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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 16 MAI 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 15 mai 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Egalité des chances des territoires et revitalisation de l'économie rurale. - Discussion d'une proposition de loi «...».
M. Augustin Bonrepaux, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
MM. le rapporteur, le président de la commission.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Philippe Martin,
François Sauvadet,
André Chassaigne,
Frédéric Soulier,
Mme
Chantal Robin-Rodrigo,
MM.
Pierre Morel-A-l'Huissier,
Henri Nayrou,
Mmes
Marylise Lebranchu,
Catherine Génisson.
Clôture de la discussion générale.

VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION DES ARTICLES  «...»

MM. le rapporteur, le président de la commission.
M. le ministre.
L'Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles ; la proposition de loi n'est pas adoptée.
2.  Saisine pour avis d'une commission «...».
3.  Fin de la mission d'une députée «...».
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER
vice-présidente,

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

ÉGALITÉ DES CHANCES DES TERRITOIRES
ET REVITALISATION DE L'ÉCONOMIE RURALE

Discussion d'une proposition de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux et plusieurs de ses collègues en faveur de l'égalité des chances des territoires et de la revitalisation de l'économie rurale (n°s 787, 828).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, mes chers collègues, c'est une joie pour moi de vous présenter un texte d'origine parlementaire. C'est suffisamment rare pour y prêter attention, et savourer cette séance.
    Il s'agit d'examiner, et j'espère d'adopter, une proposition de loi en faveur de l'égalité des chances des territoires et de la revitalisation de l'économie rurale.
    Egalité des chances, car elle est indispensable pour assurer l'unité nationale dont l'Etat est garant, bien plus que l'égalité des situations. Elle s'incarne essentiellement dans l'égal accès aux services dans l'ensemble du territoire. Il ne s'agit pas d'opposer les territoires, mais de mettre en avant leur complémentarité et leur solidarité.
    Revitalisation de l'économie rurale, car cette proposition se limite aux zones rurales les plus fragilisées.
    La présente proposition de loi répond à des préoccupations exprimées par nombre d'élus ruraux sur tous les bancs. M. Christian Ménard, député UMP, a présenté une proposition identique le 13 février 2003 ; notre collègue de la Lozère a posé une question orale ; enfin, dans le département de l'Aveyron, plusieurs communes ont délibéré pour adopter des propositions identiques auxquelles des parlementaires UMP ont apporté leur soutien.
    Cette proposition est justifiée d'abord par l'aggravation de la crise du monde rural. D'une part, les fermetures d'entreprises ne concernent pas uniquement les agglomérations urbaines : je pense à Péchiney dans l'Ariège, mais aussi au GIAT dans les Hautes-Pyrénées ou en Corrèze, et chacun de vous peut citer d'autres exemples dans la plupart des zones rurales. D'autre part, les restructurations de services publics - Banque de France, France Télécom, Poste, EDF, etc. - se font essentiellement à leurs dépens. Enfin, s'y ajoute la crise agricole, surtout celle de l'élevage, qui persiste.
    On ne peut pas attendre de solutions de la part de l'Etat dont les crédits d'investissement subissent une réduction drastique. Les contrats de Plan pour les grands aménagements routiers et ferroviaires sont menacés, le financement des contrats de pays n'est plus assuré car le fonds national d'aménagement et de développement du territoire est amputé de 30 % de ses dotations. De ce fait, beaucoup de projets de pays ne peuvent être contractualisés par l'Etat, qui manque de moyens. Tout l'équipement rural est compromis par la réduction de 60 à 75 % des crédits du fonds national pour le développement de l'adduction d'eau, les crédits du fonds social du logement enregistrent une baisse de 25 % et ceux du logement de 20 %.
    Derrière ces chiffres, il y a concrètement moins de routes, moins d'équipements publics, donc moins de commandes publiques, pour les entreprises locales notamment. Cela signifie également qu'il est impossible de mettre en application les projets que les pays ont imaginés pour leur développement.
    C'est donc une véritable paralysie de leur action que risquent les collectivités les moins favorisées qui auraient besoin du financement de l'Etat et de la solidarité mise en oeuvre par la péréquation. Est-ce l'annonce d'une grave crise de l'emploi dans ces territoires fragilisés, et particulièrement le monde rural, par toutes les fermetures d'entreprises ? On peut objectivement le craindre.
    Malheureusement, les perspectives du budget 2004 sont encore plus inquiétantes puisque le Gouvernement se prépare, pour limiter les dépenses, à réduire encore les investissements.
    Pourtant, en matière de développement de l'économie rurale, les opportunités existent. Ses ressources naturelles - l'eau, la forêt, l'espace, l'air pur - représentent des richesses pour l'ensemble du pays mais doivent être entretenues. Seuls ceux qui travaillent dans les zones rurales sont à même de le faire grâce à une agriculture respectueuse de l'environnement, à l'entretien des sentiers, des forêts, des sources, des berges des rivières, souvent assuré par les communautés de communes. Grâce à leur travail, le tourisme vert peut accueillir les citadins, qui aspirent de plus en plus au retour à la nature.
    Quant au télétravail, il pourrait être davantage développé dans les zones rurales, afin de permettre le maintien ou l'arrivée d'une population active. Il existe des besoins en termes de services aux entreprises et à la population, et ils pourraient trouver une réponse à travers le télétravail. Car l'économie rurale ne se limite pas à l'agriculture, elle s'étend aussi à l'artisanat, aux PME, au tourisme et à l'ensemble des services publics.
    Malheureusement, les récentes décisions du Gouvernement visant à reconduire les quarante-quatre zones franches urbaines existantes et à en créer quarante et une supplémentaires ne font qu'aggraver la fracture entre les agglomérations et le monde rural.
    En effet, les zones franches ne sont plus conçues désormais comme un moyen de développer l'activité, l'animation, et la socialisation dans les quartiers en difficulté mais plutôt comme une solution aux licenciements massifs que connaît notre pays. Mais, pour les zones rurales, il n'y a rien.
    Ce n'est pas l'objet du dispositif des zones franches urbaines. Car quid des objectifs en termes d'emploi et de services à la population quand on constate que la grande majorité des nouvelles ZFU est assise sur des zones industrielles en déclin, et sur des zones qui souvent sont déjà très fortement attractives ?
    Pour remédier à cet opportunisme politique dont le milieu rural est victime, le groupe socialiste propose des mesures simples, concrètes et énergiques, indispensables pour lui permettre d'exploiter tout son potentiel.
    Avant tout chose, je voudrais rappeler qu'une proposition de loi ne peut que présenter des mesures conformes à l'article 40 de la Constitution, ce qui exclut toute proposition de dépenses.
    Ce texte a d'abord pour objectif de situer les territoires en grande difficulté, qui recevront le nom de PARI, périmètre d'aménagement rural incitatif. Ce sont des zones qui connaissent actuellement les plus grandes difficultés et ne relèvent peut-être pas d'un zonage spécifique. Elles ne se trouvent pas nécessairement dans des zones de revitalisation rurale ou dans des zones déjà classées territoires ruraux de développement prioritaire. Ce sont, parmi toutes les zones où la densité de la population est faible, soit celles qui subissent des licenciements massifs ou connaissent des taux de chômage élevés, soit celles dont l'agriculture connaît une grave crise. Un décret du Gouvernement devrait déterminer ces zones en fonction de tels critères, pour définir les périmètres d'aménagement rural incitatif.
    Ce classement devrait leur permettre de bénéficier de mesures dérogatoires pour surmonter leurs difficultés : un moratoire des services publics et un soutien beaucoup plus énergique en faveur de l'installation des jeunes, de l'équipement agricole, en particulier pour les bâtiments d'élevage, et de tout l'équipement rural.
    Par ailleurs, notre proposition de loi propose des mesures fiscales dérogatoires.
    En premier lieu, en faveur des entreprises existantes dont il convient, si l'on veut les sauver, de maintenir les activités, car elles correspondent souvent à des formes de services publics, lorsqu'il s'agit par exemple de la boulangerie, de l'épicerie ou de la boucherie.
    Il s'agit bien sûr aussi de favoriser toutes les activités économiques des PME et des artisans, qui doivent avoir les moyens de se diversifier, car c'est d'abord à partir des activités en place qu'on peut espérer obtenir un nouvel essor. C'est pourquoi la première mesure concerne des allégements fiscaux pour ces entreprises et des réductions de charges patronales.
    En second lieu, il faut engager des incitations encore plus fortes en faveur des activités nouvelles qui pourraient s'installer sur ces zones : déduction fiscale par réduction de l'impôt sur les sociétés, par suppression de la taxe professionnelle, par réduction des charges patronales pendant une durée beaucoup plus longue.
    Le deuxième train de mesures concerne l'encouragement au télétravail. Mais il faut au préalable équiper les zones rurales, par une mobilisation des crédits de l'Etat et de l'Europe, pour qu'elles puissent être desservies en téléphonie mobile, en haut débit, comme le sont actuellement les zones urbaines. Il y va de l'égalité d'accès au service public sur l'ensemble du territoire et, ici, des services technologiques.
    La desserte des campagnes en technologie de l'information et de la communication n'est pas un luxe mais une nécessité. Ainsi, pour les producteurs de fleurs, par exemple, la possibilité d'envoyer aux acheteurs potentiels les photos des fleurs disponibles est un atout décisif pour assurer des débouchés commerciaux suffisants, comme en atteste la réussite des entreprises hollandaises, bien équipées en haut débit, au grand dam des entreprises des bords de Loire, qui n'en bénéficient pas.
    Cette absence d'équipement constitue une grave inégalité entre les territoires. Mais la correction de ces disparités ne doit pas se traduire par des charges nouvelles transférées aux collectivités rurales. Il est donc indispensable que l'Etat et l'Europe la prennent en charge afin de ne pas aggraver le retard des zones rurales.
    Notre proposition de loi ne demande rien de plus que l'égalité des chances pour les zones rurales, mais elle réclame toute l'égalité. Au-delà de cet équipement, il faut aussi développer, par des mesures incitatives, la pratique du télétravail. Dans ce domaine, notre pays, où il ne représente que 2,2 % de la population active, a pris du retard sur l'Europe, où il représente 5,6 % de la population active, et surtout sur des pays comme le Danemark, la Suède ou la Finlande, où il concerne plus de 15 à 17 % de la population active. Le texte prévoit des déductions fiscales pour les investissements réalisés dans le cadre du télétravail. Il propose aussi les mêmes réductions fiscales, les mêmes réductions de charges patronales à toutes les entreprises qui créeront des emplois par le télétravail dans des zones de PARI.
    Le troisième train de mesures concerne l'encouragement aux collectivités locales en accordant des moyens nouveaux à la coopération intercommunale.
    La disparition d'une entreprise dans une zone rurale constitue un véritable cataclysme que le tissu économique, trop faible, ne permet pas d'amortir. La chute des ressources de taxe professionnelle se reporte sur les impôts locaux, qui subissent alors des augmentations excessives. C'est pourquoi la compensation de la taxe professionnelle dans les zones de PARI doit être portée à cinq ans.
    Les communautés de communes, déjà très défavorisées par rapport aux communautés d'agglomération, et qui ont la charge du développement économique et de la plupart des services publics, doivent bénéficier aussi d'une bonification de la dotation globale de fonctionnement, ainsi que d'une amélioration de la dotation de développement rural pour faire face à ces nouvelles charges.
    De telles mesures, simples et concrètes, devraient être mises en oeuvre en urgence, car la situation de l'économie rurale est particulièrement grave. Ce n'est pas lorsque la plupart des activités auront disparu que nous pourrons y remédier.
    En conclusion, je voudrais insister sur le caractère peu onéreux des mesures que nous vous proposons. En effet, de 1997 à 2001, les zones urbaines fragiles ont reçu 434 millions d'euros pour les quarante-quatre zones franches urbaines. Ces mesures vont être doublées dans les cinq ans à venir et correspondront à 900 millions d'euros environ si on procède à la même évaluation. Nous demandons simplement l'égalité et seulement la moitié des moyens accordés aux zones franches urbaines pour les zones de PARI. Avec seulement 450 à 500 millions d'euros, il serait possible de créer une zone de PARI sur les 500 cantons ruraux les plus fragiles. Cela permettrait de donner un nouvel élan à l'ensemble de ces cantons et zones en difficulté.
    Qu'on ne nous dise pas que le coût de cette mesure est excessif. Il est inférieur à la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune que vous avez pratiquée en février dernier et dont j'attends de voir quelles créations d'emplois elle aura favorisées. Les présentes mesures seraient, au contraire, concrètes et efficaces immédiatement. C'est donc un pari que nous proposons au Gouvernement, un pari pour le monde rural. C'est une urgence, c'est une chance que le Parlement ne peut pas lui refuser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Henri Nayrou. Grand défenseur de la montagne !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je vous remercie de le reconnaître, cher collègue. Je suis bien décidé à continuer dans cette voie.
    Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d'entendre un plaidoyer qui, quoique fondé sur de bonnes intentions, n'en est pas moins politique.
    M. Jean Launay. Cela va ensemble !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. M. Bonrepaux, en sa qualité de rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour cette proposition de loi, a développé, je n'en disconviens pas, des idées intéressantes. En tant que président de cette même commission, je voudrais vous alerter sur les risques qu'il y aurait à nous engager plus avant dans ce débat. Je vais expliquer, comme je l'ai fait en commission, pourquoi il ne me paraît pas opportun de passer à la discussion des articles.
    Si les intentions sont louables, le dépôt de cette proposition de loi répond à des considérations d'opportunité politique que je tiens à dénoncer. M. Bonrepaux a adressé un constat exact, mais je lui rappelle, car j'ai quelques raisons de le faire, que c'est la majorité à laquelle j'appartiens qui a créé en 1995, dans la loi d'orientation et d'aménagement du territoire, le dispositif de soutien aux territoires ruraux auquel il s'est référé tout au long de son exposé.
    M. François Sauvadet. Absolument !
    M. Henri Nayrou. Raison de plus !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Au risque de paraître prétentieux, j'ajoute que c'est même moi qui avais défendu l'amendement nocturne et consensuel proposant la création des ZRR et des ZRU.
    M. François Sauvadet. Oui, nous étions présents.
    M. Henri Nayrou. Bravo, monsieur Ollier !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n'est pas suffisant !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Pourquoi, si ce n'est pas suffisant, madame, le gouvernement que vous avez soutenu n'a-t-il pas fait ce qu'il fallait pour que les ZRR et les ZRU trouvent les moyens de leur développement ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Nayrou. Vous en créez quarante et une de plus !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Bonrepaux, vous ne pouvez demander aujourd'hui de faire en quelques mois ce que vous avez refusé de faire pendant cinq ans. Je vais même plus loin. Je trouve qu'il y a beaucoup d'audace à venir nous faire la leçon sur l'aménagement du territoire...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous n'avons pas donné de leçon !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... alors qu'en 1998, Mme Voynet a abrogé les principales dispositions que nous avions prises en la matière.
    M. François Sauvadet. Absolument.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. M. Sauvadet était présent ainsi que d'autres ici, dont M. le ministre.
    Nous nous sommes battus bec et ongles contre la « loi Voynet ». Malheureusement, en vain. La disparition de tous les instruments dont nous avions besoin pour structurer l'aménagement du territoire a créé la plus grande confusion pendant cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Nayrou. Ce n'est pas vrai ! Les ZRR existent !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Le constat que nous sommes obligés de faire aujourd'hui, mes chers collègues, est tel que les propositions faites par M. Bonrepaux ne peuvent trouver grâce à nos yeux. Les dispositions que notre gouvernement va nous proposer nous permettront de résoudre plus sérieusement le problème de l'aménagement du territoire.
    Je ne peux pas ne pas parler de l'héritage car la gauche a déstructuré la politique d'aménagement du territoire. Et voici qu'aujourd'hui elle vient nous expliquer comment il faudrait faire le travail qu'elle n'a pas su faire.
    Les territoires de montagne en situation fragile méritent d'être soutenus, mais ils ne sont pas les seuls. Tous les territoires en voie de dévitalisation doivent l'être, tout comme les zones urbaines. Le même souci d'égalité et de justice sociale et territoriale doit nous animer. L'explosion des banlieues et la dévitalisation de certains territoires ruraux sont les deux faces d'un même mal : l'absence de politique d'aménagement du territoire.
    M. Henri Nayrou. Oui, c'est le même combat.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous sommes d'accord !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Et je pense que l'égalité des chances entre les territoires passe par une inégalité de traitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Nayrou. Très bien !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Là aussi, nous sommes d'accord !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. La majorité est favorable à cette thèse. Je remercie la gauche de la soutenir.
    M. Henri Nayrou. Il va voter le texte !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Bonrepaux, vous avez dit en commission que, quel que soit le texte, vous étiez prêt à vous y associer dès lors qu'on s'engageait dans la voie que je viens de décrire.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Je l'ai toujours dit !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je rends hommage à votre honnêteté intellectuelle, monsieur Bonrepaux. Nous avons bien souvent été d'accord.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Pas toujours !
    M. Henri Nayrou. Même ce matin !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous sommes toujours d'accord !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. J'ai dit « bien souvent » ! Cela ne veut pas dire « toujours » !
    M. Henri Nayrou. Ollier avec nous !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ne soyez pas trop ambitieux !
    Nous avons été bien souvent d'accord sur les combats à mener. Je regrette simplement que, sous le précédent gouvernement, les responsables n'aient pas usé de l'autorité qu'ils avaient pour les mener.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Allons, allons !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais je reviens au dispositif que vous proposez, monsieur Bonrepaux, pour ne pas dépasser les dix minutes qui me sont imparties.
    M. André Chassaigne. Ça va être juste !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Vos propositions souffrent de trois défauts : précipitation, complexité et aventure financière.
    Elles présentent peu d'originalité puisque vous ne faites que calquer sur les territoires ruraux en difficulté les dispositions que nous avons nous-mêmes mises en place pour les zones franches urbaines. Excusez-moi d'insister, mais j'étais le rapporteur du projet de loi tendant à la création de la zone franche Corse qui a permis d'engager le processus des zones franches dans notre pays. Je sais de quoi je parle.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce qui est bien, nous le reprenons. Nous ne sommes pas sectaires !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Mes chers collègues, votre méthode est celle de la facilité, et non de l'efficacité.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Alors, c'est que ce n'était pas bon !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est une erreur de penser que la même formule peut valoir dans les zones urbaines et dans les territoires ruraux. A territoire spécifique, pratique et traitement spécifiques ! Quand je dis que l'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements, c'est cela que ça signifie.
    Les PARI ne sont en réalité que des zones franches rurales. C'est une fausse bonne idée. Je ne vois donc dans cette proposition de loi aucune idée nouvelle pouvant se révéler une solution efficace.
    M. Henri Nayrou. Mais alors où est l'efficacité ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission. M. Gaymard - que je remercie d'être avec nous aujourd'hui - est en train de travailler à un projet de loi, dont il nous parlera tout à l'heure, qui s'attache à répondre aux questions que nous avons posées en vain pendant cinq ans à la précédente majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Sauvadet. C'est bien.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce projet de loi sera présenté avant l'été. Nous verrons, monsieur Bonrepaux, comment vous soutiendrez cette initiative. A la précipitation, la complexité et l'aventure financière qui caractérisent la proposition de loi, le Gouvernement a préféré la réflexion, le partenariat et la mise en place d'une politique globale et coordonnée. Il ne faut pas réagir avec précipitation. Il faut reconstruire une politique qui n'existe plus.
    Si j'ai parlé de précipitation, monsieur Bonrepaux, c'est parce qu'avant de se lancer dans une explication du PARI, il aurait fallu commencer par évaluer les résultats des ZRR et des TRDP et par présenter - chose qui n'a jamais été faite pendant cinq - un bilan de ce que nous avons créé nous-mêmes. M. le ministre a engagé une équipe de la DATAR et de l'inspection générale des finances pour procéder à cette évaluation financière que vous n'avez pas pris l'initiative de faire. Ce n'est qu'au vu de celle-ci que nous pourrons mettre en place un dispositif sérieux.
    Si j'ai parlé de complexité, monsieur Bonrepaux...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage !
    M. Patrick Ollier, président de la commission ... c'est parce que vous superposez une nouvelle structure à celles qui existent déjà, créant aussi un empilement générateur de difficultés. La majorité préfère simplifier pour avoir un dispositif plus efficace.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Si, j'ai parlé d'aventure financière, enfin, c'est parce que je ne peux pas accepter votre analyse en ce domaine.
    Mme Catherine Génisson. Evidemment ! Comme vous supprimez les impôts des plus riches, vous ne pouvez pas tout faire !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous ajoutez des exonérations fiscales et des abattements dégressifs à ceux qui existent déjà sans procéder à aucune évaluation, et vous n'êtes pas en mesure de chiffrer le coût de votre dispositif. De plus, les chiffres que vous nous donnez ne sont pas avérés, monsieur Bonrepaux. Nous pourrons en discuter dans le détail si vous le souhaitez, puisque vous nous avez fait l'honneur de rejoindre notre commission.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Puis-je vous interrompre, monsieur Ollier ? J'aimerais vous poser une question.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Non, je ne souhaite pas que vous m'interrompiez, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Evidemment, vous n'osez pas !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. En tout cas, moi je vais voir si vous osez rester dans notre commission pour que nous puissions poursuivre entre nous ce débat.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. J'y reviendrai le moment venu !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Comme je crois vous l'avoir démontré,...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Fort mal !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... j'admets que vous ne soyez pas convaincue par mes arguments, madame,...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est vrai !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... cette proposition de loi obéit avant tout à des considérations d'opportunité politique. Je comprends tout à fait que l'opposition saisisse l'occasion offerte par les niches parlementaires pour engager un débat sur cette base, mais il s'agit d'une initiative plus démagogique que sérieuse et il revient à la majorité de s'y opposer.
    La commission n'a pas jugé opportun d'aller au-delà de la discussion générale et a donc décidé de ne pas présenter de conclusions. Je rends hommage au rapporteur de ne pas avoir oublié de le mentionner. J'invite donc l'Assemblée, en application de l'article 94, alinéa 3, du règlement, à ne pas passer à l'examen des articles.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n'est pas bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Cela donnera le temps au Gouvernement d'achever son travail et, ainsi, M. Gaymard pourra revenir devant nous avant l'été pour engager le vrai débat de l'aménagement du territoire et, notamment, du soutien aux zones rurales, qui est une ardente volonté de la majorité de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, rétablir l'égalité des chances entre les territoires et revitaliser l'économie rurale figurent parmi les priorités de la politique nouvelle en faveur des territoires ruraux, que le Président de la République a assignées au Gouvernement. En avril 2002, à l'occasion d'un discours prononcé à Ussel, il avait eu l'occasion de préciser sa vision d'un développement économique ambitieux des territoires ruraux, et c'est dans cet esprit qu'il faut comprendre la décision de faire du ministère de l'agriculture un département également en charge des affaires rurales.
    C'est aussi dans ce contexte qu'en novembre dernier, moins de six mois après mon arrivée rue de Varenne, j'ai eu l'occasion de préciser, lors d'une communication en conseil des ministres, les orientations que nous poursuivrons en ce domaine. Le Gouvernement a également annoncé sa volonté de soumettre à votre examen, dès l'automne prochain, un projet de loi d'orientation s'inscrivant dans un ensemble plus large de mesures en faveur du monde rural. Il n'est bien sûr pas resté inactif dans l'intervalle.
    C'est pourquoi, avant d'examiner plus précisément l'économie générale de la proposition de loi que vous soumettez à l'examen de cette assemblée et sa pertinence, il me paraît utile de dresser un constat lucide des réalités du monde rural et des politiques successivement mises en oeuvre dans ce domaine.
    En effet, les réalités que recouvre le monde rural sont bien souvent éloignées de l'idée que s'en font beaucoup de nos compatriotes.
    De rurale, la France est, certes, devenue en moins d'un siècle essentiellement urbaine, et chacun sait que les agglomérations urbaines concentrent désormais 80 % de la population sur le tiers du territoire métropolitain.
    M. Henri Nayrou. 60 %, monsieur le ministre !
    M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales. Pour autant, le monde rural conserve une importance que ne résument pas ces seuls chiffres : diversité de nos territoires, richesse de notre espace, rôle du monde rural dans l'équilibre de notre pays, en métropole, et dans l'outre-mer où se posent un certain nombre de problèmes spécifiques.
    Le monde rural et les problèmes auxquels il est confronté sont en outre de plus en plus divers. « La France se nomme diversité », écrivait déjà Fernand Braudel dans L'Identité de la France. Tous les vingt ou trente kilomètres, un paysage cède la place à un autre. De même, les pays conservent leur singularité, et la réalité économique et sociale des territoires n'est pas non plus homogène.
    A la limite des villes, une part croissante - soit environ le tiers - des terres agricoles se trouve soumise à la pression croissante de l'urbanisme commercial et de la spéculation foncière.
    A l'opposé, les communes les plus isolées, notamment celles situées en zones de montagne, continuent à perdre des habitants. Beaucoup d'entre elles voient leurs espaces agricoles progressivement abandonnés et souffrent d'une mauvaise connexion aux réseaux modernes de communication. Leurs habitants participent au progrès, mais moins que ceux des villes.
    A dire vrai, ces différentes facettes du monde rural ont peu de choses en commun, sinon que beaucoup de leurs habitants partagent, à des degrés divers, un certain sentiment d'abandon.
    M. François Sauvadet. Ah oui !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Cela fait en effet de nombreuses années que le monde rural ne se trouve plus au coeur des préoccupations et que - beaucoup me l'ont dit au cours des déplacements que j'ai effectués dans une cinquantaine de départements depuis un an - la politique d'aménagement du territoire a singulièrement, ces dernières années, délaissé le monde rural.
    L'espace rural ne saurait donc être analysé sous un prisme unique. Mais il ne doit pas davantage être vu sous un jour misérabiliste. L'agriculture n'est, certes, plus l'activité partout dominante du monde rural mais, par-delà ses évolutions divergentes, chaque année, l'espace rural regagne globalement des habitants. Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à rechercher à la campagne - et pas seulement pour le week-end - une qualité de vie et de travail que les grandes métropoles urbaines leur refusent.
    Le déclin des campagnes n'est donc pas inéluctable.
    Si les réalités du monde rural sont diverses, les politiques conduites jusqu'ici en sa faveur n'en sont pas moins éclatées. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité, en priorité, évaluer l'efficacité des politiques de développement rural. Le retard accumulé sur ce point, en particulier au cours des cinq dernières années, ne peut, certes, être rattrapé, comme l'a dit le président de la commission à l'instant, dans un temps très court. Cependant, à la suite du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de la fin de l'année dernière et sur ma proposition, un certain nombre d'études ont été engagées et leurs premières conclusions commencent à être disponibles et sont riches d'enseignements.
    Ainsi, dans un rapport récent, l'instance interministérielle d'évaluation des politiques de développement rural a souligné que les dispositifs en faveur du monde rural obéissent à des logiques encore trop sectorielles et cloisonnées en faisant souvent appel à des mécanismes nombreux et insuffisamment articulés entre eux. Suivant la définition adoptée par cette instance, au moins soixante et onze procédures étaient ainsi en vigueur fin 1998 et la tendance a été à l'empilement des procédures et des dispositifs.
    De leur côté, les collectivités locales - régions et départements - ont mis en oeuvre des politiques de développement des territoires ruraux, mais sans toujours trouver les dispositifs nationaux et européens d'accompagnement souhaitables.
    Ainsi, l'ensemble de ces outils se sont sédimentés au fil du temps et manquent désormais singulièrement de lisibilité. Plusieurs raisons sont fréquemment invoquées pour expliquer cette dérive : une coordination insuffisante entre les administrations ; l'existence d'échelons de conception et de mise en oeuvre multiples ; la superposition des territoires et des périmètres d'intervention - qui ne coïncident d'ailleurs pas toujours - ; la multiplication de zonages qui ne se recouvrent qu'imparfaitement et de critères de définition parfois obsolètes ou inappliqués ; des sources de financements abondantes, mais souvent dispersées et aux effets parfois très relatifs sur les territoires d'application ; enfin, une articulation rural-urbain qui paraît insuffisante dans le cadre de l'intercommunalité.
    Dernier texte majeur en faveur des zones rurales, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a institué des dispositifs d'exonération fiscale pour les activités exercées dans ces zones délimitées : les territoires ruraux prioritaires - TRDP - et les zones de revitalisation rurale - ZRR - que Patrick Ollier connaît bien.
    Je dois souligner qu'aucune étude n'avait été conduite jusqu'ici sur la mise en oeuvre et l'efficacité de ces dispositifs. C'est pourquoi, avec mon collègue Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'ai décidé de confier au conseil général du génie rural et des eaux et forêts, à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale des affaires sociales, la conduite d'une mission d'étude dans trois départements, la Haute-Marne, le Tarn et la Creuse. Il ressort du rapport d'étape qui vient de m'être remis ces jours-ci que ces zonages reposent sur des données démographiques parfois obsolètes et n'intégrant pas suffisamment la nouvelle donne des pays et des regroupements communaux. La sédimentation progressive des dispositifs les prive par ailleurs d'une bonne lisibilité.
    Ce rapport, dont les conclusions sont encore provisoires, suggère enfin plusieurs orientations pour la réforme de ces dispositifs. A court terme, il recommande de simplifier, d'actualiser les zonages et d'étendre les dispositifs d'aide à la création d'activités, à la reprise d'activités, ainsi qu'à la pluriactivité. Mais à moyen terme, il invite à repenser la stratégie présidant aux zonages, à relever certains plafonds, à fusionner, pour les simplifier, les dispositifs des ZRR et des TRDP, à conforter le rôle des régions et à substituer aux pratiques de zonage une démarche de projet, comme le souhaite d'ailleurs l'Union européenne.
    Voilà, mesdames et messieurs les députés, les quelques réflexions d'ordre général que je voulais faire et qui, bien évidemment, et j'en suis bien conscient, n'épuisent pas le sujet tant il est vaste, complexe et important.
    Mais nous voici réunis ce matin pour examiner une proposition de loi du groupe socialiste, qui tend essentiellement à créer un périmètre d'aménagement rural incitatif, un PARI, assorti d'exonérations fiscales et sociales ainsi que d'un mécanisme de compensation pour les collectivités des zones rurales les moins dynamiques ou en proie à de graves difficultés d'activité ou d'emploi, afin notamment d'y encourager et d'y développer la pratique du télétravail. Elle comporte, enfin, un volet sur le financement des collectivités.
    Je voudrais dire à son rapporteur Augustin Bonrepaux que j'ai le plus grand respect pour ce qu'il fait, puisque, comme élus de la montagne, lui et moi partageons beaucoup de combats. Et c'est parce que j'ai ce respect pour le rapporteur de cette proposition de loi que j'ai un peu de peine à dire qu'elle appelle néanmoins les plus expresses réserves de notre part.
    Sans entrer dans un examen exhaustif des dispositions proposées, je me bornerai à quelques observations générales.
    Il me semble tout d'abord que la création d'avantages fiscaux nouveaux dans le cadre d'un nouveau zonage serait privée de toute lisibilité. La création d'un nouveau niveau de zonage que constitue le PARI aurait pour principal effet d'aboutir à une complexité accrue de l'environnement fiscal des entreprises.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très juste !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. S'il était institué, le PARI viendrait, en effet, s'ajouter aux deux niveaux de zonage existants en matière d'impôt, ZRR et TRDP, et aux quatre niveaux de zonage existants en matière d'impôts locaux - zones éligibles à la prime à l'aménagement du territoire pour les projets industriels et tertiaires, territoires ruraux de développement prioritaire, zones de revitalisation rurale - avec leurs conséquences fiscales propres.
    La création d'un nouveau zonage devrait donc au moins s'accompagner de la suppression d'un zonage existant. Or, une telle substitution est difficilement envisageable en l'espèce, puisque le régime fiscal proposé en matière d'impôts directs locaux est à certains égards plus large que les exonérations existantes - il concernerait par exemple les activités de service -, mais il est aussi moins avantageux, puisque l'avantage fiscal est dégressif en fonction du nombre de salariés.
    En outre, le dispositif proposé serait d'une mise en oeuvre complexe et délicate, dans la mesure où il reposerait sur l'actualisation régulière de caractéristiques économiques et sociales et d'un indice synthétique fluctuant, par ailleurs calculé à partir de critères complexes voire non disponibles aujourd'hui, je pense notamment au PIB par habitant au niveau cantonal.
    Ajoutons que l'extension au PARI des exonérations fiscales actuellement applicables aux zones franches urbaines serait, nous semble-t-il, une solution hâtive et coûteuse.
    En effet, la présente proposition de loi repose sur le postulat implicite qu'il existerait entre les secteurs connaissant des problèmes urbains importants une identité de diagnostic impliquant une identité de solution. Or, sans méconnaître la gravité des conséquences de la désertification de certaines zones rurales, il ne me semble pas que les réponses apportées aux difficultés spécifiques auxquelles sont confrontées les zones urbaines en grande difficulté soient transposables aux zones rurales.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le simple décalque de la politique de la ville appliqué à la campagne ne nous semble pas pertinent.
    La mise en oeuvre de mesures dérogatoires efficaces suppose au préalable une analyse approfondie des caractéristiques économiques et sociales des zones concernées à partir de l'évaluation en cours des dispositifs existants. En instituant de nouvelles exonérations compensées, le disposif prévu en matière d'impôts locaux représenterait un coût pour l'Etat impossible à chiffrer compte tenu de l'absence de visibilité sur le périmètre du PARI.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Quand il s'agit de diminuer l'ISF, vous y arrivez !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Enfin, le développement nécessaire des mécanismes de compensation n'irait pas dans le sens des dispositions de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, c'est-à-dire du nouvel article 73-2 de la Constitution, selon lequel les dispositifs des recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.
    J'observe, enfin, que le principe même de telles zones franches appliquées au milieu rural est très discuté et que les clivages en la matière n'ont strictement rien de partisan. Cette seule considération suffirait, s'il en était besoin, à refuser, sur un tel sujet, une urgence artificielle.
    Une politique rurale efficace ne peut être que globale. C'est donc dans un cadre global que je vous proposerai dans quelques mois de réexaminer cette problématique, car le temps est venu de faire le choix de l'action.
    Monsieur le rapporteur, vous me permettrez de faire une dernière série d'observations sur le calendrier de votre initiative, et je le ferai avec la même franchise que j'ai observée - et appréciée - de votre part. Car pour tout dire, je peine quelque peu à comprendre le soudain empressement de votre formation, alors que le précédent gouvernement n'avait même pas jugé bon de procéder à quelque évaluation que ce soit de l'efficacité du dispositif des ZRR, dont votre initiative se rapproche.
    M. François Brottes. Ça, c'est un argument politicien !
    M. François Sauvadet. Ce que dit le ministre est tout à fait vrai !
    M. Henri Cuq et M. Alain Marsaud. Eh oui !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Vous êtes là depuis un an et demi mais c'est la faute des autres !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce rappel vous gêne, et je le comprends. La vérité est cruelle.
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Patrick Ollier a tout à l'heure rappelé tous les mauvais coups qui avaient été portés sous la législature précédente à certains outils utiles d'aménagement du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est vrai !
    M. Alain Marsaud. Mauvais coups, c'est bien le mot !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je pense notamment, pour ce qui concerne mon département ministériel, à la suppression du fonds de gestion de l'espace rural.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Eh oui, vous avez même fait cela, messieurs les socialistes !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le Gouvernement, de son côté, a inscrit le développement rural à son programme législtatif de l'automne. Et c'est un sujet trop sérieux, trop important pour être traité dans la précipitation.
    Le calendrier gouvernemental sera donc respecté. Je le répète, le temps de l'action est venu, et celle-ci, je peux vous l'assurer ici aujourd'hui, sera résolue.
    L'ensemble des services de la DATAR sont mobilisés, et les services centraux de mon ministère ont été réorganisés, avec la création d'une nouvelle direction générale chargée des affaires rurales, afin d'être en mesure de participer plus pleinement à sa mise en oeuvre.
    Sans attendre, j'ai d'ores et déjà engagé de très nombreuses consultations avec le monde associatif, les grandes associations d'élus locaux, généralistes - Association des maires de France, Association des maires ruraux de France, Association des régions de France, Association des départements de France - ou spécialisées, comme le Conseil national de la montagne, ainsi qu'avec les organisations professionnelles et tous les partenaires institutionnels ou syndicaux que leur activité ou leur intérêt portent vers le développement rural. Beaucoup m'ont d'ailleurs adressé des contributions d'une très grande qualité.
    A la fin de l'été, l'ensemble de ces mesures seront présentées à l'occasion d'un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire rural...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ... présidé par le Premier ministre. Elles seront alors examinées immédiatement en conseil des ministres, puis soumises à votre examen dans le courant de l'automne.
    Le calendrier du Gouvernement n'est donc pas mystérieux. Ses intentions sont claires : associer l'ensemble des partenaires dont l'implication est nécessaire au succès de cette démarche.
    Pour ma part, je souhaite avant tout que ce projet de loi et tous les dispositifs qui vont l'accompagner, s'attachent aux préoccupations les plus concrètes du monde rural : lever les obstacles économiques propres au monde rural, favoriser les partenariats, encourager le développement des territoires ruraux les plus isolés, préserver et mettre en valeur le patrimoine naturel et bâti, favoriser, au nom de l'égalité des chances, l'accès de tous aux services. Tels sont les objectifs qui me guideront dans la rédaction du projet de loi que je soumettrai à votre examen. Ce projet cherchera à valoriser et à conforter les politiques mises en oeuvre par les régions et les départements. Il pourra comporter, le cas échéant, des dispositions expérimentales proposées par ces collectivités. Les zones de montagne et les départements d'outre-mer feront également l'objet de dispositions spécifiques.
    Bien évidemment, il faudra aussi examiner sérieusement et avec beaucoup d'attention la question foncière, et je serai, sur ce sujet qui touche à l'essentiel, particulièrement attentif à vos suggestions.
    C'est donc pour toutes ces raisons qu'il ne me paraît pas souhaitable d'adopter cette proposition de loi. J'ai par ailleurs entendu la demande du président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, qui me semble, effectivement, tout à fait justifiée.
    Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, ce qui guide l'action du Gouvernement, c'est à la fois l'objectif d'équité territoriale et le souci d'accompagner et de fédérer les initiatives locales. L'enjeu dépasse de beaucoup les considérations techniques et financières, car ce vers quoi tend notre ambition, c'est restaurer l'unité française et l'égalité des chances entre nos enfants. Et c'est aussi contribuer à sauvegarder un modèle de civilisation auquel nous sommes profondément attachés, parce qu'il touche à notre culture et à notre identité.
    Le Gouvernement a choisi de consacrer à ce projet une partie de la session parlementaire de l'automne prochain. Je ne doute pas, monsieur le rapporteur, que vous prendrez alors part à ce débat avec la même foi et la même énergie, et c'est avec l'ensemble de la représentation nationale que nous aurons alors rendez-vous avec la France des campagnes et des territoires, de métropole et d'outre-mer, pour répondre à ses préoccupations et pour construire son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour quelques instants, avant que nous abordions la discussion générale.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est inhabituel.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Nous n'allons pas non plus modifier le règlement, monsieur le président !
    Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. M. le président fait des observations, je peux quand même lui dire que le rapporteur a le droit de s'exprimer,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. ... sinon il faut modifier le règlement, monsieur le président.
    Je voudrais poser quelques questions au président de la commission. Peut-être pourra-t-il y répondre tout à l'heure, puisqu'on lui donnera peut-être la parole. Il prétend que la loi Voynet a entraîné la disparition d'outils. Je voudrais bien qu'il nous dise de quoi il parle. Mais quand il parle de l'héritage, je voudrais lui dire que j'en suis fier, de cet héritage.
    M. Yves Coussain. Il n'y a pas de quoi !
    M. Augustin Bonrepaux. Lors de la création des zones de revitalisation rurale, qui s'est faite, c'est vrai, sous votre majorité, monsieur Patrick Ollier, je vous ai incité à aller plus loin, alors que vous vouliez les circonscrire. Et par la suite, nous avons ajouté au dispositif des ZRR la suppression de la taxe professionnelle pour l'installation des artisans, et pour cinq ans, ainsi que la défiscalisation pour la création de résidences de tourisme dans ces zones.
    Mme Catherine Génisson. Exactement !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Et je crois qu'aujourd'hui, si de telles résidences de tourisme se créent, nous y sommes pour quelque chose. Nous avons prévu que cette disposition s'appliquerait jusqu'en 2006. J'espère que vous ne raccourcirez pas ce délai.
    Ensuite, je voudrais quand même rappeler que les contrats de plan permettaient un avenir aux zones rurales, et en particulier aux zones de montagne. C'est la première fois dans l'histoire de notre pays qu'il y a des contrats de massifs pour toutes les zones de montagne.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Et quid de leur exécution ?
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Le seul problème, c'est qu'aujourd'hui il y a les contrats, mais il n'y pas plus les crédits. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, les crédits du fonds national d'aménagement du territoire ont été réduits.
    Alors ensuite, vous me parlez de « précipitation ».
    M. Kléber Mesquida. Quelle précipitation ?
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Quand on me connaît, on pourrait penser que je suis un peu excessif et un peu impulsif, c'est vrai. Mais quand même, j'ai défendu sur ces bancs, au mois d'octobre dernier, la création des zones franches rurales. Quand j'ai vu qu'on voulait renouveler les zones franches urbaines, j'ai présenté cette proposition, par voie d'amendement, lors de la discussion du projet de loi d'incitation économique. Quand vous avez réduit l'impôt de solidarité sur la fortune, moi, je défendais toujours ces mêmes amendements. Alors il ne faut pas dire qu'il y a chez moi de la précipitation, il faut dire plutôt qu'il y a de la constance.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Dans l'erreur !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. En outre, j'ai amélioré les propositions que j'ai faites. Je ne me suis pas limité à celle de votre collègue Christian Ménard, qui a d'ailleurs repris mes amendemnts et je lui en sais gré, puisque cela prouve que mes analyses sont largement partagées. J'ai amélioré mes propositions, donc, et en particulier en faveur du télétravail. Car je crois qu'il y a là aussi un effort important à faire en faveur du télétravail.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Vous me dites que je n'ai pas évalué les conséquences de ces zones franches que je propose. Dites-moi, est-ce que vous avez évalué les conséquences des zones franches que vous avez créées ?
    Mme Catherine Génisson. Très bonne question !
    M. François Sauvadet. Cela a été fait, monsieur le rapporteur !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Pour être précis, est-ce que vous avez évalué la création de la zone franche à Toulouse, une commune qui n'a pas de dettes ? Vous y créez un zone franche, alors que les emplois vont naturellement autour de Toulouse ! En 2001, il s'est créé 3 000 emplois dans l'agglomération toulousaine, 100 dans l'Ariège ! Et c'est cela, la politique d'aménagement du territoire ? Je crois que si vous voulez la « simplifier », c'est en réalité pour mieux la détourner et pour aller à contre-courant.
    Monsieur le ministre, vous parlez d'un soudain « empressement » des députés socialistes. Mais oui, nous pensons qu'il faut agir : parce qu'il y a des mesures nouvelles !
    M. François Sauvadet. Il était temps de les prendre !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu sur les contrats de plan ? Est-ce qu'ils seront tenus ? Et les contrats relatifs à l'aménagement routier et au désenclavement ferroviaire, seront-ils respectés ? Et qu'en sera-t-il des contrats de pays ?
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Vous les avez allongés, et pas exécutés !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Je pose une question !
    M. Alain Marsaud. Vous avez initié des programmes sans en prévoir le financement !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Ces programmes font maintenant l'objet de réductions.
    Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu sur une question qui relève de votre compétence : comment se fait-il que les crédits du fonds national pour le développement des adductions d'eau aient été réduits de 60 à 75 % ?
    M. Jean-Claude Perez. C'est honteux !
    M. Pascal Terrasse. C'est le déménagement du territoire !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Vous détournez ces crédits ! En effet, ces crédits, qui sont prélevés sur les consommateurs (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) dans un but de solidarité nationale, sont destinés à équiper les zones rurales en systèmes d'adduction d'eau et d'assainissement.
    M. Henri Cuq. Vous ne manquez pas d'air !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Comment se fait-il que ces crédits aient été réduits ? Qu'en pense le rapporteur général ? Comment se fait-il qu'il y ait eu un prélèvement sur ces crédits, au détriment de l'équipement des zones rurales ? Voilà la réalité ! Comment pourrez-vous expliquer aux élus des départements que, cette année, ces crédits sont en réduction de plus de 60 % ? Quelle est l'explication ? Est-ce cela l'avenir des zones rurales ?
    L'avenir des zones rurales passe-t-il également par la réduction des crédits du logement ? N'est-ce pas un secteur qui exige, lui aussi, des moyens ?
    Je parle de choses concrètes, parce que nous recevons les notifications !
    La situation actuelle justifie qu'il faille plus de moyens, d'autant que cela ne coûterait rien à l'Etat !
    Vous nous dites, monsieur le ministre, qu'un projet de loi sera présenté à l'automne prochain. J'en prends acte. Toutefois, je pose la question suivante : quels sont les moyens qui l'accompagneront puisqu'on nous annonce pour l'année prochaine une nouvelle réduction des dépenses ? Le Gouvernement et la majorité s'entêtent dans ce processus et veulent continuer à réduire la fiscalité pour les revenus les plus élevés.
    M. Thierry Mariani. Caricature !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Pourtant, le Conseil d'analyse économique vient de reconnaître que cette fiscalité n'était pas excessive.
    M. François Sauvadet. Ah !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Eh bien, vous ne tenez pas compte de cet avis et vous continuez à vous entêter : vous allez réduire les recettes et, bien sûr, diminuer les dépenses.
    Dans ces conditions, comment allez-vous pouvoir présenter un projet de loi pour le monde rural ? Voilà ce qui nous inquiète ! D'ailleurs, vous ne faites qu'aggraver notre inquiétude quand vous nous dites que tout est extrêmement compliqué pour le monde rural. Mais pourquoi la mise en place d'une zone franche rurale serait-elle plus compliquée que celle d'une zone franche urbaine ?
    Entendre de tels propos de la part du ministre chargé du développement rural ne nous rassure pas ; au contraire même, ça ne fait qu'aggraver notre inquiétude. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. Avant d'ouvrir la discussion générale, je vais donner la parole à M. Patrick Ollier, mais je ne souhaite pas que ce débat se transforme en un dialogue entre le président de la commission et le rapporteur.
    Vous avez la parole, monsieur le président de la commission.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ayant été interpellé personnellement, madame la présidente, je me dois de répondre. Mais, rassurez-vous, je le ferai brièvement car je crois avoir déjà largement apporté la démonstration de l'inopportunité de la proposition de loi que nous examinons.
    Je ne peux tout de même pas vous laisser dire n'importe quoi, monsieur Bonrepaux. J'ai, je le répète, un profond respect pour l'action que vous menez en faveur des zones de montagne. Toutefois, je trouve que, ce matin, le passionné que vous êtes dans la vie politique a pris le pas sur l'homme sérieux que vous êtes en matière de politique d'aménagement du territoire.
    M. Thierry Mariani. M. Bonrepaux a dérapé !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est une atitude que je regrette et que je déplore, monsieur Bonrepaux.
    J'ai dit que vous avez destructuré la politique d'aménagement du territoire. Aussi, vous m'avez demandé de citer ce que vous auriez supprimé. Eh bien, je vais vous répondre.
    D'abord, vous avez remis en cause la totalité de la structure même de la loi d'orientation pour le développement et l'aménagement du territoire.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Il n'y avait rien dedans !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je le dis avec calme et sans passion, monsieur Bonrepaux.
    Vous avez supprimé le schéma national d'aménagement du territoire,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Exact !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ça ne servait à rien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... ce qui fait que, aujourd'hui, on se trouve dans une invraisemblance ahurissante : il n'y a aucune lisibilité dans ce qui se fait en matière d'aménagement du territoire. Il n'y a aucun point de convergence, mais des voies parallèles sans aiguillage !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Exact !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez supprimé le fonds de gestion de l'espace rural, vous avez supprimé le fonds d'intervention pour les transports terrestres et les voies navigables.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Il n'y avait rien dedans !
    Mme la présidente. Monsieur Bonrepaux, laissez parler M. Ollier.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Pour ma part, monsieur Bonrepaux, je vous ai écouté avec une grande attention car, en général, vous êtes intéressant. Toutefois, aujourd'hui, j'ai été un peu déçu.
    Le fonds d'intervention pour les transports terrestres et les voies navigables que vous avez supprimé, nous l'avions pourtant créé ensemble. Il était destiné aux zones rurales, en particulier les plus défavorisées. M. Spagnou, qui est ici présent, pourrait évoquer le combat que nous avons mené en la matière pour les Hautes-Alpes et les Alpes de Haute-Provence ! Ce fonds avait été créé pour rendre accessibles les zones rurales.
    M. Henri Nayrou. A quel prix ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vais vous le dire, monsieur Nayrou !
    Quand on parle du développement des zones rurales, encore faut-il mettre en place les dispositifs permettant d'y accéder !
    M. François Sauvadet. Absolument !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est ce que nous voulons faire !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Il faut d'abord désenclaver, créer les moyens de transport nécessaires, condition indispensable pour créer ensuite la vie par le développement économique ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. En supprimant les financements pour les transports dans les contrats de plan ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Or ce fonds d'intervention pour les transports terrestres, qui était le point de convergence de toute notre politique en matière d'aménagement du territoire, qui devait permettre de compenser les handicaps des zones défavorisées grâce à la mise en place de moyens de désenclavement, vous l'avez supprimé !
    Toutefois, cela ne s'arrête pas là. Car si vous avez supprimé le fonds, vous avez gardé les recettes ! M. Gayssot a ainsi récupéré 7 milliards de francs par an de revenus procurés par la taxe que nous avions créée. C'est autant qui est allé chaque année au budget général de l'Etat...
    M. Alain Marsaud. Pour une fois que la gauche économise de l'argent !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... et qui a servi de rustines au budget de l'équipement de M. Gayssot, au détriment des zones rurales !
    Aussi, monsieur Bonrepaux, je vous appelle à un peu de modestie et à un peu de pudeur dans l'analyse que vous faite du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je pourrais continuer la liste, mais le temps nous manque...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Continuez ! Continuez !
    Mme la présidente. Pour le bon déroulement du débat, il serait peut-être temps de commencer à entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Madame la présidente, j'ai du mal à résister à l'appel de la majorité ! Cela dit, il ne me semble pas nécessaire d'allonger le débat, tant la démonstration que j'ai faite précédemment est suffisante.
    Pour autant, comment ne pas souligner le fait que, en matière de financement de contrats de plan, M. Bonrepaux na pas manqué d'audace.
    M. Alain Marsaud. Ils sont gonflés, c'est sûr !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Il suffit de voir, monsieur Bonrepaux, les efforts que le Gouvernement est obligé d'entreprendre pour rééquilibrer la politique d'aménagement du territoire...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. En gelant les crédits !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... parce que vous n'aviez pas assuré le financement des contrats de plan.
    Je me souviens de promesses que vous avez faites.
    M. Kléber Mesquida. Vous avez tout supprimé !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous les rappellerai lors du débat sur les infrastructures qui aura lieu dans quelques jours. Vous nous avez fait des promesses à longueur de journée sur les équipements et les infrastructures. Le problème, c'est que vous nous avez légué un héritage dépourvu de moyens de financement.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il y avait longtemps !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Par exemple, dans les zones rurales, nous avions besoin de créer des facilités de transport. Or qu'avez-vous fait du FIATA pour les transports aériens ? Eh bien, vous avez, si j'ose dire, tiré le tapis sous les roues des avions, ce qui nous a empêchés, malheureusement, d'engager une quelconque initiative en ce domaine.
    M. Pascal Terrasse. Ce fonds, c'est le passé, pas l'avenir. Vous ne proposez rien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. De la constance, monsieur Bonrepaux, vous en avez, que ce soit dans votre action sur le fond ou que ce soit dans votre action politique. Toutefois, une fois encore, je tiens à dissocier les deux, car, en matière politique, votre constance est dans l'erreur, dans le choix de solutions de démagogie et de facilité...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. En matière de démagogie, vous avez dix-huit sur vingt !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... qui, malheureusement, n'ont en rien permis de résoudre les problèmes de fond en matière d'aménagement du territoire.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Absolument !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. S'agissant de la politique de l'eau, j'ai entendu M. Cuq et M. Coussain dénoncer votre audace. En effet, qui a mis en place la politique des agences de l'eau, des agences de bassin, de gestion du FNDE, qui a conduit aux conséquences que vous condamnez, sinon vous ? Ce n'est pas uniquement ce qui est fait cette année qui peut remettre en cause la politique qui a été menée pendant cinq ans. En tout cas, malheureusement, c'est cette année que nous subissons les conséquences de la politique qui a été mise en place pendant cinq ans au détriment des zones rurales.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Exact !
    M. Alain Marsaud. Absolument !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Les Français ne sont tout de même pas complètement sourds, ils entendent ce que nous disons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Perez. Ils ne sont pas aveugles non plus !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ils connaissent l'héritage et la situation budgétaire que vous avez laissés à la nouvelle majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Nous y voilà !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Aussi, vous devriez consacrer vos efforts à nous aider à reconstruire ce que vous avez consciencieusement démoli pendant cinq ans.
    M. André Chassaigne. Vous reconstruisez en baissant l'impôt de solidarité sur la fortune et les remboursements de la sécurité sociale ?
    Mme la présidente. Si nous pouvions passer à la discussion générale...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Madame la présidente, je réponds à votre appel et j'arrête là la démonstration. Je crois qu'elle est suffisamment éloquente et précise pour que la majorité réponde à l'appel que j'ai lancé dans mon intervention et que, à l'issue de la discussion générale, elle refuse de passer à l'examen des articles de cette proposition de loi. Il s'agit d'une opération politique, mesdames, messieurs de l'opposition, et vous avez le droit de vous y livrer. Toutefois, la majorité, qui veut être raisonnable dans ses actions, soutient, elle, la politique du Gouvernement et attend avec impatience les mesures que vous avez annoncées, monsieur le ministre. Nous savons que vous êtes sur la bonne voie, et vous pouvez compter sur notre soutien.
    Je vous appelle, mes chers collègues, à ne pas voter, après la discussion générale, le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Martin.
    M. Philippe Martin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président Ollier, mes chers collègues, il est rare, et jamais facile, d'aborder la question de la ruralité dans notre pays. Le risque existe que la défense de cette belle idée suscite au mieux des sourires entendus de la part d'urbains incrédules, au pire des haussements d'épaule de technocrates n'ayant jamais exercé de responsabilité au-delà du boulevard périphérique, dont on me dit qu'il est fort chargé ce matin. (« Oh oui ! » sur divers bancs.)
    Le bonheur, dit-on, s'épanouit dans les prés, mais il semble, en fait, plus facile à vivre en Cinémascope qu'en réalité. Certes, la ruralité reste à la mode, et les sujets télévisés des journaux de la mi-journée ne manquent pas qui nous présentent ces citadins quittant tout pour embrasser la cause. Mais si la ruralité est « tendance », force est de constater que cette tendance est au déclin.
    La population rurale, qui a ses pudeurs et surtout sa fierté, reste souvent silencieuse. Elle a pris pour habitude de garder pour elle ses amertumes et ses ressentiments. Mais que l'on ne s'y trompe pas, monsieur le ministre : si les ruraux mettent du temps à se dresser de leur siège pour protester, ils mettront encore plus de temps à se rasseoir s'ils ont le sentiment de ne pas être écoutés !
    Que l'on me comprenne bien, je ne sous-estime pas les efforts financiers colossaux qui doivent être mobilisés à juste titre par l'Etat, pour corriger les dérèglements des villes et des banlieues. Mais si rien de concret n'est rapidement proposé, il y a fort à parier qu'après avoir dû s'adjoindre les services d'un ministre de la ville, les futurs gouvernements devront s'adjoindre ceux d'un ministre des champs.
    Une politique agricole européenne incertaine et dont les agriculteurs ne savent plus où elle les mène, des installations en agriculture qui baissent inexorablement, un réseau de service public de plus en plus virtuel : j'arrête ici la liste bien longue des renoncements et des reculs qui fragilisent aujourd'hui la ruralité.
    Elu d'un département rural s'il en est - le Gers -, je mesure chaque jour le fossé qui sépare l'image idyllique d'une société pastorale réputée et une réalité moins avantageuse et plus méconnue.
    Depuis les zones d'ombre de la téléphonie mobile jusqu'à l'inégalité des citoyens ruraux devant la santé, en passant par l'accès inégal à la culture et aux nouvelles technologies, les exemples ne manquent pas d'une lente dégradation des conditions de vie de celles et de ceux qui ont fait un autre choix que celui de la ville.
    Je ne me laisserai pas enfermer dans une vision nostalgique de la ruralité, conception recuite, voire réactionnaire, d'un pays de Cocagne, où le soleil et les agapes des fêtes locales tiendraient lieu de mode de développement, même si je profite de l'occasion qui m'est donnée, monsieur le ministre, pour vous inviter au championnat du monde des mangeurs de magret qui se dérouleront à Saramon, dans le Gers, mardi prochain. (Sourires.)
    La ruralité regorge de talents, d'ingéniosité, d'ambitions, mais les moyens lui manquent souvent pour que s'expriment ces talents, cette ingéniosité et ces ambitions.
    Peut-on encore attendre et s'en remettre aveuglément à une loi gouvernementale relative aux affaires rurales, annoncée à grands renfort de clarines, mais dont on ne sait à peu près rien, si ce n'est qu'elle semble déjà inquiéter tous ceux dont elle est censée s'occuper ?
    Peut-on attendre que le Gouvernement continue de tailler dans les enveloppes des contrats de plan et voir la ruralité ainsi mise à mal ?
    Dans ces conditions, vous comprendrez, mes chers collègues, que je me félicite de l'initiative du groupe socialiste, notamment d'Augustin Bonrepaux, qui apporte, par le biais de cette proposition de loi, une première série d'éléments de réponse concrets et adaptés à la situation présente.
    Le périmère d'aménagement rural incitatif n'a pas pour objet d'opposer les zones urbaines et les territoires ruraux, comme certains propos le laisseraient penser, mais de mieux organiser leur complémentarité en identifiant clairement certaines spécificités, tant sur le plan des besoins que des ressources.
    Cette « discrimination positive » que nous appelons de nos voeux vise à la fois à compenser les insuffisances des zonages existants, tout en éclairant nos concitoyens sur les « dégâts collatéraux » que ne manquent de provoquer une politique qui fait porter son effort exclusif sur l'accroissement et le renforcement des zones franches urbaines.
    Loin de moi l'idée de dire que certains quartiers toulousains durement touchés par la catastrophe d'AZF ne doivent pas bénéficier, pour la relance de leur économie, de la solidarité nationale et des mesures incitatives qui les accompagnent. Toutefois, il faut reconnaître, dans le même temps, que la création d'une zone franche pour ce territoire n'est pas sans conséquence pour les territoires ruraux qui, comme ceux du Gers, sont limitrophes de l'agglomération toulousaine.
    Les majorations de dotations aux collectivités locales proposées par le texte, comme la compensation dégressive de perte de taxe professionnelle en cas de disparition d'une entreprise, sont autant de moyens supplémentaires qui sont destinés à sécuriser ces collectivités pour leur politique de développement économique.
    De même, les entreprises qui ont le courage et font l'effort de s'installer dans des zones jugées a priori moins rentables doivent bénéficier, comme le prévoit le texte, d'incitations fiscales.
    Mes chers collègues, on dit souvent que l'union fait la force. Hélas, depuis quelques années, le monde rural est contraint d'unir ses faiblesses sans pour autant parvenir à en faire une force potentielle. On regroupe les communes, on regroupe les écoles, on regroupe les bureaux de poste, on regroupe les gendarmeries, les curés, eux-mêmes, regroupent leurs messes, mais tous ces regroupements ne permettent pas, pour autant, d'envisager l'avenir avec sérénité.
    Aussi, je vous demande de faire avec nous un pari sur l'avenir de la ruralité en rendant, à peu de frais, les territoires ruraux économiquement attractifs.
    Mes chers collègues, en examinant et en votant cette proposition de loi, vous montrerez que les attentes du monde rural ont su trouver un écho favorable dans cette enceinte, redonnant ainsi un peu d'espoir à ceux qui en sont les acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, cette proposition de loi arrive en un temps un peu particulier. Pour ma part, j'ai le sentiment qu'elle arrive soit un peu tard, soit un peu tôt.
    Un peu tard, monsieur Bonrepaux, parce que vous avez eu, pendant cinq ans, la charge de diriger ce pays. Or, durant toute cette période, nous n'avons eu de cesse - et je pèse mes mots - de dénoncer l'absence d'une véritable politique d'aménagement du territoire, en particulier en direction des territoires ruraux.
    Vous avez évoqué le passé récent. Or je me souviens que, il y a quelques années, lors d'un débat sur une loi d'aménagement et de développement du territoire, vous ne cessiez de nous rétorquer, lorsque nous abordions des sujets aussi essentiels que celui du désenclavement et des infrastructures, que là n'était pas l'essentiel. A l'époque, la majorité d'alors était plus préoccupée de conduire une politique en direction des quartiers sensibles, qui était d'ailleurs nécessaire et qu'il convient de poursuivre. Toutefois, c'était oublier que les campagnes avaient le sentiment d'être abandonnées. Si bien que, l'an dernier, lors d'un scrutin qui a été un choc pour nous tous, les campagnes ont manifesté ce sentiment d'abandon en votant fortement pour les extrêmes, notamment l'extrême droite.
    Nous devons prendre ce sentiment en considération et, plutôt que de donner des leçons, monsieur Bonrepaux, chercher ensemble à redonner espoir à ceux qui vivent dans des territoires fragiles. Cela passera par le développement des activités, par une aide à la transmission des entreprises, par la présence de services au public et, bien évidemment, aussi par la création de nouveaux services.
    Il faut s'efforcer de rendre l'avenir beaucoup plus lisible pour les acteurs du territoire. Aujourd'hui, les procédures sont trop complexes pour beaucoup d'élus ruraux.
    Pour être l'élu des grands espaces, l'élu des 344 communes qui jouxtent Dijon, ville où je crois que vous avez un rendez-vous dans les jours prochains, monsieur Bonrepaux,...
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Vous prenez les rendez-vous pour moi ?
    M. François Sauvadet. ... j'ai pu y observer le découragement qui se manifeste face à la complexité et à la lourdeur des procédures.
    Votre proposition comporte certes des éléments intéressants, mais elle rajoute des procédures à celles qui existent déjà, donc à la complexité. Or si, en matière d'aménagement et de développement du territoire, nous pouvions simplifier les procédures pour rendre l'action publique beaucoup plus efficace, nous rendrions un grand service à des centaines d'élus ruraux.
    Soit cette proposition arrive un peu tôt. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, la majorité souhaite une vraie loi du développement rural, qui ne soit pas pour autant le pendant de la politique de la ville : il ne s'agit pas de reproduire dans le territoire rural ce qui se fait en ville, car ça n'aurait pas de sens. En tout cas, nous avons vu que là où est conduite une politique de la ville en direction des quartiers sensibles, on obtient des résultats.
    Je vous rappelle, monsieur Bonrepaux, puisque vous devez vous rendre à Dijon prochainement, qu'un de vos amis, M. Carraz, ancien député de la Côte-d'Or, s'est beaucoup battu en faveur des zones franches urbaines. A l'époque, nous nous interrogions sur leur définition, leur opportunité. Aujourd'hui, les résultats sont là, à tel point que quarante et une zones franches urbaines vont être créées. Elles ont permis de réintroduire de l'activité, des commerces et des services dans des lieux où tout ceci avait disparu.
    Il ne s'agit pas, bien évidemment, de reproduire le même système, il s'agit d'en tirer toutes les leçons.
    M. Henri Nayrou. C'est ce que nous demandons !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce qui est bien pour les urbains est bien également pour les ruraux.
    M. Henri Nayrou. Vous êtes au coeur du sujet !
    M. François Sauvadet. Permettez que je donne mon sentiment à cette tribune, monsieur Nayrou, dans le cadre de ce débat.
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Je suis donc un fervent partisan de la politique de zonage, mais pas telle que vous la proposez aujourd'hui, monsieur Bonrepaux, à la va-vite, dans laquelle des zones franches viendraient s'empiler sur les zones de revitalisation rurale. D'ailleurs, j'observe que vous avez très peu parlé des pays.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Vous m'avez mal écouté !
    M. François Sauvadet. Ces espaces ont été créés par la loi de 1995 et confirmés par la loi dite « loi Voynet », encore que je n'apprécie guère que l'on donne des noms de ministre aux lois de la République - vous m'excuserez, monsieur le ministre.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ils ont surtout été complexifiés par la loi Voynet !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Les pays n'ont pas de moyens !
    Mme la présidente. M. Sauvadet seul a la parole.
    M. François Sauvadet. Les systèmes ont été complexifiés et je crois qu'il conviendrait de les toiletter pour définir une véritable politique de zonage. Sinon, nous n'arriverons pas à attirer de nouveaux investisseurs et de nouvelles activités.
    Pourquoi par exemple ne pas redéfinir les contenus des zones de revitalisation rurale, qui existent ?
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. En effet !
    M. François Sauvadet. Encore faut-il mettre en oeuvre une véritable politique fiscale incitative, favoriser les transmissions d'entreprises - nous avons déjà eu ce débat avec M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises - notamment dans les zones rurales fragiles. C'est un enjeu majeur.
    En tout état de cause, l'UDF est favorable à la définition d'une véritable politique de zonage dans notre pays.
    Mais il ne suffit pas de s'accorder sur le constat. Concrètement, il faut chercher à simplifier. Cela ne semble malheureusement pas être l'objectif de votre proposition de loi, monsieur Bonrepaux, puisque vous proposez de superposer des dispositifs au lieu d'essayer d'améliorer ceux qui existent. Permettez-moi un bref commentaire sur ce sujet. On a parfois, à une époque que vous connaissez bien puisque vous étiez aux affaires, affiché des ambitions. Je me souviens d'un fameux comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire présidé par M. Jospin, qui s'est tenu il y a trois ou quatre ans, au cours duquel un objectif avait été fixé, celui de la couverture des zones blanches en matière de téléphonie mobile. L'objectif était ambitieux mais sa réalisation est extrêmement complexe, vous le savez bien, monsieur le ministre.
    M. Henri Nayrou. C'est exact.
    M. François Sauvadet. Heureusement, le gouvernement actuel - et je salue l'action de M. Delevoye - a pris cette affaire au sérieux.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. L'action avait déjà été engagée !
    M. François Sauvadet. En accord avec les départements et les régions, des pylônes vont enfin être implantés pour permettre à nos concitoyens qui vivent dans des territoires non couverts d'utiliser leur téléphone mobile. C'est une bonne chose car la mobilité est également une des caractéristiques du monde rural, du moins, tel que je le connais à travers ma circonscription - 344 communes, dix-sept cantons, la moitié du département de la Côte-d'Or, lui-même le quatrième département français par la superficie. Je vois bien qu'on circule beaucoup.
    Gardons-nous, monsieur le ministre, d'afficher des objectifs, certes sympathiques, mais qui ne pourraient par se concrétiser dans les territoires. Fixons-nous des objectifs réalisables et tenons-les, en associant tous les interlocuteurs sur le terrain. Il faut que les habitants aient le sentiment que les choses bougent, qu'elles changent. Rien n'est pire que le sentiment de désespérance et d'abandon qui règne actuellement dans nos campagnes.
    M. Pierre Morel-A-l'Huissier. Tout à fait !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous sommes d'accord !
    M. François Sauvadet. Forcément, puisque nous le vivons tous ici.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Et ce sentiment s'aggrave !
    M. François Sauvadet. Non, monsieur Bonrepaux. Vous oubliez, en outre, que vous avez une part de responsabilité en la matière.
    Mme la présidente. Continuez, monsieur Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Je voudrais enfin aborder la question que vous n'avez fait qu'évoquer, monsieur Bonrepaux, mais qui vous préoccupe certainement, celle des services au public.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. On n'arrive plus à les financer !
    M. François Sauvadet. Je pense à l'éducation, à la formation - vous avez parlé du télétravail -, à la gendarmerie, à la sécurité, à tous ces services qui touchent les habitants de nos territoires ruraux dans leur vie quotidienne. On pourrait imaginer, dans l'esprit des maisons de services qui existent déjà, des lieux dans lesquels les habitants pourraient trouver l'ensemble des services qui leur sont nécessaires. Mais il faudrait préalablement mener une vraie réflexion et surtout, parce c'est un des enjeux du développement rural, faire en sorte que les postes ouverts soient pourvus. Je suis stupéfait - je m'en suis d'ailleurs entretenu avec M. Delevoye - de constater qu'on n'arrive pas à obtenir des agents publics ou des personnels des entreprises nationales qui assument des missions de service public qu'ils viennent tout simplement occuper les postes ouverts dans nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je pourrais citer beaucoup d'exemples.
    Une des premières obligations du personnel au service du public n'est-elle pas tout simplement de prendre ses fonctions où que ce soit dans le territoire ? N'est-ce pas là la noblesse de cette mission ? Sans doute faudrait-il, dans le même temps, offrir des perspectives de carrière à tous ceux qui choisissent de venir dans les territoires ruraux. Après tout, ce sont des territoires modernes, des territoires d'avenir parce que l'environnement, la qualité de vie, toutes ces préoccupations nouvelles de nos compatriotes, y sont mieux pris en compte.
    M. Henri Nayrou. Et c'est sans doute en ne remplaçant qu'un fonctionnaire sur deux qu'on y arrivera !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ou en fermant les écoles !
    M. François Sauvadet. Si ça marchait si bien auparavant, vous seriez encore aux commandes ! (« Eh ! oui » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    M. François Sauvadet. Si vous avez été renvoyés, c'est sans doute que les Français n'ont pas bien compris ce que vous faisiez.
    S'il faut maîtriser la dépense publique, c'est certain, il faut, dans le même temps, faire jouer la solidarité. Les territoires ruraux ne doivent pas continuer à être déshabillés, comme on a pu l'observer pendant les cinq dernières années où vous étiez au pouvoir.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Tout à fait !
    M. François Sauvadet. M. Balladur avait eu la bonne idée de proposer un moratoire pour laisser le temps de réfléchir - il n'était question ni de geler, ni de fossiliser la situation - à une réorganisation des services au public pour tenir compte des mouvements de population sur le territoire. La gestion des personnels relevant des entreprises publiques ou qui remplissent des missions de service public doit être revue. Les personnels doivent avoir des perspectives d'avenir aussi à la campagne. Aujourd'hui, vous le savez bien, on vous envoie à la campagne pour commencer votre carrière comme si c'était un purgatoire, de sorte que chacun n'a qu'une hâte : retourner vers la ville pour faire enfin carrière. Il serait bien que cela change. En tout cas, nous sommes, dans la majorité, résolus à essayer.
    Cette proposition de loi, monsieur Bonrepeaux, je la prends comme une contribution.
    M. Henri Nayrou. Vous êtes bien dédaigneux !
    M. François Sauvadet. Il est trop tôt pour l'adopter. M. le ministre, nous-mêmes en avons pris connaissance. Certains de ses aspects méritent d'être discutés, d'autres seront sans doute consensuels. Mais l'aménagement du territoire ne se paie pas de mots, de politique politicienne, de « coups ». Il ne s'agit pas de tout faire pour pouvoir dire : « Voyez, on s'y intéresse avant les autres. » Il faudra, en cette matière, faire preuve d'audace, d'ambition, et prévoir des moyens financiers en conséquence.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !
    M. François Sauvadet. Des redéploiements seront nécessaires.
    M. Michel Piron. Voilà !
    M. François Sauvadet. Il faut explorer toutes ces pistes pour nous permettre de proposer une loi qui puisse faire sentir ses effets sur nos concitoyens. C'est la meilleure façon de faire baisser le nombre de ceux qui désespèrent de la politique, et c'est bien là notre rôle. En tout cas, l'UDF veut contribuer à cette réflexion.
    Naturellement, monsieur Ollier, nous suivrons votre proposition.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci, monsieur Sauvadet !
    M. François Sauvadet. En conclusion, j'ai envie de demander à M. Bonrepeaux pourquoi il n'a pas déposé sa proposition de la loi plus tôt, mais peut-être nous l'expliquera-t-il tout à l'heure. Les socialistes avaient cinq ans pour l'appliquer. Je l'invite donc à faire preuve d'un peu d'humilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis maintenant des décennies, le monde rural est confronté à la question de son développement.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. A l'idéologie surtout !
    M. André Chassaigne. L'exode rural a marqué la fin d'une économie articulée autour des seules activités agricoles. Parce que les acteurs politiques, économiques et sociaux ont globalement échoué à maîtriser cette mutation et à concevoir un développement économique nouveau, nous avons assisté, impuissants, à la désertification de nos territoires, au départ des hommes et des activités.
    Sans doute est-il grand temps de trouver des réponses pour organiser la revitalisation de l'économie rurale. Je tiens donc à remercier, au nom de mon groupe, Augustin Bonrepaux et ses collègues du groupe socialiste de nous donner l'occasion de débattre sur ce problème qui nous tient particulièrement à coeur.
    Pour engager une politique nouvelle, il importe de bien mesurer l'état de la situation. Certes, le monde rural a, apparemment, stoppé la spirale du déclin démographique. Le taux de croissance des communes rurales est aujourd'hui supérieur à celui des communes urbaines. Mais cette évolution ne doit pas masquer les fractures nouvelles qui apparaissent au sein même des espaces ruraux entre les communes situées à la proximité des grandes agglomérations qui sont bien desservies par les moyens de transport et les zones rurales isolées, qui n'ont pas encore réussi à stopper le mouvement de désertification.
    Mais surtout, ces mutations démographiques ne doivent pas nous donner l'illusion que la question de la revitalisation rurale serait sur le point d'être résolue. En fait, les espaces péri-urbains ne sont que l'extension des agglomérations. Ils ne sont que le résultat des mutations urbaines. Les mouvements pendulaires entre ces espaces et les lieux de travail situés en ville sont la preuve que ces espaces péri-urbains restent confrontés, comme les espaces ruraux isolés, à la question du dynamisme de la vie économique et sociale, et qu'ils ne parviennent toujours pas, eux non plus, à concevoir un développement qui soit autonome.
    Le débat que nous avons aujourd'hui permet de poser les bonnes questions : comment le monde rural peut-il organiser son propre développement, indépendamment de celui des villes ?
    Cette question est aujourd'hui d'autant plus pertinente qu'il existe une demande sociale réelle à vivre dans des espaces ruraux. Or cette revendication d'une meilleure qualité de vie ne trouve pas encore de débouchés, faute de services publics, commerciaux, culturels et technologiques à la hauteur des besoins, mais aussi et surtout en raison de la faiblesse de l'activité économique rurale.
    La revitalisation de l'économie rurale suppose donc, d'abord, de lever les obstacles à ce développement. Il faut pour cela poser la question de l'égalité des chances entre les territoires. La proposition de loi défend l'idée d'une discrimination positive en faveur de tous les territoires fragilisés. L'idée est pertinente mais il faut en premier lieu que soit garantie une simple égalité de droits.
    En effet, bien que proclamée par les textes qui régissent le fonctionnement de notre République, cette égalité des droits reste largement fictive. Nos territoires ruraux ne bénéficient pas, et de moins en moins, des mêmes services que les zones urbaines. Cette inégalité grandissante d'accès aux services publics et privés s'aggrave fortement aujourd'hui avec la fermeture de succursales de la Banque de France, de perceptions, de bureaux de poste, de services hospitaliers, mais aussi avec le défaut de couverture de nos territoires en réseaux de téléphonie mobile, avec les conséquences que cela a notamment sur le tourisme, et en équipement en Internet haut débit.
    La desserte des territoires ruraux en infrastructures de communication et de transport constitue de fait un réel problème. Elle est une source d'inégalités fondamentales, que la politique mise en oeuvre par le Gouvernement ne tend pas à résoudre. Le dernier rapport d'audit sur les infrastructures routières et ferroviaires est à cet égard très inquiétant. Le compte rendu du dernier CIADT de décembre 2002 était, certes, plein de belles promesses. Mais la politique menée depuis ne répond pas aux objectifs de revitalisation annoncés à grand renfort de publicité.
    Ainsi l'Etat laisse-t-il France Télécom abandonner les unes après les autres les missions de service public que cette entreprise pouvait rendre il y a encore quelques années. On nous promet le haut débit pour tous en 2007. Mais la couverture de nos territoires en téléphonie mobile ne s'est pas améliorée depuis un an malgré de nombreux effets d'annonce. Et l'Etat refuse d'exiger des entreprises de télécommunication un équipement digne de ce nom dans les zones rurales, sous prétexte que ce sont des entreprises privées. Cela prouve qu'il ne fallait ni privatiser ni ouvrir ce marché. Tout ce que le Gouvernement propose pour améliorer cette couverture haut débit et de téléphonie mobile est de permettre aux collectivités locales de prendre acte de la défaillance du marché et de leur demander de mettre la main à la poche et d'exercer elles-mêmes ces fonctions d'opérateur. Bref, ce sera aux collectivités rurales, en déclin économique, de payer cet équipement.
    Permettez-moi de contester cette conception méprisable du service public qui accepte de voir privatiser les profits réalisés dans les agglomérations et qui socialise les pertes d'exploitation en zone rurale.
    M. Henri Nayrou. Très bien !
    M. André Chassaigne. Un autre obstacle au développement de l'économie rurale est la faiblesse de ses ressources financières. Pour les communes, les bases fiscales restent très faibles, notamment en ce qui concerne la taxe professionnelle. Quant aux institutions privées de crédit, elles se sont depuis longtemps détournées de leur responsabilité en matière de développement local de long terme ; elles ont préféré se tourner vers les seules activités financières de court terme plutôt que de financer les projets d'investissement des entreprises.
    Il est évident qu'aucun développement réel du monde rural ne sera possible tant que toutes ces entraves n'auront pas été levées. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui avance des pistes de réflexion intéressantes pour résoudre ces problèmes. Il nous paraît donc important que notre assemblée puisse prendre le temps de l'examiner attentivement, article par article.
    La proposition de loi du groupe socialiste propose en effet d'instituer des zones franches rurales. Cette proposition est intéressante, mais il faut être prudent. En effet, elle ne doit pas sous-entendre que les impôts constitueraient, par définition, un problème et seraient, par nature, trop élevés.
    Gardons à l'esprit que l'impôt est un symbole de la mutualisation des richesses et donc de la capacité des sociétés à répondre collectivement aux problèmes auxquelles elles sont confrontées ; la question fiscale doit ainsi, selon nous, être davantage abordée du point de vue de la justice fiscale que du niveau global d'imposition. En outre, la constitution de zones franches ne doit pas nous faire sous-estimer voire occulter l'importance d'autres contraintes au développement, souvent plus décisives que les impôts.
    En revanche, le renforcement des mécanismes de péréquation de la dotation globale de fonctionnement en faveur de communes rurales isolées prévu par la proposition serait déterminant. L'adoption d'une telle mesure exprimerait l'attachement que notre assemblée porte à l'idée de solidarité nationale.
    Surtout, ce débat offre l'occasion de présenter des propositions complémentaires pour le développement durable de l'économie rurale.
    Ce développement exige dans un premier temps de poursuivre l'équipement de nos territoires pour en faciliter l'accès et pour leur donner toutes les chances de profiter des mutations nouvelles de nos économies. Il convient en conséquence d'obliger les opérateurs de téléphonie mobile à assurer la couverture de tout notre territoire, c'est-à-dire de leur faire assurer ces missions de service public, malheureusement délaissées depuis la déréglementation du marché des télécommunications.
    Une décision similaire devrait être prise rapidement pour ce qui concerne la couverture de notre territoire en Internet haut débit. Comme l'idée de solidarité nationale est absente des stratégies de tous ces opérateurs, plus intéressés par les campagnes boursières que par le sort de nos campagnes, nous devons poser la question de la réorganisation publique de ce secteur. Car, sans ces infrastructures, le développement du télétravail et des entreprises en zone rurale ne pourra rester qu'un voeu pieu.
    Les problématiques fiscales et la question des infrastructures doivent permettre de définir un environnement favorable à la revitalisation de l'économie rurale. Mais un environnement favorable au développement économique ne suffira pas.
    Il est, en effet essentiel de s'interroger sur les moyens donnés aux acteurs locaux pour leur permettre de profiter d'un environnement favorable et donc de concevoir un développement effectif. Il reste difficile aujourd'hui de trouver les sources de financement des projets élaborés dans nos territoires. Les établissements bancaires exigent des taux d'intérêt souvent prohibitifs ; ils ne sont plus également en mesure de soutenir des projets de long terme, leur horizon temporel étant limité aux évolutions du CAC 40. Cette stratégie « court-termiste », dangereuse pour toute notre économie, étouffe tous les projets de développement en zone rurale.
    C'est pour résoudre cette difficulté qu'il est nécessaire de constituer un pôle financier public, qui soit soustrait de la domination des marchés boursiers, ancré dans les territoires et compétent pour financer la réalisation de projets favorables à l'emploi, à travers notamment des crédits sélectifs, à taux d'intérêt réduit et de long terme.
    Cette démarche supposerait notamment de s'appuyer, monsieur le ministre, sur un réseau local de succursales de la Banque de France renforcé et sur un réseau de caisses d'épargne dont la vocation publique serait réaffirmée.
    Ces institutions financières seraient chargées de financer des projets de développement durable, définis et imaginés par les acteurs locaux eux-mêmes.
    Le marché ne sortira pas le monde rural du sous-développement. Le dévouement et les efforts des élus locaux, des syndicats, des associations, des chambres d'agriculture et de métiers pourraient, eux, avec le soutien d'institutions financières solides, réussir ce pari du développement et de l'emploi.
    Notre assemblée peut dès aujourd'hui affirmer sa volonté de donner aux territoires ruraux de ce pays un maximum de chances de se développer. Car alors que le dynamisme de l'économie rurale reposera toujours, en grande partie, sur une agriculture familiale et durable, la promotion de nouvelles activités est aujourd'hui fondamentale. Ainsi, contrairement aux conclusions du président de la commission des affaires économiques,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je le regrette !
    M. André Chassaigne. ... il paraît important au groupe des député-e-s communistes et républicains que nous puissions discuter de la proposition de loi. Ce débat pourrait constituer un bon préambule, voire un allégement au projet de loi sur les affaires rurales, dont l'opposition attend toujours le dépôt. Cette loi en devenir est comme l'Arlésienne : on en parle beaucoup, mais on l'attend longtemps, à moins qu'elle ne peine, comme le sac fourre-tout du colporteur, à se remplir de bric et de broc. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Soulier.
    M. Frédéric Soulier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui a fait l'objet d'une discussion en commission des affaires économiques le 7 mai dernier.
    Cette proposition est censée pallier les difficultés structurelles de certaines zones rurales affectées par la désertification démographique et le recul du développement économique, ce qui induit pour ces territoires une perte d'attractivité majeure.
    Si le constat concernant les territoires ruraux structurellement en difficulté est unanime, comment ne pas être d'accord sur leur revitalisation et leur redynamisation ?
    La réponse apportée par la proposition de loi de M. Bonrepaux et ses collègues socialistes est à la fois inapplicable en l'état et irréaliste dans son principe.
    Elle est inapplicable en l'état du fait de l'impossibilité de mettre en zonage des territoires qui seraient définis par des critères aussi imprécis et fluctuants et qu'il ne serait donc pas possible de classer en périmètres. Il est impossible de mettre toute la France en zonage !
    Le texte est irréaliste dans son principe car il ne propose aucune vision d'ensemble ou d'envergure pour les territoires ruraux, se bornant pour l'essentiel à des effets d'aubaine.
    Le PARI, le périmètre d'aménagement rural incitatif, ne fait que transposer en zones rurales les mécanismes d'incitation constatés en zones franches urbaines.
    Permettez-moi de vous faire part de ma surprise car la proposition de loi n'est en fait qu'un plagiat de dispositifs et elle part de l'idée extrêmement simpliste qu'une approche équilibrée de l'aménagement du territoire,...
    M. André Chassaigne. C'est sympathique !
    M. Frédéric Soulier. ... qui implique d'aider les zones en difficulté, qu'elles soient urbaines ou rurales, passe par des mécanismes d'incitation identiques alors que les problèmes ruraux sont spécifiques et qu'ils appellent souvent des réponses au cas par cas, parfois tributaires de la géographie locale.
    Votre proposition, chers collègues socialistes, est un simple affichage, en contradiction lisible avec la politique désastreuse pratiquée par le précédent gouvernement, qui n'a cessé d'opposer le monde rural au monde urbain et de dévitaliser les territoires ruraux par des réductions drastiques des primes à l'aménagement du territoire. D'ailleurs, M. Brottes, membre de la commission des affaires économiques, a reconnu, s'exprimant au nom du groupe socialiste, que la précédente majorité n'avait sans doute pas traité le problème de la ruralité d'une manière irréprochable. Il n'y a effectivement aucun doute à ce sujet. Le précédent gouvernement avait pour pratique de multiplier les annonces non suivies d'effets, notamment à l'occasion des comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Je ne partage pas, monsieur Bonrepaux, votre analyse quand vous affirmez que « la création de zones franches urbaines va à l'encontre d'une volonté de développement équilibré de tous les territoires ». Les problématiques des zones franches urbaines ne sont bien évidemment pas les mêmes que celles des zones rurales et insérer la notion de choix en faveur d'un espace par rapport à un autre dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire me paraît très hasardeux. J'oserai même dire que cela ne me semble pas sérieux.
    Vous parlez dans votre proposition de loi de ruralité, sans avoir cité, sauf ce matin et je vous en remercie, ceux qui sont en premier lieu concernés : les ruraux.
    Par ailleurs, où est le monde agricole dans votre approche de la ruralité ?
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il n'y a pas que lui !
    M. Frédéric Soulier. Vous ne citez pas les agriculteurs, qui sont les acteurs économiques majeurs de ces territoires...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très juste !
    M. Frédéric Soulier. ... et qui, permettez-moi de vous le rappeler, assurent 23 % de la production agricole de l'Europe.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il n'y a pas qu'eux !
    M. Frédéric Soulier. Votre proposition est axée sur un développement équilibré du territoire, ce qui est tout à fait louable, mais ce n'est pas nouveau. Il aurait été plus opportun de donner une dimension plus large à votre projet, notamment en inscrivant ces territoires dans une logique européenne. Nous ne sommes pas franco-français, nous ne sommes pas dans l'Hexagone : nous sommes dans une Europe qui est elle-même en mouvement. Nous changeons de vision et l'aménagement du territoire sous l'angle traditionnel, tel qu'il ressort de votre proposition de loi, n'est pas suffisant pour créer et recréer une dynamique.
    Cette proposition de loi appelle en conséquence les plus expresses réserves.
    En premier lieu, s'agissant de la création d'avantages fiscaux nouveaux dans le cadre d'un nouveau zonage, la création du niveau supplémentaire que constituerait le PARI aurait pour principal effet d'aboutir à une complexité de l'environnement fiscal des entreprises jamais atteinte, notamment en raison des pertes de lisibilité et de stabilité de la législation en matière de création d'entreprise.
    Le dispositif semble au surplus d'une mise en oeuvre très délicate, dans la mesure où il reposerait sur l'actualisation régulière de caractéristiques économiques et sociales et d'un indice synthétique fluctuant. Ainsi que je l'ai dit en commission, la définition imprécise des critères de zonage ne donne aucune lisibilité de l'importance territoriale, et donc financière, du dispositif envisagé.
    L'un des critères de définition des nouveaux périmètres reposerait sur des données statistiques non disponibles, celles concernant le PIB par habitant au niveau communal, alors que l'INSEE ne fournit aujourd'hui cette référence qu'au niveau régional.
    Le nouveau dispositif du PARI juxtapose des périmètres à ceux qui existent déjà, tels que les ZRR, dont le président de la commission des affaires économiques est à l'origine. La création d'un nouveau zonage devrait au moins s'accompagner de la suppression du zonage existant.
    Quelle est la valeur ajoutée de ce nouveau dispositif et quel est l'intérêt d'un nouveau périmètre sur le plan administratif ? De toute évidence, il ne s'agit ni d'une action, ni d'une ambition, ni d'une vision : il s'agit davantage d'une démarche technocratique, éloignée des intérêts des populations.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Vous avez raison !
    M. Frédéric Soulier. En deuxième lieu, les exonérations fiscales appliquées au PARI seraient une solution hâtive et coûteuse si elles étaient calquées sur les zones franches urbaines. Ces dernières ont en effet été définies avant tout sur des critères sociaux tels qu'une densité de population importante ou un taux d'échec scolaire élevé. Il n'a pas été jugé opportun d'étendre aux zones rurales les avantages spécifiques accordées aux zones franches urbaines.
    La mesure n'est pas non plus opportune sur les plans budgétaire et juridique.
    Le développement des mécanimes de compensation ne va pas dans les sens des dispositions de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, selon laquelle les recettes fiscales et autres ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter pour chaque catégorie de collectivités une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. A cet égard, je dénonce la légèreté des propos tenus en commission, selon lesquels les mesures proposées dans votre proposition de loi ne coûteraient rien alors qu'il est évident qu'il faudra bien chiffrer, évaluer, budgétiser et financer.
    Mais vous me répondrez qu'il s'agit là d'une tradition très socialiste : vous faites des lois sans penser réellement à leur financement, qu'il s'agisse des 35 heures ou de l'APA, et c'est à nous de trouver les crédits. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et, dans le cas de l'APA, de tout démolir !
    M. Frédéric Soulier. La dynamisation des territoires ruraux, c'est aussi la transmission des entreprises, des exploitations agricoles qui existent déjà. Les dispositifs inscrits dans la loi Dutreil confortent cette orientation par une réduction notable de la fiscalité sur la transmission d'entreprises. Je ne citerai que le taux de taxation sur les plus-values de cession, qui est passé de 26 % à 0 %, l'exonération des droits de mutation pour les dons aux salariés, dans la limite de 300 000 euros de valeur des actifs donnés, l'encouragement de la transmission anticipée d'entreprise pour que celle-ci soit mieux préparée, et la réduction d'impôts en cas de reprise financée par un prêt.
    Ces mesures sont concrètes et démontrent la volonté du Gouvernement de donner un sens et des moyens aux actions. Là, nous ne sommes pas dans un cadre idéologique ou théorique, contrairement à celui de votre projet de loi.
    En troisième lieu, en ce qui concerne les réductions d'impôts à hauteur de 50 %, plusieurs mesures fiscales d'application générale actuellement en vigueur sont de nature à répondre aux objectifs poursuivis par la proposition de loi.
    Pour ce qui concerne la réduction de moitié de la valeur locative des installations situées dans le PARI et destinées à promouvoir le télétravail, la proposition de loi prévoit d'étendre le champ de cette réduction aux équipements exigés par le télétravail. Cette disposition représente un inconvénient budgétaire majeur. En effet, les réductions de valeur locative ne sont actuellement pas compensées. A titre complémentaire, il convient de vérifier que l'ensemble des mesures proposées soit compatible avec les règles communautaires en matière d'aides d'Etat.
    Enfin, votre proposition de loi ne met pas en exergue la nécessité du développement de partenariats avec les conseils généraux qui, dans le cadre de leurs projets départementaux, définissent aussi les bases durables de l'aménagement du territoire. A cet égard, je pense notamment aux arguments que vous avez avancés en faveur du télétravail et à votre souhait de voir se réduire la fracture numérique. Mais je déplore que les engagements pris sur ce dernier point par M. Jospin lors du CIADT de Limoges...
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. En vain !
    M. Frédéric Soulier. ... en ce qui concerne l'accès des territoires aux réseaux de haut débit et de téléphonie mobile, lequel est devenu une priorité du Gouvernement, soient pour la plupart restés lettre morte.
    M. André Chassaigne. Qu'avez-vous fait depuis un an ?
    M. Frédéric Soulier. C'est entre autres le cas en Corrèze, où développement territorial et nouvelles technologies sont complémentaires, qu'il s'agisse du télétravail ou de la téléphonie mobile. Le département de la Corrèze, présidé par mon collègue Jean-Pierre Dupont, est actif en matière d'amélioration de couverture en téléphonie mobile. L'expérience corrézienne a aussi inspiré une réflexion nationale puisque deux comités interministériels d'aménagement du territoire se sont penchés sur cette problématique de la couverture des départements ruraux.
    Je vous rappelle que, lors du CIADT du 13 décembre 2002, il a été décidé d'engager une remise à plat des zonages économiques ruraux afin d'améliorer leur efficacité.
    Il est donc nécessaire de connaître les effets des dispositifs précédents avant d'en créer de nouveaux. Sur ce plan, votre proposition de loi me paraît prématurée par rapport à l'évaluation en cours comme par rapport aux chantiers de la décentralisation et à l'organisation des transferts de compétences. Les territoires ruraux méritent une approche exhaustive que je ne perçois pas dans votre texte. C'est par contre l'ambition du projet de loi d'Hervé Gaymard, qui nous a rappelé tout à l'heure les dispositifs qu'il pensait appliquer.
    Contrairement à votre proposition, ces dispositifs s'attachent aux préoccupations les plus concrètes du monde rural : lever les obstacles économiques propres à l'espace rural, favoriser les partenariats, la pluriactivité et la diversification des activités, encourager la diversification des territoires les plus isolés, préserver et mettre en valeur le patrimoine naturel et bâti, favoriser l'accès équitable des services aux publics.
    C'est le projet du Président Jacques Chirac. Celui-ci, alors candidat à l'élection présidentielle, était venu, le 13 avril 2002, à Ussel, et M. le ministre s'en souvient bien, présenter son projet pour le monde rural : « Promouvoir une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte, favoriser l'accueil des familles et la présence des services publics, encourager le développement économique des territoires, respecter les particularités et les modes de vie du monde rural », tels sont les objectifs fixés par et pour une nouvelle politique en faveur de la France rurale.
    Monsieur Bonrepaux, je vous remercie de votre contribution qui, bien que partielle, vient nourrir le débat.
    Le groupe de l'Union pour un mouvement populaire votera cependant contre le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. « Le moment est venu pour l'Etat de définir une politique nouvelle en faveur du monde rural et d'engager une nouvelle dynamique au profit des territoires ruraux, reposant sur la création d'activités nouvelles, encouragées par des mécanismes d'exonération ou d'allégement de charges, et par une meilleure mobilisation des fonds communautaires. »
    De qui est cette phrase ? C'est une phrase, monsieur le ministre de l'agriculture, que vous avez prononcée à l'issue du conseil des ministres du 20 novembre 2002 et que notre collègue Augustin Bonrepaux veut aujourd'hui simplement mettre en application.
    La proposition de loi de M. Bonrepaux doit recueillir un large consensus sur tous les bancs de l'Assemblée puisqu'elle n'a qu'un seul objectif : revitaliser l'économie rurale et appliquer une politique de discrimination positive, permettant de donner plus à ceux qui ont moins, afin de rattraper le retard pris en définissant ainsi une véritable politique d'aménagement du territoire.
    Depuis des décennies, bon nombre de dispositifs ont vu le jour. Force est de constater qu'aucun, émanant de gouvernements de droite ou de gauche, n'a apporté une totale satisfaction en répondant aux problèmes qui sont ici posés.
    Nous faisons tous le même constat. Il est alors inutile d'attendre : il nous appartient d'agir.
    Ce qui nous est proposé ce jour est d'instituer le « pendant » rural de ce qui a été créé dans les zones urbaines sensibles, à savoir des périmètres bien ciblés sur la base de critères de densité de population, de taux de suppression d'emplois, de produit intérieur brut par habitant, de potentiel fiscal.
    Ces zones « PARI » permettront aux entreprises de bénéficier d'incitations fiscales, d'exonérations d'impôts, de cotisations patronales, ainsi que d'autres mesures liées à l'imposition des bénéfices des entreprises, pour les dépenses liées au télétravail, par exemple.
    Dans les quartiers urbains sensibles, le Gouvernement, votre gouvernement, a estimé que les résultats étaient positifs puisque le ministre délégué de la ville, Jean-Louis Borloo, a décidé d'étendre à quarante et une autres zones ces mesures incitatives pour le développement économique des quartiers.
    Ce qui a fonctionné dans l'urbain doit être au moins expérimenté dans le rural.
    Dotons-nous dès aujourd'hui de ces mesures de discrimination positive tant attendues. C'est d'autant plus urgent que le chômage ne cesse de s'aggraver, mettant plus en péril encore nos zones rurales.
    Il est bien évident que la fermeture d'un site industriel comme celui de Pechiney dans l'Ariège - 283 emplois en moins -, ou comme celui du GIAT à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées - 642 emplois en moins - n'a pas la même incidence sur le tissu économique, commercial et des services qu'une fermeture du même ordre survenant dans nos capitales régionales.
    J'observe à ce sujet que le Gouvernement donne un bien mauvais exemple en ne tenant pas compte des critères d'aménagement du territoire lorsqu'il procède à la restructuration du GIAT : de grands centres sont préservés, au détriment d'autres sites.
    De même, il n'honore pas davantage ses engagements en gelant 30 %, et peut-être plus, des autorisations de programme concernant les opérations structurantes routières du contrat de plan Midi-Pyrénées, qui désenclavaient nos vallées. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Oui, 30 %, mes chers collègues !
    La question de la solidarité entre les territoires se pose aujourd'hui avec une acuité particulière du fait de la relance du processus de décentralisation. La crainte existe qu'une plus grande autonomie des collectivités en termes de compétences ne se traduise par de fortes disparités territoriales eu égard à la non-répartition des richesses.
    M. Pierre Forgues. C'est vrai !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Une péréquation est indispensable. Encore faudra-t-il s'entendre sur ses critères.
    Est-il utile de rappeler à cette tribune que quatre régions françaises concentrent à elles seules plus de la moitié de la création et de la richesse nationale ?
    Au niveau infrarégional, les disparités se sont elles aussi aggravées, comme dans la région Midi-Pyrénées où Toulouse concentre les richesses au détriment des départements ruraux, tels que ceux des Hautes-Pyrénées, du Gers ou de l'Ariège.
    L'Etat, qui est le garant de l'unité nationale et qui a une responsabilité majeure dans la politique d'aménagement du territoire, doit aussi concentrer ses efforts sur les zones rurales fragiles, à moins de courir le risque de voir se creuser davantage la fracture entre territoires ruraux et urbains.
    Le développement des nouvelles technologies d'information et de communication, et en particulier de l'internet à haut débit, est révélateur des inégalités territoriales.
    En l'absence de soutien de l'Etat, qu'observe-t-on ? Laissé à la seule dynamique du marché, l'essor du haut débit accentue le fossé entre des villes et des agglomérations largement desservies en réseaux haut débit et des zones rurales quelque peu à l'écart. Le développement des réseaux renforce paradoxalement la logique de concentration des activités dans les zones les plus « rentables » et les plus développées de nos agglomérations.
    A l'inverse, la situation économique tend à se dégrader dans les zones rurales, frappées aussi par la restructuration des services publics qui entraîne la suppression d'un grand nombre de services de proximité comme l'école, la Poste, EDF-GDF ou les services de santé. Le principe d'égalité des citoyens devant le service public ne résiste pas longtemps à une approche purement comptable et financière. Pourtant, il est la condition incontournable de l'équité territoriale et un élément déterminant de l'attractivité de nos territoires.
    Cette proposition de loi a le mérite de tenter d'enrayer la crise que traverse le monde rural, en fixant comme objectif prioritaire le maintien de l'emploi et de l'attractivité économique et le soutien aux services publics, piliers de la cohésion sociale du territoire.
    L'enjeu du développement des territoires ruraux réside aussi dans l'affirmation d'une modernité dont ils ne sauraient être exclus. J'invite donc notre assemblée à ne pas faire de politique politicienne. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage : on accuse donc cette proposition de loi de tous les maux. Il me semblerait plus salutaire de nous rassembler afin de travailler sur ce texte qui ne peut qu'aider au développement du monde rural. Il y a urgence, mes chers collègues ! Le monde rural ne saurait attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je serai peut-être un peu impulsif, excessif, passionné : ce sujet me tient à coeur. Si j'ai souhaité m'exprimer aujourd'hui devant vous, c'est avant tout parce que nous allons parler enfin dans cet hémicycle de ruralité. Cette niche parlementaire a, à mes yeux, ce seul mérite car, sur le fond, la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux,...
    Mme Catherine Génisson. Est très bonne !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. ... vient comme un cheveu sur la soupe...
    M. Pierre Forgues. Et la soupe est bonne !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. ... et ne saurait apporter une réponse adaptée aux nombreuses et diverses problématiques de la ruralité. C'est à la fois ni fait ni à faire.
    Monsieur le rapporteur, vous avez tenté un coup, malheureusement un coup politico-politicien, et, pour reprendre votre formule, tenté un « pari » audacieux, souhaitant peut-être vous refaire, vous et vos amis, une virginité dans un domaine où vous avez péché par abstention. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et si vous n'avez pas fait une telle proposition ces vingt dernières années, vous qui êtes élu depuis juin 1981, c'est sans doute par peur de ne pas être suivi par la majorité de gauche.
    Cela me conduit tout naturellement à faire une rapide rétrospective de ces vingt dernières années, marquées par l'absence de toute grande loi d'aménagement du territoire, à l'exception de la loi Pasqua de 1995.
    Soulignons d'abord que l'idéologie socialiste a constamment ignoré la ruralité et l'espace au profit de l'urbain, des villes, des agglomérations et des quartiers.
    M. Daniel Prévost. Exact !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Les politiques nationales d'aménagement du territoire n'étaient pas une priorité. Les gouvernements successifs les ont diluées dans la bureaucratie et la complexité juridique et administrative,...
    M. Jean-Claude Perez. N'importe quoi !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. ... ainsi qu'à travers une baisse drastique des crédits de l'Etat. Et je ne parle pas de leur foi inébranlable dans le sacro-saint principe que les crédits doivent être distribués en fonction du nombre d'habitants et non de critères liés à l'espace, ce qui est la négation même de toute politique d'aménagement du territoire.
    Les exemples en ce domaine ne manquent pas. La loi montagne de 1985 a constitué un véritable carcan juridique. Quant au plan national de développement rural par lequel devaient transiter 85 % des crédits européens, il a créé un système franco-français très complexe, en dehors du système communautaire. Résultat : 233 millions d'euros de crédits non consommés en 2000 et 295 millions d'euros repartis vers Bruxelles en 2001 avec, de surcroît, une pénalité de 23 millions d'euros pour notre pays.
    M. Daniel Prévost. C'est exact !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Autres exemples : la mise en place des CTE ; la baisse des crédits nationaux issus du FIAM, du FIDAR et du FNADT ; la suppression totale du fonds de gestion de l'espace rural doté par la loi de finances de 1995 de 500 millions de francs et réduit à néant à compter de la loi de finances de 1999 ; et la suppression scandaleuse du moratoire de 1993 sur la fermeture des écoles publiques rurales et de services publics locaux.
    En Lozère, département que je connais bien, cela a abouti à la suppression de 117 emplois publics entre 1997 et 2001 ; à la disparition de nombreuses petites écoles rurales ; à l'exclusion de Mende-centre du programme Objectif 2...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et depuis un an ?
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Souffrez de m'entendre. Cela fait mal, je le sais.
    ... l'exclusion de Mende-centre du programme Objectif 2 alors même que la Lozère avait toujours été reconnue comme laboratoire expérimental des politiques communautaires grâce à l'obtention du premier PDI en 1980 ; enfin, à la suppression scandaleuse de l'éligibilité de la Lozère à la PAT due à l'application de critères franco-français définis de manière telle que le plus petit département rural, le moins peuplé de France et présentant les handicaps les plus affirmés de la ruralité, s'est trouvé exclu du bénéfice de cette mesure.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez raison !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Comment, honnêtement, monsieur Bonrepaux, justifier une telle exclusion ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Personne ne peut la justifier, en effet !
    M. Kléber Mesquida. Votez notre loi !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je ne peux oublier, à cet égard, les propos outranciers de l'ancien délégué de la DATAR, M. Guigou, qui s'est autorisé à affirmer qu'il valait mieux aider Biarritz que Mende et qui véhiculait ici et là une conception fantasmagorique de l'aménagement du territoire, où les élus n'avaient même plus leur place. Il fallait rompre avec ce système, et c'est ce qui arrive aujourd'hui.
    M. Christian Jeanjean. Heureusement !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Voilà, monsieur Bonrepaux, tout ce que vous avez fait, vous et vos amis, contre la ruralité, et en particulier contre la Lozère, depuis 1981.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très juste !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Vous comprendrez, monsieur le rapporteur, que je vous considère aujourd'hui comme totalement disqualifié, je le dis gentiment mais fermement, pour défendre la ruralité, vous qui n'avez pas su le faire pendant vingt ans de cette idéologie socialiste, qui est la vôtre, mais qui n'est pas la mienne !
    Pendant ces années, vous avez interrompu l'émergence d'une politique nationale en faveur de la ruralité, portée par des gouvernements de droite, à compter des années soixante.
    M. Henri Nayrou. On ne vous a pas attendus !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Rappelez-vous la loi de 1967, dite de rénovation rurale, qui a créé les notions de handicap naturel et d'utilité sociale de l'agriculture de montagne.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Il y a trente-cinq ans ?
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Rappelez-vous la loi de 1972, dite loi pastorale, qui reconnaissait la spécificité des problèmes fonciers en montagne.
    Rappelez-vous la création, en 1975, de l'indemnité compensatoire des handicaps naturels, de la dotation jeunes agriculteurs, de la prime au ramassage du lait et de divers soutiens au commerce et à l'artisanat.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Vos exemples datent un peu !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. C'est qu'il y a eu vingt ans de pratique socialiste !
    Rappelez-vous plus récemment, la grande loi d'aménagement du territoire, dite loi Pasqua, malheureusement détricotée par la loi Voynet.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Il n'y avait rien dans la loi Pasqua.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Le résultat est là : 80 % de la population française vit sur 20 % du territoire.
    Dans le même temps, je le rappelle, avant de clore ce triste catalogue, la France a vu son PIB reculer du troisième au douzième rang européen et s'est payé le luxe, contrairement à tous les autres pays européens, de passer d'un temps de travail hebdomadaire de 39 à 35 heures.
    M. Christian Jeanjean. Très juste !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Cela dit, un mot sur votre proposition avant d'en venir à la véritable prise en compte de la ruralité par le gouvernement français.
    Monsieur Bonrepaux, croyez-vous raisonnablement que la mise en place d'un nouveau zonage, que vous appelez PARI, puisse sérieusement pallier les difficultés structurelles de certaines zones rurales ? Comment fixerez-vous ce nouveau zonage ? Sur quels critères objectifs vous fonderez-vous ? De grâce, ne revenons pas au tripatouillage que nous avons connu lors de la signature du décret sur la PAT en avril 2001 où on avait distribué une fausse carte, qui a dû ensuite être retirée.
    Comment avez-vous pu analyser l'impact des dispositifs que vous proposez, alors même que nous en sommes encore à l'évaluation des TRDP et ZRR, évaluation que vous vous êtes bien gardés de faire ? Comment avez-vous estimé le coût de ce nouveau dispositif dans le cadre global des politiques d'aménagement du territoire ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission. On se le demande !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Avant même de créer un nouveau zonage et donc de stratifier encore davantage les dispositifs, n'aurait-il pas été nécessaire de réfléchir et d'analyser l'existant, afin d'en tirer de précieux enseignements ? Comment votre texte s'articule-t-il avec le nouvel élan de la décentralisation ? Comment prend-il en compte l'intercommunalité, fortement ancrée dans la ruralité aujourd'hui ?
    M. Jean-Claude Perez. C'est une plaisanterie ?
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Quelles réflexions ont été menées sur la nécessaire conformité de ce dispositif avec le cadre communautaire, que vous semblez oublier, et son évolution à l'horizon 2006 ?
    En définitive, monsieur le rapporteur, je conteste votre vision simpliste, qui ne répond pas aux véritables problématiques du monde rural, pris dans sa diversité, l'attractivité économique de ces territoires n'étant qu'un aspect d'une réalité beaucoup plus profonde et globale.
    Enfin, cette proposition de loi, outre son effet d'aubaine, intervient trop tôt ou trop tard, à un moment où, précisément, notre pays a résolument pris en compte la diversité du monde rural à la suite du discours de Jacques Chirac à Ussel, et où le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'est doté d'un ministre aux affaires rurales. Au passage, je signale que j'ai cherché désespérément le nom d'un ministre socialiste du développement rural.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ne cherchez pas : il n'y en a pas !
    M. Kléber Mesquida. Vous êtes en pleine contradiction !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Aussi est-ce avec un certain plaisir aujourd'hui que je m'adresse au ministre des affaires rurales. J'ai bien compris que le Gouvernement avait mis en place un calendrier - c'est peut-être ce qui vous gêne, vous, monsieur Bonrepaux, et vos amis. Des parlementaires ont été envoyés en mission, un CIADT rural est prévu au mois d'août 2003 et une grande loi en faveur des affaires rurales sera présentée au dernier semestre 2003. (« Très bien » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Kléber Mesquida. On verra ça !
    M. Jean-Claude Perez. Demain, demain, toujours demain !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Oui, nous aurons la possibilité - enfin ! - d'aborder tout ce qui fait, pour nous ruraux, notre quotidien.
    Je ne doute pas un seul instant qu'à cette occasion la représentation nationale pourra ainsi faire connaître ses revendications, ses espoirs, ses desiderata, ce que votre proposition de loi bâclée ne saurait permettre, monsieur le rapporteur.
    En conclusion, permettez-moi de saluer la volonté du Président de la République, celle du Premier ministre, illustrée par son discours de politique générale où il a parlé de solidarité des territoires et, enfin, celle du Gouvernement et d'Hervé Gaymard, ministre chargé des affaires rurales, dont le cadre a été fixé dans une communication de novembre 2002.
    Monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus à Rodez, à la fois fermes et empreints de sensibilité pour la chose publique comme pour la ruralité, me rendent très serein sur la consistance du projet que vous êtes en train de rédiger et sur lequel vous avez souhaité la plus grande concertation. Mais, au-delà du ministre que vous êtes, c'est l'homme que je veux saluer aujourd'hui, celui qui fait oeuvre utile en faveur des espaces ruraux, ces espaces infiniment petits que l'idéologie socialiste a sacrifiés pendant vingt ans !
    M. Kléber Mesquida. Brosse à reluire !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Vous avez une éthique. Vous êtes animé par la volonté de faire et de bien faire dans le respect des uns et des autres. Sachez que beaucoup de collègues, dont je suis, sont là pour vous soutenir, pour vous aider et pour vous accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.
    M. Henri Nayrou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite aller au coeur du débat, ne serait-ce que pour prendre aux mots le président Ollier. Cette proposition de loi de mon collègue ariégeois, Augustin Bonrepaux, est un texte très favorable aux zones rurales que l'opposition d'hier se targuait de mieux défendre que la gauche, mais que la majorité d'aujourd'hui ne va pas voter.
    M. Jean-Claude Perez. Comme c'est curieux !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Parce qu'il n'est pas bon !
    M. Henri Nayrou. Notre PARI, comme son nom l'indique, est de démontrer aux députés ruraux de droite, notamment à M. Ollier, à la fois porte-parole de l'UMP, de ses antécédents et de sa commission (Sourires), qu'ils auraient bien tort d'empêcher la forme de ruralité la plus défavorisée de prendre le convoi de l'avenir qui passe ce matin dans l'hémicycle.
    M. Kléber Mesquida. Ce sont des arriérés !
    M. Henri Nayrou. D'abord, il y a du concret dans ce texte, monsieur le président de la commission. Des cantons qui furent, hier, victimes de l'exode rural et, aujourd'hui, de l'implacable logique des profits industriels - voyez Pechiney dans notre montagne ariégeoise - se voient proposer des mesures fortement incitatives de revitalisation.
    Ensuite, non seulement le dispositif proposé existe déjà, mais il a fait ses preuves dans le cadre des zones franches urbaine issues de la loi du 14 novembre 1996, à en croire le jugement de valeur qui suit : « Maintenir et développer des activités économiques dans les zones en grande difficulté,... »
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Oui !
    M. Henri Nayrou. « ... favoriser l'insertion professionnelle... »
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Oui !
    M. Henri Nayrou. « ... et l'emploi de leurs habitants, c'est tout l'enjeu du dispositif des zones franches urbaines que le Gouvernement vient de relancer au vu des succès enregistrés sur les quarante-quatre zones créées sur ces sites en 1996. Le bilan de ces premières zones franches urbaines est largement positif. Entre 1997 et 2001... » - j'ai bien dit entre 1997 et 2001 - « ... le nombre des entreprises installées sur ces sites est passé de 10 000 à plus de 20 000 et le nombre des emplois de 25 000 à plus de 75 000. »
    Ces mots et ces chiffres, qui se passent de commentaires, ne sortent ni de mon imagination ni d'un plaidoyer pro domo de la gauche alors au pouvoir, mais de la Lettre du Gouvernement n° 136 du 13 février 2003. C'est donc l'équipe gouvernementale en place qui tire en ces termes des enseignements particulièrement révélateurs de la législature précédente.
    M. Jean-Claude Perez. Il fallait le dire !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais c'est nous qui avons créé les zones franches !
    M. Henri Nayrou. Mesdames, messieurs les députés de la droite, vous ne pouvez pas vanter les mérites de quarante-quatre zones franches urbaines et refuser par votre vote négatif l'application immédiate des mêmes mesures en milieu rural.
    M. Jean-Claude Perez. Ils font tout et son contraire !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais elles ne sont pas adaptées au milieu rural !
    M. Henri Nayrou. Vous ne pouvez pas laisser le gouvernement que vous soutenez créer quarante et une zones franches urbaines supplémentaires sans exiger un rééquilibrage du même type dans nos cantons les plus défavorisés !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Il faut un traitement différencié ! Vous n'avez rien compris !
    M. Henri Nayrou. Vous ne pouvez pas vous féliciter de l'impact des zones de revitalisation rurale, dont je connais l'efficacité, et nous dire que la proposition de loi de M. Bonrepaux est une nouvelle usine à gaz.
    Vous ne pouvez pas davantage justifier votre refus d'adopter ce texte par des arguments dogmatiques sur les zones franches urbaines. Car, écoutez bien le balancement de ces mots : création sous Juppé, application sous Jospin, satisfaction et même multiplication sous Raffarin.
    Et là, j'ouvre une parenthèse tout à fait personnelle. Il peut, il doit y avoir débat sur le principe de la discrimination positive.
    M. Jean Le Garrec. C'est vrai !
    M. Henri Nayrou. Certes, on s'inquiète toujours des effets d'aubaine parfois éphémères ou des délocalisations sur quelques kilomètres entre les territoires éligibles et ceux qui ne le sont pas et ces craintes sont recevables. Mais ne croyez-vous pas qu'il faut savoir, quand la situation est grave, hiérarchiser les priorités ?
    Pour être clair, il faut savoir ce que l'on veut.
    Pour ma part, je suis favorable à la discrimination positive qui a conduit à relancer les travaux de logements en abaissant la TVA à 5,5 %.
    M. Kléber Mesquida et M. Jean-Claude Perez. Très bonne mesure !
    M. Henri Nayrou. Je suis favorable à une discrimination positive en faveur des zones de grande difficulté, qu'elles soient situées dans les banlieues profondes ou dans le rural éloigné.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Oui mais pas en même temps !
    M. Henri Nayrou. De telles mesures ont en effet un caractère incitatif. Il n'y a d'ailleurs pas d'alternative : il est désormais évident qu'il ne peut plus y avoir de créations d'activités et d'emplois sans l'appui d'incitations fiscales et financières comme celles du PARI de M. Bonrepaux.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est un mauvais « pari » !
    M. Henri Nayrou. Vous savez, comme moi, mesdames, messieurs les députés de la majorité, qu'en laissant le marché dicter sa loi de fer, nous transformerons nos campagnes et nos montagnes en déserts. Est-ce cette perspective que vous recherchez ? Si j'en juge par les propos que vous teniez alors que vous étiez dans l'opposition, ce n'est pas le cas.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais c'est un « pari » perdu !
    M. Henri Nayrou. Le monde rural est à nouveau porteur d'espoir et tourné vers l'avenir. Nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cet hémicycle, à estimer que la ruralité n'est plus une idée nostalgique ou passéiste, mais qu'elle redevient synonyme de développement et territoire de vie et pas seulement pendant les vacances et les week-ends.
    Mais attention, pour assurer ce renouveau, il faudra que l'Etat, garant de l'équilibre territorial, lui donne les moyens nécessaires de lutter à armes égales avec des territoires mieux pourvus par la nature mais aussi de lutter contre les rigueurs du marché.
    M. Kléber Mesquida. Pour l'instant, il épuise les crédits !
    M. Henri Nayrou. Une partie de ces moyens vous est fournie par le texte de M. Bonrepaux. Pour être crédibles quand vous retournerez dans vos circonscriptions, votez-le donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Quel bel exercice de démagogie !
    Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux d'abord dire à certains de mes collègues de la majorité qu'il y a au moins une chose que j'ai apprise pendant ces cinq dernières années, c'est qu'on peut être persuadé de faire d'excellents textes et commettre cependant quelques erreurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Quelle lucidité !
    Mme Marylise Lebranchu. A cet égard, la certitude totale affichée par notre collègue tout à l'heure m'a fait un peu peur. Attention ! En la matière les équilibres sont fragiles.
    Nous sommes confrontés à un phénomène important, dont Augustin Bonrepaux avait relevé la gravité dès l'automne. Il s'agit des licenciements massifs qui frappent tant le milieur urbain que le milieu rural.
    Vous nous accusez de précipitation, mais, face à une situation aussi délicate que celle que nous vivons aujourd'hui, si nous ne prenons pas des mesures tout de suite, les dégâts seront tels dans certains de nos cantons et pays ruraux que nous serons en dessous de la taille critique qui autorise le retour au développement économique.
    Ce n'est pas la vieille querelle ville-campagne qui est le fait générateur de cette proposition de loi présentée par Augustin Bonrepaux et que nous soutenons, ce sont les drames économiques qui touchent certains endroits de ce pays dans lequel j'ai la chance de vivre. La communauté d'agglomération à laquelle j'appartiens, par exemple, dont la petite ville-centre a moins de 20 000 habitants, vient de subir trois plans sociaux très lourds. Et les cabinets de recrutement ont beau essayer de reclasser les salariés licenciés dans ce milieu rural, comme le prévoit la loi - j'espère que cela ne sera pas remis en question -, il n'y a pas d'entreprise pour les accueillir. Mon collègue du Sud-Finistère sait très bien de quoi je parle puisque, pour le premier plan social du mois de juillet, nous en sommes aujourd'hui à moins de 10 % de reclassement. Ce sont ces situations dramatiques qui ont amené Augustin Bonrepaux à réagir.
    En outre, nous entrons dans une ère où la production de masse est derrière nous. Nous connaissons un développement économique à haute valeur ajoutée et, dans ce contexte, le milieu rural a toutes ses chances, mais il lui manque ce petit plus qui lui permettrait d'être attractif. Il y a quinze jours exactement, une entreprise de vingt-cinq salariés - c'est peu pour le milieu urbain, mais cela peut être fondamental pour le milieu rural -...
    M. Henri Nayrou. Vital !
    Mme Marylise Lebranchu. ... a préféré s'installer en milieu urbain plutôt qu'en milieu rural essentiellement pour des raisons de services. Dans le même temps, on supprime quarante-deux postes à Bercy et, dans mon département, il n'y a plus que deux personnes pour s'occuper des budgets de vingt communes, de quatre syndicats et d'une intercommunalité. Le problème du télétravail va se poser à l'administration. Nous n'avons pas le haut débit, par exemple. Si nous l'avions eu, la petite entreprise dont j'ai parlé se serait installée en milieu rural. En période de dépression économique, il est urgent de préserver toutes les activités qui peuvent l'être. Lorsque vous entendez les responsables d'une petite entreprise textile installée non loin de Landerneau, dans un canton rural, vous expliquer qu'elle va devoir déménager parce qu'elle commerce avec Singapour - formidable ! - pour des produits à haute valeur ajoutée et qu'il lui faut chaque soir deux à trois heures pour transmettre les informations, vous mesurez à quel point il est urgent d'intervenir.
    Nous n'agissons pas de façon précipitée. Nos propositions sont simples. Dans nos cantons ruraux, les entrepreneurs ne demandent pas de subventions pour s'installer ou pour rester ; ils demandent une égalité dans les services et un petit coup de pouce à l'installation. En l'occurrence, le crédit d'impôt, la zone franche, sont certainement les meilleurs outils pour faciliter cette installation. De plus, ils sont les plus faciles à mettre en place.
    Pour avoir eu la chance d'appartenir à une équipe « bercyenne », comme on dit souvent dans nos rangs, je sais qu'il est plus facile d'organiser du manque-à-gagner fiscal que de créer de lourds systèmes de subventionnement. Puisque nous avons fait la décentralisation - M. Morel-A-L'Huissier semble l'avoir oublié -, puisque nous pensons que le développement économique est parfaitement possible dans nos cantons ruraux, donnons en urgence ce petit coup de pouce afin que ces entreprises fabriquant des produits à valeur ajoutée puissent s'installer dans nos communes rurales ! Sinon, dans quelque temps, les pays seront obligés de s'agglomérer avec les villes.
    Sachez, enfin, que nos collègues des villes n'ont pas toujours envie de voir arriver chez eux des entreprises nouvelles lorsqu'ils n'ont pas les moyens de loger nos populations. Nous sommes liés, parce que nos enfants à nous, habitants du milieu rural, sont en milieu urbain, et parce que les enfants du milieu urbain ont parfois envie de revenir en milieu rural. Il s'agit non pas d'opposer, mais de construire. L'équilibre du territoire mérite que l'on sorte d'une logique politicienne qui n'est pas la nôtre, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure. Si nous donnons ces quelques coups de pouce fiscaux, dans six mois nous aurons un peu moins de casse que prévu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Je me félicite que le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, sous l'impulsion de notre collègue Augustin Bonrepaux, ait mis à profit l'une de ses niches parlementaires pour déposer cette proposition de loi qui contient des mesures concrètes et attendues par les nombreux acteurs du monde rural. Monsieur le ministre, votre gouvernement nous promet depuis maintenant plus d'un an un projet de loi sur les affaires rurales. C'est une promesse qui a d'ailleurs été réitérée à plusieurs reprises hier, lors du débat sur la chasse. Mais quand allez-vous nous présenter ce projet de loi, monsieur le ministre ?
    Le groupe socialiste a donc souhaité défendre un texte visant à réinstaurer une égalité de traitement et de moyens sur l'ensemble du territoire. Les propositions que nous faisons n'entraîneraient pas de dépenses supplémentaires. Elles ne provoqueraient qu'un amoindrissement des recettes de l'Etat pour chaque emploi créé, mais pour une cause juste : assurer l'égalité, le rééquilibrage de l'aménagement du territoire.
    L'objectif de cette proposition de loi est de remédier à un déséquilibre induit par la politique gouvernementale qui, certes, relance la politique de zone franche urbaine, mais ne prévoit pas de compensation pour les zones rurales. Les mesures que nous soutenons respectent la diversité et la complexité des problèmes de nos cantons ruraux. On peut trouver des solutions simples pour des problèmes complexes. Le périmètre d'aménagement rural incitatif, que ce texte vise à créer, ne résoudrait certes pas toutes les difficultés, mais ce serait un outil pour développer nos zones rurales et les aider à mieux vivre.
    Je voudrais insister sur quelques-unes des implications positives qui résulteraient de l'adoption par notre assemblée de cette proposition de loi. Je suis l'élue d'une circonscription qui comporte soixante-dix-neuf communes, essentiellement rurales. L'adoption de ce texte permettrait de valoriser l'ensemble des ressources du monde rural. Celui-ci ne peut se résumer aux activités agricoles. Il existe aussi, en campagne, des petites et moyennes entreprises, des entreprises artisanales. Les solutions que nous proposons ne sont pas nouvelles, elles s'inscrivent dans une démarche constructive.
    A l'occasion de mes activités d'élue, j'ai pu mesurer les conséquences catastrophiques des fermetures d'entreprises sur les conditions de vie de nos concitoyens. Le pouvoir d'achat moyen des populations s'en trouve réduit, ce qui entraîne parfois, malheureusement, des fermetures de commerces de proximité et la disparition de services publics, au premier chef desquels se trouvent l'école et La Poste.
    Le périmètre d'aménagement rural incitatif permettrait d'attirer de nouvelles entreprises sur les territoires grâce à des exonérations de charges, mais celles-ci ne seraient pas réservées aux nouvelles entreprises. Les entreprises déjà implantées dans le cadre du PARI pourraient également bénéficier de certaines aides, d'exonérations sur la taxe professionnelle ou sur la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette mesure est capitale. Vous l'avez d'ailleurs retenue, monsieur le ministre, puisque vous la valorisez à partir du rapport d'étape que vous avez décrit. Il me semble très important de soutenir les entreprises qui existent déjà.
    Cette proposition de loi a d'autres grands atouts. En effet, elle vise notamment à promouvoir, grâce à certaines exonérations, l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la télécommunication et le télétravail. Si celui-ci n'est pas la panacée pour tous ceux qui le pratiquent, s'il faut veiller à sa bonne organisation et notamment à ce qu'il n'isole pas ceux qui le pratiquent, il permet incontestablement aux personnes concernées de mieux articuler leur activité professionnelle et leur vie privée. Il facilite l'intégration des populations en difficulté sur le marché du travail. Je pense non seulement aux femmes, qui ont souvent du mal à concilier leur travail et leur vie privée, mais aussi aux personnes à mobilité réduite et aux handicapés. Voilà pourquoi il est si important de rendre le télétravail plus attractif, comme le prévoit cette proposition de loi qui me paraît particulièrement judicieuse. Examinons-la et sortons de ce débat politicien auquel nous n'avons que trop assisté ce matin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La discussion générale est close.

Vote sur le passage à la discussion des articles

    Mme la présidente. La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.
    Je vous précise que, conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Les arguments avancés par le président de la commission pour ne pas voter le passage à la discussion des articles ne sont guère pertinents, et l'exemple du Fonds d'investissement des transports terrestres est à coup sûr le plus mauvais qu'il pouvait trouver ! En effet, souvenez-vous ! Ce fonds, la majorité l'a créé en 1995 et, en 1996, elle a augmenté la taxe sur les autoroutes pour le financer, mais elle a dans le même temps supprimé les crédits équivalents au budget de l'Etat,...
    M. Jean-Claude Perez. Exactement !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. ... ce qui ne faisait rien de plus pour le développement des transports terrestres. Et vous avez encore aggravé la situation en 1997. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est faux !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. En 1999, lorsque nous avons créé la Mission d'évaluation et de contrôle, dont j'étais coprésident avec l'un de vos collègues RPR, nous nous sommes penchés sur les problèmes autoroutiers, sur les crédits des transports terrestres et la mission a jugé, à l'unanimité, qu'il valait mieux réintégrer ces fonds dans le budget de l'Etat.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Funeste erreur !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Quant aux crédits du Fonds national d'adduction d'eau, je suis surpris et très inquiet que personne ne nous explique pourquoi ils diminuent.
    M. Kléber Mesquida. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. En effet, sans assainissement et sans adduction d'eau, on ne peut plus construire ! Or nous n'avons aucune explication ni du Gouvernement ni de la commission, qui n'expriment aucune inquiétude pour l'avenir.
    M. Jean-Claude Perez. Ils ne veulent rien dire !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Le président de la commission se contente de critiquer les agences de bassin, mais sans elles, qui financerait aujourd'hui le développement rural ? C'est une question extrêmement importante qui mérite une réponse immédiate.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Que votre proposition de loi n'apporte pas !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Tout à l'heure, j'ai rappelé ce que nous avions fait de 1997 à 2002 en faveur des zones rurales, car certains nous reprochent de n'avoir rien fait.
    M. Yves Coussain. Oui !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Quelques rappels s'imposent.
    M. Jean-Claude Perez. C'est indispensable !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Monsieur Morel-A-L'Huissier, comment fonctionnerait votre département de la Lozère si un gouvernement socialiste n'avait pas créé, en 1991, la péréquation pour les départements ruraux les plus pauvres ?
    M. Jean-Claude Perez. Il ne l'a pas dit !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. En 1992, qui a créé la dotation de solidarité rurale ? Qui a créé la dotation de développement rural, que vous envisagez aujourd'hui de supprimer ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et voilà !
    M. Kléber Mesquida. C'est un scandale !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Attention pour l'automne prochain et pour l'année prochaine ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne secouez pas la tête ! Ecoutez-moi attentivement, parce que l'année prochaine risque d'être bien difficile pour les collectivités rurales.
    M. Alain Suguenot. La faute à qui ?
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Et qui a restauré la péréquation en faveur des régions pauvres, sinon un gouvernement socialiste ?
    On nous dit : « Il faut supprimer les crédits, car vous avez laissé une situation financière exécrable. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Hélas !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Je vous conseille, monsieur Ollier, monsieur le ministre et messieurs les députés de la majorité, de lire la dernière résolution de la Commission européenne.
    M. Jean-Claude Perez. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Elle estime que le déficit est dû à des dépenses excessives - qui a augmenté les crédits militaires ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) - et à des réductions fiscales inopportunes. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Cela n'a rien à voir avec la proposition de loi !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Qui a réduit l'impôt sur le revenu ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Mes chers collègues, si vous voulez que le débat se termine correctement, laissez parler M. le rapporteur et nous passerons ensuite au vote !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Monsieur Ollier, je réponds à vos remarques. Le Conseil d'analyse économique, présidé par M. Christian de Boissieu que vous connaissez bien, vient d'expliquer que la fiscalité sur les hauts revenus n'était pas excessive, et pourtant vous avez baissé l'impôt sur le revenu de 5 % et de 1 % dans la dernière loi de finances.
    M. Christian Jeanjean. Et on va continuer !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Etonnez-vous, dans ces conditions, de devoir diminuer les crédits d'investissement, ce qui est extrêmement grave pour les zones rurales !
    M. Jean-Claude Perez. C'est très grave en effet !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Certains d'entre vous ont estimé qu'il fallait des moyens supplémentaires, comme M. Sauvadet, qui a quelques idées sur la répartition des fonctionnaires dans le monde rural. Mais quand on supprime un poste sur deux, qui assurera le service ?
    Nous avions levé le moratoire sur les postes d'instituteurs, c'est vrai, mais nous avions alors créé des emplois.
    M. Frédéric Soulier. Grâce à la croissance !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Monsieur Soulier, vous dites que nos propositions vont coûter cher. Mais elles ne coûteront que si des entreprises se créent dans les zones rurales, apportant par là même des recettes supplémentaires au fonds des retraites et à la sécurité sociale qui en a bien besoin. Ce n'est pas en aggravant le chômage, comme on le fait actuellement, que l'on va résoudre les problèmes. Certes, si des emplois se créent, cela aura un coût, mais il ne sera pas excessif. En tout cas, il ne sera certainement pas supérieur à celui des zones franches urbaines, et vous pouvez le comparer à ce que représente la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune. J'espère que ces arguments vous auront convaincus.
    Enfin, vous nous parlez de la téléphonie mobile, mais je ne l'ai pas encore vu arriver. Or cela va faire un an que vous êtes là. Vous diminuez de 30 % les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire et vous comptez sur les fonds européens pour financer la téléphonie mobile et le haut débit. Mais avec quoi financera-t-on les contrats de pays et les projets de territoires ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Perez. De qui se moque-t-on ?
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. J'ai l'impression que vous voulez faire la quadrature du cercle avec une enveloppe qui n'est pas extensible.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il faut augmenter la fiscalité locale !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Si votre projet, que l'un d'entre nous a comparé à l'Arlésienne, est vraiment présenté à l'automne, monsieur le ministre, quels moyens aurez-vous donc ? M. Raffarin nous a dit qu'il n'y aura pas davantage de dépenses en 2004 qu'en 2003 et qu'il réduira encore les impôts, contrairement aux conseils des analystes économiques. Expliquez-nous comment vous allez faire !
    M. Kléber Mesquida. Ils vont transférer les impôts aux collectivités locales !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Réduire les impôts, c'est bien ce que prévoit votre proposition de loi !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Vous pouvez toujours nous expliquer tout ce qu'on va faire pour le monde rural, j'ai bien peur que l'on ne fasse rien ! C'est pourquoi nous présentons cette proposition de loi. Pourquoi maintenant ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Parce que vous ne l'avez pas fait hier !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. C'est vrai : nous n'avons pas renouvelé les zones franches urbaines ; nous n'avons pas créé quarante zones franches supplémentaires !
    M. Yves Fromion. Vous n'avez rien fait, alors !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Nous n'avons pas non plus supprimé les crédits du Fonds national d'adduction d'eau, ni les crédits du logement, ni ceux du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire ! Nous n'avons pas baissé l'impôt sur le revenu ! Nous n'avons pas baissé l'ISF ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Fromion. Vous avez ruiné la défense nationale !
    Mme la présidente. Monsieur Bonrepaux, veuillez conclure !
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Aujourd'hui, nous vous proposons une mesure forte, énergique, une mesure d'urgence pour le monde rural. En la refusant, vous prendriez une grave responsabilité et vous aurez du mal à vous en expliquer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Brottes. Excellent !
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je serai bref car si M. Bonrepaux vient de se livrer avec beaucoup de talent à un exercice de démagogie assez stupéfiant, il n'a fait toutefois que reprendre les propos qu'il a tenus au début de ce débat et auxquels j'ai répondu point par point. Je n'y reviendrai donc pas.
    Je tiens cependant à souligner, monsieur Bonrepaux, qu'alors même que vous nous reprochez de baisser les impôts, vous nous présentez une proposition de loi visant précisément à les diminuer plus encore.
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Mais non !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Le PARI que vous voulez mettre en oeuvre, monsieur Bonrepaux, est un pari perdu d'avance. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux, rapporteur. Vous n'avez rien compris !
    M. Henri Nayrou. Perdu pour la ruralité !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Complexité, absence de prévision financière et d'évaluation du dispositif : tout a été dit sur ce texte. Cet exercice de démagogie est la démonstration que l'opposition n'a pas grand-chose à dire. Moi, je préfère miser sur la confiance faite au Gouvernement, dans le cadre du projet de loi que M. Gaymard propose et qui sera déposé avant la fin de l'été.
    M. Jean-Claude Perez. Demain, toujours demain !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous sommes dans la logique des engagements que nous avons pris et que la majorité respectera.
    M. Jean-Claude Perez. Non, la majorité ne tient pas ses promesses !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Cette logique s'appuie sur une politique d'ordre global, qui ne peut faire place à une proposition démagogique comme celle que vous nous soumettez ce matin. Chers collègues, je vous demande donc de bien vouloir repousser le passage à la discussion des articles de ce texte pour faire pièce à cet exercice de démagogie. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je ferai trois brèves remarques. Tout d'abord, et comme l'a dit Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ».
    M. Gilbert Le Bris. C'est banal !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. J'ai entendu beaucoup de démagogie sur un certain nombre de sujets.
    M. Bernard Accoyer. Ça, c'est vrai !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. J'évoquerai simplement un souvenir personnel : le 19 mars de l'année dernière, veille du début officiel de la campagne électorale et donc dernier jour sur le terrain pour les ministres du précédent gouvernement, M. Gayssot a convoqué, quelque part du côté de Lyon, les élus de la région - j'étais président du conseil général de la Savoie à l'époque. On nous a demandé de prendre des engagements au nom des conseils généraux de la région pour des projets devant être financés par l'Etat. J'ai signé en bas à droite, comme l'a fait le président socialiste du conseil général du département voisin, ainsi que le ministre. Mais quelques semaines après, quand nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons pu constater que la signature de M. Gayssot n'engageait rien du tout : c'était une traite sur l'avenir non financée.
    M. Bernard Accoyer. C'était un chèque en bois !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Les collectivités locales avaient été mises à contribution, l'Etat avait signé, par l'intermédiaire de son ministre, à la veille de la campagne électorale, mais pas un franc n'était disponible pour financer de grandes infrastructures et promouvoir l'aménagement du territoire.
    M. Bernard Accoyer. C'est comme pour l'APA, ou la CMU ! C'est une spécialité socialiste !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ma deuxième observation concerne le calendrier et s'adressait plus précisément à Mme Génisson, qui entre-temps a quitté l'hémicycle, mais vous pourrez lui rapporter mes propos. Un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire est prévu pour les derniers jours du mois d'août. A cette occasion, sera présentée notamment la loi d'orientation pour le développement des territoires ruraux qui viendra en discussion devant les deux assemblées au cours de l'automne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Troisième observation enfin, si bien des sujets ont été évoqués ce matin, je tiens à souligner que trois grandes préoccupations remontent des consultations auxquelles je procède. La première concerne évidemment l'attractivité économique des territoires ruraux du point de vue à la fois des infrastructures classiques ou nouvelles - avec le numérique - et des exonérations fiscales dont nous avons parlé aujourd'hui. La deuxième porte sur les services publics, et peut-être davantage encore sur les services aux personnes, sur lesquels nous travaillons. Quant à la troisième, elle est relative à la question foncière. Nous devons résoudre cet important problème qui touche le monde rural et les zones périurbaines.
    Nous travaillons sur tous ces points. Bien sûr, nous aurons l'occasion, dans les semaines et les mois qui viennent, d'en reparler plus avant, et je ne doute pas que la représentation nationale sera présente à ce grand rendez-vous pour l'avenir de nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.
    (L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)
    Mme la présidente. L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

2

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

    Mme la présidente. J'informe l'Assemblée que la commission des affaires étrangères a décidé de se saisir pour avis du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relatif au droit d'asile (n° 810).

3

FIN DE LA MISSION D'UNE DÉPUTÉE

    Mme la présidente. Par lettre du 5 mai 2003, M. le Premier ministre m'a informée que la mission temporaire précédemment confiée à Mme Arlette Franco, députée des Pyrénées-Orientales, prenait fin le 15 mai 2003.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Communication du Médiateur de la République.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT