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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 12 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 11 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet (suite). - Rejet par scrutin.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Maxime Gremetz,
Denis Jacquat,
Jean Le Garrec,
Jean-Luc Préel.

Suspension et reprise de la séance «...»

Mme
Muguette Jacquaint,
MM.
Georges Tron,
Bernard Derosier,
Charles de Courson,
Jean-Pierre Brard,
Yves Bur,
Mme
Martine David,
M.
Jean Dionis du Séjour,
Mme
Martine Billard,
M.
Guy Geoffroy,
Mme
Paulette Guinchard-Kunstler,
M.
Hervé Novelli,
Mme
Danièle Hoffman-Rispal.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt d'un projet de loi «...».
3.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
4.  Dépôt de rapports «...».
5.  Dépôt de rapports d'information «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Question préalable (suite)

    M. le président. Cet après-midi, le vote sur la question préalable a été reporté, en application de l'article 61, alinéa 3, du règlement.
    Sur ce vote, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix la question préalable.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   394
Nombre de suffrages exprimés   393
Majorité absolue   197
Pour l'adoption   115
Contre   278

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je vais commencer mon propos en vous surprenant : nous examinons enfin un projet de réforme de notre système de retraite ! (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur et M. Georges Mothron. Bravo !
    M. Guy Geoffroy. Alors pourquoi avoir défendu la question préalable ?
    M. Maxime Gremetz. J'en suis d'autant plus satisfait que celui-ci, après d'autres, fait tomber les masques.
    Mais ne vous réjouissez pas trop vite car, si nous souhaitons une réforme, en aucun cas nous n'approuvons la vôtre.
    Personne ne le conteste, de nombreux rapports l'ont souligné, nous devons nous préoccuper du défi démographique qui nous est posé et de son impact sur le système de retraite par répartition. D'ici à 2040, le nombre de retraités aura doublé, et les travaux du COR, le Conseil d'orientation des retraites, montrent que le besoin de financement des pensions de retraite, en conséquence, augmentera, selon les scénarios, de quatre ou six points, passant de 12 % du PIB aujourd'hui à 16 ou 18 % en 2040.
    Aussi inquiétante qu'elle soit en apparence, la situation démographique n'est toutefois pas catastrophique. Au vu de l'histoire, la part supplémentaire du PIB à consacrer aux retraites ne semble pas insurmontable. De 1959 à 1990, la part des prestations vieillesse dans le PIB est passée de 5,9 à 12,6 %, soit un accroissement de près de sept points, sans pour autant que le principe de la retraite par répartition ait été remis en cause. Or, selon le COR et le rapport Charpin, d'ici à 2040, le PIB aura doublé, pour atteindre 3 000 milliards d'euros. La part affectée aux retraites sera de 540 milliards, soit 18 %, laissant - contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - 82 % des ressources pour les actifs et les investissements, soit 2 460 milliards.
    Ce sont les chiffres officiels, ils sont indiscutables et permettent d'envisager d'autant plus sereinement l'avenir que la charge des départs en retraite s'étale sur quarante ans.
    Surtout, le problème d'un système de retraite par répartition ne réside pas dans la hausse du nombre de retraités mais dans la faculté des actifs à contribuer au financement des pensions. Cette faculté dépend, on le sait, à la fois de la qualité des emplois et du niveau des rémunérations soumises à cotisations sociales. Or là, en revanche, la situation est véritablement préoccupante, si l'on en juge par la politique générale de précarisation de l'emploi menée par le Gouvernement.
    A cet égard, vous l'avez reconnu à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, les parlementaires communistes ont fait preuve de constance dans leurs propositions, ce qui leur permet d'appréhender sérieusement ce débat. En 1993, déjà, je vous le rappelle, nous avions bataillé jour et nuit contre l'injustice orchestrée par les mesures Balladur créant cette iniquité entre public et privé que vous mettez aujourd'hui en avant. En 1997, sans être entendus - les plus anciens dans l'hémicycle en sont témoins -, nous avons exigé leur remise en cause. Et nous n'avons cessé de proposer, dans cette assemblée, une réforme de la protection sociale et un nouveau financement.
    Vous justifiez, monsieur le ministre, le contenu de votre projet par cette « insupportable inégalité » pour mieux rogner les droits des différents régimes. Une fois cela fait, il ne vous restera plus, toujours en vertu du principe d'égalité, qu'à « croquer » les régimes spéciaux, dont vous semblez ignorer les origines et nier les spécificités. Mais égalité, monsieur le ministre, ne signifie ni régression sociale ni recul de civilisation.
    Par ailleurs, prétexter que nos voisins européens ont déjà eu à faire ces choix douloureux est un argument qui ne mène pas loin, vous le savez. Regardez ce qui se passe en Autriche, en Italie ou en Allemagne. Dans ce dernier pays, par exemple, l'introduction des fonds de pension, mêlée à l'allongement de la durée de cotisation, a considérablement paupérisé les retraités.

    Monsieur le ministre, le « copier-coller » n'est pas une politique. Votre projet de loi tourne le dos au progrès de civilisation nécessaire. Il est contraire au choix de société qu'il convient de faire. Regardez dans la rue depuis plusieurs semaines ! Tous les actifs, tous secteurs confondus, n'en veulent pas. Ils appellent à l'ouverture de véritables négociations et à l'écriture d'une autre réforme d'un contenu novateur répondant aux aspirations de notre peuple, de notre société. Votre pilonnage médiatique n'y change rien. Le 9 juin dernier, 66 % des Françaises et des Français apportaient leur soutien à la journée d'action du mardi 10 juin. Personne ne veut de votre réforme qui vise à allonger la durée de cotisation jusqu'à quarante-deux ans, alors que les jeunes peinent à trouver un emploi, alors que la liste noire des licenciements s'allonge tous les jours, alors que les plus de cinquante ans sont les cibles privilégiées de ces licenciements.
    Personne ne veut de votre réforme, qui rogne le niveau des pensions, quoi que vous en disiez, qui instaure des décotes et qui exige toujours plus de sacrifices de la part des actifs et des retraités. Personne ne veut de votre réforme, qui ne prend pas en compte la pénibilité du travail, qui rend illusoire le droit à la retraite à soixante ans à taux plein et qui répond épargne salariale individuelle - fonds de pension à la française - à ceux qui sont attachés à la répartition. Personne ne veut de votre réforme qui fait supporter 91 % du financement aux salariés. Où est l'effort partagé ? Sûrement pas dans les 16,6 milliards d'euros d'exonération de cotisations patronales que vous accordez aux entreprises sans véritable contrepartie en termes d'emploi. Sûrement pas non plus lorsque vous allégez l'ISF alors que les trente-neuf principaux patrons cumulent une rémunération intégrale de 7,4 millions d'euros, soit 554 fois le SMIC ! Sûrement pas quand la part des revenus du capital dans la valeur ajoutée passe de 30 % à 40 % ces dernières années.
    Véritablement, monsieur le ministre, vous avez fait le mauvais pari. Votre réforme vise seulement à remodeler profondément et durablement les structures de notre société pour mieux l'adapter aux exigences d'une construction européenne inféodée aux règles du capitalisme mondialisé.
    Seuls les intérêts du MEDEF sont saufs avec cette réforme - l'interview de M. Sellière aujourd'hui, dans un journal du matin, le montre bien -, mais n'est-ce pas là pour vous l'essentiel ? D'autres solutions existent, c'est notre conviction. Nous ne sommes pas les seuls à les préconiser, par conséquent vous ne pouvez ni les ignorer ni les décrédibiliser. Ces propositions que nous portons cherchent à garantir le fondement de notre système de retraite par répartition et son architecture. Par ailleurs, elles visent à assurer un haut niveau de pension, en affirmant le droit à la retraite à taux plein à soixante ans, afin de permettre à chaque retraité de vivre dans la dignité la troisième partie de son existence par l'obtention de pensions au minimum à 100 %, et non 85 %, pour les salariés au SMIC, soit 4 millions de personnes. Elles prennent en compte l'évolution du mode de vie, des conditions du passage de la vie active à la retraite, de l'espérance de vie, des besoins et des aspirations des retraités. Elles expriment la reconnaissance des droits qu'ils et elles ont acquis par leur contribution passée au développement de la richesse nationale et par leur apport présent à la société. Ainsi, les réformes nécessaires du financement des retraites, incitatives à l'augmentation de la masse des richesses produites et dissuasives à l'accumulation considérable des profits financiers - la bulle financière dont vous ne parlez jamais ! -, offriraient les moyens potentiels de leur mise en oeuvre. Elles sont indissociables de l'exigence d'une politique orientée vers la construction d'un nouveau système de sécurité d'emploi et de formation.
    Le premier axe de ces propositions est de rompre avec la régression du pouvoir d'achat. La suppression, par les mesures Balladur de 1993, de l'indexation des retraites du régime général sur les salaires et son remplacement par l'indexation sur les prix a rompu le lien de solidarité intergénérationnelle qui est à la base du système par répartition. De même, l'application des accords AGIRC-ARRCO sur les retraites complémentaires de 1993, 1994 et 1996 a fortement amplifié cette tendance, répercutant une baisse des pensions de 12 %. Les prélèvements sur les retraites, institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre, puis le plan Juppé, ont été au total - cotisation maladie, CSG, CRDS - multipliés par deux et demi entre 1993 et 1997. Ils représentent annuellement près d'un mois de retraite nette. Ainsi, bien loin d'être des « nantis », les retraités sont parmi les oubliés de la croissance. Il y a donc une urgente nécessité à inverser la tendance. Pour cela, nous proposons notamment l'indexation des retraites sur l'évolution moyenne des salaires bruts ; la garantie d'une retraite totale au moins égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années de la carrière dans le secteur privé ou du traitement indiciaire brut des six derniers mois pour le secteur public ; la prise en compte, pour établir le montant des pensions de retraite, de la totalité des rémunérations, primes et heures supplémentaires comprises. Nous proposons aussi d'augmenter significativement les basses retraites, notamment le minimum contributif, qui, à sa création en 1983, représentait 63 % du SMIC brut, alors qu'il n'en représente plus aujourd'hui que 45 %, et la pension de réversion en modifiant ses règles d'attribution et en portant son taux à 60 %.
    Le deuxième axe de nos propositions est de garantir le droit à la retraite à taux plein à soixante ans. Je l'ai dit, les mesures Balladur ont pour effet une diminution importante du niveau des pensions, d'autant que les carrières incomplètes, proportionnellement amputées, sont sanctionnées une seconde fois par une décote supplémentaire par trimestre manquant. Des pénalités du même ordre s'appliquent aux retraites complémentaires, l'abattement pouvant atteindre 22 % à soixante ans. Pour corriger ces mauvais effets, nous proposons d'abroger, bien sûr, les dispositions de 1993 et d'assurer le droit et la possibilité de partir à la retraite à taux plein, à soixante ans au plus tard, avec trente-sept annuités et demie. Et pour cela, les périodes non travaillées tels les études, les contrats d'insertion, la recherche d'un premier emploi, les périodes de chômage et les fins de droits doivent être validées gratuitement comme annuités. Il faut ajouter à cela la suppression de toute décote des pensions, dont il faut abandonner le principe même.
    Il convient aussi de prendre la mesure des situations particulières. Les femmes et les hommes ayant exercé des travaux pénibles ou contraignants doivent pouvoir faire valoir leur droit à la retraite à taux plein dès cinquante-cinq ans. Tout salarié après quarante ans de cotisation - beaucoup d'entre eux ont exercé des métiers pénibles et ont commencé à travailler tôt - doit pouvoir immédiatement, à sa demande, comme l'ont proposé les groupes communistes au Sénat et à l'Assemblée nationale avec Alain Bocquet, obtenir sa retraite à taux plein sans attendre son soixantième anniversaire. Les personnes ayant ou ayant eu à charge un enfant ou un adulte handicapé, ou une personne âgée dépendante, ne doivent pas être pénalisées dans leur constitution de carrière. Telles sont les principales dispositions de justice sociale et d'efficacité économique que nous aurons l'occasion de défendre devant vous, parmi d'autres encore. Bien sûr, vous nous répondrez - vous l'avez d'ailleurs déjà fait, monsieur le ministre - que ces mesures ont un coût. Je trouve cette remarque mal venue de votre part, car vous-même n'assurez pas le financement de votre propre réforme.
    M. Alain Néri. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. Vous repoussez le traitement de la question du financement à 2008 en prévoyant, en tout et pour tout, d'augmenter le taux de cotisation vieillesse de 0,2 % au 1er janvier 2006, ce qui rapportera un peu plus de 900 millions d'euros, soit 1 % du besoin de financement global des retraites à l'horizon 2020. Pariant sur un taux de chômage de 5 %, vous chiffrez le besoin de financement supplémentaire des retraites du régime général à 9,8 milliards d'euros, ce qui représente environ trois points de cotisation. Si le taux de chômage restait à son niveau actuel de 9 %, le besoin serait de plus de 13 milliards d'euros et exigerait une augmentation conséquente des cotisations. Vous estimez pouvoir atteindre ce taux de chômage de 5 % grâce à votre politique d'allégement et d'exonération des cotisations patronales. Vous estimez que les cotisations chômage excédentaires pourraient alors être affectées au financement des retraites. Mais c'est un marché de dupes, encore une fois !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Non !
    M. Maxime Gremetz. L'expérience montre que les politiques d'exonération des cotisations patronales n'ont jamais eu un impact important sur la création d'emplois.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Bien sûr que si !
    M. Maxime Gremetz. Enfin, je note qu'il est pour le moins paradoxal, alors que vous n'avez de cesse d'insister sur l'urgence à réaliser la réforme avant l'apparition des déficits, de repousser la question du financement de la réforme à 2008, c'est-à-dire précisément au moment de l'apparition des déficits.
    M. Bernard Accoyer et M. Xavier Bertrand, rapporteur et rapporteur pour avis. Mais non !
    M. Maxime Gremetz. Reconnaissez donc, monsieur le ministre, que l'équilibre financier n'est pas assuré par votre réforme,...
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. C'est faux !
    M. Maxime Gremetz. ... car vous refusez de vous attaquer sérieusement au problème et vous vous obstinez à ne pas réformer les cotisations patronales et à ne pas taxer les revenus financiers. Il est plus facile d'imposer aux salariés une nouvelle mise à contribution, plutôt que d'aller chercher l'argent là où il nuit le plus à l'emploi. Cette augmentation du besoin de financement pose avec force le problème de la répartition de la richesse nationale. Sachant qu'en dix ans seulement la productivité du travail a progressé de 26 %, soit en moyenne 2,6 % par an,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Elle a gravement baissé depuis les 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. ... il suffirait d'une augmentation de 2 % en moyenne par an, hypothèse cohérente avec l'histoire du xxe siècle, pour que le financement des retraites soit assuré à un niveau supérieur et pour une période plus longue qu'aujourd'hui. A condition, bien entendu, d'inverser la tendance de ces dernières années où la part des salaires dans la valeur ajoutée s'est fortement dégradée, puisqu'elle est passée de 70 % à 60 %, alors que la part du capital est passée, elle, de 30 % à 40 %. J'attire votre attention, mes chers collègues de la majorité et messieurs du Gouvernement, sur le fait que cette part est très supérieure à celle des Etats-Unis que vous prenez pour modèle.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais non !
    M. Maxime Gremetz. En effet, la part du capital dans la valeur ajoutée n'est que de 33,5 % aux Etats-Unis et de 31,5 % en Grande-Bretagne. Comme vous le voyez, les plus grands capitalistes ne sont pas toujours où l'on croit. Nous sommes à l'évidence devant un véritable choix de société. Quelles orientations devons-nous mettre à jour pour répondre à l'objectif d'un financement supplémentaire pour les pensions de retraite ? Qui doit prendre en charge ce besoin de financement et comment ? Nous avons, bien sûr, quelques propositions claires pour répondre à ces questions et nous sommes satisfaits de voir que nos analyses sont partagées par les organisations syndicales majoritaires et nombre d'associations. Nous pensons, en effet, que notre pays ne pourra assumer une véritable réforme de son système de retraite qu'en s'appuyant sur une vraie politique de l'emploi et des salaires, sur une politique nationale de sécurisation des parcours professionnels et sociaux. Vous n'en parlez pas, monsieur le ministre, mais le chiffre est éloquent : un million de chômeurs en moins, c'est un point de richesse supplémentaire en moins à consacrer aux pensions, et cela représente 20 milliards d'euros.
    Dans cette perspective, nous proposons une refonte globale du financement de notre système de retraite par répartition, et plus généralement de la sécurité sociale, afin de remettre en cause la fuite en avant dans les exonérations de cotisations sociales patronales - 18 milliards d'euros - au moyen d'une incitation sélective à la mobilisation du crédit pour sécuriser l'emploi et la formation, avec les investissements nécessaires. Quand vous dites, monsieur le ministre : « les propositions communistes, cela représente 50 milliards », vous avez parfaitement raison, mais prenez en compte ce que je vous propose de récupérer en contre-partie de ces 50 milliards. Je vous l'ai dit, un million d'emplois supplémentaires, cela fait 20 milliards. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les chiffres officiels. Réformer et élargir l'assiette des cotisations patronales, cela représente 23 milliards d'euros. C'est pourquoi nous proposons une modulation de l'assiette des cotisations sociales patronales. C'est la réforme structurelle la plus importante et qui rend possible le progrès social que les salariés appellent de leurs voeux.
    Comme le disait Alain Bocquet tout à l'heure, la modulation consisterait à faire cotiser plus ou moins chaque entreprise, suivant qu'elle distribue plus ou moins de salaires, relativement à sa « valeur ajoutée globale », c'est-à-dire produits financiers compris.
    Enfin, parce qu'il est inadmissible que la finance soit exclue d'une contribution sociale à la nation, il nous semble obligatoire d'étendre les prélèvements sociaux à tous les revenus financiers. Appliquer aux ménages, sur ces revenus, un taux identique à celui de la cotisation acquittée par les salariés sur leur salaire rapporterait 15 milliards d'euros chaque année au régime général.
    Pour les entreprises et les institutions financières, le prélèvement serait opéré au même taux que celui pesant sur les revenus des ménages aisés, ce qui rapporterait 16,6 milliards d'euros. Vous prévoyez environ 50 milliards d'euros de dépenses. Ce que nous proposons là, ce n'est pas la révolution, c'est le moins qu'on puisse dire, puisque cela représenterait 72 milliards.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas la révolution de 1917 !
    M. Maxime Gremetz. Toucher aux autres revenus qu'à ceux des salariés, notamment à la tranche des 10 % des revenus les plus élevés qui détiennent 50 % du capital, offrirait une ressource supplémentaire pour trouver les 43 milliards que l'on cherche d'ici à 2020. Et ne me répondez pas que les prélèvements sociaux sont trop importants dans notre pays : ils représentent 45 % en France, contre 52 % en Suède et 50 % en Norvège et ils sont sensiblement identiques en Allemagne.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Il y a de nombreux exemples en sens inverse !
    M. Maxime Gremetz. Ne nous racontez pas d'histoire ! Une démarche générale de ce type ne se contente pas de traiter, comme vous le faites, du problème du financement des retraites comme celui d'un gâteau à partager. Elle s'insère au contraire dans une série de réformes structurelles. Monsieur le ministre, vous avez la majorité dans cette assemblée, mais nous sommes la majorité dans le pays ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est une analyse révolutionnaire !
    M. Maxime Gremetz. Soixante-six pour cent des Français disent non !
    M. le président. Monsieur Gremetz, veuillez conclure !
    M. Maxime Gremetz. Soixante-six pour cent de nos concitoyens disent non à votre réforme de régression. Vous qui êtes les partisans, en paroles, du dialogue social, de la démocratie sociale, si vous pensez qu'une majorité est d'accord sur le contenu de cette réforme, vous devriez accepter notre amendement qui vise à soumettre à l'avis du peuple français, par voie de référendum, le contenu de la réforme qui sortira du Parlement. C'est le peuple qui peut lui donner une légitimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et si la majorité de notre peuple dit non à cette réforme régressive, le Gouvernement devra ouvrir de véritables négociations pour entendre et prendre en considération les propositions alternatives des syndicats, des forces politiques et des associations pour une vraie réforme progressiste de notre système de retraite. Vous êtes aujourd'hui au pied du mur : ou le passage en force avec des conséquences imprévisibles pour notre pays et pour notre peuple, ou la sagesse de la démocratie, à vous de choisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Pascal Terrasse. Nous allons écouter des jacasseries !
    M. le président. Evitons les jeux de mots sur les noms de famille !
    M. Denis Jacquat. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, permettez-moi au préalable de vous dire toute ma satisfaction d'être le porte-parole du groupe UMP sur un texte que nous pouvons considérer à maints égards comme historique, Bernard Accoyer l'a dit plusieurs fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. On est fier de ce qu'on peut !
    M. Denis Jacquat. Ce mot est souvent galvaudé, mais il caractérise pourtant bien ce que nous sommes en train de vivre, car ce projet de loi constitue la plus grande réforme de notre système de retraite depuis la création de la sécurité sociale au sortir de la guerre.
    Historique par son ambition : il couvre en effet aussi bien le régime général, les régimes dits alignés, que ceux de la fonction publique. Mais surtout, il enclenche un processus d'adaptation et de révision en continu, car la réforme des retraites doit être assumée par le corps social au-delà des aléas de la vie politique nationale.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien, monsieur Jacquat !
    M. Denis Jacquat. Historique par la méthode employée : ce projet de loi est l'aboutissement d'un dialogue de plusieurs mois mené par le Gouvernement avec l'ensemble des partenaires sociaux. Les discussions ont débuté au mois de janvier. Elles n'ont cessé de se poursuivre depuis, et, à aucun moment, il faut le signaler, elles n'ont été rompues. A cet égard, il faut rendre hommage au sens de la responsabilité de l'ensemble des syndicats, y compris ceux qui, au bout du compte, ont décidé de ne pas approuver la réforme, mais qui ont néanmoins joué le jeu du dialogue.
    M. François Liberti. Pas vous !
    M. Denis Jacquat. Ce texte est historique, enfin, parce que, derrière la réforme des retraites, c'est une certaine vision de la société que nous défendons.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est bien vrai !
    M. Denis Jacquat. C'est ce qui explique sans doute la grande sensibilité de l'opinion publique sur ce débat.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est bien vu !
    M. Denis Jacquat. En réaffirmant notre attachement au régime par répartition, c'est la solidarité que nous défendons.
    M. Jean-Pierre Brard. On est dans la mystification !
    M. Denis Jacquat. Solidarité entre les générations, bien sûr : ce sont les actifs d'aujourd'hui qui cotisent pour les retraités et ce sont, demain, nos enfants qui cotiseront pour notre retraite.
    Solidarité également entre les actifs. Notre système d'assurance vieillesse comporte en effet des mécanismes qui permettent de corriger un certain nombre de situations particulières et d'aléas de carrière résultant d'interruptions d'activité liées au chômage, à la maladie ou à l'éducation des enfants. Il accorde par ailleurs des minima aux assurés ayant perçu, tout au long de leur vie, de faibles rémunérations et atténue les conséquences du travail à temps partiel.
    Ce système-là a fait ses preuves. Il a permis d'augmenter progressivement le niveau de vie des retraités, lequel est actuellement comparable à celui des actifs. La pauvreté a fortement reculé. Le nombre d'allocataires du minimum vieillesse a ainsi été divisé par trois en quarante ans.
    Ce système-là, les Français y sont profondément attachés. La retraite, c'est bien plus qu'un acquis social : c'est le coeur de notre système de solidarité. Or, aujourd'hui, les Français sont inquiets, toutes les études d'opinion le montrent. Ils savent que le système est menacé. Les rapports qui se sont multipliés, les travaux d'experts et, récemment, ceux du Conseil d'orientation des retraites, auquel j'ai la chance de participer depuis sa création, ont permis de dégager sur ce point un consensus que nul ne peut sérieusement contester. Les conditions de l'équilibre ne sont plus assurées, puisque le nombre de ceux qui paient diminue, alors que le nombre de ceux qui touchent augmente. Davantage de retraités, des retraites de plus en plus longues, des actifs de moins en moins nombreux, tels sont les termes de l'équation que nous devons résoudre.
    M. Pascal Terrasse. C'est le rayon vert !
    M. Denis Jacquat. Davantage de retraités, d'abord, puisque l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom va se traduire par une augmentation sensible des départs à la retraite qui de 500 000 passeront à 800 000 chaque année.
    Des retraites de plus en plus longues, ensuite, car, grâce aux progrès de la médecine et à l'amélioration des conditions de vie, le temps de la retraite est de plus en plus long : aujourd'hui à soixante ans, l'espérance de vie est de vingt ans ; en 2040, elle sera de vingt-six ans.
    Des actifs de moins en moins nombreux, enfin, car l'ensemble des pays occidentaux subit une diminution de la natalité.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai !
    M. Denis Jacquat. Le nombre des actifs va donc rapidement baisser.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai !
    M. Denis Jacquat. En effet, alors qu'actuellement il y a un peu plus de deux actifs pour financer la pension d'un retraité, en 2040, il y en aura à peine plus d'un. En quarante ans, le nombre de retraités doublera par rapport à celui des actifs.
    Ces quelques données nous permettent de mesurer l'ampleur du défi. Défi financier, bien sûr, puisque, dès 2006, le régime général devrait être déficitaire et qu'il nous faut trouver 50 milliards d'euros d'ici à 2020, 100 milliards d'ici à 2040.
    M. Jean-Pierre Brard. Trois fois Bettencourt ! (Sourires.)
    M. Denis Jacquat. Défi social, surtout, car si aujourd'hui dix actifs financent quatre retraités, ils en financeront sept demain. Ne rien faire conduirait donc à réduire mécaniquement les pensions de moitié. Voilà ce qu'il faut rappeler à tous ceux que la réforme effraie.
    C'est l'absence de réforme, et non la réforme, qui conduirait à cette immense régression sociale que serait la diminution des pensions. Car, ne nous trompons pas, les grands perdants du statu quo seraient bien évidemment les salariés les plus modestes, ceux qui n'ont pas accès à toutes les formes d'épargne, d'assurance vie, qui permettent de compléter le montant de sa pension.
    Ce scénario de l'inacceptable est défendu - et ce n'est pas le moindre des paradoxes - par ceux qui se présentent pourtant comme les plus farouches opposants de la capitalisation.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Denis Jacquat. Ce paradoxe, tout le monde le perçoit. Des économistes de renom ne se sont pas privés de le souligner dans une tribune publiée récemment dans un grand quotidien du soir : « Chacun doit être bien conscient du coût économique et, à terme, social, d'un nouveau retard. Plus on attend, plus les départs massifs à la retraite commenceront à peser sur les financements et plus ceux qui le peuvent feront le choix d'un système par capitalisation de fait. Bref, ceux qui agitent aujourd'hui le chiffon rouge en prétendant défendre les plus modestes prennent en réalité la responsabilité d'encourager le développement d'un système infiniment plus inégalitaire. »
    M. François Liberti. Oh la la !
    M. Denis Jacquat. Voilà en réalité ce que défendent tous ceux qui demandent aujourd'hui le retrait de la réforme.
    Sur les bancs de la majorité, nous refusons ce scénario, car rien ne serait pire que le statu quo.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur, et M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Denis Jacquat. D'ailleurs, si nous avions des doutes en la matière, il suffirait de se reporter à l'expérience du précédent gouvernement.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est sûr !
    M. Denis Jacquat. Ceux qui nous donnent aujourd'hui des leçons sont les mêmes qui, pendant cinq ans, n'ont rien fait pour sauvegarder le système des retraites, alors même qu'ils disposaient d'une croissance forte leur offrant des marges de manoeuvre supplémentaires. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ils ont gaspillé les fruits de la croissance !
    M. Alain Néri. Et le fonds de réserve des retraites ?
    M. Denis Jacquat. Au total, si l'on regarde le bilan du gouvernement Jospin, on constate que la page est restée blanche. Ce n'est qu'en fin de mandat que vous avez consenti à mettre en place le Conseil d'orientation des retraites, dont les excellents travaux ont servi de base à l'analyse du Gouvernement. Comme quoi, avec un peu d'honnêteté, nous pourrions au moins nous accorder sur le diagnostic.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Bien sûr !
    M. Georges Colombier. Tout à fait !
    M. Denis Jacquat. Quant au fonds de réserve des retraites, créé en 1999, rappelons que c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui l'a officiellement installé. Il a aussi contribué à l'alimenter, alors même que le précédent gouvernement n'avait pas hésité à ponctionner ses ressources par le biais d'usines à gaz, dont il fut le champion, pour couvrir les déficits de sa politique sociale, qu'il s'agisse des 35 heures ou de l'APA.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait ! C'est un hold-up !
    M. Denis Jacquat. Comme quoi, les retraites n'étaient définitivement pas sa priorité.
    M. Pascal Terrasse. Quelle mauvaise foi !
    M. Denis Jacquat. Je tiens à rappeler publiquement que le fonds de réserve, que j'ai défendu ici même en tant que rapporteur, n'est pas une solution miracle : il ne permet pas de s'affranchir de tout effort de réforme.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est un cache-misère !
    M. Denis Jacquat. C'est un fonds de lissage qui doit permettre de prendre en charge une partie du financement des retraites, mais uniquement à partir de 2020. Le problème du financement reste donc entier jusqu'en 2020.
    Pour donner le change, le précédent gouvernement a multiplié les groupes de travail, les rapports, plus ou moins complaisants pour certains : rapport Charpin en 1999, rapport Balligand-Foucaud la même année, rapport Teulade en 2000, rapport Taddei...
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Quelle avalanche !
    M. Jean-Pierre Brard. Le rapport Taddei est excellent !
    M. Denis Jacquat. Les rapports se sont ainsi accumulés, mais avec les mêmes résultats : des déclarations d'intention, puis plus rien ! Tout projet de réforme a été systématiquement repoussé à plus tard. Nous savons aujourd'hui ce que cet immobilisme a coûté au précédent gouvernement.
    M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
    M. Denis Jacquat. Champion de l'inaction pendant cinq ans, le parti socialiste tente aujourd'hui de rattraper ce retard.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Il a du mal !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est impossible !
    M. Denis Jacquat. Ce qu'il n'avait pas réussi à faire au pouvoir, il y serait soudain parvenu dans l'opposition. Malheureusement pour vous, les effets de manche pendant les congrès...
    M. René Couanau. Personne n'y croit !
    M. Denis Jacquat. ... n'ont jamais tenu lieu de politique et encore moins de réforme crédible.
    M. Alain Néri. Vous en savez quelque chose !
    M. Denis Jacquat. Comment vous croire lorsque vous proposez aujourd'hui de revenir sur la réforme Balladur, alors que, pendant cinq ans, vous n'y avez jamais touché ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Bien sûr, c'est évident !
    M. Denis Jacquat. Comment les Français pourraient-ils être convaincus par votre projet alternatif, alors que vous n'hésitez pas à dire aujourd'hui le contraire de ce que le chef du gouvernement que vous souteniez annonçait hier ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Eh oui !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Ça ne les gêne pas !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est comme lorsqu'ils annoncent qu'ils ne feront pas d'obstruction mais quittent l'hémicycle quand un quorum est demandé !
    M. Denis Jacquat. A ce propos, je suis très heureux que vous soyez tous guéris de votre entérite, car vous avez disparu très vite tout à l'heure !
    M. Jean-Pierre Brard. Pour d'autres, c'est Alzheimer !
    M. Denis Jacquat. Les crises d'amnésie sont fréquentes en politique. Permettez-moi de vous rappeler quelques-uns des propos qu'a tenus Lionel Jospin, lors du discours qu'il a prononcé le 21 mars 2000, sur l'allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires.
    M. Edouard Landrain. C'est cela !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très important !
    M. Denis Jacquat. « Quant à l'allongement de la durée de cotisation qui permettrait de réduire sensiblement le besoin de financement du régime, il garantirait les retraites des fonctionnaires, sans accroître la charge pour la collectivité. Il s'agirait là, et cet élément est essentiel, d'une approche qui préserverait le niveau de vie des actifs comme celui des retraités. »
    M. René Couanau. Eh oui !
    M. Denis Jacquat. « Elle pourrait être analysée comme un rapprochement entre les situations des agents de la fonction publique et des salariés du privé. » C'est ce que disait votre maître, Lionel Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. A tout pécheur, miséricorde !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Le groupe socialiste n'a pas applaudi !
    M. Denis Jacquat. J'aimerais que les responsables du parti socialiste nous disent, ainsi qu'à l'ensemble des Français, quelle est leur position sur l'allongement de la durée de cotisation dans la fonction publique.
    Comme le déclarait le groupe d'économistes dans la tribune que j'ai déjà évoquée « être en minorité n'autorise pas de s'affranchir de toute éthique démocratique ».

    M. René Couanau. Eh oui !
    M. Denis Jacquat. « Le travail de l'opposition ne consiste pas à dire systématiquement le contraire de ce que l'on fera, voire de ce que l'on pense. »
    M. René Couanau. C'est dur !
    M. Denis Jacquat. Mais surtout, comment accepter de recevoir de votre part des leçons de dialogue social alors que votre gouvernement a fait passer en force les 35 heures,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait !
    M. Pierre Cohen et M. Pascal Terrasse. Trois ans entre la première et la deuxième loi !
    M. Denis Jacquat. ... a mis à mal le paritarisme et a vu le départ des représentants des employeurs des conseils d'administration des caisses de la sécurité sociale ? Au nom de quoi certaines organisations syndicales qui ont fait avec nous le pari de la réforme seraient-elles stigmatisées et attaquées...
    M. Jean-Pierre Brard. Stigmatisées par leurs adhérents !
    M. Denis Jacquat. ... et celles qui ont fait le choix inverse applaudies ?
    M. Pascal Terrasse. Lisez Le Monde de ce soir !
    M. Denis Jacquat. Après n'avoir cessé de nous promettre un contre-projet, vous avez été obligés de revoir vos ambitions à la baisse, vous en tenant à des contorsions et à des anathèmes. Cette hypocrisie n'est au fond que le reflet de la faiblesse de votre opposition qui a été soulignée cruellement, y compris dans vos rangs. En effet, depuis quelques semaines, les déclarations en faveur de la réforme se sont multipliées. Toutes soulignent, premièrement, la nécessité de la réforme, deuxièmement, le caractère juste du texte que nous proposons.
    M. Jean-Pierre Brard. Qui par exemple ?
    M. Denis Jacquat. Très bonne question ! Parmi ces personnalités figure un ancien Premier ministre, Michel Rocard,...
    M. Jean-Pierre Brard. Un relaps !
    M. Denis Jacquat. ... qui, dans une interview à France-soir, le 28 mai dernier, qualifiait « d'extrêmement dangereuse » la demande d'un retrait du texte, estimant : « Cette réforme est indispensable pour éviter la baisse des pensions que personne ne souhaite. Dans les conditions actuelles, je ne vois pas comment aboutir à un texte moins douloureux. »
    Même position de Jacques Attali qui, dans une interview au Parisien datée du 1er juin 2003, estime que « le retrait de la réforme serait désastreux pour la République, car cela signifierait que c'est la rue qui gouverne ».
    M. Pascal Terrasse. Vous n'avez que des références à gauche, finalement !
    M. Denis Jacquat. Quant à vos propositions alternatives, elles ne parviennent même pas à convaincre vos propres troupes. J'en veux pour preuve les propos de l'un de vos anciens ministres, Bernard Kouchner, qui siégeait il n'y a pas longtemps sur les bancs du gouvernement : « Les propositions de la gauche me semblent des propositions poudre aux yeux » et : « Sur le fond, j'ai le sentiment que nous sommes du côté de l'immobilisme ».
    M. Pascal Terrasse. Vous n'avez pas beaucoup de références à droite ! Parlez-nous de MM. Thomas et Madelin !
    M. Denis Jacquat. Bernard Kouchner...
    Bernard Accoyer, rapporteur. Il connaît bien la question !
    M. Denis Jacquat ... vient même de déclarer à l'hebdomadaire Le Point : « Il y a, à gauche, une culture du mensonge politique qui me dépasse. »
    M. Jean-Pierre Brard. Il cherche un maroquin ! Je suis sûr, monsieur le ministre, que si vous lui en proposez un, il entre au Gouvernement !
    M. Denis Jacquat. Vous vouliez des exemples : à cette longue liste, il faut ajouter Jacques Delors qui, à propos du projet de loi, déclarait : « Si j'étais aujourd'hui député, je le voterais ». On ne saurait être plus clair !
    M. Pascal Terrasse. Il n'a jamais été député !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas à la portée de tout le monde de se faire élire !
    M. Edouard Landrain. Vous en savez quelque chose !
    M. Denis Jacquat. Ils sont KO debout !
    Bien sûr, la réforme suscite des inquiétudes, des interrogations et même des peurs. Nous nous y étions préparés. Le Gouvernement savait que s'attaquer au dossier des retraites ne serait pas facile, car si tout le monde comprend en théorie la nécessité d'une réforme, il est toujours très difficile d'en apprécier les conséquences à titre individuel.
    M. Jean-Pierre Brard. Les gens apprécient très bien !
    M. Denis Jacquat. Le Gouvernement a été sensible à ces inquiétudes : des modifications importantes ont été apportées au texte initial, en concertation avec les partenaires sociaux.
    M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !
    M. François Liberti. Avec le MEDEF !
    M. Denis Jacquat. Un important travail de pédagogie a été entrepris auprès des Français pour expliquer la réforme. L'ensemble des parlementaires de l'UMP a mené sur le terrain des actions pour rassurer nos administrés, parfois mal informés.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !
    M. Denis Jacquat. Le débat parlementaire doit être l'occasion d'éclaircir à nouveau les points qui pourraient demeurer ambigus, et nous y contribuerons.
    Ces inquiétudes, ces manifestations d'hostilité doivent-elles pour autant nous contraindre à retirer notre texte, comme certaines, à gauche, n'hésitent pas à le proposer ? Certainement pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Autiste !
    M. Denis Jacquat. Je l'ai déjà dit, rien ne serait pire pour les Français que l'absence de réforme. Mais reculer, ce serait aussi donner de notre pays une piètre image, celle d'un pays définitivement incapable de se réformer et de dépasser les intérêts catégoriels au profit de l'intérêt général.
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est bien vrai !
    M. Denis Jacquat. Comment pourrait-on expliquer que la France soit le seul des pays européens confrontés à la même situation démographique à échapper à la réforme ? Comment, surtout, pourrait-on préserver la compétitivité de notre pays, donc nos emplois, si nous avons les durées d'activité hebdomadaire et annuelle et de vie active les plus faibles d'Europe ?
    M. Jean-Pierre Brard. Et alors ?
    M. Denis Jacquat. Notre productivité, déjà mise à mal par les 35 heures, ne nous permet pas de cumuler ces handicaps. Ne nous leurrons pas : si nous ne réformons pas notre système de retraite, c'est toute la machine économique et sociale qui en subira les conséquences.
    M. Jean-Paul Anciaux. Tout à fait !
    M. Denis Jacquat. Face à ce défi, nous faisons preuve d'humilité.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quel discours ! C'est du grand Jacquat !
    M. Denis Jacquat. La réforme ne propose pas de solutions miracles ; elle exige, c'est vrai, un effort collectif.
    M. François Liberti. C'est faux !
    M. Denis Jacquat. La réforme ne propose pas non plus de résoudre tout, tout de suite. Comme l'a clairement annoncé le Premier ministre le 3 février devant le Conseil économique et social, l'objectif est 2020. En revanche, nous posons les bases d'une évolution en douceur, d'une réforme par étapes qui permet de ne pas pénaliser tous ceux qui sont proches du départ à la retraite et qui ne doivent pas voir les règles du jeu modifiées brutalement.
    La réforme ne propose pas de solutions préfabriquées. C'est une réforme ajustable. Des rendez-vous sont prévus, afin de pouvoir régulièrement évaluer ses effets et tenir compte des évolutions démographiques et économiques qui pourraient modifier certains paramètres.
    Mais la réforme repose sur un engagement fort : le choix fait par le Gouvernement de maintenir un haut niveau de pension et de mettre ainsi un terme à la dégradation inévitable du taux de remplacement induite par les évolutions démographiques.
    La meilleure garantie pour assurer un haut niveau de retraite sans faire peser une charge excessive sur les actifs est l'allongement de la durée de cotisation. Cet allongement sera progressif et concernera, dans un premier temps, uniquement la fonction publique. En outre, cet allongement ne remet pas en cause la possibilité de liquider sa retraite à 60 ans dans le privé ou, selon les catégories, dans la fonction publique.
    Travailler un peu plus pour recevoir autant, voire plus : tels sont les termes du contrat que propose la réforme. A carrière complète, elle garantit le maintien du niveau des pensions.
    M. Jean-Pierre Brard. Mystification !
    M. Denis Jacquat. Ce choix est celui qu'ont fait l'ensemble de nos voisins européens.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Denis Jacquat. A titre d'exemple, en Allemagne, pour les générations nées à partir de 1937, l'âge légal de départ à la retraite a été fixé à soixante-cinq ans, de même qu'en Suède.
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà une belle réforme !
    M. Denis Jacquat. Pour tous ceux qui critiquent la réforme, je rappelle que, avec l'allongement proposé par le projet de loi, la France conservera, comme le dit fort justement François Chérèque, « le régime de retraite le plus favorable d'Europe ».
    M. Pascal Terrasse. Un régime au pain sec et à l'eau !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez plomber définitivement Chérèque !
    M. Denis Jacquat. Pas du tout. Lui-même et son père sont des gens extrêmement bien.
    M. Jean-Pierre Brard. Si vous le dites !
    M. Denis Jacquat. En plus, ce sont des Lorrains. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous l'achevez ! Vous êtes sans pitié !
    M. Denis Jacquat. Ce choix est aussi celui de la préservation de notre compétitivité, et donc celui de l'emploi. L'augmentation des cotisations sociales, c'est-à-dire la hausse des prélèvements obligatoires, préconisée par certains, ne manquerait pas d'avoir des conséquences désastreuses sur l'emploi et la croissance, alors que nos entreprises vont devoir affronter, dans les prochaines années, la concurrence des nouveaux pays européens où le coût du travail est moins élevé que dans notre pays.
    Ce choix, enfin, est celui de la préservation du pouvoir d'achat. Les socialistes oublient de rappeler que la hausse des prélèvements aurait un impact important sur le pouvoir d'achat des actifs, en particulier sur les bas salaires.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vrai !
    M. Denis Jacquat. Si les personnes qui disposent de hauts revenus peuvent protéger leur niveau de vie face à une hausse des prélèvements, ce n'est pas le cas des bas salaires, pour qui cela se traduit par une baisse des possibilités de consommation. Quant à l'augmentation de la CSG, elle pénaliserait, de surcroît, les retraités qui y sont soumis et entraînerait une diminution des pensions.
    Quant à faire croire que la solution miracle réside dans la taxation des entreprises, c'est entretenir les Français dans l'illusion qu'il existe un trésor caché permettant une réforme indolore.
    D'abord, ces recettes ne permettraient pas de couvrir les besoins de financement.
    Je rappelle que ces besoins vont augmenter de quatre points de PIB alors que les profits des entreprises ne représentent que 1 % de celui-ci. Le problème ne peut donc être réglé ainsi.
    Ensuite, je le répète, quelle serait la sécurité d'un système de retraites basé sur des recettes aussi fluctuantes et mobiles que les bénéfices des entreprises ? Pour financer les retraites, il faut des recettes stables et pérennes.
    Enfin, taxer les profits des entreprises, c'est réduire d'autant leur capacité d'investissement.
    Mais, au-delà de ces arguments, l'allongement de la durée de cotisation répond aussi à la nécessité de garantir l'équité. En effet, comment peut-on espérer assurer la survie d'un système dans lequel, à tâche et qualification égales, certains doivent travailler deux ans et demi de plus pour un même niveau de pension ? Les Français l'ont bien compris, dans leur grande majorité, qui réclament l'égalité de traitement en matière de durée d'assurance.
    Bien entendu, cet allongement de la durée de cotisation suscite une certaine inquiétude, en particulier chez les salariés du privé qui sont aujourd'hui, passé 50 ans, souvent poussés vers la sortie. Les dernières années de vie active se résument trop souvent à une période de chômage suivie de la préretraite. La France fait d'ailleurs en la matière figure d'exception puisque son taux d'activité des plus de 50 ans est le plus bas d'Europe. Cette logique n'est plus soutenable à terme car, du fait de l'évolution démographique, les entreprises vont être rapidement confrontées à un vrai problème d'encadrement. Le Gouvernement s'est clairement engagé à relever le taux d'activité. Plusieurs dispositions figurent d'ores et déjà dans le projet de loi : recentrage des préretraites sur les métiers à forte pénibilité et en cas de restructurations, assouplissement des règles de cumul emploi-retraite, report à 65 ans de la mise à la retraite par l'employeur.
    M. François Liberti. Et les CDD ? Et les exonérations de charges ?
    M. Denis Jacquat. Mais la priorité des priorités, c'est de favoriser l'accès à la formation professionnelle pour faire en sorte que, après 50 ans, un salarié ait toujours la possibilité d'adapter ses compétences, d'acquérir de nouvelles connaissances : bref, qu'il cesse d'être vu, comme c'est le cas trop souvent aujourd'hui, comme trop cher, pas assez réactif.
    Mes chers collègues, il faut en finir avec le paradoxe selon lequel à cinquante-cinq ans on est un salarié âgé et usé, et à soixante ans un jeune retraité dynamique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Denis Jacquat. Bien entendu, l'allongement de la durée d'activité doit également offrir des possibilités d'évolution. Je pense, en particulier, à la fonction publique où, trop souvent, la fin de carrière est mal vécue parce qu'elle ne permet plus d'évolution. C'est pourquoi, si l'on veut encourager les fonctionnaires à travailler plus longtemps, il convient de développer les secondes carrières, afin de leur donner de nouvelles perspectives. Cela est particulièrement nécessaire pour les enseignants, souvent confrontés à une certaine lassitude en fin de carrière et dont beaucoup aspirent à faire autre choses.
    Les statuts de la fonction publique sont aujourd'hui trop cloisonnés : plus de souplesse est nécessaire.
    Il faut également avancer vers une certaine prise en compte de la pénibilité. Ce dossier est difficile et aucun pays n'a, pour le moment, réussi à mettre en oeuvre une réforme sur ce critère.
    M. Jean-Pierre Brard. Le MEDEF va changer ça !
    M. Denis Jacquat. Sur quels critères objectifs doit-on fonder l'appréciation de cette pénibilité et quelle réponse faut-il lui apporter ? Il est clair qu'un droit au départ précoce ne saurait consituer la seule réponse possible.
    M. Patrick Roy. Mais cela en est une !
    M. Denis Jacquat. La méthode choisie par le Gouvernement, celle du dialogue social (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)...
    M. Patrick Roy. C'est de l'humour ?
    M. Denis Jacquat. ... me semble la plus appropriée pour traiter de cette question qui, il faut le reconnaître, constitue une attente forte des Français.
    Si l'allongement de la durée de cotisation est au coeur du dispositif de sauvetage du système de retraite, il ne saurait, à lui seul, résumer le projet de loi qui ne se contente pas d'une approche comptable.
    M. Patrick Roy. Eh si !
    M. Denis Jacquat. Au contraire, les améliorations sont nombreuses. D'ores et déjà, les salariés sont conscients de ces avancées (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), curieusement passées sous silence par la gauche alors qu'elles figuraient pourtant dans le programme de la campagne présidentielle du candidat Jospin. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Roy. Vous l'avez mal lu !
    M. Pascal Terrasse. Certes, mais il n'a pas été élu. Cela ne vous a sans doute pas échappé.
    M. Denis Jacquat. Ma référence est l'Hebdomadaire des socialistes de février 2002.
    A l'époque, vous vous engagiez à défendre le sort de ceux qui ont commencé à travailler tôt, à prendre en compte les primes des fonctionnaires, à protéger les plus fragiles : autant d'éléments que l'on retrouve dans le projet de réforme du Gouvernement, ce qui n'est pas sans susciter une certaine gêne de votre part.
    Il y a donc, d'abord, la garantie d'une retraite minimale pour les salariés qui ont accompli toute leur carrière au SMIC. Aujourd'hui le taux de remplacement est de 81 %. Sans réforme, il tomberait à 60 % en 2020. Le projet de loi prévoit un objectif de 85 % du SMIC à l'horizon 2008, grâce à une revalorisation du montant du minimum contributif. J'indique pour mémoire que j'avais rappelé l'an dernier, au nom de l'UMP, devant cette assemblée, l'injustice qui caractérisait le minimum contributif par rapport au minimum vieillesse. L'UMP se fait un point d'honneur de réaliser ce qu'elle promet.
    Une deuxième avancée majeure est constituée par la prise en compte des carrières longues. Il n'y a pas si longtemps, nous avons eu l'occasion d'en débattre lors de l'examen de la propostiion de loi de nos collègues communistes. Les années précédentes, surtout l'an passé, en commission comme en séance publique, j'avais indiqué, au nom de l'UMP, que cette disposition serait intégrée dans le texte de réforme des retraites prévu en 2003. Là encore, l'UMP est fidèle à ses engagements.
    La possibilité d'un départ anticipé pour tous ceux qui ont commencé à travailler très jeunes est une demande forte, à laquelle il n'a jamais été répondu. Désormais, et dès lors qu'ils bénéficieront de la durée d'assurance nécessaire, les salariés qui auront commencé à travailler dès quatorze, quinze ou seize ans pourront partir à taux plein entre cinquante-six et cinquante-neuf ans.
    M. François Liberti. C'est faux ! Pas tous !
    M. Denis Jacquat. Troisième avancée notable : la suppression des inégalités entre mono-pensionnés et pluri-pensionnés.
    Aujourd'hui, en effet, ces derniers sont pénalisés par l'application de la règle des meilleures années. Il s'agit d'une situation que je n'avais cessé de dénoncer comme rapporteur de l'assurance vieillesse sous la précédente législature. Elle concerne notamment les commerçants et les artisans qui ont souvent exercé auparavant une activité salariée. Pour ces salariés, l'amélioration de la pension pourrait se traduire par une hausse de 10 à 20 %.
    Il est enfin une dernière avancée, elle aussi réclamée depuis longtemps par les fonctionnaires : la prise en compte des primes. Il est, en effet, prévu la mise en place d'un régime de retraite additionnel obligatoire par répartition, provisionné et par points, qui prendra en compte les primes, dans la limite de 20 % du traitement indiciaire. Des dispositions spécifiques sont par ailleurs prises pour les aides-soignantes. Leurs primes seront prises en compte dans le calcul de leurs pensions à hauteur de 10 % du traitement indiciaire.
    Voilà des avancées concrètes qui mettent à mal la désinformation savamment entretenue de ces dernières semaines sur le projet de réforme.
    M. René Couanau. Eh oui !
    M. Denis Jacquat. Que n'a-t-on pas entendu, en effet !
    Certains des responsables du parti socialiste n'ont pas hésité à affirmer que nous voulions humilier les salariés. Assez de caricature ! Toutes les mesures que je viens d'évoquer montrent bien, comme l'a rappelé François Fillon lors de son audition devant la commission des affaires sociales, que « réforme ne signifie pas régression sociale » et que c'est, à l'inverse, « l'immobilisme qui creuse l'inégalité sociale ».
    Aux côtés de Jean-Paul Delevoye, nous redisons que cette réforme n'est pas dirigée contre les fonctionnaires. Elle vise non pas à dresser une catégorie contre une autre, mais à sauver les retraites de tous.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Et à rassembler !
    M. Denis Jacquat. Au-delà de cette exigence de justice sociale, le projet de loi va également introduire plus de souplesse dans le système afin de permettre aux Français de construire leur retraite de façon plus individualisée. Cela est en effet logique car si, à soixante ans, certains souhaitent continuer à travailler, le système actuel ne les incite pas à le faire. A l'inverse, d'autres, fatigués, aspirent à partir plus tôt, mais la décote les pénalise fortement. Le projet de loi va permettre de répondre à ces demandes puisque, dans le régime général, la décote sera progressivement réduite pour atteindre un taux de 5 %, soit la moitié de celui existant. Parallèlement, sera créée une surcote de 3 % par annuité supplémentaire afin d'encourager les salariés à rester en activité.
    Cela constitue une avancée très significative, car elle s'inscrit pleinement dans la revalorisation du travail, valeur mise à mal sous le précédent gouvernement, et que l'actuel gouvernement et sa majorité ont entrepris de réhabiliter.
    M. Pascal Terrasse. Quel succès : des millions de chômeurs en plus !
    M. Denis Jacquat. Cette volonté s'est déjà traduite par la revalorisation du SMIC, par l'actuelle discussion sur la mise en place du revenu minimum d'activité, par la création des contrats jeunes en entreprise, par la baisse des charges sociales sur les bas salaires, et se traduira demain par une grande mobilisation sur l'emploi des seniors.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Denis Jacquat. C'est donc bien le travail qui est au coeur de la problématique des retraites.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Denis Jacquat. C'est grâce au travail des Français que, depuis cinquante ans, notre système a pu garantir aux retraités un niveau de vie comparable à celui des actifs. C'est grâce au travail des Français que nous pourrons garantir demain les pensions des futures retraités.
    M. Gilbert Biessy. L'orateur a déjà parlé trente minutes !
    M. Denis Jacquat. Mes chers collègues, certains n'ont pas hésité à remettre en cause la légitimité des parlementaires à débattre de ce projet de loi. J'estime, au contraire, que c'est à l'honneur des députés de discuter d'un texte aussi essentiel que celui-ci, qui concerne l'avenir des retraites.
    L'examen du projet de loi en commission des affaires sociales a d'ailleurs montré que nous pouvions encore améliorer le dispositif, en allant plus loin dans le sens de l'équité et de la solidarité. Je pense en particulier aux veuves et aux handicapés.
    En tant que rapporteur de la branche vieillesse de la loi de financement de la sécurité sociale pendant sept ans, je me suis attaché à défendre l'augmentation du taux des pensions de réversion et le relèvement du plafond de cumul pour les conjoints survivants,...
    M. Georges Colombier. Très bien !
    M. Denis Jacquat. ... avec Jean-Luc Préel, Georges Colombier et d'autres, Bernard Accoyer était d'ailleurs toujours présent.
    M. Pascal Terrasse. Il n'était pas là !
    M. Denis Jacquat. Je vous affirme, monsieur Terrasse, que M. Accoyer a toujours été présent lors des discussions sur ces textes !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ils ne savent pas ce qu'ils disent !
    M. le président. Monsieur Jacquat, ayez l'obligeance de conclure.
    M. Denis Jacquat. Le projet de loi comprend une importante réforme de la réversion dans le régime général et les régimes alignés puisque la pension de réversion sera attribuée sans condition d'âge. Par ailleurs, le système sera rendu beaucoup plus lisible et équitable, en remplaçant la double condition de ressources et de cumul par un plafond de ressources. Il s'agit d'une très importante simplification au bénéfice des veuves.
    M. Pascal Terrasse. On va finir le 30 août, monsieur le président !
    M. Gilbert Biessy. Le temps de parole doit être respecté !
    M. Denis Jacquat. Les associations, et plus particulièrement la FAVEC, sont nos interlocuteurs principaux. Continuons à travailler avec eux. Ils représentent plus de 4 millions de personnes qui ont besoin, dans leur détresse morale, d'une sécurité financière.
    La retraite (Protestations sur le bancs du groupe socialiste.)...
    M. le président. On ne s'énerve pas ! Monsieur Jacquat, pouvez-vous terminer ?
    M. Denis Jacquat. Je termine, monsieur le président.
    Je pense que nos collègues sont très énervés parce que, si j'ai bonne mémoire, dans le discours de M. Jospin que j'ai déjà cité,...
    M. Pascal Terrasse. Un excellent discours !
    M. Denis Jacquat. ... et qui avait duré quarante-trois minutes, monsieur Terrasse, il n'y avait pas un mot concernant les conjoints survivants !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait !
    M. Denis Jacquat. Vous l'avez oublié : pas nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Sortis du PACS, ils ne connaissent rien !
    M. Michel Delebarre. Nous voulons Le Garrec !
    M. Pascal Terrasse. Nous allons finir au mois d'août !
    M. Denis Jacquat. La retraite des handicapés vieillissants est également une préoccupation forte de l'UMP. A plusieurs reprises, les années précédentes, j'ai appelé l'attention de la commission des affaires sociales sur ce problème émergent et celle-ci, à l'unanimité, m'a demandé, en tant que rapporteur de l'assurance vieillesse, de faire en sorte que la réflexion soit activée et concrétisée rapidement.
    M. Michel Delebarre. Elle le sera !
    M. François Liberti. Monsieur le président, l'orateur fait de l'obstruction !
    M. Denis Jacquat. En cette année européenne consacrée au handicap, des engagements forts ont été pris par le Gouvernement sur ce dossier. Nous souhaitons que les amendements déposés et adoptés en commission soient votés définitivement en séance publique ou lors de la prochaine loi sur le handicap...
    M. Pascal Terrasse. Cela n'a pas de rapport avec les retraites !
    M. Denis Jacquat. ... et que, là aussi en relation avec les associations concernées, comme l'APF, l'UNAPEI et la FNATH, nous continuions notre travail d'écoute et de solidarité.
    Messieurs les ministres, ainsi que je l'ai souligné en introduction de mon intervention,...
    M. Michel Delebarre. Il y a une demi-heure !
    M. Denis Jacquat. ... chacun d'entre nous a conscience de vivre un moment fort de sa vie de parlementaire.
    La réforme des retraites, le précédent gouvernement en a beaucoup parlé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais c'est le Gouvernement actuel, sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin et sous la conduite de François Fillon et de Jean-Claude Delevoye qui la mènera à son terme.
    Par cette réforme, c'est un pacte pour l'avenir des retraites qui est proposé au pays.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Denis Jacquat. Par cette réforme, nous devons montrer que notre pays est capable de surmonter les intérêts particuliers pour le bien de tous les Français.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. C'est l'enjeu !
    M. Denis Jacquat. Messieurs les ministres, vous pouvez compter sur l'appui des députés du groupe UMP (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour soutenir, à vos côtés, ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Jacquat, j'ai constaté que, comme M. Gremetz, vous aviez une conception extensive du temps de parole. (Sourires.)
    Monsieur Le Garrec, je sais que vous êtes, vous, un vieux parlementaire, un authentique parlementaire qui va respecter le temps qui lui est imparti.
    Je vous donne donc la parole.
    M. Pascal Terrasse. Enfin la vérité !
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, madame la rapporteure...
    M. Michel Delebarre. Quel beau début ! (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. Merci, monsieur Delebarre, de me laisser parler.
    M. le président. Monsieur Le Garrec, ne me chipez pas mon rôle ! (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. Je suis désolé. (Rires.)
    M. le président. J'aime tellement rappeler à l'ordre M. Delebarre !
    M. Michel Delebarre. Quand vous voulez !
    M. Jean Le Garrec. J'ai donc la responsabilité de présenter la position du groupe socialiste et ses orientations, après l'excellente intervention, hier, de Pascal Terrasse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je n'ai pas l'intention de polémiquer avec M. Denis Jacquat.
    M. Jean-Yves Chamard. Très bien !
    M. Jean Le Garrec. Cela n'a que peu d'importance. Je veux seulement lui indiquer que je suis très fier d'avoir travaillé de très près avec ce grand Premier ministre qu'était Lionel Jospin.
    M. Marc Dolez. Très bien !
    M. Jean Le Garrec. Il avait très bien compris que si l'on ne partait pas sur la base d'une analyse acceptée très largement - sauf par le MEDEF, qui n'a pas participé au COR - le débat n'était pas possible. Il avait compris qu'il fallait créer d'urgence le fonds de garantie des retraites par répartition. Il avait compris aussi - c'était la clef - que, s'il ne redonnait pas confiance à ce pays pour l'avenir, en créant deux millions d'emplois, en baissant le chômage d'un million de chômeurs, le débat serait extrêmement difficile.
    Nous avions toutes les raisons de considérer que nous aurions cette responsabilité, lors de la législature qui vient de commencer, mais les Français ne l'ont pas voulu.
    M. Pascal Terrasse. Voilà la vérité !
    M. Jean Le Garrec. Les Français ont choisi différemment, je le regrette. (« Pas nous ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je pense d'ailleurs que, dans les mois à venir, les salariés regretteront de ne pas nous avoir confié cette responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur. Jospin, à la retraite !
    M. Jean Le Garrec. Monsieur Jacquat, ce sera le dernier mot de polémique avec vous.
    J'aborde ce débat avec le respect de ceux qui manifestent, de ceux qui disent leur angoisse ; avec le respect aussi de ceux qui ne manifestent pas, parce qu'ils ne le peuvent pas, mais qui viennent nous voir...
    M. Georges Colombier. Nous aussi !
    M. Jean Le Garrec. ... et discutent avec nous ; avec le respect des jeunes de quarante ans - car, pour moi, ce sont encore des jeunes ! - qui s'interrogent sur l'avenir ; avec le respect des encore plus jeunes qui commencent à manifester leur angoisse, parfois avec violence. C'est d'ailleurs pourquoi j'entre dans cette discussion avec la volonté de refuser toute polémique et de ne pas me prêter au jeu des petites phrases assassines, car cela n'est pas à la hauteur de l'enjeu qui nous rassemblera dans les jours à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Deux grandes structures fondent notre pacte social républicain : d'abord, la sécurité sociale et l'assurance maladie dont nous parlerons à l'automne, mais à propos desquelles nous manifestons déjà nos inquiétudes ; ensuite, le problème des retraites par répartition et de la solidarité entre les générations, mais aussi les garanties statutaires pour les trois fonctions publiques dont nous parlons en ce moment. Ces deux piliers fondamentaux ont été construits au fil des années, au fil des luttes sociales et politiques. Ils sont le produit de toute une histoire, complexe, respectable, forte. C'est d'ailleurs pour cela que je m'interdis tout esprit polémique, par respect pour cette histoire dont je veux témoigner.
    Que disent nos concitoyens ?
    Même s'il faut toujours être prudent en matière de sondages, vous l'avez dit, monsieur le ministre...
    M. Yves Bur. Oh oui !
    M. Jean Le Garrec. ... ils donnent parfois des indications intéressantes. Nous-mêmes, parfois, n'avons pas su les écouter.
    M. Georges Colombier. En effet !
    M. Jean-Paul Anciaux. Alors n'en parlez plus !
    M. Jean Le Garrec. Un sondage indique donc clairement que 47 % des actifs veulent une renégociation alors que 21 % souhaitent le retrait du projet.
    Pourquoi cette non-acceptation ?
    Refus de l'effort ? Balivernes ! La France, si l'on regarde les choses de très près, est le pays qui a fourni l'effort de productivité le plus fort d'Europe. Elle a su, au cours des vingt dernières années, grâce à ceux qui créent la richesse, surmonter de grandes difficultés. Affirmer que les Français refusent l'effort est méconnaître totalement l'histoire de notre pays.
    Non-conscience de la nécessité d'une réforme ? Les Français savent qu'elle est nécessaire. Toutefois, ils s'interrogent sur trois problèmes essentiels : l'emploi, la durée des cotisations et la pénibilité du travail, le futur montant des retraites. Ces trois questions sont à la base de leur angoisse, de leur refus ou de leurs doutes. A cela s'ajoute une interrogation fondamentale : existe-t-il des alternatives à vos propositions, messieurs les ministres ? C'est à cette question que je vais essayer de répondre.
    En ce qui concerne l'emploi, j'accepte, personnellement, l'hypothèse du COR d'un chômage à 4,5 % en 2020. A cet égard, je suis plus volontariste que vous, monsieur le ministre. Par ailleurs, à la différence de M. Accoyer, je ne crois pas que l'inversion des flux démographiques peut avoir un effet mécanique sur l'emploi.
    M. Pascal Terrasse. C'est évident !
    M. Jean Le Garrec. En matière d'emploi, l'ajustement entre l'offre et la demande ne s'opère pas automatiquement. Nous savons tous très bien, en effet, que certaines entreprises, en particulier les plus importantes, font appel aux délocalisations et à la sous-traitance, privilégiant le plan social comme variable d'ajustement. Difficile à contrer, ce procédé leur permet de réaliser des retours sur investissement peu coûteux. Nous vivons aujourd'hui sous la loi du comportement managérial. Je l'ai assez souvent dit dans cet hémicycle, avant et pendant la précédente législature, pour me permettre de le répéter aujourd'hui.
    Les entreprises recentrent, sous-traitent, externalisent. D'ailleurs, les salariés savent très bien, ce qui provoque leur angoisse, que, lorsqu'ils seront âgés, parfois usés, fatigués, leurs capacités de production ne seront plus les mêmes, et l'entreprise n'aura plus qu'une idée en tête, un peu cynique, froide : les pousser dehors. Voilà comment les choses se passent.
    Si je ne crois donc pas à un tel effet mécanique d'ajustement, je crois en revanche à une politique volontariste pour accompagner cette inversion des flux démographiques. Je prends d'ailleurs comme thème majeur ce que le COR suggère lui-même : construire une véritable politique de l'emploi et du travail, autour des questions du vieillissement de la main-d'oeuvre et de la gestion des âges dans les entreprises et les administrations. Cet objectif du COR doit être au centre de toutes nos préoccupations.
    Et vous reconnaîtrez volontiers, monsieur le ministre, qu'à propos des emplois-jeunes, des 35 heures ou de la modernisation sociale, j'ai mené ce débat avec vous. J'ai dit que votre politique n'était pas volontariste et que vous laissiez de côté des pans entiers du problème. Je pourrais dire la même chose à propos du parcours TRACE visant à conduire vers l'emploi des jeunes en difficultés qui en sont les plus éloignés. Je pourrais interpeller sur la formation professionnelle le MEDEF, mais aussi des organisations syndicales. M. Jean-Marie Terrien, président de l'association des directeurs des missions locales, dit que nous oublions notre expérience et, par conséquent, l'essentiel, à savoir ce que nous devons faire.
    Les acteurs économiques détiennent évidemment la clef. Mais le Gouvernement a une obligation en la matière, celle de les interpeller. Je prendrai deux exemples, le taux d'emploi des moins de vingt-cinq ans, que j'ai déjà évoqué, et celui des plus de cinquante ans. Je connais, monsieur le ministre, vos préoccupations, et je les partage. Mais, il y a quelques jours, la sidérurgie annonçait des licenciements à Longwy, à Isbergue, à Mardyck Packaging et à Sollac Atlantique. Or le premier thème repris par les patrons a été la gestion des préretraites. Vous l'avez d'ailleurs fait pour GIAT Industrie, monsieur le ministre.
    M. Pascal Terrasse. Eh oui !
    M. Jean Le Garrec. Je ne vous le reproche pas car je sais que c'est la moins mauvaise des réponses dans la pire des situations.
    M. Etienne Pinte et M. Michel Delabarre. Très bien.
    M. Jean Le Garrec. Vous dites, monsieur le ministre - je vous ai écouté et même relu -, qu'il faut réserver les plans sociaux aux situations où la survie de l'entreprise est en jeu. Faites confiance aux patrons : ils sauront démontrer que c'est chaque fois le cas.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Eh oui !
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait.
    M. Jean Le Garrec. Je pense - et nous en reparlerons - que vous avez commis une erreur en refusant, même si elle était insuffisante, la loi de modernisation sociale (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) car elle ouvrait des pistes de réflexions et de responsabilités nouvelles. C'est difficile et compliqué, je le sais, mais c'est indispensable.
    Nous plaidons, nous demandons, nous voulons un pacte social pour l'emploi ! Nous demandons, nous voulons une autre politique économique, qui privilégie la demande et évite des baisses d'impôts comme celles que vous avez décidées qui n'ont rien ajouté à la croissance économique !
    Mme Martine David. Ça, c'est vrai !
    M. Jean Le Garrec. Exigeons cet effort ! Nous vous en parlerons en permanence, car nous savons que, si la confiance n'existe pas, aucune réforme, messieurs les ministres, ne peut être acceptée. C'est ma première remarque. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Deuxième raison d'opposition : le refus de l'allongement de la durée des cotisations. Après en avoir beaucoup discuté et avoir beaucoup vu et écouté, je sais que, pour 86 % des actifs, la frontière des quarante années, messieurs les ministres, est infranchissable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Très bien !
    M. Jean Le Garrec. Ils ne peuvent pas la concevoir !
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Parce que vous leur avez toujours dit le contraire !
    M. Jean Le Garrec. Ils connaissent, eux, la dureté du boulot, le stress, l'angoisse pour l'avenir, l'accroissement des maladies professionnelles. Et ne nous dites pas comme vous l'avez prétendu, que nous voulons, je ne sais quelle théorie prônant la fin du travail. Ce n'est certainement pas la nôtre, et encore moins la mienne. Ce que nous voulons, c'est une nouvelle réflexion sur l'organisation du travail et la modification structurelle de celui-ci.
    M. Jean-Paul Anciaux. Que ne l'avez-vous fait !
    M. Jean Le Garrec. D'ailleurs, M. Xavier Gaullier, sociologue, spécialiste de l'organisation du travail, considère que le cycle de vie instaurée par la société industrielle se défait peu à peu. Ce qui est vrai pour les salariés du monde industriel l'est aussi de plus en plus pour les services.
    M. Daniel Vaillant. C'est vrai !
    M. Jean Le Garrec. Les maires le savent bien ! Ceux qui travaillent avec les hôpitaux aussi !
    M. Daniel Vaillant. Tout à fait !
    M. Jean Le Garrec. Cette lente destruction est vécue par ceux qui manifestent et par d'autres encore, qui ne manifestent pas, mais qui nous le disent : ils ne peuvent pas concevoir d'aller plus loin que ce qu'ils ont déjà du mal à admettre. Ce refus organise fondamentalement la mobilisation contre vos projets.
    J'ajoute, messieurs les ministres, qu'un article de votre texte est, pour les salariés du privé comme pour ceux de la fonction publique, plus que dangereux. C'est l'article 5, qui instaure un rapport constant entre le nombre d'années de cotisation et la durée moyenne des retraites. Ça, c'est terrible, monsieur le ministre ! D'abord je ferai remarquer que la durée moyenne des retraites masque les inégalités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Delebarre. C'est vrai !
    M. Jean Le Garrec. L'espérance de vie est inférieure à la moyenne nationale de quatre ans pour les habitants du Nord - Pas-de-Calais,...
    M. Michel Delebarre. Tout à fait !
    M. Jean Le Garrec. ... de dix ans dans le bassin du Denaisis, ou du Douaisis.
    M. Jean-Paul Anciaux. Pourquoi n'avez-vous rien fait ?
    M. Jean Le Garrec. Plutôt que de faire de longs discours, je décrirai une caricature de Plantu parue il y a quelques jours dans Le Monde. Ce n'est certes qu'une caricature, mais elle est remarquable par son trait acéré : on y voit, d'un côté, un salarié un peu affolé consulter son médecin qui lui annonce : « Bonne nouvelle, vous allez vivre dix ans de plus ! » et, de l'autre côté, le même salarié écouter son chef d'entreprise qui lui déclare : « Mauvaise nouvelle, vous allez devoir travailler dix ans de plus ! » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pascal Terrasse. Du chantier au cimetière !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Caricature !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est indigne de vous, monsieur Le Garrec !
    M. Jean Le Garrec. Bien entendu, le trait est excessif, monsieur le président de la commission. Une caricature reste une caricature. Pourtant, elle révèle parfois une réalité profonde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    La troisième raison de blocage est la perception des effets de la réforme Balladur. Je reconnais d'ailleurs honnêtement que, nous-mêmes, pas plus que les organisations syndicales, n'en avons mesuré totalement les effets. C'est une erreur de notre part, il faut l'admettre.
    M. Pascal Terrasse. Excellent !
    M. Jean-Pierre Brard. Péché avoué est à moitié pardonné ! (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. Mais notre perception s'affine et on se rend compte que la situation s'aggrave au fur et à mesure que la durée d'années de cotisation s'allonge.
    Pascal Terrasse a dit : « C'est la double peine ! ». La phrase n'est pas de lui, mais de M. Chérèque, auditionné devant notre groupe. Rendons à César ce qui est à César et à M. Chérèque ce qui lui appartient. Voilà la réalité telle qu'elle est vécue ! La formule est dramatique, mais elle est juste.
    M. Raffarin a déclaré - et, pour une fois je suis d'accord avec lui -, que la retraite est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas. Encore ne faut-il pas l'écorner ! C'est la condition essentielle ! Je ne vais pas reprendre le tableau qu'a dressé M. Terrasse ; il figure au Journal officiel et il est parfaitement clair, et explicite.
    J'ajouterai simplement que les femmes sont plus particulièrement concernées : 56 % d'entre elles sont à la retraite - en raison de l'inégalité de durée de vie avec les hommes - et 45 % d'entre elles ont une durée de cotisation inférieure à cent trimestres. Nous savons très bien que le rachat d'années n'est pas possible pour la grande moyenne d'entre elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est pas à leur portée !
    Angoisse, dureté du travail, horizon obscurci ! Comme la sociologue Danièle Linhart, directrice de recherche au CNRS, l'écrit très bien : « Les salariés veulent le respect des règles. Il y a un sentiment de rage, l'impression d'être floué. N'oublions pas que chaque plan social génère son lot de suicides. » (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Cette phrase très forte est à méditer, de même que les mots « rage » et « respect des règles ». Voilà le climat dans lequel nous débattons.
    Existe-t-il des solutions alternatives ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Je vais l'expliciter.
    Cela implique un débat sur le partage des richesses. Là est le fond du problème.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Eh oui !
    M. Jean Le Garrec. C'est là-dessus que porte notre désaccord.
    M. Jean-Pierre Brard. Les richesses des riches en particulier ! (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. La part de capital dans la valeur ajoutée est en France de 40 %, aux Etats-Unis de 33,5 % et en Angleterre de 31,5 %.
    La marge existe pour organiser les formes de prélèvement qui financent le poids croissant des retraites. Cela est d'ailleurs très bien dit par le COR. Entre les années 1960 et 2000, la part des dépenses de vieillesse - pour l'essentiel des retraites - a augmenté de 7 points du PIB.
    M. Patrick Braouezec. Oui, 7 points !
    M. Jean Le Garrec. Entre 2000 et 2040, l'estimation, tenant compte de l'arrêt de la réforme Balladur est de 6,5 points.
    On voit bien que cette possibilité existe. J'ajoute qu'en 2040 le PIB aura doublé.
    M. Jean-Claude Lefort. 3 000 milliards !
    M. Jean Le Garrec. Il devrait atteindre 3 000 milliards, effectivement. Voilà les chiffres, je ne les invente pas, ils sont dans le COR, approuvés par toutes les organisations syndicales.
    M. François Liberti. La majorité ne cite jamais ces chiffres !
    M. Jean Le Garrec. Enfin, le fonds de garantie des retraites par répartition doit être alimenté à 150 milliards d'euros en 2020, et il gomme 1 à 1,5 des 6 points de PIB que j'ai annoncés.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. On en sera loin !
    M. Jean Le Garrec. Nous avons les moyens d'une réflexion différente, souhaitée par beaucoup d'économistes, par la Fondation Copernic, par des hommes de talent et par des hommes parfaitement estimables, qui travaillent en toute indépendance.
    Cette analyse implique trois orientations.
    Premièrement, il faut pérenniser le financement du fonds de garantie des retraites. Cela peut se faire par l'augmentation du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ou, d'une manière encore plus efficace, en ne diminuant pas l'impôt - puisque la baisse de celui-ci n'a aucune conséquence sur l'économie - (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste) et en transférant sur le fonds de garantie les sommes correspondantes.
    M. Patrick Braouezec. Exactement ! C'est un vrai choix de société !
    Mme Martine David. Il ne faut surtout pas baisser l'impôt sur la fortune.
    M. Jean Le Garrec. Deuxièmement, il convient d'engager une négociation syndicats-patronat sur le niveau des cotisations, et, éventuellement, - j'en suis partisan - sur l'élargissement de l'assiette des prélèvements. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez bien vu que se posait là un problème de crédibilité.
    M. Jean-Paul Anciaux. Vous avez bientôt fini de donner des leçons ! C'est incroyable ! Vous avez été cinq ans au pouvoir. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Jean Le Garrec. Vous avez vous-même prévu 0,2 % d'augmentation des cotisations patronales en 2005, et 3 % - par transfert de l'UNEDIC, je vous l'accorde - en 2008. Vous avez bien senti que cela était indispensable. J'ajoute d'ailleurs qu'une hausse du taux des cotisations aurait des effets neutres pour l'entreprise, si elle était compensée par une baisse des dividendes ou des profits improductifs placés sur les marchés financiers, alors que, dans le même temps, l'investissement stagnait. Voilà des pistes, voilà des propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    Troisièmement, il importe d'engager une véritable négociation pour chacune des fonctions publiques - fonction publique d'Etat, fonction publique hospitalière, fonction publique des collectivités territoriales - qui ne peuvent pas être mélangées,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pourquoi faire une différence ?
    M. Jean Le Garrec. ... en particulier sur le niveau des retraites, la pénibilité du travail, l'évolution des métiers, et, bien entendu, le retrait de l'article 29 qui est l'équivalent de l'article 5.
    Messieurs les ministres, vous avez la majorité à l'Assemblée et au Sénat.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous avez été dans cette situation avant.
    M. Jean Le Garrec. Vous pouvez, au terme de ce débat, le temps n'étant pas compté, faire voter ce texte. Mais vous aurez aggravé ce sentiment de rage,...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. De rage ?
    M. Jean Le Garrec. ... et d'impuissance que j'évoquais. Vous aurez créé une véritable fracture à l'intérieur de notre pays. Je vous mets en garde comme un républicain parlant à d'autres républicains : ce sentiment est d'une extraordinaire gravité. Je pèse mes mots.
    Pour conclure sur une note plus optimiste, je ferai référence aux propos de ce grand bonhomme qu'était Bertrand Russell, prix Nobel de littérature. Il a écrit, il y a quelques années, « les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi à la place le surmenage pour les uns, la misère pour les autres. En cela, nous nous sommes montrés bien bêtes. Mais y a-t-il une raison pour persévérer dans notre bêtise, indéfiniment ? ». (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cela fait vingt ans que ça dure !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la position de l'UDF est très claire : partenaire de la majorité, il soutient le projet de réforme des retraites qui constitue un pas important vers la sauvegarde de notre régime de retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Une société se juge, en effet, au moins en partie, à la place qu'elle réserve à ses anciens qui l'ont façonnée. Nous devons donc assurer un haut niveau de pensions.
    Notre système de retraite est au coeur du pacte républicain fondé sur la répartition : solidarité entre les actifs et les retraités, les premiers payant les pensions des seconds, solidarité à l'intérieur d'une même génération et entre les régimes.
    Mais notre système est en péril aujourd'hui, confronté au papy boom avec l'arrivée à l'âge de la retraite à partir de 2005 des générations nombreuses nées en 1945 - 800 000 par an, puis 850 000 arriveront à l'âge de la retraite au lieu de 500 000 - et à l'allongement de la durée de vie d'un trimestre par an.
    Si nous voulons sauvegarder notre système de retraite par répartition, la réforme est donc nécessaire et urgente.
    Trop de temps a été perdu par les gouvernements précédents,...
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est bien vrai !
    M. Jean-Luc Préel. ... excepté celui d'Edouard Balladur en 1993. Que leurs représentants ou leurs soutiens aient la décence de faire preuve de modestie ! Heureusement, certains de leurs leaders reconnaissent le bien-fondé de la réforme. Lionel Jospin avait accepté, à Barcelone, un report de cinq ans de départ à la retraite. Le PS ou le PC ont-ils aujourd'hui un projet ? Il est permis d'en douter après ce que nos venons d'entendre.
    M. Alain Néri. Vous venez de l'entendre. Vous êtes sourds !
    M. le président. Monsieur Néri !
    M. Jean-Luc Préel. Tous les pays européens ont entrepris, et pour la plupart déjà réalisé, les réformes nécessaires.
    La réforme est également l'occasion de corriger de criantes inégalités, qui paraissent aujourd'hui insupportables, s'agissant notamment de l'âge de départ à la retraite, du taux de cotisation, de la prise en compte du salaire de référence.
    Après avoir obtenu l'accord de plusieurs syndicats représentatifs, à l'issue d'une phase d'explication et de concertation, le Gouvernement a présenté au Parlement un projet qui constitue un pas important. Il tend vers l'égalité et comprend de nombreuses améliorations. Mais un autre projet était possible et l'UDF le défendra tout au long des débats. Il propose davantage de démocratie, de justice sociale, de souplesse et une réelle retraite à la carte par points. Bien entendu, l'Etat doit continuer à assurer, par l'intermédiaire du FSV, la solidarité de la nation envers les plus démunis, ceux qui, victimes d'accidents de la vie, n'ont pu cotiser suffisamment.
    Le projet du Gouvernement tend vers l'égalité, premièrement, à travers l'harmonisation des durées des cotisations - elle sera réalisée en 2008, à quarante ans pour le public et le privé - deuxièmement, le partage du temps gagné entre temps de travail et temps de retraite, à deux tiers - au tiers, troisièmement, la mise en oeuvre, à terme, dans le public d'une décote et d'une surcote identique à celle du privé et, quatrièmement, l'indexation pour tous de la retraite sur les prix permettant le maintien du pouvoir d'achat.
    Ce projet comprend de nombreuses améliorations. Parmi celles-ci, on trouve, tout d'abord, la volonté de maintenir un haut niveau de retraite pour permettre à ceux qui ont contribué à la richesse du pays de bénéficier d'un temps de retraite de qualité. La solidarité nationale serait un vain mot si elle négligeait les plus faibles. Nous saluons donc la volonté de garantir aux salariés rémunérés au SMIC une pension de 85 % du SMIC net.
    On y trouve plusieurs autres dispositions intéressantes :
    La diminution de la décote du privé, aujourd'hui fort pénalisante, qui passera ainsi de 10 % par an à 5 % ;
    La prise en compte des carrières longues avec la possibilité de partir à la retraite entre cinquante-six et cinquante-neuf ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre quatorze et seize ans ;
    La prise en compte de la pénibilité grâce à des négociations par branche :
    La création d'une surcote de 3 % par an pour ceux qui continueraient à travailler ;
    La possibilité de rachat de trois années d'études ;
    La création d'une caisse de retraite de fonctionnaires complémentaire basée sur une partie des primes ;
    L'amélioration de la retraite des polypensionnés ;
    L'amélioration de la situation des conjoints survivants : la pension de réversion sera versée sans condition d'âge ;
    L'amélioration du droit à l'information ;
    Le complément de retraite avec le principe de l'extension de la Préfon à tous ;
    L'engagement d'un rendez-vous tous les cinq ans pour envisager les paramètres du financement.
    Toutefois, ce projet comporte également des lacunes. Pour commencer, il ne traite pas des régimes spéciaux dont le besoin de financement en 2020 sera de 13 milliards d'euros par an, laissé à la charge de la solidarité nationale, donc de tous les Français. Aujourd'hui, déjà 8 milliards sont financés par l'Etat.
    On ne peut expliquer aux Français que la réforme concerne tout le monde, en laissant de côté les retraites les plus favorables - en termes d'âge de départ, de taux de cotisation, de calcul de la retraite -, financées par ailleurs par la collectivité nationale. Une partie des Français reste donc à l'abri de l'effort collectif ; ils l'ont si bien compris qu'ils récompensent le Gouvernement en se mettant « en pointe » dans les mouvements de grève... La mise en extinction de ces régimes aurait été une solution acceptable.
    Ce projet, par ailleurs, ne réalise pas totalement l'équité : les taux de cotisation demeurent différents - 10,35 % pour les uns, 7,85 % pour les autres ; l'âge de départ à la retraite à taux plein demeure plus favorable pour certains : cinquante ou cinquante-cinq ans ; même problème s'agissant du salaire de référence pour le calcul de la retraite : les vingt-cinq meilleures années pour les uns, les six derniers mois pour les autres, permettant les promotions « coup de chapeau » ; quant à la décote, elle ne sera identique qu'en 2020 !
    Ces questions, je sais que beaucoup ici les partagent. Il est donc étonnant que je sois le seul, au nom de l'UDF, à les poser.
    Ce projet n'intègre pas les primes dans leur totalité, il ne permet pas le départ de tous ceux qui le souhaitent et ont cotisé quarante ans, il ne donne pas aux partenaires sociaux une réelle autonomie ; enfin, il ne donne pas une réelle liberté de choix avec retraite à la carte.
    Mais il comporte surtout deux défauts majeurs.
    Premièrement, s'il améliore le financement, il n'assure pas totalement l'équilibre financier, sauf à espérer, monsieur le ministre, ce que nous souhaitons tous, une très forte croissance économique et une très forte diminution du chômage. Il est vrai que cette décroissance du chômage sera favorisée - je ne suis pas tout à fait d'accord avec Jean Le Garrec sur ce point - par la démographie liée au baby-boom de 1945. Il faudra sans doute augmenter les cotisations au-delà du 0,2 % prévu aujourd'hui pour 2006 - les 3 % que vous avez déjà évoqués sont une hypothèse fort probable.
    En fait, votre projet semble financer 5,2 milliards sur 15 pour le privé, 13 milliards sur 28 pour le public et ... zéro sur 13 milliards pour les régimes spéciaux : 8 milliards sont déjà financés par l'Etat aujourd'hui et 5 le seront en 2020...
    La recherche d'autres financements, sur la valeur ajoutée, par exemple - solution avancée par beaucoup -, non exempte au demeurant d'une certaine logique, aurait toutefois le défaut de nuire à coup sûr à la compétitivité des entreprises et à l'emploi, et se reporterait à terme sur la consommation. Mais, surtout, ce nouveau financement casserait le principe même de la retraite par répartition, qui repose sur les contributions des actifs pour financer les pensions des retraités. Changer le mode de financement reviendrait à faire de la retraite un système étatique, voire d'aide sociale.
    Il est étonnant que ceux-là mêmes qui insistent, pour s'en féliciter, sur le caractère solidaire de la répartition se proposent, en changeant le mode de financement, de le remettre en question.
    Deuxièmement, ce projet ne démontre pas clairement, alors qu'il propose d'augmenter la durée de la cotisation, comment améliorer « l'employabilité » des plus de cinquante ans, véritable plaie, gâchis personnel, gâchis aussi pour la société qui ne valorise pas la compétence ou l'expérience.
    M. Jean-Pierre Brard. Allons, monsieur Préel, ne faites-vous pas confiance à Seillière ?
    M. Jean-Luc Préel. De profonds changements doivent être envisagés dans les mentalités et les pratiques - formation continue, passerelles, aides diverses. L'engagement des employeurs à cet égard doit être total.
    Enfin, ce projet sur les retraites devrait s'accompagner d'une mise en perspective de la politique familiale à laquelle notre collègue Pierre-Christophe Baguet est particulièrement attaché, ...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la version masculine de Mme Boutin !
    M. Jean-Luc Préel. ... politique essentielle pour l'avenir démographique du pays, et, par voie de conséquence, pour les retraites.
    L'UDF souhaite davantage de démocratie sociale, de justice sociale et de souplesse. Elle avait également avancé une autre méthode. Puisque notre système de retraite est au coeur du pacte républicain, que celui-ci est en péril, que sa sauvegarde concerne tous les Français, nous avions proposé que les Français se prononcent à l'automne 2002, par référendum sur les grands principes...
    M. Alain Bocquet. Vous êtes donc d'accord ! Signez notre motion !
    M. Jean-Luc Préel. Pas aujourd'hui, dès 2002 ! L'UDF avait proposé que les Français se prononcent par référendum sur les grands principes : répartition, équité entre tous les Français, autonomie de gestion, retraite à la carte. L'accord sur ces principes aurait dû être obtenu et la suite aurait été sans doute plus facile : le référendum serait dès lors apparu comme un moment fort de démocratie et aurait permis de trancher.
    M. Maxime Gremetz. Voilà ! Aujourd'hui, on vous en propose un, mais vous avez changé d'avis ! Vous êtes des girouettes, quand même !
    M. Jean-Luc Préel. J'ai entendu notre rapporteur expliquer que cette idée remettrait en cause le rôle des partenaires. Cet argument n'est pas recevable, car le référendum n'aurait tranché que sur les grands principes. Loin de remettre leur rôle en cause, nous voulons donner un réel pouvoir aux partenaires sociaux en leur confiant la gestion des retraites. Car l'UDF souhaite en effet davantage de démocratie sociale.
    M. Maxime Gremetz. Voilà !
    M. Jean-Luc Préel. Nous voulons donner aux partenaires sociaux la place qui leur est due. Ils savent se montrer compétents et responsables dans la gestion de l'UNEDIC et des régimes complémentaires. La retraite, liée au travail et financée par les cotisations salariés et patronales, pourrait être directement gérée par les partenaires sociaux.
    C'est pourquoi nous proposons que la caisse du régime général des salariés, qui ne gère aujourd'hui que les fonds sociaux, ait une réelle autonomie et qu'elle puisse décider des cotisations et des prestations ainsi que de la valeur du point. Ce serait un pas considérable vers davantage de démocratie sociale.
    M. Maxime Gremetz. Bravo !
    M. Jean-Luc Préel. Dans le même esprit, nous souhaitons la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires d'Etat, gérée, là encore, paritairement.
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    M. Jean-Luc Préel. Donner un réel pouvoir, une réelle responsabilité aux partenaires sociaux est à nos yeux essentiel.
    L'UDF souhaite davantage de justice sociale. De réelles avancées existent dans le projet mais nous souhaitons, pour les petites retraites, porter le minimum garanti à 90 % du SMIC net, ce qui n'est pas trop pour un salarié ayant travaillé quarante ans et qui laisse, ce qui nous paraît juste, un petit différentiel entre l'actif et le retraité. Nous demandons également l'intégration des primes dans leur totalité, avec versement de cotisation et correspondant au droit à la retraite ; la possibilité de départ pour tout salarié ayant cotisé quarante ans ; l'obligation de régler d'ici à trois ans, par la négociation au niveau des branches, les problèmes de pénibilité, faute de quoi une loi devrait conclure ; l'extension enfin des possibilités de rachat dans la limite de vingt trimestres au congé parental d'éducation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
    Enfin, l'UDF souhaite davantage de souplesse et aller vers une réelle retraite à la carte. Pour ce faire, nous préconisons un système par points, comme c'est déjà le cas dans les régimes complémentaires. Le conseil d'administration de la caisse, donc les partenaires sociaux, déciderait chaque année de la valeur d'achat et de liquidation du point. Ils seraient donc ainsi pleinement responsables du niveau des cotisations et donc du maintien à un haut niveau de la retraite.
    Les opposants à ce projet font un mauvais procès en expliquant que le système par points diminuerait le niveau des pensions. Cette critique n'est pas recevable : ce sont les partenaires sociaux qui, librement, en fixeraient le montant. Ce système par points permet de prévoir facilement une bonification pour les métiers pénibles, pour ceux qui continuent à travailler au-delà de l'âge légal, pour les mères de famille, pour les accidentés de la vie. Au total, un système par points donne une réelle liberté de choix, permet une retraite à la carte, chacun prenant sa retraite lorsqu'il estime avoir atteint le nombre de points suffisant.
    Enfin, l'UDF souhaite davantage d'équité et se prononce pour l'évolution à terme vers un régime de retraite universel.
    Dans cet esprit, messieurs les ministres, nous déposerons un certain nombre d'amendements. Des amendements d'abord sur les principes qui nous tiennent à coeur : sur l'autonomie de gestion des caisses, sur la retraite par points, sur l'équité entre les Français ressortissants de tous régimes, sur les accidents de la vie. Des amendements également pour améliorer le projet, notamment pour les conjoints survivants : la pension de réversion doit être au minimum du niveau de l'assurance veuvage actuelle, déjà très faible. Elle doit correspondre par ailleurs à un droit acquis au moment du veuvage, sans être remise en cause ultérieurement, notamment tous les ans. Nous demanderons également la mensualisation des retraites agricoles dès janvier 2004, promise par Hervé Gaymard, la prise en compte des années d'aide familial dans l'agriculture et des années d'apprentissage, la possibilité de racheter cinq ans d'études et de congé parental. Un de nos amendements enfin visera à réaliser l'équité, promise de longue date, entre les retraités des divers régimes applicables aux enseignants, un autre la mise en oeuvre effective du complément de retraite de type Préfon pour tous.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est prévu dans le texte !
    M. Jean-Luc Préel. Oui, mais en renvoyant à une nouvelle loi.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait !
    M. Jean-Luc Préel. Nous souhaiterions aller un peu plus vite. Et, pour ce qui est de l'équité entre les enseignants des différents régimes, monsieur le rapporteur, j'espère que vous soutiendrez cet amendement qui nous est très cher, car il permettrait un réel progrès.
    M. Maxime Gremetz. On verra ça !
    M. Jean-Luc Préel. En conclusion, ce projet de loi est indispensable. Il mérite d'être soutenu. Trop de temps a été perdu. Il est urgent de réformer notre système de retraite par répartition si nous voulons le sauvegarder.
    Est-il possible de réformer en France ? Beaucoup se posent la question. Nous espérons que oui. L'Assemblée a la légitimité démocratique pour réformer. Elle a donc tout lieu de délibérer.
    Ce projet de loi constitue un pas important que l'UDF salue. Nous voterons donc pour, en espérant que nos amendements seront retenus. Cette réforme demande du courage politique : n'étant avantageuse pour personne, elle n'est pas facile à entendre.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il faut nous aider !
    M. Jean-Luc Préel. Il est clairement demandé un effort à chacun. Ce n'est qu'à ce prix que nous sauvegarderons l'intérêt de tous. L'intelligence et le courage doivent l'emporter. Ne désespérons pas. Ne laissons pas ceux qui n'ont rien fait lorsqu'ils le pouvaient nous donner des leçons. Ne laissons pas les conservateurs de tous types triompher, arc-boutés sur les avantages acquis. L'intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers. Courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Dans ce débat sur la réforme des retraites, arrêtons-nous plus particulièrement sur la retraite des femmes, parce qu'elles vont être sévèrement touchées, monsieur le ministre, par votre projet. Evoquer de façon générale la question des retraites sans s'attarder sur leur situation, c'est se priver d'arguments essentiels pour démontrer combien votre projet est inacceptable au regard du progrès social.
    Les régimes de retraite ont été construits sur une longue période et, sans revenir sur la période évoquée par mon collègue Jean-Pierre Brard, je rappellerai qu'ils l'ont été sur un modèle : celui de l'homme travaillant à temps plein et sans interruption de carrière, dans un rôle de soutien de famille. L'ordonnance de 1945 parle, ainsi, du « travailleur et de sa famille ».
    Ce système, malgré ses évolutions, se révèle insuffisant pour assurer une retraite correcte aux femmes dans la situation actuelle, et celles-là seront, bien plus que les hommes, pénalisées par votre projet de réforme, d'abord en raison de l'allongement de la durée de cotisation et de la réduction du niveau des pensions amorcés par la réforme Balladur de 1993, ensuite parce que vous allez bouleverser les fondements de ce que l'on appelle communément les avantages familiaux.
    La retraite des femmes est aujourd'hui le reflet amplifié des données de l'emploi au féminin, à savoir, le temps partiel imposé, la précarité, les interruptions de carrière et des salaires globalement inférieurs de 20 % à 25 % à ceux des hommes. Les femmes se retrouvent, au moment de la retraite, bien plus démunies que les hommes. Pour vous en convaincre, je vais vous donner quelques chiffres : 7 % des femmes n'ont pas une carrière complète, 11 % n'ont pas eu de carrière professionnelle du tout. Le revenu moyen mensuel des femmes retraitées, M. Bocquet l'a déjà dit, n'est que de 848 euros par mois ; ce montant est inférieur de 42 % à celui des hommes, qui perçoivent de leur côté 1 461 euros. Les femmes fonctionnaires perçoivent une pension inférieure de 21 % à celle de leurs collègues hommes ; 80 % des femmes vivent avec une pension en dessous du SMIC ; 74 % des femmes sont uni-pensionnées contre 51 % des hommes. Au-delà de 65 ans, 83 % des titulaires du minimum vieillesse sont des femmes. Etre une femme seule et âgée est donc un facteur de pauvreté. En 2015, 52 % des femmes seront des retraitées.
    En fait, elles réunissent rarement plus de trente-deux années de cotisation et, dans leur majorité - plus des deux tiers -, n'arrivent pas à effectuer une carrière complète. Pour cette raison, elles prennent en moyenne leur retraite deux ans plus tard que les hommes afin d'essayer d'élever leur niveau de pension.
    Monsieur le ministre, vous parlez de vous attaquer aux inégalités. J'ai rappelé le pourcentage des femmes qui travaillent aujourd'hui à temps partiel. Qui dit travail à temps partiel dit retraites insuffisantes pour vivre. Et tout ce que vous proposez, c'est qu'elles continuent les petits boulots ou le travail à temps partiel !
    La situation va devenir pire encore puisque le projet promet l'allongement de la durée de cotisation à quarante-deux ans pour 2020. C'est un non-sens quand on sait qu'aujourd'hui, avant le départ à la retraite, 19 % des femmes sont en inactivité et 18 % au chômage. Comment vont-elles faire pour cotiser dix ans de plus ?
    Votre projet prévoit aussi la baisse du niveau des pensions, notamment pour les fonctionnaires, et la possibilité de cumul d'un emploi avec la retraite. Ce sera le sort des salariés - et surtout des femmes - qui auront de faibles revenus et qui devront les compléter en poursuivant leur activité professionnelle.
    Venons-en au deuxième point.
    Sous prétexte d'appliquer le principe communautaire de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, le projet modifie les modalités de la bonification accordée aux femmes fonctionnaires. Cet avantage, qui prenait la forme d'une bonification d'un an par enfant des années de service effectuées est remplacé par une validation des périodes d'interruption ou de réduction d'activité effectivement consacrées à l'éducation d'un enfant ou aux soins donnés à un enfant malade. La période totale ainsi validée pourrait désormais atteindre une durée de trois ans par enfant et être ouverte aux hommes.
    Cette disposition ne fait que renforcer les rôles traditionnels au sein de la sphère familiale. Tout d'abord, en étendant cette disposition aux hommes, au nom d'un principe d'égalité - une égalité qui n'existe pas dans les faits -, on remet en cause la philosophie des lois de 1970, car il s'agissait de compenser les effets négatifs des inégalités professionnelles dont les femmes sont encore victimes.
    D'ailleurs, dans ce domaine, il reste beaucoup à faire, en particulier auprès du MEDEF. Lors d'une réunion de la délégation aux droits des femmes à laquelle je participais, les représentants du MEDEF que nous auditionnions ne nous ont-ils pas déclaré, s'agissant de l'égalité professionnelle, ne pas connaître les lois et ne pas vouloir les appliquer. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'autres que moi peuvent en témoigner.
    Et n'avez-vous pas vous-même, monsieur le ministre, regretté les ponctions que subit votre budget s'agissant de l'action pour l'égalité professionnelle ? Vous l'écriviez dans une lettre que M. Mattei a cosignée et que vous avez adressée au Premier ministre.
    Aujourd'hui, on fait comme si ces inégalités avaient disparu alors qu'elles demeurent une réalité, et l'indicateur du taux d'activité n'est pas le seul à mesurer les progrès accomplis.
    Malgré vos prévisions optimistes, uniquement fondées sur l'élévation de ce taux d'activité - élévation que nous encourageons, bien sûr -, nous savons combien la marche vers l'égalité professionnelle est lente ! La précarité et le temps partiel ne sont pas près de disparaître. Combattre ces inégalités n'est d'ailleurs pas un chantier prioritaire de ce gouvernement, bien au contraire.
    Pis encore, cette majoration incite les femmes à se retirer du marché du travail. C'est bien cela que vous visez en accordant, comme vous l'avez annoncé lors de la conférence de la famille, l'allocation parentale d'éducation dès le premier enfant. Car ce sont toujours les femmes - et c'est ainsi - qui assument l'essentiel des responsabilités en matière d'éducation des enfants, de tâches domestiques ou de soins à un parent vieillissant.
    Mais revenons-en aux retraites. Nous ne sommes plus, avec l'idée de majoration, dans une logique de compensation mais dans une logique d'incitation à prendre des congés parentaux. Or nous savons très bien qu'au bout de trois ans d'inactivité - et même si cette inactivité est discontinue - il est difficile pour une femme de retrouver du travail.
    De plus, les femmes qui interrompent leur carrière sont souvent des mères de familles nombreuses, mais aussi des mères d'enfants handicapés qui n'ont pas d'autre choix, tant les structures d'accueil pour les tout petits, en milieu spécialisé et en milieu périscolaire, font défaut.
    Avoir un emploi est le souhait de six femmes au foyer sur dix. Il existe aujourd'hui un gain potentiel de 1,8 million de femmes actives supplémentaires : pensez à ce que cela représente en termes de financement des retraites !
    M. le président. Veuillez conclure, madame Jacquaint.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, laissez Mme Jacquaint terminer son intervention ! Soyez indulgent vis-à-vis des femmes : elles sont si peu nombreuses ici ! (Sourires.)
    Mme Muguette Jacquaint. Ce chiffre correspond à environ 7 % de la population active globale projetée en 2020, et le gain potentiel du plein emploi des femmes est même supérieur au gain envisagé en tablant sur la réduction du chômage.
    Au-delà de cette source significative de financement qui permettait de sauver la retraite par répartition, n'oublions pas que l'activité professionnelle reste la condition de l'autonomie financière et de l'émancipation des femmes ; émancipation nécessaire pour faire face à un changement familial ou échapper aux violences dont elles sont victimes - le Président de la République lui-même a beaucoup insisté sur ce problème. Mais que peuvent faire les femmes dans cette situation quand elles n'ont pas de travail ?
    On le voit bien - et j'en termine, monsieur le président -, avec ce modèle de retraite et ce modèle de financement que vous voulez imposer, c'est l'ensemble de la protection sociale, de la conception de la solidarité et des rapports entre les hommes et les femmes que vous souhaitez modifier.
    Les droits des femmes sont déjà en régression, et, avec ce projet de réforme des retraites, injuste et néfaste, c'est finalement toute une conception de leur place dans la société future que vous nous dévoilez, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Braouezec. Il n'y a pas beaucoup de femmes ici, mais elles peuvent être fières de cette intervention !
    M. le président. La parole est à M. Georges Tron.
    M. Georges Tron. Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs, c'est bien parce que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, après des années d'immobilisme - je souhaite le rappeler ici parce nous avons entendu tout à l'heure dans la bouche de M. le Garrec, avec du talent et une certaine mauvaise foi,...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes inégalable pour la mauvaise foi !
    M. Georges Tron. ... de nombreux conseils mais pas beaucoup de souvenirs -, a décidé d'engager le débat sur l'avenir de notre système de retraite que le Parlement est invité à se prononcer sur un projet de réforme qui, partout ailleurs, est lancé déjà depuis longtemps.
    Dans tous les pays comparables à la France, cela fait longtemps en effet que les responsables politiques, souvent majorité et opposition confondues, ont pris la mesure du défi qu'il leur appartient de relever pour sauvegarder l'avenir des salariés d'aujourd'hui et donc des retraités de demain, avenir menacé par les données démographiques à la base d'un système par répartition, auquel aujourd'hui nous affirmons tous notre attachement.
    Dans tous les pays comparables à la France, en Suède, où le nouveau système mis en place restreint les droits acquis en dessous de quarante-cinq ans de cotisations, en Italie où la diminution du taux de remplacement doit le porter à 56 % en 2020, en Allemagne où le taux de remplacement va passer de 69 à 64 % à taux plein, après quarante-cinq années de cotisations, les réformes engagées vont beaucoup plus loin, ce qui, comme l'a rappelé M. Jacquat, a conduit François Chérèque à très justement déclarer qu'avec cette réforme la France allait demeurer le seul pays européen à cumuler quatre garanties : la préservation des régimes obligatoires basés sur la seule répartition, la préservation du droit de partir à soixante ans avec un système de retraite à la carte, une durée de cotisations qui, même si elle passait dès aujourd'hui à quarante-deux ans, ce qui n'est pas le cas, demeurerait la plus basse d'Europe, et la possibilité pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes de partir avant soixante ans.
    Ce constat de bon sens, qui a été exprimé avec courage par le secrétaire général de la CFDT, ne peut que renforcer le Gouvernement et la majorité avec lui dans les choix qu'ils ont faits, d'autant que nombreuses sont les voix qui, à gauche, se désolent de la démagogie du parti socialiste, pour reprendre le titre de l'article du Monde déjà cité par Denis Jacquat tout à l'heure, dans lequel plusieurs personnalités proches du parti socialiste affirmaient qu'être en minorité n'autorise pas à s'affranchir de toute éthique démocratique. L'article ajoutait : « Le travail de l'opposition ne consiste pas à dire systématiquement le contraire de ce que l'on fera, voire de ce que l'on pense. »
    Mme Muguette Jacquaint. Ne nous regardez pas ! Vous n'allez pas réussir à nous convaincre !
    M. Georges Tron. Mon regard se porte naturellement vers vos bancs, mais ce n'est pas vous que je vise, madame Jacquaint. Ne vous formalisez pas !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il ne peut pas regarder les socialistes, il n'y en a pas !
    M. Georges Tron. Je suis tenté d'ajouter, dis-je en regardant M. Brard, cette fois-ci,...
    M. Patrick Braouezec. Un peu de décence !
    M. Georges Tron. ... qu'il ne faut pas non plus se renier par rapport à ce que l'on a dit.
    Ce qu'elle aurait fait pour la fonction publique, en effet, l'ancienne majorité socialiste l'avait fait connaître par la voix de son Premier ministre en mars 2000. Les mesures alors envisagées, déjà esquissées dix ans auparavant dans le livre blanc de Michel Rocard, on les retrouve dans leurs grandes lignes, dans le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui. Ne pas les assumer, c'est incohérent au regard des déclarations du passé, mais ça l'est bien plus par rapport à la réalité de la situation des régimes des fonctionnaires de l'Etat d'une part, des collectivités territoriales et de l'hôpital d'autre part, régimes de la fonction publique sur lesquels vont porter mes propos, que je souhaite introduire préalablement par deux remarques.
    Premièrement, nombreuses sont les critiques sur le calendrier de la réforme de la fonction publique (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), qui a été jugé trop brutal.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais vous, vous n'êtes pas brutal, c'est bien connu !
    M. Georges Tron. Au nom de la cohérence, il convient pourtant de rappeler que c'est le retard pris pour engager la réforme de ces régimes qui la rend aujourd'hui d'autant plus urgente. Mise en oeuvre il y a une dizaine d'années, comme celle du privé, elle se serait également étalée sur une plus grande période. Regretter aujourd'hui qu'il faille agir aussi rapidement, c'est oublier un peu facilement ce qui nous conduit justement à agir aujourd'hui dans l'urgence.
    Deuxièment, nombreux sont les appels à sauver le régime par répartition - appels qui ne nous choquent pas du tout, il suffit de lire l'article 1er du projet de loi pour s'en convaincre, -, que l'on entend scander tout au long des cortèges, dont la fonction publique constitue la très grande majorité des effectifs.
    La répartition signifiant bien qu'une caisse distribue à des pensionnés du moment le produit des cotisations des actifs du même moment, sur la base d'un taux assurant avec précision l'équilibre entre les deux, à l'évidence tous les fonctionnaires de l'Etat qui ne sont pas soumis à un système par répartition devraient logiquement nous demander de corriger rapidement cette situation. Leur cohérence ne les poussera sans doute pas jusque-là, mais l'article 21 de la loi d'orientation sur les lois de finances, qui prévoit un compte d'affectation spéciale, et je m'en réjouis, nous permettra cependant d'avoir une plus grande visibilité sur les coûts exacts des charges de pension dans le budget.
    Avec ou sans caisse, il n'en demeure pas moins que ce sont bien les données démographiques qui conditionnent l'évolution des régimes de retraite de la fonction publique comme les autres. Parce que cela a été maintes fois répété, chacun a en mémoire l'augmentation importante du nombre de départs dans les prochaines années qui vont jusqu'à concerner la moitié des effectifs actuels des fonctionnaires.
    Ces départs vont bien entendu avoir des incidences sur les équilibres financiers. Qu'il soit permis au rapporteur spécial du budget de la fonction publique de rappeler quelques-unes des données qu'il avait introduites dans son rapport il y a exactement huit mois.
    Dans la fonction publique de l'Etat, le nombre de pensionnés civils et militaires va passer de 1,9 million aujourd'hui à 3,2 millions d'ici à 2040, multipliant par trois la masse des pensions versées. Celle-ci augmente déjà aujourd'hui d'un milliard d'euros par an. En 2001, 70 % de l'augmentation des dépenses de la fonction publique sont dus au paiement des pensions.
    Je rappelle ici que ces pensions sont prises en charge à 72 % par le budget de l'Etat, et donc par l'impôt des Français à due concurrence.
    M. Maxime Gremetz. Il balance des chiffres, comme ça. Où les a-t-il pris ?
    M. Georges Tron. Dans le rapport que j'ai écrit, si vous savez lire.
    Dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière, le nombre de pensionnés passera de 660 000 en 2001 à 1,9 million en 2040.
    M. Maxime Gremetz. Il dit n'importe quoi. Vous êtes convaincus, vous ?
    M. Georges Tron. Sur la même période, la masse des pensions sera multipliée par presque cinq, passant de 8,5 milliards d'euros à presque 40 milliards d'euros. En 2009, la masse des pensions sera supérieure dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière à celle des cotisations, et le chiffre oblige à lui seul à revoir tout le système des compensations auquel est actuellement astreinte la CNRACL, compensations qui représentent aujourd'hui 25 % des dépenses de cette caisse.
    Voilà rappelées quelques-unes des données du problème qui se pose pour les régimes de la fonction publique,...
    M. Maxime Gremetz. Données de quoi ?
    M. Georges Tron. ... qui nous permettent d'avoir un aperçu de la situation démographique et de la situation financière desdits régimes.
    Le titre III de votre projet de loi, messieurs les ministres, qui édicte les dispositions relatives aux régimes de la fonction publique, est la réponse que le Gouvernement et la majorité doivent apporter, non pas simplement à ces problèmes de financement que je viens rapidement d'évoquer, mais également à la crise plus générale que traverse notre fonction publique, sclérosée par des années et des années d'un immobilisme coupable.
    Certes, les dispositions de l'article 32 concernant l'allongement de la durée de cotisation, le passage de l'indexation des pensions sur les salaires à l'indexation sur les prix ou les dispositions de l'article 52 qui instaure un régime de retraite additionnel obligatoire, dont je précise à nouveau qu'il est par répartition, concourent directement à combler une partie des besoins de financement.
    Je n'insiste pas sur le fait qu'elles corrigent des inégalités de traitement entre régime public et régime privé, inégalités qui, par exemple, pour la non-inclusion des primes dans l'assiette de la retraite, jouaient également en défaveur des fonctionnaires. La discussion des articles devra d'ailleurs nous permettre d'obtenir quelques précisions sur ce point, l'amendement du rapporteur adopté par la commission permettant déjà quelques avancées. En tout cas, l'équité dans le texte ne joue pas à sens unique contre la fonction publique, la preuve en est ici.
    Je veux souligner en revanche avec insistance que nombre des dispositions du projet de loi instillent enfin la souplesse qui manque tant à notre fonction publique et qui l'a conduite, en dépit de la qualité de l'immense majorité de ceux qui la servent et qu'attestent entre autres les concours qu'ils ont réussis, à la situation de crise qu'elle traverse.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur. Très bien.
    M. Georges Tron. Oui, la reconnaissance du temps partiel qui, dorénavant, ne sera plus pénalisant dans le calcul de la retraite, en fonction des choix librement consentis par les fonctionnaires, va permettre de concilier plus facilement, et donc plus fréquemment, vie familiale et vie professionnelle.
    Oui, la possibilité de poursuivre une activité au-delà de la limite d'âge en continuant à acquérir des droits à pension ou l'institution d'un mécanisme de majoration de la pension lorsque la durée d'assurance est supérieure au seuil et que le fonctionnaire a dépassé soixante ans vont enfin permettre à chacun de choisir librement entre retraite plus précoce et retraite plus élevée. Les dispositions sur le cumul emploi-retraite vont dans le même sens.
    Oui, l'institution de la durée d'assurance tous régimes, permettant à ceux qui ont des carrières dans la fonction publique et dans d'autres régimes de n'être pas pénalisés, va offrir des perspectives nouvelles à des fonctionnaires qui seraient tentés par d'autres expériences et va renforcer simultanément l'attractivité de la fonction publique.
    Pour toutes ces raisons, le projet va dans la bonne direction.
    Il n'en demeure pas moins qu'il faut profiter des différentes pistes qu'il ouvre pour mettre en chantier une vraie réforme de la fonction publique en suivant sa logique.
    Ainsi, l'augmentation de la durée de cotisation oblige simultanément à trouver des réponses appropriées au problème de la lassitude des fonctionnaires en général, et des enseignants en particulier, à peu près aux deux tiers de leur carrière. Cette crise se traduit par l'anticipation des départs à la retraite. Une étude menée par les services des pensions du ministère de l'éducation nationale a démontré par exemple - et je le disais d'ailleurs déjà il y a huit mois dans mon rapport - que 64 % des enseignants du second degré avaient effectivement atteint soixante ans sans réunir les conditions de l'obtention d'une pension à taux plein en 2000, 90 % d'entre eux sont partis en retraite dès soixante ans plutôt que de prolonger leur activité pour obtenir une pension à taux plein.
    Sans doute ceux qui mettent en avant cette réalité seraient-ils bien inspirés également de réfléchir aux facteurs qui, en quelques années, ont rendu si difficile l'exercice du métier d'enseignant.
    M. Jean Le Garrec. C'est juste.
    M. Georges Tron. Pour ma part, c'est bien le contact avec des élèves de plus en plus durs qui me semble être l'explication de ce phénomène, et je crois d'ailleurs que c'est une analyse que nous sommes quelques-uns à partager. Les générations d'enseignants en tout cas qui ont précédé nos professeurs d'aujourd'hui ne le connaissaient pas. Il est vrai que, depuis trente ans, trente-cinq pour être précis, l'enseignement de certaines valeurs, et celle du respect avant tout, a pu paraître singulièrement désuet, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos établissements scolaires. On en mesure aujourd'hui les résultats, les enseignants les premiers.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. Georges Tron. Quoi qu'il en soit, il nous appartient d'apporter les réponses appropriées à cette barrière des quarante-cinq - cinquante ans dans la fonction publique, et les négociations qui vont s'engager sur la pénibilité vont y contribuer.
    D'ores et déjà, messieurs les ministres, je salue sur ce point les bonifications que vous avez incluses dans le projet de loi à l'article 54 en faveur des personnels hospitaliers. S'il est bien à mes yeux une catégorie de fonctionnaires à l'égard desquels un effort tout particulier doit être entrepris, c'est le personnel hospitalier.
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Merci, merci beaucoup.
    M. Georges Tron. Je vous en prie.
    M. Henri Emmanuelli. Ce ne sont que des mots !
    M. Georges Tron. De façon plus générale, j'émets instamment le souhait que ces discussions sur la pénibilité permettent de discerner réellement les emplois pour lesquels un effort doit être consenti. Toute réflexion qui refuserait de tenir compte des conditions de travail spécifiques à l'exercice de chaque emploi pour se réfugier dans un égalitarisme facile, traitant de la même façon toutes les filières d'un même métier, serait inutile. Simultanément à ces discussions sur la pénibilité, je souhaite insister ensuite sur les pistes qui doivent permettre de concrétiser les secondes carrières, et sur lesquelles on peut réfléchir au-delà du texte qui nous est proposé aujourd'hui.
    Dans le système de la fonction publique française, l'Etat doit assurer à ses agents une carrière au développement et aux débouchés satisfaisants. Or la promotion interne qui est organisée entre les concours internes, les examens professionnels et les listes d'aptitude fait la part belle aux premiers au détriment des seconds. C'est bien pourtant la voie de promotion par les examens et par les listes d'aptitude qui est considérée à juste titre par les agents comme la seule offrant une chance sérieuse de progression pour leur carrière, surtout à partir d'un certain âge avec des contraintes de vie familiale. Aujourd'hui, le potentiel des agents recrutés, qu'atteste leur haut niveau de diplôme, plaide pour une application du principe de la carrière faisant plus largement appel à la promotion professionnelle - examen et liste d'aptitude - pour pourvoir les postes dans les catégories A et B en particulier.
    La mise en place d'une telle politique permettrait d'offrir aux agents aux alentours de quarante - quarante-cinq ans une seconde carrière qui déboucherait sur de nouvelles fonctions dans un corps supérieur. Elle devrait aller de pair avec le développement de la formation continue. La mobilité au sein de chaque fonction publique et entre les fonctions publiques est bien entendu la troisième voie à explorer pour lutter contre la démotivation des agents.
    Le projet de loi l'organise, pour les enseignants précisément, à l'article 53, ce qui va évidemment dans la bonne direction. Pour ma part, je pense clairement qu'il faudra l'élargir à tous les corps ou cadres d'emploi de la fonction publique dont la pénibilité aura été déterminée, et sans doute l'assortir d'un bonus financier, autrement dit d'une incitation à l'exercice d'un nouveau métier, éventuellement en rendant possibles des franchissements de grade et d'échelon plus rapides, au-delà de ce qui est prévu aujourd'hui par cet article.
    Enfin, nous devons à terme nous fixer comme objectif de ne plus avoir recours à des arrêtés interministériels pour fixer chaque année des contingents annuels d'emplois, il convient de laisser jouer les règles de la fluidité régulée par la liberté de décision des employeurs en ce sens.
    Pour conclure, comme toutes les réformes ambitieuses, le projet que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans un climat passionnel, qui tranche singulièrement avec l'atonie qui marque la fonction publique depuis de nombreuses années.
    La réforme des retraites ne doit pas se borner à contribuer à compenser le déficit de financement des régimes publics. Elle doit redonner aux fonctionnaires de nouvelles perspectives que vous ne manquerez pas, monsieur le ministre de la fonction publique, d'explorer avec eux lors des discussions, notamment avec les syndicats, sur la gestion des ressources humaines, discussions que vous avez déjà ouvertes. Elle doit en même temps donner aux Français l'occasion de ressentir l'équité avec laquelle ils sont traités face aux grands défis qu'ils doivent relever ensemble. Cette réforme est indispensable, c'est pourquoi nous la soutiendrons avec toute notre conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après Pascal Terrasse hier après-midi et Jean Le Garrec tout à l'heure, je voudrais à mon tour, au nom des députés socialistes, vous dire ce qui rend, à nos yeux, votre projet inacceptable, en abordant notamment les dispositions que vous proposez pour les régimes de la fonction publique.
    Ma première observation portera sur la méthode. Vous ne cessez, messieurs les ministres, de mettre en avant le dialogue social. En fait de dialogue social, vous pratiquez davantage le monologue du diktat - c'est à prendre ou à laisser - puisque, chaque fois que vous avez été interrogés sur ce thème, vous avez réaffirmé votre détermination à vous en tenir à vos propositions. Et, monsieur le ministre de la fonction publique, en dépit de notre proximité régionale, qui devrait peut-être me rendre plus indulgent, je vous ai cependant pris hier en flagrant délit de mensonge.
    M. François Liberti. Ce n'est pas bien !
    M. Bernard Derosier. Vous nous avez dit, en effet, que les mesures relatives aux régimes de la fonction publique étaient le fruit de discussions approfondies avec les syndicats de fonctionnaires qui ont pu en débattre encore récemment au sein des différents conseils supérieurs de la fonction publique, lesquels ont approuvé le projet. Le 19 mai dernier, le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a en effet examiné ce texte, mais la CGT, Force ouvrière, l'UNSA, la CFTC et SUD ont voté contre et la CFDT et la CGC se sont abstenues. Le Conseil supérieur de la fonction publique d'Etat s'est réuni, lui aussi, le 19 mai ; la CGT, Force ouvrière, FSU, l'UNSA ont voté contre votre projet, la CFTC et la CGC se sont abstenues et seule la CFDT s'est prononcée pour.
    Quant au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, il a connu une situation peu commune, lorsque, par un vote de quinze contre quatorze, il a demandé le retrait du texte ; vous êtes passés outre cette décision démocratiquement prise et cela a entraîné le départ de douze membres. Les amendements présentés par ceux qui sont restés ont été rejetés et le vote a été de onze voix en faveur de votre texte contre sept : vous conviendrez que ce texte aurait été rejeté si tout le monde était resté.
    Pendant des décennies, et en particulier depuis la Libération, les gouvernements et les partenaires sociaux se sont employés à transposer les avantages de la fonction publique dans le secteur privé. Aujourd'hui, avec votre projet, on assiste à une véritable régression sociale, puisqu'on réduit le débat à un alignement du public sur le privé. En fait, c'est à un nivellement par le bas que vous nous invitez. Qui plus est, vous stigmatisez la fonction publique, en essayant de monter l'opinion publique contre les fonctionnaires...
    M. Guy Geoffroy. C'est exactement l'inverse !
    M. Bernard Derosier. ... en laissant croire qu'ils jouiraient d'avantages indus, de privilèges, ai-je entendu hier dans la bouche de nos collègues de la majorité. Bref, tout est mis en oeuvre pour que les fonctionnaires soient une fois de plus mis à l'index.
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai !
    M. Bernard Derosier. Là aussi pourtant pendant des décennies, l'âge auquel on prenait sa retraite était très différent pour les salariés du secteur privé et ceux de la fonction publique, sans parler des régimes particuliers qui prévoyaient un départ à cinquante ans pour les roulants de la SNCF, à cinquante-cinq ans pour les instituteurs. La collectivité avait su prendre en compte les différentes situations, et en particulier, la pénibilité des tâches. Aujourd'hui, sous prétexte d'équité, vous mettez en oeuvre une régression brutale, refusant toute négociation - sauf, je vous le concède, pour les infirmières, mais, monsieur le ministre de la fonction publique, c'est pour tous les métiers qu'il faudrait négocier. Prenez l'exemple de la fonction publique territoriale, lorsque, dans une commune ou une communauté d'agglomérations, la collecte des ordures ménagères est faite en régie directe : convenez que le métier d'éboueurs y est quand même un peu plus difficile que celui d'agent de l'état civil. Par ailleurs, l'allongement de la durée des carrières va bloquer le renouvellement de la fonction publique et nuire à son attractivité.
    M. Georges Tron. Sauf s'il y a mobilité !
    M. Bernard Derosier. Il aurait fallu - mais vous vous y refusez - une réforme progressive, négociée, juste. Vous avez dit, vous avez répété votre hostilité à la diminution du temps de travail, mais j'observe que vous n'y avez pas mis fin, alors que vous faites aujourd'hui des 35 heures un bouc émissaire.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oui !
    M. Bernard Derosier. Vous vous êtes opposé à l'abaissement de l'âge de la retraite quand la gauche l'a voté. Vous ne l'avez pas remis en question en 1986-1988 ou en 1993-1997. Pourtant, par votre projet d'aujourd'hui, vous sonnez le glas de la retraite à soixante ans.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais non !
    M. Bernard Derosier. Bref, vous avez aujourd'hui une possibilité de ne pas décevoir davantage l'opinion publique, qui manifeste ou qui fait grève. Il est encore temps, messieurs les ministres, d'éviter le pire. Retirez votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Jean-Pierre Brard. Dans le rôle de Fouquier-Tinville !
    M. le président. Monsieur Brard, évitez de tout commenter, ou engagez-vous à la radio ! (Rires.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est plutôt au cirque qu'il pourrait faire carrière !
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon collègue Jean-Luc Préel ayant exposé les positions du groupe UDF sur la nécessité de la réforme des retraites et sur le fait que le projet qui nous est proposé, et que nous soutenons, constitue une première étape qui doit être suivie d'autres évolutions - plus de démocratie sociale, plus d'égalité entre les salariés et plus de liberté de choix dans la date du départ à la retraite -, je me contenterai de traiter trois questions : la juste réforme des régimes de retraite des parlementaires nationaux et européens, la nécessaire amélioration du régime de retraite des exploitants agricoles et l'indispensable développement de l'épargne-retraite, troisième étage de la protection sociale en matière de retraite.
    Les régimes de retraite de l'Assemblée nationale et du Sénat doivent être réformés pour trois raisons. La première est une question éthique. Quelle crédibilité aurait la représentation nationale si elle s'exonérait des efforts demandés à nos concitoyens ?
    La deuxième raison est que ces deux régimes sont extrêmement favorables. En 2002, pour ce qui concerne l'Assemblée nationale, les dépenses atteignaient 57,8 millions d'euros pour 2 021 bénéficiaires, soit en moyenne 2 364 euros par mois et par député. Ces 57,8 millions d'euros sont financés, pour 7 millions, par les cotisations des parlementaires, et pour 50,8 millions, par le budget de l'Assemblée nationale, soit 88 % de financement public. Lorsqu'on touche une retraite de 1 500 euros par mois et par mandature de cinq ans, on ne peut considérer qu'il s'agit d'un mauvais régime, même si les cotisations sociales retraite versées par le député sont doublées pendant quinze ans et représentent 1 111 euros par mois.
    La troisième raison est que les deux régimes bénéficient de règles dérogatoires du droit commun qui ne sont plus justifiables, à moins de vouloir alimenter l'antiparlementarisme déjà largement diffusé dans l'opinion publique.
    Quelles sont donc les mesures à prendre pour réformer les retraites des parlementaires ? Il faut tout d'abord allonger la durée de cotisation, et passer de trente-sept ans et demi à quarante ans pour bénéficier d'une retraite pleine. Cela a été décidé par les questeurs.
    M. le président. C'est une décision du bureau de l'Assemblée nationale, monsieur le député.
    M. Charles de Courson. Mais c'est la questure qui publie les textes, monsieur le président.
    Il faut également relever de cinquante à cinquante-cinq ans - j'aurais préféré soixante - l'âge à partir duquel un ancien parlementaire peut demander la liquidation de sa pension. Ces deux réformes relèvent d'un règlement des questeurs et non de la loi, ce qui est d'ailleurs regrettable, car notre régime de retraite est régi par des règles qui ne sont pas discutées dans cet hémicycle.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça à la Cour des comptes ?
    M. Henri Emmanuelli. Et les retraites de la Cour des comptes ?
    M. Charles de Courson. En second lieu, trois autres mesures relèvent de la loi et mettraient fin à plusieurs anomalies.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes sourd de l'oreille gauche, Charles-Amédée ? (Sourires.)
    M. Charles de Courson. La première relève de l'article 75 du code des pensions civiles et militaires qui permet à un fonctionnaire élu député de demander la liquidation de sa retraite de fonctionnaire dès sa cinquantième année, alors qu'un parlementaire ancien salarié du privé ne peut demander sa retraite du régime général avant soixante ans. Quant à sa retraite complémentaire, il ne peut la cumuler.
    S'il paraît juste de remonter de cinquante à soixante ans l'âge à partir duquel un fonctionnaire devenu parlementaire peut toucher sa retraite, encore faudrait-il autoriser la liquidation des retraites de base et des retraites complémentaires de nos collègues députés anciens salariés du privé...
    M. Henri Emmanuelli. J'en fais partie, il n'y en a pas beaucoup. Parlez plutôt du problème du cumul !
    M. Charles de Courson. ... voire salariés indépendants.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je ne suis pas fonctionnaire du tout, moi !
    M. Charles de Courson. La commission des finances a adopté un amendement qui va dans ce sens.
    La deuxième anomalie est relative aux règles de cumul entre pension et revenus d'activité. Il n'est pas normal que les députés anciens fonctionnaires puissent cumuler intégralement leur pension et leurs indemnités de parlementaire. Aussi est-il proposé d'étendre les nouvelles mesures de cumul valables pour les fonctionnaires aux députés, en modifiant l'article L. 84 du code des pensions. Symétriquement, les députés issus des salariés du privé pourraient cumuler leurs indemnités parlementaires avec leur retraite privée, dans la limite du plafond de cumul prévu par le présent projet de loi à l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale. En somme, la justice consisterait à soumettre les parlementaires au dispositif de droit commun.
    La troisième anomalie, qui est peut-être la moins connue, concerne la dérogation dont bénéficient les parlementaires issus de la fonction publique qui, alors qu'ils ne travaillent plus dans leur administration, doivent continuer à payer leur retenue pour pension égale à 7,85 % de leur traitement indiciaire, ce qui leur permet de cumuler, en plus de la double cotisation dans le régime de retraite de député ou de sénateur pour leurs quinze premières années de mandat, une troisième annuité dans leur régime de fonctionnaire. Cette situation est injuste, si on la compare à celle de nos collègues issus des salariés du privé.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Charles de Courson. Ces derniers ne peuvent plus cotiser dans le régime général, non plus que dans les régimes complémentaires.
    Quant à nos collègues députés issus des professions indépendantes, ils peuvent continuer à cotiser, ce qui est normal dans la mesure où, souvent, ils continuent à travailler. Il vous est donc proposé de supprimer l'obligation de cotiser pour les parlementaires détachés de la fonction publique. L'amendement a été déposé en commission des finances, mais n'a pas été adopté.
    Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les amendements déposés pour corriger ces trois anomalies visent tout à la fois à rétablir une égalité entre les parlementaires, d'une part, et les salariés du public ou du privé, d'autre part, mais aussi et surtout à rétablir l'égalité entre les parlementaires, qu'ils soient issus de la fonction publique, du salariat privé ou des professions indépendantes.
    Le deuxième point sur lequel je voudrais attirer votre attention concerne certaines dispositions du projet de loi relatives aux exploitants agricoles qui doivent être améliorées. Le Gouvernement applique enfin une mesure demandée par tous les agriculteurs au nom de l'égalité entre tous les régimes : la mensualisation. C'est bien, mais la date retenue du 1er janvier 2005 est trop tardive. Une anticipation au 1er janvier 2004 serait plus adaptée. Le coût pour le budget de l'Etat ne serait pas de 1,3 milliard d'euros, comme on l'entend souvent, mais de 50 millions d'euros, soit le coût des frais financiers relatifs à ces 1,3 milliard d'euros. Je l'ai expliqué pendant cinq ans sous l'ancien gouvernement qui, hélas, ne nous a jamais écoutés. Au moins le gouvernement que nous soutenons nous a-t-il entendus, lui.
    Le Gouvernement a cependant insuffisamment adapté les dispositifs d'anticipation de l'âge de départ à la retraite de ceux qui ont commencé à travailler jeunes. Nombreux sont les exploitants agricoles qui ont commencé à travailler à quatorze ans comme aide familiale. Il serait juste de tenir compte des années de travail effectuées en tant qu'aide familiale à compter de quatorze ans, et non pas de seize, de dix-huit ou de vingt et un ans pour les possibilités de rachat.
    En troisième lieu, le Gouvernement n'a pas proposé d'étendre le régime de retraite complémentaire aux conjoints d'exploitants sous forme de pension de réversion non plus qu'aux aides familiales. Or ces deux catégories sont les plus modestes en matière de retraite agricole. Un amendement a d'ailleurs été adopté en commission pour résoudre le problème des conjoints d'exploitants, mais pas pour les aides familiales.
    Le troisième et dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention est un problème très important. Le développement de l'épargne retraite est indispensable pour conforter les régimes par répartition. En matière de retraites, la liberté consiste à permettre à tous de se constituer ce que l'on appelle un troisième étage de retraite, l'épargne retraite.
    M. Jean-Pierre Brard. Pour les smicards ?
    M. Charles de Courson. Nous savons tous qu'il règne aujourd'hui, dans cette matière, une grande inégalité, puisque les salariés du privé sont les seuls à ne pas avoir la possibilité de contracter, dans des conditions facilitées par l'Etat, une épargne retraite comme en bénéficient les salariés du public, via la Préfon ou l'ex-MRIFEN, voire le CGOS, les travailleurs indépendants bénéficient aussi de ces dispositions à travers le système Madelin et les exploitants agricoles grâce au système dit ex-COREVA. Votre projet de loi, monsieur le ministre, prévoit d'instituer un tel dispositif pour le privé. Mais le groupe UDF ne comprend pas pourquoi vous renvoyez la création à une autre loi. Ce dispositif fait pleinement partie du régime de retraite de nos concitoyens et, à ce titre, il a toute sa place dans ce projet de loi. Pourquoi remettre à plus tard ce que les Français attendent depuis trop longtemps du fait de l'abrogation par la gauche d'un dispositif que nous avions voté au début de 1997 ?
    M. Jean-Pierre Brard. Jean-Pierre Thomas ! Fantômes !
    M. Charles de Courson. Le groupe UDF, qui a toujours été le promoteur de cette liberté conçue comme complémentaire des régimes de retraite par répartition, propose donc à la représentation nationale d'adopter un amendement qui permettra simplement de mettre en place des fonds d'épargne retraite négociés dans le cadre d'accords de branche et gérés par les partenaires sociaux.
    M. Alain Néri. Appelez un chat un chat ! Vous parlez de la loi Thomas !
    M. Charles de Courson. Ce système de Préfon, amélioré pour tous, est une attente profonde de nos compatriotes et c'est notre devoir de l'inclure dans ce projet de loi. La proposition que je fais est simple : reprenons la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, que nous avions votée il y a six ans, et adaptons-la sur quatre à cinq points, en particulier sur le problème de la déductibilité.
    M. Henri Emmanuelli. C'est refaire ce que vous avez fait il y a six ans !
    M. Charles de Courson. Je souhaite que, sur ce sujet, la représentation nationale prenne conscience qu'adopter un tel dispositif ne serait pas perçu comme la remise en cause de notre système de répartition. Les Français ont d'ailleurs compris que cette réforme sauve notre système de répartition et que, contrairement au précédent gouvernement qui a été totalement irresponsable sur cette question, notre gouvernement a pris les mesures nécessaires pour garantir cette solidarité entre les générations. De la même façon, mes chers collègues, nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ne leur offrions pas tout de suite l'équité avec le secteur public en matière d'épargne retraite.
    En conclusion, montrons, mes chers collègues, que nous sommes capables de réformer notre propre régime de retraite, celui des parlementaires, améliorons les petites retraites agricoles et développons le troisième étage des retraites pour l'étendre à tous les Français. Tels sont les trois aspects de la réforme des retraites sur lesquels il nous faut améliorer ou compléter le projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Brard, c'est enfin à vous : vous pouvez parler sans que je vous interrompe. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, vous devriez écouter M. de Courson, qui trouve que vous n'avez pas allumé assez de mèches et qui vous tend la boîte d'allumettes pour qu'il y ait encore plus de monde dans les manifestations.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Votre discours serait-il de la dynamite, monsieur Brard ?
    M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, votre projet de réforme des retraites a sans conteste une qualité, c'est d'être en harmonie avec la politique de régression sociale qui est la vôtre depuis un an et que vous êtes déterminés à poursuivre si, par malheur, nos concitoyens vous laissent faire.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ça commence bien, votre numéro de Medrano !
    M. Jean-Pierre Brard. Votre tactique est avant tout de dramatiser pour faire avaler la potion amère que vous avez préparée en appliquant les recettes, ou plutôt les préceptes du MEDEF, quelles que soient vos dénégations.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mme Bettencourt !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous êtes d'une rare habileté. Non seulement vous êtes l'un des trois idéologues du régime actuel... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Nadine Morano. Il l'a déjà dit à la télévision !
    M. Jean-Pierre Brard. Regardez comme il sourit : il le sait, lui, qu'il a tenu le porte-plume avec quelques autres, et pas seulement le porte-plume. Il a été l'un des conceptualisateurs de la politique actuelle.
    M. Charles de Courson. « Conceptualisateur » ! Aïe, aïe, aïe !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Essayez « concepteur » !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Vous compliquez ! Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement...
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Fillon, permettez-moi de vous citer le duc François de La Rochefoucauld qui disait...
    M. Charles de Courson. Chacun ses auteurs !
    M. Georges Tron. Chacun ses références !
    M. Jean-Pierre Brard. « C'est une grande habileté que de savoir cacher son habileté. »
    M. le président. C'est plutôt La Roche-faux-cul ! (Rires et applaudissements sur tous les bancs.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je n'aurais pas osé, mais c'est vous qui l'avez dit. Quant à moi, je suis pour la paix dans les ménages et dans les familles, et je ne voudrais pas être à votre place à la prochaine réunion de l'UMP où il va falloir que vous vous expliquiez sur les propos que vous venez de tenir !
    M. le président. Monsieur Brard, j'avais tellement envie de vous interrompre, comme vous le faites à longueur de journée. Mais poursuivez.
    M. Jean-Pierre Brard. Cette dramatisation est totalement exagérée. Tous les actifs ne cotisent pas, mais seulement ceux d'entre eux qui ont un emploi. Il est donc décisif d'augmenter le nombre d'emplois et, pour cela, des mesures d'urgence doivent permettre à tout le monde de travailler jusqu'à soixante ans, âge légal du départ à la retraite, alors qu'aujourd'hui le patronat a tendance à se débarrasser le plus vite possible des quinquagénaires, si bien que l'âge moyen de cessation définitive d'activité est de cinquante-sept ans.
    Chacun comprend donc aisément que la priorité absolue est d'arriver à améliorer la formation continue et l'organisation du travail pour permettre aux salariés, en deuxième partie de carrière, d'avoir un emploi et donc de cotiser jusqu'à soixante ans.
    Cette volonté de dramatisation vous conduit à garder le silence sur les évolutions de long terme, notamment en ce qui concerne la part du produit intérieur brut consacrée au paiement des retraites. Cette part est passée de 5,4 % en 1959, à 11,6 % en 2000, soit 6,2 % de plus en trente-deux ans. Aujourd'hui, le Conseil d'orientation des retraites évalue le besoin de financement des retraites à 16 % du PIB en 2040, soit 5,4 % de plus en quarante ans, progression moins rapide que la précédente, ce niveau de 16 % étant calculé sur le fondement du maintien de la réglementation actuelle que vous vous évertuez à démolir. On voit donc bien que l'effort à réaliser sera tout à fait comparable à celui qui l'a déjà été depuis 1959, sans drame national. Il n'y a là rien d'insurmontable si ce choix politique est opéré de manière déterminée et conséquente, c'est-à-dire en soutenant la démographie de notre pays, déjà l'une des deux plus dynamiques d'Europe, en acceptant une immigration comme la France en a toujours connu et en favorisant fortement l'emploi.
    Mais le Gouvernement de M. Raffarin fait le choix inverse. Pourquoi ? Parce que votre position est essentiellement idéologique, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Ce Gouvernement s'inscrit dans une construction dogmatique fondée sur le postulat de la dépolitisation de la sphère de l'économie. Le fonctionnement de l'économie, en particulier la nécessité, partout ressassée, de diminuer sans relâche les prestations sociales, nous est aujourd'hui présenté comme un simple constat objectif, voire comme une vérité révélée par les chantres les plus zélés de la pensée unique, au premier rang desquels les dirigeants du MEDEF.
    C'est cette vision de la société qui structure votre projet de réforme des retraites et vous a conduits à refuser une véritable négociation avec les organisations syndicales, une confrontation projet contre projet, point par point, qui aurait permis d'éclairer nos concitoyens. Vous n'avez pas même négocié avec M. Chérèque, monsieur Fillon ! Il vous a sauté au cou et vous n'avez pas pu le retenir ! (Rires.)
    M. le président. Monsieur Brard ! Je vous prie de conclure, car votre temps de parole est épuisé.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais, monsieur le président, vous m'avez interrompu, tout à l'heure. Je voudrais effectivement terminer, mais il est dommage que M. le ministre ne puisse s'exprimer, car je suis sûr qu'il avait bien des choses à dire à propos de M. Chérèque...
    Vous voulez absolument éviter, monsieur le ministre, que s'ouvrent les débats de fond qu'appelle le financement des retraites, débats sur la répartition des richesses, sur le partage de la valeur ajoutée, sur l'utilisation des gains de productivité, car cela remettrait en cause les lois et les mécanismes du marché, qui a en permanence la volonté d'investir le champ des retraites pour y imposer les fonds de pension, auxquels le Gouvernement ouvre la porte dans son projet, comme vient d'ailleurs de le rappeler M. de Courson.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Brard en plein délire !
    M. Jean-Pierre Brard. Cette façon d'émasculer (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), au nom de fausses évidences, le débat sur des choix de société et, en définitive, de rabaisser la politique elle-même, va fabriquer encore du 21 avril, de l'extrémisme. Votre refus d'un référendum qui aurait toutes les chances de susciter un large débat public - vous vous en prétendez pourtant l'adepte -, comme ce fut le cas pour le traité de Maastricht, s'inscrit dans la même logique d'occultation des enjeux et de dissimulation de vos présupposés idéologiques.
    Votre réforme est néfaste. Nous la combattrons avec détermination car elle constitue un mauvais coup pour la démocratie, pour le pacte républicain et pour la cohésion sociale du pays.
    M. le président. Merci, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Il est temps, monsieur Fillon, de relire Jean-Jacques Rousseau et son Contrat social. Si vous vous y replongez dès cette nuit, la nuit portant conseil, vous nous reviendrez demain matin avec de meilleures idées. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La nuit est malheureusement entamée !
    La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « l'avenir des vieillards ne m'intéresse pas », proclame Hector dans La guerre de Troie n'aura pas lieu. (Sifflets admiratifs sur divers bancs.)
    M. Jean-Pierre Brard. Hector a mal fini !
    M. Yves Bur. Mais le contexte historique a bien évolué, tout comme la sensibilité de notre société. Personne ne se hasarderait aujourd'hui à lancer ce cri, alors que la démographie confronte nos sociétés au défi inédit du vieillissement de la population, dû au progrès de la médecine et à la qualité de vie liée au progrès tout court. Cette évolution doit avant tout être considérée comme une bonne nouvelle. L'allongement de l'espérance de vie ouvre des opportunités nouvelles, dans la vie de chacun comme pour notre société tout entière.
    Bien qu'il ne faille pas minimiser l'importance de ce défi démographique, dont les répercussions sociologiques inédites marqueront profondément le fonctionnement de nos sociétés, nous avons la responsabilité, que dis-je, le devoir de préparer notre pays à prendre en compte son impact sur notre système de protection sociale, exposé en première ligne.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Excellent !
    M. Yves Bur. C'est vrai, bien sûr, pour notre système de retraites, qui est fondé sur la solidarité entre les générations et doit le rester. C'est une question essentielle, aussi, pour notre système de santé, qu'il nous appartiendra de réformer durablement, car il en va, comme pour la retraite, de la survie de notre modèle de solidarité.
    Je ne vais pas reprocher à l'opposition d'être dans son rôle et de critiquer le Gouvernement. Cependant, devant son attitude de blocage, après cinq années d'inaction - les enjeux du débat méritent mieux que cette fuite en avant peu glorieuse -, nous pouvons avoir le sentiment que la gauche est moins préoccupée par l'avenir des futurs retraités que par sa fidélité au conservatisme idéologique. Elle considère toujours le travail comme une aliénation pour l'homme,...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est vrai !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est sûr !
    M. Yves Bur. ... un fardeau dont il faudrait se débarrasser le plus tôt possible sur les autres, sans penser à sa propre responsabilité ni à ses propres efforts.
    Dans une France profondément ébranlée par une idéologie défendue sous couvert de progrès social et de partage du travail, ce travail dont certains annonçaient avec certitude la fin prochaine,...
    M. Maxime Gremetz. D'autres parlaient de la fin de l'histoire !
    M. Yves Bur. ... dans un pays troublé en profondeur par la réduction du temps de travail opérée par des idéologues aveugles qui ont tenté de faire croire aux Français que l'on pouvait impunément travailler moins et moins longtemps, et donc créer moins de richesse, tout en profitant davantage d'un Etat providence désormais à bout de forces (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Jean-Pierre Brard. On voit où sont les idéologues !
    M. Pascal Terrasse. Avec vous, c'est travailler plus pour gagner moins !
    M. Yves Bur. ... dans un tel pays, il est difficile de prôner une réforme qui place les Français devant leurs responsabilités collectives, en les appelant simplement à travailler davantage !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Alain Néri. Régression sociale !
    M. Yves Bur. Oui, mes chers collègues, derrière la complexité d'une réforme que chacun sait incontournable, nous avons une mission qui transcende ce débat : réhabiliter le travail dans l'esprit de nos concitoyens.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Yves Bur. Ils doivent savoir que, dans l'environnement de l'économie globalisée, les gagnants, les seuls gagnants seront les pays les plus actifs, et non ceux qui restents accrochés aux illusions d'un Etat providence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) capable d'assurer une vraie solidarité, pour les retraites comme pour la maladie, que si nous sommes collectivement en mesure de créer des richesses. Car ces richesses conditionnent la solidarité, et non l'inverse.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Yves Bur. Non, mes chers collègues, le progrès social n'est pas une donnée irréversible et notre pays ne peut se contenter de croire, dans ce domaine comme dans bien d'autres, aux sirènes des corporatistes et conservateurs de tout bord. Car ceux-ci continuent de tourner le dos aux réalités d'un monde qui n'est pas enclin à prendre en considération nos avantages acquis, et ils les souhaiteraient immuables. Ils abusent les Français en leur assurant que ce qui fut possible dans le passé continue forcément à l'être.
    Non, messieurs les ministres, votre tâche n'est pas facile, car nous avons fait ensemble le choix de dire la vérité à nos concitoyens pour sauver la retraite par répartition, comme nous en appellerons à leur sens des responsabilités pour réformer enfin un Etat qui vit au-dessus de ses moyens et moderniser le système de santé, lui aussi exsangue. Nous assumerons cette responsabilité à vos côtés, avec le courage nécessaire, que nous donne le sentiment d'oeuvrer dans l'intérêt général et pour la France, plutôt que de céder à la démagogie.
    Le défi des retraites ne peut être réglé par des impôts supplémentaires ! Ceux qui préconisent cette fuite en avant irresponsable sont les mêmes qui, entre 2000 et 2002, au nom de l'idéologie des 35 heures, ont dépouillé la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, de plus de 650 millions d'euros !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Absolument !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est la vérité !
    M. Yves Bur. Ils ont de même détourné du fonds de solidarité vieillesse plus de 3,4 milliards d'euros, qui, hélas ! ne serviront plus à prendre en charge les avantages vieillesse des personnes relevant de la solidarité nationale. A cause de leur imprévoyance, ou plutôt de leur asservissement à leur archaïsme idéologique,...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien !
    M. Yves Bur. ... le FSV est devenu pour la première fois déficitaire de plus de 700 millions d'euros.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Merci de le rappeler !
    M. Yves Bur. Comment peuvent-ils nous accuser de ne pas assurer le financement de cette réforme, alors qu'ils n'ont cessé de jouer les cigales, en croyant que les effets d'annonce suffisaient à mobiliser les finances nécessaires ? Il en fut ainsi de l'allocation personnalisée d'autonomie, un progrès revendiqué, mais obtenu à crédit, comme d'habitude. Il en fut ainsi du fonds de réserve pour les retraites : les sources de financement promises pour l'abonder restèrent, hélas !, le plus souvent virtuelles.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. N'importe quoi !
    M. Yves Bur. Rappelez-vous le fameux jackpot, envolé, des licences UMTS...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Avez-vous été plus malins ?
    M. Yves Bur. Je tiens au passage à faire une remarque à l'intention des signataires d'une « lettre ouverte aux bons conseilleurs », parue dans un quotidien de la presse nationale. Il est faux d'affirmer que le fonds de réserve pour les retraites a été alimenté à hauteur de 17 milliards d'euros : à ce jour, le conseil de surveillance du FRR ne gère qu'un peu plus de 12 milliards d'euros.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est vrai !
    M. Yves Bur. Du reste, votre ancien collègue Bernard Kouchner...
    M. Alain Néri. Embauchez-le donc, celui-là !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Servez-vous !
    M. Christophe Masse. On vous le donne !
    M. Yves Bur. ... n'a pas aimé les voix qui se sont élevées avec force pour renier ce qu'avaient apporté à ce pays Michel Rocard, Jacques Delors et d'autres. Et il ajoute que la dérive gauchiste du PS le met mal à l'aise : « Le gauchisme, on le poursuit toujours, on ne le rattrape jamais. »
    M. Jean-Pierre Brard. C'est Rocard qui dit ça !
    M. Yves Bur. Non, c'est M. Kouchner qui l'a déclaré ce soir !
    M. Jean-Pierre Brard. De toute façon, Kouchner n'a jamais été de gauche !
    M. Alain Néri. Mais qu'ils le prennent ! Nous ne demandons que cela !
    M. Yves Bur. Et il termine même en affirmant qu'il manque au PS une vision à long terme !
    La mauvaise foi est un danger encore plus grand pour la démocratie que la pensée unique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Raffarin ! Raffarin !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous confessez donc que vous êtes la voix de la pensée unique !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Répétez donc, monsieur Bur, ils n'ont pas compris !
    M. Yves Bur. Vous avez raison, monsieur le président : mesdames, messieurs les signataires de cette lettre ouverte, la mauvaise foi est un danger encore plus grand pour la démocratie que la pensée unique.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, et M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Yves Bur. Oui, pour être pérennisé, notre système solidaire de retraites a besoin d'une plus grande équité. L'accord signé par le Gouvernement avec des partenaires sociaux dont je tiens à souligner à mon tour le sens de la responsabilité permet à l'évidence de faire converger les situations, mais on est encore loin d'une véritable équité entre les Français. Les salariés du privés seront toujours doublement sollicités, à la fois pour assurer l'équilibre du régime général et pour permettre aux fonctionnaires et aux régimes spéciaux, sous couvert d'une solidarité toujours à sens unique, de conserver des avantages injustifiés au regard de l'objectif d'équité. Je veux parler du différentiel de cotisations sociales de 2,4 points au détriment des salariés du privé et du taux de pension calculé sur les six derniers mois, contre vingt-cinq années dans le privé.
    M. Blondel affirme que les agents de la fonction publique ne relèvent pas du système de répartition et devraient, à ce titre, être exemptés de réforme, au nom des droits acquis financés par les entreprises et leurs salariés, qui créent la richesse, et par les contribuables. Cette solidarité à sens unique n'est plus acceptable au regard de la justice sociale et de l'équité entre tous les Français.
    Pour contrer l'alignement progressif des droits à la retraite, les opposants brandissent à présent la nouvelle arme de la pénibilité, comme si celle-ci n'existait que dans les métiers de la fonction publique. Je ne conteste pas qu'il s'agit d'un problème réel, mais il ne peut être dissocié de celui de l'emploi des salariés de plus de cinquante ans. Prendre en compte la pénibilité ne peut se limiter à la question de la durée de l'activité, qui est déjà la plus faible d'Europe. Il faut créer et adopter un environnement réglementaire favorable à l'emploi des salariés les plus anciens, en encourageant la formation profesionnelle permanente, en valorisant l'expérience des seniors, en améliorant les conditions de travail. Mais, de grâce, ne transformons pas la pénibilité en vecteur de nouvelles inégalités dont ne profiterait que la fonction publique, en raison de sa capacité de prise en otage des usagers.
    Nous avons le devoir d'engager enfin la France sur le chemin de la réforme pour sauver notre système de retraite. Nous le faisons en toute conscience et en tournant le dos à des années de facilité. Nous adopterons cette réforme, qui permettra à la France de conserver le système de retraites le plus favorable d'Europe. C'est un pari sur l'avenir que nous devons à nos enfants.
    Mme Claude Greff, rapporteure pour la délégation aux droits des femmes. Très bien !
    M. Yves Bur. Car nous ne pouvons plus continuer à pénaliser l'avenir en préférant endetter les générations à venir plutôt que mener les réformes structurelles nécessaires, celle des retraites, mais aussi celle d'un Etat surdimensionné et d'un système de santé qui vacille sous le poids de l'irresponsabilité. Nous dégagerons un peu plus l'horizon de l'avenir en adoptant votre projet de loi, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine David.
    Mme Martine David. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, cela a déjà beaucoup été dit ce soir : oui, nous sommes face à un choix majeur pour garantir l'avenir du système de retraite par répartition, l'un des piliers du pacte social qui unit les Français.
    Oui, nous sommes convaincus de la nécessité de mettre en oeuvre une réforme pour faire face à l'évolution démographique, répondre à l'allongement de l'espérance de vie et garantir néanmoins à nos concitoyens un niveau élevé de pensions.
    Oui, nous pensons qu'une telle réforme doit être élaborée dans la transparence, en informant avec objectivité, sans alarmisme, en discutant réellement avec les partenaires sociaux.
    Non, nous ne pouvons suivre la voie que vous empruntez, monsieur le ministre, car nécessité ne signifie pas précipitation, négociation n'est pas simple consultation, réforme n'implique pas régression sociale.
    En effet, alors que vous avez choisi et que vous laissez croire qu'il n'y a pas d'autre alternative que celle de l'allongement de la durée de cotisation et de la baisse du niveau des pensions, nous affirmons, nous, que c'est la durée d'activité, c'est-à-dire l'emploi, qui doit être au coeur de la réforme.
    Au cours de la précédente législature, contrairement à la caricature que vous en faites, nous avons très largement amorcé cette voie.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En un an, 160 000 chômeurs supplémentaires...
    Mme Martine David. Dans le cadre d'un objectif de plein emploi à moyen terme, une politique volontariste avait permis la création de 2 millions d'emplois, la réduction du nombre de chômeurs de près d'un million, et, par ricochet, des rentrées importantes de ressources pour les régimes de retraites.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On ne peut pas dire de telles contrevérités !
    Mme Martine David. Malheureusement, depuis un an, nous assistons à une rupture brutale du cercle vertueux emploi-consommation-croissance.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Très juste !
    Mme Martine David. Les nombreux désengagements de l'Etat, ajoutés aux gels puis aux annulations de crédits budgétaires, hypothèquent gravement la première source de financement de votre réforme, ce qui prouve bien, malgré vos dénégations, que ce projet n'est pas financé, d'autant que vous disposez par avance des ressources de l'UNEDIC, dont l'affectation relève du seul choix des partenaires sociaux.
    Cent mille chômeurs de plus en quelques mois, les programmes d'insertion remis en cause, les plans de licenciement qui se multiplient, sacrifiant sur l'autel du profit tant les salariés compétents que leur savoir-faire... Pis encore, au lieu d'encourager la consommation des ménages moyens et modestes, vous multipliez les avantages fiscaux pour les plus aisés, qui se tournent vers l'épargne.
    Ce bilan désastreux inquiète particulièrement car il affecte les ressources de tous les régimes de retraite. Je dis bien tous les régimes, car contrairement à ce que vous répétez inlassablement pour stigmatiser les grévistes du secteur public, les régimes spéciaux sont bel et bien touchés indirectement par ce texte, en raison des mécanismes de compensation nécessaires à leur sauvegarde.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Non !
    Mme Martine David. Si, monsieur le rapporteur ! Je suis désolée ! Mais nous en reparlerons, bien entendu.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Bien sûr !
    M. Yves Bur. Comme il est attentif !
    Mme Martine David. Oui, il suit bien, on va pouvoir faire une interrogation écrite ! (Sourires.)
    Monsieur le ministre, les Français doivent le savoir, une autre réforme est possible, mais une réforme qui ne soit pas élaborée dans l'urgence, sans négociation sérieuse.
    M. Christophe Masse. Très bien !
    Mme Martine David. On peut bien prendre encore deux ou trois mois pour discuter avec les organisations syndicales !
    M. Christophe Masse. Très bien !
    M. Yves Bur. Quelques années, pendant qu'on y est !
    Mme Martine David. Les pays européens qui ont instauré un large champ de discussion sont d'ailleurs ceux qui, aujourd'hui, ont abouti à des mesures positives et comprises par les populations.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Des mesures engagées il y a dix ans...
    Mme Martine David. Surtout, l'un des leviers majeurs de cette réforme doit être une politique ambitieuse en faveur de l'emploi, privilégiant notamment les jeunes, assurant le maintien en activité des salariés âgés de plus de cinquante ans, et non une politique autorisant des sous-emplois qui permettront peut-être aux retraités les plus pauvres de survivre.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Peut-être...
    Mme Martine David. Oui, « peut-être », monsieur le président !
    Je l'affirme avec force, c'est la mise en oeuvre du pacte national pour l'emploi qui conditionnera la réussite d'une réforme des retraites. Je déplore que ce ne soit pas votre choix. Celui que vous opérez amènera inexorablement à la déstabilisation profonde et durable du système de retraite par répartition, voire à sa disparition. Le Gouvernement et sa majorité en seront comptables devant la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Hunault. Nous assumons !
    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, l'UDF est en phase avec la volonté du Gouvernement. Jean-Luc Préel et Charles de Courson l'ont dit. Nous soutiendrons donc l'effort de réforme. Comme vous, nous pensons qu'il y a urgence à légiférer.
    Oui, la France vit une véritable révolution démographique avec l'allongement de la durée de vie. Oui, le fait de travailler plus longtemps est, de loin, la meilleure solution, même si elle est douloureuse, par rapport notamment à la hausse des charges et la baisse des retraites. Oui, la France de l'égalité républicaine doit aller vers les quarante ans de cotisations pour avoir une retraite pleine dans le privé comme dans le public. Oui, il faut mettre de la liberté dans ce système - liberté de la date de départ, liberté de rachat des années d'études.
    C'est parce que nous vous soutenons clairement et que, comme vous, nous savons que votre réforme n'est qu'une étape et qu'elle appelle d'autres étapes, d'autres réformes, que nous vous présenterons tout au long du débat des améliorations à ce projet de loi dans un esprit constructif. Pour ma part, monsieur le ministre, je tracerai trois pistes.
    D'abord, l'information et la transparence données, par la mise en ligne sur internet, pour chaque citoyen, de son dossier personnel relatif à la retraite. Aujourd'hui, rien n'est plus opaque que l'information sur les retraites.
    M. Hervé de Charette. Il a raison !
    M. Jean Dionis du Séjour. Donc, l'article 8 du projet de loi, qui prévoit des mesures précises d'information de chaque cotisant sur ses droits à la retraite, est une avancée démocratique importante. Ce n'est pas un point mineur, mais il faut aller plus loin dès maintenant. C'est le sens de l'amendement que nous avons déposé et qui vise, en premier lieu, à rendre accessible via internet le dossier retraite de chaque cotisant à sa demande, dans des conditions de complète confidentialité - la technologie le permet - ; en second lieu, à ne pas limiter l'information à une consolidation des données disponibles au moment de la consultation, mais à ajouter la possibilité de simulation sur les années restant à effectuer, sur les années d'étude à racheter, permettant ainsi une véritable aide à la décision personnalisée de chaque cotisant. La responsabilité de ce dispositif en ligne sera confiée au groupement d'intérêt public prévu au premier alinéa de l'article 8.
    J'espère que la représentation nationale votera cet amendement qui facilitera l'information de chacun, au moment où le plan gouvernemental RESO 2007 prévoit que tous les Français qui le souhaitent soient capables d'utiliser les services de base de l'internet en 2007, quand plus de 60 % de nos concitoyens bénéficieront d'un accès personnel à internet.
    Ensuite, nous souhaitons une réforme plus favorable aux familles nombreuses. Votre projet est aussi à améliorer en ce qui concerne l'articulation de la politique familiale et du régime de retraites. En effet, nous avons un taux de fécondité parmi les plus élevés d'Europe, mais loin d'assurer le renouvellement des générations. Il faut plus de jeunes pour assurer les retraites des générations de l'après-guerre. Ecoutons Alfred Sauvy : « Les actifs d'aujourd'hui paient les retraites d'aujourd'hui ; les enfants d'aujourd'hui paieront les retraites de demain. » Michel Debré, prophète bien isolé, nous avait avertis dès les années 70. Aujourd'hui, tous les jeunes couples disent qu'ils auraient aimé un enfant de plus que ceux qu'ils ont mis au monde. A nous, collectivement, de favoriser ce désir d'enfant. Les mesures annoncées constituent, certes, une première étape, mais il reste beaucoup à faire. C'est pourquoi, le groupe UDF, qui a toujours été le promoteur d'une politique familiale audacieuse, propose dès maintenant à la représentation nationale d'adopter divers amendements.
    Nous demandons la suppression de la prise en compte des majorations pour enfants lors du calcul du plafond des cumuls pour le versement de la pension de réversion ; la déductibilité de l'assiette de l'impôt sur le revenu des années de cotisations rachetées afin de compenser le défaut de cotisations pendant les années consacrées à élever des enfants ; la possibilité pour le parent qui bénéficie d'un congé parental de continuer à cotiser à l'assurance vieillesse, afin de ne pas suspendre la constitution de ses droits à la retraite.
    Enfin, nous voulons une réforme qui tend la main aux agriculteurs, oubliés de notre système de protection sociale. Vous le savez, l'agriculture est un véritable « trou noir » à l'intérieur de notre système social, même si des améliorations ont commencé à être apportées avec la retraite complémentaire pour les chefs d'exploitation. Les agriculteurs font partie des catégories qui ont à la fois beaucoup travaillé et, pour des raisons très spécifiques, peu cotisé. Ils sont victimes, dans le régime actuel, des injustices les plus fortes. Le groupe UDF souhaite vivement que la réforme fasse un effort particulier pour la revalorisation des polypensionnés en matière agricole. Il s'agit souvent de conjointes ayant plusieurs très petites retraites dont la revalorisation est bloquée par des verrous ubuesques.
    Par ailleurs, ne mégotons donc pas sur la mensualisation du paiement des pensions de retraite, qui constitue une attente forte du monde agricole. Appliquons cette mesure dès le mois de janvier 2004...
    M. Alain Néri. Très bien ! Bonne idée !
    M. Jean Dionis du Séjour. ... et non pas, comme le prévoit le projet, en 2005 ! Nous avons déposé un amendement en ce sens.
    L'information et la transparence sur internet, une réforme plus favorable aux familles nombreuses, une réforme qui tend la main aux agriculteurs, oubliés de notre système de protection sociale ! Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance pour montrer que vous êtes à l'écoute du Parlement, comme vous l'avez été des partenaires sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à  Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le président, messieurs les ministres, le système des retraites a été créé à la Libération sur la base de la répartition une fois tiré le bilan de la faillite du système par capitalisation d'avant guerre. La répartition s'appuie sur la solidarité entre générations et entre ayants droit. Or votre réforme introduit la débrouille individuelle avec la capitalisation sous forme d'épargne retraite.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais non !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quelle caricature !
    Mme Martine Billard. Elle est fondée sur votre refus a priori de dégager d'autres moyens pour financer les retraites. Et pourtant, notre pays s'est-il appauvri ces dernières années ou risque-t-il de s'appauvrir dans les années à venir ? A priori non. La France est l'un des pays les plus riches de la planète, mais où malheureusement les inégalités vont en augmentant. Le niveau de vie moyen des Français s'est amélioré depuis trois décennies et les retraités en ont profité. Alors que voulons-nous ? Continuer à maintenir ce niveau en réduisant les inégalités ou revenir à des temps où de nombreux retraités survivaient dans la pauvreté ?
    Il s'agit d'un choix politique. Comment voulons-nous répartir les richesses ? Nous, les Verts, considérons que chaque habitant de notre pays, quels que soient son âge, son sexe, ses activités professionnelles, doit avoir les moyens de vivre dignement. Pour nous, le choix est clair : la retraite n'est pas un problème, c'est une richesse. Elle constitue un troisième temps de vie qui permet à beaucoup de se réaliser dans les activités de leur choix. Ces activités bénévoles représentent une richesse pour notre société. Elles repoussent l'isolement, créent du lien social et sont essentielles à bien des associations qui ne pourraient fonctionner sans tous ces retraités. Et avec la politique de diminution, voire de suppression des subventions aux associations que votre gouvernement met en place, les retraités n'en seront que plus indispensables.
    Au nom de l'allongement de l'espérance de vie après quatre-vingts ans, vous voulez augmenter la durée de cotisation. D'abord - cela a déjà été dit -, l'espérance de vie moyenne n'a pas de réelle signification lorque l'on sait que l'écart entre les extrêmes est de treize ans. Ensuite, le fait de vivre au-delà de quatre-vingts ans n'implique pas pour autant la capacité de travailler jusqu'à soixante-dix ans. Si votre logique est « plus on vit vieux, plus on doit travailler longtemps », alors, allez jusqu'au bout et proposez aux femmes de travailler plus longtemps puisqu'elles ont une espérance de vie plus longue que les hommes !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je crois qu'ils voudraient bien prendre une telle mesure !
    Mme Martine Billard. Mais pour travailler plus, encore faudrait-il le pouvoir. Or beaucoup de salariés sont licenciés avant de pouvoir bénéficier du nombre d'annuités nécessaires à l'obtention d'une retraite à taux plein. Un tiers seulement des Français entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans sont actifs. La majorité des salariés qui liquident leur retraite ne sont plus en activité. Ils sont soit en préretraite, soit en maladie, soit au chômage. La souplesse que vous vantez, c'est surtout celle qui permet d'être jeté comme un vieux citron trop pressé. (Sourires.)
    Vous parlez d'équité. Il est donc logique de faire participer tous les acteurs à cet effort : revenus du travail comme revenus du capital, et pas seulement les salariés. C'est la raison pour laquelle, au nom des députés Verts, je défendrai des amendements visant à créer une cotisation retraite sur les stock-options et à introduire la taxation des plus-values boursières.
    M. Christophe Masse. Très bien !
    Mme Martine Billard. Vous avez argué, monsieur Fillon, de l'instabilité économique pour repousser ces solutions. Or la richesse financière progresse de manière régulière en France, même si la folie des grandeurs et une gestion plus que discutable de certains patrons ont mis leur entreprise en difficulté ces dernières années. Il n'est donc pas plus risqué de créer un ensemble de solutions de financement que de se contenter, comme vous le faites, d'espérer la baisse automatique du chômage. Quant à l'arrêt des licencements des salariés dits âgés, mais jeunes retraités, le MEDEF en fait manifestement une arme de chantage pour obtenir encore plus d'exonérations de cotisations. Si les promesses de M. Seillière sont aussi sérieuses que celles du CNPF en 1986 concernant la suppression de l'autorisation préalable de licenciement, le résultat ne risque pas d'être au rendez-vous.
    Vous avez beaucoup communiqué, monsieur le ministre, sur la nécessité de prendre en compte la pénibilité du travail et sur le besoin de formation pour permettre des reconversions. Or ces notions sont absentes de votre projet de loi. En commission, tous les amendements sur la pénibilité ont été repoussés, mais comme vous vous êtes rendu compte du ridicule, vous avez été obligé de faire déposer un amendement par votre majorité sur le sujet. Pour vous, l'équité ne vaut qu'à la baisse. Poursuite de la baisse du montant des pensions, que ce soit par l'allongement de la durée de cotisation à quarante-deux ans, qui concerne tout le monde, public et privé, ou par la modification de l'indexation pour le public et de la proratisation sur 160 trimestres pour le privé.
    Mais, avec vous, ce n'est jamais l'équité à la hausse, alors que cela pourrait l'être avec l'alignement sur les dispositions les plus avantageuses pour les femmes qui ont élevé des enfants et qui ont, de ce fait, des carrières incomplètes. Quant aux femmes des professions libérales - infirmières, kinésithérapeutes -, ce sont les grandes oubliées de la réforme. Pis, pour les quelques avancées que vous introduisez, vous ajoutez une discrimination au nom d'une idéologie rétrograde en excluant de ces mesures les couples pacsés ou en union libre, notion pourtant prise en compte par M. Sarkozy lui-même dans son projet de loi sur l'immigration.
    Alors oui, il faut une réforme des retraites, mais une réforme qui renforce la répartition et la solidarité, qui réduise les inégalités. Or le seul résultat de votre réforme sera une baisse importante du montant des retraites des salariés tant du public que du privé. Les salariés de ces deux secteurs l'ont d'ailleurs compris et le montrent en manifestant depuis des semaines. Pour essayer de rétablir un minimum d'équité, je défendrai, au nom des députés Verts, des amendements sur les thèmes que j'ai développés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cinquante-trois ans, c'était l'âge moyen des membres de notre assemblée lorsque, il y a presque un an, elle a été installée dans ses fonctions. Cinquante-trois ans, c'est aussi l'âge moyen des enfants du baby-boom. Ce symbole nous donne aujourd'hui non seulement une occasion inespérée, mais également une grande responsabilité : légiférer enfin sur l'important problème, la redoutable question des retraites, si longtemps oubliée, si longtemps méprisée, au détriment non seulement de ceux qui vont, dans les années qui viennent, être amenés à faire valoir leurs droits à une pension de retraite, mais surtout, et c'est encore plus grave, de nos enfants, de nos petits-enfants et de ceux qui ne sont pas encore nés, mais qui devront pouvoir compter à leur tour sur la solidarité de la nation, parce que nous aurons su prendre nos responsabilités. La génération du baby-boom, qui est aujourd'hui celle du papy-boom,...
    Mme Martine Billard. Du mamy-boom aussi ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. ... se souvient. Elle se souvient, comme le disait Jean Dionis du Séjour tout à l'heure, du combat mené par certains, courageux et visionnaires, à la fin des années 60, au début des années 70, qui nous disaient avec calme, détermination et avec beaucoup d'angoisse devant l'irresponsabilité naissante, qu'il fallait nous préoccuper de la démographie de notre pays. Et c'est vrai que la référence qui vient immédiatement à l'esprit, c'est l'oeuvre et la réflexion profonde du grand homme d'Etat que fut Michel Debré.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En effet ! Très bien !
    M. Guy Geoffroy. Il nous disait, à cette époque, qu'il fallait regarder l'avenir au fond des yeux et ne pas oublier que les enfants qui ne naîtraient pas manqueraient à jamais, le jour venu, et créeraient, par leur absence, des difficultés inéluctables au moment de payer l'addition. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Mais il est vrai qu'à cette époque on disait beaucoup plus volontiers que la vie pouvait devenir futile, facile, qu'il était « interdit d'interdire », que l'on pouvait par la même occasion - Georges Tron le disait tout à l'heure, j'y reviendrai à mon tour - considérer que les jeunes pouvaient s'affranchir de la contrainte naturelle de l'autorité de leurs aînés et, sous prétexte d'une autodiscipline qui leur viendrait naturellement à l'esprit, se préparer à leur avenir. Malheureusement, l'avenir a montré qu'il n'en était rien. Le combat solitaire, difficile, qu'il nous faut saluer, des enseignants aujourd'hui est bien là pour témoigner des dégâts qui ont résulté pendant de nombreuses années des dérives irresponsables de ceux qui ont cru que l'avenir se paierait à crédit.
    M. Patrick Bloche. N'importe quoi ! C'est délirant !
    M. Guy Geoffroy. Le jeune adulte que je suis devenu à l'époque - jeune agent du service public devenu fonctionnaire - a mis longtemps avant de retrouver ses esprits, quand il constata, au début des années 80, que l'on mit la cerise sur le gâteau de l'irresponsabilité en nommant au prestigieux ministère du temps libre le secrétaire général de la grande fédération de l'éducation nationale.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout un symbole !
    M. Patrick Bloche. C'était un beau symbole, absolument !
    M. Guy Geoffroy. Quel bel exemple donné à notre jeunesse ! Quel bel exemple pour le futur que celui qui consistait à dire que l'avenir s'inventerait tout seul le jour venu et que nous n'avions aucune responsabilité à son égard !
    Mme Nadine Morano. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. Nous avons, bien évidemment, une responsabilité à l'égard de l'avenir. Nous avons une responsabilité envers celles et ceux qui, dans le cadre de notre grand régime de retraite par répartition, ont aujourd'hui le droit de savoir qu'ils pourront bénéficier, comme leurs aînés, de l'effort de tous, de la solidarité de tous et de la grande chaîne des générations qui fondent la vertu et la grandeur d'un pays.
    Mme Claude Greff, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Bravo !
    M. Guy Geoffroy. Alors, messieurs les ministres, nous ne pouvons, nous, élus de la majorité, que vous féliciter et vous remercier du fond du coeur du travail que vous avez accompli. Ce travail, vous l'avez effectué non pas dans la précipitation, dans l'urgence, mais de manière patiente, déterminée, en demeurant à l'écoute. L'écoute ne veut pas dire donner systématiquement raison à celui avec lequel on discute. L'écoute, c'est entendre, tenir compte, mais c'est également faire valoir son point de vue, faire la part entre ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Et si cette réforme doit être saluée, c'est justement parce qu'elle met fin à des anachronismes, à des iniquités, et surtout qu'elle permet d'envisager l'avenir avec beaucoup plus de lucidité, de réalisme et de prospective, avec le sens des responsabilités qui doit nous animer. Il est normal, et c'est un fonctionnaire qui le dit sans honte, que, aujourd'hui, demain, après-demain, tous les Français, quel que soit leur métier, quel que soit leur statut, cotisent durant le même nombre d'années pour pouvoir bénéficier des mêmes droits. La contrepartie de l'augmentation légitime, naturelle, des cotisations sera - il faut le réaffirmer - le maintien du montant des retraites.
    M. Patrick Bloche. Qu'en savez-vous ?
    M. Guy Geoffroy. Il est aujourd'hui fallacieux, mensonger de laisser dire et de laisser croire à un nombre important de fonctionnaires, qui ne savent plus très bien où ils en sont à force d'avoir entendu des sornettes, qu'ils vont devoir travailler au-delà de soixante-cinq ans pour toucher à peine 60 % de leur revenu actuel. L'outrance est si grande,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est un énorme mensonge !
    M. Guy Geoffroy. ... que certains l'ont crue. La décote dont on a parlé, il faut le redire, ne s'applique pas après soixante-cinq ans. Ainsi, ceux qui auront travaillé jusqu'à soixante-cinq ans, mais qui n'auront pas, malheureusement pour eux, totalisé les quarante annuités de cotisation pourront, malgré tout, toucher leur retraite sans décote en proportion du nombre d'années qu'ils auront cotisé.
    Il est évident, enfin, que parmi toutes les réformes que vous nous proposez figurent un certain nombre d'améliorations que beaucoup avant moi ont évoquées et sur lesquelles je souhaiterais revenir.
    Ces améliorations - dont on peut se demander pourquoi ceux qui nous ont gouvernés récemment ne les ont pas réalisées - consistent justement à permettre à ceux qui, tout au long de leur carrière, ont perçu les revenus les plus faibles, de bénéficier d'une augmentation considérable du taux de remplacement.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout à fait !
    M. Guy Geoffroy. Les améliorations consistent également en une meilleure prise en compte non seulement de la différence, à travers le handicap, mais aussi de l'évolution de la vie et du travail des femmes, dont les responsabilités sont beaucoup plus importantes, nombreuses et diversifiées qu'auparavant.
    Ces différentes mesures doivent, me semble-t-il, être mises à l'actif d'une réforme dynamique, courageuse et ambitieuse. Toutefois, vous le savez, monsieur le ministre de la fonction publique, pour avoir longtemps dialogué avec eux, et pour continuer de le faire, cette réforme a beaucoup choqué les fonctionnaires de ce pays. Elle doit donc probablement être mieux expliquée - c'est notre travail - et certains de ses aspects précisés.
    S'agissant, d'abord, du fameux rachat des années de cotisation, nos propositions sont bonnes mais elles doivent pouvoir donner leur pleine valeur. Il ne faut pas qu'elles soient, comme aujourd'hui, interprétées, à tort, comme un marché de dupes, une mauvaise promesse.
    Par ailleurs, il faut que nous travaillions - et ceci concerne principalement, mais pas exclusivement, mes collègues et amis enseignants -, sur les évolutions et les fins de carrière. Devons-nous accepter d'entendre nos enseignants dire, à quarante ou quarante-cinq ans, qu'ils se considèrent d'ores et déjà comme incapables de travailler et d'exercer leur mission au-delà d'un certain âge ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. Nous n'avons pas le droit de les laisser penser cela. Nous devons travailler sur le contenu des carrières, sur les perspectives qui peuvent leur être ouvertes. Nous devons faire en sorte que les fins de carrière ne soient plus vécues comme un drame par beaucoup d'enseignants, mais qu'elles soient l'occasion de valoriser, devant la nation, toute l'expérience accumulée dans un métier qu'ils ont exercé avec passion au service de la collectivité.
    Je terminerai, monsieur le président, en résumant mes propos. Depuis quelques années, face à l'importante question des retraites, on nous disait : « Courage, fuyons ! ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Grâce au nouveau gouvernement, soutenu par la majorité tout entière, on nous dit : « Courage, avançons ».
    M. le président. On devrait même dire : « Courage, Fillon » ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. La majorité avancera aux côtés du Gouvernement pour que cette bonne réforme des retraites permette de préparer l'avenir et de sauvegarder celui des enfants de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, oui, une réforme est nécessaire, mais une réforme juste. Pour que cette réforme soit juste, nous devons analyser la retraite au regard des conditions dans lesquelles s'est déroulé le travail. J'ai fait le choix de ne parler ce soir que d'un seul et unique thème, celui de la pénibilité car, pour nous, il est essentiel que cette notion, qui concerne les salariés du privé, les fonctionnaires comme les professions libérales, soit inscrite dans la loi. C'est à nos yeux un élément essentiel du pacte social que vous n'avez pas pris en compte ou que vous n'avez pris en compte que de manière ciblée.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je suis le premier à l'avoir fait !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'y reviendrai, monsieur le ministre.
    Comment voulez-vous, dans ces conditions, que les Français adhèrent à une telle réforme ? Nous savons tous ici que le métier et le lieu où il est exercé influent, dans la période de la vieillesse, sur le revenu, sur l'usure de la vie et sur la dépendance. Il existe bel et bien une mortalité différentielle selon les catégories socioprofessionnelles.
    Ainsi la probabilité, pour un homme cadre de la fontion publique, de mourir entre trente-cinq et soixante-cinq ans est de 12 % ; pour un ouvrier non qualifié, elle est de 29 %. Si le travail n'est pas le seul responsable de la mortalité précoce des ouvriers, il en est un facteur important. Pour un homme cadre, l'espérance de vie à soixante ans est de vingt-deux années et demi ; pour un ouvrier, elle est de dix-sept ans. Ainsi, si ces deux personnes prennent leur retraite à soixante ans, l'une en bénéficiera pendant vingt-deux ans et demi, l'autre pendant dix-sept ans. Selon une autre étude, moins récente, un cadre avait, à soixante ans, une espérance de vie de dix-sept ans sans incapacité et de 4,1 années avec incapacité ; un ouvrier avait quant à lui, au même âge, une espérance de vie de 12,8 années sans incapacité et de 5,3 années avec incapacité.
    C'est bien une question d'équité, d'égalité, qui nous est posée et qui préoccupe manifestement de nombreux Français. Mais comment prendre en compte l'espérance de vie plus courte de certains travailleurs, dont le temps de retraite est réduit d'autant ?
    Quand et comment vous êtes-vous posé la question ? Dans le projet de loi, monsieur le ministre, il n'y a rien à ce sujet et le rapporteur nous dit qu'il s'agit d'une question trop complexe pour être prise en compte. C'est en effet exactement ce que M. Accoyer a répondu à l'ensemble des questions que nous lui avons posées, en commission, sur les problèmes de pénibilité.
    Vous dites, monsieur le ministre, que vous êtes les seuls à reconnaître la pénibilité. J'ai pris le temps, comme vous je pense, de lire le rapport qui a été remis au Conseil d'orientation des retraites sur ce sujet au mois de mars dernier. Quand on regarde l'histoire des retraites, on s'aperçoit que depuis quelques années, on a tenté, à certaines périodes, d'inscrire la notion de pénibilité dans la loi. En fin de compte, - et je ne fais que répéter ce qui est écrit dans le rapport -, c'est bien la mise en place de la retraite à soixante ans qui a réglé en grande partie le problème.
    Au cours des deux ou trois dernières années, on a reconnu la nécessité de prévoir dans le privé des cessations d'activité anticipées en raison de la pénibilité pour deux métiers seulement : celui des chauffeurs-routiers et celui des convoyeurs de fonds.
    Vous pourriez, me semble-t-il, avoir la politesse de m'écouter, monsieur le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais je vous écoute !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je puis vous assurer que mes propos ne sont pas du tout polémiques, au contraire. Ecoutez, au lieu de bougonner et de dire que vous êtes les premiers à l'avoir fait.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est la vérité, vous n'avez jamais rien fait sur ce sujet-là ! C'est incroyable !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Si vous voulez un débat, prenez le temps d'écouter.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Il fait ce qu'il veut !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Soit, mais j'ai le droit de dire ce que je pense.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Ce n'est pas très intéressant !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'ai cru comprendre que l'on était passé du temps de la négociation à celui du débat au Parlement. Alors prenons le temps de débattre et faisons en sorte que l'ensemble des députés soient écoutés.
    M. Dominique Tian. Ce n'est pas très intelligent !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La preuve que je vous écoute, c'est que je grogne !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce que vous dites est vraiment inacceptable ! Au nom de quoi pouvez-vous affirmer que certains propos sont intelligents et d'autres pas ?
    Je préfère abandonner mes notes et vous dire tout simplement comment je sens les choses. Je suis persuadée que la reconnaissance de la pénibilité est l'un des fondements du pacte social, y compris du nouveau pacte social que vous tentez, monsieur le ministre, de reconstruire autour des retraites. Nous sommes profondément convaincus qu'elle est, avec le principe de la répartition, que nous défendons tous, de nature à vous permettre, à nous permettre tous ensemble, de reconstruire le pacte social. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements en ce sens. Nous verrons quelle sera la réaction de votre gouvernement et de votre majorité.
    Je suis persuadée, après avoir lu le rapport sur la pénibilité qui a été remis au COR, que renvoyer ce problème aux négociations de branche, comme vous l'avez suggéré et comme un certain nombre d'amendements de votre majorité le proposent, n'est pas suffisant. On le sait, le signataire de ce rapport le dit très simplement, il faut aller plus loin, car l'expérience française montre que, dans ces conditions, la négociation est vouée à l'échec. Ce n'est pas parce que l'on oblige à négocier au bout de trois ans que cette négociation aboutira à un résultat. Ce qui est proposé pour les infirmières, les aides-soignantes - je viens de ce secteur, monsieur le ministre - est très bien. Mais dans bien d'autres secteurs, des hommes et des femmes craignent d'avoir une vieillesse difficile, avec des risques de dépendance plus importants que pour les membres d'autres professions. Il est donc nécessaire de fixer un cadre légal beaucoup plus strict à la négociation. Celle-ci, vous le savez, peut porter sur trois points.
    Le premier, c'est la bonification. Vous l'avez offerte aux personnels actifs de la fonction publique hospitalière dans le cadre de la négociation. Je vous l'ai dit, je le répète, c'est très bien. Mais pourquoi ne pas l'accorder également au personnel du secteur privé de la santé, les conditions d'application de cette mesure relevant de la négociation, et, plus généralement, aux personnes qui exercent des métiers pénibles. Nous avons déposé des amendements en ce sens.
    Le deuxième point, c'est ce que vous appelez la seconde carrière et que j'appellerai plus simplement la nécessité d'évoluer dans son travail. Je suis persuadée, monsieur le ministre, que la loi de validation des acquis que nous avons votée sous le gouvernement de Lionel Jospin vous aidera à accompagner l'ensemble des personnes qui exercent souvent des activités pénibles et qui désirent voir évoluer leur carrière.
    Le troisième point, c'est l'amélioration des conditions de travail. Elle sera, à mes yeux, avec la grande mobilisation des entreprises pour la formation professionnelle et la formation continue, l'un des éléments qui permettra aux Français de juger s'il y a une réelle égalité, une réelle équité.
    Si vous faites de la reconnaissance de la pénibilité l'un des principes de cette loi, si les principes-cadres qui permettront que les négociations aboutissent dans chacune des branches professionnelles sont fixés dans la loi, alors oui, monsieur le ministre, le pacte social pourra réellement être reconstruit, parce que les personnes les plus en difficulté pourront espérer au même titre que les autres, avoir la retraite qu'ils avaient imaginée, une retraite beaucoup plus douce et beaucoup plus longue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en matière de retraites, « ne rien faire aujourd'hui conduirait à terme à la condamnation de la répartition et à la rupture des solidarités essentielles. Ne rien faire conduirait à subir une augmentation inéluctable des prélèvements sociaux à la charge des ménages et des entreprises... mettant finalement en péril la compétitivité de l'économie et aggravant le chômage ».
    Comment ne pas souscrire à un jugement aussi lucide ? Le problème, c'est qu'il a été prononcé en 1991 par Michel Rocard, à l'époque Premier ministre.
    En quatorze ans, comme l'a indiqué excellemment Jacques Attali, mis à part la réforme Balladur de 1993, il ne s'est rien passé, ou si peu. Certes, créer un comité d'observation sur les retraites est utile - le Gouvernement s'est du reste largement inspiré de ses travaux - et mettre de l'argent de côté dans un fonds de sauvegarde de nos retraites n'est pas négligeable, mais vous admettrez avec moi que cela fait peu en matière de réforme.
    Messieurs les ministres, comme mes collègues du groupe UMP, je soutiens votre projet de loi au nom de l'équité, du pragmatisme et du réalisme.
    Cette réforme est en effet un premier pas vers l'équité, car elle place au coeur de son dispositif de sauvegarde l'harmonisation progressive des durées de cotisation des régimes de retraites par répartition publics et privés : quarante ans de cotisation pour tous en 2008, quarante et un an en 2012 et près de quarante-deux ans en 2020.
    Je soutiens ce projet de loi au nom du pragmatisme. Ce pragmatisme oblige à constater que, comme la France, les pays européens sont aujourd'hui confrontés au vieillissement de leur population. Entre 2000 et 2040, la proportion des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans passera de 16 % à 28 % de la population totale de l'Union européenne. Comme en France, deux raisons majeures expliquent ce phénomène : d'une part, le départ à la retraite de la génération du baby-boom, d'autre part, l'allongement de la durée de la vie. Face à cette évolution, nombre de pays ont entrepris de réformer leurs systèmes de retraites. Ces réformes visent toutes à relever le taux d'emploi. La Suède l'a fait dès 1999 ; l'Allemagne, le 1er janvier 2002, avec l'entrée en vigueur de la réforme Riester ; l'Italie en 1992, avec le recul de cinq ans de l'âge de la retraite ; l'Espagne en 1995. Je pose donc cette simple question : par quel miracle, serions-nous, nous Français, exemptés de réformer notre système lorsque autour de nous, tous les pays le font pour tenir compte de la nouvelle donne biologique et démographique ?
    Je soutiens enfin ce projet de loi au nom du réalisme. Chacun s'accorde en effet, sur tous les bancs de cette assemblée, à reconnaître qu'il existe trois moyens de se procurer des ressources supplémentaires pour résoudre, au moins partiellement, le problème du financement du système de retraite par répartition : l'allongement de la durée de cotisation, l'augmentation des contributions obligatoires assises sur les salaires et la diminution du niveau des pensions à servir.
    La baisse du taux des pensions serait intolérable et l'augmentation des taux de cotisation presque autant, a dit Michel Rocard - encore lui -, le 30 mai 2003 ! Quelle constance ! En fait, ma conviction, comme la sienne, et comme la vôtre, monsieur le ministre, est que seul l'allongement de la durée de cotisation peut résoudre, pour une large part, notre problème. C'est donc la voie que vous avez choisie et c'est celle qu'il faut emprunter.
    Cependant, des questions demeurent. Ce sont celles que se posent avec moi, j'en suis persuadé, beaucoup de Français. Cette réforme assure-t-elle une équité totale ? Le réalisme dont elle se pare doit-il être conforté ?
    Certains esprits acquis à la réforme ne peuvent pas ne pas remarquer, monsieur le ministre, que la marche vers l'équité est longue et qu'il nous faudra faire encore beaucoup de pas pour y parvenir. Je pense, par exemple, à l'équité réclamée par nos retraités agricoles, par nos artisans, par nos commerçants, pour ne citer qu'une partie de l'armée des non-salariés qui participent, eux aussi, et au moins autant que d'autres, à la richesse de notre pays. Par ailleurs, l'équité recherchée n'est certainement pas atteinte aujourd'hui lorsque l'on considère les régimes dits spéciaux, qui ne sont pas couverts par la réforme et dont les agents se comportent parfois, pour ne pas dire souvent, comme s'ils étaient concernés. Qu'ils ne nous tentent pas trop !
    M. François Liberti. Ce sont des menaces !
    M. Hervé Novelli. Elle n'est pas atteinte non plus car, on le sait, et vous mieux que d'autres, de larges inégalités subsisteront après l'adoption de ce projet de loi entre le seecteur public et le secteur privé.
    La Cour des comptes a publié, en avril 2003, dans une semi-discrétion, un rapport sur les retraites du secteur public. Loin de moi l'idée d'opposer le secteur public au secteur privé, mais je veux toutefois, monsieur le ministre, pointer du doigt les différences qu'elle a relevées, car elles subsisteront même après l'adoption de ce projet de loi.
    Alors que l'âge moyen de départ en retraite dans le régime général est de soixante et un an et demi, il est de cinquante-sept ans et demi pour les fonctionnaires. Trois fonctionnaires sur quatre, partent en retraite avant soixante ans. La quasi-totalité des instituteurs,- c'est heureux, semble-t-il - prennent leur retraite à cinquante-cinq ans.
    Les fonctionnaires subissent une cotisation de 7,85 % contre 11,35 % dans le privé. La Cour des comptes, impitoyable, relève que le taux de cotisation globale par employeur et par salarié est de près de 45 % pour les fonctionnaires civils contre 27 % pour les salariés du secteur privé.
    Une autre différence sensible réside dans le fait que sont pris en compte pour le calcul de la retraite : dans le privé, les vingt-cinq meilleures années, mais dans la fonction publique, les six derniers mois. Cela permet, toujours selon la Cour des comptes, les promotions dites tardives pour bénéficier d'avantages conséquents. Ainsi 40 % des promotions à La Poste ont lieu dans les six derniers mois. Ce taux est de 23 % au ministère des finances, pour une moyenne de promotion, dans l'ensemble de la fonction publique, de près de 20 % dans les six derniers mois d'activité !
    Tout se passe comme si une moitié de la France finançait par l'impôt l'autre moitié.
    Comme vous le voyez, monsieur le ministre, il faudra de nouveaux rendez-vous et vous les avez prévus. Toutefois ils devront être, non pas de simples rendez-vous de financement, mais aussi et surtout des rendez-vous d'équité car, en ce domaine, il reste beaucoup à faire.
    Quant au réalisme, il commande de parler chiffres concernant l'équilibre de notre système à l'horizon de 2020.
    Sur les 43 milliards d'euros nécessaires à l'équilibre de nos régimes, les mesures prévues dans le projet de loi n'en apporteront, d'après vous, qu'un peu plus de 40 %. La prudence, l'équité, le pragmatisme, le réalisme commandent donc, pour se donner toutes les chances de gagner ce pari, de lancer massivement dans notre pays l'épargne retraite volontaire, comme cela se pratique partout autour de nous. Y a-t-il, là encore, une exception française qui nous condamnerait à nous situer, avec l'Autriche, au dernier rang en matière de collecte d'épargne retraite volontaire en pourcentage du PIB ?
    Cette épargne retraite volontaire installée depuis longtemps au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suisse, sécurise aujourd'hui le régime par répartition en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Suède. Vous l'avez bien compris, monsieur le ministre, puisque c'est ce que vous proposez dans votre article 79, mais en renvoyant à une autre loi les modalités de mise en place et de fonctionnement de ce plan d'épargne retraite.
    Nous avons perdu beaucoup de temps et nous pourrions certainement, si vous en êtes d'accord, préciser ce dispositif. En effet un an de perdu dans ce domaine, c'est une sécurité moindre pour la retraite de tous les Français. L'amendement cosigné par de nombreux députés UMP vise à instituer un système qui, tout à la fois, associe les partenaires sociaux, protège les salariés et ne cannibalise pas le système par répartition. Nous auvons l'occasion d'en parler lors de l'examen du titre V consacré à l'épargne retraite.
    Pour terminer, monsieur le ministre, je tiens à souligner combien votre texte est important et mérite notre adhésion.
    Il est important, bien sûr, parce qu'il ouvre la voie vers le règlement d'un dossier non résolu depuis des années ; mais il emporte notre adhésion, peut être principalement parce qu'il constitue le retour du volontarisme en politique, ...
    M. Guy Geoffroy. Tout à fait !
    M. Hervé Novelli. ... du choix de l'action, ce que nous demandent avec insistance nos concitoyens qui ont condamné, lors des dernières élections, l'impuissance publique qui avait prévalu depuis des années.
    Rendre possible ce qui est nécessaire, redonner ainsi à la politique la conduite de notre destin collectif...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Hervé Novelli. ... sous le contrôle de nos concitoyens. Telle est l'ambition affichée de ce gouvernement.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Hervé Novelli. Il aura tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, qui sera le dernier orateur de cette séance.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous le savons tous, nous le disons tous : la pérennité du système de retraite par répartition nécessite des évolutions. Elles sont indispensables. Cependant pour consolider réellement notre système de retraite, encore faut-il s'attaquer aux vrais problèmes et opérer des choix équilibrés. A cet égard un constat s'impose : non seulement votre projet est injuste, mais, de plus, il fait totalement l'impasse sur des sujets essentiels.
    Il n'est pas juste, car l'uniformité des mesures envisagées sera source d'une profonde inéquité entre les salariés. Nous connaissons, pourtant, les inégalités en termes d'espérance de vie. Elles vont de pair avec le degré de pénibilité du travail, à peine évoqué dans le texte. Ainsi, vous ne faites aucune différence entre les secteurs d'activité et les métiers exercés, entre un cadre supérieur et un ouvrier du bâtiment ou un manutentionnaire. Vous augmentez les durées de cotisation pour tous, sans les adapter en fonction de ces critères. Lorsque vous parlez d'équité, permettez-moi donc de douter.
    Votre réforme repose d'ailleurs sur des bases bien fragiles. Elle ignore largement deux sujets fondamentaux, sur lesquels je veux mettre l'accent : la situation de l'emploi dans notre pays et l'âge auquel les salariés - surtout ceux du privé - cessent réellement leur activité.
    Chacun sait que le niveau de l'emploi est le facteur déterminant de financement des retraites. Or votre politique, dans ce domaine, n'est pas un gage de crédibilité, bien au contraire. Les scénarios sur lesquels s'appuie la réforme retiennent l'hypothèse optimiste d'un taux de chômage de 4,5 % à l'horizon des années 2010. Toutefois la réalité est la suivante : alors que, de 1997 à 2002, deux millions d'emplois ont été créés, permettant de réduire le nombre de chômeurs d'un million, une année de votre gouvernement se solde par cent mille demandeurs d'emploi supplémentaires, et rapproche le chômage de la barre des 10 % de la population active.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comment peut-on dire des choses pareilles !
    M. Guy Geoffroy. Avec Mitterrand, on est passé d'un à trois millions de chômeurs !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le ministre, vous comptez, à terme, sur l'effet des évolutions démographiques pour réduire le chômage. En attendant, votre politique économique et sociale nous éloigne de plus en plus du plein emploi. Vous reconnaîtrez qu'en matière de financement des retraites, on a vu plus efficace !
    Le deuxième sujet important est celui de l'âge de cessation effective de l'activité.
    Du fait des choix effectués par les entreprises dans la gestion de leur personnel, le taux d'activité après cinquante-cinq ans est, dans notre pays l'un des plus bas d'Europe. Lorsque l'âge de la retraite a été abaissé à soixante ans par le gouvernement de Pierre Mauroy, le patronat avait poussé des cris d'orfraie. Mais, dans les faits, en mettant à l'écart les salariés de plus de cinquante ans, ce sont les entreprises elles-mêmes qui excluent du monde du travail des centaines de milliers de salariés qu'elles estiment déjà trop vieux et, surtout, trop chers.
    Cette réalité fait de la réforme proposée aujourd'hui un pari audacieux, et même dangereux. A quoi sert-il, en effet, d'augmenter la durée de la cotisation - à quarante et une annuités en 2012, puis, peut-être, à quarante-deux ensuite - si le taux d'emploi des plus de cinquante ans reste toujours aussi faible ? Cela peut-il avoir d'autres conséquences qu'une baisse substantielle du montant des pensions ? Voilà l'inquiétude fondamentale des salariés, qui manifestent et refusent cette réforme.
    Mme Claude Greff, rapporteure. On a raison d'être inquiet, quand on entend des choses pareilles !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Dans ce projet de loi, les réponses apportées à ce défi sont dérisoires et nourrissent l'angoisse de nos concitoyens.
    Monsieur Fillon, vous avez reconnu vous-même à plusieurs reprises que l'augmentation de la durée d'assurance serait difficile si aucun progrès n'était constaté quant à l'âge réel de la cessation d'activité...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Voilà !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. ... mais vous avez aussitôt ajouté, que vous vous donniez un délai de cinq ans avant de revoir cette question et d'imposer, éventuellement, des mesures « drastiques » - pour obliger les entreprises à garder leurs salariés âgés. N'allons-nous pas perdre cinq ans au détriment de ces salariés ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais non, madame !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Et ce ne sont pas les propos du président du MEDEF...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Encore !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. ... repris dans la presse de ce matin qui vont nous rassurer. Venant à la rescousse du Gouvernement, M. Seillière en appelle en effet, à « une véritable révolution culturelle » qui doit conduire les entreprises à garder leurs salariés plus longtemps. Cela n'est pas sérieux.
    Pour avoir travaillé trente ans de ma vie dans les PME - j'y étais encore il y a à peine six mois -, je sais bien que, après cinquante ans, les salariés redoutent avant tout d'être licenciés du fait de leur âge. Le stress, dont M. Le Garrec a parlé, s'installe. Pourquoi les employeurs changerait-ils soudainement leurs pratiques si rien ou presque ne les y incite ?
    Force est donc de constater que cette réforme est bâclée. Elle aurait pu prendre en compte les vrais enjeux dans leur ensemble. Le Gouvernement a choisi de faire porter tout l'effort sur les salariés. Il n'a pas négocié sa réforme avec les partenaires sociaux avant de recourir à la loi. Ce sont les salariés et les retraités qui en paieront les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 11 juin 2003, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la cybercriminalité.
    Ce projet de loi (n° 905) est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 11 juin 2003, de M. Michel Herbillon, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, une proposition sur la diversité linguistique dans l'Union européenne (documents E 2275-1, E 2024 et E 2182), déposée en application de l'article 151-1 du règlement.
    Cette proposition de résolution, n° 907, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 11 juin 2003, de M. Richard Mallié un rapport n° 904, fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur les propositions de loi :
    - de M. Richard Mallié, portant diverses dispositions relatives aux droits des mineurs et aux mines (n° 418),
    - de M. Michel Sordi, portant diverses dispositions relatives aux mines (n° 489).
    J'ai reçu, le 11 juin 2003, de M. François Goulard, un rapport n° 906, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, de sécurité financière (n° 901).

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DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 11 juin 2003, de M. Michel Herbillon, un rapport d'information n° 902, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur la diversité linguistique dans l'Union européenne.
    J'ai reçu, le 11 juin 2003, de M. Gérard Voisin, un rapport d'information n° 903, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur les promotions des ventes dans le marché intérieur.

6

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, jeudi 12 juin 2003, à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 885) portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    A quinze heures, deuxième séance publique :

    Suite de l'ordre du jour de la première séance.

    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le jeudi 12 juin 2003, à une heure quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du mercredi 11 juin 2003
SCRUTIN (n° 161)


sur la question préalable opposée par M. Bocquet au projet de loi portant réforme des retraites.

Nombre de votants

394


Nombre de suffrages exprimés

393


Majorité absolue

197


Pour l'adoption

115


Contre

278

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 274 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 100 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - M. Jean Lassalle.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Pour : 3. - Mme Martine Billard, MM. Gérard Charasse et Noël Mamère.