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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 23 MAI 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 22 mai 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Création d'un procureur européen. - Discussion d'une proposition de résolution «...».
M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois.
M. Jacques Floch, au nom de la délégation pour l'Union européenne.
M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Robert Pandraud,
Jacques Brunhes,
Gilbert Gantier,
Christian Philip.
Clôture de la discussion générale.

Article unique «...»

MM. le président, Jacques Floch, le rapporteur, le garde des sceaux.
Amendement n° 4 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 5 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 6 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 7 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 8 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 9 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 10 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 11 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 12 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 13 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 14 de M. Floch. - Rejet.
Amendement n° 15 de M. Floch. - Rejet.
Adoption de l'article unique de la proposition de résolution.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 1er (suite) «...»
ARTICLE 706-73 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
(suite) «...»

Amendements identiques n°s 4 de M. Grand, 270 de M. Mallié et 393 de M. Estrosi : MM. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois ; Georges Fenech, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejet.
Amendements identiques n°s 12 de M. Grand, 271 de M. Mallié et 394 de M. Estrosi : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques n°s 5 de M. Grand, 272 de M. Mallié et 392 de M. Estrosi : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 612 de M. François d'Aubert : MM. François d'Aubert, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 348 de M. Vignoble : MM. Rudy Salles, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

ARTICLE 706-74 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 371 de M. Vallini : MM. André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-75 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 606 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 379 de M. Vallini : MM. André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 579 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 373 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 372 de M. Vallini : MM. Jérôme Lambert, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-76 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 607 de M. Vaxès et 642 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 653 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-77 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 608 de M. Vaxès et 643 de M. Mamère : MM. Michel Vaxès, Noël Mamère. - Rejet.

ARTICLE 706-78 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 609 de M. Vaxès et 644 de M. Mamère : MM. Michel Vaxès, Noël Mamère. - Rejet.
Amendement n° 45 de la commission des lois : M. le rapporteur. - Adoption.

ARTICLE 706-79 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 610 de M. Vaxès. - Rejet.

ARTICLE 706-80 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 286 de M. Vallini et 654 de M. Mamère et amendements n°s 345 de M. Vignoble et 580 de M. Vaxès : MM. André Vallini, Noël Mamère, Rudy Salles, Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 345 ; rejet des amendements identiques n°s 286 et 654 ; rejet de l'amendement n° 580.

ARTICLE 706-81 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 422 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 47 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 581 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 423 de M. Mariani : M. Thierry Mariani.
Amendement n° 424 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait des amendements n°s 423 et 424.
Amendement n° 48 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-82 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 287 du M. Vallini et 645 de M. Mamère : MM. André Vallini, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 582 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Yves Le Bouillonnec. - Rejet.
Amendements identiques n°s 289 de M. Vallini, 347 de M. Vignoble et 614 de M. Mamère : MM. André Vallini, Gilbert Gantier, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Yves Le Bouillonnec. - Retrait de l'amendement n° 347 ; rejet des amendements n°s 289 et 614.
Amendement n° 49 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-83 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 288 corrigé de M. Vallini et 655 corrigé de M. Mamère : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 425 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 50 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements identiques n°s 51 de la commission et 350 de M. Vignoble : MM. le rapporteur, Gilbert Gantier, le garde des sceaux. - Retraits.

ARTICLE 706-84 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 475 de M. Gilles : MM. Richard Mallié, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 52 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-85 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 53 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 346 de M. Vignoble : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-86 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 351 de M. Vignoble : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 54 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-87 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 55 de la commission, 19 de M. Grand, 269 de M. Mallié et 395 de M. Estrosi : MM. le rapporteur, Michel Vaxès, Jean-Yves Le Bouillonnec, Xavier de Roux, Jean-Paul Garraud, Noël Mamère, le garde des sceaux. - Adoption.
L'amendement n° 646 de M. Mamère n'a plus d'objet.

ARTICLE 706-88 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 290 de M. Vallini, 584 de M. Vaxès et 647 de M. Mamère : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Noël Mamère, Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Paul Garraud. - Rejet.
Amendement n° 426 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.Amendements n°s 407 de M. Estrosi et 56 de la commission : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux, André Vallini, Gérard Léonard. - Retrait de l'amendement n° 407 ; adoption de l'amendement n° 56.
Amendement n° 57 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 58 rectifié de la commission. - Adoption.

ARTICLE 706-89 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 427 de M. Mariani : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques n°s 291 de M. Vallini et 648 de M. Mamère : MM. Jean-Pierre Blazy, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-90 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 585 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux, Noël Mamère. - Rejet.
Amendement n° 428 de M. Mariani : M. Thierry Mariani. - Retrait.
Amendements identiques n°s 292 de M. Vallini et 649 de M. Mamère : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques n°s 293 de M. Vallini et 636 de M. Mamère : MM. Jean-Pierre Blazy, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-91 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

L'amendement n° 429 de M. Mariani est retiré.
Amendement n° 349 de M. Vignoble : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

ARTICLE 706-92 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

L'amendement n° 430 de M. Mariani est retiré.
Amendement n° 59 de la commission : MM. le rapporteur, André Vallini, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-93 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 60 de la commission : MM. le rapporteur, Thierry Mariani, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-95 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 431 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements n°s 294 de M. Vallini et 650, 651 et 652 de M. Mamère : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejets.
Amendement n° 295 de M. Vallini : MM. André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-96 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 432 de M. Mariani : M. Thierry Mariani. - Retrait.
Amendement n° 534 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements n°s 414 de M. Fenech et 433 de M. Mariani : MM. Georges Fenech, Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejets.
Amendements n°s 638 de M. Mamère et 296 corrigé de M. Vallini : MM. Noël Mamère, André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejets.
Amendement n° 412 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-97 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 62 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Noël Mamère. - Adoption.
Les amendements identiques n°s 6 de M. Grand et 397 de M. Estrosi n'ont plus d'objet.

APRÈS L'ARTICLE 706-97
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 24 corrigé de M. Grand, 273 de M. Mallié et 391 corrigé de M. Estrosi : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-98 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 63 de la commission : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 340 de M. Garraud : MM. Jean-Paul Garraud, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 64 de la commission MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 415 de M. Fenech : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 706-99 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 297 de M. Le Bouillonnec et 637 de M. Mamère et amendements n°s 374 de M. Le Bouillonnec et 65 de la commission : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Paul Garraud. - Rejet des amendements identiques n°s 297 et 637 ; rejet de l'amendement n° 374 ; adoption de l'amendement n° 65.

ARTICLE 706-100 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendements identiques n°s 7 de M. Grand, 401 de M. Estrosi et 434 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 66 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-101 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE «...»

Amendement n° 67 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 68 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, Thierry Mariani, le garde des sceaux.
Sous-amendement oral de M. Warsmann : MM. le rapporteur, Thierry Mariani, Michel Vaxès, André Vallini. - Adoption du sous-amendement oral et de l'amendement n° 68 rectifié, modifié.
Adoption de l'article 1er modifié du projet de loi.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Nomination d'un député en mission temporaire «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

CRÉATION D'UN PROCUREUR EUROPÉEN

Discussion d'une proposition de résolution

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. René André et M. Jacques Floch sur la création d'un procureur européen [COM (2001) 715 final/E 1912 et COM (2001) 272 final/E 1758] (n°s 446, 565).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, adapter notre justice aux évolutions et au développement préoccupant de la criminalité, c'est tout d'abord et comme nous y sommes invités au travers du projet de loi en discussion depuis hier dans notre assemblée, donner à la justice de nouveaux moyens juridiques et matériels. C'est aussi être en mesure d'appréhender cette criminalité organisée non seulement à l'intérieur de notre pays, mais également dans sa dimension internationale et, pour ce qui concerne l'Union européenne, dans sa dimension transnationale. C'est pourquoi l'examen, ce matin de cette proposition de résolution tendant à créer un procureur européen trouve, par un hasard heureux du calendrier, toute sa place dans cette réflexion et dans ces évolutions.
    Nous sommes donc amenés à discuter de la proposition de résolution présentée par la délégation à l'Union européenne, sur la base du Livre vert de la Commission européenne, et qui a été soumise à notre commission des lois, en janvier dernier. A ce propos, je voudrais saluer, comme je l'ai fait en commission, la qualité et l'importance du travail effectué par la délégation et particulièrement par ses deux auteurs Jacques Floch et René André, dont la réflexion et les suggestions sont très intéressantes.
    Rappelons-le, la proposition de créer un procureur européen ne date pas d'hier : cela remonte très précisément à 1997. A l'époque un corpus juris avait été élaboré pour assurer la protection des intérêts financiers de l'Union. On se souvient cependant qu'en septembre 2000, le Conférence intergouvernementale de Nice n'avait pas souhaité retenir cette proposition et l'avait écartée au profit d'un organisme de coopération judiciaire dont la création devait survenir quelque temps plus tard, Eurojust.
    Nous saisissons là la différence, non pas fondamentale, mais de méthode, qui sépare la proposition de la délégation à l'Union européenne et celle qu'a finalement souhaité adopter la commission des lois. En effet, la première a proposé la création ex nihilo d'un parquet européen, alors que la seconde, s'appuyant - j'y reviendrai - non seulement sur un certain nombre d'éléments tirés de l'évolution des choses, mais également de la position des gouvernements, notamment de l'axe franco-allemand, en la matière, a préféré s'en tenir à une approche plus pragmatique consistant à transformer progressivement un organe récemment mis en place, Eurojust.
    Pour bien saisir l'importance du dossier, il est nécessaire de rappeler le volume considérable, en Europe, de la criminalité transnationale, qui ne cesse de se développer. En 1999, l'Office européen de lutte anti-fraude - l'OLAF - évaluait ainsi à 413 millions d'euros le montant des fraudes constatées contre les intérêts de l'Union européenne, chiffre rapidement porté quelques années plus tard à plus de 600 millions d'euros et estimé récemment par M. Lecou, directeur de l'OLAF, lors de son audition par le rapporteur, à près d'un milliard d'euros. Ces sommes considérables s'expliquent par le travail patiemment et savamment accompli par de véritables réseaux criminels organisés à l'échelle européenne.
    Toutefois, cette simple approche des choses, quoique importante, ne doit pas masquer une autre réalité, à laquelle nos concitoyens sont d'ailleurs plus sensibles au quotidien : l'augmentation très importante des formes graves de criminalité transnationale. Je veux parler, sans entrer dans le détail, du blanchiment, du proxénétisme, de la traite des êtres humains ou du trafic des stupéfiants, qui sont source de grande inquiétude pour nos concitoyens, car ils savent justement que leur dimension internationale a tendance à nous échapper.
    Pour lutter contre la criminalité transnationale, l'espace judiciaire européen, initié il y a plus de vingt-cinq ans lors du conseil européen de Bruxelles, en 1977, a donc été mis progressivement en place. Le traité de Maastricht a ainsi institutionnalisé la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures dans le cadre du « troisième pilier ». Puis, le traité d'Amsterdam a prévu la communautarisation de la coopération judiciaire. Enfin, le conseil européen de Tempere, les 15 et 16 octobre 1999, a posé le principe de la création d'Eurojust.
    Les organes existant avant Eurojust, l'OLAF et Europol, suscitaient et suscitent encore des interrogations. Le comité de surveillance de l'OLAF avait lui-même souhaité qu'on définisse une véritable politique d'enquête et qu'on contrôle cet outil mi-administratif mi-judiciaire qui ne bénéficiait pas de la protection qui doit être accordée au travers d'une enquête véritablement judiciaire. Mais la coopération judiciaire entre les différents Etats membres de l'Union s'est progressivement renforcée à partir du traité de Maastricht et, en 2000, la création d'Eurojust a été confortée.
    Le traité de Nice a consacré l'existence d'Eurojust à l'article 31 du traité sur l'Union européenne. Et en 2002, c'est-à-dire tout récemment, Eurojust a été créé. Mais cet organe n'a pu prendre place dans ses locaux définitifs que le mois dernier, ce qui permet de relativiser les critiques à mon avis prématurées et probablement injustes formulées à l'encontre d'Eurojust, quant à sa capacité à assumer les missions qui lui ont été confiées.
    Il est donc incontestable qu'il convient d'envisager la création d'un parquet européen, parce qu'il faut donner à l'Europe les moyens d'établir une coopération internationale mais également d'engager des poursuites qui seules peuvent relever d'une telle structure.
    La commission propose donc une démarche différente mais non pas fondamentalement opposée à celle de la délégation à l'Union européenne. Le but est le même. L'ambition est cependant peut-être plus forte, nous allons y revenir. En effet, la délégation, suivant en cela la demande de la Commission européenne dans son Livre vert, se limite à proposer la création d'un parquet européen ex nihilo, qui aurait pour mission d'assumer l'action de l'Union européenne contre tout ce qui frappe ses intérêts. Certes, c'est considérable mais c'est aussi limité au regard des estimations auxquelles j'ai fait allusion. La délégation suggère donc la transformation, qu'elle sent bien nécessaire et le plus rapidement possible, de ce parquet européen en un instrument chargé également de poursuivre à l'échelle européenne la criminalité transnationale au-delà des simples intérêts de l'Europe. Il est donc proposé que cela se fasse dans le cadre d'une procédure prévoyant la prise de décisions à l'unanimité et dont on voit tout de suite les limites.
    Cette proposition, tout le monde le sait, a donc recueilli un avis plutôt mitigé et majoritairement négatif de la part des Etats, ce qui a poussé la Commission mais avant elle l'ensemble des partenaires européens, la France et l'Allemagne en tout premier lieu, dans leur contribution en novembre dernier en direction du futur traité constitutionnel de l'Europe, à privilégier une formule pragmatique.
    Ainsi, pour résumer, mes chers collègues, la délégation suggère la création ex nihilo d'un parquet européen qui limiterait ses ambitions, mais c'est déjà beaucoup, à la lutte contre la criminalité contre l'Europe. La commission des lois, quant à elle, propose une démarche plus pragmatique et probablement plus aisée quoique encore difficile à mettre en oeuvre, qui consisterait, à partir d'Eurojust et, en plusieurs étapes - et nous sommes pratiquement à l'articulation des deux premières - à aboutir, à terme, à la transformation de ce dispositif en un véritable parquet européen lequel se verrait, dès l'origine, confier la charge d'être le procureur de l'Europe. Il faut être en mesure de combattre cette grande criminalité internationale qui envahit le territoire européen et, par la même occasion, notre territoire.
    Vous le voyez, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission ne propose pas le rejet pur et simple de la proposition de la délégation. Simplement, l'ambition et l'approche sont différentes. En tout état de cause et comme le voulait la délégation, il s'agit bien de donner à l'Europe, le plus rapidement possible, les moyens de sa politique, les moyens qui permettront de lutter efficacement contre la grande criminalité internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
    M. Jacques Floch, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, mes chers collègues, nous partageons tous, aujourd'hui, la même ambition : renforcer, l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée, en créant, au niveau international et européen, un parquet européen. Mais comme vient de le dire le rapporteur de la commission des lois, nos méthodes, pour y parvenir divergent quelque peu. Or, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, mieux vaut aller directement au but que de tergiverser.
    Mes chers collègues, deux options vous sont proposées. La première, retenue par la commission des lois, consiste à créer un parquet européen par étapes, à partir d'Eurojust. La seconde, que la délégation pour l'Union européenne a retenu dans sa proposition initiale, repose sur la création d'un procureur européen.
    M. René André et moi-même avons consulté les plus hauts magistrats de l'ordre judiciaire - le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette même Cour, et les meilleurs spécialistes de la lutte contre la criminalité transnationale dont M. Renaud Van Ruymbeke, par exemple. Tous ont exprimé leur préférence pour la création d'un procureur européen, telle qu'elle a été formulée dans le Livre vert de la Commission européenne et, à l'origine, par un groupe d'experts dirigé par le professeur Mireille Delmas-Marty. De plus, nous avons relu attentivement l'appel de Genève, texte fondateur d'une justice efficace pour l'Europe.
    Les faiblesses de la création d'un parquet européen à partir d'Eurojust sont nombreuses, et ce n'est qu'au prix d'une lecture superficielle que cette option peut être présentée comme plus ambitieuse. Le champ de compétence matérielle d'Eurojust est, certes, plus étendu, l'ensemble de la criminalité transnationale étant visé. Mais cette extension a pour contrepartie un transfert de pouvoirs très progressif et la transformation d'Eurojust en un véritable parquet européen n'est acquise qu'au terme des trois étapes successives.
    Or le passage à chaque nouvelle étape, même décidé à la majorité qualifiée, est particulièrement aléatoire, dans le contexte d'une Europe élargie. Aucun calendrier n'a d'ailleurs été fixé : la troisième étape sera-t-elle décidée en 2010, en 2015, en 2020 ? Cette étape sera-t-elle même jamais franchie, dans une Europe à vingt-cinq, voire vingt-sept Etats membres ? Il faudrait, au moins, proposer une date butoir. La proposition de la commission des lois est, sur ce point, en deçà de celle de M. Dominique de Villepin, notre ministre des affaires étrangères, qui a déposé un amendement en ce sens au projet d'article présenté par le présidium de la Convention européenne.
    La deuxième faiblesse de cette option tient à la nature même d'Eurojust. Je vous rappelle qu'Eurojust est un instrument de coopération judiciaire, composé de représentants nationaux des Etats membres. Son inscription dans le traité sur l'Union européenne, lors du conseil européen de Nice, a d'ailleurs été décidée - déjà - pour éviter de donner suite à la proposition de la Commission européenne de créer un procureur européen, qui paraissait alors prématurée. Eurojust a été conçu comme un conciliateur, un médiateur, un facilitateur, sans autre pouvoir que d'inviter les Etats membres à agir. Ses membres restent nationaux et ne disposent que des compétences qui leur ont été attribuées par les Etats membres.
    A ce sujet, la France a d'ailleurs choisi de ne donner à son représentant que des pouvoirs et un statut très limités, dans le projet de loi portant adaptation aux évolutions de la criminalité : cette réticence est en totale contradiction avec la volonté d'en faire un parquet européen. Elle est d'autant plus regrettable que les magistrats français n'ont fait appel à Eurojust que dans dix-neuf affaires en 2002, soit encore moins qu'en 2001. En ce qui concerne la France, Eurojust connaît, non pas une montée en puissance, mais une perte de vitesse ! Cette asymétrie entraînera une segmentation d'Eurojust, dont les activités s'orienteront vers les Etats dont les membres disposent de pouvoirs réels. Cette absence de statut commun est incompatible avec sa transformation en un parquet européen.
    Troisième faiblesse, enfin, le caractère collégial d'Eurojust. Cette collégialité, en l'absence d'un pouvoir hiérarchique du président, prive Eurojust d'une véritable tête. Cette situation est, elle aussi, difficilement compatible avec l'exigence de réactivité que requiert une direction effective des poursuites.
    C'est pourquoi la délégation pour l'Union européenne s'est montrée plus volontariste, en proposant la création d'un procureur européen. Ce dernier serait doté d'un champ de compétence de départ plus étroit, mais immédiatement doté de pouvoirs réels. C'est le seul moyen de créer une institution dont la valeur ajoutée sera forte et immédiatement perceptible. Il serait dangereux pour la crédibilité de l'Europe de donner aux citoyens l'impression qu'un parquet européen a été créé, alors qu'il ne serait doté d'aucun pouvoir. Ce n'est que dans un second temps, à partir d'un socle solide et une fois que l'institution aura fait ses preuves, que les compétences de ce procureur pourront être étendues à toute la criminalité transfrontalière.
    Certains, en Europe, craignent une justice supranationale. Ils devraient craindre davantage la criminalité transnationale, qui s'est installée dans l'Union européenne, mettant à profit toutes les failles, les contradictions et les faiblesses de nos systèmes judiciaires.
    La Constitution européenne en cours d'élaboration constitue une occasion unique, historique, pour l'Europe de la justice. Différer la création d'un procureur européen, à la veille de l'élargissement, serait la condamner sans appel.
    La solution que la délégation a retenue repose sur la méthode communautaire. Cette méthode a fait ses preuves : c'est celle qui a été suivie pour la réalisation du marché intérieur ou pour l'euro, alors que le développement progressif d'Eurojust relève d'une logique intergouvernementale, semblable à celle adoptée pour la politique étrangère et de sécurité commune avec le succès que l'on sait, particulièrement aujourd'hui.
    Nous avons besoin d'un parquet européen. Donnons-nous les moyens de cette ambition ! L'idée d'un parquet européen collégial, ayant à sa tête un procureur européen, a progressé au sein de la Convention. La France doit promouvoir et défendre cette proposition.
    Monsieur le président, permettez-moi d'émettre une suggestion, qui n'a rien à voir avec ce texte, mais je souhaite que vous puissiez la transmettre à M. le président de l'Assemblée nationale.
    La construction européenne est le grand chantier de notre génération politique. Elle ne peut plus être considérée aujourd'hui comme relevant des affaires étrangères. Elle est notre devenir et notre présent, et l'organisation de l'Assemblée nationale doit en tenir compte. Nous devrions, d'ores et déjà, engager une réflexion sur la nécessité de créer une commission permanente pour l'Union européenne, comme l'on fait tous nos partenaires, sinon nous retrouverons trop souvent une commission de l'Assemblée nationale face aux décisions ou aux prises de position de la délégation pour l'Union européenne
    M. le président. La parole est à M. le président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union europénne. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'Assemblée nationale tient aujourd'hui son premier débat de la législature, en séance publique, sur une proposition de résolution issue d'une initiative de la délégation pour l'Union européenne, en l'occurrence de René André et Jacques Floch.
    La délégation a pris position, en novembre dernier, en faveur de la création d'un procureur européen, pour renforcer l'efficacité de la lutte contre la criminalité transnationale. La commission des lois a repris cette proposition et a souhaité, tout en partageant cet objectif, que la création de ce parquet européen soit réalisée par étapes, à partir d'une institution déjà existante, Eurojust. Quelle que soit la méthode finalement retenue, je me réjouis que notre assemblée ait l'occasion de débattre de l'espace judiciaire européen, à travers un projet dont la visibilité est forte pour les citoyens.
    La construction de cet espace judiciaire européen, appelé de ses voeux par M. Valéry Giscard d'Estaing il y a vingt-cinq ans, alors qu'il était Président de la République, a connu une accélération sans précédent depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam et les événements tragiques du 11 septembre 2001. L'adoption du mandat d'arrêt européen, la décision-cadre sur le terrorisme et la création d'Eurojust en sont les illustrations les plus visibles.
    Cependant ces progrès restent trop lents face aux attentes des citoyens européens et à l'urgence de renforcer la lutte contre la criminalité organisée. Sur quatorze conventions adoptées dans ce domaine, deux seulement sont entrées en vigueur à ce jour, les autres restant lettre morte faute de ratification. Les décisions cadres sont trop souvent transposées tardivement ou incomplètement, au point de constituer un droit virtuel.
    Face à ces dysfonctionnements, la Convention européenne propose des changements majeurs : supprimer la structure en piliers, passer à la majorité qualifiée et à la co-décision dans de nombreux domaines, adopter des instruments communautaires à la place de ceux, inadaptés et inefficaces, du troisième pilier, constituent ainsi des avancées remarquables.
    Ces propositions, si elles sont reprises dans la future constitution européenne, permettront d'agir plus vite et plus efficacement, mais elles diminueront considérablement le rôle des parlements nationaux. Ainsi, les conventions de l'actuel troisième pilier vont être remplacées par des instruments de droit communautaire classique, non soumis à ratification et l'Union européenne sera dotée de la personnalité juridique internationale ; les accords négociés avec des pays tiers en matière pénale ou policière ne feront donc plus l'objet d'une autorisation parlementaire avant d'être ratifiés. C'est d'ailleurs ce qui est déjà envisagé pour les projets d'accords d'extradition et d'entraide judiciaire entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
    Cependant ni les réflexions de la Convention ni celles menées en France ne semblent avoir pris la mesure de ces bouleversements. La nature des compétences et des questions traitées par l'Union a radicalement changé. C'est notre politique criminelle qui se décide désormais, en partie, à Bruxelles. Les questions qui sont abordées au cours de chaque conseil Justice et affaires intérieures touchent au coeur des droits et de la vie de chaque citoyen et des compétences de leurs représentants. Or peut-on accepter d'extrader une personne vers un Etat où elle risque d'être jugée par des juridictions d'exception ? Faut-il prévoir un traitement différencié pour le trafic de certaines drogues en petites quantités ?
    Quelles que soient les réponses qu'on leur apporte, ces questions doivent être débattues publiquement, dans la transparence, par des représentants élus et responsables devant leurs électeurs. C'est une condition indispensable pour l'élaboration du droit pénal dans une société démocratique, conformément au principe de légalité des délits et des peines. C'est pour ces raisons que je défends, au sein de la Convention, un renforcement du rôle des parlements nationaux dans ce domaine.
    Le groupe de travail consacré à la justice et aux affaires intérieures a proposé de créer un droit d'alerte précoce des parlements nationaux dans le cas où une initiative irait à l'encontre des éléments fondamentaux de leur droit pénal, sur le modèle de ce qui est prévu pour la subsidiarité. Cette excellente initiative devrait être étendue à la protection des droits fondamentaux et défendue par tous nos représentants.
    Nous devons également faire preuve d'imagination au niveau régional d'autant que certains Etats membres, les Pays-Bas, par exemple, prévoient une association plus forte de leur parlement en matière de justice et d'affaires intérieures. Cet exemple pourrait nous inspirer pour créer un article 88-4 renforcé dans ce domaine, comme la résolution sur la coopération judiciaire entre l'Union européenne et les Etats-Unis, adoptée par l'Assemblée nationale en mars dernier, le suggère.
    Au-delà de nos divergences de méthode pour y parvenir, nous partageons la volonté de créer un véritable parquet européen. La Convention européenne nous fournit une occasion unique de le faire.
    Un sondage publié il y a quinze jours montre que les Français placent les affaires de justice et de sécurité en première priorité dans les progrès européens à effectuer. Sans doute est-ce dû aux préoccupations qu'ils expriment en matière de sécurité dans le cadre national, mais cela tient aussi à leur perception, d'ailleurs justifiée, que l'action des juges et des policiers ne saurait s'arrêter aux limites du territoire national pendant que la criminalité internationale se joue des frontières en Europe.
    Ainsi que l'a dit Dominique de Villepin devant la Convention, il faudra aboutir, dans un délai rapproché, à la création d'un parquet européen. A cet égard, je salue la proposition de la commission des lois qui souhaite que cette décision puisse être prise à la majorité qualifiée ce qui éviterait tout blocage.
    Je me réjouis donc que ce débat ait pu avoir lieu, et je m'associe à cette volonté commune d'instaurer un parquet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens d'abord à saluer le travail remarquable et la réflexion particulièrement riche, menés à la fois par votre commission des lois et par la délégation pour l'Union européenne, sur l'un des défis majeurs des travaux de la Convention européenne qui me tient particulièrement à coeur : la construction d'un véritable espace européen de sécurité, de liberté et de justice.
    Ainsi que vient de le rappeler le président Lequiller, il est exact que, dans un sondage publié tout récemment - et cela a été pour moi à la fois un étonnement et un encouragement -, les Français ont fixé l'Europe de la justice comme premier objectif de la construction européenne.
    La proposition de résolution sur la création d'un procureur européen, dont nous débattons, concerne un sujet essentiel pour l'avenir de l'Europe judiciaire. Il s'agit d'un texte important dont le contenu témoigne d'une approche réaliste de la construction européenne.
    Comme dans les autres domaines, la construction européenne en matière de justice s'est toujours faite de manière progressive. Reconnaissons ensemble que cette méthode a permis de grandes avancées. Nous sommes aujourd'hui à une étape charnière pour l'avenir de cette Europe judiciaire, au moment où l'on aborde une phase d'élargissement sans précédent.
    La Commission a présenté, en décembre 2001, un Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen. Il s'agit en réalité de la reprise d'une proposition présentée également par la Commission au cours de la conférence intergouvernementale de Nice en septembre 2000, proposition qui avait alors été écartée par les chefs d'Etat et de gouvernement ; je le rappelle, car cela n'est pas inutile.
    Le procureur européen, tel qu'il est proposé par la Commission, constitue, à mon avis, une fausse bonne idée.
    D'abord, ce procureur européen serait, nous dit-on - en tout cas c'est ce qui est écrit - limité à la protection des intérêts financiers communautaires. Si nul ne conteste l'importance de la lutte contre la fraude aux intérêts communautaires, admettons ensemble qu'il ne ne s'agit pas de la première préoccupation des citoyens des Etats européens. Ceux-ci veulent d'abord une Europe qui soit enfin plus efficace dans la lutte contre la criminalité organisée, contre le blanchiment d'argent sale, contre la traite des êtres humains ou, bien sûr, dans la lutte contre le terrorisme.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est évident.
    M. le garde des sceaux. Ensuite, créer une structure supplémentaire se juxtaposant à celles qui existent déjà à l'échelon national et au niveau européen, serait continuer à engendrer de la complexité, alors que nos concitoyens attendent une Europe plus lisible et, surtout, plus proche d'eux.
    La proposition de la Commission sur le procureur européen relève d'une approche trop théorique, qui méconnaît les réalités judiciaires nationales. La suivre, j'en suis convaincu, ne favoriserait pas le renforcement de notre espace judiciaire commun. Dois-je vous rappeler que nos partenaires européens et les praticiens consultés par la Commission se sont, en grande majorité, pour ces raisons, prononcés contre sa proposition ?
    Il fallait donc emprunter une autre voie pour parvenir à une plus grande efficacité de l'Union européenne en matière pénale. C'est celle qui est envisagée par le projet de résolution, et qui rejoint très largement les positions que j'ai toujours développées à ce propos depuis un an.
    Il faut en effet se fonder sur les véritables besoins en matière de lutte contre la criminalité organisée et de protection des intérêts communautaires, dans le respect des droits de chacun, en s'attachant à rechercher ce qui peut être efficace, praticable, acceptable, assimilable et compris par toutes les cultures judiciaires nationales. Il convient donc, comme cela nous est proposé dans le projet de résolution, d'adopter une démarche pragmatique partant de l'existant, Eurojust, pour aller vers l'avenir : le parquet européen, que je préfère, pour ma part, appeler « collège de procureurs européens ».
    Aujourd'hui coexistent deux principales structures dans le domaine de la coopération en matière pénale : l'une policière, Europol, et l'autre judiciaire, Eurojust. Pour l'instant, Europol est cantonné dans un rôle de recueil et d'analyse de renseignements alors qu'Eurojust est chargé d'assurer la coopération entre autorités judiciaires, sans aucun pouvoir contraignant lui permettant d'imposer sa propre analyse, ou de procéder par lui-même à certains actes !
    L'expérience de ces structures est utile, mais elle montre que leurs moyens actuels ne sont pas à la hauteur de nos objectifs de lutte contre la criminalité transnationale. Eurojust doit se transformer, dans un délai raisonnable et après une évaluation de son activité, en un véritable parquet européen, capable de déclencher lui-même des poursuites et de les exercer devant les tribunaux nationaux. Cet objectif doit figurer dans le nouveau traité.
    Ce collège de procureurs européens devrait, à l'instar de ce qui existe dans notre ordre juridique, diriger les enquêtes en matière d'euro-crimes, contrôler les activités d'Europol et de l'office de lutte anti-fraude.
    S'agissant des actes accomplis dans le cadre de ces enquêtes, le contrôle de leur légalité devrait demeurer de la compétence des juridictions nationales selon les règles de chaque système judiciaire.
    Il convient sans doute d'envisager une étape intermédiaire - que je situe à l'entrée en vigueur du nouveau traité -, durant laquelle Eurojust devra être doté de pouvoirs de coordination contraignants : il pourra décider, pour les affaires de criminalité transnationales impliquant plusieurs juridictions, qui doit être saisi. Il pourra également être doté de pouvoirs de substitution lorsqu'une autorité nationale sera défaillante. Cette étape permettrait d'ancrer véritablement Eurojust dans le paysage judiciaire national et d'assurer que policiers et magistrats collaborent effectivement avec cette instance.
    Cette construction réaliste et cohérente du parquet européen à partir d'une montée en puissance d'Eurojust est celle que nous défendons avec l'Allemagne. Nos deux gouvernements l'ont proposée à la Convention européenne. Avec ma collègue allemande, Mme Zypries, nous l'avons fermement réaffirmée ensemble lors de notre rencontre à Berlin le 8 mars dernier. Faisons en sorte qu'elle soit partagée par l'ensemble de nos partenaires européens.
    A cet égard, je me réjouis de constater, aujourd'hui, que c'est bien cette philosophie d'une construction progressive, déterminée mais réaliste, du parquet européen, que fait prévaloir le projet de résolution soumis à nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Robert Pandraud.
    M. Robert Pandraud. Monsieur le président, depuis la mise en oeuvre de l'article 88 de la Constitution, et quelles qu'aient été les majorités successives, il y a au moins une continuité : tous les présidents de la délégation se sont battus pour obtenir l'inscription à l'ordre du jour de cette assemblée des problèmes européens. Or, si la plupart des parlementaires se plaignent de ne pas être suffisamment associés aux décisions européennes, j'ai constaté que l'affluence pour ces débats n'a jamais dépassé, depuis quinze ans, le nombre de présents que nous avons ce matin. Cela diminue évidemment le poids du président de la délégation dans les négociations relatives à l'ordre du jour. Il m'a ainsi été répondu, au cours de certaines conférences des présidents où j'essayais d'arracher des débats en séance publique, que j'étais bien gentil, mais que ces discussions ne rassemblaient généralement pas plus de quinze parlementaires.
    Je tenais, en préambule, à faire cette digression pour déplorer le manque d'intérêt de certains collègues, qui sont pourtant les premiers à dire dans leur circonscription que le Parlement n'est pas suffisamment consulté sur les problèmes européens. Aidons-nous, le ciel nous aidera ! Et le garde des sceaux aussi !
    Il ne se passe pas de jour sans que l'ouverture des frontières européennes ne soit utilisée par la grande criminalité pour commettre des méfaits sur le territoire de l'Union, notamment en France. Si la fraude aux intérêts financiers communautaires, qui s'apparente à une sorte de sport ouvert aux mafias de tout poil et de tout acabit, préoccupe légitimement les organes européens et les contribuables que nous sommes, il n'en reste pas moins que le trafic de stupéfiants, aggravé par le développement de la distribution des drogues dures, la porosité des frontières, le proxénétisme et la traite des êtres humains, les réseaux de pédophilie me paraissent représenter une menace encore plus sérieuse qui justifie pleinement le débat que nous avons aujourd'hui sur le vote d'une résolution prônant la création d'un procureur européen.
    Monsieur le garde des sceaux, vous effectuez avec le ministre de l'intérieur un magnifique travail complémentaire dans ce combat incessant contre la criminalité. Malheureusement, vous ne disposez pas de bras supplémentaires, telles les divinités hindoues. (Sourires.) Je ne doute donc pas que vous apprécieriez d'être soulagé d'une partie de votre tâche en amont, c'est-à-dire au niveau européen. C'est ce qu'ont bien compris nos collègues René André et Jacques Floch, rapporteurs de la délégation pour l'Union européenne, qui nous ont soumis une excellente analyse préconisant la création d'un procureur pour l'Europe, laquelle est d'autant plus nécessaire que l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Etats membres s'approche à grand pas.
    Parler d'excellent rapport s'agissant de cette délégation frôle d'ailleurs la redondance tant, depuis l'adoption de l'article 88-4 de notre Constitution et la mise en application de la circulaire Balladur, ses travaux servent de référence, bien au-delà de nos frontières.
    Comme le prévoit notre règlement, la proposition de la délégation a été renvoyée, le 28 novembre dernier - la date a son importance - à la commission des lois. Cela me donne l'occasion de souligner que cette procédure présente beaucoup d'avantages et qu'il serait très peu productif de vouloir, comme certains le pensent, faire de la délégation une commission à part entière. La conjonction des travaux des deux instances donne en effet d'excellents résultats.
    En mettant l'accent sur la criminalité transnationale, notre collègue Guy Geoffroy nous invite, en quelque sorte - pour reprendre l'expression d'un ancien fonctionnaire de cette assemblée -, à une « extension du domaine de la lutte ». (Sourires.) Ses arguments m'ont paru très convaincants, d'autant que la commission des lois a fait remarquer que, en termes financiers, les sommes en jeu en matière de criminalité organisée transnationale sont largement supérieures à celles liées à la fraude aux intérêts communautaires.
    Quant aux autres formes de criminalité organisée - terrorisme, trafic de stupéfiants, prostitution organisée -, leur origine est de plus en plus transnationale et ne se réduit malheureusement pas à l'espace Schengen.
    Ce n'est, bien sûr, ni le lieu ni le moment de nous interroger sur la pertinence ou sur le contrôle des critères d'adhésion imposés aux pays candidats. Ce serait un combat d'arrière-garde. Néanmoins, nous ne pourrons faire l'économie d'un débat prochain sur ce sujet ; il semble, en effet, qu'on soit allé un peu vite en besogne.
    Pour ce qui concerne le débat d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'éventuelle création d'un procureur européen pour mieux lutter contre la criminalité, il apparaît, au travers des divers témoignages, que subsiste et risque de perdurer une large porosité des futures frontières extérieures de l'Union élargie. Subsiste aussi, et risque aussi de perdurer, une large incapacité des forces de sécurité et d'investigation de certains nouveaux membres à - comment dire cela diplomatiquement ? - maîtriser les divers réseaux criminels et autres mafias, installés confortablement chez eux depuis belle lurette. Certains ont même pénétré les organes d'Etat.
    La tâche d'un procureur européen ne sera pas de tout repos, mais cela ne nous empêche en aucune manière de décider et même d'accélérer la création d'un organe centralisé d'investigation et de répression. Bien au contraire.
    La question qui se pose immédiatement est celle du processus de cette création.
    J'ai cru discerner dans le rapport de la commission des lois et les discussions qui ont lieu à cet effet le choix, que je partage, d'un grand pragmatisme.
    Si j'ai relevé, tout à l'heure, la date de transmission à la commission des lois de la proposition de résolution de la délégation, c'est que, depuis, beaucoup d'événements se sont produits et qu'une grande incertitude règne désormais sur la volonté commune d'action, quel qu'en soit le domaine, de l'Europe élargie ou non.
    L'approche réaliste et pragmatique de la commission des lois m'apparaît d'une grande sagesse et procédant, si j'ose dire, du principe de précaution.
    M. Pascal Clément, président de la commission, et M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. Robert Pandraud. Dans les circonstances présentes, il ne me paraît pas opportun d'envisager la création d'un véritable procureur européen, indépendant et uniquement responsable devant le Parlement européen et la Cour de justice. Il ne serait qu'un procureur à l'américaine, avec tous les dérapages imaginables qu'on a constatés aux Etats-Unis, et dont le choix serait l'occasion d'une cauchemardesque foire d'empoigne.
    En revanche, la proposition de la commission des lois préconisant qu'un parquet européen soit développé à partir d'Eurojust, en conférant des pouvoirs de poursuite aux représentant nationaux des Etats membres qui composent cette instance, me paraît raisonnable et applicable immédiatement.
    Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire votera la résolution présentée par la commission des lois, et en félicite son président et son rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après la création officielle de la Cour pénale internationale, et bien qu'il s'agisse d'une démarche de moindre ampleur, je veux voir dans l'institution d'un procureur européen, telle que préconisée dans la version originale de la résolution, une volonté de s'inscrire dans le sens de l'histoire et d'asseoir, globalement et sans géométrie variable, des principes fondamentaux : la démocratie, la justice, la sécurité et le droit.
    Le procureur européen peut, en effet, être un nouveau moyen, bien que modeste, de renforcer la coopération judiciaire indispensable pour une meilleure protection des intérêts financiers de l'Union européenne, de l'argent public versé par les citoyens. Jusqu'à présent, en effet, l'Union ne disposait pas d'un instrument adéquat pour faire face au niveau requis, c'est-à-dire au niveau transfrontalier, à la fraude portant atteinte à ses intérêts financiers.
    Malgré la mise en place d'un réseau judiciaire européen d'entraide en matière pénale, les frontières demeurent un obstacle pour les magistrats, les procédures et les décisions de justice. Le défaut d'harmonisation et de coopération dans ce domaine a pour conséquence évidente de favoriser la criminalité financière et la fraude communautaire que nous n'avons cessé de dénoncer à chaque vote portant sur notre contribution financière au budget européen.
    Selon la Commission européenne, la fraude se montait, en 1998, à plus d'un milliard d'euros. Outre qu'elle remet en cause la défense légitime des intérêts des contribuables, cette situation porte atteinte non seulement à l'efficacité de l'action menée au niveau européen, mais également à la crédibilité même des institutions européennes.
    Ce fléau a des causes.
    Il est étroitement lié au manque de transparence et à l'opacité qui caractérisent le lourd système bureaucratique en vigueur à Bruxelles, irresponsable en son principe.
    Il a partie liée avec le fait qu'il a un caractère transnational et que la réglementation communautaire est d'une complexité extrême.
    Il se nourrit ou accompagne la création de systèmes criminels organisés, tandis que la fragmentation des compétences judiciaires en facilite le développement.
    Tout cela aboutit à une situation inacceptable : quand il s'agit de lutter contre les réseaux transnationaux de fraude ou de criminalité organisée, les dispositifs mis en place sont si archaïques qu'ils laissent aux activités frauduleuses ou criminelles des « trous » tels que ces réseaux bénéficient au final de l'impunité.
    La politique agricole commune, qui représente la moitié du budget européen, concentre à elle seule plus de la moitié des cas de fraudes.
    A cela s'ajoute aujourd'hui le flou, pour ne pas dire plus, entourant les sommes consacrées à l'élargissement et leur réelle affectation.
    En vérité, si la fraude communautaire atteint un haut niveau, c'est parce qu'elle s'inscrit dans la logique de la construction européenne actuelle, où s'enchevêtrent un système bureautique surabondant et un marché unique hyperdéréglementé. Il faut ajouter que certains Etats ou espaces situés en Europe constituent, au su et au vu de tous, des refuges financiers pour les fraudeurs en tout genre, depuis le simple particulier jusqu'aux réseaux mafieux. Tant que l'on ne s'attaquera pas à tout cela - et à tout cela à la fois - l'idée d'un « espace judiciaire et pénal » européen n'aura pas de consistance sérieuse, tangible et effective.
    Il faut en finir avec cette Europe des places financières et des établissements bancaires où le secret bancaire sert d'alibi ou de paravent à l'inaction, avec cette Europe des comptes à numéros et des lessiveuses à billets utilisés pour recycler l'argent de la fraude communautaire, de la corruption et des activités mafieuses. Il faut noter que les circuits occultes empruntés par les organisations criminelles ou terroristes se développent en même temps qu'explosent les échanges financiers internationaux. Il faut mettre un terme à cette Europe « espace de l'ombre », d'autant que l'élargissement peut accroître ces phénomènes.
    Il importe de s'attaquer à la racine du mal, ce qui pose la question du sens, des valeurs, du modèle que l'Europe doit porter et faire valoir, dans le monde que nous voulons multipolaire. Le seul renforcement de l'entraide judiciaire en vue d'améliorer l'efficacité de la lutte contre les agissements de la délinquance transnationale, notamment de la criminalité organisée, constituerait, sinon, une faible « réponse risposte ».
    Nous convenons donc qu'une collaboration plus étroite et plus directe entre les autorités judiciaires, avec notamment l'institution d'un procureur européen, est une condition nécessaire. Mais elle n'est pas suffisante. C'est, si j'ose dire, par les fins qu'il faut commencer et non par les seuls effets.
    Dans notre esprit, les modalités de travail du procureur européen doivent être largement inspirées par le principe de subsidiarité, et donc inclure l'harmonisation d'un minimum de dispositions du droit pénal, nécessaires pour permettre son action tout en laissant la fonction de jugement pénal aux juridictions nationales.
    Nos propos se rapportent aux intentions initialement déclarées dans le projet originel de résolution.
    Malheureusement, au lieu de se caler sur les besoins immédiats, la commission des lois s'est alignée, sans que le débat sur le sujet soit achevé, sur un projet a fortiori non ratifié qui a cours actuellement au sein de la Convention pour l'avenir de l'Europe. Et voici que les intentions initiales, claires et d'effet rapide, se diluent dans un processus si lent et fait de tant de compromis que le projet de procureur européen ne verra pas le jour nécessairement en ce lieu. Et, s'il voit le jour, le projet amendé par la commission des lois est tellement lent que, de toute façon, il repousse sa mise en place aux calendes grecques !
    D'ailleurs, en se calant de la sorte sur la Convention, il présuppose que le nouveau traité dit constitutionnel non seulement aboutira, mais encore sera ratifié en son entier, ce qui est loin d'être établi. De sorte que le projet initial, même s'il faisait référence à ces travaux, avait une portée plus efficace.
    Dans ces conditions, vous comprendrez que notre groupe s'abstienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier, au nom du groupe UDF, nos collègues André et Floch de s'être penchés sur la question de la création d'un procureur européen, à laquelle notre formation est très attachée. Il était grand temps que nous abordions cette question primordiale car, à la veille de l'élargissement, l'efficacité de l'Union européenne en matière de répression des fraudes constitue un enjeu majeur, mettant en cause la crédibilité même de nos institutions.
    Le renforcement de la protection pénale des intérêts financiers communautaires est un enjeu relativement ancien puisque sa première évocation date d'un projet de modification du traité des communautés européennes du 6 août 1976, il y a donc plus d'un quart de siècle. Mais depuis, la situation a bien changé. La criminalité transfrontalière s'est considérablement développée, et, face à celle-ci, des mesures de coopération ont été mises en place.
    En 1999, le montant total de la fraude aux intérêts financiers communautaires a été évalué par l'Office européen de lutte antifraude et par les Etats membres à 413 millions d'euros.
    Mais la nature de la criminalité a également évolué. L'ouverture des frontières a facilité, sinon l'éclosion, tout au moins le développement d'importants réseaux de criminalité transfrontaliers, liant étroitement fraude fiscale, trafic de stupéfiants, blanchiment, traite des êtres humains et proxénétisme, pour ne pas parler du terrorisme. L'Union européenne a essayé de répondre à ce phénomène en multipliant les tentatives de coopération. Malheureusement, soit qu'elles ne soient toujours pas ratifiées par l'ensemble des Etats membres, soit qu'elles restent controversées, tels Europol et l'OLAF, ces actions ne sont pas suffisamment efficaces. Il est un fait que les instruments de coopération mis en place jusqu'alors se bornent bien souvent à des logiques de coordination et d'échanges d'informations entre Etats membres et sont dépourvus de réelle capacité opérationnelle.
    C'est donc pour répondre à ce grave problème qui met en cause la crédibilité de l'Union que la Commission a proposé lors du traité de Nice la création d'un parquet européen, proposition qui a été rejetée par les chefs d'Etat. Cette attitude est pourtant en désaccord avec la position de la plupart des professionnels.
    Le morcellement des systèmes répressifs nationaux est dénoncé depuis plusieurs années par les praticiens, les magistrats, les policiers et les avocats eux-mêmes. Il semble que le moment soit enfin venu de doter l'Union européenne d'un appareil répressif efficace. Il ne faut pas que nous passions à côté de cette occasion.
    Si l'espace de criminalité est unique, il est logique de lui opposer une réponse institutionnelle à la même échelle. Cette mesure est donc un apport supplémentaire à l'unité de l'Europe.
    Comment peut-on, en effet, imaginer mener une instruction en jonglant avec dix-sept ordres judiciaires appliquant des règles de fond et de procédure différentes ? Qu'en sera-t-il encore après l'élargissement ? Si l'on désire mettre en place un outil efficace, il faut le faire maintenant. Il nous permettra, au demeurant de répondre aux divers problèmes judiciaires que ne manquera pas de poser l'élargissement.
    La création d'un parquet européen tombe d'ailleurs sous le sens. Alors que nous venons de voter, ainsi que le Sénat, une modification de notre constitution pour y intégrer un mandat d'arrêt européen, comment pourrions-nous nous opposer à la création d'un procureur ? Si nous acceptons de partager une de nos compétences régaliennes avec nos partenaires européens, il faut aller au bout de notre logique et donner aux organismes de coopération les moyens de mener à bien leur action. Les institutions des différents pays ont d'ailleurs déjà pris conscience de ces nouveaux enjeux. L'Allemagne est maintenant, comme la délégation pour l'Union européenne, favorable à la création d'un procureur européen par modification progressive d'Eurojust. Les Pays-Bas s'intéressent eux aussi de plus en plus à cette question et sont prêts à entamer des débats.
    Il est d'ailleurs flagrant que, lorsque ce parquet européen aura été mis en place, ses compétences auront vocation à être élargies au grand banditisme transfrontalier, au trafic de stupéfiants, au blanchiment, à la traite des êtres humains, au proxénétisme et même au terrorisme, qui sont autant de menaces nécessitant l'intervention d'un organe de lutte unique, ayant le pouvoir de poursuivre et d'instruire sur l'ensemble du territoire de l'Union. Il va de soi que tout cela pose également, à terme, la question du nécessaire rapprochement, voire de l'unification des législations et procédures nationales.
    Ce sera sans doute, mes chers collègues, une autre étape.
    Pour l'instant, le groupe UDF et moi-même nous prononçons donc sans équivoque pour l'adoption de cette proposition. Nous engageons le Gouvernement à faciliter autant que possible la collaboration entre les services français et ceux des différents Etats membres, poursuivant ainsi les efforts engagés avec ces derniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Philip.
    M. Christian Philip. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'actualité internationale conduit malheureusement bien souvent nos concitoyens à douter de l'Europe, de son utilité, de sa capacité à exister. C'est pourquoi la création d'un procureur européen apparaissait une occasion de montrer concrètement ce que peut apporter l'Europe. Serait-ce, comme vous nous l'avez dit, monsieur le garde des sceaux, telle qu'elle est proposée, une fausse bonne idée ?
    Tout le monde sait - et cela vient d'être rappelé - que la criminalité organisée est largement à l'origine de l'insécurité vécue au quotidien par nos concitoyens. Tout le monde sait aussi que les auteurs de ces délits profitent de la pluralité des organes policiers et judiciaires de nos différents pays, même si la collaboration entre ces derniers ne cesse de se développer. Même s'il est sans doute excessif de l'exprimer ainsi, ce que ressentent nombre d'Européens, c'est que la libre circulation profite aux criminels mais reste un obstacle aux policiers et aux magistrats qui les combattent.
    Les enquêtes concernant des réseaux transnationaux sont trop souvent difficiles, faute d'une centralisation suffisante des poursuites, les preuves recueillies n'étant pas toujours recevables dans un autre pays. Ces difficultés seront accrues par l'élargissement.
    Voilà pourquoi l'espace judiciaire européen, proposé dès 1977 par Valéry Giscard d'Estaing, est nécessaire. L'Europe a besoin de visibilité et de crédibilité. Une entité est nécessaire pour donner corps à cette notion, d'où l'idée de la création d'un ou de plusieurs procureurs proposée aujourd'hui.
    Je comprends la démarche progressive que l'on nous propose - elle relève d'ailleurs de l'histoire de la Communauté européeenne : nous avons toujours avancé de cette manière -, consistant à démarrer, au sein d'Eurojust, la constitution d'un réseau de procureurs européens.
    Encore faut-il qu'elle se traduise dans la réalité. Pouvons-nous être assurés que cette première étape sera réellement franchie ? Rappelons que, sur les quatorze conventions relatives à la construction de l'Europe judiciaire déjà adoptées, deux seulement sont entrées en vigueur. Les autres sont restées lettre morte, faute de ratification.
    C'est pourquoi il faut nous fixer des objectifs clairs et des calendriers.
    Je souhaite, monsieur le garde des sceaux, que nous soyons volontaristes et que nous proposions à nos partenaires un calendrier contraignant. J'évoquais tout à l'heure la méthode communautaire. Or si celle-ci a porté ses fruits, c'est précisément parce qu'elle a fixé des calendriers, notamment pour la réalisation du marché intérieur ou pour la création de l'euro. Pourquoi ne le ferait-on pas dans ce domaine ? Je souhaiterais donc obtenir des précisions sur le calendrier envisagé.
    On nous fait également remarquer que, dans la mesure où il a été possible de créer cette fonction au sein de la Cour pénale internationale comme au sein de tribunaux créés pour juger les crimes contre l'humanité, il peut sembler paradoxal que l'on ne parvienne pas à doter l'Union d'un procureur européen.
    Eurojust et le parquet européen peuvent certes être considérés comme une première étape, mais il faut, me semble-t-il, dire clairement et dès aujourd'hui comment faire pour que ce réseau trouve une réalité, une crédibilité, une efficacité. Si nous en restons à la décision de principe, sans moyens ni calendrier, nous n'avancerons pas. Il est temps que l'espace judiciaire européen devienne une réalité, que l'Europe se dote d'instruments à sa mesure. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, il y va de la crédibilité de l'Union aux yeux de nos concitoyens. Alors, veut-on et peut-on vraiment aboutir ?
    Au-delà de cette première étape, il faudra bien qu'un jour ou l'autre, au sein de ce collège - et c'est le mérite du débat d'aujourd'hui que de poser la question -, apparaisse une fonction qui ressemble à ce procureur européen. Quoi qu'il en soit, ce serait une occasion perdue si nous ne donnions pas dès maintenant ce signal attendu par bon nombre de nos concitoyens, sur l'efficacité de l'Europe et si nous nous contentions de créer un réseau sans véritables moyens et sans inscrire son action dans un calendrier précis.
    M. le président. La discussion générale est close.
    J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - L'Assemblée nationale,
    « Vu le Livre vert de la Commission européenne sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen [ COM (2001) 715 final/document E 1912 ],
    « Considérant que le développement des formes graves de criminalité transnationale, telles que le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la traite des êtres humains portent autant atteinte à la crédibilité de l'Union européenne que la fraude aux intérêts communautaires ;
    « Considérant que l'intégration prochaine de dix nouveaux Etats membres dans l'Union européenne rend urgents un renforcement de coopération policière et judiciaire entre les membres de l'Union et l'élaboration d'une réponse pénale adaptée à la criminalité transnationale ;
    « Considérant que l'instauration d'un parquet européen doté de pouvoirs de déclenchement des poursuites, de direction de celles-ci et d'évocation des affaires constitue une réponse pertinente à la montée de cette criminalité ;
    « Considérant que ce parquet européen doit, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité, être mis en place à partir d'une structure existante, Eurojust, afin notamment de tenir compte de l'expérience acquise au sein de cette structure et d'éviter des difficultés de coordination que pourrait susciter la création d'un nouvel organisme ;
    « 1. Demande que le projet traité constitutionnel qui sera adopté par la Convention sur l'avenir de l'Europe en vue de la prochaine conférence intergouvernementale prévoit la création d'un parquet européen, à partir de la transformation par étapes d'Eurojust ;
    « 2. Recommande que cette transformation par étapes d'Eurojust soit décidée par le Conseil à la majorité qualifiée, cette procédure étant la seule à même de garantir la mise en place effective d'un parquet européen ;
    « 3. Considère que les compétences de ce parquet européen devraient être strictement définies et limitées aux faits graves de criminalité transnationale, conformément au principe de subsidiarité ;
    « 4. Souhaite que les priorités d'action publique au niveau communautaire soient dès à présent définies par le conseil des ministres de l'Union européenne, afin de donner des orientations à l'action d'Europol et d'Eurojust ;
    « 5. Considère que le renforcement de la lutte contre la criminalité transnationale nécessite également la pleine application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, le rapprochement des règles en matière de preuve, ainsi qu'une harmonisation des incriminations. »
    Monsieur Floch, vous avez déposé une série d'amendements. Dois-je les appeler nécessairement ou préférez-vous les présenter globalement dès maintenant ?
    M. Jacques Floch. Je veux les défendre immédiatement, monsieur le président. M. le garde des sceaux va avoir une rude journée et je ne voudrais abuser de sa patience. (Sourires.)
    Cette série d'amendements, n°s 4 à 15, a pour but de rétablir le texte tel qu'il a été écrit et adopté par la délégation pour l'Union européenne. Chacun d'eux pose de ce fait la même question et appelle la même réponse. Je me permets, monsieur le président, de vous demander de les mettre ensuite successivement aux voix, sans qu'il y ait besoin de reprendre la discussion.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur tous ces amendements ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ainsi que vient de le dire M. Floch, ces amendements visent, paragraphe par paragraphe, à revenir au texte initial, tel qu'adopté par la délégation. Engager un débat sur chacun d'eux reviendrait à refaire la discussion générale... Je ne me livrerai donc pas à cet exercice. Cela dit, puisque c'est finalement de la méthode et du choix proposé par la commission qu'il est question, je voudrais répondre aux propos tenus sur Eurojust.
    Plusieurs de nos collègues estiment que le calendrier d'Eurojust, en l'état actuel des choses et tel qu'il sera demain, à mesure qu'Eurojust évoluera vers le parquet européen, est aléatoire. La commission en a tout à fait conscience. Nous ne pouvons que partager la position récemment exprimée par notre ministre des affaires étrangères lorsqu'il a proposé, quelle que soit l'issue de ce dossier, une date butoir. C'est en effet indispensable. La proposition que nous faisons aujourd'hui est certainement la plus réaliste et la plus pragmatique, mais elle n'aurait aucune efficacité si elle ne s'appuyait pas sur une date butoir. A cet égard, je rejoins les propos tenus par divers orateurs. Cela dit, pour les raisons qui tiennent au débat lui-même et que nous n'allons pas reprendre, je propose à l'Assemblée de rejeter l'ensemble des amendements au moment où ils seront successivement présentés, puis mis aux voix.
    M. Gérard Leonard. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission. Ainsi qu'on l'a expliqué tout à l'heure, le texte qu'elle propose est en parfaite cohérence avec les positions qu'a prises le Gouvernement. Je ne souhaite donc pas que l'on en revienne à la rédaction de la délégation.
    Permettez-moi toutefois de m'attarder sur deux points.
    Vous avez, monsieur Philip, évoqué la notion de « délai raisonnable ». Vous avez raison de rappeler qu'il faut une date butoir, comme l'a d'ailleurs dit notre ministre des affaires étrangères. Nous n'en sommes pour l'instant qu'au stade de la réflexion et mes propos ne peuvent être considérés comme un engagement au sens strict, mais il me semble qu'une durée de cinq ans pour la phase transitoire serait de l'ordre du raisonnable. Nous pourrions ainsi évaluer le fonctionnement d'Eurojust, son nouveau rôle, et peut-être même parvenir à l'objectif que vous fixez - pour peu, évidemment, que la Convention aboutisse à un accord là-dessus.
    Mais, au-delà de la question particulière du procureur, je voudrais profiter de l'occasion pour exposer à l'Assemblée nationale les quatre points sur lesquels, pour ma part, en tant que ministre de la justice, j'ai insisté auprès du président de la Convention, M. Giscard d'Estaing.
    Le premier, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure sur cette idée d'un collège constituant le parquet européen. Je n'y reviens pas.
    Le deuxième, à mes yeux très important, c'est l'organisation du conseil législatif. Le conseil des ministres sera en principe - c'est en tout cas ce qui est envisagé - un conseil commun pour l'ensemble des affaires. Or il me paraît très important de préserver, dans cette organisation du conseil législatif, une spécificité pour les affaires juridiques, en particulier les affaires pénales. Il ne s'agit pas du tout de défendre le rôle particulier des ministres de la justice, mais d'éviter une prolifération juridique incontrôlée, notamment pour ce qui touche aux règles pénales. Nous connaissons déjà ce risque au niveau national : il est arrivé que des administrations produisent des règles pénales alors que ce n'était pas leur spécialité. Nous devrons veiller à éviter qu'il en devienne ainsi sur le plan européen.
    Le troisième point, c'est évidement le débat sur la règle de majorité. Nous avons déjà exprimé, ici comme ailleurs, nos souhaits en la matière. Reste que, durant le tour de table que nous avons organisé voilà quelques semaines à l'occasion d'un conseil informel des ministres de la justice, j'ai été pour ma part extrêmement surpris de m'apercevoir qu'en dehors de l'Allemagne et de la France, il n'y avait pas beaucoup de pays convaincus de l'intérêt de passer à la majorité qualifiée. C'était du reste très impressionnant : non seulement la Grande-Bretagne - on pouvait s'y attendre - a expliqué qu'elle ne souhaitait pas passer à la majorité qualifiée, mais la plupart des petits Etats ont fait de même. Autant dire que cette situation justifie à l'évidence une approche pragmatique et progressive dans le mesure où elle est politiquement beaucoup plus complexe qu'on l'imagine.
    J'espère que cette affaire progressera d'ici à l'aboutissement des travaux de la Convention, car ma conviction profonde, et l'expérience de cette année où j'ai vécu plusieurs conseils des ministres de la justice n'a fait que la conforter, est que si, à vingt-cinq pays, nous ne passons pas à la majorité qualifiée, l'Europe de la justice s'arrêtera. C'est absolumment évident : il y aura toujours un Etat qui refusera de faire un pas supplémentaire. C'est vraiment là un débat central, sur lequel je voulais insister.
    Le quatrième point, lui aussi intéressant bien que je n'aie pour l'instant aucune solution à proposer, c'est la problématique liée à l'existence de deux cours de justice, celle de Luxembourg et celle de Strasbourg. Pour les juridictions françaises, pour les magistrats, pour les justiciables comme pour les avocats, le système en devient terriblement complexe. Je ne crois pas que la convention soit l'occasion de résoudre cette dualité, mais ce sujet est sans nul doute appelé à revenir ultérieurement dans la réflexion du droit. On ne peut songer à le régler en quelques semaines ni même en quelques mois ; reste que c'est là une réelle difficulté, et j'y ai insisté auprès du président de la Convention lorsque je l'ai rencontré voilà quelques jours.
    Tels sont les quatre sujets, à mes yeux extrêmement importants, sur lesquels cette discussion m'aura donné l'occasion de vous faire part des positions du Gouvernement, (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vais maintenant appeler et successivement mettre aux voix les amendements n°s 4 à 15, présentés par M. Floch.
    L'amendement n° 4 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'article unique :
    « Considérant qu'il est nécessaire, dans une communauté de droit, que le développement de l'activité policière de l'Office de lutte anti-fraude (OLAF) et d'Europol s'accompagne d'un contrôle juridictionnel efficace, afin d'assurer la protection des droits individuels ; »
    Je rappelle que sur cet amendement, comme sur les suivants, la Commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 5 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le quatrième alinéa de l'article unique :
    « Considérant que le corollaire indispensable de la constitution d'un espace de liberté est la création d'un espace de sécurité et de justice, dont le procureur européen doit être la pièce centrale ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 6 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le cinquième alinéa de l'article unique :
    « Considérant que le développement de la criminalité contre l'Europe, tels que la fraude aux intérêts financiers communautaires, la contrefaçon de l'euro ou des marques et des brevets communautaires, et les abus commis par les agents de la fonction publique communautaire, constitue un défi pour l'Union européenne, qui porte gravement atteinte à sa crédibilité aux yeux des citoyens européens ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 7 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le sixième alinéa de l'article unique :
    « Considérant que les insuffisances de la coopération judiciaire et la diversité des droits nationaux et des règles de preuve diminuent sensiblement l'efficacité de la lutte contre cette criminalité organisée ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 8 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le septième alinéa (1.) de l'article unique :
    « Considérant que la création d'un procureur européen, chargé d'instruire à charge et à décharge, de centraliser les enquêtes et les poursuites judiciaires et de déclencher l'action publique devant les tribunaux nationaux, constitue la seule réponse pertinente face à ce morcellement de l'espace pénal européen ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 9 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le huitième alinéa (2.) de l'article unique :
    « Considérant que la perspective de l'élargissement rend cette création urgente, parce que la coopération judiciaire sera plus difficile dans une Europe élargie et qu'un tel saut qualitatif deviendra quasiment impossible lorsque l'Union comptera vingt-cinq Etats membres ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 10 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le neuvième alinéa (3.) de l'article unique :
    « 1. Souhaite que le projet de traité constitutionnel adopté par la convention sur l'avenir de l'Europe en vue de la prochaine conférence intergouvernementale prévoie la création d'un procureur européen ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 11 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dixième alinéa (4.) de l'article unique :
    « 2. Recommande que la compétence de ce procureur européen, limitée dans un premier temps à la criminalité contre l'Europe, puisse être étendue par le Conseil ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 12 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le onzième alinéa (5.) de l'article unique :
    « 3. Souligne que le statut du procureur européen devra garantir son indépendance et sa responsabilité, aussi bien politique, devant le Parlement européen et les parlements nationaux, que disciplinaire, devant la Cour de justice ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 13 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :
    « 4. Estime que la création de ce procureur européen devrait s'accompagner de la création d'une chambre préliminaire, au sein de la Cour de justice, chargée de contrôler la phase préparatoire du procès et de la décision de renvoi en jugement ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 14 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :
    « 5. Considère que cette création devrait également s'accompagner d'une harmonisation de certaines règles en matière de preuves, fondée sur une liste ouverte des modes de preuve que les Etats membres reconnaîtraient comme communément admissibles devant leurs juridictions ; »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 15 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :
    « 6. Recommande que le procureur européen soit membre de droit du collège d'Eurojust, afin que cette institution s'inscrive pleinement dans la construction de l'espace de liberté, de sécurité et de justice que les citoyens européens appellent de leurs voeux. »
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.
    (L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

ADAPTATION DE LA JUSTICE
AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n°s 784, 856).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 4 à l'article 1er.

Article 1er (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'article 1er : « Art. 1er. - Après l'article 706-72 du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXV ainsi rédigé :

« TITRE XXV

« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE
À LA DÉLINQUANCE
ET À LA CRIMINALITÉ ORGANISÉES

    « Art. 706-73. - La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :
    « 1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévue par le 7° de l'article 221-4 du code pénal ;
    « 2° Crime de tortures et actes de barbarie commis en bande organisée prévu par le 11° de l'article 222-3 du code pénal ;
    « 3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-42 du code pénal ;
    « 4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestrations prévus par les articles 224-1 à 224-5 du code pénal ;
    « 5° Crimes et délits aggravés de traites des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;
    « 6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;
    « 7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ;
    « 8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;
    « 9° Actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal ;
    « 10° Délits en matière d'armes commis en bande organisée prévus par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871, les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives, l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point d'armes biologiques ;
    « 11° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 10° ;
    « Pour les infractions visées au 3°, 6° et 9° ci-dessus, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII.
    « Art. 706-74. - Lorsque la loi le prévoit, les dispositions du présent titre sont également applicables :
    1° Aux crimes et délits commis en bande organisée, autres que ceux relevant de l'article 706-73 ;
    « 2° Aux délits d'association de malfaiteurs prévus par le deuxième alinéa de l'article 450-1 du code pénal autres que ceux relevant du 11° de l'article 706-73.

« Chapitre Ier

« Compétence des juridictions spécialisées

    « Art. 706-75. - La compétence territoriale d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité.
    « Cette compétence s'étend aux infractions connexes.
    « Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.
    « Art. 706-76. - Le procureur de la République, le juge d'instruction, la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance et la cour d'assises visés à l'article 706-75 exercent, sur toute l'étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382, 663 (deuxième alinéa) et 706-42.
    « La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent en application de l'article 522.
    « Art. 706-77. - Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux visés à l'article 706-75 peut, pour les infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9°, et 706-74, requérir le juge d'instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction compétente en application de l'article 706-75. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations. L'ordonnance est rendue huit jours au plus tôt après cet avis.
    « Lorsque le juge d'instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu'à compter du délai de cinq jours prévu par l'article 706-78 ; lorsqu'un recours est exercé en application de cet article, le juge d'instruction demeure saisi jusqu'à ce que soit porté à sa connaissance l'arrêt de la chambre de l'instruction passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
    « Dès que l'ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent en application de l'article 706-76.
    « Les dispositions du présent article sont applicables devant la chambre de l'instruction.
    « Art. 706-78. - L'ordonnance rendue en application de l'article 706-77 peut, à l'exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, soit à la chambre de l'instruction si la juridiction devant laquelle le déssaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la même cour d'appel, soit, dans le cas contraire, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre de l'instruction ou la chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d'instruction chargé de poursuivre l'information.
    « L'arrêt de la chambre de l'instruction ou de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d'instruction ainsi qu'au ministère public et notifié aux parties.
    « Les dispositions du présent article sont applicables à l'arrêt de la chambre de l'instruction rendu sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 706-77, le recours étant alors porté devant la chambre criminelle.
    « Art. 706-79. - Les magistrats mentionnés à l'article 706-76 ainsi que le procureur général près la cours d'appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 706, de participer, selon les modalités prévues par cet article, aux procédures concernant les crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74.

Chapitre II
Procédure

Section 1
De la surveillance

    « Art. 706-80. - Les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74 ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre.
    « L'information préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa doit être donnée, par tout moyen, au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou, le cas échéant, au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76.

« Section 2

« De l'infiltration

    « Art. 706-81.- Lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 le justifient, le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d'instruction saisi peuvent autoriser, à titre exceptionnel, qu'il soit procédé, sous leur contrôle respectif, à une opération d'infiltration dans les conditions prévues par la présente section.
    « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leur coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions.
    «L'infiltration fait l'objet d'un rapport rédigé par l'officier de police judiciaire ayant coordonné l'opération.
    « Art. 706-82.- Les officiers ou agents de police judiciaire autorisés à procéder à une opération d'infiltration peuvent, sur l'ensemble du territoire national, sans être pénalement responsables de ces actes :
    « 1° Acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à la commission de ces infractions ;
    « 2° Utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.
    « L'exonération de responsabilité prévue au premier alinéa est également applicable aux personnes requises par ces officiers ou agents de police judiciaire pour leur permettre de procéder à l'opération d'infiltration.
    « Art. 706-83. - A peine de nullité, l'autorisation donnée en application de l'article 706-81 est délivrée par écrit et doit être spécialement motivée.
    « Elle mentionne la ou les infractions qui justifient le recours à cette procédure, l'identité de l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération ainsi que l'identité d'emprunt de l'agent ou des agents qui effectuent l'infiltration.
    « Cette autorisation fixe la durée de l'opération d'infiltration, qui ne peut pas excéder quatre mois. L'opération peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Le magistrat qui a autorisé l'opération peut, à tout moment, ordonner son interruption avant l'expiration de la durée fixée.
    « L'autorisation est versée au dossier de la procédure après achèvement de l'opération d'infiltration.
    « Art. 706-84. - L'identité réelle des officiers ou agents de police judiciaire ayant effectué l'infiltration sous une identité d'emprunt ne doit apparaître à aucun stade de la procédure.
    « La révélation de l'identité de ces officiers ou agents de police judiciaire est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende.
    « Lorsque cette révélation a causé, même indirectement, la mort de ces personnes, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 EUR d'amende, sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
    « Art. 706-85. - En cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'issue du délai fixé par la décision autorisant l'infiltration et en l'absence de prolongation, l'agent infiltré peut poursuivre les activités mentionnées à l'article 706-82, sans en être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité.
    « Art. 706-86. - L'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération d'infiltration peut seul être entendu en qualité de témoin sur l'opération.
    « Toutefois, s'il ressort du rapport mentionné au troisième alinéa de l'article 706-81 que la personne mise en examen ou comparaissant devant la juridiction de jugement est directement mise en cause par des constatations effectuées par un agent ayant personnellement réalisé les opérations d'infiltration, cette personne peut demander à être confrontée avec cet agent dans les conditions prévues par l'article 706-61.
    « Art. 706-87 - Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par les officiers ou agents de police judiciaire ayant procédé à une opération d'infiltration.

« Section 3

« De la garde à vue

    « Art. 706-88 - Pour l'application des articles 63, 77 et 154, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.
    « Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction saisi.
    « La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation prévue par le présent article peut toutefois, à titre exceptionnel, être accordée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.
    « Dans le cas où la prolongation est décidée, un examen médical est de droit. Le procureur de la République ou le juge d'instruction est compétent pour désigner le médecin chargé de cet examen.
    « La personne dont la garde à vue est prolongée en application des dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l'article 63-4, à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure.
    « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-16 ou 706-26, dont le régime de garde à vue est prévu respectivement aux articles 706-23 et 706-29.

« Section 4

« Des perquisitions

    « Art. 706-89. - Si les nécessités de l'enquête de flagrance relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser, selon les modalités prévues par l'article 706-92, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l'article 59.
    « Art. 706-90. - Si les nécessités de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détension du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser, selon les modalités prévues par l'article 706-92, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient faites, par dérogation aux dispositions de l'article 76, sans l'assentiment de la personne chez laquelle elles ont lieu.
    « Lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation, le juge des libertés et de la détention peut, dans les même conditions, autoriser leur réalisation en dehors des heures prévues à l'article 59.
    « Art. 706-91. - Si les nécessités de l'instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, selon les modalités prévues par l'article 706-92, autoriser les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction en dehors des heures prévues par l'article 59, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation.
    « En cas d'urgence, le juge d'instruction peut autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à ces opérations dans des locaux d'habitation lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ou lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels.
    « Art. 706-92. - A peine de nullité, les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence aux éléments de fait justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
    « Dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 706-91, l'ordonnance comporte également l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux seules conditions prévues par cet alinéa.
    « Art. 706-93. - Les opérations prévues aux articles 706-89 à 706-91 ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction.
    « Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ne constitue pas, à lui seul, une cause de nullité des procédures incidentes.
    « Art. 706-94. - Les dispositions des articles 706-89 à 706-93 ne sont pas applicables aux infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-16 ou 706-26, dont le régime des perquisitions est prévu respectivement aux articles 706-24 et 706-24-1 et à l'article 706-28.
    « Art. 706-95. - Lorsqu'au cours d'une enquête de flagrance ou d'une instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, la personne au domicile de laquelle est faite une perquisition est en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité en raison des risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins requis dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 57.
    « Les dispositions du présent article sont également applicables aux enquêtes préliminaires, lorsque la perquisition est faite sans l'assentiment de la personne dans les conditions prévues à l'article 706-90. L'accord est alors donné par le juge des libertés et de la détention.

« Section 5

« Des interceptions de correspondances émises
par la voie des télécommunications

    « Art. 706-96 - Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, 100-1 et 100-3 à 100-7, pour une durée maximum de quinze jours, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
    « Pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat.
    « Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l'alinéa précédent.

« Section 6

« De l'utilisation de moyens de communication audiovisuelle
en cas de prolongation de la détention provisoire

    « Art. 706-97. - Pour la prolongation d'une détention provisoire d'une personne mise en examen pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74, le juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement peuvent, par décision spécialement motivée, si la comparution personnelle de l'intéressé devant la juridiction doit être évitée en raison des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion, décider qu'il sera fait application, pour la tenue du débat contradictoire ou de l'audience, d'un moyen de communication audiovisuelle selon les modalités prévues à l'article 706-71.
    « Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables sous les mêmes conditions aux demandes de mise en liberté examinées par la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement. »

« Section 7

« Des mesures conservatoires

    « Art. 706-98. - En cas d'information ouverte pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l'exécution de la confiscation, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par les articles 67 à 79 de la loi n° 91-150 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.
    « La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
    « La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
    « Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national.

« Section 8

« Dispositions communes

    « Art. 706-99 - Le fait qu'à l'issue de l'enquête ou de l'information ou devant la juridiction de jugement la circonstance aggravante de bande organisée ne soit pas retenue ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement accomplis en application des dispositions du présent titre alors que cette circonstance paraissait caractérisée.
    « Art. 706-100.- Lorsqu'au cours de l'enquête il a été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, le procureur de la République, interrogé en application des dispositions des articles 77-2 et 77-3 par une personne ayant été placée en garde à vue six mois auparavant doit, lorsqu'il est décidé de poursuivre l'enquête préliminaire et dans les deux mois suivant la réception de la demande, informer le demandeur de la décision.
    « Dans ce cas, la personne ayant été gardée à vue peut demander qu'un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier puisse consulter le dossier de la procédure. Le dossier est alors mis à la disposition de l'avocat par le procureur de la République au plus tard dans un délai de quinze jours à compter de la demande et avant, le cas échéant, toute nouvelle audition de la personne au cours de l'enquête préliminaire.
    « Art. 706-101. - Lorsqu'au cours de l'enquête il a été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, la personne qui est déférée devant le procureur de la République en application des dispositions de l'article 393 a droit à la désignation d'un avocat. Celui-ci peut consulter sur le champ le dossier et communiquer librement avec elle, conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 393. La personne comparaît alors en présence de son avocat devant le procureur de la République qui, après avoir entendu ses déclarations et les observations de son avocat, soit procède comme il est dit aux articles 394 à 396, soit requiert l'ouverture d'une information.
    « Si le procureur de la République saisit le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 397-1 permettant au prévenu de demander le renvoi de l'affaire à une audience qui devra avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois sans être supérieur à quatre mois sont applicables, quel que soit le montant de la peine encourue. »

ARTICLE 706-73
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE (suite)

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 4, 270 et 393.
    L'amendement n° 4 est présenté par M. Grand ; l'amendement n° 270 est présenté par M. Mallié et M. Gilles ; l'amendement n° 393 est présenté par MM. Estrosi, Fenech, Cova et Poulou.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 12° Recel commis en bande organisée prévu par les articles 321-1 à 321-5. »
    Monsieur Grand défend-il son amendement ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
    M. le président. Qu'en est-il de l'amendement n° 270 ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est également défendu.
    M. le président. Qu'en est-il de l'amendement n° 393, monsieur Fenech ?
    M. Georges Fenech. Il est défendu.
    M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable sur les trois amendements parce qu'ils sont satisfaits par un amendement qu'elle a adopté.
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements n°s 4, 270 et 393.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 12, 271 et 394.
    L'amendement n° 12 est présenté par M. Grand ; l'amendement n° 271 est présenté par MM. Mallié et Gilles ; l'amendement n° 394 est présenté par MM. Estrosi, Cova et Poulou.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 12° Blanchiment commis en bande organisée prévu par l'article 324-1. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement est défendu, et comme il est satisfait, l'avis de la commission est défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 12, 271 et 394.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 5, 272 et 392.
    L'amendement n° 5 est présenté par M. Grand ; l'amendement n° 272 est présenté par M. Mallié et M. Gilles ; l'amendement n° 392 est présenté par MM. Estrosi, Fenech, Luca, Cova et Poulou.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « « Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « « 12° Escroquerie commise en bande organisée prévue par les articles 313-1 à 313-3. »
    Ces trois amendements sont défendus.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Même argument qu'hier soir : dans le schéma équilibré que nous propose le Gouvernement, nous ne retenons que des infractions qui sont poursuivies de dix années d'emprisonnement. Il s'agit dans ces amendements d'infractions qui ne font encourir que cinq années. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 5, 272 et 392.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. d'Aubert a présenté un amendement, n° 612, ainsi rédigé :
    « Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 12° Délits de corruption commis antérieurement ou postérieurement dans le cadre ou à la suite des infractions visées aux 1° à 11°. »
    La parole est à M. François d'Aubert.
    M. François d'Aubert. Cet amendement vise à mieux cerner le fonctionnement de la criminalité organisée et des phénomènes mafieux. Dans d'autres pays - sans doute pas chez nous ! - où existe une réalité mafieuse, celle-ci repose sur une sorte de trépied : gangsters, décideurs politiques et administratifs et souvent - c'est le cas en Italie - entreprises de travaux publics. C'est ce qui donne en partie sa spécificité au problème des réseaux mafieux.
    Si l'on ne tient pas compte du fait que, derrière les pressions mafieuses, il y a corruption, ou tentative de corruption, je crains que l'on ne passe à côté d'une partie essentielle du phénomène mafieux. C'est pourquoi je propose que les délits de corruption qui sont commis en liaison avec les autres délits ou crimes inscrits dans la loi puissent figurer aussi dans cet article 1er.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je comprend bien l'argumentation de M. d'Aubert, qui est très pertinente, mais la commission émet un avis défavorable sur le montage proposé. En effet, ajouter un 12° concernant les « délits de corruption commis antérieurement ou postérieurement dans le cadre ou à la suite des infractions visées » n'ajoute rien au champ de la criminalité organisée puisqu'il faut déjà qu'une des onze autres infractions soit commise pour ouvrir le cas du 12°. Cela n'aurait donc aucun impact sur la rédaction de cet article. Donc, je le répète, avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Pour la même raison que le rapporteur, j'émets un avis défavorable. Si cet amendement était adopté, nous aboutirions à un système trop flou, trop incertain. La rédaction qui vous est proposée permet, s'il y a connexion de délits, de raccrocher celui de corruption aux procédures spécifiques que nous prévoyons.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 612.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Vignoble et M. Salles ont présenté un amendement, n° 348, ainsi rédigé :
    « Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 12° Délits relatifs aux jeux de hasard prévus par l'article 2 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard. »
    La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Il s'agit d'introduire les infractions relatives aux jeux de hasard dans la liste des infractions relevant de la criminalité organisée de l'article 1er, afin qu'elles soient soumises à la procédure particulière prévue par le projet de loi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable mais elle a entendu l'argumentation de M. Salles. Si elle a repoussé son amendement, c'est parce que les infractions relatives aux jeux ne sont aujourd'hui punis que de deux ans et que dans l'article 706-73 du code de procédure pénale la règle est de dix années.
    En revanche, la commission vous donnera satisfaction, monsieur Salles, en proposant, dans un de ses amendements, de créer la circonstance de bande organisée pour les délits relatifs aux jeux.
    Donc, en l'état, avis défavorable sur l'amendement n° 348.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Salles ?
    M. Rudy Salles. Compte tenu des explications du rapporteur, je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 348 est retiré.

ARTICLE 706-74 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. L'amendement n° 640 de M. Mamère n'est pas défendu.
    MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 371, ainsi rédigé :
    « Dans le 1° du texte proposé pour l'article 706-74 du code de procédure pénale, après les mots : "en bande organisée, insérer les mots : ", au sens de l'article 132-71 du code pénal,. »
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. C'est un amendement de cohérence.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable... par cohérence. (Sourires.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 371.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 706-75 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 606 et 641.
    L'amendement n° 606 est présenté par MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 641 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-75 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 606.
    M. Michel Vaxès. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n°s 607, 608, 609 et 610, puisqu'ils portent sur le même objet.
    L'amendement n° 606 tend à supprimer les nouvelles juridictions spécialisées créées par l'article 1er du projet de loi.
    La création et la multiplication de juridictions spécialisées en fonction des différents types de contentieux, et mis en oeuvre selon un système de compétences concurrentes ne peuvent que laisser planer la plus grande incertitude juridique. La grande criminalité a, dans la très grande majorité des cas, de réelles implications financières. C'est pourquoi, dans un souci de simplification, nous proposons que l'ensemble des infractions visées à l'article 1er du projet de loi soient traitées par les actuels pôles économiques et financiers, qui ont au moins le mérite d'exister. Cela permettrait d'éviter les difficultés de saisine et les compétences concurrentes, qui seront inévitables dans le nouveau cadre que vous dessinez.
    Pour accroître l'efficacité, il faut renforcer ces pôles économiques et financiers et non multiplier les juridictions d'exception. Il conviendrait par conséquent de leur fournir les moyens humains et matériels nécessaires pour bien fonctionner dans ces domaines particulièrement techniques.
    Pour ce qui concerne les infractions qui n'auraient pas d'incidence financière directe, nous proposons qu'elles relèvent des juridictions de droit commun, à l'exception, bien entendu, des infractions terroristes. Tel est le sens de notre amendement.
    M. le président. L'amendement n° 641 de M. Mamère n'est pas défendu.
    Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 606 ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit là d'un amendement qui remet en cause une disposition fondamentale du texte, celle qui prévoit la mise en place en France de juridictions spécialisées qui auront les moyens, la compétence et les pouvoirs juridiques de remonter les réseaux de criminalité organisée. Donc, évidemment, avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.
    Je voudrais insister sur ce qu'est l'esprit du texte s'agissant de la création de ces juridictions spécialisées. C'est une nécessité technique : nous ne pouvons pas lutter efficacement contre les entreprises criminelles si nous ne disposons pas de ce que j'ai appelé hier des plateaux techniques, c'est-à-dire ces juridictions, qui seront nécessairement en petit nombre car nous ne pourrons pas disposer, comme c'est le cas aujourd'hui de 181 TGI compétents sur ces affaires. Nous n'aurons jamais suffisamment de parquetiers et de juges d'instruction assez spécialisés et formés à ces sujets, connaissant bien les réseaux et ayant suffisamment travaillé sur de tels dossiers pour être efficaces.
    Je me suis rendu récemment en Hollande au parquet national de Rotterdam. En effet, les Pays-Bas, petit pays pourtant, ont concentré les affaires de grande criminalité sur un seul parquet - le système de juridiction est certes différent - mais un seul parquet national s'occupe de la grande criminalité.
    Je le répète, c'est une nécessité. Nous réfléchissons encore pour déterminer quel sera le bon chiffre, entre cinq et dix. Comme je l'ai déjà dit, nous attendons de voir comment la police judiciaire se réorganisera. Car je souhaite que, sur le ressort d'une juridiction spécialisée, il y ait une ou plusieurs interrégions de PJ afin que le parquet ait une relation technique professionnelle claire avec les services de police judiciaire.
    Je voudrais vous convaincre, monsieur Vaxès, ainsi que l'Assemblée, que c'est un point capital au regard de l'efficacité. Nous avons besoin de ces plateaux techniques, de ces juridictions spécialisées pour lutter contre la grande criminalité.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 606.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialite ont présenté un amendement, n° 379, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-75 du code de procédure pénale :
    « Pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74, lorsque les affaires pour lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont été commises en bande organisée, la juridiction visée à l'article 704 est compétente. »
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Nous sommes bien sûr d'accord pour donner à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées tous les moyens nécessaires, mais nous ne pensons pas qu'il faille pour autant multiplier les juridictions spécialisées qui risquent de fractionner les enquêtes et les procédures. Ce risque est d'autant plus réel que la compétence des juridictions spécialisées s'étend aux infractions connexes.
    Notre amendement tombe sous le sens, d'autant plus que les juridictions spécialisées sont déjà toutes conçues sur le même modèle, celui des pôles prévus à l'article 704 du code de procédure pénale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement n° 379 remet en cause une disposition substantielle du texte. Donc, l'avis de la commission est défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 379.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 579, ainsi libellé :
    « Après les mots : "cour d'assises, rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-75 du code de procédure pénale : "est étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. L'article 706-75 nouveau du code de procédure pénale, tel qu'il est rédigé, entend confier aux juridictions spécialisées les affaires qui sont ou apparaîtraient « d'une grande complexité ». Ce concept qui fonde la compétence de ces nouvelles juridictions est, de notre point de vue, trop imprécis juridiquement. Vous conviendrez qu'il est insuffisamment défini alors qu'il fonde d'exceptionnelles extensions de compétence territoriale.
    En rejetant à l'instant notre proposition de confier aux pôles financiers et économiques - et non à l'ensemble des TGI, monsieur le ministre ! - la compétence pour enquêter, poursuivre, instruire et juger les infractions de criminalité organisée, vous avez décidé de vous en remettre à la compétence des juridictions spécialisées créée par cet article 1er.
    Notre amendement vous propose donc, dans un souci de simplification et d'efficacité, d'aller jusqu'au bout de cette logique et de retenir la compétence de ces juridictions dans tous les cas. La sécurité juridique serait alors garantie, en évitant que la compétence de ces juridictions soit sujette à interprétation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable. Nous ne souhaitons pas l'automaticité de la saisine, parce qu'il faut que ces juridictions puissent travailler sur les affaires qui ont une grande complexité et donc nécessitent des moyens supplémentaires et spécialisés. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons le maintien du texte du Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 579.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Blazy, Vallini, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 373, ainsi rédigé :
    « A la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-75 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité les mots : "pour lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont été commises en bande organisée. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Comme pour M. Vaxès, il s'agit pour nous de mieux définir cette notion, qui nous paraît trop imprécise, de « grande complexité ». Une juridiction exceptionnelle ne peut se concevoir, selon nous, sur le fondement de critères aussi flous. Nous proposons donc de la remplacer par la référence à des crimes et délits définis de façon plus stricte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est défavorable, d'abord, parce que cet amendement revient au même que le précédent, ensuite, parce que, je le rappelle à l'Assemblée, la notion de « grande complexité » est bien connue en droit français. Elle y est entrée en 1975, en matière de délits économiques et financiers, et depuis n'a été remise en cause par aucun gouvernement. Je crois que nous avons raison de nous y tenir.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 373.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 372, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-75 du code de procédure pénale, après le mot : " décret , insérer les mots : "pris en Conseil d'Etat . »
    La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. L'amendement n° 372 se justifie par son texte même.
    Je voulais profiter de l'occasion pour demander à M. le garde des sceaux si le Gouvernement a l'intention de revoir en profondeur la carte judiciaire. Une telle réforme ne peut, en effet, qu'entraîner sa modification, dont on entend d'ailleurs parler depuis fort longtemps, ce qui soulève nombre de questions, voire des inquiétudes dans certaine partie du territoire car tous les Français sont attachés à une justice de proximité.
    C'est d'ailleurs un des inconvénients de la création de ces pôles, qui peut se justifier par souci d'efficacité dans la lutte contre la grande criminalité. Cela ne concerne - fort heureusement - pas tous les Français, mais cela éloigne tout de même les juridictions des citoyens.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, pour la simple raison que le décret en Conseil d'Etat n'est pas nécessaire et qu'il n'est pas non plus dans notre tradition. Je rappelle à notre collègue que le gouvernement qu'il a soutenu jusqu'en 2002 a créé par des lois, à deux reprises, en 2001 et 2002, de nouvelles juridictions. A chaque fois, ce sont des décrets simples qui les ont mises en place.
    Il n'est donc pas nécessaire d'en passer par un décret en Conseil d'Etat. Au surplus, cela alourdirait la procédure. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable pour les mêmes raisons.
    Monsieur le député, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à propos de la carte judiciaire. Hormis ce dispositif très spécifique qui crée des juridications spécialisées, à compétence non exclusive d'ailleurs - je tiens à le souligner - puisque c'est en fonction des dossiers que telle ou telle affaire sera appelée devant ces juridictions ou ne le sera pas, le seul projet de modification de la carte judiciaire que je souhaite mettre en oeuvre concerne les tribunaux de commerce. Dans le cadre de la politique générale que j'ai annoncée à leur sujet outre les questions de formation et de déontologie, les tribunaux dont la trop petite taille entraîne une proximité excessive entre les juges du tribunal et les acteurs économiques du ressort, ont vocation à disparaître. Nous travaillons à un nouveau train de suppression de tribunaux de commerce, une suppression engagée il y a quelques années.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 372.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 706-76 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 607 et 642.
    L'amendement n° 607 est présenté par MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 642 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-76 du code de procédure pénale. »
    L'amendement n° 607 a été défendu.
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 642.
    M. Noël Mamère. Il s'agit d'un amendement de conséquence par rapport à celui que j'avais déposé sous le n° 641 et qui correspond à ce que mes collègues viennent de défendre. La création de ces juridictions concurrentes ne permettra pas un traitement uniforme de tous les justiciables. C'est la raison pour laquelle nous combattons cet article.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous sommes toujours favorables au système proposé par le Gouvernement. Donc avis défavorable à l'amendement de M. Mamère.
    M. le président. Même avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 607 et 642.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 653, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-76 du code de procédure pénale :
    « Toutefois, si les faits constituent un crime ou un délit commis hors le cadre d'une bande organisée ou une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police, le tribunal correctionnel ou la cour d'assises compétentes en application des articles 231, 381 et 522. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Dans la mesure où une juridiction territoriale est créée, si elle est amenée à connaître d'un grand nombre d'infractions, elle n'en reste pas moins une juridiction exceptionnelle qui doit donc respecter la compétence des juridictions de droit commun qu'elle n'est pas appelée à remplacer.
    Cet amendement garde l'esprit de ce que nous défendons depuis hier soir, à savoir une justice qui ne soit pas expéditive ni constituée par catégories et devant laquelle tous puissent être égaux.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. Si cet amendement était adopté, il entraînerait des renvois en chaîne et alourdirait considérablement notre procédure pénale.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commisison.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 653.
    (L'amendement n'est pas adopté).

ARTICLE 706-77 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 608 et 643.
    L'amendement n° 608 est présenté par MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 643 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-77 du code de procédure pénale. »
    On peut considérer que vous avez défendu l'amendement n° 608, monsieur Vaxès ?
    M. Michel Vaxès. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 643 est un amendement de conséquence, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. Absolument.
    M. le président. La commission est défavorable à ces deux amendements, ainsi que le Gouvernement.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 608 et 643.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

ARTICLE 706-78 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 609 et 644.
    L'amendement n° 609 est présenté par MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 644 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendement sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-78 du code de procédure pénale. »
    M. le président. L'amendement n° 609 a été défendu ?
    M. Michel Vaxès. Oui, monsieur le président.
    M. le président. De même pour l'amendement n° 644, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 609 et 644.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 45, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-78 du code de procédure pénale, après le mot : "juridiction, insérer le mot : "spécialisée. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Avis favorable du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 45.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-79 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 610, ainsi rédigé :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-79 du code de procédure pénale. »
    Cet amendement a été défendu.
    Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 610.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 706-80 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 286, 654, 345 et 580, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 286 et 654 sont identiques.
    L'amendement n° 286 est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 654 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-80 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, les mots : "sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République. »
    L'amendement n° 345, présenté par M. Vignoble et M. Salles, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-80 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, les mots : "autorisation expresse du procureur de la République. »
    L'amendement n° 580, présenté par MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-80 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "après en avoir informé le, les mots : "après autorisation du. »
    La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l'amendement n° 286.
    M. André Vallini. D'autres amendements du groupe communiste et des Verts vont dans le même sens que celui-ci. Il s'agit tout simplement de rétablir le procureur de la République dans la plénitude de ses fonctions, qui consistent essentiellement à diriger l'enquête et à exercer un pouvoir hiérarchique de contrôle, de surveillance de ce que font les officiers de police judiciaire.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 654.
    M. Noël Mamère. Au risque, M. le garde des sceaux, que vous me traitiez une fois encore de provocateur, je dirai que la disposition que vous introduisez dans votre texte montre bien que nous nous dirigeons rapidement vers une justice qui est plutôt soumise aux règles du ministre de l'intérieur, aux règles de la police. Nous pensons, nous, que l'action publique doit être soumise au contrôle de la justice. C'est la raison pour laquelle nous défendons la suppression de cet article, en tout cas sa modification pour permettre au procureur de la République d'exercer ses pouvoirs, qui lui sont attribués par la Constitution.
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l'amendement n° 345.
    M. Rudy Salles. Pour nous, le procureur doit rester le seul directeur de l'enquête, et, à ce titre, doit être le seul habilité à autoriser qu'une compétence nationale soit donnée aux OPJ.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour défendre l'amendement n° 580.
    M. Michel Vaxès. Je vais évidemment dans le même sens que nos collègues de gauche qui proposent des amendements du même type que celui-ci. Le nouvel article 706-80 du code de procédure pénale prévoit d'étendre le pouvoir de surveillance des officiers de police judiciaire. Ils le détenaient déjà en matière de trafic de stupéfiants, en vertu de l'article 706-32 du code de procédure pénale. Aujourd'hui, les policiers peuvent procéder à la surveillance de l'acheminement de stupéfiants, ou de produits tirés de la commission des infractions en matière de trafic de stupéfiants. Désormais, ils pourront procéder à la surveillance des personnes.
    Ce nouvel article prévoit, en outre, de donner une compétence nationale aux officiers de police judiciaire qui procèdent à ces opérations de surveillance, dès lors qu'ils en informent le procureur de la République. Cette extension de compétence à l'ensemble du territoire national exigerait pour le moins de prévoir un encadrement plus strict de ces opérations de surveillance, afin d'éviter qu'elles dérivent au point de devenir attentatoires aux libertés individuelles.
    Nous vous proposons donc, dans cet amendement, de soumettre cette surveillance à l'autorisation préalable du procureur de la République, afin que celui-ci exerce un contrôle effectif sur ces opérations de surveillance. Son information reste, en effet, bien trop insuffisante dans le cadre de telles opérations.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Premièrement, je voudrais rappeler à l'Assemblée que notre code pénal prévoit déjà, dans plusieurs cas, des dispositifs similaires. Par exemple, l'article 54 du code pénal, qui vise une procédure qui est encore plus lourde qu'une simple surveillance puisqu'il s'agit d'une perquisition, prévoit que « l'officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République ». Ce n'est même pas une demande d'autorisation qui est exigée, mais simplement une information. Par conséquent, le dispositif que prévoit le présent projet existe déjà dans le code.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Tout à fait !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Deuxièmement, dans cette affaire, en l'occurrence, il ne s'agit pas d'une simple information. En effet, l'article 706-80 que nous propose le Gouvernement prévoit que les OPJ peuvent étendre la surveillance à l'ensemble du territoire national après en avoir informé le procureur de la République « et sauf opposition de ce magistrat ». On voit donc que le procureur conserve évidemment tout son pouvoir : il n'est pas seulement informé de cette extension de compétence, il peut s'y opposer.
    Troisième point, pourquoi n'a-t-on pas retenu l'idée d'une « autorisation écrite du procureur de la République » ? Simplement pour des raisons qui tiennent à la nécessité que la procédure soit souple. Car de quoi s'agit-il ici, mes chers collègues ? Il s'agit de lutter contre la criminalité organisée. Le Gouvernement nous demande d'autoriser des surveillances aussi bien des personnes que des biens. Supposons qu'un officier de police judiciaire ait repéré des personnes ou des biens. Nous voulons lui donner la possibilité de les suivre sans délai. Pourquoi ? Tout simplement pour remonter les filières et reconstituer les réseaux. La procédure, tout en restant sous le contrôle du magistrat du parquet, doit permettre de faire en sorte que la filature ne soit pas abandonnée : c'est pourquoi elle doit pouvoir se poursuivre sur l'ensemble du territoire national.
    L'équilibre que propose le Gouvernement est donc satisfaisant. Le parquet conserve toutes ses prérogatives...
    M. Jean-Pierre Blazy. Non !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. ... et les forces de police ont la possibilité de mener leurs enquêtes. Je vous rappelle que notre objectif n'est pas de nous en tenir aux lampistes, aux hommes de main, mais bien de remonter aux gros bonnets. C'est pourquoi il faut pouvoir remonter les filières.
    M. Jean-Pierre Blazy. Et le procureur ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission. Il est défavorable à ces amendements.
    N'oublions pas le monde réel, dans lequel nous devons mener ce combat contre la criminalité. Il faut pouvoir aller au combat sans avoir les mains et les pieds entravés. Le procureur doit bien sûr avoir la possibilité de manifester son désaccord éventuel, mais c'est bien de cette façon-là qu'il faut procéder, dans un souci d'efficacité.
    M. Jean-Pierre Blazy. Mais il y aura des bavures !
    M. le garde des sceaux. Les affaires dont il s'agit sont, j'y insiste, extrêmement difficiles, extrêmement graves, elles donnent lieu à des violences d'un niveau parfois exceptionnel, et les forces de police et de gendarmerie prennent des risques physiques. Il faut, bien sûr, qu'elles rendent compte de ce qu'elles font, qu'elles informent le parquet de ce qu'elles comptent faire, mais il est aussi indispensable qu'elles puissent agir vite quand c'est nécessaire, sans avoir des contraintes horaires trop strictes. C'est la raison pour laquelle le dispositif me paraît bon. Il est équilibré et il est protecteur du point de vue des libertés.
    M. le président. Monsieur Salles, compte tenu de ces explications...
    M. Rudy Salles. Elles m'ont convaincu. Je retire l'amendement n° 345.
    M. le président. L'amendement n° 345 est retiré.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 286 et 654.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 580.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 706-81 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 422, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-81 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de l'article 706-73, les mots : "des articles 706-73 et 706-74. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Dans ce projet de loi, deux articles définissent la criminalité et la délinquance organisées.
    D'un côté, l'article 706-73 du code de procédure pénale dresse la liste des crimes et délits relevant nécessairement de ces domaines.
    De l'autre côté, l'article 706-74 permet d'appliquer les dispositions spécifiques à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées à tous les crimes et délits n'étant pas dans la liste de l'article 706-73 et ayant été commis en bande organisée.
    Ce choix d'une liste et d'un article qui permet d'englober les autres crimes et délits commis en bande organisée est particulièrement judicieux. En effet, cet article 706-74 permet de traiter des escroqueries, abus de confiance, mais aussi trafics et contrebandes en tous genres qui sont parfois, voire souvent, aux mains d'organisations criminelles.
    En conséquence, il semble tout à fait normal que les dispositions spécifiques prévues par le présent titre s'appliquent aux deux cas.
    En l'espèce, l'article 706-81 du code de procédure pénale traite de la possibilité de procéder à une opération d'infiltration.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Même si je comprends tout à fait l'argumentation de Thierry Mariani, la commission souhaite garder l'équilibre du texte du Gouvernement, qui rend possibles, pour une série d'infractions limitativement énumérées, des moyens d'investigations supplémentaires : infiltrations, gardes à vue, perquisitions. Le texte doit rester équilibré et ces moyens ne doivent rester ouverts que pour la première liste d'infractions et pas sur l'ensemble de la criminalité organisée.
    Le Gouvernement a donc raison parce que son texte est équilibré. Il a aussi raison en ceci qu'il s'inscrit dans le cadre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel, dans une décision de 1986 relative à un texte sur le terrorisme, a indiqué qu'il devait y avoir une proportionnalité entre les moyens utilisés et la gravité des infractions.
    La commission est donc défavorable à l'amendement n° 422.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je voudrais dire, avec beaucoup de conviction et de sincérité, à Thierry Mariani combien je comprends, bien sûr, son souci, mais je crois vraiment que dans le dispositif que nous proposons, qui est extrêmement innovant et qui donne aux responsables des parquets et des services d'enquête des moyens nouveaux, ces moyens doivent être limités aux cas les plus graves, où les personnes sont en cause. C'est l'esprit, vous l'avez bien compris, de la première partie de cette liste de faits constituant la criminalité organisée au sens de ce texte. Et je crois qu'il ne serait pas prudent de l'élargir au-delà, car il y aurait alors sans doute un vrai risque que le texte soit en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
    M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Mariani ?
    M. Thierry Mariani. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 422 est retiré.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 47, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-81 du code de procédure pénale, supprimer les mots : " , à titre exceptionnel, . »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit de supprimer trois mots qui pourraient donner lieu à des contentieux, alors que le texte en lui-même, sans ces trois mots, est extrêmement clair, puisqu'il dispose qu'une opération d'infiltration peut être autorisée par le procureur de la République ou le juge d'instruction « lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 le justifient ». L'amendement rend donc le texte plus clair.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Qui est immense ! (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 581, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 706-81 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "officier de police judiciaire, les mots : "commissaire divisionnaire. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Les opérations d'infiltration ne sont pas sans risque, vous le rappeliez à l'instant, monsieur le garde des sceaux, pour la sécurité des fonctionnaires infiltrés, en raison de la nature même de leurs missions. En outre, la généralisation des opérations d'infiltration - c'est le dernier amendement que l'Assemblée a adopté, contre l'avis de notre groupe - à un grand nombre de situations expose ces fonctionnaires à un risque majeur de corruption morale, de perte de repères. Enfin, elle risque de nous conduire à des contentieux sans fin sur la valeur des preuves rassemblées par ce moyen.
    C'est pourquoi nous proposons que le contrôle de ces opérations d'infiltration soit confié à un fonctionnaire de haut grade, tel que le commissaire divisionnaire, par exemple, qui détient les compétences nécessaires pour déterminer avec exactitude le cadre de l'opération et le moment opportun pour la faire cesser.
    Enfin, j'ajouterai que la spécificité des opérations d'infiltration, avec le même souci de protéger les officiers de police judiciaire, mériterait que des brigades soient spécialement formées et entraînées. Je crois que notre police y gagnerait en sécurité et en efficacité.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a un avis défavorable.
    Sur le fond, je comprends tout à fait l'objectif de notre collègue, que nous partageons. Evidemment, l'officier de police judiciaire qui va faire le rapport, on souhaite qu'il soit le plus éloigné possible de celui qui fait l'infiltration, tout simplement pour qu'il y ait le moins de chances possible que l'identification du lien ou l'identification de la personne puissent se faire. On souhaite donc que cet OPJ soit le plus élevé hiérarchiquement.
    Mais, en maintenant la formulation du Gouvernement, on peut aller jusqu'au directeur central de la police judiciaire qui, lui aussi, est un OPJ. Placer l'opération sous la responsabilité d'un « commissaire divisionnaire » - cette expression désigne un grade - ne me semble pas du tout nécessaire.
    En revanche, sur le fond, nous sommes d'accord, cela a été expliqué clairement dans le rapport. De plus, nous examinerons dans un instant un amendement de la commission qui propose de rectifier légèrement le texte afin de bien montrer que nous souhaitons cet éloignement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 581.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 423, ainsi rédigé :
    « Substituer à la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 706-81 du code de procédure pénale les mots : "à condition que ces actes ne déterminent pas la commission des infractions qu'il est chargé de surveiller. »
    Peut-être pourriez-vous, monsieur Mariani, défendre l'amendement n° 424 en même temps que celui-ci ?
    M. Thierry Mariani. Volontiers, monsieur le président.
    M. le président. Je suis, en effet, saisi d'un amendement n° 424, présenté par MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet et qui est ainsi rédigé :
    « Au début du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-81 du code de procédure pénale, insérer les mots : "Après achèvement de l'opération,. »
    Vous avez la parole, monsieur Mariani.
    M. Thierry Mariani. Pour ce qui est de l'amendement n° 423, je dirai d'abord qu'il me semble tout à fait justifié d'édicter le principe d'interdiction de la provocation à la commission des infractions. En effet, il n'est pas souhaitable de poursuivre des infractions qui ont été provoquées, c'est-à-dire qui n'auraient pas existé sans l'incitation des forces de l'ordre.
    Néanmoins, cet article du projet de loi traite de la délinquance et de la criminalité organisées. En la matière, il n'est pas souhaitable de créer une nouvelle cause de nullité.
    En effet, une nouvelle possibilié d'action en nullité ne fera qu'alourdir encore les délais d'instruction de ces affaires.
    En effet, il convient d'ajouter que cet amendement ne fait que rétablir les termes de la première version du présent projet de loi.
    Quant à l'amendement n° 424, la rédaction qu'il propose permet de spécifier que le rapport relatif à l'opération d'infiltration est remis après achèvement de l'opération. Il convient d'éviter les incompréhensions possibles. En la matière, rappelons que le doute profiterait peut-être, une fois de trop à mon sens, aux accusés !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission y est défavorable.
    En ce qui concerne l'amendement n° 423, il ne permettrait pas d'atteindre l'objectif poursuivi par ses auteurs. En effet, l'article 802 du code de procédure pénale donne la possibilité aux juridictions d'office de soulever la nullité de procédure en cas de provocation à la commission de l'infraction. Par conséquent, cet amendement n'aurait aucun impact, puisque les juridictions peuvent toujours soulever la nullité de procédure.
    On pourrait même soutenir que le fait de voter cet amendement pourrait fragiliser le système. Ne pas pointer dans le texte les causes de nullité pourrait aboutir à ouvrir plus largement la recherche des cas de nullité. Je pense donc vraiment qu'il n'est pas souhaitable d'adopter l'amendement n° 423.
    Quant à l'amendement n° 424, la commission y est également défavorable, car le texte actuel permet une certaine souplesse, qu'il est souhaitable de préserver.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement a la même position que la commission.
    S'agissant de l'amendement n° 423, je voudrais insister sur le point qu'a brièvement évoqué M. Warsmann. Préciser que la provocation constitue une cause de nullité permet a contrario de mettre en évidence que les autres règles prévues par le projet ne sont pas, elles, édictées à peine de nullité. Cela me paraît tout à fait essentiel. Il n'est pas souhaitable qu'un tel amendement étende un risque.
    M. le président. Maintenez-vous vos amendements, monsieur Mariani ?
    M. Thierry Mariani. Je les retire, monsieur le président.
    M. le président. Les amendements n°s 423 et 424 sont retirés.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 48, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-81 du code de procédure pénale par les mots : "qui comprend les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne mettant pas en danger la sécurité de l'agent infiltré et des personnes requises au sens de l'article 706-82. »
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement tend à compléter le texte en précisant que le rapport doit comprendre « les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne mettant pas en danger la sécurité de l'agent infiltré et des personnes requises au sens de l'article 706-82 ». Je vous rappelle que l'infiltration restera très ponctuelle, très difficile et qu'il est extrêmement important de protéger autant que faire se peut l'agent infiltré.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-82 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 287 et 645.
    L'amendement n° 287, est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 645 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-82 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l'amendement n° 287.
    M. André Vallini. Cet amendement concerne l'infiltration.
    Nous connaissons l'importance et l'utilité, hélas, de cette pratique ancienne. Nous ne remettons pas en cause son utilisation par les policiers. Pourtant, monsieur le garde des sceaux, force est de constater que les dispositions que vous voulez introduire dans le code de procédure pénale sont très dangereuses pour les personnels, dont l'anonymat s'accommode mal avec la procédure écrite, comme pour les droits de la défense, qui est laissée dans l'ignorance non seulement de l'identité des accusateurs, ce qui pourrait encore se comprendre, mais également des moyens utilisés et même du respect ou non de la procédure d'autorisation par le procureur de la République.
    L'irresponsabilité pénale absolue prévue par ce texte pourrait en outre constituer, pour les agents autorisés à commettre des infractions dans le cadre d'une opération d'infiltration comme pour les personnes qu'elles utilisent, une véritable incitation, sinon une tentation, à commettre ces délits dans leur propre intérêt. En toute hypothèse, cette disposition constitue un encouragement à recourir aux méthodes d'infiltration, lesquelles ne sauraient à nos yeux être banalisées, ce que prévoit votre texte.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 645.
    M. Noël Mamère. L'exposé sommaire motivant notre amendement est à peu près identique à celui que vient d'exposer M. Vallini. J'ajouterai néanmoins deux précisions au sujet de cette procédure d'infiltration, qui est largement héritée des pratiques judiciaires et policières américaines.
    Elle comporte le risque majeur d'une corruption morale, d'une perte de repères. Elle motive aussi des contentieux. A cet égard, permettez-moi de rappeler, comme j'ai d'ailleurs eu l'occasion de le faire lors du débat sur l'article 1er, que la commission consultative des droits de l'homme - mais peut-être n'est-elle qu'une bande organisée de droits-de-l'hommistes - s'inquiétait, dans un avis rendu le 27 mars 2003, de la généralisation de cette procédure d'infiltration.
    Enfin, j'ajouterai à ce que vient de dire André Vallini, que si l'autorité judiciaire doit pouvoir exercer son contrôle effectif pendant la durée de la procédure, il est évident que son contrôle des actions clandestines ne peut, étant donné justement la nature clandestine de ces opérations, qu'être inexistant.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    Premièrement je le répète, les infiltrations sont limitées.
    Deuxièmement, elles sont prévues dans notre droit depuis un certain nombre d'années et dans des cas limités. Je pense, par exemple, à la loi de 1991 sur les douanes, qui n'a pas été votée par cette majorité.
    Troisièmement, ces amendements sont en contradiction avec l'argumentation développée par nos collègues : en effet, le texte proposé pour l'article 706-82 du code de procédure pénale offre une protection en ce qu'il prévoit de manière limitative les actes qui pourront être commis par l'agent infiltré. Supprimer cet article reviendrait à ouvrir le champ des actes et des infractions que pourraient commettre les agents infiltrés. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 287 et 645.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 582, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-82 du code de procédure pénale, après les mots : "sans être pénalement, insérer les mots : "mais civilement. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Nous avons déposé cet amendement dans un souci de clarification et de sécurité.
    Si le texte proposé pour l'article 706-82 du code de procédure pénale permet de régler la question de la responsabilité pénale des officiers ou des agents de police judiciaire, il ne permet pas de régler celle de leur responsabilité civile. En effet, s'il est bien précisé que ceux-ci peuvent accomplir, lorsqu'ils sont autorisés à procéder à une opération d'infiltration, un certain nombre d'actes délictueux sans en être pénalement responsables - ce qui se conçoit -, il n'est, par contre, rien indiqué en ce qui concerne leur responsabilité civile.
    Notre amendement vise donc à combler cette lacune en prévoyant la responsabilité civile des officiers ou des agents de police judiciaire, ne serait-ce que pour indemniser les éventuelles victimes collatérales qui auraient pu subir des préjudices.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est vrai que le texte ne fait pas référence à la responsabilité civile, mais c'est pour une raison très simple : le régime de la responsabilité civile, régi par l'article 1382 du code civil, s'applique de manière générale. Pour prendre un exemple concret, quoique cinématographique, James Bond est responsable des dommages qu'il cause. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Donc, avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est une réalité qu'il ne faut pas négliger. Quand on a dit que l'auteur est responsable, cela signifie que c'est l'Etat qui est responsable. En effet, si les dommages causés par le fonctionnaire sont la conséquence de l'opération d'infiltration qu'il mène, sa responsabilité civile, régie par l'article 1382 du code civil, induira celle de la collectivité. Il faut donc que l'Assemblée sache que c'est la collectivité qui assumera les conséquences des actes commis dans l'exercice de cette mission d'infiltration, quelle qu'en soit la nature. Or nous rappelons que ces actes seront de nature délictuelle, puisque l'agent sera engagé dans un processus d'infiltration.
    M. le président. Monsieur le rapporteur, on ne vit que deux fois ! (Sourires.) Vous avez la parole.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. D'abord, sont concernées non pas toutes les infractions, quelle qu'en soit la nature, mais certaines infractions en nombre limité. Ensuite, c'est le régime du droit commun qui s'applique. Enfin, je rappelle tout de même que nous n'avons pas affaire à un voyou ou à un malfrat, mais à un officier de police judiciaire.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 582.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 289, 347 et 614.
    L'amendement n° 289 est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 347 est présenté par M. Vignoble et M. Salles ; l'amendement n° 614 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-82 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l'amendement n° 289.

    M. André Vallini. Le Gouvernement et sa majorité ont décidé de maintenir le dispositif concernant l'infiltration prévu par le projet de loi. Dans ces conditions, nous pensons qu'il conviendrait au moins de restreindre le champ de l'exemption de responsabilité pénale, et à tout le moins d'en exclure les non-professionnels, les non-policiers, qui seront amenés par les OPJ ou leurs adjoints à participer à une opération d'infiltration, d'autant qu'ils ne présenteront pas forcément les mêmes garanties de moralité que des policiers assermentés et qu'ils ne bénéficieront pas de l'autorisation préalable du procureur.
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement n° 347.
    M. Gilbert Gantier. Nous estimons qu'il est préférable de ne pas étendre l'exonération de responsabilité aux personnes collaborant avec des agents infiltrés. Tel est l'objet de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 614.
    M. Noël Mamère. Il a été fort bien défendu par M. Vallini, puisque son amendement est identique au mien.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    La suppression du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-82 remettrait en cause la cohérence du dispositif. Nous vivons aussi dans un monde réel. Il peut arriver à un agent infiltré d'avoir besoin de personnes requises, qui peuvent d'ailleurs être également des OPJ.
    M. Gérard Léonard. C'est le bon sens !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    L'alinéa en question vise à faire en sorte que les personnes requises par des enquêteurs dans le cadre d'une infiltration - par exemple, pour prêter un local ou pour conduire un véhicule - ne puissent pas, par la suite, être poursuivies pour des faits qui leur auront été demandés par un officier de police judiciaire. Dans ce cas, elles ne doivent pas pouvoir être accusées de complicité de trafic. On se situe là dans le cadre du concret le plus immédiat. Ce type de protection doit donc être prévu.
    Les policiers ne pourront pas toujours tout faire par eux-mêmes. S'ils ont besoin d'une aide ponctuelle, il ne faut pas que la personne qui leur aura donné un coup de main puisse être inquiétée par la suite.
    En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 49 de la commission des lois, qui sera examiné ultérieurement et qui vise à apporter une précision utile.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La nature de nos questions illustre parfaitement la complexité de la technique de l'infiltration. Les difficultés seront grandes quand il y aura des conflits entre l'OPJ et ceux qu'il aura requis. Certaines personnes impliquées dans un trafic pourront tenter de se couvrir en alléguant d'une réquisition, de leur relation avec un OPJ. Cela a d'ailleurs déjà été le cas, puisque, dans certaines affaires, des personnes qui étaient impliquées dans des processus d'infiltration ont « ouvert le parapluie » en alléguant qu'ils agissaient dans le cadre d'une mission ordonnée par un policier infiltré, alors que les conditions de leur participation étaient beaucoup plus subtiles.
    Nous sommes là au coeur de la difficulté de la technique d'infiltration, difficulté, qui selon moi, est accentuée en raison de l'absence d'autorisation motivée préalable du procureur. Il faudrait, à tout le moins, que ceux qui sont concernés par un processus d'infiltration soient nommés d'une manière particulière, afin que, demain, des individus ayant agi pour des motifs moins avouables ne viennent par arguer de la qualité d'exécutant pour le compte d'un OPJ infiltré.
    Prenons garde que certaines organisations n'utilisent pas à leur profit les procédures que nous mettons en place. C'est ce qui s'est passé en Italie avec les repentis : au bout d'un certain temps, la technique du repenti a été utilisée pour désintégrer les pôles judiciaires.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann. rapporteur. Ne mélangeons pas les procédures. Nous ne sommes pas dans le cadre de la procédure du repenti, mais dans celle de l'infiltration.
    Je le répète, le fait de prévoir des dispositions précises en la matière permet une grande clarté et contribue à poser des garde-fous. Plus la loi sera silencieuse, plus les contentieux seront nombreux. Les limitations prévues constituent plutôt une protection.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le garde des sceaux. Le texte précise de façon très claire que le parquet doit habiliter l'officier de police judiciaire qui va être infiltré, ce qui est un élément de sécurité nouveau.
    Cela signifie que ce type d'opération doit être confié a des personnes qualifiées possèdant une solide expérience et envers lesquelles la hiérarchie policière et le parquet ont une grande confiance. Ce sont des opérations difficiles et dangereuses, et il ne s'agit évidemment pas d'infiltrer un débutant, quelqu'un qui aurait peu d'expérience.
    C'est pourquoi ce texte clarifie les choses, fixe un cadre, pose des limites et met en place des dispositifs qui nous garantissent, le mieux possible, que les tâches en question seront confiées à des personnes ayant une expérience et un professionnalisme suffisants.
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Je retire mon amendement, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 347 est retiré.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 289 et 614.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 49, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-82 du code de procédure pénale, substituer au mot : " ces , le mot : " les . »
    « II. - En conséquence, dans le même alinéa, supprimer le mot : " leur . »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rappporteur. Cet amendement de clarification rédactionnelle montre encore plus combien nous souhaitons renforcer la protection des agents infiltrés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-83 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 288 corrigé et 655 corrigé.
    L'amendement n° 288 corrigé est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 655 corrigé est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer les cinquantième à soixantième alinéas de l'article 1er (art. 706-83 à 706-87). »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 288 corrigé.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec notre amendement de suppression du texte proposé pour l'article 706-82. Cette suppression s'impose d'autant plus qu'il est prévu l'intervention d'un « porte-parole » des témoins issus des opérations d'infiltration, lesquels doivent, pour cette raison, préserver leur anonymat. Dès lors, qu'en est-il du respect des droits de la défense ? Cela démontre le caractère insatisfaisant du texte.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre son amendement n° 655 corrigé.
    M. Noël Mamère. Cet amendement a été défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 288 corrigé et 655 corrigé.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. MM. Mariani, Estrosi, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 425, ainsi rédigé :
    « I. - Au début du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-83 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "A peine de nullité,. »
    « II. - En conséquence, compléter cet article par l'alinéa suivant :
    « Les décisions prévues par le présent article n'ont pas de caractère juridictionnel et ne sont susceptibles d'aucun recours. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. En l'espèce, le texte proposé pour l'article 706-83 du code de procédure pénale traite de l'autorisation donnée par le procureur de la République de procéder à une opération d'infiltration.
    Comme la première version du projet de loi l'avait prévu, il me semble plus judicieux de ne pas donner à ces dispositions spécifiques de caractère juridictionnel. Elles seront ainsi non susceptibles de recours.
    Accepter de faire de ces formalités des causes de nullité reviendra en pratique à annuler des dossiers entiers plusieurs mois, voire plusieurs années, après le début des opérations. De nouvelles investigations ne pourront plus être menées de façon satisfaisante.
    Cela signifie également qu'on aura fait prendre des risques totalement inutiles à un certain nombre de fonctionnaires de police ou de gendarmerie.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    S'agissant d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire, il n'y a pas de recours possible. Il est donc inutile de le préciser. Par conséquent, les auteurs de l'amendement ont en partie satisfaction.
    Certes, lors du travail préparatoire sur le texte, la commission s'est interrogée pour savoir s'il ne fallait pas envisager de déposer un amendement de ce type. Toutefois, à la réflexion, elle s'est aperçue qu'une telle disposition aboutirait à l'effet inverse de celui recherché. En effet, en supprimant une cause de nullité, on fragiliserait l'ensemble du dispositif. Quand le législateur pointe bien, dans un dispositif, ce qui peut faire l'objet d'une nullité, cela signifie également, a contrario, que le reste du dispositif ne peut pas faire l'objet d'une nullité. N'oublions pas que le mieux peut être l'ennemi du bien.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je partage l'avis du rapporteur.
    M. le président. Monsieur Mariani, retirez-vous votre amendement ?
    M. Thierry Mariani. Oui, monsieur le président
    M. le président. L'amendement n° 425 est retiré.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 50 rectifié, ainsi libellé :
    « Après les mots : "cette procédure,, rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 706-83 du code de procédure pénale : "et l'identité de l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Toujours dans le même souci de protection des agents infiltrés, cet amendement propose que l'identité d'emprunt de ces agents ne figure pas dans l'autorisation délivrée pas le juge.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié.
    (L'amendement est adopté).
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 51 et 350.
    L'amendement n° 51 est présenté par M. Warsmann, rapporteur, et M. Clément ; l'amendement n° 350 est présenté par M. Vignoble et M. Salles.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-83 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 51.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-83 du code de procédure pénale. Nous souhaitons entendre la position du Gouvernement à ce sujet.
    M. le président. La parole est à Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement n° 350.
    M. Gilbert Gantier. Comme M. le rapporteur, j'attends de connaître la position du Gouvernement.
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour qu'il donne l'avis du Gouvernement, qui est attendu avec impatience.
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
    L'option fondamentale qui a été retenue repose sur la transparence de l'opération d'infiltration, transparence qui est d'ailleurs consacrée dans la plupart des législations étrangères. L'exigence d'une procédure ouverte se justifie également au regard des impératifs de l'entraide pénale internationale.
    Accorder la possibilité de ne pas systématiquement recourir à une procédure d'infiltration ouverte serait susceptible d'aboutir à des incohérences préjudiciables dans le cadre de l'entraide, entraînant une occultation de la procédure réalisée sur le territoire national alors que celle-ci serait transparente pour l'Etat requérant.
    Les nécessités du bon fonctionnement de l'entraide répressive internationale - on en a beaucoup parlé depuis hier, et c'est un des éléments très importants de la lutte contre la criminalité organisée - pourraient donc conduire au retrait de ces amendements.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J'ai bien entendu les arguments du Gouvernement. Je retire donc l'amendement de la commission.
    M. le président. Et vous, monsieur Gantier ?
    M. Gilbert Gantier. Je retire également mon amendement.
    M. le président. Les amendements n°s 51 et 350 sont retirés.

ARTICLE 706-84 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Gilles a présenté un amendement, n° 475, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-84 du code de procédure pénale, après le mot : "judiciaire, insérer les mots : "et des personnes requises. »
    La parole est à M. Richard Mallié.
    M. Richard Mallié. Le projet de loi prévoit explicitement la possibilité de réquisition de personnes qui ne sont ni officier de police judiciaire, ni agent de police judiciaire, ni agent des douanes, pour mener à bien les opérations d'infiltration. Ces personnes se voient déchargées de toute responsabilité pénale, à l'instar des OPJ, APJ et agents des douanes.
    Or le projet ne prévoit absolument pas la protection de l'identité et du rôle de ces personnes requises. Par exemple, les militaires de la gendarmerie affectés au GIGN, ou encore les policiers affectés au RAID, qui seront certainement requis en vertu de leurs compétences spécifiques, ne sont pas habilités territorialement en judiciaire. En l'état actuel du texte, ils ne bénéficieraient donc pas de l'anonymat s'ils étaient requis pour procéder à des infiltrations.
    Pour sécuriser le dispositif et permettre de protéger l'ensemble des agents de l'Etat susceptibles de participer à des opérations d'infiltration, il convient donc de préciser le texte proposé pour l'article 706-84 du code de procédure pénale. C'est ce à quoi tend cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable. Une telle précision paraît inutile.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 475.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 52, ainsi rédigé :
    « Substituer au dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-84 du code de procédure pénale les deux alinéas suivants :
    « Lorsque cette révélation a causé, même indirectement, des violences, coups et blessures à l'encontre de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende.
    « Lorsque cette révélation a causé, même indirectement, la mort de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement vise à étendre la protection juridique accordée aux agents infiltrés aux conjoints, enfants et ascendants directs et à renforcer les sanctions en cas de révélation de l'identité réelle de ces agents.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-85 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 53, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 706-85 du code de procédure pénale par les deux phrases suivantes : "Le magistrat ayant délivré l'autorisation prévue à l'article 706-81 en est informé dans les meilleurs délais. Il est également informé de l'achèvement de l'opération d'infiltration. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission souhaite relayer la volonté du Gouvernement d'encadrer strictement le dispositif.
    Le Gouvernement a prévu que l'infiltration ne peut avoir lieu que si elle est autorisée par un magistrat, et ce pour une période déterminée. Par ailleurs, il a prévu - et il a raison - que l'agent ou l'officier de police judiciaire pouvait mettre un certain temps pour s'exfiltrer, comme disent les professionnels, en particulier pour ne pas mettre sa vie en péril.
    Toutefois, afin de bien contrôler l'opération, nous souhaitons, par cet amendement, que le magistrat qui a délivré l'autorisation soit informé dans les meilleurs délais de l'achèvement de celle-ci ou de sa prolongation. Tel est l'objet de cet amendement qui vise à parachever le contrôle judiciaire applicable à l'ensemble du dispositif d'infiltration.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vignoble et M. Salles ont présenté un amendement, n° 346, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 706-85 du code de procédure pénale par l'alinéa suivant :
    « Il appartient au magistrat qui a autorisé l'opération de fixer un délai durant lequel l'agent infiltré sera couvert par l'immunité le temps qu'il se retire de l'opération. »
    La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir cet amendement.
    M. Gilbert Gantier. Cet amendement relève du même esprit que celui présenté précédemment par M. le rapporteur et il le complète. Afin d'encadrer l'opération d'infiltration, cet amendement prévoit que le magistrat qui a autorisé cette opération fixe un délai durant lequel l'exonération de responsabilité pénale court. Le temps nécessaire à l'agent infiltré pour se retirer d'une opération ne doit pas être à la discrétion de ce dernier. Dès lors, il appartient au magistrat de fixer un terme à cette immunité pénale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable. Certes, M. Gantier a les mêmes intentions que les nôtres, mais la commission n'a pas retenu la rédaction qu'il propose parce qu'il peut être difficile de prévoir ab initio le délai d'exfiltration.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 346.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 706-86 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Vignoble et M. Salles ont présenté un amendement, n° 351, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-86 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir cet amemendement.
    M. Gilbert Gantier. C'est amendement a pour objet de supprimer la possibilité de confrontation entre la personne mise en cause par l'agent infiltré et ce dernier. En effet, malgré la possibilité de moyens prévus par l'article 706-61 afin de protéger cet agent, le risque pour l'agent infiltré est toujours présent. Par ailleurs, cet alinéa remet en cause la validité des procès-verbaux de police prévue aux articles 429 et suivants du code de procédure pénale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le projet de loi encadre la confrontation puisque le texte proposé pour l'article 706-86 indique que « ... s'il ressort du rapport [...] que la personne mise en examen ou comparaissant est directement mise en cause par des constatations effectuées par un agent ayant personnellement réalisé les opérations d'infiltration, cette personne peut demander à être confrontée ». Nous sommes donc bien dans le cas où le rapport de l'officier de police judiciaire met personnellement en cause la personne.
    Adopter cet amendement de suppression de l'alinéa de cet article reviendrait à supprimer la possibilité de demander la confrontation. Or celle-ci nous semble nécessaire pour que les droits de la défense puissent s'exercer.
    La proposition du Gouvernement est guidée par un souci d'équilibre du texte et par la volonté de respecter la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 351.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg exige que nous maintenions la possibilité de la confrontation sous peine de rencontrer des problèmes juridiques évidents.
    Cela dit, comment faire en sorte que la confrontation n'ait pas pour conséquence la mise en cause de la sécurité de l'agent qui a été infiltré ? Les moyens techniques existent - systèmes de brouillage vidéo et autres, dont je ne connais pas les détails - pour permettre à l'agent infiltré de rester anonyme pour la personne mise en cause, mais pas pour le magistrat, bien entendu, qui organise la confrontation. C'est la finalité du texte du Gouvernement : protéger l'agent infiltré tout en respectant les règles d'un procès équitable.
    M. Gilbert Gantier. Je retire l'amendement.
    M. le président. L'amendement n° 351 est retiré.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 54, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-86 du code de procédure pénale par la phrase suivante : "Les questions posées à l'agent infiltré à l'occasion de cette confrontation ne doivent pas avoir pour objet ni pour effet de révéler directement ou indirectement, sa véritable identité. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit de renforcer la protection de l'agent infiltré lors des confrontations, en donnant une base juridique au refus de donner certains éléments ou de répondre à certaines questions.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-87 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, n°s 55, 19, 269 et 395.
    L'amendement n° 55 est présenté par M. Warsmann, rapporteur ; l'amendement n° 19 est présenté par M. Grand ; l'amendement n° 269 est présenté par M. Mallié ; l'amendement n° 395 est présenté par MM. Estrosi, Fenech, Luca, Cova et Poulou.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-87 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 55.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement, adopté par la commission, vise à supprimer la disposition selon laquelle aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations de l'agent infiltré.
    Il est normal de prévoir qu'une condamnation ne peut être fondée sur les seules paroles d'un témoin anonyme ou d'un repenti. Mais là, il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre, mais d'un officier de police judiciaire dûment autorisé par un magistrat. L'adoption d'une telle disposition pourrait conduire à ne pas pouvoir poursuivre un acte très grave, un crime dont un officier de police judiciaire a connaissance, par exemple dans le cas où on a jeté un corps à la mer qui n'a pas été retrouvé.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Le fait qu'une condamnation ne puisse être prononcée sur le seul fondement de déclarations de l'agent infiltré, sans aucune preuve matérielle, constitue une garantie a minima, garantie que ces amendements proposent de supprimer. Sincèrement, je pense que c'est inacceptable.
    Tout à l'heure, j'ai proposé dans un amendement que ce soient des fonctionnaires spécialisés qui puissent assumer les responsabilités d'agents infiltrés et que la surveillance de ces opérations soit encadrée par un fonctionnaire de police de haut niveau. La commission a donné un avis défavorable alors que M. le ministre a rappelé à l'instant la nécessité de faire en sorte que ces agents aient des compétences et que leur activité soit encadrée. C'est la preuve que les risques existent si des garanties ne sont pas prises. Je fais confiance à la justice et aux magistrats, à quelques exceptions près, pour reprendre les termes de M. le garde des sceaux. Et je fais confiance à la police, également à quelques rares exceptions. Laisser poursuivre sur de simples déclarations me semble ouvrir une porte qui mériterait de rester fermée.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On mesure bien, là aussi, la difficulté dans laquelle on se trouve. L'infiltration que l'Assemblée vient de retenir n'a pas pour finalité d'écarter l'ensemble des éléments qui servent à affirmer la conviction d'une incrimination et qui permettent au tribunal de la connaître. Si une infiltration ne sert qu'à recueillir au bout de trois mois des déclarations de l'officier de police judiciaire infiltré, cela n'a pas grand intérêt.
    Le but d'une infiltration - je ne les défends pas, mais j'en discerne la pertinence pour certains cas - est de permettre de réunir des éléments matériels, de la même manière qu'une enquête préliminaire n'a d'intérêt que si elle aboutit à la réunion d'éléments matériels qui seront ajoutés, éventuellement, à des aveux, en tout cas à l'ensemble des éléments retenus dans le cadre des déclarations des parties et des témoins. Or la suppression de l'article 706-87 du code de procédure pénale fait de la potentialité déclarative le seul élément pouvant résulter du travail d'infiltration.
    Pour protéger le dispositif que vous voulez mettre en place, il faut que l'officier de police judiciaire infiltré sache qu'il ne doit ressortir du processus qu'avec des éléments matériels, que c'est cela l'aboutissement de son travail. A cet égard, l'article du projet de loi nous paraît relativement intéressant puisqu'il place l'infiltration au coeur du travail difficile d'investigation dans le but de réunir des éléments matériels. Il n'est pas imaginable qu'une infiltration de plusieurs mois ne débouche pas sur la réunion d'éléments matériels et se contente de recueillir de la bouche de l'infiltré de simples affirmations de culpabilité.
    L'intérêt de l'article est de fonder la pertinence de l'infiltration sur le processus de l'investigation et la réunion des éléments matériels.
    M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.

    M. Xavier de Roux. Nous touchons là un point important de la procédure pénale.
    On doit effectivement faire confiance aux juges pour apprécier les moyens de preuve qu'ils peuvent retenir pour condamner ou ne pas condamner. Mais l'amendement du rapporteur aboutit à une interprétation excessivement restrictive du texte.
    Après avoir réuni un certain nombre de preuves et d'éléments matériels, l'agent infiltré dressera évidemment un procès-verbal. Il peut parfaitement le faire puisqu'il est officier de police judiciaire ! Mais il se dévoilera alors nécessairement : il ne peut pas faire un procès-verbal d'officier de police judiciaire qui soit secret. Dès lors on ne plus affirmer que l'on va se contenter des déclarations ou du procès-verbal de l'agent infiltré sans dévoiler son indentité. Il faut laisser les choses ouvertes.
    L'agent infiltré, qui fera un travail extrêmement dangereux, obtiendra la réunion d'un certain nombre de preuves et fera un rapport à sa hiérarchie sur le travail qu'il aura effectué. Ensuite, ce sera au magistrat d'apprécier, dans le cadre du contradictoire, ce qui a été fait, ou qui n'a pas été fait. Dire qu'on peut condamner uniquement sur tel ou tel élément apporté par l'infiltré est inutilement restrictif.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. La suspicion par rapport aux services de police n'est pas de mise (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) car, en fait, l'agent infiltré n'est pas tout seul. Les infractions de criminalité organisée sont particulièrement graves et les trois quarts du temps, c'est toute une hiérarchie policière qui intervient, avec des officiers de police judiciaire coordonnateurs. Tout ne repose pas sur les déclarations d'un agent. Ce genre d'affaire fait l'objet de toute une procédure, avec la production d'un rapport et l'intervention d'agents pour coordonner des opérations. Suspecterait-on l'ensemble de la hiérarchie policière ? Je n'ose le croire.
    M. Jean-Pierre Blazy. Oh ! ce serait inacceptable ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, nous avons accompagné autant que nous le pouvions le rapporteur dans son travail et nous avons salué une part importante des propositions de la commission. Je voudrais que nos collègues arrêtent de parler de suspicion chaque fois que nous cherchons à préciser les interventions de l'ensemble de ceux qui concourent à l'oeuvre de justice, et notamment de l'action publique. C'est insupportable : il n'y a aucune suspicion de notre part à l'égard des services de police, comme il n'y en avait aucune hier, dans ma question préalable, à l'égard du parquet. J'ai même exprimé des craintes sur la capacité des procureurs à suivre l'action publique. Qu'on arrête donc de nous accuser de tous les maux de la terre !
    Nous cherchons à participer le mieux possible au travail commun sur la criminalité organisée. Je rappelle que nous avons reconnu la pertinence de ce texte en ce qui concerne la lutte contre la criminalité organisée. Nous essayons simplement d'en améliorer le mode opératoire. Je veux qu'on nous rende au moins « justice », pardonnez-moi l'expression, sur le sens de nos interventions. Tout à l'heure par exemple, je n'ai fait que rappeler la manière dont une enquête préliminaire devait être conduite pour déboucher sur des éléments matériels. Ce n'est pas un hasard si, dans le code pénal et dans le code de procédure pénale, l'aveu n'est pas considéré comme un élément suffisant. Il faut asseoir la décision de justice sur l'ensemble des éléments de l'enquête.
    Je tenais à apporter ces précisions, monsieur le président, en vous priant d'excuser la véhémence du ton. Il faut arrêter de tenir certains propos car nous avons encore à travailler, aujourd'hui et sûrement demain, sur des sujets très importants.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Prolongeant les propos de M. Le Bouillonnec, je voudrais souligner que nous ne faisons que défendre l'esprit du droit français. Nous sommes ici réunis, sur les bancs de droite comme de gauche, pour construire l'Etat de droit. Ce n'est pas parce que nous craignons que les failles du texte autorisent certaines dérives que pour autant nous devons être accusés de vouloir jeter le soupçon, voire l'opprobre, sur des catégories professionnelles qui concourent, ensemble, à l'action publique.
    Par ailleurs, je voudrais revenir sur la proposition de M. le rapporteur concernant les agents infiltrés. Ne l'oublions pas, l'économie générale du texte proposé par M. le garde des sceaux nous fait nous écarter de cette culture française qui ne se fonde pas sur l'aveu, pour nous approcher, petits bouts par petits bouts, d'une conception américaine de la justice.
    En effet, si nous adoptons l'amendement du rapporteur, nous devons bien tenir compte de ce qui vient d'être introduit dans le texte sur les repentis. Si demain, la justice se fonde sur ce que dira un agent infiltré, ou un repenti, ce sera un recul des libertés individuelles, du droit, bref, de la justice.
    Nous combattons la suppression de l'article 706-87 qui nous est proposée par M. le rapporteur précisément au nom de l'économie générale du texte. En effet, si nous commençons à découper le texte en tranches, sans nous intéresser à l'ensemble, nous risquons de cautionner des dispositions qui peuvent être dangereuses pour le droit français. C'est la raison pour laquelle les Verts ont déposé l'amendement n° 646 qui vient après.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je comprends le souci de la commission et après avoir écouté les arguments des uns et des autres, je pense que le texte peut très bien se concevoir sans cet alinéa. Je ne m'oppose donc pas à l'amendement de la commission et je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
    M. Jean-Pierre Blazy. Dommage !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je veux juste préciser trois éléments.
    Premier point, la commission ne touche absolument pas à l'équilibre du texte, elle propose même, et vous l'avez soutenue, un renforcement du contrôle du magistrat.
    M. Gérard Léonard. C'est vrai !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous avons tous la même volonté d'essayer de trouver les dispositions les plus opérationnelles.
    M. Gérard Léonard. Et les plus équilibrées.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Deuxième point, nous ne nous écartons pas du tout de l'esprit du droit français, au contraire ! En supprimant cet alinéa, nous en revenons aux règles habituelles de preuve et à l'intime conviction du magistrat qui considérera tous les éléments de preuve dont il disposera.
    Troisième point, quel est l'intérêt de l'agent infiltré ? De récolter le maximum de preuves, outre son propre témoignage et ses propres éléments. En effet, plus sa présence et son témoignage seront nécessaires, plus son identité risque d'apparaître, plus il mettra son activité en danger, et plus la défense pourra soulever un risque de provocation. Tout le travail d'un officier de police judiciaire infiltré consiste à réunir un maximum d'éléments matériels. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il ne doit pas être là le jour où l'infraction se commet, mais presque.
    Par contre, si nous repoussions l'amendement, nous courrions le risque d'être totalement démunis alors qu'un OPJ a été victime d'une infraction. C'est une solution de sagesse et l'Assemblée peut s'y rallier en toute sécurité.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 55, 19, 269 et 395.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    M. Jean-Pierre Blazy. On a essayé en vain de soutenir le Gouvernement !
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 646 de M. Mamère tombe.

ARTICLE 706-88 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 290, 584 et 647.
    L'amendement n° 290 est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 584 est présenté par MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 647 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 290.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale étend la garde à vue de quatre jours.
    La technique de la garde à vue présente plusieurs aspects extrêmement complexes pour tout le monde, y compris pour celui qui en est l'objet, chacun en conviendra. La prolongation de la garde à vue nous semble injustifiée compte tenu du dispositif qui est mis en place.
    La garde à vue intervient lorsque l'enquête, dans les modalités extraordinaires que vous mettez en place, a abouti à la réunion d'éléments différents mais substantiels, y compris ceux que le rapporteur vient d'évoquer, qui permettent de faire basculer l'enquête de la démarche de surveillance dans un processus d'intervention judiciaire avec mise aux arrêts et placement en garde à vue. On considère donc que l'action publique a réuni suffisamment d'éléments pour éventuellement constituer une incrimination.
    Nous l'avons dit hier, nous parlons de délits ou de crimes complexes. M. le garde des sceaux a même indiqué qu'il n'entendait pas mettre en cause la technique de l'instruction puisque c'est dans ces domaines qu'elle pourrait exercer très précisément ses compétences et ses effets. Ce n'est pas parce qu'une procédure exceptionnelle, avec des moyens extraordinaires, a conduit les services de police à placer quelqu'un en garde à vue, qu'elle est de nature à justifier une prolongation de la garde à vue car, dans la quasi-totalité des cas, le dossier fera l'objet d'une saisine du juge d'instruction par le parquet et d'une ouverture d'instruction pour poursuivre les investigations.
    Il n'est pas nécessaire de prolonger la garde à vue tout simplement parce que les investigations conduites dans un cadre extraordinaire, selon l'arsenal que vous mettez en place, permettront de réunir les éléments suffisants pour entrer dans le cadre judiciaire, c'est-à-dire pour ouvrir une instruction. Si la prolongation de la garde à vue peut se justifier en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, c'est parce que les dispositifs ne sont pas comparables dans la mesure où vous avez créé des instruments d'investigation allant au-delà de ceux prévus par le droit commun. Il est fondamental de limiter la durée de la garde à vue à la phase strictement nécessaire au procureur pour décider des suites de l'action publique - il pourra choisir de ne pas donner suite ou de saisir le juge d'instruction.
    J'ajoute - c'est un élément que nous ne pouvons pas négliger et que nous avons rappelé à plusieurs reprises en soutenant les motions de procédure - que cette mesure poserait un problème matériel en raison des conditions dans lesquelles sont exercées les gardes à vue dans les commissariats et dont le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux se sont d'ailleurs émus. Le problème de la garde à vue est complexe, y compris matériellement, et je ne parle pas de la rétention, car c'est pire. Actuellement, vous ne pouvez le nier, les conditions dans lesquelles s'effectuent les gardes à vue dans les commissariats sont indignes - je le dis franchement - et la France sera sans doute à nouveau condamnée par les juridictions internationales.
    Vous me répondrez qu'en matière de criminalité organisée on utilisera la technique des pôles regroupés. Nous avons bien compris tout cela. Mais dans les pôles qui existent actuellement, les conditions de garde à vue ne sont pas meilleures qu'ailleurs. A mes yeux, c'est un problème matériel. Le parquet s'est légitimement posé la question et les représentants des syndicats de police se sont inquiétés de cet aspect des choses au cours des auditions.
    Voilà pourquoi il ne nous paraît pas justifié de prolonger la garde à vue.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Comme vient de le dire Jean-Yves Le Bouillonnec, les services de police nous disent très clairement qu'ils auront beaucoup de difficultés à assurer la garde à vue de quatre jours, étant donné le fort engorgement des commissariats et, le cas échéant, des lieux de rétention.
    Par ailleurs, le texte qui nous est proposé ne prévoit aucune garantie particulière - temps de repos, alimentation, etc. - contre les risques de traitements dégradants, inhérents à une telle mesure et nous risquons d'être condamnés par l'Union européenne.
    Enfin, s'agissant d'un texte sur la criminalité organisée, la généralisation de la garde à vue de quatre jours va à l'encontre de l'évolution de la procédure pénale. C'est un archaïsme que l'on introduit à un moment où il faut moderniser cette procédure pénale. Alors que les enquêtes policières reposent aujourd'hui sur la recherche de preuves scientifiques, la mesure que vous nous proposez sera source de nullités procédurales qui entraveront la recherche de la vérité. Si vous voulez que celle-ci soit plus rapide, qu'elle s'effectue dans le respect des droits de la personne, conformément aux règles de la convention européenne, et qu'elle ne mette pas dans un embarras encore plus grand les services de police en charge de mener l'action publique, ne proposez pas cette garde à vue de quatre jours !
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Je rejoins les observations de mes collègues. Ce nouveau régime dérogatoire au droit commun sera applicable à un grand nombre d'infractions dont la qualification elle-même est sujette à interprétation. Le fait de créer un nouveau régime de garde à vue dérogatoire au droit commun portant à quatre les types de rétention possible et imposant une combinaison avec d'autres régimes dérogatoires, notamment ceux qui s'appliqueront en cas de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, sera inévitablement source de complexités et de nullités procédurales. Le droit positif en la matière ne répondra donc pas aux exigences de lisibilité et de sécurité juridique.
    J'ajoute qu'une telle durée de garde à vue s'apparente davantage à une prédétention provisoire qu'à une nécessité impérieuse de maintenir les personnes à portée de vue. Ainsi le juge d'instruction pourra-t-il ne pas mettre en examen une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants et faire poursuivre l'interrogatoire en l'absence d'un avocat, puisque celui-ci ne pourra intervenir qu'au bout de la quarante-huitième, puis de la soixante-douzième heure de garde à vue.
    Si des indices suffisamment graves à l'encontre d'une personne justifiaient une rétention aussi longue, une mise en examen s'imposerait, avec les garanties que cela comporte pour la défense, et non une garde à vue abusive de quatre-vingt-seize heures. Tel est l'esprit de notre amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le sujet est grave puisqu'il s'agit de la liberté des personnes, et je serai très clair : si je propose ces possibilités de prolongation, c'est pour lutter contre des organisations criminelles dont le démantèlement nécessite que les personnes arrêtées puissent être gardées à vue pendant un temps suffisant pour permettre le déroulement des opérations d'enquête. A cet égard, je ferai deux remarques.
    D'abord, les prolongations seront décidées par un magistrat du siège, soit à la demande du procureur, soit sur décision de juge d'instruction. C'est une garantie extrêmement importante s'agissant de la protection des libertés individuelles.
    Ensuite, je sais bien que comparaison n'est pas raison, mais c'est exactement le dispostif qui est en vigueur en Grande-Bretagne, à l'exception près que le magistrat intervient pour la seconde prolongation seulement, pas pour la première comme nous le prévoyons. Or, que je sache, la Grande-Bretagne, n'a pas la réputation d'être un pays qui ne respecte pas les libertés individuelles !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. La logique de l'argumentation de M. Le Bouillonnec m'échappe. En effet, il est d'accord avec la prolongation de la détention déjà en vigueur en matière de trafic de stupéfiants, mais n'admet pas une prolongation de la garde à vue pour les infractions particulièrement graves que sont le crime de meurtre commis en bande organisée, le crime de tortures et actes de barbarie ou les crimes et délits aggravés de traite des êtres humains.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 290, 584 et 647.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 426, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de l'article 706-73 les mots : "des articles 706-73 et 706-74. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Cet amendement a été défendu, de même, d'ailleurs, que les amendements n°s 427, 428 et 429.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable, pour conserver l'équilibre du texte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. Thierry Mariani. Je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 426 est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 407 et 56, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 407, présenté par MM. Estrosi, Gérard Léonard, Fenech, Mariani, Luca, Cova, Mmes Marland-Militello, Franco et M. Poulou, est ainsi libellé :
    « I. Après les mots : « , faire l'objet », rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale : "d'une prolongation supplémentaire de 48 heures. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 63-4 sont applicables. »
    « II. En conséquence, rédiger ainsi la dernière phrase du troisième alinéa de cet article : "Toutefois, à titre exceptionnel, la prolongation peut être accordée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer. »
    L'amendement n° 56, présenté par M. Warsmann, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale par la phrase suivante :
    « Toutefois, lorsque l'enquête porte sur une infraction entrant dans le champ d'application des dispositions des paragraphes  6°, 8°, 8 bis et 11° de l'article 706-73 ou lorsqu'elle porte sur une infraction commise en bande organisée prévue par l'article 224-3 du code pénal, la garde à vue peut faire l'objet d'une seule prolongation exceptionnelle de 48 heures. »
    La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement n° 407.
    M. Thierry Mariani. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 56 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 407.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le projet de loi prévoit d'instaurer un régime spécifique en matière de garde à vue pour les enquêtes portant sur les infractions relevant de la criminalité organisée sans modifier le droit en vigueur. Cette démarche aura pour conséquence de porter à cinq le nombre des régimes de garde à vue pour les majeurs :
    Un régime de droit commun, vingt-quatre heures renouvelables une fois ;
    Un régime pour les infractions en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants - durée maximale de quatre jours avec la présence de l'avocat à l'issue de la soixante-douzième heure ;
    Un régime pour les infractions relevant de la criminalité organisée prévu par ce texte - quatre fois vingt-quatre heures avec intervention d'un magistrat à chaque prolongation et présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue ;
    Un régime pour des infractions particulièrement graves figurant à l'article 706-73 et à l'article 63-4, 7e alinéa, du code de procédure pénale - garde à vue de quarante-huit heures, c'est-à-dire le droit commun, avec possibilité de deux prolongations de vingt-quatre heures, et intervention de l'avocat à l'issue de la trente-sixième heure seulement ;
    Enfin, un régime pour les infractions figurant à l'article 63-4, 7e alinéa, uniquement.
    Nous avons souhaité simplifier ce dispositif et revenir à trois régimes, tout en respectant la volonté du Gouvernement de faire en sorte qu'en matière de criminalité organisée l'avocat puisse intervenir dès la première heure de garde à vue.
    Nous proposons donc d'appliquer le régime de droit commun - deux fois vingt-quatre heures de garde à vue et présence de l'avocat dès la première heure - pour les infractions les moins graves figurant à l'article 63-4. J'insiste d'ailleurs sur le fait que cela représente un progrès dans la mesure où l'avocat pourra désormais intervenir dès la première heure, alors qu'il ne peut actuellement le faire qu'à la trente-sixième heure. Les infractions concernées sont les suivantes : extorsion de fonds aggravée - articles 312-2 à 312-5 du code pénal -, enlèvement et séquestration commis en bande organisée - article 224-3 du code pénal -, vol en bande organisée - article 311-9 du code pénal -, autres associations de malfaiteurs.
    En revanche, les infractions les plus graves figurant à l'article 63-4 seraient rattachées au régime applicable s'agissant de terrorisme et de trafic de stupéfiants. Il s'agit du proxénétisme aggravé défini par les articles 225-7 à 225-9 du code pénal, des crimes aggravés d'extorsion de fonds ayant entraîné la mort, la mutilation ou une infirmité permanente, ou commis avec usage d'une arme - articles 312-6 et 312-7 -, des infractions pour lesquelles s'appliquent des peines allant de vingt ans jusqu'à la réclusion à perpétuité. Nous avons également placé dans cette catégorie les associations de malfaiteurs en vue de la préparation des infractions énumérées à l'article 706-73 - les plus graves - et la destruction d'un bien par une substance explosive - article 322-8.
    Notre objectif est donc de simplifier le dispositif, tout en respectant l'équilibre, pour que les officiers de police judiciaire et les praticiens puissent l'utiliser. Nous ne prétendons pas être parvenus à la perfection, mais nous pourrons procéder à des recadrages au cours des navettes, l'essentiel étant de se mettre d'accord sur un dispositif ne comportant que trois régimes. Nous pourrons toujours, par la suite, faire passer une infraction d'une catégorie à l'autre. Nous ne voulons pas porter atteinte aux droits de la défense. Pour les infractions les plus graves, l'avocat qui intervenait à la trente-sixième heure ne sera appelé qu'à la soixante-douzième heure, mais l'expérience montre que, la plupart du temps, la garde à vue ne dure pas si longtemps. Nous avons essayé de trouver un équilibre en toute loyauté, mais le travail parlementaire permettra sans doute de l'améliorer.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
    M. le garde des sceaux. Le sujet est d'autant plus complexe qu'il faut concilier deux exigences contradictoires.
    D'une part, il faut que le dispositif soit suffisamment précis et encadré pour que les prolongations de garde à vue n'interviennent que lorsque policiers et magistrats en ont besoin pour faire leur travail.
    D'autre part, et c'est un souci que je comprends tout à fait, il faut simplifier ce dispositif. En effet, le projet du Gouvernement aura pour conséquence de faire coexister cinq systèmes de garde à vue différents, ce qui compliquera le travail des services d'enquête et des magistrats.
    Si l'amendement n° 56 et l'amendement n° 58 rectifié, qui n'a pas encore été appelé, étaient adoptés, il n'y aurait plus qu'une seule autorisation de prolongation par le magistrat, et non deux. Je suis assez réservé à cet égard, car je crains que cela ne pose un problème de constitutionnalité. Nous pourrons toujours améliorer le texte au cours de la navette, mais il ne faudrait pas mettre en place un dispositif qui serait susceptible d'être annulé par le Conseil constitutionnel.
    L'amendement n° 56 vise à reclassifier les types d'infractions dans des conditions qui me paraissent poser moins de problèmes. En fait, vous nous proposez, monsieur le rapporteur, de supprimer le système intermédiaire, en termes d'intervention de l'avocat, et de soumettre les infractions permettant l'intervention à la trente-sixième heure, pour une part, au régime prévoyant l'intervention dès la première heure et, pour une autre part, au régime prévoyant cette intervention à la soixante-douzième heure. Il y a là une sorte de point d'équilibre qui m'amène à m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, étant précisé que dans aucun cas on ne supprime la présence de l'avocat dès la première heure lorsqu'elle est prévue. C'est pour moi un point très important. Je ne souhaite pas que l'on étende le régime applicable en cas de terrorisme ou de trafic de stupéfiants qui ne prévoit pas l'intervention de l'avocat dès la première heure. Je le dis très clairement à l'Assemblée.
    S'agissant de l'amendement n° 58 rectifié, je m'en remettrai également à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Tout d'abord, nous nous réjouissons, monsieur le ministre, de vous entendre défendre la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue. Nous sommes très heureux de vous avoir convaincu, car vous ne l'avez pas toujours été. Je me rappelle notamment de la bataille que nous avons dû mener en 2000, lors de l'examen du projet de loi relatif à la présomption d'innocence.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai ! On a entendu beaucoup de choses !
    M. André Vallini. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire et pour se convertir au progrès des droits de la défense ! En revanche, M. Warsmann a dit que son amendement était parfait.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ah non ! J'ai dit justement qu'il n'était pas parfait et que la deuxième lecture permettrait de l'améliorer !
    M. André Vallini. Excusez-moi, j'avais compris le contraire ! Dont acte pour votre humilité. En effet, votre texte n'est pas parfait. Certes, l'idée de simplifier les régimes de garde à vue est bonne et nous sommes plutôt enclins à vous suivre, mais nous aurions tout de même besoin, pour y voir plus clair, d'un document écrit que nous n'avons eu ni en commission des lois ni en séance publique. Pour l'heure, nous nous abstiendrons donc.
    M. le président. L'amendement n° 407 de M. Estrosi est-il maintenu ?
    M. Gérard Léonard. Il est retiré.
    M. le président. L'amendement n° 407 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 56.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 57, ainsi rédigé :
    « Compléter la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale par les mots : "à la demande de la personne gardée à vue. »
    Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président !
    M. le président. Le Gouvernement y est favorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 57.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 58 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale par les mots : "sauf lorsque l'enquête porte sur une infraction entrant dans le champ d'application de l'avant-dernier alinéa de l'article 63-4 auquel cas l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue de la soixante-douzième heure de la garde à vue. »
    Il s'agit d'un amendement de conséquence.
    Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-89 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 427, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article 706-89 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de l'article 706-73, les mots : "des articles 706-73 et 706-74. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 427.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 291 et 648.
    L'amendement n° 291 est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 648 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le texte proposé pour l'article 706-89 du code de procédure pénale, supprimer les mots : ", visites domiciliaires. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 291.
    M. Jean-Pierre Blazy. En l'absence d'un encadrement suffisant de la procédure de perquisition, il nous semble imprudent, pour l'heure, d'étendre les possibilités d'atteinte à la protection du domicile.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 648.
    M. Noël Mamère. Même argumentation que mon collègue Blazy. Si l'on vote l'article 706-89, tel qu'il est rédigé, nous aurons une preuve supplémentaire de ce que ce projet concernant la justice est subordonné à un autre texte voté en juillet 2002, accordant encore plus de pouvoirs à la police. Faute d'un encadrement sérieux, nous ne pouvons donc accepter cette erreur de plume.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 912 et 648.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

ARTICLE 706-90 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. MM. Vaxés, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 585, ainsi rédigé :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-90 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Le Conseil constitutionnel considère que l'inviolabilité du domicile est un des aspects de la liberté individuelle et que sa sauvegarde doit être confiée à l'autorité judiciaire, aux termes de l'article 66 de la Constitution. Aussi, les dérogations à ce principe, telles les perquisitions, doivent être strictement encadrées.
    Pourtant, votre texte prévoit la possibilité de généraliser les perquisitions en permettant qu'elles puissent avoir lieu dans le cadre d'une enquête préliminaire et de flagrance relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, ce qui recouvre un très grand nombre d'infractions. De plus, elles pourront avoir lieu sans la présence de la personne dont le domicile est perquisitionné et sans son assentiment. C'est cette disposition qui nous a conduits à déposer cet amendement de suppression du texte proposé pour l'article 706-90. Mais nous aurions pu aussi présenter un amendement identique à celui de Noël Mamère, le numéro 649. Il s'agissait pour nous de modifier le texte initial.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. D'une part, les dispositions proposées par le Gouvernement en matière de perquisition sont très encadrées et limitées - elles ne couvrent que l'article 706-73. D'autre part, elles reprennent intégralement le dispositif de perquisition préliminaire sans l'assentiment de la personne qui avait été voté sous la précédente législature, dans la loi relative à la sécurité quotidienne, en novembre 2001.
    M. le président. L'avis du Gouvernement est-il identique à celui de la commission ?
    M. le garde des sceaux. Tout à fait.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. M. Warsmann a fait référence à la loi relative à la sécurité quotidienne. Je rappelle que les Verts, qui étaient à l'époque dans la majorité, ont voté contre ce texte. C'est précisément parce qu'il y a eu une loi relative à la sécurité quotidienne, que les lois Sarkozy ont ensuite pu étendre le champ des investigations et porté atteinte à la notion d'inviolabilité et que le Gouvernement peut aujourd'hui nous proposer cette extension des pouvoirs de la police contre les droits du justiciable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 585.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 428, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-90 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de l'article 706-73, les mots : "des articles 706-73 et 706-74. »
    Cet amendement a déjà été défendu par M. Mariani.
    M. Thierry Mariani. Je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 428 est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements identiques n°s 292 et 649.
    L'amendement n° 292 est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste. L'amendement n° 649 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-90 du code de procédure pénale par les mots : "mais sous réserve de sa présence . »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 292.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Procéder à une perquisition sans l'assentiment de la personne concernée, comme l'a prévu effectivement, dans certains cas, la loi relative à la sécurité quotidienne, est une chose, le faire sans qu'elle soit présente en est une autre. Nous établissons, quant à nous, une distinction très nette d'autant qu'en général le problème se pose pendant la garde à vue.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l'amendement n° 649.
    M. Noël Mamère. Je n'ai rien à ajouter aux explications données par M. Le Bouillonnec.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements car il existe une multitude de situations où la présence de la personne ne peut être acquise, par exemple, lorsqu'elle est en fuite ou introuvable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 292 et 649.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 293 et 636.
    L'amendement n° 293 est présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 636 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-90 du code de procédure pénale, après le mot : " conditions, , insérer les mots : " à l'exception des visites domiciliaires, . »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 293.
    M. Jean-Pierre Blazy. Amendement de cohérence avec l'amendement n° 291 que j'ai présenté tout à l'heure. M. le rapporteur a fait allusion à l'excellente loi sur la sécurité quotidienne votée au cours de la précédente législature pour justifier l'avis de la commission. Mais nous considérons toujours, malgré ses explications, que l'encadrement reste insuffisant dans la procédure des perquisitions s'agissant de la protection minimale du domicile que nous voulons garantir.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Même argumentation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le texte du Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 293 et 636.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

ARTICLE 706-91 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. L'amendement n° 429 de M. Mariani est retiré.
    M. Vignoble et M. Salles ont présenté un amendement, n° 349, ainsi rédigé :
    « A la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-91 du code de procédure pénale, supprimer les mots : ", lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation »
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Cet amendement a pour objet de permettre au juge d'instruction d'autoriser, dans des cas exceptionnels, des perquisitions de nuit même dans des locaux d'habitation. La grande criminalité est très organisé, en effet, et les délinquants peuvent agir dans les locaux d'habitation et bénéficier ainsi, la nuit, d'une impunité totale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    MM. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable même si je comprends bien le souci de notre collègue, d'autant que la différence entre locaux d'habitation et locaux où s'organisent des trafics en tout genre est parfois ténue. La commission a souhaité, en effet, respecter l'équilibre du texte du Gouvernement et rester dans la ligne des principes qui ont été posés par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision de 1996 en matière de terrorisme.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Gantier ?
    M. Gilbert Gantier. Non, je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 349 est retiré.

ARTICLE 706-92 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. L'amendement n° 430 de M. Mariani est retiré.
    M. Warsmann, rapporteur, MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 59, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-92 du code de procédure pénale, après les mots : "éléments de fait, insérer les mots : "et de droit. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je laisse à M. Vallini le soin de présenter cet amendement.
    M. André Vallini. Pour une fois que la commission adopte un amendement du groupe socialiste ! Il s'agit d'ajouter les mots « et de droit » pour donner à la validation toute la portée qu'elle mérite.
    M. le président. Quelle est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Favorable.
    M. Noël Mamère. C'est une première !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

ARTICLE 706-93 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, M. Mariani et M. Estrosi ont présenté un amendement, n° 60, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-93 du code de procédure pénale, supprimer les mots : ", à lui seul,. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Cet amendement vise à supprimer les mots « , à lui seul, ». Cette expression semble en effet être à l'origine de longs conflits de jurisprudence. En outre, il s'agit ici de réaffirmer que, lors d'une perquisition ayant pour objet de découvrir les infractions spécifiées par un magistrat, les infractions autres qui peuvent être découvertes doivent être poursuivies.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-95 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 431, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-95 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de l'article 706-73, les mots : "des articles 706-73 et 706-74. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le président, je retire cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 431 est retiré.
    Je suis saisi de quatre amendements, n°s 294, 650, 651 et 652, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 294, présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article I-706-95 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "paraît devoir être évité en raison des risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du, les mots : "doit être évité en raison des risques graves et avérés soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du juge des libertés et de la détention saisi par le. »
    L'amendement n° 650, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-95 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "paraît devoir, le mot "doit. »
    L'amendement n° 651, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-95 du code de procédure pénale, après les mots : "des risques graves, insérer les mots : "et avérés. »
    L'amendement n° 652, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-95 du code de procédure pénale, après les mots : "avec l'accord préalable du, insérer les mots : "juge des libertés et de la détention saisi par le. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 294.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S'agissant d'une exception à une règle fondamentale de procédure, il convient d'éviter toute appréciation subjective. En outre, nous considérons que l'accord préalable doit être donné par le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur ou le juge d'instruction.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre les amendements n°s 650, 651 et 652.
    M. Noël Mamère. M. le rapporteur, qui souhaite une justice pour tous et qui défend l'esprit du droit français contre les dérives de la justice d'exception, ne pourra qu'être d'accord avec ces amendements qui visent purement et simplement à se prémunir contre toute éventuelle dérive ou tout risque de subjectivité.
    M. le président. Qu'en est-il, monsieur le rapporteur ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le rapporteur, qui est pragmatique, approuve le pragmatisme du texte du Gouvernement. Et il est donc défavorable à tous ces amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 650.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 651.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 652.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 295, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-95 du code de procédure pénale par les mots : "ou d'un avocat désigné par lui ».
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Cet amendement se justifie par son texte même.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. Le code de procédure pénale - article 57-  prévoit déjà la présence de deux témoins et cette garantie n'alourdit pas le dispositif. L'équilibre actuel du texte du Gouvernement est tout à fait convenable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 295.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 706-96 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 432, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-96 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de l'article 706-73, les mots : "des articles 706-73 et 706-74. »
    Cet amendement est-il retiré, monsieur Mariani ?
    M. Thierry Mariani. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 432 est retiré.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 534, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-96 du code de procédure pénale, supprimer la référence : "100. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 534.

    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 414 et 433, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 414, présenté par M. Fenech et M. Mariani, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-96 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "quinze jours les mots : "quatre mois. »
    L'amendement n° 433, présenté par MM. Mariani, Cova, Giro, Calvet et Diard, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-96 du code de procédure pénale, après le mot : "renouvelable, supprimer les mots : "une fois. »
    La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l'amendement n° 414.
    M. Georges Fenech. Je considère que cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. L'amendement n° 433 a déjà été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 414.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 433.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 638 et 296 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 638, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 706-96 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "procureur de la République les mots : "juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République.
    « II. - En conséquence, à la fin de ce même alinéa, substituer au mot : "magistrat, le mot : "dernier. »
    L'amendement n° 296 corrigé, présenté par MM. Vallini, Blazy, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après les mots : "exercées par le, rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 706-96 du code de procédure pénale : "juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce dernier. »
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 638.
    M. Noël Mamère. Cet amendement vise à préserver les prérogatives du juge.
    M. le président. La parole est à M. André Vallini pour présenter l'amendement n° 296 corrigé.
    M. André Vallini. Je considère que cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. Il importe en effet de ne pas mélanger les rôles : le juge des libertés et de la détention peut autoriser des écoutes, mais c'est bien le procureur de la République qui va les diriger.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 638.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Mariani, Cova, Giro, Calvet et Philippe Armand-Martin ont présenté un amendement, n° 412, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-96 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "sans délai, les mots : "dans les meilleurs délais. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Cet amendement vise à éviter que les enquêtes ne continuent à être entachées de vices de procédure. En effet, de nombreuses procédures ont été annulées du fait des délais, entraînant une surcharge de travail pour les policiers contraints de reprendre l'enquête à son début.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 412.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-97 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 62, ainsi rédigé :
    « Substituer aux quatre-vingt-huitième à quatre-vingt-onzième alinéas de l'article 1er les six alinéas suivants :
    « Section 6. - Des dispositions relatives à la sonorisation de certains lieux ou véhicules.
    « Art. 706-97. - Lorsque les nécessités de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut prescrire la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, l'interception, l'enregistrement, y compris audiovisuel, et la transcription des paroles prononcées par eux-mêmes ou par plusieurs autres personnes à titre privé dans tout lieu ou véhicule public ou privé.
    « Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle. La décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.
    « Art. 706-97-1. - Cette décision est prise pour une durée maximum de quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes formes. Elle est exécutée selon les modalités prévues aux articles 100-3 à 100-6.
    « Art. 706-97-2. - Ces opérations ne peuvent concerner les lieux visés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 ni être mises en oeuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes visées à l'article 100-7. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. De quoi s'agit-il ? Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'indiquer dans la discussion générale, il a souvent été fait allusion dans les auditions auxquelles nous avons procédé aux difficultés rencontrées au cours des enquêtes du fait notamment que les écoutes téléphoniques donnaient parfois des résultats limités. En matière de téléphonie portable, par exemple, devoir changer de puce plusieurs fois par jour rend le suivi extrêmement complexe. La commission des lois vous propose donc d'introduire la possibilité d'effectuer des sonorisations dans certains lieux ou dans certains véhicules. Cela se ferait de la manière la plus strictement encadrée, uniquement pour les infractions les plus graves, citées à l'article 706-73 du projet de loi et limitativement énumérées, et seulement sous le contrôle du juge d'instruction.
    Cette disposition montrerait également que nous n'avons aucune volonté de retirer des armes au juge d'instruction puisque nous lui donnerions un nouveau moyen de travailler.
    Enfin, on nous a fait observer au cours des auditions que la plupart des pays développés se sont dotés de ce type de moyens et que la France est régulièrement sollicitée par les services de pays voisins qui, par exemple, ont sonorisé des véhicules de trafiquants de drogue et se voient dans l'impossibilité de poursuivre l'enquête - ou alors de manière illégale - lorsque ces véhicules passent nos frontières.
    La disposition que nous proposons améliorera la transparence et renforcera les droits de la défense puisque, à partir du moment où elle entrera dans la procédure, elle fera l'objet de prises de position des uns ou des autres. Cette mesure, que nous avons encadrée autant que nous avons pu, pourra être utilement mise en oeuvre dans les enquêtes. J'espère que nous sommes ainsi fidèles à la volonté du Gouvernement d'adapter les moyens de notre justice aux évolutions de la criminalité.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. J'avoue mes hésitations sur ce sujet. Dans la note d'orientation que j'avais rendue publique en décembre dernier, j'avais envisagé ce type de dispositif. Mais, à la suite des travaux de préparation du texte, j'ai finalement retiré cette mesure du présent texte. Il est vrai qu'au départ nous n'avions pas prévu l'énumération limitative des cas où un tel dispositif pourrait être utilisé. L'amendement de M. Warsmann est bien dans cet esprit : il cible les cas les plus graves, c'est-à-dire les atteintes aux personnes dans le cadre de la criminalité organisée.
    Cela étant, l'Assemblée doit être bien consciente du caractère extrêmement intrusif de ce type de dispositif. Il s'agit de mettre en place dans des domiciles ou des bureaux, après s'y être introduit de manière subreptice, des moyens techniques dont l'existence n'est évidemment pas connue par les personnes. Nous discutons donc d'une mesure lourde de sens du point de vue des libertés publiques. En conséquence, je m'en remettrai dans l'immédiat à la sagesse de l'Assemblée, en espérant que notre réflexion se poursuivra au cours des navettes. Si le Gouvernement s'est volontairement abstenu de demander l'urgence sur ce texte, c'est précisément pour permettre une réflexion sereine sur des sujets aussi sensibles.
    Par ailleurs, cette question constitue à la fois un grand enjeu pour l'efficacité des enquêtes et pour celle de la coopération internationale. A cet égard, la notion de suivi international, soulevée pour le rapporteur, est un argument auquel je suis sensible. Il y a effectivement là un problème technique. J'ajoute, pour l'information de l'Assemblée nationale, que la plupart des grands pays démocratiques ont adopté - je le reconnais bien volontiers - ce type de dispositif. Je m'en suis entretenu avec mes collègues du G8 lors de la réunion, qui a eu lieu il y a quelques jours, à Paris. Effectivement, aussi bien la Grande-Bretagne que l'Allemagne ou les Etats-Unis ont mis en place de telles mesures dans leur législation. Cet argument va plutôt dans le sens de la proposition du rapporteur.
    Pour l'heure, le Gouvernement adopte une position de sagesse sur cet amendement dans la perspective d'une réflexion plus approfondie, qui nous permettra, au cours des navettes, de préciser sans doute les choses.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Une fois n'est pas coutume, je suis totalement d'accord avec les arguments qui ont été invoqués par M. le garde des sceaux. Ce n'est pas parce que d'autres grands pays démocratiques ont adopté ce type de disposition que nous devons les suivre, d'autant que, compte tenu du flou de la définition que vous avez donnée de la bande organisée, la rédaction proposée recèle un véritable danger. Certes elle concernerait la criminalité organisée, mais elle laisserait la porte ouverte à des atteintes aux libertés individuelles.
    La réticence du Gouvernement me paraît donc fondée, et j'aurais préféré que M. le garde des sceaux, au lieu de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, exprime clairement son opposition. Puisqu'il présente ce projet, il lui appartient de donner son point de vue de manière plus affirmée.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mais ce n'est pas lui qui présente l'amendement !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, les amendements identiques n°s 6 de M. Grand et 397 de M. Estrosi tombent.

APRÈS L'ARTICLE 706-97
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 24 corrigé, 273 et 391 corrigé.
    L'amendement n° 24 corrigé est présenté par M. Grand ; l'amendement n° 273 est présenté par M. Mallié et M. Gilles ; l'amendement n° 391 corrigé est présenté par MM. Estrosi, Mariani, Lasbordes, Luca, Marsaud, Mme Marland-Militello, Mme Franco et M. Poulou.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après le texte proposé pour l'article 706-97 du code de procédure pénale, insérer les dispositions suivantes :
    « Section 6 bis. - De la publicité des méthodes de fabrication d'armes, de substances explosives ou de poudres. »
    « Art. 706-97-1. - I. Le fait, par toute personne, par tous moyens, par tout support y compris informatique, et pour tout usage civil ou militaire, de divulguer ou de proposer, à titre gratuit ou onéreux, une ou plusieurs méthodes de fabrication d'armes, de substances explosives ou de poudres, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 150 000 euros.
    « II. Seront passibles de ces mêmes peines les personnes qui assurent, même à titre gratuit, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par des services de communication publique en ligne.
    « Ces personnes ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée du fait de la diffusion de ces informations ou activités que si, dès le moment où elles ont eu la connaissance effective de leur caractère manifestement illicite, ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère manifestement illicite, elles n'ont pas agi dans les meilleurs délais pour retirer ces données ou rendre l'accès à celles-ci impossible.
    « En cas de récidive, les peines prévues par le présent article pourront être élevées jusqu'au double.
    « La confiscation des produits fabriqués, importés, exportés ou vendus ou cédés à titre gratuit, les moyens de fabrication ainsi que des supports ayant servi à la diffusion de ces méthodes et/ou composition peut être ordonnée par le même jugement à la requête de l'autorité administrative.
    « III. Des représentants assermentés du ministre d'Etat chargé de la défense nationale et du ministre chargé du développement industriel et scientifique peuvent constater toute infraction aux prescriptions du présent article ; les procès-verbaux qu'ils dressent à cet effet font foi jusqu'à preuve du contraire.
    « Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions selon lesquelles ces représentants sont désignés et assermentés.
    « Les agents de l'administration des douanes peuvent constater, dans les conditions prévues par le code des douanes, toute infraction aux prescriptions du présent article concernant l'importation et l'exportation des poudres et substances explosives. »
    Ces amendements sont-ils défendus ?
    M. Thierry Mariani. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, non sur le fond - d'autant que nous allons proposer une disposition allant dans le même sens - mais parce qu'ils sont présentés dans le titre relatif à la criminalité organisée. Ils ne sont donc pas à la bonne place dans le texte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 24 corrigé, 273 et 391 corrigé.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

ARTICLE 706-98 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Mariani ont présenté un amendement, n° 63, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-98 du code de procédure pénale, après les mots : "le cas échéant, insérer les mots : "l'indemnisation des victimes et.
    « II. - En conséquence, compléter la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots : "et de l'action civile. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Même dans le cas de criminalité et de délinquance organisée, il existe des victimes dont il convient de renforcer les droits. En l'espèce, il s'agit de préciser que les biens saisis à titre conservatoire aux délinquants et criminels organisés servent à garantir non seulement le paiement des amendes et l'exécution des confiscations, mais aussi le paiement de l'indemnisation des victimes.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a adopté cette excellente disposition.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Sagesse !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Garraud a présenté un amendement, n° 340, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-98 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "des libertés et de la détention, les mots : "d'instruction.
    « II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans le dernier alinéa de cet article. »
    La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Je dois d'abord rappeler que nous sommes dans le cadre de la criminalité organisée, donc des infractions les plus graves, et qu'il s'agit d'informations ouvertes ; c'est-à-dire qu'un juge d'instruction est déjà saisi de l'affaire. Il s'agit de savoir qui peut ordonner de simples mesures conservatoires, telles que des saisies ou des confiscations.
    Or je trouve illogique que le projet attribue cette compétence au juge des libertés et de la détention et non au juge d'instruction. En effet cela entraînerait un alourdissement considérable de la procédure et provoquerait donc des retards. Je sais que cela poserait aussi des problèmes d'intendance dans les juridictions.
    Comme rien ne semble s'opposer à ce que ces procédures pour de simples mesures conservatoires relèvent du juge d'instruction déjà saisi de l'affaire, je préfèrerais qu'il en soit ainsi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je comprends bien la motivation de notre collègue, mais la commission a émis un avis défavorable parce qu'il s'agit de mesures attentatoires aux droits de la personne.
    En outre, le dispositif retenu est traditionnel en droit français. Ainsi, avant qu'existe le juge des libertés et de la détention, ce genre de prérogatives était confié par l'ancien article 706-30 du code de procédure pénale non pas au juge d'instruction, mais à un autre magistrat : le président du tribunal de grande instance. Le fait que le Gouvernement nous propose un dispositif qui maintient le partage des compétences entre deux magistrats me semble cohérent avec la tradition juridique.
    Pour respecter l'équilibre du texte du Gouvernement, la commission a donc émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 340.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 64, ainsi libellé :
    « Après les mots : "prévues par les, rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-98 du code de procédure pénale : "procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur les biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, de la personne mise en examen. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Fenech et M. Mariani ont présenté un amendement, n° 415, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 706-98 du code de procédure pénale par les mots : "ou sur ceux dont elle n'est pas propriétaire mais sur lesquels l'enquête fait apparaître qu'elle exerce une possession ou une gérance de fait. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Le présent projet de loi ouvre au juge des libertés et de la détention la possibilité d'ordonner, dans les cas de criminalité et de délinquance organisée les plus graves, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen. Afin de parer aux éventuelles dissimulations, il nous a paru opportun de ne pas limiter cette possibilité aux seuls biens dont la personne en cause est propriétaire, mais de l'étendre à ceux sur lesquels elle exerce une possession ou une gérance de fait.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Son avis est défavorable. Nous n'avons pas été convaincus par la rédaction de l'amendement qui risque d'être une source de contentieux importante.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 415.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 706-99 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 297, 637, 374 et 65, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 297 et 637 sont identiques.
    L'amendement n° 297 est présenté par MM. Le Bouillonnec, Vallini, Blazy, Lambert, et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 637 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le texte proposé pour l'article 706-99 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement, les mots : "emporte nullité de tous les actes. »
    L'amendement n° 374, présenté par MM. Le Bouillonnec, Vallini, Blazy, Lambert et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article 706-99 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement, les mots : "emporte nullité de tous les actes sauf si cette circonstance paraissait manifestement caractérisée. »
    L'amendement n° 65, présenté par M. Warsmann, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « A la fin du texte proposé pour l'article 706-99 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "alors que cette circonstance paraissait caractérisée. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 297.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement est fondé sur les critiques que nous avons exprimées hier, parce qu'il est très rare que le code de procédure pénale prévoie qu'une procédure ne sera pas annulée après que son impropriété aura été constatée lors du processus de décision.
    Or le texte proposé pour l'article 706-99 indique : « le fait qu'à l'issue de l'enquête ou de l'information [...] la circonstance aggravante de bande organisée ne soit pas retenue ne constitue pas une nullité des actes régulièrement accomplis... » Cela signifie que ces actes resteront valables et que la procédure ne sera pas annulée. Le texte apporte cette précision parce qu'il y a des risques évidents que cette éventualité se produise.
    Cet article justifie les craintes que nous avons exprimées à cause du fait que la définition de la bande organisée, du crime organisé, nous paraît juridiquement insuffisante puisqu'elle s'appuie sur une définition du code pénal qui exprime une circonstance aggravante, et non un fait matériel.
    Par ailleurs, nous savons que ce dispositif exorbitant du droit commun pourra être mis en oeuvre à la suite d'une simple appréciation des services de police ou du procureur, qui auront estimé avoir affaire à un processus de bande organisée. Des investigations pourront dès lors être menées en utilisant l'ensemble de l'arsenal de la procédure pénale nouvelle. Or même si, au terme de cette procédure, il était constaté que tel n'était pas le cas, tous les actes accomplis dans ce cadre demeureront néanmoins valables, ce qui est une aberration ! Celle-ci est d'autant plus grande que, comme nous l'avons souligné, les circonstances matérielles du crime organisé ne sont pas déterminées.
    Souhaitant que l'utilisation de cette procédure extraordinaire soit limitée, nous proposons que l'article 706-99 dispose très clairement que si, à l'issue de l'enquête ou de l'information devant la juridiction de jugement, la circonstance aggravante de bande organisée n'était pas retenue, cela emporterait la nullité de tous les actes accomplis dans ce cadre. Si vous mainteniez le texte proposé en l'état, vous ouvririez en quelque sorte un droit à l'erreur des services concernés, et je ne parle que d'erreur par prudence pour ne pas encourir le reproche de faire des mises en cause. Il s'agirait d'une sorte de blanchiment jurisprudentiel, puisque des procédures engagées à tort seraient alors validées.
    Le parquet ou les services de police concernés n'auraient donc aucune inquiétude à avoir : ils pourraient utiliser des règles exorbitantes de procédure sans risque puisque, de toute façon, elles ne pourraient pas être annulées. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui tend à inverser le sens du texte.
    Quant à l'amendement n° 374, il constitue une proposition de repli : les actes en cause seraient annulés, sauf si la circonstance de criminalité organisée paraissait manifestement caractérisée à l'origine.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l'amendement n° 637.
    M. Noël Mamère. Il vient d'être excellement défendu !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 65 et donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 297, 637 et 374.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Si la commission a souvent pensé qu'il fallait sauvegarder l'équilibre de la procédure - elle a ainsi fréquemment retenu ou ajouté des nullités dans le texte - elle n'a pas estimé que tel devait être le cas en l'espèce. En effet on ne peut pas admettre l'anéantissement du travail effectué par la police, la gendarmerie et la justice, parce que les éléments réunis au terme de l'enquête auront débouché sur une qualification différente des infractions. Il faut laisser les services compétents accomplir sereinement le travail nécessaire et ne pas laisser une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes.
    Au cas où cet amendement serait adopté, imaginez, mes chers collègues, quelle serait la réaction de nos concitoyens en constatant que tout le travail d'enquête des forces de police sur des affaires dans lesquelles des infractions caractérisées auraient été découvertes s'effrondrerait comme un château de cartes. La rédaction proposée par le Gouvernement est tout à fait justifiée. Il donne la sécurité juridique nécessaire et l'amendement n° 65 de la commission a pour but de la renforcer encore.
    Je vous invite donc à rejeter les trois premiers amendements et à approuver celui de la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable aux trois premiers amendements et favorable à celui de la commission.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Je veux apporter une simple précision d'ordre juridique.
    Seule la juridiction de jugement, en fin de parcours, apprécie la qualification juridique des faits et non le procureur, le juge des libertés, ou le juge d'instruction, quel qu'ait été leur rôle à l'origine. Or si l'on suivait la proposition de nos collègues de l'opposition ou aboutirait à des aberrations.
    Prenons l'exemple d'une affaire examinée au départ comme un assassinat, c'est-à-dire un crime avec préméditation. L'instruction se déroule selon la procédure correspondante, mais la cour d'assises ne retient que la qualification de simple meurtre, si je puis dire. Si l'on suivait le raisonnement de nos collègues de l'opposition, toute la procédure devrait purement et simplement être annulée !
    M. Gérard Léonard. Eh oui !
    M. Jean-Paul Garraud. Cela démontre l'illogisme de leur proposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Attendez la suite !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n'avez pas compris le sens de notre proposition.
    Dans l'exemple qui vient d'être cité, les procédures, les modes de garde à vue ou d'instruction sont les mêmes, qu'il s'agisse d'un assassin ou d'un monstre !
    Cela signifie qu'aucun acte n'a pu porter préjudice à la personne mise en cause, puis inculpée et traduite devant la cour d'assises. En revanche, dans le cas qui nous concerne - je le rappelle, car il faut avoir cela en permanence à l'esprit, ce qui nous a d'ailleurs conduits à contester la formulation de « bande organisée » - les nouvelles dispositions introduites dans le code de procédure pénale instaurent des règles dérogatoires aux mesures ordinaires.
    Prenons l'exemple d'une personne cotoyant quelqu'un qui est filé, surveillé dans le cadre d'un crime organisé. Elle est interpellée parce qu'elle possède un objet qui peut laisser penser qu'elle est un receleur. Elle peut alors faire l'objet de la procédure exorbitante du droit commun, qu'il s'agisse de la garde à vue, de la visite domiciliaire. Or, même si elle est ensuite mise hors de cause et que le parquet classe le dossier, cette personne aura subi tout un arsenal de procédures dérogatoires.
    L'utilisation, à tort, de ces règles exorbitantes du droit commun aura déjà porté des atteintes aux droits de la personne, sans doute pas intentionnelles mais réelles. Ils ne faudrait pas qu'elle constitue, en outre, le socle d'une procédure de mise en cause pour responsabilité. C'est pourquoi nous considérons qu'il faut que le texte prévoit la nullité des actes accomplis dans ce cadre.
    En fait, si le texte énonce expressément la validation de ces actes, c'est que cela pose un problème. Sinon il serait resté silencieux. Vous savez très bien, en effet, que, habituellement, on laisse la juridiction suprême, la Cour de cassation, dire si le non-respect de telle ou telle règle de procédure représente ou non une atteinte à un principe fondamental, ce qui implique sa nullité. Vous avez donc tenu à apporter cette précision parce que le problème se pose. Néanmoins vous intervenez, à nos yeux, dans le mauvais sens. Il serait préférable de décider que, quand une procédure extraordinaire a été utilisée à tort, l'ensemble des actes accomplis est nul et non avenu.
    M. Gérard Léonard. Ridicule !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 297 et 637.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 374.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-100 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 7, 401 et 434.
    L'amendement n° 7 est présenté par M. Grand ; l'amendement n° 401 est présenté par MM. Estrosi, Cova, Mme Marland-Militello, Mme Franco et M. Poulou ; l'amendement n° 434 est présenté par MM. Mariani, Cova, Giro, Calvet et Diard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-100 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Il semble impensable qu'une personne placée en garde à vue pour des faits relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée puisse avoir accès à la totalité du dossier. Imaginons un instant - et c'est loin d'être une hypothèse d'école - que des investigations, des infiltrations, des écoutes, soient toujours en cours. Par ailleurs, cette information est de nature à ralentir les investigations, puisqu'il faudra mettre en état la procédure pour l'avocat, et risque d'introduire une confusion entre la procédure d'instruction et l'enquête de police.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable à ces amendements de suppression d'un article qui, dans l'esprit du Gouvernement, constitue une disposition d'équilibre par rapport à d'autres avancées du texte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis défavorable.
    Je veux cependant indiquer d'ores et déjà que le Gouvernement sera favorable à la réécriture proposée par la commission des lois, car elle permet de clarifier les choses.
    Je comprends le souci exprimé par M. Mariani, car il ne faut pas que ce renforcement des droits de la défense porte préjudice à l'enquête. En revanche, il est tout à fait normal que, à partir du moment où a été utilisé la procédure exceptionnelle introduite par le texte, la personne concernée puisse, après six mois au cours desquels rien ne s'est passé, demander où en sont les choses.
    La réécriture proposée par la commission devrait d'ailleurs répondre aux inquiétudes de M. Mariani, tout en maintenant le renforcement des droits de la défense que j'ai souhaité en vous proposant ce texte.
    M. le président. Au vu de ces informations, retirez-vous ces amendements, monsieur Mariani ?
    M. Thierry Mariani. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Les amendements n°s 7, 401 et 434 sont retirés.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 66, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 706-100 du code de procédure pénale :
    « Art. 706-100. - Lorsqu'au cours de l'enquête il a été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, la personne ayant été placée en garde à vue six mois auparavant et qui n'a pas fait l'objet de poursuites peut interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à l'enquête. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
    « Lorsque le procureur de la République décide de poursuivre l'enquête préliminaire et qu'il envisage de procéder à une nouvelle audition de la personne au cours de cette enquête, cette personne est informée, dans les deux mois suivant la réception de sa demande, qu'elle peut demander qu'un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier puisse consulter le dossier de la procédure. Le dossier est alors mis à la disposition de l'avocat au plus tard dans un délai de quinze jours à compter de la demande et avant, le cas échéant, toute nouvelle audition de la personne.
    « Lorsque le procureur de la République a décidé de classer l'affaire en ce qui concerne la personne, il l'informe dans les deux mois suivant la réception de sa demande.
    « Dans les autres cas, le procureur de la République n'est pas tenu de répondre à la personne. Il en est de même lorsqu'il n'a pas été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96 au cours de l'enquête. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ainsi que vient de le souligner M. le garde des sceaux, cet amendement tend à préciser le dispositif prévu. Le texte initial prévoit que, lorsqu'une personne qui a été mise en garde à vue n'a pas fait l'objet de poursuites, six mois après, elle peut interroger le procureur de la République. Trois hypothèses peuvent alors se produire.
    D'abord le procureur peut avoir décidé de classer le cas de la personne concernée, même si l'enquête se poursuit. Aucun élément n'est retenu contre elle, mais les investigations continuent à l'égard d'autres personnes. Dans ce cas, le procureur doit informer l'intéressé, dans les deux mois suivant la réception de sa demande, qu'il a décidé de classer l'affaire en ce qui le concerne.
    Ensuite, le procureur de la République peut décider de poursuivre l'enquête préliminaire et envisager de procéder à une nouvelle audition de l'intéressé. En ce cas cette personne est informée, dans les deux mois suivant la réception de sa demande, qu'elle peut demander qu'un avocat ait accès au dossier de la procédure. Ce dernier est alors mis à sa disposition dans les quinze jours ou, le cas échéant, avant toute nouvelle audition de la personne.
    Enfin, dans tous les autres cas - et cela devrait donner satisfaction aux auteurs des amendements précédents - le procureur de la République n'est pas tenu de répondre à la personne.
    En fait nous avons voulu à la fois concrétiser le nouveau droit de la défense que le Gouvernement souhaite mettre en place - s'il n'y a pas de suite, la personne a accès à une information - et éviter de mettre les fonctionnaires qui servent l'Etat dans l'obligation de révéler toute une procédure ou certaines dispositions prises.
    Nous essayons toujours d'assurer l'équilibre : d'une part, nous permettons l'accès au dossier, ce qui est totalement nouveau dans le droit français, et à l'information, si l'affaire est classée sans suite ; d'autre part, nous ne voulons pas entraver l'action des services. La rédaction proposée me paraît réaliser un bon équilibre entre ces différents objectifs.
    M. le président. Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que le Gouvernement émettrait un avis favorable.
    M. le garde des sceaux. Oui, je viens de le dire.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-101 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Fenech ont présenté un amendement, n° 67, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 706-101 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "quel que soit le montant de, les mots : "quelle que soit. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann. Il s'agit d'une proposition de M. Fenech qui a été reprise par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, MM. Mariani et Fenech ont présenté un amendement, n° 68 rectifié, ainsi libellé :
    « I. - Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :
    « Après le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXVI ainsi rédigé :
    « Titre XXVI. - Dispositions relatives à la répartition du produit des amendes et confiscations.
    « Art. 706-102. - 1. La part attribuée au Trésor dans les produits d'amendes et de confiscations résultant d'affaires suivies à la requête des services de police ou des unités de gendarmerie est de 40 % du produit net des saisies.
    « 2. - Les conditions dans lesquelles le surplus est réparti sont déterminées par arrêtés conjoints du ministre de la justice, du ministre chargé de l'intérieur et du ministre de l'économie et des finances. Dans le cas de limitation des sommes revenant aux ayants droit, les arrêtés sont applicables à la répartition des produits non distribués à la date de publication desdits arrêtés au Journal officiel. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle sur les droits perçus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je laisse M. Mariani défendre l'amendement.
    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Si vous permettez, monsieur le président, je prendrai le temps de défendre brièvement cet amendement car il est important.
    L'amendement n° 68 que j'ai déposé et que la commission a adopté - ce dont je la remercie - a pour objet de donner, enfin, un fondement légal à la rémunération des indics, aviseurs ou tontons, selon le vocabulaire utilisé par les uns ou les autres.
    En matière de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, le renseignement humain est indispensable et il serait hypocrite de continuer à le nier plus longtemps.
    Je tiens à rappeler que la rémunération des indicateurs existe déjà, tant dans notre droit que dans la pratique quotidienne de certains services de police.
    En droit, le régime que je propose n'est pas une nouveauté : il s'agit du même texte que celui qui est applicable aux « aviseurs » aussi appelés « rapporteurs d'avis » des douanes. En effet, l'article 391 du code des douanes et l'arrêté pris pour son application du 18 avril 1957 permettent d'accorder jusqu'à un tiers du produit disponible de l'affaire considérée à « toute personne étrangère aux administrations publiques qui a fourni au service des douanes des renseignements ou avis sur la fraude », à condition que ces renseignements ou avis aient « amené directement la découverte de la fraude ».
    Bref, depuis plusieurs décennies, les services des douanes ont la possibilité de travailler et de rémunérer correctement et en toute légalité leurs indicateurs.
    Dans la pratique, la rémunération des indicateurs a déjà lieu. En effet, il existe aujourd'hui, dans certains services de police, la possibilité de rémunérer les informateurs sur la base de fonds spéciaux. Toutefois, les montants versés, nous le savons tous, sont dérisoires - au mieux quelques centaines d'euros pour le démantèlement de trafics internationaux de stupéfiants ayant permis la saisie de plusieurs centaines de kilos de drogue et d'importantes sommes d'argent.
    C'est pour permettre aux différents services de police et de gendarmerie appelés à lutter quotidiennement contre le trafic de stupéfiants et les autres formes de la criminalité organisée d'avoir des outils adaptés que je vous propose aujourd'hui cet amendement. Le paiement des indicateurs fait partie de ces nouveaux outils. Il est hypocrite de continuer à le nier plus longtemps.
    Cet amendement présente en outre l'immense avantage de ne poser que la base légale qui vous permettra par la suite de prendre la ou les mesures réglementaires adaptées à ces procédures particulières. La disposition proposée garantit donc le minimum de confidentialité qui doit être appliqué à ces sujets.
    Pour finir, monsieur le garde des sceaux, mon amendement présente l'avantage d'être équilibré, d'aller dans le sens de votre démarche - « nous vivons dans un monde réel », avez-vous dit - en prenant un peu plus en compte les difficultés du terrain que vous connaissez si bien.
    M. Guy Geoffroy. Excellent !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tout d'abord, la commission souhaiterait que, dans le premier alinéa proposé pour l'article 706-102, les mots : « résultant d'affaires suivies à la requête des services de police ou des unités de gendarmerie » soient remplacés par les mots : « prononcées par les juridictions pénales ». Le travail effectué par les services de la commission a montré qu'il y avait un problème très matériel d'identification des ressources telles que définies dans l'amendement.
    L'auteur de l'amendement accepte-t-il cette rectification ?
    M. Gérard Léonard. Il n'a pas trop le choix ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le rapporteur, je comprends votre argument. En effet, il peut être difficile de distinguer entre les affaires suivies à la requête des services de police et les unités de gendarmerie et les autres affaires.
    Vous nous proposez donc de parler des saisies et confiscations « prononcées par les juridictions pénales ».
    Je me permets néanmoins de vous dire que, aujourd'hui, il est possible de distinguer les affaires suivies à la requête des services des douanes ainsi que l'indique l'article 391 du code des douanes. Je considère donc que l'on pourrait de la même manière distinguer les affaires résultant des services de police ou des unité de gendarmerie.
    J'insiste particulièrement sur le mot « ou » que j'ai volontairement préféré au mot « et ». En effet, mon amendement n'a pas vocation à distinguer entre police et gendarmerie mais à créer une catégorie commune police-gendarmerie.
    Enfin, je tiens à vous faire remarquer que la rédaction que vous me proposez maintenant ne permettra pas de distinguer entre les différents services français. En effet, les juridictions pénales prononcent des amendes et confiscations dans des affaires suivies à la requête non seulement des services de police ou de gendarmerie, mais aussi des services des douanes, de ceux de la direction générale des impôts, de ceux de la répression des fraudes, et j'en passe.
    Je m'en remets néanmoins à votre sagesse et accepterai votre rédaction si mes arguments ne vous ont pas convaincu.
    Au-delà de cette querelle minime sur les mots, l'important est que l'on régularise enfin ces procédés.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur Mariani, acceptez-vous ou non que soit rectifié comme je l'ai proposé votre amendement ?
    M. Thierry Mariani. Si cela permet son adoption,...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela ne changera pas la position de la commission, qui a émis un avis favorable, que j'étais chargé de rapporter après avoir demandé la rectification de l'amendement.
    M. Thierry Mariani. Dans ce cas, j'accepte qu'il soit modifié.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Quelques mots sur cet amendement de M. Mariani, adopté par la commission après quelques petites corrections, qui prévoit de permettre aux services de police et de gendarmerie de bénéficier partiellement du produit des amendes et des biens confisqués. La nouvelle répartition de ces produits est destinée à permettre, à terme - c'est indiqué clairement - de donner les moyens à la police de rémunérer les indicateurs.
    Le recours aux indicateurs par les policiers est admis et pratiqué dépuis fort longtemps. Il ne s'agit pas, pour nous, de le nier. Aujourd'hui, ces indicateurs fournissent leurs informations généralement en échange de certaines tolérances à l'égard de leurs activités plus ou moins licites.
    Leur rémunération pose néanmoins une question de fond que nous ne pouvons pas ne pas nous poser. En effet, les conséquences d'une telle pratique doivent être examinées de plus près, me semble-t-il. Pour ma part, je n'y vois que des inconvénients. Nous allons voir se développer un marché de l'emploi des indicateurs - si je peux me permettre cette image - qui, parce qu'il trouvera ses fondements dans l'activité du crime, sera nécessairement malsain. Vous avez refusé de transposer la formule « nouveaux emplois-nouveaux services », dans la fonction publique. Or, là, vous voulez organiser la rémunération des « indics privés ». C'est donc avec beaucoup de détermination que nous voterons contre cet amendement. Je demande à l'ensemble de mes collègues de bien en mesurer la portée.
    M. le président. La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Nous sommes également contre l'institution proposée par M. Mariani d'une nouvelle catégorie de personnes qui s'apparenteraient à des « chasseurs de primes ».
    M. Jean-Pierre Blazy. M. Mariani prépare sa reconversion ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Mes chers collègues de l'opposition confondent notre monde avec celui de Walt Disney ! Chacun sait que, dans les grosses affaires, on a, hélas, besoin de renseignements humains. Je n'entrerai pas dans les détails, la presse s'en est largement fait l'écho. Toutefois, l'absence de réglementation place parfois les policiers dans des situations délicates. Je me souviens d'une interview d'un responsable de Synergie Officiers à la télévision qui expliquait comment ça se passait par moments. Je vous donne l'occasion, par cet amendement, de faire en sorte que les policiers et les gendarmes travaillent mieux,...
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. Pascal Clément, président de la commission. On a compris !
    M. Thierry Mariani. ... en toute sécurité et qu'ils ne soient plus sujets, par moments, à des états d'âme quand la situation risque de leur faire franchir la ligne jaune. Au moins les choses seront claires !
    M. Jean-Claude Lenoir. Les honnêtes gens s'en réjouiront !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je suis favorable à l'amendement et je lève le gage.
    M. le président. Le sous-amendement oral de M. le rapporteur tend donc à remplacer, dans l'amendement n° 68 rectifié, les mots : « résultant d'affaires suivies à la requête des services de police ou des unités de gendarmerie » par les mots : « prononcées par les juridictions pénales ».
    Je le mets aux voix.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68 rectifié par le sous-amendement oral modifié et compte tenu de la suppression du gage.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er du projet de loi, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ
EN MISSION TEMPORAIRE

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Emmanuel Hamelin, député du Rhône, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article LO-144 du code électoral, auprès de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, de M. le ministre de la culture et de la communication et de Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du jeudi 22 mai 2003.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures quinze, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 784, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité :
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 856) ;
    M. François d'Aubert, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis n° 864).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures vingt.)