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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 13 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 12 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Dépôt du rapport d'une commission d'enquête «...».
2.  Réforme des retraites. -  Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Hervé Mariton,
Didier Mathus,
Paul-Henri Cugnenc,
Gérard Charasse,
Mme
Muriel Marland-Militello,
MM.
Alain Néri,
Hervé de Charette,
Mme
Marie-Françoise Clergeau,
M.
Mansour Kamardine.

Suspension et reprise de la séance «...»

Mmes
Nadine Morano,
Christine Boutin,
MM.
Simon Renucci,
Bernard Perrut,
Mme
Marie-Renée Oget,
MM.
Dominique Tian,
Jean-Pierre Balligand,
Jean-Paul Anciaux,
Germinal Peiro,
Marc Bernier,
Jean-Marie Le Guen,
Georges Colombier,
Louis-Joseph Manscour,
Patrick Delnatte,
Alain Vidalies,
Jean-Claude Guibal,
Mme
Arlette Franco.

Rappel au règlement «...»

MM. Alain Bocquet, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

    M. le président. M. le président a reçu, le 11 juin 2003, de M. Patrick Ollier, président de la commission d'enquête sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib, le rapport, fait au nom de cette commission, par M. Charles de Courson.
    Ce rapport sera imprimé sous le numéro 906 et distribué, sauf si l'Assemblée, constituée en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.
    La demande de constitution de l'Assemblée en comité secret doit parvenir à la présidence dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du présent dépôt au Journal officiel de ce jour, soit avant le mercredi 18 juin 2003.

2

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, le débat que nous vivons depuis quelques jours est assez vif, non seulement parce que l'enjeu est de taille, mais aussi parce qu'il rompt, me semble-t-il, avec un certain nombre d'idées reçues, en vigueur dans la culture politique de notre pays.
    La réforme des retraites qui nous est proposée, parce qu'elle montre aux Français que, pour résoudre les problèmes du pays, il faudra demain travailler plus, est en rupture claire, nette, avec un cetain sens de l'histoire, un fatalisme ou un espoir - je ne sais - de voir le travail sans cesse diminuer.
    Mesurons l'évolution. Il y a moins de dix ans, la publication d'un ouvrage comme celui de Dominique Méda sur la fin du travail, Le travail, une valeur en voie de disparition, marquait l'accomplissement d'une époque, l'aboutissement d'un cheminement. Il est sans doute inélégant de mettre trop de responsabilité sur le dos de cette sociologue mais, la société française et le monde politique étant ce qu'ils sont, on sait qu'un ouvrage, un courant de pensée peuvent avoir sur une époque, dès lors que règne une certaine facilité de raisonnement et qu'il y a une recherche précipitée de solutions, des effets considérables et néfastes. Donc à la fois le sens de l'histoire, une certaine facilité intellectuelle et la mode des idées ont abouti dans notre pays à la réduction du temps de travail qui, si elle peut se concevoir sur une semaine, mène sur une année et, qui plus est, sur toute la durée d'une vie aux difficultés que l'on sait.
    Evidemment, dire à un certain nombre de nos collègues et à nos concitoyens que le sens de l'histoire n'est pas quelque chose d'écrit d'avance, qu'il n'y a pas, dans le domaine du travail comme dans d'autres, de déterminisme absolu et que nous devons faire les choix justifiés à un moment donné par la situation du pays et pour servir ceux que nous représentons est une rupture par rapport au discours précédent. Le message n'est pas nécessairement facile à faire passer ni à entendre pour ceux qui le reçoivent.
    Deuxième observation qui explique sans doute la difficulté de ce débat : nos compatriotes ne sont pas habitués à ce qu'on leur explique que la France ne peut pas sur tous les sujets et en tout temps faire différemment d'ailleurs. La culture, à bien des égards sympathique, de l'exception française fait que, lorsque, même sur un débat de nature sociale, où l'on met en avant la nécessité d'une homogénéité de solutions dans la totalité des pays de l'Europe ou du monde occidental, nos compatriotes n'écoutent pas et n'acceptent pas la comparaison avec ce qui se passe à l'étranger.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Eh oui !
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. Hervé Mariton. La réforme proposée en Autriche est bien plus sévère encore que celle que le Gouvernement nous soumet. Il est démontré que dans les pays où les personnes travaillent le plus longtemps, les temps de chômage des jeunes sont significativement inférieurs à ceux que l'on constate en France ! Oui, tout cela est vrai ! Mais tout cela est ailleurs et donc, pensent nombre de nos collègues et de nos concitoyens, ne nous concerne pas !
    Il faut mesurer les dégâts - n'ayons pas peur des mots - que le concept d'exception française porté à son extrême et de manière trop systématique peut causer.
    M. Denis Jacquat. Exact !
    M. Hervé Mariton. Nous nous retrouvons en effet dans un système fermé, très homogène et certes très sympathique mais où nous ne prenons pas la mesure de ce qui se passe autour et du déclin qui peut nous menacer.
    Regardons ce qui s'est passé en Argentine, pays apparemment prospère où les différents milieux de la société semblaient vivre confortablement, même s'il connaissait certaines difficultés de conjoncture et quelques tourmentes dans la vie économique. Les choses semblaient se dérouler, d'une crise à l'autre, assez benoîtement.
    Méfions-nous que, même protégé et à la limite parce que protégé par l'euro et par un certain nombre de disciplines collectives, par manque d'effort interne et de vigilance à l'égard des autres, pour faire mieux qu'avant et mieux qu'ailleurs, les déséquilibres accumulés ne fassent à un moment donné craquer le système et que nous nous retrouvions dans la même situation qu'en Argentine.
    La seule solution non pas possible mais raisonnable est, comme le propose le Gouvernement, l'augmentation du travail des Français. Il y a un effort à accomplir et celui-ci se règle par l'augmentation du travail. Il ne pourra l'être ni par l'augmentation des cotisations - ce qui serait en réalité reporter le problème - ni par la diminution des pensions. Personne ici ne l'accepterait.
    Et quand on regarde les deux bouts de la vie d'un homme ou d'une femme, on retrouve à la fois le sens de l'histoire et l'exception française, qui rendent ce débat si difficile. Parmi les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans et celles âgées de moins de vingt-cinq ans, le taux d'emploi est très significativement plus faible en France qu'ailleurs, en Europe et dans le monde occidental.
    La situation des travailleurs les plus âgés a été amplement décrite par beaucoup de collègues avant moi. Il faut habituer nos concitoyens à l'idée que travailler à soixante ans n'est pas nécessairement une abomination et que, en tout cas, c'est ce que la démographie exige aujourd'hui. Ne sous-estimons pas pour autant les difficultés qui se présenteront dans ce changement de comportement. Je partage pleinement les critiques qui sont faites à l'encontre de nos collègues de l'opposition lorsqu'ils tentent de présenter le travail comme un avilissement, comme une sorte de tunnel dans lequel le citoyen rentrerait et aurait hâte de sortir le plus vite possible. Ne sous-estimons pas pour autant les difficultés qui existent dans certaines tâches, en particulier manuelles, en matière de carrière. Tout doit être fait pour favoriser l'épanouissement de nos compatriotes au travail. C'est un joli thème, et une belle proposition. Mais ayons l'humilité de reconnaître que, pour certaines tâches, cela est parfois plus difficile.
    Je visitais l'autre jour un abattoir de découpe de volailles dans ma ville. Le travail y est très banal, très simple, trivial et l'on peut effectivement se demander comment la personne au-delà d'un certain âge trouvera son épanouissement dans un tel environnement. La question n'est pas si facile. Sans doute faut-il pour cela une infinie ressource intérieure. Ne sous-estimons donc pas cette difficulté.
    Nous devrons travailler à la valorisation des tâches et mener tout un travail d'ingénierie social, en particulier pour les travailleurs manuels les plus âgés. C'est indispensable et urgent.
    J'en viens à un autre point qui, à mon avis, a été moins abordé : celui des jeunes. Si l'on veut que nos compatriotes aient quarante, quarante-deux ans de cotisation...
    M. Alain Néri. Pas tant !
    M. Hervé Mariton. ... il faut non seulement arrêter sa carrière plus tard mais aussi sans doute la commencer plus tôt.
    M. Gérard Charasse. Eh oui !
    M. Hervé Mariton. Il faut avoir le courage de le dire. Nous nous sommes habitués dans notre pays à ce que les carrières commencent de plus en plus tard. La raison en est non pas que le niveau de formation se soit élevé de manière systématique, même si l'on peut se réjouir qu'il se soit élevé en partie, mais que la société française a accepté comme un chemin normal ce qui n'est en réalité qu'un vagabondage sur le plan de la formation et qui se révèle à la fois démobilisant et frustrant pour la personne concernée, coûteux pour elle-même, pour sa famille et pour la nation dans son ensemble.
    M. Denis Jacquat. Exact !
    M. Hervé Mariton. Il y a là un message qui doit être adressé avec une grande fermeté. Si tous les parcours individuels sont dignes,...
    M. Denis Jacquat. Très bien !
    M. Hervé Mariton. ... les situations peuvent être variées. Pour dire les choses très clairement et très directement, et peut-être un peu maladroitement, lorsque l'on nous explique que la situation d'un professeur d'école qui commence sa carrière à vingt-sept ans sera intenable, parce que, s'il doit cotiser quarante-deux ans, il partira à soixante-neuf ans à la retraite - ce qui est faux, car il sera frappé par la limite d'âge - considère-t-on qu'il est dans l'ordre des choses, dans la norme de commencer sa carrière de professeur d'école, dans notre pays, à vingt-sept ans ?
    M. Gilles Carrez. Non ! C'est trop tard !
    M. Hervé Mariton. Je dis cela car, en réalité, peu de gens en conviennent. Cette idée de vagabondage, d'étirement indéfini de l'enseignement supérieur, est liée à l'idée d'un baccalauréat axé sur cet enseignement supérieur. C'est une tradition ; nous considérons que c'est une bonne chose et nous ne voulons pas y toucher.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Et il y a le chômage !
    M. Hervé Mariton. Les études supérieures supposent une certaine organisation et il sera de l'intérêt même de ceux qui s'engageront demain dans le monde du travail de réfléchir soigneusement au moment où ils le feront, afin d'optimiser leur parcours, leurs chances et leurs énergies.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il a raison !
    M. Hervé Mariton. On pourrait, en souriant, encourager les professeurs d'école, comme cela se faisait plus souvent il y a vingt, trente ou quarante ans qu'aujourd'hui, à faire sauter de temps en temps une classe aux enfants. C'est une méthode astucieuse pour atteindre plus tôt le nombre d'années de cotisation suffisant pour la retraite. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Vous rêvez !
    M. Michel Delebarre. C'est plutôt un cauchemar !
    M. Hervé Mariton. Ce n'est évidemment qu'une plaisanterie. En tout cas, le débat que nous avons pose aussi, je tenais à le souligner, la question de l'entrée effective dans la vie active. Elle ne se réglera ni facilement ni brutalement. Elle requerra le développement de l'apprentissage, même à haut niveau, ainsi que les démarches de tutorat déjà évoquées.
    Voilà, monsieur le ministre, quelques points de pédagogie que vous allez devoir rappeler encore dans les mois qui viennent. Le débat que nous avons est difficile, mais il est en même temps essentiel. Vous avez eu le courage de l'engager. Soyez-en, ainsi que le Gouvernement dans son ensemble, remercié. Mesurons, cependant, qu'une fois la loi votée, il restera encore au Gouvernement et à la majorité que nous sommes beaucoup de travail : nous devrons faire preuve de pédagogie et encourager nos compatriotes à mieux appréhender le travail à la fois pour eux et pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. Très bien !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Excellente intervention !
    M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.
    M. Didier Mathus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avoue avoir été interloqué par l'intervention de notre collègue Mariton. J'ai d'ailleurs une suggestion à lui faire : une solution simple au problème des professeurs qu'il a évoqué serait qu'ils commencent à enseigner avant d'avoir fait leurs études, ainsi tout sera réglé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Oh ! M. Mariton a fait des propositions très intéressantes !
    M. Hervé Mariton. Où l'on voit que la pédagogie sera utile !
    M. Didier Mathus. J'ai cru comprendre que c'était votre proposition, monsieur Mariton ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est une interprétation un peut « mathusienne » !
    M. Didier Mathus. Mes chers collègues, notre débat s'engage dans un étrange climat. Rarement une majorité aussi assurée numériquement que la vôtre aura paru aussi fébrile, aussi nerveuse,...
    M. Denis Jacquat. Non, pas du tout !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vous qui aviez le feu aux pieds, hier, en sortant de l'hémicycle !
    M. Didier Mathus. ... aussi inutilement agressive, voire provocatrice à l'égard de l'opposition.
    M. Denis Jacquat. Non, on la respecte !
    M. Didier Mathus. Vous avez passé, monsieur le ministre, messieurs les députés de la majorité, plus de temps à ostraciser le Parti socialiste, à attaquer ses positions, dans un climat de brutalité politique comme nous en avons rarement connu (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Michel Delebarre. Très bien vu !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pas de provocation !
    M. Didier Mathus. ... et à discréditer plutôt qu'à défendre, à expliquer votre projet et à essayer de le mettre en valeur.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Expliquez-nous donc le vôtre !
    M. Didier Mathus. C'est sans doute, monsieur Accoyer, l'ivresse des majorités trop fortes...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Vous l'avez connue !
    M. Didier Mathus. ... que de considérer toute opposition démocratique comme insupportable, voire illégitime. Et comme dans Les Animaux malades de la peste, j'ai l'impression que vous avez tous été frappés.
    M. Denis Jacquat. C'est le PS qui était malade, hier !
    M. Hervé Mariton. Atteint de la peste rouge !
    M. Didier Mathus. Que M. le rapporteur Accoyer cède à l'outrance, c'était attendu. Il était là pour ça, si j'ose dire. Que M. Jacquat, par exemple, qui nous a habitué à mieux, verse dans un manichéisme de préau, c'était plus inattendu.
    M. Denis Jacquat. Non, on m'a dit que j'avais été bon !
    M. Didier Mathus. Mais que vous, monsieur le ministre, ayez pu à ce point trahir l'héritage du gaullisme social dont vous vous réclamiez de façon coutumière autrefois (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) est encore plus navrant. Quelle mouche vous a donc piqué ? Dans quelle surenchère, dans quelle compétition intragouvernementale êtes-vous engagé ?
    Mme Christine Boutin. C'est de la provoc !
    M. Hervé Mariton. Quelles sont vos propositions ?
    M. Didier Mathus. Il est vrai que l'exemple vient de haut. Le dérapage verbal du Premier ministre (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) est finalement assez révélateur.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Vous ne parlez pas des retraites ?
    M. Didier Mathus. Les mots qui lui viennnent spontanément à l'esprit dans la pénombre d'une assemblée de militants sont ceux d'un autre temps, ceux d'un milieu bien particulier, celui de certains notables provinciaux engoncés dans leur archaïsme intellectuel.
    M. Hervé Mariton. Quel mépris !
    M. Didier Mathus. Pourtant, si j'ose dire, M. Raffarin aurait dû être bien placé pour se garder de ce genre de vocabulaire. Lui, ancien giscardien notoire, aurait dû se souvenir de l'appel de Cochin, où un certain Jacques Chirac vilipendait le « parti de l'étranger » que représentait à l'époque, selon lui, M. Giscard d'Estaing.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Il n'a rien d'autre à dire ?
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est un débat sérieux, monsieur Mathus !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Comme il n'a rien à dire sur les retraites, il faut bien qu'il parle d'autre chose ! C'est un aveu !
    M. Didier Mathus. Tout ce climat est révélateur d'un véritable projet politique, je crois.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est bien votre problème !
    M. Didier Mathus. Votre projet n'est qu'une construction politique, une sorte de décor en trompe l'oeil, puisqu'il n'est financé que pour six ans.
    M. Hervé Mariton. Le vôtre est d'autant moins financé qu'il n'y a rien dedans !
    M. Didier Mathus. Ce texte apparaît enfin pour ce qu'il est : la tête de pont de la régression sociale. Le projet de la majorité, on l'a bien compris, c'est d'obtenir une victoire politique et sociale sur le mouvement social, avec cette sorte d'adoration archaïque pour ce qu'ont incarné Reagan, Thatcher et la révolution néoconservatrice des années quatre-vingt (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) face à la grève des contrôleurs aériens aux Etats-Unis ou la grève des mineurs anglais en 1986.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Le débat s'efface devant la polémique !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Ce n'est pas sérieux !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'a vraiment rien à dire !
    M. Didier Mathus. Voilà l'obsession politique de cette majorité :...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Décidément, Rocard a raison, Kouchner a raison, Charasse a raison !
    M. Didier Mathus. ... obtenir une victoire à la Pyrrhus pour essayer de faire passer, derrière l'ensemble de son projet politique et social, celui d'une régression sans précédent.
    Mme Christine Boutin. Allons ! vous avez du mal à garder votre sérieux en disant cela !
    M. Hervé Mariton. Quel mépris !
    M. Didier Mathus. Car derrière les retraites, on l'a bien compris, il y aura la sécurité sociale à l'automne, la décentralisation - mais peut-on l'appeler ainsi ? le terme est trop valorisant...
    M. Alain Néri. Le démantèlement !
    M. Didier Mathus. ... car c'est bel et bien une provincialisation qui est en cours.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela fait cinq minutes qu'il a la parole et il n'a pas encore parlé des retraites !
    M. Didier Mathus. Voilà le projet politique de cette majorité. Tout cela, nous l'avons bien compris avec cette espèce de hold-up sur le vocabulaire de la réforme. Car la réforme...
    M. Hervé Mariton. La réforme, c'est nous !
    M. Didier Mathus. ... la réforme, mes chers collègues, pendant cent ans, cela a été la volonté du progrès social. Or vous essayez aujourd'hui de jouer sur le vocabulaire pour tenter de capter le mot et de lui donner une valeur conservatrice qu'il ne saurait avoir.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Vous n'avez pas fait une seule proposition. Donnez une autre image de l'opposition !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Votre discours illustre bien l'embarras des socialistes !
    M. Didier Mathus. Mais il est quelque chose qui me plaît beaucoup : c'est l'intelligence du peuple.
    M. Jean Grenet. C'est bien pour cela que nous sommes là !
    M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.
    M. Hervé Mariton. Oui, terminez-en ! On n'est pas plus avancé par votre intervention qu'auparavant !
    M. Didier Mathus. En dépit de votre intense campagne de communication, les gens ont compris que vous vouliez les obliger à travailler plus longtemps pour gagner moins et que vous alliez conduire à une baisse générale du niveau des pensions.
    M. le président. Vous devez conclure, monsieur Mathus.
    M. Didier Mathus. La réalité est têtue et va au-delà du vocabulaire. Aujourd'hui, les radios parlent du baccalauréat et des difficultés économiques engendrées par la grève. Un seul constat s'impose : quand la droite gouverne, la France va mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce sont avant toute autre cause, nous le savons, les changements démographiques profonds constatés dans notre pays qui rendent nécessaire la réforme des retraites. Et le fait déterminant dans cette évolution, c'est l'allongement de l'espérance de vie. Cet objectif que nous avons souhaité, que nous favorisons, que nous encourageons et que nous accentuons, a déstabilisé notre modèle français. Et l'on peut dire, d'une certaine manière, que les professions de santé, que je connais bien, peuvent revendiquer une bonne part de responsabilité dans cette évolution.
    Mais il faut savoir préserver une cohérence élémentaire. Faire en sorte que les Françaises et les Français vivent de plus en plus longtemps, préserver leur santé et leur autonomie jusqu'à un âge souvent très avancé, opérer et guérir des octogénaires, des nonagénaires, ce que nous faisons tous les jours, en leur donnant plusieurs années supplémentaires d'espérance de vie en situation de retraité, suppose en contrepartie de prendre en compte ce changement et d'adapter notre « modèle français ».
    Accroître l'espérance de vie, c'est augmenter la durée de retaire. Au cours des cinquante dernières années, celle-ci se sera allongée de plus de 50 %. Aujourd'hui, un Français sur cinq a plus de soixante ans ; demain, en 2004, ce sera le cas d'un sur trois. Le nombre de retraités aura presque doublé pour atteindre un quart de la population. La sauvegarde de nos retraites impose de s'engager résolument dans la réforme de notre système. Rien ne serait plus absurde que de prétendre sauver nos retraites en proposant le statu quo. Car, pour sauver les retraites, il faut les financer. Je veux le répéter, non pour mes collègues qui le savent parfaitement, mais pour ceux qui feignent de ne pas le savoir ; nous n'avons - toute autre proposition de prélèvement ne pourrait intervenir qu'à la marge - que trois hypothèses susceptibles de sauver le système des retraites : ou bien décider des baisses importantes du niveau des pensions, ce que les Français ne souhaitent pas et que nous ne voulons pas ; ou bien sensiblement relever les cotisations, ce que nous n'envisageons pas, car la pression fiscale en France est aujourd'hui l'une des plus fortes en Europe et nous nous sommes engagés à évoluer dans un tout autre sens, sachant qu'un alourdissement des contraintes de nos entreprises n'améliorerait certainement pas le dossier des emplois ; ou bien enfin accepter un allongement raisonnable de la durée de cotisation, en respectant le rapport temps d'activité sur temps de bénéfice de la retraite.
    En choisissant la seule option logique et raisonnable - l'allongement progressif du temps de travail et des cotisations que nous associons intimement à une espérance de vie encore majorée en situation de retraité -, vous apportez pour la première fois, monsieur le ministre, avec lucidité, courage, pragmatisme une réponse d'ensemble à ce changement démographique. Car cette réforme nécessaire est une réforme régulée. Le rapport durée d'activité sur durée de retraite ne sera pas augmenté. Ajoutons que tous les dispositifs sont mis en place pour moduler les données dans l'hypothèse où les prévisions retenues aujourd'hui comme hautement probables se révéleraient demain inexactes.
    Vous privilégiez, monsieur le ministre, un langage de vérité et de bon sens en affirmant qu'un nombre de plus en plus faible d'actifs ne peut maintenir, dans le système de répartition que nous défendons et maintenons, un niveau décent de pensions servies à un nombre de plus en plus important de retraités. Votre choix réhabilite la notion de travail, sérieusement mise à mal pour la précédente majorité avec l'irresponsable réforme des 35 heures et son double impact, économiquement négatif et psychologiquement dramatique, qui a abouti à la démobilisation des actifs. Le Premier ministre l'a rappelé à cette tribune : c'est le travail qui crée la croissance et c'est la croissance qui crée l'emploi. Au terme d'une législature où une autre majorité a voulu présenter le travail comme une aliénation de l'individu, nous apprécions l'alternance.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Gérard Charasse. On n'a jamais dit ça !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Au demeurant, cette réforme n'est pas figée. Nous saluons la mise en place d'une commission d'évaluation qui adaptera, si nécessaire, le dispositif proposé aux réalités du terrain et de l'avenir. Cette disposition enlève toute crédibilité à ceux qui nous reprochent de construire sur des prévisions.
    Enfin, cette réforme est juste. Elle privilégie les plus démunis...
    M. Gérard Charasse. Ça, c'est la meilleure !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... et fixe le niveau minimum de retraite à taux plein à 85 % du SMIC. Un dispositif de revalorisation des retraites indexé sur l'évolution des prix sera également mis en place. Dans la fonction publique hospitalière, les catégories actives de l'hôpital bénéficieront, en raison de la pénibilité de leur tâche, d'une majoration de durée d'assurance d'un an tous les dix ans.
    Il serait juste, monsieur le ministre, d'accorder à ces mêmes professions, en dehors du système hospitalier, les mêmes prérogatives et les mêmes avantages. Dans la fonction publique hospitalière, il serait souhaitable que les anomalies les plus troublantes soient corrigées,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il faudra penser au cas des techniciens de laboratoire.
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... que l'activité hospitalière, enfin reconnue, des médecins hospitalo-universitaires soit prise en compte dans le calcul de leur retraite. Ils ne comprendraient pas que l'indemnité correspondant à un investissement personnel majeur, à une disponibilité souvent exemplaire, soit au mieux considérée comme une prime.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je ne peux dire le contraire ! (Sourires.)
    M. Paul-Henri Cugnenc. Les familles aussi sont soutenues ; les exploitants agricoles viennent d'obtenir une amélioration substantielle et tout à fait justifiée de leur retraite...
    M. Gérard Charasse. Par qui ?
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... depuis le mois dernier,...
    M. Alain Néri. Et à qui le doivent-ils ? A nous !
    M. le président. Monsieur Néri, je vous en prie.
    M. Bernard Roman. C'est à Néri qu'ils le doivent !
    M. Paul-Henri Cugnenc. ... et la mensualisation prévue à court terme dans le projet de réforme est attendue par tous.
    La réforme du régime de base, la création d'un régime complémentaire obligatoire pour les professions artisanales, industrielles et commerciales répondent à leurs attentes.
    Vous l'avez déclaré, monsieur le ministre : ayons le courage de dire aux Français que c'est l'immobilisme qui remet en cause la retraite par répartition, et que ce sont les salariés les plus modestes qui souffriraient le plus de son naufrage. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Votre stratégie repose sur un choix fondamental. Encore une fois, le social n'est pas du côté des socialistes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Il est du côté du MEDEF peut-être ? Ce serait une nouveauté !
    M. le président. Monsieur Néri, allons !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Il est du côté de ceux qui sauvegardent et préservent les acquis du modèle et du système original français. Il est de notre côté. Le choix de la gauche de financer le statu quo et l'inertie par l'augmentation du taux de cotisation est stérilisant, contre-productif pour tous et particulièrement pénalisant à terme pour les plus défavorisés. Car alourdir les charges de tous, c'est pénaliser l'emploi. Nous prenons pour demain des mesures de bon sens, quand bien même elles suscitent aujourd'hui une certaine polémique, pour des raisons politiciennes qui ne grandissent guère ceux qui tentent d'en profiter.
    M. Bernard Roman. C'est lamentable !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Mais nous savons, monsieur le ministre, que, demain, vos analyses de bon sens recueilleront le consensus. Vous engagez, sans le soutien de la gauche, une réforme dans l'intérêt de tous les Français, une réforme de nécessité, une réforme de justice, une réforme de solidarité. C'est une raison à nos yeux bien suffisante pour soutenir avec confiance, détermination et conviction le texte que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.
    M. Gérard Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme des retraites est nécessaire. Les chiffres sont éloquents : 0,85 personne inactive par actif aujourd'hui, 1,18 en 2040. Ils nous font comprendre que la stratégie de l'évitement n'aurait, dans ce domaine, qu'une conséquence : la paupérisation continue du salariat français, de ceux qui cotisent comme de ceux qui reçoivent.
    Je fais partie des parlementaires qui, sous la précédente législature, ont entamé le travail - je veux parler du travail de préparation - et posé un diagnostic sur lequel s'appuie de manière, hélas ! souvent partiale le gouvernement actuel,...
    M. Bernard Roman. Tout à fait !
    M. Michel Delebarre. C'est bien de le dire !
    M. Gérard Charasse. ... lesquels ont abouti à constituer un fonds de réserve qui devrait atteindre 17 milliards de francs à la fin de l'année 2003,...
    M. Michel Delebarre. Il est bon de le dire aussi !
    M. Gérard Charasse. ... et à donner un coup d'arrêt aux inégalités, par exemple en matière de retraites agricoles. Rappelons que ces mesures ont conduit à des augmentations des pensions de retraite de respectivement 29 %, 44 % et 79 % pour les chefs d'exploitation, les veuves, les aides familiaux ou les conjoints.
    Pour aller plus avant dans cette réforme, il faut, vous le savez bien, trouver une cohésion, un large accord du pays. Nous ne pouvions le faire avec le chef de l'opposition installé à l'Elysée. Aujourd'hui, c'est vous qui avez toutes les cartes en main : l'Elysée, Matignon, le Sénat, l'Assemblée où la majorité continue pour l'heure de voter tous vos projets, encore poussée par je ne sais quel « esprit de mai »...
    M. Michel Delebarre. Sans compter le MEDEF !
    M. Maxime Gremetz. C'est pourtant l'essentiel !
    M. Gérard Charasse. Est-ce l'esprit de mai qui pousse M. le Premier ministre à dire à la France blessée que la rue ne gouverne pas ? Est-ce l'esprit de mai, qui fait menacer - je cite - « d'envoyer en province les barons de l'UMP pour resserrer les boulons » ?
    L'examen de votre texte commence devant une France qui descend dans la rue et qui a compris qu'à votre « France d'en bas » correspond une « France d'en haut », qui sait pour qui vous gouvernez.
    M. Bernard Roman. Bonne remarque !
    M. Gérard Charasse. Si nous en sommes là, c'est que vous vous êtes trompés. Vous vous êtes trompés économiquement en oubliant, tout simplement, d'avoir une politique économique, en oubliant que les acteurs se déterminent sur celle-ci. Les résultats sont là : nous terminerons l'année avec 11 milliards de recettes fiscales en moins et avec un déficit de l'ordre de 50 milliards. Vous allez donc entamer votre réforme sans aucune marge de manoeuvre.
    Vous vous êtes aussi trompés politiquement. Comment les Français peuvent-ils croire à vos proclamations sur le dialogue quand les portes sont fermées ? Comment peut-on croire à votre soif de solidarité quand vous donnez 500 millions à ceux qui paient l'ISF et que vous ne mettez pas un seul euro d'argent public dans votre texte ?
    M. Bernard Roman et M. Michel Delebarre. Très bien vu !
    M. Gérard Charasse. Comment peut-on croire à votre désir de sauvegarder la répartition lorsque votre réforme puise uniquement dans la part salariale de la valeur ajoutée ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est un mensonge éhonté !
    M. Robert Lamy. Décidément, le Charasse sénateur est plus lucide !
    M. Gérard Charasse. Mais si, c'est vrai !
    Je ne connais pas un seul parlementaire sur nos bancs qui n'ait pas le désir de s'attaquer à la réforme des retraites. Mais elle passe par la recherche commune de l'équité, elle passe par le dialogue. Si vous en faites l'économie, je prends le pari que, lors de la prochaine alternance, l'abrogation de votre réforme sera en tête de toutes nos professions de foi.
    M. Robert Lamy. Tu parles ! Pari tenu !
    M. Gérard Charasse. C'est peut-être ainsi que l'on gouverne l'UMP, mais ce n'est pas ainsi que l'on gouverne la France. Donnons-nous six mois ou un an, faisons de ce débat d'abord un débat public et revenez au Parlement avec un texte qui soit le produit de ce travail commun.
    Je vous demande donc au nom des parlementaires PRG de retirer votre texte.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oh ! là ! là !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C'est quoi, le PRG ?
    M. Gérard Charasse. Et s'il arrivait que le souffle de la raison traversât les bancs du Gouvernement, alors l'application des parlementaires PRG à travailler à une réforme juste serait identique à celle qu'ils ont mise à vous remettre leurs propositions dans ce domaine, dont nous regrettons qu'elles ne vous aient pas davantage inspiré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.
    Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je remplace Christian Estrosi qui n'a pas pu s'exprimer compte tenu des retards de la séance de la nuit dernière.
    M. Michel Delebarre. Il nous manque, mais il est bien remplacé !
    Mme Muriel Marland-Militello. Çà, vous allez voir !
    Après le temps du dialogue social, le temps de la réforme est venu. Cette réforme, ce sont les Français, par l'intermédiaire de leurs représentants, démocratiquement élus, qui doivent en décider. La négociation a eu lieu : plusieurs organisation syndicales ont apporté leur pierre à l'édifice qui les a conduites à approuver le texte du Gouvernement. Désormais, personne ne peut se substituer à la représentation nationale et il nous appartient de prendre nos responsabilités.
    Les pressions exercées sur le Parlement par la violence ou par le chantage aux examens...
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    Mme Muriel Marland-Militello. ... constituent un déni de démocratie particulièrement scandaleux, qu'il convient de sanctionner avec force.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    Mme Odile Saugues. Çà oui, c'est vraiment Estrosi qui parle !
    Mme Muriel Marland-Militello. Par ce texte, le Gouvernement a choisi la voie du courage et de l'équité.
    La France fait partie de l'Europe. Or nous devons constater que l'ensemble des pays de l'Union européenne a engagé, souvent unanimement et de façon consensuelle, et avec succès, une réforme de leur système de retraite. Tous sauf un : la France.
    M. Maxime Gremetz. C'est cela, l'exception française, comme disait le général de Gaulle !
    Mme Muriel Marland-Militello. La France fait pourtant partie de l'Europe. Elle n'est pas exempte des maux qui touchent nos partenaires européens.
    M. Maxime Gremetz. Le pays des droits de l'homme, il n'y en a pas trente-six !
    Mme Muriel Marland-Militello. Malgré des années de croissance exceptionnelle, rien n'a été fait pour permettre aux futurs retraités, mais aussi à ceux qui demain prendront notre place, de percevoir cette juste et équitable rétribution pour les années passées à aider les plus anciens dans leur vie quotidienne. Rien n'a été fait, au point que cet immobilisme coupable a conduit à la ruine de notre système de retraite,...
    M. Maxime Gremetz. Allons ! M. Estrosi vous fait dire des blagues !
    Mme Muriel Marland-Militello. ... au bord de l'explosion et à la limite de la cessation de paiement. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gérard Charasse. N'importe quoi !
    M. Maxime Gremetz. On se croirait en Argentine !
    M. Christophe Masse. Ce n'est pas vous qui dites cela ! Ce n'est pas votre texte, c'est sûr !
    Mme Muriel Marland-Militello. Face à cette situation, et en dehors de tout critère idéologique, nous savons que trois choix s'offraient à la majorité pour respecter les engagements pris devant les Français lors des précédentes élections legislatives. Ceux-ci nous ont, je vous le rappelle, donné une très forte majorité, ce qui correspond à un large soutien en France.
    M. Michel Delebarre. Ce n'est pas une raison pour en abuser. D'ailleurs, c'est une majorité sans quorum !
    Mme Muriel Marland-Militello. Ces trois solutions, qui ont été maintes fois répétées mais qui, je crois, doivent l'être encore, sont d'une part, l'augmentation des cotisations, la diminution du montant des pensions et l'augmentation de la durée des cotisations.
    M. Maxime Gremetz. Estrosi envoie une femme pour dire n'importe quoi, c'est scandaleux !
    Mme Muriel Marland-Militello. La première solution conduirait à taxer plus lourdement les Français, citoyens déjà les plus imposés de l'Union européenne, et de nuire à la compétitivité des entreprises qui assurent 60 % des cotisations. La deuxième solution - la diminution du montant des pensions - aurait pour conséquence de réduire le pouvoir d'achat des retraités, déjà largement malmené par cinq ans de gestion socialiste, et donc de pénaliser la consommation.
    M. Christophe Masse. Vous n'avez pas eu besoin de nous pour cela !
    Mme Muriel Marland-Militello. La troisième solution, l'augmentation de la durée de cotisation, est la seule à assurer la survie et la pérennité de notre système de retraite par répartition. Elle est aussi la plus généreuse. Si elle est la seule, elle n'est pas pour autant un choix par défaut mais un choix réfléchi et négocié, d'abord parce qu'elle maintient la répartition deux tiers-un tiers entre actifs et retraités, qui est le ratio indispensable à la survie du régime de retraite, ensuite parce qu'elle permet de rétablir l'équité dans la durée entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé, enfin, parce que chaque situation particulière permet d'avoir un certain nombre d'avantages, je vais en citer simplement quelques-uns.
    Ceux qui ont commencé à travailler à l'âge de quatorze ou seize ans pourront, dès 2004, prendre leur retraite respectivement dès cinquante-six ou cinquante-neuf ans,...
    M. Gérard Charasse. C'est faux !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai, je vais vous lire une lettre que je viens de recevoir !
    Mme Muriel Marland-Militello. ... ce qui est une véritable innovation. Ceux qui perçoivent des revenus modestes connaîtront une amélioration sensible de leur retraite par une forte revalorisation de 9 % du minimum retraite...
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas vrai !
    Mme Muriel Marland-Militello. ... et bénéficieront d'au moins 85 % du SMIC dans les prochaines années.
    Ceux qui ont cotisé à plusieurs systèmes de retraites, les pluripensionnés, verront une amélioration de leur pension, aujourd'hui à un niveau anormalement bas. Les primes des fonctionnaires seront enfin prises en compte dans le calcul de la pension et les salariés du privé pourront enfin bénéficier, comme les fonctionnaires avec la Préfon, d'un complément de retraite à leur choix.
    M. Maxime Gremetz. Ah bon ?
    Mme Muriel Marland-Militello. Cette réforme est donc la seule à préserver l'économie, le pouvoir d'achat et notre système de retraite par répartition. Les Français ont choisi. Le Gouvernement a le courage de traiter ce problème difficile et nous devons, nous, parlementaires, lui en être reconnaissant.
    M. Alain Néri. « A Fillon, l'Assemblée reconnaissante ! »
    Mme Muriel Marland-Militello. La majorité parlementaire prendra ses responsabilités car, en démocratie, ce n'est pas la rue qui gouverne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Oh ! Vraiment !
    M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Michel Delebarre. Vous allez entendre une voix forte !
    M. Bernard Roman. La France d'en bas, la vraie, qui a peur !
    M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons un débat fondamental, car la retraite est un droit fondamental. C'est l'une des toutes premières préoccupations des Français et c'est un élément essentiel du pacte social entre les générations.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ça, c'est bien vrai !
    M. Alain Néri. Pour notre part, nous sommes convaincus de la nécessité d'une réforme de notre système par répartition. C'est si vrai que nous avions engagé la réflexion lors de la précédente législature...
    M. François Lamy. Pour réfléchir, vous êtes bons ! Pour agir, c'est autre chose !
    M. Alain Néri. ... et commencé à agir, puisque nous avons mis en place le COR et créé le fonds de réserve des retraites, alors que le gouvernement Raffarin choisit, lui, la voie de l'affrontement social, du blocage et de la division des Français,...
    M. Robert Lamy. On a le courage que vous n'avez pas eu !
    M. Alain Néri. ... dans un simulacre de négociation qui est en quelque sorte l'aveu du refus d'engager la négociation avec les partenaires sociaux et un débat serein à l'Assemblée nationale, car je voudrais tout de même rappeler dans quelles conditions nous débattons.
    Vous avez déposé votre projet de loi le mercredi 28 mai en conseil des ministres, monsieur le ministre. Le texte nous a été distribué en commmission par le président Dubernard le mercredi soir à dix-sept heures trente. Le lendemain, c'était le pont de l'Ascension.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et voilà !
    M. Michel Delebarre. A la sauvette !
    M. Alain Néri. La commission s'est réunie entre le pont de l'Ascension et celui de la Pentecôte, ce qui ne lui laissait au fond que trois jours pour mener sa réflexion et effectuer son travail.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous n'aviez qu'à travailler un peu plus de 35 heures par semaine.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Vous ne vous êtes pas déchaîné en commission, monsieur Néri !
    M. Alain Néri. Vous êtes pris dans un tissu de contradictions. Vous nous expliquez que vous êtes les champions de la retraite par répartition. Je sais bien qu'il est des conversions tardives qui sont sincères, mais la vôtre, nous aurions préféré la voir à l'oeuvre lorsqu'il s'est agi d'abroger la loi Thomas !
    M. Michel Delebarre. Par exemple !
    M. Alain Néri. Et là, vous étiez aux abonnés absents.
    M. Robert Lamy. Pas vous, pas ça !
    M. Alain Néri. Sur un autre point, votre conversion est bien tardive. Dans Le Monde, journal sérieux puisque vous y faites passer votre pavé de propagande payé par les contribuables (Exclamations sur divers bancs),...
    M. Bernard Roman. C'est scandaleux !
    M. Alain Néri. ... je lis qu'à Matignon, les choses ont vraiment commencé en septembre, que tous les conseillers chargés des retraites s'y sont retrouvés le samedi et que, jusqu'en novembre, il y avait encore des débats sur les fonds de pension.
    Mme Christine Boutin. Que proposez-vous ? J'aimerais comprendre.
    M. Alain Néri. En décembre, l'accord était général pour reconnaître le caractère crucial du problème de la retraite par répartition.
    M. Robert Lamy. Parlez-nous donc de votre projet !
    M. Alain Néri. C'est tout de même extraordinaire ! Je n'ai pas beaucoup de temps pour l'expliquer, mais nous en discuterons dans les jours qui viennent lors de l'examen des amendements,...
    Mme Christine Boutin. Ils n'ont pas d'idée ! Ils sont KO !
    M. Alain Néri. ... votre projet de retraite, qui est rejeté par les Français (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !
    M. Alain Néri. ... par les salariés, qu'ils soient du public ou du privé, est un tissu de contradictions !
    M. Robert Lamy. Et le vôtre ?
    M. René Couanau. Où est-il ?
    M. Alain Néri. Vous nous parlez d'un projet équitable, alors qu'il est injuste ! Je prendrai quelques exemples.
    Vous vous dites les champions du social, puisque vous allez permettre à chacun de partir à la retraite...
    M. Robert Lamy. Vous, vous êtes les champions de l'immobilisme !
    M. Alain Néri. Vous parlez en connaisseur.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. M. Néri s'exprime depuis cinq minutes, monsieur le président !
    M. Alain Néri. Prenons le cas des quarante annuités.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'a pas encore parlé de la retraite. Tous les orateurs socialistes, à la fin de leur temps de parole, n'ont pas abordé le projet !
    M. Alain Néri. ... que ne l'avez-vous fait, dites-vous,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur, et M. René Couanau. Quel est votre projet, monsieur Néri ?
    M. Alain Néri. ... que n'avez-vous fait partir au bout de quarante annuités ceux qui avaient moins de soixante ans ?
    Monsieur Accoyer, vous qui êtes un spécialiste, vous devez bien savoir une chose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel est votre projet ?
    M. Michel Delebarre. Ecoutez les explications de l'orateur !
    M. Alain Néri. Vous déduirez ces interruptions de mon temps de parole, monsieur le président !
    M. le président. Monsieur Néri, exprimez-vous ! Mes chers collègues, un peu de silence !
    M. Alain Néri. Moi, je ne suis pas pressé !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Néri !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Néri !
    M. Alain Néri. C'est de l'obstruction, monsieur Accoyer, dont vous êtes coutumier !
    Pourquoi n'avons-nous pas pu mettre en place le départ à la retraite avant soixante ans avec quarante annuités ? La responsabilité en incombe tout simplement à vos amis du MEDEF ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pourquoi y arrive-t-on ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est pitoyable !
    M. Alain Néri. Les salariés n'auraient pu partir qu'avec la retraite de base, c'est-à-dire une retraite de misère,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Parlez-nous de votre projet !
    M. Alain Néri. ... moins de 3 000 francs pour beaucoup d'entre eux parce qu'ils ont fait toute leur carrière au SMIC ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. René Couanau. Nous voulons connaître votre projet !
    M. Alain Néri. On va le faire, dites-vous aujourd'hui. Peut-être que le MEDEF est plus complaisant à votre endroit,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est faux ! Mme Guigou, ici même, a dit le contraire à la tribune !
    M. Alain Néri. ... vous qui vous rendez, en la personne du Premier ministre, à leur congrès ! On verra ! C'est la complicité entre le Gouvernement et le MEDEF ! C'est l'aveu !
    M. Jean-Louis Dumont. C'est la vérité qui blesse !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Parlez-nous de votre projet !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Vous ne faites pas aussi bien dans le genre que M. Gremetz !
    M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, mon cher collègue !
    M. Alain Néri. Deuxième exemple, vous nous parlez de décote, de surcote. La surcote, c'est un formidable facteur d'inégalité et d'inéquité parce que les seuls qui pourront en bénéficier sont ceux qui, parce qu'ils ont eu la chance d'exercer des métiers moins pénibles, pourront continuer au-delà de soixante ans. Mais allez demander à ceux qui ont commencé à travailler à quatorze ans dans les métiers les plus pénibles, qui n'ont pas pu bénéficier d'une formation initiale ou continue de qualité, s'ils veulent poursuivre au-delà de soixante ans ! Non, ils veulent partir dès qu'ils auront quarante annuités parce qu'ils sont usés par le travail et qu'ils ont acquis le droit à un juste repos !
    Je suis étonné d'entendre dire tout ce que vous avez fait pour les agriculteurs.
    M. le président. Monsieur Néri !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il ne sait pas lire l'heure, monsieur le président !
    M. Alain Néri. J'avais cru comprendre que cela avait été fait lors de la dernière législature. Vous nous parlez d'équité ! Puisque vous êtes les champions de la décote et de la surcote, que ne supprimez-vous, tel que nous vous le proposons par amendement, l'inique minoration mise en place par votre ami M. Vasseur quand il était ministre de l'agriculture ? (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Merci de conclure, monsieur Néri !
    M. Alain Néri. Je conclus, monsieur le président.
    Vous nous avez parlé de dialogue et de négociations, monsieur le ministre. En réalité, vous pratiquez le monologue de la régression sociale et les Français ne s'y trompent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Et ils n'ont même pas de projet !
    M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette.
    M. Hervé de Charette. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, tarif minimum de la vie parlementaire,...
    M. Michel Delebarre. Comme pour les retraites, tarif minimum !
    M. Hervé de Charette. ... il faut faire bref et se concentrer sur l'essentiel. Je vais donc m'efforcer d'éviter la polémique.
    Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de vous adresser quelques compliments. J'y ajouterai quelques remarques et je terminerai par une interrogation, suivie naturellement d'une réponse.
    D'abord, les compliments.
    Au sein du groupe UMP, comme, je pense, dans toute la majorité, nous sommes reconnaissants au Gouvernement d'avoir fait, s'agissant de la retraite, les choix politiques qui s'imposent. Naturellement, il y avait plusieurs solutions possibles.
    M. Jacques Desallangre. Oui !
    M. Hervé de Charette. Elles ont été rappelées. On pouvait augmenter la durée de cotisation, augmenter les cotisations ou diminuer les retraites.
    M. Jacques Desallangre. Ou taxer la valeur ajoutée !
    M. Hervé de Charette. Dans un pays où les retraites ne sont pas d'un niveau élevé et où les cotisations payées tant par les employeurs que par les salariés ont atteint des limites insupportables, la sagesse était de s'en tenir à l'augmentation de la durée de cotisation, surtout dans un pays dans lequel la durée du travail est évidemment inférieure à ce qui est nécessaire à notre équilibre général.
    Le Gouvernement fait le bon choix et nous soutenons fondamentalement ce choix politique majeur.
    De même, je vous félicite d'avoir su, en politique expérimenté et en négociateur social habile,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Hervé de Charette. ... mener cette affaire difficile jusqu'à son terme,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vrai.
    M. Hervé de Charette. ... surtout que, depuis de longues années, on cache la vérité aux Français et que, sur les bancs de l'opposition en particulier, on s'est efforcé de leur montrer que ce dossier ne méritait pas d'être traité. Il fallait qu'il le soit.
    M. Maxime Gremetz. Pas de polémique, aviez-vous dit.
    M. Hervé de Charette. Cela étant, j'ai quelques observations à formuler.
    La première, c'est qu'il y a tout de même un écueil à éviter. Ce serait que la contestation syndicale serve de prétexte, nous empêche d'aller jusqu'au bout du chemin. Il faudra bien, mes chers collègues, et je pense qu'il est sage de le dire aujourd'hui, traiter la question des régimes spéciaux. Il n'y a aucune raison acceptable, alors que l'on s'efforce de mener à terme une réforme juste et équitable, que soit laissée de côté, sous prétexte qu'elles ont un rapport de forces qui leur est favorable, une catégorie de personnes qui bénéficient de systèmes qui allait au-delà des limites raisonnables.
    M. Michel Delebarre. C'est le cri du coeur !
    M. Jacques Desallangre. Là, on sait à quoi s'attendre !
    M. Hervé de Charette. Pour moi, il est tout à fait possible de maintenir le caractère spécial de ces régimes en leur appliquant quelques règles élémentaires de solidarité nationale.
    M. Michel Delebarre. Ça a au moins le mérite de la clarté !
    M. Hervé de Charette. Il faudra donc poursuivre en 2004. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. On sait à quoi s'attendre.
    M. François Liberti. C'est clair !
    M. Hervé de Charette. Ce ne sont pas vos hurlements qui changeront le fait.
    M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, je vous prie.
    M. Hervé de Charette. Deuxième observation : pour la fonction publique de l'Etat, nous avons besoin de transparence.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ah oui !
    M. Hervé de Charette. Actuellement, ce n'est pas le cas. Personne ne peut dire réellement quel est le poids des retraites servies par l'Etat à ses agents retraités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Delebarre. Ça ne les empêche pas de réformer !
    M. Hervé de Charette. Cela signifie que nous n'avons pas, pour la fonction publique d'Etat, un système de répartition dans lequel les cotisations des actifs paient les retraites servies aux retraités, mais un système dans lequel c'est tout simplement l'impôt qui règle l'addition des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Et alors ?
    M. Hervé de Charette. J'ai une proposition simple à faire, qui, je le vois bien, va entraîner une levée de boucliers. Il suffit de créer une Caisse nationale des retraites des agents publics de l'Etat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Delebarre. Et voilà !
    M. Hervé de Charette. On y versera les cotisations des fonctionnaires et la contribution de l'Etat, et on saura exactement quelle est la situation du régime des fonctionnaires d'Etat. Une telle transparence contribuera à clarifier et à apaiser le débat politique, parce qu'on saura réellement où on en est. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Troisième observation, je vous suis reconnaissant d'avoir accompagné votre projet, notamment au moment des discussions avec les organisations syndicales, d'une série de mesures qui relèvent de la justice. La rigueur, en effet, exige la justice. Je souhaiterais cependant que l'on pense aussi à valoriser les retraites des conjoints survivants, et que le projet fixe un objectif, avec un délai pour l'atteindre, car les moyens dont nous disposons aujourd'hui ne sont pas suffisants.
    Enfin, je vous ai écouté hier, monsieur le ministre, et je vous félicite...
    M. Michel Delebarre. Encore !
    M. Hervé de Charette. ... d'avoir dit toute la vérité, même lorsqu'elle est embarrassante, lorsqu'il faut constater que les réformes que vous proposez laissent une partie du problème à résoudre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Delebarre. Oh oui ! Une sacrée partie !
    M. Hervé de Charette. Vous avez, à juste titre, fait valoir qu'environ 60 % des retraites qui devraient être financées, à l'horizon de 2020 ou 2040, ne le sont pas par la réforme actuelle.
    Vous avez fait une proposition précise, en expliquant que cela devrait pouvoir se faire par la réduction du chômage. Je veux bien en accepter l'augure. On peut toujours l'espérer. En tout cas, il faudra, s'il en est ainsi, accélérer le rythme des réformes, dont dépend la capacité de notre pays à retrouver un rythme de croissance élevé.
    Il reste possible qu'il y ait, à l'avenir, un certain effort des cotisants pour résoudre ce problème, mais il faudra accepter que l'épargne-retraite, pour ne pas employer de mots qui fâchent, prenne, dans notre société une place beaucoup plus grande qu'aujourd'hui, plus grande encore d'ailleurs que celle qu'on lui donne dans le texte de loi que vous nous soumettez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il y a un premier pas dans cette direction, mais franchement, ce n'est qu'un premier pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nos compatriotes devront s'habituer progressivement à l'idée qu'au-delà de la retraite d'Etat, de la retraite publique, de la retraite organisée, il y a aussi la retraite personnelle, qui résulte de ce qu'on épargne.
    Aujourd'hui, le pays attend le courage, la détermination, la clarté de vue, pas la démagogie. Il y a des moments où les Français n'ont pas envie qu'on leur présente les choses réelles, les factures comme elles sont. Aujourd'hui, nos concitoyens y sont prêts. C'est en tout cas le devoir de la majorité et c'est la responsabilité de l'UMP. Voilà pourquoi nous sommes heureux d'être à vos côtés, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre assemblée examine un texte qui suscite depuis des mois l'intérêt légitime des Françaises et des Français. Nous espérons tous, en effet, pouvoir bénéficier, le moment venu, de ce grand acquis social né après la Libération que constitue le système français de retraite par répartition. Mais autant l'attente de nos concitoyens est grande, autant le texte que vous nous proposez est décevant car injuste, incomplet, et ne répondant pas à l'espoir de notre pays.
    Ce texte n'est pas à la hauteur des espérances, pour une raison évidente : il a été négocié avec une partie seulement des partenaires sociaux, il n'a pas été enrichi de ce dialogue social qui aurait dû être à la base de sa rédaction. Je souhaite que le débat parlementaire soit l'occasion pour le Gouvernement d'améliorer son texte en reprenant des propositions de l'opposition.
    Le droit à la retraite est non seulement un droit fondamental, mais également un contrat entre les générations de ce pays, je dirai même un droit à la solidarité.
    La réforme de notre système de retraite aurait pu être l'occasion de remettre à plat certaines grandes inégalités qui sont aujourd'hui devenues insupportables pour nos concitoyens.
    Comment ne pas tenir compte de la pénibilité de certains emplois ? Comment ne pas tenir compte de la situation des femmes et de la spécificité de leurs parcours professionnels ? Comment ne pas mieux considérer les conjoints survivants ? Comment ne pas améliorer nettement la situation des plus bas salaires ? Comment ne pas comprendre l'attente de celles et ceux qui ont commencé à travailler très tôt ? Sur toutes ces questions, votre texte reste flou ou ne va pas assez loin.
    Je ne prendrai qu'un exemple, la situation des conjoints survivants. Quatre millions de personnes sont concernés en France : 3 240 000 veuves et 613 000 veufs. Parmi eux, 302 000 ont moins de cinquante-cinq ans.
    Sous le gouvernement de Lionel Jospin, différentes mesures ont été prises en direction des conjoints survivants afin d'améliorer leur situation.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Lesquelles ?
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Lesquelles ? Je vous réponds tout de suite : la réforme de l'assurance veuvage, notamment, ainsi qu'une loi sur les droits successoraux qui permet d'hériter en pleine propriété du conjoint décédé et de faire le choix de rester dans son logement, que l'on soit locataire ou propriétaire.
    M. André Schneider. Cela n'a rien à voir avec les retraites !
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Autant de mesures qui étaient particulièrement attendues, et qui ont été très appréciées. Il faut continuer dans ce sens, monsieur le ministre.
    Je pense que par pudeur, par douleur, ou tout simplement parce que la préservation des droits devrait être naturelle, les personnes concernées n'osent pas exprimer assez fortement leurs revendications et ne sont pas entendues autant qu'elles le devraient.
    Aujourd'hui, je crains, et les associations représentatives également, que nous assistions à une régression des droits des conjoints survivants. En supprimant l'allocation veuvage, vous supprimez une prestation qui aide les jeunes veuves ou veufs.
    Que va-t-il se passer si, très jeune, le conjoint décède en ayant peu cotisé ? La pension de réversion sera nulle ou presque, car 54 % de pas grand-chose, ce sera peu de chose ou rien, du fait de la suppression de l'allocation veuvage. Les personnes dans ce cas se retrouveraient dans des situations financières dramatiques.
    Autre hypothèse : la perte du conjoint lorsque vous avez plus de soixante ans. Actuellement le conjoint survivant perçoit une pension de réversion, qui est un droit dépendant des cotisations du conjoint décédé. Demain, ce sera une allocation différentielle, attribuée sous condition de ressources - on ne sait d'ailleurs pas quelles ressources seront prises en considération. Ce sera une allocation révisable chaque année, donc aléatoire.
    On passe en fait d'un droit dérivé à une aide sociale réajustée chaque année, voire supprimée. Aucun veuf, aucune veuve ne doit être considéré comme un assisté, et chacun mérite que ses droits soient respectés.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer toutes les personnes concernées ou pouvant l'être demain ? Le veuvage peut malheureusement toucher à tout moment chacun d'entre nous.
    Ne pensez-vous pas qu'il faut maintenir l'allocation veuvage afin qu'un minimum de revenu décent soit garanti ? Ne jugez-vous pas nécessaire de pérenniser la pension de réversion sans condition de ressources, dans un souci d'équité entre les différents régimes ?
    Vous avez répondu hier à l'un de nos collègues que cela représentait 1,5 milliard d'euros. Mais, monsieur le ministre, que représente cette somme par rapport à vos cadeaux fiscaux de plus de 5 milliards d'euros votés ou engagés cette année et destinés aux personnes les plus aisées ?
    Monsieur le ministre, comprenez l'inquiétude fondée de celles et ceux qui se demandent si demain ils auront les moyens suffisants pour vivre décemment. De nombreux députés, de toutes tendances politiques, ont déposé des amendements afin d'améliorer la situation des conjoints survivants. Je souhaite que cette démarche consensuelle soit entendue, dans l'intérêt des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.
    M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les débats que nous avons depuis quarante-huit heures ont au moins un mérite : celui de la clarté ! Ils ont montré que la droite de cet hémicycle incarne le mouvement sur un sujet aussi fondamental que celui des retraites.
    Messieurs les ministres, je soutiendrai votre projet parce qu'il est incontournable, équilibré et juste.
    Incontournable tout d'abord, parce que, après plusieurs années perdues en incantations, groupes d'études et rapports divers et variés, le temps de l'action est venu.
    Le sauvetage de notre régime de retraites par répartition ne peut plus attendre, à moins de vouloir le laisser délibérément en danger, comme semble nous y inviter l'opposition, si j'en juge par les manoeuvres dilatoires et les propositions irréalistes qui sont avancées sur ses bancs.
    La réforme s'impose à nous tous. Et toute la philosophie qui sous-tend l'action politique de la majorité gouvernementale repose sur une idée simple : celle de la responsabilité.
    Etre responsable, mes chers collègues, c'est ne pas reporter indéfiniment la solution des problèmes. Etre responsable, c'est refuser de léguer à nos enfants la lourde responsabilité de régler un problème qu'il est encore possible de résoudre aujourd'hui, mais qui sera probablement insoluble demain. La réforme des retraites que nous conduisons aujourd'hui est la condition nécessaire au maintien de notre régime demain et à son renforcement après-demain.
    Un simple regard sur la situation actuelle et à venir suffit. D'autres orateurs l'ont dit avant moi, l'allongement de l'espérance de vie et du temps passé à la retraite, l'entrée à la retraite de la génération issue du baby boom, l'accroissement régulier du nombre de retraités jusqu'à 2040 commandent cette réforme.
    Après avoir fait croire aux Français qu'en travaillant moins ils gagneraient plus, certains tentent aujourd'hui de leur faire croire qu'en étant de plus en plus nombreux à faire valoir leurs droits à la retraite, ils pourront continuer à bénéficier du système en l'état. Ce n'est pas possible.
    D'ailleurs, aucune alternative crédible n'a encore été réellement avancée depuis quarante-huit heures.
    Votre projet de loi, messieurs les ministres, est aussi équilibré.
    Alors qu'attendre plus longtemps eût été irresponsable et eût engendré une réforme brutale dans quelques années, vous avez fait le choix de solutions qui tiennent compte de la nouvelle donne démographique et économique, sans peser exagérément sur les Français. L'allongement de la durée de cotisation, rendu nécessaire par la baisse du nombre de cotisants et l'augmentation de la durée de la vie, assurera un haut niveau de retraite sans pénaliser lourdement les actifs. Ce choix est aussi celui qu'ont fait les pays européens qui ont réformé leur système de retraite.
    L'alignement progressif des durées de cotisation du secteur public sur celles du privé répond à la répartition équilibrée et plus homogène des efforts, en respectant l'idée de justice, sur laquelle je reviendrai.
    Cet allongement de la durée des cotisations est aussi assorti de garanties qui confirment cette idée d'équilibre : la possibilité de racheter des années d'études et la mobilisation en faveur de l'emploi des salariés de plus de cinquante ans en sont de vibrants exemples.
    Sur ce dernier point, je me réjouis que vous abordiez la question à travers le dispositif de la surcote par année travaillée au-delà de soixante ans. La mise à l'écart des plus de cinquante ans n'est plus acceptable, alors que ces salariés ont encore un rôle primordial à jouer dans nos entreprises. A ce titre, je voudrais saluer l'excellente initiative de notre excellent rapporteur Bernard Accoyer, sous la houlette du président de la commission,...
    M. Jean-Pierre Balligand. Mais c'est de la servilité !
    M. Mansour Kamardine. ... visant à favoriser progressivement l'employabilité des salariés de plus de cinquante ans.
    Enfin, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette réforme indispensable et équilibrée est aussi, et surtout, juste.
    Oui, cet idéal de justice qui nous anime tous, nous le retrouvons dans cette réforme. Comment ne pas se rendre compte des situations très délicates qui commençaient à poindre depuis plusieurs années ? Comment ignorer les régimes de retraites à deux vitesses, l'insuffisance du montant des pensions qui frisent le minimum vieillesse ou bien encore l'insuffisance du montant des retraites agricoles ?
    A ces difficultés, vous avez apporté des réponses. Je citerai quelques exemples emblématiques.
    Alors que le niveau des retraites se dégradait dangereusement, en particulier pour les bas salaires, votre réforme leur garantira 85 % du SMIC. Les très longues carrières seront prises en compte puisque sera ouvert un droit au départ anticipé à la retraite pour les salariés ayant commencé à travailler entre quatorze et seize ans.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Kamardine.
    M. Mansour Kamardine. Je conclus, monsieur le président.
    La pénibilité du travail sera elle aussi prise en compte pour garantir plus d'équité et de justice.
    L'amélioration de la situation du conjoint survivant est aussi à signaler parmi les grandes avancées de votre réforme.
    M. le président. Merci de conclure.
    M. Mansour Kamardine. Mais à ce stade, la réforme ne concerne pas les collectivités d'outre-mer à statut particulier. Qu'il me soit donc permis d'attirer votre attention sur la situation de la jeune collectivité de Mayotte en ce qui concerne au moins deux points.
    Comme vous le savez, Mayotte n'est pas éligible au système de bonification des retraites. La seule prime à laquelle elle est éligible, et au profit des seuls fonctionnaires de l'Etat qui y sont affectés, c'est celle prévue par la disposition de l'article 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite selon laquelle « aux services effectifs s'ajoutent les bonifications de dépaysement pour les services civils rendus hors d'Europe ».
    M. le président. Monsieur Kamardine,...
    M. Mansour Kamardine. Ce dispositif est particulièrement important dans son maintien pour Mayotte car il permet d'encourager pour encore assez longtemps les fonctionnaires à venir servir localement compte tenu des manques importants de cadres que connaît l'île.
    En second lieu, il me paraît important d'attirer votre attention sur les dispositions de l'article 9 de l'ordonnance du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.
    M. le président. Monsieur Kamardine, il faut conclure.
    M. Mansour Kamardine. J'ai pratiquement terminé, monsieur le président.
    M. le président. Ce n'est pas vraiment l'impression que j'ai !
    M. Mansour Kamardine. Puisqu'il me faut conclure, monsieur le président, j'ajouterai seulement que, au moment où nous parlons de l'abrogation de la polygamie à Mayotte et de l'égalité entre hommes et femmes, il nous paraît essentiel de modifier la disposition de l'article 9 de l'ordonnance du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, selon laquelle « les femmes assurées ayant élevé un ou plusieurs enfants bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance par enfant élevé, dans la limite de trois ». Nous vous proposerons un amendement tendant à abroger cette disposition voulue par l'ancienne majorité, car une telle limitation nous paraît des plus discriminatoires.
    Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.
    (La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à Mme Nadine Morano.
    Mme Nadine Morano. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'avais préparé un texte, comme beaucoup de mes collègues, mais après avoir entendu M. Mathus, mes propos ne peuvent plus être les mêmes.
    M. René Dosière. Très bien ! C'est cela, le dialogue !
    Mme Nadine Morano. J'ai été choquée, je dirai même blessée, par les termes que je l'ai entendu employer à propos des gaullistes.
    J'ai une écharpe tricolore. Le 18 juin est pour moi tout un symbole. Et quand on est élue pour la première fois, qui plus est députée de la nation, on ne peut pas, surtout dans un contexte de séisme politique aussi grave, ne pas s'imposer une éthique dans la conduite de son mandat.
    M. René Dosière. Dites-le au Premier ministre !
    Mme Nadine Morano. Pour ma part, je considère que cette éthique doit être fondée sur l'écoute, le dialogue, la proximité, la vérité - une vérité que je veux absolument dire à mes concitoyens, et ce en toutes circonstances -, ainsi que le courage d'agir, parce que je place le devoir au coeur de l'action politique.
    M. René Dosière. Dites-le au Premier ministre !
    Mme Nadine Morano. Le Premier ministre sait très bien de quoi je veux parler.
    Je voudrais simplement rappeler la méthode que vous avez utilisée, monsieur le ministre des affaires sociales, pour mener cette réforme. Vous vous êtes attaché à la bâtir dans un certain contexte et d'après de grands principes déjà existants. Et il est vrai que ces grands principes ont été construits à partir de certains éléments que nos collègues se situant à la gauche de l'hémicycle ont apportés.
    Cette méthode, c'est celle du dialogue social, lequel fut mené sur plusieurs mois. Vous avez reçu les partenaires sociaux, organisé plus de vingt et une réunions publiques. Ce texte a été construit et amélioré, grâce au dialogue social, au niveau national.
    Mais je rappellerai aussi, ce que l'on ne dit pas assez souvent ici, que pendant plusieurs mois, nous aussi, les parlementaires UMP, avons construit un dialogue social sur le plan local. Chacun dans notre style, nous avons soit ouvert un site internet, soit utilisé des Livres blancs, soit tout simplement ouvert nos permanences pour recevoir l'ensemble de ceux qui nous l'ont demandé : associations de retraités - dont on peut dire qu'elles connaissent un peu le sujet -, associations de personnes handicapées, de veuves et de veufs. Bref, nous avons reçu beaucoup de nos concitoyens qui sont venus à notre rencontre. C'est ainsi que, pendant plusieurs mois, nous aussi, localement, nous avons construit ce dialogue social.
    Tous ces éléments que nos concitoyens nous ont communiqués, nous les avons fait remonter, monsieur le ministre, et vous les avez pris en considération.
    Je voudrais parler d'un point particulier que nous avons souvent évoqué avec mon ami Xavier Bertrand, qui a lui aussi beaucoup travaillé sur le terrain, la possibilité de partir à la retraite avant soixante ans pour des personnes qui ont commencé à travailler tôt, à quatorze ou quinze ans et qui ont cotisé quarante ans. Nous savons que satisfaire ce souhait exige un réel effort, mais le Gouvernement a annoncé qu'il ferait un geste. Et il va même au-delà de ce que nous demandions puisque, après la négociation qu'il a organisée avec les partenaires sociaux, le Gouvernement propose de monter jusqu'à seize ans, malgré l'effort financier que cela représente.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vrai.
    Mme Nadine Morano. Par ailleurs, le Gouvernement propose de moderniser les fonds de réversion, d'adapter les avantages familiaux et de prendre en considération les parents et les conjoints d'handicapés.
    Le texte est grandement amélioré. Il est juste et généreux, je tenais à le dire du haut de cette tribune. (« Pour qui ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    En voyant le public dans les tribunes, composé notamment d'enfants, je ne peux m'empêcher de penser que chacun, ici, devrait réfléchir à l'action qu'il a envie de conduire, surtout dans le contexte politique qui a été celui de notre élection, à savoir le score du Front national et l'expression des extrêmes dans la rue.
    M. François Liberti. C'est scandaleux de dire cela !
    Mme Nadine Morano. J'aimerais, monsieur, que vous m'écoutiez, car c'est cela aussi la démocratie.
    La réflexion devrait nous amener à construire ce que nous pourrions appeler un espace républicain commun.
    M. Alain Néri. C'est à Raffarin qu'il faudrait en parler.
    Mme Arlette Franco. Soyez poli.
    Mme Nadine Morano. Ecoutez, monsieur Néri, cela pourrait vous intéresser.
    Cet espace républicain commun pourrait prendre la forme d'un groupe à l'Assemblée nationale, qui rassemblait des élus de gauche et des élus de droite, des députés socialistes et des députés UMP. Dans la rue, on entend souvent : la gauche a de bonnes idées, la droite aussi, pourquoi ne pas rassembler les idées quand l'intérêt général, l'intérêt de la nation, est supérieur aux clivages politiques ? Je crois vraiment qu'un tel espace républicain commun pourrait s'avérer utile. Nous n'entendrions plus dans cet hémicycle des aberrations comme celles qui ont été prononcées ce matin par M. Mathus et M. Néri.
    Je conclurai en parodiant la mauvaise mise en scène de Pascal Terrasse. Acte I : les socialistes ont fait le même constat que nous sur la nécessité d'une réforme.
    M. René Couanau. Très juste !
    Mme Nadine Morano. Acte II : ils ont prôné la même méthode et proposé les mêmes réponses. Acte III : ils n'ont aucune autre solution et ne montent à la tribune que pour critiquer notre projet.
    M. René Couanau. Très juste.
    Mme Nadine Morano. Acte IV : s'ils considèrent que l'intérêt des Français est supérieur et que l'écharpe tricolore à laquelle je tiens beaucoup nous rassemble tous, au-delà de nos clivages,...
    M. René Dosière. Le Premier ministre l'a dit : nous n'aimons pas la patrie. Est-on digne de la porter, cette écharpe ?
    Mme Nadine Morano. ... qu'ils reconnaissent que cette réforme a été élaborée dans un contexte de dialogue social et qu'elle est une nécessité pour la France. Je voudrais à ce propos rendre hommage aux ministres qui l'ont rédigée : ils ont eu le courage d'aller jusqu'au bout, comme nous, nous aurons le courage d'aller jusqu'au bout.
    Le temps du dialogue social est terminé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), le temps du travail parlementaire a commencé.
    M. le président. Je vous prie de conclure, chère collègue.
    Mme Nadine Morano. Si nous voulons renouer le dialogue avec les électeurs qui se sont détournés des urnes, avec les extrêmes qui manifestent dans la rue au motif qu'ils préfèrent une société de blocage à la prise en compte de l'intérêt général, la stratégie employée par la gauche n'est pas appropriée. Rassemblons-nous plutôt parce que la réforme proposée est très bonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.
    Mme Christine Boutin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout d'abord vous me permettrez de saluer, en tant que parlementaire ayant de l'ancienneté, la fougue de notre jeune collègue, Nadine Morano, qui vient de s'exprimer avec son coeur, et je l'en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je salue également le courage dont fait preuve le Gouvernement pour donner corps à la très nécessaire réforme des retraites, à laquelle j'apporte d'ores et déjà tout mon soutien. Cette réforme nous donne l'occasion de réfléchir à une véritable organisation de la société, s'agissant plus particulièrement de deux valeurs fondamentales et profondément humaines que sont le travail et la solidarité.
    La solidarité est au coeur même de la réforme qui nous est proposée, qui pérennise le principe de répartition auquel nous sommes tous, je crois, fermement attachés. Il n'est pas question de revenir dessus, et c'est tant mieux. Mais quand on parle du travail, de quoi parlons-nous ? La réflexion sur cette notion a été éludée lors de la mise en place des 35 heures. Aujourd'hui, l'opportunité nous est donnée d'en préciser le sens.
    Le dictionnaire Le Robert en donne la définition suivante : « Le travail est l'ensemble des activités humaines coordonnées en vue de produire ou de contribuer à produire ce qui est utile ou jugé tel ; état, situation d'un homme qui agit avec suite, en vue d'obtenir un réel résultat. » Pourtant, l'évolution prégnante de notre société, qui n'apporte la reconnaissance qu'à l'aune de critères économiques et financiers, nous amène naturellement à ne considérer comme un travail que celui qui est rétribué. C'est cette notion que je veux mettre en cause pour défendre les enfants, leurs parents, notre démographie et par conséquent, pour une part importante, nos retraites. Car enfin, messieurs les ministres, comment continuer à cautionner l'idée fausse selon laquelle il existerait une différence de nature dans la garde des enfants, en fonction des personnes qui assument cette tâche ? Je m'explique. Monsieur le ministre, si vos enfants sont gardés par des assistantes maternelles ou à la crèche, c'est-à-dire par des personnes qui n'ont aucun lien familial avec vos enfants, les personnes sont rémunérées par un salaire, elles ont droit à une formation et acquièrent même des droits à la retraite, tout cela parce qu'elles surveillent, nourissent, soignent vos enfants toute la journée. Très bien ! Mais si votre épouse, ou vous-même, monsieur le ministre (Sourires), vous vous chargez directement de nourrir, de surveiller, de soigner vos enfants, vous n'aurez aucun droit, ni salaire, ni formation, ni retraite parce que vous êtes leur parent. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'il y a une différence de nature entre ces deux activités ? Poser la question, c'est donner la réponse.
    C'est la raison pour laquelle, pour faire reconnaître par la société le service et le travail éminents rendus par le parent qui élève ses enfants, je propose une mesure de bon sens, la création d'un droit personnel et universel à la retraite pour celui qui s'occupe de ses enfants, à l'exclusion de toute autre activité. Ce droit existe de façon partielle, et vous l'avez maintenu, il faudrait qu'il soit étendu à tous. Les premières incidences financières n'auraient d'effet que dans quinze ans, pour atteindre le plein régime dans quarante ans.
    Malheureusement, bien qu'il soit possible d'abonder cette dépense par les excédents de la branche famille, il est possible que la commission des finances m'oppose l'article n° 40 de la Constitution et ne retienne pas cet amendement.
    M. René Couanau. C'est même sûr !
    Mme Christine Boutin. Il vous revient donc, monsieur le ministre, de reprendre à votre compte cette proposition dont l'impact positif sur les familles, la démographie, donc sur nos retraites, serait immédiat. En accordant un droit à la retraite à la personne qui effectue un travail réel, nous reconnaitrions la valeur de ce travail, nous prendrions une mesure équitable et légitime. Ce serait un signal fort adressé aux familles. Sa mise en oeuvre serait en outre l'occasion d'unir explicitement retraite et famille, lien dont dépend largement notre dynamisme démographique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.
    M. Simon Renucci. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je n'ai ni le charme ni le pouvoir de conviction de notre collègue et je m'en excuse. Mais, avec votre permission, je souhaiterais apporter ma part de vérité, ma part de « l'âpre, la triste, la tragique vérité », comme disait Danton.
    En écoutant notre jeune collègue, j'ai eu l'impression qu'elle répondait à la place du Premier ministre hier... mais sa sincérité et sa franchise nous ont, nous aussi, séduits.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. Simon Renucci. La retraite est un droit fondamental. Face au libéralisme, il ne faut pas cesser de le réaffirmer. Elle est un droit naturel et fondamental dans la mesure où la retraite est, dans notre pays, un élément essentiel du pacte social. C'est un contrat entre les générations. Le reconnaître, c'est marquer notre attachement indéfectible au seul système qui le garantit, c'est-à-dire la retraite par répartition. C'est aussi mettre en oeuvre des conditions pour pérenniser son application, c'est-à-dire affirmer un soutien indéfectible à un âge de départ à la retraite comme au niveau des pensions.
    L'âge, c'est soixante ans. Oui, monsieur le ministre, la retraite à soixante ans restera, vous le savez, la plus grande et la plus juste des réformes de ces trente dernières années ! En disant cela, je pense à tous ces salariés à l'espérance de vie trop courte qui, avant 1982, en dépit des cotisations versées par certains d'entre eux depuis l'âge de quinze ans, furent privés de toute retraite.
    Quant au niveau des retraites évidemment, s'il est incontestable que le pouvoir d'achat des retraités s'est heureusement redressé dans les années 80 et au début des années 90, il n'est pas si élevé qu'on puisse envisager de le baisser, comme la mise en oeuvre de votre réforme ne manquera pas de le faire.
    Nul ne conteste la nécesssité d'une réforme imposée par les évolutions démographiques et les pressions du pacte de stabilité européen. Reste la décision politique. A cet égard, permettez-moi de contester à la fois votre méthode et vos choix.
    S'agissant de méthode, le gouvernement de Lionel Jospin avait posé les bases de la réflexion et de la concertation avec la création, en 2000, du Conseil d'orientation des retraites chargé d'établir un diagnostic partagé, fondé à la fois sur la transparence, qui aurait permis la clarté sur l'âge du départ à la retraite et l'évolution du montant des pensions futures mais aussi actuelles, et sur le dialogue, pour engager une vraie négociation avec les partenaires sociaux. Le dialogue, c'est se respecter les uns les autres, mais c'est aussi faire un pas l'un vers l'autre pour atteindre des objectifs essentiels.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous sommes bien d'accord !
    M. Simon Renucci. Or, ces principes, nous ne les avons pas retrouvés dans ce texte.
    Votre choix, vous l'avez compris, nous le contestons.
    D'abord parce que nous refusons la philosophie qui consiste à demander aux salariés de travailler plus longtemps pour gagner moins, l'allongement de la durée de cotisations à quarante, quarante et un, quarante-deux ans et davantage encore si cela s'avérait nécessaire.
    Ensuite, parce que nous refusons l'injustice qui, au nom d'une harmonisation virtuelle, ignore la pénibilité du travail, les différences dans les espérances de vie, des temps de formation et la situation très inégalitaire des femmes qui seront les premières victimes de votre projet.
    Enfin, parce que nous craignons que le projet ne nous fasse courir, en n'étant pas financé, un danger majeur. Vous partez d'une hypothèse d'une diminution du chômage de moitié en 2007. Mais, alors que les plans sociaux se multiplient, que le nombre de demandeurs d'emploi progresse, comment ne pas craindre l'avenir, comment croire que les entreprises ne continueront pas à se décharger, comme elles le font aujourd'hui, des travailleurs âgés chaque fois qu'elles en ont l'occasion ?
    M. René Dosière. Absolument.
    M. François Liberti. C'est ça le but de la manoeuvre !
    M. Simon Renucci. Dès lors, faute de ressources, les régimes de répartition seront progressivement affaiblis, ce qui laissera libre cours aux formules d'épargne individuelle et aux fonds de pension, surtout si des avantages fiscaux sont accordés pour les encourager. Terrible situation dans laquelle les uns devront travailler plus longtemps pour avoir moins - la France d'en bas - alors que les autres épargneront davantage pour avoir plus - la France d'en haut - avec une seule patrie pour nous. Voilà pour la logique libérable.
    Malgré les gênes et les difficultés occasionnées à nos concitoyens, la contestation est tout à fait légitime et je ne peux admettre que des syndicalistes et leurs dirigeants, qui exercent leur droit de manifester dans le respect de la loi - il en existe -, se retrouvent aux urgences à l'hôpital, comme cela vient de se produire il y a deux jours à Ajaccio.
    M. François Liberti. Voilà le progrès social !
    M. Simon Renucci. Et nous vous demandons solennellement, comme les manifestants, la réécriture de ce projet, qui apparaît comme injuste et menaçant pour l'avenir des retraites.
    S'il fallait encore convaincre, j'évoquerai deux amendements que j'ai déposés, que vous rejetterez sans doute mais qui nous différencient.
    Le premier reprend les termes de la proposition de loi soutenue par Alain Bocquet relatif au droit légitime des salariés ayant cotisé quarante années à partir avec une retraite pleine et entière avant soixante ans. Comment peut-on refuser à des femmes et des hommes qui ont commencé le travail à quatorze ou quinze ans le droit de partir avant soixante ans ? Au nom de quelle justice, de quelle équité, pour reprendre un terme que nous partageons et qui vous est cher ?
    Le second amendement vise à revenir sur votre décision d'indexer la revalorisation des pensions des fonctionnaires sur l'évolution du coût de la vie. Vous renoncez ainsi au système actuel, plus juste, qui indexe les pensions sur la valeur du point d'indice des personnels en activité. Ce faisant, vous excluez les retraités des fruits de la croissance, et vous les menacez d'une diminution lente mais inéluctable de leur pouvoir d'achat.
    M. Pascal Terrasse. C'est un appauvrissement !
    M. Simon Renucci. Comme nous souhaiterions nous tromper !
    M. le Premier ministre ne s'est pas trompé : c'est bien la voie libérale qui sera imposée. Vous pourrez sans doute compter sur votre majorité parlementaire. Je ne crois pas que la majorité des Français, eux, vous aient élu pour régler la difficulté de cette façon. Vous ne voyez dans les manifestations qu'une défense d'intérêts particuliers. Je le regrette. Vous le savez pourtant, ce que les manifestants contestent, ce n'est pas seulement le texte, c'est une idéologie largement étrangère à notre histoire, à notre culture.
    Mme Muguette Jacquaint. Une société inégalitaire !
    M. le président. Merci de conclure.
    M. Simon Renucci. Le pacte social est mis à mal et avec lui une certaine idée de la France, de la solidarité, de l'égalité, de la participation qui nous est chère. En réalité, ce qui est absent de ce texte, c'est la France universelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.
    M. Bernard Perrut. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, un grand projet de société est aujourd'hui au coeur de notre débat. Je m'interroge, comme chacun de vous, devant l'allongement de l'espérance de vie qui constitue une chance pour tous. Ses effets nécessitent d'établir un nouveau pacte social entre les générations et d'entreprendre des réformes qui exigent du courage politique, aujourd'hui pour l'avenir de nos retraites, demain pour celui de notre système de santé et de notre protection sociale.
    M. Pascal Terrasse. Ça commence mal !
    M. Bernard Perrut. Pour sauver notre régime par répartition menacé, fallait-il encore oser la réforme, là où les intérêts catégoriels veulent trop souvent s'imposer au détriment de l'intérêt général, là où le précédent gouvernement n'a entrepris aucune réforme, pris aucune mesure.
    Mme Muguette Jacquaint. Vous, vous n'osez pas, vous imposez !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Très bien, monsieur Perrut !
    M. Bernard Perrut. Je reprendrai volontiers les termes de Sénèque : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. »
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Bravo !
    M. Bernard Perrut. Mes chers collègues, osons tous ensemble !
    Mme Nadine Morano. Très bien !
    Mme Christine Boutin. Il a raison.
    M. Bernard Perrut. Nous ne voulons pas pour autant suivre la voie que nous propose la gauche : augmenter les cotisations, les impôts et la CSG, pénaliser les Français et les retraités eux-mêmes.
    Mme Muguette Jacquaint. Vous allez leur faire des cadeaux peut-être !
    M. Bernard Perrut. Nous ne voulons pas non plus affaiblir les entreprises, qui créent l'emploi et la croissance. Nous voulons, comme cela a été fait dans les autres pays, allonger la durée de cotisation, donc de travail. Voilà la voie de la sagesse.
    Par cette réforme, nous introduisons plus d'équité, plus de souplesse et, disons-le, plus de sécurité pour les Français les plus fragiles. Votre projet, messieurs les ministres, la concertation engagée, puis la négociation, le travail en commission, le débat aujourd'hui, permettent des avancées sociales importantes, c'est-à-dire des avantages nouveaux.
    Face à la désinformation, aux mouvements de rue, l'art de la répétition n'est, aujourd'hui, pas inutile. Rappelons ces avancées.
    Un taux de remplacement garanti à hauteur de 85 % du SMIC pour les retraites les plus modestes. Une amélioration sensible des retraites par une forte revalorisation de 9 % du minimum d'ici à 2008. La possibilité de départ anticipé pour les carrières longues, dès cinquante-six ans pour ceux qui ont commencé à travailler à quatorze ans. La prise en compte de la pénibilité de certains métiers au niveau des branches - nous y veillerons. Du reste, certaines catégories de la fonction publique hospitalière sont d'ores et déjà prises en compte dans le texte que vous nous proposez.
    Nous voulons aussi supprimer des inégalités. C'est pourquoi nous sommes attachés aux avancées significatives que vous proposez : un meilleur traitement des personnes qui ont cotisé à plusieurs régimes et qui sont actuellement pénalisées, la création pour les commerçants d'un régime complémentaire obligatoire, la mensualisation des retraites agricoles et la possibilité d'affiliation dès seize ans, pour valider les périodes d'activité en tant qu'aide familiale, ce qui nous semble important.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Tout à fait !
    M. Bernard Perrut. Par ailleurs, la garantie d'un niveau élevé des retraites passe par des évolutions essentielles comme l'indexation des pensions sur les prix étendue à la fonction publique, l'intégration des primes pour les fonctionnaires, le rachat des années d'études. Il est en outre un point très important pour les conjoints survivants : depuis plusieurs années, en effet, nous demandions que les pensions de réversion soient désormais attribuées sans condition d'âge et la double condition de ressources et de cumul sera remplacée par un plafond de revenus.
    Quant aux avantages familiaux, ils sont maintenus et modernisés - peut-être d'ailleurs pourrions-nous aller plus loin. Mme Boutin s'est d'ailleurs exprimée sur ce point, il y a quelques instants.
    La souplesse et, par conséquent, la liberté de choix, est aussi érigée dans ce texte. Nous y sommes attachés. C'est l'instauration d'une décote et d'une surcote, une meilleure prise en compte du travail à temps partiel, notamment pour les femmes, une grande liberté pour concilier la pension et l'exercice d'une activité ou bien encore la possibilité pour chacun de bénéficier d'un dispositif individuel d'épargne-retraite, ce qui revient à étendre à tous les salariés un avantage dont bénéficient déjà les fonctionnaires.
    Je voudrais enfin attirer votre attention sur la situation des parents d'enfants handicapés, et soutenir, à cet égard, la démarche de notre rapporteur, Bernard Accoyer, et de la commission des affaires sociales : la pension de retraite de ces parents doit être bonifiée de 10 % et leur durée de cotisation doit être majorée d'un trimestre par période d'éducation de trente mois.
    Nous devons aussi penser à la retraite des personnes handicapées et vieillissantes. Et j'aimerais enfin, si le temps m'en était donné, évoquer nombre de préoccupations relatives à la place des personnes de plus de cinquante ans dans le monde du travail, à la formation professionnelle tout au long de la vie et à la possibilité d'une seconde carrière.
    M. Georges Colombier. Très bien !
    M. Bernard Perrut. En conclusion, mes chers collègues, autant dire que cette réforme est concrète, réaliste. Elle exprime la devise de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité. » Il faudra certes l'adapter régulièrement à l'évolution de la situation démographique, sociale, économique, voire l'améliorer.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Perrut.
    M. Bernard Perrut. En guise de réponse aux syndicats de ma ville, qui m'ont mis sous surveillance, je voudrais terminer par cette citation de Lacordaire, qui fut député, ecclésiastique et avocat :...
    M. Pascal Terrasse. Cumulard ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Perrut. ... « Entre le passé où sont nos souvenirs et l'avenir où sont nos espérances, il y a le présent où sont nos devoirs. »
    M. Henri Emmanuelli. Oh ! là ! là !
    M. François Liberti. Que c'est beau ! Il faut au moins ça pour cacher la vérité !
    M. Bernard Perrut. Mes chers collègues, l'heure est à nos devoirs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget.
    Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, et, pour la circonstance, monsieur le président du MEDEF... Je sais, mes chers collègues, M. le président de MEDEF n'est pas membre de notre assemblée et ne figure pas non plus à l'organigramme du Gouvernement, du moins officiellement ! (Rires et exclamations.)
    M. Jacques Desallangre. Il y est si bien représenté !
    M. Pascal Terrasse. Le Gouvernement, c'est le conseil d'administration du MEDEF !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Madame Oget ! Vous qui êtes si charmante en commission !
    Mme Marie-Renée Oget. Car, à lire ce que vous nous présentez aujourd'hui, il eût été facile de confondre votre projet avec un cahier de revendications de la principale organisation patronale de notre pays :...
    M. Christophe Masse. Très bien !
    M. Robert Lamy. N'importe quoi !
    Mme Christine Boutin. Elle fait dans la dentelle !
    Mme Marie-Renée Oget. ... allongement de la durée de cotisation des salariés à quarante et un, quarante-deux, quarante-trois ans puis on verra (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Où est votre projet ?
    Mme Marie-Renée Oget. ... forte incitation ou quasi-contrainte faite aux salariés de travailler au-delà de soixante ans ; réduction à néant de la conquête sociale que constitue le droit de toucher sa retraite à taux plein dès soixante ans ; poids de l'intégralité du coût de la réforme sur les seuls salariés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est faux !
    Mme Marie-Renée Oget. ... en écartant l'idée de mettre à contribution les profits des entreprises ou les revenus du capital, ne serait-ce, monsieur le ministre, que dans des proportions tout à fait minimes ;...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela ne suffirait pas !
    Mme Marie-Renée Oget. ... illusion donnée aux salariés et aux retraités que votre réforme se préoccupe aussi de leur condition.
    Vous vous glorifiez ainsi de porter le minimum contributif à 85 % du SMIC, en omettant le plus souvent de préciser qu'il s'agit du SMIC brut et non du SMIC net,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Parlons-en ! Entre 1997 et 2002, le SMIC s'est effondré !
    M. François Liberti. C'est un gouvernement de mystificateurs !
    Mme Marie-Renée Oget. ... alors que ce même minimum contributif s'élève aujourd'hui à 83 % du SMIC brut ! Quel progrès formidable ! Plus deux points ! C'est une grande concession arrachée au MEDEF !
    M. Robert Lamy. Vous êtes obsédée par le MEDEF !
    Mme Christine Boutin. Elle doit avoir le portrait de M. Seillière dans sa chambre ! Il faut dire qu'il est bel homme ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Marie-Renée Oget. Et les illustrations de votre parti pris ne manquent pas, comme en témoignent votre refus de relancer la politique de l'emploi, votre refus du dialogue social et de la négociation,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Parlez-nous donc de votre projet !
    Mme Marie-Renée Oget. ... puis le rejet de la totalité des amendements de l'opposition visant à élargir l'assiette du financement de notre système de retraite ! (Exclamations sur divers bancs.)
    M. Jean Grenet. Ces propos sont scandaleux !
    M. Jean-Pierre Abelin. Qu'a fait la gauche quand elle était au pouvoir ?
    Mme Marie-Renée Oget. Si la plupart des actifs, salariés ou indépendants, sont bien conscients qu'il leur faudra cotiser plus, voire plus longtemps, pour préserver leur système de retraite par répartition et s'assurer une retraite décente, ils ne peuvent pour autant se résoudre à accepter une réforme qui, pour seule réponse au déséquilibre démographique des années à venir, envisage de les faire payer plus et plus longtemps, avec la seule perspective, au bout du compte, de toucher moins.
    M. Pascal Terrasse. Du chantier au cimetière ! Voilà l'esprit de leur réforme !
    Mme Marie-Renée Oget. Votre projet de loi, surtout, exclut toute recherche de nouvelles ressources pour abonder le fonds de réserve des retraites.
    Mais vos choix, dévoilés dans ce projet de loi, mettent aussi fin aux illusions qu'auraient pu créer chez certains les déclarations de bonnes intentions proclamées un moment par le Gouvernement. Je me permets, à ce titre, de vous interpeller à nouveau, monsieur le ministre.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les cinq minutes sont dépassées !
    Mme Marie-Renée Oget. Lors de la séance du 14 novembre 2002, en réponse à l'une de mes questions, posée lors du débat budgétaire, vous vous étiez engagé, au nom du Gouvernement, à vous saisir, dans le débat général sur les retraites, à propos de la pénibilité, du dossier de la retraite des travailleurs handicapés, sujets à un vieillissement précoce.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Le Gouvernement y a travaillé avec le Sénat !
    Mme Marie-Renée Oget. Je me dois, monsieur le ministre, de vous renvoyer à cet engagement, prononcé dans l'hémicycle, car la question, à ce jour, dans votre projet de loi, n'a pas fait l'objet du moindre début de réponse.
    Nous sommes d'ailleurs forcés de constater que les parlementaires de la majorité ont également rejeté l'ensemble des amendements du Parti socialiste portant sur le volet de la retraite des salariés handicapés.
    M. François Liberti. Ce n'est pas joli !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais c'est faux !
    Mme Marie-Renée Oget. Un tel sujet aurait pourtant pu nous rassembler, au-delà des clivages habituels !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Nous avons déposé de très beaux amendements à ce sujet, notamment le rapporteur !
    Mme Marie-Renée Oget. L'absence de prise en compte de la situation des personnes handicapées augure mal de l'attention que vous porterez à la notion de pénibilité de certains emplois.
    Le mot « pénibilité » n'apparaît d'ailleurs qu'une fois dans votre projet de loi, à l'article 12 ! Là aussi, le rejet en bloc des amendements des socialistes laisse transparaître la seule véritable certitude de vos choix : les actifs devront cotiser plus et seront incités à travailler plus longtemps ! Cette logique, quoi qu'on en dise, est peu compatible avec la prise en compte de la pénibilité, pourtant évoquée dans vos discours.
    M. le président. Veuillez conclure, madame Oget.
    Mme Marie-Renée Oget. Cette logique qui est la vôtre, qui est aussi et surtout celle du MEDEF...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Encore !
    M. Jean-Marie Geveaux et M. Robert Lamy. C'est une obsession !
    M. le président. Madame Oget, veuillez conclure !
    Mme Marie-Renée Oget. Nos collègues ne me laissent pas parler !
    M. Christophe Masse. Mme Oget est sans cesse interrompue !
    M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, ma chère collègue.
    Mme Marie-Renée Oget. Cette logique qui est la vôtre, qui est aussi et surtout celle du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Bruno Gilles. C'est un discours d'une pénibilité...
    Mme Marie-Renée Oget. ... n'est assurément ni celle de la gauche, ni celle des salariés.
    M. Pascal Terrasse. Les salariés ? Ils ne les connaissent pas !
    Mme Marie-Renée Oget. Et les salariés, bien que prêts, dans leur grande majorité, à faire des efforts pour sauver leur retraite, ne sont pas disposés à accepter docilement le programme de régression sociale que vous tentez de leur imposer !
    M. le président. Madame Oget !
    Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés de la majorité, soyez-en sûrs, personne n'est dupe : vous aurez beau faire, vous ne parviendrez pas à convaincre les travailleurs, les retraités, la « France d'en bas », expression bien connue depuis un an mais aussi bien méprisante,...
    M. Michel Vergnier. Ça, c'est sûr !
    Mme Marie-Renée Oget. ... que cette voie est la seule possible pour sauver leur système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.
    M. Dominique Tian. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avions là un sujet susceptible de faire consensus (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Jacques Desallangre. Quel optimisme !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous rêvez !
    M. Dominique Tian. ... mais les socialistes ont perdu une occassion historique - comme d'habitude ou comme souvent - d'incarner une gauche moderne et responsable telle qu'elle existe dans d'autres pays européens.
    Nous sommes en effet d'accord sur la répartition, nous sommes d'accord sur l'intérêt de l'ajout d'une pointe de capitalisation, comme le proposait notamment le texte de loi de Laurent Fabius. Mais nous assistons maintenant à un scénario de schizophrénie, l'opposition s'opposant à ce qu'elle rêvait de faire pendant toutes ses années de pouvoir.
    M. Bruno Gilles. Très bien ! Intéressant rappel !
    M. Dominique Tian. Une fraction de la gauche prétend aujourd'hui que notre réforme est mauvaise, qu'il n'y a pas eu de concertation.
    M. Pascal Terrasse. Les grèves ont bien une raison !
    M. Dominique Tian. S'il n'y a pas eu de concertation, cela signifie que les consultations menées dans les années 90 par Michel Rocard, puis par Lionel Jospin, n'ont servi à rien, pas plus que celles menées par Martine Aubry - mais cela, on le savait déjà, puisqu'il s'agissait simplement de redorer son blason auprès des organisations syndicales, après le passage aux 35 heures sans négociations avec les syndicats.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur, et M. Bruno Gilles. Très bien !
    M. Dominique Tian. Ce sont donc des milliers d'heures de consultation, de gauche et de droite, que vous passez par pertes et profits.
    M. René Dosière. Parlez-nous des négociations de M. Juppé !
    M. Dominique Tian. Le problème n'est pas que notre réforme soit mauvaise ou faite sans concertation, c'est qu'une fraction de la gauche souhaite s'opposer pour s'opposer, quitte à être irresponsable. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pascal Terrasse. Nous communiquerons votre discours au meeting du stade Vélodrome de ce soir ! Les dockers seront contents !
    M. Dominique Tian. Votre rêve c'est d'imiter les manifestations de 1995 et de rééditer le coup de 1986. C'est le mal profond de la gauche française... mais pourquoi nous en plaindre ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    C'est une erreur à court terme, bien sûr, parce que c'est sans doute l'absence de réformes de fond qui vous ont fait perdre le pouvoir et la confiance d'une grande partie de votre électorat.
    M. Bernard Depierre. Très bien !
    M. Bruno Gilles. Y compris à Marseille !
    M. Dominique Tian. Les Français vous ont sanctionnés pour votre inaction. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Germinal Peiro. N'oubliez jamais que Chirac n'a fait que 19 % !
    M. Dominique Tian. Ils continueront donc à sanctionner votre volonté de mettre des bâtons dans les roues de ceux qui souhaitent réformer pour sauver la retraite par répartition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Germinal Peiro. Donneur de leçons !
    M. Jacques Desallangre. Occupez-vous de vos amis, monsieur Tian !
    M. Dominique Tian. Plus grave, vous faites une erreur à long terme qui engage tous les Français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Silence !
    M. Pascal Terrasse. Nous nous faisons encore insulter, monsieur le président !
    M. Dominique Tian. Si, par malheur, la réforme proposée devait être différée, la pérennité du régime de retraite par répartition serait mise à mal, ce qui aurait un impact sur les générations futures d'actifs et de retraités.
    Nous ne sommes cependant pas là pour nous appesantir sur la gestion de la stratégie à court terme du Parti socialiste - nous savons qu'elle est lamentable, heureusement pour nous (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) - mais plutôt pour discuter du texte, qui intéresse tous les Français.
    Je vous propose de parler du volet de l'épargne salariale, c'est-à-dire de l'article 80 (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pascal Terrasse. Il lui reste une minute, monsieur le président !
    M. Dominique Tian. De quoi s'agit-il ? D'aider les salariés à constituer, avec l'aide de leur employeur, une épargne à long terme qui ne se substitue pas à la répartition...
    M. Jacques Desallangre. Mais qui la met en péril ! Qui la condamne !
    M. Dominique Tian. ... en permettant à chacun de choisir entre rente ou capital.
    C'est le général de Gaulle qui a créé l'épargne salariale, avec pour objectif de réconcilier le capital et le travail, dans la continuité de la création des comités d'entreprise. Cela fait partie des grandes avancées sociales de l'après-guerre.
    M. Bruno Gilles. Absolument !
    M. Jacques Desallangre. Mais ce fut un échec !
    M. Pascal Terrasse. Il confond épargne retraite et épargne salariale !
    M. Dominique Tian. C'est Laurent Fabius qui, ensuite, a mis l'accent, par sa loi du 19 février 2001, sur le rôle de l'épargne salariale.
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de laisser l'orateur s'exprimer.
    M. Dominique Tian. Avec cet article 80, nous ne faisons qu'inscrire dans la loi de 2003 ce que le législateur de 2001 n'a pas osé faire. Laurent Fabius, bridé par sa gauche, comme souvent, n'avait en effet pas pu créer le plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite. Nous, dans l'article 80, nous la mettons en place.
    M. Jacques Desallangre. Perseverare diabolicum !
    M. Dominique Tian. C'est un choix pragmatique, une formule qui a retenu l'attention des différentes majorités. Le Gouvernement reprend des modalités préexistantes, de nature à être facilement acceptées, à la limite, par la droite comme par la gauche.
    C'est un choix efficace. La moitié des salariés sont déjà exposés, sous une forme ou une autre, à un plan d'épargne salariale.
    M. Jacques Desallangre. Cela assèche la répartition !
    M. Dominique Tian. Cela encourage le développement d'une épargne salariale dédiée à la retraite. Le Gouvernement mise sur une formule qui marche, contrairement aux produits individuels dédiés à la retraite, que nos voisins socialistes allemands ont mis en place, avec la loi Riester.
    C'est également un choix juste car l'épargne salariale est souvent la seule forme possible d'épargne à long terme pour les ménages actifs modestes. Elle permet à nombre de salariés modestes de se constituer un pécule, avec l'aide de leur entreprise.
    Mme Muguette Jacquaint. Adhérez au Parti socialiste ! (Sourires.)
    M. Dominique Tian. L'idée que portait Fabius en 2001 et l'objectif de notre article 80 est d'encourager les salariés et les entreprises à utiliser l'épargne salariale pour se constituer un complément de retraite. C'est pourquoi notre article 80 prévoit que la sortie du capital pourra s'effectuer, au choix du salarié, en capital ou en rente.
    M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
    M. Dominique Tian. Mes chers collègues, l'article 80 est excellent - comme le reste de la loi, du reste - car il est de nature à satisfaire tous les hommes et les femmes de progrès, de droite ou de gauche.
    M. René Dosière. On en a assez entendu !
    M. Dominique Tian. J'estime par conséquent que cet article devrait être voté à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Pascal Terrasse. Enfin quelqu'un qui sait distinguer entre épargne salariale et épargne retraite !
    M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat doit être saisi comme un moment nécessaire de clarification des enjeux de la réforme. Il faut cesser d'ériger la méthode Coué en principe de Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Deflesselles. Vous êtes bien placé pour le dire !
    M. Jean-Pierre Balligand. Ce qui doit être rappelé, c'est d'abord le caractère inéluctable d'une réforme des retraites. Les problèmes qui nous attendent demain proviennent effectivement de réalités démographiques sur lesquelles nous n'avons malheureusement plus de prise aujourd'hui. Les données sont connues : arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom - un Français sur cinq a plus de soixante ans aujourd'hui, il y en aura un sur trois en 2040 - et allongement de l'espérance de vie à la retraite, vingt-neuf ans en 2040 contre dix-sept ans en 1950.
    Cette situation, somme toute, a de quoi laisser perplexes nos concitoyens : comment une succession de bonnes nouvelles pour chacun d'entre eux pourrait-elle entraîner une catastrophe collective, la faillite de tout un système ?
    C'est toute la difficulté de l'exercice, qui exigeait de ne pas dresser les générations, les catégories sociales ou les régimes les uns contre les autres. Et c'est bien évidemment la brèche dans laquelle s'est immédiatement engouffré le Gouvernement, trop heureux de pouvoir livrer un bouc émissaire à la vindicte populaire, j'ai nommé les salariés de la fonction publique.
    Ici apparaît d'ailleurs la première supercherie de cette réforme, obtenue au prix d'une coûteuse campagne de communication : faire croire aux Français que le relèvement de la durée de cotisation des fonctionnaires pourrait mettre un terme au déficit structurel du régime des travailleurs salariés, alors que celui-ci, même en tenant compte de la réforme Balladur, présentera un besoin de financement de 16,6 milliards d'euros dès 2020 !
    Pourtant, si la réforme qui nous est proposée est bien à sens unique, ce n'est pas seulement qu'elle porte de manière insistante sur les fonctionnaires - l'harmonisation des régimes, sans en être la clé, étant sans doute un des éléments de la réforme -, mais parce qu'à travers l'allongment de la durée d'activité elle fait porter l'intégralité de l'effort demandé sur le seul travail, et, au coeur de ce travail, sur les seuls employés, salariés ou artisans, sans soumettre les employeurs à contribution.
    M. Jacques Desallangre. Très bien !
    M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas conforme à l'histoire de la répartition, dont vous vous prétendez les nouveaux hérauts mais dont vous oubliez manifestement les termes d'origine. La répartition repose, au contraire, sur un partage équitable de l'effort entre l'ensemble des actifs, cotisants salariaux ou patronaux. L'emploi, qui, jusqu'à preuve du contraire, naît de l'adéquation entre l'offre d'un employeur et la demande d'un employé, réside donc au coeur de la problématique des retraites, tant et si bien que le Conseil d'orientation de retraites, pour ne pas charger la barque, a fondé ses extrapolations sur un taux de chômage de 4,5 %.
    Or l'emploi - après un an de ce gouvernement, nous pouvous le dire avec quasi-certitude - est le point faible de votre action, celui qui rend par conséquent hypothétique et illusoire tout recul de l'âge de la retraite.
    La boucle est ainsi bouclée : votre réforme institue une véritable trappe à chômeurs entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans, et le MEDEF, épargné par le volet financier de la réforme, peut continuer de se frotter les mains.
    L'augmentation de la durée d'assurance ne saurait donc être la seule mesure susceptible de corriger l'impact de l'allongement régulier de l'espérance de vie, pour au moins trois bonnes raisons.
    Première raison, déjà évoquée, l'augmentation de la durée d'assurance au-delà de quarante annuités ne peut que se heurter aux réalités du marché du travail.
    Deuxième raison, l'uniformisation de la durée de cotisation fait fi de la pénibilité du travail, alors que cette dernière conditionne directement, de manière inversement proportionnelle, l'espérance de vie à la retraite.
    Troisième raison, au vu de gains d'espérance de vie permanents, il faudrait continuer de modifier régulièrement, dans des proportions très importantes - cinq à six années de plus au cours des quatre prochaines décennies - la durée de cotisation, au détriment de la stabilité et donc de l'acceptabilité des règles d'acquisition des droits à la retraite.
    Ces réalités, que le projet de loi ignore, traduisent la ligne de démarcation définitive entre votre vision, restée profondément libérale, et la nôtre, redistributive et solidaire, de la réforme des retraites.
    La répartition bien comprise, c'est d'abord le mixage des modes de financement - employés et employeurs, actifs et inactifs, travail et capital -, car c'est le seul moyen de donner à la redistribution le caractère proprement universel dont elle a besoin pour demeurer juste et équitable. Cela impose de relever dès aujourd'hui les cotisations sociales et la CSG, et d'instituer demain de nouvelles formes de prélèvements - sur les produits financiers, sur la richesse produite -, de manière à rattraper une évolution de la production nationale défavorable au travail sur une longue période.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Vous avez certes intégré dans votre réforme quelques avancées symboliques à mettre à l'actif de l'action syndicale, mais vous aurez finalement préféré le bras de fer à la négociation et la culpabilisation au compromis : autant dire que vous puisez aux manières délicates de Margaret Thatcher dans les années quatre-vingt. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Exactement ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    La réforme des retraites est pourtant brandie par le Gouvernement comme preuve que l'UMP n'est pas le pourfendeur de la répartition que le RPR était encore il y a un an.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oh !
    M. Jean-Pierre Balligand. Pour dire toute ma pensée, ce revirement n'est que de façade : la décence seule empêche désormais la droite de se raccrocher publiquement aux fonds de pension, vu les errements des marchés financiers depuis deux ans et demi. En attendant des jours meilleurs, le Gouvernement se propose de siphonner l'épargne salariale à dix ans au profit d'une épargne-retraite qui devrait constituer un nouvel effet d'aubaine pour les cadres et les employeurs en mal d'accessoires salariaux.
    M. le président. Merci, monsieur Balligand !
    M. Jean-Pierre Balligand. J'ai fini, monsieur le président.
    A terme, monsieur le ministre, votre réforme n'aura financé qu'entre un tiers et la moitié du déficit de l'ensemble des régimes de retraite, au prix d'une diminution de fait des pensions : la voie sera donc libre pour de juteux compléments par capitalisation et leurs lendemains qui déchantent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. La réforme est financée intégralement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour cinq minutes, pas une de plus !
    M. Jean-Paul Anciaux. Tout d'abord, monsieur le ministre, je salue votre courage et votre détermination dans la conduite de la réforme du dossier des retraites. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Equité, solidarité, progressivité sont le socle du texte qui nous est proposé. Je n'entrerai pas dans le détail du projet, mais je souhaite néanmoins rappeler quelques dispositions qui m'apparaissent essentielles.
    L'ouverture du droit à la retraite à soixante ans pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes. C'est une véritable avancée attendue par un grand nombre de salariés, ouvriers et cadres.
    L'amélioration sensible du montant des retraites des smicards : 85 % du SMIC garantis par la loi. Ce ne sont pas des paroles, mais des actes.
    L'allégement de la décote par année manquante pour les salariés du privé : 5 % au lieu de 10 % à parité avec les fonctionnaires. C'est l'égalité pour tous.
    La possibilité de rachat d'annuités sans limite d'âge. C'est le droit individuel d'opérer une péréquation à la liquidation des pensions.
    Enfin, le meilleur traitement des salariés qui ont cotisé à plusieurs régimes. Cette catégorie est en forte augmentation ; elle appréciera.
    Au lieu d'enrichir les débats en améliorant, en amendant, en proposant, l'opposition retourne à ses vieux démons dogmatiques en affichant un sectarisme idéologique sans précédent.
    M. Pierre Hellier et M. René Couanau. Tout à fait.
    M. Jean-Paul Anciaux. L'objectif inavoué, parce que inavouable, c'est de manipuler l'opinion publique pour s'attacher son soutien. La démarche consiste à opérer un amalgame public-privé en soutenant les revendications corporatistes des fonctionnaires ou des régimes spéciaux qui, eux, ne sont pas concernés mais forment la partie la plus importante de l'électorat de gauche.
    L'invitation au congrès du PS à Dijon du secrétaire de la CGT tient de la provocation. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Durant les cinq années où vous étiez au gouvernement, pourquoi n'avez-vous pas abrogé la loi sur les quarante années de cotisation ? Parce que vous saviez que le système par répartition n'y aurait pas survécu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, je ne tomberai pas dans le piège grossier que vous nous tendez et qui consiste à essayer de nous intimider afin qu'aucune comparaison de situation ne soit établie sous prétexte de ne pas monter une partie des Français contre l'autre. Oui, j'affirme qu'il y a des différences, des inégalités dans les rémunérations, dans les avantages sociaux et dans les conditions de départ à la retraite entre les salariés du public et ceux du privé. Je persiste et je souhaite davantage d'équité et de liberté.
    La moyenne du salaire mensuel en France est de 2 140 euros et la moyenne des pensions de 1 126 euros. Permettez-moi de donner deux exemples.
    Un conducteur SNCF, non concerné par le texte mais actuellement en grève, touche en début de carrière 2 020 euros brut, en fin de carrière 3 000 euros. Sa retraite, à cinquante ans, atteint 75 % du salaire des six derniers mois.
    Un professeur des écoles, en début de carrière, touche 1 522 euros, en fin de carrière, 3 600 euros, avec des primes dépassant 4 000 euros. Sa retraite, à cinquante-cinq ans, atteint 1 967 euros en moyenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Germinal Peiro. C'est faux !
    M. René Dosière. Vous n'y connaissez rien !
    M. Jean-Paul Anciaux. Pour ces deux catégories de salariés, je n'entre pas dans l'énumération de tous les avantages que procurent les services sociaux avec prestations spécifiques : comités d'établissement, coopératives d'achat, résidences des aînés, etc. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Jacqueline Fraysse. Quelle honte !
    M. Jean-Paul Anciaux. Le salarié des régimes spéciaux SNCF n'est pas concerné par la réforme, mais il faut néanmoins le citer puisqu'il est en grève par procuration, par solidarité, par anticipation. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi rien n'est prévu pour lui ? C'est bien regrettable.
    M. le président. Monsieur Le Guen...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il fait de la provocation, monsieur le président.
    M. Jean-Paul Anciaux. Le professeur des écoles, lui, est concerné, mais au regard du secteur privé, on ne peut vraiment pas dire qu'il soit défavorisé, compte tenu de ses sacro-saints avantages.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est un appel à la guerre civile !
    M. Jean-Paul Anciaux. Si les socialistes sont encore en accord avec la devise de la République, « Liberté, égalité, fraternité » (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire), qu'ils le prouvent. En admettant que la liberté, c'est laisser à chacun le soin de choisir le moment de sa cessation d'activité dans des conditions fixées par la loi et connues par tous. En admettant également que l'égalité consiste à privilégier toutes les réformes tirant vers le haut les plus bas niveaux de pension. En admettant, enfin, que la fraternité doit s'exercer sous la forme d'une solidarité à l'égard des plus fragiles.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il pète les plombs ! Il va faire un malaise ! Qu'on appelle le SAMU !
    M. le président. Monsieur Le Guen, je vous en prie !
    M. Jean-Paul Anciaux. Nous sommes, ce 12 juin 2003, dans une situation nouvelle. Certains n'acceptent plus, dans ce pays, que le Gouvernement gouverne, que le Parlement contrôle et décide. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Silence !
    M. Jean-Paul Anciaux. J'en veux pour preuve les actions de commando de ces derniers jours...
    Mme Jacqueline Fraysse. Des milliers de salariés dans la rue, ce ne sont pas des commandos !
    M. Jean-Paul Anciaux. ... et encore ce matin, à Avignon, à Toulouse, à Montpellier.
    Je voudrais être sûr que, dans cette enceinte, il n'y a que des élus pour qui la démocratie s'exprime par la représentation nationale qui a seule la capacité de décider pour le peuple de France.
    M. Jean-Marie Le Guen. Quelle haine sociale !
    M. Jean-Paul Anciaux. Aussi, je me demande si l'opposition va cautionner ou ne pas désavouer - ce qui revient au même, la lâcheté en plus - les agissements de groupes subversifs qui préconisent d'entreprendre des actions illégales.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il a eu un jour un bonnet d'âne, il ne s'en est pas remis !
    M. Jean-Paul Anciaux. Dans ma circonscription, les propos discordants que j'entends ou que je lis dans la presse quotidienne régionale ne me permettent pas de discerner quelle est la position officielle des grands partis de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Chacun doit prendre ses responsabilités. Pour une fois, mesdames et messieurs les rescapés de la gauche plurielle, de grâce, parlez, mais parlez vrai ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Jusqu'où admettez-vous qu'on puisse conduire une grève en termes de nuisances sur le plan économique et à l'égard des usagers ? Quelles doivent être les limites d'une manifestation dans son action et dans son contenu ? Voilà qui intéresse la France silencieuse. Vous avez tout critiqué, tout refusé, tout méprisé. (Même mouvement.)
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Anciaux.
    M. Jean-Paul Anciaux. Voici que sonne l'heure de vérité. Si c'est le troisième tour des élections que vous appelez de vos voeux, alors je vous préviens solennellement : vous n'étiez pas au second tour au printemps dernier, vous ne figurerez pas dans le tiercé de la future consultation. A bon entendeur !
    Monsieur le président, messieurs les ministres, pendant trois ou quatre semaines, avec patience, nous attendrons, nous supporterons l'obstruction, mais je serai fier de voter ce texte qui lèvera les inquiétudes des Français. Nous serons la majorité qui aura sauvé la retraite par répartition ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Prétentieux !
    M. Jean-Marie Le Guen. Oh non ! Quel talent !
    M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.
    M. Germinal Peiro. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, mes chers collègues, à ce moment de la discussion générale sur le projet de loi portant réforme des retraites, je souhaite vous faire part des inquiétudes du monde agricole.
    M. Pascal Terrasse. Elles sont nombreuses.
    M. Germinal Peiro. Vous le savez certainement, monsieur le ministre, le régime d'assurance vieillesse agricole a longtemps été le parent pauvre de tous les régimes de retraite. La mise en place tardive de l'assurance vieillesse obligatoire après 1952, la faiblesse des cotisations assises sur le revenu cadastral, les conditions démographiques défavorables - un actif pour trois retraités -, un certain désintérêt du monde syndical dans le passé ont fait des retraités agricoles les victimes d'un système social totalement défaillant.
    Même si l'on note quelques avancées à partir de 1994, c'est à partir de 1997 que le gouvernement de Lionel Jospin s'attache véritablement au relèvement des retraites agricoles les plus basses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ainsi, de 1997 à 2002, grâce à un effort budgétaire sans précédent de plus de 21 milliards de francs, le montant des retraites agricoles a été revalorisé jusqu'au niveau du minimum vieillesse pour les chefs d'exploitation et les veuves et jusqu'au même niveau pour les couples, en ajoutant la retraite du conjoint.
    Ainsi, en cinq ans, le montant des retraites agricoles a progressé de 29 % pour les chefs d'exploitation, de 45 % pour les veuves et de 79 % pour les conjoints et les aides familiaux.
    M. René Dosière. C'est la gauche !
    M. René Couanau. Nous avons voté pour !
    M. Germinal Peiro. De plus, en mars 2002, afin d'atteindre les 75 % du SMIC réclamés depuis plus de vingt ans par les retraités agricoles, et en particulier par le président de l'Association nationale des retraités agricoles de France, Maurice Bouyou, décédé il y a quelques semaines, une proposition de loi que j'ai eu l'honneur de présenter a mis en place la retraite complémentaire obligatoire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ce nouveau régime obligatoire, par répartition, mensualisé, ouvrant droit à réversion pour les veuves, a enfin permis aux chefs d'exploitation d'atteindre 75 % du SMIC.
    M. René Couanau. Et la mensualisation ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Elle est dans le projet de loi !
    M. Germinal Peiro. Elle était prévue.
    En cinq ans, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le dossier des retraites agricoles a progressé comme jamais auparavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Aujourd'hui, les retraités agricoles espèrent de nouvelles avancées. Or que leur proposez-vous, monsieur le ministre ?
    M. Pascal Terrasse. Rien !
    M. Germinal Peiro. Vous leur proposez l'allongement de la durée de cotisation des actifs de 37,5 à 40 ans, puis 41 ans et 42 ans, sans aucune contrepartie.
    M. Pascal Terrasse. Il fallait le rappeler !
    M. Henri Emmanuelli. Car le ministre s'était bien gardé de le faire !
    M. Germinal Peiro. Vous me direz que vous allez leur apporter la mensualisation dans les années futures.
    M. René Couanau. Voilà !
    M. Germinal Peiro. Certes, la mensualisation est une mesure attendue, mais elle n'augmentera pas d'un centime d'euro le montant de la retraite.
    M. Alain Vidalies. Pas un sou de plus !
    M. Pascal Terrasse. Voilà la vérité !
    M. René Couanau. Pourquoi ne l'avez-vous pas relevé ?
    M. Germinal Peiro. Et chaque fois que l'on interroge les retraités agricoles, ils répondent invariablement qu'ils préfèrent une revalorisation à la mensualisation.
    M. Pascal Terrasse. Eh oui !
    M. Denis Jacquat. Pas du tout ! Quand nous les avons reçus, ils nous ont demandé la mensualisation.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Et elle est dans la loi.
    M. Henri Emmanuelli. Mais elle ne leur apporte pas grand-chose.
    M. Germinal Peiro. Aujourd'hui, les retraités agricoles attendent du Gouvernement qu'il s'engage sur un plan quinquennal, comme l'a fait le gouvernement précédent. Ils attendent des réponses claires sur la revalorisation de la retraite de base des femmes, qui réclament, à travail égal, une retraite égale à celle des hommes ; sur l'accès des conjointes et des aides familiaux à la retraite complémentaire obligatoire ; sur la diminution des minorations que le décret Vasseur a fixées à 15 % pour les deux premières années manquantes et à 10 % pour les trois années suivantes ; sur l'accès aux revalorisations pour celles et ceux qui ont des carrières incomplètes ou sont polypensionnés. Voilà ce que les retraités agricoles attendent.
    Monsieur le ministre, une large majorité de Français ne fait pas confiance à votre gouvernement pour réformer le régime des retraites.
    M. René Couanau. C'est une pétition de principe !
    M. Germinal Peiro. Nos concitoyens ont bien compris que, malgré vos dénégations, c'est véritablement le régime fondé sur la solidarité nationale qui est en cause et que vos mesures, quoi que vous en disiez, vont se traduire par un abaissement du niveau des retraites, laissant la porte ouverte au marché des fonds de pension, que les ministres des finances des Quinze ont décidé d'ouvrir, le 13 mai dernier, à l'ensemble de l'Union européenne.
    Monsieur le ministre, les députés socialistes ne vous suivront pas sur le chemin de l'injustice et de la régression sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Marc Bernier.
    M. Marc Bernier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque notre système de retraite par répartition fut porté sur les fonts baptismaux, les facteurs économiques, sociaux et démographiques de l'après-guerre étaient favorables à son développement et à son épanouissement. Mais somme toute, après trois décennies glorieuses, force fut d'admettre que les composantes qui avaient assuré la stabilité et l'équilibre financier de ce régime n'étaient plus réunies. Face à ce constat, seul un plan de sauvetage pouvait en garantir la pérennénité, afin de réussir à compenser le vieillissement incontournable de la population.
    Le nombre de retraités par rapport au nombre d'actifs doublera d'ici à 2040, pour atteindre un rapport de sept retraités pour dix actifs, alors qu'il est de quatre pour dix actuellement. Il semble donc inconcevable que le débat engagé s'enlise autour de querelles politiques ou idéologiques, dès lors qu'il s'agit de résoudre un problème social, mais aussi arithmétique.
    M. Denis Jacquat. Bien dit !
    M. Marc Bernier. D'ailleurs, nous sommes tous convaincus, nos collègues de gauche en conviendront, de l'urgence et de l'aspect incontournable de cette réforme.
    M. Pascal Terrasse. Bien sûr !
    M. Jacques Desallangre. Evidemment !
    M. Marc Bernier. A cet égard, je suis heureux d'avoir entendu, mardi, dans cet hémicycle, M. Ayrault abonder dans notre sens devant les représentants de la nation.
    M. Christian Bataille. Non !
    M. Marc Bernier. Nous pouvons néanmoins regretter que le débat parlementaire sur cette réforme d'intérêt général débute dans un climat de grèves, de revendications...
    M. Jacques Desallangre. Eh oui, parce que votre projet est mauvais socialement et inefficace économiquement.
    M. Marc Bernier. ... et d'immobilisme, entretenu, pour l'essentiel, par celles et ceux à qui nous accordons le privilège de ne pas toucher à leur régime de retraite.
    Il est décevant d'avoir pu entendre ça et là que le Gouvernement aurait entrepris cette réforme sans aucune forme de négociation. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Christian Bataille. Il y a eu un manque de concertation.
    M. Marc Bernier. Une telle affirmation est lourde de conséquences, dans la mesure où elle revient à nier les nombreuses étapes, marquées par le dialogue, qui nous ont permis de construire ce projet. Cette large concertation sur le dossier de la réforme des retraites nous a permis, d'une part, de recueillir des données objectives dans la perspective d'enrichir le texte et, d'autre part, de nous rendre compte des aspirations des différentes catégories socioprofessionnelles, en ayant toujours à l'esprit la nécessité de sauvegarder les principes d'équité, de solidarité et de justice entre les citoyens.
    M. Jacques Desallangre. C'est faux !
    M. Marc Bernier. Parmi ces aspirations figurent celles des très jeunes actifs, qui ont commencé à travailler dès l'âge de quatorze, quinze ou seize ans, voire encore plus tôt. Je pense notamment aux aides familiaux agricoles, si nombreux dans mon département, dont certains ont été employés à la ferme dès l'âge de douze ans.
    Sous la précédente législature, le groupe communiste avait déposé une proposition de loi sur le sujet, qui s'est vu opposer un refus du gouvernement de l'époque.
    M. Jacques Desallangre. Hélas !
    M. Marc Bernier. Pour sa part, l'actuel gouvernement, ayant pris en compte les travaux en commission, propose une avancée sociale considérable et unique en Europe, puisque les artisans, les commerçants, les agriculteurs ou les salariés pourront désormais accéder à la retraite non pas en fonction de l'âge légal de celle-ci, mais au regard de l'âge auquel ils seront entrés sur le marché du travail. Une telle innovation crée un droit nouveau et légitime au profit de personnes ayant souvent exercé des emplois physiquement pénibles et peu rémunérés.
    M. Jacques Desallangre. Et qui ont aussi cotisé très longtemps.
    M. Marc Bernier. Dorénavant, les personnes réunissant le nombre d'années nécessaires n'auront plus le sentiment de cotiser pour rien jusqu'à leurs 60 ans. Ce progrès social ne fait donc que réparer une injustice.
    En revanche, monsieur le ministre, je suggère que, pour ces personnes, les années passées sous les drapeaux soient comptabilisées, afin de ne pas pénaliser ceux qui ont servi la nation au sein des forces armées par rapport aux réfractaires ou aux personnes réformées.
    En 2001, on estimait à plus de 800 000 les personnes de moins de 60 ans, nées entre 1942 et 1951, ayant totalisé 160 trimestres. Il faut d'ailleurs noter le nombre important de femmes concernées, du fait des deux années supplémentaires dont elles bénéficient par enfant élevé. Nous proposons que la retraite soit désormais accessible dès 56 ans pour celles et ceux qui auront commencé à travailler à 14 ans, et dès 59 ans pour celles et ceux qui auront commencé à 16 ans.
    A l'image de ce point bien particulier, je suis convaincu que votre projet de loi est inspiré par un souci d'équité entre les citoyens et par la volonté de sauvegarder, dans les meilleures conditions, notre système de retraite. En définitive, ce projet de réforme répond aux nécessités dictées par les changements structurels et va dans le sens de l'intérêt des Françaises et des Français.
    M. Jacques Desallangre. C'est faux !
    M. Marc Bernier. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je soutiendrai l'action du Premier ministre et du Gouvernement en votant ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, au travers de cette réforme, nous allons traiter pour la première fois d'un phénomène majeur : le choc démographique que connaîtra la société française dans les années qui viennent. Nos concitoyens ont largement conscience de l'ampleur de l'effort qu'ils devront fournir. C'est au regard de cette réalité, qui va bien au-delà de la simple vision comptable dont votre projet s'inspire, que je vais maintenant entreprendre la critique de votre réforme.
    Mme Christine Boutin. Le contraire eût été étonnant !
    M. Jean-Marie Le Guen. D'abord, cette réforme est fondamentalement étriquée. Il est impossible, en effet, de traiter la question des retraites sans traiter en même temps les questions de société qui, plus largement, sont posées par ce choc démographique. A commencer, bien évidemment, par la question du travail et par celle de l'assurance maladie dont tout est fait, j'y reviendrai, pour que nous ne parlions pas. Mais il s'agit aussi de notre économie, des politiques industrielles et des services que nous serons amenés à mettre en oeuvre pour répondre à ce défi, ou bien encore des problèmes d'aménagement du territoire, qui concernent très directement les collectivités. Cette réflexion d'ensemble est absente du projet de loi, qui se borne à une approche essentiellement financière, donc étriquée.
    Plus grave encore, cette approche est mensongère. Nous entendons nos collègues de la majorité, et même le Gouvernement, nous expliquer qu'il n'y aura pas de prélèvements supplémentaires. Mais il mettent de côté la situation de l'assurance maladie.
    Chers collègues de la majorité, en décembre dernier, j'avais indiqué que 10 milliards d'euros seraient nécessaires pour assurer son financement en 2003. Il apparaît aujourd'hui qu'il faudra 15 milliards. Cela signifie que vous aurez besoin de 25 milliards d'euros pour financer l'assurance maladie et l'ensemble de notre protection sociale sur la période 2002-2004. Or cette somme constitue plus de la moitié de l'objectif financier fixé dans votre texte. Vous serez donc amenés à financer, par des prélèvements directs ou indirects sur les revenus des Français, et notamment des retraités, plus de la moitié de la réforme que vous prétendez aujourd'hui financer. Alors quelle crédibilité vous accorder quand vous nous dites qu'il n'y aura pas de prélèvements supplémentaires !
    Deuxième point : la fiabilité de votre réforme. En fait, cette dernière n'est absolument pas fiable dans la mesure où les mouvements financiers auxquels je viens de faire allusion reposent essentiellement sur les problèmes d'emploi. Or, nous savons que non seulement le taux moyen d'emploi ne sera pas celui des prévisions que vous affichez mais, plus encore, que les inégalités sociales vont se trouver accentuées car vous ne faites rien, et le MEDEF a fortiori,...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ça suffit !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... pour modifier les caractéristiques de notre marché de l'emploi, qui rejette les jeunes et les seniors. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est pourquoi on peut dire à juste titre que cette réforme va transformer de jeunes retraités en futurs chômeurs âgés.
    M. François Loncle. Eh oui !
    M. Jean-Marie Le Guen. Voilà la réalité sociale de votre réforme qui n'est absolument pas fiable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Enfin, cette réforme est politicienne. Que restera-t-il, en effet, de l'ensemble de vos interventions d'aujourd'hui ?
    M. Daniel Mach. En ce qui concerne la vôtre : des mots pour rien !
    M. Jean-Marie Le Guen. Comme l'a fait observer avec brio l'un de nos collègues, il résultera simplement de ces débats que vous voulez opposer les Français entre eux, et notamment ceux du public et ceux du privé, comme s'il y avait des clientèles électorales à flatter ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Denis Jacquat. C'est le contraire !
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne laisserez dans ce pays, à la veille de réformes dont il faudra bien effectivement parler, celles que j'ai évoquées rapidement dans les quelques minutes qui m'étaient imparties, que de l'amertume car l'essentiel n'aura pas été fait. En termes de financement, en termes sociaux, en termes de traitement des problèmes de notre société, vous n'aurez créé que des blocages. Vous aurez fait simplement une petite opération politicienne dont l'objectif premier a été dévoilé par le Premier ministre dans ses attaques contre le parti socialiste. Au total, cette réforme est un rendez-vous manqué pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.
    M. Georges Colombier. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici enfin réunis pour débattre d'une réforme que les Français attendaient depuis très longtemps. Après avoir consulté les partenaires sociaux et amélioré le texte sur plusieurs points, le Gouvernement nous propose un projet de réforme indispensable au sauvetage du symbole de la solidarité intergénérationnelle, à la française : le régime de retraite par répartition.
    Ces grands principes sont empreints de valeurs, de bon sens, d'équité, d'humanisme et de justice sociale. Et j'aborderai, sans esprit partisan et dans une démarche constructive, plusieurs points spécifiques qui me tiennent beaucoup à coeur.
    Il s'agit d'abord des avantages familiaux. On ne peut que se féliciter de leur maintien, et même de leur amélioration, puisque, compte tenu des évolutions de la société, les bonifications de durée d'assurance des régimes de la fonction publique seront accordées aux hommes comme aux femmes alors que ce n'était pas le cas auparavant. On pourrait aller plus loin dans ce domaine en exauçant une demande souvent formulée par les salariés de la fonction publique de bénéficier, comme leurs homologues du privé, de deux années de bonus par enfant élevé. Eu égard à l'effort demandé aux fonctionnaires, il serait intéressant de réfléchir à une harmonisation en ce sens.
    Par ailleurs, étant donné la priorité politique affichée par le Président de la République d'aider les personnes handicapées, il convenait d'étudier une amélioration du dispositif actuel et d'octroyer une bonification supplémentaire aux parents contraints de s'arrêter pour s'occuper de leur enfant handicapé. Nous connaissons tous des parents qui sacrifient leur temps libre, leur carrière, leur salaire et, par conséquent, leur retraite, pour leurs enfants. Les aider par tous les moyens est une question de principe et je me réjouis que ce point soit abordé par le présent texte et fasse l'objet d'amendement. J'espère d'ailleurs que nous y reviendrons lors de la prochaine révision de la loi de 1975.
    M. René Couanau. Vous avez tout notre appui !
    M. Georges Colombier. Un autre point sur lequel je souhaite mettre l'accent porte sur les salariés les moins qualifiés et sur ceux exerçant les activités les plus pénibles. J'étais intervenu le 11 mars dernier lors de l'examen de la proposition de loi de M. Alain Bocquet visant à permettre aux salariés ayant commencé à travailler tôt de prendre leur retraite au bout de quarante annuités, quel que soit leur âge.
    En soulignant tout mon intérêt pour la mesure proposée, j'avais affirmé qu'il valait mieux étudier cette question lors du débat sur la réforme des retraites. Je me réjouis aujourd'hui qu'il soit prévu d'offrir une telle possibilité aux salariés ayant commencé à travailler à quatorze, quinze et seize ans. J'aurais préféré, à titre personnel, que tous les salariés totalisant quarante annuités qui le souhaitent bénéficient de cette mesure, mais nous ne pouvons que nous satisfaire de cette avancée déjà considérable, et que personne ne pouvait imaginer il y a quelques années. Cette mesure, dont la philosophie principale est la souplesse, laisse donc le choix aux salariés ayant commencé leur carrière très tôt de décider de leur fin de carrière.
    La pénibilité du travail doit également être prise en compte : elle l'est dans la fonction publique hospitalière, mais les autres agents du service public exerçant des métiers pénibles doivent également pouvoir bénéficier des mesures prévues. Il en va de même, dans le privé, pour certaines catégories de métiers qui ne sont d'ailleurs par forcément tous des métiers manuels mais qui sont considérés à juste titre comme pénibles. Il est indispensable que des accords professionnels par branches définissent les activités les plus pénibles afin de pouvoir réellement mettre en place un dispositif efficace de compensation et un financement adéquat.
    Un sujet d'importance a également retenu mon attention, comme celle de Denis Jacquat : il s'agit des mesures concernant la réversion au profit des conjoints survivants. Ils sont près de 4 millions en France qui ne souhaitent pas être lésés par la réforme. Leur principale interrogation porte évidemment sur le montant du plafond de ressources institué par le projet de loi, nécessaire pour l'octroi de l'allocation différentielle qui ne serait plus fonction de l'âge.
    Je fais miennes les recommandations adoptées par la délégation aux droits des femmes et les propositions de la Fédération des associations de conjoints survivants sur ce sujet. Elles préconisent en effet de fixer ce plafond de façon à ne pas léser les veuves et veufs ayant encore une activité professionnelle ou bénéficiant d'un avantage personnel vieillesse. Par ailleurs, il serait souhaitable de fixer ce seuil dans le souci d'un rapprochement avec le régime de la pension de réversion de la fonction publique, même si la comparaison est difficile à faire, compte tenu des régimes complémentaires.
    Le cas des veuvages précoces est également fréquemment soulevé. Il est difficile d'admettre que, sous prétexte que le conjoint n'a pas cotisé assez longtemps, la réversion soit indigne et n'ait aucun rapport avec la réalité de situations souvent tragiques et économiquement très difficiles.
    M. Denis Jacquat. Très juste !
    M. Georges Colombier. Pour en terminer avec la réversion, je tiens à aborder le thème plus particulier des sapeurs-pompiers. Je plaiderai donc pour que soit étudiée la possibilité d'accorder une pension de réversion en cas de décès dans l'exercice de leurs fonctions à tous les pompiers et pas seulement à ceux de Paris et de Marseille.
    Cette mesure serait un complément à l'amendement de mon collègue rapporteur Bernard Accoyer dont je salue le remarquable travail.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Merci !
    M. Georges Colombier. Il propose de contribuer à trouver des solutions à la crise du volontariat en donnant entre autres un véritable statut aux sapeurs-pompiers, qui leur permettrait de prendre en compte les périodes volontairement consacrées hors du temps de travail à cette activité dans le calcul des années requises pour bénéficier de la retraite.
    En conclusion, je tiens à rendre hommage au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin d'avoir tenu sa principale promesse et d'avoir su concevoir, en partenariat avec le mouvement social, un texte courageux, qui contribue à sauver le système de retraite par répartition, socle de notre pacte social auquel nous sommes tous tellement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à  M. Louis-Joseph Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais que vous entendiez une autre voix de l'outre-mer, une voix différente de celle que vous avez entendue tout à l'heure. Elle n'est pas exclusive, c'est vrai, mais elle est suffisamment significative parce qu'elle représente ici toutes celles et tous ceux, Martiniquais, Réunionnais, Guyanais, qui, par milliers, ont manifesté dans les rues pour exprimer leur inquiétude, leur amertume, leur incertitude, leur refus d'accepter votre projet.
    La discussion du texte sur la réforme des retraites s'ouvre dans un contexte social pour le moins agité. Des centaines de milliers de Français, tant de métropole que de l'outre-mer, sentent que ce droit fondamental qu'est la retraite est menacé. Ils sentent bien que le risque est réel de voir s'effriter ou se perdre cette valeur essentielle qu'est la solidarité entre les générations.
    Monsieur le ministre, la réussite d'une réforme des retraites - indispensable je le rappelle - impose d'obéir à un certain nombre d'exigences. La première consiste à construire une confiance à long terme pour les générations à venir, à débattre des moyens pour y parvenir, en procédant autrement que par une pseudo-concertation empreinte parfois d'autoritarisme, à discuter de la façon de consacrer à nos retraites une part plus grande des richesses produites en assurant d'abord - bien sûr - une contribution des entreprises, de manière à mieux équilibrer le partage de ces richesses entre les revenus du capital et ceux du travail.
    La deuxième consiste à développer des droits qui permettent de mettre un terme aux vagues de licenciements de dizaines, voire de centaines de milliers de salariés âgés pour la plupart de plus de cinquante ans, éjectés chaque jour par la multiplication des plans sociaux. Je veux parler de ces actifs qui deviennent des préretraités forcés, victimes d'un licenciement boursier et des délocalisations, broyés par l'implacable logique du libéralisme, de ces préretraités qui viennent grossir les rangs des oubliés du profit. Et que dire de ces grandes multinationales obsédées par la compétitivité et la rentabilité sans borne et qui réalisent un dangereux grand écart avec, d'un côté, des pratiques inhumaines de licenciement et, de l'autre, l'allongement de la durée des cotisations afin de réaliser encore et toujours plus de meilleurs profits. C'est le comble du paradoxe. C'est même un non-sens.
    Troisième exigence, il faut prendre en compte l'élévation continue de l'âge moyen d'insertion sur le marché du travail. Je le rappelle, celui-ci est de vingt-deux ans en métropole et de plus de vingt-six ans outre-mer.
    Dernière exigence, enfin et pour reprendre les propos du secrétaire général de la FSU, il est nécessaire de s'attaquer à toutes les formes déguisées de chômage, de changer en profondeur les conditions de travail, de mieux prendre en compte les situations de pénibilité et de développer des possibilités de formation continue et de mobilité professionnelle.
    Oui, monsieur le ministre, si une réforme est nécessaire, elle ne peut conduire à remettre en cause les acquis sociaux, fruits de nombreuses luttes des travailleurs. Entendez-vous l'appel de ceux qui, seniors et retraités, se sentent coupables de vivre trop longtemps ou voient chanceler le système actuel qui leur assurait leur pain quotidien ? Comme si vivre plus longtemps était devenu une charge pour nos sociétés modernes. Entendez-vous l'inquiétude de la grande masse de ceux qui ne font plus confiance à votre gouvernement pour leur garantir une retraite décente ?
    Mme Muguette Jacquaint. Le ministre est sourd !
    M. François Liberti. Ils sont tous autistes !
    M. Louis-Joseph Manscour. A toutes ces femmes et à tous ces hommes, votre réforme n'offre aucune réponse, aucune assurance, aucune garantie, aucune perspective, bref aucune quiétude.
    Mme Christine Boutin. Apparemment, vous n'avez pas lu le texte !
    Mme Muguette Jacquaint et M. François Liberti. Nous l'avons trop bien lu, au contraire.
    M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, il n'y a pas de réforme sans objectif. Toute réforme se nourrit nécessairement d'une vision de la société. Alors quelle vision de société nous proposez-vous ? Le premier de vos objectifs devrait être de créer les conditions qui permettent le maintien des salariés dans leur emploi. Prétendre, en effet, allonger la durée de cotisation alors que plus de la moitié des salariés français arrivent à soixante ans en n'étant plus en activité est un leurre.
    Mme Muguette Jacquaint. La communication, c'est du bourrage de crâne !
    M. le président. Concluez, monsieur Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. Pour conclure, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, je dirai que votre texte ne renforce aucunement les valeurs de solidarité, de justice sociale et d'humanisme, dignes de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte.
    M. Patrick Delnatte. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le Nord, département de forte tradition industrielle, le dialogue social mené par les parlementaires UMP avec tous les partenaires sociaux a mis en avant cinq préoccupations principales : les carrières longues, la prise en compte de la pénibilité du travail, les mesures d'âge pour améliorer les plans sociaux, le niveau des retraites et les avantages familiaux. C'est sur ce dernier point que je souhaite attirer votre attention.
    Les avantages familiaux sont avant tout une mesure d'équité. Il s'agit d'abord de compenser les efforts consentis pour des couples, tant en termes de dépense que de carrière, pour l'éducation des enfants. Ces efforts ont en effet des répercussions importantes pour la retraite des parents, à la fois sur le niveau de la pension qui leur est allouée, puisque l'un des conjoints a souvent interrompu sa carrière pour se consacrer à l'éducation des enfants, et sur leur capacité d'épargne, pour compléter les revenus de la retraite. Ainsi, un ménage ayant élevé trois enfants aura en moyenne une retraite inférieure de 20 % à celle d'un couple sans enfant.
    S'il est équitable de compenser les efforts des parents en faveur de leurs enfants, il est également indispensable d'avantager ceux qui assurent l'avenir de notre système de retraite.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. Patrick Delnatte. Nous avons fait le choix de la répartition. Chaque génération assure la retraite de celle qui la précède. Enfin, les compensations familiales ont une troisième fonction qui rejoint les objectifs exposés lors de la dernière conférence de la famille : permettre à chacun de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. A cet égard, le système actuel doit être modernisé, en particulier pour appliquer le principe d'égalité entre hommes et femmes. Le projet gouvernemental modifie en conséquence le régime de la fonction publique.
    Mais la parité, dans la vie réelle, n'existe pas. Dans les faits, le niveau de retraite des mères de famille est largement inférieur à celui des hommes, en raison du niveau de rémunération des femmes et de leur taux d'activité. S'il s'est nettement élevé, ce taux varie beaucoup selon les classes d'âge, ce qui nécessite le maintien des dispositifs de correction en faveur des femmes. Si le taux d'activité des femmes peut encore augmenter, en effet, leurs carrières demeurent et demeureront assez chaotiques dans la mesure où ce sont elles qui consacrent le plus de temps aux jeunes enfants, même si les pères s'investissent aujourd'hui davantage auprès d'eux.
    Les mesures correctrices accordant des validations gratuites au titre des enfants élevés restent donc nécessaires. Le système des décotes, amélioré par le projet de loi pour le régime de base des salariés du privé, s'appliquera aussi dans la fonction publique. Il faut reconnaître qu'il touche davantage les femmes et peut les pénaliser. Mais le projet de loi apporte une amélioration utile pour les femmes, puisqu'il permet de prendre en compte le temps partiel comme un temps plein pour la durée d'assurance, en introduisant la possibilité d'une cotisation à taux plein pour les fonctionnaires. Il faudra toutefois s'assurer que ces mesures soient suffisantes pour que jamais une décote ne sanctionne le fait d'avoir élevé des enfants.
    S'agissant des avantages familiaux, le Gouvernement a donc fait le choix de la cohérence, de la prudence et du bon sens. Cohérence avec sa politique familiale axée sur la conciliation vie familiale-vie professionnelle ; prudence pour ne pas bouleverser un système indispensable aux femmes qui connaissent encore trop d'inégalités dans leur vie professionnelle et familiale ; bon sens, enfin, pour donner à la famille un rôle essentiel dans la solidarité entre les générations, fondement même de notre système par répartition.
    Le Gouvernement a adopté une attitude responsable en prévoyant une évaluation périodique de la réforme pour y apporter les adaptations nécessaires. L'évolution vers plus d'équité entre les différents systèmes de retraite au titre des avantages familiaux me paraît inévitable et souhaitable. La présente réforme va dans le bons sens, mais le problème reste entier dans les professions libérales.
    Messieurs les ministres, vous avez su introduire les préoccupations familiales dans le dialogue social. C'est un progrès qui prépare bien l'avenir de notre pacte social et de nos enfants.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous marchez comme les écrevisses !
    M. Patrick Delnatte. Avec tous mes collègues de l'UMP, je vous apporte mon soutien en souhaitant la réussite de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la déclaration de politique générale du Premier ministre et dans les expressions réitérées du Gouvernement, la négociation était affichée comme une méthode privilégiée, le contrat comme un objectif permanent et la démocratie sociale modernisée comme un chantier majeur de la législature. A l'épreuve des faits, vos engagements sont manifestement, avec bien d'autres, à ranger au rayon des promesses oubliées.
    Vous voulez aujourd'hui, par la loi, faire approuver un accord minoritaire, rejeté par la majorité des salariés, comme en témoigne l'ampleur du mouvement social ou même les différentes enquêtes d'opinion.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous rêvez !
    M. Alain Vidalies. Face au problème du financement des retraites, la réponse que vous nous proposez aujourd'hui n'a rien d'original. Elle s'inscrit dans un courant idéologique très marqué et s'inspire des préconisations des institutions financières internationales.
    Ainsi, dès 1994, la Banque mondiale préconisait l'installation d'un système de retraite fondé sur trois piliers : le premier, collectif, garantissant une couverture minimale, le second, complémentaire et obligatoire, le troisième, facultatif et individuel, géré par des groupes financiers.
    Vous prétendez aujourd'hui que votre projet sauve le système de retraite par répartition. Je pense, au contraire, qu'il marque un tournant majeur vers un autre système de retraite, qui remet en cause le pacte social conclu après la Seconde Guerre mondiale.
    La mise en oeuvre progressive du décret Balladur de 1993 et l'augmentation des durées des cotisations aboutiront irrémédiablement à une paupérisation de millions de retraités qui ne bénéficieront plus que de la couverture minimale au sens du rapport de la Banque mondiale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Il fallait le dire !
    M. Alain Vidalies. Pour ces millions de salariés, au premier rang desquels les salariés modestes et moyens, le niveau de revenu de remplacement est la question principale. Or, dans votre propagande par voie de presse, pour vanter les mérites de votre réforme, vous écrivez : « Avec la réforme, vous avez la garantie de toucher 85 % du SMIC net ; sans la réforme, ce serait, à terme, moins de 60 %. » Ce taux de 60 % devrait être au coeur de notre débat car il s'appliquera à tout le monde, la seule protection étant le filet de sécurité de 85 % du SMIC net. En effet, d'ores et déjà, avec ce taux annoncé de 60 % pour le revenu de remplacement et l'existence des carrières incomplètes, constatons que, compte tenu du niveau des salaires en France, 35 à 40 % des salariés vont se retrouver, à terme, dans la voiture balai des 85 % du SMIC net, c'est-à-dire la retraite minimale au sens de la Banque mondiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Le Garrec. Excellent !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Désinformation !
    M. Alain Vidalies. Votre projet est idéologiquement complet avec l'introduction dans la loi des dispositions relatives à l'épargne retraite individuelle.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh, oui, c'est idéologique !
    M. Jean Dionis du Séjour. Et Fabius ?
    M. Alain Vidalies. Dans un rapport récent intitulé Un compte d'épargne pour tous, M. Woerth, député UMP, décrit très clairement les objectifs de votre réforme. Je ne peux mieux faire que de le citer : « Votre rapporteur souhaite s'attarder sur quelques simulations de l'évolution du taux de remplacement car c'est bien là que réside la justification majeure, sinon unique, de la création d'un supplément de retraite. »
    Le tableau qui suit son rapport confirme la dégradation du revenu de remplacement avec cette mention d'un grand réalisme : « La carrière complète est d'ailleurs toute théorique, lorsqu'on sait, par exemple, que moins de la moitié des salariés du secteur privé sont encore en activité au moment où ils liquident leur retraite. »
    M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    M. Alain Vidalies. En préambule de son rapport, M. Woerth, député UMP, écrit : « L'accent mis sur une technique plutôt que sur l'autre relève en définitive d'un choix de société. » Tout est dit !
    Non, votre projet ne sauve pas le système par répartition. Il annonce sa disparition au profit d'un système de retraite minimale et de parts de retraites individuelles. Ce choix vous a conduit à ignorer toutes les autres solutions permettant de répondre au défi démographique. La seule que vous avez retenue est l'allongement de la durée des cotisations, autrement dit, le seul effort des salariés : les salariés doivent régler entre eux le problème lié à l'évolution démographique. C'est au fond la seule leçon de votre projet.
    M. Bernard Depierre. Et la solidarité ?
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vidalies.
    M. Alain Vidalies. La redistribution de la richesse est pourtant une réponse adaptée dans un pays riche où la productivité ne cesse d'augmenter et où la répartition de ces gains entre le capital et le travail ne cesse de se dégrader au détriment des salariés.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Lisez Elie Cohen dans Libération !
    M. Alain Vidalies. Vous restez sourds à la demande d'ouverture de véritables négociations. Je souhaite que la forte mobilisation des salariés vous amène enfin à comprendre que les Français ne veulent pas de votre projet. Dans tous les cas, le débat ne s'arrêtera pas avec l'adoption de ce texte. La réforme des retraites s'inscrit dans une longue durée.
    M. le président. Monsieur Vidalies, merci de conclure.
    M. Alain Vidalies. Les Françaises et les Français pourront, lors des prochaines échéances électorales (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), choisir un autre projet de société et retrouver les chemins de la solidarité et de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Terrible ! J'en tremble !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal.
    M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le ministre, je soutiendrai votre texte parce que, au-delà de ses très nombreux mérites, il m'apparaît comme étant un modèle d'éthique politique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Françaix. N'exagérons rien !
    M. Jean-Pierre Brard. Nous n'avons pas la même éthique !
    M. Jean-Claude Guibal. Quant à son contenu, d'abord, chacun s'accorde désormais à reconnaître que nous ne pouvons plus attendre pour adapter notre système de retraites.
    M. Michel Françaix. Mais pas en faisant n'importe quoi !
    M. Jean-Claude Guibal. Or c'est bien ce à quoi vous nous invitez aujourd'hui, et dans une approche large, qui intègre les conséquences économiques, sociologiques et morales du vieillissement de notre pays.
    Presque tout le monde convient également qu'il faut tout faire pour sauver, tant qu'il est temps, les régimes par répartition, ceux-là mêmes qui assurent la solidarité entre les générations et à l'intérieur de chacune d'elles. Et c'est bien à cela que s'attache le projet de loi qui nous est soumis.
    Cela étant, nous sommes de ceux qui considèrent que, en République, la réforme doit se faire dans l'équité. Cela veut dire qu'elle doit tendre à rapprocher les régimes de retraites des fonctionnaires de ceux des salariés du secteur privé et de ceux des travailleurs indépendants.
    M. Jean-Pierre Brard. Régime minceur pour tous !
    M. Jean-Claude Guibal. Cela veut dire aussi qu'elle doit tenir compte des situations particulières les moins favorables, et veiller à les compenser. C'est ce que propose ce projet de loi, et c'est aussi pourquoi nous le soutenons.
    Nous nous opposons clairement, de ce point de vue, à ceux qui ne cherchent qu'à défendre leurs droits acquis,...
    M. Jean-Pierre Brard. Dites-le : les privilèges !
    M. Jean-Claude Guibal. ... au mépris de ce qu'il en coûterait aux autres catégorie sociales ou aux générations futures. Chacun saura désormais que leur discours généreux n'est que le paravent d'égoïsmes catégoriels.
    M. Jean-Pierre Brard. Vos feuilles ne vont pas s'envoler ! Vous pouvez nous regarder en parlant !
    M. Jean-Claude Guibal. Nous nous séparons également d'eux quand ils affirment qu'il faut faire payer les entreprises, oubliant - ou faisant semblant d'oublier - que l'augmentation des charges des entreprises se traduit par une chute de compétitivité, une perte de parts de marché et, en définitive, un accroissement du chomâge. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Françaix. Incroyable ! Revoilà la pensée unique !
    M. Jean-Claude Guibal. Ils feignent aussi d'ignorer que le temps des « deux cents familles » est révolu, et que le capital des entreprises est désormais constitué, pour l'essentiel, par l'épargne des travailleurs.
    Mme Christine Boutin. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Brard. N'importe quoi !
    Mme Martine Billard. Dans Eurotunnel, par exemple !
    M. Jean-Claude Guibal. Nous disons, quant à nous, que la réforme des retraites doit préserver la compétitivité de nos entreprises. Nous disons aussi, avec le Gouvernement, qu'elle doit privilégier l'augmentatoin de la durée de cotisation, plutôt que la hausse des taux de cotisation ou la diminution du montant des pensions. Nous disons enfin, avec vous, qu'elle doit favoriser la capacité d'adaptation de la société française, en accroissant la liberté de choix de nos concitoyens quant à l'âge de leur départ à la retraite et quant à la possibilité de constituer une épargne salariale ou de racheter des points.
    Bref, dans son contenu, le texte que vous nous présentez, messieurs les ministres, n'est pas seulement techniquement équilibré. Il répond aussi aux exigences les plus fondamentales de ceux qui sont attachés aux valeurs d'une République moderne.
    Mme Christine Boutin. Eh oui !
    M. Jean-Claude Guibal. Pour ce qui est de la méthode qui a présidé à son élaboration, permettez-moi de souligner qu'elle m'apparaît, elle aussi, exemplaire de ce que peut être aujourd'hui, l'éthique en politique.
    A nos yeux, elle est d'abord le courage de faire, quelle qu'en soit la difficulté, ce que le bien commun, à un moment donné, exige que l'on fasse. Ce courage, à la différence de son prédécesseur qui a pourtant bénéficié d'une belle conjoncture, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin l'a eu, en engageant la réforme des retraites dans un contexte qui aurait pu être meilleur, c'est le moins que l'on puisse dire. Aujourd'hui, vous présentez au Parlement un texte qui, après concertation avec les partenaires syndicaux, a été signé par deux centrales, elles-mêmes courageuses et responsables.
    M. Jean-Pierre Brard. Et collaboratrices !
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Jean-Claude Guibal. Vous avez su, ainsi, renouer un dialogue social que feu la gauche plurielle avait laissé en déshérence.
    Après le dialogue social, voici maintenant venu le temps du débat parlementaire. La majorité qui vous soutien a été élue pour que vous réalisiez le programme de réformes dont le pays a besoin.
    M. Bernard Perrut. C'est clair !
    M. Jean-Claude Guibal. Vous pouvez compter sur elle pour que soit respectée la légitimité démocratique issue des élections. Ce serait faire injure aux Français et désespérer nos électeurs que de céder quoi que ce soit de substantiel aux agitateurs professionnels qui poursuivent la chimère d'une révolution permanente.
    M. Michel Françaix. Oh là là !
    M. Jean-Claude Guibal. Aujourd'hui, ils exploitent les corporatismes les plus conservateurs pour lancer un défi au Gouvernement. Nous devons leur administrer la preuve que ce n'est pas la rue qui gouverne. Céder, ne serait-ce qu'en apparence, ce serait porter atteinte à l'autorité du Gouvernement et de l'Etat ; ce serait ruiner la crédibilité des syndicats réformistes.
    M. Jean-Pierre Brard. Collaborationnistes !
    M. Jean-Claude Guibal. Ce serait se condamner à l'impuissance jusqu'à la fin de cette législature et à l'échec aux prochaines élections. Ce serait, plus gravement, faire douter nos concitoyens de la capacité du politique à adapter nos institutions à l'évolution de la société.
    La France, a-t-on dit, fut révolutionnaire parce qu'elle était conservatrice. Conservatrice, à l'évidence, elle l'est restée. Les corporations que 1789 avait brisées se sont reconstituées, et elles l'ont fait au profit des catégories les plus protégées au détriment des plus exposées.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Guibal.
    M. Jean-Claude Guibal. Je termine, monsieur le président.
    Mme Muguette Jacquaint et M. Jean-Pierre Brard. On fera connaître votre discours aux électeurs !
    M. Jean-Claude Guibal. La révolution, par contre, est devenue impossible du fait de la complexité de nos sociétés et de la multiplicité des pouvoirs qui s'y exercent. Elle appartient désormais à l'histoire, alors que l'apprentissage de la réforme n'est pas encore achevé. Voilà pourquoi, depuis des décennies, les meilleurs esprits, lorsqu'ils évoquent notre pays, parlent d'une société bloquée.
    Messieurs les ministres, je vous le dis sans emphase, telle qu'elle a été concue, négociée et telle qu'elle sera, je n'en doute pas, votée, votre loi va faire sauter les verrous qui paralysent notre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle marquera une date dans son histoire :...
    M. Michel Françaix. Pas votre discours, en tout cas !
    M. Jean-Claude Guibal. ... celle de son entrée dans la modernité. Peut-être d'ailleurs est-ce parce qu'ils le pressentent confusément que ses adversaires s'y opposent avec tant d'énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est Guizot, le talent en moins !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous allons demander des excuses, c'est une insulte ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Mais non, j'ai simplement dit qu'il parlait comme Guizot !

    M. Michel Françaix. A mon avis, c'est Guizot qui pourrait demander des excuses.
    M. le président. La parole est à Mme Arlette Franco.
    Mme Arlette Franco. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, longtemps promise, toujours repoussée, la réforme de notre système de retraite est une nécessité.
    Seuls les gouvernements d'Edouard Balladur et de Jean-Pierre Raffarin ont eu le courage de présenter des textes pour que la France préserve son modèle social. Je suis fière de participer au débat sur un texte écrit dans un esprit d'équité entre les secteurs public et privé et pour la pérennité des ressources alimentant ce financement.
    Le texte de cette première grande réforme sociale de notre législature nous permettra de sauver le système par répartition. C'est de notre choix que dépend l'avenir de nos enfants et petits-enfants. C'est notre vraie responsabilité.
    M. Michel Françaix. Sur ce point, il n'y a rien à dire.
    Mme Arlette Franco. Je m'attacherai plus particulièrement à évoquer les dispositions relatives au régime des exploitants agricoles, un secteur trop souvent oublié avec celui des artisans et des commerçants.
    M. Bernard Perrut. Très bien !
    M. Michel Françaix. Pas par nous !
    Mme Arlette Franco. La création d'un régime complémentaire obligatoire pour ces secteurs d'activité est importante. En effet, ils sont les derniers à ne pas avoir de véritable retraite complémentaire alors que leur régime général est déjà peu valorisé.
    M. Jean-Pierre Brard. Les travailleurs de la terre !
    Mme Arlette Franco. La reprise de leurs droits et la transformation de la caisse de base en une mutuelle au 1er janvier était une attente et une nécessité.
    Les enfants participent souvent à l'activité familiale. L'affiliation des aides familiaux, dès l'âge de seize ans, au régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles est une très bonne décision. La durée réelle de l'activité sera désormais prise en compte et permettra le choix de l'âge de départ, tout autant que la mise en place d'une majoration pour un exploitant souhaitant travailler au-delà de soixante ans.
    Au 1er janvier il sera cependant nécessaire, pour racheter ces périodes d'activité accomplies, que le décret fixe d'une façon équitable le mode de calcul des cotisations, ainsi que les droits à retraite forfaitaire ou proportionnelle. Leur montant doit être raisonnable quand on connaît les revenus faibles de certains exploitants agricoles.
    Mme Muguette Jacquaint. Voilà !
    Mme Arlette Franco. Je vous fais confiance, monsieur le ministre, pour que, en collaboration avec M. le ministre de l'agriculture, ce décret soit étudié en fonction des réalités économiques de ce secteur. Certaines retraites - le savez-vous ? - s'élèvent à moins de 615 euros par mois.
    M. Jean-Pierre Brard. Non ! Ils ne le savent pas !
    Mme Arlette Franco. C'est à vous que je m'adresse, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais, moi, je le sais !
    Toutes les Arlette sont bien les mêmes ! (Sourires.)
    Mme Arlette Franco. L'agriculture, en pleine mutation, nécessite une adaptation permanente. Les années de formation deviennent longues. Le rachat de trois années d'études est une nécessité. Je comprends la pénibilité du travail des enseignants, moi qui l'ai été, avec des élèves de votre acabit ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai ! Vous ne pourriez pas être mon élève !
    Mme Arlette Franco. Le statut du conjoint collaborateur des artisans, commerçants, professions agricoles nécessite des avancées significatives dont nous aurons l'occasion de reparler sur des propositions que j'aurai le plaisir de faire afin que les conjoints ou conjointes existent déjà tout simplement.
    M. Pascal Terrasse. Nous, nous les voterons ! En sera-t-il de même du côté de la majorité ?
    Mme Arlette Franco. L'ouverture du droit de reconversion sans condition d'âge, de durée de mariage ou d'appréciation de ressources est une avancée. La suppression des règles complexes relatives au cumul avec d'autres prestations était nécessaire.
    Dans le secteur agricole, la pluriactivité liée au métier et relevant de divers ministères sera une solution pour la revalorisation des revenus. Il faut élargir cette disposition pour combattre, entre autres, la précarité de la saisonnalité. C'est dire que la mise en place d'un système de pension, qui ne sera plus subordonné à la cessation de l'activité salariale à laquelle il se rattache, est importante.
    Le texte que vous proposez précise que les retraites agricoles seront désormais versées mensuellement. Une mesure qui représente un signe fort et qui nécessite un budget d'un peu plus de 1,3 milliard d'euros. Si la proposition de création d'une retraite complémentaire agricole en mars 2002 avait été avancée, le précédent gouvernement a laissé en jachère les questions déterminantes concernant le financement.
    M. Michel Françaix. C'est faux !
    Mme Arlette Franco. Notre gouvernement a assumé ses responsabilités en débloquant 28 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003.
    Monsieur le ministre, le monde agricole est un secteur déterminant dans l'aménagement du territoire. Le texte précise que seront engagées des négociations avec les différentes branches pour tenir compte de la pénibilité du travail dans la durée des cotisations.
    M. Jean-Pierre Brard. Et vous y croyez ?
    Mme Arlette Franco. Bien sûr que j'y crois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes naïve !
    Mme Arlette Franco. Peut-être !
    M. Pascal Terrasse. Quel aveu !
    Mme Arlette Franco. Non, je ne crois pas l'être !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes dans la ligne spirituelle de Jeanne d'Arc !
    M. le président. Veuillez conclure, madame Franco !
    Mme Arlette Franco. La pénibilité est une réalité physique doublée, dans le monde agricole, de l'angoisse des aléas de production. Les artisans, les commerçants, les agriculteurs n'ont ni l'envie, ni le temps, ni la possibilité de manifester. Votre loi assure la revalorisation des retraites pour qu'elles soient décentes et justes.
    Monsieur le ministre, je voterai avec conviction ce texte. Il permettra peut-être enfin d'atténuer l'illusion néfaste issue de la loi des 35 heures votée par la gauche plurielle et qui consisterait à faire croire que l'on pourrait gagner plus en travaillant moins.
    Responsabilité de chacun, solidarité, respect des vraies valeurs, ajoutés à mes convictions personnelles et ma confiance envers vous, monsieur le ministre, sont les raisons qui me feront voter ce texte.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est une déclaration d'amour !
    Mme Arlette Franco. Pourquoi pas ?
    M. le président. Il faut terminer !
    Mme Arlette Franco. J'ai parfois honte des gesticulations, de l'incorrection de certains élus, voire d'entendre ici chanter l'Internationale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous n'en connaissez pas les paroles. Savez-vous qui l'a écrite ?
    Mme Arlette Franco. Monsieur, quand je faisais passer le certificat d'études, il y avait des textes obligatoires, des chansons obligatoires, jamais celle-là.
    M. Jean-Pierre Brard. Quand avez-vous commencé à enseigner ? C'est une chanson française !
    M. le président. Merci de conclure, madame Franco.
    Mme Arlette Franco. Ce matin, je suis fière de participer au soutien d'une vraie loi sociale qui assure la retraite des Français, dans la responsabilité et la dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez connu Jules Ferry ?

Rappel au règlement

    M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.
    M. Alain Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, hier après-midi et encore ce matin, plus d'un tiers des amendements déposés par le groupe communiste et républicain ont été repoussés en vertu de l'article 40.
    M. Denis Jacquat. Les nôtres aussi.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est le 49-3 déguisé !
    M. Alain Bocquet. C'est un véritable massacre.
    M. Denis Jacquat. Mais non !
    M. Alain Bocquet. La commission des finances se conduit comme la commission de la hache. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tout y passe : nos amendements de propositions alternatives comme nos propositions de suppression d'articles ou encore nos demandes d'analyse, d'études et de rapports. C'est du jamais vu ! Après cela, M. le Premier ministre, la main sur le coeur, nous invite à avoir ici un débat démocratique, serein, sérieux.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui.
    M. Alain Bocquet. Il parle même de débattre tout l'été sur ce projet de réforme...
    M. Daniel Mach. Nous y sommes prêts aussi !
    M. Alain Bocquet. ... que nous combattons, vous le savez.
    Vous parlez de concertation, mais vous refusez la négociation. Vous vous dites impatients d'engager le débat, mais vous éliminez tout ce qui pourrait venir alimenter la discussion.
    Avec cette méthode, comment voulez-vous avoir un débat digne, sérieux, et serein ? En réalité, il s'agit d'un véritable sabotage du travail parlementaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Christine Boutin. N'ayons pas peur des mots !
    Mme Muguette Jacquaint. Un 49-3 déguisé.
    M. Alain Bocquet. C'est un véritable sabotage du travail parlementaire digne du bal des faux-culs. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Mme Christine Boutin. Quel est le meilleur danseur ?
    M. Alain Bocquet. Aussi, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance et la réunion du bureau de l'Assemblée nationale pour examiner cette situation et permettre la tenue d'un véritable débat au cours duquel les amendements pourront être examinés sereinement et efficacement. Nous avons tout le temps devant nous. Je ne vois pas en quoi on pourrait refuser nos propositions.
    M. le président. Avant de vous accorder cette suspension de séance qui est de droit, je vais donner la parole au rapporteur, puis au président de la commission des finances.
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je tiens à dire à nos collègues du groupe communiste...
    M. Jean-Pierre Brard. Et républicain !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... que, depuis qu'ils sont devenus républicains,...
    Mme Muguette Jacquaint. Nous l'avons toujours été.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... et même avant, la commission des finances fonctionne de la même façon pour tout le monde, puisque l'ensemble des amendements déposés par l'UMP a connu le même sort qu'une bonne partie des amendements du groupe communiste et républicain.
    Mme Christine Boutin. Oui, même le mien !
    M. Alain Bocquet. Ce n'est pas une raison.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est un scandale, du 49-3 déguisé !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. L'article 40 de la Constitution s'impose à tous. C'est la règle républicaine par excellence. Nous l'avons d'ailleurs profondément regretté parce que les amendements qui ont été déclarés irrecevables par la commission des finances avaient été adoptés à l'unanimité par la commission des affaires culturellles, familiales et sociales et apportaient de réelles avancées à des catégories de Français qui en ont besoin.
    M. Alain Bocquet. Raison de plus !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pressentant cette déclaration d'irrecevabilité, j'ai, dans ma présentation du rapport, au nom des commissaires des affaires culturelles, familiales et sociales,...
    Mme Muguette Jacquaint. Vous avancez à reculons.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... demandé au Gouvernement de bien vouloir examiner scrupuleusement ces amendements, qui constituent l'expression de la volonté commune de nos collègues de la commission des affaires culturelles, pour voir s'il peut, comme nous l'espérons, reprendre à son compte un certain nombre d'entre eux. En fait, c'est la quasi-totalité des amendements déposés par nos collègues du groupe de l'UMP qui ont été déclarés irrecevables.
    Comme ils tendaient à l'évidence à alourdir les dépenses de la nation...
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... il était malheureusement prévisible - et nous en étions bien conscients - que cela se passerait ainsi. Sous la précédente législature, nous avons connu les mêmes déceptions.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai ! Affabulations !
    Mme Christine Boutin. Si, monsieur Brard, c'est vrai.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Je peux vous donner quelques références encore plus précises.
    M. Jean-Pierre Brard. Donnez-les !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mes chers collègues, même si nous constatons que les règles de notre Constitution limitent la marge de manoeuvre de l'Assemblée nationale,...
    M. Alain Bocquet. C'est grave.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... nous sommes, quant à nous, en tant que républicains et démocrates, respectueux de ces règles et les acceptons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes démocrates les jours pairs !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président Bocquet, vous savez parfaitement que j'applique avec impartialité l'article 40.
    Mme Jacqueline Fraysse. Encore heureux !
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas le débat !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ne faites pas preuve de fausse naïveté. Lors du débat sur la retraite à soixante ans, vous avez vous aussi usé de l'article 40. J'applique la Constitution ! A moins que vous ne la révisiez,...
    Mme Muguette Jacquaint. Ce ne serait pas une mauvaise chose !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ... elle s'impose à tous. Je précise d'ailleurs que, si je n'appliquais pas l'article 40, le Conseil constitutionnel remettrait en question certains amendements et certains articles du projet. J'exerce la fonction de président de la commission des finances avec la même impartialité que mon prédécesseur, croyez-le sincèrement. Et les membres de la commission des finances qui appartiennent à votre groupe savent que la rigueur s'applique de la même façon à tous.
    Sur certains de vos amendements, comme celui proposant un référendum, j'aurais pu appliquer l'article 40. Pour permettre un débat, je ne l'ai pas fait. J'agis là à la limite de mes possibilités.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous avez été généreux !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je vous demande vraiment de croire que nous faisons notre travail sérieusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Je viens d'entendre M. le rapporteur et M. le président de la commission des finances. L'argumentation développée par le premier apporte de l'eau à notre moulin.
    Je rappelle pour mémoire que le groupe des député-e-s communistes et républicains avait proposé la constitution d'une commission spéciale, émanant de l'ensemble des commissions de l'Assemblée, afin de tenir compte de l'importance de ce dossier et de l'enjeu qu'il représente pour l'avenir.
    Je ne vois pas en quoi des suppressions d'article, des demandes d'analyse, d'études et de rapport peuvent être sanctionnées par l'article 40.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cela a toujours été le cas !
    M. Alain Bocquet. Oui, mais je crois qu'il s'agit d'une méthode-couperet...
    Mme Muguette Jacquaint. Un blocage !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Pas du tout !
    M. Alain Bocquet. ... destinée à évacuer le vrai débat. On nous exhorte en haut lieu à discuter et, ensuite, on charge la commission du sale boulot afin d'éviter qu'un vrai débat ne s'engage à partir des amendements que nous avons proposés. Par conséquent, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe, et la réunion du bureau de l'Assemblée, afin que, devant le caractère exceptionnel de la situation, il examine le moyen d'introduire un peu de souplesse dans nos débats tout en respectant la Constitution. Nos concitoyens attendent de nous un vrai débat de fond. Celui-ci avait bien commencé hier. J'ai apprécié la réponse de M. le ministre Fillon à l'argumentaire que j'avais avancé. Chacun campe sur ses positions. Or l'on crée maintenant les conditions d'un climat de procédure et d'obstruction - ce que nous ne souhaitons pas. Nous entendons travailler d'une manière constructive, afin que les échanges se fassent à partir des arguments des uns et des autres. Si nos amendements sont refoulés dès le départ, le débat va être faussé. Je demande donc que le bureau de l'Assemblée, compte tenu de l'enjeu, réfléchisse à une méthode faisant preuve d'une certaine souplesse.
    M. le président. Monsieur Bocquet, de combien de temps voulez-vous disposer pour réunir votre groupe ?
    M. Alain Bocquet. Au moins un quart d'heure, monsieur le président.
    M. le président. Dans ce cas, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT