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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 21 MAI 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 20 mai 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

GRÈVES À L'ÉDUCATION NATIONALE «...»

MM. Yves Durand, Luc Ferry, minsitre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

ACCUEIL DES ÉLÈVES
ET DÉROULEMENT DES EXAMENS «...»

MM. Rudy Salles, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

AVENIR DE L'ÉDUCATION NATIONALE
ET RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. Pierre Goldberg, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. Michel Raison, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

CONSÉQUENCES DE LA GRÈVE DES ENSEIGNANTS «...»

MM. Daniel Mach, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

SUPPRESSION D'EMPLOIS CHEZ ALSTOM «...»

MM. Damien Meslot, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. Gaëtan Gorce, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

IMMIGRATION CLANDESTINE «...»

MM. Robert Pandraud, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

NORMES COMPTABLES EUROPÉENNES «...»

MM. François Goulard, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

REMBOURSEMENT DES MÉDICAMENTS «...»

MM. Jean-Marie Le Guen, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

TERRORISME «...»

MM. Jean-Sébastien Vialatte, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

DÉCENTRALISATION DE L'ÉDUCATION «...»

MM. Pierre-Louis Fagniez, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

2.  Infrastructures 2003-2020. - Déclaration du Gouvernement et débat sur cette déclaration «...».
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois.
M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement du territoire.

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

M.
Hervé Mariton,
Mme
Odile Saugues,
MM.
François Bayrou,
Daniel Paul,
François-Michel Gonnot,
Pierre Cohen,
Mme
Anne-Marie Comparini,
MM.
Jacques Brunhes,
Michel Bouvard,
Michel Destot.
M. le ministre.
Renvoi de la suite du débat à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

GRÈVES À L'ÉDUCATION NATIONALE

    M. le président. La parole est à M. Yves Durand.
    M. Yves Durand. Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que je souhaite poser ma question puisque vous avez été contraint, en urgence, de suppléer votre ministre de l'éducation nationale (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), incapable d'établir un véritable dialogue avec les personnels dont il a la responsabilité.
    Votre gouvernement est à l'origine de la grave crise de confiance que les personnels de l'éducation nationale vivent en ce moment. (Protestations sur les mêmes bancs.) C'est le double langage permanent de votre gouvernement (Même mouvement), notamment de votre ministre de l'éducation nationale, qui les plonge aujourd'hui dans le désarroi, la révolte et les contraint à l'action. Car ils en ont assez des proclamations systématiquement démenties par les faits.
    M. Jean-Claude Abrioux. Nous aussi !
    M. Yves Durand. Vous ne cessez de clamer que l'éducation doit être la priorité de la nation. Mais ses crédits subissent une véritable saignée...
    M. Jean Marsaudon. C'est faux !
    M. Yves Durand. ... que viennent encore aggraver les dernières annulations budgétaires, l'annonce du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, la suppression de plus de trente mille postes de jeunes adultes dans les collèges et les lycées et la remise en cause des retraites des fonctionnaires.
    Vous proclamez la main sur le coeur votre attachement à l'école et à ceux qui la servent mais, au détour d'un déplacement en province, vous excluez de l'éducation nationale 110 000 de ses agents. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ce que vous disent aujourd'hui les enseignants, soutenus par de nombreux parents,...
    M. Jean Marsaudon. FCPE !
    M. Yves Durand. ... c'est qu'ils ne vous croient plus parce qu'ils savent bien que cette décision prise d'en haut, sans aucune concertation, n'a rien à voir avec la décentralisation.
    M. Charles Cova. La question !
    M. Yves Durand. Ils savent bien que, derrière ce mot que vous dévoyez, vous préparez en fait le démantèlement du service public de l'éducation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés-e-s communistes et républicains), comme vous vous apprêtez à le faire pour la santé et pour la protection sociale.
    Ce que vous demandent tous ceux qui aiment vraiment l'école, ce n'est pas un comité interministériel ou une vague réunion décidée à la hâte, encore moins des menaces ou des intimidations.
    M. le président. Monsieur Durand, posez votre question !
    M. Yves Durand. Ce qu'ils vous demandent, et nous avec eux, c'est, pour ramener la sérénité, de retirer immédiatement votre projet de décentralisation (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), prétexte au démantèlement du service public d'éducation.
    Monsieur le Premier ministre, vous pouvez en faire l'annonce ici, devant nous (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : la représentation nationale attend votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Luc Ferry. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française. - De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et continuent d'applaudir.)
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Merci !
    Monsieur le député, vous avez choisi la polémique ; je me permettrai, par égard pour tous ceux qui nous écoutent, de vous répondre sur le fond.
    Enseignant moi-même, j'ai commencé ma carrière au lycée des Mureaux et je sais parfaitement quel est le malaise des enseignants aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je sais à quel point leur métier a changé en trente ans et à quel point, dans certains établissements, il est devenu difficile.
    Voilà pourquoi nous avons, avec le Premier ministre, décidé de rouvrir la concertation avec les syndicats (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et de les recevoir toute cette semaine pour préparer un comité interministériel qui aura lieu le 27 mai.
    M. Alain Néri. Quel aveu !
    Mme Martine David. La rue parle !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Sur le fond, j'aimerais vous dire, si vous le permettez, le sentiment que j'ai : nous donnons ensemble une image désastreuse de l'éducation nationale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vous !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... l'image d'un système qui est incapable de se réformer lui-même. A tort ou à raison - je ne veux pas polémiquer -, il y a, dans une large partie de l'opinion publique, d'un côté, le sentiment que les syndicats sont arc-boutés contre toute espèce de réforme, qu'ils sont dans l'immobilisme et le corporatisme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et, de l'autre côté, le sentiment que les ministres, de grèves en manifestations, de manifestations en conflits sociaux, sont obligés de choisir soit de retirer leur réforme,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... soit de la maintenir au risque du blocage. Voilà ce que je veux éviter, voilà pourquoi nous ouvrons la concertation.
    J'ajouterai que si les enseignants, aujourd'hui, sont malheureux, c'est parce que, pendant des années, vous avez nié la réalité de l'illettrisme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), parce que, pendant des années, vous avez nié la réalité de la violence dans les établissements, parce que, pendant des années, vous avez nié les problèmes posés aux enseignants par le collège unique. (« Nul ! Zéro ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Voilà pourquoi il faut ouvrir la négociation, mais il ne faut pas retirer les réformes. Ne comptez pas sur moi pour le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

ACCUEIL DES ÉLÈVES
ET DÉROULEMENT DES EXAMENS

    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDF.
    M. Rudy Salles. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse et de l'éducation nationale.
    Monsieur le ministre, l'éducation nationale traverse une crise profonde (« Oh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui, chacun le sait, ne date pas d'aujourd'hui. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Au-delà des revendications exprimées depuis plusieurs jours dans la rue, il y a un malaise profond que l'on doit rapprocher du malaise de la société française qui s'est manifesté par le vote du 21 avril 2002. Ce malaise des enseignants, nous le comprenons d'autant plus au groupe UDF que nous regrettons qu'il n'y ait pas eu un vrai débat sur l'école lors de la dernière élection présidentielle.
    Aujourd'hui, le durcissement du mouvement inquiète bon nombre de parents confrontés, d'une part, à des difficultés de garde et, d'autre part, à la crainte qu'une partie du programme scolaire ne soit occultée.
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. Rudy Salles. S'y ajoute maintenant l'inquiétude des élèves eux-mêmes, qui craignent pour leurs examens de fin d'année. Pour éviter que les enfants ne soient victimes des conflits sociaux de cette nature, j'avais déposé lors de la précédente législature une proposition de loi qui, sans remette en cause le droit de grève, instituait l'obligation d'accueil des enfants dans les établissements scolaires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'en appelle à la responsabilité des enseignants pour qu'ils entendent les angoisses ainsi exprimées par les familles et que les enfants puissent retrouver sans tarder le chemin de l'école.
    Quelles mesures entendez-vous prendre dans les prochains jours, monsieur le ministre, pour remédier à cette situation intolérable pour des millions de familles ?
    M. Christian Bataille. Ferry, démission !
    M. Rudy Salles. Ne croyez-vous pas que le moment est venu d'ouvrir le grand débat sur la place centrale que doit occuper l'éducation nationale dans la société française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Manuel Valls. Pourquoi ?
    M. le président. Monsieur Valls, calmez-vous !
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Vous avez raison de le rappeler, monsieur le député, les familles, les parents et les élèves ne peuvent pas comprendre que l'on dise vouloir défendre l'école et accueillir les jeunes alors que, dans le même temps, on ferme les portes, on les verrouille et on interdit de travailler aux élèves qui le souhaitent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union poour la démocratie française.)
    Les Français ne comprendraient pas que, pour des motifs corporatistes, on organise l'absentéisme forcé.
    M. François Hollande. Quel corporatisme ?
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. La nation ne comprendrait pas que, pour des raisons de défense statutaire, on empêche les examens de se dérouler, mettant en péril l'avenir d'une jeunesse que l'on prétend défendre. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'en appelle, comme les organisations syndicales elles-mêmes, à la responsabilité des professeurs, des enseignants, des chefs d'établissement, qui doivent tout faire pour éviter que les enfants ne soient pris en otage (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui doivent tout faire pour que l'avenir des enfants soit assuré.
    Et je le dis clairement au nom du Gouvernement : si des éléments extérieurs ou un certain nombre de nos personnels voulaient bloquer par la force, contre l'avis des enseignants eux-mêmes, des familles et des élèves, l'accès aux locaux où les examens se passent, nous ferons notre devoir, nous procéderons à des réquisitions,...
    M. François Hollande. Envoyez l'armée !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... nous prendrons des sanctions et les examens se dérouleront. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

AVENIR DE L'ÉDUCATION NATIONALE
ET RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Pierre Goldberg. Monsieur le Premier ministre, hier encore, une nouvelle journée d'action dans les établissements scolaires et la fonction publique a mobilisé près de 800 000 personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Devant l'absence d'écoute du Gouvernement sur deux dossiers importants, l'avenir de l'éducation nationale et la réforme des retraites, les fonctionnaires et les personnels de l'éducation nationale ont raison de donner de l'ampleur à leur mouvement, qui porte en son coeur non seulement une forte contestation, mais surtout des propositions alternatives.
    M. Jean-Claude Abrioux. Tu parles !
    M. Yves Fromion. Démagogue !
    M. Pierre Goldberg. Entendez ces cris d'alarme sur la démolition du service public d'éducation nationale et comprenez enfin combien la réduction des moyens alloués à l'éducation, la mise en place des assistants d'éducation, le renforcement des inégalités scolaires, la décentralisation et l'autonomie des universités nourrissent un mécontentement qui, au fil des semaines, s'est transformé en un véritable conflit.
    De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
    M. Pierre Goldberg. Cette situation exige, comme le demandent en particulier, et avec insistance, les députés communistes et républicains, un débat d'urgence au Parlement sur l'avenir de l'école.
    Après le 13 mai, la nouvelle mobilisation d'hier est une condamnation sans appel de votre projet de réforme des retraites. Nous vous demandons sans délai, comme nous l'avons déjà fait ici, le retrait complet de votre texte (Exlamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et l'ouverture immédiate de vraies négociations sur la base des solutions alternatives proposées.
    A l'inverse de ce que vous tentez de faire croire, un autre mode de financement, reposant sur une réforme de la cotisation patronale, une taxation sur les 70 milliards d'euros de revenus financiers des entreprises qui échappent à tout prélèvement et une meilleure distribution des richesses de notre pays, ouvre véritablement la porte à un projet de réforme alternatif et progressiste.
    Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas nier plus longtemps l'exigence, qui monte du pays, que le Président de la République et le Gouvernement retirent leur projet rétrograde de réforme des retraites...
    M. Jean Marsaudon. Ils n'en ont pas l'intention !
    M. le président. Ecoutez plus tranquillement, monsieur Marsaudon.
    M. Pierre Goldberg. ... car la rue est en train d'en écrire un autre. Les députés communistes et républicains vous demandent de prendre en compte cet élan démocratique dès maintenant, afin de prendre le temps d'un large débat citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, le Gouvernement écoute tous les Français. Il écoute naturellement ceux qui manifestent. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Albert Facon. Mais ne les entend pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il écoute aussi tous ceux qui sont désarçonnés devant les portes des écoles fermées et devant les salles d'examen bloquées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. Dans les usines aussi, les portes sont fermées !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'objectif du Gouvernement, ce n'est pas d'opposer ceux qui manifestent et ceux qui souhaitent que les réformes soient mises en oeuvre, c'est au contraire de convaincre et de rassembler.
    Nous voulons d'abord convaincre que la réforme des retraites ne procède pas, contrairement à ce que vous dites, d'un choix politique (« Mais si ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais d'un devoir national. (« Mais non ! » sur les mêmes bancs.) Si tout allait bien pour nos retraites, nous ne serions pas dans l'urgence imposée par l'inaction qui a été la vôtre pendant cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mais nous voulons aussi rassembler autour d'un projet qui est le renforcement de notre modèle social, qui est la défense de notre système de retraite par répartition.
    Monsieur le député, vous avez beau prétendre qu'il y a aujourd'hui des alternatives (« Oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), permettez-moi de vous dire que je ne les vois toujours pas. Car s'il était aussi simple d'augmenter les cotisations patronales pour sauver les retraites, non seulement tous nos voisins auraient fait la même chose mais, depuis cinq ans, vous-mêmes l'auriez fait (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et nous ne serions pas aujourd'hui dans cette situation de blocage, avec des régimes de retraite au bord du déséquilibre.
    La réforme que nous proposons est une réforme juste. (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Avec les partenaires sociaux, nous l'avons améliorée ces dernières semaines, notamment en portant à 85 % du SMIC la garantie pour les basses pensions, c'est-à-dire à un niveau plus élevé qu'aujourd'hui, et en permettant ce que vous demandiez depuis très longtemps et que vous n'avez jamais obtenu de la majorité précédente, le départ anticipé de tous ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Hollande. C'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avons introduit dans notre projet, à la suite de la discussion avec les organisations syndicales, la notion de pénibilité,...
    M. François Hollande. Non !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui fera désormais l'objet de négociations encadrées par la loi à l'intérieur des branches professionnelles.
    Mme Martine David. En quelle année ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La justice sociale, vous en parlez beaucoup, mais nous, nous la proposons et la mettons en oeuvre. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. C'est la méthode Coué ! Ils ont peur !

RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe UMP.
    M. Michel Raison. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    Monsieur le ministre, après les années d'inaction et de recul de la gauche, après la multiplication des rapports et des études sans lendemain, le Gouvernement a décidé de mettre fin à la politique de l'autruche et d'entamer avec lucidité, courage et détermination (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Richard Mallié. Mais oui !
    M. Michel Raison. ... la réforme de notre système de retraite. Et quand je pense aux propos tenus au congrès de Dijon,...
    M. Julien Dray. Grand congrès !
    M. Michel Raison. ... où les dirigeants socialistes ont demandé au Gouvernement de retirer son projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) sans présenter aucune proposition alternative, je me dis que leur seule proposition serait peut-être de refaire cinq ans d'études (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) alors que, dans la plupart des pays de l'Union européenne, cette réforme indispensable s'est faite avec un apport constructif des oppositions.
    M. Maxime Gremetz. On n'est pas en Autriche ni en Allemagne !
    M. Michel Raison. Conscient, monsieur le ministre, que seule une réforme de fond permettra de sauver notre système de retraite par répartition, vous avez soumis aux Français un avant-projet sur lequel vous avez ouvert un dialogue social constructif et franc, sans langue de bois. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Patrick Lemasle. Vous n'y croyez pas vous-même !
    Mme Martine David. Le dialogue est dans la rue !
    M. Jacques Desallangre. C'est la brosse à reluire ! Arrêtez ! Vous allez manquer de cirage !
    M. Michel Raison. Les réunions que M. Delevoye et vous-même avez tenues la semaine dernière témoignent, sans occulter les différences d'appréciation exprimées par chacun, d'une volonté partagée des partenaires sociaux et du Gouvernement d'améliorer le projet de réforme.
    Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations et quelles évolutions le dialogue a permis de dégager pour l'avenir de notre système de retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô ! Allô !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, comme le Gouvernement s'y était engagé, nous avons écrit la réforme des retraites dans le cadre d'une concertation très étroite avec les partenaires sociaux. (« Laquelle ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Cette concertation, qui a duré plus de trois mois,...
    M. Maxime Gremetz. Une mascarade !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... s'est achevée jeudi dernier par un accord soutenu par cinq organisations syndicales sur huit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cet accord a permis, comme vous venez de le souligner, d'améliorer les propositions du Gouvernement dans un certain nombre de domaines.
    C'est ainsi que nous avons retenu l'objectif de 85 % du SMIC comme niveau minimal de retraite pour toutes les personnes qui ont cotisé au SMIC toute leur carrière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cet objectif sera atteint grâce à une revalorisation du minimum contributif de 3 % par an pendant trois ans,...
    M. Alain Néri. Retirez votre projet !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... minimum contributif qui, je le dis en passant à ceux qui continuent de crier, n'a jamais été revalorisé depuis cinq ans. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous avons accepté un droit au départ anticipé des salariés ayant commencé à travailler très tôt. Ainsi, ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans pourront partir entre cinquante-six et cinquante-neuf ans.
    M. François Hollande. Combien toucheront-ils ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avons accepté que le taux de décote dans le secteur privé soit ramené de 10 % à 5 % à l'horizon 2012, ce qui, jumelé avec la surcote, donnera une vraie liberté de choix aux salariés.
    Dans le même temps, nous avons mis en place une progressivité plus grande pour l'application des mesures de décote dans la fonction publique, qui ne s'appliqueront qu'à partir de 2006 et de manière très progressive, afin de ne pas bouleverser les projets de ceux qui sont proches de la retraite.
    Nous avons acté la création d'un régime additionnel pour les fonctionnaires, régime obligatoire qui prendra en compte les primes - ce sera la première fois qu'elles seront prises en compte dans le calcul des retraites -...
    M. Maxime Gremetz. A hauteur de 20 % du traitement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... jusqu'à 20 % du traitement. Le taux de cotisation de 10 % sera partagé entre l'employeur et le fonctionnaire.
    La pension des fonctionnaires sera toujours calculée par référence aux six derniers mois de carrière. Cette grande concession que nous avons faite au secteur public s'explique par un certain nombre de spécificités, comme l'importance des primes.
    Les modalités de cessation progressive d'activité seront améliorées.
    Enfin, nous avons prévu des mesures spécifiques pour les infirmières, les aides-soignantes et les enseignants, de sorte que le droit à la seconde carrière puisse être exercé et que la prise en compte des années d'études dans la validation des annuités soit améliorée par rapport à la situation qui existe aujourd'hui.
    M. le président. Merci, monsieur le ministre...
    M. Christian Bataille. Débranchez-le !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En conclusion, monsieur le président, comme le Gouvernement est responsable, il a prévu le financement de ces mesures et il a, en particulier, accepté le principe d'une augmentation de 0,2 % des cotisations vieillesse à l'horizon de 2006 que nous tenterons de gager par des économies sur les prélèvements obligatoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CONSÉQUENCES DE LA GRÈVE DES ENSEIGNANTS

    M. le président. La parole est à M. Daniel Mach, pour le groupe UMP.
    M. Daniel Mach. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, ma question porte sur les conséquences, pour nos enfants, de la grève dans l'éducation nationale. Si la grève est un droit acquis, je rappelle avec force et détermination qu'elle ne doit pas influer sur la liberté de celles et ceux qui veulent travailler (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), étudier et passer des examens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il est, en effet, inadmissible que quelques membres du corps enseignant aient délibérément interdit l'accès de salles d'examens à des étudiants. Cette prise d'otages aboutit à la privation du droit fondamental à l'éducation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quel bel exemple pour nos enfants à qui l'on veut enseigner le respect, la citoyenneté !
    M. François Hollande. Sanction, sanction !
    M. Daniel Mach. Il est temps, monsieur le ministre, de recentrer le débat, le vrai, celui de l'avenir de nos enfants qui doit être au coeur de notre système éducatif et que certains semblent avoir oublié.
    Face à l'angoisse des élèves, des étudiants qui ont consenti de lourds sacrifices tout au long de l'année, face à l'inquiétude de leurs familles, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que les examens de fin d'année se déroulent le plus sereinement possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Albert Facon. L'armée !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je me reconnais tout à fait dans les termes de votre question.
    M. Bruno Le Roux. Démission !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Les comportements que vous décrivez, qui sont, en effet, inacceptables et qui ne seront pas acceptés ne sont pas le fait de la majorité des enseignants ni même de la majorité des enseignants grévistes. Je connais des enseignants grévistes qui continuent de faire cours, en particulier en classe de terminale, pour ne pas pénaliser leurs élèves. Je tiens à leur rendre hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), tout comme je rends hommage aux grandes organisations syndicales...
    M. Manuel Valls. Darcos n'a pas compris !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... qui ont eu la responsabilité d'appeler les enseignants à ne pas boycotter les examens.
    Cela dit, je serai tout à fait clair : si l'on a parfaitement le droit d'être en désaccord avec un ministre, un gouvernement, une réforme (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe socialiste), si l'on a, évidemment, parfaitement le droit de manifester ce désaccord par des grèves et des manifestations qui font partie de la vie républicaine, en revanche on n'a, en aucun cas, le droit de prendre les élèves en otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    On a vu à la télévision les images de jeunes Réunionnaises qui pleuraient parce que des piquets de grève les empêchaient d'entrer dans les centres d'examen pour passer leur BTS. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est totalement inacceptable.
    M. Jean-Claude Abrioux. C'est scandaleux !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est inacceptable parce que les jeunes ont besoin d'avoir ces examens professionnels pour travailler dès le mois de juillet (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Jérôme Lambert. Pour s'inscrire au chômage !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... pour suivre des stages dès le mois de juillet, pour s'inscrire à l'université dès le mois de juillet. Voilà pourquoi Xavier Darcos et moi-même avons réuni ce matin les recteurs, les inspecteurs d'académie et les secrétaires généraux. Nous leur avons donné toutes les instructions nécessaires...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Lesquelles ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... pour que les examens se déroulent dans de bonnes conditions et pour qu'ils fassent appliquer la loi.
    M. Christian Bataille. Où est la matraque ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. J'ajouterai encore un mot : nous ouvrons la négociation avec les partenaires sociaux, comme je l'indiquais tout à l'heure. Elle sera large, ouverte et sans tabou. Mais, sur ce point précis, je puis vous l'assurer, il n'y aura pas de négociation, seule la fermeté prévaudra. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SUPPRESSION D'EMPLOIS CHEZ ALSTOM

    M. le président. La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe UMP.
    M. Damien Meslot. Monsieur le président, je souhaite associer à ma question mon collègue Michel Zumkeller, député du Territoire de Belfort.
    Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le groupe Alstom vient d'annoncer la suppression de 1 000 emplois en France (« Et allez ! » sur les bancs du groupe socialiste), dont 610 sur le site de Belfort.
    M. Jacques Desallangre. Encore une prise d'otages !
    M. Michel Lefait. Tout va bien !
    M. Damien Meslot. Cette décision fait suite à un précédent plan social de 835 personnes. Les effectifs salariés du groupe Alstom Turbo Machines sont ainsi passés de 2 192 emplois en décembre 2000 à 1 138 emplois en avril 2003, à la veille de l'annonce du présent plan social. Dans le même temps, General Electric vient d'annoncer la suppression de 270 emplois à Belfort. (« Et allez ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Toutes ces annonces fragilisent fortement le tissu économique de notre département car, à cette vague de suppression d'emplois, s'ajoutent autant de licenciements chez les sous-traitants.
    M. Jacques Desallangre. Les actions remontent !
    M. Damien Meslot. Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre (« Aucune ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) pour accompagner ce plan social ?
    Envisagez-vous, avec votre collègue ministre de l'aménagement du territoire, l'inscription de Belfort dans une démarche de contrat de site ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Desallangre. L'action remonte : qu'attendez-vous de plus ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, nous le savons tous, Alstom est un très grand groupe industriel dans ses trois secteurs : l'énergie de puissance, les transports ferroviaires et les transports maritimes. Il fait partie des trois ou quatre premières entreprises mondiales. Ses concurrents s'appellent General Electric, que vous avez citée, Siemens, Mitsubishi Heavy Industries au Japon. Il est clair que dans un de ces secteurs, l'énergie, contrairement à ce qui se passe dans le secteur ferroviaire où les carnets de commande sont tout à fait satisfaisants, Alstom, comme tous ses concurrents au niveau mondial, fait face à la rupture d'une « bulle énergétique » qui a été générée aux Etats-Unis pendant quelques années...
    M. Bruno Le Roux. Ce sont les explications de la direction d'Alstom ! Ce n'est pas digne d'un ministre !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... par une croissance absolument insoutenable de la demande de puissance en matière d'énergie électrique. Après la rupture de cette « bulle », le marché s'est effondré clairement. Ce secteur d'activité connaît actuellement une situation de détresse puisque les carnets de commande annuels ont baissé de 60 % par rapport à l'année dernière.
    Il est donc nécessaire qu'Alstom, comme ses concurrents dans le monde, réagisse de manière responsable à cette situation. Le management d'Alstom est aux manettes.
    M. François Hollande. Et les salariés, où sont-ils ? A la rue !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le management d'Alstom réagit.
    M. Bruno Le Roux. C'est la direction d'Alstom qui parle !
    M. le président. Monsieur Le Roux !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela se traduit, dans le domaine de la nécessaire adaptation des coûts, par des réductions d'effectifs à Belfort comme vous l'avez indiqué, mais aussi dans beaucoup d'autres sites européens où est implantéeAlstom.
    M. Jean-Yves Le Déaut. C'est de la paraphase !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est clair que la société Alstom fera son devoir. C'est une grande société qui a toujours su trouver les conditions d'aménagement, sur le plan social, adaptées à ses engagements.
    M. Jean-Pierre Blazy. Baratin !
    M. Jean-Claude Perez. Que fait le Gouvernement ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ce contexte, le plan social d'Alstom sera bien entendu discuté, élaboré en étroite relation avec les intérêts locaux, avec la région, mais aussi avec mon ami Jean-Paul Delevoye et moi-même (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Dans ce contexte, si cela est nécessaire et quand nous aurons fait le tour du problème, nous chercherons à mettre en place les méthodes les plus appropriées pour que ce problème soit traité correctement, y compris dans l'intérêt de la région de Belfort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Yves Le Déaut. N'importe quoi !

RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je tiens à dire, dans un premier temps, combien le groupe socialiste a été choqué par le double langage de M. Ferry et de M. Darcos, l'un parlant de négociation, l'autre brandissant sans cesse des menaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    D'ailleurs, la même méthode vaut pour les retraites. Monsieur le Premier ministre, vous portiez déjà la responsabilité de la dégradation de la situation économique (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; vous portez désormais la lourde responsabilité de la dégradation du climat social à travers votre projet sur les retraites.
    Nous disons oui à une réforme des retraites mais non à la régression que vous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Marsaudon. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    M. Gaëtan Gorce. Nous refusons votre projet parce que c'est un leurre fondé sur les hypothèses que votre politique dément constamment. Nous refusons votre projet parce que son financement est fondé sur des économies sur les cotisations chômage, alors que la politique que vous menez depuis un an a conduit à une augmentation de 150 000 du nombre des chômeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et, pour la première fois depuis dix ans, à une diminution de l'emploi en France. Dans ces conditions, comment vous croire ?
    Et ne dites pas que nous n'avons rien fait ! (« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Car en contribuant à créer 2 millions d'emplois entre 1997 et 2002, nous avons fait davantage pour le financement des retraites que vous ne ferez pendant cette législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Votre projet, monsieur le Premier ministre, est un leurre, parce qu'il n'est pas financé. Vous pouvez prétendre, à travers des discours, que vous allez garantir le niveau des retraites. Mais, dans la réalité, votre projet se traduira par une baisse des pensions.
    M. Jean Marsaudon. C'est faux !
    M. Gaëtan Gorce. Et ne nous dites pas que vous défendez le système par répartition, car, en refusant tout financement complémentaire, vous condamnerez les Français, pour compenser les pertes de pensions, à recourir à l'assurance et à la capitalisation. Voilà la réalité et la vérité sur votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Sylvia Bassot. La question !
    M. Gaëtan Gorce. En réalité, monsieur le Premier ministre, vous jouez avec les retraites comme on joue avec le feu et c'est ce que nous refusons. En vous entêtant dans la démarche qui, au fond, épouse la ligne qui a été celle de M. Juppé en 1995, avec la volonté que vous avez de rester « droit dans vos escarpins », vous prenez la responsabilité, non pas de réussir, mais d'empêcher pour longtemps toute véritable réforme des retraites.
    Monsieur le Premier ministre, je vous demande, au nom du groupe socialiste, de retirez votre projet et de réengager la négociation ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, nous avons tous suivi avec beaucoup d'attention le congrès du parti socialiste (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et je me permets de féliciter M. Hollande pour son élection. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas la question !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les propos qui y ont été tenus sur les retraites appellent deux remarques. Premièrement, la manière dont vous avez traité une grande organisation syndicale, qui a eu le courage d'accompagner la réforme des retraites et de faire progresser la cause même du dialogue social qui avait tant reculé ces cinq dernières années, me paraît une faute politique grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Hollande. Vous n'y étiez pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On peut être en désaccord avec les positions des uns et des autres, mais traiter ainsi des hommes et des femmes qui représentent une grande partie des salariés n'est pas convenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Perez. Baratin !
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, crier ne sert à rien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ma seconde remarque m'amène à vous poser trois questions si vous me le permettez, car il faut que le débat soit clair et que les Français comprennent quelles sont les positions des uns et des autres. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Ce n'est pas à vous de poser les questions !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'abord, je voudrais que les socialistes nous expliquent pourquoi, pendant cinq ans, ils ont laissé s'appliquer la réforme de 1993 sans rien y changer, alors même qu'ils ont abrogé bien des textes que la droite avait mis en place. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ensuite, je voudrais que les socialistes nous expliquent pourquoi, pendant cinq ans, ils n'ont pas revalorisé le minimum contributif, alors même qu'ils veulent porter maintenant le niveau minimal des retraites à des niveaux qui ne sont pas atteignables. (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Brouhaha grandissant sur les bancs du groupe socialiste.)
    Pendant cinq ans, le minimum contributif a chuté en dessous du minimum vieillesse. Nous allons le revaloriser de 9 % en trois ans. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, je voudrais que les socialistes nous disent clairement s'ils sont favorables à l'harmonisation des durées de cotisation entre le public et le privé, parce que ce point n'a pas été évoqué lors du congrès du parti socialiste ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Le ministre se répète !
    Mme Martine David et M. François Lamy. Il ne répond pas aux questions !
    M. le président. Madame David, la parole est libre. Le ministre a le droit de dire ce qu'il a envie !
    Mme Martine David. Mais il a aussi le droit de répondre !
    M. Jean Glavany. Et il ne le fait pas !
    M. Albert Facon. Il ne peut pas répondre à notre place !
    M. le président. Monsieur Facon, vous n'avez pas la parole !

IMMIGRATION CLANDESTINE

    M. le président. La parole est à M. Robert Pandraud, pour le groupe UMP.
    M. Robert Pandraud. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, dès votre prise de fonctions, vous avez déclaré que vous vous attaqueriez avec détermination, passant outre les faiblesses et les tabous qui nous ont fait tant de mal, au problème de l'immigration clandestine (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    Vous avez préparé un projet de loi. Nous souhaitons qu'il soit rapidement mis à l'ordre du jour de nos travaux, parce qu'il est indispensable et équilibré.
    M. Maxime Gremetz. Il lui passe de la pommade !
    M. Robert Pandraud. Parallèlement, vous avez pris de nombreux contacts, tant avec les autres gouvernements européens, pour élaborer une politique commune et renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l'Union, qu'avec les Etats d'origine des clandestins, pour freiner leur départ et organiser leur retour. Vaste, très vaste programme, mais combien urgent, monsieur le ministre !
    M. André Chassaigne. Brosse à reluire !
    M. Jean Glavany. Voilà un vrai soutien ! Remerciez M. Pandraud, monsieur le ministre !
    M. Robert Pandraud. Dans cet esprit, vous avez conçu, avec une rare efficacité, la méthode des « vols charters ». Passez-moi l'expression : elle n'est plus à la mode, mais je suis prisonnier de mon passé. Vous, vous préférez parler de vols groupés ; mais le résultat est quelque peu le même à savoir accélérer leur fréquence, monsieur le ministre.
    Vous nous aviez promis de dresser périodiquement un bilan de votre politique en la matière. Aussi, monsieur le ministre, ma question sera très simple : pouvez-vous aujourd'hui nous donner le bilan exact et, si possible, chiffré de votre action ? Ne nous faites point trop languir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Pandraud, c'est, en effet, une question très importante.
    M. Jean Le Garrec. Et spontanée ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour faire reculer le racisme, les amalgames et la xénophobie, il faut rendre des comptes aux Français. Et la première des choses consiste à les informer de la réalité.
    M. Maxime Gremetz. Oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Y a-t-il eu, pendant ces trente dernières années, un seul Gouvernement mandaté par les Français pour ne pas reconduire les clandestins et ne pas faire exécuter des décisions de justice ?
    M. Alain Néri. Etonnant !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les chiffres, monsieur Pandraud, sont incontestables.
    Lorsque j'ai pris mes fonctions, il y a treize mois environ, 17 % seulement des décisions de reconduite à la frontière de clandestins étaient exécutées. (« Hou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). A mon tour de poser une question : la majorité socialiste d'alors avait-elle été mandatée par les Français pour ne pas exécuter des décisions d'expulsion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette question est au coeur du pacte républicain. En effet, si ne pas avoir de papiers revient au même que d'en avoir, pourquoi en demander ? Pourquoi respecter la loi alors que ne pas la respecter est sans conséquences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'était cela, la réalité ! Nous avons décidé de changer les choses. Je tiens les chiffres à votre disposition.
    M. Lucien Degauchy. Ce n'est pas la peine !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Sur les quatre premiers mois de l'année, environ 4 000 étrangers en situation clandestine ont été reconduits, soit 20 % de plus que sur les quatre mois de 2002. Mais il y a mieux : pensez que le gouvernement qui nous a précédés ne tenait même pas de statistiques sur les étrangers clandestins ou munis de faux papiers non admis ou réadmis !
    M. Claude Bartolone. Cette attaque contre le président Debré est insupportable ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. On ne cherchait même pas à en retenir le nombre ! J'ai décidé de tenir cette statistique à jour, par honnêteté, et M. Vaillant n'aura pas l'occasion de dire, une fois de plus : « Si j'y avais pensé, j'aurais fait comme Sarkozy »,... (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Daniel Vaillant. Non ! Ce n'est pas possible !
    Mme Elisabeth Guigou. C'est inadmissible !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... dans la mesure où, malheureusement pour lui, cela lui aurait été impossible, puisque ce n'était même pas décompté !
    Ainsi que vous le voyez, monsieur Pandraud, cela change, oui, et en bien, qui plus est ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Daniel Vaillant. Vous n'avez pas le droit de dire ça !
    Mme Marylise Lebranchu. C'est honteux !
    M. le président. Monsieur Vaillant, madame Lebranchu, calmez-vous !
    M. Daniel Vaillant. Mais ces propos sont intolérables !
    M. Philippe Briand. Ah çà, c'est moins agréable qu'au congrès ! Ce n'est pas la même ambiance que dimanche !
    M. Christian Paul, M. Alain Néri et M. Christian Bataille. Zéro !

NORMES COMPTABLES EUROPÉENNES

    M. le président. La parole est à M. François Goulard, pour le groupe UMP. (Mouvements prolongés sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Daniel Vaillant. Les propos de M. Sarkozy étaient inadmissibles !
    M. le président. Monsieur Vaillant, vous n'avez pas la parole ! (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe Briand. Ce n'est pas la même ambiance que dimanche, hein !
    M. Lucien Degauchy. Ça les change !
    M. le président. Vous non plus, Monsieur Degauchy, vous n'avez pas la parole ! (Bruits et mouvements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Tout ce bruit ne sert à rien, mes chers collègues. Voulez-vous qu'il se passe la même chose lorsque M. Le Guen posera sa question ? Calmez-vous, faites preuve d'un peu de discipline, M. Bartolone le premier !
    M. Jean Glavany. Il y a un règlement à l'Assemblée, monsieur le président ! Faites-le respecter !
    M. François Lamy. C'était une mise en cause personnelle !
    M. le président. Je vous en prie ! M. Goulard seul a la parole.
    M. François Goulard. Merci, monsieur le président.
    M. François Hollande. Ce n'est pas possible !
    M. le président. Monsieur Hollande, un peu de calme !
    M. François Goulard. Je souhaite interroger le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur un sujet... (Mouvements prolongés sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Fromion. On n'entend rien !
    M. le président. Vous aussi, monsieur Fromion, taisez-vous une seconde et laissez parler M. Goulard !
    M. Philippe Briand. Le congrès du parti socialiste est fini !
    M. François Goulard. Je souhaite, disais-je, interroger le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur un sujet qui, s'il ne concerne pour l'instant qu'un cercle restreint de spécialistes n'en a pas moins une importance considérable pour l'ensemble des économies européennes.
    M. François Hollande. Cela n'intéresse personne !
    M. François Goulard. Je veux parler des normes comptables européennes. La Commission s'apprête à approuver de nouvelles normes qui s'appliqueront à l'ensemble des entreprises d'Europe. Or ces nouvelles normes, préparées par un comité d'experts, sont très largements inspirées, même si ceux-ci s'en défendent, par les conceptions anglo-saxonnes de la comptabilité, au point même d'en exagérer certains travers.
    Ces normes peuvent avoir, mes chers collègues, des conséquences très négatives. (Mouvements divers sur les bancs du groupe socialiste.) Elles ont en particulier pour effet de faire varier de manière erratique le résultat des entreprises... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je vois à quel point des questions économiques dont les retentissements toucheront l'ensemble de nos concitoyens intéressent nos collègues du groupe socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. C'est vous qui êtes hors normes !
    M. Christian Paul. Soyez plus clair !
    M. François Goulard. Cela mérite en tout cas d'être relevé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Un peu de silence ! La question est importante ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Parce que celle d'avant ne l'était pas ?
    M. le président. Je vous en prie !
    M. François Goulard. Ces normes, disais-je, peuvent faire varier de façon erratique les cours des entreprises sur les marchés financiers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ce qui est fortement préjudiciable à l'ensemble de nos économies. (Mêmes mouvements.)
    Mme Martine David. Qu'est-ce qu'il dit ? On ne comprend pas !
    M. François Goulard. Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous pensons que la Commission... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Goulard, pourriez-vous poser votre question ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Mais quelle est la question ?
    M. François Goulard. Je vais la poser, monsieur le président. (Mêmes mouvements.)
    La Commission ne doit pas suivre aveuglément les propositions des experts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous pensons que l'Europe doit affirmer son indépendance vis-à-vis de normes de fait qui viennent largement des Etats-Unis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pouvez-vous, monsieur le ministre, expliquer sur ce point la position de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ecoutez la réponse, puisque vous n'avez pas écouté la question ! (Mêmes mouvements.)
    M. Philippe Vuilque. Mais on n'a pas compris la question !
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député Goulard, votre question...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Laquelle ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... touche effectivement à un sujet de première importance.
    M. François Lamy. Mais c'est quoi, la question ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Un sujet essentiel, non seulement pour la France et l'Europe, mais aussi pour le monde à travers le commerce international,...
    Un député du groupe socialiste. Et pour les travailleurs ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... un sujet dont nous avons d'ailleurs eu l'occasion de parler samedi à Deauville,...
    M. François Hollande. Quel est le sujet ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... parmi d'autres tout aussi abstraits (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) mais eux aussi directement liés à la vie économique internationale. (Mêmes mouvements.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais quel est le sujet ?
    M. André Vallini. Tout cela est abscons !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ainsi, le rôle des sociétés permettant d'émettre des ratings dans le monde (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), le rôle des compagnies d'analystes financiers... (Mêmes mouvements.)
    M. Julien Dray. Amenez-nous un décodeur !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et, bien sûr, celui que vous évoquez, le rôle des standards comptables. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler dans le cadre de la discussion sur la loi relative à la sécurité financière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je peux vous indiquer que nos collègues européens, mais aussi japonais et américains (Mêmes mouvements) ont accepté de reprendre ce problème en septembre, lors de la prochaine réunion du G 8. (Mêmes mouvements.)
    M. Julien Dray. Je ne comprends rien ! Dites-moi quel est le bon canal ! (Rires.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ce contexte, et pour répondre plus précisément à votre question (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), j'ai pu déjà m'en entretenir, ainsi que vous le savez, avec M. le commissaire Bolkestein (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui, tout comme nous, est parfaitement conscient de l'enjeu.
    M. François Hollande. Et qu'en dit-il, le camarade Bolkestein ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le nouveau dispositif, tout au moins pour les normes qui ne posent pas de problème particulier, pourrait être adopté en 2005. Toutefois, M. Bolkestein a reconnu que, sur deux catégories de normes, dites IAS 39 et IAS 32... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), il était nécessaire, comme nous le lui avions demandé, de poursuivre en totale transparence avec l'ensemble des pays (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)...
    M. Jérôme Lambert. La transparence, il n'y a que ça !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... l'approfondissement de nos réflexions de manière que les normes adoptées ne soient pas seulement anglo-saxonnes, mais aussi européennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Au passage, nous sommes convenus avec lui que l'intérêt de l'Europe commandait, et nous le ferons, de doter le corps d'experts européens des meilleures compétences, y compris françaises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Nous voilà sauvés !
    M. le président. Madame David, n'en rajoutez pas !

REMBOURSEMENT DES MÉDICAMENTS

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, permettez-moi de rappeler à M. Fillon que nous sommes dans la séance des questions au Gouvernement. Et si, en raison de son désarroi, il n'a pas remarqué qu'il ne s'agissait pas de la séance des questions à l'opposition, nous sommes à sa disposition pour lui en organiser une ensuite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Il faudrait qu'il ait quelques informations, tout de même !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais aussi l'informer que l'ensemble des organisations syndicales ont été invitées - et nous nous en honorons - au congrès du parti socialiste, qu'elles étaient présentes à Dijon, et qu'effectivement le parti socialiste discute, lui, avec l'ensemble des organisations syndicales pour bâtir ses orientations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'en viens à ma question, qui s'adresse plus précisément à M. le ministre en charge de la santé et de l'assurance maladie.
    C'est aujourd'hui, monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, que prend effet votre décision de baisser le remboursement de 617 médicaments,...
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est votre décision !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... dont certains bien connus des Français, tels le Zovirax, le Vogalène ou encore le Totapen.
    M. André Vallini. C'est scandaleux !
    M. Jean-Marie Le Guen. Si, comme vous le dites, vous jugez ces médicaments inutiles, vous auriez dû demander au corps médical d'en suspendre la prescription plutôt que de pénaliser les malades en les remboursant moins ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jérôme Lambert. Très bien !
    M. François Goulard. C'est très bien remboursé par la MNEF !
    M. Jean-Marie Le Guen. Dimanche dernier, vous avez annoncé, sur Europe 1, que vous aviez l'intention de généraliser cette méthode à l'ensemble des soins médicaux.
    Mme Martine David. Et pourquoi pas tous les jours de l'année ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Demain, les Français doivent le savoir, certaines analyses, certains soins seront, par votre décision, moins remboursés. En fait, vous voulez une sécurité sociale en peau de chagrin pour faire de la place aux assurances privées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    Dans le même temps, vous avez flatté tous les corporatismes médicaux, supprimé tous les instruments de maîtrise des dépenses et laissé filer les déficits de la sécurité sociale. Vous vous préparez, monsieur le ministre, quoi que vous en disiez aujourd'hui, à opérer des prélèvements supplémentaires sur les revenus, qui agiront demain comme une nouvelle saignée sur notre économie.
    M. Richard Cazenave. Il fait les questions et les réponses !
    M. Dominique Dord. Ce n'est pas sérieux !
    M. Jean-Marie Le Guen. Alors que les Français manifestent - et il manifesteront nombreux dimanche prochain - pour leurs retraites et s'inquiètent pour leurs pensions, leur faudra-t-il demain, et voilà ma question (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), cotiser toujours plus à des assurances privées pour être soignés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur Le Guen, vous nous interrogez sur le déremboursement. Mais cette initiative, je vous le rappelle, a été prise par Mme Aubry ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. C'est monstrueux de dire ça !
    M. le ministre délégué à la famille. C'est elle qui a mis en place une commission d'évaluation sur 4 500 produits.
    M. Julien Dray. Occupez-vous de l'agriculture, vous y êtes meilleur !
    M. le ministre délégué à la famille. Au vu des résultats de cette commission, qui a travaillé en toute transparence, il a été estimé que 800 produits ne correspondaient pas au service médical que l'on en attendait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    A partir de là, Jean-François Mattei a effectivement proposé un déremboursement sur trois ans, ce qui permettra, en corollaire, de financer l'innovation et la recherche sur les nouvelles molécules.
    Mme Martine David. Le dimanche de Pâques !
    M. le ministre délégué à la famille. Voilà l'esprit dans lequel cette décision a été prise, au vu des résultats de la commission mise en place par Mme Aubry. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Sur le reste, monsieur Le Guen, je voudrais vous rappeler que l'évolution des résultats de la sécurité sociale n'est pas liée à une dégradation des dépenses,...
    Mme Martine David. Mais si !
    M. le ministre délégué à la famille. ... mais essentiellement à une dégradation des recettes,...
    M. François Lamy. Et pourquoi ?
    M. le ministre délégué à la famille. ... lesquelles dépendent, vous le savez comme moi, de la croissance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Non !
    M. le ministre délégué à la famille. Et en matière de croissance, vous devriez le savoir aussi, il y a des périodes fastes...
    M. François Lamy. La nôtre !
    M. le ministre délégué à la famille. ... et d'autres qui le sont moins.
    Un député du groupe socialiste. Comme en ce moment !
    M. le ministre délégué à la famille. Comme en ce moment, tout à fait. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mais durant les périodes fastes, entre 1999 et 2001, qu'avez-vous fait des fruits de la croissance ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Rien ! Rien !
    M. le ministre délégué à la famille. Non seulement vous n'avez mis aucune réforme structurelle en place ni créé aucun fonds de réserve, mais vous avez dilapidé les fruits de la croissance et détourné les fonds pour financer les 35 heures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Voilà la responsabilité que vous portez, monsieur Le Guen, avec le gouvernement que vous souteniez !
    Cela dit, puisqu'il semble que le PS ait désormais des idées sur la question - il n'en a pas eu pendant cinq ans -, sachez que M. Mattei aura grand plaisir à les entendre pour préparer son projet de loi sur la nouvelle gouvernance de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. C'est vraiment mauvais !

TERRORISME

    M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Sébastien Vialatte. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, nous avons appris avec horreur que des attentats perpétrés le 16 mai dernier à la bombe et à la voiture piégée par un groupe de kamikazes dans le centre de Casablanca, avaient fait quarante et un morts et une centaine de blessés. Parmi les tués, on compte trois Français, trois Espagnols et un Italien.
    Les premiers éléments de l'enquête, dont les médias se sont fait l'écho, tendent à démontrer que ces kamikazes revenaient de l'étranger, où ils auraient suivi un entraînement, et que la piste d'Al-Qaïda serait la plus probable. Ces événements ne font que confirmer nos craintes : la menace terroriste est bien réelle. Sans pour autant céder à la paranoïa, les Etats se doivent d'être vigilants.
    Nous savons par ailleurs que, dès samedi, des policiers français et espagnols se sont rendus à Casablanca afin d'apporter leur aide aux services marocains.
    Monsieur le ministre, vous devez, je l'imagine, être en contact étroit avec les autorités marocaines pour suivre l'évolution de l'enquête. Pouvez-vous nous informer des derniers éléments dont vous avez eu connaissance et nous préciser dans quelle mesure la France apporte son aide et son soutien au Maroc ? Pouvez-vous également rassurer l'ensemble de nos concitoyens quant aux dispositions que vous avez prises et que vous prendrez afin d'éviter que de tels drames puissent survenir en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, le mois de mai a été particulièrement sinistre sur le plan du terrorisme.
    M. François Hollande. Il n'y a pas eu que cela !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La liste est longue à rappeler : les 12 et 13 mai, deux attentats en Tchétchénie : soixante-dix morts ; le 12 mai, à Ryad, trente-quatre morts et deux cents blessés ; le 16 mai, enfin, à Casablanca, quarante et un morts, dont trois de nos compatriotes, et cent blessés, dont un Français. Encore doit-on ajouter qu'Israël a connu nombre d'attentats particulièrement dramatiques, dont un commis par un kamikaze qui avait passé toute sa jeunesse dans un pays de l'Union européenne - l'Angleterre en l'occurrence, mais cela aurait pu être n'importe quel autre pays européen abritant une communauté qui entretient des liens avec les pays du Maghreb. Voilà la situation.
    Depuis novembre 2002, les services de police ont arrêté quarante-neuf individus liés à des activités terroristes. Par ailleurs, les Marocains ont demandé au Premier ministre l'aide des services français. A la minute où je vous parle, quatorze policiers français des services spécialisés sont en train de travailler aux côtés des services marocains, avec également des spécialistes de la police espagnole - deux Espagnols, vous l'avez rappelé, sont mort dans ces attentats. Fort heureusement, l'un des auteurs a pu être arrêté par la police marocaine qui a mis la main sur un certain nombre d'éléments de nature à faire progresser l'enquête.
    Immédiatement, le Premier ministre a décidé de relever le niveau de vigilance de Vigipirate. Nous allons renforcer nos liens avec le Maroc, l'Algérie et la Tunisie. Il n'y a pour nous qu'un seul mot d'ordre, comme cela a été le cas pour nos prédécesseurs face à la même situation : la vigilance.
    On le voit bien, et c'est là-dessus que j'en terminerai : à peine croit-on avoir un peu de répit dans la lutte contre le terrorisme qu'une sinistre nouvelle arrive d'un autre point du globe. La lutte va durer des années. D'ici là, il n'y a qu'une stratégie : la vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉCENTRALISATION DE L'ÉDUCATION

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez, pour le groupe UMP.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, le Premier ministre a annoncé, à l'issue du débat national organisé dans le cadre des assises des libertés locales, des mesures de décentralisation qui concernent, entre autres, l'éducation nationale. Depuis plusieurs semaines, des informations aussi erronées qu'inquiétantes circulent sur les projets de décentralisation. Des tracts émanant de syndicats - quelques-uns - ou encore d'associations, sans doute manipulées, font croire à un éventuel démantèlement de l'éducation nationale.
    M. Christian Bataille et M. Alain Néri. C'est vrai !
    M. Pierre-Louis Fagniez. A croire ces fausses informations, je les cite pêle-mêle, des écoles maternelles seront supprimées, les collectivités territoriales vont privatiser le fonctionnement des établissements scolaires, les assistantes sociales ne pourront plus pénétrer dans les établissements.
    M. Alain Néri. Mais c'est vrai !
    M. François Grosdidier. C'est honteux !
    M. Pierre-Louis Fagniez. Ces rumeurs existent. Nous devons en parler. Je les ai même entendues circuler sur certains de ces bancs. Pouvez-vous y mettre fin, monsieur le ministre ? Pouvez-vous nous préciser ce qui sera transféré aux collectivités territoriales ? Pouvez-vous expliquer devant la représentation nationale et les Français en général ce qu'est le projet de décentralisation du Gouvernement pour l'éducation ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Alain Néri. Il n'y connaît rien !
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, je vous remercie de me permettre de rappeler (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) que la décentralisation n'a pas commencé cette année. S'agissant, par exemple, des personnels de service du premier degré, ce n'est pas Luc Ferry qui les a décentralisés, mais Jules Ferry ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quant aux établissements publics, ce n'est pas no6140us qui les avons décentralisés, et à juste titre : le mouvement a été lancé dès 1981 et plus particulièrement en 1986 !
    Rappelons que, d'ores et déjà, ont été décentralisés bon nombre de fonctionnaires de la territoriale travaillant dans le secteur social ou culturel. On compte aujourd'hui près de 1,4 million de fonctionnaires territoriaux. Je voudrais que l'on m'en cite un qui voudrait revenir au statut de fonctionnaire d'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Néri. Il y en a !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. J'aimerais également que l'on m'explique en quoi un fonctionnaire territorial, au motif qu'il dépend d'une collectivité, deviendrait subitement une sorte de sous-prolétaire soumis à la tyrannie d'un élu local ! C'est faire insulte à tous les présidents de région et de département, à tous les élus locaux qui gèrent au quotidien la fonction publique territoriale pour assurer le service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    On comprend dans ces conditions que, au lieu de répondre à ces arguments de fond que tous les électeurs, tous les Français comprennent, à savoir que la décentralisation permet un meilleur service public de proximité, vous préfériez pratiquer la désinformation et faire courir les bruits les plus infondés : on va supprimer les écoles maternelles - c'est faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il n'y aura plus, dites-vous, d'assistante sociale - c'est faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il n'y aura plus de conseil d'orientation et de psychologues dans les établissements scolaires - c'est faux !
    M. Michel Françaix. C'est vrai !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. La médecine scolaire va exploser - c'est faux !
    M. Michel Françaix. C'est vrai !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Les agents techniques, à vous entendre, n'obéiront plus au chef d'établissement - c'est faux !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Si, c'est vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Parce que la décentralisation l'emporte par le bon sens, les seules armes que vous avez choisies sont celles de la désinformation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

INFRASTRUCTURES 2003-2020

Déclaration du Gouvernement
et débat sur cette déclaration

    M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les infrastructures 2003-2020 et le débat sur cette déclaration.
    La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous voici aujourd'hui réunis, comme le Gouvernement l'avait souhaité et annoncé, pour imaginer ensemble notre nouvelle politique du transport. Dominique Bussereau et moi-même connaissons évidemment l'importance de ce débat pour vous, pour vos circonscriptions, pour leur prospérité, pour l'emploi des hommes et des femmes que vous représentez. Nous savons tous aussi l'importance de ce débat pour notre pays, pour son rayonnement et sa capacité à garder un rôle moteur en Europe.
    M. Michel Hunault. Très bien.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce débat parlementaire fait suite à l'audit qui a été commandé par le Gouvernement en août dernier au Conseil des ponts et à l'Inspection des finances.
    Cet exercice d'une grande rigueur intellectuelle a suscité de nombreux commentaires, parfois même des polémiques. Cet audit était pourtant indispensable. Comme pour les retraites, il faut dire la vérité, il faut décrire l'état des lieux, même si cela ne fait pas toujours plaisir, et il faut ensuite partir sur des bases transparentes.
    L'audit des grands projets d'infrastructures de transport, je l'ai dit et redit, nous a décrit la situation telle que nous l'avons trouvée, et celle-ci n'est pas fameuse. Les seuls projets identifiés par les auditeurs et retenus dans leur esquisse à vingt ans révèlent une impasse cumulée comprise entre 11 et 15 milliards d'euros par rapport aux ressources existantes mises en place par l'Etat, sans compter les contributions des collectivités locales, évaluées, elles, à 11 milliards d'euros sur vingt ans. D'aucuns pourront considérer que les auditeurs ont été chiches dans leurs simulations financières en renvoyant au-delà de 2020 certains projets, et non des moindres.
    Vous le savez, d'autres rapports sont venus ensuite tempérer la vision purement comptable de l'audit : le rapport des sénateurs Hubert Haenel et François Gerbaud, sur le fret ferroviaire, et celui du sénateur Henri de Richemont sur le cabotage maritime. Enfin, il y a moins d'un mois, la DATAR a publié son étude prospective « La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ? ».
    M. Michel Bouvard. Excellent rapport !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ces travaux sont en effet d'une grande qualité.
    M. Pierre Forgues. Pas toujours !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ces travaux nous invitent à nous poser les bonnes questions, à sélectionner les bons investissements, au nom évidemment de logiques qui doivent être cohérentes et surtout pérennes.
    M. Maxime Gremetz. Ah, ah !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Oui, le temps du politique est maintenant arrivé. Le Gouvernement souhaite entendre la représentation nationale. Quelle est votre appréciation de la situation actuelle des infrastructures ? Notre pays doit-il ralentir son effort d'équipement, le maintenir ou, au contraire, l'accélérer ?
    M. Daniel Paul. L'accélérer !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Quel avis portez-vous sur les contraintes, les nouvelles donnes de cette politique et, au final, comment appréhendez-vous la question du financement de cet effort ?
    M. Maxime Gremetz. Grosse question !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je finirai mon propos par plusieurs propositions concrètes, mais permettez-moi de revenir sur les quelques problématiques que je viens d'évoquer et sur lesquelles le Gouvernement sollicite votre opinion.
    La première question, essentielle bien sûr, c'est de savoir si nous avons encore besoin de développer nos infrastructures de transport. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe des députée-e-s communistes et républicains.) Question apparemment évidente. La réponse du Gouvernement, est positive, vous vous en doutez. Je vois en effet plusieurs raisons de poursuivre et même d'intensifier notre effort.
    La première raison qui me pousse à aller de l'avant, c'est l'augmentation naturelle de la demande de transport à venir et notre insuffisante capacité à y faire face aujourd'hui. Les perspectives de croissance de la demande de transport sur vingt ans sont les suivantes.
    Le trafic du fret ferroviaire dispose d'un potentiel de développement d'au moins 20 %, en particulier sur les axes d'échange majeurs, et sans doute davantage si la qualité de service est au rendez-vous.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le trafic ferroviaire de voyageurs devrait continuer à se déveloper, mais sa croissance serait réduite, de 16 à 20 %, en l'absence de réalisation de lignes nouvelles à grande vitesse.
    Le trafic fluvial, lui, dispose d'un certain potentiel de dévelopement sur le réseau existant à grand gabarit. La hausse actuelle du trafic en est, j'espère, un signe tangible. Elle a été en 2002 de l'ordre de 7 %.
    Le transport aérien intérieur aurait une croissance très ralentie par rapport aux périodes passées, notamment avec la mise en service de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse. Ce ralentissement pourrait être sensiblement relativisé par un développement de la concurrence des compagnies à bas coût sur le marché intérieur. Le trafic européen resterait lui en expansion.
    Le trafic routier, voyageurs et marchandises, devrait augmenter entre 40 et 60 %, y compris dans un contexte multimodal beaucoup plus affirmé. Dans l'hypothèse d'un prolongement des tendances, observer un doublement du trafic serait loin d'être invraisemblable.
    La question corollaire à cette réflexion sur la demande, c'est bien entendu la capacité de nos infrastructures actuelles à accueillir cette demande nouvelle.
    Contrairement à certains pays voisins à forte densité comme l'Allemagne, le Benelux ou la Grande-Bretagne, qui connaissent déjà des niveaux de congestion très élevés, nos réseaux d'infrastructures ne connaissent pas encore ce phénomène, sauf sur un nombre limité d'axes et de périodes de l'année. L'étude de la DATAR l'a d'ailleurs bien souligné dans sa première partie.
    Si rien n'est fait, cette congestion, aujourd'hui relativement acceptable, pourrait se révéler difficilement supportable dans les vingt prochaines années pour la vie quotidienne des Français. Elle serait aussi contre-productive pour l'économie des régions concernées, notamment pour nos principaux pôles d'activité économique et touristique.
    Telle est donc la première raison pour notre pays de poursuivre son équipement : une demande de transport toujours orientée à la hausse.
    La deuxième raison, c'est le développement économique, et donc l'emploi.
    Un territoire bien desservi, vous le constatez chaque jour dans vos circonscriptions, permet aux hommes de travailler en coopération et contribue, grâce à un meilleur échange de savoir-faire, à la création de richesses et donc à la création d'emplois.
    Je suis convaincu que l'efficacité des investissements de desserte est souvent équivalente, peut-être même parfois supérieure, à celle des investissements consacrés à l'amélioration de l'outil de production. Vous le savez bien, la spécialisation et l'innovation sont les deux grands moteurs de la croissance économique. Le carburant de ces deux moteurs, c'est l'échange, le brassage et le mouvement des hommes. Ce carburant-là a besoin d'un système de transport performant autour des infrastructures traditionnelles évidemment, mais aussi, ne l'oublions pas, autour des fibres optiques et de tout ce qui permettra aux liaisons à haut débit de pénétrer dans chaque foyer, dans chaque entreprise, dans chaque école et dans chaque lieu de service public.
    L'analyse historique ne nous révèle pas autre chose. Les épisodes d'augmentation de la prospérité ont été ou accompagnés ou précédés d'améliorations dans le système de transport.
    Après la demande et l'emploi, la troisième raison pour laquelle nous devons poursuivre notre effort, c'est évidemment l'Europe. Je ne crois pas que notre pays puisse se permettre un statu quo en matière d'équipement si nous voulons relever le défi de l'élargissement européen.
    Quelques chiffres - je n'en ai pas abusé jusqu'à présent - pour nous situer.
    Notre pays est celui où a été construit le plus grand linéaire d'autoroutes entre 1970 et 1999. La France est désormais au sixième rang euroépen pour la densité autoroutière rapportée à la surface et au quatrième rang pour la densité autoroutière rapportée à la population.
    En matière ferroviaire, la France occupe un rang identique. Elle a pris une avance significative en développant des services ferroviaires à grande vitesse qui relient aujourd'hui la plupart de ses grandes métropoles.
    Nous pouvons, à juste titre, être collectivement fiers des efforts qui ont été accomplis. Cependant, nos voisins continuent à s'équiper fortement...
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... en autoroutes et en TGV. Je dois vous avouer que je suis chaque fois impressionné, à la lecture des rapports ou à l'occasion de contacts avec les ministres des transports de l'Espagne ou de l'Italie par exemple, par le volontarisme avec lequel nos voisins rattrapent leur retard. Il est vrai que les pays dits de la « cohésion », l'Espagne, le Portugal, la Grèce, l'Irlande, ont grandement bénéficié du fonds de cohésion qui, pour eux, constitue une manne substantielle puisqu'il finance jusqu'à 50 % la réalisation d'infrastructures.
    Le risque d'être dépassé, relégué, est pour moi réel, mais, si nous savons relever ce défi européen en retrou-vant un rythme élevé de construction d'infrastructures, nous avons tout à espérer de l'Europe élargie.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Un échec serait d'autant plus rageant qu'avec notre triple façade maritime, nous bénéficions d'un formidable potentiel géographique. La France est le point de passage obligé des échanges entre l'Italie, l'Espagne et le Portugal, d'une part, la Grande-Bretagne, le Benelux et l'Allemagne, d'autre part. Certes, cette situation entraîne pour notre pays des charges croissantes d'occupation et de développement d'infrastructures sans contreparties directes, mais ces transits constituent aussi une source importante de revenus, si nous savons développer accueil et services, par exemple dans le domaine de la logistique et du tourisme. Pensons à l'importance du tourisme pour l'emploi - un million d'emplois aujourd'hui dans notre pays - et pour le développement territorial.
    Evidemment, le Gouvernement vous fait confiance pour peser en ce sens et positionner notre pays au coeur de la dynamique européenne. De même que chaque territoire aspirait hier à se rapprocher de Paris, les mêmes devront à l'avenir, grâce aux infrastructures de transport, devenir eux aussi acteurs de cette dynamique européenne. Mais, à côté d'espaces qui accumulent activité et parfois nuisances, il existe des régions affectées par le déclin industriel et toujours tenues à l'écart. De tels écarts ne sont tout simplement pas compatibles avec notre idéal républicain. Jean-Paul Delevoye, si vous le voulez bien, y reviendra avec nous ce soir.
    Nécessité de conserver des objectifs ambitieux en matière d'équipement, j'espère vous en avoir convaincus. Nécessité aussi, et ce sera la seconde partie de mon propos, d'intégrer de nouveaux aspects qui caractériseront les transports du xxie siècle. Ces nouvelles donnes de la politique des transports de demain, permettez-moi d'y consacrer quelques minutes.
    Première de ces données nouvelles, le respect de l'environnement, avec, forcément, une réflexion sur l'exigence démocratique.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Les perspectives d'évolution des trafics sont lourdes de conséquences sur notre environnement. En France comme en Europe, le secteur des transports génère plus du quart des émissions totales de CO2, dont 84 % seraient imputables au transport routier.
    M. Yves Cochet. Eh oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ajoutons à cela deux problèmes déjà très préoccupants : les pollutions maritimes et plus globalement les risques liés au transport de matières dangereuses, et le bruit.
    Nous sommes confrontés, et nous le serons de plus en plus, aux réactions de rejet de riverains qui réclament la limitation des trafics et l'éloignement des réseaux. Des infrastructures nouvelles sont réclamées.
    Elles seront de fait, et parfois par les mêmes, de plus en plus contestées aussi.
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il résulte de cette « citoyenneté active » des coûts d'investissement croissants et surtout une durée d'étude et de concertation beaucoup plus longue pour engager une nouvelle infrastructure. L'audit a été de ce point de vue très instructif. Notre expérience aussi, d'ailleurs. Aujourd'hui, il faut compter quatorze à dix-sept ans entre les premières études d'opportunité et la mise en service. Cela veut dire qu'un projet de ligne à grande vitesse, par exemple, dont les études seraient lancées cette année, ne verrait les premières rames circuler qu'en 2020. Ce constat, je le considère comme très préoccupant, et même inacceptable, car nous avons vraiment atteint un seuil qui pose clairement la question de la pérennité des décisions et du calendrier démocratique.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La question qui nous est posée est donc de savoir comment inscrire la croissance des transports dans une logique de développement durable.
    M. Yves Cochet. Eh oui, voilà la question !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Pour avoir des transports durables, il faut agir à la fois sur la technologie pour limiter les nuisances à la source - bruit, pollution locale, émissions de gaz à effet de serre - sur la gestion des réseaux, pour orienter la demande sur les horaires et les itinéraires les mieux adaptés, et sur l'intermodalité pour reporter les trafics sur les modes les moins nuisants, partout où des services compétitifs peuvent être déve-loppés.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Après l'environnement, la deuxième et nouvelle donne importante de cette nouvelle politique des transports, c'est l'intermodalité.
    Quelle est notre conviction sur le partage modal ? J'ai déjà eu l'occasion de l'exprimer, il faut cesser d'opposer stérilement un mode à un autre.
    Le bon fonctionnement du réseau routier conditionne dans une très large mesure l'ensemble du système de transport, donc le développement économique de nos entreprises, et donc le développement de l'emploi dans notre pays.
    Rappelons, en effet, que la route achemine près de 90 % des transports intérieurs de voyageurs et 75 % de ceux des marchandises. N'oublions pas qu'elle assure également les parcours terminaux des autres modes.
    L'idée d'un laisser-faire avec comme conséquence la prédominance de la route et de ses files ininterrompues de camions n'est pas acceptable.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le rééquilibrage des modes constitue une des clés du développement soutenable des transports. Réconcilions nos modes de transport, servons-nous de leur complémentarité, favorisons leur développement dans les domaines où ils sont les plus pertinents.
    Concrètement, l'écart persistant entre la route et le rail est préoccupant. Si le trafic ferroviaire de voyageurs connaît une progression sensible grâce au développement des trains à grande vitesse et des services régionaux, tous les indicateurs confirment l'érosion du fret ferroviaire.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
    M. Jean-Marie Geveaux. Malheureusement !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Surtout si l'on continue, comme ce fut le cas pendant des années, à préférer les belles paroles aux actes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Avec nous, des actes, peut-être plus modestes, mais concrets...
    M. François-Michel Gonnot. Enfin !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... qui, sur la durée, amènent vraiment un changement et une véritable amélioration. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les causes des difficultés du fret ferroviaire sont connues : déclin des industries lourdes, mutations spatiales et organisationnelles de notre tissu économique, diminution de la taille des envois.
    Ces tendances expliquent largement le caractère utopique de l'objectif annoncé par le précédent gouvernement, jamais réalisé et même pas amorcé.
    Les auditeurs ont d'ailleurs clairement marqué leur scepticisme sur cet objectif de doublement en 2010 et de triplement en 2020 de l'ensemble du fret ferroviaire affiché par mon prédécesseur pendant cinq années,...
    M. Pierre Hellier. Sans rien faire !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... alors que, pendant cinq ans, nous avons assisté à une diminution de la part du fret ferroviaire.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Absolument !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Hubert Haenel et François Gerbaud, deux vrais spécialistes, proposent à coup sûr une politique de fret crédible.
    Pour arrêter le déclin et amorcer la reconquête, on peut passer de 50 milliards de tonnes/kilomètres transportées, comme aujourd'hui, à 55 ou 60 dans un délai de cinq à sept ans. On peut s'accorder sur cet objectif intermédiaire, même si, à mon avis, l'important est de réaliser des actes concrets qui, ajoutés les uns aux autres, vont faire de l'intermodalité une réalité et pas seulement un joli sujet de colloque.
    Je suis certain qu'un potentiel de développement existe, en particulier sur les axes d'échanges majeurs tels que la magistrale éco-fret Nord-Sud, ou à travers le transport combiné ou l'autoroute ferroviaire.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. A cet égard, la mise en service, à la fin du mois de juin, de la première autoroute ferroviaire française entre Aiton et Orbassano, dans la banlieue de Turin, permettra enfin de vérifier en vraie grandeur l'intérêt du système.
    Enfin, l'amélioration de la qualité du service aux clients est incontournable pour refidéliser les chargeurs. C'est la tâche à laquelle la SNCF doit s'atteler en priorité, y compris dans le travail en cours au sein de l'entreprise sur la réduction de la conflictualité. A cet égard, l'ouverture progressive à la concurrence doit être perçue par cette entreprise comme un véritable stimulant et même comme une chance.
    Après l'environnement et l'intermodalité, la dernière donnée importante à prendre en compte pour les transports de demain est constituée par le tarissement des sources de financement traditionnelles et par la recherche nécessaire de nouvelles ingénieries financières.
    Au cours des vingt dernières années, l'effort de notre pays en matière d'investissements d'infrastructures a connu des fluctuations importantes, entre 1 % et 2 % du produit intérieur brut selon les années. Le niveau des années 2000-2002 est d'ailleurs inférieur à 1 % du PIB consacré aux infrastructures, à la suite d'une baisse régulière depuis 1997.
    Avec votre accord, je ferai un petit historique. Depuis la guerre, les infrastructures de transport ont trouvé à se financer de manière assez autonome sans trop peser sur le budget général de l'Etat.
    Pour la route, les plus anciens se souviennent du FSIR - le fonds spécial d'investissement routier - créé au début des années cinquante et alimenté par une fraction de la TIPP.
    Parallèlement, avec la loi de 1955 sur les autoroutes, s'est mis en place au début des années soixante, le recours au péage et au principe de l'adossement, principe qui s'inspirait du financement du programme ferroviaire de la seconde moitié du xixe siècle.
    Le FSGT - fonds spécial des grands travaux -, a également permis la poursuite du programme routier jusqu'en 1988. Il était encore alimenté par des centimes additionnels à la TIPP.
    Plus récemment, le FITTVN, instauré par la loi Pasqua, avait permis de dépasser les logiques propres à chaque mode. Il se finançait à partir d'une taxe sur le kilowattheure et sur les kilomètres parcourus sur les autoroutes à péage.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La mise en conformité avec les directives européennes a mis fin au principe de l'adossement et a transformé nos sociétés publiques d'autoroutes en de vraies sociétés anonymes dégageant des dividendes et acquittant l'impôt sur les sociétés. Quant à l'intelligent et multimodal système du FITTVN, il a été tué par la précédente majorité.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !
    M. Michel Bouvard. Par le parti socialiste !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est vrai !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais ils ont gardé les recettes !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ils ont gardé les recettes, mais le système a été tué !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Exactement !
    M. François-Michel Gonnot. Assassiné !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En matière ferroviaire, le recours à l'endettement de l'opérateur a permis de poursuivre, de manière assez indolore, l'amélioration de notre réseau ferré et, en particulier, de lancer les premiers programmes de lignes à grande vitesse. Cette facilité, qui portait en elle de nombreux effets pervers, a disparu en 1997. La création de RFF s'est conjuguée avec une certaine moralisation du financement des investissements : c'est le fameux article 4 qui oblige RFF à amortir ces nouveaux investissements par des recettes. Cela ne règle cependant en rien le passif accumulé. J'y reviendrai.
    En quelques années, nous avons donc vécu, mesdames et messieurs les députés, une véritable révolution qui modifie radicalement la façon de financer un projet nouveau. En contrepartie de cet effort de clarification, l'Etat et les collectivités locales sont maintenant amenés à financer directement par des subventions une partie de l'infrastructure. Le TGV Est, par exemple, ou l'autoroute A28 ont dû se financer dans ce nouveau contexte. Il en sera de même, demain, pour tous les grands projets.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est très choquant !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Certains trouvent cela très choquant, et je ne suis pas loin de partager leur opinion.
    Face à une impasse financière manifeste, sur la base des financements d'aujourd'hui, beaucoup en appellent aux partenariats public-privé. Le PPP est un outil qui doit être encouragé dans son principe. Ses mérites sont connus : transférer une partie des risques vers le privé, accélérer la réalisation d'infrastructures, optimiser la gestion des infrastructures, améliorer le service rendu. Mais, soyons clairs, le partenariat public-privé n'est pas la panacée. Il ne permettra jamais à un projet en manque de rentabilité financière d'en avoir une. Et ces difficultés de mise en oeuvre ne doivent pas être négligées, en particulier en matière ferroviaire. A ce titre, l'exemple que je viens de vivre avec Dominique Bussereau, des négociations sur le projet du Perpignan-Figueras, est à méditer.
    De même, il peut être intéressant de mobiliser les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations, mais cela ne saurait être que marginal par rapport aux besoins identifiés dans l'audit.
    Sur la foi des convictions que je viens d'exprimer, dans le cadre d'une politique d'équipements à amplifier, d'une politique européenne durable, intermodale et finançable, à quels engagements pouvons-nous souscrire sans tarder ? Le premier type d'engagement concerne les infrastructures à réaliser, d'abord dans le domaine ferroviaire. Il faut évidemment distinguer le fret et les voyageurs. J'ai abordé un peu plus tôt la question du fret et les recommandations salutaires du rapport Haenel-Gerbaud. En ce qui concerne les voyageurs, la grande vitesse nous apparaît, à Dominique Bussereau et à moi-même, comme une priorité pour brancher toutes les métropoles régionales sur l'Europe. Nous devons donc planifier la réalisation des lignes à grande vitesse déjà étudiées et engager des études pour d'autres lignes qui le méritent.
    M. Yves Bur. Bravo ! Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Quant au projet Lyon-Turin, je signalerai qu'il existe un accord international et qu'il sera respecté (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François-Michel Gonnot. Mais dans les délais !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Quand ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... que ce projet, personne ne le conteste, a un caractère éminemment structurant, et enfin, que, étant donné l'ampleur de l'ouvrage, il est indispensable d'en connaître l'ensemble des aspects techniques, d'en dévoiler avec honnêteté le coût exact, ainsi que le mode de financement et le mode de réalisation technique. Je m'en suis d'ailleurs entretenu avec mon homologue italien, vendredi dernier.
    M. Maxime Gremetz. C'est l'Arlésienne !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'était l'Arlésienne, en effet, sous le gouvernement précédent !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est faux !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous, mesdames et messieurs les députés, nous préférons les actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Yves Le Drian. C'est de la provocation !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La provocation venait de la gauche de l'hémicycle, monsieur le député.
    Dans le domaine des routes, je distingue quatre axes principaux de développement. Le premier est la réalisation de grands itinéraires est-ouest et sud-nord, permettant d'assurer le bon écoulement du trafic routier national et européen, ainsi que l'ancrage du territoire dans l'espace européen. Le deuxième axe est constitué par les liaisons transfrontalières, notamment avec l'Espagne et l'Italie. Le troisième est la desserte plus équilibrée de l'ensemble des points du territoire. Le quatrième est la réalisation de contournements destinés à écarter de l'espace urbain le trafic de transit. Un nombre important de grandes agglomérations doivent être traitées. Je vous rappelle que la nouvelle loi de décentralisation offre la possibilité de mettre en place des concessions routières pour réaliser ces contournements.
    M. Maxime Gremetz. Il faut mettre des péages en place !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Sur le fluvial enfin, les enjeux se situent d'abord dans la restauration et la sauvegarde du patrimoine. Le réseau existant est en effet en mauvais état. En matière de nouveaux projets, l'écluse du Havre, dans le cadre de Port 2000, a toute sa pertinence. Quant au projet Seine-Nord, il a été replacé par la DATAR dans un contexte plus vaste au niveau européen.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est, en effet, le bon niveau d'appréciation pour une telle réalisation. Je suis convaincu qu'il faut le planifier en tête de liste des équipements fluviaux à réaliser.
    M. Maxime Gremetz. Heureusement qu'il y avait la DATAR !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Notre deuxième engagement porte sur le respect des usagers et la satisfaction de leurs attentes, grâce à la ressource humaine et à ce que j'appellerai les infrastructures intelligentes. Il nous faut donc porter un intérêt particulier aux investissements susceptibles d'améliorer l'exploitation des réseaux actuels, notamment par le biais des technologies de l'information.
    Les usagers sont de plus en plus attachés à la qualité des services : ponctualité et sécurité du transport, information et prise en charge en cas de crise ou d'intempéries. On s'en est rendu compte une nouvelle fois à l'occasion des chutes de neige du début de l'année. Dans ce domaine, le gisement est énorme - je pense aux autoroutes ou au fret - et ces infrastructures intelligentes doivent être encouragées avec détermination.
    En parallèle, l'optimisation de l'usage des infrastructures existantes, la modulation des péages et le développement de l'information donnée aux usagers sur l'ensemble du réseau routier doivent être de grande exigence. De manière générale, il faut développer, sur l'ensemble du réseau routier national, un système d'information qui permette à l'usager de choisir son itinéraire très en amont des difficultés.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Notre troisième engagement concerne les délais de réalisation à réduire.
    Face à ces besoins quantitatifs et qualitatifs, nous sommes persuadés qu'il nous faut éliminer les procédures inutiles. A ce propos, je vous annonce la suppression de l'IMEC, sigle barbare que tout élu s'est vu opposer pour justifier un allongement des délais. C'est un premier pas dans la bonne direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. Ce n'était pas l'IMEC, c'était la CIA ! (Sourires.)
    M. Alain Juppé. Et que devient la CIA ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je suis sûr qu'il y a aussi des progrès à accomplir en ce qui concerne le débat public.
    M. Dominique Dord. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Oui, bien entendu, à l'expression organisée, maîtrisée dans le temps, de points de vue différents ! Non à des procédures dilatoires qui saperaient progressivement toute notion d'intérêt général !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est le cas !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La loi présentée par Henri Plagnol, et qui permettra au Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures de simplification administrative, sera, j'en suis convaincu, bien utile.
    M. Maxime Gremetz. Et voilà !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Après les nouvelles infrastructures, le repect des engagements,...
    Mme Odile Saugues. Le respect des engagements !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... l'amélioration des délais, mon quatrième et dernier engagement portera sur les ressources nouvelles.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Yves Bur. C'est indispensable !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Que les choses soient bien claires : le coût de l'ensemble des projets nécessaires à notre nouvelle ambition appelle a minima un financement supplémentaire de 1,2 milliard d'euros par an, sur vingt ans. Il s'agit de la part Etat, et simplement de la part Etat supplémentaire, sachant que je suppose acquise la part annuelle actuelle de l'Etat de 3,2 milliards d'euros. C'est dire que, en tout état de cause, se pose devant nous une importante équation financière. Il nous faut donc des ressources nouvelles. Comme chez certains de nos voisins, l'idée s'est fait jour, d'une part, d'une redevance kilométrique sur les poids lourds, y compris les poids lourds étrangers en transit,...
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et, d'autre part, du rapprochement de la TIPP gazole pour les VL de celle qui s'applique à l'essence.
    La redevance assise sur les poids lourds circulant sur un réseau aménagé aux caractéristiques autoroutières - qui ne sont donc pas des autoroutes - pourrait rapporter, d'ici à 2020, 7,5 milliards d'euros d'après l'audit. La mise en oeuvre de cette redevance demandera du temps. On pense généralement qu'elle pourrait être opérationnelle en 2006.
    L'analyse fine de ce système est à l'étude, sous les angles technique, juridique et financier, en liaison avec Francis Mer. Nous nous sommes fixé pour objectif de ne pas entraver la compétitivité de nos transporteurs nationaux, qui, en tout état de cause, devraient répercuter sur les chargeurs, c'est-à-dire sur les clients, toute hausse de leurs coûts.
    A ce stade, je crois qu'il faut rester prudent sur le rendement potentiel de cette redevance. Ses frais de gestion pourraient être assez élevés ; il existe des risques de fuites sur le réseau non assujetti...
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et sa compatibilité avec la directive « eurovignette » doit être aussi soigneusement vérifiée.
    En tout état de cause, deux conditions au moins devront être réunies pour garantir sa mise en oeuvre éventuelle : une répercussion intégrale sur les chargeurs et une utilisation de la ressource pour l'amélioration des réseaux de transport.
    En ce qui concerne la TIPP, on constate un écart de 20 centimes entre la TIPP gazole et la TIPP essence. D'un point de vue environnemental, il est reconnu que cet écart n'est pas justifié.
    M. Yves Cochet. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. N'est-il pas, dans ce cas, opportun de proposer de le réduire progressivement ? Pour votre information, un centime d'euro supplémentaire sur le gazole des véhicules légers, c'est, grosso modo, 200 millions d'euros en année pleine.
    M. Yves Cochet. Voilà !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Aucune décision n'est prise à ce stade, je le répète.
    M. Yves Cochet. Allez-y, je vous soutiens !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. On ne pourra pas s'exonérer de l'examen des gisements possibles de ressources provenant des péages autoroutiers. Comme je l'avais indiqué, le principe de l'adossement autoroutier a vécu. En parallèle, nos sociétés d'autoroutes sont globalement devenues bénéficiaires et, depuis deux exercices, versent, d'une part, l'impôt sur les sociétés et, d'autre part, des dividendes à leurs actionnaires, c'est-à-dire en grande partie à l'Etat.
    M. Maxime Gremetz. Et il nous en pique, contrairement à la loi de 1955 !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Vous le voyez, ce constat n'est pas anodin dans la perspective de l'ouverture du capital des sociétés d'autoroutes. Sur ce sujet, j'ai toujours eu une attitude pragmatique, posant trois conditions préalables à une éventuelle ouverture du capital. D'abord, l'autorité du concédant - c'est-à-dire de l'Etat - doit être renforcée, comme je l'ai expliqué tout à l'heure. Nous travaillons activement sur cette question, car, dans tous les cas de figure, ce chantier doit être mené à son terme, qu'il y ait ou non ouverture du capital...
    M. Maxime Gremetz. Privatisation !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... ou privatisation.
    Deuxièmement, la concurrence sur les marchés de travaux publics doit être préservée : il est aussi essentiel de maintenir une pluralité d'acteurs.
    Troisièmement, le retour, vers le secteur des transports, des sommes perçues doit être garanti.
    Quelle que soit la solution que le Gouvernement retiendra à l'issue de ce débat, vous avez déjà été nombreux à souligner un point fondamental, même s'il heurte la doctrine budgétaire la plus pure. C'est l'affectation de la ressource...
    M. Dominique Dord. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... pour que nous soyons certains qu'à un projet donné correspond une ressource déterminée.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il faut, le cas échéant, demander un effort à l'usager en l'assurant de la traçabilité de la dépense : c'est, j'en suis d'accord avec la plupart d'entre vous, un gage d'acceptabilité sociale, une crédibilité supplémentaire.
    Dernier point, l'Europe peut-elle fournir un élément de solution financière à nos ambitions ? Il faut, en effet, examiner ce qui est possible en la matière. Aujourd'hui, en tout cas, nous devons constater que les apports de l'Europe sont faibles pour les infrastructures dans un pays comme la France.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Parce qu'on ne l'a pas demandé !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Même si l'élargissement doit s'accompagner d'un redéploiement des ressources vers les nouveaux arrivants, nous devons plaider pour une meilleure prise en compte des projets dont le caractère structurant au plan européen est incontestable : il en est ainsi des projets transfrontaliers, en particulier avec l'Italie et l'Espagne, et plus globalement de tous les projets aujourd'hui étudiés dans le groupe Van Miert.
    En conclusion, mesdames, messieurs les députés, la politique des transports nécessite toujours une volonté et une prise de risque. Nos choix ou notre absence de choix influeront directement sur la vie des générations du XXIe siècle. Je constate, pour m'en réjouir, que la démarche qu'a engagée le Gouvernement s'est trouvée démultipliée dans les régions par la mobilisation de nombreux acteurs. Merci - je le dis aussi, bien entendu, au nom de Dominique Bussereau - aux élus, aux associations, à tous ceux qui se sont mobilisés pour des projets.
    Le Gouvernement, vous l'avez compris, est résolu à écrire une nouvelle page de cette longue histoire de l'équipement de notre pays. Dans le cadre de cette politique nouvelle, nous devons apprendre à vivre en Européens, à dépasser dans nos choix le cadre de l'Hexagone. Nous devons accepter la multimodalité et les exigences nouvelles et légitimes de nos concitoyens en matière de développement durable. Nous devons redoubler d'attention pour les territoires oubliés.
    Nous devons surtout réhabiliter, restaurer la signature de l'Etat.
    M. Pierre Forgues. Oui !
    M. Jean-Jack Queyranne. Donnez l'exemple !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Pas vous, messieurs ! Un peu de décence !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Arrêtons de semer des illusions, mesdames, messieurs les députés, comme certains l'ont fait pendant cinq années. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Décidons maintenant, ensemble, quels sont les projets les plus porteurs de développement durable.
    M. Pierre Forgues. C'est trop facile !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Mettons en face des financements pérennes, des calendriers réalistes. A ces conditions, le transport est une chance pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais, dans le droit fil de l'intervention de Gilles de Robien, apporter quelques éclairages complémentaires, avant que n'interviennent les présidents de commission et les orateurs inscrits dans ce débat.
    Comme vient de le rappeler excellemment Gilles de Robien, la compétition est rude pour attirer dans notre pays les investisseurs internationaux et pour y retenir, ainsi que cela a été évoqué lors de la séance de questions au Gouvernement, les meilleures entreprises.
    Plusieurs enquêtes ont cherché à mesurer l'attractivité de la France. Trois critères principaux peuvent être mis en avant : premièrement - et c'est au coeur du débat politique actuel - la qualité de la formation de nos concitoyens ; deuxièmement, la qualité de vie dans notre pays ; troisièmement, le nombre et le niveau de nos infrastructures publiques, d'abord dans le domaine des transports, puis dans ceux de l'énergie et des communications.
    On voit donc bien que le débat qui s'ouvre, et qui se poursuivra le 3 juin au Sénat, est crucial pour l'avenir de notre pays.
    Un autre point doit également être pris en considération : la géographie de l'Europe nous a jusqu'à présent placés au coeur de l'Union européenne, ce qui nous impose, en contrepartie, des flux de transit qui pèsent de plus en plus lourds sur nos infrastructures et sur nos budgets. Cette situation nous donne également la possibilité de mettre en place des équipements de logistique.
    Demain, avec l'élargissement, nous ne serons plus au coeur de l'Europe. Nous avons donc un défi supplémentaire à relever.
    Pour ne pas alourdir le propos introductif de ce débat, puisque le Gouvernement souhaite entendre la représentation nationale sur tous ces sujets, je ferai simplement quelques remarques sur le fret ferroviaire, sujet que Gilles de Robien a déjà abordé, sur les voies navigables, sur le cabotage maritime et, enfin, sur le financement des infrastructures.
    M. Maxime Gremetz. Et les aéroports ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. S'agissant du fret ferroviaire, nous devons rappeler - et c'est un enjeu important de ce débat - que, dans notre pays, sa situation est mauvaise, ce qui n'est pas une bonne chose pour la France. En effet, les indicateurs financiers de la SNCF sont jusqu'à présent « dans le rouge », la qualité de service est insuffisante et il y a un décalage abracadabrant entre les attentes des entreprises et la réalité, puisque les demandes faites à la SNCF par les entreprises pour qu'elle transporte leurs marchandises sont plus nombreuses que les offres.
    Dans leur rapport, les sénateurs Hubert Haenel et François Gerbaud ont avancé un certain nombre de solutions.
    Premièrement - et c'est certainement souhaitable -, ils proposent une transformation profonde de l'organisation de la SNCF pour aller vers une autonomie de plus en plus grande de l'activité du fret.
    Deuxièmement, et cela a été rappelé par Gilles de Robien, ils suggèrent de donner à l'entreprise les moyens de jouer tout son rôle en Europe.
    Troisièmement, enfin - et en disant cela, je m'adresse à toutes celles et tous ceux d'entre vous qui sont titulaires de mandats départementaux et régionaux -, ils souhaitent une implication plus grande des collectivités locales,...
    M. Pierre Forgues. Elles s'impliquent ! C'est vous qui ne tenez pas parole !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... en particulier des régions, même si celles-ci sont déjà fortement impliquées dans le transport des personnes avec le TER.
    Les décisions qu'a prises récemment le président de la SNCF, dans le cadre de l'organisation de sa nouvelle équipe de direction, vont dans le sens des préconisations du rapport des sénateurs Haenel et Gerbaud.
    En outre, le président Gallois a, à la demande du Gouvernement, fixé comme priorité de sa nouvelle mandature le développement et le redressement du fret.
    Tout cela se passe, bien sûr, dans un cadre européen. Et même si cela n'est pas apparu brutalement à l'opinion publique, nous sommes, depuis le 7 mars dernier, dans un cadre de libéralisation du fret à l'échelle européenne. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Je vous sens déçu, monsieur Gremetz, que ce ne soit pas encore le grand soir.
    M. Maxime Gremetz. La catastrophe n'est pas encore à nos portes, mais elle arrive !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Naturellement, la gestion des sillons a été confiée à RFF. A ce jour - mais nous n'en sommes qu'au début -, une seule entreprise a demandé une licence ferroviaire, tandis que deux certificats de sécurité et les premières demandes de sillons faites par des opérateurs européens sont en cours d'instruction.
    Le débat que nous allons avoir va permettre d'apporter un éclairage sur la question des infrastructures nécessaires pour développer le fret ferroviaire dans notre pays.
    On voit bien - le gouvernement précédent l'avait d'ailleurs indiqué - qu'il faut mettre en place un réseau quasiment dédié au fret, en particulier sur l'axe Nord-Sud ; qu'il faut réaliser de grands contournements, notamment de l'agglomération dijonnaise,...
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... ou de celles de Lyon, de Nîmes et de Montpellier ; qu'il faut utiliser, monsieur le maire de Bordeaux, la ligne classique Paris-Bordeaux-Hendaye pour le fret. Tout cela, bien entendu, sera la conséquence de décisions qui pourraient être prises par ailleurs en ce qui concerne le transport des passagers et la réalisation de lignes à grande vitesse.
    M. Jean-Yves Le Drian. Que faites-vous pour la Bretagne !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Nous avons donc certainement beaucoup de choses à faire pour le fret ferroviaire. Tous les grands projets seront évoqués dans cet hémicycle, et c'est ainsi que Gilles de Robien vient d'évoquer à l'instant la liaison Lyon-Turin. Comme l'a rappelé le ministre de l'équipement, le fret ferroviaire doit être considéré comme une priorité, pas seulement au niveau des discours incantatoires de fin de banquet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Lionnel Luca. Très juste !
    M. Maxime Gremetz. Il parle pour lui !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... mais aussi au niveau de la réalisation et de la mise en place de financements.
    J'aborderai maintenant le transport fluvial, que Mme Voynet détestait particulièrement et que le gouvernement précédent a quasiment condamné.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Ce mode de transport, qui apparaissait à certains comme d'une autre époque, est un de ceux qui, ces dernières années, a gagné le plus de parts de marché.
    M. Etienne Blanc. C'est très vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Grâce certainement à la création de Voies navigables de France, mais aussi grâce à l'implication des collectivités et des opérateurs, le trafic fluvial en France a augmenté de 22 % en cinq ans, ce qui est considérable.
    Les chargeurs reviennent : ils prennent des parts de marché non seulement à la route mais aussi au fret ferroviaire, ce qui, dans ce dernier cas, n'est pas forcément souhaitable, car cela signifie que l'équilibre n'est pas encore atteint. Par exemple, la grande distribution, qui n'a pas dans notre pays la réputation de toujours agir par vocation sacerdotale, est en train de transférer à la voie fluviale tout son approvisionnement en produits dits « blancs » - c'est le cas notamment de l'électroménager.
    Nous constatons également - et nombre d'entre vous ont pu observer ce phénomène - un développement très important du transport fluvio-maritime sur l'axe de la Seine au départ de Paris ou des ports autour de la capitale ou sur l'axe Saône-Rhône, au départ de Chalon ou de Lyon. Il s'agit de lignes qui utilisent d'abord la voie fluviale puis la voie maritime.
    Notre pays connaît un profond développement de ce mode de transport, qui me paraît un mode de transport d'avenir, puisqu'il réalise la connexion entre le mode fluvial, c'est-à-dire un mode terrestre, et le mode maritime.
    M. Yves Censi. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Dans ce contexte, il est important - et Gilles de Robien y a fait allusion - de s'intéresser fortement à l'axe Seine-Nord, ce qui est une évidence sur le plan des transports et ce qui montrerait que les autorités politiques de notre pays ont repris confiance dans le transport fluvial. Il s'agirait d'un geste important.
    M. Claude Gaillard et M. François-Michel Gonnot. Tout à fait !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. De même, il est important - et le gouvernement précédent l'avait oublié -, que, au moment où nous réalisons le très grand projet de Port 2000, qui vise à faire du Havre un des grands ports européens, de construire une écluse fluviale permettant de relier le port du Havre à la Seine à laquelle il est adossé. Sur le plan de l'intermodalité, que citait tout à l'heure Gilles de Robien, ce serait également une réalisation de première importance.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. Daniel Paul. Qui paiera ?
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Ceux qui décideront. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Qui dans ce pays décide de qui doit payer, sinon la représentation nationale, c'est-à-dire vous, mesdames et messieurs les députés - en tout cas, ceux qui votent la loi de finances ?
    Pour ce qui est du cabotage maritime, il constitue une vraie solution de rechange à la route pour les liaisons les plus chargées en trafic de transit, comme les itinéraires qui viennent de la Péninsule ibérique et de l'Afrique du Nord et qui remontent vers le nord de l'Europe, et comme les liaisons entre l'Espagne, la France et l'Italie. Ainsi, chaque jour, 16 000 poids lourds traversent les Pyrénées aux deux extrémités de celles-ci. De même, certains axes sont complètement saturés.
    Nous avons le devoir de réfléchir à la mise en place d'un véritable service alternatif de qualité par le biais du cabotage maritime.
    Je voudrais, après Gilles de Robien, rendre hommage au travail du sénateur Henri de Richemont. Ce dernier a fait des propositions extrêmement concrètes pour favoriser le développement du cabotage maritime, comme François Liberti l'avait d'ailleurs fait également en son temps.
    M. Daniel Paul. Je suis d'accord sur ce point !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Deux lignes pourraient être structurantes pour notre pays et pour l'Europe : l'une en Atlantique, partant quelque part entre Nantes et La Rochelle, c'est-à-dire à mi-chemin de la façade atlantique française, vers Bilbao ; l'autre en Méditerrannée, partant de la région de Fos ou de la grande zone portuaire de Marseille, vers Barcelone d'un côté et vers un port italien de l'autre.
    Cela devrait s'accompagner d'au moins trois départs par jour dans chaque sens, pour que le cabotage maritime constitue une véritable alternative et un vrai complément du transport ferroviaire et du transport par camion.
    J'indique que le comité interministériel de la mer, qui s'est réuni sous l'autorité du Premier ministre à Matignon le 29 avril dernier - je fais observer au passage qu'il ne s'était pas réuni depuis trois ans, ce qui montre quelle était la vision maritime du gouvernement précédent -...
    M. Jean-Yves Le Drian. Ce n'est pas vrai ! Il s'est réuni !
    M. Pierre Forgues. Ils mentent !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... a mis à l'étude ces deux lignes, qui devraient intéresser nombre d'entre vous.
    C'est exactement la vérité, et je le regrette car je crois que la politique maritime peut dépasser les clivages politiques.
    M. Jean-Yves Le Drian. A condition de dire la vérité !
    M. Maxime Gremetz. Oui, mais il faut dire la vérité !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Enfin, en complément des propos de Gilles de Robien, j'ajouterai quelques mots sur le financement des infrastructures, notamment sur l'idée de mettre en place une redevance pour les poids lourds circulant sur certains axes routiers.
    Vous voyez bien, mesdames, messieurs les députés, que, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, nous ne pouvons, à ressources budgétaires inchangées, que financer une ligne de TGV par législature - je devrais même dire une demi-ligne, c'est-à-dire 200 à 250 kilomètres. C'est ce qui a été fait par la majorité précédente et c'est ce que nous ferions si nous suivions cette pente. Bien entendu, c'est très insuffisant par rapport aux besoins. Il faut donc trouver des marges de manoeuvre, des ressources nouvelles. Il y en a plusieurs, que je vais évoquer.
    Par exemple, en Allemagne, le gouvernement de M. Schröder a mis en place une taxe sur les camions de plus de douze tonnes, qui porte le nom de LKM Maut. Elle sera perçue à partir du 31 août prochain, et c'est d'ailleurs une entreprise française, la société Cofiroute, qui s'occupera du système de GPS permettant de la gérer.
    Cette taxe, d'un montant d'environ quinze centimes du kilomètre, permettra de rapporter annuellement 3 milliards d'euros, ce qui est considérable.
    La moitié du produit de cette taxe alimentera le budget général et servira à achever l'aménagement de l'ex-Allemagne de l'Est. L'autre moitié sera destinée au financement des infrastructures et sera répartie de la façon suivante : 50 % pour les routes, 50 % pour le rail et la voie d'eau.
    Par ailleurs, nos amis allemands prévoient - ce qui d'ailleurs fait parfois « tiquer » l'Europe - de reverser 300 à 600 millions d'euros à leurs transporteurs pour ne pas les désavantager par rapport aux transporteurs étrangers.
    Dans un pays comme le nôtre, où environ un camion sur deux circulant sur nos routes est un camion étranger en transit dans notre pays, la mise en oeuvre d'un tel système permettrait de rapporter de 400 à 600 millions d'euros par an. Même si elles sont considérables, ces sommes ne sont pas suffisantes : ce ne peut donc être la panacée.
    De surcroît, nous avons dans notre pays un très grand nombre de tout petits transporteurs routiers, qui sont souvent en grande difficulté en raison d'une législation sociale qui les pénalise. Si bien que le pavillon routier français voit souvent sa part diminuer par rapport à celle des concurrents étrangers.
    Pour mettre en place un tel système, il faudrait avoir un dialogue préalable, engager une négociation, et peut-être prévoir des compensations pour la profession routière, qui n'est pas toujours dans une situation favorable. Cela implique donc une concertation et d'être assuré, comme l'a souligné Gilles de Robien en rappelant les fonds qui avaient disparu au fil des ans, que les ressources dégagées par ce système seront affectées au financement des infrastructures.
    D'autres ressources peuvent être envisagées, comme des emprunts communautaires - ils impliquent l'accord des Etats européens -, le partenariat public-privé ou une meilleure mobilisation de l'épargne des Français par la Caisse des dépôts.
    L'essentiel est de pouvoir disposer de perspectives cohérentes. Si nous faisons appel à une ressource nouvelle, celle-ci doit servir au financement d'infrastructures nouvelles et non à autre chose, ce qui n'est, je crois, ni le souhait de ce Gouvernement ni celui de la plupart d'entre vous.
    En conclusion, je dirai, mesdames et messieurs les députés, que c'est bien de réaliser de grandes infrastructures,...
    M. Maxime Gremetz. Un troisième aéroport, par exemple !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... mais qu'il faut aussi moderniser nos entreprises publiques de transport.
    Cela signifie qu'il convient de moderniser encore plus la SNCF bien sûr,...
    M. Hervé Mariton. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et de la mer. ... mais aussi RFF, dont il faut penser au désendettement, et Aéroports de Paris (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui doit mieux s'adapter à la situation économique mondiale.
    Qui dit nouvelles infrastructures...
    M. Maxime Gremetz. Dit troisième aéroport !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. ... dit aussi nouveaux moyens, nouvelles technologies, lignes de cabotage, nouveaux tracés de TGV, nouvelles techniques ferroviaires, autoroutes ferroviaires. C'est toute une panoplie à laquelle nous devons réfléchir.
    Pour ces infrastructures supplémentaires, il faut trouver des financements innovants.
    Mesdames et messieurs les députés, chacune et chacun d'entre vous est, par-delà son mandat national, un élu de terrrain, porteur de projets spécifiques et soucieux des intérêts de sa région. Le Gouvernement sera donc à votre écoute. Mais, collectivement, nous avons en charge l'avenir de notre pays et du cadre de vie des futures générations. Nous devons donc privilégier, par rapport à cet avenir, une vision globale, une vision responsable.
    En souhaitant ce débat, le Premier ministre, le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, ainsi que l'ensemble du Gouvernement ont souhaité vous entendre. Nous avons, en préambule à ce débat, précisé quelles étaient les grandes réflexions engagées par le Gouvernement. C'est de ce débat, et de celui qui aura lieu au Sénat, que naîtra la politique des infrastructures que tous et toutes appellent de leurs voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Nous ne pouvons que partager le constat et souligner la qualité des différents rapports de qualité qui ont été réalisés ces derniers temps.
    Dans ce débat, nous devons nous garder de tout pessimisme excessif. En effet, comme l'a souligné M. le ministre de l'équipement, le constat que nous faisons ne doit pas nous conduire à un pessimisme excessif : il suffit pour s'en convaincre d'observer l'évolution du réseau autoroutier au cours des trente dernières années.
    Toutefois, nous n'en devons pas moins être réalistes. En effet, l'augmentation rapide des dépenses de fonctionnement, notamment des dépenses sociales - en 2002, elles ont progressé de 9 % -, met dangereusement en question les dépenses d'investissement elles-mêmes, ce qui nous empêche un peu plus de répondre aux attentes des uns et des autres.
    Les besoins d'infrastructures de transport sont, à l'évidence, justifiés. Il y va en effet de la compétitivité de l'économie française, de l'attractivité de notre territoire et de la garantie d'un développement durable. Je crois que c'est une analyse que nous pouvons tous partager. Mais comment combler l'écart entre ces besoins et les moyens de financement possibles dans le contexte budgétaire actuel ?
    Cinq pistes peuvent être explorées.
    La première consisterait à allonger la durée des prêts de la Caisse des dépôts et consignations, mais ce n'est pas la formule miracle. Le directeur général de la Caisse des dépôts, auditionné par la commission des finances, a estimé que l'épargne réglementée pourrait être mobilisée au profit des infrastructures de transport à la triple condition que l'Etat fasse clairement ce choix, que le coût de la ressource soit adapté afin que l'offre soit plus attractive que celle du marché, et que des garanties suffisantes soient apportées afin de sécuriser l'emploi de l'épargne populaire.
    Sous ces conditions très fermes, il me semble que la Caisse pourrait prêter à des taux attractifs, pour une durée d'au moins trente ans et si possible à des taux voisins de 3,5 %, voire inférieurs. Il n'est pas irréaliste de penser que les taux du livret A pourraient à l'avenir baisser.
    Deuxième piste : recourir et promouvoir le partenariat public-privé.
    Si le recours au partenariat ne peut constituer qu'une solution complémentaire, cette solution reste pertinente et les obstacles juridiques et techniques doivent pouvoir être levés. La promotion du partenariat public-privé implique un choix gouvernemental clairement affiché. Il s'agit à l'évidence, l'expérience européenne nous le montre, d'un outil utile dont notre pays gagnerait à se doter. Que serait aujourd'hui notre système autoroutier si nous n'avions pas développé les concessions il y a trente ans ?
    M. François-Michel Gonnot. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Troisième piste : jouer sur le niveau des péages, sous certaines conditions.
    L'audit suggère d'envisager, pour les usagers professionnels, une extension du champ du péage. Cette extension est possible, notamment sur les grands axes, mais elle doit demeurer équitable et bénéficier à l'effort global d'équipement. Elle sera en outre soumise au contrôle européen. Mme de Palacio, l'actuelle commissaire européenne chargée des transports et de l'énergie, sera sensible au transfert du transport des marchandises espagnoles vers le coeur de l'Europe.
    Mais il est impératif, messieurs les ministres, de protéger les régions excentrées - ces propos ne vous étonneront pas émanant d'un élu de Bretagne. (Sourires.) Le développement des infrastructures ne doit pas créer de nouvelles frontières, mais, au contraire, constituer un effet de levier, de manière à stimuler l'activité locale.
    L'idée d'instaurer des péages urbains à la périphérie des grandes villes ne doit en revanche pas être rejetée, compte tenu du coût très élevé de certaines grandes infrastructures en proximité des grandes villes.
    M. Maxime Gremetz. Comme à Londres !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Quatrième piste : demander aux régions bénéficiaires des programmes d'infrastructure de faire des efforts.
    La meilleure option serait que, dans les deux prochains contrats de plan Etat-région, les élus qui souhaitent réaliser des efforts d'investissement puissent redéployer les crédits, à l'intérieur de leur enveloppe, pour donner la priorité aux grandes infrastructures. Cela devrait se faire bien entendu à budget constant, compte tenu du niveau de nos prélèvements obligatoires.
    M. François Guillaume et M. Hervé Mariton. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est une piste que nous devons explorer, mon collègue Hervé Mariton y reviendra.
    Dernière piste : stimuler les financements européens.
    Je constate en effet, que pour des raisons multiples, nous utilisons mal les financements européens. Quand des investissements de collectivités locales dont l'utilité n'est pas toujours justifiée sont financés à 70 ou 80 % par des fonds européens, on influence les décisions. Une partie de ces moyens financiers pourraient être redéployés vers les grandes infrastructures. Il n'y a pas de miracle à attendre de l'élargissement européen, mais si les fonds structurels européens devaient se poursuivre au-delà de 2007, nous pourrions très bien les attribuer en priorité aux grandes infrastructures de communication. Sinon, les solutions seront difficiles à trouver.
    Chers collègues, au-delà donc des choix entre les projets à poursuivre ou à accélérer, la donnée financière me semble au coeur du débat. Une ambition qui reposerait pour une part importante sur des taxes nouvelles pesant sur la compétitivité des entreprises de transport routier serait en opposition avec une politique de l'emploi et du progrès social.
    M. François-Michel Gonnot. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il ne faut pas trop jouer sur les marges offertes par la TIPP car les modes de transport routier sont aujourd'hui extraordinairement compétitifs.
    M. François Sauvadet. C'est vrai.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous souhaitons tous par exemple développer le rail autant pour des raisons de développement durable que pour répondre à une forte attente. Mais cette évolution exige que le rail soit ouvert sur les autres pays européens et que soient levés certains obstacles syndicaux. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Dans le même temps, la SNCF doit engager de vrais efforts de productivité.
    M. Maxime Gremetz. C'est connu, les cheminots ne travaillent pas assez.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Sinon, le gap financier est tellement élevé que le transfert de la route vers le rail ne peut se faire.
    En conclusion, compte tenu du niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires, nous ne pourrons, chers collègues, redonner à la France sa pleine capacité en Europe que si nous avons la volonté de renforcer l'efficacité de la dépense publique. La maîtrise des dépenses de fonctionnement, la réforme de l'Etat et les capacités d'investissement que nous souhaitons avoir pour l'avenir sont trois éléments profondément liés mais nous ne pourrons pas maintenir un rythme de dépenses de fonctionnement élevé si nous voulons répondre aux aspirations de nos compatriotes en termes de qualité d'investissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, Paul Valéry écrivait : « Intéressons-nous à l'avenir puisque nous y passerons le plus clair de notre temps. » (Sourires.)
    Je tiens, messieurs les ministres, à vous remercier d'avoir inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée ce débat sur les infrastructures. Il était effectivement nécessaire à la veille de l'élargissement de l'Europe. Je ne sais si mon ami Pierre Méhaignerie sera d'accord avec moi, mais je considère qu'une politique des infrastructures de transports ne peut se limiter ni à la programmation financière ni à une simple question de crédits, même si celle-ci est au coeur du débat.
    M. Pierre Forgues. M. Méhaignerie n'a pas dit ça !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ou alors, il faudrait accepter que l'économie nous dicte sa loi. Pour ma part, je ne m'y résous pas.
    Le premier de nos impératifs est de réfléchir à ce que sera la France en 2020, dans une Union européenne élargie dont le centre de gravité aura forcément été déporté vers l'est. Après cinq années d'imprévision et d'inaction,...
    M. Pierre Forgues. Encore !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ... il nous faut développer une « vision » au sens anglo-saxon du terme.
    M. Pierre Forgues. Heureusement que vous êtes là !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quels seront alors les atouts et les handicaps de la France, qui restera vraisemblablement un pays de peuplement, certes moins dense que ses voisins, mais avec une population moins vieillissante ? Là est le problème.
    Les objectifs d'une politique d'aménagement du territoire doivent déterminer les choix d'infrastructures alors que l'appréciation de la rentabilité socio-économique des projets ne doit être qu'une aide à la décision.
    Je regrette à cet égard que notre pays ne dispose plus d'instruments de réflexion prospective pour analyser les évolutions prévisibles de l'organisation des territoires et de la localisation des activités économiques. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Maxime Gremetz. Il a raison !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela fait partie aussi du bilan, mes chers collègues ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous payons aujourd'hui les conséquences ou plutôt les inconséquences de la politique Voynet-Jospin qui ont déstructuré l'aménagement du territoire.
    M. Pierre Cohen. Où est-il le plan que vous aviez demandé ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Rappelons simplement les lois de 1998-1999 qui ont mis à bas l'aménagement du territoire et toute la politique que nous avions mise en place avec la loi dite loi « Pasqua ».
    M. Pierre Cohen. Appliquez le fameux plan que vous aviez !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez supprimé à l'époque le référent national qu'était le schéma national d'aménagement et de développement du territoire.
    M. Pierre Cohen. Proposez-le !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et vous avez effectivement privé la France du seul et véritable outil de prévision, de construction et de programmation.
    M. Pierre Cohen. Balladur et Juppé l'avaient foutu en l'air !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Aujourd'hui, il faut tout refaire !
    La politique d'aménagement du territoire doit être au coeur de ce débat et je déplore que, pour le moment, seule la DATAR ait mis en lumière dans son rapport cette problématique. Mais la DATAR a une approche essentiellement économique de la politique des infrastructures de transport.
    M. Pierre Cohen. Eh oui !
    M. Dominique Dord. Absolument !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je le regrette, même s'il s'agit avant tout de développer la compétitivité de la France.
    Je voudrais qu'on élargisse le débat.
    A mon sens, les objectifs de la politique des transports doivent être différenciés selon l'échelle des territoires concernés.
    Dans un cadre territorial supranational, à l'échelle de l'Europe, où la France est en compétitivité avec les autres Etats membres, il est opportun de proposer comme objectif de renforcer l'efficacité du système logistique, d'améliorer les infrastructures aéroportuaires et portuaires pour permettre une bonne intégration de la France dans les flux d'échanges mondialisés, et enfin de développer l'accessibilité des métropoles régionales.
    S'agissant de désenclavement et de développement économique, le combat pour la montagne que je mène avec un certain nombre d'entre vous depuis très longtemps m'interdit d'accepter les seuls critères financiers pour la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement du territoire et de développement des infrastrucutres, notamment dans le cadre du désenclavement des territoires ruraux d'accès difficile.
    Au-delà de ces études, d'autres facteurs devraient être pris en compte pour déterminer une politique des transports dans les vingt ans à venir. Comment évoluera l'urbanisation en France ? Connaîtrons-nous une hypertrophie accrue de la région parisienne avec quelques métropoles régionales ou, au contraire, une urbanisation plus équilibrée avec le développement de villes moyennes ? La disparition progressive des frontières nationales devrait conduire à la création de bassins d'activité transfrontaliers qui impliqueraient d'adapter les réseaux de transport à cette logique régionale, les liaisons avec la capitale politique n'étant plus alors aussi déterminantes.
    Enfin, quel coût écologique accepterons-nous de payer ? J'ai apprécié, monsieur le ministre des transports, que vous ayez évoqué ce point. Les notions de développement durable, d'aménagement durable et d'infrastructures évolutives doivent en effet être au coeur de notre réflexion. A ce titre, je ne doute pas que l'adossement à la Constitution d'une charte de l'environnement, initée par le Président de la République, Jacques Chirac, nous sera de la plus grande utilité.
    Voilà quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre, les documents dont nous disposons n'ayant fait que les effleurer.
    Dans le cadre infranational, la question de l'amélioration de la desserte des régions enclavées ou périphériques pour un développement plus équilibré des territoires doit être au coeur de nos préoccupations. Malheureusement, les études mises à notre disposition n'y consacrent qu'une faible partie de leur travail d'expertise.
    Pourtant, beaucoup reste à faire pour améliorer la desserte des zones enclavées. Un récent rapport du Sénat indique que quatorze aires urbaines de plus de 50 000 habitants ne disposent pas de desserte suffisante en termes de transports rapides.
    Ne nous focalisons pas sur les questions de compétitivité économique, n'oublions pas qu'aménager le territoire répond aussi à un souci d'équité et de préservation de l'environnement.
    Actuellement, les considérations d'aménagement du territoire sont mal intégrées dans les évaluations de la rentabilité socioéconomique d'un projet car le chiffrage du progrès apporté par une desserte équilibrée est particulièrement malaisé. J'en veux pour exemple le problème de l'A 51 dans les Hautes-Alpes. Il revient donc aux autorités politiques de se fixer des objectifs qualitatifs d'aménagement du territoire que le simple calcul économique ne peut, en aucun cas, justifier.
    Pour toutes ces raisons, il faut disposer d'un schéma national des infrastructures de transport. Monsieur le ministre, je souhaite que ce débat soit l'occasion de démontrer la nécessité d'un tel schéma pour faciliter notre réflexion quant à la programmation pour l'avenir.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il existe, ce schéma !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous pourrons ainsi conclure une opération cohérente et sérieuse pour essayer de trouver le bon aiguillage pour les schémas de services multimodaux que vos prédécesseurs ont lancés sans jamais prévoir de les regrouper un jour pour définir une vraie politique d'aménagement du territoire.
    M. Pierre Forgues. Décidément, heureusement que vous êtes là !
    M. Patrick Ollier, pésident de la commission des affaires économiques. Un tel schéma me paraît essentiel pour la cohérence de la politique nationale des transports alors même que les lois de décentralisation vont multiplier les autorités décisionnaires dans le domaine des infrastructures.
    Il faut accroître l'efficacité de nos réseaux de transports pour améliorer la compétitivité de notre économie. L'attractivité internationale de la France suppose de rendre plus performants ses ports et ses aéroports en assurant une meilleure intégration de ces équipements dans les réseaux de transports existants. Le multimodal me semble la voie de l'avenir pour nos transports, messieurs les ministres, et je crains que l'on condamne trop vite le ferroutage que nos voisins, eux, ont su beaucoup mieux développer que nous.
    M. François Bayrou. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Par ailleurs, j'approuve l'idée de la création d'un schéma national pour mettre en cohérence les principales zones logistiques et les insérer dans un réseau multimodal efficace.
    Autre impératif : il faut améliorer l'accessibilité des métropoles françaises à vocation internationale, car un réseau de transports plus diversifié leur permettra de tirer un meilleur profit de l'intégration européenne.
    Enfin, je voudrais situer ce débat sur les infrastructures dans le cadre de la décentralisation et, bien entendu, évoquer, après Pierre Méhaignerie, le financement. Sur ce point, nous sommes d'accord sur les pistes possibles. Il faut effectivement conjuguer les ressources, qui ne sont pas suffisantes. La création d'une redevance d'usage pour les transports routiers me paraît une bonne solution. Mais je souhaite qu'on ouvre la réflexion sur le prix à payer pour le franchissement des obstacles naturels - je pense, bien sûr, aux zones de montagne.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le coût financier des réalisations est tellement considérable qu'il faut une réflexion pour trouver le moyen de faire avancer les choses.
    La question du financement des infrastructures est liée aux décisions qui seront prises dans le cadre de la décentralisation. Les régions seront-elles des collectivités tête de file pour assurer la cohérence des réseaux de transport de proximité ? Pourront-elles intervenir sur le réseau routier qui devrait plutôt relever de la compétence du département ? Une réforme du financement des contrats de plan semble aussi indispensable et doit être coordonnée avec la définition de nouveaux mécanismes de financement pour ces infrastructures.
    Si nous décidons, messieurs les ministres, de créer de nouveaux prélèvements sur le transport routier, nous devrons trouver les moyens d'affecter durablement ces recettes au financement des infrastrutures. Là est le problème et je voudrais, moi aussi, rappeler la triste aventure du FITTVN.
    M. François-Michel Gonnot. La lamentable aventure !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Lors de sa création, dont je suis à l'origine avec M. Pasqua, nous avions cru que ce fonds serait utile pour désenclaver les zones fragiles. Or, quelques mois après, voilà que l'on nous retire le tapis sous les pieds, en faisant disparaître le fonds et en gardant, bien sûr, les recettes. Pour avoir la certitude que les ressources seront bien affectées aux infrastructures, il faut créer un établissement public à gestion partenariale. Celui-ci serait chargé de gérer les recettes dans le cadre que je viens d'indiquer.
    Il faut également poursuivre la privatisation des sociétés d'autoroute, monsieur le ministre. Cela me paraît souhaitable à un moment où l'amortissement du réseau est presque achevé. Cela offre ainsi à l'Etat la possibilité d'obtenir un bon prix de cession.
    Autre piste, le désendettement des opérateurs ferroviaires. La SNCF doit se réformer pour affronter la concurrence européenne et pour être plus autonome. Elle doit aussi développer son fret. On ne peut concevoir aujourd'hui que 50 % du fret ferroviaire français soit d'origine internationale. Il faut conquérir des parts de marché et donc s'engager résolument dans la solution de la filialisation.
    RFF pourrait également bénéficier des nouveaux financements que nous souhaitons collecter pour structurer toutes les opérations d'investissements liées notamment à la vitesse mais aussi au fret ferroviaire. Sur ce point, je ne peux accepter l'idée, véhiculée par certains, que le fret ferroviaire aurait perdu son combat face à la route. Je trouve ridicule que l'on puisse même parler de combat.
    M. François Bayrou. Très bien, monsieur Ollier !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Car les deux sont complémentaires.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ils doivent le rester dans le cadre d'un équilibre qu'il nous faut imposer. C'est à nous, Parlement, et à vous, Gouvernement, d'être capables d'imposer les décisions qui permettent de les rendre complémentaires et non pas de laisser penser qu'elles peuvent être adversaires. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En ce qui concerne les nouvelles modalités d'un partenariat public-privé - le fameux PPP - dans le cadre de concessions de travaux publics rénovées, je crains qu'elles ne trouvent leurs limites dans la rentabilité économique des projets eux-mêmes - chacun le comprendra.
    Ces réformes peuvent donner une latitude supplémentaire mais elles ne suffisent pas au financement des projets, monsieur le ministre. Je suis, pour ma part, résolument partisan d'un grand emprunt européen.
    M. François-Michel Gonnot. Voilà !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faut mobiliser l'emprunt. Il faut enfin renouer avec ce qui a été une bonne politique dans le passé.
    Mme Catherine Vautrin. Tout à fait !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne vois pas pourquoi cette même politique ne produirait pas les mêmes résultats aujourd'hui, pour financer durablement les investissements nécessaires à une politique d'infrastructures ambitieuse.
    Je pense, moi aussi, qu'il faut réviser les modalités d'affectation des fonds européens. Ils seraient probablement plus utiles pour nos infrastructures que pour certains équipements locaux. Le fonds de cohésion est un exemple auquel nous devons réfléchir - je sais, monsieur le ministre, que vous y travaillez.
    Enfin, il nous faut mobiliser les fonds de la Caisse des dépôts - j'ai entendu avec beaucoup de plaisir le président Méhaignerie évoquer ce point. Pour avoir, nous aussi, dialogué avec le directeur général, nous pensons que nous pourrions bénéficier de prêts à 2 % environ sur trente-cinq ans. Cela nous permettrait de disposer de moyens pour financer nos projets d'infrastructures.
    Par ces décisions, il nous faut assurer une véritable reconquête du territoire, messieurs les ministres, programmer des engagements, trouver les moyens adéquats pour sanctuariser les recettes dégagées afin de sécuriser l'avenir de ces investissements.
    Voici, messieurs les ministres, ce que ce débat doit nous permettre de dégager. Ce sera pour vous, messieurs les ministres, une invite à l'action. Ne craignez pas de nous surprendre, messieurs les ministres, par les programmes que vous allez dégager de toutes ces propositions. Si nous voulons que, dans vingt ans, la France soit équipée à la hauteur de ses ambitions, l'heure de la décision a en effet sonné. Votre majorité est là, messieurs les ministres, pour vous aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Messieurs les ministres, faites-nous de bonnes infrastructures et nous vous ferons une bonne politique ! Voilà ce que nous pourrions vous dire, sur le modèle de la fameuse phrase du baron Louis sur les finances publiques.
    Dans nos régions et nos départements, tous les élus que nous sommes déclarent au préfet qui vient d'arriver : « Monsieur le préfet, donnez-nous les infrastructures. Quant au reste, on s'en charge ! » Or donner les infrastructures, c'est précisément ce que l'Etat ne fait plus depuis un certain nombre d'années.
    Je constate, sans esprit de polémique, qu'avec ou sans croissance, on a peu ou on n'a pas d'infrastructures. Ainsi, dans tous les cas de figure, la France, notre France n'a plus de possibilités budgétaires pour réaliser des infrastructures. Il y a donc un problème et il est évident que ce débat nécessaire.
    Le débat est d'abord financier.
    Il y a une bonne nouvelle : vous vous êtes lancés dans la réflexion sur une redevance pour les poids lourds. Merci d'en avoir eu le courage ! Je vous avoue que je craignais que vous n'osiez pas le faire. Or c'est à mes yeux la solution la plus prometteuse.
    J'aimerais à cet égard que l'on réfléchisse sur une chose que me disent souvent les industriels de mon département : les transports ne sont pas assez chers pour être compétitifs par rapport à des délocalisations lointaines. Quand on vient nous objecter que les transporteurs seront obligés de répercuter le prix sur le chargeur, on devrait se demander si les transports routiers sont bien à leur prix. A entendre certains producteurs nationaux, peut-être pas. Donc, oui à la redevance !
    Vous avez lancé tous les deux l'idée d'augmenter la TIPP, particulièrement sur le gazole. Mais s'il y a une chose qui n'est pas populaire, c'est bien celle-là !
    M. Jacques Le Guen. C'est vrai !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je ne me pose pas la question de savoir si c'est intelligent : je me pose la question de savoir si c'est politiquement possible. Or je crie au casse-cou ! Pourquoi ?
    La France est le plus grand pays d'Europe. Les Français habitent non seulement dans les villes, à côté des villes, mais encore aussi, grâce au ciel, dans le monde rural.
    M. François-Michel Gonnot. Eh oui !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Par une telle mesure, ce seront donc les plus pauvres qui seront pénalisés,...
    M. François-Michel Gonnot. Assurément !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ... car il leur en coûtera plus pour aller travailler et faire leurs courses.
    Attention aux idées simples et lumineuses, mais politiquement calamiteuses !
    Je vous recommande en conséquence d'y réfléchir à deux fois et de vous orienter vers la première piste qu'a évoquée Pierre Méhaignerie et qui concerne la Caisse des dépôts. Cette piste offre un certain nombre de possibilités.
    Je voudrais rappeler après vous combien ce qui s'est passé depuis 1993 a été choquant, ce qui me permettra d'en venir à l'essentiel de mon propos.
    En 1993, une directive européenne a proscrit les adossements qui seraient contraires au droit de la concurrence. Qui pourrait y trouver à redire ? Un concessionnaire qui prolonge, du fait d'un allongement de sa concession, une autoroute dont il a réalisé la première partie ne se trouve en effet pas dans une situation de concurrence. L'Europe a donc eu raison en 1993.
    Mais que s'est-il réellement passé ? La directive a-t-elle été impitoyablement imposée au Gouvernement français ? En 1994, il ne s'est rien passé. Il en a été de même en 1995, en 1996, en 1997 et en 1998. En 1999, le gouvernement précédent a interrogé - quelle idée lumineuse ! - le Conseil d'Etat et lui a demandé un avis. Ce n'est pas le Conseil d'Etat qui, de lui-même, a souhaité se prononcer : ce sont M. Jospin et son ministre des transports qui ont eu l'initiative de la démarche. Ne se doutaient-ils pas de l'avis que donnerait le Conseil d'Etat, d'autant qu'il fallait aussi s'appuyer sur la loi Sapin, qui préconisait le respect du droit de la concurrence. La réponse, attendue, était qu'on ne pouvait plus faire d'adossement. Le Gouvernement est alors allé voir les élus de l'Est pour leur dire que, s'ils voulaient le TGV, ils n'auraient qu'à passer à la caisse !
    M. Claude Gaillard. Exact !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Cette opération est entrée dans l'histoire récente comme une histoire scandaleuse.
    M. Claude Gaillard. C'est vrai !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Alors, qu'on ne vienne plus nous parler de cette tribune ou d'ailleurs d'aménagement du territoire ! Car les riches, qui pourront les financer, auront leurs infrastructures, les autres n'ayant que leurs yeux pour pleurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Telle est la situation en France aujourd'hui, et tout le monde trouve cela normal. Faut-il continuer de la sorte ? Moi, je dis non !
    Je voudrais qu'on trouve rapidement les moyens qui permettent à l'Etat de revenir à la vocation qui est la sienne : financer les grandes infrastructures.
    Sinon, je vous le demande, à quoi sert l'Etat ?
    Pour ce qui concerne mon département - j'ignore ce qu'il en est des vôtres, mes chers collègues - , 98 % du contrat de plan sont constitués de transfert de charges. Les grands équipements, c'était la République d'hier, mais ce n'est pas la mienne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Dominique Dord. Très juste !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il n'est pas possible de continuer comme ça ! Il faut trouver à l'Etat des marges de manoeuvre et faire en sorte d'avancer !
    En outre, toujours en ce qui concerne l'adossement, le Conseil d'Etat a estimé, d'une façon qui n'est pas si claire puisqu'à chaque fois il faut le réinterroger, qu'il existait une marge de manoeuvre - c'est du moins dans ce sens que son avis a été interprété - comme si l'opération considérée constituait un maillon d'un ensemble cohérent. Je citerai, au hasard, la portion de l'A 89 entre, au hasard encore, Balbigny et Lyon. (Sourires.) Il s'agit de la seule autoroute transversale française. Le président Méhaignerie a, en 1987 - il était à l'époque ministre de l'équipement - pris la décision de cette réalisation. Nous sommes en 2003. Et que s'est-il passé jusqu'à présent, mes chers collègues ? Rien, sinon que nous avons obtenu la DUP il y a quinze jours. Il a fallu presque dix-sept ans !
    Messieurs les ministres, comment se fait-il que l'Etat soit aussi long ? On met quelquefois en cause les collectivités locales, qui ne seraient pas d'accord. Mais à cela il n'y a rien de plus normal !
    Quand nous-mêmes, patrons d'un département, d'une région ou d'une ville, sommes confrontés à des administrés qui ne sont pas d'accord, que faisons-nous ? Nous tranchons. Mais qu'a fait l'Etat ? Il n'a pas tranché. On a ainsi perdu des années et des années. Quelle abominable responsabilité ! Alors qu'il était tout à fait possible de procéder à l'adossement il y a quelque quinze, seize ou dix-sept ans, on s'adresse aujourd'hui au président du conseil général de la Loire, qui me ressemble comme un frère, et on lui dit que cela coûtera 1 milliard de francs. Je n'ai même pas traduit en euros, cela m'a suffi ! (Rires.) Comment voulez-vous que l'on puisse emprunter 1 milliard sur un budget de 3 milliards ?
    Le cas n'est pas unique. Allons plus au sud et parlons d'une autoroute qui devrait intéresser Le Puy : Saint-Etienne-Lyon.
    M. Jacques Barrot. Merci de vous en soucier !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. L'A 45 !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. L'A 45, en effet. En 1993, la direction des routes nous explique d'abord qu'il ne faut pas la faire. Je suis allé voir à l'époque Bernard Bosson qui l'a sortie des limbes. Juste avant les dernières régionales, en 1997, le Gouvernement a supprimé tous les projets de nouvelles autoroutes. Puis les régionales ont eu lieu et le gouvernement en place les a rétablies. Comme quoi c'était purement électoral ! Je m'en tiens à des faits précis...
    M. Jacques Barrot. Exact !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ... dont il faut se souvenir. Qu'on ne vienne pas me dire que je fais de la provocation ! Ce que je dis est la vérité !
    On supprime donc les autoroutes parce qu'il faut plaire aux Verts. On les rajoute plus tard, quand on n'a pas gagné les élections et l'inspection des finances, ainsi que le corps des Ponts, qui a fait une étude, nous disent aujourd'hui que c'est beaucoup trop cher, que c'est subventionnable à 90 % !
    Il faut donc réfléchir sur le principe même de l'adossement. Pourquoi voulez-vous refuser l'adossement à un concessionnaire alors que l'opération n'est pas rentable du fait qu'elle devrait être subventionnée à 90 % ?
    Que veulent la Commission européenne et le Conseil d'Etat ? Leur souci est tout à fait respectable : le droit de la concurrence doit être respecté. Y a-t-il concurrence quand les subventions publiques sont à hauteur de 90 % ? La règle valait du temps où la France réalisait des tronçons rentables. Mais on a supprimé l'adossement au moment où on a commencé de réaliser des tronçons non rentables ou moins rentables. La grande erreur est d'avoir fait semblant de croire que la directive de 1993 s'imposait à tous. Or elle ne s'impose plus à nous puisqu'il n'y a plus de concurrence possible pour des tronçons déficitaires à 90 %.
    En conséquence, je demande que, sur le plan juridique, cet outil soit totalement revu. Si tel n'est pas le cas, nous n'aurons pas fini d'avoir des débats ici, et pas une fois par législature, mais une fois par an, pour s'écrier : y faut..., y a qu'à..., faut qu'on... et si y a pas, y a qu'à faire faire. Mais par qui ? C'est là tout le débat. (Sourires.)
    Messieurs les ministres, nous avons l'obligation de revoir les outils juridiques et les outils financiers. Si nous continuons ainsi, la France prendra un retard considérable au niveau national et nos discours n'auront plus d'importance.
    Nos administrés en ont assez des discours : ils veulent des infrastructures ! C'est ce que nous sommes venus vous dire, tout en vous suggérant quelques moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire.
    M. Emile Blessig, président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les réseaux de transports et leurs infrastructures déterminent des espaces géographiques au niveau régional, national et, surtout, européen. Ils sont déterminants et indispensables à la compétitivité, donc à l'attractivité de nos territoires. En ce sens, ils sont des éléments forts, le coeur d'une politique d'aménagement du territoire.
    Ces dernières années, nous avons pu constater une croissance exponentielle de la mobilité du fait de la transformation des modes de vie et de notre organisation économique. Ainsi, avec la technique des flux tendus, les stocks de nos entreprises sont en majorité sur nos routes et nos autoroutes, mais bien peu sur nos voies ferrées.
    A titre d'illustration, je rappellerai que 11 000 camions traversent chaque jour les Alpes entre la France et l'Italie, et 17 000 franchissent les Pyrénées entre l'Espagne et la France, dont la moitié traverse notre pays de bout en bout. Avec l'extension de l'Union européenne vers l'est, cette demande de transport va assurément croître.
    Or, les trente dernières années, la consommation énergétique du secteur des transports a augmenté de 69 %. Ce secteur est à l'origine de 41 % des émissions de gaz carbonique et des émissions de gaz à effet de serre qui seront à diviser par quatre d'ici à 2050.
    Par ailleurs, les estimations les plus sérieuses chiffrent à 50 % la croissance du trafic routier et ferroviaire dans les vingt prochaines années.
    Dans ce contexte, reconnaissons avec la DATAR qu'il est impossible de raisonner en la matière en prolongeant simplement les tendances. A la demande du Président de la République, intégrons dans nos réflexions et dans notre débat l'impératif du développement durable qui, a-t-il dit, s'impose et s'imposera à tous.
    Par conséquent, il est temps de refuser la sous-estimation systématique comme la non-prise en compte des risques et des nuisances écologiques liés aux différents modes de transport et à leurs dysfonctionnements, notamment aux congestions. Il est également temps de refuser la sous-estimation systématique de la pollution de l'air, de l'effet de serre, du bruit, des risques pétroliers et des atteintes au paysage.
    Reconnaître dans le développement durable la priorité majeure dans la réflexion sur les infrastructures de demain représenterait un pas décisif de la représentation nationale dont il résulterait deux conséquences.
    Du point de vue des choix stratégiques en matière de mode de transport, il convient de donner la priorité absolue à l'intermodularité rail-route, par la création de corridors de fret, comme le propose le rapport Haenel-Gerbaud, ce qui sera possible par le développement en parallèle d'un réseau à grande vitesse cohérent sur le plan national et totalement intégré dans un réseau transeuropéen.
    Acceptons également de revoir notre méthode d'analyse des coûts des modes de transport en mesurant et en intégrant les nuisances écologiques et leur suppression au titre des coûts et des avantages externes de tel ou tel mode de transport. La création d'une agence de notation environnementale serait à cet égard utile pour objectiver la démarche et le débat. Elle pourrait être nationale ou européenne.
    Nous avons donc, tant du point de vue des besoins de mobilité que de celui du développement durable, non seulement de bonnes raisons, mais aussi le devoir d'agir en vue de la mise en place d'une nouvelle politique des transports.
    En effet, dans ce débat, il s'agit moins de savoir selon quel critère, selon quelle alchimie - d'ailleurs nous ne tomberons pas d'accord - le Gouvernement arbitrera entre le TGV Aquitaine ou le TGV Rhin-Rhône, entre la seconde phase du TGV Est ou le TGV Bretagne. Nous savons qu'ils sont tous nécessaires et certainement à compléter. On ne peut que s'étonner de l'absence d'un projet de TGV reliant l'Atlantique à la Méditerranée. Dans une perspective européenne, cette liaison paraît indispensable.
    En fait, il s'agit de savoir si, à l'image de nos prédécesseurs dans la mise en oeuvre des grandes politiques d'infrastructures ferroviaires ou de voies d'eau, voire d'autoroutes, nous avons la volonté politique de dégager les moyens financiers nécessaires pour doter la France d'un réseau de transport intermodal fret-voyageurs-routes, qui soit à la hauteur d'une Europe à vingt-cinq. Si nous ne relevons pas ce défi, nous resterons un pays du bout de l'Europe et nous n'aurons plus la place que nous voulons avoir dans cette Europe en pleine mutation, dans cette Europe à vingt-cinq.
    M. André Schneider. Très juste !
    M. Bernard Schreiner. Excellent !
    M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. Quelles peuvent être ces ressources nouvelles ?
    Quelle peut être la mobilisation de l'épargne nationale et européenne sur des infrastructures à très longue durée de vie ? Certains ponts de la SNCF remontent à la fin du xixe siècle et ils sont encore utilisés. Les modes de calcul d'amortissement de ces équipements doivent donc être revus.
    Que peut-on demander à l'usager ? La mutualisation des recettes de péage de l'ensemble des transports peut donner au pays les moyens financiers de cette politique. A titre d'information, je rappellerai qu'en Suisse, qui est un petit pays, le ferroviaire est payé à 50 % par la route. Il ne s'agit pas de faire la même chose, mais de ne pas s'interdire de regarder comment l'ensemble des pays européens répondent à ces nouveaux défis pour s'adapter à une Europe à vingt-cinq.
    Quel est l'effort que peut fournir le contribuable français ou européen, actuel ou futur, s'agissant d'équipements de très longue durée ?
    A ce sujet, permettez-moi de faire une petite observation concernant le fonds d'intervention pour les transports terrestres et les voies navigables. Son principe a été exposé par de précédents orateurs, mais il faut aussi savoir que en 1995, lorsque la taxe à l'aménagement du territoire a été créée, les recettes du ministère de l'équipement ont été par un effet de vases communicants diminuées dans le budget général, au franc le franc, du même montant que le produit de cette nouvelle taxe. Dans la loi de finances pour 2001, le fonds a été supprimé, mais les recettes de la taxe sont restées au budget général. Elles offraient pour le ministre de l'équipement l'avantage d'une marge de manoeuvre un peu plus large...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Une marge de manoeuvre supplémentaire !
    M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. ... pour des décisions d'affectation. Mais elles ne constituaient en aucun cas un moyen financier supplémentaire.
    Il est indispensable que la représentation nationale garantisse la « sanctuarisation » des recettes nouvelles...
    M. Pierre Forgues. Oh !
    M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. ... concernant les dépenses d'équipement si nous voulons mettre réellement au point une politique de transport qui soit conforme aux objectifs de développement durable et au défi de l'Europe.
    Le débat sur les infrastructures de transports pose la question de l'aménagement du territoire en des termes nouveaux. Le rôle de l'Etat, nous le sentons bien, a changé : d'acteur principal de l'aménagement du territoire, il est devenu partenaire et il doit rester garant.
    L'Etat est le partenaire des collectivités locales dans la définition et la négociation des schémas régionaux de transports. Il est le partenaire des autres Etats européens dans la définition et la mise en oeuvre des réseaux de transport transeuropéens.
    M. Pierre Forgues. Et pour les schémas régionaux !
    M. Emile Blessig, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. Sur le plan national, l'Etat devra rester le garant de l'équité territoriale dans l'accès des territoires, notamment les plus enclavés, aux transports.
    Je terminerai par un regret concernant la définition de la politique de transport.
    Dans une économie comme la nôtre, qui est fortement « tertiarisée », on transporte non seulement des hommes et des marchandises, mais aussi des informations. Quelle peut être l'attractivité d'un territoire qui, même desservi par une autoroute, n'offre pas d'accès facile aux installations de haut débit ? La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire souhaite donc que le Gouvernement intègre les infrastructures de transport d'information dans sa réflexion sur les infrastructures de transports de demain car nous vivons dans la civilisation de l'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    (Mme Paulette Guinchard-Kunstler remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous souhaitons d'abord que ce débat soit un débat utile. Après le temps de l'échange, il sera en effet important d'aboutir à des décisions qui devront être suivies d'effets, comme le soulignait le président Clément. Cette remarque pourrait paraître banale, mais, dans le domaine qui nous occupe, l'expérience conduit à être à la fois plus prudent et plus exigeant. Aussi, messieurs les ministres, me semblerait-il judicieux que vous nous présentiez, d'ici à quelques mois, un projet de loi d'orientation qui nous permette de délibérer. Car notre assemblée n'est pas simplement un lieu de débat, si utile soit-il, elle est aussi et surtout un lieu de décision. L'actuelle loi d'orientation remontant à vingt ans, il est grand temps de fonder la nouvelle politique de transport sur un texte législatif. Celui-ci devra en outre être accompagné de schémas et de cartes, trop souvent absents de la démarche du gouvernement précédent. N'oublions pas que les infrastructures s'inscrivent dans l'espace.
    Ensuite, monsieur le ministre, il vous faudra veiller à ce que la politique des transports ne soit pas simplement une addition de réponses aux nombreuses lettres au père Noël que vous ne manquerez pas de recevoir, demandes d'infrastructures qui ont sans doute chacune leur utilité, mais dont il importe de trouver la cohérence d'ensemble.
    Cette politique devra aussi être cohérente avec l'action du Gouvernement. Le président Méhaignerie a rappelé l'utilité des infrastructures de transport. En la matière, l'investissement est le plus souvent à privilégier par rapport au fonctionnement. Or, vous avez fait des choix budgétaires que nous assumons avec la maîtrise de la dépense publique. Aussi vertueux soient-ils, les investissements ne doivent pas mettre en péril ce principe essentiel de la majorité. S'il faut dégager des marges d'investissement pour les infrastructures, il faut dans le même temps maîtriser les dépenses de fonctionnement.
    Cohérence aussi avec nos choix fiscaux marqués par une stabilité des prélèvements obligatoires. En ce domaine, comme dans d'autres, ne faisons pas le contraire de ce que nous avons dit.
    Cohérence, enfin, monsieur le ministre, avec nos choix européens. Vous vous êtes exprimé sur la sortie des dépenses d'infrastructure du pacte de stabilité. Certes, les dépenses d'infrastructure ont un caractère vertueux, certes, l'Europe doit leur donner un coup d'accélérateur, et je reviendrai sur les méthodes de financement, mais attention : si vous réclamez pour les dépenses d'infrastructure une exception, nos collègues pourront en faire de même dans d'autres domaines comme la recherche ou la défense, et certains l'évoquent déjà. En fin de compte, il n'y aura plus de pacte de stabilité. Je ne crois pas que ce soit l'objectif de notre majorité.
    Débat utile, débat cohérent, mais débat novateur aussi puisque les politiques s'emparent de la question des transports. On dit trop souvent que les infrastructures sont élaborées dans des cercles technocratiques ou qu'elles s'imposeraient d'elles-mêmes. Les choix seraient, en quelque sorte, tracés d'avance. Or ce n'est pas le cas. C'est pourquoi nous souhaitons aujourd'hui exprimer notre volonté dans ce domaine.
    Ce que nous voulons, c'est une « nouvelle politique de transports » - j'emprunte votre expression, monsieur le ministre - fondée sur un acquis important, la compétitivité de la France en ce domaine. Dans les comparaisons internationales, la qualité de nos infrastructures est toujours citée comme un facteur de notre compétitivité. Si nous souhaitons rester à la tête de la course, nous devons à la fois construire les infrastructures nécessaires et les gérer de la façon la plus performante possible.
    N'oublions pas qu'aujourd'hui les transports sont une activité moins purement physique qu'auparavant. L'organisation des flux est devenue une dimension essentielle pour les entreprises du secteur qui réalisent leurs marges grâce à la qualité de leur logistique et leurs logiciels plutôt qu'au seul poids des infrastructures.
    A cet égard, notre politique des transports devra prendre en compte un contexte nouveau avec, d'une part, le positionnement spécifique de la France à l'Ouest de l'Europe de demain, et, d'autre part, dimension un peu négligée dans les documents préparatoires au débat, la décentralisation, qui conduira à redéfinir les responsabilités des collectivités territoriales en matière de routes nationales, de ports et d'aéroports.
    Dans ces conditions, la multimodalité et l'intermodalité doivent passer du mythe à la réalité. Il ne s'agit pas de les conjuguer n'importe comment : il y a certains espaces où elles sont pertinentes, d'autres où la route s'impose. Mais la France a en ce domaine de grands progrès à réaliser. Et c'est là où les grands investissements de demain ont toute leur légitimité. Michel Bouvard reviendra sans doute sur le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin qui représente dans le domaine du fret l'expression concrète d'une politique de multimodalité.
    Mais à côté des grands investissements, monsieur le ministre, n'oublions pas qu'il reste encore de vastes perspectives d'optimisation des infrastructures, même si cela est moins valorisant politiquement, et que cela fait probablement moins rêver. Vous avez évoqué le projet de la « magistrale Ecofret » qui facilite la circulation du fret ferroviaire depuis un axe Anvers-Paris jusqu'au Sud de la France, en passant par la vallée du Rhône. C'est l'exemple même qu'une succession de petits et de moyens investissements peut changer beaucoup de choses dans l'organisation du transport dans notre pays.
    Mais nous pourrons faire tous les investissements du monde dans le fret ferroviaire ou la voie d'eau, si les conditions de gestion du système d'infrastructures, et plus concrètement d'un certain nombre d'acteurs et d'entreprises, ne sont pas améliorées, ils ne serviront à rien. Sait-on que le coût de transport sur la Seine est le triple de ce qu'il est sur le Rhin et qu'on peut doubler le trafic sur le Rhône sans investissements supplémentaires ? L'investissement n'est en effet pas la seule clé de la question même s'il a son importance.
    Pensons aussi à l'entretien. Les aiguillages de la gare de Lyon n'ont, par exemple, pas connu de modernisation importante depuis 1947. N'épuisons donc pas toutes les ressources en les consacrant aux seuls grands projets.
    Bien sûr, pour tout cela, monsieur le ministre, il faut des moyens supplémentaires. Augmenter les impôts : non ! On évoque le rapprochement du niveau de la TIPP du gazole de celui de l'essence, en termes moins pudiques, une augmentation de la TIPP sur le gazole. J'y suis défavorable.
    M. Dominique Dord. Très bien !
    M. Hervé Mariton. Plus de la moitié du parc automobile neuf acquis en France est équipé de moteurs diesel. Il n'y aurait pas de cohérence à augmenter la taxe sur le diesel. Notre majorité a été élue pour ne pas augmenter les impôts. Elle ne peut faire ce à quoi M. Jospin et Mme Voynet se sont refusés.
    M. Dominique Dord. Très juste !
    M. Hervé Mariton. Quant à la redevance sur les poids lourds, pourquoi pas ? A condition que celle-ci serve effectivement à financer un basculement modal en préservant sa vocation. Il y a là, assurément, une voie à explorer.
    Mobilisons aussi le patrimoine. Nous avons connu quelques décennies de constructions d'autoroutes en France et le plan autoroutier a été un succès. Cette phase est désormais assez largement achevée même si un certain nombre d'infrastructures de désenclavement doivent encore être conduites. Il ne serait pas scandaleux, me semble-t-il, il serait même particulièrement utile, de mobiliser les moyens que la valorisation de l'actif autoroutier pourrait apporter pour passer à la nouvelle phase de la politique d'infrastructures de notre pays. Si nous avons besoin de moyens pour quelques routes nouvelles, pour des voies ferroviaires ou fluviales, une privatisation des autoroutes, sans tabous, permettrait d'en trouver.
    Mme la présidente. Monsieur Mariton, vous avez dépassé votre temps de parole.
    M. Hervé Mariton. Je vais conclure, madame la présidente.
    Mais cette privatisation ne doit pas se faire n'importe comment. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, un certain nombre de critères doivent être respectés. Reste que la cession des autoroutes est l'un des moyens de nous sortir de la nasse financière dans laquelle nous risquons d'être pris.
    Les participations public-privé peuvent également être mobilisées, sans oublier, bien sûr, les financements européens. A cet égard, la banque européenne d'investissement est prête à nous accompagner. Mettons donc cette bonne volonté à profit.
    Enfin, monsieur le ministre, la nouvelle politique des transports se doit de répondre à l'exigence de notre époque dans le domaine de l'environnement. Mais faisons attention de ne pas trop en faire. Aujourd'hui, un certain nombre de réalisations sont trop longues et laborieuses, et les concertations et les procédures publiques exigent des délais supplémentaires. Il faut donc trouver la voie de la sagesse et de l'équilibre en ayant bien à l'esprit l'impact sur l'environnement des infrastructures à construire.
    Aujourd'hui, le débat, demain, la décision, après-demain le temps de l'action. Oui, monsieur le ministre, nous souhaitons une politique d'infrastructures ambitieuse pour notre pays. Nous en avons les moyens. Nous ne devons pas être angoissés, mais être confiants dans ce que nous avons déjà et dans ce que nous voulons faire. Merci de ce que vous nous proposerez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Odile Saugues, à qui je demanderai de respecter son temps de parole. La liste des orateurs étant très longue, je serai très rigoureuse sur les temps de parole.
    Mme Odile Saugues. Madame la présidente, messieurs les ministres, il fallait bien prévoir cinq heures de débats pour tenter de mettre un terme à l'extrême confusion qui a gagné le secteur des transports, secteur essentiel à notre économie, vital pour l'aménagement de notre territoire et le développement de nos régions et déterminant pour la croissance et pour l'emploi.
    Pouvait-on faire pire que la méthode gouvernementale ? Trois rapports - l'un confié à deux sénateurs, l'autre à la DATAR, le troisième au conseil général des ponts et chaussées - ont été commandés par le Gouvernement pour éclairer les choix. Mais que constate-t-on ? Une cacophonie totale, des contradictions sans fin et une levée de boucliers générale, tant parmi les élus que les professionnels.
    Un jour, c'est le président de la commission permanente du Conseil national d'aménagement du territoire qui démissionne en signe de protestation devant l'abandon, par la DATAR, des priorités d'égalité des chances entre les territoires.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Il a bien fait !
    Mme Odile Saugues. Un autre, c'est le président du comité pour la liaison européenne transalpine, M. Raymond Barre, qui dénonce un manque de vision et des décisions technocratiques, tandis que le président de l'association des maires de France exprime sa déception à propos de l'abandon de la voie d'eau comme mode alternatif au tout routier et que le président de l'association des régions de France s'inquiète du non-respect des engagements de l'Etat dans les contrats de plan.
    Nous pourrions encore citer les prises de position de toutes les organisations syndicales, de la CGT qui estime que « la politique du tout routier est de retour » à la CFDT qui dénonce « un rapport de commande », en passant par FO qui ne voit dans ce rapport d'audit « aucune logique de service public »,...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ils sont mal placés !
    Mme Odile Saugues. ... l'UNSA qui estime que « les salariés des transports sont en état de légitime défense » ou la CFTC qui note ici « un bémol à la volonté du précédent gouvernement ».
    On ne réussit pas tous les jours, à briser l'unité syndicale, monsieur le ministre.
    Mais la palme revient sans le moindre doute à M. Sergio Pininfarina, président de la commission intergouvernementale pour le TGV Lyon-Turin, qui a déclaré : « Si les Français ne peuvent pas payer, nous avancerons l'argent. »
    Comment s'y retrouver ? Et surtout, par quoi commencer ? Le canal Seine-Nord, le projet Port 2000, la deuxième phase du TGV-Est, le Lyon-Turin ou le pendulaire POLT ? Et à quel document accorder de l'importance ? A celui du conseil général des ponts et chaussées, qui enterre la voie navigable et le ferroviaire pour consacrer la politique du tout routier, ou à celui de la DATAR, qui en prend le contre-pied ?
    La réponse, monsieur le ministre, nous la connaissons, les clefs sont à Bercy, et vous êtes l'une des premières victimes de la rigueur imposée par votre gouvernement et de la croissance en berne due en grande partie à une politique qui a tourné le dos à la création d'emplois et à la redistribution des richesses.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Eh oui !
    Mme Odile Saugues. Face à cette logique, les arguments en faveur d'un rééquilibrage des modes de transports pèsent bien peu. A dire vrai, ce n'est pas une surprise.
    Déjà, lors de l'examen de votre projet de budget, le 24 octobre dernier, les conclusions prévisibles de l'audit du conseil général des ponts et chaussées transpiraient dans vos choix. A cette époque, j'avais fortement déploré, au nom de mon groupe politique, la baisse des financements pour Voies navigables de France et la diminution de 25 millions d'euros de la contribution aux charges d'infrastructures ferroviaires versées à RFF.
    Aujourd'hui, on voit bien la volonté politique qui se dessine derrière ces rapports et les annonces gouvernementales : aller plus loin encore dans la voie de la privatisation.
    Il s'agit là d'une vision à court terme, qui fait fi de l'intérêt général. Nous l'avons déjà dénoncée avec vigueur, notamment à l'occasion de l'annonce du bradage d'Air France.
    Pour souligner l'incohérence de votre politique, je formulerai quelques observations.
    Indispensables pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, les transports urbains sont étonnamment tenus à l'écart de notre débat. Et pourtant, vous n'avez pas eu besoin d'audit pour diminuer de façon drastique les financements des transports en commun en site propre et ceux des plans de déplacements urbains, dont l'approbation définitive est une nouvelle fois reportée.
    Par ailleurs, l'audit commandé au conseil général des ponts et chaussées exclut le transport aérien de son champ de réflexion, alors que l'étude de la DATAR en fait un élément essentiel de ses projections.
    Plus étonnant encore : vous demandez à la représentation nationale de se saisir aujourd'hui de ce débat sans même attendre la fin des travaux de la mission parlementaire sur la politique aéroportuaire, qui achèvera ses auditions le 5 juin prochain. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) A quoi sert une telle mission si ses travaux n'alimentent pas un débat de ce type ?
    Et comment aborder sérieusement la question de l'avenir des transports en France si l'on écarte le mode aérien de nos réflexions et si l'on nie l'impact de l'interpénétration des différents modes de transports ? Cela revient à ignorer les conséquences de la mise en service du TGV Méditerranée sur l'activité d'Air France.
    Si vous vouliez sincèrement associer le Parlement à vos réflexions, il aurait fallu ne pas court-circuiter les travaux de cette mission parlementaire, monsieur le ministre. Il est vrai que les coupes budgétaires et les gels de crédits, eux, n'attendent pas.
    Rappelons ici que vous avez vous-même rayé de la carte le principal projet d'infrastructure en matière de transports - le troisième aéroport international - sans la moindre concertation, sans la moindre discussion, sans la moindre étude, sans le moindre audit.
    Enfin, je veux aborder les conséquences réelles de l'enlisement programmé de certains projets.
    D'abord, les reports que vous envisagez pour des raisons budgétaires vont se télescoper avec les calendriers juridiques et des procédures légales incontournables, dejà engagées, qui seront remises en cause et qu'il faudra reprendre entièrement.
    Au-delà des menaces qui pèsent sur nos régions, nous savons aussi que certains hauts fonctionnaires ont une tendance naturelle à enterrer les projets, surtout lorsqu'ils sont l'expression de choix politiques et qu'ils ne s'inscrivent pas dans le dogme du « tout routier ». Nous en avons fait nous-mêmes l'expérience, notamment avec le rapport Brossier sur les transports terrestres dans les Alpes qui préconisait déjà un report du TGV Lyon-Turin.
    Nous savons enfin la difficulté qu'il y a de réorienter la fiscalité en faveur des modes de transport les moins polluants. Cinq années plus tard, on voit les mêmes freins s'activer. Mais ils ne doivent pas conduire l'Etat à baisser les bras et, surtout, à casser le travail réalisé dans les régions. Or c'est bien de cela qu'il est question, monsieur le ministre.
    Quelle crédibilité accorder à votre engagement en faveur de la décentralisation si votre gouvernement ne respecte pas les contrats signés avec les collectivités locales ? Comptez-vous donner suite aux conclusions de l'audit sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse ou la modernisation de la ligne Clermont-Neussargues en matière de fret ferroviaire alors que cette modernisation a été retenue par le CIADT du 23 juillet 1999 et qu'elle fait l'objet d'une convention cadre conclue le 13 mai 2002 ? Il n'y a pas aujourd'hui que de bonnes nouvelles pour l'Auvergne, vous en conviendrez, monsieur le ministre.
    Quelle crédibilité accorder à votre engagement européen si la France met en péril, par ses hésitations, un projet comme le Lyon-Turin,...
    M. Marc Le Fur. Le plus coûteux !
    Mme Odile Saugues. ... identifié comme l'un des quatorze projets prioritaires de l'Union européenne, et si notre pays ne respecte pas ses engagements internationaux et sa signature, sans parler de la ratification du traité international relatif à cette liaison transalpine par les deux parlements, français et italien ?
    M. François-Michel Gonnot. Ils seront respectés.
    M. Pierre Forgues. Et le TCP ?
    Mme Odile Saugues. Quelle crédibilité, enfin, accorder à votre politique de transport si les projets phares en matière de rééquilibrage entre les différents modes de transport sont reportés, abandonnés, enterrés ?
    Et si toutes les recettes de transports doivent être consacrées aux infrastructures, allez-vous nous dire, monsieur le ministre, que les recettes espérées de la privatisation d'Air France iront à la réalisation d'infrastructures nouvelles ? A moins que vous ne nous annonciez que, finalement, le Premier ministre a choisi d'affecter à votre ministère l'ensemble des recettes des péages, au détriment de M. Mer.
    Enfin, comment ne pas voir dans ces études et surtout dans les inquiétudes qui remontent des régions, de toutes les régions, que votre gouvernement a eu le tort de ne pas donner à ce ministère les moyens financiers de mettre en oeuvre la politique volontariste de vos prédécesseurs et qu'il a profondément sous-estimé les attentes des Français en matière de développement durable et d'aménagement du territoire ?
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, les députés de mon groupe vous interrogeront, d'une part, sur la cohérence de votre politique en matière de transport au travers d'interventions générales et, d'autre part, sur le devenir de certains projets majeurs pour le développement de nos régions.
    Cependant, mes chers collègues, ne nous faisons pas trop d'illusions : l'essentiel n'est pas dans ce débat qui ne sera pas sanctionné par un vote. Et déjà, les gels de crédits décidés pour 2003 témoignent du peu d'engouement de ce gouvernement en matière de transports.
    Aussi les députés socialistes, et avec eux les Français, attendront-ils votre prochain budget et les arbitrages qui seront alors rendus par le Premier ministre pour mesurer vraiment votre détermination et apprécier les moyens réels que vous entendez consacrer à la définition d'une véritable politique des transports. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François Bayrou, pour cinq minutes.
    M. François Bayrou. Monsieur le ministre des transports, je ne me livrerai pas dans les cinq minutes qui me sont imparties à une analyse générale ; cela a été fait à six reprises depuis que le débat a commencé. Je m'en tiendrai à une seule réflexion préliminaire : vous sentez bien qu'il y a en face de vous les représentants d'une France qui se sent très profondément victime d'inégalités. Les uns sont équipés, ou en tout cas assez bien équipés, tandis que les autres éprouvent un sentiment de profond abandon.
    Pour contribuer, à titre d'exemple, au débat général, mais aussi à la défense du développement local, je m'exprimerai à cette tribune au nom d'une région qui se sent profondément abandonnée et qui en ressent de la rage, car elle a l'impression que cet abandon a été croissant au fil du temps et s'est même beaucoup aggravé ces dernières années.
    Voici d'abord une date qui dira quelque chose, à coup sûr, aux conseillers qui vous entourent. Il y a près de cinquante ans, j'avais à peine trois ans, le 23 mars 1955, quand, en Aquitaine, sur une magnifique voie ferrée des Landes, une motrice française a gagné le ruban bleu du record du monde en atteignant 326 km/h. C'était un train à grande vitesse avant l'heure. Aujourd'hui, sur le même tronçon, ce qu'on appelle le TGV, ou plus exactement la rame de TGV, roule à moins de 160 km/h. Nous avons perdu 166 kilomètres à l'heure en cinquante ans !
    M. Pierre Forgues. Excellent rappel !
    M. François Bayrou. Face à ce sentiment de ne pas avoir progressé, bien au contraire, le volume des transports a, lui, considérablement augmenté. Et vous voyez ainsi, monsieur le ministre, vous qui venez de dire qu'« il faut dépasser dans nos choix le cadre de l'Hexagone », que si une région vous y invite, c'est évidemment le Sud-Ouest au sens large, et l'Aquitaine en particulier. Car les chiffres de progression du transit à la frontière Aquitaine, et notamment ceux du transport routier, sont stupéfiants, alors que nos équipements, eux, n'ont pas bougé !
    En 1990, il n'y a pas longtemps, on était à 3 000 poids lourds par jour à la frontière de Biriatou ; en 2000, on en est à 7 500 et, en 2010, les prévisionnistes s'attendent à 15 000. Tous véhicules confondus, on est passé de 5 000 en 1990 à 20 000 en 2000 et l'on prévoit de dépasser 40 000 en 2010.
    Naturellement, cet essor du trafic est fonction du développement extraordinaire de nos voisins espagnols, de la croissance dont ils ont bénéficié. Et quand, en face de ces chiffres, vous mettez la réalité des infrastructures, vous constatez que les Espagnols ont fait des efforts d'équipement absolument remarquables. C'est vrai pour la route aussi bien que pour le rail. Le TGV Madrid-Irun sera achevé dans peu d'années pendant que, la frontière passée, on se traînera entre Irun et Tours parce que le TGV Sud-Europe-Atlantique, toujours promis, ne sera jamais réalisé.
    Le sentiment de cette région, monsieur le ministre, c'est qu'elle est sinistrée, et sinistrée par carence de l'Etat. Et moi qui n'ai pas l'habitude de pratiquer la polémique d'un camp contre l'autre, que je trouve très souvent affaiblissante, je veux dire que là, en effet, il y a une responsabilité directe du gouvernement précédent.
    M. Daniel Paul. Depuis cinquante ans, il y en a eu d'autres !
    M. François Bayrou. Je vais citer deux faits que tout le monde pourra vérifier.
    Entre Bordeaux et Pau, on constate un phénomène unique en France : les deux principales villes d'une région à près de trois heures l'une de l'autre en voiture. La concession d'une autoroute entre Bordeaux et Pau a été décidée en deux étapes, par le gouvernement d'Edouard Balladur, d'abord, par le gouvernement d'Alain Juppé, ensuite, la dernière décision ayant été prise en 1996. Dès l'alternance, dès l'été 1997, le gouvernement précédent a décidé d'abandonner cette autoroute, purement et simplement, pour des raisons - disons-le - idéologiques,...
    M. Pierre Ducout. C'est faux ! C'était ou une « deux fois deux voies », ou une autoroute.
    M. François Bayrou. ... parce qu'il se trouvait que les Verts, d'un côté, et le PC, de l'autre, n'étaient pas favorables à cet équipement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On peut le vérifier, M. Gayssot lui-même l'a dit.
    De la même manière, en 1996, la décision a été prise que la route nationale 10, entre Bayonne et Bordeaux, serait mise à péage et transformée en deux fois trois voies. A la même date et pour les mêmes raisons, cette décision a été abandonnée.
    M. Pierre Cohen. On va voir ce que votre gouvernement fera !
    M. François Bayrou. Monsieur le ministre, il vous revient, dans cette région comme dans d'autres, mais sans doute plus que dans d'autres, de faire franchir un pas décisif à l'équipement de la France. Vous avez réalisé une prouesse - pas seul, avec l'aide du Président de la République - en matière de sécurité routière. Vous avez eu la chance ou le bonheur d'être le ministre sous la responsabilité duquel le drame l'insécurité routière a reculé en France. Il vous appartient maintenant d'être le ministre sous la responsabilité duquel l'équipement de la France progressera.
    M. Pierre Forgues. On n'en prend pas le chemin !
    M. François Bayrou. Quelles sont les priorités pour notre région ? Alain Juppé vous parlera tout à l'heure du contournement de Bordeaux. Il est également nécessaire de réaliser d'urgence et par concession - je ne vois pas d'autre moyen - l'autoroute Bordeaux-Pau et de régler la question de la liaison Pau-Oloron, inscrite en 1992 au schéma directeur.
    Mme la présidente. Monsieur Bayrou, je vous demande de bien vouloir conclure.
    M. François Bayrou. J'ai presque fini, madame la présidente.
    Il vous revient aussi, monsieur le ministre, d'assurer la mise à deux fois trois voies de l'axe Bayonne-Bordeaux.
    Il vous revient de régler la question du TGV Sud-Europe-Atlantique.
    Enfin, s'agissant toujours du réseau ferré, il vous revient d'assurer la réalisation de la liaison Pau-Canfrac, que je considère pour ma part comme inéluctable. Beaucoup de grands esprits pensent que cette voie ferrée ne sera jamais remise en état. Mais il faudra bien qu'un jour, pour le ferroutage, on fasse autre chose que des moulinets et l'on utilise autre chose que des mots.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. François Bayrou. Pour ma part, je suis certain que le jour où l'on voudra, entre l'Espagne et l'Hexagone, créer une liaison ferroviaire de plus, il faudra réhabiliter cette voie qui existe. Sa remise en état ne coûtera pas très cher, quelque 200 millions d'euros. Il restera ensuite à régler le problème de la concession, mais je suis sûr que nombreux concessionnaires sont prêts à relever le défi.
    Monsieur le ministre, la responsabilité qui pèse sur vous est très importante. C'est vrai pour l'ensemble de la France, je voulais vous le dire au nom de l'Aquitaine et du Sud-Ouest. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul, pour dix minutes.
    M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. Aménager le territoire, c'est organiser le développement de chaque bassin de vie, en valorisant ses atouts de façon cohérente. Cela suppose un volontarisme politique qui intègre, dans l'esprit et la lettre de Kyoto, la notion de développement durable.
    Lors des dixièmes rencontres parlementaires sur les transports, notre collègue Patrick Ollier faisait ainsi part de ses inquiétudes : « J'ai peur que l'on ne passe à côté de la mise en place d'une véritable politique d'aménagement du territoire. Il nous faut imaginer ce que pourrait être la France dans cinquante ans, dans un contexte européen. »
    M. André Chassaigne. Bonne réflexion !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je confirme.
    M. Daniel Paul. Chers collègues de la majorité, vous êtes face à vos propres contradictions. Adeptes de l'Etat minimum, démuni de ses prérogatives par une décentralisation autoritaire et sans moyens,...
    M. Maurice Leroy. Caricature !
    M. Daniel Paul. ... d'un Etat débarrassé de ses obligations de service public, vous rêvez de privatisation, de démantèlement de l'ensemble du secteur public. Or, vous le savez, et M. Ollier également, l'aménagement du territoire ne se bâtit pas sur le laisser-faire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non ! Sur le volontarisme !
    M. Daniel Paul. Le débat d'aujourd'hui sur la programmation des grandes infrastructures est déterminant non seulement pour l'avenir des transports, mais aussi parce que vos choix pèseront lourd sur les contribuables et les citoyens dans les vingt prochaines années.
    « Un territoire mal desservi, nous dit la DATAR, verra presque toujours son avenir compromis. » Or, le rapport Transport en France et en Europe, éviter l'asphyxie, conçu sous la responsabilité d'André Lajoinie, l'avait démontré avec pertinence : la croissance des déplacements de personnes et de marchandises est une donnée fondamentale des sociétés modernes et notre pays n'y échappera pas.
    Les bouleversements de l'économie mondiale ont placé la circulation des biens au coeur des logiques industrielles. Profitant des insuffisances des politiques publiques et sur fond de concurrence intermodale, le secteur routier - en situation avantageuse - s'est taillé la part du lion dans ce marché lucratif. La France, par sa position géographique en Europe, est un pays de transit. En l'absence de volontarisme dans le domaine des transports, elle risque l'asphyxie, avec des conséquences environnementales et économiques majeures.
    Or nous pensons que la France n'a pas à subir sa situation géographique. Elle ne doit pas se contenter d'être un pays de transit, supportant encombrements, pollutions et insécurité routière ; elle doit au contraire opérer des choix politiques forts, en donnant au rail et au fluvial la priorité, en mettant au coeur des préoccupations l'aménagement du territoire national et son insertion dans une Europe aménageant aussi l'ensemble de ses territoires. Elle doit dans ce domaine combiner développement économique de tous ses territoires et protection du cadre de vie de ses habitants.
    Après l'audit des projets d'infrastructures du Conseil général des Ponts, après le rapport des sénateurs Haenel et Gerbaud sur l'avenir du fret ferroviaire et celui de Henri de Richemont sur le cabotage maritime, la DATAR, fort heureusement, avec une étude prospective proposant « une politique des transports ambitieuse », est venue nourrir avec pertinence la réflexion de la représentation nationale. En effet, les préconisations de l'audit - mais n'était-ce pas la commande du Gouvernement ? - sont plus soucieuses de rentabilité économique à court terme que de réponses aux besoins de transport en termes d'aménagement du territoire et de développement durable, en fait d'une croissance porteuse d'avenir et de progrès social. L'audit remet ouvertement en cause le nécessaire rééquilibrage rail-route, en consacrant le retour en force du tout-autoroutier, en évacuant - et même si tel n'était pas son sujet, on ne doit plus les éluder - les problématiques liées à l'effet de serre et, plus globalement, les grands enjeux d'aménagement du territoire.
    Il n'est pas interdit de se demander - c'est le moins que l'on puisse dire - si le Gouvernement ne souhaite pas s'appuyer sur l'audit qui constate les problèmes de financement pour justifier son propre désengagement. Est-ce avec des considérations politiciennes sur les projets initiés par vos prédécesseurs que vous tentez, monsieur le ministre, de faire oublier votre responsabilité vis-à-vis des prochaines générations ?
    M. André Chassaigne. C'est sûr !
    M. Daniel Paul. Or il est du devoir de l'Etat de décider des projets d'infrastructures nécessaires à l'aménagement cohérent du territoire, même si leur seuil de rentabilité théorique immédiat n'atteint pas la barre des 8 % estimée fatidique par beaucoup.
    Toutes les études le confirment, le trafic de marchandises en France va doubler au cours des dix ou douze prochaines années. Les chemins de fer et les autres modes de transports alternatifs y prendront-ils leur part ? Si la longueur du réseau autoroutier a triplé depuis 1970, le réseau ferroviaire exploité a diminué de 8 % et la SNCF a abandonné 4 350 kilomètres de lignes qui seraient aujourd'hui fort utiles.
    La nécessité d'une revitalisation du rail est une préoccupation unanimement reconnue à l'échelle européenne, y compris par la Commission de Bruxelles, pour qui, cependant, la seule réponse qui vaille passe par une libérilisation du secteur. Or l'exemple de la Grande-Bretagne, où British Rail a été complètement démantelé et privatisé, ne plaide pas en faveur d'une déréglementation accrue, bien au contraire.
    De ce point de vue, le rapport de nos collègues sénateurs Haenel et Gerbaud est inacceptable. On y retrouve les vieux schémas, relevant plus du dogmatisme que d'une mission d'expertise, dans lesquels on préconise une filialisation envisagée en référence à l'Allemagne.
    Aucun élément économique crédible ne vient appuyer une telle stratégie, si ce n'est celle qui consiste à vouloir porter, coûte que coûte, un nouveau coup au secteur public.
    D'ailleurs une phrase du rapport sénatorial nous éclaire sur son parti pris libéral : « Le fret ferroviaire n'est pas uniforme, mais il est constitué de marchés très diversifiés. La distinction entre trafics rentables ou équilibrés et trafics insuffisamment rémunérateurs permet de distinguer dans l'activité fret deux "segments de marché », dont l'un aurait, selon nos collègues, « une vocation strictement commerciale, tandis que l'autre ne peut trouver sa légitimité que dans la reconnaissance de son utilité comme outil d'aménagement et de développement territorial ». Autrement dit, le rentable au privé, le non rentable au public et, puisqu'il y a des problèmes objectifs de financement, on réduit encore un peu plus la place du public.
    Un débat comme celui-ci ne saurait cependant rester théorique. Les illustrations abondent, mais vous me permettrez d'évoquer ici les grands ports, car les enjeux qu'ils sous-tendent touchent à tous les secteurs.
    Je rappelle que, dès le début des années 90, un rapport notait la nécessité de mettre en place les liaisons transversales irriguant l'hinterland de nos ports maritimes. De fait, le projet havrais « Port 2000 » concerne, certes, l'organisation de l'ensemble portuaire, mais il est étroitement dépendant des dessertes terrestres et des problématiques importantes d'aménagement du territoire régional, national et européen.
    La quasi-totalité de nos ports, à l'exception de Dunkerque, sont situés en dehors de la « banane bleue ». Ainsi, pour traverser notre territoire et parvenir au centre de l'Europe, les marchandises débarquées au Havre ou à Marseille doivent parcourir des centaines de kilomètres, dans des conditions souvent insatisfaisantes, du fait des carences de nos réseaux ferroviaire, autoroutier et fluvial.
    Il est absolument impératif d'organiser une chaîne de qualité compétitive entre chaque port et son hinterland proche ou plus éloigné. D'autant qu'avec Port 2000, nous allons passer en quelques années de 1,2 million de conteneurs à 3 millions. Imagine-t-on de doubler le nombre de conteneurs, donc de camions, sur les routes et autoroutes ? Impensable, même si la desserte autoroutière du Havre, qui a longtemps été dépendante du passage par la région parisienne, s'est peu à peu diversifiée.
    Mais il n'en est pas de même pour les autres modes de transports.
    L'accès au corridor fluvial du Nord de l'Europe est une nécessité, afin que Le Havre puisse non seulement contester la forte présence actuelle d'Anvers ou Rotterdam, mais aussi diversifier ses modes de post et de pré-acheminement.
    Renoncer à Seine-Nord et ne pas évoquer Seine-Est reviendrait non seulement à handicaper nos ports, mais aussi à refuser le parti de l'aménagement cohérent et nier l'objectif initial de Port 2000.
    De la même manière, l'absence d'écluse fluviale pour la desserte de Port 2000 risque d'imposer, comme le souligne la DATAR, « un brouettage des conteneurs par navettes multi-remorques routières entre le terminal maritime et le terminal fluvial projeté, ce qui est lourd et coûteux ».
    Mais, si ce projet d'écluse s'avère nécessaire - et vous l'avez reconnu dans notre intervention monsieur le ministre - il ne saurait être question d'en faire supporter le coût au port autonome du Havre, dont les capacités de financement sont aujourd'hui totalement absorbées par Port 2000 - mais vous avez oublié de parler de cet aspect.
    Comment ignorer l'atout que représente le cabotage maritime - les autoroutes de la mer -, mis en lumière par l'excellent rapport de mon ami François Liberti ? Il faut soutenir ce cabotage, car c'est un atout, du fait de notre positionnement, ce qui suppose une aide financière de départ et le respect des normes sociales de notre pays.
    Enfin, la constitution d'axes ferroviaires, à priorité fret, est une impérieuse nécessité, en particulier le contournement de la région parisienne par le nord. De même, nous n'éviterons pas - parce que c'est l'avenir - de viser la desserte ferroviaire de la zone industrielle du Havre par la vallée du Commerce, en évitant le transit par l'est du Havre, synonyme de nuisances pour 250 000 habitants.
    Cependant, nous ne devons pas oublier que l'entretien des infrastructures existantes nécessite, lui aussi, un plus grand effort de la nation. Au moment où nous débattons de l'avenir, l'Etat serait mal inspiré en ne respectant pas ses engagements contractuels envers les régions. Tout retard dans la réalisation du contournement fret de la région parisienne, comme le fait craindre votre attitude à l'égard du contrat de Plan, aurait des répercussions sur notre trafic portuaire en engorgeant nos routes. De même, tout retard ou tout abandon de projet de transversale à partir de nos ports atlantiques, alors que ces réalisations sont préconisées depuis plus de dix ans, handicaperait durablement notre pays.
    Il ne saurait évidemment être question de faire l'impasse sur la question des financements.
    Nous avons, bien entendu, des propositions à formuler sur le financement fondées sur une autre fiscalité. Mais cela passe par un grand débat national où l'ensemble des acteurs pourraient donner leur avis : élus politiques, pouvoirs publics, usagers, populations, entreprises.
    Nous ne saurions évidemment nous satisfaire d'orientations inscrites dans une accélération de la libéralisation et de la dérèglementation des transports.
    L'Europe doit s'engager plus activement et plus résolument dans un vaste programme de financement pour moderniser et régénérer les infrastructures. Comme nous l'avons déjà proposé, il serait souhaitable que soit lancé un grand emprunt européen répondant aux besoins à l'échelle de notre continent.
    Nous récusons l'idée que les poids lourds paient leurs coûts et que le chemin de fer ne les couvre pas. Ce calcul ne prend pas en compte les coûts environnementaux et ignore les parties urbaines, là où les poids lourds circulent gratuitement et où le train paie le prix fort.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Paul, car votre temps de parole est écoulé.
    M. Daniel Paul. Je termine, madame la présidente.
    L'instauration d'une taxe sur les poids lourds dans les zones particulièrement sensibles et congestionnées, dont l'objet serait de favoriser le développement de l'intermodalité, nous semble une piste intéressante.
    Nous sommes, en revanche, opposés à toute idée tendant à relever les tarifs de l'infrastructure ferroviaire.
    Ne convient-il pas aussi de mobiliser les fonds, aujourd'hui inutilisés, dont dispose la Caisse des dépôts - plus de 200 milliards d'euros, selon sa direction - pour financer sur une longue période, les travaux nécessaires ?
    Ce débat sur les infrastructures engage l'avenir de notre pays pour plusieurs années. C'est un débat de société, comme le sera celui sur l'énergie, comme l'est aujourd'hui celui sur les retraites et comme promet de l'être demain celui sur la sécurité sociale.
    Les risques liés à des logiques libérales destructrices sont partout présents. En matière d'aménagement aussi, les logiques de privatisation, de mise en concurrence, sont actives, comme le montre le débat autour du fret ferroviaire.
    La nécessité d'investir à long terme se heurte à votre logique, celle qui veut que l'argent public serve, en priorité, les objectifs de rentabilité financière à court terme.
    Alors, vous êtes face à des contradictions. Vous ne pourrez éviter de développer nos infrastructures et vous envisagez une diversité de réponses, de l'appel aux collectivités locales au recours aux intérêts privés, prêts à s'investir dans les opérations les plus rentables, sans oublier l'instauration de péages toujours plus lourds.
    Sans doute aussi envisagez-vous d'abandonner certains projets, de faire des économies. C'est une conception que nous ne partageons pas.
    Le rééquilibrage des moyens de transport au profit du ferroviaire, du fluvial et du cabotage maritime est une évidente nécessité, sauf à condamner notre société à l'asphyxie à court terme.
    Pour nous, l'Etat doit veiller aux équilibres régionaux, à la cohésion et à la cohérence nationales ; cela signifie qu'il ne saurait se désengager financièrement, encore moins prétexter une non-rentabilité financière qui, en matière d'aménagement du territoire, n'a aucun sens, dès lors que l'utilité sociale d'un projet - au sens sociétal du terme - a été établie.
    C'est le sens que nous entendons donner à notre bataille pour que, dans ce domaine comme dans d'autres, les logiques libérales prédatrices cèdent le pas en faveur d'un aménagement harmonieux de notre territoire, avec un rôle renouvelé du secteur public, confirmé dans ses missions et ses moyens. Car dans ce domaine, comme dans d'autres, les moyens existent. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. Je demande à nouveau à tous les orateurs de respecter leur temps de parole, ce que, jusqu'à présent, seule Mme Saugues a fait.
    La parole est à M. François-Michel Gonnot.
    M. François-Michel Gonnot. Après cinq ans d'une politique qui s'est résumée en une phrase « promettre et ne rien faire » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. François Brottes et M. André Chassaigne. Ça commence mal !
    M. François-Michel Gonnot. ... vous avez, monsieur le ministre, choisi, au nom du Gouvernement, une bonne méthode fondée d'abord sur une expertise, puis sur une réflexion, notamment celle de la DATAR, et enfin sur un débat parlementaire, avant que ne vienne, bien sûr, l'heure des décisions.
    Vous avez aussi choisi un bon moment, et cela a été longuement évoqué, celui où nous devons nous préparer à l'élargissement de l'Europe, et alors que se multiplient les besoins toujours exprimés dans nos territoires et dans nos régions. Vous avez entendu les cris de l'Aquitaine, les soupirs de la Bretagne, les besoins de l'Auvergne - que dirais-je de la Picardie ? - où les choix du Gouvernement sont tant attendus par nombre d'opérateurs.
    Vous avez prononcé, monsieur le ministre, une phrase qui doit être au coeur de nos débats aujourd'hui et d'une prise de conscience nationale - Dominique Bussereau l'a également citée - : dans l'Europe élargie, la France ne sera plus un point de passage obligé, demain, au coeur de l'Union européenne.
    M. Pierre Forgues. Pourquoi ?
    M. François-Michel Gonnot. Si la France ne souffre pas, globalement, d'un retard d'équipement en infrastructures, elle doit incontestablement améliorer l'efficacité de son réseau, faire disparaître les principaux points de congestion et se mobiliser pour parvenir à une Europe intégrée des transports.
    Le débat national sur les infrastructures ne peut donc ignorer les réflexions communautaires sur la nécessité de relancer les investissements. Nous constatons, bien sûr, et cela a déjà été évoqué, l'insuffisance des actuels financements communautaires en matière d'investissements de transport. Je rappellerai que le budget communautaire du réseau transeuropéen de transport s'élève aujourd'hui à 550 millions d'euros.
    Il me semble néanmoins indispensable que la représentation nationale s'intéresse de près aux travaux menés actuellement par le groupe de travail lancé par Mme de Palacio et dirigé par M. Van Miert pour réviser en profondeur les orientations du réseau transeuropéen de transport.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. François-Michel Gonnot. En 1994, quatorze projets prioritaires avaient été définis, mais 20 % des travaux seront achevés en 2010.
    Les perspectives pour demain sont peut-être meilleures dans la mesure où ce groupe dans lequel tous les Etats membres siègent, ainsi que les pays candidats, devrait rendre prochainement ses recommandations. La Commission européenne devrait, d'ici à la fin de cette année, proposer une révision du réseau transeuropéen de transport.
    J'émets le voeu que ce travail de réflexion sur la création de grands corridors transfrontaliers et sur la promotion de l'interopérabilité des réseaux nationaux soit aussi l'occasion pour la France d'imposer une évidence :...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. François-Michel Gonnot. ... les crédits communautaires ne peuvent pas, demain, se borner à combler le retard d'équipement en infrastructures des régions périphériques et des pays en voie d'adhésion.
    M. Michel Bouvard et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. François-Michel Gonnot. La « vieille Europe » est aussi confrontée à des problèmes délicats de modernisation de son réseau, et l'efficacité des voies de communication de pays tels que la France, l'Allemagne ou l'Italie est une condition essentielle pour la réussite du marché intérieur de l'Europe élargie. L'Europe devra donc sans doute trouver de nouveaux moyens financiers mis à disposition des Etats membres pour contribuer à la remise à niveau des principales infrastructures. Faut-il créer un fonds européen pour les infrastructures ? Faudra-t-il demain mieux utiliser les fonds structurels, comme l'a évoqué Pierre Méhaignerie ? Faut-il avoir recours à un grand emprunt européen ? Voilà des débats pour lesquels la France devra prendre une part prépondérante mais aussi une part significative des fonds qui seront dégagés demain.
    Permettez-moi également, monsieur le ministre, de rappeler que l'audit que vous avez commandé n'a procédé qu'à un chiffrage très partiel du coût prévisible d'une politique multimodale d'infrastructure.
    Les besoins de financement jusqu'en 2020 et au-delà dépasseront, et de loin, les 11 à 15 milliards d'euros évoqués dans l'audit. D'ailleurs, je suis assez d'accord avec l'évaluation que vous semblez avoir faite de besoins estimés à une cinquantaine de milliards d'euros. Puisque vous avez évoqué la part de l'Etat à 1,5 milliard d'euros pendant vingt ans, nous devrions tourner autour de ce chiffre.
    L'audit n'a pu se prononcer sur des projets certes encore trop vagues mais qui paraissent inéluctables compte tenu des attentes des populations locales. Je pense, par exemple, à la prolongation de la ligne TGV entre Marseille et Nice.
    L'audit n'évoque pas - et ne chiffre donc pas - les besoins pour les ports, les aéroports, les transports urbains collectifs. Il n'aborde que brièvement les problèmes de congestion du Grand bassin parisien et ne traite pas de l'amélioration des liaisons transversales en grande banlieue parisienne.
    M. François Brottes. Zéro pointé !
    M. François-Michel Gonnot. J'en viens maintenant à ce qui me paraît être la plus grande lacune de l'estimation des besoins de financement.
    L'audit a procédé à l'estimation du coût de chaque projet mais n'a pu envisager la pertinence des investissements au regard des progrès qu'ils permettraient en termes de coordination des réseaux ou de gains de compétitivité pour les liaisons multimodales. Je prendrai pour seul exemple celui du projet déjà évoqué d'écluse fluviale de Port 2000.
    D'autres facteurs rendent l'évaluation des besoins financiers dans les vingt ans à venir très aléatoire. Ils dépendront bien sûr du taux de croissance du trafic marchandise. Certaines infrastructures bien dimensionnées aujourd'hui risquent très vite d'être saturées. Je pense à celles de l'A1 Paris-Lille, ainsi qu'aux infrastructures qui parcourent le sillon rhodanien.
    Il faut aussi prendre en compte les incertitudes sur la réalisation des contrats de Plan. Je ne reviendrai pas ici sur les retards considérables accumulés ces trois dernières années - et non pas depuis un an, certains l'ont dit, - ni sur l'incertitude qui pèse encore sur le projet de réforme de la décentralisation et son impact sur le financement notamment du réseau routier.
    Dégager une cinquantaine de milliards d'euros au cours des trente à quarante prochaines années demandera de l'audace pour trouver des mécanismes de financement innovants. A cet égard, je rejoins ce que vous avez dit, à savoir qu'il faudrait faire preuve de beaucoup d'imagination en matière d'ingénierie financière.
    Faut-il craindre après d'autres orateurs, et notamment Hervé Mariton, que la presse ne retienne de ce débat que la création d'une redevance nouvelle, qui en fait serait davantage une taxe, voire l'augmentation de la TIPP ? Voilà qui serait une grave erreur. Il faudra, bien sûr, que le Gouvernement poursuive sa réflexion avec le souci de ne pas trop pénaliser le transport routier français et de sanctuariser les recettes que nous pourrions dégager de ce côté-là, connaissant bien les uns et les autres l'appétit souvent insatiable des ministres des finances.
    Il me semble primordial également que les collectivités locales puissent demain bénéficier de solutions innovantes. Encore faut-il que l'Etat, le Parlement, le Gouvernement leur donnent les moyens demain de faire face aux compétences nouvelles qui pourraient leur être confiées.
    Il faudra accepter la tarification différenciée, il faudra sans doute avoir recours au partenarait public-privé, qui ne doit pas être réservé qu'à l'Etat, il faudra accepter les concessions, les péages urbains, les péages virtuels.
    Il faudra aussi, vous l'avez dit, simplifier les procédures de réalisation de nos grandes infrastructures et régler le difficile équilibre entre, d'une part, la concertation avec les riverains et les élus concernés et, d'autre part, la nécessité de faire aboutir, au nom de l'intérêt général, nombre de projets.
    Je terminerai, monsieur le ministre, en évoquant deux projets d'infrastructures.
    Le premier concerne, et vous n'en serez pas surpris, le canal Seine-Nord. Je rappelle qu'aucun canal n'a été construit en France depuis quarante ans. L'investissement de base est très important - 2,6 milliards d'euros -, mais il faut évaluer la rentabilité de cet équipement sur une période beaucoup plus longue que pour les autres modes de transport.
    Le canal Seine-Nord m'apparaît comme un investissement symbolique d'un rééquilibrage modal, car il permettra non seulement le désengorgement du réseau routier très encombré de la région parisienne jusqu'au Nord mais aussi une amélioration considérable de l'hinterland des ports du Havre et de Dunkerque tout en permettant une connexion des ports maritimes avec le réseau fluvial de la Belgique et de l'Europe centrale.
    Renoncer à ce nouveau canal, c'est décider délibérément de condamner la vocation internationale de la voie d'eau française et la cantonner à la plaisance et au cabotage.
    Quant à la liaison Lyon-Turin, beaucoup a déjà été dit, nous avons écouté, monsieur le ministre. Vous avez rappelé que la parole de la France sera respectée. Nous souhaitons qu'elle le soit dans les délais qui ont été prévus par les conventions internationales déjà citées.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. François-Michel Gonnot. La traversée des Alpes pose des problèmes considérables en termes de sécurité des tunnels existants et d'environnement. Ce sont deux autres arguments qui militent en faveur de la liaison Lyon-Turin. L'Italie doit rester au coeur de la partie occidentale de l'Union européenne et cette liaison doit renforcer la part méditerranéenne de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Je pourrai, monsieur Gonnot, ajouter votre nom à la liste des orateurs qui ont respecté leur temps de parole.
    La parole est à M. Pierre Cohen, pour dix minutes.
    M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, le Gouvernement a décidé d'engager un débat sur les infrastructures dans un contexte de crise et de politique de désengagement budgétaire de l'Etat. Nous ne disposons, à ce jour, que de peu d'indications, monsieur le ministre, sur les futures orientations, si ce n'est votre intervention d'aujourd'hui et quelques-unes de vos déclarations sur l'incapacité du Gouvernement à honorer les engagements des précédents gouvernements.
    Pour alimenter le débat sur les infrastructures, nous disposons de deux documents : un audit de la situation particulière des projets d'infrastructures de transport et un rapport de la DATAR pour l'orientation de la politique du transport dans les années à venir.
    Ces deux documents divergent, vous le savez, et ne font pas l'unanimité, y compris dans votre camp. Pour s'en convaincre, il n'est que de se référer aux déclarations du maire de Toulouse, qui a vu dans l'audit un rapport essentiellement technocratique.
    Pour ma part, je considère que ce sujet est trop sérieux pour que l'on se contente de le traiter à travers le seul prisme des projets qui sont soutenus localement. En effet, nous sommes au coeur de la politique des territoires, voire d'un véritable projet de société, car, avec les infrastructures, ce sont des modes de vie, notamment les déplacements ainsi que le rapport aux échanges et à l'information qui sont en jeu. Or, dans ce projet de société, l'Etat a une responsabilité majeure.
    C'est de ce défi que je voudrais débattre avec vous, monsieur le ministre.
    J'ai encore en mémoire le débat qui a eu lieu ici même, sur la loi Voynet au cours duquel votre majorité a dénoncé la mise en place des schémas de services collectifs et leur philosophie au profit d'un plan unique et global, M. Ollier l'a rappelé, motivé par la volonté de renforcer le rôle régulateur de l'Etat en préservant la cohérence.
    Je ne ferai pas de procès d'intention mais force est de constater que nous nous retrouvons aujourd'hui dans un processus tout à fait inversé qui traduit : le désengagement de l'Etat, un projet de décentralisation sans éclairage précis sur les compétences et qui s'apparente souvent davantage à un démantèlement avec en perspective des privatisations, enfin une politique d'infrastructures sans prise en compte du concept de développement durable.
    Cela n'est guère étonnant lorsqu'on connaît le culte du libéralisme que défend le Premier ministre.
    Le désengagement de l'Etat, qui sera l'objet essentiel de mon intervention, se concrétisera par un certain nombre de remises en cause distillées dans le rapport d'audit.
    D'emblée, je dénonce énergiquement l'argument selon lequel il faut annuler des projets au motif qu'ils sont inscrits sans financement. Je crois que vous vous en êtes gargarisé depuis que vous êtes au pouvoir.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous ne nous en sommes pas gargarisés, nous l'avons regretté.
    M. Pierre Cohen. Combien de PLU, de SCOT, de contrats de plan Etat-région, même de CIADT - en particulier le dernier, pour lequel des projets ont été émis - prévoient la mise en oeuvre de projets avec des études, des préfinancements et affichent la détermination de trouver des partenaires pour les réaliser ? D'ailleurs, il suffit de rappeler les propos de M. Bussereau, il y a à peine une heure, pour savoir que c'est la méthode qu'il va appliquer.
    Monsieur le ministre, ici comme dans d'autres secteurs, il ne suffit pas de se défausser sur l'ancien gouvernement pour masquer la réalité de votre politique. Le rapport de la DATAR est à ce titre très clair. Je pense qu'il existe une contradiction entre ce que j'entends aujourd'hui et ce qui était inscrit. Je crois que vous l'avez dit vous-même. Les politiques précédentes, au moins celle du précédent gouvernement, ont effectivement bien rattrapé en matière d'infrastructures les retards par rapport à nos voisins européens.
    La question qui se pose alors aujourd'hui est de savoir si on va mener à son terme un projet global d'aménagement et notamment si l'on doit laisser à d'autres, et particulièrement au marché, le soin de définir les espaces à développer, c'est-à-dire si les seules régions qui ont des ressources sont habilitées à réussir le rendez-vous européen ? Ma réponse est non bien sûr !
    M. Patrick Lemasle. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Comment justifiez-vous votre désengagement dans les contrats de Plan Etat-région, seuls contrats portant sur des équipements et des projets pour chacune des régions ?
    Elu de la région Midi-Pyrénées, la plus grande de France, j'ai accueilli, tout comme son président, Martin Malvy, avec beaucoup d'inquiétude les résultats de l'audit qui préconise notamment un report de la ligne TGV Toulouse-Paris à une échéance supérieure à vingt ans.
    M. Patrick Lemasle. C'est grave !
    M. Pierre Cohen. Seule région de France à n'avoir pas encore d'infrastructures ferroviaires rapides vers la capitale, Midi-Pyrénées avait, tout comme les conseils généraux et les structures intercommunales, posé le principe, dans le cadre du contrat de Plan Etat-région, de rattraper en dix ans, trente ans de retard.
    Les négociations des CPER, qui avaient duré plus d'une année avec le Gouvernement, ont permis de poser les bases d'une structuration de l'espace territorial. La concertation et les échanges permanents entre ces acteurs de l'aménagement du territoire ont montré la forte volonté des uns et des autres à faire des infrastructures une priorité.
    L'effort financier des collectivités territoriales a été considérable ; sur la région Midi-Pyrénées, il a quasiment doublé pour atteindre au total 966 millions d'euros sur la période de programmation 2000-2006.
    Cet exemple, s'il me tient à coeur, n'est malheureusement pas un cas isolé ; quoi qu'il en soit, sous couvert d'arrêter un calendrier de réalisation des grandes infrastructures de transport, nous mettons le doigt dans un engrenage, en l'occurrence une politique d'Etat qui a pour objectif non avoué la restriction des dotations publiques.
    Sur la base du constat de la DATAR, selon lequel « la France apparaît comme un pays bien équipé qui a rattrapé ses retards », comme je viens de le dire, on légitime ainsi la fin des grands chantiers, qu'il s'agisse du TGV Bretagne, du TGV POLT, des TGV Est et Rhin-Rhône ou de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Encore que, pour cette dernière, vous nous ayez garanti que vous honoreriez l'engagement pris par l'Etat sur le plan international.
    M. Michel Destot. En 2020... Dans quels délais !
    M. Pierre Cohen. Qu'en est-il aujourd'hui de tous ces engagements ?
    L'année 2002 aura été celle du gel d'une partie des crédits, de la mise en réserve pour 2003, de négociations avec l'Etat, qui tente depuis de réviser à mi-parcours des projets initialement prévus.
    Les réductions des autorisations de programme en avril 2003 conduisent à n'allouer plus que 62 millions d'euros au CPER, soit moitié moins que ce que prévoyait le budget initial : 140 millions. Un rattrapage du retard 2002 et la poursuite des CPER auraient nécessité près de 400 millions d'autorisations de programme de l'Etat en 2004. Or l'enveloppe pourrait être amenée à couvrir également d'autres projets. Autant dire que les autorisations de programme 2004 aux CPER pourraient être considérablement réduites.
    La phase de révision ainsi enclenchée, qui devrait s'achever à l'automne prochain, laisse augurer d'arbitrages difficiles compte tenu du gel budgétaire de 4 milliards d'euros qui affecte l'ensemble des ministères.
    Cette révision est aussi l'occasion pour l'Etat d'imposer des dossiers non retenus lors de la préparation des CPER. La poursuite des phases d'études aujourd'hui en cours ainsi que l'amorce de réalisation de projets plus sensibles nécessiteraient environ 115 millions d'euros d'autorisations de programme de l'Etat, pour 62 millions disponibles. Que résultera-t-il de tout cela ? Glissement, étalement et saupoudrage des opérations, voire annulation de certaines d'entre elles.
    M. Patrick Lemasle. Et renoncement !
    M. Pierre Cohen. Cela me rappelle une certaine période, celle de M. Juppé, en 1996, où l'on s'est permis de rallonger les contrats de Plan avec des financements de l'Etat inchangés !
    Il semblerait que seuls 30 % environ des opérations inscrites aux CPER seraient effectivement engagées fin 2006. Si cette tendance se confirmait, nous serions, vous en conviendrez, amenés à nous interroger sur les réelles motivations et les fondements de votre politique en matière d'aménagement.
    A ce contexte vient s'ajouter la hausse des prix qu'il faudra provisionner à hauteur de quelque 20 %, mais vous avez déjà annoncé que l'Etat ne participera pas à cette augmentation - tout en récupérant évidemment la TVA !
    M. Patrick Lemasle. C'est vrai !
    M. Pierre Cohen. Nous sommes donc réellement confrontés à une situation où l'Etat ne peut faire face à ses engagements. La question du financement des infrastructures dans sa globalité est donc posée et, in fine, celle du désengagement financier de l'Etat devient bien réelle.
    A peine êtes-vous arrivés au pouvoir, il en est fini avec la volonté d'une vision globalisante du territoire, du principe d'accessibilité pour tous les citoyens, car votre inflexion politique ne va pas dans le sens d'un meilleur maillage de l'espace et de son irrigation.
    Au-delà de ce constat, nous pouvons aussi relever des désengagements plus subtils, en laissant par exemple des types d'infrastructures se concurrencer sans souci de cohérence et sans soulever la question des modes de financement. Pour ce qui est de notre territoire et pour une partie de l'Europe, les politiques sectorielles et les privatisations de certains autoroutes et aéroports, voire d'Air France, confirment le désengagement budgétaire de l'Etat et instaurent un cadre de négociation déséquilibré. C'est le cas notamment avec le train à grande vitesse, désormais mis en concurrence avec le transport aérien - bien que vous n'ayez pas dit un mot sur ce dernier.
    L'exemple de Toulouse est à cet égard parfaitement significatif. On lance une étude de faisabilité pour un nouvel aéroport à l'utilité contestable, alors que tous s'accordent à dire que la réalisation d'un TGV est une priorité. Tout porte à croire que celle-ci se verra renvoyée à vingt ans...
    M. Patrick Lemasle. Oui, c'est très grave !
    M. Pierre Cohen. Que dire encore du schéma de ferroutage et du développement du transport de marchandises sur la voie d'eau face aux pressions du lobby du transport routier, alors que ces modes de transport ne sont pas soumis aux mêmes impératifs et conditions d'acheminement ?
    C'est regrettable et dommageable pour notre pays, car c'est toute une politique de développement durable et de sécurité qui se voit ainsi balayée. Or, vous le savez, une véritable politique d'infrastructures nécessite de la détermination, du volontarisme et des moyens peu compatibles avec la baisse des impôts et charges à laquelle vous vous êtes engagés. Qui plus est, les deux sources de financement que vous proposez, monsieur le ministre - sur lesquelles je suis personnellement d'accord - sont d'ores et déjà sérieusement compromises dans la mesure où votre majorité a déjà remis en cause la deuxième et se pose des questions sur la première.
    L'aménagement du territoire, au même titre que l'implantation des services publics, constitue un outil indispensable pour assurer l'égalité des citoyens en termes d'accès à l'information comme en termes de déplacements. Il s'agit bien d'en faire des citoyens de la République à part entière.
    Depuis le gouvernement précédent et le vote de la loi Voynet, la question de l'aménagement du territoire ne se circonscrit plus seulement aux infrastructures. Désormais, l'aménagement suppose de s'inscrire, comme nous le faisons pour les PLU, ou les PDU, dans une politique qui prenne en considération le développement durable. Malheureusement, l'absence de référence à une vision globale d'aménagement du territoire et de développement durable, les atermoiements par rapport aux alternatives possibles au transport routier, qui empêchent d'atteindre les objectifs du protocole de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre, et le manque de visibilité pour ce qui touche au rééquilibrage modal traduisent votre refus de prendre en compte des questions d'ordre écologique qui imposent de privilégier ou tout au moins de soutenir des modes de transport moins polluants.
    Monsieur le ministre, vous faites depuis quelques mois l'unanimité contre votre politique.
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Mais non !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si !
    M. Maurice Leroy. Allons ! Nous ne sommes pas à Dijon !
    M. Pierre Cohen. Il suffit d'entendre vos collègues pour comprendre que vous faites - sans mauvais jeu de mot - fausse route et que votre désengagement financier est incompatible avec l'aspiration des citoyens et des élus.
    Il y a pourtant nécessité tout à la fois de compléter un maillage de notre territoire avec le TGV, d'assurer une véritable cohérence sans céder à la concurrence entre les modes de déplacement et d'intégrer dans les choix le souci d'un développement en adéquation avec les besoins...
    Mme la présidente. Monsieur Cohen, vous avez atteint votre temps de parole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy. Dépassé votre temps de parole !
    M. Michel Bouvard. Cela fait bien une demi-heure qu'il parle !
    M. Pierre Cohen. ... tout en préservant la qualité de vie des usagers comme des riverains.
    Comme dans la recherche, comme dans l'éducation, tout ce qui prépare l'avenir, vous avez décidé de le sacrifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il a dérapé à la fin ! (Sourires.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'était juste !
    Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous informe que M. le ministre répondra à la première série d'intervenants avant la levée de séance.
    La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour cinq minutes.
    Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le ministre, je veux d'abord vous remercier de ce débat...
    Mme Odile Saugues. C'est un dû !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... qui permet à des élus nationaux de redevenir quelques instants élus locaux et de faire part de leur expérience sur ces grands dossiers d'infrastructures.
    Le Gouvernement est bien placé pour connaître les conséquences de l'inaction publique : tôt ou tard, il faut payer ce que d'autres n'ont pas fait à temps...
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Parfaitement !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... et cela coûte encore plus cher.
    Passons aux actes, ont dit certains de mes collègues. Je partage leur avis. En effet, qui peut nier que des infrastructures de transports inadaptées face à l'explosion des trafics internationaux routiers, c'est pour tous du temps perdu et des risques d'accidents supplémentaires, alors que vous-même, monsieur le ministre, avez fait de la lutte contre l'insécurité routière un des premiers objectifs de votre action ?
    Qui peut nier que ce sont aussi des dégradations pour l'environnement, sans parler du risque de nous voir mis à l'écart des grands flux économiques européens ? Nombre de présidents de commissions sont intervenus sur ce thème, je n'y reviendrai pas. Disons simplement que, pour toutes ces raisons, il nous faut dessiner un schéma de transports à la mesure de la place que la France tient en Europe, ce qui suppose une triple rupture.
    Une rupture d'abord dans notre conception de la politique des transports. Vous avez raison, monsieur le ministre, de rappeler que nous ne devons plus opposer route et fer, mais bien rééquilibrer nos transports, et que ce rééquilibrage modal doit jouer au bénéfice du fer et du fret.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. La réalisation de cet objectif passe nécessairement par de nouvelles infrastructures du fait de l'insuffisance des capacités actuelles et de l'état de notre réseau, qui souvent ne respecte pas les normes de sécurité ni ne garantit la qualité d'un service compétitif et attractif pour nos entreprises. Des infrastructures nouvelles, ai-je bien dit : car vouloir faire du neuf avec du vieux, cela ne marche pas.
    M. Daniel Paul. Ah bon ?
    Mme Anne-Marie Comparini. Les enjeux dans ce domaine sont trop importants pour que l'on puisse se contenter de rénover des lignes du xixe siècle. Vous ne vous étonnerez donc pas, monsieur le ministre, que je parle ici du Lyon-Turin ; pour nous, habitants de Rhône-Alpes, ce n'est pas un projet régional, ni un projet national, ni un projet franco-italien, c'est bel et bien un chantier européen qui, de ce fait, est la parfaite illustration des ruptures auxquelles l'Etat doit s'engager dans sa politique des transports.
    Une rupture ensuite en matière de financement des grandes infrastructures. M. Méhaignerie a déjà tracé quelques pistes à ce propos. Certaines liaisons, notamment celles, d'intérêt stratégique, qui s'inscrivent dans le cadre de l'aménagement non du territoire français, mais de l'espace européen, appellent des innovations en termes de montage de projets et imposent de mettre au point de véritables bouquets de financements.
    La Commission européenne ne s'y est du reste pas trompée : déjà prête à s'engager avec les Etats et à accroître sa participation financière, elle ne craint pas, dans ce contexte de contrainte budgétaire qui touche tous les Etats européens, de proposer, d'attirer les capitaux privés. Attirer, disais-je, et je veux insister sur ce mot : car si nous voulons faire venir le capital privé, il nous faut véritablement l'attirer en recourant à des techniques originales de nature à améliorer la rentabilité de l'investissement.
    M. Daniel Paul. Voilà le credo !
    Mme Anne-Marie Comparini. Faisons, nous aussi, preuve d'imagination, levons les obstacles et développons le partenariat public-privé, notamment par la défiscalisation des capitaux privés investis.
    M. Daniel Paul. Et voilà !
    Mme Anne-Marie Comparini. Envisageons une application effective du principe « pollueur-payeur » en créant, comme en Allemagne, un fonds spécial alimenté par la perception des droits auprès des transports les plus polluants...
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. Je sais que c'est là une piste que vous suivez de près. Sachons aussi préserver les « bijoux de famille » et utiliser les bénéfices des sociétés d'autoroutes publiques pour financer les chantiers de dimension européenne.
    Troisième rupture enfin avec nos habitudes de travail et de pensée. Vous en avez très bien parlé. Il faut en finir avec la lourdeur de nos procédures de décision, en finir également avec ce trop-plein de considérations techniques, juridiques, financières qui ne sont que le paravent de notre inaction. Pour ne prendre que l'exemple du Lyon-Turin, nous avons déjà dépensé 120 millions d'euros en études et 240 millions en travaux dans les galeries et descenderies ! C'est à mon avis déjà largement suffisant. Arrêtons de dire que nous ferons le Lyon-Turin. Faisons-le,...
    M. François Sauvadet et M. Maurice Leroy. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... comme nous ferons les TGV Rhin-Rhône et Est européen...
    M. François Sauvadet. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... ainsi que la liaison Perpignan-Figueras, tous ces maillons qui nous manquent aujourd'hui pour créer à l'horizon 2015 un véritable réseau de transports intégré à l'échelle européenne.
    En disant cela, je pense au double rendez-vous qui attend la France : celui du respect des engagements de Kyoto, et celui, mon collègue en parlait à l'instant, de la nouvelle Europe élargie. Il est de notre devoir d'éviter que la grande Europe réunifiée ne bascule par trop à l'Est, et faire, grâce aux infrastructures, contrepoids à la « banane de la croissance » qui se situe plutôt dans l'Europe centrale.
    Tels sont voilà, monsieur le ministre, les quelques éclairages que je souhaitais apporter sur les grands réseaux européens qui permettront à l'Europe latine comme à l'Europe de l'Est de bien participer à la grande Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. Vous vous appuyez, monsieur le ministre, sur les conclusions de plusieurs rapports, en particulier sur l'audit effectué par le conseil général des Ponts et chaussées et l'inspection générale des finances. Mais vous avez omis de dire que la lettre de mission adressée aux experts précisait que leur étude devait se situer dans un contexte de rareté des financements publics... Dès lors, leurs conclusions en faveur du tout routier et de l'arrêt de fait de l'intermodalité découlent des limites que votre gouvernement a lui-même fixées.
    La prise en compte de l'impératif du désengagement de l'Etat pour déterminer ce qui est nécessaire et souhaitable dans un domaine aussi vital revient, c'est une évidence, à hypothéquer l'avenir. La France deviendra-t-elle demain un carrefour européen, véritable plate-forme logistique structurée par ses ports et un système intermodal discriminant et non un simple pays de transit avec des retombées économiques limitées et des nuisances croissantes, pour reprendre les expressions de l'étude de la DATAR ? C'est la politique de transport arrêtée aujourd'hui qui le déterminera. Or, dans le domaine du fluvial, tous les indicateurs mettent précisément en évidence votre abandon d'une politique de report modal efficace. Il n'est qu'à voir votre virage budgétaire,...
    M. François-Michel Gonnot. C'est Gayssot !
    M. Jacques Brunhes. ... avec l'annulation des crédits en loi de finances rectificatives 2002,...
    M. François-Michel Gonnot. C'est Gayssot !
    M. Jacques Brunhes. ... puis la réduction décidée en loi de finances initiale 2003 par le biais d'un prélèvement sur le fonds de roulement de Voies navigables de France, et, pour finir le gel des crédits 2003 qui aurait marqué un coup d'arrêt à l'effort entrepris entre 1997 et 2002 - à cette époque, la dotation annuelle avait été doublée chaque année, n'en déplaise à M. le secrétaire d'Etat Bussereau.
    M. François-Michel Gonnot. C'est faux !
    M. Jacques Brunhes. A tel point que le simple objectif de rattrapage pour remettre en état le réseau existant semble aujourd'hui compromis par votre politique ! Ce à quoi je rajoute, monsieur le ministre, sans esprit de polémique,...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Oh !
    M. Jacques Brunhes. ... que le peu de consistance, pour ne pas dire la minceur, de vos propos sur le fluvial confirme nos inquiétudes.
    Il n'est qu'à prendre le cas de la liaison Seine-Nord-Europe qu'il faut, à vous entendre, « planifier en tête des infrastructures fluviales ». Je pourrais me féliciter de ce propos, monsieur le ministre, si j'avais l'assurance que le calendrier de réalisation prévu par le précédent gouvernement sera respecté et les financements appropriés dégagés dès maintenant ! Dois-je vous rappeler ce que proposent les schémas de services d'ici à 2020, et que la modernisation des accès nord et sud de cette liaison fluviale figure déjà dans les contrats de plan Etat-régions ? Permettez-moi également d'affirmer que l'hypothèse de financement prévue par le précédent gouvernement est parfaitement réaliste.
    L'Etat devait apporter 1 milliard d'euros. L'Union européenne avait confirmé sa participation à hauteur de 20 %, soit 500 millions d'euros. Les trois régions concernées par le projet - Nord - Pas-de-Calais, Picardie, Ile-de-France - pourraient participer à hauteur de 500 millions d'euros. Sans oublier les recettes escomptées du péage, qui permettaient une valorisation à hauteur de 300 millions d'euros. Ce scénario reste crédible. Je renouvelle donc, monsieur le ministre, la demande que je vous avais faite à maintes reprises, et encore tout dernièrement dans une question orale le 1er avril 2003,...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'était un poisson... dans le canal !
    M. Yves Nicolin. C'était une blague !
    M. Jacques Brunhes. Un poisson peut-être, mais pas une blague !
    Je vous avais alors demandé, vous vous en souvenez, que Voies navigables de France soit autorisé sans délai à réaliser les études d'avant-projet sommaire, afin de les soumettre à enquête préalable à la déclaration d'utilité publique. Il est temps, vous disais-je, de sortir du fameux réflexe qui, hélas ! conduit souvent à penser que plus les investissements sont lourds, plus il est toujours trop tôt pour commencer, alors que ce devrait être une raison pour aller vite... C'est le seul engagement que vous devriez prendre. Y êtes-vous prêt, monsieur le ministre ? Manifestement non !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Laissez-moi répondre !
    M. Jacques Brunhes. Le projet risque fort d'être reporté au-delà de 2020, comme le préconise l'audit.
    Et je dois dire à M. Gonnot que je l'ai trouvé bien optimiste, ou bien imprudent. Vu les enjeux de cette liaison, tout le monde convient de son caractère prioritaire : en permettant une meilleure connexion de l'Ile-de-France avec les voies navigables du Nord, et plus généralement le réseau européen, en assurant un accroissement très sensible du fret fluvial, elle concourrait au dynamisme économique de cette zone tout en alliant respect de l'environnement et conditions de sécurité, ce que tous les professionnels reconnaissent.
    M. François-Michel Gonnot. C'est ce que j'ai dit !
    M. Jacques Brunhes. Hélas ! Vous repoussez au-delà de l'an 2020, c'est-à-dire aux calendes grecques, un projet essentiel.
    L'urgence est également de mise pour le projet d'écluse fluviale de Port 2000 pour lequel l'audit réserve son jugement. Les études techniques de l'écluse entre le nouveau bassin et la Seine, qui réduirait le trafic routier de conteneurs et de colis lourds entre les ports d'Anvers et de Rotterdam et l'ensemble de l'Ile-de-France, augmenterait l'hinterland du port du Havre et favoriserait le soutage des bateaux touchant ce dernier, sont terminées. Vous avez reconnu l'urgence de cette écluse, monsieur le ministre, verbalement, mais rien sur les financements, rien sur le calendrier,...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Laissez-moi répondre !
    M. Jacques Brunhes. ... ce qui rend votre projet hypothétique.
    Mme la présidente. Monsieur Brunhes, s'il vous plaît, vous avez épuisé votre temps de parole.
    M. Jacques Brunhes. J'ai terminé, madame la présidente.
    Enfin, monsieur le ministre, vous n'avez évoqué aucun autre projet concernant le fluvial. Cela veut dire à l'évidence l'abandon des études sur les liaisons Seine-Est et Rhône-Saône-Moselle. Dans la perspective de l'élargissement de l'Europe, la France sera demain à l'écart de l'Europe des fleuves et des canaux.
    La culture fluviale et les « autoroutes de fleuves » exigent une politique d'autant plus volontariste que nos voisins n'hésitent pas à accomplir des efforts considérables. Votre politique tend à faire de notre pays une simple zone de transit du transport routier, avec des retombées économiques limitées et des nuisances croissantes. Nous en appelons à la tradition fluviale de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour dix minutes.
    M. Michel Bouvard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Dans le domaine des transports terrestres, on constate de nombreux engagements irréguliers qui vont au-delà de l'autorisation parlementaire et qui concernent des dépenses non couvertes par des crédits budgétaires. Ils se classent en deux catégories : les engagements fermes de l'Etat sans crédits et les engagements potentiels au-delà des autorisations de programme par dénaturation de la notion d'autorisation de programme. »
    Ainsi débute le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances de 2001 qui constate plus loin, s'agissant du XIIe Plan, que de nombreux préfets avaient signé pour les contrats de plans, des conventions pluriannuelles précisant les modalités de financement de l'Etat sans la moindre autorisation budgétaire.
    C'est à la fois ce constat d'une politique volontariste du ministre des transports, à qui le gouvernement Jospin n'a pas accordé les moyens de sa mise en oeuvre, et celui du décalage existant entre les moyens budgétaires de l'Etat et le nombre de grands projets d'infrastructures existants qui vous ont conduit, monsieur le ministre, à souhaiter ce débat préparé par quatre rapports.
    Ce débat s'inscrit également dans une nouvelle donne du financement des infrastructures caractérisée par la fin de l'adossement pour la réalisation des ouvrages autoroutiers et par la mise en oeuvre de l'article 4 du décret portant statut de RFF. Ce nouveau cadre a pour conséquence automatique la nécessité de mobiliser des financements publics pour la réalisation des ouvrages à venir qui, pour la quasi-totalité, ne peuvent s'équilibrer sans contribution de l'Etat.
    Ce débat s'inscrit enfin dans un cadre européen, celui du renouvellement de la liste de grands projets d'infrastructures européennes, arrêtée il y a dix ans au sommet d'Essen, qui fera l'objet prochainement de propositions du groupe Van Miert, et celui de la modification de la directive Eurovignette sur la taxation des poids lourds, liée au financement du réseau transeuropéen. Une communication de la Commission européenne devant le Parlement européen était intervenue à ce sujet le 23 avril dernier, dans la perspective d'une directive avant l'été. C'est dans ce cadre qu'il appartient à chacun de nos groupes de se prononcer à la fois sur les besoins d'infrastructures nouvelles et sur les moyens de les financer.
    Conscients des enjeux de ce débat pour notre société et pour la France, le groupe UMP assumera ses responsabilités, comme nous avons su le faire dans le passé : en 1993, en réorganisant les SEMCA, à l'initiative d'Edouard Balladur, et en permettant la mise en oeuvre d'un ambitieux programme autoroutier ; en 1995, en instaurant le FITTVN ; en 1996, en réformant la SNCF avec la création de RFF pour les infrastructures et en lançant la régionalisation des services de voyageurs, mettant ainsi un terme à la fuite en avant dans l'endettement croissant de la SNCF, caractérisé notamment par les choix gouvernementaux de l'époque pour le financement du TGV Nord, et relançant la fréquentation des trains régionaux par une gestion de proximité confiée aux régions et plébiscitée par la clientèle.
    Les infrastructures tout d'abord.
    Chacun des rapports dont nous disposons, aussi bien le rapport d'audit que les autres, insiste sur la poursuite de la croissance des trafics, validant en cela les prévisions établies par les schémas de services collectifs issus de la loi d'aménagement du territoire. Seul le rapport d'audit de l'inspection générale des finances et du conseil général des ponts manifeste des réserves sur les hypothèses retenues en matière de croissance de fret ferroviaire dans ces schémas qui leur semblent surestimés. Ce rapport rappelle enfin que la croissance des trafics en volume s'établirait entre 2,1 % et 2,6 % annuellement pour les voyageurs, entre 1,6 % et 1,9 % pour les marchandises, en fonction des hypothèses de croissance retenues.
    D'une analyse plutôt franco-française réalisée par l'audit, la DATAR élargit le cadre pour souligner que l'activité des transports de marchandises dépend non seulement de la croissance, mais aussi de l'internationalisation de l'économie et du système productif, soulignant que l'élargissement de l'Europe ne peut qu'amplifier le phénomène. Il s'agit là d'un élément important compte tenu de notre position géographique et de la part du trafic de transit sur notre territoire.
    Partageant le sentiment que des infrastructures nouvelles sont nécessaires pour accompagner la croissance, j'irai pour ma part plus loin que l'audit, considérant qu'elles sont aussi en elles-mêmes un facteur de croissance. De ce point de vue, c'est aussi bien l'attractivité d'un territoire au niveau national, et donc sa capacité de développement, qui est concernée que celle du territoire français, au niveau européen.
    Il est évident que les infrastructures ne doivent pas seulement accompagner le développement, que la décision de leur réalisation ne doit pas être prise seulement quand le constat de la saturation est effectué mais qu'elles doivent anticiper le développement.
    Elles jouent également, en étant l'élément principal de l'investissement public, un rôle contra-cyclique en période de ralentissement économique en soutenant l'activité du BTP et des équipementiers avec une réactivité immédiate sur l'emploi.
    Quelles infrastructures faut-il privilégier ?
    Pour le groupe UMP, ce sont tout d'abord les infrastructures existantes. Il souscrit en cela à l'importance d'entretenir un réseau trop longtemps négligé.
    M. François-Michel Gonnot. Bien sûr !
    M. Michel Bouvard. Cela vaut pour le réseau routier national non concédé, routes nationales et autoroutes, comme pour le réseau ferré et les voies navigables.
    M. Yves Nicolin. Eh oui !
    M. Michel Bouvard. Pour les voies navigables relevant de VNF, l'audit chiffre à 450 millions d'euros les besoins de financement de l'Etat pour la restauration du réseau sur la durée du xiie Plan, l'engagement devant s'accroître au-delà de 2007. La Cour des comptes a estimé à 230 millions les besoins pour le maintien du réseau routier. Enfin, pour le ferroviaire, selon les projections transmises par RFF au CIES, l'enveloppe devrait s'accroître de 50 %.
    Au-delà du simple entretien, les améliorations à apporter au réseau actuel peuvent améliorer son efficacité, mais notre groupe est attentif au fait que ce nécessaire argument d'entretien du patrimoine des infrastructures, trop longtemps délaissé, ne saurait être un argument pour différer durablement les infrastructures nouvelles.
    A ce stade, quelles priorités devons-nous retenir ?
    Les infrastructures de dimension européenne tout d'abord, dès lors qu'elles contribuent à renforcer l'attractivité de notre pays, qu'elles peuvent bénéficier de financements communautaires et qu'elles permettent de structurer le territoire européen.
    Ensuite, les infrastructures permettant de traiter des axes régulièrement saturés, source de pollution accrue et de perte de temps pour nos concitoyens. Je n'oublie pas les infrastructures de transport urbain et les évaluations du GART.
    Enfin, les infrastructures d'aménagement du territoire permettant, dans la logique de la loi d'aménagement du territoire de 1995, de considérer qu'aucune partie du pays ne doit être trop éloignée d'infrastructures premières - autoroutes, aéroports, gares TGV.
    Si l'on s'en tient au rapport d'audit, se posent, dès lors que les priorités sont définies, le problème de financement.
    Cette étude repousse au-delà de 2020 certains projets comme, à tort, la liaison Seine-Nord évaluée à 2,6 milliards d'euros ou la ligne à grande vitesse Lyon-Sillon Alpin, 1,8 milliard d'euros, en dépit de l'engagement de cofinancement des collectivités territoriales du Rhône-Alpes sur cette partie et le protocole d'intention signé par le Gouvernement le 19 mars 2002 à Lyon - Saint-Exupéry, et il convient de réintégrer entre 16 et 20 millions d'euros supplémentaires d'ici à 2020 qu'il faut financer en fonction du surplus que l'on souhaite consacrer à la maintenance du réseau.
    C'est plus du doublement du niveau des capacités d'investissement de l'Etat pour les infrastructures nouvelles.
    A cela, il faut ajouter le problème du stock de la dette du système ferroviaire, dont le CSSPF a eu l'occasion de rappeler qu'il n'avait pas diminué au cours de la dernière législature. Si l'on consolide la dette de RFF, celle de la SNCF et le service auxiliaire, le total, contrairement aux discours, aura évolué de 35,448 milliards d'euros en 1997 à 39,922 milliards d'euros à la fin de 2001.
    Quels moyens pouvons-nous dégager ?
    L'appel à la ressource européenne.
    La Commission européenne a constaté que la mise en oeuvre de ces projets de RTE se heurtait, elle aussi, à un problème de financement, le coût en étant estimé, comme cela a été rappelé tout à l'heure, à 350 milliards d'euros d'ici à 2010.
    Seuls à ce jour, trois des quatorze projets arrêtés au sommet d'Essen ont été engagés. La Commission constate que les principaux reports se concentrent sur les projets transfrontaliers, notamment ceux qui concernent les Alpes et les Pyrénées. Le retard sur le réseau transeuropéen s'ajoute au retard pris par chaque Etat individuellement, aboutissant à faire passer la dépense consacrée aux infrastructures de 1,50 % du PIB dans les années 80 à 1 % aujourd'hui.
    La Commission souligne, le 23 avril qu' « il paraît évident que le budget qu'allouent les Etats membres pour les investissements dans le réseau transeuropéen ainsi que les fonds mis à disposition par l'Union s'avèrent insuffisants. »
    Face à ce manque dont les conséquences économiques peuvent se révéler fâcheuses, la Commission propose le recours aux PPP, en les rendant plus attrayants pour les investisseurs. Un livre vert devrait nous être présenté dans ce sens. Le livre blanc sur les transports a par ailleurs proposé de porter à 20 % la contribution de l'Union sur les ouvrages transfrontaliers et évoqué une réorientation des prêts de la BEI vers les projets ferroviaires notamment, ainsi que des garanties d'emprunts communautaires.
    L'UMP considère, s'agissant d'investissements à long terme, non inflationnistes, qu'il faut soutenir ces propositions et qu'il ne serait pas anormal, mais uniquement sur les projets RTE, que les crédits qui leurs sont consacrés soient sortis du pacte de stabilité.
    S'agissant des financements nationaux, plusieurs possibilités ont été évoquées, tout d'abord, comme au niveau communautaire, les PPP. En fonction des projets, on peut estimer qu'un tiers à 50 % des financements de chaque projet pourraient être financés de cette manière. Notre groupe est favorable à leur mise en oeuvre.
    Il souligne cependant qu'il faut dégager des ressources nouvelles pour permettre l'engagement des projets dans des délais raisonnables et maintenir l'attractivité de notre pays.
    Parmi ces ressources, a été évoquée la mise en place d'une redevance d'usage à laquelle serait assujetti le transport routier de marchandises sur le réseau autoroutier et à caractéristique autoroutière non concédé.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !
    M. Michel Bouvard. Cette piste, inspirée de l'exemple allemand, mérite d'être étudiée et peut se révéler être une contribution utile sous certaines conditions.
    Tout d'abord, la prise en compte de la concurrence accrue subie par les entreprises de transport routier en France, qui ont vu s'accroître le coût des charges de travail comme celui de la réglementation du transport...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !
    M. Michel Bouvard. ... la progression de l'activité dans ce secteur depuis vingt ans s'étant accompagnée d'une baisse de la rentabilité.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !
    M. Michel Bouvard. Ce secteur représente 42 800 entreprises dont 84 % de PME de moins de dix salariés.
    Ensuite, la prise en compte des logiques d'aménagement du territoire afin de ne pas renchérir l'accès ou les déplacements dans des territoires périphériques. Je pense notamment à la Bretagne qu'évoquait tout à l'heure Pierre Méhaignerie.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Merci !
    M. Michel Bouvard. Enfin, les contraintes rappelées récemment par la Commission européenne qui considère qu'une redevance d'usage n'est pas applicable à des ouvrages amortis, sauf pour des investissements à réaliser en lien avec ceux-ci.
    S'agissant de redevances spécifiques dans la logique d'un transfert modal, il faut prendre en considération la spécificité des investissements à réaliser dans les Alpes, qui peuvent justifier l'instauration d'une telle redevance qui devrait, en accord avec la Commission européenne et compte tenu de la spécificité du trafic alpin, porter sur le trafic de transit longue distance afin de ne pas instaurer un effet de frontière.
    Mme la présidente. Monsieur Bouvard !
    M. Michel Bouvard. Je m'achemine, madame la présidente !
    Parmi les ressources, sont également évoquées la réalisation d'actifs de l'Etat dans le secteur autoroutier, dans la continuité de ce qui a été engagé par le gouvernement Jospin, avec la semi-privatisation d'ASF.
    M. Maxime Gremetz. Ah!
    M. Michel Bouvard. On se souvient que Jean-Claude Gayssot s'était engagé lui-même sur l'affectation d'un tiers du produit des titres d'ASF aux projets Lyon-Turin et Perpignan-Figuera : le premier projet n'a rien reçu, le suivant n'a obtenu qu'une somme partielle de 287 millons d'euros.
    Il convient cependant de s'interroger sur une privatisation totale, certaines SEMCA ne pouvant être valorisées dans de bonnes conditions au regard de leur situation financière présente, d'autres intégrant dans leur ensemble - c'est le cas de SAPRR - des sociétés dont il apparaît judicieux que l'Etat conserve la maîtrise pour la mise en oeuvre d'une politique plurimodale. Il convient d'être prudent.
    Dans ces conditions, compte tenu de la profitabilité du réseau autoroutier, estimée à 5 milliards d'euros de dividendes sur la période par l'audit, il paraît judicieux de ne pas se dessaisir de l'ensemble des actifs.
    Mme la présidente. Monsieur Bouvard, le chemin est largement parcouru, maintenant.
    M. Michel Destot. La route est longue !
    M. Michel Bouvard. L'idée de gestion des dividendes au sein d'un fonds national de financement et de péréquation, évoquée par différents élus, paraît une piste intéressante.
    Vous me permettrez, pour terminer mon propos, de dire un mot du projet Lyon-Turin.
    Ce projet, contrairement à ce que dit l'audit, n'est pas seulement un projet en attente. Il est déjà engagé. Tout à l'heure, Anne-Marie Comparini a rappelé que 500 mètres de galeries étaient déjà réalisées et que 310 millions de crédit ont été engagés. En scindant l'aspect voyageurs et l'aspect marchandises du projet, pourtant parties intégrantes d'un même ensemble, les auditeurs se sont efforcés sans doute de répondre au problème du financement. Ils n'ont pas pris en compte la cohérence du projet.
    M. Michel Destot. Je vais en parler !
    Mme la présidente. Monsieur Bouvard, il faut être correct !
    M. Michel Bouvard. Je termine, madame la présidente, mais je demande à bénéficier de la même indulgence que certains de mes prédécesseurs.
    Mme la présidente. Monsieur Bouvard, c'est une question de respect envers vos collègues.
    M. Michel Bouvard. Ce projet se situe dans un cadre européen. Il est le seul grand projet d'infrastructure européenne au sud de l'Europe. En cela, je pense qu'il mérite d'être retenu.
    Je dirai, pour terminer ce propos, en regrettant de devoir l'écourter dans ces conditions, madame la présidente, qu'il n'est pas raisonnable que 80 % des échanges entre la France et l'Italie, chacun étant le deuxième partenaire économique de l'autre, reposent sur trois tunnels, puisque l'autoroute et la voie ferrée sur la Côte d'Azur sont saturées,...
    Mme la présidente. Monsieur Bouvard, s'il vous plaît ! Vous avez déjà parlé quinze minutes !
    M. Maxime Gremetz. Il fallait dire à votre groupe qu'il vous fallait plus de temps !
    M. Michel Bouvard. ... un tunnel décidé par Cavour en 1853, le tunnel du Mont-Blanc qui n'a jamais été conçu pour y faire passer des camions et le tunnel de Fréjus qui est dans une région géologiquement instable et dont l'accès peut être coupé du jour au lendemain, comme l'indiquent tous les rapports.
    Si nous ne voulons pas reproduire le problème qu'a posé la fermeture du Mont-Blanc, il est raisonnable d'inscrire ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Monsieur Bouvard, certains de vos collègues souhaitent pouvoir parler avant vingt heures. M. le ministre souhaite prendre la parole. Cela méritait un minimum de respect de votre temps de parole.
    La parole est à M. Michel Destot.
    M. Michel Destot. Monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes tous convaincus, me semble-t-il, de la nécessité d'inscrire nos politiques dans une perspective de développement durable. Jacques Chirac lui-même, pendant la campagne présidentielle, puis au sommet de Johannesburg, a multiplié les déclarations médiatiques sur ce thème, sans que l'on en voie d'ailleurs aujourd'hui les traductions concrètes, en tout cas pas dans cet audit sur les grandes infrastructures de transport du conseil général des Ponts.
    En privilégiant une approche financière au détriment d'une réflexion de fond sur les enjeux du transport en matière d'aménagement et d'équilibre du territoire, il s'inscrit en faux par rapport aux ambitions souhaitables en matière de développement durable.
    En privilégiant une approche technocratique, en tirant des conclusions à partir des seuls critères socio-économiques classiques, en ne prenant pas en compte les effets de long terme, comme l'a d'ailleurs révélé M. Claude Martinand, pourtant aujourd'hui vice-président du conseil général des Ponts, ce rapport fait l'impasse sur les préconisations européennes en matière de transport. Ses conclusions s'opposent aux orientations du Livre blanc sur les transports de la Commission européenne, notamment sur le découplage de la croissance économique et des transports, ainsi que sur la priorité à donner au rail et à la voie fluviale.
    C'est vrai pour les grandes infrastructures nationales comme pour les transports urbains. Pour être performante face à la route, la chaîne du rail - longue distance, inter-cités, périurbain, urbain - doit être continue, sans rupture de charge. Pour être efficace, elle doit réunir le concours de l'Etat, des collectivités territoriale, de l'Europe et de tous les acteurs concernés. C'est dire que ce débat sur la définition des politiques d'infrastructures ne concerne pas seulement le niveau national. Elle intéresse aussi les collectivités locales, autorités organisatrices concernées aussi bien par le transport de marchandises que par les déplacements de personnes.
    Sur ce dernier point, j'étais intervenu, vous vous en souvenez, monsieur le ministre, au nom du GART, pour vous mettre en garde contre l'insuffisance des autorisations de programme accordées pour les aides aux investissements pour les transports en commun en site propre. Le décalage entre la volonté des autorités organisatrices et les moyens qui leur ont été alloués pénalise le processus d'adaptation des réseaux aux attentes de nos concitoyens, qui, au final, seront les perdants. Pour compenser ce désengagement, nous demandons au Gouvernement une attribution exceptionnelle pour 2004. C'est pourquoi nous nous opposons aussi à toute révision à la baisse des taux de subvention des projets de TCSP.
    La situation est plus critique encore à la suite du vote du budget consacré aux plans de déplacements urbains. Vous avez fait comme si l'essentiel des dépenses liées aux PDU était derrière nous. Or les autorités organisatrices ont inscrit dans leurs PDU des projets sur plusieurs années, qu'il nous faut maintenant financer. Toute la politique d'amélioration des transports collectifs urbains, autres que les métros et tramways, a été remise en cause, ainsi que toute la politique d'intermodalité, d'amélioration des dessertes ferrées urbaines et périurbaines, d'aides aux transports routiers départementaux et régionaux.
    Et, vous le savez bien, ce sont les agglomérations qui n'ont pas la taille et les moyens nécessaires pour se doter de métros ou de tramways qui subissent le plus durement ces choix. Là encore, permettez-moi, monsieur le ministre, de souligner que je ne partage pas cette conception de la décentralisation qui écarte toute idée de solidarité envers les territoires les plus fragiles et les moins bien dotés financièrement.
    Sur cette question sensible du financement des projets, pour être simple et clair, je dis qu'il revient à l'Etat et à l'Union européenne de financer les infrastructures de transport nécessaires au fret. Pour le reste, explorons des sources de financement d'investissement nouvelles. Elles ont déjà été largement évoquées et je me contenterai de les rappeler : grand emprunt européen garanti par l'Union et destiné à financer les projets ferroviaires les plus stratégiques à l'échelle européenne, tarification de l'usage des infrastructures pour les poids lourds, affectation partielle de la TIPP aux transports collectifs.
    Enfin, il serait bon d'étudier de façon plus allante la possibilité, pour les collectivités locales, d'instaurer un péage de congestion, et d'engager une véritable politique de décentralisation du stationnement.
    Voilà d'ailleurs un beau sujet que vous pourriez aborder dans le cadre de la politique de décentralisation en cours de discussion, qui devrait aussi permettre aux régions de bénéficier d'un rôle plus important dans l'évaluation précise des besoins d'infrastructures de transport et dans la hiérarchisation des projets. Je plaide également pour que leur soit reconnue une compétence nouvelle en matière de grands équipements logistiques - entrepôts, plates-formes, chantiers multimodaux - afin d'éviter, notamment, leur éparpillement et la redondance d'investissements publics. Mais nous sommes encore bien loin du compte.
    Pour préserver le droit et l'intérêt de chacun à la mobilité, la bonne approche de la politique des transports ne peut être que globale, multimodale. Plus que jamais, la notion de « développement durable » doit, par conséquent, être au coeur de nos choix en matière de transports. Comme vous le savez, elle s'applique aussi bien dans le développement économique que dans la solidarité sociale ou la protection de l'environnement.
    Sur le plan économique, permettez une nouvelle fois à l'élu rhône-alpin que je suis de s'élever avec la plus grande vigueur contre les conclusions des experts sur la liaison ferroviaire Lyon-Turin pour laquelle ils n'envisagent un financement qu'à l'horizon 2020, ce qui empêcherait au passage, le projet de bénéficier d'un soutien financier dans le cadre de l'actuel budget communautaire. Cette réalisation facilitera pourtant considérablement les déplacements des voyageurs entre les villes de Rhône-Alpes, mais aussi vers l'Italie. Les aménagements permettront de réduire les actuels temps de parcours entre les différentes cités.
    Comment peut-on imposer à la région de France qui connaît le plus fort développement économique le maintien d'une desserte ferroviaire - fret et voyageurs - aussi indigne que la nôtre ?
    M. Michel Bouvard. Tout à fait ! Il a raison !
    M. Michel Destot. A l'heure où l'Europe se prépare à se doter d'une véritable constitution, peut-on accepter que deux pays limitrophes soient incapables de s'unir économiquement et structurellement grâce à l'une de nos plus efficaces réussites technologiques, le TGV ?
    Vous le savez, monsieur le ministre, ce projet constitue un maillon indispensable dans la liaison ferroviaire internationale est-ouest de l'Europe du Sud. Réalisation essentielle pour la confirmation du rôle de la France et de la place de l'Europe latine dans ce nouveau continent, pour la protection de l'environnement alpin, et surtout réalisation indispensable pour le respect de l'engagement qu'a pris la France avec le traité international signé par le Président de la République le 29 janvier 2001. Or votre intervention de cet après-midi, monsieur le ministre, ne m'a pas rassuré. Votre accord de principe sur la liaison ferroviaire Lyon-Turin n'était assorti d'aucun engagement calendaire. Que croire ?
    M. François Brottes. C'est un très bon rappel à l'ordre !
    M. Michel Destot. Le deuxième pilier du développement durable, c'est la solidarité. L'audit fait une impasse complète sur l'aménagement du territoire, que ce soit au niveau français ou européen. Qui niera, par exemple, l'importance du plan routier breton pour le développement de la Bretagne ? Le résultat des calculs de rentabilité socio-économique ne devait pas être bien fameux. Mais la volonté politique de ne pas laisser cette région à l'écart du développement a conduit à le réaliser. De même, au plan urbain, comment assurer le déplacement de ceux qu'on appelle les « captifs », des familles qui n'ont pas une ou deux voitures à leur disposition, des scolaires, des personnes âgées, des personnes à mobilité réduite ? Comment assurer une véritable mobilité pour tous, sinon par une politique de développement des transports en commun ?
    Mme Odile Saugues. Très bien !
    M. Michel Destot. Aujourd'hui, faire preuve de volonté politique, c'est développer le TGV pour le transport des personnes afin de ne pas créer de distorsions entre les régions, c'est se donner les moyens d'une politique de fret ferroviaire pour éviter que certaines régions ne voient leur développement étouffé à cause de la prolifération des camions, c'est également aider les villes et les agglomérations à créer de véritables réseaux de transport public et à éviter ces phénomènes d'étalement des villes et de périurbanisation non maîtrisés.
    Enfin, à propos du troisième pilier du développement durable, la protection de l'environnement, comment peut-on donner la priorité aux projets routiers et autoroutiers, alors que le Premier ministre a déclaré, lors de l'Assemblée plénière du groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, qu'« il s'agit de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre avant 2050 à l'échelle de la planète » et que, « pour nous, pays industrialisés, cela signifie une division par quatre ou par cinq » ? L'audit du conseil général des mines que nous avons examiné, a privilégié systématiquement les projets routiers et autoroutiers au détriment du rail et du transport fluvial, alors que le déséquilibre est flagrant et qu'il devient aujourd'hui socialement, financièrement et écologiquement insupportable.
    Le développement durable n'est pas une mode, c'est une absolue nécessité. Ne perdons pas de temps pour réagir : il y a urgence. Il faut aussi du courage et de la détermination, mais là, c'est une autre affaire, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Brottes. L'expérience a parlé !
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Madame la présidente, je vais tâcher d'être bref, mais ce sera extrêmement difficile, car je veux répondre à chacun et vous me donnez la parole à dix-neuf heures cinquante, quand j'aurais souhaité l'avoir à dix-neuf heures trente - mais c'est vous qui gérez le temps.
    Je répondrai pour commencer au président Méhaignerie. Il a évoqué d'abord la question extrêmement importante des pistes de financement : c'est en effet la clé du problème. Vous comprenez bien, mesdames, messieurs les députés, que je ne saurais pas exercer la fonction que m'a confiée le Premier ministre si je ne disposais pas des moyens qui vont avec, et que, sans cela, je ne saurais me contenter de faire des discours pendant cinq ans.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La vérité, c'est celle des coûts, celle des ressources. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il faut étudier la meilleure façon de mobiliser les potentialités, par exemple celles de la Caisse des dépôts et consignations. On le sait, nous avons là des marges : même si cela ne représente pas 30 ou 40 %, c'est en tout cas quelques pour cent de plus.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il faut aussi songer à exploiter au maximum les marges de la participation privé-public, même si, le président Méhaignerie l'a dit, elles ne sauraient suffire. J'ai bien noté un certain accord avec cette idée à propos des péages urbains. Je rappelle à ce propos que la loi de décentralisation permet aux collectivités locales de concéder des ouvrages linéaires pour instaurer, le cas échéant, des péages urbains.
    De même, je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit sur les financements européens et défends même l'aide européenne à hauteur de 20 % pour tous les projets de la liste Van Miert, qui est d'ailleurs en cours de révision. Sur ces projets européens dénommés RTE, il faut faire jouer cette volonté-là, et j'en parlais vendredi et samedi dernier encore à Mme la commissaire de Palacio.
    Monsieur le président Méhaignerie, vous dites qu'il faut baisser les dépenses de fonctionnement au profit des investissements. Je suis complètement d'accord.
    M. Pierre Cohen. Un fonctionnaire sur quatre !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Encore faut-il s'entendre sur les dépenses de fonctionnement dont il s'agit. On peut songer aux dépenses inutiles, faire la « chasse au gaspi »...
    M. Michel Bouvard. Il y a des marges !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et réinvestir les économies réalisées, dans des projets porteurs d'avenir pour notre pays, mais c'est une action de longue haleine et nous n'avons pas le temps d'attendre pour nos investissements d'infrastructure, car, la DATAR l'a écrit, la France doit continuer à s'équiper sans tarder. Nos TGV, nos franchissements alpins et pyrénéens n'attendront pas dix ans de plus. La question est posée, et j'ai déjà entendu de nombreuses réponses : doit-on dégager des ressources nouvelles supportées - et supportables - par les usagers ? Il me semble que cette proposition a d'ores et déjà soulevé des échos plutôt favorables, même si quelques réserves ont été formulées. Il faudrait notamment mieux définir cette ressource. C'est certes le rôle du Gouvernement, mais les propositions du Parlement sont également les bienvenues. Nos voisins ont fait ce choix : nous pouvons bien être au moins aussi intelligents qu'eux. J'ajoute que l'Europe va prendre position sur la tarification des infrastructures. Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas prendre de retard et il est donc indispensable de dégager des moyens.
    Le président Ollier a évoqué des idées très intéressantes, très fortes. J'ai notamment enregistré son souhait que des ressources soient affectées - c'est bien le terme qu'il a employé - par le biais d'un établissement public. C'est un sujet très important sur lequel nous souhaitons bien sûr entendre la représentation nationale, mais que le président Ollier se soit prononcé en faveur de ce double choix me paraît de la plus grande importance pour la suite, non seulement pour notre débat, mais aussi pour notre politique d'infrastructures.
    L'idée d'un emprunt européen a été évoquée à plusieurs reprises et je dois dire qu'il y a une certaine cohérence à mobiliser des ressources de cette façon pour financer des équipements qui serviront durant des décennies à plusieurs générations et permettront de développer des pays. Nous utilisons actuellement des lignes de chemin de fer ouvertes en 1840 ou en 1850. Même les lignes qui ne sont pas à grande vitesse peuvent être utiles. Sachez, par exemple, que lorsque l'Espagne sera entièrement équipée de lignes à grande vitesse, elle utilisera celles qui ont été construites au début du xixe siècle pour transporter du fret. Si c'est pour réaliser ce type de projets, il me paraît fort avisé d'emprunter sur cinquante ans, voire au-delà.
    Monsieur le président Ollier, vous avez également évoqué l'idée d'un schéma national d'infrastructures. Personnellement, j'y suis favorable, même si je connais les difficultés qu'il y aurait à bâtir un tel schéma. En effet, une planification rigoureuse exige de mettre au clair nos possibilités de programmation. En tout état de cause, cela n'aurait aucun sens si nous ne disposions pas en face de ressources identifiées. C'est pourquoi - et votre propos est tout à fait cohérent - vous voulez non seulement que des ressources soient affectées dans un établissement public, mais aussi que soit établi un schéma national.
    Monsieur le président Clément, je vous remercie de soutenir notre initiative. En effet, il n'est pas facile d'organiser un débat, d'écouter. Contrairement à ce que certains disent, nous ne le faisons pas pour retarder, mais pour prendre les meilleures décisions possibles. Et vous ne pouvez pas nous le reprocher. J'ai entendu certains, à gauche, dire que ce débat n'était que du baratin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).
    M. Michel Destot. On l'a entendu à droite aussi !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Non, c'est un exercice démocratique important et intéressant. Nous prendrons des initiatives et des décisions après vous avoir écoutés.
    M. Daniel Paul. Et entendus !
    M. Maxime Gremetz. Comme pour les retraites !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ai entendu des choses intéressantes de part et d'autre, même si, bien sûr, les critiques ont été plus nombreuses du côté gauche de l'hémicycle que du côté droit.
    Encore une fois, merci de votre soutien, monsieur le président Clément. Je crois que c'est l'honneur de notre démocratie de débattre au grand jour de sujets fondamentaux pour l'avenir...
    M. Maxime Gremetz. On attendait que vous arriviez !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Gremetz, s'il vous plaît, ne vous comportez pas comme vous le faites au conseil municipal d'Amiens, où Mme le maire ne peut pas en placer une !
    Mme la présidente. Monsieur de Robien, veuillez continuer.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ai noté, monsieur le président Clément, que vous souteniez l'idée d'une redevance sur les poids lourds. Je rappelle cependant que l'on ne peut en attendre guère plus de 400 à 600 millions d'euros. Or, si nous voulons tenir les promesses de l'ancienne majorité, y ajouter des projets forts et réaliser dans les meilleurs délais possibles, par exemple, la liaison Lyon-Turin, c'est à peu près le double de cette somme dont nous avons besoin. Réfléchissons ensemble, car le compte n'y est pas. Il faut 1,2 milliard au lieu de 400 à 600 millions. J'ai noté, en tout cas, que vous étiez plutôt favorable au système à l'allemande du péage par GPS.
    Vous regrettez le système de l'adossement, qui, dans la logique de la loi de 1955, a permis de faire supporter les investissements par de l'endettement de sociétés publiques. Il paraît difficile de revenir totalement en arrière, mais j'allais tout à fait dans votre sens en prévoyant tout à l'heure d'affecter aux infrastructures des ressources provenant soit de dividendes fournis par le système autoroutier, soit de liquidités obtenues par la vente totale ou partielle des sociétés d'autoroute. Cela permettrait, par exemple, de désendetter partiellement RFF, qui en aurait bien besoin.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je voulais le dire !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président Blessig, je ne peux reprendre toutes vos réflexions fortes sur le développement durable. Vous avez également parlé d'affectation ou de sanctuarisation des ressources, employant l'expression « sans siphonnage », qui prouve à l'évidence que la représentation nationale est souvent excédée par un type de démarche récurrente ces dernières décennies. Je voudrais vous dire, une nouvelle fois, qu'il faut soutenir l'idée d'affectation de ressources sans vases communicants, et donc sans siphon.
    Vous avez très intelligemment parlé du haut débit : l'équipement d'un pays en fibres à haut débit concerne bel et bien la politique d'infrastructures, puisque la communication et le transport d'informations sont indispensables au développement économique.
    Notre politique de transport doit intégrer et prendre en compte des enjeux de développement durable, vous l'avez noté. Vous avez évoqué notre méthode d'analyse des coûts. Vous le savez, cette question très importante a déjà fait l'objet de travaux dans un cadre interministériel afin d'intégrer les coûts externes, notamment environnementaux. Bien sûr, il faut sans cesse actualiser la méthode en fonction de l'amélioration de nos connaissances. Nous devons aussi intégrer les enjeux d'un aménagement équilibré du territoire qui ne laisse aucune région au bord du chemin.
    Je sais combien vous êtes affectés par les retards pris par le TGV Est et attaché à ce projet, qui ne concerne pas seulement le tracé actuel, mais sa prolongation, avec le tronçon Baudricourt-Strasbourg et le TGV européen. Le Gouvernement en est totalement convaincu.
    M. Mariton évoque l'idée d'un projet de loi d'orientation. Je ne sais quel forme il faut donner à la programmation, mais, comme je l'ai dit au président Ollier, Dominique Bussereau et moi-même sommes favorables à un concept de planification aussi clair que possible, à condition qu'elle soit crédibilisée par une ressource.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La cohérence des choix fiscaux et la baisse des prélèvements obligatoires sont indispensables. M. Mariton a insisté sur ce point. Mais je privilégie, vous l'avez remarqué, les ressources qui sont liées aux redevances d'usage, car, comme le président Clément l'a dit, certains usages ne sont pas facturés à leur coût normal, ce qui va peu à peu disparaître au niveau européen.
    J'aurais aussi pu répondre à M. Mariton qu'il fallait peut-être aller au-delà des réserves qu'il a formulées à l'égard de la nouvelle et ambitieuse politique de transports, notamment pour ce qui concerne les ressources nouvelles. Si l'on veut en rester au rythme d'un TGV tous les dix ans, ne changeons rien. L'alternance n'aurait pas été forcément utile dans le domaine des transports. Nombre de projets majeurs doivent être inaugurés le plus vite possible. Au rythme actuel, on ne le ferait pas avant 2030. Il faut savoir ce que l'on veut et faire ses choix. M. Mariton a eu raison de souligner combien il est intéressant d'optimiser la gestion de nos équipements actuels, mais si, dans sa logique, on ne met pas en place des ressources nouvelles, on ne peut pas négliger d'utiliser les ressources du système autoroutier pour financer le système de transport. Il dit en même temps qu'il faut privatiser et ne pas avoir de nouvelles ressources. Dans ce cas, où trouve-t-on les ressources pour faire une politique de transport ?
    L'intervention de Mme Saugues était fort intéressante, mais parfois injuste : c'est peut-être le rôle de l'opposition d'être un peu plus sèvère.
    Mme Odile Saugues. Comme la majorité à notre égard !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ai tout de même trouvé que cela manquait un peu de vision. Vous avez dit, madame, que les contrats de plan Etat-régions n'ont pas été respectés. Mais c'est l'héritage que nous avons reçu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Odile Saugues. Et vous, vous ne manquez pas un peu de vision dans ce débat, monsieur le ministre ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je vous rappelle tout de même que, à la fin de 2002, le taux de réalisation des CPER était de 38 %, au lieu de 50 %.
    M. François-Michel Gonnot. Oui, après trois budgets socialistes !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Vous ne pouvez pas nous tenir responsables du taux de réalisation des contrats de plan Etat-région à la fin de 2002. Je sais bien qu'il est très difficile de réaliser 50 %, mais, tout de même, vous n'avez fait que 38 % !
    J'ai déjà parlé de la liaison Lyon-Turin : nous respecterons le traité France-Italie. Le débat porte principalement sur les infrastructures linéaires.
    Nous reparlerons en temps voulu de notre politique aéroportuaire. Vous le savez bien, le choix du troisième aéroport ne résout pas le problème des nuisances actuelles à Roissy - que l'on contient - et ne peut donner qu'un faux espoir aux riverains.
    Je vous rappelle que ce n'est pas une apparition au milieu de la nuit qui m'a dicté la décision que j'ai été amené à prendre. Le Président de la République, au cours de la campagne électorale, avait lui-même annoncé...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Exactement !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... que le débat public n'avait pas été démocratique et qu'il fallait le reprendre. C'est une belle expression de la démocratie que de le reconnaître.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait, et c'est ce que nous faisons !
    M. Maxime Gremetz. Il a dit que c'était bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Contrairement aux bruits qui courent, notre politique n'est pas de privilégier le tout routier. En tout cas, je ne me satisfais pas de la situation présente et j'ai dit combien je regrettais que le fret ferroviaire ait perdu des parts de marché au cours des cinq dernières années.
    M. Bayrou a dit que certains Français se sentent victimes d'inégalités, qu'il existe des inégalités en France en matière d'infrastructures : certains territoires sont déjà équipés ; d'autres se sentent abandonnés. C'est bien pourquoi le Gouvernement a voulu ce débat. Cela permet de faire ressortir les insatisfactions ou les insuffisances. Il faut faire un véritable effort d'aménagement du territoire pour les régions qui sont réellement délaissées.
    Il faut donner leur chance à toutes nos régions, s'ouvrir sur l'Europe, satisfaire les attentes des usagers, réaliser les modes de transport les plus efficaces sur les plans économique et environnemental. Tels sont les défis auxquels nous sommes confrontés.
    Ainsi que je l'ai souligné dans mon intervention liminaire, les Espagnols vont vite - et le président Bayrou sait de quoi je parle. Mais s'il en est ainsi, c'est parce qu'ils bénéficient de fonds de cohésion très élevés qui leur permettent de financer 40 à 50 % de leurs lignes à grande vitesse ou de leurs autoroutes. Il est un peu facile de nous reprocher de ne pas prolonger leurs autoroutes sur notre territoire, alors que la France ne peut espérer pour financer ses autoroutes et ses grands projets que de 10 à 20 % de concours particuliers.
    Beaucoup d'entre nous sont des Européens convaincus. Nous devons tous oeuvrer pour que soit défini un vrai mécanisme d'aide financière adapté aux grands réseaux d'infrastructures européens. C'est pourquoi je suis intervenu récemment auprès de M. Van Miert,...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... pour qu'il retienne, parmi les priorités européennes, nombre de nos investissements structurants. Vous savez de quoi je parle, bien entendu.
    S'agissant de la liaison Bordeaux-Pau, j'indique à M. Bayrou que l'appel à concessionnaire a été lancé peu de temps après la publication de l'audit et que la remise des candidatures a été fixée au 18 juin 2003.
    Pour ce qui est de la liaison Pau-Oloron, le rapport de l'ingénieur Forgerit sera remis au début de l'été, et l'idée de soumettre à concession le tronçon nord depuis l'A 64 jusqu'au tunnel semble intéressante. Cela permettra enfin de sortir de l'ornière ce projet qui est très important pour le désenclavement du bassin d'Oloron-Sainte-Marie.
    Monsieur Paul, vous critiquez l'audit. Soit ! J'en prends acte. Vous y voyez même une machination pour bloquer les projets. Toutefois, je vous rappelle que l'audit est la photographie de l'existant, d'une situation héritée.
    M. François-Michel Gonnot. Une photographie de l'héritage !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très juste !
    Mme Odile Saugues. C'est une photographie partisane !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Par conséquent, si vous critiquez l'héritage, je ne peux que vous approuver !
    M. Yves Bur. L'héritage est forcément critiquable !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En tout cas, le Gouvernement a demandé cette photographie de la situation, car il s'est retrouvé en présence d'une liste impressionnante d'opérations,...
    M. François Brottes. C'est du volontarisme ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Besson. C'est plutôt la méthode Coué !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... dépourvues de financement.
    Si le volontarisme consiste à se promener partout en France en annonçant qu'on va construire des autoroutes, des lignes à grande vitesse, faire passer les parts de marché du fret de 20 % à 50 % en claquant des doigts, pour s'apercevoir, cinq ans plus tard, que la plupart des réalisations annoncées n'ont pas vu le jour, que le fret a encore perdu des parts de marché, c'est totalement irréaliste !
    Il fallait y voir clair, l'audit le permet !
    Mme Odile Saugues. Il vous permet de voir par le petit bout de la lorgnette !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il fallait la transparence, l'audit le permet !
    Nous sommes maintenant ici pour trouver des solutions permettant de répondre à la situation dont nous avons hérité.
    Monsieur le président Gonnot, vous avez eu raison de souligner que la liste des opérations établie par l'audit n'est pas exhaustive. Nombre de projets sont très intéressants et méritent d'être ajoutés aux schémas d'infrastructures. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de dégager des ressources suffisantes. Le compte doit y être pour financer tout ce qui est dans l'audit et tout ce qui n'y est pas et qui s'y ajoute.
    Vous avez évoqué le canal Seine-Nord. Comme vous, je crois à la pertinence de cet équipement, qui, selon l'audit, est le premier des canaux réalisables. J'ai d'ailleurs écrit il y a dix jours à M. Van Miert pour que le canal Seine-Nord soit ajouté à la liste des infrastructures prises en compte par l'Europe. J'espère être entendu.
    M. Michel Bouvard. Bravo !
    M. Maxime Gremetz. L'audit dit le contraire !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En tout cas, M. Martinand m'a fortement sensibilisé à ce problème.
    M. Maxime Gremetz. Lisez l'audit !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Cohen, vous m'accusez de vouloir supprimer certains projets faute d'argent pour les réaliser. Ça, c'est un peu facile !
    M. Maxime Gremetz. Non !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ne nous faites pas de faux procès. Pourquoi le Gouvernement aurait-il organisé ce débat s'il s'était seulement agi de jeter l'éponge et de laisser aller au fil de l'eau la politique des transports ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très juste !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce débat a un objectif exactement inverse !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ça, c'est du volontarisme, monsieur Brottes !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est parce que nous sommes favorables à la réalisation d'équipements structurants sur notre territoire que nous discutons ici de ces sujets dans la transparence. C'est ce que vous n'avez pas su faire pendant les cinq ans où vous étiez au pouvoir.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !
    M. Pierre Cohen. Vous supprimez les équipements !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous avons également la volonté de restaurer la parole de l'Etat, de même que les contrats de plan, alors que vous, vous ne les avez pas respectés.
    M. Pierre Cohen. Les gels de crédits, c'est qui ? Ce n'est jamais vous, c'est toujours les autres !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Fin 2002, le taux d'avancement des contrats de plan était de 31 %, alors qu'il aurait dû être de 43 %. Voilà la réalité.
    Monsieur Cohen, c'est notre volonté de sortir de cette situation qui nous a conduits à demander une série d'études et à susciter ce débat.
    Quant à la privatisation d'Air France, de grâce, ne mélangez pas tout ! Nous donnons à Air France la chance de pouvoir s'allier à d'autres compagnies. Du reste, le gouvernement que vous souteniez à l'époque s'est bien gardé d'annuler la loi de 1993 qui permettait la privatisation de la compagnie.
    M. François-Michel Gonnot. Tout à fait !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Vous avez eu durant cinq ans la possibilité d'annuler ce texte, mais vous ne l'avez pas fait. C'est donc que avez bien mesuré l'utilité de celui-ci. Vous avez maintenu cette loi de privatisation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François-Michel Gonnot. Absolument !
    M. François Brottes. L'argument est spécieux !
    M. Pierre Cohen. Qui a voté cette loi ?
    M. Yves Nicolin. Vous avez bien su revenir sur les fonds de pension !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous avons voté cette loi, et nous en sommes fiers. Vous l'avez maintenue, et vous devriez en être fiers puisque cette loi préserve les intérêts des salariés d'Air France,...
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Et les intérêts des salariés d'Air Lib !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et le caractère national de la compagnie, tout en lui permettant de se développer encore plus.
    M. Pierre Cohen. Comment allez-vous éviter la concurrence ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ai encore à l'oreille vos réflexions d'il y a deux mois, lors du débat sur Air France. Vous nous disiez : « Comment pouvez-vous concevoir de privatiser Air France, alors que l'action ne coûte à ce jour que 7 euros ? »
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas un argument ! La concurrence est en marche !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Eh bien, depuis elle a pris 40 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Madame Comparini, je vous remercie très sincèrement d'avoir souligné qu'un bon réseau routier est aussi une façon d'améliorer la sécurité routière. La sécurité routière doit en effet être en permanence présente dans nos esprits. Nous avons bien conscience que nous devons nous attaquer à toutes les causes d'insécurité : les comportements dangereux, mais aussi le mauvais entretien des véhicules bien entendu ou la mauvaise qualité des routes.
    S'agissant de la liaison Lyon-Turin, sujet que nous avons déjà évoqué dix fois ensemble, je sais combien vous y êtes attachée, ainsi que d'autres élus de la région concernée. Je le répète, les engagements de la France seront tenus.
    M. Yves Nicolin. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Pour les tenir, la meilleure garantie consiste à avoir les ressources suffisantes, et que, celles-ci soient affectées et non « siphonables ».
    A cela s'ajoutent le partenariat public-privé, auquel vous attachez beaucoup d'importance, ainsi que, le cas échéant, le produit de la privatisation des autoroutes et les aides européennes, pour lesquelles nous devons être très volontaristes dans nos demandes - et sachez que je le suis.
    Nous devons, ensemble, monter le meilleur plan de financement possible.
    Les travaux sur les descenderies font partie de nos préoccupations : le projet ne doit pas prendre de retard.
    Enfin, je vous indique que j'ai évoqué le Lyon-Turin de façon très franche avec M. Lunardi, vendredi et samedi derniers.
    M. François Brottes. Quel est le calendrier ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Brunhes, vous avez beaucoup parlé du Seine-Nord, mais je note que le précédent gouvernement, auquel vous apparteniez, n'a rien proposé à ce sujet pendant cinq ans.
    M. Daniel Paul. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Vous n'avez proposé aucun plan de financement.
    M. François-Michel Gonnot. Pas un centime !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Or tout projet dépourvu de plan de financement n'est jamais rien d'autre qu'un sujet de discussion. On en parle, mais on ne le réalise pas !
    M. Yves Nicolin. C'est du volontarisme angélique !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Comment pouvez-vous nous reprocher de ne pas avoir fait un canal depuis un an que nous sommes au pouvoir, alors que vous, vous n'avez pas creusé un mètre de canal en cinq ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François-Michel Gonnot. Très juste !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Non, monsieur Brunhes, le Gouvernement n'a pas donné de consignes aux auditeurs pour que telle ou telle économie soit réalisée. Il a demandé une photographie des coût des projets, des délais nécessaires à leur réalisation, de leur solidité et de leur rentabilité. Ce n'est qu'en connaissant ces éléments qu'il est possible ensuite de définir une politique. Une photographie ne constitue pas une politique, mais c'est à partir de celle-ci que nous allons pouvoir définir une politique.
    M. Maxime Gremetz. La photo n'est pas bonne !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Bouvard, qui êtes intervenu au nom de l'UMP, comme M. Mariton, vous avez souligné que les équipements nécessaires à la France et les ressources à mettre en place devraient être définis dans un cadre européen. C'est le réalisme même.
    Je suis d'accord avec vous : les trafics vont continuer de croître. Seul le fret ferroviaire a du mal à prendre sa juste place et il a même plutôt tendance à décroître.
    M. Michel Bouvard. Sauf au Mont-Cenis, où il a progressé de 30 % en dix ans !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En effet, sauf au Mont-Cenis.
    J'ai souligné les causes connues de ce phénomène. Ayons la volonté collective de renverser cette tendance. Je sais que vous menez ce combat avec beaucoup d'énergie, notamment pour Lyon-Turin, et vous avez raison.
    Je vous remercie d'avoir souligné les besoins d'entretien de notre patrimoine, tant routier, que ferré et fluvial. Quand je pense que les communistes nous reprochent de ne pas avoir fait de canaux nouveaux, alors que, durant cinq ans, le Gouvernement précédent n'a même pas entretenu ceux qui existaient !
    M. François-Michel Gonnot. Ils ont été laissés à l'abandon !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Cette situation dramatique est aujourd'hui supportée par Voies navigables de France, pour un coût très élevé.
    Bien entendu, le coût du rattrapage à opérer dans l'entretien des voies navigables est pris en compte dans l'Etat des lieux et dans l'enveloppe sur vingt ans, car c'est une priorité.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Bouvard, vous avez aussi, à juste titre, évoqué la dette de RFF, et plus généralement du système ferroviaire. N'oublions pas de prévoir les moyens financiers nécessaires à l'assainissement de ce système, car sinon cela risquerait de nous revenir cher en bout de course. Comme vous le savez, il y a une bonne dette et une mauvaise dette : la bonne dette est celle qui s'amortit grâce aux péages ; la mauvaise est celle qu'on traîne indéfiniment et qui pèse lourd en agios.
    M. Jean-Pierre Soisson. Très juste !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je suis d'accord avec vous pour soutenir le partenariat privé-public, l'appel à l'épargne et aux fonds européens.
    Votre idée de sortir les investissements struturants du pacte de stabilité me paraît intéressante. Certes, elle est très difficile à mettre en oeuvre, mais elle répond à une logique certaine.
    J'ai retenu aussi votre adhésion au principe de créer une redevance kilométrique sur les poids lourds. Je crois que c'est une idée que partagent beaucoup de membres de la majorité.
    M. Destot est intervenu de façon très intéressante sur les transports urbains. Toutefois, son propos a été moins intéressant quand il a insinué que le Gouvernement voulait abandonner ce mode de transport. C'est faux ! Pour ma part, je suis très favorable aux transports urbains.
    M. Michel Destot. Et les baisses de crédits ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ai également conscience de la dimension européenne des infrastructures.
    J'ai noté un accord de principe pour la réalisation de Lyon-Turin dans les délais les plus courts possibles, si le financement existe. Mais, à la différence de la majorité précédente, nous recherchons les ressources pour cela.
    Mme Odile Saugues. On ne peut pas développer les transports urbains sans argent !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous devons travailler sur les plans de financement, faire preuve de volonté politique. Ce débat est l'occasion de démontrer que cette volonté politique existe et qu'elle ne consiste pas à raser les murs en disant « oui » à tout et à faire preuve ensuite d'insuffisance sur le plan de la réalisation.
    En tous cas, comme je l'ai indiqué, il est nécessaire d'avoir une action totalement tranparente.
    Ce débat, avez-vous dit, intéresse aussi les collectivités locales. C'est vrai. Pour cela, il faut des ressources, et c'est un constat que vous faites vôtre. J'ai également noté que vous me rejoignez sur certaines des pistes que j'ai évoquées.
    S'agissant du rôle de l'Europe, je ne peux que souscrire à l'idée de la faire financer davantage nos projets.
    Certes, je ne vous ai pas totalement rassuré, monsieur Destot, mais qu'en aurait-il été si je m'étais contenté de laisser aller au fil de l'eau la politique précédente ?
    L'Europe, les territoires, le respect des usagers, l'environnement, l'intermodalité et, enfin, le respect de la parole de l'Etat : telles sont les priorités qui nous guident. Elles ont fait l'objet des principaux points de mon intervention liminaire, et je n'ai pas changé d'avis depuis seize heures trente.
    (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique :
    Suite du débat sur les infrastructures 2003-2020.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT