pour les services de l'état civil. En effet, leur réorganisation induite par l'augmentation probable du port de noms doubles nécessiterait, selon le sénateur de Richemont, une augmentation des crédits pour former le personnel et modifier les programmes informatiques.
    M. le président. Merci de conclure, madame Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Mais quels moyens le Gouvernement entend-il débloquer pour réorganiser ces services en ces temps difficiles de rigueur budgétaire ? Comment comptez-vous informer nos concitoyens de leurs nouveaux droits en la matière sans dégager de nouveaux budgets ?
    Certes, la proposition de loi de M. de Richemont vient préciser quelques points obscurs de la loi du 4 mars 2002. Toutefois, ses principales dipositions contredisent un texte qui constituait, comme l'a souligné la présidente de la délégation aux droits des femmes, une avancée majeure pour la famille et pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
    C'est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains s'opposera à cette proposition de loi.
    M. Philippe Vuilque. Très bien !
    M. le président. La discussion générale est close.
    Mes chers collègues, je souhaite appeler votre attention sur le fait que après ce texte, nous devrons encore examiner la proposition de loi relative à la création d'un chèque-emploi associatif. Or il n'y a pas de séance de nuit, afin que chacun puisse rejoindre sa circonscription pour assister aux cérémonies du 8 mai. Il faut donc que nous soyons le plus brefs possible.
    Mme Muguette Jacquaint. D'accord, mais il fallait s'organiser autrement !
    M. le président. Aussi, je vous demande d'avoir la gentillesse d'examiner les amendements le plus rapidement possible. Cela ne change rien au débat, puisque chacun a pu s'exprimer largement à la tribune, et c'est dans l'intérêt de tous nos collègues qui doivent assister demain matin à des cérémonies commémoratives devant les monuments aux morts.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

    M. le président. M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n°1, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le 1° de l'article 1er de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille est ainsi rédigé :
    « 1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : "et les prénoms qui lui seront donnés, sont remplacés par les mots : "les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille, suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué, ainsi que. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Cet amendement de la commission des lois tend à modifier l'article 57 du code civil, afin que, dans l'acte de naissance, le prénom figure bien avant le nom et non après, comme l'a évoqué notre collègue Pierre-Christophe Baguet. A défaut, le prénom deviendrait un « postnom ». La commission vous propose donc de modifier l'ordre de l'énumération des différentes mentions devant figurer sur un acte de naissance.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°1.
    (L'amendement est adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - L'article 311-21 du code civil inséré par l'article 4 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille est ainsi modifié :
    « 1° La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
    « En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre. » ;
    « 2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « En cas de naissance à l'étranger d'un enfant dont l'un au moins des parents est français, les parents qui n'ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du précédent alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l'acte, au plus tard dans les trois ans de la naissance de l'enfant. »
    M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « I. - Au début du premier alinéa de l'article 1er, supprimer les mots : "L'article 311-21 du code civil inséré par.
    « II. - En conséquence, dans le premier alinéa du 1° et du 2° de cet article, substituer au mot : "premier le mot : "quatrième. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Il s'agit d'un amendement technique qui modifie, non pas les articles du code civil créés ou modifiés par la loi du 4 mars 2002, mais la loi elle-même, afin d'éviter toute ambiguïté sur la date d'application de ses dispositions.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 17 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 17, présenté par M. Vuilque et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après le mot : "prend, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du 1° de l'article 1er : "leurs deux noms accolés, le nom du père venant en premier, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. »
    L'amendement n° 14, présenté par Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 1° de l'article 1er, substituer aux mots : "le nom de son père les mots : "leurs noms accolés dans l'ordre alphabétique dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.. »
    La parole est à M. Philippe Vuilque, pour défendre l'amendement n° 17.
    M. Philippe Vuilque. Cet amendement que j'ai évoqué lors de la discussion générale a pour but de revenir sur la réforme adoptée en 2002 à l'Assemblée nationale, qui a abouti, sous la contrainte du Sénat, à donner au père un véritable droit de veto en lui permettant d'imposer que l'enfant ne porte pas le nom de sa mère. Nous estimons évidemment que cette solution n'est pas satisfaisante et qu'il convient, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi qui nous est soumise - et même si nous ne disposons pas du temps nécessaire qui aurait dû lui être consacré -, de rétablir une disposition que nous avions adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale et qui permet à l'enfant, en cas de désaccord entre les parents, de prendre les noms accolés de ses deux parents, le nom du père étant automatiquement en première position.
    Je voudrais souligner ici que nous allons, au fil des articles, aboutir à instaurer une véritable inégalité entre enfants. L'enfant d'un couple uni pourra porter les noms de ses deux parents. En revanche, l'enfant d'un couple divorcé n'aura malheureusement pas la possibilité de porter les deux noms. Le dispositif proposé est donc tout à fait discriminatoire.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 14.
    Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement a pour but de rétablir le texte qui avait été adopté par notre assemblée en première lecture de la loi de mars 2002. En effet, le texte qui nous est proposé remet en cause, malheureusement, non seulement l'égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi l'égalité entre les enfants. C'est pour le moins regrettable. C'est pourquoi nous proposons que, en cas de désaccord entre les parents, l'enfant ait la possibilité de choisir les deux noms accolés dans l'ordre alphabétique et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission les a repoussés,...
    M. Philippe Vuilque. C'est bien dommage !
    Mme Muguette Jacquaint. C'est regrettable !
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. ... au motif tout d'abord que, à travers cette proposition de loi, il n'est pas question de rouvrir le débat sur le fond,...
    M. Philippe Vuilque. C'est encore plus dommage !
    M. le président. Monsieur Vuilque !
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. ... puisque la loi du 4 mars 2002 a été adoptée à l'unanimité par notre assemblée, compte tenu des modifications apportées par le Sénat.
    Ensuite, pour ce qui est de l'égalité - mais les auteurs de ces amendements ne font-ils pas plutôt référence à l'égalitarisme qu'à l'égalité ? -, elle n'empêche pas de respecter les différences. Ainsi, il existe une différence entre les hommes et les femmes que je ne vais pas vous préciser. De même, il y a une différence entre la fonction de la mère et celle du père, traduite par cet adage millénaire : « La mère transmet la vie, le père transmet le nom. »
    Cela dit, les parents qui le souhaitent auront la possibilité de choisir le nom de leur enfant, joindre les deux noms dans l'ordre qu'ils veulent, ce qui témoigne d'une grande liberté laissée aux parents.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, mais je voudrais faire quelques rappels.
    En vérité, madame et monsieur le député, vous critiquez le texte que vous avez voté. Vous voulez faire accroire que nous voudrions modifier une disposition qui aurait été votée. Or, ainsi que je l'ai indiqué dans mon intervention, ce n'est pas le cas. Certes, lors de la première lecture de la loi de mars 2002, l'Assemblée a adopté une disposition sur le sujet, mais ce n'est pas celle qui a été adoptée en deuxième lecture et que vous avez votée !
    Comme je l'ai dit, dans l'esprit du Gouvernement, la présente proposition de loi ne vise pas à rouvrir le débat, mais à améliorer le texte adopté en 2002 pour le rendre applicable, ce qui est un peu différent.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. J'entends bien, monsieur le ministre, que nous avons adopté le texte présenté en mars 2002, mais nous l'avons fait en regrettant que le Sénat remette en cause certaines dispositions qui avaient été votées par l'Assemblée nationale en première lecture et parce que nous ne sommes pas partisans du tout ou rien.
    En l'espèce, le présent texte revient sur des dispositions de fond de la loi de mars 2002, ce que je regrette.
    Je tenais à rappeler cette vérité.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Je partage tout à fait les propos de Mme Muguette Jacquaint quant au contexte dans lequel nous avons voté la loi de mars 2002.
    Le ministre et le rapporteur nous critiquent en nous accusant de vouloir revenir sur un texte qui a été adopté à l'unanimité en 2002. Mais cette proposition de loi est en train de remettre en cause un certain nombre des dispositions de ce texte que vous avez, vous aussi, voté. Donc, un partout !
    M. Pierre-Christophe Baguet. La présente proposition de loi vise à affiner le texte !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 2.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

    M. le président. M. Vuilque et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 18, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 311-21, il est inséré un article 311-21-1 ainsi rédigé :
    « Art. 311-21-1. - Toute personne à qui le nom d'un seul de ses deux parents a été transmis en application de l'article précédent peut y adjoindre en seconde position le nom de son autre parent dans la limite, en cas de pluralité de noms, d'un seul nom de famille.
    « Lorsque l'intéressé porte lui-même plusieurs noms, il ne conserve que le premier de ses noms de famille portés à l'état civil.
    « Cette faculté doit être exercée par déclaration écrite de l'intéressé remise à l'officier d'état civil du lieu de naissance, à compter de sa majorité et avant la reconnaissance de son premier enfant. »
    La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Cet amendement a pour objet de réintroduire la possibilité offerte aux personnes majeures nées à compter de l'entrée en vigueur de la loi, et avant la reconnaissance de leur premier enfant, d'accoler le nom de leur deuxième parent.
    Je le répète, la présente proposition de loi va créer une situation discriminatoire : les enfants des couples unis pourront porter à la fois le nom du père et celui de la mère, tandis que les enfants de couples ne s'entendant pas ou divorcés qui souhaitent porter le nom de leurs deux parents ne pourront pas le faire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement car il est contraire au principe d'immutabilité et d'indisponibilité du nom de famille. Ce n'est pas à l'enfant de décider du nom qu'il portera, c'est à ses parents.
    M. Philippe Vuilque. Alors, pourquoi lui demande-t-on son avis dans l'article 8 ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. De même, puisque l'enfant qui souhaitera bénéficier de la possibilité en question devra être majeur, comment vérifiera-t-on qu'il n'a pas encore eu son premier enfant ? L'officier d'état civil chargé de recevoir sa déclaration n'aura aucun moyen pour le faire. Dès lors, comment pourra-t-il satisfaire ou non à cette demande ? C'est un véritable problème.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 15, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Les nouvelles dispositions insérées par l'article 4 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille à l'article 311-21 du code civil devront être mentionnées, dans un langage clair et simple et sous une forme visible, dans le carnet de maternité délivré par les caisses primaires d'assurance maladie. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous avons déjà évoqué les difficultés auxquelles est confronté l'état civil. Par cet amendement, nous souhaitons informer, par le biais du carnet de maternité, les mères - c'est surtout elles qui sont visées - et les pères de la possibilité qui leur est offerte de donner à leurs enfants le nom du père, celui de la mère ou leurs deux noms accolés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement car la disposition qu'il propose est d'ordre réglementaire. Il appartiendra à la chancellerie de diffuser l'information sur les modalités d'application de la loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - L'article 311-22 du code civil inséré par l'article 2 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
    « Art. 311-22. - Les dispositions de l'article 311-21 sont applicables à l'enfant qui devient français en application des dispositions de l'article 22-1, dans les conditions fixées par un décret pris en Conseil d'Etat. »
    M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 3, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 2 :
    « Les trois derniers alinéas de l'article 2 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé : »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Afin d'éviter toute ambiguïté sur la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la dévolution du nom de famille, cet amendement tend à modifier directement la loi du 4 mars 2002 plutôt que les articles du code civil créés ou modifiés par cette dernière.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 3.
    (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - Après l'article 311-22 du code civil, il est inséré un article 311-23 ainsi rédigé :
    « Art. 311-23. - La faculté de choix ouverte en application des articles 311-21, 334-2 et 334-5 ne peut être exercée qu'une seule fois. »
    M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 4, ainsi libellé :
    « I. - Avant le premier alinéa de l'article 3, insérer l'alinéa suivant :
    « Après l'article 2 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé : ».
    « II. - En conséquence, au début du premier alinéa de l'article 3, insérer la mention : "Art. 2-1. - . »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Cet amendement relève du même esprit que le précédent.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 5, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article 311-23 du code civil, substituer aux références : ", 334-2 et 334-5 la référence : "et 334-2. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Cet amendement supprime, dans le texte proposé pour l'article 311-23 du code civil, la référence à la dation du nom, dont la commission vous proposera l'abrogation dans un autre article.
    Le système de la dation du nom offre au mari d'une mère célibataire la possibilité de donner son nom à l'enfant de son épouse, alors qu'il n'a en réalité aucun lien de famille avec celui-ci.
    Cette disposition peut être contestée. Elle nous a pour le moins paru obsolète puisqu'elle ne concerne pas quarante cas par an. Elle est en outre source de difficultés pratiques : si jamais la mère divorce de son mari, l'enfant qui n'a aucun lien avec cet homme va conserver son nom de famille. Cela peut engendrer des fraudes. Autre effet pervers de cette disposition : dans le cas où la mère n'aurait pas reconnu son enfant, mais uniquement le père, la nouvelle épouse du père pourrait donner son nom à l'enfant, ce qui pourrait légitimer le phénomène des mères porteuses.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.)
    (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - I. - L'article 5 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est abrogé.
    « II. - Au début du deuxième alinéa de l'article 332-1 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
    « Le nom de famille des enfants est déterminé en application des dispositions des articles 311-21 et 311-23. »
    M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 6, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le II de l'article 4 :
    « II. - L'article 7 de la même loi est ainsi rédigé :
    « Art. 7. - Le deuxième alinéa de l'article 332-1 du code civil est ainsi modifié :
    « 1° Au début de cet alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
    « Par déclaration conjointe produite lors de la célébration du mariage ou constatée par le juge, les parents bénéficient de l'option ouverte à l'article 311-21, lorsque la filiation a été établie dans les conditions de l'article 334-1 et qu'ils n'ont pas usé de la faculté ouverte à l'article 334-2. » ;
    « 2° Le mot : "patronyme est remplacé par les mots : "nom de famille. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Cet amendement propose de faire intervenir le choix du nom de famille au moment de la célébration du mariage ou, si la légitimation a lieu par autorité de justice, lorsque celle-ci est constatée par le juge.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 6.
    (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

    M. le président. « Art. 5. - A l'article 333-5 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée, les mots : "règles énoncées à l'article 311-21 sont remplacés par les mots : "dispositions des articles 311-21 et 311-23. »
    M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 7, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début de l'article 5 :
    « Dans l'article 9 de la loi n° 2002-304... (le reste sans changement). »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Comme tout à l'heure, nous proposons d'insérer les modifications apportées par la présente proposition de loi non plus dans le code civil mais dans la loi du 4 mars 2002.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement n° 7.
    (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

    M. le président. « Art. 6. - Le premier alinéa de l'article 334-2 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
    « Lorsque le nom de l'enfant naturel n'a pas été transmis dans les conditions prévues à l'article 311-21, ses parents peuvent, par déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil, choisir pendant sa minorité soit de lui substituer le nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit d'accoler leurs deux noms, dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Mention du changement de nom figurera en marge de l'acte de naissance. »
    M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 8, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa de l'article 6 :
    « Le deuxième alinéa de l'article 12 de la loi n° 2002-304... (le reste sans changement). »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Cet amendement a le même objet que l'amendement précédent.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vuilque et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 19, ainsi rédigé :
    « Substituer au dernier alinéa de l'article 6 les deux alinéas suivants :
    « L'enfant naturel dont la filiation est, pendant sa minorité, établie successivement à l'égard de ses deux parents après sa naissance prend, par substitution, leurs deux noms accolés, le nom du père venant en premier, dans la limite d'un nom par famille pour chacun d'eux. Les parents peuvent également, par déclaration conjointe devant l'officier civil, choisir soit de lui substituer le nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit d'accoler leurs deux noms, dans l'ordre choisi par eux. »
    « Mention du changement de nom figurera en marge de l'acte de naissance. »
    La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. En cas de désaccord entre les parents, l'enfant naturel dont la filiation est établie successivement à l'égard de ses deux parents prend, par substitution, leurs noms accolés. Le nom du père est automatiquement en première position.
    En revanche, si les deux parents en sont d'accord, ils peuvent, par déclaration conjointe auprès de l'officier d'état civil, opter soit pour une substitution de nom de famille, soit transmettre leurs deux noms accolés dans l'ordre qu'ils souhaitent.
    C'est un retour à ce qui avait été prévu dans la loi de 2002.
    Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour demander au garde des sceaux de justifier la discrimination qui existe entre les enfants de couples qui sont d'accord pour donner leurs deux noms et, malheureusement, les enfants de couples divorcés qui n'auront pas cette possibilité.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons qu'elle a refusé les précédents amendements de M. Vuilque. Nous ne souhaitons pas que les deux noms puissent être donnés en cas de désaccord ou en cas de non-reconnaissance conjointe avec un choix des parents.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable.
    Monsieur Vuilque, dans le cas de la filiation naturelle, la filiation est divisible, ce qui n'est pas le cas lorsque la filiation est légitime. Il n'y a donc pas, à mes yeux, de discrimination : la situation est différente.
    M. Philippe Vuilque. Vous ne répondez pas exactement à ma question, monsieur le ministre !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement n° 8.
    (L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 6

    M. le président. M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 9, ainsi libellé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 12 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :
    « Art. 12-1. - Le début de la première phrase du premier alinéa de l'article 334-3 du code civil est ainsi rédigé :
    « "Lorsque la déclaration prévue à l'article 334-2 n'a pu être faite, le changement de nom... (le reste sans changement). »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 10, ainsi libellé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « L'article 13 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
    « Art. 13. - L'article 334-5 du code civil est abrogé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. C'est l'amendement dont je parlais tout à l'heure qui propose l'abrogation de la procédure de dation du nom.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement est adopté.)

Article 7

    M. le président. « Art. 7. - Le premier alinéa de l'article 363 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
    « L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier. Lorsque l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux. Le choix appartient à l'adoptant, qui doit recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du premier nom de celui-ci au premier nom de l'adoptant. En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au premier nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le premier nom du mari. »
    M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 11, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 7 :
    « L'article 18 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
    « Art. 18. - Le premier alinéa de l'article 363 du code civil est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
    « L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier.
    « Lorsque l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux. Le choix appartient à l'adoptant, qui doit recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du premier nom de l'adoptant au premier nom de l'adopté.
    « En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux et à défaut d'accord entre eux, le premier nom du mari. Si l'adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom des adoptants retenu est ajouté au premier nom de l'adopté. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Cet amendement propose une autre rédaction du premier alinéa de l'article 363 du code civil, relatif au nom de la personne faisant l'objet d'une adoption simple, pour trois raisons. Tout d'abord, il donne une meilleure lisibilité au texte. Ensuite, il harmonise les règles de détermination du nom de l'adopté simple selon qu'il est adopté par une personne seule ou par un couple marié : adopté et adoptant peuvent choisir, dans les deux cas, s'ils ont un double nom, ce nom conservé. Enfin, il précise que, en cas de désaccord ou à défaut de choix, c'est le nom de l'adoptant qui s'ajoute à celui de l'adopté, et non l'inverse.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.
    L'amendement n° 20 de M. Vuilque n'a plus d'objet.

Article 8

    M. le président. « Art. 8. - Le premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
    « La présente loi n'est pas applicable aux enfants nés avant la date de son entrée en vigueur. Toutefois, dans le délai de dix-huit mois suivant cette date, les parents titulaires de l'exercice de l'autorité parentale peuvent demander par déclaration conjointe à l'officier de l'état civil, au bénéfice de l'aîné des enfants communs lorsque celui-ci a moins de treize ans au 1er septembre 2003 ou à la date de la déclaration, l'adjonction en deuxième position du nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans la limite d'un seul nom de famille. Le nom ainsi attribué est dévolu à l'ensemble des enfants communs, nés et à naître.
    « Dans le cas où cette faculté est exercée par les parents d'un enfant âgé de plus de treize ans, le consentement de ce dernier est nécessaire. »
    M. Vuilque et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 21, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 8. »
    La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Avec cet amendement de suppression de l'article 9, je suis en cohérence avec ce que je disais tout à l'heure concernant le report de l'application de la loi au 1er janvier 2005.
    Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez répondu à mon amendement concernant l'enfant naturel, mais vous n'avez pas répondu à la question très précise que je vous ai posée quant à votre appréciation sur la discrimination qui est faite. Pardonnez-moi de remettre le couvert, mais j'aimerais bien obtenir une réponse claire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. J'ai expliqué dans mon exposé introductif qu'un certain nombre d'éléments techniques interdisaient l'application de cette loi au 1er septembre 2003, et qu'il était donc nécessaire de la repousser au 1er janvier 2005.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Huyghe, rapporteur, a présenté un amendement, n° 12, ainsi rédigé :
    « Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 8, substituer aux mots : "titulaires de l'exercice de le mot : "exerçant. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié par l'amendement n° 12.
    (L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 8

    M. le président. M. Huygue, rapporteur, a présenté un amendement, n° 13, ainsi rédigé :
    « Après l'article 8, insérer l'article suivant :
    « Dans l'article 24 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée, la référence : "334-5, est supprimée. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Sébastien Huyghe. Cet amendement de coordination vise à étendre à Mayotte l'abrogation de la procédure de dation du nom que nous venons d'adopter.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
    (L'amendement est adopté.)

Article 9

    M. le président. « Art. 9. - Le premier alinéa de l'article 25 de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 précitée est ainsi rédigé :
    « L'entrée en vigueur de la présente loi est fixée au 1er janvier 2005. »
    M. Vuilque et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 22, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 9. »
    La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission y est défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 16, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa de l'article 9, substituer à l'année : "2005 l'année "2004. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous souhaitons revenir à la date d'application qui avait été prévue par la précédente loi.
    Le délai de dix-huit mois qui avait été accordé pour appliquer la loi nous semble correct. Nous souhaitons donc que la loi soit appliquée dès 2004.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement. Le groupe de travail interministériel que la Chancellerie a mis en place sur le nom de famille a examiné les nombreux problèmes que posait la mise en application de la loi du 4 mars 2002, qui nécessite, je l'ai rappelé tout à l'heure, une instruction générale de l'état civil de 700 rubriques. Il faut former les officiers d'état civil, installer les logiciels informatiques... Cela demande du temps.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement 16.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
    (L'article 9 est adopté.)
    M. le président. Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition...
    M. Philippe Vuilque. Je n'ai pas eu de réponse à ma question.
    M. le président. La parole est M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Monsieur Vuilque, ma réponse ne vous convient sans doute pas, mais je vous l'ai donnée.
    M. Philippe Vuilque. Non. C'est : « Courage, fuyons ! »

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.
    Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
    Mme Muguette Jacquaint. Contre !
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

4

CHÈQUE-EMPLOI ASSOCIATIF

Discussion, en deuxième lecture,
d'une proposition de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la création d'un chèque-emploi associatif (n°s 695, 815).
    La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
    Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui, ce matin même, présentait une communication en conseil des ministres sur la réforme des retraites et qui continue, cet après-midi et ce soir, le cycle de ses rencontres.
    Il m'a tout spécialement chargée de le représenter lors de l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi portant création du chèque-emploi associatif, dont l'initiative revient à M. le député Jean-Pierre Decool et qui a été le premier texte inscrit à l'ordre du jour réservé aux groupes politiques.
    Je tiens tout d'abord à saluer le travail accompli sur ce texte par les députés et les sénateurs, dont Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteure du texte au Sénat.
    Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement, vous le savez, est attaché au développement de la démocratie locale, de la démocratie sociale et, d'une manière plus générale, d'une société participative trouvant en elle-même les ressorts de l'action collective, reconnaissant les mérites du dialogue et de la compréhension mutuelle, animée par les vertus de la responsabilité et de la fraternité, une société citoyenne, permettant à chacun d'exprimer sa capacite d'initiative et de participation.
    Une large part de cette capacité d'initiative et de participation de nos concitoyens s'exprime à travers la vie associative. Le Gouvernement se félicite à cet égard de la vitalité du monde associatif auquel il rend aujourd'hui un hommage particulier, vitalité qu'il entend stimuler et épauler car elle alimente le lien citoyen dont notre pays a plus que jamais besoin pour retisser son pacte social et républicain.
    Sur près de 900 000 associations en activité en France, 700 000 n'emploient aucun salarié et misent exclusivement sur l'énergie et le dévouement de plusieurs millions de bénévoles qui consacrent une partie de leur temps au bénéfice d'une cause qu'ils estiment juste ou utile. Nombre de ces associations éprouvent le besoin de s'attacher le concours de salariés quelques heures par semaine ou par mois pour accomplir des tâches de nature diverse. Elles en sont bien souvent dissuadées par la lourdeur et la complexité de notre réglementation : établissement d'un contrat de travail, de fiches de paye et de déclarations trimestrielles, correspondance avec les organismes sociaux, autant de tâches auxquelles les bénévoles sont généralement peu préparés et qu'ils peinent à accomplir.
    L'institution d'un chèque-emploi associatif qui fait l'objet de la proposition de M. Jean-Pierre Decool vise à résoudre les difficultés de fonctionnement auxquelles ces associations sont aujourd'hui confrontées et à leur permettre de bénéficier des concours occasionnels dont elles ont besoin.
    Afin de préserver les droits des salariés et des organismes de protection sociale, de permettre la mise en oeuvre rapide du nouveau dispositif et d'éviter qu'il ne soit détourné de son objectif, les modalités d'utilisation du chèque-emploi associatif ont été très utilement précisées grâce au débat auquel a donné lieu le texte de la proposition de loi, en première lecture au sein de votre assemblée, puis au Sénat.
    L'usage du chèque associatif doit rester limité aux petites associations à but non lucratif et être facultatif pour le salarié. Le texte qui vous est soumis le prévoit. La question du recouvrement des cotisations devait être résolue. Pour que le système fonctionne de façon satisfaisante, il fallait prévoir un guichet unique. Il est proposé que ce soit les URSSAF qui assument ce rôle. Cela paraît justifié.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'institution de ce chèque-emploi associatif doit permettre d'apporter un plus à des centaines de milliers de petites associations. Elle s'inscrit dans l'effort plus global du Gouvernement de simplification des relations entre l'administration au sens large, et les organismes de sécurité sociale en particulier, et les citoyens.
    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à l'adoption du texte qui vous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
     M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Pierre Decool, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous présente, pour une deuxième lecture, la proposition de la loi visant à la création d'un chèque-emploi associatif. Ce texte, que j'avais déposé en août 2002, avait été choisi par le groupe UMP pour l'une de ses premières niches parlementaires et notre assemblée l'a voté le 10 octobre 2002. Le 13 mars dernier, nos collègues sénateurs l'ont adopté en ajoutant quelques modifications, que je vais aborder dans quelques instants.
    Auparavant, je souhaite revenir sur l'esprit du texte.
    La vitalité du monde associatif en France n'est plus à démontrer. On dénombre environ 900 000 associations existantes.
    Chaque année, près de 70 000 associations se créent, vingt millions d'adhérents et onze millions de bénévoles participent à la vie associative. Ce secteur joue un rôle social majeur, mais également un rôle économique puissant, puisqu'il est un des premiers employeurs de France et pèse près de cinquante milliards d'euros, soit entre 3,5 % et 4 % du PIB.
    Les politiques d'embauche dans le milieu associatif doivent être encouragées, tel est l'objet de cette proposition de loi. Il s'agit de simplifier les démarches des petites et moyennes associations dans leurs formalités d'embauche, de paiement, de déclaration et de calcul des cotisations et contributions sociales.

    Le dispositif proposé s'inspire directement du chèque-emploi service, dont le succès prouve l'efficacité de ces systèmes de simplification. Par sa simplicité d'utilisation, le chèque emploi-service a généré l'afflux d'environ 200 000 nouveaux employeurs, soit la création d'environ 20 000 équivalents temps plein. Ce dispositif méritait d'être élargi aux associations. On peut prévoir la création de dizaines de milliers d'emplois.
    Le chèque vaut à la fois contrat de travail, bulletin de paie et moyen de paiement. L'association souhaitant embaucher un salarié avec un chèque-emploi associatif renverra le volet social aux organismes de recouvrement désignés dans le traitement et le calcul des cotisations et charges patronales.
    La simplification est une attente forte des Français. Le Gouvernement a été habilité à prendre par ordonnances diverses mesures destinées à simplifier la vie de nos concitoyens. On pourrait objecter que ce dispositif est une formalité de plus, et qu'au-delà du désir de simplifier il alourdit la masse des mesures déjà en vigueur. A ces arguments, je répondrai que les associations ont besoin de lisibilité. Le dispositif que nous proposons leur est spécialement destiné, au même titre que le titre emploi entreprise le sera pour les PME.
    Le texte initial a été enrichi du travail de nos collègues sénateurs, dans le but d'assurer une application effective et rapide du dispositif du chèque-emploi associatif. Je remercie à cet égard Sylvie Desmarescaux, sénatrice et rapporteure du texte, pour l'excellent travail qu'elle a effectué. D'auditions en réunions, elle a apporté des modifications techniques judicieuses afin de ne pas créer pour les salariés des petites associations un « statut au rabais ».
    Sans dénaturer l'esprit du texte initial, le Sénat a apporté quatre modifications.
    Premièrement, les associations, employeurs de droit commun, sont soumises à un ensemble de formalités sociales que le particulier employeur n'a pas à effectuer, telles la déclaration unique d'embauche et la tenue d'un registre unique du personnel. Il convenait donc d'inclure ces formalités dans le volet social du chèque-emploi associatif.
    Deuxièmement, les URSSAF on été désignées comme interlocuteurs directs et uniques des associations utilisant le chèque-emploi associatif. Il existe actuellement un dispositif de simplification appelé « Impact Emploi Association », permettant aux associations de choisir un tiers digne de confiance afin d'accomplir l'ensemble des formalités sociales de l'association employeur. Ce système est cependant coûteux et s'adresse donc aux associations employant plusieurs « équivalents temps plein ». Il ne doit pas être mis en concurrence avec le dispositif du chèque-emploi associatif. Les associations souhaitant embaucher un salarié avec le chèque-emploi associatif bénéficieront, à titre gratuit, des URSSAF comme tiers digne de confiance. Je souligne que cette désignation ne dépossédera aucun des organismes sociaux puisque les URSSAF transmettront les données à chaque organisme compétent.
    Les sénateurs ont pris en compte la situation particulière des salariés des associations affiliés au régime de protection sociale des professions agricoles. Les organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale transmettront directement aux caisses de mutualité sociale agricole les données permettant à ces dernières d'assurer la couverture sociale des salariés agricoles.
    Troisièmement, il a été décidé de supprimer le principe d'un allégement de charges. Les associations bénéficient au même titre que les employeurs de réductions de charges patronales. Ainsi, à compter du 1er juillet 2003, elles bénéficieront de l'allégement Fillon applicable aux salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC. Cet allégement représentera, au 1er juillet 2005, pour un SMIC, environ 85 % des charges patronales. De plus, les associations pourront cumuler cet allégement avec d'autres avantages : allégement de charges patronales propres aux contrats emploi-jeunes en entreprise, allégements liés aux contrats emploi-solidarité et aux contrats emplois consolidés.
    Quatrièmement, la date d'entrée en vigueur du dispositif a été fixée au 1er janvier 2004, ce qui permettra aux autorités administratives de définir les conditions d'application du chèque-emploi associatif et d'assurer toute la publicité nécessaire à la mise en oeuvre du système de simplification.
    Enfin, le Sénat a ajouté, en séance publique, un article 3 afin de créer un « chèque-emploi jeune été » visant à faciliter les emplois saisonniers des étudiants. Il revient au Gouvernement de fixer par décret les conditions de sa mise en oeuvre.
    C'est donc la proposition de loi ainsi modifiée qui nous est soumise. Le monde associatif attend de véritables mesures et ce premier texte marque un grand pas en faveur de la vie associative française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Masse.
    M. Christophe Masse. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si le texte qu'il nous est proposé d'adopter aujourd'hui a un mérite, c'est bien celui de faire porter sur un secteur et des acteurs qui jouent un rôle central dans la vie de notre cité et de notre pays un regard pratique.
    Je me réjouis de m'exprimer aujourd'hui dans l'intérêt de toutes celles et de tous ceux qui oeuvrent sur le terrain associatif, dans toutes nos communes de France, pour l'éducation, la formation, la solidarité, l'entraide sanitaire, l'insertion des personnes en difficulté, la prévention de la délinquance, la sensibilisation à l'environnement, l'animation culturelle et la pratique sportive.
    Est-il nécessaire de rappeler dans cette enceinte la densité du tissu associatif - nous ne dénombrons pas moins de 900 000 associations -, la diversité de ses activités et son développement exponentiel - 70 000 créations d'emploi annuelles - qui caractérisent notre pays ? Les associations constituent un bassin d'emploi exceptionnel, notamment dans les grandes structures, qui employaient à la fin de 2001 près de 100 000 emplois-jeunes.
    Depuis la loi séculaire de 1901, on ne peut que se féliciter du chemin parcouru par ces organes incontournables de la vie locale et nationale.
    Force est de constater le rôle économique majeur du secteur associatif : il est l'un des premiers employeurs de France, il contribue à l'emploi des femmes et il représente un atout majeur dans la politique paritaire. Un Français sur quatre y donne son temps, et parfois son argent, au détriment de sa vie privée. En effet, chacun d'entre nous est conscient de la précaire viabilité d'un grand nombre d'associations, compte tenu des difficultés financières, matérielles et humaines dont souffrent certaines d'entre elles, tout particulièrement les plus petites structures dont les sacrifices et l'altruisme des protagonistes ne suffisent guère pour en assurer la survie.
    La proposition de loi vise à simplifier l'embauche et les formalités liées au statut d'employeur des associations, ainsi qu'à limiter les barrières administratives et juridiques qui freinent toute initiative. Nous devons vous remercier, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, de l'avoir inscrite à notre ordre du jour.
    Elle tente de répondre aux attentes légitimes des élus et des responsables associatifs, mais - car il y a un « mais », vous vous en doutez bien - elle soulève nombre d'interrogations, notamment quant à l'encadrement juridique du dispositif. Surtout, elle est loin de combler le déficit de personnels et de crédits que le Gouvernement continue de creuser.
    Il est de notre devoir de souligner d'abord le caractère incomplet de la proposition de loi eu égard à la convention collective de référence comme à la diversité des activités et à la nature des emplois visés. A cet égard, M. Fillon avait évoqué devant les deux assemblées une sorte de convention « à la carte ». Mais la complexité d'une telle convention aurait été démesurée et contraire à l'objectif d'origine du texte, qui prétend faire oeuvre de simplification. Quoi qu'il en soit, tout cela suscite des inquiétudes en ce qui concerne les droits sociaux des salariés si l'on considère la disparité des profils de salariés rencontrés et la difficulté de ces derniers à s'y retrouver pour faire valoir leurs droits.
    Les auteurs du texte ont aussi évoqué la possibilité de favoriser l'octroi des aides issues du FNDS, le fonds national pour le développement du sport, et du FONJEP, le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, aux associations utilisatrices de chèques-emploi associatif.
    Comme vous l'a rappelé, à juste titre, notre collègue Jean-Marie Le Guen, lors de la première lecture, le FNDS a vocation à subventionner essentiellement les collectivités, clubs et associations sportifs les plus dépourvus et, ses ressources n'étant pas élastiques, ne sauraient s'étendre à tous les secteurs associatifs, d'autant plus que le Gouvernement envisage de réduire le plan « sport emploi » et les crédits de « profession sport ».
    Il est regrettable que l'abattement des charges sociales pour les associations utilisatrices du dispositif, proposé à juste titre dans le texte initial, n'ait pas été retenu par le Sénat, conformément au souhait de M. Fillon, au motif que les associations bénéficient déjà d'un certain nombre d'abattements. Mais ces abattements, je vous le rappelle, concernent exclusivement les bas salaires, et notamment les contrats aidés tels que les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé. En revanche, les associations qui doivent faire appel à des professionnels de plus haute compétence et de haute qualification, comme les entraîneurs sportifs diplômés, et les rémunérer en conséquence, ne bénéficient absolument pas d'abattements sur les salaires de ces personnels. C'est pourquoi nous vous redemandons, dans l'intérêt des associations et de leurs salariés, de rétablir l'abattement.
    Il est également regrettable que le Gouvernement actuel ne poursuive pas l'engagement, pris par son prédécesseur, de doubler le fonds national de développement de la vie associative, lequel servait à financer la formation des bénévoles, et il est anormal que l'on réduise ainsi de 30 millions de francs, soit 4,5 millons d'euros, ces subventions sans réelle réflexion de fond sur le statut du travailleur bénévole.
    Le chèque-emploi associatif ne sert-il pas de « cache-misère », comme dans l'éducation nationale, les assistants d'éducation de M. Ferry, qui n'ont d'autre fonction que de servir de rustines pour colmater le démantèlement des emplois d'aides-éducateurs dont l'éducation aura bien du mal à se passer ?
    M. Guy Geoffroy. Oh !
    M. Christophe Masse. Enfin, je ne peux passer sous silence la réduction drastique et irresponsable des emplois créés sous la précédente législature dans le secteur associatif : emplois-jeunes, contrats emploi-solidarité et tous les contrats aidés qui se révélaient de plus en plus indispensables à la collectivité, impulsant un dynamisme inégalé et répondant à des besoins sociaux.
    Les 100 000 emplois-jeunes permettaient à beaucoup de jeunes d'accéder à un premier emploi stable et d'aquérir une expérience professionnelle à faire valoir. Les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé permettaient une véritable réinsertion professionnelle, sinon sociale, à leurs bénéficiaires. Ils contribuaient largement à l'insertion des jeunes et, alors même que leur pérennité était certes à étudier, les supprimer est un non-sens.
    La proposition de loi étend, à l'initiative du Sénat, le dispositif aux emplois saisonniers d'été, à destination des jeunes et dont les conditions de mise en oeuvre seront, ainsi que vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, définies par décret.
    Comme un grand nombre de mes collègues, j'attends à cet égard de plus amples clarifications d'une part sur les critères statutaires des bénéficiaires et, d'autre part, sur la nature des décrets.
    En outre, le « chèque-emploi jeune été » est à mon avis bien trop restrictif dans la mesure où, de nos jours, les jeunes, pour la plupart étudiants, ne travaillent pas uniquement pendant la seule période estivale, mais également durant les autres saisons de l'année, notamment lors des petites vacances scolaires.
    S'il faut étendre le dispositif aux petits « jobs » d'étudiants, ne serait-il pas plus judicieux de qualifier ces chèques de « chèques-emploi-jeunes-vacances scolaires » ?
    Au nom de la simplification et de la facilitation à l'embauche des petits emplois temporaires, n'est-on pas en train de cultiver le terreau de ces petits emplois, de les précariser, allant ainsi à l'encontre des emplois à moyen et long terme et, par conséquent, plus stables ?
    Que proposez-vous, madame la ministre, pour canaliser cette dérive inévitable ?
    Le dispositif est, je le répète volontiers, louable sous l'angle de la simplification administrative. Mais il demeure trop ponctuel et homéopathique. Il n'a en réalité d'autre ambition que de nous faire oublier la suppression des emplois-jeunes créés par le gouvernement Jospin et qui étaient, quoi qu'on en dise, les véritables poumons du monde associatif.
    Le dispositif n'a d'autre ambition que de nous faire oublier la compression des subventions, prévue par la majorité actuelle dans le budget de 2003, notamment dans le domaine du sport, aggravant ainsi le processus d'asphyxie des structures les plus précaires, et de nous donner l'illusion que vous agissez en direction des associations alors même que vous raréfiez leur oxygène.
    Cette disposition législative ne saurait en aucun cas constituer une alternative à la régression de la politique de l'emploi amorcée par le gouvernement Raffarin dans un contexte défavorable au monde associatif en particulier et à l'emploi salarié en général.
    Il aurait été préférable que ce projet de simplification vienne renforcer le dispositif d'aide à l'emploi associatif mis en place sous le gouvernement Jospin et qu'il le fasse entrer dans une phase de pérennisation au lieu de prévoir un dispositif de substitution à une politique active en direction de l'emploi associatif.
    En outre, il ne palliera aucunement les difficultés financières ni la précarité de 85 % du corps associatif.
    Le groupe socialiste, qui souhaite rester très attentif aux réelles attentes du monde associatif, ne pourra souscrire à un tel dispositif. Il prendra à son égard une position d'abstention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    (M. Eric Raoult remplace M. Rudy Salles au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme le rapporteur M. Decool, je sens sur mes épaules le poids des 900 000 associations de notre pays, qui emploient 1,2 million de salariés, et je me dis que la décision que nous allons prendre aujourd'hui est, pour elles, d'une très grande importance.
    Je pense aussi à tous les bénévoles qui, dans nos quartiers, se dévouent sans compter dans toutes ces structures, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans le domaine social - ce sont les plus importants - ou dans ceux du sport ou de la culture.
    Je pense aussi à ces jeunes qui viennent souvent voir les élus locaux avec un projet. Nous leur conseillons de le mettre noir sur blanc et de créer une association, ce qui est une bonne expérience de citoyenneté. En outre, comme ils ont à élire le bureau de ces associations, ils font aussi une expérience de démocratie intéressante.
    Mais les bénévoles ne peuvent à eux seuls faire fonctionner les associations. La bonne volonté ne suffit pas : des compétences sont aussi nécessaires. Il est bon que l'on fasse appel à des salariés en nombre important et que les uns et les autres travaillent en harmonie. Les contrats qui existent sont là pour créer cette cohérence - je pense en particulier à tout ce qui tourne autour de l'agrément d'animation globale dans les caisses d'allocations familiales.
    En tout cas, cette proposition de loi est un bon texte. Le chèque-emploi associatif, qui reprend le dispositif du chèque-emploi service qui a fait ses preuves par le passé, convient aux attentes des petites et moyennes associations qui veulent pouvoir régler des vacations sur un temps partiel. Le dispositif très souple et simplifié qui est proposé va dans le sens de ce que le Gouvernement souhaite prendre par ordonnances et dont nous avons parlé il y a quelque temps.
    Le dispositif prévu favorisera aussi les embauches et luttera contre le travail au noir.
    Au Sénat, des mesures importantes ont été adoptées : le texte entrera en vigueur le 1er janvier 2004 et les URSSAF seront pour les associations des interlocuteurs directs et uniques.
    Je ferai seulement deux remarques au nom du groupe UDF.
    Il serait peut-être bon d'étendre par décret à toutes les périodes de vacances le dispositif prévu pour la période d'été. De plus, nous nous demandons si l'on ne pourrait pas également réfléchir aux cas des associations qui peuvent recourir à plus d'un emploi équivalent temps plein. Le dispositif ne pourrait-il pas être élargi ? Cela mériterait réflexion et discussion.
    Je voudrais également attirer l'attention du Gouvernement sur le financement des associations nécessaire pour leur fonctionnement et pour l'emploi. A cet égard, nous éprouvons une inquiétude. On nous dit que la politique de la ville prévoit d'aider davantage l'investissement dans nos communes. Mais si le fonctionnement des associations n'est plus aidé, les collectivités locales, qui ont déjà pas mal de difficultés, risquent d'être davantage sollicitées.
    En outre, nous sommes préoccupés par le gel de crédits du FASILD, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, qui a remplacé le FAS, le fonds d'action sociale. Il semblerait que ce gel ne soit pas effectif. Nous serions très satisfaits, madame la ministre, si vous pouviez nous rassurer sur ce point.
    Peut-être faudrait-il aussi donner plus d'informations sur le contrat emploi-jeunes, qui a remplacé les emplois-jeunes et dont le volet associatif est appréciable. On en a beaucoup parlé pour ce qui concerne les entreprises, mais il serait bon qu'on en parle davantage pour ce qui concerne les associations.
    Par ailleurs, nous attendons le contrat d'initiative à la vie sociale, qui nous a été promis lors de la campagne présidentielle. Je souhaite qu'il puisse faire l'objet d'un débat dans cet hémicycle. D'après certaines rumeurs, la mesure pourrait être prise par décret. Il serait dommage que nous ne puissions pas en parler, d'autant plus qu'il s'agirait, d'après ce que nous avions compris, plus d'une aide à la personne, aux jeunes, à un projet professionnel ou humanitaire, voire à la création d'entreprise, que d'une aide à l'employeur. La philosophie d'une telle mesure mériterait en tout cas d'être détaillée.
    Le groupe UDF votera la proposition de loi sans rien y changer car il est urgent de l'appliquer. Nous sommes cependant demandeurs d'un débat plus large, à l'occasion duquel nous pourrions étudier la manière de dépoussiérer la loi de 1901 sur les associations.
    Il serait sans doute bon de réactiver les assises de la vie associative, qui avaient constitué un rendez-vous très important il y a quelques années. Sur le terrain, dans nos quartiers, les associations ont un certain nombre de choses à dire.
    L'UDF, qui compte nombre d'élus locaux un peu partout en France, souhaite prendre toute sa part dans ce débat que nous vous réclamons car les associations sont vitales pour la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Artigues, d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint, qui, j'en suis persuadé, respectera le sien. (Sourires.)
    Mme Muguette Jacquaint. Madame la ministre, le texte qui nous revient du Sénat a été fort peu modifié. Les vertus et les manques que notre groupe avait dénoncés subsistent donc.
    Le chèque-emploi associatif ne vous rendra pas quitte de la reconnaissance et de la place que les associations attendent et méritent d'avoir dans notre société française. Pour être claire, je dirai que ce n'est pas de déclarations d'amour que les associations, leurs militants et leurs militantes ont besoin, mais d'actes et de preuves d'amour.
    Les récentes décisions budgétaires ne sont pas très rassurantes. Les gels puis les annulations de crédits touchent aussi grandement le titre IV des différentes budgets, en particulier ceux de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche. Les associations d'éducation populaires risquent de devoir revoir l'ensemble de leurs projets à la baisse.
    Je n'insisterai pas sur la baisse des crédits d'intervention du FASILD, ex-FAS, ni sur celle des crédits de la politique de la ville, alors que les associations qui en bénéficient sont indispensables au développement du lien social dans les quartiers.
    Le chèque-emploi associatif répondait à une forte demande des associations. Elles ont eu satisfaction. Il n'empêche que le volet des droits sociaux que devrait contenir le nouveau dispositif est toujours aussi indigent. Même à temps très partiel, le salarié concerné devrait bénéficier de la protection maximale.
    Le chèque serait donc valable pour tout type d'emploi voulu par une association. Ce sera, à l'évidence, une grande souplesse pour ces dernières. Dans l'immense majorité des cas, je sais qu'elles l'utiliseront sans détourner le dispositif. Mais je crois qu'il nous faudra rester vigilants quant à l'application de celui-ci et quant aux publics réellement touchés.
    Je souhaite, madame la ministre, que le Gouvernement s'engage à donner à la représentation nationale, après une à deux années de mise en place, des éléments d'évaluation de la pertinence du système. Le fait qu'il n'y ait pas de convention collective de référence fragilise le salarié par rapport à son association employeuse. La convention applicable ne pourrait-elle pas être celle de rattachement de l'association employeuse ? Cette proposition pourrait aussi être valable pour la caisse de retraite de rattachement. Ce flou maintenu dans le texte s'inspire largement de la volonté que vous avez d'exonérer les employeurs du plus de charges possible. Cette logique vaut aussi pour les associations. Je le comprends dans la situation qui est la leur aujourd'hui, mais à terme je crois que nombre d'entre elles voudraient employer des salariés normalement rémunérés, avec des conventions collectives de rattachement.
    Pour ce faire, il faudrait que l'Etat et les collectivités locales abandonnent cette logique de l'aide au projet, qui se fait systématiquement au détriment de l'aide au fonctionnement. Les associations courent après les subventions et les financements alors qu'elles ont beaucoup d'autres choses à faire cent fois plus efficaces et plus intéressantes. Il faudrait qu'elles bénéficient de financements pluriannuels pérennes et surtout d'une aide à leur fonctionnement, voire d'une baisse de la TVA sur leurs investissements. Mais cela, j'ai cru le comprendre, n'est pas dans les intentions du Gouvernement.
    Le contexte actuel et le chômage galopant ne font rien à l'affaire. Vous continuez de croire que le marché peut et doit tout réguler. Seulement, les activités associatives ne relèvent pas toutes du secteur concurrentiel. Je dirai même qu'il y a des distorsions de concurrence entre des associations qui ont un projet pédagogique et des méthodes différentes du secteur marchand. Pourtant, certaines collectivités n'hésitent pas à mettre en concurrence le secteur associatif et le secteur marchand, au détriment bien souvent de la qualité du service. Je pense en particulier au secteur des vacances et des loisirs notamment des jeunes.
    Les associations ne sont pas que des pis-aller auxquels recourir quand le service public ne fait pas ou quand le secteur marchand n'est pas intéressé par ce « segment de marché » peu ou pas assez rentable. Elles naissent de la volonté collective, d'un projet collectif. Il faut respecter leur indépendance et leur travail. Il est souvent inventif et magnifique. Alors oui, il faut les aider ! Cette proposition ne correspond qu'à une partie de leurs besoins. Expliquez-leur que, dans le même temps, vous supprimez des CES ou des CEC, que les emplois-jeunes vont devenir le plus grand plan de licenciement de l'histoire récente !
    Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte qui, de toute façon, est pour nous entaché d'un manque important : il n'a donné lieu à aucune concertation ni avec le CNVA, ni avec la CPCA, ni avec les grandes coordinations associatives.
    M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.
    Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le président, mes chers collègues, ce texte a suscité non seulement beaucoup de propositions et d'enthousiasme, mais aussi quelques réserves. Je souhaite insister rapidement sur l'esprit qui a présidé à sa rédaction et qui en éclaire les différents articles. Personnellement, j'y ai vu deux éléments très importants : un signe fort de reconnaissance et un cri d'alarme.
    Tout d'abord, ce texte est un signe fort de reconnaissance pour les milliers de petites associations de l'ombre, de proximité. Nous les avons rencontrées sur le terrain, car elles n'ont pas la possibilité de venir nous voir à Paris, contrairement, madame Jacquaint, aux très grandes associations dont nous avons vu les représentants dans le cadre de notre groupe d'études sur le développement du monde associatif et du bénévolat. Du reste, contrairement à ce que vous pouvez penser, celles-ci ont été très enthousiastes à l'idée que nous puissions créer ce dispositif pour les petites associations, dont les activités sont différentes et qui ne rencontrent pas les mêmes problèmes de financement et d'emploi que les grandes. Cette reconnaissance envers les petites associations, qui ne viennent pas à Paris vous solliciter, est un très grand signe.
    Ensuite, ce texte est un cri d'alarme. En effet, parce que vous connaissez bien ces petites associations, monsieur Decool, vous êtes très conscient des risques qui pèsent sur leurs activités et leur survie et vous savez parfaitement que, la plupart du temps, elles ont des problèmes d'argent et de personnel, qu'elles ont du mal à respecter des règles que, souvent, elles comprennent mal ou qu'elles ne peuvent pas appliquer. Quand on s'engage dans une association, c'est que l'on a un idéal, que l'on poursuit un but et que l'on veut exercer une mission, la partager avec d'autres. Or l'on passe les trois quarts de son temps à réaliser des démarches administratives, à essayer de suivre les méandres de la réglementation du travail et à chercher de l'argent que l'on ne trouve pas. Que se passe-t-il alors ? Vous commencez à démissionner. Votre engagement n'est plus aussi fort et les bénévoles se démotivent. Vos actions s'en trouvent alors réduites, ce qui diminue d'autant vos chances d'obtenir des subventions.
    Ce cercle vicieux, vous avez voulu le briser, mes chers collègues, et je vous en remercie. C'est cette reconnaissance des bénévoles et cette prise de conscience du danger encouru par les petites associations qui vous ont conduit à chercher un moyen pour les aider. La création du chèque-emploi associatif est un soutien parfaitement adapté à la spécificité de leur situation. C'est pourquoi il me paraît très important de cibler les petites associations à but non lucratif qui n'emploient pas plus d'un équivalent temps plein. Ce sont en effet elles qui ont besoin d'être aidées. Ce sont elles qui ont des soucis. Ce sont elles dont les bénévoles, qui appartiennent à des catégories extrêmement différentes - mères de famille, retraités, jeunes en attente d'une insertion professionnelle dans le monde marchand -, doivent être déchargés ponctuellement, car ils ont des horaires variables d'un mois à l'autre, d'une saison à l'autre. Ce sont elles que la solidarité nationale nous impose d'aider, et je ne comprends pas comment l'on pourrait se désintéresser de ce sujet.
    Cela dit, l'efficacité du chèque-emploi associatif dépendra évidemment de sa simplicité d'utilisation. Vous avez rappelé les efforts qui ont déjà été faits en ce sens, mais ils n'ont pas été suffisants - je pense à l'obligation du « tiers de confiance » qui rebutait un peu les associations. Le fait de désigner l'URSSAF comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant le chèque-emploi associatif est un vrai bond en avant qualitatif en matière de simplification. Toutes les petites associations auxquelles j'en ai parlé attendent avec impatience cette mesure, qui leur permettra non seulement de recruter des salariés, mais aussi de défrayer leurs bénévoles.
    Autre avantage du chèque-emploi associatif : il permettra d'assurer la transparence dans la gestion des associations. Il faut savoir que le bénévolat coûte à celui qui s'investit gratuitement et qu'actuellement les déplacements, les frais de téléphone, les nécessaires frais de représentation pour qui veut obtenir des aides ne peuvent pas être pris en compte par les petites associations à leur coût réel. Elles sont donc conduites, pour pouvoir dédommager leurs bénévoles, à majorer les frais de déplacement, voire à en inventer, ou à leur procurer ce que l'on appelle des cadeaux. Le grand intérêt du chèque-emploi associatif sera de permettre à certains bénévoles d'être rémunérés uniquement pour leur activité professionnelle, en respectant évidemment le principe de gratuité en ce qui concerne leur engagement bénévole.
    Enfin, et je terminerai par là, ce dispositif présente un autre grand avantage : il permettra une clarification quantitative et qualitative du secteur associatif. Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, nous n'avons toujours obtenu que des chiffres approximatifs s'agissant du nombre d'associations et de leur type d'activité. En effet, si celles-ci sont obligées de s'inscrire en préfecture pour exister, elles ne sont pas du tout tenues de signaler leur disparition. J'ai ainsi connu des cas où des subventions étaient accordées à des associations qui étaient en sommeil depuis de longues années, voire qui avaient disparu. Eh bien, je suis persuadée que le chèque-emploi associatif permettra de mieux évaluer l'activité réelle des petites associations. On pourra en effet se poser des questions sur l'existence réelle de celles qui n'utiliseront pas cette faculté. Quant à celles qui utiliseront fréquemment ces chèques-emploi associatif, elles pourront obtenir plus facilement des aides privées ou publiques,
    Les modifications apportées par le Sénat me paraissent très opportunes. Cela dit, c'est une très bonne idée de vouloir soutenir les étudiants, mais ils peuvent avoir des vacances à un autre moment qu'en été et il aurait été préférable de parler de « périodes de vacances estudiantines ». Toutefois, c'est un détail.
    L'important, monsieur Decool, c'est que ce texte entre en application dès le 1er janvier 2004. Nous l'attendons avec beaucoup d'espoir. Il était grand temps que ce monde où règnent le désintéressement, l'amour des autres et le sens du partage fasse enfin l'objet d'une reconnaissance publique et du soutien de la représentation nationale. A nous, maintenant, de demander aux collectivités locales de nous suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
    M. Michel Liebgott. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte répond à des intentions nobles auxquelles nous pourrions pour l'essentiel souscrire, sous réserve de quelques modifications.
    Nous souhaitons que le chèque-emploi associatif ne constitue qu'une première étape. Ce dispositif instaure en effet des emplois à courte durée, qui plus est le plus souvent à temps partiel, qui seront porteurs d'une certaine précarité. Il faut donc, de notre point de vue, les compléter par des dispositifs plus solides. Il nous paraît primordial de généraliser le système du groupement d'employeurs. Nous nous interrogeons aussi sur les perspectives d'embauche par des organismes autres que les associations. Ce dispositif sera-t-il réservé aux associations ou pourra-t-il être étendu à d'autres employeurs ? Quant à l'idée d'un statut du volontariat dans les associations, en particulier dans les centres de loisirs, est-elle abandonnée ou est-ce encore une perspective réaliste pour l'avenir ?
    Des petites modifications sont donc nécessaires. Pour autant, ce texte est en réalité l'arbre qui cache la forêt. En effet, sur le terrain, dans les associations, en particulier dans les plus importantes, l'angoisse et la consternation prédominent, tant sur un plan collectif que sur celui des destins individuels, du fait de la suppression des emplois aidés. C'est la dignité qui est ainsi en cause et le retour à l'inactivité, fût-elle indemnisée, est envisagé avec désespoir. Même la pédagogie est mise à mal, puisque le revenu minimum d'activité dont on nous parle n'y changera rien. Vous le savez, jusqu'à présent, le premier débouché des RMIstes était le CES. Je n'ose pas parler des perspectives d'emploi, dont on voit bien qu'elles seront purement et simplement catastrophiques pour ce type de public. Et nous n'avons pas encore vu le pire, puisque les principaux départs n'auront lieu qu'en 2004 et 2005.
    Pour vous donner un exemple concret et très pragmatique, dans ma commune déjà durement touchée par la fermeture d'une unité du groupe Daewoo, savez-vous combien d'emplois sont supprimés dès maintenant la diminution ou de la disparition des CES, CEC, emploi-jeunes et autres emplois aidés ? Ce nombre est de 170, c'est-à-dire autant que le nombre de postes supprimés par la multinationale sud-coréenne, elle-même largement subventionnée. On la condamne pour gâchis des fonds publics, mais que fait l'Etat employeur et subventionneur, si ce n'est la même chose ?
    Ces emplois aidés représentent aussi 10 % de la masse salariale de la commune que j'ai l'honneur d'administrer, et ce n'est pas une exception : beaucoup d'autres communes sont exactement dans la même situation. Alors leur travail était-il si inutile ? Ce n'est pas mon sentiment. Ce n'est sans doute pas le vôtre non plus, puisque beaucoup d'élus ont utilisé ces emplois aidés. On nous répondra que l'erreur est corrigée, que, pour faire face à la montée régulière du taux de chômage, on prévoit 100 000 CES supplémentaires ! Certes, en théorie, mais si les critères d'embauche ne sont pas assouplis, la grande majorité des bénéficiaires actuels sortiront du dispositif.
    En réalité, au-delà des drames humains, c'est vers un transfert de responsabilité que nous allons, transfert de responsabilités vers les élus locaux, les maires et leurs conseils municipaux qui auront le choix entre créer de nouveaux postes de fonctionnaires pendant que l'Etat supprime les siens ou augmenter les crédits des CCAS, s'il faut se contenter de les aider de façon assez miséricordieuse et non plus solidaire.
    Bien entendu, aller vers la simplification du recrutement, pour quelques heures par semaine, est une bonne chose, mais cette amélioration n'est qu'une goutte d'eau par rapport à l'immense attente du monde associatif, qui, avant même les décrets d'application de cette loi que l'Assemblée, va aujourd'hui adopter et sur laquelle nous nous abstiendrons, souhaite que vous mainteniez les dispositifs antérieurs : ils ont fait leur preuve dans cette république de proximité, dont le Gouvernement parle tant pour mieux l'étouffer.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.
    M. Gérard Charasse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'avais eu le plaisir d'intervenir en première lecture sur cette proposition de loi. Je vais donc redire aujourd'hui rapidement les motifs de mon adhésion générale à ce texte et insister sur les modifications opérées par nos collègues sénateurs et singulièrement par la rapporteure du Sénat, Mme Sylvie Desmarescaux.
    Les radicaux de gauche ont voté ce texte en première lecture pour trois raisons principales.
    D'abord, il s'agit d'un texte d'initiative parlementaire. Nous voilà donc dans notre rôle, mes chers collègues ! C'est un rappel rafraîchissant au moment où le Gouvernement explique publiquement et par le menu les lois qu'il fera voter alors que, pour certaines d'entre elles, nous n'en sommes même pas encore saisis.
    Ensuite, ce texte s'adresse aux associations. Je redonne, pour la forme, des chiffres qui sont connus dans cette enceinte : 900 000 associations françaises, un budget cumulé qui atteint 4 % du produit intérieur brut de notre pays, et 1,2 million de salariés.
    Enfin, c'est un texte destiné aux petites associations, celles pour lesquelles les subventions des collectivités ou de l'Etat - c'est plus rare - ne se chiffrent qu'en dizaines d'euros.
    Je veux maintenant revenir sur les modifications opérées au Sénat. Elles sont au nombre de six.
    Premièrement, je suis réservé sur la suppression de l'obligation de rédiger un contrat de travail. Nous ne sommes pas ici dans le cadre des chèques emploi-service et il peut se poser des problèmes de responsabilité qui relèvent du contrat et qui, en l'absence de celui-ci, seront tranchés par les tribunaux. Je ne pense pas que cela soit une bonne idée.
    Deuxièmement, je n'ai pas d'objection majeure sur la dispense de l'ensemble des formalités liées à l'embauche d'un salarié. Cela s'inscrit pleinement, en effet, dans l'esprit du dispositif.
    Troisièmement, il en est de même du guichet unique pour les déclarations, le calcul et le versement des cotisations et contributions sociales. Le rôle des URSSAF étant précisé de façon explicite, la loi gagne en clarté. C'est donc un très bon amendement.
    Quatrièmement, nous nous étions posé la question, en première lecture, de la date d'application. Il faut, en l'occurrence, à la fois faire savoir que cette loi s'appliquera - et le faire clairement s'agissant d'un texte d'origine parlementaire - mais aussi laisser aux organismes le temps de s'organiser. A cet égard, la date du 1er janvier 2004, prévue au nouvel article 2, me semble un bon compromis.
    Cinquièmement, je veux dire un mot de l'article 3 et de l'extension de ce dispositif, proposée par M. de Raincourt et M. Carle, à un chèque-emploi jeune été. Cette disposition tend à faciliter l'emploi saisonnier des étudiants. Je souscris à cette proposition, avec toutefois un doute sur l'opportunité de la mention, à l'article 3, du mot « été » dont la qualité juridique est faible dès lors que les étudiants peuvent vouloir obtenir un emploi saisonnier à d'autres périodes de l'année. Il importe, mes chers collègues, que la loi soit bien rédigée et que nous ne transférions pas aux juridictions la responsabilité de faire l'exégèse de nos travaux. Il faut donc préciser ce point.
    Sixièmement, enfin, je veux revenir un instant sur la suppression de l'allégement spécifique de cotisations sociales patronales pour les associations utilisatrices.
    Pardon de le dire, mais c'était le coeur du projet. Il n'est pas raisonnable de supprimer cette aide au motif que la loi du 17 janvier dernier a refondu les allégements de cotisations car nous ne sommes pas du tout dans la même ordre de chiffres. En tant qu'acteurs économiques, les ménages favorisent le climat de confiance sur le rapport financier. C'est d'ailleurs pour cela, je le dis au passage, qu'une baisse du taux de rémunération du livret A n'aura aucun impact sur la demande.
    Les associations se comportent à l'inverse. Il faut donc, d'autant qu'il sera limité puisque nous nous adressons aux petites associations, qu'il existe un avantage financier. Je souhaiterais donc que ce dispositif d'exonération initial puisse être rétabli, voire modulé, pour être compatible avec la loi du 17 janvier.
    Telles sont les remarques que j'avais à formuler sur ce texte. Les réponses qui y seront apportées conditionneront naturellement le vote que nous émettrons.
    M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Articles 1er, 2 et 3

    M. le président. « Art. 1er. - I. - Le chapitre VIII du titre II du livre Ier du code du travail est ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« Associations à but non lucratif

    « Art. L. 128-1. - Un chèque-emploi associatif peut être utilisé par les associations à but non lucratif employant au plus un équivalent temps plein, pour rémunérer des salariés et pour simplifier les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale ou au régime obligatoire de protection sociale des salariés agricoles, au régime d'assurance chômage et aux institutions de retraites complémentaires et de prévoyance.
    « Le chèque-emploi associatif ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue à la remise du bulletin de paie prévue par l'article L. 143-3.
    « Les associations utilisant le chèque-emploi associatif sont réputées satisfaire à l'ensemble des formalités liées à l'embauche et à l'emploi de leurs salariés, notamment celles prévues aux articles L. 122-3-1, L. 212-4-3, L. 320, aux déclarations au titre de la médecine du travail et du régime des prestations mentionnées à l'article L. 351-2, ainsi qu'à l'obligation prévue à l'article L. 620-3.
    « La rémunération portée sur le chèque-emploi associatif inclut une indemnité de congés payés dont le montant est égal au dixième de la rémunération totale brute due au salarié pour les prestations effectuées.
    «    Les organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale organisent directement, et à titre gratuit, la gestion du chèque-emploi associatif au profit des associations. Pour les salariés d'associations relevant du régime obligatoire de protection sociale des salariés agricoles, les organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale transmettent aux caisses de mutualité sociale agricole les donnés permettant à ces dernières d'assurer la couverture sociale de ces salariés. Un accord entre les organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale et les caisses de mutualité sociale agricole prévoit les modalités de gestion et de répartition du versement unique des cotisations et contributions sociales dues au titre des rémunérations des salariés concernés.
    « Les chèques-emploi associatif sont émis et délivrés par les établissements de crédit ou par les institutions ou services énumérés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier qui ont passé convention avec l'Etat. »
    «    II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté. )
    « Art. 2. - La présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2004. ». - (Adopté.)
    « Art. 3. - Il est créé un « chèque-emploi jeune été » visant à faciliter les emplois saisonniers des étudiants dont les conditions de mise en oeuvre seront créées par décret. ». - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.
    Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
    Mme Muguette Jacquaint. Abstention !
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à vous dire à quel point je suis heureux de voir ce texte voté par notre assemblée. Il marque la reconnaissance de la représentation nationale à l'égard des quelque dix millions de bénévoles qui travaillent au sein des nombreuses associations - presque un million - que compte notre pays.
    C'est une fierté pour nous que d'avoir voté ce texte aujourd'hui. A cet égard, je voudrais remercier Jean-Pierre Decool pour tous les efforts qu'il a déployés - j'en ai été le témoin attentif depuis le mois d'octobre - pour faire passer ce texte beau et simple, et lui dire combien la commission des affaires sociales a été heureuse de l'accueillir transitoirement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous aurons donc une loi Decool !

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 7 mai 2003, de M. Augustin Bonrepaux, un rapport, n° 828, fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, sur la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux et plusieurs de ses collègues en faveur de l'égalité des chances des territoires et de la revitalisation de l'économie rurale (n° 787).

6

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Mardi 13 mai 2003, à neuf heures trente, première séance publique :
    Débat sur l'assurance maladie et la politique de santé ;
    Fixation de l'ordre du jour.
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du projet de loi, n° 758, relatif à la chasse :
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 821).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
HAUT CONSEIL DU SECTEUR PUBLIC
(1 poste à pourvoir)

    La commission des finances, de l'économie générale et du Plan a désigné M. Pierre Bourguignon comme candidat, en remplacement de M. Henri Emmanuelli, démissionnaire.
    La candidature est affichée et la nomination prend effet dès la publication au Journal officiel du jeudi 8 mai 2003.

CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 13 mai 2003, à 10 heures, dans les salons de la présidence.