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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 11 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 10 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. Daniel Paul, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

AFFRONTEMENTS AU LIBÉRIA «...»

M. Michel Voisin, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

BACCALAURÉAT «...»

MM. Pierre-Christophe Baguet, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

EUROPE MONÉTAIRE «...»

Mmes Marie-Anne Montchamp, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SÛRETÉ NUCLÉAIRE «...»

M. Pierre-André Périssol, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

ÉDUCATION NATIONALE «...»

MM. Didier Mathus, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

RÉFORME DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES «...»

M. Roland Blum, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

POLITIQUE DES DÉCHETS «...»

M. Jacques Pélissard, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

SÉCURITÉ SOCIALE «...»

MM. Claude Bartolone, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

COMMERCE ÉQUITABLE «...»

MM. Denis Jacquat, Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

VOCATION EUROPÉENNE DE STRASBOURG «...»

M. Yves Bur, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Réforme des retraites. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

M. Jean-Pierre Brard.

Reprise de la discussion «...»

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. François Calvet, rapporteur pour avis de la commission de la défense.
M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Mme Claude Greff, rapporteure de la délégation aux droits des femmes.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Monsieur le Premier ministre, comment faites-vous pour rester aussi obstiné (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) devant la mobilisation massive depuis plusieurs semaines, et encore aujourd'hui, contre vos réformes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lucien Degauchy. Il est courageux !
    M. Daniel Paul. Vous refusez d'entendre ce que vous disent les salariés du privé,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quels salariés ?
    M. Daniel Paul. ... ainsi que les fonctionnaires, et notamment les enseignants. Ils ne veulent pas de vos réformes, qui sont de véritables marchés de dupes. Ils ne s'y trompent pas, comme 66 % des Français qui apportent leur soutien à ces mouvements. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Liberti. C'est vrai !
    M. Daniel Paul. A ces appels réguliers et argumentés, votre gouvernement répond par une fermeté qui confine au mépris  (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ) - pas de négociations, pas de concessions ! - et vous maniez même la menace. Est-ce cela votre approche du dialogue social ?
    Monsieur le Premier ministre, ce n'est pas sérieux. Vous portez, avec votre gouvernement, la responsabilité des désagréments de ces derniers jours. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ouvrez les négociations et tout rentrera dans l'ordre ! Passez en force et vous paralyserez la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Une large majorité de nos concitoyens rejette votre réforme des retraites qui fait supporter vos choix financiers par les seuls salariés, qui ne sauve en rien la répartition, qui rogne les pensions, qui rend illusoire le droit à la retraite à soixante ans, qui pousse les salariés âgés à travailler plus longtemps alors qu'ils sont les cibles privilégiées des licenciements sauvages, qui entérine les mesures Balladur, qui ignore la pénibilité du travail. Ne vous méprenez pas ! Oui, nous voulons une réforme, mais pas la vôtre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans ce calendrier étriqué que vous nous imposez, vous faites preuve d'autoritarisme et de précipitation. Nous vous avons fait des propositions...
    M. François Goulard. Démagogue !
    M. Daniel Paul. ... pour infléchir votre texte dans le sens du progrès social et des attentes des salariés. Nos amendements en seront porteurs. Nous ne ferons pas d'obstruction, mais nous ne vous laisserons pas faire passer en force un tel projet sans prendre en compte les appels du peuple et des responsables syndicaux.
    M. François Goulard. Démagogue !
    M. Daniel Paul. Monsieur le Premier ministre, vous dites être prêt...
    M. le président. Monsieur Paul, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît !
    M. Daniel Paul. ... à passer l'été à discuter de votre projet. Mettez donc à profit ces semaines pour ouvrir de véritables négociations avec toutes les organisations syndicales afin d'aboutir à un nouveau texte, fruit d'un véritable dialogue social, que nous pourrions examiner à la rentrée. (Applaudissement sur le bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement est attentif aux mouvements sociaux. Il écoute ce que la rue dit. Il mesure l'importance de la mobilisation. Il est à l'écoute de tous les Français qui souhaitent que le régime par répartition soit sauvé après des années d'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Toujours les mêmes mots !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non seulement nous n'allons pas rouvrir des négociations qui ont eu lieu (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et qui ont été sanctionnées par un accord (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Jérôme Lambert. « Sanctionnées », c'est le mot !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais, dans moins d'une heure, nous allons ouvrir le débat devant l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Gouvernement attend avec beaucoup d'impatience ce débat parlementaire, parce qu'il va permettre de confronter les arguments, de vérifier les chiffres sur lesquels s'appuient les prétendus contre-projets. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Amenez vos chiffres à vous !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il va permettre de dégonfler les rumeurs distillées depuis des semaines pour faire peur aux Français (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste) et selon lesquelles les professeurs d'éducation physique devront travailler jusqu'à soixante-dix ans ; la réforme, c'est travailler plus pour gagner moins (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ou encore : « il y a un trésor caché qui permettrait à la France d'échapper à l'effort, au travail et aux réformes que tous les autres pays européens ont conduites avant nous. » (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Et puis, ce temps du débat parlementaire va nous permettre de parler du passé, de l'action de ceux qui étaient au gouvernement il y a quelques mois encore (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et dont les positions ont radicalement changé lorsqu'ils sont entrés dans l'opposition.
    Mme Martine David. On va parler de Juppé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, votre groupe attend ce débat avec la même impatience que le Gouvernement, si j'en juge par le nombre d'amendements qu'il a déposés.
    M. François Liberti. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt et de satisfaction que, contrairement à ce qu'a dit le président de votre groupe il y a quelques heures, vous n'aviez pas l'intention de faire de l'obstruction. J'en accepte l'augure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

AFFRONTEMENTS AU LIBÉRIA

    M. le président. La parole est à M. Michel Voisin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Michel Voisin. Madame la ministre de la défense, de très violents combats ont éclaté au cours de la semaine dernière à Monrovia, la capitale du Liberia. Ils opposent les forces gouvernementales aux rebelles du LURD, Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie. L'Union européenne et les Nations unies ont lancé, dès vendredi dernier, un ordre d'évacuation des ressortissants étrangers résidant dans la ville afin qu'ils ne soient pas pris à partie dans ces affrontements.
    Bien que les rebelles semblent s'être repliés samedi soir de quelques kilomètres, les combats se sont poursuivis au nord-ouest de la capitale. Dès hier, les soldats français ont commencé à évacuer des ressortissants étrangers des bâtiments de la délégation de l'Union européenne où 120 ressortissants européens et agents des Nations unies, dont une vingtaine de Français, avaient trouvé refuge. Madame la ministre, pouvez-vous nous informer sur le déroulement de cette opération, nous donner des précisions sur la situation de nos soldats sur le terrain ainsi que sur les contours de la mission que vous leur avez confiée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, devant la dégradation de la situation sécuritaire à Monrovia, l'évacuation des ressortissants étrangers a en effet été décidée. Cette opération a été menée dans la journée du 9 juin, c'est-à-dire hier, grâce à la très grande réactivité de nos troupes permise par leur prépositionnement. Le transport de chalands de débarquement Orage, qui est en mission permanente dans le golfe de Guinée, a été engagé en étant appuyé par des renforts venus de Côte-d'Ivoire, notamment des hélicoptères. On a commencé par un dispositif de sécurisation dans un point de regroupement, puis les hélicoptères ont procédé à l'évacuation de 535 ressortissants, dont 47 Français et membres de l'Union européenne, 86 Américains, 149 Africains et 175 Libanais. Le transport de chalands de débarquement a quitté la zone dès lundi soir quand le point de regroupement a été vide. Cette opération montre, encore une fois, la pertinence du système de prépositionnement de nos troupes. Il montre aussi, je me plais à le souligner, l'excellence et le professionnalisme de nos soldats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
    M. Richard Cazenave. Disqualifié !
    M. Pierre Lellouche. Démago !
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, des centaines de milliers de Français manifestent aujourd'hui encore. Et pourtant, jamais notre pays n'a été aussi conscient de la nécessité d'une réforme des retraites. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Si vous êtes d'accord, vous pouvez m'applaudir !
    M. le président. Ecoutez la suite, mes chers collègues !
    M. Jean-Marc Ayrault. Jamais les organisations syndicales n'avaient été aussi prêtes à rechercher un grand compromis social. (« Tartuffe ! » « Démagogue ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cependant, monsieur le Premier ministre, il vous a manqué la patience, la volonté et la vision (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : la patience de négocier le temps qu'il fallait, comme l'ont fait nos voisins européens ; la volonté de vous affranchir des formules préétablies ; la vision d'une nouvelle solidarité entre les âges. Et vous avez ajouté la crise à la crise,...
    M. François Goulard. Vous, vous n'avez pas ajouté grand-chose !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... la crise sociale à la crise économique, la crise de l'éducation à la crise des retraites, le désarroi des salariés au marasme des chefs d'entreprise. Voilà près d'un mois que notre pays est secoué par les grèves et les manifestations...
    M. Charles Cova. A qui la faute ?
    M. Jean-Marc Ayrault. ... et vous êtes impuissant à prononcer les mots qui ressoudent la cohésion nationale.
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez tablé sur l'essoufflement de ce mouvement et celui-ci s'est durci au point de menacer le passage des examens. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Oui, le bac doit se passer normalement et nous appelons tout le monde, y compris vous-même, à la responsabilité, car ce contexte de gâchis social ne peut profiter qu'à ceux qui sont hostiles à toute idée de réforme. Dans une nation démocratique, rien n'est pire que de voir un gouvernement refuser toute alternative. Pas plus qu'il n'existe de pensée unique, il n'y a de solution unique.
    M. Pierre Lellouche. Avec vous, il n'y a pas de solution du tout !
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons une autre conception de la réforme tout aussi responsable (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que la vôtre, mais empreinte de plus d'esprit de justice et de solidarité. (Mêmes mouvements.) J'entendais ce matin votre ministre des affaires sociales dire avec un certain dédain - merci pour M. Juppé qui, lui, avait augmenté fortement la fiscalité ! - : les socialistes ne savent qu'augmenter les impôts. Eh bien non, monsieur le Premier ministre ! Les impôts, nous avons su les baisser quand la croissance était au rendez-vous, mais quand la solidarité est en jeu, alors oui, la fiscalité est profondément juste et nécessaire !
    M. Alain Juppé. Démago !
    M. Bernard Deflesselles. Vous n'avez rien fait pendant cinq ans !
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, le temps parlementaire n'est pas antinomique du temps de la négociation sociale et il n'est pas trop tard pour des gestes d'apaisement. Je voudrais vous poser quatre questions.
    Etes-vous prêt à retirer votre projet de décentralisation de l'éducation ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La majorité répond « non », mais vous, monsieur le Premier ministre ? Ensuite - je vous pose solennellement la question - êtes-vous prêt à recevoir sans délai les responsables syndicaux à Matignon pour reprendre le dialogue sur les retraites ? (« C'est déjà fait ! » sur les mêmes bancs.) Est-ce que la majorité répond oui ? Je n'en sais rien, j'ai cru entendre non. Alors, j'attends la réponse.
    Puisque vous parlez de consensus, monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à prendre en considération les propositions de l'opposition ? (« Zéro ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, je pose cette question particulièrement grave, et ce sera la dernière : croyez-vous qu'il soit possible de réformer le pays contre une partie de lui-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, je ne souhaite pas polémiquer sur un sujet qui concerne l'avenir de la France et je voudrais d'abord vous remercier de votre appel à la responsabilité de tous. J'ai bien entendu l'appel à la responsabilité du Gouvernement, mais j'ai aussi entendu l'appel à la responsabilité de tous, notamment pour que cesse la violence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et que les examens puissent avoir lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est un élément très important. Je salue cette démarche de responsabilité. Il est vrai qu'il y a eu du monde dans la rue ces dernières semaines, mais il est vrai aussi qu'il y a eu des millions de Français pour défendre la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui est fondée, d'une part, sur une démocratie sociale et, d'autre part, sur une démocratie politique et parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je crois très sincèrement que nous avons respecté toutes les règles de la démocratie sociale. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons pris en compte les travaux du COR, installé par le gouvernement précédent. Nous nous sommes appuyés dessus. Nous avons engagé des discussions au Conseil économique et social, puis dans le pays et avec les organisations syndicales. Il est vrai que certaines organisations ont dit « oui » et d'autres « non » comme c'est souvent le cas dans une démocratie sociale. Il est vrai que M. Thibault a dit « non », mais est allé au Parti socialiste, et que M. Chérèque a dit « oui » sans venir pour autant à l'UMP. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et je suis obligé de constater aujourd'hui qu'une majorité d'organisations représentatives ont signé...
    M. François Hollande. C'est faux !
    M. Henri Emmanuelli. Non !
    M. le Premier ministre. ... un relevé de décisions qui appuie les propositions du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je vais répondre très rapidement à vos questions, monsieur Ayrault. Suis-je prêt à arrêter la réforme de la décentralisation ? Non (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), parce que le pays a besoin de la décentralisation pour faire respirer ses territoires. Il est congestionné par le haut et cette respiration donnera plus de force à la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Par ailleurs, je dis oui au dialogue ! Ce soir, une réunion importante va avoir lieu avec les organisations représentatives de l'éducation nationale. Nous sommes dans la phase de la négociation sociale. Nous sommes ouverts au dialogue et nous ferons des avancées sur le sujet.
    Vous me demandez si je suis prêt à recevoir les responsables syndicaux. Je les reçois régulièrement. Je l'ai fait encore aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et je tiens à vous dire que la porte de Matignon est régulièrement ouverte à tous les responsables syndicaux. C'est très important pour être en phase avec les propositions qui nous sont faites.
    Nous ne voulons pas prendre du retard, décréter un moratoire, renvoyer à plus tard. Nous sommes face à des échéances d'avenir. On ne parle jamais de la non-réforme, mais celle-ci signifierait l'effondrement des retraites à partir de 2006. C'est à cela qu'il faut répondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il ne faut pas comparer la situation actuelle et la situation de demain. Il faut comparer la situation avec réforme et la situation sans réforme.
    M. François Hollande et Mme Martine David. Pas avec votre réforme !
    M. Albert Facon. Non, pas avec celle-là !
    M. le Premier ministre. Sans réforme, je le répète, ce sera l'effondrement des retraites, et notamment des plus petites. Monsieur le président Ayrault, il est des jours, il est des temps où le courage, c'est l'action ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

BACCALAURÉAT

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, nous sommes à moins de quarante-huit heures des premières épreuves écrites du baccalauréat. Après des annulations d'examens universitaires, avec des déclarations de plus en plus alarmistes et des menaces de plus en plus précises dont les médias se font l'écho, l'inquiétude des candidats et de leurs familles est grande. Pouvez-vous nous dire quelles mesures vous comptez prendre pour assurer légitimement le déroulement de cet examen dans les meilleures conditions, et rassurer ainsi les candidats et leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur Baguet, même dans les années tranquilles, l'organisation du baccalauréat relève de l'exploit, avec 628 000 candidats, 4 000 sujets différents, 4 millions de copies qui circulent, et ce dans 71 pays différents, au même moment. La structure est extrêmement complexe et fragile et les mouvements de ces dernières semaines risquent de rendre les choses encore plus difficiles.
    Cette année, nous craignons que des éléments incontrôlés tentent d'empêcher les élèves d'accéder normalement aux centres d'examens, que les grèves se prolongent et que des professeurs refusent de corriger ou de surveiller les épreuves.
    M. Luc Ferry et moi-même avons évidemment pris des dispositions. Nous avons mis en place, au sein du ministère, une structure qui, à partir du 12 juin, site par site et heure par heure, gérera les difficultés qui se présenteraient,...
    Mme Martine David. Cela ne nous rassure pas !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... de manière à sécuriser les sujets, à garantir l'accès aux sites, à protéger les droits des élèves - que l'on ne saurait oublier (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) - et, le cas échéant, à disposer de sujets de secours. D'une manière générale, il s'agit de répondre aux difficultés au coup par coup.
    Monsieur le député, comme vient de le rappeler M. le Premier ministre, les organisations syndicales représentatives de ce pays ont pris conscience du risque et du scandale que représenterait le fait de prendre les élèves en otages à l'occasion de discussions sociales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Liberti. C'est vous qui les prenez en otage !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. J'ajoute que la plupart des professeurs grévistes - et je leur rends hommage  - ont assuré leurs cours en classe de terminale, ce qui montre bien qu'ils ont conscience de leur responsabilité vis-à-vis des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, la meilleure réponse aux menaces pesant sur le déroulement du baccalauréat, c'est celle du Premier ministre, qui nous a donné mission, à Luc Ferry et moi-même, ainsi qu'à MM. Sarkozy, Delevoye et Devedjian, de recevoir les organisations syndicales, de renouer avec elles le dialogue, de faire des propositions et, je l'espère, de mettre un terme, dès demain, à cette querelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

EUROPE MONÉTAIRE

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour le groupe UMP.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown, a confirmé que la Grande-Bretagne n'etait pas prête aujourd'hui à entrer dans la zone euro. Mais il s'est engagé à revoir la décision très prochainement, laissant apparaître une inflexion de la position britannique.
    Pensez-vous, monsieur le ministre, que la récente décision de la Banque centrale européenne d'abaisser le taux d'intérêt directeur de 50 points de base est de nature à expliquer ce signal ? Plus précisément, qu'attendez-vous, pour notre économie, de cette baisse historique ? La jugez-vous suffisante alors que le loyer de l'argent aux Etats-Unis reste inférieur de 0,75 % au taux de la zone euro ?
    Enfin, monsieur le ministre, la cohérence de votre politique économique va-t-elle se trouver confirmée par les effets de cette décision de la Banque centrale européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame Montchamp, il est clair que la décision de Gordon Brown de prévoir, dans les trois prochaines années, un référendum sur l'entrée de la Grande-Bretagne dans la zone euro est positive. Car il est non moins clair que l'intérêt européen - et donc le nôtre - est d'élargir l'espace euro - évidemment dans des conditions acceptables pour tous.
    L'élargissement de l'espace euro permettra d'augmenter l'indépendance de l'Europe par rapport au reste du monde du point de vue des fluctuations monétaires. Et le poids de la Grande-Bretagne est suffisamment significatif pour que nous nous intéressions à cette évolution.
    Mais, madame la députée, cette évolution ne me paraît pas être en relation directe avec la décision de la Banque centrale européenne de baisser de 50 points de base ses taux d'intérêt. La banque européenne ne fait ainsi que conforter la politique dont elle a la charge, à savoir contribuer à la stabilité des prix. Après avoir constaté que l'inflation, en Europe, était passée sous la barre des 2 %, après avoir constaté que, dans certains pays, cette inflation était en train de se rapprocher dangereusement de 0 %, elle a envoyé un signal positif à l'ensemble de l'économie européenne et, donc, à l'économie française. Car la baisse du coût de l'argent facilite la prise de risques, tant pour le consommateur qui achète à tempérament que pour l'investisseur qui se lance dans un projet industriel.
    Cette politique, qui a été menée jusqu'à présent de manière responsable, se poursuivra. Il est possible que, compte tenu de la tendance à la baisse de l'inflation dans les prochains trimestres, la Banque centrale envoie à nouveau un signal positif qui sera le bienvenu, au moment où, selon certains analystes, la conjoncture est en train de se renverser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SÛRETÉ NUCLÉAIRE

    M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol, pour le groupe UMP.
    M. Pierre-André Périssol. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, la sûreté nucléaire doit être irréprochable. Cela passe par une exigence de totale transparence, et vous avez souvent exprimé votre volonté dans ce sens.
    Toutes les données doivent être posées sur la table, sereinement et en toute confiance. C'est important au moment où la France se prépare à définir, suite au débat sur les énergies, ses grands choix énergétiques pour les années à venir. Or un grand journal national faisait état ce matin de pressions visant à empêcher l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire de communiquer sur la résistance des centrales françaises aux risques sismiques.
    Pouvez-vous nous éclairer sur cette polémique, sur la manière dont l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire exerce sa mission - essentielle - aux côtés de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et, enfin, sur l'état réel de nos centrales nucléaires face aux risques sismiques, auxquels j'ajouterai les risques aériens, suite au survol d'une centrale nucléaire par un hélicoptère ou un avion ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Périssol, je vous remercie de votre question sur ces très importants sujets que sont la santé de nos centrales nucléaires et les risques sismiques. En l'occurrence, il convient de ne pas confondre transparence et communication. La transparence consiste à porter à la connaissance du public tous les éléments d'information utiles à un débat serein et complet ; la communication, à se servir d'événements dramatiques pour « vendre » un sujet.
    Après les dramatiques événements survenus en Algérie, j'ai demandé aux organismes possédant une véritable compétence d'expertise dans le domaine sismique - le BRGM et l'IRSN - de préparer un dossier pour les médias. Des fiches existaient sur ce sujet, notamment celle qui concernait les « risques sismiques et centrales nucléaires ». Mais ce n'était pas à l'ordre du jour, dans la mesure où il n'y a pas de centrale nucléaire en Algérie. Je n'ai donc pas jugé nécessaire de faire diffuser ce document. Malgré tout, cette fiche est à la disposition de tous les journalistes qui le souhaitent.
    Concernant les risques industriels, les sites Seveso, la transparence nucléaire, la sécurité des centrales, je souhaite que l'information soit la plus complète possible. C'est le sens du projet de loi que nous préparons.
    Monsieur le député, concernant le risque sismique, j'ai demandé à l'IRSN comme à la DGSNR de bien vouloir porter les éléments d'information sur leur site Internet. Ils sont aujourd'hui à la disposition des journalistes, des citoyens, des associations.
    Quant au survol des centrales, c'est un acte délictueux, qui doit être condamné. Mais les centrales sont étudiées pour résister à un accident dû à la chute d'un avion de tourisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉDUCATION NATIONALE

    M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste.
    M. Didier Mathus. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre ou peut-être à M. Sarkozy, puisqu'il s'agit de l'éducation nationale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur le Premier ministre, au-delà des artifices verbaux, la réalité est obstinée : vous avez plongé la France dans une situation de crise sociale comme elle n'en avait pas connu depuis décembre 1995.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Evidemment, vous n'aviez rien fait !
    M. Didier Mathus. Votre ministre de l'éducation nationale, pourtant grand pourfendeur de mai 68 et de ses manifestations (« Il a raison ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), a réussi à précipiter des centaines de milliers d'enseignants et des millions de parents d'élèves, de familles, dans une tempête sociale sans précédent (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Jérôme Lambert. C'est vrai !
    M. Didier Mathus. ... et à provoquer, c'est peut-être aussi grave, le découragement et la radicalisation de générations entières de jeunes enseignants.
    Tout cela à cause d'une fausse décentralisation, qui ressemble à une provincialisation d'Ancien Régime ; à cause de la suppression de 26 000 postes d'aides éducateurs et de surveillants ; à cause d'une réforme des retraites incompatible avec les conditions particulières des métiers de l'enseignement. Vous êtes comptable de cette situation ! Vous avez délibérément choisi de porter atteinte au service public de l'éducation nationale ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le Premier ministre, dans quelques instants, vous allez rencontrer les organisations syndicales enseignantes. Vous avez la possibilité de ramener le calme et de permettre le bon déroulement des examens. Allez-vous rester « accroché » aux dogmes ultralibéraux d'une autre époque ? (Mêmes mouvements.)
    M. Claude Goasguen. C'est nul !
    M. Didier Mathus. Allez-vous continuer de pousser à l'affrontement pour satisfaire des calculs politiques à courte vue, comme nous avons cru le comprendre dans votre réponse à Jean-Marc Ayrault ? (Mêmes mouvements.) Ou allez-vous enfin être attentif à la profonde inquiétude qui monte des écoles et des collèges de notre pays ? Allez-vous enfin avoir le vrai courage politique, celui de retirer vos projets incendiaires et de négocier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, depuis plus de quinze jours, je reçois quotidiennement les partenaires sociaux et...
    Mme Martine David. Ce n'est pas très efficace !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... depuis une semaine, nous les recevons, avec les ministres chargés de la décentralisation et de la fonction publique, pour aborder des sujets qui fâchent aujourd'hui.
    Mme Martine David. C'est vous qui fâchez !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Les partenaires sociaux ont accepté cette concertation et le dialogue social, je suis navré de vous l'apprendre, ne se passe pas si mal que ça. Ils ont accepté de jouer le jeu qui consiste à nous faire des contre-propositions.
    M. Yves Durand. Formidable !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Nous allons aujourd'hui, conformément au calendrier prévu, leur apporter des réponses concrètes aux interrogations qui sont les leurs.
    M. Yves Durand. Extraordinaire !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Nous verrons tout à l'heure comment ils réagiront. En tout cas, aucune organisation syndicale n'appelle aujourd'hui au boycott des examens. Je m'en réjouis et je leur en rends hommage, comme l'a fait Xavier Darcos tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Au poste qui est le mien aujourd'hui (« Lequel ? », « Lequel ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et demain ?.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche... plusieurs de mes prédécesseurs ont choisi l'inaction, ont préféré ne pas réformer, se contentant de gérer le système existant sans faire aucune réforme audacieuse.
    On a dit que l'illettrisme était une invention des réactionnaires, que le racket et la violence dans les établissements relevaient d'un fantasme sécuritaire de la droite, que l'échec scolaire n'existait pas, que tout allait très bien dans le collège unique. Il faut surtout que Jean-Luc Mélenchon se taise quand il évoque - avec courage, d'ailleurs - les difficultés du collège unique. Certains se contentant de réformettes : « Créons quelques classes APAC, et tout ira bien ».
    Ce n'est pas mon choix, parce qu'il n'est pas conforme à l'idée que je me fais de la dignité de l'action publique !(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) J'ai choisi de réformer et je n'en ai ni remords ni regret. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

RÉFORME DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

    M. le président. La parole est à M. Roland Blum, pour le groupe UMP.
    M. Roland Blum. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, l'Europe est l'une des grandes ambitions de ce siècle. L'ensemble des pays qui la constituent travaillent actuellement à l'évolution de ses institutions pour l'adapter au monde. L'objectif de la réforme est de donner une meilleure cohérence aux actions de l'Union. Vendredi dernier, à Bruxelles, Valéry Giscard d'Estaing a présenté les dernières propositions du presidium de la Convention sur l'avenir de l'Europe, que le Président de la République a jugées ambitieuses.
    M. Jacques Desallangre. Alors, nous sommes rassurés !
    M. Roland Blum. Il a assuré le Premier ministre grec, Costas Simitis, qui préside le Conseil européen, que la France était déterminée à parvenir à un accord permettant le renforcement de l'efficacité, de la transparence et de la démocratie de l'Union européenne au prochain sommet de Salonique, le 20 juin prochain, date à laquelle le projet de Constitution sera soumis aux dirigeants des Quinze.
    Madame la ministre, face aux immenses défis qu'il nous faut relever, au moment où se prépare l'élargissement de l'Union de quinze à vingt-cinq membres en mai 2004, pouvez-vous nous dire le sentiment du Gouvernement sur les dernières propositions de la Convention et nous confirmer la détermination de la France à faire aboutir un projet fort et exigeant ?(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, votre question est particulièrement importante, au moment où la Convention met la dernière touche à son projet de Constitution. Le sentiment du Gouvernement, je puis vous le dire d'emblée, est très positif...
    M. Michel Delebarre. Jusque-là, ça ne mange pas de pain !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... La convention est un succès.
    D'abord, sur la forme : la procédure est particulièrement démocratique et totalement transparente. On a pu mesurer que les Etats, quelles que soit la divergence de leurs intérêts, voulaient travailler ensemble sur l'avenir de l'Europe.
    Ensuite, sur le résultat : il y a quelques jours encore, personne n'aurait parié sur la possibilité de parvenir à un consensus. Or nous en sommes proches. A Salonique, le président Giscard d'Estaing devrait être en mesure de présenter un projet cohérent.
    Enfin, sur ce qui nous tient le plus à coeur, à savoir le fond des propositions, nos conventionnels, en particulier Dominique de Villepin, le ministre des affaires étrangères, mais aussi tous les parlementaires des partis qui ont oeuvré à ce projet, ont obtenu que l'essentiel de nos propositions soit retenu : présidence stable du Conseil européen assurant davantage de cohérence à l'impulsion politique du Conseil ; ministère des affaires étrangères européen portant la parole de l'Europe sur la scène mondiale ; renforcement du rôle d'initiative de la Commission et du Parlement européen, qui deviendra un véritable colégislateur. Pour le reste, à savoir les compétences, des perspectives sont ouvertes, notamment en ce qui concerne l'espace judiciaire européen. Nous comptons sur cette base pour parvenir à de nouvelles avancées.
    Le bilan est donc positif : nous aurons bientôt, pour la première fois, une Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE DES DÉCHETS

    M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour le groupe UMP.
    M. Jacques Pélissard. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, la loi du 13 juillet 1992 sur les déchets ouvrait une période de dix ans pour moderniser la politique française des déchets.
    Le modèle français, qui a été mis en oeuvre grâce au partenariat essentiel des collectivités locales, a démontré son efficacité. La loi de 1995 y a contribué, s'agissant des déchets d'emballage. Voici douze ans, un Français sur mille triait ses déchets ménagers. Aujourd'hui, cinq sur six pratiquent ce geste du « jeter intelligent ». Mais le dispositif de gestion de nos déchets n'est pas encore complet.
    L'année dernière, à l'échéance fixée, vous avez ouvert une période d'un an pour mener à bien la concertation et définir de nouveaux axes politiques en la matière. En effet, reste en suspens la mise en place des filières dédiées, en particulier pour ce que l'on appelle les D3E, les déchets des équipements électriques et électroniques, ou les fameux « COUNA », les courriers non adressés, publicités et journaux gratuits qui envahissent nos boîtes aux lettres à hauteur de 40 kilogrammes par boîte aux lettres et par an. Quant aux biodéchets compostables, ils ont fait l'objet, au cours des années précédentes, de maintes circulaires sans que soit suffisamment bien organisée la filière elle-même. Reste enfin, hélas ! toujours d'actualité, la nécessaire réduction à la source de nos déchets.
    M. le président. Monsieur le député, auriez-vous l'obligeance de poser votre question ?
    M. Jacques Pélissard. J'y viens, monsieur le président, mais je n'ai pas dépassé les deux minutes qui m'étaient imparties.
    Madame la ministre, vous avez présenté la semaine dernière une communication au conseil des ministres. Il serait utile que vous en précisiez les grands axes pour permettre aux élus locaux d'orienter leurs actions et de faire face au double défi de la maîtrise des techniques et de la maîtrise des coûts de traitement. Pouvez-vous, en particulier, nous donner des indications sur les modes de traitement qui seront privilégiés par votre ministère et sur la politique de soutien de l'ADEME aux collectivités locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député Jacques Pélissard, votre intéressante question (« Allo ? Allo ? » sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Alain Néri. Une vraie question d'actualité !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable ... fait appel à toute la capacité d'expertise que vous avez accumulée à ce sujet : vous êtes en effet président du Conseil national des déchets. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    La question des déchets ménagers est de plus en plus importante et il convient qu'elle retienne toute notre attention. C'est la raison pour laquelle j'ai présenté au conseil des ministres une communication définissant quatre axes principaux : maîtriser l'impact du traitement des déchets sur l'environnement ; valoriser les déchets ; réduire les déchets à la source ; augmenter les capacités d'élimination.
    Maîtriser l'impact sur l'environnement, c'est le sens de l'action que j'ai menée pour fermer les trente-six incinérateurs hors normes que m'avaient légués mes prédécesseurs.
    M. Pierre Hellier. Eh oui !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Nous allons continuer nos efforts pour mettre aux normes les décharges illégales, maîtriser les gaz à effet de serre et séparer efficacement les déchets toxiques.
    Nous voulons aussi valoriser les déchets, augmenter les capacités de tri et nous occuper des filières dédiées. Un décret concernant les pneumatiques usagés est déjà paru et je suis en train d'en préparer un autre sur les véhicules hors d'usage.
    Pour réduire les déchets à la source, un plan sera mis sur pied et vous sera présenté à l'automne.
    Enfin, nous allons augmenter les capacités d'élimination, que ce soit par l'enfouissement ou par l'incinération.
    Bien entendu, toutes ces mesures demanderont une concertation très importante avec les élus locaux, puisque nous souhaitons augmenter leurs pouvoirs en ce domaine, à la fois en développant leur capacité de décision et en décentralisant des ressources. Cette concertation que nous mènerons avec votre aide, monsieur le président du Conseil national des déchets (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous permettra de présenter un projet de loi début 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour le groupe socialiste.
    M. Claude Bartolone. Monsieur le Premier ministre, depuis un an, votre politique a mené la sécurité sociale à une double impasse. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'impasse des recettes, avec l'augmentation du chômage et la baisse de l'activité économique, qui représentent autant de financements en moins pour la sécurité sociale.
    M. Arnaud Lepercq. Et les 35 heures ?
    M. Claude Bartolone. L'impasse des dépenses, avec l'augmentation, dès 2002, des dépenses de ville, qui laisse mal augurer de ce qu'elles seront en 2003, lorsque se feront sentir en année pleine les effets des augmentations que vous avez accordées sans contrepartie aux médecins généralistes.
    M. François d'Aubert. Et les 35 heures à l'hôpital, ça n'a rien coûté ?
    M. Claude Bartolone. Dans le même temps, vous ne pourrez pas faire d'économies sur les hôpitaux, compte tenu des investissements lourds qu'ils attendent dans les années qui viennent. (« Et les 35 heures ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Alors, monsieur le Premier ministre, il est temps de parler. Il est temps de dire à nos concitoyens quels sont vos projets sur la sécurité sociale. Ce matin, j'ai lu dans un journal que vous vouliez à nouveau baisser les impôts et que vous refusiez d'augmenter la contribution sociale généralisée. On est donc en droit de se demander ce que vous avez dans la tête. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Est-ce que votre projet consiste à réduire encore les remboursements de la sécurité sociale pour renvoyer la charge du complément au privé ?
    Est-ce que votre projet, c'est de continuer le démembrement du territoire en confiant les hôpitaux aux régions et en se disant : les régions riches auront les moyens de les financer, et que les autres se débrouillent ? (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mais finalement, la question essentielle n'est-elle pas de savoir si vous avez encore un projet pour la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député Claude Bartolone, vous vous faites du souci pour la sécurité sociale. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous aussi.
    M. Albert Facon. Nous ne sommes pas rassurés pour autant !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Et je me demande pourquoi, alors que gouverner, c'est prévoir, au temps où vous aviez la croissance, vous n'avez pas prévu les réformes nécessaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Roman et M. Jean-Pierre Kucheida. Vous radotez !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mais, après tout, peut-être est-il heureux que vous ne l'ayez pas fait. Car, au titre de l'international-socialisme, vous auriez certainement été tentés de reproduire ce qu'est en train de faire le Chancelier Schröder, socialiste allié aux Verts, en Allemagne : ticket modérateur de 15 euros par consultation spécialisée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), déremboursement de certaines pathologies comme la stérilité, caisses de maladie concurrentielles (Protestations sur les mêmes bancs) et, enfin, convention sélective des médecins.
    Où est l'idéologie socialiste ? Est-ce que vous approuvez M. Schröder ou est-ce que vous allez le condamner ? (Protestations continues sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Permettez-moi de vous dire que nous ne vous avons pas attendus...
    Mme Martine David. Pour creuser le trou de la sécu !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... pour agir. Le projet Hôpital 2007, proposé par le Premier ministre, est en oeuvre ; une nouvelle politique du médicament est en oeuvre. (Nouvelles protestations.)
    M. Bernard Roman. Quelle politique ?
    M. François Hollande. Vous ne connaissez que le déremboursement !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. L'accord avec les médecins généralistes, quelles que soient vos railleries, est une réforme efficace fondée sur la confiance : diminution du nombre d'actes des généralistes de 1,5 %, augmentation de la prescription de génériques, diminution de la prescription d'antibiotiques, baisse du nombre de visites. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Alors, si vous voulez nous faire dire maintenant ce qu'il nous reviendra de dire à l'automne, eh bien, c'est raté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jérôme Lambert. C'est se moquer du Parlement !
    M. Jean-Paul Bacquet. C'est affligeant !
    M. Bernard Roman. C'est lamentable !

COMMERCE ÉQUITABLE

    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe UMP.
    M. Denis Jacquat. Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 énonce un principe essentiel : « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable (...) lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine. » Malheureusement, la réalité reste trop souvent éloignée de ce principe.
    A l'heure où 56 % de la population mondiale se trouve en situation de pauvreté, le développement du commerce équitable constitue l'une des voies vers un meilleur équilibre environnemental, social et économique du monde. Il consiste à favoriser la vente de produits issus d'un commerce assurant une juste rémunération du travail, la garantie des droits fondamentaux des personnes et le respect de l'environnement. Si cette filière tend à se développer, le chemin à parcourir reste long. Les Français achètent encore peu de produits issus du commerce équitable, comparativement à certains de leurs voisins.
    Face à cette situation, vous avez engagé, monsieur le ministre, une action volontariste en montant un projet d'appui à la filière du commerce équitable. Pouvez-vous nous en détailler le contenu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, vous avez bien raison d'appeler l'attention sur le commerce équitable, notion encore mal connue de nos compatriotes. De quoi s'agit-il ? Vous avez fait référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme, parce que l'adjectif « équitable » vient de là. Plus simplement, le commerce équitable est celui qui permet d'accorder aux producteurs de pays du Sud - nous pensons en particulier au continent africain - des rémunérations suffisantes, ainsi que des conditions d'existence acceptables sur le plan social et sur celui des droits fondamentaux.
    Il convient à cet effet de leur permettre de vendre leurs produits sur nos marchés, et notamment en France. Un certain nombre d'associations et de circuits commerciaux se sont spécialisés dans la distribution de ces produits et il faut féliciter celles et ceux qui depuis des années se sont consacrés à cette tâche.
    Mais le moment est venu d'aller plus loin et d'aider à la mise en place de circuits de production dans les pays du Sud et de distribution dans les pays du Nord, y compris le nôtre. La France a pris des engagements dans ce domaine à Johannesburg, lors du sommet sur le développement durable, et c'est ainsi qu'un projet d'un montant de 5,5 millions d'euros vient d'être arrêté pour favoriser la consolidation des filières de production, pour sensibiliser le public français, qui en a besoin, au commerce équitable et à son intérêt, pour développer les circuits commerciaux et pour labelliser les produits.
    Nous apportons un soutien particulier au commerce équitable, qui est l'un des nombreux éléments de notre politique de coopération avec les pays du Sud. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VOCATION EUROPÉENNE DE STRASBOURG

    M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe UMP.
    M. Yves Bur. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, Strasbourg accueille de grandes institutions européennes, comme la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe ou le Congrès européen des pouvoirs locaux et régionaux, sans oublier bien sûr la plus importante, le Parlement européen.
    Conscients de cette responsabilité, les élus et les forces économiques locales et régionales se sont mobilisés avec votre soutien pour améliorer la qualité de l'accueil et les conditions d'accès, problèmes auxquels nombre de nos éminents collègues des institutions européennes sont sensibles. Demeurent néanmoins des difficultés que Strasbourg et l'Alsace ne peuvent résoudre seules, mais auxquelles il faut remédier pour ne plus donner prise à ceux qui voudraient remettre en cause la répartition des institutions européennes entre plusieurs capitales, en visant tout particulièrement le Parlement européen.
    Pouvez-vous indiquer à notre assemblée quelles mesures le Gouvernement a prises pour soutenir les efforts initiés localement et pour défendre la vocation de Strasbourg, capitale européenne, cause nationale qui doit mobiliser l'ensemble des responsables politiques et des services de l'Etat ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député Yves Bur, vous avez raison d'indiquer que Strasbourg est une cause non seulement alsacienne, mais aussi nationale, et j'ajouterai européenne. Nous avons le privilège d'être le seul pays hôte des deux grandes institutions européennes, dont nous sommes d'ailleurs membres fondateurs, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne. L'histoire, en nous donnant ce privilège, nous a aussi confié une lourde responsabilité. Nous avons parfaitement conscience qu'il faut faire vite pour rendre plus accessible et plus attractif le site européen de Strasbourg.
    Déjà, vous le savez, le ministère des affaires étrangères a financé cette année de nouvelles dessertes aériennes, mais il faut aller plus loin. C'est la raison d'être du comité de pilotage que le Premier ministre a constitué et dont vous nous faites l'honneur d'être membre, avec des élus d'autres régions que l'Alsace et avec nos voisins allemands, ainsi qu'avec le Président du Parlement européen et le Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
    Qu'avons-nous fait ? Nous avons conclu un contrat triennal dont les crédits ont été augmentés de 30 %, passant de 38 à 47,3 millions, et surtout installé le comité de pilotage, qui commence déjà à mettre en oeuvre ce contrat. Premièrement, nous avons poussé le projet d'interconnexion Strasbourg-Francfort et nous bénéficions, de ce point de vue, d'une forte écoute de nos partenaires allemands. Deuxièmement, nous voulons constituer un véritable pôle européen d'administration publique et nous avons besoin, à cet égard, du concours de toutes les institutions universitaires de Strasbourg. Enfin, le conseil des ministres franco-allemand a acté le projet de création de l'Eurodistrict, collectivité territoriale européenne d'un million d'habitants.
    Tout cela, nous le devons surtout aux élus membres du comité de pilotage, auxquels j'adresse un grand merci. Je remercie également le Parlement européen qui, à une majorité de plus des deux tiers, vient de décider que la session solennelle d'accueil des parlementaires des nouveaux Etats de l'Europe se tiendrait en mai 2004 à Strasbourg. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

RÉFORME DES RETRAITES

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).
    La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, au nom du Gouvernement, est conforme aux engagements du Président de la République et au calendrier annoncé dans ma déclaration de politique générale, approuvée par le Parlement.
    Ce n'est pas le projet initial du Gouvernement, c'est un texte qui a fait l'objet d'une rédaction négociée avec les partenaires sociaux,...
    M. François Hollande. Ce n'est pas vrai !
    M. le Premier ministre. ... recueillant ainsi l'accord d'une majorité des organisations représentatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Pinocchio ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le Premier ministre. Il est le fruit du dialogue social.
    M. Bernard Roman. Seules deux organisations sont d'accord ! Comment pouvez-vous dire que la majorité des organisations représentatives est d'accord ? C'est quoi, une « majorité » ?
    M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous ! Nous allons passer de longs moments ensemble.
    M. le Premier ministre. En tout cas, mesdames, messieurs les députés, je ne souhaite participer à aucune polémique...
    M. Bernard Roman. Nous ne polémiquons pas, nous posons une question !
    M. le Premier ministre. ... car il s'agit d'un sujet majeur pour l'avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ce texte est donc le fruit du dialogue social. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !
    M. le Premier ministre. Dans ce débat que nous savons essentiel, que les Français savent essentiel,...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est pour cela qu'ils sont dans la rue !
    M. le Premier ministre. ... je veux souligner le rôle du temps.
    Depuis quinze ans, tous les gouvernements ont été confrontés à la question des retraites : les succès, les insuccès, les attentes ont permis dans le pays une prise de conscience et une évolution des esprits. Il nous revient aujourd'hui de franchir un pas décisif. C'est pour cela que j'en appelle à la responsabilité de tous pour que nous fassions ensemble ce pas vers l'avenir.
    M. Philippe Auberger. Très bien !
    M. le Premier ministre. Après de multiples études et rapports des années durant, le temps de l'action, le temps de la lucidité et je devrais dire le temps de la lucidité démographique est venu. Voilà maintenant trente ans que notre pays ne remplace plus ses générations. Il nous fallait bien tirer un jour les leçons de ce fait historique et le replacer dans l'action publique.
    Le changement démographique est essentiel pour l'avenir de l'action publique. La France est convaincue d'avoir la passion du changement : changement politique, changement social, changement économique - aujourd'hui nous travaillons même sur le changement climatique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Hollande. Quel rapport ?
    M. le Premier ministre. Et pourtant, ceux qui ont alerté les Françaises et les Français sur les changements démographiques ont été bien peu entendus.
    M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
    M. le Premier ministre. A la Libération, Alfred Sauvy...
    M. Jean-Pierre Brard. Il s'est trompé !
    M. le Premier ministre. ... et Robert Debré contribuèrent à la prise de conscience du nécessaire sursaut démographique...
    M. Jean-Pierre Brard. Pinocchio !
    M. le Premier ministre. Le mépris, c'est la haine des faibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et un groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je raisonne quant à moi par analogie !
    M. le Premier ministre. Ce n'est pas de moi, c'est de Victor Hugo !
    A la Libération, disais-je, Alfred Sauvy et Robert Debré ont essayé de mobiliser le pays sur ce nécessaire sursaut démographique. On leur doit d'abord la prise de conscience de cette nécessité, puis d'importantes initiatives. Je pense aux allocations familiales et au quotient familial qui furent mis en place par la suite.
    Mais, après la fin du baby-boom, la société française, malgré une démographie certes meilleure que ses voisins, semble indifférente face à un changement fondamental pour son avenir.
    A l'extérieur, la croissance continue de la population chinoise, les 400 millions de nouveaux citoyens de l'Inde, le million d'Egyptiens supplémentaire chaque année, la démographie toujours galopante dans plusieurs pays d'Amérique latine sont, pour beaucoup d'Européens, des informations saisies, mais non traitées.
    Pourtant, la démographie, je devrais dire le changement démographique, est la matrice première de l'action politique pour les quinze prochaines années.
    La retraite est le dossier d'évidence de cette nouvelle lucidité, mais bien d'autres champs de l'action publique seront concernés : la santé...
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. le Premier ministre. ... l'aménagement du territoire, l'éducation nationale...
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. le Premier ministre. ... l'immigration et, bien sûr, l'emploi. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Trop souvent, nous avons cherché les solutions à nos problèmes en comptant sur les richesses produites par le plus grand nombre. La solidarité entre les générations a ainsi profité de cette ancienne donne. Avec la nouvelle donne démographique, les rapports entre les recettes et les dépenses seront modifiés.
    Mais le changement ne se limite pas à la lecture comptable.
    M. Jean-Claude Lefort. Et les richesses ?
    M. le Premier ministre. Dans une société qui place la personne humaine en première ligne de ses préoccupations, c'est le changement affectant les différents âges de la vie qui devient le fait majeur de ce début du xxie siècle.
    L'accueil de l'enfant s'affirme comme une priorité nationale, et la politique familiale est devenue une politique de premier plan. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    L'éducation nationale doit plus encore accompagner l'enfant, avant que la formation n'accompagne l'adulte, tout au long de la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'expérience redevient une richesse nationale et il faudra en convaincre les entreprises pour que cessent les licenciements des salariés de plus de cinquante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains.)
    M. Gilbert Biessy. Il y a du boulot !
    M. le Premier ministre. La retraite n'est plus synonyme de vieillesse, mais d'une activité pouvant être à la fois généreuse et créatrice.
    La famille à quatre générations et à périmètre variable sera davantage la règle que l'exception.
    Il nous faudra trouver ensemble les moyens financiers pour faire face au nécessaire accompagnement humain et médical des plus âgés d'entre nous.
    M. Pascal Terrasse. Parlons donc de l'APA !
    M. le Premier ministre. « Permettre aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » : (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) cet objectif de la charte du Conseil national de la Résistance reste pour nous fondamental, même si d'évidence, il dépasse la seule question des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Aucune - je dis bien : aucune - des politiques publiques dans l'avenir ne pourra échapper au changement démographique. Face à ce changement, la société d'aujourd'hui, la société de demain, ce doit être la société des réformes. La stratégie de l'autruche est la plus coupable face à notre devoir de parents...
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. le Premier ministre. ... d'élus et de responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Notre pacte social ne sera pas, ne pourra pas être sauvé par l'immobilisme.
    La retraite par répartition, la sécurité sociale pour tous, la qualité du service public, tous ces piliers de notre pacte républicain sont menacés...
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Par vous !
    M. le Premier ministre. ... par les retards, par les délais, par les moratoires, par l'immobilisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Ces chefs-d'oeuvre sociaux sont fragiles. Je vous tiens le langage de la vérité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Le courage, aujourd'hui, ce n'est pas de retarder, ce n'est pas de reprocher, ce n'est même pas de constater. Le courage aujourd'hui, c'est d'agir pour que le modèle français trouve dans la réforme sa sauvegarde.
    M. André Gerin. Régression !
    M. le Premier ministre. La République, pour laquelle nous avons tous défilé, a besoin de la réforme pour sa sauvegarde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Cette exigence est européenne. Notre continent pèsera peu dans le monde d'ici vingt ans si, année après année, sa croissance est durablement inférieure à celle des Etats-Unis, elle-même inférieure à celle de plusieurs pays émergents.
    Où trouverons-nous les ressorts de la puissance si ce n'est dans la comparaison de notre croissance avec celle des autres pays ?
    M. Pascal Terrasse. Où est la croissance ?
    M. le Premier ministre. Notre stratégie, c'est celle de la croissance durable, cette croissance qui, lorsqu'on la tient, doit être utilisée pour les réformes nécessaires à l'avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Hollande. Vous avez détruit la croissance !
    M. le Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, ne vivons pas la réforme comme une contrainte, mais au contraire comme une chance.
    M. André Gerin. Non, une régression !
    M. le Premier ministre. La vie nouvelle du xxie siècle aura aussi ses bonheurs.
    M. Jean-Claude Lefort. Régression !
    M. le Premier ministre. Quand, grâce aux réformes, les peurs seront apaisées, chacun pourra profiter des progrès : ceux de la médecine comme ceux de la technologie, ceux de la cohésion comme ceux de la création. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est Alice au pays des merveilles !
    M. le Premier ministre. La France ne doit pas avoir peur de son avenir, elle doit y faire face. Pour cela, elle doit surmonter ses tensions et ses divisions.
    M. Pascal Terrasse. Rien que des promesses !
    M. le Premier ministre. Toutes les opinions sont respectables, mais tous les comportements ne sont pas acceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Les Républicains, pour la réforme, doivent s'opposer à toute forme de violence. Les extrémismes fragilisent la démocratie. Dans une démocratie, il n'y a pas les bons violents d'un côté et les mauvais de l'autre. Il y a la violence qui menace la démocratie et qui porte ainsi atteinte à la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    Les règles républicaines de « notre vivre-ensemble » doivent être respectées par tous et la première de ces règles est le respect du suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
    M. Jérôme Lambert. Vous devez retirer le projet de réforme !
    M. le Premier ministre. ... qui fonde la légitimité de la représentation nationale, lieu de l'ultime décision. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. Quelle légitimité avec 19 % des suffrages ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. 19 % !
    M. Arnaud Lepercq. Et combien pour le PC ? 3 % !
    M. le Premier ministre. Je ne crois pas que la légitimité de cette Assemblée puisse être contestée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cette réforme des retraites, vous l'avez compris, est une réforme de société. Après les initiatives courageuses d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et après la création du fonds de réserve des retraites parLionel Jospin, la réforme des retraites que nous vous proposons est la première qui intègre avec lucidité le changement démographique.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !
    M. le Premier ministre. Je remercie les ministres François Fillon et Jean-Paul Delevoye (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) qui ont su dialoguer, écouter et construire avec intelligence et détermination ce projet à la fois novateur et courageux. Et je salue tous ceux qui ont participé à ces travaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous avons poursuivi un seul objectif...
    M. Jean-Claude Lefort. Faire payer les pauvres car il sont les plus nombreux !
    M. le Premier ministre. ... la sauvegarde de notre régime par répartition.
    Ayons le courage de dire que l'immobilisme met en cause la retraite par répartition...
    M. Jean-Claude Lefort. C'est vous qui la remettez en cause !
    M. le Premier ministre. ... et que c'est notre réforme qui peut la sauver ! (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La réforme pour la retraite par répartition, c'est le socle sur lequel l'ensemble des Français se retrouvent.
    M. Jean-Claude Lefort. Menteur !
    M. Jérôme Lambert. Le patronat plutôt !
    M. le Premier ministre. C'est une réforme nécessaire et, chacun le sait, à partir de 2006, les déficits vont se creuser.
    M. Lucien Degauchy. Ils le savent, comme les autres !
    M. le Premier ministre. Sans réforme, il nous faudrait 43 milliards d'euros en 2020...
    M. François Hollande. Et pour l'assurance maladie ?
    M. le Premier ministre. ... et plus du double en 2040 pour sauver notre retraite par répartition. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Avec notre réforme, plus de 18 milliards d'euros sont d'ores et déjà trouvés, sans qu'il soit nécessaire d'imposer davantage le travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Hollande. On allonge la durée de cotisation !
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Il faut imposer davantage le capital !
    M. le Premier ministre. Mieux vaut allonger le temps de cotisation que prendre de l'argent !
    M. François Hollande. C'est pareil !
    M. le Premier ministre. Le solde s'étalera dans le temps.
    C'est une réforme sage, une réforme progressive, que nous avons construite sur dix-sept ans, jusqu'en 2020,...
    M. Jean-Claude Lefort. Vous ne serez plus là !
    M. le Premier ministre. ... en prévoyant, en 2008 et en 2013, des rendez-vous d'adaptation en fonction des paramètres économiques et sociaux.
    Il est clair que cette réforme engage une démarche durable, mais elle pourra être régulièrement adaptée aux circonstances de notre économie et de notre vie sociale.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Comptez sur nous !
    M. le Premier ministre. Ces rendez-vous réguliers nous permettront de vérifier le bien-fondé des hypothèses que nous avons retenues et de prendre le cas échéant les mesures nécessaires d'adaptation...
    M. Jean-Claude Lefort et M. Jean-Pierre Brard. Vous ne serez plus là !
    M. le Premier ministre. ... afin que le montant des pensions soit maintenu et reste en rapport avec les ressources des actifs.(« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    C'est une réforme juste... (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Christian Bataille. Elle est foncièrement injuste !
    M. le Premier ministre. ... puisque les petites retraites seront améliorées (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et, du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) et, pour la première fois, ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ans ou seize ans, dans des conditions souvent difficiles et qui ont toujours été jusqu'à ce jour ignorés, auront la possibilité de prendre leur retraite avant soixante ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Voilà une vraie avancée sociale pour ceux qui ont été le plus exposés aux difficultés du travail !
    M. Jean-Paul Anciaux. Applaudissez donc, messieurs de l'opposition !
    M. le Premier ministre. La retraite des agriculteurs, elle aussi, sera améliorée, notamment grâce à la mensualisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et je le répète, ce qui nous menace, c'est bien la non-réforme, l'effondrement des retraites dû à la non-réforme peut être évité.
    C'est aussi une réforme équitable...
    M. Christian Bataille. Mais non !
    M. le Premier ministre. ... car progressivement, nous organisons la convergence entre le secteur privé et le secteur public.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Par le bas !
    M. le Premier ministre. Et cela, c'est un grand moment de justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. Régression !
    M. le Premier ministre. En 2008, avec une durée de cotisation de quarante ans, nous vivrons ce premierrendez-vous national de l'équité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il ne s'agit pas d'opposer les secteurs les uns aux autres, mais, dans un pays qui veut l'unité nationale comme valeur fondamentale, de faire de l'équité une valeur républicaine. (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. André Gerin. Régression !
    M. le Premier ministre. C'est enfin une réforme de société.
    M. Jean-Claude Lefort. Ça, c'est vrai !
    M. le Premier ministre. L'âge de la retraite ne sera plus un âge couperet,...
    M. Bernard Roman. Il ne l'est déjà plus !
    M. le Premier ministre. ... la transition entre le travail et la retraite sera beaucoup plus progressive et les travailleurs expérimentés vont être mieux considérés.
    M. Jean-Claude Lefort. Ils sont licenciés, aujourd'hui !
    M. le Premier ministre. Je sais qu'il y a un problème pour les travailleurs de plus de cinquante ans ! Je sais que, après le vote de cette loi, un gros travail nous attend, qu'il faudra ouvrir des négociations sociales sur la pénibilité, convaincre les uns et les autres, afin de lutter contre le chômage des jeunes et de ceux qui ont de l'expérience. Nous nous engageons dans cette bataille pour la France. Ce n'est pas parce que cela présente des difficultés qu'il faut renoncer à mettre de l'équité dans l'économique et le social en France. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. Commencez donc par là !
    M. le Premier ministre. Cette réforme est un début. Elle en impliquera beaucoup d'autres. Elle intègre une nouvelle donne démographique que chacun doit bien observer.
    M. Jean-Claude Lefort. Personne ne le dit !
    M. le Premier ministre. Quand il y a de moins en moins de cotisants qui paient pour de plus en plus de retraités qui touchent, il faut bien regarder les réalités en face et tenir au pays le langage de la vérité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Maxime Gremetz. C'est pourquoi vous baissez l'impôt sur la fortune !
    M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette réforme veut nous rappeler que le travail et l'esprit d'initiative sont aussi synonymes de promotion sociale, d'accomplissement personnel et de progrès.
    M. Jean-Pierre Brard. Mme Bettancourt, M. Sellières, M. Mulliez !
    M. le Premier ministre. La France a besoin de mieux valoriser toutes ses ressources humaines pour créer les conditions d'une croissance durable, qui profite à tous, et qui permettra à notre pays de résister à la compétition internationale.
    M. Christian Bataille. C'est faux !
    M. le Premier ministre. Mieux vaut augmenter le nombre d'heures travaillées de manière globale plutôt que d'augmenter les prélèvements, qui finissent toujours par fragiliser l'emploi. Le travail crée la croissance, le travail crée l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. Les voilà rassurés : vous ne prendrez pas dans leur poche !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est sans doute pourquoi le chômage augmente !
    M. le Premier ministre. Je sais que ces changements engendrent des inquiétudes. Je comprends le désarroi de ceux qui craignent que l'incertitude s'ajoute à l'angoisse de la retraite.
    M. Jean-Pierre Brard. La misère !
    M. le Premier ministre. La cohésion sociale, la cohésion nationale nous imposent le respect de tous.
    M. Jean-Claude Lefort. A commencer par les riches !
    M. le Premier ministre. A ceux qui ont peur, à ceux qui ont des craintes, je dis que notre réforme est une réforme de sécurité nationale, qui va sauver le régime par répartition... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. C'est faux !
    M. le Premier ministre. ... et qui va sauver nos retraites. Elle engendrera, ce dont l'ensemble du Gouvernement et ce dont tous ceux qui voteront ce texte pourront être fiers, de réels progrès pour les Français les plus fragiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    La réforme est devenue urgente, car durant ces dernières années je n'ai pas vu de projet déposé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et aujourd'hui je vois le temps nous dépasser.
    Nous ne pouvons pas abandonner nos responsabilités à nos enfants.
    M. Patrick Lemasle. La seule chose que vous allez déposer, vous, c'est le bilan !
    M. le Premier ministre. Rien, jamais, ne justifie qu'un adulte sacrifie les enfants dont il a la charge. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Lamy. C'est honteux d'entendre ça !
    M. le Premier ministre. Le débat est légitime. Je respecte les convictions des uns et des autres, ...
    M. Michel Vergnier. Vous n'en avez pas !
    M. le Premier ministre. ... et nous les écouterons. Nous sommes prêts à accorder à ce débat tout le temps nécessaire...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Heureusement !
    M. le Premier ministre. ... pour que chacun puisse dire ce qu'il a sur le coeur. Ce que j'ai sur le coeur moi, c'est que notre génération est face à son devoir : assurer l'avenir de la France. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française se levant. - Le groupe des député-e-s communistes et républicains entonne L'Internationale. - Huée sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, dont de nombreux députés entonnent alors la Marseillaise.)
    M. le président. Nous ne sommes pas dans un cours de chant ! Je suspends la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. Fondé sur quel article ?
    M. Jean-Pierre Brard. L'alinéa premier de l'article 58, que vous connaissez par coeur également et qui concerne le déroulement de la séance.
    M. le président. Vous avez la parole.
    M. Jean-Pierre Brard. Tout à l'heure, M. le Premier ministre a prétendu que je faisais preuve de mépris. Non, quand j'évoquais Pinocchio, ce n'était pas du mépris, je raisonnais par analogie, et pour montrer à quel point l'analogie était pertinente, je voudrais citer deux exemples.
    M. le président. Rapidement, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Très rapidement.
    M. Yves Nicolin. Votre nez s'allonge !
    M. Jean-Pierre Brard. M. le Premier ministre a dit qu'il donnerait tout le temps au débat. Il faut l'éclairer et surtout éviter qu'il ne s'engage sur des bases chancelantes.
    M. le président. Allez-y, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous me pressez tellement que ça me stresse.
    M. le président. Ça m'étonnerait !
    M. Jean-Pierre Brard. M. le Premier ministre a évoqué Alfred Sauvy. Excellente référence !
    M. Christian Estrosi. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Sauvy avait prévu juste après guerre que nous serions 40 millions en 2000 ! Ne s'est-il point trompé ?
    M. Yves Nicolin. Et Lénine, ne s'est-il pas trompé ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Pierre Brard. En ce qui concerne la démographie, dont il est sans cesse question, pourquoi donc M. le Premier ministre ne dit-il pas la vérité ? Pourquoi ne dit-il pas qu'on peut espérer aujourd'hui 2,1 enfants par famille ?
    M. le président. Monsieur Brard, vous avez éclairé le débat, je vous remercie.

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, que M. Brard va écouter en silence.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça dépend de ce qu'il dit !
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, après dix ans de débats, de rapports et d'hésitations, c'est avec la certitude que l'immobilisme et les fausses solutions seraient désastreux pour notre pacte social que je présente devant vous la première réforme globale de notre système de retraite depuis l'après-guerre.
    M. Yves Nicolin. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette réforme fait débat. Nos concitoyens éprouvent une certaine appréhension devant le changement, même si, au fond d'eux-mêmes, ils sentent bien qu'il faut aller de l'avant.
    La contestation actuelle est à l'image de la profondeur d'une réforme qui est coeur de nos pratiques sociales et économiques. Elle est aussi à l'image du malaise qui saisit l'Etat qui, faute d'avoir suffisamment évolué, conduit certains de ses agents à ne plus percevoir la clarté et l'honneur de leur mission.
    Mais cette crispation souligne aussi une double caractéristique nationale : le conflit qui s'exerce faute de démocratie sociale véritable, avec une faiblesse historique de nos corps intermédiaires - c'est une situation qui n'est pas nouvelle ; la démission du politique devant la réforme et devant la nécessité de dessiner l'avenir. L'Etat en est venu à perdre son rôle de donneur de sens.
    Le premier tour de l'élection présidentielle a pourtant démontré que nos concitoyens pouvaient être plus sévères vis-à-vis de l'impuissance publique qu'à l'égard de la volonté politique.
    La détermination et le sens de la responsabilité qui nous animent sont d'autant plus essentiels que, à travers la question des retraites, c'est tout notre modèle social qui est défié.
    Face à ce défi, l'action est un devoir.
    Mesdames et messieurs les députés, le calendrier fixé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002 a été scrupuleusement respecté. Personne ne peut nous accuser d'avoir procédé par surprise ou dans la précipitation.
    Ce calendrier a permis un dialogue social...
    M. François Liberti. C'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... dont ce projet est l'aboutissement.
    La phase de concertation et de négociation fut longue et intense. Du début février à la mi-mai, le dialogue aura duré trois mois et demi, au cours desquels tous les aspects de la réforme ont été abordés.
    M. André Gerin. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je n'ai aucun exemple d'une réforme économique et sociale ayant fait l'objet dans un passé récent d'un tel dialogue. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pensons aux 35 heures.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Notre méthode a porté ses fruits...
    M. Jean-Pierre Brard. Ils sont pourris !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... puisqu'un accord a été trouvé avec plusieurs organisations syndicales le 15 mai dernier. Au nom de quoi ces organisations seraient-elles stigmatisées, voire méprisées, tandis que celles qui ont, en définitive, choisi la voie de la contestation seraient encensées ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour ma part, je ne porte de jugement ni sur les unes, ni sur les autres,...
    M. Pascal Terrasse. C'est pourtant ce que vous venez de faire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... chacun a pris ses responsabilités. J'estime même que certaines organisations syndicales, aujourd'hui contestataires, ont apporté une contribution utile à notre projet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Pouvais-je les convaincre de nous suivre jusqu'au bout ?
    M. Alain Néri. Sûrement pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'en doute. Leur hostilité porte sur une réforme vieille de dix ans, celle de 1993. Elle porte également sur l'augmentation de la durée de cotisation dans le public,...
    M. Roland Chassain. Dans le privé aussi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... point sur lequel nous ne pouvons transiger. Cette équité, certains la contestent au nom d'une étrange défense du service public qui verrait ses fonctionnaires exonérés des efforts demandés à tous les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Caricature !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Telle n'est pas notre conception de l'égalité républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Quant aux trente-sept annuités et demie pour tous, quel crédit pouvions-nous accorder à une revendication qui dit aux Français que, en travaillant moins, leurs retraites pourraient y gagner ?
    Reste enfin l'option d'augmenter fortement les impôts ou d'introduire de nouvelles taxes.
    Mme Martine David. Il faudra bien, la moitié de la réforme n'est pas financée !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette quête éperdue de certains à dénicher des prélèvements obligatoires supplémentaires masque un objectif inavoué : financer à tout prix le statu quo, financer en définitive l'absence même de réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Comme au Danemark !
    M. Yves Bur. Vivent les autruches !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Au regard de tout cela, j'ai la conviction d'être allé au bout des limites de ce qu'autorise l'intérêt général.
    Ceux qui réclament la réouverture des négociations manquent de sincérité, tant leur requête masque des non-dits et des refus. Mais surtout, dans une sorte de confusion des genres, qui verrait la négociation permanente repousser les limites de la décision, ils mélangent et affaiblissent deux légitimités distinctes : celle des partenaires sociaux et celle de l'Etat.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous sommes là au coeur de la réflexion sur l'avenir de notre démocratie sociale.
    M. Pascal Terrasse. On va en parler !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il ne passe pas par une abolition des frontières entre le social et le politique, mais bien au contraire par leur clarification, par une définition du rôle et des compétences de chacun, par une délimitation de la loi et du contrat.
    Cette réforme traverse les pratiques cuturelles, économiques et sociales de notre pays. Elle est le reflet de notre histoire et le miroir de notre société. Elle révèle à la fois les noeuds de la France et les défis qu'elle doit surmonter. La question des retraites, c'est celle du vieillissement de la France, c'est celle du travail, celle de la justice, c'est enfin celle de la conciliation entre le collectif et l'individuel.
    M. Pascal Terrasse. Tout ce que vous traitez mal !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est autour de ces quatre questions que je me propose d'engager le débat avec vous.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La France va bientôt vivre une révolution sans précédent dans son histoire, celle du vieillissement.
    Mme Christine Boutin. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tout va basculer dans moins de trois ans. Entre 2006 et 2010, la France subira les effets d'un ciseau démographique sans précédent, avec le départ massif à la retraite des générations du papy-boom, mais ce n'est qu'une entrée en matière. A partir de 2010, le vieillissement s'accélère globalement et massivement, cette fois-ci principalement du fait de l'allongement de la durée de la vie. Et nous savons déjà que les échéances de 2010, et même de 2020, sont plutôt des points d'étape que des points d'arrivée.
    Les facteurs démographiques sont connus : l'augmentation de l'âge moyen de la population tout d'abord, avec l'explosion des classes d'âge au-dessus de 60 ans dans un premier temps, puis de celles au-dessus de 75 et 80 ans. La proportion des plus de 60 ans par rapport aux 20-59 en âge d'activité était de 39 % en 2000 ; elle sera de 54 % en 2015. A cela s'ajoute la chute de la fécondité, provoquant cette fois-ci un vieillissement de la population par le bas.
    Mme Christine Boutin. Ils commencent à se réveiller !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Du coup, le poids des plus de 45 ans s'accroît aux dépens des générations plus jeunes d'actifs. Bref, la population active vieillit elle aussi, indépendamment de l'explosion du nombre des retraités.
    M. Pascal Terrasse. Ça, c'est le rapport Laroque !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette révolution, nous devons en mesurer les implications. Nous l'abordons aujourd'hui à travers le prisme de ce projet, mais le vieillissement va bouleverser la société française dans toutes ses dimensions.
    Aux alentours de 2020, chaque génération d'actifs devra entretenir trois, voire quatre générations à la fois : celle des enfants dont la scolarité se prolonge, celle des seniors ou des grands-parents plus actifs encore qu'aujourd'hui, et celle, enfin, d'arrière-grands-parents souvent en situation de dépendance.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Exact !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Du coup, tout sera changé : notre façon d'envisager l'avenir et de travailler, notre façon de gérer les temps de la vie, de percevoir l'identité et le rôle de chaque âge, de concevoir les rapports entre les générations.
    Mais nous jugeons une réforme des retraites dans la France d'aujourd'hui, avec nos regards d'aujourd'hui, alors que les principales mesures vont s'appliquer très progressivement dans une France qui, entre-temps, aura beaucoup changé.
    Lorsque nous examinerons tel ou tel article de ce projet, gardons en tête, si vous le voulez bien, que ce décalage nous impose de nous projeter à chaque fois dans la France de demain, dans cette France beaucoup plus vieille qu'aujourd'hui.
    M. Jean-Pierre Brard. Et plus riche !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le sens même du qualificatif « vieux » sera-t-il toujours le même ?
    Prenons par exemple l'âge de départ effectif à la retraite, l'un des facteurs critiques du taux d'activité. Nous connaissons l'attachement des Français d'aujourd'hui au départ précoce, avant même 60 ans, mais, dans la France de demain, où chacun côtoiera tous les jours deux ou trois fois plus de seniors, qui plus est dynamiques, il sera sans doute considéré comme une évidence de garder une activité au-delà de 60 ans.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est bien pourquoi la progressivité et le pilotage dans la durée sont au coeur de notre projet.
    L'avenir de nos régimes de retraite ne saurait être décidé ici et maintenant une bonne fois pour toutes. Dans les vingt prochaines années, les données du basculement démographique devront être constatées, tout comme leurs conséquences sur l'équilibre financier des régimes et l'attitude générale des Français devant le vieillissement.
    C'est de ce constat qu'est née l'idée de la réforme en continu avec des rendez-vous réguliers.
    Mme Christine Boutin. Excellent !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, ce basculement démographique pose un enjeu politique majeur : faut-il répondre collectivement ou individuellement au défi du vieillissement ? Faut-il continuer à socialiser la question des retraites par le biais de mécanismes contributifs universels (« Oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) ou faut-il au contraire organiser la dévolution progressive vers la préparation individuelle de sa retraite ?
    C'est le débat entre capitalisation et répartition. Ce débat, le Gouvernement l'a tranché. Le projet de loi qui vous est soumis n'a qu'un seul but : assurer la viabilité et la sécurité de la répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Notre choix en faveur de la répartition est d'abord politique. Nous choisissons la répartition, parce que son principe est l'un de nos rares consensus.
    M. Jean-Pierre Brard. Mystification !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous choisissons la répartition, parce qu'elle est une résistance face à la désintégration du corps social. Nous choisissons la répartition, parce que, en définitive, la répartition, c'est la République.
    Ce choix n'est pas celui de la facilité, mais au contraire celui de l'exigence, car sauver la répartition exige d'imposer l'intérêt général. Cela commande de rester ferme face à la montée des intérêts catégoriels.
    M. Jean-Claude Lefort. ... et particuliers !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est cette difficulté qui explique les renoncements de ces dernières années sur le dossier des retraites.
    M. Jean Leonetti. Et la lâcheté de certains !
    M. Yves Bur. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, avec la révolution du vieillissement, l'autre grande question soulevée par cette réforme est la relation des Français avec la notion même de travail. Ce débat sur l'avenir de nos retraites est d'abord un débat sur la place du travail en France. Les crispations autour de l'allongement de la durée de cotisation le montrent. Nous avons en effet choisi de privilégier l'augmentation du taux d'activité, et donc de la durée de cotisation, pour combler le déficit de nos régimes par répartition à l'horizon 2020. Telle est la clef de voûte du projet de réforme : demander à tous de travailler un peu plus pour assurer à chacun un haut niveau de retraite sans accroître la pression fiscale qui est déjà l'une des plus élevées d'Europe.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce choix prend le contre-pied de ceux de la majorité précédente sur la question du travail. Nous disons aux Français que, en travaillant toujours moins, ils condamnent leur modèle de protection sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Démagogie ! Ils produisent plus !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous leur disons qu'il n'y a pas d'autres choix que de travailler plus et mieux si nous voulons préserver nos acquis sociaux et notre position dans le monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous leur disons tout simplement qu'il n'y a pas de réussite sans efforts.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est scandaleux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Plus que jamais, le travail reste au centre du développement de nos sociétés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française). Penser que l'on peut le réduire ou le partager, surtout avec le choc démographique que nous allons connaître, n'aboutirait qu'à laisser se contracter inexorablement l'économie française.
    Nous voulons réhabiliter la valeur travail. Face à la concurrence mondiale, face à la persistance du chômage et à la montée de l'insécurité professionnelle, on a depuis trop longtemps cédé à l'illusion des théories sur la fin du travail. Nous rompons avec cette spirale. Ce que nous proposons, c'est un effort collectif par le travail pour sauver le coeur du pacte social : la solidarité entre les générations.
    L'âge moyen de cessation d'activité des salariés est, en France, l'un des plus faibles de tous les pays industrialisés.
    M. Jean-Pierre Brard. La faute à qui ? (« A vous ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. Que les autruches se taisent !
    M. Bernard Roman. C'est la faute aux patrons, et les patrons, c'est vous !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous sommes au vingt-troisième rang des vingt-neuf pays de l'OCDE.
    M. Gilbert Biessy. Et pour les plans sociaux ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous cumulons le triste record du plus bas taux d'activité des seniors et du plus fort chômage des jeunes, preuve s'il en est qu'un départ à la retraite ne libère nullement une place pour un jeune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Tel est le résultat des politiques malthusiennes qu'il s'agit de renverser.
    Ce renversement suppose une redéfinition sociale de la période durant laquelle on travaille. Si le choc démographique la rend indispensable, il faut dire qu'il la facilite aussi. Il la rend indispensable parce que nous arrivons à une époque où le nombre des sexagénaires va dépasser celui des jeunes de moins de vingt ans.
    M. Jean-Claude Lefort. Quel drame !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La France a d'ores et déjà les étudiants les plus âgés et les retraités les plus jeunes des pays comparables. Aucun autre n'est arrivé à la situation incroyable que nous connaissons, où une seule génération travaille dans des familles qui en comptent trois ou quatre. La conclusion s'impose : si l'on n'augmente pas le taux d'activité des Français, il n'y aura bientôt plus suffisamment d'actifs, non seulement pour payer les retraites, mais pour assurer ne serait-ce que le développement économique de notre pays.
    M. Jacques Desallangre. Voyez-vous cela !
    M. Jean-Claude Lefort. Quelle catastrophe !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais l'allongement de l'espérance de vie est l'autre grande donnée du choc démographique. Depuis les années 30, l'espérance de vie a augmenté de dix-huit ans pour les hommes et de vingt et un pour les femmes.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est bien, ça !
    M. Guy Teissier. Ce n'est pas grâce aux Soviets !
    M. Jacques Desallangre. Et les gains de productivité ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A soixante ans, nous ne serons bientôt qu'au deux tiers de notre existence.
    M. François Liberti. C'est grâce à la sécurité sociale que vous voulez casser aujourd'hui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est cette donnée qui permet raisonnablement de tabler sur l'augmentation du taux d'activité qui nous fait tant défaut. Pourtant, elle n'a jamais été prise en compte dans le financement des retraites. C'est précisément ce que nous proposons de faire.
    Mme Christine Boutin. C'est le bon sens !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Jusque-là, l'augmentation de l'espérance de vie après soixante ans ne bénéficiait qu'à la retraite. Il semble normal qu'elle se traduise désormais par une augmentation proportionnelle de la vie active et de la retraite.
    M. Jean-Claude Lefort. Ça vous semble normal ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'autant plus que la vie active est déjà réduite par le recul constant de l'âge où l'on achève ses études.
    M. François Brottes. La retraite aux vivants !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le projet de loi qui vous est soumis repose sur un mécanisme simple : maintenir inchangé à l'horizon 2020 le partage actuel entre vie active et retraite.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien !
    M. Jacques Desallangre. Aux salariés de payer !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le temps de la retraite continuera à augmenter et à bénéficier des gains d'espérance de vie, mais le temps de vie active permettant de financer les retraites devra augmenter aussi.
    M. Jean-Claude Lefort. Le chômage aussi !
    M. Jacques Desallangre. Vous savez bien que ce n'est pas comme ça que ça se passera !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet allongement de la durée d'activité et d'assurance pour toucher une retraite à taux plein, en fonction de l'espérance de vie, est la meilleure garantie, la plus juste et la plus sûre, pour assurer un haut niveau de retraite sans reporter une charge écrasante sur les actifs de demain.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est pour cela qu'on légifère pour les bébés qui ne sont pas encore nés !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La durée d'assurance doit d'abord être la même pour tous. Ce préalable est une nécessité au regard de l'équité. Une fois l'étape des quarante ans atteinte en 2008 dans les régimes de la fonction publique,...
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... la durée de cotisation augmentera très progressivement pour tout le monde de la même manière.
    M. François Liberti. Tant pis pour le privé !
    M. Yves Bur. Pour tout le monde, vous entendez ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La stabilisation du rapport entre temps de travail et temps de retraite nous conduira à une durée de cotisation de quarante et un ans en 2012.
    M. Jacques Desallangre. Et la rémunération du capital, on n'en parle pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette évolution, mesdames, messieurs les députés, je n'ai pas voulu qu'elle soit automatique.
    Une commission de garantie des retraites, spécialement constituée à cet effet, se réunira périodiquement, d'abord en 2008 puis en 2012, pour examiner objectivement les données démographiques, économiques et sociales, et tout spécialement les caractéristiques du marché du travail. Ces rendez-vous permettront un pilotage dans la durée de notre système de retraite.
    L'augmentation programmée de cette durée serait en effet impraticable si aucun progrès n'était constaté quant à l'âge réel de cessation d'activité des Français. C'est pour cette raison que nous ne proposons pas d'augmenter dès 2004 la durée de cotisation dans le secteur privé. C'est également la raison pour laquelle nous avons fixé un objectif réaliste tendant à faire passer l'âge moyen de cessation d'activité de cinquante-sept ans et demi aujourd'hui à cinquante-neuf ans en 2008. La France a cinq ans pour préparer ce premier rendez-vous.
    M. Jean-Pierre Brard. Merlin l'enchanteur ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Teissier. Et vous, vous êtes la fée Carabosse !
    M. Yves Nicolin. Vilaine sorcière !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Réussir suppose un profond changement pour limiter la tendance au départ précoce des actifs qui caractérise notre marché du travail. (Interruptions sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Pour y parvenir, il est d'abord indispensable de recentrer nos dispositifs de préretraite. Nous ne pouvons plus nous permettre d'encourager le départ anticipé des salariés âgés, comme l'ont fait la plupart des pays européens depuis quinze ans.
    Certes, les préretraites ne peuvent être supprimées du jour au lendemain. Mais il faut en limiter rapidement la portée aux métiers les plus pénibles, justifiant un départ anticipé, ou les réserver aux plans sociaux lorsque la survie de l'entreprise est en jeu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gilbert Biessy et M. Jacques Desallangre. Et voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Au-delà des préretraites, le défi est d'inciter le monde du travail à réinvestir l'emploi, la carrière et la formation des salariés âgés.
    Ici encore, le choc démographique devrait avoir un impact non négligeable sur le comportement des entreprises. Dès 2006, un besoin important de main-d'oeuvre se fera nécessairement sentir. La plupart de nos grandes entreprises prennent conscience du problème. En privilégiant l'allongement de la durée de cotisation pour assurer le financement des retraites, c'est en quelque sorte un marché que nous leur proposons : ...
    M. Jean-Pierre Brard. Avec Seillière, c'est un marché de dupes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... si les entreprises ne favorisent pas cette mutation des esprits et des pratiques en faveur de l'emploi des seniors, il n'y aura pas d'autre choix qu'une hausse drastique de leurs charges pour financer les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Barrot. Exactement !
    M. François Liberti. C'est mal parti !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est une sacrée menace !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est désormais essentiel de changer le regard des entreprises sur les salariés de plus de cinquante-cinq ans, mais aussi de changer le regard qu'ils portent sur eux-mêmes. Notre projet de loi propose ainsi une série de mesures pour permettre aux seniors de repenser leur place dans l'entreprise, de trouver des activités complémentaires, de miser sur la transmission des savoirs et des métiers.
    La retraite progressive reste une exception. Nous voulons l'assouplir : la liquidation de la pension aura un caractère provisoire afin que l'assuré puisse améliorer ses droits par la poursuite d'une activité à temps partiel. De même, le bénéfice de la retraite progressive sera largement ouvert aux assurés ne bénéficiant pas encore du taux plein.
    L'application de la contribution Delalande a montré des effets pervers qui n'étaient pas dans les intentions de ses promoteurs. Elle sera également assouplie : l'âge limite sera ramené de cinquante à quarante-cinq ans et la condition d'inscription comme demandeur d'emploi sera supprimée.
    L'âge auquel un employeur peut mettre d'office un salarié à la retraite, s'il remplit les conditions pour bénéficier du taux plein, sera reporté de soixante à soixante-cinq ans.
    M. Jean-Claude Lefort. Ça, c'est un progrès !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, les règles de cumul d'un emploi et d'une retraite sont aujourd'hui prohibitives. Nous voulons les assouplir pour qu'un retraité qui le souhaite puisse reprendre une activité lui procurant des revenus.
    M. Jean-Claude Lefort. Pour aller au boulot, il faudra un fauteuil roulant !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, pour réussir, il faudra aller au-delà même de ce projet de loi. J'ai toujours pensé que la réforme de notre système de formation continue avait un rôle essentiel à jouer pour permettre l'essor du travail des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il y a, en France, une inacceptable discrimination au travail du fait de l'âge.
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Passé la cinquantaine, la possibilité pour les salariés de changer de poste ou d'entreprise chute dramatiquement.
    M. Guy Teissier. C'est tout à fait exact !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette faible mobilité professionnelle de nos seniors s'explique en grande partie par la difficulté qu'ils ont à se requalifier. Ouvrir un véritable droit individuel à formation tout au long de la vie est donc indispensable. Il leur permettra de valoriser leur expérience, de changer de métier ou de poste après cinquante ans, de retrouver, le cas échéant, une seconde carrière dans un autre secteur. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Alain Bocquet. Chez Metaleurop !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai fortement incité les partenaires sociaux à engager une négociation sur le sujet. Leurs travaux avancent.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez convaincu Seillière ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Certes, de nombreuses difficultés restent en suspens, mais, quoi qu'il advienne, l'engagement pris par le Président de la République sur ce sujet essentiel sera tenu...
    M. Jean-Claude Lefort. Quand ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... par un projet de loi que je vous présenterai à l'automne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais il faut aller encore plus loin. S'il est crucial que les Français prennent conscience qu'ils doivent travailler un peu plus pour financer leur modèle social...
    M. Pierre Goldberg. Jusqu'à soixante-dix ans !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... encore faut-il que les conditions mêmes du travail ne les en détournent pas. Force est de constater qu'elles se sont singulièrement dégradées.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. A cause des 35 heures !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Toutes les enquêtes menées ces dernières années sur le climat social dans les entreprises attestent la montée d'un sentiment de fragilisation des salariés.
    M. Christian Paul. Quelle révélation !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'environnement concurrentiel et ses exigences de compétitivité, la montée des cadences par le passage aux 35 heures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), la baisse continue de la représentation syndicale, la crainte du chômage, bien sûr, et les inquiétudes sur l'avenir, tout cela peut avoir pour effet un mal-être au travail et une perte de confiance dans le sens même du métier.
    M. Jean-Pierre Brard. Gauchiste !
    M. Pierre Cohen. Merci à M. Fillon pour tout cela !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Messieurs, quand on a gouverné la France pendant cinq ans et qu'on constate une situation comme celle que je décris, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le Gouvernement est naturellement à l'écoute de ce malaise.
    M. Jacques Desallangre Adressez-vous au patronat !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous devons engager une action à long terme pour redresser cette situation. L'entreprise doit retrouver sa vocation de projet social dans lequel chacun puisse mieux inscrire son devenir professionnel. Pour cela, réformer les modalités du dialogue social, largement héritées d'une autre époque, est une priorité.
    M. Christian Paul. C'est bien parti !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est pourquoi j'attache une grande importance aux discussions menées avec les partenaires sociaux sur la question de la modernisation de notre démocratie sociale.
    M. André Gerin. C'est de l'archaïsme !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et j'entends vous présenter rapidement un projet de loi qui adaptera enfin le dialogue social aux conditions de notre temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Gerin. C'est archaïque !
    M. Jacques Desallangre. C'est le MEDEF qui décidera !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, tout au long de ce débat pour la réforme des retraites, je n'ai cessé d'entendre ceux qui rejettent notre projet nous opposer la question du chômage.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Eh oui !
    M. Christian Paul. Le chômage, ce n'est pas une question, c'est une réalité !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Lorsque nous disons aux Français qu'ils doivent travailler plus, on objecte les licenciements. Et d'avancer de prétendues contre-propositions...
    M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi « prétendues » ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et alternatives ayant toutes un point commun, celui d'esquiver l'allongement de la durée des cotisations.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ici, on réclame une ponction sur les revenus financiers...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... là, un renforcement de la pression fiscale par le biais de la CSG. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Liberti. Ce n'est pas la même chose !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La gauche, qui avait fini par comprendre, au pouvoir, que la baisse des charges favorisait l'emploi... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pierre Goldberg. Ce n'est pas perçu !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... s'empresse, une fois retournée dans l'opposition, de vouloir les alourdir au motif qu'il ne faut surtout pas demander aux Français de travailler un peu plus pour financer les retraites de demain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Comment l'oppositionparvient-elle à se convaincre que cela n'aurait pas de conséquences catastrophiques sur l'emploi ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pierre Goldberg. Oh là là !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La gauche, qui fait de la consommation l'alpha et l'oméga de la relance,...
    M. Jean-Pierre Brard. Pour vous, c'est la spéculation !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... insiste du même souffle pour réduire massivement le pouvoir d'achat afin de financer les retraites par l'impôt et les hausses de cotisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Claude Lefort. De qui parlez-vous ?
    M. Bernard Roman. C'est grotesque ! Ce n'est pas digne d'un ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comment l'opposition parvient-elle à se convaincre que cela n'aurait pas d'incidence sur la croissance et sur l'emploi ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La gauche réclame que le financement des retraites soit assis sur les flux financiers ou sur les bénéfices des entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Jean-Claude Lefort. Commençons !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ressources par nature incertaines, volatiles et insuffisantes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), en lieu et place des revenus stables du travail.
    M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas absurde ! Ces ressources progressent régulièrement !
    M. Jean-Claude Lefort. Ce sont les bons citoyens !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comment, mesdames, messieurs les députés, mieux faire le lit de la capitalisation qu'elle dit par ailleurs refuser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. C'est incroyable !
    M. André Chassaigne. C'est le grand clown, aujourd'hui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Toute réforme des retraites qui ruinerait la lutte contre le chômage serait parfaitement vaine et, inversement, la diminution du chômage à long terme est indispensable à la sauvegarde de notre système de retraite par répartition.
    M. François Liberti. On n'en prend pas le chemin !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A partir du moment où l'on décide de ne plus aggraver la diminution du niveau des pensions, il n'est plus qu'une alternative : soit l'on allonge la durée des cotisations, soit l'on fait augmenter le chômage par la voie des prélèvements.
    M. Jacques Desallangre. Il faut changer la législation !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est bien pourquoi notre projet se fonde sur l'hypothèse d'une diminution progressive du taux de chômage à l'horizon 2020. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Roman. C'est bien parti !
    M. Jacques Desallangre. Il faut changer l'assiette des cotisations !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans son scénario central, le Conseil d'orientation des retraites a retenu un chiffre de 4,5 % en 2020, contre 9 % aujourd'hui. Nous avons basé le financement de notre réforme sur un objectif de 5 à 6 %, toujours à l'horizon 2020. C'est cette hypothèse qui nous permet de rester cohérents avec la volonté de réduire, ou tout du moins de stabiliser, le niveau des prélèvements obligatoires tout en assurant le financement des retraites.
    M. André Gerin. Vous refusez le plein emploi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je constate, au passage, que l'opposition qui conteste cette hypothèse...
    M. André Gerin. Vous refusez le plein emploi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... se garde bien de préciser quel niveau de chômage elle retient pour 2020 dans ses contre-propositions, et pour cause !
    M. André Gerin. Le Gouvernement refuse le plein emploi ! C'est la vérité !
    M. le président. Monsieur Gerin !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si le niveau de chômage retenu est plus important que celui sur lequel nous tablons, alors il faut que l'opposition nous explique comment elle se propose de financer les retraites sans une hausse inavouable des prélèvements ou sans un plongeon tout aussi inavouable du niveau des pensions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Il va bien falloir se résoudre à accepter la réalité. Il n'y a ni trésor caché ni échappatoire pour assurer la sécurité et l'avenir des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gilbert Biessy. Démago !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si nous disons qu'il n'y a pas de véritable alternative à cette réforme,...
    M. Jacques Desallangre. Parlez-nous des salaires des grands patrons !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ce n'est ni par arrière-pensée tactique, ni par arrogance. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Parlez-nous donc des stock-options !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est qu'il est objectivement difficile de concevoir un plan dont l'architecture soit radicalement différente.
    On sait que le besoin de financement des régimes de base du privé et du public est chiffré par le conseil d'orientation des retraites à 43 milliards d'euros en 2020.
    M. Jacques Desallangre. Et les 3 milliards pourMessier !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les mesures d'allongement de la durée d'assurance, l'indexation des pensions sur les prix ainsi que la hausse des cotisations en 2006 permettront de dégager 21 milliards d'euros, soit plus de 46 % du besoin de financement en 2020.
    Toutefois, les mesures de justice sociale et d'équité que nous nous proposons aussi d'introduire par la réforme... (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. Il n'y en a pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et sur lesquelles je reviendrai dans un instant ont naturellement un coût : nous l'évaluons à 2,7 milliards d'euros par an en 2020.
    L'impact net de la réforme devrait donc s'établir à plus de 18 milliards d'euros, ce qui représente plus de 42 % du déficit prévu à l'horizon 2020.
    M. Bernard Roman. Mettez-vous d'accord avec le Premier ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le choix étant fait de ne pas baisser le montant des pensions, nous proposons de financer le solde, qui représente les deux tiers du déficit prévu pour le régime général, par une augmentation de la richesse nationale dévolue au paiement des retraites, et donc par une augmentation des cotisations vieillesse.
    Dire que nous faisons de la durée d'assurance le seul paramètre d'équilibre est donc tout simplement faux. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    C'est faux, puisque les mesures de justice sociale que nous introduisons seront financées par une hausse des cotisations vieillesse de 0,2 % en 2006.
    M. André Gerin. Il s'agit de mesures de régression sociale et non de justice sociale !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux, puisque nous proposons d'assurer l'équilibre du régime général par une augmentation des cotisations vieillesse à partir de 2008, et jusqu'en 2020, de l'ordre de trois points.
    M. Jacques Desallangre. Vous ne pouvez pas dire cela !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela représente un peu moins de 10 milliards d'euros par an.
    M. Jean-Pierre Brard. Qui seront à la charge de qui ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Simplement, nous voulons assurer l'équilibre de la répartition à prélèvements obligatoires constants pour ne pas handicaper la lutte pour l'emploi. Voilà pourquoi nous avons prévu de « gager » l'augmentation des cotisations vieillesse à partir de 2008 par la diminution escomptée de celles d'assurance chômage.
    En effet, avec un taux de chômage à 5 % en 2020, les recettes disponibles sont évaluées à plus de 15 milliards d'euros, ce qui est largement supérieur aux 10 milliards nécessaires.
    Enfin, pour être complet, j'indique que les régimes de la fonction publique seront équilibrés par des prélèvements supplémentaires.
    Ces différents éléments montrent que la réforme permettra de couvrir l'intégralité des déficits de nos régimes de retraite, tels qu'ils sont aujourd'hui prévus pour 2020. Elle est donc financée à 100 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Notre objectif était de consolider la répartition pour les deux prochaines décennies et de mettre en place les outils nécessaires au pilotage de son évolution. Il est atteint.
    Mesdames, messieurs les députés, la question des retraites a aussi mis en lumière quelques injustices profondes. Derrière les grands et beaux mots « solidarité » et « répartition », il y a donc des réalités avec lesquelles le conservatisme s'arrange toujours !
    M. Michel Bouvard. Très juste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le statu quo n'est pas l'allié de la justice, mais souvent celui de l'injustice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. Il faut taxer les revenus et les bénéfices des entreprises !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quelles sont ces injustices les plus flagrantes ?
    La première d'entre elles, c'est l'inégalité qui caractérise la durée de cotisation entre le public et le privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Bur. Elle est inadmissible !
    M. François Liberti. Merci, Balladur !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette distinction ne repose sur aucune justification. (« Sur rien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ni la moyenne des salaires ni celle des conditions de travail n'autorisent une telle disparité de traitement entre les Français.
    M. Jean-Claude Lefort. Merci, Balladur !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nul ne pourrait comprendre que la fonction publique, fer de lance de la République, soit exonérée de l'effort demandé à tous pour la survie de notre système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Ce serait de l'électoralisme !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est tout le sens du rendez-vous de l'équité en 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Face à la retraite, le sort réservé aux salariés les plus modestes a été délaissé.
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le statu quo reviendrait, vous le savez, à aggraver encore leur sort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) A juste titre, les partenaires sociaux ont fait de ce sujet l'une des conditions de l'accord du 15 mai. Le projet de loi définit un objectif, associant le régime de base et les régimes complémentaires, en faveur des salariés ayant toujours travaillé au SMIC : leur retraite s'élèvera, pour une carrière complète, à un minimum de 85 % du SMIC net en 2008, contre, je le rappelle, 81 % aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Liberti. Ce n'est pas garanti par la loi !
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est faux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ceux qui siègent à gauche vont devoir trouver des arguments un peu plus solides que ces hurlements !
    M. Lucien Degauchy. La gauche n'a pas le monopole du social !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La demande de ceux qui ont travaillé très tôt, et qui doivent attendre l'âge de soixante ans pour partir à la retraite, malgré une très longue durée d'assurance,...
    M. François Liberti. C'est nous qui l'avons proposé, et vous l'avez refusé ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... est inlassablement relayée depuis des années par les partenaires sociaux comme par les parlementaires.
    Jusqu'à ce jour, rien ne se faisait, rien n'était appelé à bouger. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Desallangre. Vous n'avez pas voté pour une réforme qui proposait d'aller dans un tel sens !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avec la réforme, les choses changeront enfin. Nous avons ouvert un droit nouveau à ceux travaillant depuis l'âge de quatorze, quinze ou seize ans : ils pourront partir en retraite à taux plein entre cinquante-six et cinquante-neuf ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Claude Lefort. Cela ne touche que 200 000 personnes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est une avancée considérable,...
    M. Patrick Ollier. Et ce n'est pas la gauche qui l'a faite !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de solidarité. ... et je voudrais vous faire remarquer que c'est une avancée unique parmi tous les pays européens qui ont réformé leur système. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Avec ce projet, la pénibilité, difficilement mesurable et par nature variable suivant les époques, les métiers et les technologies, fait son entrée dans notre champ social.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les partenaires sociaux seront invités, dans chaque branche, à en définir les contours avant trois ans.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un ministre du gouvernement Raffarin qui parle !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La réforme met également fin aux inégalités de traitement entre mono-pensionnés et pluri-pensionnés, ainsi qu'entre salariés et non-salariés.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Guy Teissier. C'est une bonne chose !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les commerçants bénéficieront désormais d'un régime de retraite complémentaire obligatoire,...
    M. Lucien Degauchy. Il était temps !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui permettra d'améliorer leurs pensions, tandis que les professions libérales, à leur demande, connaîtront une réforme profonde de leur régime de base, dans le sens d'une plus grande équité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    La mensualisation des retraites des exploitants agricoles ne sera plus, quant à elle, une éternelle promesse, mais une réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lucien Degauchy. Pourquoi l'opposition n'applaudit-elle pas ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le projet de loi comprend également une réforme de la réversion dans le régime général et dans les régimes alignés : la pension de réversion sera désormais attribuée sans condition d'âge. C'est un progrès considérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le système sera rendu davantage lisible et équitable, en remplaçant la double condition de ressources et de cumul par un plafond de ressources. Il s'agit d'une très importante simplification au bénéfice des veuves.
    Justice aussi pour les familles, avec le maintien des avantages familiaux,...
    M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... notamment la majoration de pension pour trois enfants élevés.
    M. Arnaud Lepercq. Très bien !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais pas pour les femmes ayant travaillé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans les régimes de la fonction publique, la prise en compte de la jurisprudence européenne s'avère nécessaire pour les enfants nés après  le 1er janvier 2004.
    Mme Ségolène Royal. Ce que vous sous-entendez est scandaleux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les bonifications de durée d'assurance seront ainsi ouvertes aux hommes comme aux femmes, sous condition d'une cessation effective, totale ou partielle, d'activité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En revanche, elles ne seront plus limitées à un an et elles pourront désormais prendre en compte jusqu'à trois ans par enfant.
    M. Lucien Degauchy. On n'entend plus la gauche !
    M. Jean-Claude Lefort. Les femmes au foyer !
    M. Jean-Pierre Brard. Imposture !
    M. André Gerin. Régression !
    M. le président. Calmez-vous, monsieur Gerin !
    M. Lucien Degauchy. La gauche est K.O. !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, la garantie du pouvoir d'achat de tous les retraités, grâce à l'indexation des retraites sur les prix, est également une mesure importante d'équité. Nous ne pouvions, sur ce point comme sur d'autres, feindre de ne pas voir que l'avantage des uns ignorait l'effort des autres. Le projet de loi propose que, tous les trois ans, une conférence réunisse le gouvernement et les partenaires sociaux, afin qu'ils définissent ensemble si un « coup de pouce » peut être donné, en fonction de la croissance et de la situation financière des régimes d'assurance vieillesse. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les primes des fonctionnaires n'ont jamais été intégrées dans le calcul de leur retraite. (« Eh oui !» sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ici encore, l'équité commandait de remédier à cette situation.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Jean Maraudon. Ça, c'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La création d'un régime additionnel obligatoire le rendra désormais possible à hauteur de 20 % du traitement indiciaire.
    Toutes ces avancées montrent que c'est bien la réforme par l'effort partagé demandé à tous qui permet de dégager les marges de manoeuvre qui font progresser la justice sociale.
    Il est temps de reconnaître que l'immobilisme creuse les inégalités...
    M. Lucien Degauchy. La gauche est abasourdie !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et que c'est le mouvement qui les fait reculer.
    M. Michel Bouvard et M. Jean Marsaudon. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, avec le vieillissement, le travail et la justice, une autre question a surgi au cours du débat de ces dernières semaines : malgré l'attachement à l'« unicité » de notre système de retraite, un désir de liberté s'est fait jour. Les Français sont attachés aux règles communes, mais n'en sont pas moins soucieux d'exprimer leurs choix individuels pour préparer leur retraite.
    M. Jean-Claude Lefort. Voilà pourquoi ils manifestent !
    M. Lucien Dugauchy. Lisez donc le texte !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Derrière cette double aspiration, il y a un grand enjeu contemporain : comment réaffirmer la force du collectif, tout en élargissant l'autonomie de chacun ? Cet enjeu concerne l'ensemble de notre modèle social, dont la modernisation passe par une réévaluation de la responsabilité de chacun dans l'usage des droits communs.
    Il faut mesurer l'impact que des années de débats et de controverses sur la réforme des retraites ont produit chez les Français. Ils ont été invités à s'interroger, à évaluer et parfois même à découvrir les conditions qui régissent leur retraite. Ils ont découvert que les droits universels qui caractérisent notre système n'étaient pas indépendants d'une responsabilité individuelle vis-à-vis de leur retraite.
    M. François Goulard. Très juste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ils se sont aperçus que ces droits masquaient souvent des options parmi lesquelles il leur revenait d'arbitrer. Ils ont ainsi découvert que le droit à la retraite à soixante ans à taux plein ne s'est jamais appliqué que sous certaines conditions, en particulier celle de la durée de cotisation, dont chacun est libre de respecter ou non les clauses avec ses avantages et ses inconvénients.
    L'un des mérites du débat est d'avoir provoqué chez nos concitoyens une prise de conscience sur la nécessité d'anticiper, de maîtriser et d'aménager leur parcours personnel dans la perspective de la retraite.
    La réforme se devait d'élargir la palette des choix. Tout en fixant un cadre commun sécurisé, nous misons aussi sur la responsabilité et sur la liberté.
    Je sais que, pour certains, liberté et responsabilité individuelle sont ennemies d'égalité et de solidarité.
    M. Jean Auclair. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette conflictualité étouffe le modèle français. Pour nous, ces principes ne s'opposent pas, ils s'enrichissent mutuellement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La société participative que nous appelons de nos voeux table sur la confiance, la créativité et la lucidité de chacun.
    Notre réforme avance ainsi une série de mesures qui évoquent l'idée d'une « retraite à la carte », une « carte » cependant encadrée, car il ne s'agit pas d'échapper aux principes généraux de la solidarité et de la répartition. Dans cet esprit, un repère, un pivot demeure : je veux parler du droit de liquider sa retraite à soixante ans.
    M. Jean-Pierre Brard. Et on part avec quoi ?
    M. Jacques Desallangre. Avec des clopinettes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce droit est confirmé.
    M. Bernard Roman. Mais vous changez la donne !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ceux qui nous accusent de le remettre en cause oublient que la retraite, dans le régime général et les régimes alignés, repose à la fois sur l'âge et sur la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Il n'y a jamais eu un droit de liquider sa retraite à soixante ans à taux plein, quelle que soit la durée d'assurance. Ce droit est actuellement donné à soixante-cinq ans. Ce sera le cas demain : rien ne change donc en la matière.
    M. Bernard Roman. Si, le montant !
    Mme Ségolène Royal. Le niveau !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En revanche, ce qui va changer, ce sont les modalités qui entoureront le choix du départ.
    Actuellement, si un salarié souhaite partir à soixante ans, alors qu'il ne dispose pas de la durée d'assurance nécessaire, il est soumis à une « décote » au taux dissuasif de 10 % par année manquante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
    M. Lucien Degauchy. Les députés de l'opposition ne le savaient même pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour donner davantage de choix, nous allons alléger ce taux pour atteindre progressivement 5 % par année manquante. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La décote sera la même pour tous, salariés du privé ou fonctionnaires, comme l'exige l'équité, grâce à l'introduction très progressive d'une durée d'assurance tous régimes dans la fonction publique.
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est ça, l'égalité !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette « décote » est logiquement complétée par une « surcote », dont le taux sera de 3 % par an.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ceux qui souhaitent continuer de travailler au-delà de soixante ans et de la durée d'assurance requise seront ainsi incités à le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Lucien Degauchy. C'est une amélioration ! La gauche a été nulle !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avec l'assouplissement des mécanismes de retraite progressive et l'élargissement dans la fonction publique de la cessation progressive d'activité, nous ouvrons un espace pour tous ceux qui souhaitent passer de manière moins brutale du « tout-travail » au « tout-retraite ». La retraite ne sera plus le couperet de naguère !
    La souplesse consiste également à ouvrir le droit au rachat de trimestres dans des conditions financièrement neutres pour les régimes. Ce rachat sera possible pour les années d'études dans la limite de douze trimestres, soit trois ans. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'accès de tous à des outils d'épargne retraite élargira l'éventail des possibilités offertes aux Français.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Et voilà les fonds de pension !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces outils s'ajouteront à la répartition, mais ne se substitueront pas à elle.
    M. Jean Auclair. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce qui est possible dans la fonction publique, avec la Préfon, doit l'être pour tous les salariés du privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Claude Lefort. Ça ne marche pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne vois pas pourquoi ce droit réservé aux fonctionnaires serait condamnable dès lors qu'il franchit le seuil de nos administrations !
    M. Jean-Yves Chamard. Oui !
    Mme Sylvia Bassot. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tout salarié du secteur privé, dans le cadre d'un plan individuel ou collectif, bénéficiera d'une incitation fiscale lui permettant de disposer d'une rente dès l'âge de la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Et voilà !
    Mme Christine Boutin. Ça, c'est une vraie réforme !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Par ailleurs, le projet de loi simplifie considérablement la galaxie des différents dispositifs existants.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il les sécurise. Il allonge la durée du « plan partenarial d'épargne salariale volontaire », créé par la loi Fabius de 2001, afin de permettre aux salariés de disposer d'une véritable épargne en vue de la retraite, en rente ou en capital. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Pour choisir, il faut savoir. L'exercice de la liberté suppose la transparence et la connaissance des données. Notre projet instaure pour la première fois un véritable droit à l'information de chacun sur sa retraite.
    M. Jean Marsaudon. Très bien !
    M. Jean-Claude Lefort. Il faut un référendum !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce droit comprendra d'abord une information générale sur la situation financière des régimes de retraite et sur l'évolution des niveaux de vie entre actifs et retraités.
    M. Lucien Degauchy. Ce qui n'était pas le cas avant !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette mission sera confiée au conseil d'orientation des retraites, ce qui montre bien que nous n'avons pas peur des comparaisons sur le niveau des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il fournira à tous une information individuelle sur le calcul des droits.
    Toutes ces innovations sont des atouts mis à la disposition de chacun pour construire sa retraite. Les Français seront libres de doser, de choisir eux-mêmes tel ou tel paramètre pour leur future retraite en évaluant, par eux-mêmes et pour eux-mêmes, les avantages et les inconvénients.
    M. Lucien Degauchy. Quelle liberté !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, tel est l'esprit qui anime cette réforme.
    Mme Christine Boutin. Superbe !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas l'Esprit Saint, madame Boutin !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Jadis, la France, avec quelques autres nations, a dominé le monde et ses richesses. Cette prééminence nous a permis, non sans conquêtes sociales, de construire les bases de notre modèle social, un modèle original et envié.
    Les conditions de cette domination au service de notre prospérité sociale se sont évanouies. L'émergence de nouvelles puissances place la France dans l'obligation de réajuster son contrat social. Cette obligation nourrit des nostalgies à l'égard d'une prospérité que l'on croyait parfois sans limites.
    M. Jean-Pierre Soisson. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais les faits sont là.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Six milliards d'habitants réclament désormais leur part de progrès. La France n'a d'autre choix que de se retrousser les manches et de développer ses atouts qui restent nombreux.
    M. Lucien Degauchy. M. Fillon est un grand ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nul ne doit s'y tromper : les risques du déclin existent. Les instruments du sursaut aussi. C'est à nous de choisir ! (« Très bien » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Bravo !
    M. André Gerin. Le déclin, c'est vous !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Autour de cette réforme, les crispations étaient inéluctables. Sans doute même ne sont-elles pas inutiles dans le franchissement d'une étape collective.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, cette réforme devrait nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - « Non » ! sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Cette réforme peut nous rassembler, car elle n'est inspirée par aucune considération dogmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Cette réforme peut nous rassembler car beaucoup d'entre nous ont contribué à préparer le terrain.
    M. Jean-Pierre Brard. Chérèque, par exemple !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous sommes partis d'un constat partagé et des pistes définies par le Conseil d'orientation des retraites, mais aussi explorées dans le livre blanc de Michel Rocard. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans cette démarche d'explication et d'évolution progressive, je n'oublie pas la réforme d'Edouard Balladur en 1993 (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), ni celle d'Alain Juppé, car les revers des uns préparent parfois les avancées des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le syndicat des « ex » !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je n'oublie pas enfin le Conseil d'orientation des retraites et le fonds de réserve des retraites décidés par Lionel Jospin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cette réforme peut nous rassembler car elle est juste, équitable, marquée par des avancées sociales uniques en Europe.
    M. André Gerin. Par la régression, plutôt !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle peut nous rassembler car elle est progressive, rythmée par des rendez-vous dont cette majorité et les suivantes feront un usage responsable. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous ne serez plus là !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Contrairement à ce que prétend aujourd'hui l'opposition, il n'y a pas 36 000 solutions pour maîtriser la révolution démographique.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Non ! Il y en a deux !
    M. Jean-Pierre Brard. La bonne et la mauvaise !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il existe quelques paramètres - certains sont structurels, d'autres financiers, d'autres culturels - sur lesquels il faudra jouer en fonction des données sociales et économiques du moment.
    Ces paramètres sont inscrits dans l'architecture de notre projet. Nous les avons tous plus ou moins actionnés. Nos successeurs en feront de même. Ces successeurs, ils sont peut-être d'ailleurs là, sur ces bancs, hostiles aujourd'hui à une réforme qu'ils appliqueront - j'en fais le pari - demain ! (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils l'appliqueront certes avec leurs nuances. (« Pas eux ! » sur les mêmes bancs.) Mais chacun se souviendra alors, non sans sourire, que c'est au nom de ces nuances que l'opposition réclamait à grands cris, quelques années auparavant, le retrait de ce texte.
    M. Pascal Clément. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour. Ne prenons pas de risques !
    M. Jean-Louis Idiart. Rassurez-vous !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin et surtout, cette réforme peut nous rassembler comme le souhaite le Président de la République, car elle s'inscrit dans un choix de société qui nous unit : celui de la solidarité et de la répartition.
    M. Jacques Desallangre. Du libéralisme échevelé, oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous ne changeons pas le système. Nous le réformons pour continuer à le faire vivre ! J'en ai l'intime conviction : cette réforme fera du système des retraites français l'un des plus généreux et des plus solidaires de tous les systèmes européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Oui, mesdames et messieurs les députés, cette réforme nous rassemblera un jour. Dans dix ou quinze ans, ce ne sera plus la réforme Fillon, la réforme Delevoye, ni même la réforme Raffarin... Autour d'elle, il n'y aura alors ni vaincu ni vainqueur : ce sera une réforme pour la France. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, mon collègue François Fillon, ministre des affaires sociales, vous a présenté la philosophie d'ensemble du projet de loi, ainsi que les dispositions portant sur le régime général et le régime des non-salariés. Il m'appartient de vous exposer les grands traits de la partie du projet qui concerne les régimes de la fonction publique.
    Nous avons fêté, hier, les 150 ans de la première loi sur les pensions des fonctionnaires. C'est, en effet, une loi du 9 juin 1853 qui détermine, pour la première fois, un droit à pension aujourd'hui inscrit dans la Constitution en faveur des fontionnaires alors que rien n'était prévu, à l'époque, pour les autres catégories de travailleurs. Ce texte, remanié en 1924, est demeuré longtemps la seule loi d'envergure applicable aux fonctionnaires, en l'absence d'un statut ; absence comblée par la jurisprudence du Conseil d'Etat jusqu'en 1946.
    Il est essentiel d'avoir cette dimension en tête, tant les aspects statutaires sont importants dans ce dossier, pour bien comprendre les enjeux et le poids de l'histoire sur le comportement des acteurs dans ce débat.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le Malet et Isaac, ma parole !
    M. Jean Leonetti. C'est mieux que Karl Marx !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La réforme préparée par le Gouvernement porte sur l'ensemble de la problématique des retraites. Il ne s'agit en aucun cas d'opposer les catégories professionnelles entre elles. De même, il n'est évidemment pas question de s'attaquer à la fonction publique, comme j'ai pu l'entendre ou le lire.
    Cette réforme qui est destinée à produire ses effets sur le long terme, n'est pas une réforme de circonstance. Elle s'impose pour sauver notre système de répartition, qui est au coeur de notre pacte républicain et à cet égard je veux dissiper quelques confusions.
    L'opinion est convaincue que la répartition c'est : « J'ai travaillé toute ma vie, j'ai droit à... » En fait, notre système de répartition, qui est le fondement même de la solidarité, consiste à ce que celles et ceux qui sont au travail payent la retraite de celles et ceux qui sont en retraite. Or le choc démographique impose une réforme. La contester, c'est refuser de regarder la vérité en face et mettre notre système de solidarité collective en péril.
    Au nom de la solidarité mais aussi de la justice, il convient de mettre en place des convergences fortes entre le régime de la fonction publique et le régime général.
    Il convient d'éviter la fragilisation même du secteur public, en maîtrisant les charges budgétaires liées au financement des retraites.
    En effet, même si le régime des fonctionnaires de l'Etat n'est pas, au sens strict, un régime par répartition, il est évident que l'inaction conduirait à la rupture de l'équilibre économique sur lequel repose ce système. L'Etat verse aujourd'hui 60 milliards d'euros de traitement et 30 milliards de pensions. En 2020, il versera 60 milliards de traitement et 60 milliards de pensions. En 2040, les règles actuelles conduiraient à 60 milliards de traitement et 90 milliards de pensions.
    Et la caisse nationale des agents de collectivités locales qui connaît, pour l'instant, une situation démographique plus favorable n'échapperait pas longtemps à une dégradation rapide de ses ratios, elle serait en déséquilibre avec quelques années de retard mais en déséquilibre.
    Il fallait donc agir, après plusieurs années de débat sans conclusion, pour consolider l'équilibre financier de nos régimes.
    Notre texte répond à cet objectif. Il permettra de couvrir en 2020 la moitié des besoins en financement du régime des fonctionnaires, soit 14 milliards d'euros, sur les 28 milliards qui seront nécessaires. Cette réforme est donc crédible par son ampleur.
    La deuxième raison qui motive la réforme est un impératif de justice. L'opinion publique ne comprend pas, en effet, pourquoi certaines catégories sociales accompliraient un effort tandis que d'autres en seraient exemptées. Le sauvetage de la retraite par répartition exige des efforts partagés et justement répartis. C'est pourquoi il n'était plus possible de laisser de côté le régime de la fonction publique.
    La réforme proposée par le Gouvernement est juste et équitable, car elle impose un effort partagé par tous.
    Le titre III du projet de loi contient les mesures relatives aux régimes de la fonction publique. Contrairement aux affirmations des opposants à la réforme, ce texte est le fruit de discussions approfondies avec les syndicats de fonctionnaires, qui ont pu encore en débattre récemment au sein des conseils supérieurs des différentes fonctions publiques, lesquels ont tous approuvé le texte du projet. Le dialogue a eu lieu, intense, complet, constructif. Et le texte que vous examinez intègre de nombreuses remarques formulées par les partenaires sociaux.
    Le projet de loi modifie le code des pensions tout en sauvegardant le statut de la fonction publique, qui continuera d'être fondé sur le principe de la carrière. En même temps, il organise la convergence avec le régime général des salariés pour les paramètres qui ne présentent pas de caractère spécifique, à commencer par la durée de cotisation exigée pour bénéficier d'une pension à taux plein.
    Je ne vais pas entrer dans les détails techniques maintenant, nous aurons l'occasion d'y revenir dans le débat, mais je voudrais faire un certain nombre de mises au point de façon à faire cesser les trop nombreuses contre-vérités, approximations ou messages alarmistes qui ont été propagés ces dernières semaines. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Je comprends l'inquiétude des personnes qui s'interrogent sur leur avenir, mais il est important que nous puissions apporter les bonnes réponses.
    Première précision : notre réforme respecte les règles fondamentales de la fonction publique. Tout d'abord, le taux actuel de liquidation est maintenu. Pour un agent titulaire à temps complet, au plafond de la durée de cotisation, trente-sept ans et demi aujourd'hui, quarante ans en 2008, la retraite sera toujours de 75 % du traitement de référence, hors bonifications.
    M. Jean-Pierre Brard. Au moment de la liquidation !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Un fonctionnaire qui a accompli une carrière complète disposera, demain comme hier, d'une retraite à taux plein.
    M. Arnaud Lepercq. Tout à fait !
    M. Jean-Pierre Brard. Au moment de la liquidation !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ensuite, la pension sera toujours calculée par rapport au traitement.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes pernicieux !
    M. Arnaud Lepercq. Comme les autres !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le projet initial prévoyait de prendre en compte le traitement moyen des trois dernières années. Après de longs débats avec les partenaires sociaux, il a été décidé de conserver la référence aux traitements acquis six mois avant le départ en retraite, comme aujourd'hui.
    M. Arnaud Lepercq. Encore un privilège !
    M. Jean-Louis Léonard. C'est très injuste !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Cette décision s'explique par la structure des carrières. Beaucoup de corps, en particulier enseignants, n'atteignent en effet le sommet de la carrière que tardivement.
    M. Jean-Louis Léonard. Et dans le privé ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Enfin, troisième garantie : s'agissant des personnels classés en service actif, c'est-à-dire ceux qui peuvent partir par anticipation en fonction de la pénibilité ou des dangers de leur métier - policiers, postiers, infirmières -, les règles statutaires demeurent identiques. Ces agents se voient simplement appliquer les mêmes règles d'allongement de la durée du travail et de décote que leurs collègues. Ils pourront, comme avant, décider de partir selon les statuts à cinquante ou à cinquante-cinq ans.
    Le relevé de conclusions des rencontres sociales qui se sont tenues les 14 et 15 mai permet en outre d'ouvrir un chantier sur la situation des emplois correspondant à des métiers pénibles. Il s'agira, le moment venu, de mettre à jour la liste de ces emplois pour tenir compte de l'évolution du monde du travail. Le groupe de travail examinant ce sujet sera installé avant la mi-juillet. Nous mènerons aussi une réflexion dans la fonction publique sur les carrières longues.
    Deuxième précision : la réforme est juste et progressive.
    Le principe retenu consiste à allonger la durée de cotisation pour parvenir au taux plein, le nombre d'annuités correspondant à une carrière complète étant porté de trente-sept ans et demi à quarante d'ici à 2008.
    Des dispositions sont prévues pour inciter les agents à adapter leurs choix de départ à cette nouvelle situation.
    Tout d'abord, des mesures visent à rendre plus attractives les fins de carrière : il s'agit d'ouvrir pour les enseignants un droit à une seconde carrière...
    M. Maxime Gremetz. C'est le cumul !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et d'élargir pour tous les fonctionnaires civils les possibilités de bénéficier d'une cessation progressive d'activité à temps partiel.
    De plus, un coefficient de majoration, ou surcote, permettra d'augmenter la pension de ceux qui compteraient quarante annuités après l'âge de soixante ans. Symétriquement, un coefficient de minoration, ou décote, sera appliqué aux années manquantes, dans la limite de cinq années, pour ceux qui choisiraient de partir à compter de l'ouverture des droits avec une carrière incomplète. Cette décote sera portée à 5 % en 2015, la décote du régime général étant parallèlement abaissée à ce niveau.
    Nous avons prévu des dispositions transitoires très longues, la décote ne commençant à s'appliquer qu'à partir de 2006 et atteignant son intensité maximale en 2020 seulement. Les fonctionnaires proches de la retraite auront ainsi le temps de se préparer et pourront faire évoluer leurs choix de départ sur une longue période. De plus, ce mécanisme ne vise pas à baisser le montant de la pension comme l'affirment les adversaires de la réforme, mais à inciter les agents à différer leur départ pour se rapprocher de la limite d'âge de leur corps, limite à laquelle s'annule la décote. Ainsi, un agent qui partirait avec le nombre d'annuités requis pour le taux plein, soit quarante à compter de 2008, sera garanti de percevoir comme aujourd'hui avec trente-sept annuités et demie, une pension égale à 75 % de son dernier traitement.
    M. Jean-Pierre Brard. Au moment de la liquidation !
    M. Maxime Gremetz. Voilà !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il est donc faux de prétendre que le niveau des pensions va baisser de 20, 30 ou 40 %, comme on peut le lire dans les tracts.
    M. Jean-Pierre Brard et M. Maxime Gremetz. C'est faux !
    M. François Liberti. C'est faux et vous le savez !
    M. Arnaud Lepercq. Il faut savoir compter !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Un agent qui aura fait une carrière complète touchera demain la même retraite qu'aujourd'hui. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il convient simplement de respecter la philosophie de ce texte : vous travaillez deux ans et demi de plus, vous gardez les mêmes droits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    D'ailleurs, pour ne pas pénaliser les fonctionnaires par rapport aux salariés, les règles de validation et d'acquisition des périodes comptant pour la retraite sont améliorées par le projet de loi. Il convient, en effet, de distinguer la durée d'activité de la durée d'assurance.
    En premier lieu, une durée d'assurance « tous régimes » est instituée. Elle permettra à celles et ceux qui ont eu des carrières successives dans la fonction publique ou dans d'autres régimes de ne pas être pénalisés pour l'application des règles de décote et de surcote. Toutes les années compteront.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ensuite, le temps partiel n'est pas défavorisé pour la durée d'assurance : il comptera comme un temps plein, ce qui est particulièrement important pour les femmes mères de famille. Il sera aussi possible de « surcotiser » sur la base d'un temps plein pour améliorer le niveau de sa pension.
    Une mesure particulière vise les personnels « service actif » de la fonction publique hospitalière, qui recevront une année d'assurance supplémentaire tous les dix ans de carrière.
    Je voudrais aussi insister sur la possibilité, comme dans les autres régimes, de racheter jusqu'à trois années d'études, comptant soit pour la durée d'assurance, soit pour la liquidation.
    M. Jean-Pierre Brard. Comment allez-vous payer ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous déposerons un amendement alignant les conditions consenties aux fonctionnaires sur celles du régime général, ce qui répond à une attente des partenaires sociaux et satisfait l'esprit de l'accord conclu le 15 mai. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Avec qui ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce texte comporte donc des avancées significatives et très attendues des agents de la fonction publique.
    M. Jean-Pierre Brard. A la manière du colimaçon ! (Sourires.)
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Troisième précision : les avantages familiaux sont maintenus et sont modernisés.
    J'entends dire sur ce point tout et son contraire. Non seulement les dispositions en faveur de la famille seront maintenues, mais elles seront adaptées aux évolutions professionnelles.
    D'abord, la majoration de 10 % pour les parents d'au moins trois enfants demeure inchangée, comme dans le régime général. Ensuite, la pension de réversion des hommes est alignée à la hausse sur celle des femmes.
    Mme Martine Aurillac. C'est normal !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est à la législation européenne qu'on le doit !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Enfin, le droit au départ avec jouissance immédiate de la pension après quinze ans de service des femmes ayant élevé trois enfants est conservé. Ce point est particulièrement sensible dans les métiers de la santé et de l'éducation.
    Quant à la bonification pour enfants, la jurisprudence européenne nous obligeait à adapter le dispositif antérieur pour pouvoir le conserver. Pour le passé, il a été décidé de ne pas diminuer le droit des femmes dont les enfants étaient déjà nés.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la moindre des choses !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Certains nous recommandaient de diviser l'avantage par deux et de le réduire à six mois, pour l'étendre ainsi plus facilement aux hommes. Nous avons refusé cette solution qui ignorait la réalité sociologique : les femmes ont des carrières moins favorable que les hommes parce qu'elles s'arrêtent souvent pour élever les enfants. Nous avons donc fait le choix de traduire la jurisprudence en conservant la bonification d'un an par enfant. Elle est étendue aux hommes, à condition qu'ils se soient arrêtés de travailler pour la naissance ou l'éducation de l'enfant.
    De façon à conserver le bénéfice de la bonification aux femmes fonctionnaires qui ont eu leur enfant avant de travailler, le Gouvernement déposera un amendement traitant cette situation.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est un bon amendement !
    M. Jean-Pierre Brard. Madame Boutin, vous avez entendu ?
    Mme Christine Boutin. Je souhaite aller plus loin !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Pour le futur, la bonification est remplacée par une validation comme période de service des périodes d'arrêt en relation avec la naissance, l'adoption ou l'éducation de l'enfant, cette validation pouvant atteindre trois ans par enfant.
    M. Jean-Pierre Brard. A condition de ne pas travailler !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La mesure sera accordée aux femmes et aux hommes. En remplaçant la bonification par une validation des périodes non travaillées, nous prenons en compte la réalité du travail et nous apportons une réponse plus adaptée à la question de la compensation des désavantages que subissent dans leurs carrières les parents qui se consacrent à l'éducation de leurs enfants en s'arrêtant ou en travaillant à temps partiel.
    Il est faux de prétendre que nous contraignons les femmes à s'arrêter de travailler pour bénéficier de la validation de périodes dans le futur. En effet, le temps partiel familial pour élever un enfant entre sa naissance et son troisième anniversaire est accordé de plein droit à celles et ceux qui le demandent. Il comptera comme du temps plein pour acquérir la pension.
    Il suffira donc à une femme qui a un jeune enfant et qui ne veut pas, ou ne peut pas, s'arrêter, de prendre un temps partiel de droit, à 50, 60, 70 ou 80 % de temps travaillé, pour faire valider son annuité. Notre texte répond ainsi à toutes les situations.
    M. Jean-Pierre Brard. Et les pères ?
    M. Arnaud Lepercq. Il en a parlé !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais non !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dernière précision : nous faisons une réforme qui ose surmonter des tabous qui nous étaient présentés comme insurmontables, ce qui nous permettra d'améliorer la situation des actifs et des retraités.
    Tout d'abord, les pensions seront indexées sur les prix, comme pour le régime général. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela favorisera les comparaisons et permettra de maintenir le pouvoir d'achat des pensions.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est faux !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La politique salariale en sera facilitée grâce aux marges de manoeuvre qui seront disponibles. J'entends dire parfois que l'indexation sur les prix provoquera l'érosion des pensions.
    M. Jean-Pierre Brard et M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. C'est une contrevérité grossière (Protestations sur les bancs du groupes des député-e-s communistes et républicains.), car vous comparez des choses qui ne sont pas comparables. Dans la fonction publique, où la pension sera calculée en fonction du dernier salaire, il est évident que la pension suivra intégralement le coût de la vie. A ceux qui en douteraient encore, je dirai qu'à l'issue des rencontres des 14 et 15 mai avec les partenaires sociaux le Gouvernement a accepté qu'un « coup de pouce » puisse être donné comme dans le régime général. Des modalités particulières de discussion seront mises en place dans la fonction publique pour en parler.
    Autre question que l'on nous présentait comme impossible à régler : celle des primes, facteur de grande injustice, qui était sur la table depuis des lustres.
    M. Arnaud Lepercq. C'est vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'intégration de ces éléments dans la pension n'était pas envisageable en raison de son coût très élevé : 5 à 6 milliards d'euros par an en 2020. Nous n'avons pas baissé les bras pour autant, le Gouvernement étant soucieux d'avancer sur ce point très attendu par les fonctionnaires.
    Tout d'abord, nous avons tenu un engagement correspondant à un accord qui n'avait pas été honoré par le précédent gouvernement et qui concerne les aides-soignantes.
    M. Denis Jacquat. Absolument !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Leurs primes seront intégrées dans leur traitement, et compteront donc dans la pension, à hauteur de 10 % du traitement indiciaire. (« Très bien » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ensuite, le projet de loi institue pour tous les fonctionnaires civils et les militaires un nouveau régime, distinct du régime des pensions. Ce régime par répartition et par points sera garanti par un mécanisme de provisionnement selon des modalités qui doivent être précisées d'ici à sa création. Il sera obligatoire. Ce point est central pour la répartition et a été affirmé à l'issue des rencontres avec les partenaires sociaux. L'assiette du régime sera constituée par les éléments de rémunération qui n'entrent pas actuellement dans l'assiette des pensions, dans la limite de 20 % du traitement. Cette assiette est suffisamment large pour toucher la quasi-totalité des situations.
    Comme vous le voyez, notre projet ne fuit pas les réalités. Nous répondons très concrètement aux problèmes qui se posent. Aux fonctionnaires, nous ne tenons pas, comme certains marchands d'illusion, des discours faciles du genre : « Tout va bien, tout peut continuer comme avant », comme si la fonction publique était dans une bulle à l'écart de la société.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les fonctionnaires sont lucides et responsables. Ils savent que des adaptations sont nécessaires pour sauvegarder leur système de retraite. Notre projet répond à cette attente. Il concilie justice et respect des principes qui fondent la fonction publique. Il consolide aussi le pacte social et la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues,...
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, j'avais demandé la parole !
    M. le président. Pour un rappel au règlement ?
    M. Maxime Gremetz. Compte tenu de l'importance des propos qui viennent d'être tenus par les deux ministres, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Cette suspension vous sera accordée après l'intervention de M. Accoyer. D'ailleurs, vous n'avez pas la délégation de votre groupe
    M. Maxime Gremetz. Si, monsieur le président, la voilà !
    M. le président. Je regrette, monsieur Gremetz, je n'avais pas la feuille rose : vous êtes en train de la remplir ! Je tenais à ce que cela soit dit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tricheur !
    M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il est des textes importants qui, plus que les autres, comptent et compteront dans la vie de nos concitoyens durant des décennies.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça, ils s'en souviendront longtemps !
    M. Jean Leonetti. Autant que du goulag !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Nul ne doute que ce projet de loi portant réforme de nos régimes de retraite en soit un. C'est pour cette raison, mes chers collègues, que nous vivons ensemble aujourd'hui un temps fort de la vie du Parlement. C'est un temps fort pour la solidarité entre les générations. C'est un temps fort pour notre pacte social.
    Comme l'a rappelé récemment Jacques Chirac, « ce pacte de confiance entre les générations est une très grande force pour notre pays. Il nous rassemble. »
    En effet, puisque notre protection sociale est fondée sur la solidarité entre les générations, sa survie dépend de l'adaptation des moyens nécessaires pour couvrir ses besoins. Or, les besoins de financement des retraites et pensions dépendent avant tout du nombre de retraités. Quant aux moyens, ils dépendent du nombre de cotisants. En tout cas, dans un système de retraites par répartition où les actifs payent, on peut le dire, au mois le mois les pensions des retraités, c'est bien l'équilibre entre actifs et inactifs qui est au coeur des enjeux. C'est avant tout parce que ce rapport va connaître, dans à peine plus de deux ans, un changement important et brutal correspondant au départ à la retraite des générations très nombreuses de l'après-guerre qu'une réforme est indispensable pour pouvoir continuer à servir les retraites.
    Le rapport entre le nombre d'actifs et le nombre de retraités va continuer à se détériorer. En 1960, il y avait deux retraités pour dix actifs. En 2000, il y avait quatre retraités pour dix actifs. En 2020, il y aura cinq retraités pour dix actifs. En 2040, il y aura sept retraités pour dix actifs. Selon les travaux du Comité d'orientation des retraites, d'ici à 2020, le besoin de financement des régimes de retraite va augmenter de deux points de produit intérieur brut, soit 28 milliards d'euros. En 2020, le besoin de financement sera de 15 milliards d'euros supplémentaires pour le régime général et de 28 milliards d'euros supplémentaires pour les régimes de la fonction publique, c'est-à-dire sept fois plus pour un salarié du public que pour un salarié du privé. Toujours selon les travaux du COR, d'ici à 2040, le besoin de financement des régimes de retraite atteindra quatre points de produit intérieur brut, soit 56 milliards d'euros. Ne rien faire conduirait à multiplier par deux les cotisations ou à diviser par deux le niveau des retraites. Toutes les études, tous les rapports le démontrent, en particulier le dernier et le plus incontesté : le rapport du COR. La réforme majeure que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a élaborée ne peut plus attendre davantage après tant de temps perdu, tant de manque de courage, tant de tergiversations et de renoncements, au mépris de l'avenir de nos retraites et de notre protection sociale. Ce pacte social a été mis en place par l'ordonnance du 19 octobre 1945, signée de la main du général de Gaulle, portant création de la sécurité sociale. Il est fondé sur la solidarité entre tous les Français.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous trahissez son esprit !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Notre pacte social est fondé sur la solidarité entre les générations. Le plan famille du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin vient heureusement le conforter. Mais notre pacte social est également fondé sur la valeur du travail. Dès lors que c'est le travail et les cotisations des actifs qui financent les pensions des retraités, il faut revenir sur la valeur du travail, consubstantielle à celle de solidarité. En effet, contrairement à une idée reçue, la retraite n'est pas un salaire différé. C'est bien grâce au travail des actifs que, depuis bientôt soixante ans, les retraités ont pu progressivement bénéficier d'un niveau de vie comparable à celui des actifs. Malheureusement, mes chers collègues, la valeur du travail a été remise en cause par les 35 heures obligatoires imposées par le gouvernement Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est malheureusement une véritable culture du non-travail qui, désormais, touche, dans notre pays, toutes les catégories socioprofessionnelles. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Liberti. Le non-travail, c'est les licenciements !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les effets de cette remise en cause de la valeur du travail sont, hélas !, bien là. Les 35 heures ont provoqué une chute de la productivité du travail en France.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai, vous mentez !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En moins de cinq ans, nous sommes ainsi passés d'une augmentation de la productivité de 3 % en 1998 à une diminution de 1,6 % en 2002.
    M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes au deuxième rang mondial !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il est donc impossible de garantir le maintien du niveau des retraites grâce aux seuls gains prévisibles de productivité, comme le prétendent les défenseurs de l'immobilisme.
    M. Alain Néri. Allons-y dans la provocation !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est donc bien l'allongement de la durée de cotisation, c'est-à-dire de la durée du temps de travail au cours de la vie, qui seul permet de produire plus de richesses, afin de pouvoir en faire bénéficier les retraités. Avec l'allongement prévu dans le projet de loi, la France restera l'un des pays où l'on travaille moins qu'ailleurs.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais mieux !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En effet, la France est le pays de l'Union européenne où l'on travaille le moins chaque semaine, chaque année, mais également au cours de la vie.
    M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes plus productifs, ignorant !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En France, on travaille moins que chez nos voisins européens au cours de la semaine puisque la durée légale hebdomadaire du travail est fixée à 35 heures, soit trois heures de moins que la moyenne européenne.
    M. Jean-Pierre Brard. On travaille mieux ! C'est un discours antinational !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En France, on travaille moins que chez nos voisins européens au cours de l'année :...
    M. Jean-Pierre Brard. On travaille mieux, ignorant !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... un mois de moins que la moyenne européenne. En France, on travaille moins que chez nos voisins européens au cours de la vie,...
    M. Jean-Pierre Brard. Ignorant ! Affabulateur !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... puisque la France est le seul pays de l'Union où l'âge légal de la retraite est fixé en dessous de soixante-cinq ans - cinq ans en dessous. C'est en France que l'âge effectif de cessation d'activité est le plus bas : cinquante-sept ans et demi.
    M. Jean-Pierre Brard. Qui jette les gens à la rue sinon votre ami Seillière ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. A ceux qui prétendent que le travail doit être partagé, comme dans les lois Aubry, pour réduire le chômage, refusant par là même l'objectif du développement et du progrès, il convient de rappeler que la France, où l'on travaille moins qu'ailleurs, détient également, et tristement, le taux de chômage le plus élevé pour les jeunes et pour les salariés âgés.
    M. Thierry Mariani. Exactement !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est pour faire face à cet héritage laissé par les gouvernements socialistes que, depuis un an, toute la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin vise à encourager l'emploi,...
    M. Alain Néri. Avec quel résultat : la hausse du chômage !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... l'initiative et la revalorisation du travail, pour améliorer les conditions de vie des Français...
    M. François Liberti. Le chômage augmente !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... et pour garantir la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Or la solidarité, c'est avant tout la sécurité sociale. Depuis sa création, plusieurs réformes ont été conduites.
    M. Jean-Pierre Brard. Fillon, c'était mieux qu'Accoyer !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Plusieurs constats ont été faits.
    M. Jean-Pierre Brard. Même Delevoye, c'était mieux !
    M. Jean Leonetti. Georges Marchais, c'était mieux que Brard !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Plusieurs initiatives importantes ont été proposées. Il n'est pas sans intérêt de remarquer aujourd'hui que toutes les réformes et initiatives visant à conforter nos régimes de retraites pour préserver leur avenir et celui des retraités, en particulier celui des plus modestes, ont été le fait de gouvernements de droite. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Thierry Mariani. Eh oui !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... alors que toutes les mesures pesant défavorablement pour l'avenir des retraites, en refusant ou en différant leur adaptation à la situation démographique et aux réalités socio-économiques, ont été prises par des gouvernements de gauche. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ainsi, en 1961, c'est le gouvernement de Michel Debré qui étend aux non-cadres les retraites complémentaires obligatoires. En 1967, c'est le gouvernement de Georges Pompidou qui crée la caisse nationale vieillesse pour les travailleurs salariés. En 1971, c'est le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas qui porte le taux de remplacement dans le régime général de 40 % à 50 %. En 1975, c'est le gouvernement de Jacques Chirac qui réserve « à des travailleurs manuels ayant exercé différents travaux pénibles » l'abaissement de l'âge de la retraite de soixante-cinq à soixante ans. Mais en 1982, c'est le gouvernement de Pierre Mauroy qui généralise brusquement, sans distinction ni de sexe ni de pénibilité, l'abaissement de cinq ans de l'âge de la retraite sans la moindre évaluation sur l'avenir à moyen et long terme des régimes de retraite.
    M. Richard Mallié. Eh oui !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En 1991, à peine neuf ans plus tard, c'est le gouvernement de Michel Rocard qui, malgré les conclusions alarmantes du Livre blanc sur les retraites qu'il a commandé lui-même, renonce à réformer.
    M. Richard Mallié. Eh oui !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En 1993, c'est le gouvernement d'Edouard Balladur (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui a le courage...
    M. François Liberti. Le courage ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... d'appliquer, pour les douze millions de salariés du régime général, plusieurs dispositions du Livre blanc pour sauver les retraites : allongement progressif de la durée de cotisation, élargissement de la période de référence, indexation des retraites sur les prix.
    M. Maxime Gremetz. La totale !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il instaure également le Fonds de solidarité vieillesse pour financer le minimum vieillesse et les cotisations de retraite pour les chômeurs.
    M. Alain Néri. Avec courage, au mois d'août !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Sans ces réformes de 1993, les comptes de la branche vieillesse seraient déjà gravement déficitaires. En 1995, c'est le gouvernement d'Alain Juppé qui ose briser le tabou de l'inéquité entre public et privé pour les retraites. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Il a d'ailleurs été approuvé par les Français !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En 2000, c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui, malgré les conclusions à nouveau alarmantes du rapport Charpin, élaboré à sa demande, renonce, et renoncera cinq ans durant, à réformer le système des retraites. En 2000, c'est encore le gouvernement Jospin qui, pour tenter de financer les 35 heures obligatoires, crée le FOREC. Celui-ci détourne à son profit les recettes de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse qu'il met en déficit.
    M. François Goulard. Quinze milliards d'euros gaspillés chaque année !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mes chers collègues, le présent projet de loi, préparé méticuleusement par François Fillon et Jean-Paul Delevoye, que je tiens à remercier,...
    M. Jean-Pierre Brard. Dans la perversité, ils sont excellents !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... projet de loi que j'ai l'honneur de rapporter devant vous au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, saisie au fond, s'inscrit d'abord dans notre histoire sociale. Il n'a pour but que de sauver la retraite par répartition, objectif partagé par l'immense majorité des Français, la totalité des partis politiques comme des partenaires sociaux.
    M. Richard Mallié. Pas par la gauche !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Son but est donc consensuel. Ce but ne fait plus débat. Les travaux de la commission l'ont confirmé. Les choix du Gouvernement ont été arrêtés dans une longue concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux...
    M. François Liberti. Ah oui ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... et ils ont été infléchis, de façon importante pour certains d'entre eux, dans une négociation dont les conséquences financières s'élèvent à 2,7 millions d'euros par an, avec deux importants partenaires sociaux représentant les salariés,...
    M. Jean-Pierre Brard. Lesquels ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... l'ensemble de ceux représentant les travailleurs indépendants et de ceux représentant les employeurs.
    M. Jean-Pierre Brard. Lesquels, monsieur Accoyer ? Dévoilez leurs noms !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les mesures contenues dans le projet de loi sont fondées sur un constat partagé. Celui-ci est confirmé par des rapports incontestés, commandés par plusieurs gouvernements, émanant d'experts ou de groupes d'experts les plus qualifiés et de personnalités à la représentativité incontestée telles que Maxime Gremetz ici présent ! Il s'agit plus particulièrement du Livre blanc sur les retraites préfacé par Michel Rocard, Premier ministre, en 1991 ; du rapport de Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, commandé en 1999 par M. Lionel Jospin, Premier ministre ; des travaux du Conseil d'orientation des retraites, installé par Lionel Jospin, Premier ministre en 2000, et dont le rapport a été rendu public le 6 décembre 2001.
    M. François Goulard. Et le rapport Teulade, vous n'en parlez pas ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les mesures contenues dans ce projet de loi ne divergent pas de celles déjà prises depuis longtemps dans les pays qui ont choisi de privilégier la retraite par répartition.
    M. Jean-Pierre Brard. Le mimétisme dans la ringardise !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les objectifs du texte gouvernemental sont même nettement plus ambitieux pour les garanties apportées aux retraités et futurs retraités dans la plupart des domaines décisifs tels que la durée de cotisation ou le taux de remplacement. Malgré cela, les Français continueront encore à partir en retraite cinq ans avant tous nos voisins européens.
    Au-delà de la recherche d'équité, des avancées originales apportent souplesse et liberté dans certains choix offerts aux salariés. Elles apportent aussi la prise en compte des longues carrières. Elles ouvrent la voie sur la prise en compte de la pénibilité. Nous pouvons être fiers de ce projet de loi qui crée d'importantes avancées et innovations sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Merci, monsieur Accoyer.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Merci, monsieur le président ! Je suis rarement encouragé par le président lui-même en cours de discours.
    M. le président. Continuez : vous avez tout le temps !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. J'en suis juste à la moitié !
    Messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré tous ces éléments consensuels, malgré cette longue maturation partagée, malgré son caractère urgent, équitable, sécurisant et innovant socialement, ce projet de loi a mobilisé avec une rare intensité les commissaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales saisie au fond.
    Le chiffre record de 6 600 amendements a été atteint. Ils émanent pour 6 457 d'entre eux de l'opposition, ce qui, évidemment, pose le problème des conditions de travail de la commission...
    Mme Martine Billard. On ne vous le fait pas dire !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... et de notre assemblée elle-même.
    M. Jean-Pierre Brard. Encore les 35 heures !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En dépit de cette obstruction, la commission a examiné et apporté une réelle contribution au projet de loi grâce à l'habileté de son président Jean-Michel Dubernard(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Jean-Pierre Brard. Aussi habile qu'avec le bistouri !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... et à la mobilisation de ses commissaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'examen du titre Ier a fait ressortir la volonté d'assurer un haut niveau de la retraite par répartition, par allongement de la durée de cotisations. Il garantit un taux de remplacement élevé d'au moins les deux tiers des revenus d'activité, et de 85 % pour les salariés ayant effectué leur carrière au SMIC.
    Ces deux objectifs constituent des progrès majeurs avec, pour les petites retraites, un effort de solidarité considérable, décidé en accord avec les partenaires sociaux responsables qui l'ont eux-mêmes voulu le 15 mai.
    M. Jean-Pierre Brard. Qui sont les irresponsables ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. A partir de 2012, avec l'allongement d'environ trois mois chaque année de l'espérance de vie, le choix qui est fait est celui de garder le même rapport de durée - deux tiers, un tiers - entre la vie active et la retraite. Le temps de retraite continuera donc de s'allonger, comme il l'a fait sans pause depuis 1945.
    Ainsi, pour les hommes, en 1950, l'espérance de vie à soixante ans était-elle de quinze ans et demi. En 2020, elle sera de vingt-trois ans et, en 2040, de vingt-six ans ; soit dix ans et demi d'espérance de vie gagnés pour les hommes entre 1950 et 2040, et davantage encore pour les femmes.
    A partir de 2012, les décisions concernant cet allongement seront proposées par les partenaires sociaux. Proposées par la commission de garantie des retraites instaurée à l'article 5, et par le COR, ces décisions seront fondées sur l'évolution de la situation démographique et économique de la nation.
    Des mesures en faveur de l'emploi des plus de 55 ans sont prévues. Ainsi le dispositif de préretraites sera-t-il réservé aux situations de pénibilité et de sauvetage d'entreprises en difficulté.
    Un dispositif de surcote incitatif complète le report à 65 ans de l'âge de mise à la retraite d'office et l'assouplissement des règles du cumul emploi-retraite.
    Facteur d'apaisement, une information sera disponible pour les salariés sur la situation de leurs droits à la retraite.
    En tout état de cause, la France restera le seul pays, au sein de l'Union européenne, dans lequel l'âge de la retraite sera fixée en dessous de 65 ans.
    Le titre II est également porteur d'innovations et d'avancées sociales fondamentales.
    Avec le départ à la retraite avant 60 ans, après quarante années de cotisations, pour les salariés ayant commencé à travailler très jeunes, une réponse positive et légitime est apportée à de nombreux salariés. Elle avait été, ici même, refusée par le gouvernement de Lionel Jospin, le 27 novembre 2001, par la voix de Mme Guigou,...
    M. Maurice Leroy. Eh oui ! Applaudissements nourris à gauche !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... qui s'était personnellement opposée à faire adopter une proposition de loi communiste sur cette question pourtant socialement essentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les dispositions en faveur des pluri-pensionnés, des petites retraites, du temps partiel, la revalorisation du minimum contributif, oublié de 1997 à 2002, sont autant d'avancées importantes.
    M. Maxime Gremetz. Vous oubliez de dire que vous avez voté contre ! Soyons précis !
    M. François Liberti. En 2001, ils ont en effet voté contre !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. De même, pour l'accès à la réversion des conjoints survivants, la suppression de toute condition d'âge et d'absence de remariage ou de durée de mariage apportent progrès et simplification.
    La commission a adopté plusieurs amendements du groupe UMP au titre II. Ces amendements ont pour objectif d'améliorer encore la situation des conjoints survivants, en augmentant le plafond de ressources et en tenant compte des charges de famille. En outre, ils apportent à certains conjoints collaborateurs survivants des avancées très attendues.
    Plusieurs amendements du groupe UMP ont également été adoptés à l'unanimité par la commission en faveur de parents d'enfants handicapés...
    Mme Martine Billard. Et s'ils sont pacsés ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... pour harmoniser les avantages entre régime public et régime général et améliorer leur situation, en leur octroyant une année de cotisation tous les dix ans dans la limite de trois années.
    Enfin, la commission a accepté deux amendements facilitant le rachat des années d'études.
    Le titre III modifie les régimes publics du code des pensions civiles et militaires. Il engage l'harmonisation progressive jusqu'à 2008, avec dix ans de décalage sur le régime général, de la durée de cotisation ouvrant droit à une retraite pleine. C'est une mesure d'équité.
    Cet allongement assure le haut taux de remplacement de 75 %. Il harmonise avec le régime général l'indexation sur les prix, garantissant ainsi le pouvoir d'achat des pensions.
    Il harmonise aussi le dispositif de surcote et de décote, ce dernier se mettant en place très progressivement sur une durée de dix-sept ans.
    L'article 52 instaure un régime complémentaire obligatoire pour les fonctionnaires, prenant en compte une partie de leurs primes. Il s'agit là encore d'une importance avancée, elle aussi très attendue.
    L'article 54 intègre concrètement la prise en compte de la pénibilité pour certaines professions.
    La commission a accepté un amendement qui tente d'apporter une réponse aux conséquences sur les avantages familiaux d'une jurisprudence européenne, afin de respecter à la fois l'égalité des droits et les conséquences des maternités sur leur carrière pour les femmes fonctionnaires.
    Le titre IV réforme et consolide les régimes des professions artisanales, industrielles et commerciales des professions libérales et des exploitants agricoles. Il crée un régime complémentaire obligatoire pour les commerçants et instaure la mensualisation attendue des retraites agricoles, catégorie professionnelle en faveur de laquelle la commission a accepté plusieurs amendements.
    Le titre V enfin est relatif à l'épargne retraite. Xavier Bertrand, l'excellent rapporteur de la commission des finances saisie pour avis, développera mieux que moi cet aspect du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'épargne retraite est concrétisée : d'une part, en améliorant la loi Fabius de 2001 par la transformation des PPESV - plan partenarial d'épargne salariale volontaire - en PPESVR - plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite ; d'autre part, en proposant, pour l'avenir, l'extension aux salariés du privé de l'accès aux plans épargne retraite déjà ouverts depuis 1967 aux salariés et anciens salariés du public.
    Il est clair que ces dispositifs s'inscriront en supplément des régimes par répartition, de base et complémentaires, auxquels le présent projet de loi apporte des garanties.
    La commission, tout en acceptant le présent projet de loi, a exprimé, sur tous ses bancs, son souhait d'aller plus loin dans trois domaines.
    D'abord, explorer l'élargissement ou la modification de l'assiette du financement sans écarter aucun tabou et en se gardant de rêver à des solutions utopiques. Un amendement de l'U.M.P. proposera à cet effet une extension des missions du COR.
    Ensuite, réfléchir pour mieux définir la pénibilité, dont la prise en compte sera confiée aux partenaires sociaux.
    Enfin, mettre en place des mesures concrètes propres à améliorer réellement l'emploi des plus de 55 ans ; nous vous proposerons un amendement ayant pour objectif l'installation d'un dispositif dégressif de charges.
    M. Jacques Barrot. Très bien !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Parmi les quatre-vingt-douze amendements qu'elle a acceptés, la commission a retenu trois domaines d'intervention : premièrement, la situation des conjoints survivants ;...
    M. François Goulard. Très bien !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... deuxièmement, les handicapés et celle de leurs parents ; troisièmement, les familles.
    Messieurs les ministres, il est probable que la plupart de ces amendements seront frappés d'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution. Dans ce cas, nous ne pourrions pas les présenter dans l'hémicycle. Aussi, je vous demande, au nom de la commission des affaires sociales qui les a adoptés à l'unanimité, de bien vouloir les reprendre. Car ces amendements constituent une part importante de la contribution de notre commission à votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cependant, messieurs les ministres, mes chers collègues, les travaux de la commission ont aussi mis en évidence les divergences politiques exprimées par les commissaires de l'opposition.
    M. Jean-Marie Geveaux. Hélas !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il m'apparaît nécessaire également de les rapporter ici.
    Le groupe communiste a déposé un nombre déraisonnables d'amendements : 6 354 !
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il refuse le principe même de la réforme, c'est-à-dire l'allongement des cotisations, et donc le financement des retraites par le travail des actifs.
    M. François Liberti. Qui est juge de la raison ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. D'une certaine façon, c'est le principe même de la répartition qui est ainsi remis en cause, et cela est paradoxal. Au fond, ce sont plutôt les réalités économiques et sociales du monde ouvert d'aujourd'hui que nos collègues communistes n'acceptent toujours pas. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Provocateur !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En ce sens, il faut reconnaître leur constance dans le refus de l'économie de marché. Mais est-ce encore raisonnable ou seulement réaliste ?
    Le Gouvernement, quant à lui, avec ce projet de loi, a choisi de conforter la solidarité dans un contexte socio-économique qui s'impose à toutes les nations, oubliant trop souvent les individus.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas ce que le Président de la République a dit !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quant au groupe socialiste, son attitude en commission est aussi déconcertante que celle de ses nouveaux responsables. Le parti socialiste refuse une réforme dont la totalité des dispositions relève des travaux objectifs qu'il a lui-même élaborés ou fait élaborer depuis douze ans sur l'impulsion de gouvernements qu'il soutenait : le livre blanc des retraites, le rapport Charpin et les travaux du COR. Brusquement, dans une attitude politique de circonstance, il remet radicalement en cause ce qu'il avait dûment acté.
    En contestant le financement de la réforme proposé par le Gouvernement, le parti socialiste oublie qu'il s'est appuyé sur des hypothèses de croissance et d'emploi infiniment plus optimistes pour expliquer aux Français, en 2000, qu'il repoussait la réforme à plus tard.
    La réalité, pourtant, est que la part de financement de la réforme laissée à l'augmentation des cotisations après 2008 et 2012 sera bel et bien compensée par la bascule des besoins de financements du chômage, puisqu'avec 300 000 départs supplémentaires à la retraite dès 2006 la situation de l'emploi sera mécaniquement modifiée.
    En vérité, le parti socialiste conteste le financement par l'allongement des cotisations au prétexte que seuls les salariés en auraient la charge.
    M. François Brottes. Ce serait injuste !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est oublier que deux tiers des cotisations vieillesse proviennent des employeurs, et beaucoup plus dans le secteur public.
    M. Guy Teissier. Ce sont les patrons qui paient !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En refusant l'allongement progressif des cotisations sans remettre en cause l'allongement de la durée des retraites, le parti socialiste remet en cause, lui aussi, le principe même de la répartition. C'est surprenant pour un parti qui s'est lui-même heurté aux difficultés à réformer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Quant aux solutions qu'il évoque, on peut lui demander pourquoi il n'en a même pas parlé avant. Elles sont irréalistes au point de n'avoir été appliquées nulle part au monde.
    A titre d'exemple, si l'espérance de vie devait devenir un des critères dominants et que cette disposition soit réalisable, que dirait le parti socialiste aux enseignants qui s'interrogent aujourd'hui alors que c'est la catégorie professionnelle qui, en France, a la plus longue espérance de vie ?
    Ce que le parti socialiste appelle « ses pistes » aboutirait en fait à une nouvelle hausse massive de 40 à 50 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires sur les salariés, les familles et les entreprises. Cette hausse entraînerait une baisse du produit intérieur brut de plus de deux points et la destruction inévitable de 300 000 à 400 000 emplois.
    Ce serait bien, comme le disait déjà en 1991 et le répète encore Michel Rocard, « le scénario de l'inacceptable ». (Exclamation sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Faites-le adhérer à l'UMP : il en est digne !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Son jugement très sévère sur les « pistes » du parti socialiste a été partagé publiquement par de nombreuses personnalité socialistes, et non des moindres : Jacques Delors, Jacques Attali, Michel Charasse ou encore Bernard Kouchner - pour ne citer que ceux-là, qui ont le courage de s'exprimer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Goulard. Il y a des socialistes honnêtes !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Messieurs les ministres, mes chers collègues, cette réforme qui n'a que trop attendu est une réforme partagée autour d'un objectif consensuel : sauver nos retraites par répartition. Elle apporte en outre de réelles et importantes garanties, avancées et innovations sociales.
    Elle apporte aussi de la souplesse, c'est-à-dire de la liberté, de l'équité, c'est-à-dire de l'égalité. Elle s'inscrit dans notre pacte social national : la fraternité entre tous les Français. C'est donc bien du ciment de notre nation qu'il s'agit. Et parce qu'il n'y a pas de réforme alternative possible,...
    M. Maxime Gremetz. Si !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... j'ai l'honneur, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée, de vous inviter à adopter ce projet, dans l'intérêt de toutes les générations de nos concitoyens qui forment et continuent longtemps encore à former la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
    M. François Calvet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale et l'allongement de l'espérance de vie auront pour conséquence d'augmenter considérablement le nombre de personnes retraitées, ce qui remet en cause de manière directe l'équilibre du système de retraite.
    L'objectif du projet de loi est de préserver l'avenir du système de retraite, caractérisé en France par le principe de répartition, fondé sur la solidarité entre les Français et entre les générations.
    Dans les régimes de la fonction publique, la disproportion entre la charge assumée par l'employeur et celle de l'agent est devenue telle que, sauf à procéder à des augmentations massives de l'effort contributif demandé aux actifs, aucun redressement ne semble envisageable sans l'adaptation des règles qui régissent la protection vieillesse de ce secteur.
    Bien que leur régime de retraite comporte certaines spécificités, les militaires relèvent du code des pensions civiles et militaires de retraite et sont pleinement concernés par la réforme. C'est la raison pour laquelle notre commission, sous l'impulsion de son président, Guy Teissier, a décidé de se saisir pour avis du projet de loi.
    La première partie de cette présentation décrira de manière succincte les particularités du régime de pensions applicable aux militaires, aussi bien au regard du secteur privé que des fonctionnaires civils. La seconde partie sera consacrée à l'examen des modifications apportées par le projet de loi ainsi qu'à leur nécessaire adaptation au métier des armes.
    « La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires (...) en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à cessation régulière de leurs fonctions. Le montant de la pension, qui tient compte du niveau, de la durée et de la nature des services accomplis, garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d'existence en rapport avec la dignité de sa fonction. »
    Ainsi est définie la pension de retraite accordée à un militaire ou à un fonctionnaire civil par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Cette approche diverge des dispositions en vigueur dans le code de la sécurité sociale, applicable dans le secteur privé. La vieillesse y est considérée comme un risque garanti par un système d'assurance légalement obligatoire, fondé sur la répartition du produit des cotisations des actifs entre les bénéficiaires devenus inactifs au terme de leur vie professionnelle.
    En revanche, le système de retraite de agents de la fonction publique repose sur le maintien d'une rémunération après cessation d'activité au profit des agents de l'Etat. Si les traitements d'activité de ce personnel sont soumis à une retenue pour pension, cette dernière ne constitue pas la justification fondamentale des droits acquis pour avoir servi l'Etat pendant un temps suffisant et elle n'est pas non plus la condition d'un équilibre financier.
    Dans un cas, il s'agit de prestations fournies par des organismes cogérés par les partenaires sociaux et soumis à une obligation d'équilibre financier ; dans l'autre cas, il s'agit d'une dette que l'Etat se reconnaît envers ses anciens agents et dont il assume la charge au même titre que celle de la rémunération des agents en activité.
    Le droit à pension est ouvert dès quinze ans de service effectif. Le montant de la pension de retraite, qu'elle soit civile ou militaire, est calculé à partir de deux éléments : les annuités acquises au titre des services et bonifications et le traitement ou la solde de base.
    Les annuités sont converties en pourcentage à raison de 2 % par annuité liquidable. Le maximum d'annuités, soit quarante par la prise en compte des bonifications, permet ainsi de prétendre à 80 % du traitement ou de la solde de base. L'indice de solde retenu est celui qui est acquis depuis six mois au moins au moment de la cessation des services valables pour la retraite.
    Le calcul de la pension prend en compte les services effectifs auxquels peuvent s'ajouter des bonifications. Pour les militaires, il peut s'agir de bénéfices de campagne, de la bonification du cinquième du temps de service, de bonifications pour services aériens ou subaquatiques. Certains fonctionnaires civils, tels les fonctionnaires de police ou ceux de l'administration pénitentiaire, peuvent également prétendre à la bonification du cinquième du temps de service.
    Au-delà de ces éléments valables pour tous les agents publics, le régime de pension des militaires bénéficie de spécificités propres au métier des armes.
    Premièrement, si les agents contractuels de la fonction publique de l'Etat sont affiliés au régime général de la sécurité sociale et au régime complémentaire de l'IRCANTEC, tous les militaires sous contrat relèvent en revanche des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les militaires sous contrat, qui représentent 60 % des effectifs des trois armées, bénéficient donc des mêmes droits et obligations que les militaires de carrière. Cette situation se justifie par le concept de « communauté militaire », étroitement corrélé à la nécessaire cohésion des forces.
    Deuxièmement, les services militaires donnent lieu à une bonification systématique d'un cinquième de la durée réelle de service dans la limite des cinq annuités, mais cette bonification est réduite d'une annuité par année au-delà de l'âge de 55 ans et disparaît en cas de maintien de l'activité après l'âge de 58 ans.
    Troisièmement, les militaires non officiers peuvent entrer en jouissance de leur pension au terme de quinze années de service effectif. Les officiers bénéficient de la jouissance immédiate de leur pension s'ils quittent le service après vingt-cinq ans. Cette possibilité dont disposent les militaires de quitter le métier des armes relativement tôt se justifie par la nécessité, pour les armées, de disposer d'effectifs jeunes. Elle offre aux militaires, qui, statutairement, ne peuvent effectuer que des carrières courtes, la possibilité de réaliser leur reconversion civile à un âge où il est encore possible de trouver facilement un emploi.
    Enfin, les militaires non officiers qui quittent le service avant vingt-cinq ans peuvent cumuler intégralement leur pension avec une rémunération publique, ce qui rend particulièrement favorable pour eux la reconversion dans des emplois publics. Pour les officiers, un tel cumul n'est possible qu'à partir de la limite d'âge de leur grade. Le cumul d'une pension avec la rémunération d'une activité privée est possible sans restriction.
    La brièveté des carrières et la modicité des pensions imposent à la majeure partie des militaires quittant le service relativement jeunes de reprendre une activité professionnelle civile. A titre d'exemple, un adjudant réunissant quinze ans de service perçoit une pension de 680 euros par mois.
    Les principales dispositions de la réforme des retraites qui nous est présentée s'appliqueront à l'ensemble des agents de l'Etat et, en particulier, à tous les fonctionnaires et militaires du ministère de la défense, dans le respect des principes essentiels du code des pensions civiles et militaires de retraite et des spécificités de chaque catégorie.
    La disposition principale du projet consiste en l'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour l'obtention d'une pension à taux plein. Cette durée est progressivement portée à quarante annuités dès 2008 et se trouve ainsi alignée sur celle des salariés du secteur privé. La valeur de l'annuité est ainsi abaissée de 2 % à 1,875 %.
    Un dispositif d'incitation au maintien en activité sera progressivement mis en place.
    Ainsi, pour encourager les fonctionnaires à retarder l'âge de leur départ à la retraite, une décote est introduite pour les agents n'ayant pas acquis les quarante annuités nécessaires pour obtenir une pension à taux plein. En 2015, cette décote sera appliquée avec un taux de 1,25 % par trimestre manquant, tout en étant plafonnée à vingt trimestres. Aucune décote, toutefois, ne sera appliquée à l'agent ayant atteint la limite d'âge légale, quel que soit le nombre d'annuités acquises.
    Parallèlement, les agents publics qui choisiront de rester en service au-delà de l'âge de 60 ans et qui auront acquis les 160 trimestres nécessaires à l'obtention d'une retraite à taux plein, bénéficieront d'une surcote. Leur pension sera augmentée de 3 % par annuité supplémentaire, dans la limite de cinq ans.
    Les personnes ayant poursuivi des carrières successives dans plusieurs régimes ne seront pas pénalisées, le calcul s'effectuant tous régimes confondus. Ainsi, pour les anciens militaires reconvertis, les annuités de bonification acquises durant les services militaires compteront dans le calcul d'une éventuelle surcote.
    L'ensemble des mesures concernant civils et militaires seront mises en place progressivement. L'augmentation de la durée de cotisation se fera à raison de deux trimestres supplémentaires par an. Le nombre de trimestres permettant d'atteindre le taux de remplacement maximum atteindra 160 en 2008.
    D'autres modifications significatives sont introduites par le projet de loi.
    Les pensions seront indexées sur l'évolution des prix, comme c'est déjà le cas dans le secteur privé.
    Le mode de calcul de la pension minimale garantie est modifié. La pension minimale garantie, qui croît avec les années de service, sera calculée sur la base d'une pension complète et progressivement revalorisée de 5 %.
    Les primes seront prises en compte avec la création d'un nouveau régime complémentaire obligatoire, distinct du régime des pensions et ouvert à tous les agents civils et militaires. Ce régime sera financé à parts égales par l'Etat et les cotisants.
    Les avantages familiaux seront harmonisés, en particulier la bonification pour enfant et le système de la pension de réversion, qui consacrera l'égalité entre hommes et femmes.
    La possibilité de rachat de la durée d'assurance pour les années d'études supérieures est ouverte aux militaires.
    Enfin, le projet de loi ne remet pas en cause les caractéristiques essentielles du régime des pensions des fonctionnaires civils et militaires.
    Le calcul de la pension est maintenu sur la base du traitement ou de la solde des six derniers mois.
    Le taux plein de liquidation de la pension de retraite est maintenu à 75 % pour toute carrière complète. La possibilité demeure, pour les militaires, d'atteindre un taux de 80 % par la prise en compte des bonifications.
    La période minimale pour acquérir une pension et bénéficier du taux minimum reste fixée à quinze ans.
    Le taux de cotisation des agents de l'Etat reste fixé à 7,85 % du traitement indiciaire.
    Le régime des bonifications est préservé.
    Enfin, les primes qui étaient déjà intégrées dans le calcul des pensions, comme l'indemnité de sujétions spéciales de police perçue par les gendarmes, restent prises en compte.
    Tout en poursuivant une logique de prolongement de la vie active...
    M. Jean-Pierre Brard. Jusqu'à ce que mort s'ensuive !
    M. François Calvet, rapporteur pour avis. ... le projet de loi réaffirme le principe de jeunesse des armées en adaptant le dispositif général aux spécificités militaires. Dans ce but, le dispositif de décote mis en place afin d'inciter l'ensemble des agents de l'Etat à travailler plus longtemps fait l'objet de modalités d'application dérogatoires pour les militaires. Il tient aussi compte de la logique de déroulement des carrières courtes propres aux armées et de l'impossibilité pour les militaires de bénéficier du système de surcote en raison des limites d'âge qui leur sont imposées.
    Ainsi, le système de décote ne s'appliquera pas dans les cas suivants : lorsque le militaire atteint la limite d'âge de son grade ou la limite maximale de la durée des services ; lorsque le militaire atteint le taux de pension de 75 % correspondant, à partir de 2008, à quarante annuités de service ; lorsque le militaire dont la limite d'âge est inférieure à 55 ans décide de quitter l'uniforme après avoir accompli 17,5 années de services effectifs s'il est militaire du rang ou sous-officier, ou après avoir accompli 27,5 années de services effectifs s'il est officier ; lorsque le militaire dont la limite d'âge est supérieure ou égale à 55 ans décide de quitter l'armée avant l'âge de 50 ans et après avoir accompli 17,5 années de services effectifs s'il est militaire du rang ou sous-officier ou après 27,5 années de services effectifs s'il est officier.
    M. Jean-Pierre Brard. Et s'il est décoré ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est scandaleux ! Les 4 militaires décorés méritent beaucoup plus de respect que cela ! Ils l'ont été pour la France !
    M. Claude Goasguen. Et l'Etoile rouge de Staline, vous l'avez eue, monsieur Brard ?
    M. le président. Monsieur Brard, vous êtes inscrit dans la discussion générale et je suppose que vous n'avez aucune envie d'être déstabilisé continuellement. Alors, laissez M. Calvet s'exprimer.
    M. François Calvet, rapporteur pour avis. L'abattement dont fait l'objet la bonification du cinquième du temps de service est repoussé de deux ans et ne prendra désormais effet qu'à partir de 57 ans au lieu de 55 actuellement. Cette disposition permet aux militaires d'augmenter leur durée de cotisation de deux années supplémentaires sans être pénalisés par la mise en oeuvre de l'abattement. Cette mesure ne supprime donc pas les dispositions destinées à favoriser les départs des cadres avant la limite d'âge, mais les rend compatibles avec l'allongement de l'activité.
    Par ailleurs, le projet de loi comprend trois mesures destinées à améliorer certaines situations particulières : le plancher de la solde de réforme est revalorisé par l'adoption de l'indice majoré 227 en remplacement de l'indice majoré 216 ; la pension octroyée à la veuve ou au veuf d'un militaire décédé des suites d'un attentat sur le territoire national est portée à 100 % de la solde de base ;...
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. François Calvet, rapporteur pour avis. ... enfin, la situation statutaire des officiers sous contrat, qui relèvera dorénavant du code des pensions civiles et militaires de retraite, est clarifiée.
    Malgré les aménagements dont bénéficient les militaires, certains points mériteraient d'être éclaircis et restent en suspens.
    D'abord, l'instauration d'un système de décote double, s'appliquant d'une part aux carrières courtes, avant 27,5 années de service, et d'autre part aux carrières longues, à partir de l'âge de 50 ans, risque de se traduire par un chevauchement des deux périodes de décote pour les officiers entrés dans les cadres après l'âge de 22 ans et demi. En effet, ceux-ci entreront dans la seconde zone de décote, dite « carrière longue » et basée sur l'âge : 50 ans, avant d'être sortis de la première zone de décote, dite « carrière courte » et basée sur le nombre d'années de service : 27,5 années. De ce fait, ces officiers ne pourront quitter l'armée après une carrière courte sans être pénalisés et seront fortement incités à prolonger leur service le plus longtemps possible, ce qui va à l'encontre du principe de jeunesse des armées. Les officiers recrutés après l'âge de 22 ans et demi représentent actuellement 18 % des effectifs d'officiers, mais ce chiffre augmente régulièrement en raison de l'allongement de la durée des études.
    Ensuite, l'entrée en vigueur de la réforme des retraites conduira certainement le ministère de la défense à mener une réflexion sur l'évolution des 150 limites d'âge existant dans l'institution militaire.
    En effet, l'allongement progressif de la durée de cotisation aura pour conséquence mécanique d'augmenter progressivement l'âge moyen des militaires. Cet allongement aura également pour effet de ralentir sensiblement l'avancement, chacun restant plus longtemps dans son grade. Une réflexion sur l'évolution de la structure pyramidale de l'institution militaire, garante de son efficacité opérationnelle, devra donc être engagée.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est du Kafka !
    M. François Calvet, rapporteur pour avis. La modernisation du statut général des militaires, sur laquelle une réflexion est actuellement en cours et qui pourrait être présentée devant le Parlement d'ici à quelques mois, pourrait fournir l'occasion de régler ces derniers points.
    Membres à part entière de la communauté nationale, les militaires, comme les autres agents publics, ne pouvaient rester à l'écart de l'effort rendu nécessaire pour la sauvegarde du système de retraite par répartition. Ainsi, comme l'ensemble des salariés, les militaires seront incités à prolonger leur période d'activité pour sauvegarder le niveau de leurs pensions de retraite.
    M. Jean-Pierre Brard. A quel âge est mort Weygand ?
    M. François Calvet, rapporteur pour avis. Toutefois, s'ils acceptent sans difficulté de participer à l'effort commun, les militaires ont à coeur de voir reconnues leurs spécificités. De ce point de vue, le projet de loi devrait pleinement les satisfaire : les dispositions générales qui pouvaient aller à l'encontre de certains principes spécifiques aux armées font l'objet d'aménagements. Par ailleurs, les éléments relatifs au calcul de la pension et considérés comme essentiels sont sauvegardés.
    Pour toutes ces raisons, la commission de la défense a donné un avis favorable au projet de loi portant réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Bravo !
    M. le président. Monsieur Brard, tenez-vous un peu, sinon vous allez en prendre pour votre grade !
    La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'aime les bonnes nouvelles, vous aussi très certainement.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça commence sur une tonalité liturgique ! (Sourires.)
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. La première bonne nouvelle, c'est que nous vivons de plus en plus longtemps en France, la deuxième, c'est que nous allons pouvoir rassurer les Français en garantissant l'avenir des retraites. Oui, nous vivons de plus en plus longtemps en France. L'augmentation de l'espérance de vie dans notre pays est une réalité mais il importe d'en mesurer les conséquences, et surtout d'en tirer les conclusions.
    Aujourd'hui, un Français sur cinq a plus de soixante ans, en 2040, ce sera un Français sur trois. Dans le système actuel de retraite par répartition, auquel nous sommes tous profondément attachés,...
    M. François Liberti. Ce n'est pas vrai !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis ... quatre actifs financent un retraité. En 2040, ils ne seront plus que deux actifs. Vous l'avez compris, ces deux données montrent combien le défi est crucial : il s'agit de sauver nos régimes de retraite. Le conseil d'orientation des retraites, le COR, dont personne ne conteste les conclusions, indique en effet clairement que, si rien n'est fait, les futurs retraités n'auront plus que trois possibilités en 2040 : soit cotiser neuf années de plus, ce qui est impensable ; soit accepter de payer jusqu'à 60 % de cotisation en plus, ce qui est impossible ; soit se résoudre à voir baisser de moitié le niveau des pensions, ce qui serait inacceptable. Face à ces trois scénarios, la réponse réside dans le volontarisme politique.
    Mes chers collègues, en matière de retraite comme dans d'autres domaines d'ailleurs, si nous ne faisons pas un choix dès aujourd'hui, demain, ce seront les Français qui n'auront pas le choix,...
    M. François Liberti. C'est un mauvais choix qui a été fait !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... et surtout les Français les plus modestes. Et quand je dis demain, je pense non pas à 2040, mais à 2006.
    M. François Liberti. C'est un très mauvais choix !
    M. le président. Monsieur Liberti, évitez ce genre d'interruption ! Cela donne une image détestable !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Liberti est liberticide !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Liberti a raison : c'est un choix exécrable !
    M. le président. Monsieur Brard, vous avez horreur d'être interrompu lorsque vous vous exprimez...
    M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout !
    M. le président. ... alors, ne faites pas aux autres ce que vous n'aimez pas qu'on vous fasse !
    M. Jean-Pierre Brard. Je suis d'accord sur ce point !
    M. le président. Merci, monsieur Brard !
    Poursuivez, monsieur Bertrand.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. En 2006, ce ne sont plus 500 000 personnes qui partiront à la retraite chaque année, mais bel et bien 800 000. Plus près de nous encore, à la fin de l'année, s'engageront entre les partenaires sociaux des discussions essentielles sur les régimes complémentaires. C'est pourquoi, dès maintenant, les parlementaires doivent prendre leurs responsabilités et se prononcer sur le projet du Gouvernement, pour jeter les bases d'un système de retraite rénové, garant de l'avenir.
    Cette réforme des retraites repose sur trois piliers : la sécurité, l'équité et la souplesse.
    La sécurité, d'abord, car la réforme nous donne la garantie que, demain et après-demain, nous saurons maintenir et sauvegarder la répartition. L'honnêteté impose de reconnaître que l'absence de réforme serait la pire des choses. Alors, il faut avoir le courage de faire des choix.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est du chantage !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Nous assumons les nôtres car nous avons le sentiment d'avoir reçu un mandat clair de la part des Français et d'avoir bien entendu également leur message de l'an dernier.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense et des forces armées. Tout à fait !
    M. Jean-Pierre Brard. Les Français vont vous botter les fesses, oui !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Pour réformer les retraites, il n'y a que trois possibilités : soit augmenter la durée de cotisations, c'est le choix qu'ont fait tous les pays européens en raison de l'augmentation de l'espérance de vie, soit augmenter le montant des cotisations, soit se résigner à voir chuter les pensions de retraite.
    Sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin, François Fillon et Jean-Paul Delevoye, le Gouvernement a souhaité augmenter la durée de cotisation. C'est un choix de bon sens. C'est un choix qui préserve l'avenir, et qui laisse surtout à chacun la possibilité de mieux décider de son comportement face à la retraite. C'est aussi la solution retenue par tous les pays européens. C'est, enfin, la solution préconisée par la plupart des acteurs du dossier des retraites. C'est, en dehors des postures politiciennes d'aujourd'hui, la solution retenue il y a peu par Lionel Jospin, alors Premier ministre, dans son discours de mars 2000.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Certaines voix se font entendre pour proposer une augmentation des cotisations. Si le Gouvernement n'exclut pas le pragmatisme, en acceptant à partir de 2006 d'augmenter légèrement les cotisations vieillesse de 0,2 % à prélèvements obligatoires constants, nous pensons qu'il n'est pas possible d'alourdir le poids des cotisations dans ce pays, même si c'est au titre de la retraite.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Surtout après vingt ans de socialisme !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Beaucoup de théories ont été avancées dans ce débat : elles conduisent toutes à des impasses. Taxer les entreprises sur la valeur ajoutée, en effet, c'est pénaliser ces mêmes entreprises avec les conséquences que l'on sait pour leur compétitivité et les créations d'emplois. C'est aussi faire appel à des financements aléatoires alors qu'en matière de retraite nous avons besoin, plus encore que dans d'autres domaines, de recettes durables.
    M. Henri Emmanuelli. Vieil argument éculé !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Je rappellerai également que cette piste avait déjà été écartée par le Gouvernement précédent pour le financement des 35 heures, en raison du caractère non pérenne et incertain de ces ressources.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Absolument !
    M. Gilles Carrez. Exactement !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Certains, notamment sur les bancs socialistes, souhaiteraient tout simplement augmenter la CSG.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est vrai !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Ce serait une solution de facilité, ce qui n'étonne guère de la part des promoteurs de cette idée, mais je veux surtout rappeler que chacun dans ce pays paie la CSG, que l'on soit imposable ou pas, que l'on soit actif ou retraité.
    Quant aux retraités qui ont déjà cotisé pendant leur vie active pour leur retraite, ils se verraient obligés de cotiser à nouveau pour leur retraite, avec cette théorie. Je trouve cette idée tout à fait inacceptable et je ne pense pas être le seul ni dans cet hémicycle, ni dans ce pays à penser de la sorte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Avec la gauche, c'est toujours plus de prélèvements !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Bien évidemment seuls ceux qui trouvent qu'on ne paie pas assez d'impôts, de taxes, de cotisations en France ne partageront pas mon point de vue, mais, là encore, je n'ai pas le sentiment d'être le seul à penser ainsi et à refuser ce recours systématique, facile et ô combien dangereux, que constitue l'augmentation des cotisations.
    M. Alain Néri. Vous, vous baissez les impôts des riches !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Le deuxième pilier de cette réforme, c'est l'équité. Les Français ont clairement souhaité qu'il y ait davantage de justice sociale dans nos systèmes de retraite. Evidemment, il a été beaucoup question ces derniers mois de la convergence des régimes publics et privés. C'est important, c'est vrai, pour donner un contenu à cette notion d'effort partagé, pour montrer que l'ensemble de la communauté des actifs est impliqué et aussi pour garantir le financement à venir pour le régime de la fonction publique. Dans cet esprit, la convergence des durées de cotisation, l'indexation des pensions et la création d'une décote sont autant de mesures qui visent à garantir l'équité. Bien évidemment, l'équité n'est pas synonyme d'uniformité, et il faut savoir prendre en compte la spécificité du service public, de ses trois fonctions publiques - d'Etat, territoriale et hospitalière - auxquelles nous sommes si profondément attachés.
    M. Henri Emmanuelli. Vous jouez avec le feu !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. La progressivité de la réforme, la création d'un régime additionnel intégrant une partie des primes, le maintien des avantages familiaux, la mise en place de la seconde carrière, sont autant de garanties pour les agents des régimes publics de notre souhait de parvenir à une réforme équilibrée.
    Mais l'équité, ce n'est pas seulement l'harmonisation entre les régimes public et privé. C'est aussi une meilleure prise en compte de situations profondément injustes, et nous avons à coeur de mettre un terme à ces situations bien souvent porteuses de désespoir.
    Les carrières longues en sont certainement le meilleur exemple. Les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes, à quatorze ans, à quinze ans, à seize ans, vont, grâce à la réforme, pouvoir partir avant l'âge de soixante ans, ceux-là même dont le sort avait été évoqué en novembre 2001 - l'excellent rapporteur Bernard Accoyer l'a rappelé tout à l'heure - à l'initiative, je tiens à le souligner, du groupe communiste. La réponse du gouvernement d'alors avait été claire : non, il n'était pas possible de laisser partir ces salariés avant soixante ans. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mme Guiguou avait même fait preuve d'un certain dédain en répondant !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. En mars dernier, le même débat avait eu lieu dans cet hémicycle. La réponse avait été différente et nous avions donné rendez-vous à l'ensemble des parlementaires à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les retraites. Eh bien, oui, le départ anticipé sera possible pour ces Français qui illustrent, ô combien, la valeur du travail !
    M. François Liberti. Pas pour tous ! Seuls 200 000 personnes sur 800 000 sont concernées !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Pour ceux qui ont commencé à travailler après seize ans, nous souhaitons que la discussion entre partenaires ouvre de nouvelles perspectives,...
    M. François Liberti. Vous ne dites pas toute la vérité !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... comme nous souhaitons que les régimes complémentaires tiennent compte de la volonté du législateur et que les salariés qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze et seize ans puissent bénéficier des mêmes garanties tant pour le régime général que pour les régimes complémentaires. La commission des finances a adopté un amendement en ce sens et je tiens à dire que, si le consensus est souvent trop rare, il s'est exprimé dans ce domaine puisque nous nous sommes retrouvés d'accord avec M. Bonrepaux.
    La question de la pénibilité ne doit pas seulement être posée. Elle doit trouver des réponses précises grâce à ce projet de loi. Les partenaires sociaux, là encore, devront trouver des solutions au niveau des branches professionnelles. Un délai de trois ans maximum est fixé par la loi et nous souhaitons avoir régulièrement, annuellement, un état de ces négociations afin que le législateur, et surtout que les Français concernés, puisse savoir à quel rythme la pénibilité sera prise en compte. La commission des finances proposera également un amendement en ce sens.
    La retraite minimale garantie, l'effort en faveur du minimum contributif, l'attention portée aux indépendants - les commerçants, artisans, professions libérales -, la mensualisation tant attendue par les agriculteurs, la situation des pluri-pensionnés et des veuves sont autant de preuves concrètes que l'équité est bel et bien au coeur de cette réforme.
    Le troisième pilier de cette réforme des retraites, c'est la souplesse. Il s'agit de donner à chacun davantage de liberté face à la retraite. Pour cela, il est indispensable de mieux informer chaque Français, le plus tôt possible, le plus régulièrement possible sur l'état de ses droits à retraite. L'information collective doit être renforcée et le Conseil d'orientation des retraites peut jouer un rôle crucial en la matière. Mais c'est bel et bien l'information individuelle qui doit, à l'occasion de ce projet, apporter aux Français l'information dont ce débat nous a montré qu'elle était indispensable.
    Dans un premier temps, cette information doit se faire aux différentes étapes clés de la carrière et quand je dis le plus rapidement possible, c'est dès le début de l'entrée dans la vie active. Elle doit devenir systématique ensuite, selon des rendez-vous que votre rapporteur souhaite, à terme, annuels et ce, quel que soit le régime de retraite, quelle que soit la caisse de retraite. Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, ce droit à l'information est la clé de la responsabilisation de chaque Français face à la retraite.
    La souplesse, c'est aussi la facilité accordée à l'ensemble des Français d'accéder à l'épargne-retraite. Il est d'autant plus facile de s'exprimer sur ce sujet qu'il n'y a pas de débat entre la répartition et la capitalisation. La répartition, c'est l'objet de ce projet de loi, c'est l'ambition du Gouvernement et de sa majorité que d'en assurer l'avenir.
    Quant à l'épargne-retraite, osons dire la vérité, elle est aujourd'hui réalité dans ce pays, sauf que cette réalité n'est pas partagée par l'ensemble des Français : les fonctionnaires y ont accès avec la PREFON, les travailleurs non salariés y ont accès avec le dispositif de la loi Madelin et certains salariés dans leurs entreprises bénéficient des plans Fabius avec les plans partenariaux d'épargne salariale volontaire - les PPESV. Quant aux autres Français, ils se tournent souvent vers l'assurance-vie, dont la première motivation de souscription, je veux le rappeler, est la préparation d'un capital pour la retraite,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... ou toute autre forme d'épargne de précaution. Aussi, c'est avec beaucoup de pragmatisme que ce texte entend offrir, soit à titre individuel avec le plan d'épargne retraite - PER -, soit au sein de l'entreprise avec le PPESV-Retraite, la possibilité à tous les Français d'augmenter, le moment venu, leur revenu de retraité.
    Mme Claude Greff, rapporteure pour avis au nom de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Très bien !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Enfin, cette réforme doit être regardée avec les yeux de la souplesse, une souplesse qui n'existe pas dans le système actuel, une souplesse qui permettra d'appréhender de façon tout à fait différente les durées de cotisation et les conditions de préparation et de départ à la retraite. Cette réforme permettra d'améliorer ses droits à la retraite quand on souhaitera rester en activité plus longtemps. C'est l'objet de l'instauration d'une surcote de 3 % par an. La décote sera également aménagée pour que, à terme, elle soit de 5 % pour chaque Français alors qu'elle est aujourd'hui de 10 % et donc profondément pénalisante pour les salariés du régime général.
    Mme Muguette Jacquaint. Dans combien d'années ?
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. La souplesse, c'est également le cumul facilité entre l'emploi et la retraite. Un amendement de la commission des finances vous sera proposé. C'est la possibilité de racheter des années de cotisation pour les années d'études afin d'éviter de devoir rester en activité au-delà de l'âge que l'on aura voulu se fixer.
    Mme Muguette Jacquaint. A quel prix ?
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Enfin, la souplesse trouve sa traduction dans le principe de la retraite progressive, qui opère un changement de culture profond par rapport à notre système actuel, où le recours à la préretraite, voire à la préretraite progressive, ne peut plus être conservé en l'état.
    Le défi est essentiel : revaloriser la place et le rôle des travailleurs âgés dans notre pays. Aujourd'hui, 37 % seulement des cinquante - cinq-soixante-quatre ans sont encore en activité dans notre pays, contre 50 % en Grande-Bretagne et 65 % en Suède.
    M. Alain Néri. Qui les licencie ?
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Ce chiffre, nous le savons bien, ne correspond pas toujours à un choix individuel. Loin de là !
    Aujourd'hui, relever ce taux d'activité constitue un enjeu national qui doit mobiliser les énergies de chaque acteur du dossier des retraites.
    Mme Muguette Jacquaint. On les licencie avant cinquante-cinq ans !
    M. Alain Néri. Où sont les licencieurs ?
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Si nous réussissons, à terme, à donner envie aux salariés de rester en activité, à donner envie aux entreprises de continuer à leur donner toute leur place, à continuer à les former quel que soit leur âge,...
    M. Bernard Roman. Commencez maintenant !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... alors, non seulement nous aurons trouvé de précieuses sources de financement pour les régimes de retraite, mais aussi et surtout, nous aurons réussi à replacer l'aspect humain au coeur de notre société et de cette réforme.
    Cette réforme des retraites est un véritable enjeu de société. Elle nécessite un vrai courage politique : ce gouvernement et sa majorité n'en manquent pas. Elle commande de placer l'équité au coeur de notre démarche : c'est aussi le cas. Alors, par rapport à un tel enjeu, chacun dans cet hémicycle est face à ses responsabilités et surtout face aux Français. Nous avons intimement la conviction que les Français ont compris que cette réforme est juste et nécessaire.
    Mme Odile Saugues. Allez donc le leur dire dans la rue !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Ils savent bien que ce ne sont pas les générations futures qui devront assumer les responsabilités que nous n'aurons pas su prendre aujourd'hui. En matière de retraite, chacun s'accorde aujourd'hui sur le constat partagé, la notion d'efforts partagés demande déjà plus de courage. Mais n'oublions pas, mes chers collègues, que c'est bel et bien d'un avenir partagé que nous parlons ; nous en définissons les contours.
    C'est pourquoi la commission des finances vous propose d'adopter ce projet de loi sur les retraites, un projet de loi ambitieux qui s'affirme comme l'un des fondements d'une société...
    Mme Muguette Jacquaint. Ultra-libérale !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... de confiance à laquelle aspirent tous les Français, une société de confiance au sein de laquelle le pacte entre les générations, le pacte entre les Français, témoigne de leur volonté de bâtir ensemble une vraie communauté de destin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Excellent ! C'était du grand Bertrand !
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure au nom de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de nos régimes de retraite est devenue aujourd'hui indispensable en France, comme dans tous les Etats européens, en raison des évolutions démographiques.
    La réforme proposée par le Gouvernement se veut constructive. Elle est très importante pour les femmes puisque, en 2015, 52 % des retraités seront des femmes et qu'elles seront le plus touchées si aucune réforme n'est menée à bien.
    Saisie par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales du projet de loi portant réforme des retraites, la délégation aux droits des femmes a souhaité apporter, de façon constructive, quelques analyses et réflexions sur la place des femmes dans les régimes de retraite.
    Le 3 juin dernier, elle a adopté quatorze recommandations.
    Elles concernent d'abord les pensions de réversion du régime général. Le Gouvernement a fait le choix d'améliorer la situation des conjoints survivants par une simplification et une amélioration des conditions d'accès à la pension de réversion.
    L'article 22 du projet de loi supprime, pour l'attribution de la pension de réversion - et son corollaire l'assurance-veuvage -, les conditions d'âge les conditions de durée du mariage et l'absence de remariage, ainsi que le plafond des ressources personnelles et de cumul avec les avantages vieillesse.
    En accord complet avec ces nouvelles dispositions, la délégation a cependant estimé que le nouveau plafond des ressources personnelles du conjoint survivant permettant d'accéder à la pension de réversion, devra être fixé à un niveau suffisant dans le souci, d'une part, de ne pas léser les veuves ayant encore une activité professionnelle ou bénéficiant d'un avantage personnel de vieillesse et, d'autre part, et par équité, de favoriser un rapprochement avec le régime de réversion dans la fonction publique, plus avantageux, puisqu'il ne prévoit pas de conditions de cumul.
    Ce plafond devra être modulé pour tenir compte du nombre des enfants encore à la charge des conjoints.
    La délégation a souhaité également que le Gouvernement et les partenaires sociaux étudient, à l'occasion des rendez-vous prévus par le projet de loi, les conditions dans lesquelles le taux de la pension de réversion du conjoint survivant, fixé aujourd'hui à 54 %, pourrait être augmenté, l'objectif souhaitable étant d'atteindre, à terme, un taux proche de 60 %, nécessaire pour maintenir au conjoint survivant un niveau de vie équivalent à celui qu'il avait en couple.
    Dans la fonction publique, les veufs pourront désormais, comme les veuves, bénéficier d'une pension de réversion égale à 50 % de la pension de leur conjointe dès le décès de celle-ci.
    La délégation a estimé souhaitable que la suppression par le projet de loi de la condition d'âge pour accéder à la pension de réversion dans le régime général, soit adoptée par les régimes complémentaires, ARRCO et AGIRC, de façon à donner à cette mesure toute sa portée.
    Après avoir entendu des représentants du monde agricole exposer les difficultés propres aux femmes dans ce secteur, la délégation a notamment souhaité une modification de la condition restrictive imposée aux pensions de réversion. En effet, dans le nouveau régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles, la pension de réversion n'est accessible au conjoint survivant que si le conjoint décédé a déjà liquidé sa retraite. La délégation a estimé que cette condition restrictive devrait être supprimée, la pension de réversion dans les autres régimes étant fixée par rapport à la retraite dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré.
    La délégation s'est ensuite attachée aux compensations familiales - terme que nous préférons de beaucoup à celui d'avantages familiaux -, particulièrement dans le régime de la fonction publique, puisque les bonifications pour enfants sont préservées dans le régime général.
    Le Gouvernement est désireux à la fois de répondre aux exigences européennes d'égalité entre les hommes et les femmes, tout en ayant une politique familiale dynamique qui redonne confiance dans l'avenir et qui fasse que, demain, davantage de femmes aient envie d'avoir des enfants.
    Dans le régime de la fonction publique, la mise en oeuvre du droit communautaire concernant l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, a conduit à modifier sensiblement les conditions de la bonification pour enfants qui sera désormais reconnue aux hommes comme aux femmes, sous réserve d'une interruption d'activité précisée par décret en Conseil d'Etat, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. Pour les enfants nés après 2004, dans une autre logique, la bonification pour enfant sera remplacée par une validation des périodes d'interruption d'activité consacrées à l'éducation d'un enfant. Cette bonification, valable pour les hommes comme pour les femmes, est généreuse puisqu'elle peut atteindre une durée de trois ans par enfant. Cependant, elle pénalise en quelque sorte les femmes, de plus en plus nombreuses, qui auront fait le choix de poursuivre leur activité professionnelle, tout en assumant la double charge des enfants et de la vie au travail.
    Aussi la délégation a-t-elle proposé de maintenir la bonification pour tous les enfants nés après 2004, de manière à en faire bénéficier toutes les femmes fonctionnaires qui assurent à la fois les charges des enfants et celles de la vie professionnelle.
    A titre personnel, je me félicite donc de l'amendement adopté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le 5 juin dernier. Elaboré par le rapporteur de la commission, M. Bernard Accoyer, il tient compte des souhaits de la délégation aux droits des femmes en prévoyant, pour le père ou la mère, une bonification d'un an par enfant, qu'il soit né avant ou après 2004, dès lors qu'il y a eu interruption d'activité pendant au moins six semaines.
    La délégation a également estimé qu'outre les périodes de congés liées à l'éducation des enfants, ouvrant droit à validation pour la bonification de durée d'assurance dans le régime de la fonction publique, devraient être également prises en compte des périodes liées à des obligations conjugales ou familiales : congé pour suivre un conjoint ou congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
    Ce sont, en effet, généralement les femmes qui assurent les soins à des parents âgés et malades.
    M. Philippe Briand. C'est vrai !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. La délégation a souhaité que soit reportée du 1er janvier 2004 au 1er juillet 2004 la date prise en compte pour la mise en application du nouveau système de validation des périodes d'interruption de carrière, afin que les mères aient eu connaissance, au préalable, des conditions de leur retraite et en particulier de l'accès à la bonification d'assurance.
    Elle a considéré que, dans le régime général, les conditions d'attribution de la majoration d'assurance de deux années par enfant élevé pendant neuf ans avant son seizième anniversaire devraient être assouplies. La majoration devrait être calculée en fonction de la durée effective de prise en charge de l'enfant, à raison d'un trimestre par année de prise en charge jusqu'à un maximum de huit trimestres.
    Il s'agit de reprendre des dispositions qui avaient été envisagées lors de la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2001 et renvoyées à un décret qui n'a jamais été publié. Toutes les femmes ayant eu et élevé des enfants, quelle que soit la durée de prise en charge, devraient pouvoir bénéficier de la majoration d'assurance.
    La délégation aux droits des femmes s'est aussi intéressée à la situation des femmes non salariées dans l'artisanat et dans l'agriculture.
    En ce qui concerne les femmes d'artisans qui pour un tiers d'entre elles ne bénéficient d'aucun statut, il est proposé, pour leur permettre d'acquérir des droits propres, d'instituer une obligation d'adhérer à l'un des trois statuts de la loi du 10 juillet 1982 : conjoint collaborateur, conjoint salarié ou conjoint associé.
    En ce qui concerne les agricultrices qui optent pour le statut de conjoint collaborateur, la possibilité de souscrire à la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles instituée par la loi du 4 mars 2002 devrait leur être ouverte.
    La définition du critère de la pénibilité, pris en compte dans les différents régimes pour permettre un départ anticipé à la retraite, concerne aussi les femmes, dans le régime général comme dans celui de la fonction publique, et doit faire l'objet d'une attention particulière. C'est le sujet de deux recommandations de la délégation.
    L'avant-dernière recommandation concerne la prise en compte nécessaire, lors du divorce, des désavantages qu'aura subis la femme du fait de son interruption d'activité pour élever ses enfants, en matière de carrière et de droits à la retraite. Une compensation financière devrait lui être reconnue, au nom de la solidarité au sein du couple, lors du jugement du divorce.
    La délégation aux droits des femmes tenait à ce que cette question, qui devra être abordée au fond lors de la réforme du divorce, soit cependant évoquée dès à présent.
    Enfin, la délégation aux droits des femmes est très attachée à sa dernière recommandation, car les inégalités entre hommes et femmes dans les retraites sont le reflet des inégalités dans le déroulement des carrières.
    Tout doit donc être mis en oeuvre pour une application effective des dispositions législatives relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en particulier de la loi du 9 mai 2001, de manière à assurer une meilleure prise en compte par les partenaires sociaux de tous les aspects de la vie professionnelle des femmes.
    Mme Muguette Jacquaint. Il faudrait convaincre le MEDEF ! Il n'est pas au courant qu'il y a des lois sur l'égalité !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. Mes chers collègues, cette réforme est juste...
    M. Christian Estrosi et M. Philippe Briand. Oui !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. ... concrète...
    M. Christian Estrosi et M. Philippe Briand. Oui !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. ... et réaliste.
    M. Christian Estrosi et M. Philippe Briand. Très bien !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. Pour toutes les raison, aujourd'hui évoquées, la délégation aux droits des femmes a adopté ces recommandations sur le projet de loi portant sur la réforme des retraites.
    M. Christian Estrosi. Quelle sagesse !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. Elle est heureuse d'avoir apporté sa contribution à l'élaboration de cette réforme...
    M. Philippe Briand. Très bien !
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. ... qui, je vous le rappelle, nous concerne tous aujourd'hui, et demain concernera nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, pour bien réformer, entreprendre une réforme de fond, de celles qui répondent à de vraies questions de société, la réflexion doit toujours prendre en compte deux types d'information.
    Premièrement, les informations issues de l'histoire de notre système de retraite en allant rechercher, loin dans le temps, ses racines, pour mieux distinguer les lignes de force autour desquelles s'organisera obligatoirement le système dans les années et dans les décennies à venir.
    Deuxièmement, les informations recueillies en étudiant les systèmes étrangers, notamment ceux des nombreux pays qui ont déjà procédé à la refonte de leur système de retraite, non pour les copier, mais pour s'en inspirer.
    Améliorer le sort des plus âgés d'entre nous relève de la plus naturelle fraternité ; et comme nous vieillissons inéluctablement, se dessine d'emblée la notion de solidarité intergénérationnelle, à l'origine de la retraite par répartition.
    C'est à la Révolution française que nous devons les premières réflexions sur le sort des travailleurs âgés. Un projet présenté aux états généraux proposait déjà d'organiser une caisse nationale qui offrirait « à la classe indigente des citoyens un revenu à leur vieillesse, moyennant une très faible rétribution pendant vingt ou trente années ».
    Le projet ne verra jamais le jour, mais il indique, pour la première fois, l'émergence de la question de la vieillesse comme problème social dont l'Etat doit s'occuper.
    Le « droit à la retraite » restera jusqu'au début du xxe siècle le privilège d'un petit nombre de professions. Plus tard, pour ces quelques bénéficiaires, c'est la prévoyance qui prédominera jusqu'aux années trente.
    Il faudra attendre les lendemains de la Seconde Guerre mondiale pour voir en France l'avènement de la répartition et de la retraite pour tous. Les pouvoirs publics, inspirés par les idées de Beveridge, mettront en place le régime général de sécurité sociale dont l'objectif est de couvrir toute la population active.
    L'ordonnance du 4 octobre 1945 crée le régime général. La loi du 22 mai 1946 rend obligatoire l'assujettissement de tous les Français au régime d'assurance vieillesse, selon les règles d'universalité, d'unité et d'uniformité des prestations.
    Cette construction, à base professionnelle, sur le modèle allemand, sera bientôt complétée par le minimum vieillesse en 1956. Malgré les souhaits de Pierre Laroque, aucun régime global ne verra le jour. Le régime général s'est notamment heurté à la résistance de tous ceux qui bénéficiaient d'anciens systèmes, généralement plus favorables.
    On retiendra donc de l'histoire des retraites, qu'elle est aussi une histoire complexe et tourmentée, du fait de la diversité des statuts, des branches d'activité, des professions et du fait des diverses mutations.
    Au cours des cinquante dernières années, ces régimes ont accompagné l'évolution de la société française. Les Trente Glorieuses, marquées par l'expansion économique, ont permis de faire progresser sans cesse la couverture des salariés et d'asseoir définitivement le système. Le niveau des retraites s'est considérablement amélioré, même s'il existe encore trop de petites retraites.
    Les générations qui cessent leur activité aujourd'hui sont en bien meilleure santé que les générations précédentes. L'espérance de vie a beaucoup progressé. La retraite représente désormais souvent le quart, voire le tiers de toute une vie. Grâce à l'organisation de la solidarité nationale, la retraite, grâce à un revenu de remplacement, est devenue un nouveau temps d'épanouissement et de liberté.
    Aujourd'hui, ce système est menacé et nous le savons depuis plusieurs années. Du Livre blanc de Michel Rocard aux données publiées par le Comité d'orientation des retraites, tous les rapports ou presque ont établi le diagnostic : le système par répartition, notre système, est menacé à court, à moyen et à long terme, avec un déficit total prévisible de 43 milliards en 2020 et de 100 milliards en 2040 ; un déficit insupportable qui contraindrait ceux qui le pourraient, et uniquement ceux qui le pourraient, à recourir de plus en plus à l'épargne privée. Toutes les études ou presque ont proposé des thérapeutiques associant trois mécanismes dans différentes proportions : l'augmentation de la durée de cotisation, l'augmentation des cotisations des employeurs et des salariés, la diminution des pensions.
    Edouard Balladur, en 1993, a eu le courage de réformer le régime des salariés du privé en allongeant la durée de cotisation à quarante ans, en allongeant la période de référence et en mettant en place un système de décote. Je salue aussi le courage d'Alain Juppé en 1995.
    Mais qu'ont fait les gouvernements de gauche, et notamment celui de M. Jospin ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Rien !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il a tout bloqué !
    M. Patrick Lemasle. Ne dites pas de bêtises !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ils ont navigué à vue et multiplié les rapports. Je ne vais pas tous les citer à nouveau. Le rapport Teulade, criant de mauvaise foi,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est parce que c'est le suppléant de Hollande !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... oscillait entre cynisme et méthode Coué. Le cynisme du « on verra bien », consistant à laisser à plus tard l'arbitrage entre hausse des cotisations et allongement de la durée de vie active, fort de l'idée qu'il aurait lieu de toute manière.
    M. Christian Paul. Oh ! ça va !
    M. Henri Emmanuelli. On verra !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La méthode Coué, celle du « tout va bien », prônée par ceux qui redoutaient par-dessus tout d'avoir à expliquer que le système était vulnérable.
    M. Christian Paul. Quel discours de qualité !
    M. Eric Besson. C'est un polycopié de première année de droit social !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Merci !
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Dubernard !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ils craignaient de voir se développer par anticipation et de manière privative des alternatives qui, le moment venu, pourraient atténuer le principe de solidarité entre les générations. Je pense notamment au succès, en France, de l'assurance vie.
    M. Henri Emmanuelli. Grâce aux avantages fiscaux !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Seule la mise en place du Conseil d'orientation des retraites et du fonds de réserve des retraites, largement abondé par le gouvernement actuel, sont à mettre au crédit de Lionel Jospin.
    M. Alain Néri. On en reparlera plus tard !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Avouez que c'est peu face à l'ampleur du problème, et quand on sait que des données chiffrées - indiscutables - orientent les axes d'une réforme qui, seule, évitera de faire payer à nos enfants notre désinvolture.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Les éléments chiffrés sont connus de tous et il est irréfutable que, à compter de 2006 nous aurons, non pas 500 000 mais 800 000 nouveaux retraités par an.
    M. Eric Besson. Et combien de chômeurs ?
    M. Henri Emmanuelli. Treize milliards d'euros à l'automne pour la seule sécu ! Vous allez voir, ça va faire mal !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce chiffre est cité régulièrement et on doit le garder continuellement en mémoire. Vous auriez bien dû en tenir compte il y a quelques années, chers collègues de l'opposition !
    Je ne dirai pas ce qu'il adviendrait du taux de remplacement si l'on devait se contenter de n'actionner que ce paramètre. On a déjà parlé de 40 %.
    Quant à l'allongement de la durée de cotisation, qui reste le mécanisme le plus souple, il devrait théoriquement être de six ans en 2040, sachant par ailleurs que c'est aussi le facteur le plus favorable à la croissance, à l'emploi et à l'amélioration du niveau de vie. Pourquoi ne pas l'avoir négocié en même temps que la réduction du temps de travail ? C'est une question que de nombreux Français se posent aujourd'hui.
    M. Éric Raoult. Bonne question !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nos voisins, eux, ont agi depuis plusieurs années. La France n'est pas la seule à être confrontée au défi démographique.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vrai !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Dans plusieurs Etats européens, la même histoire, les mêmes guerres ou presque ont généré les mêmes trous démographiques. Il y a autour de nous autant de systèmes que de pays, mais partout les mêmes soucis et les mêmes défis face au financement des pensions à venir : quel poids dans le PIB ? quel âge de départ ? avec quel taux de remplacement ? quelle place pour la capitalisation ? L'Italie, l'Espagne, la Belgique, la Suède, l'Allemagne et bien d'autres ont engagé depuis longtemps leur réforme nationale.
    Première en Europe à avoir institué la répartition, l'Allemagne est aussi une des premières à s'en éloigner quelque peu. L'histoire retiendra que Bismarck avait instauré en 1889 le fameux système des retraites par répartition et qu'un chancelier social-démocrate, M. Schröder, y a ajouté en 2001 un système par capitalisation.
    M. Jean-Louis Idiart. L'idéologie vous étouffe !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Dans une situation financière proche de celle de la France, la Belgique a longtemps vécu au-dessus de ses moyens, et cela au prix d'un fort endettement, pour compenser un des taux d'emploi des personnes âgées parmi les plus faibles en Europe. Des mesures ont été prises pour resserrer les conditions d'accès aux préretraites et aligner les durées de cotisation des femmes sur celles des hommes, faisant passer l'âge de la retraite de soixante à soixante-cinq ans à l'horizon 2009.
    Mme Odile Saugues. C'est totalement incohérent !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est totalement cohérent !
    Sans changement, l'Italie était condamnée à consacrer 23 % de son PIB au financement des retraites en 2050. En Espagne, entre 2020 et 2050, les besoins de financement devraient être parmi les plus importants d'Europe. Signé en 1995, le pacte de Tolède a séparé les prestations contributives et non-contributives, ces dernières étant financées par l'Etat. Il a aussi donné naissance à un fonds de réserve pour faire face aux hausses futures des dépenses. L'âge légal de la retraite pour une pension normale est désormais de soixante-cinq ans, mais l'équilibre du régime n'est pas assuré pour autant, et les députés espagnols ont voté en juin 2002 une loi autorisant un système de retraite à la carte.
    Au royaume de la réforme c'est la Suède, pays de type social-démocrate, qui peut de nouveau se poser en modèle. Partis et syndicats y ont bâti un nouveau système ouvrant la retraite à la carte entre soixante et un et soixante-sept ans avec un étage de répartition et un étage d'épargne-retraite individuelle obligatoire, avec la disparition de l'âge légal de départ à la retraite, remplacé par un dispositif flexible encourageant les départs au-delà de soixante ans.
    M. Alain Néri. Un petit couplet maintenant sur la loi Thomas, ça nous plairait...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je crois que c'est intéressant d'aller voir un peu ailleurs ce qui se passe. On ne l'a pas assez fait au cours des dernières années. Finalement, tous les pays ont bougé, ceux qui avaient une tradition ancienne de dialogue social, comme en Europe du Nord, mais aussi ceux dont l'histoire sociale a été plus conflictuelle, comme l'Italie ou l'Espagne.
    Mme Odile Saugues. Vous n'êtes pas le commis voyageur des retraités ! Arrêtez !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Le plus souvent, ces pays ont bougé par-delà les oppositions partisanes, dans un esprit d'union et de consensus.
    M. Eric Raoult. C'est vrai !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est patent dans le cas de la Finlande. En janvier dernier, j'ai eu l'honneur d'accompagner François Fillon à Helsinki. («Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Alain Néri. Vous nous aviez promis de nous emmener avec vous !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mon homologue de la commission des affaires sociales, libéral à l'époque, m'avait expliqué les grands principes de la réforme. Le mois dernier, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale recevait une délégation de parlementaires finlandais. Des élections se sont tenues entre-temps, la majorité a changé. Les députés présents appartenaient pour la plupart au parti social-démocrate. Ils ont confirmé qu'il existait un consensus entre les partis de la majorité et ceux de l'opposition...
    M. Henri Emmanuelli. Parce que la droite est intelligente là-bas !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je peux vous retourner le compliment, monsieur Emmanuelli ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre par M. Emmanuelli, monsieur Dubernard !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. M. Emmanuelli est un grand libéral, monsieur le président !
    Mme Muguette Jacquaint. C'est tout le contraire de vous !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... un consensus entre les partis de la majorité et ceux de l'opposition, comme entre les formations politiques et les principaux syndicats. Ce consensus n'a pas dû être facile à obtenir quand on connaît les grandes lignes de la réforme : pension calculée sur la totalité des salaires perçus durant toute la vie professionnelle, disparition de l'âge légal de départ à la retraite remplacé par un dispositif flexible encourageant les départs plus tardifs au-delà de soixante-trois ans et jusqu'à soixante-huit ans.
    Ainsi, d'alternance en alternance, et parce qu'ils vont dans le sens de l'intérêt général,...
    M. François Liberti. Mais non ! C'est un recul de civilisation !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... les grands principes de la réforme ont été maintenus. Pas de manifestations de rues avec des banderoles affichant des slogans surréalistes et fallacieux ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Muguette Jacquaint. C'est encore une liberté, ça !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous êtes mal placé pour dire ça !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pas de discours grandiloquents de la part de l'opposition comme ceux de Dijon ou d'ailleurs ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Aucune insulte à l'encontre des organisations syndicales qui ont eu le courage d'accompagner la réforme ! Pas d'interpellation musclée des ministres lors des séances de questions à l'Assemblée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pas de mauvaise foi, mes chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pourquoi de telles différences ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Continuez, monsieur Dubernard !
    M. François Liberti. Il n'a rien à dire !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. S'agit-il d'une exception ? Est-ce lié à la faible population de la Finlande ? Non ! La Suède, l'Espagne, l'Allemagne ont suivi le même chemin.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n'a rien à dire, monsieur le président !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. S'agit-il d'une question de culture ? Mais que signifie « culture » dans un domaine où pays nordiques et ibériques se sont comportés de manière identique ?
    Je m'interroge. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous aussi !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Comment fonctionne notre démocratie sociale ? Comment fonctionne notre démocratie tout court ?
    M. Pierre Cohen. Sans dialogue et sans concertation !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quelle est la légitimité de la rue, de ce mélange hétéroclite plus mal que bien contrôlé par des syndicats peu représentatifs ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. C'est honteux !
    M. Philippe Briand. Le président a raison !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En Finlande, monsieur Gremetz, 80 % des salariés sont syndiqués ! Cela affaiblit sans doute les corporatismes, d'autant plus exacerbés dans notre pays qu'ils ont le pouvoir de gêner la vie quotidienne de nos concitoyens, voire de paralyser le pays !
    M. Jean-Louis Idiart. C'est faux !
    M. Patrick Lemasle. Catastrophe !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La démocratie sociale en France devrait être, elle aussi, réformée. Je sais que vous y êtes attaché, monsieur le ministre des affaires sociales. Il le faut pour que cesse un jour ce jeu de rôle systématique, cette comédie archi et archirépétée qui porte en elle les causes de son échec toujours renouvelé.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Sous cet angle, le rôle de la CFDT et de la CGC mérite d'être souligné (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), elles qui, par la négociation, ont fait évoluer le projet du Gouvernement,...
    M. Alain Néri. Ce sont les porte-parole du MEDEF. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Briand. Et Delors ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... notamment sur le taux de remplacement, les bas salaires, l'âge de départ à la retraite des travailleurs de longue durée et seize autres points.
    Comment réformer notre démocratie...
    M. Patrick Lemasle. Supprimez les élections !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... quand la déformation de la réalité - chiffres extraits de leur contexte, citations d'experts tronquées, mensonges en tout genre -...
    M. Philippe Briand. Oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... s'érige en système politique ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Pourquoi le parti socialiste n'écoute-t-il pas ses intellectuels, Elie Cohen, Jean-Baptiste de Foucauld, Xavier Gaullier, Bernard Perret et bien d'autres ?
    M. Philippe Briand. Delors !
    M. Bernard Deflesselles. Charasse !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je parlais des intellectuels ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Pourquoi n'écoute-t-il pas ses sages, Michel Rocard, Jacques Delors ou Bernard Attali, ou encore ses esprits libres, Michel Charasse, Bernard Kouchner ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Pourquoi ne pas suivre les recommandations d'un COR que le gouvernement Jospin a lui-même mis en place et dont le gouvernement Raffarin ne fait qu'appliquer les préconisations ?
    En s'opposant systématiquement, brutalement, sans discernement, le PS croit-il retrouver une identité ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe Briand. Non !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il ne fait que perdre l'image réformiste qui lui a permis d'arriver au pouvoir et qui lui permettrait peut-être d'y revenir demain. (Exclamations sur divers bancs.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quant au parti communiste, croit-il se refaire une santé et s'enrichir sur sa droite de militants venus de l'aile gauche du PS et sur sa gauche de militants qui l'ont quitté pour rejoindre les mouvements dits révolutionnaires ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mission impossible quand on voit son incapacité à se moderniser ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes nombreux à avoir attendu ce jour où le Parlement se substitue enfin à la rue,...
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... où notre assemblée démocratiquement élue se saisit enfin de ce texte portant une réforme de grande envergure. Comme j'ai pu le constater en commission, avec Bernard Accoyer, notre dynamique rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), les députés de la majorité sont déterminés à soutenir le Gouvernement, à vous soutenir, messieurs les ministres.
    M. Philippe Briand. Bravo !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais, mes chers collègues, au-delà de l'enjeu de société que représente cette réforme, nombreux seront les Français à juger aussi l'image que nous donnons de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La suite de la discusion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898),
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895),
    M. Xavier Bertrand, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899),
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT