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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 14 MAI 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 13 mai 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Urbanisme, habitat et construction. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
2.  Publication du rapport d'une commission d'enquête «...».
3.  Débat sur l'assurance maladie et la politique de santé «...».
MM.
Jean-Marie Le Guen,
Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées,
Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles,
M.
Jean-Luc Préel,
Mme
Jacqueline Fraysse,
M.
Yves Bur,
Mme
Catherine Génisson,
MM.
Paul-Henri Cugnenc,
Philippe Vitel,
Mme
Paulette Guinchard-Kunstler,
MM.
Michel Heinrich,
Claude Evin.
M. le ministre.
Clôture du débat.
4.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

URBANISME, HABITAT ET CONSTRUCTION

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
    « Paris, le 9 mai 2003
    « Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

2

PUBLICATION DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

    M. le président. Le mardi 6 mai 2003, M. le président a informé l'Assemblée nationale du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne.
    Il n'a été saisi, dans le délai prévu à l'article 143, alinéa 3, du règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.
    En conséquence, celui-ci, imprimé sous le n° 825, sera distribué.

3

DÉBAT SUR L'ASSURANCE MALADIE
ET LA POLITIQUE DE SANTÉ

    M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.
    L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe socialiste, la Conférence des présidents a décidé de donner en premier la parole à un orateur de ce groupe.
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées, mes chers collègues, si nous avons décidé d'organiser, en vertu d'une procédure exceptionnelle, un débat sur la situation de l'assurance maladie, c'est parce que nous la jugeons particulièrement grave et parce que, monsieur le ministre, nous estimons que, contrairement à vos engagements, vous fuyez vos responsabilités devant le Parlement.
    La situation du système d'assurance maladie est grave, si grave, peut-être, que l'impéritie du Gouvernement le déstabilise. Sa détérioration en quelques mois conduit à une situation qui pourrait devenir difficilement réversible.
    Pourtant, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, nous avions déjà dénoncé l'irréalisme de vos prévisions et le danger que représentait la suppression unilatérale de tout mécanisme de maîtrise des dépenses. En réponse, vous vous engagiez devant l'Assemblée nationale à revenir avec un projet de loi de financement rectificatif si vos prévisions n'étaient pas réalisées et si des corrections se révélaient nécessaires. Mieux encore, saisi par le groupe socialiste, le Conseil constitutionnel n'a validé votre projet de loi qu'à la condition de cet engagement à le rectifier quand ce serait nécessaire.
    M. Yves Bur. Quelle mauvaise foi !
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, en y renonçant maintenant, vous faites bien peu de cas de votre crédit politique. Que vaut désormais la parole engagée devant l'Assemblée nationale par le ministre de la santé ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'échec de votre politique se traduit d'abord, bien sûr, dans la situation financière de l'assurance maladie pour 2002 et 2003. Entendons-nous bien : personne ici - à part vous à l'automne dernier ! - ne nie la difficulté permanente à réaliser l'équilibre des comptes de notre protection sociale. Certes, les chiffres abyssaux des déficits de 2002 et 2003 - sans doute bien plus de 10 milliards d'euros de besoin de financement - tiennent d'abord à l'affaiblissement des recettes et donc au défaut de croissance et d'emploi.
    Mais, outre le fait qu'aucun membre du Gouvernement ne peut se dégager de la responsabilité du pilotage de la conjoncture économique, il était de votre devoir de présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, équilibré et prenant en compte les risques de la conjoncture, permette d'appliquer le principe de précaution à nos finances sociales.
    M. Yves Bur. Vous parlez en spécialiste !
    M. le président. Monsieur Bur, n'engagez pas le débat !
    M. Jean-Marie Le Guen. Effectivement, en spécialiste de l'équilibre des comptes, monsieur Bur, vous l'avez parfaitement noté ! Merci de votre soutien ! (Sourires.)
    Non content de vous satisfaire de prévisions irréalistes, vous avez démantelé tous les systèmes de maîtrise des dépenses, il est vrai souvent imparfaits. Plus choquant encore, peut-être, vous avez, avec beaucoup d'irresponsabilité, présenté un budget qui, en affichant un déficit de 7 milliards d'euros, envoyait un signal d'irresponsabilité et de laxisme à tous les acteurs.
    A l'évidence, l'équilibre des comptes sociaux n'était pas votre préoccupation. Vous ne pouvez pas pour autant fuir vos responsabilités devant le dérapage des dépenses. Les chiffres sont là : 7,5 % de croissance des dépenses en 2002, avec une augmentation particulièrement explosive à la fin de l'année. La même tendance est prévue pour 2003. Vous avez annoncé pour 2003 un ONDAM « vérité » de 5,3 % que beaucoup, y compris parmi vos amis, trouvaient trop généreux. Il sera dépassé, comme l'on sait. Adieu la vérité, adieu la maîtrise !
    Mais les chiffres dramatiques du déficit record ne disent pas tout de votre échec. Quelle est aujourd'hui l'actualité dans le secteur de la santé et de l'assurance maladie ? C'est la menace massive de déconventionnement des spécialistes, le mécontentement des personnels hospitaliers, les manifestations des sages-femmes, la grogne des praticiens hospitaliers, la grève des urgentistes, les états généraux de la psychiatrie, le retard et l'incertitude sur le plan Hôpital 2007 et la rupture de la négociation conventionnelle.
    Douze mois après votre arrivée, quels succès pour un gouvernement qui se flattait du soutien et de la confiance des professions de santé et qui n'a pas ménagé les annonces et les flatteries en leur direction !
    Votre politique, c'est aussi un accès aux soins plus coûteux et plus difficile pour les Français et la volonté de transférer sur les patients une première vague de déremboursement. Ce fut d'abord la création du tarif de responsabilité pour les génériques, affirmant votre volonté de rembourser seulement sur une base forfaitaire certains médicaments. Nous vous avions reproché de faire ainsi porter sur les patients et les malades une responsabilité qui n'était pas la leur, mais aussi de briser l'élan positif que représentait de l'engagement du 5 juin des médecins généralistes à prescrire ces fameux génériques.
    Pouvez-vous nous dire aujourd'hui quelle est la situation ? Avions-nous raison de craindre un fléchissement ? Et pensez-vous que la responsabilité doive en incomber effectivement aux médecins généralistes ou bien à la confusion des politiques que vous avez vous-même introduite à travers l'annonce des tarifs de responsabilité ?
    Puis ce fut la décision scandaleuse sur la forme et sur le fond du déremboursement de 617 médicaments. J'y reviendrai plus tard.
    M. Philippe Vitel. C'est une idée de Mme Aubry !
    M. Jean-Marie Le Guen. Voyez comme vous avez le courage d'assumer votre propre politique !
    Il faut ici rappeler les attaques de votre gouvernement contre l'aide médicale, contre la CMU, contre l'APA. D'une façon générale, le déremboursement est la seule constante de la politique de ce gouvernement.
    Incohérence sanitaire, économies à la petite semaine, accroissement des primes d'assurance complémentaire ouvrant la voie à de futures privatisations : le constat est accablant. Mais, là encore, comme le faisait un de nos collègues à l'instant, vous préférez fuir vos responsabilités en imputant successivement vos décisions... (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. Mais enfin, c'est la responsabilité de la gauche !

    M. le président. Laissez parler l'orateur, chers collègues !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... soit à des erreurs de l'administration, soit même, avec une grande mauvaise foi, aux décisions d'un gouvernement précédent. En fait, une telle augmentation témoigne de la gêne de la majorité et de la faiblesse de sa politique.
    Venons-en à votre pratique du dialogue social. Vous avez souhaité assurer, à juste titre - je vous avais approuvé - la responsabilité du pilotage de la santé et de l'assurance-maladie. Vous vous êtes donc donné les moyens de mener pleinement une politique. Qu'en est-il aujourd'hui ?
    Le MEDEF, dont vous avez injustement préservé les intérêts dans la gestion de la branche accidents du travail et dans le dossier de l'amiante, boycotte toujours, sans que cela semble émouvoir quiconque, les organismes de sécurité sociale.
    M. Yves Bur. A qui la faute ?
    M. Jean-Marie Le Guen. A vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'avez pas hésité à prendre des décisions brutales, comme celle du déremboursement des 617 médicaments, sans jamais consulter les partenaires sociaux, au premier rang desquels les mutuelles.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'était une idée de Mmes Guigou et Aubry !
    M. Jean-Marie Le Guen. Les associations de malades ne cessent de protester contre la manière dont elles sont mises à l'écart et ignorées du ministère.
    La politique conventionnelle a échoué devant les exigences inacceptables de certains spécialistes, malheureusement encouragés par certains propos, et tout particulièrement ceux de M. Douste-Blazy, sur la liberté tarifaire.
    Non seulement vous ignorez le Parlement et le Conseil constitutionnel, monsieur le ministre, mais le dialogue social dans son ensemble est en panne dans votre secteur ! La technocratie, l'opacité, le mandarinat ne sont pas les critères d'une bonne gouvernance de notre système de santé. On comprend mieux que vous vous soyez réticent devant le concept de la démocratie sanitaire !
    M. Yves Bur. Provocateur !
    M. Jean-Marie Le Guen. Certains se sont sentis touchés !
    M. le président. Monsieur Le Guen, M. Bur est suffisamment vif ce matin, ne l'interpellez pas ! (Sourires.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais l'objet de ce débat ne se résume pas au bilan de votre politique. Nous vous demandons également d'éclairer la représentation nationale sur des décisions qui doivent être prises rapidement.
    Ma première interrogation, monsieur le ministre, s'adresse à l'ensemble du Gouvernement et concerne le besoin de financement de l'assurance maladie et de la sécurité sociale. La question aujourd'hui n'est pas de savoir si vous allez opérer ou non un prélèvement supplémentaire sur le revenu des Français - quelles qu'aient pu être les déclarations du Premier ministre - mais de savoir quand, comment et combien.
    Combien ? Pour vous aider à répondre, je rappelle que pour combler les seuls déficits de 2002 et 2003, il faudrait deux à trois points annuels de CSG.
    Quand ? La logique d'une bonne gestion et vos engagements de corriger en cours d'année vos erreurs de prévision auraient dû vous conduire à agir dès le mois de septembre. Mais, sans doute afin de ne pas inquiéter les Français au moment où vous vous attaquez à leurs pensions de retraite, préférez-vous attendre janvier prochain et le PLFSS pour 2004 ? Peut-être aussi pensez-vous que la dégradation de la situation vous aidera à justifier plus facilement une nouvelle ponction et des projets de privatisation ?
    Comment ? Vous avez sans doute le choix entre une hausse de la CSG, douloureuse et contraire à vos discours sur la fiscalité, ou une prolongation de la CRDS à cause de l'augmentation de la dette sociale qui aboutirait à faire payer aux générations futures les erreurs de votre gestion. Une telle décision serait doublement scandaleuse.
    Deuxième sujet sur lequel il vous faut répondre rapidement et clairement : les dépassements d'honoraires. La négociation entre les caisses d'assurance maladie et les spécialistes n'a pas abouti pour l'instant, bien que, chacun l'aura noté, la caisse ait fait des propositions conformes à l'enveloppe proposée par le Gouvernement.
    Aujourd'hui, un mouvement de radicalisation semble prendre de l'ampleur, ce qui risque d'aboutir à la généralisation des dépassements d'honoraires et ainsi de mettre fin à l'opposabilité des tarifs de la sécurité sociale. Ce serait une régression considérable ramenant notre sécurité sociale trente ans en arrière. Outre que cela pénaliserait les assurés, ce serait l'officialisation d'une médecine à deux vitesses. Parmi les praticiens, beaucoup se souviennent des propos imprudents que vous-même avez tenus, monsieur le ministre, à l'université d'été d'un syndicat de médecins, et des déclarations de M. Douste-Blazy au beau milieu de la négociation conventionnelle. Il est temps que le Gouvernement s'exprime clairement sur cette question. Faute d'engagement de sa part, il prendrait la responsabilité de couvrir une dégradation de la situation qui pourrait devenir irréversible.
    Ma troisième interrogation prolonge la précédente et porte sur le règlement conventionnel minimal. Il faut que vous nous précisiez, monsieur le ministre, dans quelles conditions, avec quel type de négociation, et quel sera le cadre et le sujet des discussions que vous voulez engager autour de ce thème, puisque vous en avez désormais la responsabilité.
    Ne parlerez-vous que des rémunérations, ou aborderez-vous aussi les problèmes de la formation continue, de l'évolution de la technique et du contour des métiers, ainsi que de l'installation des professionnels ? Si ces questions ne sont pas traitées dans le règlement conventionnel minimal, elles ne le seront pas avant plusieurs mois, si ce n'est plusieurs années, quelle qu'en soit l'urgence.
    Comme vous le voyez, monsieur le ministre, l'urgence de la situation que vous avez laissé s'installer bouscule le calendrier que vous vous étiez fixé. Sans doute, à l'origine, et conformément à vos engagements idéologiques, pensiez-vous que la situation devait conduire à une « privatisation douce ». D'ailleurs, les deux rapports que vous avez demandés sur la gouvernance puis sur le rôle respectif des réglementations obligatoires et complémentaires poussaient à cette logique. Mais l'ampleur de la crise rend inopérants de simples aménagements tactiques.
    C'est dans ces conditions que vous aurez à aborder, à l'automne prochain, le débat plus stratégique sur le PLFSS et sur la loi de gouvernance du système de santé.
    On se souvient pourtant de ce qui s'est passé dans cet hémicycle en 1995 où certains se levaient pour applaudir M. Juppé et ses ordonnances, croyant y avoir trouvé la pierre philosophale. Vous ne cessez, depuis cette époque, d'abjurer cette approbation qui marque encore votre politique. D'une certaine façon, elle la fait déraper de l'autre côté puisque, pour l'essentiel, cette politique est animée d'un mouvement de balancier tout à fait exagéré, selon nous.
    Pour notre part, monsieur le ministre, nous savons que l'équilibre des comptes de l'assurance maladie requiert un effort continu des Français et une pédagogie, souvent difficile en direction de tous les acteurs. Nous ne croyons pas - peut-être devrais-je dire que nous n'y croyons plus - aux solutions étatiques et technocratiques prises au nom de la science et de la doctrine. Nous souhaitons que la société française garde une assurance maladie de haut niveau et qu'elle soit un lieu de dialogue de tous les acteurs de notre système social. Il est de ce point de vue, je le répète, irresponsable que des hommes politiques se fassent le relais de préoccupations corporatistes dans ce secteur.
    Nous savons aussi que la démocratie de la prise de décision est une condition essentielle de la confiance et de la pédagogie nécessaire au pilotage d'un tel système. Nous ne croyons pas au « grand sort » idéologique qui verrait l'assimilation de l'économie de la santé à une économie marchande, comme certains d'entre vous le souhaitent, dût-elle d'ailleurs s'adjoindre une autre partie administrée par l'Etat. Nous savons que la dépense de santé croîtra plus vite que celle de notre PIB, et qu'il faudra consentir, c'est vrai, à une certaine croissance des prélèvements pour garantir un accès de tous les Français à un bon niveau de santé. Nous croyons, enfin, au discours de la responsabilité lorsqu'elle est équilibrée entre les parties et proportionnelle au savoir et à la richesse de ceux qui sont sollicités.
    M. Yves Bur. Nous sommes d'accord !
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous voulons que les rôles de l'Etat, de la collectivité sociale, des professionnels, soient respectés, chacun dans leur domaine de responsabilité. Nous affirmons un projet de démocratie sanitaire, car nous ne pensons ni ne voulons que l'Etat, l'expert ou le marché décide sans que l'individu ait le choix. Cette liberté, monsieur le ministre, est un droit, mais c'est aussi la garantie d'une meilleure pratique de soins. C'est ce que nous voulions vous dire ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames et messieurs les députés, en écoutant M. Jean-Marie Le Guen, je me suis demandé s'il avait bien été attentif lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l'automne dernier.
    M. Yves Bur. Ils sont encore autistes !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. A moins que la difficulté ne vienne d'un simple problème de compréhension ? Peut-être n'a-t-il pas compris, en effet, que le Gouvernement actuel fait ce qu'il a dit, après avoir donné tout le temps nécessaire au dialogue et à la concertation avec les partenaires sociaux, les professionnels concernés et les élus.
    Mme Catherine Génisson. Nous savons cela, monsieur le ministre !
    M. Yves Bur. Mais vous, vous ne l'avez jamais fait !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Après une tentative infructueuse de questions orales itératives en forme de litanie, le groupe socialiste a demandé un débat sur les réformes de l'assurance maladie.
    M. Jean-Marie Le Guen. Sur la situation de l'assurance maladie !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Soit ! Je m'accommode fort bien des questions et j'assume volontiers ce débat, même si je trouve votre aplomb pour le moins déplacé. Auriez-vous oublié que, pendant cinq ans, vous avez apporté votre soutien à une majorité et à un Gouvernement qui ont conduit l'assurance maladie dans une crise sans précédent ?
    M. Yves Bur. Lourde responsabilité !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il est vrai, je le reconnais, qu'il n'est pas facile de réussir dans ce domaine. De nombreux gouvernements ont échoué. Voilà qui devrait donc vous conduire à davantage de modestie : vous devriez refuser la critique systématique, toujours facile, le plus souvent injustifiée, et vous abstenir de donner des leçons.
    En vérité, si nous assumons pour notre part les aspects, bons ou moins bons, du plan Juppé, vous ne parvenez pas, vous, à assumer le non-plan Jospin.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous avez choisi l'amnésie, le reniement, parfois, et les déclarations effarouchées. Je ne suis pas persuadé que céder à la facilité d'une opposition stérile soit le meilleur moyen de vous refaire une image et une unité. Assumez, d'abord : et proposez, ensuite !
    Mais puisque vous m'en donnez l'occasion, je vais exposer à la représentation nationale la philosophie de nos réformes en matière d'assurance maladie.
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais qu'en est-il de la situation, monsieur le ministre ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je commencerai par remettre en perspective le processus de réformes, car j'ai parfois le sentiment qu'une année suffit à certains pour tout oublier. Je dresserai ensuite un bilan provisoire de l'action de ce Gouvernement en matière d'assurance maladie, après ma prise de fonctions ministérielles. Je terminerai en dressant les lignes directrices qui guideront la poursuite de l'action du Gouvernement dans les semaines et les mois à venir.
    Pourquoi réformer l'assurance maladie ? La situation actuelle serait évidemment insoutenable si elle devait perdurer. Les réformes de l'assurance maladie et de notre système de santé s'imposent donc. Le Gouvernement a donc la volonté de tracer de véritables perspectives d'avenir pour nos concitoyens, tout à la fois assurés sociaux, cotisants et patients.
    Jugez-en : quand je suis arrivé au ministère de la santé, j'ai trouvé un système de santé et d'assurance maladie dans une crise encore plus profonde que celle que j'avais imaginée dans mes prévisions les plus sombres. Les professionnels de santé étaient en plein désarroi, en proie à une crise morale et matérielle, alors que la qualité de notre système de santé dépend de leur engagement quotidien. La confiance était rompue et les acteurs démotivés. Nos médecins généralistes étaient en grève depuis sept mois et la permanence des soins n'était plus assurée. Il n'y avait plus de dialogue. Dans le désordre, de larges mesures de rémunération préélectorales avaient pourtant été décidées - je vais y revenir -, mais elles n'ont eu aucun effet car, sans plan, sans ligne directrice, l'ouverture des vannes du saupoudrage électoral n'a servi qu'à creuser le déficit.
    Mme Catherine Génisson. Ça, alors !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il n'y a pas eu de saupoudrage !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ensuite, les modalités de gestion des établissements d'hospitalisation privés et publics s'éloignaient de plus en plus les unes des autres, alors que tout aurait dû conduire à les rapprocher. La mise en oeuvre non préparée de la réduction du temps de travail avait exacerbé les difficultés d'organisation et de gestion auxquelles est confronté l'hôpital. J'ai trouvé un monde hospitalier en grande souffance et ne sachant pas à quel saint se vouer pour remplir sa tâche de suivi du malade. Les services d'urgence, dont vous avez parlé, portent encore la trace de cette maltraitance.
    Le paritarisme, qui est à la base de notre système de sécurité sociale depuis Pierre Laroque, était remis en question après que le MEDEF avait quitté les conseils d'administration des caisses, en raison de votre politique. Vous qui réclamez le dialogue social et le brandissez comme un étendard, rappelez-vous qu'il n'a jamais été aussi malmené qu'avec vous, ...
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... malmené au point d'être rompu. Quant aux rôles respectifs de l'Etat et de l'assurance maladie, ils étaient imbriqués sans que chaque partenaire ne trouve une place efficace dans la gestion de la protection sociale, dans les relations avec les professionnels de santé : il n'y avait plus de repères.
    Enfin, l'un des aspects les plus inquiétants de ce sombre tableau, c'était la santé financière de nos régimes de sécurité sociale, et en particulier de notre assurance maladie.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. La croissance très soutenue de la masse salariale, entre 1997 et 2001, a permis au précédent gouvernement de cacher la dégradation continue de la santé financière de notre sécurité sociale.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Celle-ci ne pouvait en réalité supporter ni un retournement de cycle économique ni l'impact du vieillissement de la population.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Dès 2002, l'excédent annoncé par le précédent gouvernement cachait en réalité un profond déficit, à la faveur du ralentissement des économies des pays développés. Sa principale responsabilité est là : il a, insouciant, surfé sur la croissance sans se préoccuper du lendemain.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est bien l'absence des réformes, entre 1997 et 2002, dans le contexte d'une conjoncture économique pourtant très favorable, qui explique cet état de fait. Toutes les marges de manoeuvre possibles ont été gaspillées, toutes les occasions inexploitées. Vous n'avez rien entrepris pour préparer l'avenir. Vous avez regardé la croissance passer sans la saisir. Il y a de quoi inspirer une fable contemporaine : « La cigale et la santé » ! (Sourires.)
    M. Yves Bur. Exactement !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est pour cela que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est un gouvernement de mission. C'est pour cela qu'il a tout de suite amorcé et mis en oeuvre un processus véritable de réforme de notre assurance maladie, parfaitement conscient que l'assurance maladie fait partie du patrimoine social de la nation.
    Certains auraient, je le sais, souhaité que tout puisse être bouclé en un seul projet de loi de financement dès le dernier trimestre 2002. Mais, je l'ai dit tout de suite, la tâche était trop lourde, dans un calendrier trop contraint. Par ailleurs, la précipitation n'aurait pas permis l'écoute et le dialogue. Or la concertation est indispensable pour définir les orientations des réformes efficaces et pour les faire comprendre, sinon accepter, par l'ensemble des acteurs.
    C'eût été, je vous l'affirme, une grave erreur que de passer en force sur un chantier de réformes aussi cruciales pour notre pacte social et aussi complexes à mener sans avoir donné suffisamment de temps à la concertation et à l'explication.
    M. Yves Bur. Il a raison !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Voilà la réalité des faits. Le dossier est désormais instruit et j'y reviendrai en détail, chiffres et textes à l'appui, chaque fois que vous m'y inciterez. Je ne recherche pas la polémique, mais j'ai de quoi répondre si l'on m'y contraint.
    Face à cette situation de crise que vous nous avez léguée, mesdames et messieurs les députés de l'ancienne majorité, notre action s'est portée sur plusieurs fronts. A mon arrivée au Gouvernement, j'ai dû, en priorité et en urgence, rétablir la confiance. En effet, comment préparer une réforme en concertation avec les acteurs si le dialogue est rompu ? J'ai dû ainsi assurer pour 2002 le financement de la réduction du temps de travail à l'hôpital pour un coût de 400 millions d'euros. J'ai mis en oeuvre les accords conventionnels agréés par le précédent gouvernement, mais non financés, pour un coût de 450 millions d'euros en 2002, et j'en tiens la liste détaillée à la disposition de ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire.
    M. André Schneider. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Enfin, j'ai favorisé la signature de nouveaux accords conventionnels, notamment avec les généralistes, pour garantir une véritable reprise du dialogue. Le coût de ces seuls accords, 400 millions d'euros en 2003, est financé en grande partie par cette innovation que sont les engagements des professionnels en matière de prescription de génériques et de réduction du nombre des visites.
    Peut-on alors parler de dérapage quand le coût des mesures que j'ai engagées est inférieur de plus de 50 % à celui des mesures non financées par le précédent gouvernement ?
    M. Yves Bur. Elles étaient nombreuses !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Contrairement à ce que vous dites, 2002 n'a pas été l'année des dérapages, mais celle des rattrapages. Vous le vérifierez en déduisant ces revalorisations nécessaires et le coût de la réduction du temps de travail à l'hôpital. L'ONDAM se rapproche alors des évolutions internationales.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas vrai ! Ce sont les dépenses de ville qui ont augmenté !
    M. Yves Bur. C'est dur, hein !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le projet de loi de financement pour 2003 a été l'occasion d'entamer les réformes. Je vous ai présenté, lors du débat, les actions que souhaitait mener le Gouvernement. Il les met en oeuvre actuellement, conformément à ce qui était annoncé.
    Peut-être certains d'entre vous, plus habitués à faire de grandes déclarations qu'à agir réellement...
    M. Claude Evin. Allons !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... sont-ils étonnés, au point de feindre la surprise chaque fois qu'est prise une décision, qui a pourtant clairement été annoncée en son temps. J'ai en effet attentivement veillé à ce que les mesures contenues dans la loi de financement et celles qui avaient été annoncées concomitamment soient en grande majorité mises en oeuvre d'ici à la fin du premier semestre de cette année. C'est sans précédent. Et elles le seront dans leur totalité au moment du débat sur le projet de loi de financement pour 2004.
    Je voudrais d'ailleurs revenir sur quelques points essentiels de notre politique de réforme de l'assurance-maladie et du système de santé dans son ensemble. Au fondement de toute politique de santé, il y a la prévention et la santé publique. Les dépenses de santé et d'assurance-maladie, l'activité des structures de soins, l'action des professionnels de santé n'ont de sens que si elles concourent à des objectifs de santé publique. C'est pourquoi, dès mon arrivée au Gouvernement et conformément aux engagements pris par le Président de la République devant tous les Français, je me suis engagé à présenter et à faire voter un projet de loi de santé publique. Après un long travail d'élaboration, de discussion et de concertation, ce projet de loi relatif à la politique de santé publique a été soumis pour avis au conseil d'administration de la CNAM le 29 avril dernier. Il sera examiné par le Conseil des ministres le 21 mai prochain et devrait être discuté au Parlement en première lecture avant l'été, sous réserve des aléas de l'agenda parlementaire, particulièrement chargé en raison de la réforme des retraites que ce gouvernement engage pour répondre aux enjeux que l'ancienne majorité n'a pas voulu non plus affronter cinq années durant.
    La santé publique et la prévention passent également par la guerre contre le tabac. Le Président de la République nous y a collectivement et individuellement appelés. Les droits sur le tabac ont été augmentés de 17 %. La baisse de consommation est très significative. Même si les professionnels ont un peu rogné sur leurs marges, au cours des trois premiers mois de l'année, il s'est vendu 10 % de cigarettes en moins en France qu'au cours des trois premiers mois de l'année dernière. C'est un vrai succès pour la santé publique,...
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... et ce premier pas doit être suivi d'autres initiatives. Ce sera le cas, très rapidement, en dépit des réserves ou des incompréhensions de tel ou tel. C'est une cause nationale que nous devons défendre tous ensemble, car elles est partie intégrante du « plan cancer ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Au-delà de la fixation d'objectifs partagés de santé publique, la réforme de l'assurance-maladie comporte plusieurs volets. Beaucoup sont d'ores et déjà bien engagés depuis un an. Jugez-en. En ce qui concerne l'offre de soins hospitaliers, le plan Hôpital 2007, annoncé par le Premier ministre, est bel et bien lancé et se met progressivement en oeuvre. En 2003, des investissements supplémentaires sont programmés à hauteur de un milliard d'euros. Les agences régionales de l'hospitalisation vont élaborer un plan régional d'investissement sur cinq ans.
    Dans l'important domaine de l'amélioration de la gestion hospitalière, trois rapports très intéressants et complémentaires m'ont été récemment remis. Ils seront suivis, dans les prochaines semaines, des concertations nécessaires et, dans les prochains mois, de décisions indispensables afin de « ré-enchanter l'hôpital », pour reprendre l'expression employée par votre collègue Couanau dans l'excellent rapport parlementaire sur l'hôpital.
    M. Jean-Marie Le Guen. Just do it ! (Sourires.)
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Dans le domaine du médicament, les axes de la nouvelle politique que j'avais annoncés à l'automne sont progressivement traduits dans les faits, souvent à la surprise des uns et des autres, qui ne sont manifestement pas habitués à ce que les engagements soient tenus. Je le répète : l'objectif de cette nouvelle politique du médicament est d'abord et avant tout de favoriser l'accès des patients à l'innovation...
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... en réalisant, en contrepartie, des économies sur les médicaments plus anciens, à travers la politique du générique, ou sur les médicaments moins efficaces. Depuis l'accord du 5 juin, tout le monde en convient, la progression du générique est un succès, et je m'en félicite. Il faut que cette progression se poursuive.
    Le Gouvernement commence à tirer les conséquences de la réévaluation du service médical rendu, prévue par un décret pris en 1999 par le gouvernement précédent - preuve que nous ne sommes pas sectaires : quand nous trouvons de bonnes mesures, nous les appliquons. Permettez-moi d'ailleurs de m'étonner des récentes déclarations polémiques, et parfois même incohérentes, faites par Mme Aubry : elle avait pourtant compris la nécessité de la réévaluation des médicaments et avait préparé, avec son décret de 1999, la mise en place d'une politique nécessaire, qui fut abandonnée au milieu du gué, à l'approche des élections.
    Les conséquences de la réévaluation ont donc été tirées pour les médicaments dont le service médical rendu était faible ou modéré. La décision, annoncée à l'automne et appliquée au terme de cinq mois d'un processus transparent, était nécessaire, logique et de bon sens.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est incroyable de dire ça !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Les conséquences de cette réévaluation vont également s'appliquer, comme prévu et comme annoncé, aux médicaments dont le service médical rendu est insuffisant, et qui, en trois ans à compter de juillet prochain, seront progressivement retirés du remboursement. A ceux qui conseillent au Gouvernement de brûler les étapes en déremboursant tout en une fois, comme à ceux qui n'ont rien décidé en cinq ans, je demande de raison garder : un peu de bonne foi et de modestie n'ont jamais fait de mal à personne.
    Les forfaits de remboursement qui, contrairement à ce que j'ai cru comprendre de vos déclarations, monsieur Le Guen, ne sont pas encore mis en oeuvre le seront, comme prévu, dans les prochains mois.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont largement annoncés !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous avons tenu compte de l'avis du Conseil constitutionnel, qui souhaite une large information. C'est la raison pour laquelle nous nous en tenons, sans précipitation, au calendrier que tout le monde connaît désormais. L'accord-cadre entre l'industrie pharmaceutique et le Comité économique des produits de santé, qui est sur le point d'être signé, permettra, notamment, la mise en oeuvre d'un dépôt de prix autorisant un accès plus rapide aux nouveaux médicaments, en ville comme à l'hôpital - où, comme vous le savez, une enveloppe de 200 millions d'euros a déjà été consacrée aux molécules onéreuses.
    Enfin, je rappelle que le médicament est un axe très important du plan de lutte contre le cancer.
    Le domaine des soins de ville est plus problématique. J'ai pris acte avec regret de la rupture du dialogue entre les caisses et les médecins spécialistes, alors qu'un accord conventionnel était à portée de main, sur la base du bon accord politique du 10 janvier. Je ne peux me satisfaire de la situation actuelle, qui concourt à attiser le désespoir des professionnels et la tension entre caisses et médecins, et nous éloigne du retour à la confiance, clé d'une réforme ambitieuse dont nous avons besoin.
    Mme Catherine Génisson. Nous aussi !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. La situation actuelle rend également difficile de prendre les nécessaires mesures d'optimisation des dépenses ambulatoires, qui doivent permettre d'améliorer les conditions d'exercice des spécialistes, tout en maîtrisant la croissance des volumes d'actes et de prescriptions. Le retour à la confiance et l'optimisation de l'évolution des volumes dans le domaine des soins ambulatoires sont les priorités-clés des prochains mois. Ces deux préoccupations détermineront les mesures que nous devons concerter très vite, puis prendre rapidement dans le cadre du règlement conventionnel minimum - j'y reviendrai en temps voulu.
    Dans le domaine du financement, l'Etat a assumé ses responsabilités, en compensant les nouveaux allègements de charges et en amorçant le processus de clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. J'ai également mis en place, comme je l'avais annoncé, un groupe de travail, réunissant, d'une part, les présidents des commissions des affaires sociales et des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que les rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les recettes, et, d'autre part, les ministères concernés, pour poursuivre cette opération de vérité. Les travaux sont bien entamés, et nous allons déboucher sur des propositions aussi volontaristes qu'ambitieuses qui prendront place dans le projet de loi de financement pour 2004.
    Comme vous pouvez en juger, le Gouvernement, depuis son arrivée aux responsabilités, a agi sur de très nombreux fronts, selon une démarche méthodique fondée sur la logique, le bon sens et le souci de vérité. J'ai donné la priorité au rétablissement de la confiance avec les professionnels de santé, mais également avec l'opinion, grâce à ce langage de vérité. J'ai fait appel à des experts reconnus et expérimentés, pour rechercher les solutions en concertation avec les acteurs. Je me suis enfin attaché à toujours respecter les compétences et les responsabilités des différents partenaires, notamment l'assurance maladie. Telle est la méthode à laquelle je crois. Et notre action va se prolonger et s'amplifier au cours des prochains mois.
    Pour conclure cette première partie, je voudrais souligner que, dans le domaine social, le premier semestre de cette année 2003 a été consacré en priorité, comme vous le savez, à la réforme des retraites tandis que le second s'attachera, le Premier ministre l'a clairement affirmé, à poursuivre la réforme de l'assurance maladie. L'objectif principal est de préserver le caractère juste et solidaire de ce système, que l'inaction du précédent gouvernement a gravement menacé.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ça c'est vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Dans le cadre du débat d'aujourd'hui, qui met malheureusement l'accent davantage sur la polémique que sur le fond si j'en crois le ton que vous avez choisi par moments, monsieur Le Guen, il n'est pas dans mon intention de détailler précisement les orientations du Gouvernement. Chaque chose en son temps. Nous en sommes à l'examen des propositions des uns et des autres, et j'attends d'ailleurs les vôtres avec curiosité.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
    M. Claude Evin. Ne vous inquiétez pas !
    M. Yves Bur. En cinq ans, vous auriez pu faire quelque chose.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. En effet, j'observe que, pendant cinq ans, vous avez privilégié le statu quo. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous devons, le 15 mai, clôturer, devant la commission des comptes de la sécurité sociale, l'exercice 2002, dont nous partageons largement la responsabilité. Et d'ores et déjà vous commencez à nous donner des conseils sur ce que vous n'avez pas fait en votre temps ? Je vous en prie, un peu de décence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous voudriez qu'on parte en vacances ?
    Mme Catherine Génisson. On peut vous laisser seuls si vous le désirez !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Prenez plutôt le temps de mener une introspection, pour définir une nouvelle politique, celle que vous n'avez pas su mettre en oeuvre le moment venu.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne faites rien depuis un an, sinon laisser filer la situation !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ça fait longtemps que celle-ci s'est envolée !
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je voudrais néanmoins énumérer les principaux volets de ce grand chantier qui nous attend. Ils sont nombreux et complexes, reconnaissons-le.
    Premier volet, celui de la gouvernance et de la régionalisation. Engagée avec le rapport de Mme Ruellan, la concertation s'est poursuivie par le biais d'un appel à contributions auprès de trente-six organisations. A ce jour, dix-sept ont répondu. Nous attendons les prochaines et notre réflexion va se poursuivre au cours des prochains mois avec tous les partenaires.
    M. Jean-Marie Le Guen. J'espère qu'il n'y aura pas de grève du courrier !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Deuxième volet, celui des contours de la solidarité nationale. Il ne s'agit évidemment pas - mais cela fait partie des circuits imprimés de certains - de privatiser la sécurité sociale.
    Mme Catherine Génisson. Vous l'avez déjà dit en 1999 !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Eh oui, dès que vous vous adressez à la majorité actuelle, votre pensée superpose deux circuits, qui vous font répéter sans cesse « médecine à deux vitesses » et « privatisation ». Eh bien, je vous laisse à vos pré-impressions. Nous, nous allons de l'avant. Nous comptons ...
    M. Jean-Marie Le Guen. Dérembourser, privatiser !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... mieux prendre en considération la couverture complémentaire.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vos critiques sont d'autant plus étonnantes que le gouvernement socialiste a reconnu, et je pense qu'il a eu raison, la place des assureurs complémentaires dans la loi CMU et qu'il a défini des critères très précis de niveau de remboursement dans des décrets qui ont été présentés dans cette enceinte même par Martine Aubry. On évoque souvent le panier de soins, mais il existe déjà ! Il est défini au travers de la même loi CMU. Le rapport Chadelat a permis de lancer le débat sur les contours de la solidarité nationale.
    M. Jean-Marie Le Guen. Allez-y ! Vous allez avoir du succès avec le rapport Chadelat !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le débat se poursuivra avec l'ensemble des acteurs. Ce qui est clair, c'est que les régimes complémentaires doivent être considérés comme des partenaires à part entière et qu'ils ne peuvent donc pas rester absents des décisions et privés d'informations.
    Le troisième volet concerne le financement solidaire. La clarté et la lisibilité du financement sont nécessaires pour préserver son caractère solidaire, socle de notre système de sécurité sociale. Le groupe commun au Parlement et au Gouvernement a entrepris les premiers travaux. J'ai lu, par ailleurs, avec beaucoup d'intérêt un certain nombre de publications provenant d'organisations syndicales. Nous avons convenu que ce dialogue se poursuivrait.
    Quatrième volet, celui de la qualité des soins et de l'optimisation des dépenses ambulatoires. C'est un point essentiel, qui réclame, d'une part, la responsabilisation de chaque acteur, les professionnels de santé, bien sûr - ils doivent assumer leur responsabilité et je ne suis pas là pour les en dispenser -, mais également les patients, auxquels il faut donner les moyens d'un choix éclairé, d'autre part, un dialogue conventionnel, apaisé, renouvelé et modernisé.
    Enfin, vous réclamez le retour progressif à un équilibre rigoureux et durable des comptes de l'assurance maladie. Bien entendu, c'est une exigence indispensable qui guidera nos choix. On ne peut pas dépenser plus que ce que l'on gagne, c'est le bon sens.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est pourtant ce que vous faites !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 sera, à n'en pas douter, exigeante et difficile. Il nous faudra faire appel à la responsabilisation de tous.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est-à-dire à la diminution des remboursements !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le redressement de l'assurance maladie ne dépend pas que des pouvoirs publics et de l'Etat. La sauvegarde du bien commun dépend de nous tous.
    Mme Catherine Génisson. C'est vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. L'accroissement de la longévité, le vieillissement, le progrès médical et technique, l'aspiration à une meilleure qualité de vie sont des données nouvelles qui imposent d'engager un débat sur d'autres bases.
    L'augmentation du coût de la santé est inéluctable et les Français doivent réaliser que la part des dépenses de santé va croître dans l'avenir. Le débat sera engagé en toute transparence, en se fondant sur la vérité et le bon sens.
    Mais, d'abord, il faut mettre un terme aux gaspillages, aux abus et définir de nouvelles règles.
    Mesdames, messieurs, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est déterminé à sauvegarder notre système de protection sociale, juste et solidaire. La réforme de l'assurance maladie après celle des retraites en sera un élément essentiel. Elle adaptera notre assurance maladie au nouvel environnement auquel elle est confrontée en responsabilisant tous les acteurs, patients, professionnels et gestionnaires. L'objectif est clair même si le chemin est difficile. Le Gouvernement poursuivra la réforme entamée de la sécurité sociale et l'amènera à son terme, soyez-en assurés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe socialiste demande un débat sur la réforme de l'assurance maladie est déjà pour le moins surprenant. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Catherine Génisson. Pourquoi ? Nous sommes des citoyens à part entière !
    M. Claude Evin. Que voulez-vous dire ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais qu'il l'engage sur le ton utilisé à cette tribune par un des représentants les plus éminents du parti socialiste spécialisé dans les questions de santé...
    M. Claude Evin. Ça, c'est vrai. (Sourires.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... l'est encore plus.
    M. Yves Bur. Il est surtout spécialisé dans la santé du parti socialiste ! (Sourires.)
    M. le président. Monsieur Bur, vous parlerez quand votre tour viendra, vous êtes inscrit pour vingt minutes. Laissez les orateurs s'exprimer.
    Je vous en prie, monsieur Dubernard, poursuivez.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. « Impéritie », « irréalisme », « irresponsabilité » sont des mots qu'il est étonnant d'entendre dans la bouche d'une éminente personnalité du parti socialiste. Dénoncer une volonté de destruction de notre système de sécurité sociale...
    M. Jean-Marie Le Guen. Je n'ai pas dit cela. J'ai parlé de risque.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... est choquant alors même que le Gouvernement tente de réparer ce qui a été laissé à l'abandon pendant des années.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes plutôt pour les greffes, n'est-ce pas, monsieur Dubernard ? (Sourires.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quelle est la légitimité du groupe socialiste pour donner des leçons à la majorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. André Schneider. Eh oui !
    Mme Catherine Génisson. Nous ne donnons pas de leçons, nous voulons ouvrir un débat, pour trouver des réponses aux questions que nous nous posons.
    M. Jean-Marc Ayrault. On peut s'en aller si vous voulez !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous dénoncez l'absence de dialogue et de concertation. N'oubliez pas que c'est à cause de votre attitude que les organisations patronales ont quitté les caisses de la sécurité sociale.
    M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi ne sont-elles pas revenues ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Les tuyauteries complexes que vous avez mises en place pour cacher le financement des 35 heures...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous ne les avez pas remises en cause.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... et la remarquable capacité d'écoute de Mme Aubry, monsieur Le Guen (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Jean-Marie Le Guen. Aujourd'hui, tout a changé !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... ont réussi à mettre par terre un paritarisme qui existait pourtant depuis cinquante ans.
    M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi les organisations patronales ne reviennent-elles pas ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Dois-je vous rappeler que les conseils d'administration de la sécurité sociale ont rendu des avis favorables sur le premier PLFSS de ce gouvernement alors que leurs avis ont été systématiquement défavorables pendant les cinq dernières années du gouvernement socialiste ?
    Vous dénoncez l'absence de responsabilité financière de ce Gouvernement. Dois-je vous rappeler l'incroyable hold-up auquel il a été procédé au détriment de la sécurité sociale ?
    M. André Schneider. Oui, il le faut.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il s'est élevé à 4,5 milliards d'euros, 30 milliards de francs...
    M. Yves Bur. Tout à fait.
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais les comptes étaient toujours positifs !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pour quoi faire ? Pour financer les 35 heures, en balayant d'un coup la loi de 1994 sur l'autonomie de la sécurité sociale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Avez-vous oublié les avertissements de cette assemblée et de vos propres partenaires au sein du gouvernement ? Où est l'impéritie ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Dans les résultats !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous donnez des leçons, alors même que l'absence de réforme des régimes de retraite, malgré les recommandations des rapports que vous avez vous-mêmes commandés, risquait de les mettre en faillite. Vous nous parlez de responsabilité, alors qu'il y dix-huit mois vous annonciez pour 2002 des excédents pour le régime général qui, en réalité, était en déficit, comme l'a montré l'audit demandé par ce gouvernement. Et encore, je ne parle pas de toutes les politiques que vous avez annoncées sans les financer : l'allocation personnalisée d'autonomie,...
    M. André Schneider. Eh oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... l'indemnisation des aléas thérapeutiques, ou la retraite anticipée des travailleurs de l'amiante, que vous avez citée, monsieur Le Guen, et dont le financement va provoquer le déficit de la branche accidents du travail. Où est l'impéritie ? Je suis un peu plus brutal que vous, monsieur le ministre, mais je trouve votre image de « la cigale et la santé » excellente, elle correspond parfaitement à la réalité.
    M. Yves Bur. La Fontaine a d'ailleurs écrit cette fable pour le parti socialiste ! (Sourires.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Comment expliquez-vous que nous ayons eu des comptes équilibrés, monsieur le président ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et que dire, monsieur Le Guen, des effets d'annonce ? Qui annonçait, en 1998, la mise en place de la tarification à la pathologie à l'hôpital ? M. Evin, qui en ce moment parle avec sa voisine (Rires)...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Mais enfin, nous ne sommes pas à l'école ici !
    M. Claude Evin. Voudriez-vous jouer le rôle de surveillant général ?
    M. le président. Monsieur Dubernard, n'interpellez pas vos collègues !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je me borne à citer M. Evin, pour qui j'ai beaucoup d'estime.
    Cinq années d'expérimentation s'en sont suivies. En fait, cinq années de débat entre experts pour occuper le terrain, sans que les outils de mesure de l'activité soient réellement mis au point et affinés.
    M. Jean-Marc Ayrault. Des outils de mesure de quoi ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est un véritable problème. Malgré cela, M. le ministre vient de l'annoncer, le Gouvernement et la majorité vont mettre en place le nouveau système de tarification en deux ans.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je vous rappelle que vous avez été aussi au pouvoir auparavant, monsieur le président !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Qui a lancé le « Grenelle de la santé », monsieur Le Guen, le 25 juillet 2001 ? Mme Guigou !
    M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! Très bien ! Vous êtes bon au Trivial Pursuit de l'assurance maladie !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Une concertation avait été engagée avec des professionnels de la santé, à laquelle nous participons. Le dialogue s'était instauré. La mission a travaillé six mois, mais le bilan s'est avéré limité : une loi votée trois mois avant la fin de la législature, que vous n'avez donc pas eu à appliquer, et surtout un fort mouvement social des médecins généralistes, le plus grave depuis des années.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. Jean-Marie Le Guen. Avant celui des spécialistes qui est en train de naître !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Votre gestion de l'hôpital n'a guère été plus réussie. La mise en place des 35 heures, permettez-moi de vous le dire, n'a pas été préparée. Résultat : un certain nombre de services hospitaliers sont bloqués.
    Mme Cécile Gallez. C'est vrai.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et une partie de l'activité des hôpitaux publics a été transférée, fait historique, vers les cliniques privées en 2002. Pourtant, vous annonciez le passage du secteur public aux 35 heures depuis plusieurs années. Où est l'irréalisme ?
    Malheureusement, les trous de mémoire ne touchent pas seulement les membres de cette assemblée. Je me rappelle l'interview de Mme Aubry publiée dans Le Monde le 29 avril 2003, dans laquelle elle juge scandaleuse la baisse du taux de remboursement des médicaments à service médical rendu faible ou modéré.
    M. Yves Bur. Elle est bien placée pour dire ça !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Or elle-même avait pris un décret - M. le ministre l'a rappelé - qui prévoyait que la participation de l'assuré était fixée à 65 % pour les médicaments dont le service médical rendu n'était pas classé comme « majeur ou important ». Ce décret figure à la suite de l'article R. 322-1 du code de la sécurité sociale.
    M. André Schneider. Eh oui !
    M. Jean-Marie Le Guen. Franchement, votre mauvaise foi est très grande en la matière ! Vous me donnez l'occasion de défendre Mme Aubry.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je pourrais aussi rappeler que Mme Guigou avait annoncé que ces médicaments seraient déremboursés entre 2000, 2001 et 2002, mais je m'arrêterai là sur ce thème.
    Le résultat de ce laisser-aller qui a sévi pendant vingt ans, et même plus, c'est la crise que connaît notre système de protection sociale.
    La majorité de la commission des affaires sociales souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement poursuive son action de réforme. Dans ce cadre, cette majorité soutiendra les réformes de l'assurance maladie sur la base des principes que vous venez d'énoncer.
    D'abord, la solidarité, qui constitue, vous l'avez dit, le pilier de notre système de protection sociale.
    M. Yves Bur. Oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Solidarité entre les malades et les bien-portants, entre les actifs et les inactifs, entre ceux qui disposent de revenus élevés et ceux qui ont des revenus modestes. Il est essentiel que notre système continue de reposer sur ce principe fondamental.
    Ce système est-il menacé ? Oui, si les déséquilibres financiers vont croissant, oui si on laisse perdurer le laisser-aller des vingt dernières années.
    L'accès égal à des soins de qualité égale pour tous est mon leitmotiv. De ce point de vue, notre système de soins est-il le meilleur du monde ?
    M. Yves Bur. Certainement pas !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pour être franc, je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que si chacun des critères de classement « type OMS » est discutable, l'accès égal à des soins de qualité égale pour tous doit être l'objectif que nous devons nous efforcer d'atteindre. Or, dans ce domaine également, la politique conduite ces vingt dernières années n'est pas allée dans le bon sens.
    Jamais le rôle des filières, celui des relations, ou encore la bonne orientation initiale n'ont été aussi importants pour l'accès aux soins. Jamais la qualité des soins n'est apparue aussi inégale selon la taille de l'hôpital, sa localisation géographique, la qualité de la formation des praticiens qui y travaillent.
    Deuxième principe, le dialogue et la concertation. Le ministre nous a dit combien il était attaché au dialogue. Nous avons pu constater ses efforts pour instaurer un climat de confiance. Afin que le processus de réforme soit compris et accepté par tous les acteurs, patients, professionnels, libéraux, professionnels travaillant en établissement, contribuables, la concertation est en effet indispensable. La mise en commun des idées de chacun pourra d'ailleurs enrichir le contenu de la réforme.
    Troisième principe, crédibilité et vérité. Nous ne souhaitons pas que des annonces soient faites qui ne soient suivies d'aucun effet, comme nous l'avons connu pendant cinq ans. Nous devons redonner confiance aux Français, c'est la clé du succès de notre action.
    Quatrième principe, la responsabilité de tous. L'excuse qui est trop souvent avancée pour abuser du système d'assurance maladie, c'est l'irresponsabilité des autres. Il faut que chaque patient, chaque assuré, chaque professionnel se sente personnellement responsable de la qualité du système de santé et de son équilibre financier. Si chacun agit en responsable, beaucoup d'abus seront évités. Mais cela suppose, d'une part, que la puissance publique agisse elle-même de manière responsable, d'autre part, que nous mettions en place les outils indispensables pour que chacun se sente réellement responsable.
    Responsabilité, vérité, concertation doivent servir de base à l'évolution indispensable de notre système d'assurance maladie. Des adaptations sont nécessaires pour que le principe de solidarité soit respecté, pour que, je ne le répéterai jamais assez, les efforts de tous tendent à parvenir à un accès égal à des soins de qualité égale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans le débat, la parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'UDF considère ce débat sur la situation de notre système de soins particulièrement opportun. Il survient à un moment crucial : un an après l'alternance et à quelques mois de décisions importantes que nous sommes nombreux à considérer comme urgentes.
    Notre système de soins est en effet confronté à une crise extrêmement grave, à la fois morale et financière.
    Dans un laps de temps, hélas ! trop court, qui, je l'espère, ne me conduira pas à être trop caricatural, je vais essayer, monsieur le ministre, de dresser un rapide bilan de la situation, le diagnostic, mettre en exergue les causes de cette crise, l'étiologie, et vous présenter le traitement de ces causes, les propositions constructives de l'UDF, au moment où, si j'ai bien compris, vous recueillez les propositions de tous pour pouvoir mettre en oeuvre la réforme de la gouvernance. L'UDF souhaite être considérée comme partenaire de la majorité, j'espère donc que vous en tiendrez compte.
    Quelle est la situation actuelle ?
    Le diagnostic de la crise est, je le crois, largement partagé et les signes cliniques sont connus de tous. Sur ce sujet, je serai donc bref.
    Selon tous les acteurs et tous les observateurs du système de santé, et tous les rapports concordent, la crise de notre système de soins, à la fois financière et morale, est sérieuse.
    Elle ne date pas d'aujourd'hui. A cet égard, la responsabilité du gouvernement précédent est considérable : il a perdu la confiance des professionnels, il a laissé se détériorer la situation des hôpitaux et des cliniques, il n'a pas anticipé les problèmes de démographie - il les a au contraire aggravés avec l'application inconsidérée des 35 heures -, il a dilapidé les fruits de la croissance.
    Je regrette, monsieur le ministre, qu'à votre arrivée au ministère vous n'ayez pas réalisé un audit de la santé. Les responsabilités auraient alors été clairement posées, les socialistes seraient aujourd'hui plus modestes et vous auriez pu prendre des engagements sur cinq ans.
    Néanmoins, vous avez, sans perdre de temps, renoué le dialogue avec les professionnels, notamment avec les généralistes, supprimé les sanctions collectives, que nous avions critiquées, et proposé un ONDAM plus réaliste.
    Mais la crise demeure et elle est profonde : elle touche tous les secteurs du système de santé et elle est à la fois morale, organisationnelle et financière. Elle est en partie liée à un changement de mentalité des professionnels, qui aspirent à juste titre à une vie de famille équilibrée, qui veulent profiter eux aussi du repos et du temps libre et qui ne supportent plus d'être déconsidérés, désignés comme boucs émissaires tout en étant corvéables.
    Mais le changement de mentalité concerne aussi les malades, eu égard à la dérive sécuritaire et au principe de précaution, lesquels exigent une réponse immédiate, à la mode et gratuite.
    En ce qui concerne le secteur ambulatoire, je n'insisterai pas sur les problèmes de la démographie, de la permanence des soins, du non-remplacement des départs à la retraite ou des reconversions professionnelles entreprises afin d'échapper à la pénibilité.
    L'échec de la convention médicale éclaire la perte de confiance entre les partenaires et la non-réponse aux demandes des spécialistes, dont les rémunérations sont bloquées depuis huit ans alors que les charges augmentent. Nous constatons les dépassements d'honoraires, les sanctions imposées par les caisses, les déconventionnements.
    Vous allez devoir proposer un règlement conventionnel minimal, nécessaire pour permettre le remboursement des malades. Qu'allez-vous proposer pour les spécialistes CS et KCC, la prise en charge partielle des primes d'assurance, le DE - le dépassement d'honoraires lié à l'exigence du patient ?
    Les problèmes des établissements ont été analysés dans plusieurs rapports, dont celui de la mission parlementaire consacrée à l'organisation interne de l'hôpital, sobrement intitulé « le désenchantement hospitalier » et sous-titré « le miracle permanent » car le système fonctionne encore.
    L'hôpital est miné par une lassitude généralisée causée par le manque d'autonomie et de responsabilité, la non-reconnaissance des compétences, un encadrement administratif sclérosant, une pluie de directives et de circulaires inapplicables et non financées, la non-anticipation des problèmes humains. Le conseil d'administration n'a aucun pouvoir. Le budget est octroyé par l'ARH et ne prend pas en compte l'activité.
    Beaucoup d'établissements ont recours à des reports de charges et le retard en matière d'investissements est considérable.
    Vous avez des projets, monsieur le ministre, notamment le plan « Hôpital 2007 », qui constitue un ballon d'oxygène. Mais les établissements ont surtout besoin d'un rebasement budgétaire. La tarification à l'activité débutera en 2004, mais elle ne sera que très progressive, sans doute à enveloppe constante et différente pour le privé et le public, avec un risque de comparaison qui pourra être dévastateur. Il est urgent de réformer l'organisation interne pour donner enfin une autonomie et une responsabilité aux établissements et aux pôles d'activité et pour revoir les statuts dans le but de prendre en compte la pénibilité et la responsabilité. Afin de gagner du temps, j'avais déposé des amendements autorisant à légiférer par ordonnance. Vous n'avez pas saisi cette occasion. Je le regrette.
    A quelle date la réforme de l'hôpital sera-t-elle donc effective ?
    Notre système de soins souffre d'autres lacunes et d'autres handicaps, tels que la non-fongibilité des enveloppes hospitalière, ambulatoire et médico-sociale et le grand retard dans le domaine majeur de la prévention et de l'éducation à la santé.
    Vous avez, monsieur le ministre, préparé une loi de santé publique. Bravo ! J'ai cru comprendre que vous alliez confier aux préfets un rôle important. Mais êtes-vous sûr d'aller vers la cohérence souhaitée ? De véritables ARS couvrant prévention, établissements et secteur ambulatoire ne seraient-elles pas préférables à la condition essentielle d'être contrôlées démocratiquement ? Ayant rédigé le rapport budgétaire concernant les relations entre les ARH, les préfets, les DRASS et les DDASS, je crois être bien placé pour parler de ces problèmes.
    Cela dit, la crise de notre système de soins est aussi financière en raison d'un effet de ciseaux.
    Les dépenses sont appelées à augmenter en raison du vieillissement de la population et des progrès technologiques coûteux. C'est inéluctable, mais ce n'est pas dramatique car ces dépenses correspondent à un bien supérieur et ne se perdent pas dans un puits sans fond, puisqu'elles financent des services, des salaires et des innovations qui contribuent à la richesse du pays. Mais le rythme d'augmentation est rapide parce qu'il n'y a pas de frein et que personne ne se sent responsable.
    Ces dépenses mériteraient d'être mieux utilisées - c'est ce que l'on appelle l'optimisation des dépenses -, grâce à une maîtrise médicalisée. Encore faudrait-il disposer des outils nécessaires : codage des actes et des pathologies, INSEE-santé, des professionnels devenant acteurs du système.
    Les recettes n'augmentent pas au même rythme, surtout en cette période de ralentissement économique. Le déficit cumulé de 2002-2003 sera certainement proche de 20 milliards d'euros. Des décisions devront être prises. Vous avez demandé des rapports, dont celui de M. Chadelat. La tentation est forte, on le sent bien, d'accroître la part des assurances complémentaires et de définir un nouveau panier des soins.
    Mais si bouger le curseur est tentant, cette modification n'est pas à la hauteur des besoins de financement. Est-il envisagé de sortir du panier de soins ce qui coûte aujourd'hui le plus et qui est remboursé à 100 %, c'est-à-dire l'hospitalisation au-dessus de K 50 et les trente affections de longue durée ? Je ne le pense pas !
    Mme Catherine Génisson. Heureusement !
    M. Jean-Luc Préel. Au bout du compte, c'est le citoyen qui paie les dépenses, soit comme contribuable par la CSG, soit comme consommateur par les cotisations patronales, soit comme adhérent à une complémentaire par les cotisations à une mutuelle.
    Monsieur le ministre, la seule vraie solution consiste à réformer le système en rendant chacun acteur et responsable.
    En effet, quelles sont les raisons de cette crise majeure ? Deux sont à mes yeux essentielles.
    En dépit des apparences, il n'y a pas de pilote. Personne ne se sent responsable, mais chacun se trouve en position de quémandeur.
    Aujourd'hui, qui pilote le système ? L'Etat, l'assurance maladie, le Parlement, les professionnels ? La réponse est claire : personne.
    La CNAM a-t-elle une légitimité à piloter l'assurance maladie ?
    Contrairement aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, au chômage, à la retraite de base et à la retraite complémentaire, qui sont liés au travail et donc financés par des cotisations salariales et patronales et pour lesquels nous devrions donner aux partenaires sociaux une réelle autonomie, la santé, qui va de la naissance à la mort, n'a pas de lien direct avec le travail. Les cotisations salariales ont été remplacées par la CSG prélevée sur l'ensemble des revenus et dont les cotisations patronales sont en partie exonérées. Le MEDEF a quitté la CNAM et ne pense pas y revenir. Celle-ci n'a d'ailleurs qu'une responsabilité très limitée : les dépenses déléguées, c'est-à-dire les honoraires, sous la haute surveillance du ministère. Les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations pour la convention médicale montrent que l'on est arrivé au bout du système.
    L'étatisation est quasiment achevée puisque le ministre est directement responsable de l'hôpital, des cliniques, du médicament et de la presque totalité de l'ambulatoire. Il décide, hélas, seul de la répartition de l'ONDAM dans ses diverses enveloppes sans devoir rendre compte de ses décisions.
    France, berceau de la démocratie !
    Ce système pyramidal, centralisé et déconnecté du terrain ne prend pas en compte les besoins, il déresponsabilise tous les acteurs qui, désabusés, se démobilisent ou se transforment en quémandeurs corporatistes.
    Les ARH sont aujourd'hui au milieu du gué : elles ont constitué un progrès mais elles doivent être réformées. Il est nécessaire d'étendre leur compétence à la prévention et à l'ambulatoire, voire au médico-social pour résoudre le problème de la non-fongibilité et pour mettre un terme au chevauchement de compétences avec les préfets, les DRASS et les DDASS. Surtout, il devient impératif de les soumettre à un contrôle démocratique grâce à des conseils régionaux de santé élus.
    Après avoir dressé un rapide bilan de la situation et mis en exergue les raisons de la crise que nous connaissons, de manière malheureusement trop simplificatrice en raison de mon temps de parole limité, je voudrais, monsieur le ministre, vous présenter les propositions constructives de l'UDF, que j'espère vous voir un jour prendre en compte.
    Ces propositions ont pour but de sauvegarder tout en le confortant notre système de soins car l'UDF refuse l'étatisation et la privatisation. Elles reposent sur un principe, la responsabilisation de tous les acteurs, et misent sur la confiance dans l'engagement de chacun grâce à la liberté et l'autonomie, conduisant ainsi à l'optimisation des dépenses par le respect volontaire des bonnes pratiques. Elles partent de la nécessité de développer une politique de santé globale de proximité, qui prenne en compte les besoins de prévention, d'éducation, de soins et rende chacun acteur et responsable.
    Notre proposition essentielle consiste à instaurer une nouvelle gouvernance fondée sur une réelle régionalisation, permettant à chacun des acteurs, professionnels et patients, de devenir partenaire et décideur et donc responsable.
    Bien entendu, le rôle de l'Etat doit être clairement affirmé : il est responsable de la santé publique, de la sécurité sanitaire et garant de l'égal accès de tous à des soins de qualité. Mais l'Etat impuissant doit cesser de vouloir tout décider, tout contrôler. Prenons acte de son échec !
    La région est le niveau pertinent pour mettre en place les complémentarités. Elle ne créera pas d'inégalités car celles-ci existent déjà en termes de morbidité, de mortalité et de financement en dépit d'un système national. Ces inégalités, dénoncées depuis des années, n'ont pas été corrigées, sinon à la marge. La régionalisation devrait les atténuer car chacun aura à coeur de répondre aux besoins.
    Il est nécessaire de partir des besoins régionaux établis à partir des travaux des observatoires régionaux de santé, auxquels devront être donnés des moyens humains et financiers.
    L'organe essentiel sera le conseil régional de santé où se retrouveront tous les acteurs de la santé y compris les associations de malades et d'anciens malades. Ses membres devront être, pour avoir une légitimité, élus par collèges, ce qui permettra également une représentation équitable. Ses trois missions seront d'abord d'estimer les besoins à partir des travaux des ORS, ensuite de veiller à l'adéquation de l'offre aux besoins, enfin de contrôler l'exécutif régional, à savoir l'agence régionale de santé.
    L'ARS aura un conseil d'administration composé de représentants du conseil régional de santé, du conseil régional et des financeurs complémentaires. Son champ de compétence devra couvrir la prévention, les établissements, l'ambulatoire et la formation professionnelle, avec un numerus clausus régional par spécialités.
    Le Conseil national de la santé devra être composé de représentants élus des conseils régionaux de santé. Il aidera le Gouvernement à préparer le projet de loi au printemps, définissant les priorités de santé du pays. Le Parlement votera au printemps les priorités nationales de santé, définies à partir des besoins régionaux...
    M. Claude Evin. Il aurait déjà dû le faire depuis longtemps !
    M. Jean-Luc Préel. ... et, à l'automne, le financement des priorités. Ainsi, l'ONDAM sera médicalisé. La répartition de l'ONDAM sera régionalisée sur des critères objectifs : morbidité, mortalité, âge richesse de la région. Cet ONDAM régionalisé pourra être abondé par la région.
    L'UDF souhaite également responsabiliser les acteurs professionnels et les patients. C'est le deuxième volet de la réforme.
    Partenaires des décisions au sein du conseil régional de santé, les professionnels et les patients seront responsables des décisions.
    Mais si la maîtrise comptable a échoué, nous pensons que seule une maîtrise médicalisée permettra, d'une part, d'optimiser les dépenses à condition qu'il s'agisse d'un engagement de tous et que nous disposions des outils nécessaires - définition des bonnes pratiques, codage des actes et des pathologies, création d'un INSEE de la santé, organisme indépendant chargé de recueillir et de traiter les données en temps réel et, d'autre part, de contractualiser - engagement aux bonnes pratiques, à la formation continue, à l'évaluation individuelle.
    Il est également nécessaire de responsabiliser le patient au-delà des discours car si tout le monde parle de cette responsabilisation, personne ne la met en oeuvre.
    Mme Catherine Génisson. Il n'y a pas que les malades !
    M. Jean-Luc Préel. Il faut donc responsabiliser le patient en transformant la CMU en aide personnalisée à la santé, inversement proportionnelle au revenu afin de permettre à celui-ci de financer la complémentaire de son choix, en généralisant le contrat passé entre le malade et son médecin, pour favoriser la conduite permettant la bonne santé, en rendant le carnet de santé opposable et la caution remboursable au niveau des assurances complémentaires.
    J'en viens à ma conclusion.
    Monsieur le ministre, notre système de soins connaît une crise extrêmement grave, morale, organisationnelle et financière. La santé est un sujet beaucoup trop sérieux pour être l'objet de polémiques stériles. A ce propos, je regrette le ton qui a été employé au début de notre séance. Le gouvernement précédent porte pourtant une lourde responsabilité dans la situation actuelle, ce qui devrait rendre nos collègues socialistes particulièrement modestes.
    Notre objectif commun est de sauvegarder, tout en l'améliorant, notre système de santé pour permettre l'accès de tous à des soins de qualité. L'UDF pense qu'il est possible de l'atteindre en optimisant les dépenses à condition de prendre acte des raisons de l'échec actuel : absence de pilote, non-légitimité de la CNAM, non-responsabilisation des acteurs.
    Il nous semble en conséquence nécessaire de nous engager vers une vraie régionalisation qui permette une politique de santé de proximité et qui prenne en compte les besoins et responsabilise tous les acteurs. Sans ce retour à la confiance, exigeant de rendre les professionnels partenaires et responsables, il ne sera pas possible de réussir la maîtrise médicalisée des dépenses.
    Monsieur le ministre, l'UDF, partenaire de la majorité, vous fait confiance, mais elle souhaite être associée en amont aux décisions. Il vous faudra une grande force de conviction et de persuasion pour vaincre les résistances que vous rencontrerez chez tous ceux qui veulent que rien ne change, quitte à aller dans le mur. A ce sujet, le rapport de Mme Ruellan nous a particulièrement inquiétés.
    Vous avez une grande responsabilité. L'UDF soutient votre volonté de réformer la gouvernance de la santé. Bon courage, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, aujourd'hui, dans tout le pays, des milliers d'hommes et de femmes, des jeunes et des moins jeunes, participent, à l'appel de l'ensemble des organisations syndicales, à une journée d'action pour sauver notre système de retraite. Souhaitant les rejoindre, je quitterai sans doute l'hémicycle avant la fin de notre débat, et je vous prie de m'en excuser.
    Parallèlement, les médecins des SAMU et des services d'urgence d'Ile-de-France se mettent en grève les uns après les autres. Ils exigent l'ouverture de réelles négociations et un plan de création de postes sur trois ans afin que soit assurée la continuité du service public dans ce secteur indispensable.
    Cette situation n'est pas sans rappeler celle que nous avons connue il y a quelques années lorsque, après la loi Veil-Balladur qui allongeait la durée de cotisations dans le privé pour prétendre à une retraite à taux plein, le Gouvernement de droite tentait une attaque contre certains autres régimes de retraite en même temps qu'il imposait autoritairement le plan Juppé.
    Personne ne peut prédire ce que seront les jours et les semaines à venir. Mais les élections de 1997 comme celles de 2002 ont apporté, chacune à sa manière, une réponse à ceux qui refusaient d'écouter le mouvement social.
    Je constate que notre débat d'aujourd'hui sur la protection sociale ne fait pas suite à une initiative du Gouvernement et de sa majorité.
    J'entends les ministres répéter contre vents et marées que leurs projets sont bons et que les gens les approuvent et qu'ils ne seraient contestés que par ceux qui ne les ont pas compris. Je pense au contraire que chacun comprend bien et que tous ceux qui protestent refusent en réalité de travailler plus longtemps, pour une retraite de moins en moins élevée, alors que la richesse nationale s'accroît et que les jeunes peinent à trouver du travail.
    C'est, comme on dit dans le langage courant, le monde à l'envers. Tel est du moins le sentiment de toutes les personnes douées de bon sens, ce qui est tout de même le cas de l'immense majorité de nos concitoyens.
    Nos concitoyens redoutent à juste titre de vivre dans une société où le droit pour tous à se soigner correctement et à rester en bonne santé serait soumis aux diktats des compagnies d'assurance privées, qui ne s'intéressent par nature qu'à la santé des personnes solvables. Telle n'est pas notre optique.
    On nous dit qu'il y a urgence, au point que vous n'avez toujours pas inscrit à notre ordre du jour la « loi bioéthique », qu'on ne cesse de reporter à plus tard, et que bien des incertitudes persistent en ce qui concerne le texte annoncé sur la santé publique.
    Qu'il y ait urgence à débattre, à consulter, à rechercher des solutions efficaces, voilà qui ne fait aucun doute. Mais cela ne justifie en rien que l'on brade à toute allure et sans un grand débat national - débat réclamé par les organisations syndicales - nos systèmes de santé et de retraite pour les offrir aux actionnaires des grands groupes privés, aux assurances, aux fonds de pension.
    De ce point de vue, il me revient de dire ici combien je regrette qu'en cinq années, le gouvernement de gauche n'ait pas eu le courage d'engager la réforme indispensable du financement de la sécurité sociale.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien, madame la députée !
    M. Claude Evin. Je ne suis pas certain que vous auriez été d'accord, monsieur le président de la commission ! Méfiez-vous !
    Mme Jacqueline Fraysse. S'il l'avait fait, comme je n'ai cessé de le lui demander sans succès, malgré les promesses, année après année, nous n'en serions certainement pas là aujourd'hui. Mais, permettez-moi de le dire, monsieur Dubernard, la droite ne me surprend pas dans les propositions qu'elle fait.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Attendez quelques mois !
    Mme Jacqueline Fraysse. Celles de la gauche auraient été meilleures.
    Le déficit de la sécurité sociale, et tout particulièrement de l'assurance maladie, se creuse dangereusement. Plusieurs chiffres sont d'ores et déjà avancés. Après trois années d'un excédent général lié à la reprise de la croissance et à la création de nouveaux emplois, qui contribuent incontestablement à l'augmentation des cotisations, un déficit prévisionnel de 3,9 milliards d'euros est annoncé pour 2003, ce qui montera le déficit cumulé pour 2002 et 2003 à 16 milliards d'euros.
    Lors du dernier examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions dénoncé votre absence de réponse, monsieur le ministre, sur l'enjeu du financement. Nous pressentions une volonté de ne rien modifier dans les recettes pour mieux justifier ensuite une privatisation rampante de la protection sociale. Cette inquiétude était accentuée, les jours suivants, par les propos du président du groupe UMP, M. Barrot, sur la notion de gros risque et de petit risque. Elle est aujourd'hui confirmée par toutes vos mesures qui, à défaut d'améliorer les recettes, sont loin de résoudre les problèmes. D'ailleurs, le rapport que vous avez demandé à M. Chadelat, et dont vous n'avez pas désapprouvé les conclusions, nous éclaire sur ce point.
    Il ne s'agit pas seulement de disserter sur la « responsabilisation des acteurs », que d'ailleurs personne ne conteste ici.
    Il ne s'agit pas non plus de sortir du « tout gratuit » car, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à cette tribune, rien n'est gratuit : les salariés paient des cotisations à la sécurité sociale et aux mutuelles et les retraités ont cotisé toute leur vie de travail pour avoir le droit de vieillir dans la dignité.
    Il ne s'agit pas davantage de faire croire que le problème pourrait être réglé par le déremboursement de centaines de médicaments. Ces mesures sont, à mes yeux, à la fois injustes, incohérentes et inefficaces.
    Injustes parce qu'elles pénalisent les plus modestes : certains médicaments considérés comme très utiles ne sont pas remboursés, d'autres ont des prix excessivement élevés, sans parler de ceux dont les laboratoires ne demandent pas le remboursement pour en fixer librement le prix, ou encore de ceux pour lesquels vous avez accordé une large période de liberté des prix lors de leur mise sur le marché. Il serait temps de coupler autorisation de mise sur le marché et décision de remboursement par l'assurance maladie sur la base d'un prix fixé de manière transparente.
    A cet égard, je m'étonne, monsieur le ministre, que vous soyez si peu prompt à prendre des mesures pour lutter contre ces anomalies coûteuses qui engendrent de fait une médecine à deux vitesses que nous condamnons et que vous vous défendez de mettre en place.
    Incohérentes, ensuite, car si une molécule est inefficace ou dépassée, elle ne peut plus être traitée comme un médicament et doit donc être retirée du circuit afin qu'elle ne soit plus prescrite.
    Mme Catherine Génisson. Tout à fait !
    Mme Jacqueline Fraysse. Inefficaces, enfin, parce que vous savez comme nous tous que ces mesures ne risquent pas de régler le problème du déficit de la sécurité sociale.
    En effet, à quoi sont dues les difficultés de la sécurité sociale ? A une insuffisance de recettes. Certes, les dépenses augmentent en raison des progrès médicaux et de l'allongement de la durée de la vie. Mais notre pays n'aurait-il pas les moyens d'augmenter les recettes de la sécurité sociale alors que nous assistons à une diminution constante de la part du PIB consacrée aux dépenses sociales ?
    Face à cette situation, deux approches sont possibles : ou bien on considère que notre société ne peut pas financer ces dépenses, qualifiées d'excessives, ou bien on considère qu'elle en a les moyens, que c'est un problème de choix politiques dans un pays où les progrès scientifiques ont non seulement permis d'améliorer les soins mais aussi et surtout d'augmenter considérablement la richesse nationale.
    Le choix est donc bien là. Nul ne peut l'éluder ni s'y soustraire : comment répartir cette richesse nationale ? Au service de qui ? Et selon quelles priorités ?
    Il s'agit, je le répète, de choix politiques : ou l'on suit la logique financière et de privatisation prônée par le MEDEF ou l'on reste dans la logique actuelle de solidarité et d'égal accès à des soins de qualité pour tous, ce qui implique la mise en place de nouveaux modes de financement.
    Si l'on suit la logique du MEDEF, qui, hélas, est aussi la vôtre, en exonérant les entreprises d'une importante partie de leurs cotisations sociales, en refusant d'augmenter la part patronale des cotisations sociales, bloquée depuis 1979, en transférant sur l'impôt et les assurances privées la charge financière de la protection sociale, on aboutit à l'abandon de notre système solidaire actuel, au creusement des inégalités et à une baisse du niveau général de prévention et de soins dans notre pays. C'est une protection minimum pour tous, le fameux « panier de soins », et, pour le reste, une protection plus ou moins élevée selon ce que l'on pourra se payer.
    Contrairement à ce que vous affirmez, ce n'est pas là « sauver notre système de protection sociale », c'est le détruire progressivement et à terme le remettre, pour l'essentiel, dans les mains du privé, qui n'a pas et ne peut pas avoir de démarche d'intérêt général et de solidarité.
    Pour conserver les qualités actuelles de notre système, il faut le laisser aux mains de la collectivité, et donc des assurés sociaux eux-mêmes. Il s'agit de garder le principe du salaire socialisé, fondé sur le travail, et d'adapter à la situation actuelle l'assiette de cotisation en augmentant la part patronale - ce qui est justifié au regard de la progression des profits réalisés - et en faisant contribuer les revenus des placements financiers des entreprises non investis pour l'emploi au même niveau que les revenus du travail, ce qui rapporterait près de 4 milliards d'euros à la sécurité sociale, tout en soutenant l'investissement productif et l'emploi. Enfin, il faut modifier le calcul des cotisations, qui ne serait plus seulement assis sur les salaires mais tiendrait compte de la valeur ajoutée et des profits bruts.
    Gardons tout de même à l'esprit que la richesse produite n'a cessé d'augmenter toutes ces dernières années et que pratiquement tous les analystes considèrent que cela va se poursuivre. Tant mieux : il ne s'agit donc pas d'une insuffisance de moyens mais d'un problème de partage.
    Si j'ajoute le manque à gagner considérable représenté par l'actuelle politique de l'emploi - ou plutôt de chômage, de précarité et de bas salaires -, on peut mesurer l'impasse dans laquelle nous conduisent vos choix.
    Vous savez, comme moi, qu'une hausse des salaires de 1 % - ce qui ne serait pas du luxe ! - équivaut à 9 milliards d'euros pour la sécurité sociale et qu'un million d'emplois créés lui rapporteraient 7 milliards supplémentaires, ainsi, d'ailleurs, que des moyens importants pour les retraites.
    Ce sont ces voies de travail et de réflexion qu'il faut explorer, monsieur le ministre, si vous voulez, comme vous le prétendez, sauver notre système solidaire et lui donner les moyens de la protection de qualité pour l'ensemble des citoyens dont notre pays s'enorgueillissait jusqu'ici.
    Je ne sais pas s'il y a à gauche, comme vous l'avez dit tout à l'heure, des « circuits imprimés », mais je suis surprise de voir qu'à droite il n'y a plus de pensée politique autonome dans des domaines aussi essentiels, où l'Etat devrait être, selon vos propres conceptions, un « régulateur ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne faites plus qu'appliquer, presque mot à mot, ce qui a été pensé, élaboré et décidé par le MEDEF ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. Nous sommes les suppôts du MEDEF !
    Mme Jacqueline Fraysse. Où sont, dans vos projets, monsieur le ministre, les valeurs de la République, que vous prétendez servir ? Où sont le droit et la liberté de se soigner, l'égalité devant la maladie et la mort, la fraternité, la solidarité devant les risques de la vie ?
    M. André Schneider. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    Mme Jacqueline Fraysse. Calmez-vous ! Les propositions et pistes de travail que je formule avec mon groupe sont à la hauteur des enjeux qui nous sont posés à cette étape de développement de notre société, pour qu'elle continue de progresser. Vous voulez faire tourner la roue à l'envers - allongement des cotisations, allongement de la durée du travail, diminution des retraites -, nous, nous voulons du progrès !
    Ces propositions pourraient être au coeur d'un sursaut éthique qui vous honorerait, monsieur le ministre.
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, l'assurance maladie et, plus généralement, notre système de santé traversent une période difficile et il serait vain de le nier.
    Oui, nous savions, et vous-même, monsieur le ministre, mieux que quiconque quand vous avez accepté cette responsabilité, que nous héritions d'un dossier explosif après cinq années d'une gestion de la protection sociale - ou plutôt : cinq années de fuite en avant - sans vision par Lionel Jospin et ses ministres. Une gestion dont tous les partenaires sociaux reconnaissent qu'elle a été si active et si audacieuse que nous retrouvons les dossiers de la santé, des retraites et de la famille dans le même état où nous les avions laissés mi-1997, au moment de la précédente alternance.
    M. Michel Heinrich. Et même pire !
    M. Claude Evin. Il ne fallait pas dissoudre !
    M. Yves Bur. En portant ce jugement, pourtant partagé par tous les experts des questions sociales, j'ai le sentiment de ne pas être totalement impartial. En effet, l'analyse des faits nous conduirait plutôt au constat que la situation est bien plus dégradée qu'en 1997.
    M. André Schneider. Evidemment !
    M. Yves Bur. Car au-delà de l'apparence des données comptables, qui est trompeuse, c'est l'ensemble du champ de la cohésion sociale qui a été ébranlé par les années Jospin. Les Français en sont de plus en plus conscients et ne manifestent pas de regrets d'avoir renvoyé « le meilleur Premier ministre de la Ve République » à une retraite qui lui permettra d'échapper aux ajustements d'une réforme qu'il aura tout fait pour repousser aux calendes grecques.
    Mme Catherine Génisson. Cette remarque était inutile, monsieur Bur !
    M. Yves Bur. Aujourd'hui, les Français constatent que l'incontournable sauvetage de notre système de retraite solidaire sera d'autant plus contraignant que votre majorité plurielle n'a pas eu le courage de proposer les mesures d'équité indispensables. Et ces cinq années perdues par votre faute leur coûtent cher.
    Il en est de même pour notre système de santé qui se retrouve à la case départ, celle des années 1995-1996. Les effets de manche du bon docteur Kouchner, pourtant illusionniste consommé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), n'ont pas pu masquer la politique de régression et de délitement de notre système de soins, menée avec une parfaite constance par Mmes Aubry et Guigou.
    La vraie question que nos concitoyens se posent face à la situation de crise qui bouleverse la santé en France est la suivante : monsieur Jospin, madame Aubry, madame Guigou, qu'avez-vous fait des fruits de la croissance à laquelle les Français ont contribué par leurs efforts ?
    Pendant les années de croissance, de 1998 à 2001, - une croissance comme notre pays n'en avait plus connu depuis plusieurs décennies -, les recettes de la sécurité sociale ont augmenté de plus de 50 milliards d'euros, ce qui a permis d'afficher de manière cosmétique des excédents fugaces qui se sont évanouis dès que la conjoncture internationale s'est retournée. Ces résultats cachaient en fait, en l'absence d'un pilotage destiné à réguler le système de soins et de couverture santé, une dérive des dépenses que vous avez tenté de camoufler en multipliant les fonds.
    Les recettes supplémentaires n'ont pas été mises à profit pour engager les indispensables réformes structurelles ; elles ont été absorbées par une gestion de la santé menée au fil de l'eau et par la contribution extorquée à la sécurité sociale - rappelez-vous, les partenaires sociaux parlaient de « hold-up » - pour financer les 35 heures.
    Cette gestion a été caractérisée par votre incapacité à mettre en place avec les acteurs de la santé une régulation des dépenses de santé. Nous savons certes que leur croissance est inéluctable : le rapport Coulomb qui vient d'être publié estime en effet que les déterminants fondamentaux de cette évolution sont de l'ordre de trois à trois points et demi par an. Mais vous n'avez entrepris pendant cette période aucune démarche pour crédibiliser l'ONDAM, au contraire : les dépassements systématiques ont atteint la somme de 12,8 milliards d'euros, d'un minimum de 1,5 milliard en 1998 à plus de 4 milliards d'euros en 2002.
    Mme Catherine Génisson. Et vous, qu'avez-vous fait cette année ?
    M. Yves Bur. Au total depuis 1997, notre pays a dépensé 32 milliards d'euros de plus pour la santé. Et les Français s'interrogent : la qualité du système de soins s'est-elle réellement améliorée ? L'argent ainsi dépensé a-t-il bien été dépensé en faveur de la santé des Français ? Cette hausse a-t-elle généré des bénéfices réels pour les professionnels de santé, les patients et les assurés sociaux ? On en doute devant la somme de mécontentements que Jean-François Mattei a dû affronter depuis un an pour redonner confiance aux acteurs de ce secteur.
    L'absence de régulation, l'incapacité même d'y réfléchir dans le cadre d'un dialogue ouvert avec les différents acteurs du champ de l'assurance maladie laissent ce chantier entier, tout comme reste entière la question de la gouvernance même du système de santé. L'esprit conservateur qui fut le vôtre durant la législature précédente vous a conduit à mépriser tout dialogue social, lui préférant une démarche idéologique et péremptoire d'un autre temps. Tirant les conclusions d'une telle attitude, le MEDEF...
    Mme Catherine Génisson. Le MEDEF ! Quelle régression !
    M. Yves Bur. ... a été conduit à dénoncer un paritarisme vidé de son sens par les politiques autoritaires de Mmes Aubry et Guigou.
    De plus, l'absence de vision pour la sécurité sociale et une idéologie archaïque vous ont conduits à ponctionner les finances sociales pour financer les 35 heures : une réforme qui a ébranlé en profondeur le système de santé et qui lui a coûté cher. En effet, 29 % des ressources du FOREC proviennent de la sécurité sociale elle-même. Une partie des rentrées exceptionnelles de cotisations entre 1997 et 2001 a ainsi été détournée vers ce fonds et l'on estime que l'assurance maladie s'est vue privée de 2,5 milliards d'euros par an sur les 4,5 milliards d'euros siphonnés au détriment de la sécurité sociale.
    Cette ponction s'est accompagnée d'une complexification des ressources sociales qui constitue à elle seule un chantier ardu auquel nous tentons de nous attaquer pour restaurer la lisibilité et la transparence du système et redonner du sens à la contribution des Français pour leur santé.
    Vous n'avez jamais eu le souci de clarifier les comptes, car une telle démarche aurait mis à nu l'étendue des manipulations des comptes et des fonds visant à camoufler l'ampleur réelle des déficits publics. Bien au contraire, vous n'avez cessé d'imputer à la sécurité sociale des charges nouvelles, qui avaient certes leur légitimité - citons l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, celle des victimes de l'amiante ou le financement du plan Biotox - mais qui furent autant de mesures nouvelles non financées, pour lesquelles vous avez omis sciemment de dégager des recettes supplémentaires.
    Cette politique de gribouille, dépourvue d'une vision élaborée de l'avenir, a conduit notre système de retraite, comme l'assurance maladie, dans une impasse structurelle, que le ralentissement économique international a encore aggravée.
    Oui, nous avons conscience aujourd'hui que la France ne pourra plus faire l'économie d'une réforme structurelle de son système de santé, et M. Jean-François Mattei s'y attaque comme il s'y est engagé.
    Après le temps de la réflexion nécessaire, nous avons la volonté de ne pas fuir nos responsabilités, comme vous l'avez fait pendant cinq ans, afin de refonder le système de santé sur des bases nouvelles qui placeront le sens de la responsabilité de chacun au coeur du système, celle des politiques d'abord, qui est la nôtre, celle des gestionnaires, celle des acteurs médicaux, sans oublier la responsabilité incontournable de l'usager, car chacun doit mieux prendre conscience que derrière chaque dépense il y a aussi un coût pour la collectivité nationale.
    Nous en avons d'autant plus conscience que les Français ont du mal à comprendre pourquoi le malaise de tous les acteurs de la santé est à ce point exacerbé alors que jamais l'on a tant dépensé pour la santé ! Ils ont du mal à comprendre que la politique de la défunte majorité plurielle, dont vous n'avez cessé de louer l'excellence, ait pu aboutir à cette situation de crise alors que, chaque semaine, le très médiatique docteur Kouchner les éblouissait de ses annonces qu'il présentait comme autant d'avancées immédiates, mais qui n'étaient ni financées ni appliquées ! En fait d'avancées, nous nous sommes trouvés devant un système engagé dans une fuite en avant folle pour ce qui concerne les dépenses, mais paradoxalement totalement grippé par les mauvais traitements socialistes.
    Ainsi, la médecine de ville était et reste en ébullition à force d'absence de dialogue, de diktats ministériels et, en fin de compte, de mépris pour ceux que vous n'avez considérés que comme des nantis. Les chantiers qui étaient annoncés dans le plan Juppé sont restés en friche. C'est le cas du codage des actes, du dossier médical, de la tarification des pathologies, de la formation continue, du juste soin, sans oublier la promotion des réseaux de soins, pourtant essentiels, pour une meilleure prise en charge des pathologies les plus graves. Votre unique préoccupation fut comptable pour bloquer les honoraires et tout dialogue. A cause de cette pensée unique dans laquelle vos ministres s'étaient enfermés, les dépenses de soins de ville ont explosé. Ainsi, sur les 13,5 milliards d'euros d'augmentation de l'ONDAM entre 2000 et 2002, dont 7,2 milliards d'euros sont imputables à la médecine de ville, 6,1 milliards d'euros sont liés à l'augmentation des volumes de soins que vous n'avez jamais pu réguler en l'absence de dialogue avec le corps médical. Nous sommes en train de retisser les fils de la confiance, ce qui n'est pas chose aisée tant sont fortes les attentes après tant d'années d'autisme gouvernemental.
    Le désarroi est encore plus profond à l'hôpital, comme l'ont ressenti tous les membres de la mission sur l'hôpital conduite par René Couanau. Ce malaise n'a pu être nié par les membres socialistes de cette mission et leur contribution écrite au rapport est le catalogue de ce que la majorité précédente n'a pas voulu ou su comprendre, à savoir : il faut simplifier le fonctionnement administratif des établissements, optimiser les réglementations de sécurité et de sécurité sanitaire, simplifier et clarifier les structures de fonctionnement de l'hôpital, moderniser le financement de l'hôpital public, accorder à celui-ci plus d'autonomie et de responsabilité. Autant de propositions qui sonnent comme autant de regrets de n'avoir pas eu l'audace ou simplement le courage politique de s'y atteler et que le Gouvernement entend concrétiser notamment avec le plan Hôpital 2007 pour adapter l'hôpital public à l'évolution des besoins et des exigences. En effet, la dérive consumériste accrue, la promotion des droits des malades, les exigences en matière de sécurité, ainsi que l'aspiration générale à plus de transparence sont autant de défis auxquels l'hôpital est aujourd'hui confronté. Il nous appartiendra de les relever et nous en avons la volonté, alors que vous n'avez, là encore, pratiqué que l'attentisme démobilisateur.
    S'agissant du médicament, le pilotage d'une politique cohérente est toujours resté à l'état de voeu pieux, car vous avez, avec la même constance, pratiqué une politique de maîtrise comptable souvent brutale, qui a désorienté les acteurs de l'industrie du médicament sans pour autant parvenir à stopper l'évolution des dépenses ou même à en modeler la structure au regard de leur utilité. Certes, Mme Aubry a lancé l'évaluation de l'efficacité thérapeutique des médicaments remboursés et a défini les principes de classement par SMR, mais, malgré ses intentions de fermeté, elle a calé sur l'obstacle et a renoncé à donner une cohérence à la politique du médicament.
    Pour ce qui est du générique, vous n'avez jamais compris que l'on n'imposait pas de nouvelles pratiques aux médecins sans cultiver le dialogue indispensable à un partenariat actif.
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas ce qui se passe actuellement !
    M. Yves Bur. Malgré l'accumulation de mesures de contraintes, les ventes de génériques n'ont jamais décollé. C'est bien la restauration par notre ministre du dialogue avec le corps médical, doublé d'une contractualisation liant augmentation de la consultation et prescription de génériques, qui a déclenché le développement rapide des spécialités génériques.
    Rien qu'en 2002 les médicaments génériques ont permis au régime général de réaliser une économie réelle de 133 millions d'euros. En décembre 2002, le taux de pénétration des génériques a atteint 48,2 % du nombre de boîtes délivrées. Il reste du chemin à parcourir, car les médicaments génériques auraient pu, s'ils avaient été totalement utilisés en lieu et place des médicaments de référence, permettre d'économiser près de 270 millions d'euros. Vos ministres en rêvaient, le nôtre l'a fait !
    Oui, nous entendons plus globalement installer de manière stable une politique du médicament plus cohérente au service de la meilleure thérapeutique possible pour les malades, en privilégiant la prise en charge de l'innovation thérapeutique et de tout médicament actif contre la maladie, en partageant avec le système complémentaire la charge des médicaments actifs dans l'accompagnement des maladies et en laissant à la responsabilité privée ou à l'automédication les médicaments utiles au bien-être !
    Avant de conclure, je voudrais aborder la question de la gouvernance du système de santé qui, à l'évidence, conditionne la réussite d'une nouvelle architecture de notre système de soins et de prise en charge. Là où vous n'avez agi qu'en renforçant l'étatisation, en méprisant les partenaires sociaux, en vidant de sens tout esprit conventionnel, en recentralisant les responsabilités comme pour la CMU et l'APA, nous entendons avancer sur la voie de la responsabilisation de tous les acteurs, de l'usager au politique, éclairés par les objectifs de santé publique, voie que vous avez toujours négligée.
    La santé ne peut rester l'affaire de quelques technocrates. Elle doit être au coeur d'un projet social partagé de manière responsable par tous les acteurs. Avec les chantiers lancés par Jean-François Mattei, nous sortons de l'ère de glaciation sociale pour entrer dans celle d'un dialogue imaginatif et fécond,...
    M. Claude Evin. Il ne faut pas exagérer !
    M. Yves Bur. ... qui doit nous permettre d'engager les réformes structurelles trop longtemps repoussées. Alors que le Gouvernement et notre majorité sont en train d'avancer dans la réflexion afin d'esquisser une architecture nouvelle pour un système de santé à bout de souffle malgré la valeur des hommes qui en assurent, bon gré mal gré, un bon niveau de service, j'ai quelque part le sentiment que c'est par mauvaise conscience, pour tenter d'exorciser votre incapacité à concevoir un projet pour la santé des Français et à leur faire des propositions concrètes pour renforcer la cohésion sociale, mise à mal par cinq années d'incohérence politique, que vous avez souhaité débattre ce matin. J'espère que ce débat vous aura au moins permis de mesurer l'abîme qui sépare la politique de déstabilisation que vous avez menée pendant cinq années de l'ampleur des réformes qu'il nous appartient de mener à bien, en ayant à l'esprit le bien-être des Français, pour sauver notre système solidaire de santé, comme nous allons, d'ici à quelques semaines, mener à bon port le sauvetage des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Je me félicite que le groupe socialiste ait demandé l'inscription à l'ordre du jour de cet utile débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.
    Vous vous êtes largement exprimé, monsieur le ministre, mais, hormis une critique systématique de l'action du gouvernement précédent, vous êtes resté silencieux sur la situation d'aujourd'hui : un niveau de déficit des comptes sociaux, en particulier de l'assurance maladie, jamais atteint ; des professionnels de santé de nouveau mécontents ; des Français inquiets et, face à la gravité de cette situation, beaucoup d'inaction - M. Préel l'a d'ailleurs largement souligné en évoquant à plusieurs reprises l'absence de pilote.
    Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à présenter au Parlement un projet de loi de financement rectificatif s'il existait un écart significatif avec les objectifs décrits dans la loi de finances 2003. Nous sommes malheureusement aujourd'hui dans cette triste configuration. Est-ce à dire que vous faites fi de la représentation nationale ? Votre silence est-il destiné à endormir les Français ? Le déficit de la sécurité sociale qui s'aggrave, c'est la solidarité nationale qui se fissure et se trouve fragilisée. Vous laissez filer les dépenses de santé, cependant que vous ne dévoilez pas vos intentions aux Français. Au contraire, vous voulez les anesthésier en leur garantissant qu'ils bénéficieront des meilleurs soins possible au meilleur coût. Mais la réalité est tout autre : les Français sont inquiets. Plusieurs signes avant-coureurs d'une privatisation rampante ne trompent pas.
    Les Français sont inquiets des orientations de votre politique, de votre action comme de votre inaction. Ils sont inquiets de l'action quand, dans la loi de financement de 2003, le tarif de remboursement des médicaments est fixé en fonction du prix des génériques, quand vous remettez en cause les conditions d'accès à la couverture maladie universelle ou quand vous décidez en catimini, le week-end de Pâques, le déremboursement de 617 médicaments.
    M. Yves Bur. Eh oui ! Le Gouvernement travaille même pendant le week-end de Pâques !
    Mme Catherine Génisson. Il nous a envoyé de bien mauvaises cloches !
    Les Français sont inquiets de l'inaction quand, dans la loi de financement de 2003, vous ne prévoyez pas de mécanisme de régulation des dépenses de santé, sauf pour les usagers qui sont pénalisés lorsqu'ils n'utilisent pas les génériques et qui supportent la charge de l'augmentation tarifaire des visites médicales non justifiées. Ils sont également inquiets de votre inaction quand vous restez silencieux face au blocage conventionnel entre les médecins libéraux et les caisses, quand vous ne vous exprimez pas alors que certains rapports, dont le rapport Chadelat, présentent des propositions inacceptables sur un nouveau partage des rôles entre la sécurité sociale et les organismes d'assurance complémentaire.
    Tel est le subtil cocktail d'action et d'inaction que vous nous proposez. Vous étiez pourtant plus clairement engagé en 1999. Vous avanciez à visage découvert lorsque vous préconisiez la liberté de choix du mode d'installation des médecins et, dans le même temps, la liberté pour les usagers de choisir leur organisme de couverture. Vous reconnaissiez que c'était pour vous « une véritable alternative ». Aujourd'hui, vous comprenez que le consensus social reste très fort autour des principes de notre sécurité sociale fondée sur la solidarité nationale, mais vous soutenez la privatisation qui se profile insidieusement. Dès lors, nous sommes inquiets.
    Les Français sont inquiets, monsieur le ministre, quand, faute d'accord conventionnel entre les médecins et les caisses, s'instaure, grâce à des fenêtres tarifaires, une liberté tarifaire. J'ai eu l'occasion de vous interpeller sur ce sujet lors d'une question d'actualité, le 25 mars dernier. A cette occasion, j'avais souligné que la Caisse nationale d'assurance maladie, parce que c'était un changement fondamental du principe fondateur de la sécurité sociale, indiquait que la création d'un tel mécanisme de fenêtre tarifaire relevait de la responsabilité du Gouvernement et non du champ conventionnel. Vous m'aviez alors répondu que les négociations étaient en cours et que le Gouvernement assumerait ses responsabilités si elles échouaient. Elles n'ont pas abouti, mais le Gouvernement est resté silencieux ! On assiste à l'augmentation du recours à la fenêtre tarifaire et du coût de l'acte médical pour le patient. Alors que vous annoncez une réforme de la gouvernance de l'assurance maladie, n'êtes-vous pas en train, monsieur le ministre, de jouer le pourrissement du principe de négociation ?
    Cela est grave. Aujourd'hui, les augmentations tarifaires sans conventionnement avec les caisses sont supportées par les seuls assurés. Or, pour garantir l'égalité d'accès aux soins, il faut des actes bien remboursés. Il faut donc des tarifs opposables, c'est-à-dire décidés conjointement par les caisses et les médecins, représentant à la fois le prix payé par le malade et sa base de remboursement en tant qu'assuré. Nous pensons que ces fenêtres tarifaires cachent le développement du secteur 2 et, dès lors, une politique de déremboursement de nombreux actes médicaux et de médicaments aussi. Même si la décision a été prise en catimini, puisque l'arrêté est sorti le week-end de Pâques, nous avons tous rapidement compris que 617 médicaments étaient déremboursés. Ces médicaments étaient pourtant souvent prescrits et utiles aux malades, sinon pourquoi ne pas les avoir carrément supprimés de la pharmacopée ? Cette décision est donc inacceptable. Le précédent gouvernement avait classé les médicaments selon le service médical rendu. La sortie du remboursement se faisait dans la concertation, quand le service médical rendu était devenu insuffisant pour les médicaments concernés.
    M. Yves Bur. Vous n'avez rien fait !
    Mme Catherine Génisson. Aujourd'hui, aucune concertation n'a eu lieu pour cette mise en cause de médicaments utiles et efficaces, si ce n'est avec l'industrie pharmaceutique.
    M. Yves Bur. Caricature !
    Mme Catherine Génisson. Cette décision va transférer la charge des dépenses de santé vers les ménages dont les cotisations d'assurance complémentaire vont fortement augmenter. Déremboursement d'actes médicaux, déremboursement de médicaments, moindre remboursement de médicaments dont le prix est dorénavant fixé en fonction du prix des génériques, cela dénote une volonté de démantèlement savamment orchestrée de la sécurité sociale, dont le déficit, en particulier celui de l'assurance maladie, sera considérable en 2003.
    Les prévisions chiffrées de la loi de finances 2003 étaient insincères, reposant en particulier sur des prévisions de croissance que plus personne aujourd'hui n'ose évoquer, vous l'avez d'ailleurs reconnu. Mais dès octobre 2002, le Gouvernement s'est inscrit sciemment dans une logique des dérives des comptes sociaux. Le creusement des déficits de l'assurance maladie est dû non pas uniquement à l'absence de recettes, mais à l'absence d'une politique de maîtrise des dépenses. Dans la loi de financement 2003, il n'y a pas d'outil de maîtrise des dépenses, sauf pour les usagers. Je l'ai d'ailleurs largement souligné tout en déplorant l'injustice consistant à faire peser l'effort sur les seuls usagers, c'est-à-dire sur nous tous, alors même que vous ne contribuez pas à leur responsabilisation puisque vous réduisez à la portion congrue leur information, qui leur permet de devenir décideurs de leurs choix, dans la mesure où toutes les instances de plus grande démocratie sanitaire n'ont pas été mises en place.
    Affaiblir le système de protection sociale, en rendre la modification inéluctable : tel est votre objectif, monsieur le ministre, telle est la volonté du gouvernement de M. Raffarin. En choisissant l'inaction, en jouant le pourrissement (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Yves Bur. Vous êtes gonflée !
    Mme Catherine Génisson. ... vous remettez en cause le système d'assurance maladie fondé sur la solidarité nationale. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 12 décembre 2002, vous a d'ailleurs mis en garde contre le risque d'une remise en cause des exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».
    M. Yves Bur. Garantir, c'est ce que nous allons faire !
    Mme Catherine Génisson. Je l'espère ! Nous sommes inquiets. Les Français sont inquiets. Ils n'acceptent pas, et nous non plus, la privatisation de l'assurance maladie. Nous n'acceptons pas les conclusions des différents rapports : le rapport Chadelat, celui de la Fédération française des sociétés d'assurance, remis le 5 mai, qui demande que les assureurs puissent piloter certains risques, l'optique et le dentaire en particulier. Vous ne les contredisez pas, monsieur le ministre, ces rapports qui changent le partage des rôles entre la sécurité sociale et les organisations complémentaires, mutuelles et assurances. Nous nous mobiliserons pour qu'un haut niveau de prise en charge de soins soit assuré par l'assurance maladie obligatoire. Une prise en charge importante de soins par une couverture complémentaire facultative entraîne en effet une inégalité d'accès aux soins. Vous instaurez, monsieur le ministre, une médecine à deux vitesses qui prend le contre-pied total de la réforme de 1945.
    Vos déclarations sur la sortie du « tout-gratuit » en matière de santé sont fausses. Les Français le vivent au quotidien, avec le remboursement insuffisant des soins dentaires et optiques - je le souligne d'autant plus facilement qu'à chaque discussion de la loi de financement de la sécurité sociale, depuis 1997, j'ai soutenu une meilleure prise en charge de ces soins. Le tout-gratuit n'existe pas. Plus de 11 % des dépenses restent à la charge des personnes.
    M. Yves Bur. Pendant cinq ans, cela a augmenté d'ailleurs !
    Mme Catherine Génisson. C'est une moyenne, et les plus aisés bénéficient bien souvent d'une meilleure couverture. Comment imaginer, aujourd'hui, que ces soins premiers - optiques, dentaires ou qui concernent l'audition -, en fait ces soins de prévention pour l'avenir de l'enfant ou du jeune, puissent être pris en charge par une couverture complémentaire ? Est-ce l'une de vos réponses, monsieur le ministre, au financement de la prévention, à laquelle vous êtes si légitimement attaché ? Plus globalement, comment comptez-vous financer la prévention ?
    Monsieur le ministre, nous refusons le concept d'un système à bout de souffle. Il n'est pas acceptable de pratiquer le laisser-aller pour ensuite remettre en cause notre système de protection sociale. En ce qui me concerne, j'entends, avec l'ensemble du groupe socialiste, avancer des propositions ou suggérer des réformes utiles à notre pays, axées sur la solidarité et la préservation de nos grands acquis sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur. Celles que vous n'avez pas faites !
    M. André Schneider. Il fallait le faire avant !
    M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, dans le cadre de ce débat...
    M. Yves Bur. M. Le Guen a disparu ! (Sourires.)
    M. Paul-Henri Cugnenc. Il va revenir... Dans le cadre de ce débat proposé par nos collègues socialistes, mon propos concernera plus particulièrement le monde hospitalier, objet aujourd'hui d'une grande inquiétude résultant de graves dérives. J'exprimerai l'espoir qu'une politique nouvelle, pragmatique et volontariste va insuffler.
    En moins d'un an de législature, quelques avis se sont harmonisés. J'ai en mémoire le colloque du 17 septembre 2002 organisé par le président Dubernard et au cours duquel certains membres de l'opposition se félicitaient encore de la bonne marche de nos structures hospitalières. Leurs experts avaient cautionné avec nous les observations et les conclusions de la mission parlementaire présidée par René Couanau, intitulée de façon consensuelle « le désenchantement hospitalier » - le « grave » désenchantement hospitalier.
    Sans refaire l'histoire, j'insisterai sur quelques éléments évolutifs importants de ces deux dernières années. 2001 : au terme de deux décennies marquées par trois législatures, soit quinze ans de gouvernement socialiste, et malgré de multiples dérives sur lesquelles je reviendrai, l'hôpital fonctionne encore...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est miraculeux !
    M. Yves Bur. L'hôpital est résistant au socialisme !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... et l'on ne sait pas très bien pourquoi. C'est le paradoxe, c'est le miracle hospitalier français ! Il est réel, il est fragile.
    M. Yves Bur. A cause du gouvernement socialiste !
    M. Paul-Henri Cugnenc. 2002 : année de la décision dogmatique, électoraliste, irréaliste, socialiste des 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Celles-ci furent imposées à l'hôpital sans concertation et sans prévision. L'hôpital ne fonctionne plus de façon équilibrée, et l'on sait très bien pourquoi ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Enfin 2003 : année de la mission confiée à Jean-François Mattei et au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de remettre sur rail un convoi devenu chaotique ; un convoi mesdames et messieurs de l'opposition, que vous avez affaibli, agressé, fragilisé...
    Mme Catherine Génisson. Vous nous cherchez des poux !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Le Gouvernement agit avec efficacité, avec enthousiasme. Il rétablit la confiance, règle les factures que vous avez laissées impayées, notamment celle de la réduction du temps de travail. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et aujourd'hui, 12 mai, vous lui demandez des comptes ?
    M. Claude Evin et Mme Catherine Génisson. Nous sommes le 13 mai !
    M. Claude Evin. Date historique !
    M. Paul-Henri Cugnenc. En effet, merci... Aujourd'hui, c'est l'heure des comptes, mais de vos comptes, de votre bilan !
    Vous avez, mesdames et messieurs de l'opposition, une grande, une lourde responsabilité dans la crise profonde que traverse l'hôpital public. Le malaise est ressenti par les Français en général, par les malades en particulier...
    Mme Catherine Génisson. Les Français, aujourd'hui, sont dans la rue !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... et par les médecins, plongés dans un système où la confiance a disparu.
    Au terme de cette dérive, que vous avez encouragée, le partenariat entre les soignants et les administratifs, qui doit rester constructif, a été sacrifié. Règne un climat de suspicion, quelquefois de conflit.
    M. Yves Bur. C'est honteux !
    M. Paul-Henri Cugnenc. L'absence, pendant quinze ans, de cohérence et de prévision dans la gestion du numerus clausus, fait qu'aujourd'hui la continuité des soins n'est assurée que grâce à l'aide et au recrutement de médecins étrangers, dont nous saluons la collaboration mais dont la plupart n'ont malheureusement pas pu bénéficier de notre formation initiale.
    Mme Catherine Génisson. Il faudra en parler à Sarkozy !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Vous avez gravement démotivé de nombreux responsables médicaux. De multiples décisions démagogiques, conduisant à multiplier les services, ont abouti à ôter aux chefs de service une grande partie de leur autorité.
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas nous !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Au terme de votre gestion, les plus dynamiques des praticiens sont fatigués.
    Mme Catherine Génisson. Le diagnostic est faux ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Paul-Henri Cugnenc. Ils sont démotivés,...
    M. Yves Bur. Désenchantés !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Ils sont suspectés...
    M. Antoine Herth. Ecoeurés !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... et les démissions se sont multipliées.
    Votre approche, dogmatique et suspicieuse, de l'exercice libéral à l'hôpital public - dérive que nous avons corrigée - est exemplaire. Elle consiste à suspecter, bureaucratiser, compliquer, en oubliant de faire confiance. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur. Ce sont des orfèvres en la matière !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Ce malaise, c'est celui de tous les soignants ! C'est celui des médecins, de tous les infirmiers, de toutes les infirmières, de tous les agents qui dispensent des soins dans les hôpitaux. Quand j'ai parlé de votre indigence prévisionnelle, je pensais au numerus clausus des médecins,...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous refaites l'histoire !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... mais je pensais aussi au dossier des infirmières. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ne dites pas n'importe quoi !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Ce malaise, c'est aussi celui des administratifs, celui des chefs d'établissement. C'est enfin celui des Français et des malades.
    Les Français croient encore, pour la plupart d'entre eux, que l'hôpital est fait pour les malades et pour ceux qui s'en occupent. Au terme de votre gestion, la question pouvait légitimement se poser.
    Mme Catherine Génisson. C'est caricatural !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Pendant que vous cautionniez cette dérive, vous avez eu l'aplomb, l'outrecuidance...
    M. Yves Bur. C'est bien de le souligner !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... d'affirmer que le malade, premier spolié de cette grave dérive, était « au coeur de vos préoccupations » ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Une fois l'émotion passée, j'ai tenté de décoder. J'ai mieux compris votre dialectique quand j'ai entendu le même jour - c'était un hasard - les écologistes de votre gouvernement affirmer que les chasseurs étaient « au coeur de leurs préoccupations ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et j'ai su qu'être « au coeur de vos préoccupations » ne constituait ni un gage de bienveillance ni un gage de sécurité...
    Et puis vous avez décidé la mise en place des 35 heures (Exclamations sur les mêmes bancs) et vous avez déstabilisé un système fragile. Vous avez commencé par décrédibiliser ceux qui avaient mission de vous représenter, les chefs d'établissement, puisque vous n'aviez fait aucune prévision tout en leur donnant pour mission de mettre en place un système inapplicable. (« Catastrophe ! » sur les mêmes bancs.) C'est d'abord à eux que je pense en évoquant l'incohérence de ce système, car ils ont été les premiers à se trouver dans l'incapacité d'assumer leur mission ; nous avons eu l'occasion de le leur dire, et nous le leur redisons.
    Vous avez réuni, dans la critique la plus virulente, la totalité du personnel soignant.
    Ceux qui n'avaient pas demandé les 35 heures souhaitaient sinon être honorés du moins être reconnus et non ridiculisés, eux dont les horaires dépassent largement les 35, 39 ou 40 heures.
    Dans le même vent de critique, dans cette lame de fond que nous avons observée dans les hôpitaux et dont nous observons encore les conséquences, vous leur avez associé ceux qui avaient demandé les 35 heures. Alors qu'ils recherchaient davantage de confort personnel et une meilleure oganisation personnelle, vous leur avez offert inconfort et désorganisation. (« Scandaleux ! » sur les mêmes bancs.)
    Au terme de cette grave dérive, le train de l'hôpital allait dérailler. Il fallait le remettre d'aplomb. C'est la mission confiée à Jean-François Mattei. Aujourd'hui, c'est à lui que vous demandez des comptes, alors qu'il nous redonne l'espoir ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Grâce à lui, la suspicion a fait place à la confiance. Nous simplifions et nous réduisons les lourdeurs de la planification, dont vous êtes de grands spécialistes.
    M. Yves Bur. Il était temps !
    Mme Catherine Génisson. C'est vous qui le dites !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Nous disposons d'outils efficaces de coopération entre le public et le privé. Les efforts exceptionnels d'investissement engagés pour cinq ans ont été largement exposés par le ministre, je n'y reviendrai pas. Je soulignerai simplement que, au rythme que vous aviez décidé d'adopter, treize années auraient été nécessaires pour mettre à niveau l'immobilier et le système d'information. Le ministre Jean-François Mattei a décidé, lui, de le faire en cinq ans,...
    Mme Catherine Génisson. Sept !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... en consentant un effort supplémentaire de 1,2 milliard d'euros par an d'investissement - soit 6 milliards d'euros en cinq ans - pour remettre à niveau le patrimoine hospitalier, les équipements lourds et remettre le système d'information dans l'état où nous aurions dû le trouver.
    Cet effort s'accompagne d'une réflexion stratégique sur les décisions prises au plan national et celles prises par les régions, auxquelles il faut confier le choix des projets, la gestion des crédits, la mise en place d'un suivi en temps réel et d'une tarification à l'activité.
    Mesdames et messieurs de l'opposition, vous avez fait des promesses virtuelles et vous n'avez rien payé sur la réduction du temps de travail ...
    M. le président. Monsieur Cugnenc, ne sortez pas trop des rails ! (Sourires.)
    M. Paul-Henri Cugnenc. Mon collègue Jean-Marie Le Guen a dit que les comptes étaient équilibrés. Effectivement, il est facile d'équilibrer les comptes quand on ne paye rien - c'est même un principe d'arithmétique élémentaire. Or c'est nous qui payons. C'est nous qui allons payer !
    M. Yves Bur. Ce sont les Français qui vont payer !
    M. André Schneider. Ce sont les Français qui vont être malades !
    M. Paul-Henri Cugnenc. C'est nous qui allons mettre en place cette décision en la rendant moins chaotique ! Voilà pourquoi, mesdames et messieurs du groupe socialiste, au lieu de demander des comptes au Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et de Jean-François Mattei, il eût été plus logique et plus convenable de votre part de s'interroger sur l'origine de la grave dérive que nous subissons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour dix minutes. Je ne lui déduirai pas les trois minutes supplémentaires prises par M. Cugnenc...
    M. André Schneider. Quelle générosité ! Quelle grandeur d'âme !
    M. Yves Bur. Il faut dire que M. Cugnenc avait tellement de choses à dire !
    M. Philippe Vitel. « Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité dans l'exercice de la médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l'indigent et n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail. »
    Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tel est le serment que le jeune étudiant prend solennellement lors de sa soutenance de thèse. Il peut alors, s'il le désire, affronter la dure réalité de son labeur quotidien dans le monde libéral, quitter la quiétude du cocon hospitalo-universitaire qui avait assuré, jusque-là, sa solide formation initiale. Reste qu'il ne l'avait en aucun cas préparé à assurer les fonctions de chef d'entreprise et d'employeur qui l'attendent, au sein d'un système qu'on se refuse toujours à considérer comme marchand, mais qui en a aujourd'hui toutes les caractéristiques, non seulement socio-économiques, mais surtout financières et administratives.
    Mme Catherine Génisson. C'est tout de même un beau métier, voyons !
    M. Philippe Vitel. Hippocrate ne savait pas, il y a 2 700 ans, que ce serment resterait aujourd'hui plus que jamais d'actualité. Il nous ramène en effet chaque jour de manière intemporelle à l'exigence d'éthique...
    Mme Catherine Génisson. Ethique marchande...
    M. Philippe Vitel. ... et à la nécessité d'humanisme qui doivent présider à l'exercice de cet art et guider le rôle social majeur, qui doit être quotidiennement celui du médecin. Ce dernier oeuvre sans relâche pour le bien de tous, lesquels, en retour, font preuve envers lui de reconnaissance et de respect.
    Aujourd'hui, nous devons rétablir l'harmonie entre les contraintes du monde moderne et le respect des fondamentaux d'Hippocrate pour que le patient, le praticien et la nation se retrouvent au sein d'un système de protection sanitaire et social qu'un grand et vieux pays comme le nôtre se doit de posséder.
    Les disciples d'Hippocrate n'avaient nul besoin de cadre conventionnel, de numerus clausus, de recommandations du code de la sécurité sociale. Soit dit en passant, il en est une qui a été introduite durant les cinq dernières années et que j'affectionne particulièrement. Elle consiste à leur demander d'observer, dans tous leurs actes et prescriptions, la plus stricte économie compatible avec la sécurité, la qualité et l'efficacité du traitement.
    M. Claude Evin. Ce sont les ordonnances de 1996 !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il faudrait refaire le point sur l'histoire ! Manifestement, ils n'ont rien compris !
    M. le président. Madame Guinchard-Kunstler !
    M. Philippe Vitel. Petit à petit, l'encadrement toujours plus oppressant et tatillon de ce qu'on considère depuis l'Antiquité comme un art a réduit le magnifique rôle social et humain du médecin libéral à sa plus simple expression ; celui-ci n'est plus considéré que comme un prestataire de service nanti, à l'honnêteté discutable.
    M. Claude Evin. Déconventionnez-vous !
    M. le président. Monsieur Evin ! ne donnez pas le mauvais exemple...
    M. Philippe Vitel. Les pouvoirs publics, et en particulier ceux qui avaient la responsabilité de gouverner notre pays durant les cinq dernières années, ont ignoré les appels lancés par cette corporation, aujourd'hui désenchantée et sans illusion.
    Oui, aujourd'hui, la médecine libérale est malade et la perte de confiance dans le système partenarial, consommée. Les mesures coercitives prises durant les cinq dernières années et l'aveuglement idéologique de ceux qui avaient à initier une nouvelle politique de soins et de santé appelée par l'inéluctable mutation de notre société ont fini d'anéantir la confiance dont les praticiens ont besoin pour exercer leur métier dans la sérénité et l'enthousiasme. Mais inutile d'évoquer à nouveau les lettres clés flottantes, les comités médicaux régionaux, véritables tribunaux d'exception de la maîtrise comptable,...
    M. Claude Evin. C'est une ordonnance de 1996 !
    M. Philippe Vitel. Vous ne l'avez jamais annulée ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je ne reviendrai pas non plus sur le blocage des honoraires, la mise en place calamiteuse de la carte Vitale et de la télétransmission.
    Aujourd'hui, monsieur le ministre, l'heure n'est plus aux réformettes de surface, qui ne jouent que le rôle d'un emplâtre sur une jambe de bois. L'heure de la reconstruction totale d'un système de santé moderne et d'une assurance maladie équilibrée est venue. C'est le sentiment de tous les médecins libéraux que je rencontre chaque jour. Ceux-ci souhaitent être vos partenaires directs afin de bâtir avec vous un nouveau système bâti sur la responsabilisation, du patient comme du praticien.
    Le patient doit comprendre que le système social solidaire a une limite qu'on ne peut dépasser.
    Mme Catherine Génisson. Vous êtes pour l'étatisation, alors ?
    M. Philippe Vitel. Il convient de distinguer l'utile et le superflu, ce qui doit être pris en charge de ce qui ne peut pas l'être et établir un panier de soins dont la lisibilité se devra d'être parfaite, afin d'être bien compris par le patient et le praticien.
    Le praticien, organisateur et acteur de la coordination et de la permanence des soins, animateur de l'indispensable évaluation des pratiques, de la formation continue et de la prévention, doit respecter des engagements de bonne pratique et de bonne gestion. Il convient de prendre en considération les spécificités de l'environnement socioprofessionnel de l'exercice médical : milieu rural, zone périurbaine, zone de montagne, plateau technique lourd, exercice au plus près de la population, coopération entre praticiens.
    Aujourd'hui, monsieur le ministre, malgré ce que certains se plaisent à dire, les médecins souhaitent s'engager à vos côtés dans cette reconstruction.
    Mme Catherine Génisson. Ah bon ?
    M. Philippe Vitel. Chacun d'entre nous, sur les bancs de la majorité, est bien conscient de l'enjeu et nous serons nous aussi à vos côtés.
    Cette nouvelle gouvernance doit permettre, par une réforme structurelle indispensable, de pérenniser le système d'assurance maladie. Pour ce faire, la réforme doit s'appuyer sur un dialogue et une concertation franche et sincère entre pouvoir politique et praticiens. Ils y sont prêts.
    Soyez convaincu, monsieur le ministre, de la bonne volonté de tous. Il s'agit de sauver cette médecine libérale à laquelle nous sommes tous si attachés.
    M. André Schneider. Très bien !
    M. Philippe Vitel. Le malade, bien sûr, doit rester au centre du système. Mais n'oublions jamais la force de l'engagement au service des autres qu'ont pris ces hommes et ces femmes qui oeuvrent en moyenne cinquante-cinq heures par semaine...
    M. Claude Evin. C'est banal !
    M. Philippe Vitel. ... et se montrent toujours prêts à aider leurs semblables. Nous devons leur accorder notre estime car ils sont fidèles avant tout à la promesse d'honneur et de probité que leur recommande depuis vingt-sept siècles leur maître Hippocrate. Aidons-les, monsieur le ministre, à retrouver leur identité et leur place de pivot de notre système de soins et de santé. Nous aurons alors fait oeuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Evin. La chirurgie plastique, cela peut se déconventionner !
    M. Philippe Vitel. Espérons que vous n'en aurez jamais besoin, cher ami !
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, si nous avons décidé de retenir dans notre « niche » parlementaire ce débat sur l'avenir de l'assurance maladie et la politique de santé, la raison en est simple : c'est pour alerter l'opinion et le Parlement sur les choix du Gouvernement.
    D'abord, celui de ne pas respecter l'engagement qu'il avait pris de présenter un projet de loi rectificatif au cas où la prévision des dépenses de santé serait largement dépassée. C'est le cas, monsieur le ministre, et vous n'avez rien prévu.
    Ensuite, celui de laisser une dérive s'installer dans la gestion de l'assurance maladie. Cette dérive est, me semble-t-il, le résultat d'une navigation à vue, qui ne peut que déboucher sur une augmentation des prélèvements, une aggravation de la dette sociale et des remboursements moindres, au risque d'affecter le droit à la santé et le pouvoir d'achat des Français.
    Nous pensons enfin que la santé et la protection sociale dans son ensemble sont en train de devenir l'une des préoccupations politiques majeures des Français.
    En un an, que s'est-il passé ? Vous avez la responsabilité conjointe, dont Bernard Kouchner rêvait, de la politique de santé et de la gestion de l'assurance maladie, mais si nous prenions le temps d'interroger les Français sur les décisions que vous avez prises, je pense qu'ils n'en retiendraient que deux.
    La première, c'est l'augmentation à 20 euros de la consultation des médecins généralistes, sans engagement réel sur les économies à réaliser et sur une évolution de leur pratique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Antoine Carré. Ce n'est pas vrai !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. La deuxième, Catherine Génisson vient d'en parler, c'est le déremboursement de 617 médicaments, mesure incompréhensible pour les professionnels de santé eux-mêmes et pour les malades.
    M. Jean-Louis Bernard. C'était prévu par les socialistes !
    M. Antoine Carré. Mais oui !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ces deux décisions retenues par les Français me semblent exemplaires de la navigation à vue à laquelle votre politique se limite.
    M. Jean-Pierre Door. Et pourquoi les Français vous ont-ils mis dehors ?
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Parallèlement, et souvent de manière insidieuse, vous avez remis en cause des droits fondamentaux sur l'accès à la santé, la CMU, l'APA ou l'AME. Encore heureux que, grâce à la mobilisation des associations, votre Premier ministre ait été obligé de revenir sur des mesures que vous aviez proposées ou acceptées.
    La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé a établi un premier bilan de la CMU. J'aimerais que nous prenions le temps d'écouter ce qu'elle déclare en comparant la CMU à l'aide médicale départementale :
    « Contrairement à l'AMD, la CMU permet donc à ses bénéficiaires de consommer des soins sur un mode comparable à celui des autres assurés complémentaires. La CMU permet en particulier un bien meilleur accès aux consultations de spécialistes et aux soins dentaires et optiques. En effet, contrairement à la CMU, l'AMD n'interdisait pas le dépassement d'honoraires, ce qui limitait l'accès aux spécialistes pour des personnes ayant de faibles ressources. Les tarifs des prothèses dentaires et des lunettes et montures n'étaient pas, en outre, plafonnés, ce qui induisait plus fréquemment des renoncements à ce type de soins pour des raisons financières. »
    Ce premier bilan de la CMU est essentiel, à mes yeux, pour bien montrer combien sont dangereux les ballons d'essai sur la liberté tarifaire lancés par vous-même, monsieur le ministre, et par vos compagnons de route de l'UMP. Liberté tarifaire égale accès aux soins limité pour une grande partie des gens modestes.
    M. Yves Bur. C'est faux !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est vrai, et ce sont des choses qu'il faut savoir entendre, monsieur Bur.
    M. Yves Bur. L'inégalité existe déjà. C'est vous qui l'avez créée : ceux qui n'ont pas droit à la CMU et qui n'ont pas de couverture complémentaire sont pénalisés !
    M. le président. Ecoutez Mme Guinchard-Kunstler, monsieur Bur !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le ministre, votre stratégie, qui consiste à laisser filer les déficits pour mieux ouvrir l'assurance maladie aux financements privés, cache votre incapacité à refonder, à repenser profondément le système de soins, en particulier à mettre en oeuvre de nouveaux principes de rémunération et d'organisation des professionnels de santé. Nous avions commencé à le faire : je pense en particulier à la mise en place des réseaux de soins et des filières de soins.
    Compte tenu de ma connaissance du secteur de la gériatrie et de la pratique des professionnels de santé, je suis convaincue de la nécessité d'adapter les soins à ces nouvelles réalités des demandes de santé que sont le vieillissement de la population et les maladies chroniques. C'est donc principalement autour de l'organisation des soins et des modalités de rémunération que nous aurons à travailler et non pas, comme vous le faites, uniquement sur le financement. Tout ce passe comme si notre système de soins fonctionnait toujours sur le modèle d'un malade demandant une prise en charge courte et intense, alors que la demande a profondément évolué vers une prise en charge dans la durée, vers le renforcement du lien entre hôpital et médecine de ville, vers une responsabilisation accrue de tous les acteurs : médecins, professionnels de santé et usagers.
    Le développement des réseaux de soins dans certains secteurs et certaines régions a permis de montrer que l'évolution de la prise en charge implique celle du mode de rémunération. Il vous faudra aller plus loin, monsieur le ministre, et cesser de faire croire aux professionnels de santé que tout est possible, y compris la liberté tarifaire, que toutes leurs demandes sont légitimes. A cause de cela, vous avez rompu le dialogue avec la profession.
    M. Jean-Pierre Door. Oh !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Deux études de l'OCDE, que vous pouvez aisément consulter, montrent le lien qui existe entre l'organisation des soins et les dépenses de santé. On peut tirer de ce bilan deux conclusions essentielles.
    Premièrement, c'est en France que le nombre de consultations médicales a le plus fortement augmenté : 63 % en vingt ans.
    Deuxièmement, il n'existe pas de relation évidente entre les effectifs de médecins dans un pays et le montant des dépenses de santé. Il est même surprenant de constater, à la lecture de ce document de l'OCDE, que les pays où la densité médicale est relativement faible ont des dépenses de santé notoirement élevées et que les dispositions régissant l'accès aux services des praticiens et les modes de rémunération pèsent beaucoup plus sur les dépenses de santé que le nombre de médecins. Toujours selon l'OCDE, certaines études tendent à montrer que, dans les pays où les médecins, nombreux, sont rémunérés à la capitation ou salariés, les dépenses de santé sont les plus basses (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), tandis que, dans les pays où les médecins sont rémunérés à l'acte, un nombre élevé de médecins est associé à des dépenses de santé très élevées.
    La nécessaire maîtrise des coûts de la santé passe par une évolution profonde et de la pratique, et de la rémunération des professionnels de santé. Il me semble obligatoire de travailler autour de ces deux axes que constituent l'adaptation de l'organisation des soins aux nouvelles demandes de santé et l'évolution du système de rémunération. Je le répète, monsieur le ministre, il faut aller encore plus loin dans ce sens et ne plus faire croire aux professionnels de santé que toutes leurs demandes, notamment la liberté tarifaire, sont légitimes.
    En laissant aux seules caisses d'assurance maladie la responsabilité d'améliorer leurs relations avec les professionnels de santé, vous refusez d'assumer politiquement cette nécessaire réforme. Pourtant, nous savons tous - et en particulier les nombreux médecins ici présents, y compris les chirurgiens plastiques (Sourires) - que, dans notre réflexion sur l'avenir de la protection sociale, nous ne pouvons pas envisager uniquement de faire évoluer son financement, car cela ne suffira pas pour la préserver.
    M. Yves Bur. Ce n'est pas notre seule piste ! Nous n'avons pas cette démarche caricaturale.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Prenez le temps d'écouter les médecins généralistes ! Ils savent bien qu'ils ne pourront prendre toute la place qui leur revient dans le système de santé que lorsqu'on leur demandera de s'engager davantage dans une logique collective de soins, comme nous l'avons fait en mettant en place les réseaux de soins.
    M. Yves Bur. Il y en a tellement peu !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Si vous ne faites rien en ce sens, monsieur le ministre, vous allez casser le pacte social. Les Français - ils le montrent aujourd'hui même dans la rue (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - sont très attachés au pacte social, qu'ils jugent essentiel. Si vous tolérez qu'on y porte atteinte, vous allez - nous allons tous - le payer très cher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.
    M. Michel Heinrich. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je limiterai mon intervention à la politique du médicament.
    Les dépenses de médicaments, nous le savons, progressent à un rythme élevé ; elles ont plus que doublé depuis 1990. Les Français sont parmi les plus gros consommateurs de médicaments au monde, avec 3 milliards de boîtes chaque année, soit un peu plus d'une boîte par personne et par semaine. Le dépassement de l'ONDAM de plus de 3 milliards d'euros en 2001 est d'ailleurs imputable, en quasi-totalité, aux soins de ville.
    Depuis 1998, les taux votés pour l'ONDAM ont toujours été largement dépassés. Or, paradoxalement, les patients souffrent d'un accès insuffisant à certaines innovations, car les nouveaux médicaments sont souvent très chers, leur mise au point est longue et coûteuse, et les procédures de mise sur le marché sont également longues et complexes.
    Pour toutes ces raisons, il est grand temps de substituer aux opérations ponctuelles une politique globale du médicament, celle que vous vous attachez à mettre en place, monsieur le ministre.
    Il faut d'abord optimiser les dépenses de médicaments en diminuant le coût supporté par l'assurance maladie sur les molécules existantes et dégager ainsi des marges de manoeuvre pour prendre en charge les innovations nécessaires à la santé des Français.
    La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est considérée comme un budget de transition. Toutefois, elle marque déjà une rupture avec les budgets précédents, dans la mesure où elle s'oriente vers une maîtrise médicalisée des coûts plutôt que vers une maîtrise comptable. La volonté de développer ou, plus exactement, de poursuivre le développement des médicaments génériques pour l'amener à un niveau identique à celui des pays voisins ne nuit aucunement à la qualité du traitement. En effet, le médicament générique a la même efficacité que le princeps, mais à moindre coût.
    La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 offre également la possibilité de réduire les coûts supportés par l'assurance maladie sur les molécules anciennes dont le princeps n'est pas connu, tels l'aspirine et le paracétamol.
    La mise en place des forfaits de remboursement pour les médicaments appartenant à un même groupe générique incitera les patients à mieux accepter ces médicaments tout en les responsabilisant. En effet, chacun reste libre de choisir un médicament princeps ou un de ses génériques, mais l'assurance maladie ne paiera plus le surcoût attaché à la marque.
    Avant même la mise en place du forfait de remboursement des génériques, leur progression est spectaculaire. Il faut dire qu'au moment de leur lancement, seuls les pharmaciens se sont mobilisés pour assurer leur promotion. Depuis, une véritable synergie s'est créée, avec le développement de campagnes grand public et l'accord du 5 juin 2002 entre les médecins et la caisse d'assurance maladie, qui a incité les médecins à s'impliquer. Le générique est désormais accepté par un patient sur deux alors qu'il l'était, il y a encore quelques mois, par un patient sur trois seulement. Gageons que la mise en place du forfait accélérera encore cette évolution.
    Toutefois, il est certain, monsieur le ministre, qu'il faudra, comme vous en avez l'intention, ouvrir davantage encore le répertoire des génériques, afin d'accélérer leur apparition.
    Parallèlement au développement des génériques, une politique de remboursement réduit pour certains médicaments et de déremboursement complet pour d'autres est mise en place en fonction du service médical rendu.
    Je rappelle que le SMR est évalué par une instance d'expertise scientifique administrative créée sous le précédent gouvernement : la commission de transparence. Son analyse tient compte de la gravité de la pathologie ciblée, du rapport efficacité-effet indésirable du produit, de sa place dans la stratégie thérapeutique et de son intérêt en termes de santé publique. Il existe cinq niveaux de SMR : important, moyen, modéré, faible et insuffisant. Parmi les produits à SMR faible ou modéré, on trouve des médicaments intervenant dans des pathologies bénignes, des médicaments dont le rapport efficacité-effet indésirable est moyen, ou encore des médicaments dont les formes galéniques sont peu adaptées, voire dépassées.
    Il a donc été décidé par le ministre de la santé de réduire le remboursement de 617 médicaments à effet et utilité modérés ou faibles. De plus, à partir de juillet 2003, sur une période de trois ans, quelque 650 médicaments jugés inefficaces seront déremboursés.
    L'ensemble de ces mesures permettra de réaliser des économies substantielles, estimées entre 300 et 400 millions d'euros en année pleine. On pourra ainsi favoriser l'accès des malades aux produits innovants.
    Il est impératif de permettre aux malades un accès plus rapide aux produits nouveaux. Ainsi, à l'hôpital, 200 millions d'euros supplémentaires vont être consacrés à l'achat de médicaments particulièrement coûteux et, en pharmacie, la mise sur le marché des médicaments innovants sera accélérée.
    M. Yves Bur. Excellentes mesures !
    M. Michel Heinrich. Le délai moyen de mise sur le marché devrait passer de 240 à 100 jours. Ainsi des médicaments souvent cités ces jours-ci, tels que le Glivec, utilisé pour le traitement de certains cancers, et dont le coût est très élevé, ou le Fludura, pour les chimiothérapies à domicile, viennent d'être inscrits au remboursement.
    Permettez moi donc de vous dire, mes chers collègues, que je suis quelque peu étonné, voire stupéfait par les critiques qui ont fusé des rangs de l'opposition à propos du déremboursement de certains médicaments.
    M. Yves Bur. Et vous n'êtes pas le seul : même M. Evin est surpris !
    M. Michel Heinrich. Car M. Mattei ne fait, en ce domaine, que poursuivre et appliquer ce que ses prédécesseurs avaient initié. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire les rapports de M. Evin à propos des projets de loi de financement de la sécurité sociale qui se sont succédé. Je ne citerai qu'un petit passage du rapport pour 2001, qui concerne la réforme du remboursement.
    M. Yves Bur. Il est bon de leur rafraîchir la mémoire !
    M. Michel Heinrich. « Le Gouvernement entend mener une réforme profonde du remboursement dans un délai de trois ans. A l'issue d'une période transitoire de trois ans (2000-2001-2002), les médicaments à SMR insuffisant sortiront du remboursement. (...) Cette réforme des conditions de prise en charge des médicaments par l'assurance maladie n'est en aucun cas du déremboursement "en aveugle par simple souci d'économie. Il s'agit au contraire d'une politique qui va dans le sens d'une amélioration de l'efficacité de la dépense de santé. »
    M. André Schneider. Parfois M. Evin parle bien !
    M. Yves Bur. Il peut être intelligent quand il veut ! Mais aujourd'hui, on va mesurer son courage politique.
    M. Michel Heinrich. M. Evin poursuit : « L'économie faite sur des produits qui n'améliorent pas l'état de santé des Français pourra être consacrée à des produits plus efficaces, plus innovants et plus onéreux. »
    M. Yves Bur. Très bonne citation !
    M. Michel Heinrich. Il n'y a pas de quoi crier au loup, puisque la politique menée aujourd'hui dans ce domaine est bien celle initiée par le gouvernement précédent. Il avait promis cette réforme sans oser la faire ; le gouvernement actuel a le courage de la faire !
    J'aimerais rappeler que l'ensemble de ces mesures a fait l'objet d'une concertation préalable, notamment avec les mutuelles. Dès l'automne 2002, le ministre de la santé avait annoncé, à l'occasion du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale, la baisse du remboursement des médicaments à SMR modéré. Une vaste concertation a suivi avec les laboratoires, les caisses, les pharmaciens et les mutuelles. La liste des 617 médicaments dont le taux de remboursement passe de 65 % à 35 % a été définitivement arrêtée après avis de la commission de transparence. Les mutuelles sont directement concernées puisqu'elles vont assurer le complément de remboursement pour les 90 % de Français qui disposent d'une couverture complémentaire. Toutefois, pour les familles dont les revenus, bien que fort modestes, les placent juste au-dessus du seuil de la CMU, le Premier ministre a annoncé la mise en place d'une aide permettant aux personnes qui en sont démunies de bénéficier d'un régime de protection complémentaire au titre du risque maladie, afin d'assurer mieux encore l'égal accès de tous aux soins.
    M. Yves Bur. Très bien ! Voilà une question d'équité qui avait été complètement oubliée.
    M. Michel Heinrich. Enfin, prétendre que les cotisations des assurances complémentaires vont augmenter massivement, c'est oublier que le déremboursement total de près de 600 médicaments sur trois ans va procurer des économies considérables aux caisses complémentaires, puisque sont principalement concernés les médicaments jusqu'à présent pris en charge à 35 % par la sécurité sociale.
    Il est également intéressant d'observer que si, ces derniers mois, les dépenses de remboursement des médicaments à la charge de la sécurité sociale ont augmenté davantage que le chiffre d'affaires de la pharmacie, cela est dû à la forte progression du nombre de patients bénéficiant de la prise en charge au titre d'une affection de longue durée ; la dépense ALD a en effet progressé de près de 13 %. Les bénéficiaires de l'ALD, je le rappelle, sont pris en charge en totalité par la sécurité sociale, ce qui entraîne une économie non négligeable pour les assurances complémentaires. Il serait d'ailleurs instructif, monsieur le ministre, d'étudier plus précisément cette forte augmentation des dépenses liées à l'ALD et d'en déterminer les raisons.
    Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale accorde une place privilégiée à l'innovation grâce à un accès plus rapide des patients aux produits innovants. L'amélioration des traitements passe par l'incitation à la recherche et au développement qui permet la mise au point de certaines molécules ou rend plus performants des médicaments existants.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Heinrich !
    M. Michel Heinrich. Je termine, monsieur le président. Les laboratoires pharmaceutiques auront désormais la possibilité de bénéficier d'une procédure accélérée d'inscription sur la liste des médicaments remboursables pour les produits présentant un intérêt particulier pour la santé publique par leur caractère innovant ou pour l'importance du service médical rendu ; avec la possibilité de fixer eux-mêmes un prix provisoire dans les six semaines suivant l'avis de la commission de transparence, dans l'attente du résultat de la négociation conventionnelle portant sur le prix. C'est là un progrès considérable qui donnera une bouffée d'oxygène importante aux laboratoires. Cela favorisera ainsi la recherche et le développement, et donc l'amélioration des traitements.
    M. Jean-François Mattei a annoncé clairement sa volonté de donner plus de lisibilité et de stabilité à l'environnement économique et réglementaire de l'industrie pharmaceutique. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 annonce clairement cette politique avec la mise en place d'un dispositif accéléré d'accès au remboursement en ville, avec un ONDAM à la hausse, une simplification de la taxe sur la promotion pesant sur les laboratoires. C'est un début, l'étape suivante sera préparée dans le cadre d'une concertation pour la définition d'une politique conventionnelle entre l'Etat et l'industrie afin de laisser davantage de place à la recherche et l'innovation au bénéfice des patients.
    Le médicament permet à la sécurité sociale de faire des économies considérables, d'abaisser les temps d'hospitalisation et de développer les soins ambulatoires. L'innovation doit en grande partie pouvoir s'autofinancer grâce à cela.
    Dans le cadre de la politique conventionnelle entre l'Etat et l'industrie, il faudra définir clairement un objectif de qualité des soins s'appuyant entre autres sur une réforme de l'évaluation du progrès thérapeutique, une redéfinition des critères d'admission au remboursement. Il faudra également développer, d'une part, un bon usage du médicament en étroite collaboration avec les professionnels de santé, et, d'autre part, une automédication efficace en s'appuyant sur la pharmacie d'officine.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Heinrich !
    M. Michel Heinrich. J'en termine, monsieur le président. Monsieur le ministre, vous avez souhaité structurer la politique du médicament principalement autour de trois axes : le soutien à l'innovation, la recherche d'une efficience accrue pour les dépenses existantes et la simplification et l'amélioration des dispositifs de régulation. Vous avez également conservé les mesures prises par le précédent gouvernement qui vous paraissaient de bon sens et vous les avez complétées par un volet fondé sur l'innovation thérapeutique.
    En trois mois, les dépenses de l'assurance maladie ont marqué un infléchissement qui résulte d'une réduction de l'activité des médecins généralistes, d'une diminution de la prescription et d'une augmentation des prescriptions de génériques. Même s'il est difficile de porter un jugement définitif sur une période aussi courte, il apparaît d'ores et déjà que les résultats obtenus garantissent que la baisse du taux de remboursement permettra d'économiser 200 millions d'euros en 2003 et 400 millions d'euros en 2004. Et, grâce à ces économies, des médicaments nouveaux et efficaces contre des maladies telles que le cancer, l'hépatite, la leucémie pourront être financés.
    Monsieur le ministre, vous avez choisi de mettre l'argent public là où il est le plus utile : la représentation nationale ne peut que vous en féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Evin.
    M. Claude Evin. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur les critiques que suscite votre politique depuis maintenant un an, partageant, à cet égard, l'analyse faite par mes collègues Jean-Marie Le Guen, Catherine Génisson et Paulette Guinchard-Kunstler. Je me bornerai ici, afin de respecter mon temps de parole, à évoquer dans les grandes lignes quelques pistes d'évolution nécessaire de notre système de santé. Cette évolution ne peut toutefois s'envisager qu'au regard des principes fondamentaux que je voudrais rappeler dans un premier temps. Ce sont ces principes qui guident nos propositions et qui nous permettront d'apprécier les choix que vous serez éventuellement amené à faire.
    La première obligation consiste pour nous à garantir l'équité dans l'accès aux soins. Cet objectif passe par notre attachement à un système d'assurance maladie fondé sur la solidarité nationale. Chacun y contribue financièrement selon ses moyens et en bénéficie selon ses besoins. Pour nous, le meilleur moyen de garantir cette solidarité nationale est de faire en sorte que la sécurité sociale obligatoire assure le plus haut niveau de prise en charge des dépenses de santé utiles.
    De ce point de vue, nous sommes en désaccord avec vous lorsque vous estimez qu'il est nécessaire que les Français financent eux-mêmes une part toujours plus importante des soins qui leur sont nécessaires. Vous justifiez cette position en en appelant à la responsabilité de nos concitoyens. Nous sommes certainement aussi attachés que vous à faire en sorte que les patients adoptent une attitude responsable s'agissant notamment de certains comportements à risques. Nous l'avons prouvé à propos de grands fléaux de santé publique. Mais un patient - et ce point doit être discuté, car il fait débat entre nous - peut-il être personnellement responsable de sa consommation de soins lorsque le diagnostic et la prescription ne peuvent être réalisés que par un professionnel de santé ?
    Il n'est pas vrai de dire que c'est en augmentant la participation directe des assurés sociaux à leurs dépenses de santé que l'on maîtrise mieux l'évolution de ces dépenses. La France n'est pas aujourd'hui parmi les pays qui prennent le plus en charge les dépenses de santé. Nous connaissons de nombreux pays - Mme Guinchard-Kunstler a fait référence à une étude de l'OCDE - où les systèmes nationaux de santé et les assurances sociales financent une plus grande part des dépenses de santé des ménages et où le niveau de dépenses publiques par habitant est cependant plus faible qu'en France.
    Ce n'est pas en répartissant différemment la structure des dépenses de soins entre régime obligatoire, régime complémentaire et dépenses directes des ménages que vous parviendrez à résoudre le problème du financement du notre système de santé. C'est en organisant mieux l'offre de soins et l'attribution des allocations de financement aux différents prestataires de services de soins que vous y arriverez. Aussi mes propositions porteront-elles essentiellement sur ce point.
    S'il est un acteur - et disant cela je vais sans doute faire hurler sur ma droite - qu'il est nécessaire de responsabiliser davantage concernant la consommation des soins, c'est bien, pour nous, le professionnel de santé.
    M. Yves Bur. Mme Guinchard-Kunstler dit le contraire !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Pas du tout ! Je suis tout à fait d'accord avec M. Evin !
    M. Claude Evin. Tous les économistes de la santé vous le diront, c'est l'offre qui est la plus déterminante sur la consommation de soins. C'est là un autre sujet de divergence entre nous, monsieur le ministre. Vous vous êtes, en effet, refusé à peser sur les professionnels de santé et à négocier avec eux des accords de maîtrise de l'évolution des dépenses, qui sont pourtant l'une des conditions du maintien du principe d'équité dans l'accès aux soins pour l'ensemble de nos citoyens.
    Vous refusez toute politique de maîtrise de l'évolution des dépenses au motif qu'il est normal que celles-ci progressent. Personne n'a jamais proposé de politique malthusienne en la matière ! Je suis moi aussi favorable à l'augmentation des dépenses de santé, mais sous deux réserves : d'une part, que ces dépenses supplémentaires soient comptatibles avec les possibilités de financement par l'assurance maladie - sinon c'est le mécanisme de solidarité et d'équité dans l'accès aux soins que vous mettez en cause - d'autre part que ces dépenses supplémentaires servent réellement à améliorer la qualité de l'offre de soins utile pour les patients.
    J'en arrive ainsi à la deuxième obligation qu'il nous semble nécessaire de garantir : la qualité de l'offre de soins. Nous avons déjà signalé que cette qualité se dégrade. Ainsi, la tension est forte dans divers services hospitaliers. Dans certaines zones rurales, des médecins généralistes qui arrivent à la retraite ne sont pas remplacés. Quant aux rares spécialistes qui avaient accepté de s'y installer, cela fait bien longtemps qu'ils en sont partis. De même, des zones urbaines commencent, elles aussi, à connaître des difficultés pour accueillir l'installation d'un médecin, tant les conditions d'exercice y sont parfois difficiles. Personne ne saurait nier ces difficultés, qui étaient notamment invoquées par les médecins généralistes au début de 2002, lorsqu'ils revendiquaient le passage de la consultation à 20 euros. Les 20 euros leur ont été accordés. Les zones rurales ont-elles pour autant vu se réinstaller des médecins ? Les populations vivant dans les zones urbaines sensibles ont-elles aujourd'hui plus facilement accès à un médecin dans leur environnement proche ?
    Ces exemples rapidement évoqués montrent bien, monsieur le ministre, que l'augmentation des dépenses n'engendre pas toujours une amélioration du service rendu à l'ensemble de la population.
    Concernant la répartition de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire, il serait nécessaire que les schémas d'organisation sanitaire déterminent non seulement les établissements de santé, mais aussi les moyens relatifs à la médecine ambulatoire et que, par ailleurs, des modalités particulières de rémunération puissent être mises en oeuvre, afin de valoriser l'exercice professionnel dans les secteurs particulièrement difficiles.
    L'amélioration de la qualité des soins passe notamment par le développement des réseaux de santé. Il s'agit là d'organiser véritablement les soins autour du patient, afin de mobiliser de manière cohérente l'ensemble des acteurs de la prise en charge et de coordonner leur action. A mes yeux, les réseaux de santé représentent une capacité importante de réforme, d'une part parce que ce mode d'organisation améliorerait considérablement la prise en charge des patients et particulièrement des malades chroniques et, d'autre part, parce que l'organisation de l'offre de soins en réseaux devrait permettre de rationaliser mieux la répartition des moyens financiers entre les différents acteurs. De ce point de vue, les réseaux de santé me semblent tout à fait intéressants.
    Les réseaux de santé permettraient aussi d'avancer concrètement vers des formes de rémunération des professionnels de santé autres que le seul paiement à l'acte. Voilà un autre point sur lequel il est nécessaire, à mon avis, d'engager des réformes. Le débat étant toutefois tellement sensible, il est impossible de l'engager frontalement. L'organisation de l'offre de soins et de son financement sous la forme de réseaux serait donc une manière de faire évoluer ce système.
    Des outils existent pour développer les réseaux. La loi du 4 mars 2002 leur a donné un cadre juridique. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a instauré une dotation nationale de développement des réseaux financée par l'ONDAM. J'entendais dire tout à l'heure que rien n'avait été fait : sur ce point très précis, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que la dotation pour 2003 est notoirement insuffisante pour les réseaux. En effet, 45,86 millions d'euros, cela représente 0,037 % de l'ONDAM. La faiblesse de cette somme ne permet pas de faire jouer aux réseaux de santé le rôle de levier qui pourrait être le leur. Dans un premier temps, au regard des projets qui sont immédiatement prêts à fonctionner, il faudrait envisager au moins un montant de 125 millions d'euros, soit au minimum 0,1 % de l'ONDAM. Cela serait à la fois réaliste et souhaitable.
    Après avoir évoqué deux des grands principes, je voudrais préciser quelques-unes des réformes nécessaires à la modernisation de notre système de soins. Je crois d'abord qu'il est nécessaire d'unifier les mécanismes de régulation des dépenses de santé. Ceux-ci, en effet, sont éclatés. L'Etat est responsable de la régulation des dépenses des établissements de santé publics et privés à travers les ARH. Il assure aussi la régulation du médicament et de l'ensemble des produits de santé à travers le comité économique des produits de santé. Ce sont, par contre, les caisses d'assurance maladie qui sont responsables de la régulation de la médecine ambulatoire.
    Or ce « bicéphalisme » ne permet pas toujours, selon moi, de mettre en oeuvre des politiques cohérentes, quand ce n'est pas un obstacle à la mise en oeuvre de toute politique. Je pense par exemple que la nécessaire réforme de la médecine générale a été impossible, même si juridiquement rien n'empêche l'Etat ou les caisses de sécurité sociale de proposer des réformes. Ce « bicéphalisme » est une des raisons qui expliquent qu'aucune réforme n'ait été entreprise à propos de la médecine générale.
    Autre exemple concernant ce qu'on appelle la gestion du risque : ce sont les caisses qui sont censées fixer les prix des actes pratiqués par des professionnels de santé, mais c'est l'Etat qui détermine le montant des remboursements de ces actes. Autre incohérence : dans les établissements de santé privés, les prestations d'hospitalisation et certaines dépenses forfaitisées sont de la responsabilité de l'Etat alors que les honoraires des professionnels qui y exercent sont de la responsabilité des caisses. Et l'on pourrait continuer...
    Le cloisonnement de l'offre de soins que nous dénonçons tous est, en partie, le résultat de la diversité des interlocuteurs avec lesquels contractualisent les différents prestataires de service de soins. Sur le terrain, ce mode de fonctionnement ne permet pas de répartir au mieux les moyens entre l'ambulatoire et l'hospitalisation.
    C'est pour réduire les effets de ce morcellement qu'a été proposée la mise en place d'agences régionales de santé - ARS. Cette disposition semble faire consensus puisqu'elle figurait aussi bien dans les programmes des candidats Jacques Chirac et Lionel Jospin à l'élection présidentielle de 2002. S'il semble, en revanche, que nous ne soyons pas tous d'accord sur le cadre institutionnel dans lequel ces agences doivent s'inscrire, retenons au moins l'idée selon laquelle il est nécessaire de disposer au niveau régional d'une institution unique qui serait chargée de contractualiser avec l'ensemble des prestataires de soins et qui apparaîtrait comme de plus en plus pertinente.
    Si l'on considère que l'unification s'impose au niveau de la région, il faut se poser la même question sur le plan national. Dans un article paru en novembre 2000 dans le journal Le Monde  - ce n'est donc pas une idée nouvelle que j'exprime là -, j'écrivais : « Aujourd'hui, la sécurité sociale ne gère plus que 20 % des dépenses, et la question est de savoir ce que doivent être les responsabilités respectives de l'Etat et des caisses dans la gestion de l'assurance maladie. » Je crois que cette question est toujours et peut-être même davantage encore d'actualité.
    Dans cet article, j'évoquais trois hypothèses d'évolution du système : un renforcement de l'étatisation, le Gouvernement reprenant en main la gestion de la médecine de ville ; une transformation des caisses d'assurance maladie en véritables acheteurs de soins ; un mécanisme de gestion tripartite, associant l'Etat et les partenaires sociaux. Je dois dire que je rejetais les premières hypothèses pour m'attarder sur la troisième, qui me semble l'évolution souhaitable en matière de gestion du risque. Disposer d'un établissement public national - ou de toute autre forme institutionnelle, peu importe, le débat doit avoir lieu - dans lequel siégerait à la fois des représentants de l'Etat et des caisses d'assurance maladie obligatoires et complémentaires, et qui aurait vocation de réguler les moyens financiers alloués aux différents prestataires de soins donnerait une plus grande cohérence à l'organisation de l'offre de soins et à son financement.
    Une telle organisation permettrait en fait de mieux clarifier les responsabilités respectives de l'Etat et des caisses de sécurité sociale dans la gestion du système, mais surtout de mieux associer les caisses de sécurité sociale à la gestion de l'ensemble de l'offre de soins, et pas seulement, comme c'est le cas aujourd'hui, à la médecine ambulatoire.
    Dans une telle organisation, les caisses d'assurance maladie devraient retrouver une plus grande responsabilité dans la gestion du suivi de chaque assuré social afin de veiller à l'effectivité de leurs droits.
    Autre élément de réforme, il faut renforcer la régionalisation de notre système. Personne n'envisage plus aujourd'hui de revenir sur la création des agences régionales de l'hospitalisation. On évoque même, j'y ai déjà fait allusion, la nécessité de disposer au niveau régional d'une institution qui aurait vocation à gérer l'ensemble de l'offre de soins. Mais régionaliser le système de santé ne veut pas dire le décentraliser et en renvoyer la gestion aux collectivités territoriales. On a vu apparaître cette ambiguïté à l'occasion du mouvement débridé de consultation des régions concernant les expérimentations de nouvelles compétences qui pourraient leur être attribuées.
    Transférer la gestion du système de santé aux collectivités régionales reviendrait à s'engager dans un mouvement de rupture du principe de solidarité nationale qui fonde notre système. Imaginer même d'appeler les régions à compenser les financements que le système de sécurité sociale ne pourrait plus assumer emporterait naturellement la même critique. L'équité d'accès aux soins doit pouvoir être garantie pour l'ensemble de nos concitoyens, quelle que soit la richesse de la région dans laquelle ils sont domiciliés.
    Il ne peut être envisageable non plus que dans un système qui resterait financé par la solidarité nationale, la responsabilité de l'attribution des dotations financières soit dévolue aux conseils régionaux. Il s'agit là d'une fonction régalienne de l'Etat. La loi du 4 mars 2002 a notamment prévu l'installation de conseils régionaux de santé. Plus d'un an après la publication de cette loi, monsieur le ministre, nous en attendons toujours la mise en oeuvre.
    Au cours de cette intervention trop brève, je n'ai pas, bien sûr, abordé l'ensemble des sujets qui font aujourd'hui l'actualité du débat concernant notre système de soins ni l'ensemble des sujets sur lesquels des réformes sont nécessaires. Nous aurons, je crois, l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines.
    J'ai surtout voulu montrer que toute réforme doit se faire avec la préoccupation constante de sauvegarder les principes fondamentaux qui ont construit ce système : recherche permanente de l'équité de l'accès aux soins et de la qualité de l'offre de soins. J'ai aussi voulu montrer, monsieur le ministre, que la réforme, cela ne consiste pas à transférer des financements vers d'autres types d'assurance que les régimes de sécurité sociale. C'est par une meilleure organisation de l'offre de soins et de l'allocation de ses ressources que l'on permettra au système de passer la grave crise qu'il connaît aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Au terme de ce débat, je ne souhaite pas - nous n'en avons ni le temps ni la possibilité, compte tenu de l'ensemble des problèmes abordés - aller beaucoup plus loin.
    Je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants de la majorité UMP et UDF pour leur soutien, pour leurs encouragements, pour leurs suggestions et pour leur participation à ces réformes que nous préparons ensemble. Je voudrais aussi remercier le groupe socialiste d'avoir proposé ce débat et tout particulièrement M. Evin dont je regrette qu'il ait parlé le dernier car c'est sur son intervention que j'aurais aimé avoir le temps d'échanger.
    M. Claude Evin. Allez-y !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Les sujets que vous avez abordés, monsieur Evin, me montrent que le dialogue est probablement possible entre nous car, bien sûr, nous sommes pour un système solidaire, où chacun paie en fonction de ses moyens, et un système juste, où chacun reçoit en fonction de ses besoins.
    Nous sommes d'accord, je le répète, avec votre premier principe de l'équité d'accès aux soins.
    M. Yves Bur. Ils n'en ont pas le monopole !
    M. Claude Evin. Vous devrez le montrer et en faire la preuve !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous sommes également d'accord pour que les professionnels de santé prennent leurs responsabilités et même en assument une essentielle, mais il faut aussi que les gestionnaires, l'Etat ainsi que les patients assument les leurs.
    Sans entrer dans le détail, j'ai retenu que vous ne trouviez pas souhaitable d'inclure trop le patient dans le système de régulation. L'exemple de la visite à domicile démontre le contraire : dans certaines régions, le Nord-Pas-de-Calais notamment, le nombre de visites à domicile a diminué de 40 % dès que l'on a responsabilisé le patient, d'une manière juste et équitable.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Les professionnels de santé aussi avec la mise en place du centre 15 !
    Mme Catherine Génisson. Il existe des contre-exemples !
    M. Yves Bur. Il faut aller encore plus loin !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous sommes encore d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut que les complémentaires deviennent des partenaires à part entière au même titre que les régimes obligatoires. Et vous nous rejoignez à votre tour lorsque nous disons qu'il faut que l'évolution du progrès bénéficie aux malades mais qu'il faut alors, probablement, remettre en cause ce qui, il y a dix, vingt ou trente ans, constituait un progrès et qui ne se justifie peut-être plus.
    Enfin, vous savez très bien que si nous défendons la régionalisation, et les agences régionales de santé, nous ne sommes pas des décentralisateurs.
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je le dis clairement : il n'y aura pas vingt-six politiques de santé différentes en France.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il y aura une politique nationale qui sera mise en oeuvre dans les régions, selon un système dont il nous appartiendra de débattre.
    Car, comme vous - et vous le savez très bien, nous en avons tellement discuté entre nous ! - nous voulons mieux organiser l'offre de soins et nous voulons l'unifier. Vous parliez tout à l'heure d'unifier les choses. Très bien ! Peut-on le faire autour des caisses ? Pensez-vous que la fonction publique hospitalière soit prête à quitter la tutelle de l'Etat ? Non !
    M. Claude Evin. Je vous ai dit ce que j'en pensais !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous avez donc fait une autre proposition. Eh bien, le moment venu, nous vous demandons quelles sont vos idées pour les confronter aux nôtres, afin de discuter et, j'espère, de construire un nouvel équilibre dans notre système de santé, qui en a bien besoin.
    M. Claude Evin. Il faut surtout discuter avec les caisses !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je ne serai pas plus long, les intervenants ne m'en voudront pas car l'heure est avancée. Mais le sujet vaut la peine d'être traité au fond : nous sommes au travail et nous réglerons cette affaire, comme le Premier ministre l'a annoncé, avant la fin de l'année. Tel est l'engagement que je prends devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.

4

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au mercredi 28 mai 2003 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du projet de loi, n° 758, relatif à la chasse :
    M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 821).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
A N N E X E
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 13 mai 2003)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 13 mai au mercredi 28 mai 2003 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 13 mai 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Débat sur l'assurance maladie et la politique de santé.
    (Séance d'initiative parlementaire.)
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Discussion du projet de loi relatif à la chasse (n°s 758-821).
    Mercredi 14 mai 2003 :
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à la chasse (n°s 758-821).
    Jeudi 15 mai 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Discussion de la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux en faveur de l'égalité des chances des territoires et de la revitalisation de l'économie rurale (n°s 787-828).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à 15 heures :
    Communication du médiateur de la République.
    Mardi 20 mai 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Questions orales sans débat.
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Déclaration du Gouvernement sur les infrastructures 2003-2020, et débat sur cette déclaration.
    Mercredi 21 mai 2003 :
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 784).
    Jeudi 22 mai 2003, le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Discussion de la proposition de résolution sur la création d'un procureur européen (n°s 446-565-445).
    Suite de la discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 784).
    Vendredi 23 mai 2003, éventuellement le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 784).
    Mardi 27 mai 2003 :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Questions orales sans débat.
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Sous réserve de sa transmission, discussion du projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse.
    Mercredi 28 mai 2003 :
L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.