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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 27 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 26 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

2.  Convention de Bâle sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

3.  Accord France - Australie sur l'emploi des membres des familles des diplomates. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

4.  Accord France - Brésil sur l'emploi des membres des familles des diplomates. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

5.  Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

6.  Accord France - Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

7.  Accord France - Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

8.  Convention fiscale France - Ouzbékistan. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

9.  Accord France - Italie relatif à une coopération sur l'observation de la Terre. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

10.  Accord France - Italie relatif à la coopération policière et douanière. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

11.  Déclaration du Gouvernement et débat d'orientation budgétaire pour 2004. «...».
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Rappel au règlement «...»

MM. Jean-Marc Ayrault, le président, le ministre.

Ouverture du débat «...»

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.
MM.
Didier Migaud,
Nicolas Perruchot,
Jean-Claude Sandrier.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM.
Marc Laffineur,
Eric Besson,
Gilbert Gantier,
Jean-Pierre Brard,
Michel Bouvard,
Augustin Bonrepaux,
Georges Tron,
Alain Claeys,
Philippe Auberger,
Gérard Bapt,
Louis Giscard d'Estaing,
Pascal Terrasse,
Yves Deniaud,
Thierry Carcenac,
Hervé Mariton,
Mme
Marie-Anne Montchamp.
Clôture du débat.
M. le ministre.
12.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

CONVENTION EUROPÉENNE
POUR LA PROTECTION
DES ANIMAUX DE COMPAGNIE

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie (n°s 51, 764).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique.  - Est autorisée la ratification de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, faite à Strasbourg le 13 novembre 1987 et signée par la France le 18 décembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

2

CONVENTION DE BÂLE SUR LES MOUVEMENTS
TRANSFRONTiÈRES DE DÉCHETS DANGEREUX

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchet dangereux et leur élimination (n°s 266, 873).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 1107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique.  - Est autorisée l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination adopté à Genève le 22 septembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

3

ACCORD FRANCE-AUSTRALIE
SUR L'EMPLOI DES MEMBRES DES FAMILLES
DES DIPLOMATES

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (n°s 403, 874).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre, signé à Adelaïde le 2 novembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

4

ACCORD FRANCE-BRÉSIL
SUR L'EMPLOI DES MEMBRES DES FAMILLES DES DIPLOMATES

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) (n°s 551, 874).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque Etat dans l'autre, signé à Paris le 28 mai 1996, ensemble un échange de lettres des 16 et 26 mars 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

5

CONVENTION SUR LES EFFETS
TRANSFRONTIÈRES
DES ACCIDENTS INDUSTRIELS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discusion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (ensemble treize annexes) (n°s 649, 896).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (ensemble treize annexes) signée à Helsinki, le 18 mars 1992, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

6

ACCORD FRANCE-VENEZUELA
SUR L'ENCOURAGEMENT
ET LA PROTECTION
RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n°s 274, 953).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Caracas le 2 juillet 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

7

ACCORD FRANCE-ARABIE SAOUDITE
SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION
RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n°s 519. 940).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), signé à Djeddah, le 26 juin 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

8

CONVENTION FISCALE
FRANCE-OUZBÉKISTAN

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres) (n°s 548, 941)
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres), signée à Paris le 22 avril 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

9

ACCORD FRANCE-ITALIE RELATIF
À UNE COOPÉRATION SUR
L'OBSERVATION DE LA TERRE

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à une coopération sur l'observation de la Terre (n°s 556, 942).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à une coopération sur l'observation de la Terre, signée à Turin le 29 janvier 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

10

ACCORD FRANCE-ITALIE
RELATIF À LA COOPÉRATION POLICIÈRE
ET DOUANIÈRE

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échanges de lettres complétant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière du 3 octobre 1997 (n°s 757, 952).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.
    M. le président. « Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres, signées à Paris et à Imperia le 1er juillet 2002, complétant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italiennne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé le 3 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

11

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT
ET DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
POUR 2004

    M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement et le débat d'orientation budgétaire pour 2004.
    M. Didier Migaud. La commission n'est pas représentée !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous ne pouvons pas débattre !
    M. Jean-Claude Sandrier. C'est de l'obstruction !
    M. Didier Migaud. Pour faire grève, il faut déposer un préavis !
    M. le président. Mes chers collègues, Michel Bouvard, qui est ici présent, va représenter la commission.
    La parole est à M. le ministre délégué au budget et la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la tenue de ce débat témoigne de notre volonté commune de faire vivre la loi organique du 1er août 2001. Bien que notre nouvelle constitution financière n'ait pas rendu ce débat d'orientation obligatoire - la seule obligation juridique étant la remise d'un rapport par le gouvernement - , votre commission des finances et le Gouvernement ont voulu conjointement qu'il ait lieu, malgré l'ordre du jour très chargé de votre assemblée.
    En effet, ce débat est particulièrement utile. Etant donné que le budget de l'Etat se prépare désormais tout au long de l'année, le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement ne peut plus se résumer aux traditionnels rendez-vous de l'automne.
    En fait, cette année, il y aura même eu deux débats d'orientation budgétaire dans cet hémicycle : nos échanges du 8 avril dernier sur le contrôle et la maîtrise des finances publiques - et surtout des dépenses publiques - nous ont, en effet, aidés à préparer la discussion d'aujourd'hui. Les souhaits qui ont été émis à cette occasion, notamment par votre commission des finances, ont contribué à la fixation des premières orientations retenues par le Gouvernement dans la préparation du budget pour 2004 et, plus précisément, au choix de la norme globale d'évolution des dépenses.
    L'article 48 de la loi organique, qui régit le contenu du rapport du Gouvernement, assigne à ce rapport deux champs principaux : préciser les évolutions enregistrées depuis l'automne en matière économique et budgétaire, d'une part ; éclairer, autant que faire se peut, notre horizon à moyen terme en ce domaine économique et budgétaire, d'autre part.
    Permettez-moi de présenter d'abord le contexte macroéconomique de notre politique économique et les grandes orientations retenues par le Gouvernement. Je préciserai ensuite les conséquences qui en résultent pour le budget de l'Etat.
    La situation économique de cette année est, bien entendu, complexe. Un obstacle majeur s'opposait à la reprise : le climat de tension internationale. Il est largement levé, et les conditions sont désormais remplies pour une reprise, au niveau mondial, dans la zone euro, et particulièrement en France.
    C'est le cas dans la zone euro, où les taux d'intérêt sont bas, et la Banque centrale européenne a donné, comme nous l'attendions, un signal clair en ce sens. Certes, la baisse du dollar ne facilite pas nos exportations, mais elle permet la désinflation, donc des gains de pouvoir d'achat et la poursuite de la baisse des taux d'intérêt. Par ailleurs, la situation financière des ménages est bonne en général, notamment par rapport aux Etats-Unis.
    M. Henri Emmanuelli. La consommation des ménages décroche !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est encore plus vrai dans le cas de la France : les ménages ont du pouvoir d'achat. Le Gouvernement y contribue non seulement en baissant les impôts, mais également en relevant fortement le SMIC - jusqu'à 5,3 % - au 1er juillet. Quant à la situation des entreprises, elle s'est améliorée, celles-ci ayant des besoins d'investissement et de stockage.
    Pourtant, la reprise n'est pas encore là.
    M. Henri Emmanuelli. La consommation est morose !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Les chiffres n'en sont pas encore connus de manière précise, ...
    M. Henri Emmanuelli. C'est dans tous les journaux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... mais, à ce que nous savons, le premier semestre a été décevant.
    M. Augustin Bonrepaux. La suite sera pire !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La croissance risque de ne pas atteindre cette année le chiffre de 1,3 % que nous avions retenu en mars et qui est d'ailleurs rappelé dans le document que vous avez reçu.
    M. Henri Emmanuelli. Vous ne lisez pas le journal ! Ou alors seulement Le Figaro !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. D'un autre côté, une bonne surprise est encore possible. Rappelons-nous qu'en novembre et en décembre derniers le consensus des prévisions privées pour 2002 était - à un mois de la fin de l'année - de 1 %. Or la croissance moyenne a finalement été de 1,2 %. Il ne faut donc pas accorder aux prévisions, seraient-elles les plus sérieuses, la précision qu'elles ne peuvent pas avoir. Le Premier ministre a évoqué une fourchette de croissance de 0,8 % à 1,5 %.
    M. Augustin Bonrepaux. Quelle précision !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cette approche est raisonnable et prudente.
    M. Augustin Bonrepaux. On peut encore descendre jusqu'à 0,6 % !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Comme l'a dit Francis Mer devant votre commission des finances, nous avons encore le temps d'examiner l'éventualité d'une croissance plus faible.
    Examinons à présent plus en détail notre situation et nos perspectives budgétaires. Ce n'est un secret pour personne que les comptes publics se sont massivement dégradés l'an passé. Entre 2001 et 2002, le besoin de financement des administrations publiques est passé de 1,5 point à 3,1 points de produit intérieur brut.
    Comment en est-on arrivé là ?
    M. Henri Emmanuelli. Lisez le rapport de la Cour des comptes !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cette dégradation résulte, certes, du ralentissement conjoncturel, personne ne songe à le nier. Toutefois, elle procède également de facteurs structurels. Dans la période de forte croissance qu'à connue la France de 1998 à 2000, l'effort d'assainissement a été très insuffisant.
    M. Didier Migaud. C'est toujours la faute aux autres !
    M. Henri Emmanuelli. Lisez donc le rapport de la Cour des comptes !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La Commission européenne souligne elle-même que l'effort d'ajustement des comptes publics entamé en 1995 avait été stoppé en 1999, au profit d'une politique budgétaire expansive, alors que nous étions en phase haute de cycle.
    Le précédent Gouvernement a conduit une politique de baisse d'impôt qui ne reposait sur aucun financement pérenne (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), c'est-à-dire sans réduction à due concurrence des dépenses publiques.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous semblez oublier que vous êtes là depuis plus d'un an ! Comment pouvez-vous rejeter la faute sur les autres ?
    M. Henri Emmanuelli. Et en plus, ils ne savent pas lire !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour pouvoir critiquer mon argumentation, il faut que vous l'écoutiez, mesdames et messieurs les députés. Pour ma part, je vous écouterai tout à l'heure, lorsque vous interviendrez.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est pour ça que M. Mer n'est pas venu !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est ainsi que les baisses discrétionnaires de prélèvements obligatoires ont été supérieures de 2,5 points de produit intérieur brut à la baisse des dépenses publiques dans ce produit intérieur brut.
    Cette dérive structurelle a été masquée un temps par les plus-values fiscales exceptionnelles de la bulle Internet des années 1999 à 2001. Je me contenterai de rappeler que, de 1999 à 2001, l'élasticité des recettes fiscales a été proche de 2. A titre d'illustration, les recettes de l'impôt sur les sociétés ont quasiment doublé entre 1996 et 2001, passant de 26 à 49 milliards d'euros. On voit la volatilité de l'impôt sur les sociétés, et à quel point les plus-values fiscales de cet impôt peuvent donner à un gouvernement qui manquerait de prudence l'illusion qu'il a des moyens.
    Quel usage a été fait de cette manne ? L'application d'une politique de « bon père de famille » - selon la formule qui a consacré le sens le plus élevé de la responsabilité - aurait conduit à mettre à profit ces recettes pour assainir nos comptes publics. Tel n'a pas été le choix du précédent gouvernement, qui a diminué optiquement les impôts et a augmenté les dépenses - qu'il avait par ailleurs sous-évaluées. L'Etat s'est alors comporté comme ces start-up de la nouvelle économie qui, à la même époque, ont brûlé en quelques mois leurs fonds propres.
    Nous pouvons aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés, analyser les comptes et clarifier les responsabilités de chacun.
    Nous assumerons, je vous le dis très clairement, notre part dans le déficit pour 2002. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Absolument !
    M. Henri Emmanuelli. Vous n'en prenez pas le chemin !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oui, nous avons décidé 600 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour restaurer l'autorité de l'Etat dans ses missions régaliennes de police, de justice et de défense. Ces dépenses étaient nécessaires et attendues par les Français. Nous les revendiquons, et j'écouterai avec beaucoup d'attention ceux qui nous les reprochent.
    M. Henri Emmanuelli. On parle de la baisse des impôts, pas de cela !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En regard, quelle est la responsabilité du précédent gouvernement ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Migaud. Il s'agit d'un débat d'orientation budgétaire : il faut parler de l'avenir !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'écouterai également la critique qui pourra m'être faite sur ce point.
    Près de 20 milliards d'euros de dépenses pérennes nouvelles ont été engagés pour financer les 35 heures, la création de 48 000 emplois nouveaux de l'Etat sur la durée de la législature, celle de 220 000 postes d'emplois-jeunes...
    M. Didier Migaud. Vous les licenciez !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et trois prestations nouvelles : l'APA,...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne pouvez pas la payer ! Vous empruntez pour cela !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... la CMU et l'aide médicale au profit des étrangers en situation irrégulière.
    M. Didier Migaud. Vous regrettez ces avancées ?
    M. Augustin Bonrepaux. Ils n'ont pas d'argent pour payer la CMU !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je dois ajouter les sous-budgétisations de la loi de finances initiale, mises en évidence par l'audit M. Nasse et de M. Bonnet, pour plus de 7,4 milliards d'euros.
    M. Didier Migaud. Vous avez lu les déclarations de M. Marini, je suppose !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Enfin, pour être complet, je ne dois pas oublier les dettes de l'Etat que nous avons dû apurer à hauteur de 1,8 milliard. Je rappelle que nous avons payé trois primes de Noël en décembre dernier : celle de 2002 mais également celles de 2000 et de 2001.
    M. François Goulard. Nos prédécesseurs ont été pitoyables !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat. La situation de nos finances publiques porte, en 2003, le poids des déséquilibres structurels accumulés depuis trois ans. Selon les organisations internationales, le structurel s'est dégradé de près de 1,5 point de PIB entre 1999 et 2002.
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas ce que disent la Cour des comptes et la Commission européenne, vous le savez parfaitement ! C'est surréaliste !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Dans un contexte économique plus difficile qui affecte les recettes, le Gouvernement a décidé de laisser jouer les stabilisateurs automatiques de recettes, tout en maîtrisant strictement les dépenses publiques.
    Le ralentissement de la conjoncture a pour effet une dégradation des recettes de l'Etat que nous estimons à ce stade à 5,1 milliards.
    Le principal facteur de révision porte sur l'impôt sur les sociétés. Je dois souligner que cette mauvaise nouvelle n'a pas de lien direct avec le ralentissement conjoncturel persistant en 2003. Nous anticipons sur l'impôt sur les sociétés un écart d'au moins 3,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Cette prévision dégradée s'explique par la diminution du bénéfice fiscal en 2002, qui pèsera doublement sur les recettes de 2003 par le jeu du mécanisme d'acompte et de solde. Les acomptes étaient en effet restés relativement élevés en 2002. La chute du bénéfice fiscal de 2002 devrait donc se traduire, pour 2003, par des soldes faibles et par des acomptes diminués à compter du mois de juin.
    Le rapport présenté par le Gouvernement vous décrit l'ensemble des facteurs de correction identifiables aujourd'hui, impôt par impôt. C'est la première fois qu'une information aussi détaillée est fournie au Parlement.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons tenu l'engagement pris devant vous à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2003.
    Les dépenses publiques en 2003 seront maîtrisées, également dans la plus complète transparence. Les dépenses de l'Etat ne devront pas dépasser le niveau autorisé par le Parlement en loi de finances initiale, soit 273,8 milliards d'euros. A cette fin, le Gouvernement a déployé de manière précoce un dispositif de mise en réserve, touchant à la fois des crédits de la loi de finances initiale, pour 4 milliards d'euros, et les crédits reportés des gestions précédentes, pour 6,6 milliards d'euros. Conformément aux dispositions de la nouvelle « Constitution financière », le Gouvernement a informé, étape par étape, le Parlement.
    Au total, le déficit pour 2003 pourrait s'inscrire, compte tenu de moindres recettes, dans une fourchette de 3,5 à 3,6 % du PIB.
    Quelles sont à présent les perspectives pour 2004-2006 ?
    M. Augustin Bonrepaux. Sombres !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L'objectif central pour le Gouvernement est de reconstituer des marges de manoeuvre fiscales et budgétaires, pour une autre politique que celle du service de la dette. En effet, le financement de la dette risquerait rapidement de devenir notre première et navrante priorité si nos finances publiques n'étaient pas assainies.
    Au regard du traité de Maastricht, la France se trouve aujourd'hui en situation de « déficit public excessif » : l'Europe nous invite à redescendre en dessous du seuil de 3 % dès 2004. Les règles européennes ne font qu'affirmer des principes de bon sens : il n'est pas possible d'accumuler sans fin des déficits publics, nous ne ferions qu'accroître le fardeau de la dette que nous léguons à nos enfants.
    Le pacte de stabilité est nécessaire à tous : il constitue le règlement de copropriété de la monnaie unique européenne que nous avons en partage. A terme, si les déficits se pérennisaient en Europe, c'est la stabilité de l'euro qui serait menacée. Les taux d'intérêt augmenteraient de manière néfaste pour la croissance européenne.
    Face à la situation difficile qui est la sienne, la France doit s'engager dans une véritable consolidation budgétaire.
    Que nous enseignent à cet égard les comparaisons internationales ? Je considère, pour ma part, qu'elles sont plutôt réconfortantes et porteuses d'espoirs. Elles montrent qu'il n'y a pas de fatalité en matière budgétaire. Les exemples du Canada, de la Suède et des Pays-Bas, même si ce pays traverse actuellement des difficultés, attestent qu'il est toujours possible pour un pays d'assainir en profondeur ses comptes publics, en dépit d'une situation initiale très dégradée. Notre déficit prévisionnel est de l'ordre de 3,5 % du PIB en 2003. Mais rappelons que le Canada, où je me suis rendu récemment, a résorbé en moins de quatre ans un déficit de plus de six points de PIB.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Marc Laffineur. Eh oui !
    Mme Marie-Anne Montchamp. C'est très intéressant !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et il achève cette année son sixième exercice excédentaire d'affilée.
    M. Michel Bouvard. Oui, mais lui a mis à profit la croissance pour se réformer.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il a résorbé ce déficit non par l'accroissement des impôts, mais par la maîtrise de la dépense. (Applaudissements sur les bancs groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les comparaisons internationales nous indiquent également que le facteur clef du succès de ces consolidations budgétaires réussies et pérennes réside dans l'aptitude à réduire significativement le poids de la dépense dans le PIB.
    Le cadrage du budget pour 2004 porte cette ambition - c'était d'ailleurs le souhait que vous aviez exprimé lorsque nous avions eu ce même débat dans cette enceinte. Les dépenses de l'Etat seront globalement stabilisées en volume, tandis que les dépenses, hors dette et fonction publique, seront stabilisées en valeur.
    Nous souhaitons poursuivre cette stratégie de maîtrise des dépenses de l'Etat jusqu'à l'horizon 2006...
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... afin d'assainir profondément nos comptes publics et dégager des marges de manoeuvre pour les baisses d'impôts et de charges.
    Mme Marie-Anne Montchamp, Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il ne faut pas sous-estimer l'effort qu'une telle politique représente.
    Dans un scénario de stabilisation sur trois ans des dépenses de l'Etat en volume, les crédits progresseraient au même rythme que les prix, soit une augmentation globale sur trois ans de 12,5 milliards d'euros. Mais sur ce total, la progression mécanique des dépenses de pensions, du service de la dette et la hausse prévisible de la masse salariale préempteraient 12,2 milliards d'euros.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    Mme Marie-Anne Montchamp. C'est dramatique !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Afin de pouvoir assurer le financement des dépenses concernant l'autorité de l'Etat - défense, sécurité, justice -, les autres dépenses de l'Etat devraient être réduites de près de 2 milliards d'euros.
    Cette politique d'assainissement suppose que l'Etat puisse se doter d'outils de redéploiement des crédits. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé cette année au Premier ministre de rénover en profondeur la procédure budgétaire. La préparation du budget s'inscrit désormais dans une démarche plus structurante.
    Le Gouvernement a instauré des conférences de réformes structurelles qui permettent, très en amont dans l'année, d'identifier, dans le processus d'élaboration du projet de loi de finances, les sources d'économies possibles et les voies de réforme qui doivent être empruntées. Les réformes ayant ainsi été examinées à cette époque trouveront leur première traduction dans le projet de loi de finances pour 2004.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Elles permettent notamment le non-renouvellement d'une partie des départs à la retraite des fonctionnaires, tout en améliorant la qualité du service public rendu aux usagers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    S'agissant de la réduction des impôts et des charges, notre cap est clair : il faut alléger le fardeau des prélèvements qui pèsent sur les Français et brident leurs énergies.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En 2004, les charges sur les bas salaires seront allégées pour faciliter la convergence des SMIC. Enfin des mesures ont déjà été votées ou sont en passe de l'être pour développer l'initiative économique, promouvoir le mécénat, aider l'outre-mer, soutenir l'investissement locatif et le développement territorial à travers les zones franches urbaines.
    Toutes ces mesures, dont le coût sera traduit dans le projet de loi de finances pour 2004, témoignent de la volonté du Gouvernement d'aider les acteurs économiques à réussir dans leurs activités par des aides précises, efficaces et ciblées. Nous pouvons donc déjà affirmer que l'effort en 2004 sera ainsi substantiel.
    Notre objectif de réduction des impôts et des charges sera donc poursuivi. L'effort sera bien sûr déterminé par la vigueur de la conjoncture et notre réussite dans la maîtrise de la dépense. La baisse des impôts devra demeurer compatible avec la résorption de nos déficits publics. La politique du Gouvernement se veut à cet égard réaliste et responsable.
    Au total, mesdames et messieurs les députés, notre action s'inscrit dans une cohérence de long terme, en dépit d'une conjoncture aujourd'hui plus difficile.
    Elle se résume en ces quelques lignes : maîtriser la dépense, pour dégager des marges de manoeuvre ; ne pas accroître les prélèvements et, au contraire, continuer à les abaisser, au service de l'emploi et d'une croissance plus soutenue...
    M. François Goulard. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et réformer. Réformer dans la durée.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Réformer les retraites...
    MM. François Goulard et Marc Laffineur. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... pour sauver notre système par répartition, le rendre plus juste en donnant plus de liberté à chacun. Réformer l'Etat pour rendre un service plus efficace, plus proche des citoyens grâce à la décentralisation, et en prélevant moins sur la richesse nationale. Réformer la santé, pour sauver, là aussi, un système auquel nous sommes attachés mais qui peut et doit être plus performant sans que son coût échappe à tout contrôle, comme c'est le cas actuellement.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Absolument !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames et messieurs les députés, les Français percevront nécessairement les fruits de cette politique...
    M. Eric Besson. Quand ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... qui est une politique de courage, de responsabilité à travers une économie plus forte,...
    M. Henri Emmanuelli. Ça se voit !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... des finances publiques assainies et une plus grande liberté pour les agents économiques qui sont la meilleure chance pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Besson. Ça n'en prend pas le chemin !

Rappel au règlement

    M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. La situation est particulièrement préoccupante...
    M. Didier Migaud. Grave même.
    M. Jean-Marc Ayrault. ... tant sur les plans économique, financier que social. Je regrette que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne soit pas présent pour ce débat d'orientation budgétaire, je le dis avec tout le respect que je dois à notre collègue Lambert, il n'est absolument pas en cause.
    M. Mer a fait des annonces sur le taux de croissance, notamment lorsque les hostilités ont été déclenchées par les Etats-Unis en Irak - tout était réglé, la croissance allait repartir - puis sont venus d'autres messages contradictoires et démobilisateurs. Le contexte est tellement difficile que nous avons besoin d'aborder ces questions au plus haut niveau et de façon transparente.
    M. Jean-Michel Fourgous. Voulez-vous qu'on vous rappelle vos prévisions ?
    M. Didier Migaud. La comparaison serait utile en effet !
    M. Jean-Marc Ayrault. Or, vos déclarations successives, celles de ce matin mais également celles que vous avez faites hier en réponse à une question d'actualité, ne permettent pas ce débat serein.
    M. François Goulard. Parce que c'est gênant pour vous.
    M. Jean-Marc Ayrault. Lorsque nous vous interrogeons, et mes collègues vont le faire tout à l'heure en développant nos arguments, systématiquement, vous caricaturez, vous évitez de répondre aux questions - vous l'avez fait en commission des finances, mes collègues me l'ont rapporté - et à chaque fois, vous nous faites le coup de l'héritage.
    M. Jean-Michel Fourgous. Et la croissance ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Pour avoir un débat de qualité et objectif, il faudrait partir de l'audit que vous avez, à juste titre, commandé, comme Lionel Jospin en avait demandé un lorqu'il est devenu Premier ministre. Cet audit a donné des chiffres précis sur les prévisions de déficit budgétaire. Ils ont été largement dépassés en 2002 et, en 2003, on va crever les plafonds. A chaque fois, alors que vous êtes depuis treize mois aux postes de responsabilité, la seule réponse que vous nous faites, encore ce matin, c'est que tout est de notre faute.
    Il faut que vous assumiez les responsabilités qui sont les vôtres. Vous avez fait des choix politiques. Ne vous cachez pas derrière eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Goulard. C'est ce que l'on appelle un rappel au règlement ?
    M. le président. Il est pris acte, monsieur Ayrault, de votre rappel au règlement.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant de ma disponibilité pour répondre à toutes les questions, je peux vous la garantir. Quant à Francis Mer, il ne peut pas être présent, alors qu'il est venu devant la commission des finances, parce qu'il participe aujourd'hui à une réunion internationale à La Baule, qui traite des investissements étrangers en France. On ne peut pas lui reprocher d'être attaché à favoriser l'implantation d'investissements étrangers en France. C'est vraiment l'intérêt de notre pays.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les bains de Mer ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Il pourra se réjouir des résultats de la France ! Grâce à l'héritage !

Ouverture du débat

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui le cycle des discussions budgétaires 2003-2004. Je saisis d'emblée cette occasion pour saluer la courtoisie et la confiance dont font preuve les ministres concernés dans les relations qu'ils ont su nouer avec notre assemblée.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mercredi, par exemple, M. Mer et M. Lambert ont passé plus de deux heures à la commission des finances.
    Mme Marie-Anne Montchamp. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Pour ne rien dire !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ils ont apporté toutes les informations et ont répondu à toutes les questions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'aurais aimé qu'au cours des cinq dernières années, lorsque nous étions dans l'opposition, les ministres de l'époque prêtent la même attention à la commission des finances.
    M. Augustin Bonrepaux. Ils étaient plus responsables !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela n'a pas été le cas, monsieur Ayrault ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Didier Migaud. C'est toujours la faute des autres !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En décidant ce débat d'orientation budgétaire, et contrairement à la décision prise il y a un an, le Gouvernement estime aujourd'hui qu'il n'est pas nécessaire de présenter un projet de loi de finances rectificative.
    M. Didier Migaud. Malgré ce qu'a dit le Conseil constitutionnel !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement a raison, car les années 2002 et 2003 sont très différentes.
    M. Didier Migaud. C'est vrai, elles sont différentes : vous êtes là et cela va plus mal !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'année dernière, il fallait d'une part mettre en oeuvre les premières décisions de la nouvelle majorité, c'est-à-dire donner la priorité aux dépenses régaliennes - sécurité, justice, défense - et à la baisse des impôts, d'autre part, tirer les conséquences du dérapage général, et en dépenses et en recettes, du budget de l'Etat dont nous héritons.
    M. Augustin Bonrepaux. Et quel est le résultat ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce dérapage résultait d'une augmentation non maîtrisée des dépenses et d'une perte de recettes totalement sous-évaluée dans le projet de budget.
    M. Didier Migaud. On peut vous appliquer le même raisonnement !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette année, l'aggravation imprévue du déficit provient de la seule dégradation des recettes.
    M. Augustin Bonrepaux. Cette année, c'est pire !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le décalage avec les évaluations, chiffré à 5 milliards d'euros, peut-être un peu plus, mais c'est peu probable, résulte en fait d'une activité économique moins dynamique que prévu. En revanche, et ce point est essentiel, rien ne permet de dire aujourd'hui que l'objectif de dépenses fixé par le Gouvernement ne sera pas tenu. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous arc-boutez sur ce plafond de 273,8 milliards d'euros de dépenses. Il n'y aura pas un milliard de plus.
    M. Gérard Bapt. C'est dramatique !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est la différence entre un gouvernement responsable en matière budgétaire et un gouvernement qui l'est pas, comme c'était le cas ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Marc Laffineur. Il a raison.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas le rapporteur général qui s'exprime, c'est le porte-parole de l'UMP !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Un collectif budgétaire d'été n'a de sens que pour traduire un changement de cap ou pour modeler en profondeur les autorisations de dépenses arrêtées dans la loi de finances initiale.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous faites des prouesses à cet égard !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il conviendra donc, à l'occasion du collectif de fin d'année, de faire le point sur la régulation des dépenses et sur la dynamique des recettes.
    M. Didier Migaud. On finira bien par l'avoir le collectif, car il faudra bien rectifier !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre débat porte sur l'année 2004 et son objet est de discuter des options du prochain budget et non pas, bien entendu, du budget lui-même, nous le ferons à l'automne prochain.
    M. Didier Migaud. Ce sera déchirant.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mes chers collègues, c'est en période de croissance qu'il faut réduire le déficit public. Or rien n'a été fait pendant les périodes de croissance de 1998 à 2000. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Yves Chamard. Hélas !
    M. Marc Laffineur. C'est bien ça le problème !
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !
    M. Marc Laffineur. Mais si !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au contraire, face à des recettes exceptionnelles, non renouvelables,...
    M. Michel Bouvard. La cagnotte !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... des dépenses nouvelles, permanentes, ont été engagées : les 35 heures, la CMU, l'aide médicale d'Etat...
    M. Thierry Carcenac. Vous êtes contre ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce sont des dépenses sociales !
    M. Didier Migaud. Vous les regrettez ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... la PAC, que l'Etat doit aussi financer. En quelque sorte, nous héritons des dépenses, et vous avez gaspillé les recettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Didier Migaud. Toujours l'héritage !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lorsque la dette publique dépasse 60 % de la richesse produite,...
    M. Didier Migaud. Depuis que vous êtes là !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... lorsque le niveau des dépenses est, en proportion de la richesse créée, supérieur de près de 5,5 points à la moyenne de nos partenaires européens, lorsque la structure du budget est de moins en moins flexible sous le poids, plus de 60 %, des charges de la dette et des dépenses de personnel...
    M. Michel Bouvard. La Cour des comptes le dit ça !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... lorsque le poids des prélèvements obligatoires freinent l'initiative des agents économiques, lorsque certaines dépenses, comme les dépenses sociales, progressent à un rythme démesuré,...
    Mme Marie-Anne Montchamp. Absolument !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... alors oui, chers collègues, il y a urgence à revenir au bon sens budgétaire et à quelques règles salutaires. C'est ce que fait le Gouvernement dans son rapport d'orientation budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. Il se moque du monde !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas sérieux !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous avez trois heures de débat. Calmez-vous et laissez parler le rapporteur général.
    M. Didier Migaud. Encore faudrait-il qu'il donne des éléments objectifs !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. D'abord, une stratégie d'assainissement des dépenses, qui n'a été que trop longtemps différée, doit être aujourd'hui conduite. Monsieur le ministre, lorsque vous proposez, dans le rapport d'orientation budgétaire, un taux de progression des dépenses publiques pour 2004-2006 de 0 % en volume, vous avez mille fois raison.
    M. Gérard Bapt. C'est dramatique !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Maîtriser la dépense publique, ce n'est pas un choix dogmatique. Ce n'est pas le maniement de la hache à l'aveugle. Il ne s'agit pas de démanteler le service public.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est pourtant ce que vous faites !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et responsabiliser les agents économiques ne veut pas dire voir disparaître l'Etat régulateur. L'Etat doit adapter ses modalités d'intervention pour remplir les compétences régaliennes qui lui incombent : sécurité, défense, justice, cohésion sociale, cohésion territoriale, renforcement de notre potentiel de croissance et capacité à gérer les cycles économiques. Pour y parvenir, il convient de donner au budget de l'Etat des marges de manoeuvre et de redéploiement. Si nous ne faisons rien, le budget sera progressivement asphyxié par le poids de la dette.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait ! C'est mécanique.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les choix pour 2004 et les années ultérieures doivent donc tendre à construire un budget adapté à l'Etat moderne dont notre pays a besoin. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La réduction de la dépense, qui n'est pas une fin en soi, prend tout son sens dans une telle perspective.
    Plutôt que de prétendre arbitrer en termes savants, à ce stade de la préparation du budget, des querelles d'experts prévisionnistes, dont on mesure à chaque fois combien ils se trompent, il m'a semblé plus conforme à l'esprit d'un véritable débat d'orientation budgétaire, de proposer quelques recommandations simples pour l'exercice des choix budgétaires futurs.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quels enseignements tirer de l'expérience des années récentes ?
    D'abord, pour l'évaluation des recettes, il convient d'adopter une démarche prudente : les années 2001, 2002 et 2003 ont montré les limites du volontarisme dans le scénario économique qui sous-tend la loi de finances. On a trop rapidement oublié l'année 2001. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Didier Migaud. Nous en reparlerons.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le gouvernement de Lionel Jospin avait prévu un taux de croissance de 3,3 %. Résultat, le taux a été de 1,8 % !
    M. Gilbert Gantier. Eh oui !
    M. Gérard Bapt. C'était le début de la crise. Maintenant, elle s'est installée.
    M. Didier Migaud. Soyez plus modeste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et dès 2001, alors que la situation était bonne, le déficit de l'Etat a recommencé d'augmenter : plus 15 milliards de francs de l'époque ! En 2002, alors que la prévision de croissance était de 2,5 %, la croissance réelle n'a été que de 1,2 %. En 2003, les prévisions étaient à 2,5 %, aujourd'hui, elles sont révisées autour de 1 %. Il faut donc être prudent sur les recettes fiscales. Et puisque vous avez cité l'exemple du Canada, je retiens cette règle certes rustique mais fiable, qui consiste à prendre le bas du bas de la fourchette en matière de croissance, d'asseoir dessus les recettes fiscales et les dépenses, et d'affecter le surplus de recettes, lorsque la croissance est supérieure, à la réduction du déficit.
    C'est là une règle simple de bon père de famille,...
    M. Henri Emmanuelli. Il s'agit même d'une règle rustique !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais je crois de plus en plus aux règles simples en matière budgétaire.(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quant à la dépense de l'Etat, il faut s'en tenir à la norme de 0 % en volume, laquelle lève toute ambiguïté et donne une lisibilité parfaite.
    M. Nicolas Perruchot. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le respect de cette norme va évidemment de pair avec des remises en cause importantes dans le fonctionnement de l'Etat. Il faut avoir le courage d'engager des réformes de structures et réfléchir sur l'étendue et le redéploiement des missions exercées par l'Etat. Cet examen sera facilité par une très forte augmentation du nombre des départs en retraite de fonctionnaires les prochaines années.
    Pour le pilotage du solde budgétaire, au stade de la prévision, il faut retenir comme ligne directrice, lors de la préparation du budget, le gage de toute réduction d'impôt par une réduction de dépenses équivalente, et donc pérenne. Une baisse d'impôt durable et financée par une économie durable : tout le contraire de ce qui a été fait pendant cinq ans par le précédent gouvernement.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas ce que vous avez fait cette année !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Là aussi la règle est simple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Marc Laffineur. C'est le bon sens !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au-delà de ces recommandations concernant le pilotage global, il faut insister sur l'importance d'une évaluation plus précise de l'impact financier des mesures législatives contenues dans les multiples textes soumis au Parlement - j'évoquerai plus tard les mesures réglementaires. La loi de finances n'ayant pas vocation à rassembler toutes les dispositions ayant un impact budgétaire, il conviendrait d'organiser - un peu à l'instar de ce qui se passe avec le Conseil d'Etat lorsqu'il est saisi pour avis de projets de loi - de véritables études d'impact, financières et prévisionnelles, avant d'examiner chaque texte afin que l'on sache combien il coûtera en termes de pertes de recettes fiscales et de dépenses budgétaires.
    M. Didier Migaud. Faites-le aussi pour la décentralisation !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut le faire non seulement pour le budget de l'Etat, mais aussi pour ceux des collectivités locales.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si vous vous étiez livrés, mesdames, messieurs, à cet exercice salutaire, nous ne connaîtrions pas la situation que nous connaissons avec l'allocation personnalisée d'autonomie, qui est un véritable gouffre pour les collectivités locales ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Chamard. C'est vrai !
    M. Didier Migaud. Cela n'a rien à voir avec ce que vous nous proposez !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, la qualité de gestion doit être placée au coeur des priorités des administrations.
    Lorsqu'une norme de dépense stricte de « 0 % en volume » est décidée, il faut que les services gestionnaires puissent y adhérer et la faire leur. Pour cela, il faut les intéresser à une partie des gains de productivité qu'ils vont générer. Des expérimentations sont menées dans les administrations. Je pense, monsieur le ministre, qu'il est temps de tirer des règles générales de ces expérimentations, qui sont tout à fait positives.
    Voilà donc quelques recommandations qu'il me paraît important de faire à ce stade de la préparation du projet de loi de finances pour 2004. Ce sont des recommandations basiques, des recommandations de bonne gestion.
    M. Gérard Bapt. Pour la bonne gestion, vous vous posez là !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le ministre, le cap budgétaire que vous tenez est le bon : vous ... poursuivez la réduction des prélèvements obligatoires pour favoriser le pouvoir d'achat, l'initiative, la liberté d'action des agents économiques et, donc, in fine, l'emploi...
    M. Didier Migaud. Nous sommes au bord du gouffre et vous nous proposez un pas en avant !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et vous assurez la maîtrise absolue des dépenses de l'Etat en recentrant celui-ci sur ses missions essentielles et en améliorant sans relâche sa gestion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. Le pire, c'est que vous y croyez !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est le plus grave !
    M. Jean-Pierre Brard. Il croit à ce qu'il dit, comme tous les prophètes, même les mauvais ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il n'est pas interdit d'imaginer un instant ce que serait aujourd'hui notre débat d'orientation budgétaire si nous nous étions trouvés, il y a un an, en arrivant au pouvoir, dans la situation de nos voisins en Europe, c'est-à-dire avec un déficit autour de 1,3 % - c'était la moyenne européenne - et sans les 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bonrepaux et M. Migaud ne pourraient parler ni du gel des 6 ou 7 milliards de crédits budgétaires ni du niveau élevé du déficit.
    En effet, après la période de croissance que tous les pays ont connue, nous aurions dû partir d'un déficit de 1 %, qui serait aujourd'hui autour de 2 %.
    M. Henri Emmanuelli. Tu parles !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nous aurions alors des marges d'action pour réaliser des investissements nouveaux et alimenter la croissance !
    M. Didier Migaud. Ces marges d'action, vous les gaspillez !
    M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Vous parlerez tout à l'heure !
    M. Jean-Yves Chamard. Cela les gêne !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il ne m'est pas interdit d'imaginer un instant ce que seraient notre situation et notre débat budgétaire !
    M. Henri Emmanuelli. Nous ne sommes pas là pour imaginer !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes au pouvoir depuis plus d'un an, et qu'avez-vous fait ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et y aurait-il le même débat sur l'hôpital, si nous n'avions pas à subir les conséquences désastreuses des 35 heures ?
    M. Jean-Pierre Brard. C'est surréaliste ! C'est le nouvel André Breton !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nos compatriotes, chers collègues, ont besoin d'être éclairés.
    M. Augustin Bonrepaux. Pourtant, ce n'est pas clair !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. J'ai moi-même soutenu dans le passé des décisions, comme la prime pour l'emploi ou certaines réductions d'impôt. Il ne nous est pas interdit de tenir aujourd'hui, les uns et les autres, un langage susceptible d'éclairer l'opinion publique.
    Je veux simplement dire que le procès déjà engagé par la gauche...
    M. Didier Migaud. Parlez plutôt de constat !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... sur les déficits et la situation budgétaire, sur les gels de crédits et sur l'assurance maladie est un procès qu'elle se fait en grande partie à elle-même.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !
    M. Georges Tron. Elle se sent gênée !
    M. Eric Besson. Que dit la Commission européenne ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je vais y venir.
    Quelle est la part du gouvernement actuel dans la situation d'aujourd'hui ? Celui-ci a décidé deux mesures importantes. La première a trait à la baisse de l'impôt sur le revenu - vous ne l'aimez pas et je peux le comprendre. La seconde, que vous passez sous silence, alors que l'une et l'autre s'équilibrent, est la baisse des charges, pour permettre une augmentation significative du SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Dumont. Ça ne marche pas !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ces deux mesures sont peut-être pour quelque chose dans le niveau de croissance, certes faible, qui s'établit autour de 1 % et qui est malgré tout supérieur d'au moins 0,3 point à la croissance moyenne des autres pays européens.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous vous contentez de peu !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Dans un contexte extrêmement contraint, il est bon de rétablir les faits, et nous le ferons car le passé pèse lourd dans les orientations qu'il faut prendre aujourd'hui.
    La première de ces orientations, monsieur le ministre, et vous l'avez dit, c'est de retrouver un rythme de croissance plus élevé afin d'améliorer la situation de l'emploi et donc celle du budget. La seconde, c'est de se limiter à une croissance zéro de la dépense publique. Ces deux orientations, nous les soutenons totalement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Strauss-Kahn, dans son premier débat budgétaire en tant que ministre de l'économie, avait déclaré que ce qui sépare un pays d'un autre, c'est un différentiel de 0,5 point de croissance. Or, quand on regarde l'évolution des quarante dernières années, que constate-t-on ? Qu'entre 1960 et 1973 la croissance française était d'un demi-point supérieure à la moyenne des pays européens, qu'entre 1973 et 1980 la croissance n'était plus supérieure à la moyenne des pays européens que de 0,25 point, et que, des années 1980 aux années 2000, la croissance française s'est située à un quart de point de moins que la moyenne des pays européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Migaud. Faites le détail ! Soyez honnête !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Tels sont les faits : 0,75 point de croissance sur vingt ans,...
    M. Henri Emmanuelli. Donnez le détail des cinq dernières années !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... ce qui explique le taux de chômage. Ces faits que nous connaissons aujourd'hui sont reconnus dans tous les ouvrages d'économie.
    M. Didier Migaud. C'est trop facile !
    M. Henri Emmanuelli. Votre démonstration n'est ni très correcte, ni très sérieuse !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est pourquoi, dans cette perspective, nous approuvons les deux voies empruntées par le Gouvernement.
    Je parlerai d'abord des dépenses publiques.
    Il existe des marges de productivité dans le secteur public. M. Migaud nous affirme, dans un article paru il y a quarante-huit heures, que l'on casse le service public en réduisant ses effectifs. Il doit pourtant savoir que ce n'est pas la vérité, qu'il y a des gaspillages dans notre secteur public et qu'il existe des marges de productivité, que tout homme politique doit pointer du doigt.
    M. Migaud nous affirme dans un article paru il y a quarante-huit heures, que l'on casse le service public en réduisant ses effectifs. Il doit pourtant savoir que ce n'est pas la vérité, qu'il y a des gaspillages dans notre secteur public et qu'il existe des marges de productivité, que tout homme politique doit pointer du doigt.
    Mme Marie-Anne Montchamp et M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ce sont ces marges de productivité que nous devons utiliser.
    Depuis vingt-cinq ans, on parle de lutte contre les gaspillages, d'allégement des procédures, de simplification de la vie des usagers sans que les résultats soient au rendez-vous. Le meilleur moyen d'en avoir, c'est encore de se donner, pendant quelques années, une discipline budgétaire. La croissance zéro de la dépense publique est le seul moyen de simplifier la vie des Français et d'alléger les procédures.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Exact !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ajoutée à la nouvelle loi organique qui nous imposera de nous demander si telle action a un coût abordable, si elle ne serait pas mieux réalisée par le secteur privé...
    M. Michel Bouvard. Excellent !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... ou si elle doit être abandonnée, cette discipline devrait inciter tous les ministres à réformer.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Bien sûr !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il n'existe pas de fatalité budgétaire. C'est vrai, mais je crois que les comportements de notre opinion publique, et même de nos ministres, ne sont pas ceux de l'opinion publique canadienne. Nous avons un énorme effort de pédagogie à faire.
    M. Gérard Bapt. En augmentant les salaires des ministres !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... car je constate que, même dans certains ministères, la machine à produire de la complexité et des coûts supplémentaires continue de fonctionner. Des modifications de comportement à tous les niveaux sont nécessaires.
    M. Gérard Bapt. Oui, à tous les niveaux !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Oui, à tous les niveaux, y compris à celui des collectivités locales, sur lequel je reviendrai.
    Quant aux obstacles à la croissance, nous les connaissons. Alors que l'économie française a conservé une bonne compétitivité par les prix, elle aurait dû en profiter dans le passé beaucoup plus en termes d'attractivité du territoire et en termes de croissance. Si cela n'a pas été le cas, c'est parce que notre image est entachée par des faiblesses largement reconnues, notamment par M. Fabius et M. Charzat hier.
    M. Michel Bouvard. Oui, citons M. Charzat !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ces faiblesses, que nous voulons combattre, quelles sont-elles ? C'est la perception extérieure d'un pays trop réglementé et trop bureaucratique ; c'est un système fiscal qui n'encourage pas suffisamment l'initiative et l'investissement ; c'est un poids élevé des prestations sociales, alors que le niveau de salaire direct est relativement bas par rapport à la moyenne européenne.
    M. Didier Migaud. C'est sans doute la raison pour laquelle notre pays est celui qui accueille le plus d'investissements étrangers !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Notre pays est le quatrième pour le coût horaire du travail, mais seulement le onzième pour le salaire net reçu par les salariés.
    M. Henri Emmanuelli. Mais il est la première destination des capitaux étrangers, et vous le savez !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il y a donc des moyens d'accélérer la croissance. Vous vous satisfaites d'informations qui sont très sélectives.
    M. Henri Emmanuelli. C'est ça ! Comme celles qui émanent de l'OCDE ?
    M. Didier Migaud. Prenez vos références auprès de M. Trichet !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Monsieur le ministre, que souhaitons-nous voir apparaître dans le budget de 2004 ?
    En matière d'évolution de la dépense publique, nous soutenons l'objectif de croissance zéro. Quant aux niveaux des déficits, des engagements ont été pris. Ils sont difficiles à tenir mais la crédibilité de la parole de la France est en cause, sans parler de notre intérêt propre.
    Nous avons déjà enregistré au moins 1,8 milliard d'euros de baisse de charges et d'impôt. Peut-on aller plus loin ? Ce serait souhaitable. Mais il faudrait alors concilier les deux exigences d'efficacité et de justice.
    Une baisse proportionnelle de l'impôt sur le revenu serait en 2004 très difficile à expliquer si, dans le même temps, des mesures devaient être prises pour financer les dépenses de santé. Il me semble que des baisses sélectives, notamment pour l'épargne et l'investissement en matière de logement, seraient mieux adaptées.
    Au-delà des dépenses publiques de l'Etat, celles des collectivités ont de plus en plus d'importance. Si nous voulons réussir la décentralisation, il faut combattre l'idée que le transfert de responsabilité vers les collectivités locales conduira à augmenter les impôts locaux. Nous aurons l'occasion de faire le point avant que les contribuables ne reçoivent leurs feuilles d'impôt, mais nous souhaitons vraiment, monsieur le ministre, que soient réalisées deux réformes.
    La première a trait au coefficient d'intégration fiscale, qui est contraire au principe de subsidiarité alors que l'on assiste aujourd'hui à un transfert de responsabilités des communes vers l'intercommunalité, sans que celle-ci conduise à une meilleure gestion de la dépense publique.
    M. Pascal Terrasse. Allez le dire à Delevoye !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le coefficient d'intégration fiscale doit être corrigé.
    M. Claude Gatignol. Exactement !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. La seconde porte sur les dégrèvements : plus une collectivité dépense, plus elle reçoit de DGF et bénéficie de dégrèvements. Cela va dans le sens inverse d'une gestion vertueuse de la dépense publique.
    M. Jean-Claude Sandrier. On va serrer la vis !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ces deux éléments doivent être corrigés.
    La stratégie du Gouvernement est claire : tenir la dépense publique, réformer dans la durée, convaincre que c'est la seule voie pour réduire le chômage, améliorer le pouvoir d'achat, financer demain les dépenses de vieillesse et de santé.
    Mais, monsieur le ministre, nous ne pourrons convaincre que si ces réformes sont accompagnées de mesures perçues comme justes et populaires. Les piliers de cet accompagnement social sont pour nous les suivants : la revalorisation du travail, qui est engagée - je pense aux conditions de travail et aux suites du débat sur la pénibilité -, l'amélioration des petites retraites, la sécurité, l'accession très sociale à la propriété - domaine dans lequel nous souhaitons répondre à l'espoir de nombreuses familles -, des mesures d'intégration pour les jeunes qui se trouvent dans des situations de chômage de longue durée.
    Je n'oublie pas, au moment où un accord sur la politique agricole commune a été trouvé, que dans ce pays c'est surtout l'industrie et l'agriculture qui, ces dernières années, ont fait le plus d'efforts d'adaptation et de productivité. Il est temps, monsieur le ministre, de rappeler au pays que les autres secteurs doivent apporter leur contribution à la productivité.
    Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutenons totalement votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, c'est effectivement la première année que le débat d'orientation budgétaire se déroule conformément aux nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, qui ont institutionnalisé, d'une certaine façon, ce débat d'orientation budgétaire et fixé comme délai au dépôt du rapport du gouvernement le dernier trimestre de la session ordinaire.
    On pourrait donc à bon droit se réjouir de la perspective de voir le débat d'orientation budgétaire devenir, je vous cite, « un moment fort de la discussion sur la politique des finances publiques », comme vous le souhaitiez lorsque vous présidiez la commission des finances du Sénat. Nous pouvions espérer que ce rapport serait singulièrement enrichi par rapport à la situation antérieure. En effet, ce rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques est censé comporter une description des grandes orientations de la politique économique et budgétaire du Gouvernement au regard des engagements européens de la France.
    On était donc en droit d'attendre une présentation à moyen terme des perspectives d'évolution des comptes des administrations publiques « détaillés par sous-secteurs », pour reprendre vos propres écrits, monsieur le ministre. Or notre déception est très forte devant le peu de densité de ce rapport. Il ne répond, selon nous, ni aux nouvelles exigences de la loi organique ni à nos attentes. En dépit de vos efforts, que je crois sincères, le Gouvernement confond transparence et sincérité avec marketing, aveux tardifs, quand il y en a et, c'est malheureusement le plus souvent le cas, mensonges. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Besson. Le Gouvernement confond transparence et sincérité !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel excès !
    M. Didier Migaud. Le seul intérêt de ce rapport est, en effet, qu'il constitue l'aveu de l'insincérité de la loi de finances du point de vue de l'objectif de croissance comme de celui des recettes fiscales ou des dépenses.
    Je voudrais revenir sur les reproches que nous vous adressons et sur la présentation virtuelle de la réalité que vous nous proposez. Mais je tenterai aussi d'évaluer, puisque le Gouvernement ne le fait pas, la nature et l'ampleur des efforts « titanesques », pour reprendre l'expression d'une commissaire européen, que les Français devront consentir en 2004.
    Vous ne dites pas la vérité sur la réalité de la situation de nos finances publiques.
    Le rapport du Gouvernement nous invite à revenir sur les conditions de l'exécution des lois de finances pour 2002 et de 2003. Celles-ci ont été particulièrement bien décrites par la Commission européenne et la Cour des comptes. Si le Gouvernement consent à reconnaître que les comptes se sont fortement dégradés, il refuse d'admettre que ce sont d'abord ses propres décisions qui en sont la cause. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lenoir. C'est la meilleure !
    M. Didier Migaud. Il préfère invoquer la conjoncture qui, certes, n'est pas à la hauteur de ses espérances et l'héritage du gouvernement précédent.
    Il est étonnant qu'un gouvernement qui se targue de réaffirmer l'autorité de l'Etat cherche constamment à se défausser de sa propre responsabilité alors que pas moins de trois lois de finances et de nombreux autres textes ayant une incidence budgétaire ont été votés par l'actuelle majorité sur sa proposition.
    On en a d'ailleurs une illustration avec l'explication de notre président de la commission des finances.
    Ainsi que je l'ai dit devant elle, notre commission des finances observe un silence assourdissant !
    M. Yves Deniaud. Sur quoi ?
    M. Didier Migaud. Il est dommage de voir la commission des finances du Sénat se montrer plus lucide...
    M. Gérard Bapt. Ah ! Quel beau rapport !
    M. Didier Migaud. ... que celle de l'Assemblée nationale sur la réalité même de la situation que connaît notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Marc Laffineur. Vous ne disiez pas cela l'année dernière !
    M. Didier Migaud. Je constate que la commission des finances du Sénat fait des progrès et si nous sommes en complet désaccord avec Philippe Marini s'agissant de ses propositions, nous le rejoignons sur le constat, ou plutôt c'est lui qui nous rejoint puisque cela fait des mois que nous disons cela.
    M. Nicolas Perruchot. Cela vous arrange bien !
    M. Didier Migaud. Selon le président de notre commission des finances, 90 % de la dérive des comptes seraient dus aux 35 heures. Ce raisonnement n'a pas de sens, d'abord parce qu'il ne s'agit pas de dépenses nouvelles par rapport aux exercices précédents ; ensuite, parce que les allégements de charges, qui sont la contrepartie des 35 heures, ne coûtent pas plus chers que la ristourne Juppé ou les allégements dits de Robien sur les 15,6 milliards d'euros de dépenses du FOREC en 2002, ...
    M. Augustin Bonrepaux. Absolument !
    M. Didier Migaud. ... soit seulement 1,1 milliard d'euros de plus qu'en 2001.
    M. Yves Deniaud. « Seulement » ?
    M. Didier Migaud. La moitié était consacrée à la ristourne dégressive et l'autre aux 35 heures. On pourrait tout aussi bien dire que 90 % de la dérive est la cause des allégements de charges Juppé et de Robien.
    M. Gérard Bapt. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Certainement pas !
    M. Didier Migaud. Enfin, il faut le rappeler - c'est le rapporteur pour avis, François Goulard qui le dit - : « Le FOREC est équilibré en 2002.
    M. Michel Bouvard. Grâce à des transferts du FSV !
    M. Didier Migaud. « Si dérive il y a, ce n'est donc pas à cause des allégements de cotisations sociales liés aux 35 heures. » En réalité, comme le constatent la Commission européenne et la Cour des comptes, ce sont les décisions du Gouvernement qui expliquent en grande partie cette dégradation. La Commission européenne a relevé que la conjoncture ne pouvait expliquer une telle détérioration, la France n'ayant pas connu de récession. Elle a au contraire imputé l'essentiel de cette dégradation aux dépenses supplémentaires, en direction des professions de santé notamment, ...
    M. Henri Emmanuelli. Voilà !
    M. Didier Migaud. ... ainsi qu'à la baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu. Quant aux dépenses liées à l'héritage, la Cour des comptes, qui n'est pas dupe, a bien montré que le Gouvernement en a « rajouté », ayant délibérément fait le choix de « laisser le déficit se creuser » pour mieux noircir le bilan de son prédécesseur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. Il faut le faire ! C'est rare ce genre de choses !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Pour alimenter la consommation !
    M. Didier Migaud. Le Gouvernement a beau jeu de prétendre avoir ainsi fait jouer les stabilisateurs automatiques. En réalité, il n'en est rien. Si l'on analyse la nature des ouvertures de crédits et des annulations de dépenses qui ont été opérées sur l'exercice 2002, on constate que les crédits destinés à « l'insertion des publics en difficulté », qui constituent un parfait exemple de stabilisateurs automatiques, sont en recul de 6,5 % en 2002, quand les crédits militaires progressent fortement.
    M. Gérard Bapt. Eh oui !
    M. Didier Migaud. De même, le pilotage fin des recettes non fiscales entre 2002 et 2003, dont on retrouve la trace dans une période complémentaire « intense » - je cite la Cour des comptes -, illustre la stratégie délibérée du Gouvernement. Tout cela a peu à voir avec le fait de laisser jouer les stabilisateurs automatiques pour amortir l'impact d'un ralentissement conjoncturel. Nous avions été confrontés, en septembre 2001, à un brutal ralentissement de la croissance auquel nous avons répondu rapidement par un plan de consolidation de la croissance en injectant 10 milliards de francs, notamment par la création de la prime pour l'emploi. C'est cela l'utilisation des stabilisateurs automatiques, et non pas, comme le fait l'actuel gouvernement, le démantèlement des politiques d'aide à l'emploi - 35 heures, emplois-jeunes, CES ou CEC !
    La dégradation de nos comptes publics, alors que le pays ne connaît pas de récession économique, a été recherchée par clientélisme et calcul politicien. Le Gouvernement pensait avoir tout à gagner en distribuant des largesses fiscales à quelques dizaines de milliers de foyers aisés tout en faisant porter au gouvernement précédent la responsabilité de l'aggravation des comptes publics que ces largesses allaient engendrer. Nous nous retrouvons donc en situation d'être sanctionnés par l'Union européenne. En dégradant délibérément les comptes publics, vous n'avez pas seulement fait preuve d'irresponsabilité ; vous avez fait preuve d'égoïsme en vous affranchissant de façon unilatérale de vos engagements européens.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est un peu fort !
    M. Didier Migaud. Par son attitude, la France a bloqué toute avancée relative aux modalités d'application du pacte de stabilité. En déclarant que la France avait d'autres priorités que le respect de ses engagements européens en matière de réduction du déficit, le Gouvernement a donné à nos partenaires européens l'image d'un pays peu soucieux de coordination économique et du respect des règles communes. Quoi qu'on pense du pacte de stabilité et des modalités de son application telles qu'elles ont été définies au sommet d'Amsterdam qui s'est tenu - faut-il le rappeler ? - sous la responsabilité du président Jacques Chirac et sur lequel il peut sûrement apparaître opportun et pertinent de revenir, force est de constater que l'attitude de l'actuel Gouvernement a été totalement contre-productive. En se mettant délibérément hors jeu, la France se place en situation d'être condamnée à une lourde sanction financière. Au lieu de réussir à s'affranchir des règles, la France a poussé la Commission et nos partenaires à les appliquer à son encontre.
    M. Gérard Bapt. Hélas !
    M. Didier Migaud. Le Conseil de l'Union européenne a donc adopté des recommandations particulièrement exigeantes et contraignantes à l'égard de la France, sans d'ailleurs qu'aucun parlementaire de l'UMP, du moins à l'Assemblée nationale, n'éprouve le besoin de réagir, alors qu'il ne s'agit de rien de moins que de la mise sous tutelle de nos finances pour les années à venir. On a vu des propositions de résolution déposées pour moins que ça ! Je dis « mise sous tutelle », car c'est bien sous la pression européenne que le Gouvernement, qui n'a pas voulu renoncer aux allégements d'impôts et de charges sociales, a mis en oeuvre, dès le 4 février dernier, un plan de régulation qui n'est, en réalité, qu'un plan d'austérité qui ne dit pas son nom. Au total, le Gouvernement a dû, d'ores et déjà, geler plus de 10 milliards d'euros de crédits inscrits en 2003, ou reportés de 2002 sur 2003, dont il a déjà annulé 1,4 milliard d'euros. Cette régulation imposée est profondément récessive dans ses effets, car elle porte sur des dépenses civiles d'investissement et d'avenir - vous faites à une plus grande échelle encore ce que vous avez toujours contesté dans le passé. De plus, elle oblige le Gouvernement à revenir sur des engagements forts, pris devant la représentation nationale à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2003. On se souvient, en effet, que les ministres dont les budgets étaient en diminution par rapport à 2002 avaient indiqué, pour atténuer le choc créé par ce recul, qu'ils bénéficieraient, en 2003, de la possibilité de consommer intégralement les crédits reportés de 2002 sur 2003. On constate, encore une fois, que ces promesses n'engageaient que ceux qui avaient la naïveté de les croire, puisque les deux tiers des crédits reportés ont été, en réalité, comme on pouvait le craindre, purement et simplement gelés, avant, sans aucun doute, d'être annulés en fin de gestion. L'ampleur de cette régulation, que les acteurs de terrain commencent à ressentir et qui a, pour reprendre l'expression de MM. Fillon et Mattei, « paralysé l'action publique », n'est qu'un avant-goût de ce qui attend les Français en 2004, ...
    M. Gérard Bapt. Tout à fait !
    M. Didier Migaud. ... puisque l'on exigera d'eux des efforts titanesques, comme le dit le commissaire européen Pedro Solbes. Les formules sont nombreuses pour illustrer la situation dans laquelle le Gouvernement a placé la France. On a d'abord parlé d'« équation impossible », puis d'un « mur » dans lequel le Gouvernement nous conduirait à vive allure. On pourrait parler aussi de « gouffre », puisque vous faites une description apocalyptique de notre situation avant de nous proposer de faire le « pas en avant » qui, justement, nous fait tomber dedans. La dernière expression est de Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui parle de « quadrature du cercle budgétaire ». Toutes ces expressions indiquent bien l'impasse dans laquelle les Français se trouvent, par la faute du Gouvernement et des promesses électorales démagogiques formulées par le candidat Jacques Chirac. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quelle est la situation ? La France doit ramener son déficit public sous les 3 % de PIB en 2004, faute de quoi elle s'expose à une sanction financière qui peut représenter 0,5 % du PIB, soit jusqu'à 7,5 milliards d'euros. Or la Commission européenne estime que, sans mesures supplémentaires, les finances publiques afficheront un déficit de 3,7 % en 2003. En un an, le déficit public devrait donc être réduit de 0,8 point de PIB, soit 13 milliards d'euros. Evidemment, si le Gouvernement annule tous les crédits qu'il a gelés, l'effort nécessaire en 2004 sera moins important. On peut donc penser que l'annulation des crédits gelés est inéluctable - vous l'avez d'ailleurs reconnu, monsieur le ministre - et qu'elle aura lieu dans le collectif budgétaire d'automne. Il en faudra bien un, monsieur le rapporteur général, et plus vous le retardez, plus les révisions seront déchirantes. En outre, vous contrevenez totalement à la décision du Conseil constitutionnel, qui avait invité le Gouvernement à présenter un collectif budgétaire dès lors que la réalité de la situation économique s'écartait très sensiblement des prévisions de croissance établies au moment de la préparation de votre budget. Nous y sommes, vous le reconnaissez vous-même. Pourtout, vous n'en tirez aucune conclusion.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et la cagnotte ?
    M. Didier Migaud. On ne peut que déplorer que de tels crédits fictifs - les 4 milliards d'euros de crédits gelés que le gouvernement a sortis de la base servant à déterminer la progression de la dépense en 2004 -, qui avaient, dès l'origine, vocation à être annulés, aient pu être inscrits en loi de finances initiale. Cela constitue, je le dis avec une certaine gravité, un manquement à l'exigence de sincérité de la loi de finances.
    M. Georges Tron. Parlez-nous de la sincérité du budget 2002 !
    M. Didier Migaud. A ces 13 milliards d'euros il faut ajouter le montant des baisses d'impôt votées ou promises pour 2004, c'est-à-dire les multiples exonérations votées au titre de l'ISF, à hauteur de 500 millions d'euros, la réactivation de la loi Pons en outre-mer, pour un montant de 160 millions d'euros, les niches fiscales créées en direction du mécénat et de l'extension des zones franches urbaines. A ce milliard d'euros d'exonérations fiscales, il faut encore ajouter les exonérations de cotisations sociales et, en toute rigueur, la baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu dont parle encore le Président de la République, ainsi que la baisse de la TVA sur la restauration, ...
    M. Pascal Terrasse. Parlons-en de la TVA !
    M. Didier Migaud. ... puisque le Gouvernement en a fait une priorité nationale et semble toujours confiant sur ce dernier point. Au total, monsieur le ministre, ce sont donc près de 20 milliards d'euros qu'il faut trouver pour éviter la sanction financière de l'Union européenne. Excusez du peu !
    Incapable de relancer la croissance, le Gouvernement n'a pas le choix : il doit mener une politique d'austérité. D'ailleurs, Philippe Marini propose des pistes qui ne manqueront certainement pas de retenir l'attention du Gouvernement, ce que nous redoutons, puisqu'il suggère le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Je remarque du reste que le rapporteur général de l'Assemblée tient le même raisonnement. Or, cela reviendrait à supprimer 400 000 fonctionnaires d'ici à 2016, dont plus de la moitié dans l'éducation nationale. Il faut aussi le dire !
    M. Georges Tron. Ces postes ne seront pas supprimés ; ils ne seront pas renouvelés ! Les mots ont un sens !
    M. Didier Migaud. Quoi qu'il en soit, des postes seront supprimés par rapport à ceux qui existent actuellement, mon cher collègue !
    M. Augustin Bonrepaux. Ecoutez donc, monsieur Tron !
    M. Didier Migaud. Quant aux baisses d'impôt, M. Marini les juge dangereuses, sauf si elles sont ciblées. Là encore, on peut malheureusement prendre le pari qu'il sera entendu et que les baisses d'impôt pour 2004 profiteront davangage encore aux foyers les plus aisés. Un journal titre même aujourd'hui que ces baisses d'impôt devraient être réservées aux contribuables étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela a de quoi rassurer l'ensemble de nos concitoyens !
    M. Pascal Terrasse. Après les riches, les étrangers !
    M. Didier Migaud. Il faut se réjouir de l'accès de lucidité de M. Marini, qui nous a rejoints dans le constat que nous faisons depuis un an de l'impasse dans laquelle le Gouvernement Raffarin a conduit la France.
    M. Augustin Bonrepaux. Le Sénat s'améliore !
    M. Didier Migaud. Gilles Carrez, notre rapporteur général, n'est pas en reste, puisqu'il a critiqué avec violence le Gouvernement en criant hier : « Halte aux prévisions mirifiques, qui impliquent une surévaluation des recettes fiscales ! ».
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je parlais des budgets 2001 et 2002 !
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, vous ne pouviez avoir plus sévère juge de vos propres prévisions pour 2003. Merci, monsieur le rapporteur général !
    Durant de longs mois, Jean-Pierre Raffarin nous a en effet bercés d'illusions : la France, libérée de ses entraves grâce à sa politique libérale, allait se déployer comme un phénix. Son ambition était d'atteindre 2, 5 % de croissance : on allait voir ce qu'on allait voir ! En fait le pays n'en finit pas de se languir, et le Gouvernement ne voit toujours rien venir.
    M. Nicolas Perruchot. A quoi ont servi les 35 heures alors ?
    M. Didier Migaud. Après 1,2 % en 2002, l'économie française poursuit son ralentissement en 2003, avec seulement 0,8 %. Pour la première fois depuis 1993, les emplois détruits sont plus nombreux que les emplois créés et le chômage poursuit son ascension, à laquelle le Gouvernement contribue d'ailleurs directement en supprimant les emplois-jeunes et en coupant dans les crédits du budget de l'emploi.
    M. Augustin Bonrepaux. Il en est réduit à prier le ciel !
    M. Didier Migaud. Certains ont même avancé que l'Etat était le premier licencieur de France ! Par ailleurs, la stagnation de l'activité industrielle en 2002 se poursuit en 2003. Heureusement, la forte compétitivité de notre économie et son attractivité, améliorées sous le précédent gouvernement, continuent d'attirer les investissements étrangers. Permettez-moi, monsieur le ministre, de me réjouir de certains rapports objectifs qui montrent que tout le discours du candidat Chirac durant la campagne électorale, tout le discours de M. Raffarin, Premier ministre, pendant la campagne électorale, étaient mensongers s'agissant des résultats de la France en termes d'attractivité et de compétitivité.
    M. Alain Claeys. C'est vrai !
    M. Didier Migaud. L'OCDE vient de publier un rapport qui place la France en seconde position. Quant à la Banque de France, elle fait apparaître notre pays en première position. Francis Mer, qui est aujourd'hui à La Baule, et qui a demain une réunion importante avec les représentants de certains pays étrangers, se réjouira des résultats de la France en termes d'attractivité et de compétitivité.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Mais quelle est la nature de ces investissements ?
    M. Didier Migaud. C'est un aveu si formidable du « mensonge d'Etat », pour reprendre votre expression, monsieur le président de la commission des finances, que vous avez proféré pendant des mois, trompant ainsi les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. Vous rabaissez notre pays pour faire passer votre politique !
    M. Didier Migaud. Quant à la consommation, après avoir cessé de progresser, nous venons d'apprendre qu'elle a reculé de 1,6 % en mai. C'est la conséquence de la diminution, au premier trimestre 2003, du pouvoir d'achat des salariés.
    M. Henri Emmanuelli. Oui, ils préfèrent leurs amis à leur pays !
    M. Didier Migaud. Là encore, le Gouvernement y a contribué en refusant, dans un premier temps de façon illégale, de réactiver la TIPP flottante, ainsi qu'en autorisant de multiples augmentations de tarifs publics. La révision de croissance à laquelle a procédé le Gouvernement, qui se trouve de fait contraint d'avouer l'insincérité de sa prévision initiale, laisse penser que les moins-values de recettes fiscales seront supérieures à 8 ou 9 milliards d'euros, ce qui rend perplexe sur la prétendue « prudence » avec laquelle le Gouvernement prétendait avoir calculé les recettes fiscales pour 2003. Car s'il avait fait preuve de prudence, monsieur le ministre, vous ne seriez pas obligé d'admettre au moins 5,1 milliards d'euros de moins-values ! Je n'aurais pas la cruauté de rappeler vos propos, lorsque vous affirmiez avoir fait preuve de prudence dans l'évaluation des recettes fiscales et que « l'influence de la croissance sur le budget 2003 ne sera pas aussi importante que chacun veut bien l'imaginer. »
    La neutralité du taux de croissance sur le niveau des recettes fiscales est également mise en avant par Gilles Carrez. Pourtant, le 4 février 2003, vous indiquiez devant la commission des finances : « du côté des recettes, il convient de rappeler qu'un point de croissance coûte en moyenne 1,7 milliard d'euros au budget général ». M. de Courson aura sans doute calculé que l'aveu de 5,1 milliards de moins-values représente exactement trois points de croissance en moins. Or la croissance ne sera inférieure que de 1,7 point. Si le Gouvernement admet 5,1 milliards de moins-values, c'est donc la démonstration qu'il a surestimé les recettes fiscales dans son projet de loi de finances pour 2003. Ces résultats, en termes de rentrées fiscales, loin de faciliter votre tâche, la rendent encore plus compliquée.
    Pour satisfaire les recommandations - j'allais dire : les exigences - de l'Union européenne, le Gouvernement doit donc massivement diminuer les dépenses publiques, ce qui correspond à son dogme libéral, et augmenter les prélèvements qui pèsent sur le plus grand nombre tout en ciblant quelques baisses d'impôts sur les foyers les plus aisés.
    On le voit, dans les propositions de M. Marini, et Jean-Pierre Raffarin l'a laissé entendre dans une interview qu'il a donnée récemment : les baisses d'impôt en 2004 seront encore plus ciblées que celles de 2002 et 2003, qui étaient déjà fortement concentrées en raison de la concentration du produit de l'impôt sur le revenu et de la mesure « emploi à domicile ». Dorénavant, seuls les contribuables suffisamment fortunés pour investir en outre-mer, faire du mécénat ou investir au capital d'entreprises cotées pourront profiter des largesses fiscales du Gouvernement. Pour tous les autres, la seule question qui se pose, et à laquelle le Gouvernement ne répond ni dans son rapport ni dans son discours, est de savoir comment l'effort sera réparti et sur qui il pèsera. Et puisque le Gouvernement ne nous donne pas ces informations, nous en sommes donc réduits aux conjectures.
    S'agissant de la sécurité sociale, le Gouvernement se montre très évasif, alors que tout laisse à craindre que le pire est à venir. Il écrit d'ailleurs que les déremboursements massifs auxquels il a procédé seront suivis d'autres mesures. Le remède de cheval qu'il prépare est sans doute orienté dans deux directions : réduire la qualité du service et augmenter les prélèvements, qu'ils soient obligatoires, comme la CSG, ou optionnels, comme les cotisations aux assurances complémentaires.
    S'agissant du budget de l'Etat, on sait que de nombreuses charges seront transférées aux collectivités locales - Augustin Bonrepaux y reviendra - et que le transfert des ressources insuffisantes pour satisfaire les besoins concernés imposera aux collectivités locales d'augmenter les impôts locaux. Du point de vue du contribuable, cette réforme entraînera une élévation globale du niveau des prélèvements obligatoires, comme ce fut le cas avec la première décentralisation.
    Sur le plan fiscal, le Gouvernement favorise ainsi une augmentation des impôts locaux dont chacun reconnaît pourtant l'injustice et l'obsolescence, tandis que, dans le même temps, il diminue l'impôt sur le revenu et porte atteinte à sa progressivité, source de justice sociale et fiscale.
    Enfin, du point de vue des recommandations de l'Union européenne, cette réforme sera tout bénéfice pour le Gouvernement puisque les comptes de l'Etat seront améliorés et que les collectivités locales, qui ne peuvent afficher de déficit, seront contraintes d'augmenter les prélèvements pour couvrir les charges croissantes qu'on leur transfère. A cet égard, il convient de mettre fin à un mythe entretenu par le Gouvernement, celui de la TIPP qui serait une ressource dynamique censée spontanément couvrir les charges transférées aux collectivités locales. En réalité, de 1991 à 2001, la consommation de produits pétroliers n'a augmenté que de 6 % quand la croissance française progressait de près de 20 % ! Si le produit de la TIPP a augmenté de 32 % sur la même période, c'est essentiellement à cause d'une forte hausse de la pression fiscale décidée par MM. Balladur et Juppé. Si cette ressource s'accroît à l'avenir, compte tenu des engagements pris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce ne pourra être que par des hausses d'impôts. Qui devra en supporter la responsabilité, l'Etat ou les collectivités locales ?
    Toujours en ce qui concerne le budget de l'Etat, on doit également redouter une véritable cure d'austérité, alors que les ministères sont déjà paralysés. Au-delà d'un discours, aux relents parfois poujadistes, sur la réduction du train de vie de l'Etat, ce sont en fait des pans entiers de politiques publiques qui sont remis en cause, parfois même en contradiction avec les engagements du Gouvernement. Je prendrai pour seul exemple celui de ma région. En 2003, en Rhône-Alpes, un tiers seulement de la dotation budgétaire nécessaire au respect du contrat de plan en matière ferroviaire a été alloué.
    M. Pascal Terrasse. Et encore !
    M. Didier Migaud. Et encore, car, sur cette enveloppe réduite, plus de 15 % des crédits d'investissement ont été gelés. Je pourrais également citer l'insertion par le logement ou la politique de la ville.
    M. Henri Emmanuelli. C'est grave pour la croissance !
    M. Didier Migaud. Le fonctionnement de l'Etat ne représente que 7 milliards d'euros. Une hypothétique économie de 20 % ne ferait gagner que 1,4 milliard d'euros ; on est loin du compte, d'autant plus que, contrairement aux affirmations de la droite, la dépense publique a été maîtrisée sous le précédent gouvernement.
    M. Philippe Auberger. Oh !
    M. Didier Migaud. D'ailleurs, l'actuel gouvernement le reconnaît dans un tableau qui figure à la page 18 de son rapport et illustre le fait que la dépense publique exprimée en proportion du PIB a diminué de 2,4 points en France...
    M. Michel Bouvard. En proportion, mais en volume...
    M. Didier Migaud. ... entre 1997 et 2001, contre seulement 2 points dans la zone euro. Si l'on veut accentuer brutalement cet effort de maîtrise pour des motifs idéologiques, ce n'est plus à l'os qu'on va s'attaquer en 2004, mais à la moelle !
    M. Gérard Bapt. C'est déjà fait en 2003 !
    M. Didier Migaud. Et ce sont les Français qui en ressentiront la douleur.
    Monsieur le ministre, nos critiques peuvent vous paraître sévères.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est vrai !
    M. Didier Migaud. Mais elles ne vous visent pas personnellement, car nous vous connaissons et nous savons bien que le grand responsable de cette situation est le Président de la République. Hier, on cherchait qui pilotait l'avion. Oh ! pas le Premier ministre ! qui est plutôt le ministre d'Etat chargé de la décentralisation que le vrai pilote du Gouvernement.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le steward, le chef de cabine !
    M. Didier Migaud. Ces critiques correspondent à une réalité constatée non seulement par nous-mêmes, mais également par des institutions comme la Cour des comptes ou la Commission européenne, voire la commission des finances du Sénat.
    Non seulement votre rapport est en décalage avec la réalité de la situation, mais il dit peu de chose sur les conséquences des choix que vous voulez faire ou que vous serez conduit à faire. Et je regrette que nous ayons depuis quelques jours un débat complètement surréaliste, où les ministres nous disent : « Vous savez, la croissance risque d'être moins importante que nous ne l'avons annoncé et le déficit, lui, risque d'être plus fort. Le second semestre sera peut-être meilleur. Quant à l'avenir, vous savez, il faut être humble : il est très incertain. » Nous attendons autre chose du Gouvernement.
    M. Philippe Auberger. Et nous, de l'opposition !
    M. Didier Migaud. Je voudrais conclure, monsieur le ministre, en vous posant quelques questions courtes qui appellent des réponses simples.
    M. le président. Courtes, parce que vous avez déjà dépassé votre temps de parole.
    M. Didier Migaud. J'ai été interrompu, monsieur le président.
    M. le président. Très peu, et j'ai décompté les interruptions.
    M. Didier Migaud. Pas si peu que cela, mais j'ai presque terminé.
    Quelles conséquences le Gouvernement tire-t-il de la révision de croissance à laquelle il procède pour les recettes ainsi que pour les dépenses ? A quelle hauteur et sur quels budgets peuvent porter de nouvelles annulations ? Les crédits budgétaires aujourd'hui gelés seront-ils annulés et d'autres gels sont-ils prévus ?
    En ce qui concerne le budget 2004, allez-vous afficher un déficit public à 2,9 % du PIB ? Dans ce cas, sur qui et sur quoi allez-vous faire porter l'effort - titanesque - de l'ordre de 20 milliards d'euros que cela représente ? Comment sera réparti cet effort entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale ? Quelles normes de remplacement des fonctionnaires partant à la retraite retenez-vous ? Combien de postes de fonctionnaires allez-vous supprimer, notamment dans l'éducation nationale, sous la forme de non-remplacement des départs à la retraite ?
    Quelles sont vos orientations en matière de baisses d'impôts ? La réduction de la TVA sur la restauration est-elle toujours d'actualité pour 2004 ? Plus globalement, comment comptez-vous concrétiser l'engagement réaffirmé du Président de la République de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu ?
    Sur ces quelques questions claires et précises, nous attendons de vous, monsieur le ministre, des réponses qui le soient également. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Marc Laffineur. On vous a connu meilleur !
    M. le président. Mes chers collègues, quand vous avez vingt-cinq minutes de temps de parole, essayez de ne pas en prendre trente !
    La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour vingt-cinq minutes.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous traversons une crise budgétaire extrêmement grave. Au cours des cinq dernières années, tous les efforts de rigueur que nous avions déployés entre 1993 et 1997, efforts ô combien difficiles, qui ont permis l'entrée de la France dans l'Union économique et monétaire, ont été réduits à néant.
    Aujourd'hui, confronté à une croissance molle, asphyxié par le manque de marges de manoeuvre budgétaires, freiné par la baisse de la productivité globale du travail induite par la mise en oeuvre de la réduction imposée du temps de travail, contraint par l'insuffisance des investissements dans la recherche et le développement, ralenti par l'absence de mise en oeuvre des réformes de fond nécessaires à son développement à long terme, notre pays n'a plus d'autre choix que de se réformer en profondeur et à marche forcée.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Absolument !
    M. Nicolas Perruchot. Depuis la discussion du premier collectif budgétaire pour 2002, en juillet dernier, le groupe UDF défend une position de principe constante. Premièrement, réduire la dépense. Deuxièmement, réduire la pression fiscale pesant sur le travail et sur l'initiative, si, et seulement si, nous en avons les moyens. Et mon collègue Gilbert Gantier vous parlera du troisième point : engager sans tarder les quatre réformes indispensables à la croissance et à l'emploi : la réforme des retraites, la décentralisation, la réforme de l'assurance maladie et la réforme de l'Etat.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Très juste !
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le ministre, Gilles Carrez l'a rappelé, vous employez souvent l'expression « agir en bon père de famille ». C'est exactement ce que nous devons faire. En tant que législateurs responsables, nous ne pouvons plus continuer à dépenser à crédit et à payer nos crédits par d'autres crédits. Nous n'avons pas le droit de suivre le mauvais exemple de nos prédécesseurs, en jouant l'avenir de notre pays à la roulette russe de la croissance et en refusant de nous serrer la ceinture, au risque d'accabler les générations suivantes.
    Nous traversons, je l'ai dit, une crise budgétaire grave, qui fait de la France une exception au sein de l'Union européenne et affecte durablement notre capacité à créer de la croissance et de l'emploi.
    Face à la dégradation de la conjoncture, la France connaît une dégradation de ses finances publiques bien plus grave que celles de ses partenaires, et la responsabilité du gouvernement précédent ne fait aucun doute.
    De 1993 à 1997, nous avions réduit le déficit de plus de 3 points pour arriver à 3 %,...
    M. Pascal Terrasse. Et nous à 2,2 %.
    M. Nicolas Perruchot. ... en l'absence de toute croissance forte, voire en période de récession. Nous avions laissé un taux de prélèvement de 44,8 % du PIB et un niveau de dépenses dans le PIB de 53,9 %.
    Cinq ans plus tard - cinq années de croissance soutenue -, 20 % seulement des recettes supplémentaires dégagées ont été investies dans la réduction du déficit public et aucun effort de consolidation budgétaire n'a été engagé. Le niveau des dépenses n'a pas baissé dans le PIB, de même que l'effort sur la réduction de la dette a été interrompu en 2000.
    Plus grave encore : aucune des quatre grandes réformes - Etat, décentralisation, retraites, assurance maladie - n'a été engagée en cinq ans, alors qu'elles sont les clefs de l'assainissement des finances publiques et de notre capacité à créer de la richesse. La rénovation du ministère de l'économie et des finances a été abandonnée en cours de route ; la réforme des retraites a fait l'objet de nombreux rapports, préconisant notamment un allongement de la durée de cotisation ; la régulation des dépenses de santé est exclusivement passée par le gel de la rémunération des actes et le rationnement volontariste de l'offre médicale ; en guise de décentralisation, l'Etat a imposé aux collectivités territoriales d'assumer le coût faramineux de ses réformes ; en guise de renforcement du dialogue social, il a imposé aux travailleurs et aux employeurs une réduction obligatoire du temps de travail dont personne ne voulait, en la finançant sur leur dos.
    Au lieu de prendre acte des dérives budgétaires, le gouvernement précédent a laissé filer les dépenses de retraite, d'assurance maladie et celles des administrations publiques centrales, laissant comme d'habitude aux successeurs la lourde tâche de payer les factures impayées et de solliciter le contribuable.
    Ces comportements irresponsables nous ont conduits à une grave crise budgétaire.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Exactement !
    M. Nicolas Perruchot. Le déficit public, égal à 3,1 % du PIB pour l'année 2002, atteindra au minimum 3,5 % pour 2003 en l'absence de mesures correctrices supplémentaires s'ajoutant aux 1,5 milliard d'euros d'annulations de crédits annoncés en mars 2003. La dégradation, par rapport à la prévision de 2,5 %, correspond à environ un point de PIB, soit 15 milliards d'euros. Cette dégradation est principalement imputable à la baisse des recettes, mais il était cependant possible de l'envisager dès l'automne. Nous avions d'ailleurs appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de présenter un budget ajustable, avec plusieurs hypothèses de croissance, afin de limiter la dégradation des finances publiques.
    M. Gérard Bapt. Le Gouvernement n'écoute même pas l'UDF !
    M. Nicolas Perruchot. A l'époque, nous avions estimé qu'une baisse de la croissance de 2,5 à 1,3 % du PIB se traduirait par une obligation d'économie de 10 milliards d'euros, si nous voulions respecter notre objectif de stabilisation du déficit. Aujourd'hui, il est vraisemblable que la croissance ne sera que de 0,8 % en 2003, ce qui implique de moindres recettes fiscales et une dégradation encore plus importante du déficit public.
    La dette publique atteindra plus de 60 % du PIB dès 2003, contre 58,8 % annoncés. La dette par berceau, que j'avais évoquée lors du débat sur les prélèvements obligatoires, qui était déjà de 1,1 million d'euros pour chaque naissance dans l'année 2003, croît encore, obérant nécessairement les dépenses pour l'avenir.
    M. Gérard Bapt. Quel réquisitoire !
    M. Nicolas Perruchot. Sans compter les divers faux nez du type EPFR, les fonds débudgétisés du type FOREC et CADES, et les engagements invisibles de l'Etat qui ne font pas l'objet de provisions, comme ceux concernant les charges de retraites des fonctionnaires de l'Etat.
    Pour rembourser, non pas le capital mais les intérêts de cette dette, nous avons été obligés en 2002, pour la première fois depuis plusieurs années, de contracter de nouveaux emprunts, autrement dit de faire de la cavalerie budgétaire. Ce procédé, inadmissible pour les collectivtés locales, comme pour tout bon père de famille, monsieur le ministre, fait peser une charge considérable sur les générations futures, et ce d'autant plus que les taux d'intérêt sont aujourd'hui à leur point le plus bas. Imaginez-vous l'effet boule de neige, lorsque la croissance reprendra et que les taux de base remonteront ? Je reconnais l'excellence des performances de l'Agence France Trésor pour réduire le coût de la dette, mais il est temps maintenant de faire face à nos responsabilités.
    Car la question essentielle est simple : qui paye le déficit ? Une attitude responsable exige qu'on y réponde. Ce sont évidemment les générations futures qui paieront, mais c'est, dès aujourd'hui le pays tout entier qui doit payer, notamment les plus défavorisés.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le choix que vous avez fait !
    M. Nicolas Perruchot. L'accroissement constant des charges de la dette implique automatiquement une réduction de la marge de manoeuvre budgétaire en matière d'investissement et donc de compétitivité. Or la baisse de la compétitivité nuit à l'emploi et surtout aux emplois les plus défavorisés. La priorité accordée à la réduction du déficit et de la dette, autrement dit la bonne gestion, est donc la condition sine qua non du respect de notre pacte social.
    M. Henri Emmanuelli. Vous avez préféré la démagogie !
    M. Nicolas Perruchot. Le Gouvernement, heureusement, en est pleinement conscient, et le groupe UDF soutiendra sans réserve les efforts indispensables de rigueur budgétaire qu'il ne manquera pas de proposer.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !
    M. Augustin Bonrepaux et M. Gérard Bapt. C'est contradictoire avec votre discours !
    M. Nicolas Perruchot. J'entends déjà les cris de mes collègues de la gauche face au spectre de la rigueur. C'est une technique bien connue, quoique très lâche, que d'accuser en premier lorsque l'on est coupable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Nous ne sommes coupables de rien !
    M. Nicolas Perruchot. Nous n'avons pas fini de subir les conséquences néfastes de vos mesures, inopportunes au mieux, non financées au pire.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien dit !
    M. Jean-Pierre Brard. Et vous, vous n'avez rien à vous reprocher ?
    M. Nicolas Perruchot. En choisissant de ne pas assainir les finances publiques en période de vaches grasses, le précédent gouvernement a décrédibilisé les politiques fiscales de baisse d'impôts et entraîné une fuite vers l'épargne, au détriment de la consommation.
    M. Pascal Terrasse. Et vous, vous allez renforcer l'épargne avec la réforme des retraites !
    M. Nicolas Perruchot. La France a le plus fort taux d'épargne en Europe, et cette tendance ne fait que se renforcer : en cinq ans, nous sommes passés de 13 % à près de 17 % du revenu disponible épargné, alors que les Etats-Unis connaissent un taux d'épargne négatif et que les autres pays européens ont des niveaux beaucoup plus normaux, entre 5 et 10 %, ce qui favorise considérablement la consommation et donc la croissance. Il conviendra d'ailleurs de s'interroger sur le taux de l'épargne réglementée, qui incite fortement à épargner à un moment où la politique publique doit inciter à la consommation.
    L'instauration des 35 heures fait peser une charge considérable sur les finances publiques et sociales, par le biais du détournement des recettes sociales vers le FOREC, supporté en définitive sur les partenaires sociaux. En outre, les allègements de charges sociales mis en place dans le cadre des lois Aubry I et Aubry II n'ont fait que compenser partiellement la hausse du coût du travail. Il faudra plusieurs années avant que ce choc d'offre négatif soit absorbé et que nous puissions enfin dégager une réduction structurelle de la pression fiscale et sociale pesant sur le travail en France.
    L'absence de réforme ambitieuse de la fiscalité des entreprises est particulièrement défavorable aux PME, qui sont surtaxées de 23 % par rapport aux grandes entreprises, alors qu'elles ne supportent que 60 % de la pression fiscale aux Etats-Unis. Le ralentissement de la croissance se traduit logiquement par une dégradation de l'activité des PME - que nous constatons chaque jour dans nos circonscriptions - et par la remontée du chômage, dans la mesure où elles sont plus créatrices d'emplois que les grandes entreprises.
    Enfin, le sacrifice des dépenses d'avenir dans la recherche et le développement me paraît très préoccupant. La dégradation des finances publiques compromet gravement notre capacité d'innovation technologique, car les coupes budgétaires concernent systématiquement les investissements. Face à la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre, la France ne peut créer de l'emploi et de la richesse qu'en développant son avantage technologique. Or notre pays consacre seulement 2,2 % de son PIB à la recherche et souffre d'un manque de performance économique de celle-ci.
    M. Didier Migaud. Vous avez réduit le budget de la recherche !
    M. Nicolas Perruchot. Quant aux incitations à la recherche privée, elles n'ont pas été renforcées au cours des cinq dernières années, ce qui accroît le retard de la France, notamment dans les secteurs clés pour l'avenir : nouvelles technologies de l'information et de la communication, biotechnologies et nanotechnologies.
    La France doit rejoindre la norme européenne, car celle-ci est la condition de la croissance à long terme et du plein emploi. En dépit de l'héritage du passé, elle doit respecter son engagement européen. Le pacte de stabilité et de croissance a pour vocation d'assurer la solidarité des Etats européens, en sanctionnant ceux qui dégradent la crédibilité de la monnaie européenne par des politiques budgétaires laxistes. Il serait mal venu de remettre ce pacte en question, tout en appelant la Banque centrale européenne à baisser ses taux pour lui reprocher ensuite d'avoir laissé filer l'inflation.
    Ce pacte, nous l'avons contracté afin de nous lier les mains en nous fixant des objectifs communs : plafonnement du déficit à 3 % du PIB et de la dette à 60 % du PIB, équilibre ou éxcédent budgétaire à moyen terme. Ces objectifs restent valables, même lorsqu'il devient difficile pour nous de les respecter. Certes, on pourrait envisager un objectif de réduction des déficits structurels, corrigés des effets conjoncturels. Cet objectif est d'ailleurs retenu par la Commission, mais comment ne pas voir qu'il est beaucoup plus ambitieux qu'un objectif nominal de 3 % du PIB ?
    Lors du dernier Conseil des ministres de l'économie et des finances, la France s'est engagée à respecter des objectifs qualificatifs pour 2003 et quantitatifs pour 2004. Cette année, elle doit aller au-delà de l'effort accompli de janvier à juin pour réduire le déficit. Pour 2004, elle doit remplir deux conditions cumulatives : réduire le déficit structurel de 0,5 % du PIB et ramener le déficit nominal à moins de 3 % du PIB. Pour ce faire, la France a souhaité avoir le choix des moyens. Nous, parlementaires, serons les premiers juges de l'action du Gouvernement, qui a désormais, monsieur le ministre, une obligation de résultat.
    Le groupe UDF attend donc un budget responsable, fondé, je le rappelle, sur plusieurs hypothèses de croissance.
    Nous avons besoin d'un affichage transparent des objectifs budgétaires, lesquels doivent s'inscrive dans une stratégie de long terme. Dans la situation actuelle, nous ne pouvons confier à la croissance le rôle d'assainir nos finances publiques. Pour regagner des marges de manoeuvre, indispensables lorsque la conjoncture devient plus mauvaise, pour améliorer la performance de la dépense publique, pour inscrire enfin la France dans une démarche de retour à l'équilibre budgétaire à moyen terme, le groupe UDF estime que le projet de loi de finances pour 2004 devra se donner les moyens de respecter plusieurs exigences.
    Tout d'abord, réduire d'au moins 0,5 % le déficit structurel de la France. Nous souhaitons que le Gouvernement traduise cet engagement européen en norme de progression des dépenses et d'évolution du déficit nominal selon plusieurs hypothèses de croissance, et qu'il nous tienne informés de l'exécution, par exemple sur une base trimestrielle.
    Ensuite, dégager un solde primaire positif. En 2002, pour la première fois depuis plusieurs années, le solde primaire avant paiement des intérêts de la dette a plongé dans le rouge. Nous ne pouvons plus continuer à nous endetter pour rembourser les intérêts de nos emprunts, même en cas de ralentissement de la croissance plus accentué que prévu. Sinon, que ferons-nous en cas de récession ?
    La mise en oeuvre des quatre grandes réformes que j'ai citées est la condition à long terme du retour à l'équilibre budgétaire. En effet, si la situation est aujourd'hui difficile, ce n'est rien à côté de ce qui nous attend. Le vieillissement démographique et la dérive tendancielle des dépenses de santé feront peser une très lourde charge sur notre budget dans les années à venir.
    Le Gouvernement, en la matière, a pris ses responsabilités en proposant une réforme des retraites et en préparant une réforme de l'assurance maladie pour l'automne. Cependant, la réforme des retraites devra être prolongée, car elle ne permet de financer que le tiers des besoins : 5,6 milliards d'euros sur 15 pour le régime général ; 13 milliards sur 28 pour la fonction publique. Au total, ce sont 27 milliards d'euros environ qui restent à financer.
    M. Pascal Terrasse. Enfin, vous le reconnaissez !
    M. Nicolas Perruchot. Pour ce qui est de l'assurance maladie, ...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est encore pire !
    M. Nicolas Perruchot. ... on nous prédit un avenir encore plus noir. Le déficit de la branche maladie devrait passer de 6 milliards en 2002 à 10 milliards à la fin de l'année et à 14 milliards en 2004.
    M. Augustin Bonrepaux. La faute à qui ?
    M. Nicolas Perruchot. Au total, nous estimons que le financement supplémentaire des retraites coûtera 0,15 point de PIB par an après réforme, contre 0,25 % avant réforme ; l'assurance maladie entre 0,15 et 0,20 point de PIB, soit a minima 0,3 point de PIB au titre de la protection sociale. Face à cette dérive structurelle, il est clair que la maîtrise des dépenses selon une norme de progression de 0,2 %, voire de 0 % en volume, ne suffira pas. Seule une réduction des dépenses sur certains postes à hauteur de 0,3 point de PIB, soit environ 4,5 milliards d'euros, permettra de stabiliser la hausse sans pour autant améliorer le déficit public. L'explosion du déficit de l'assurance maladie pose la même question de la recherche d'une nouvelle source de financement.
    M. Pascal Terrasse. C'est vrai !
    M. Nicolas Perruchot. Nous ne pourrons accepter que le déficit soit projeté sur les générations à venir. Dans ce domaine, le groupe UDF attend du Gouvernement qu'il se comporte avec la plus grande responsabilité et qu'il dise la vérité aux Français.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous risquez d'être déçu !
    M. Nicolas Perruchot. La question est simple : comment financerons-nous, dès 2004, les déficits de l'assurance maladie ?
    Notre groupe estime que, dans une telle situation, une obligation de moyens est indispensable. Il faut proposer un budget ajustable avec plusieurs hypothèses de croissance. Cette demande, nous l'avions déjà formulée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2003. Il ne s'agit pas pour nous de rendre votre tâche plus difficile, mais, au contraire, de compenser l'incertitude qui pèse sur la fixation d'une prévision de croissance, généralement cinq ou six mois avant l'adoption du budget pour l'année suivante. En prévoyant plusieurs scénarios, le Gouvernement annoncerait dès l'automne sa règle de conduite en cours d'année, en cas de dégradation de la conjoncture.

    On voit bien que le gel et l'annulation de crédits sont mal ressentis, car ils sont mal expliqués aux Français, mal perçus par les ministères dépensiers et souvent, il faut le dire, mal ciblés. En effet, en cours d'année, on ne joue généralement que sur des dépenses en capital - une fois de plus, c'est l'investissement qui trinque, pas étonnant qu'il ne présente plus que 4 % des dépenses civiles -  et sur les dépenses d'intervention, l'Etat joue les mauvais payeurs et met en péril ses sous-traitants.
    Je pense que le Gouvernement a tout à gagner à cette procédure, qui rejoint d'ailleurs les exemples étrangers, présentés par le ministre dans son rapport préliminaire à ce débat d'orientation budgétaire, et sur lesquels nous pourrions avec profit prendre modèle. J'espère donc que nous serons entendus sur ce point qui nous tient particulièrement à coeur car il est la clef d'une gestion transparente, souple et responsable des finances publiques.
    De même, le choix de la prévision de croissance doit être non pas volontariste, mais responsable. Dans un contexte de marges de manoeuvre nulles, nous ne pouvons pas nous permettre de dépasser, même de quelques dixièmes de points, la prévision moyenne des économistes. Il sera toujours temps, si la conjoncture est meilleure qu'escompté, de discuter de l'emploi d'une cagnotte bienvenue. On peut toujours rêver. Ce ne serait pas agir en bon père de famille que de retenir une borne haute de prévision afin de ne pas freiner la consommation. Une entreprise qui agirait de la sorte s'exposerait fort justement au risque d'une sévère sanction boursière. Il n'y a pas de raison pour que la France agisse autrement. A cet égard, je me réjouis que le ministre ait déclaré qu'il souhaitait que le taux de croissance retenu l'été prochain soit le plus proche du consensus des économistes. Cette attitude rompt clairement avec les pratiques de nos prédecesseurs.
    M. Pascal Terrasse. Vous l'avez déjà dit l'an dernier !
    M. Nicolas Perruchot. Et pourtant je ne peux m'empêcher de m'inquiéter à la lecture du rapport du Gouvernement qui prévoit une hypothèse de croissance de 2,5 %. Le consensus des prévisionnistes de ce mois prévoit une croissance autour de 1,8 %. Mais surtout cette prévision est en constante baisse depuis trois mois. Le mois dernier, il prévoyait 2 %. Il y a trois mois, 2,2 %. Le groupe UDF, à l'instar de ce que nous n'avons cessé de faire depuis le début de cette législature, souhaite véritablement que le Gouvernement retienne l'hypothèse la plus basse, soit entre 1,3 % et 1,5 %. Il sera toujours temps de redistribuer les surplus notamment en remboursant la dette, ce qui est la première façon de se dégager des marges de manoeuvre budgétaire.
    Il faut ensuite, et vous le savez, réduire la dépense publique.
C'est la conclusion logique de tout ce qui précède. Sans baisse des dépenses de l'Etat, il ne pourra pas y avoir de stabilisation des dépenses publiques, du fait de la dérive des dépenses sociales. Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités en augmentant les contributions aux dépenses sociales et en réduisant les dépenses. A nous maintenant de prendre nos responsabilités en réduisant les dépenses de l'Etat.
    M. Augustin Bonrepaux. L'Etat n'a plus de moyens et vous proposez de les réduire encore !
    M. Nicolas Perruchot. A ceux qui me rétorquent que d'autres pays ont des niveaux de dépense publique supérieurs au nôtre, je souhaiterais apporter quelques précisions. La Suède, qui a été citée tout à l'heure, dépense apparemment plus, mais le périmètre de la dépense publique est bien plus large que le nôtre. Autrement dit, elle dépense plus pour payer plus et mieux. Mais elle peut aussi se le permettre, car elle est en situation d'excédent budgétaire. Oui, mes chers collègues, l'excédent budgétaire existe y compris en Europe. Le déficit budgétaire n'est pas une fatalité du destin des nations modernes.
    En outre, la dépense publique n'est pas assez efficace en France. Les exemples en sont bien connus. L'augmentation des moyens de l'éducation nationale n'a pas permis de résoudre les problèmes structurels de l'éducation nationale. Le nombre de brevets déposés par les chercheurs publics n'est pas à la hauteur du budget de la recherche. Nous finançons un grand nombre d'associations, sans pour autant nous assurer de l'efficacité du service rendu.
    Il faut donc réduire la dépense et instaurer une culture de l'efficacité budgétaire. Pour atteindre cet objectif, il convient de responsabiliser les acteurs de la dépense, de cibler la baisse sur la base d'une mesure de la performance de la dépense publique, d'améliorer la productivité du travail dans la fonction publique comme dans tous les secteurs de l'économie, de mettre sur le marché les biens et les services pour lesquels l'Etat est moins performant que le secteur privé - par exemple, le transport -...
    M. Jean-Pierre Brard. On va faire comme les Anglais ! Et il n'y aura plus que la chaise à porteurs de M. de Courson comme mode de transport sûr !
    M. Nicolas Perruchot. ... et d'expliquer cette politique aux Français.
    Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, le groupe UDF sera attentif à ce que des réductions substantielles et pérennes des dépenses soient proposées et à ce que les crédits mis en réserve, mais non encore annulés, ne soient pas redistribués à d'autres ministères. Le cas échéant, nous proposerons des amendements de réduction des dépenses.
    Cependant, il ne saurait être question de réduire des dépenses utiles et efficientes. A cet égard, le groupe UDF ne peut approuver une réduction globale et de principe du budget de l'éducation nationale, qui est, avec la recherche, la clef de la croissance et de l'emploi de demain.
    Nous pensons également que l'on peut facilement améliorer la productivité du service public. Nous continuons de penser que la mise en oeuvre de a retenue à la source de l'impôt sur le revenu peut, par exemple, générer des économies substantielles. Plus généralement, il faut partir des missions pour redéfinir, le cas échéant, les structures.
    Je constate que les structures les plus efficaces sont souvent des structures ad hoc, dérogatoires du droit commun, qui mêlent les expériences du secteur public et du secteur privé. Je pense notamment aux autorités administratives indépendantes et aux agences, telles que l'agence France Trésor. La réforme de l'Etat fait partie, sans aucun doute, de la réforme des finances publiques.
    Pour ce qui est des baisses d'impôts, je laisse à mon collègue Gilbert Gantier le soin de vous en parler tout à l'heure.
    M. Jean-Pierre Brard. M. Gautier est un obsédé de la baisse des impôts !
    M. Nicolas Perruchot. Une baisse d'impôts ne peut être pérenne que si elle est gagée sur une réduction des dépenses à même hauteur. Or, nous ne disposons plus de marges de manoeuvre pour pouvoir nous permettre de réduire les recettes fiscales en 2004, sauf à ce qu'intervienne un rebond inattendu de la croissance.
    Il faut, enfin, responsabiliser les acteurs de la dépense. Pour l'UDF, le meilleur gage à long terme d'une gestion saine des finances publiques repose sur la responsabilisation des acteurs, et de tous les acteurs. Si l'argent que je dépense sort de mon propre porte-monnaie, et non de celui du voisin, je réfléchirai à deux fois avant la dépense. Vous m'accorderez aisément ce point. Alors, tirons-en les conséquences.
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a des gens qui sont moins pingres que vous ! (Sourires.)
    M. Nicolas Perruchot. J'en viens à présent aux collectivités locales. Pourquoi les maintenir sous tutelle ? Le groupe UDF demande la liberté de fixation des taux des impôts locaux, sous certaines conditions, et l'autonomie fiscale des collectivités locales. Le Gouvernement a refusé d'inscrire ce principe dans la loi constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République, lui préférant les principes de compensation intégrale des transferts de compétences et de part déterminante des ressources propres, sans que l'on s'accorde d'ailleurs sur le contenu exact de ces ressources propres. Pour nous, il ne peut pas y avoir de vraie démocratie locale sans autonomie fiscale. Après tout, les élus locaux ne sont pas moins responsables que les autres. Ils sont même plus directement exposés à la sanction électorale sur ce sujet.
    Par ailleurs, une réforme réussie de l'assurance maladie passe par la responsabilisation de tous les acteurs. Nos prédécesseurs ont cru bon de croire que la fixation volontariste de normes de progression des dépenses médicales et la pénalisation des praticiens exécutant trop d'actes suffirait à équilibrer le système. La situation calamiteuse dans laquelle nous nous trouvons m'épargne tout commentaire sur le bilan de cette politique.
    M. Alain Claeys. Et la vôtre ?
    M. Nicolas Perruchot. Le Gouvernement a l'intention de redéfinir le périmètre entre dépenses socialisées relevant de la solidarité nationale et dépenses privées, pouvant faire l'objet d'assurances complémentaires. Nous soutenons cette démarche, si elle se fait sous la forme de l'instauration d'une franchise jusqu'à un certain montant.
    Mais, pour réguler les dépenses de santé, on ne pourra pas faire l'économie d'une responsabilisation de tous les acteurs, praticiens, mais aussi patients et collectivités locales. L'UDF soutient une régionalisation de gestion des ressources, car ce sont les acteurs locaux qui sont le mieux à même de définir les besoins et d'attribuer les ressources de manière efficace. Trop souvent, on a assisté à une politique de numerus clausus sans rapport avec les besoins du terrain, de sorte que nous nous retrouvons aujourd'hui avec ce qu'on peut appeler des déserts médicaux. Les acteurs locaux pourront mieux que quiconque examiner l'opportunité d'une réorganisation du maillage médical.
    Enfin, la maîtrise des finances publiques passe par la réforme de l'Etat, notamment par la responsabilisation des acteurs de la dépense. Il faut en finir avec cette situation où le ministère de l'économie et des finances - principalement la direction du budget - est le seul à assumer la responsabilité de la réduction des dépenses. Je suis frappé, en tant que nouveau parlementaire, par la schizophrénie qui règne dans le débat budgétaire. Le Gouvernement adopte une ligne budgétaire, mais les ministères dépensiers ne s'y rallient que du bout des lèvres. Les députés réclament l'assainissement des finances publiques, mais ne proposent aucune réduction de dépenses. Ils demandent même parfois des hausses.
    A cet égard, la loi organique sur les finances publiques, applicable pleinement à la procédure budgétaire en 2006, est une chance que nous devons saisir. Le groupe UDF attend que le Gouvernement propose dès cette année une vision stratégique du budget, sur le modèle de ce que seront les missions et programmes, par exemple sur quelques ministères pilotes. Cette présentation ne peut se contenter d'être une jolie couverture du statu quo, comme le craignent certains d'entre nous. Elle doit correspondre à une vision stratégique de la dépense et être assortie d'indicateurs fiables pour que nous puissions en tirer un bilan l'année suivante.
    Cette réforme est essentielle, car elle mettra fin à la situation déprimante que nous connaissons : nous nous retrouvons devant des bleus budgétaires par ministère, sans aucune visibilité sur l'efficacité de la dépense d'une année sur l'autre, et nous sommes naturellement poussés à reconduire les enveloppes ou à nous en remettre à la sagesse du Gouvernement.
    Enfin, la réforme vise à responsabiliser les responsables des missions et programmes. Sur cette question, je souhaiterais savoir selon quelles modalités le Gouvernement entend mettre en oeuvre cette responsabilité.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président.
    Sur tous ces points, la mission d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances a interpellé le Gouvernement. Nous ne doutons pas de la détermination du ministre à donner tout son sens à une réforme qui lui doit beaucoup et qui permettra à la France d'avoir enfin une gestion moderne de la dépense publique, à la hauteur des attentes des citoyens qui, plus que jamais et fort justement, nous demandent compte de la gestion des deniers publics.
    En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous faut respecter nos engagements, au risque sinon de perdre toute crédibilité à l'égard de nos partenaires et surtout d'accroître encore et toujours la dette publique ce qui handicaperait pour les vingt prochaines années le budget de la nation.
    Il nous faut présenter aux Français les difficultés de financement de l'assurance maladie et ne pas leur cacher, grâce à des montages techniques, les choix que nous devrons faire. Il nous faut prendre nos responsabilité et assumer pleinement notre pouvoir financier en n'hésitant pas, le cas échéant, à revoir les hypothèses du Gouvernement en matière de croissance du PIB ou encore en proposant des réductions de dépense.
    La tâche du Gouvernement pour le budget 2004 est extrêmement complexe. L'unique façon de passer ce cap difficile est de dire la vérité aux Français. Tout autre comportement ne serait pas compris. Telle est la façon dont le groupe UDF envisage son rôle au sein de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Très bien !
    M. le président. Mes chers collègues, j'invite tous les orateurs à respecter scrupuleusement le temps qui leur est imparti et surtout ceux qui disposent d'un long temps de parole.
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour quinze minutes.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre, vous venez devant l'Assemblée nationale avec un double handicap. Le premier est celui de nous avoir présenté des orientations budgétaires et un budget pour 2003 sur des bases erronées. Vous déclariez en 2000 vouloir « en finir avec le mensonge budgétaire ». On s'aperçoit au contraire que vous vous êtes parfaitement acclimaté à ce type de mensonge.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est joliment formulé et c'est bien vrai !
    M. Jean-Claude Sandrier. A tel point d'ailleurs qu'à sa façon, notre rapporteur général, M. Gilles Carrez, a dû déclarer : « Halte aux prévisions mirifiques ! »
    Autre handicap, après plus d'un an de gouvernement, votre bilan est catastrophique : record absolu pour le déficit budgétaire, record pour le taux de chômage depuis six ou sept ans, record pour la baisse des impôts des plus riches, y compris l'impôt sur la fortune, record depuis bien longtemps des gels et annulation de crédits - et il paraît que ce n'est pas fini ! - record de la baisse de budgets porteurs de croissance : recherche, emploi, logement, transports, stagnation pour l'éducation nationale, mise en cause d'investissements en matière d'infrastructures. Bref, votre bilan est désastreux.
    Et il ne sert à rien de vous réfugier derrière « la mauvaise gestion » de vos prédécesseurs car en criant si haut, si fort après le déficit légué, vous ne vous rendez que plus coupables de l'avoir autant aggravé. Aggravé par vos choix politiques, tendant à accroître excessivement certaines dépenses et à prévoir des allégements de charges diverses tout en réduisant les rentrées fiscales.
    Le document d'orientation budgétaire qui nous est sousmis ne vise qu'à justifier une fuite en avant vers des solutions d'un capitalisme dur, porteuses d'inégalités. Ainsi, la lecture de ce rapport nous fait découvrir la litanie des incantations. Je cite pêle-mêle : on ne travaille pas assez, le poids des dépenses publiques est trop élevé en France, des dépenses sociales inconsidérées - APA, CMU, 35 heures... - ont plombé le budget de l'Etat et, bien sûr, le sempiternel « il faut baisser le coût du travail ».
    Mais attention, reporter les difficultés sur ceux qui précèdent ne dure qu'un temps... et ce temps est désormais écoulé. Vous êtes responsables et redevables de l'évolution économique et budgétaire du pays. C'est d'ailleurs M. le ministre de l'économie et des finances qui, dans son préambule au budget 2003 nous expliquait que « la situation réelle, sous-jacente de nos finances publiques s'améliore donc ». Cela dit, si l'on remplace « réelle » par « virtuelle », ce sera réel ! (Sourires.)
    Monsieur le ministre, les prévisions de l'INSEE, qui annonce, dans sa dernière note de conjoncture, une croissance de 0,8 % pour 2003, un chômage en hausse et des investissements des entreprises en baisse, ne plaident pas en votre faveur. C'est la faillite de vos choix budgétaires. Baisser les prélèvements progressifs pour favoriser les plus aisés est une hérésie. Alors, si l'on ajoute à cela les annonces de décentralisation - en fait, de dénationalisation - qui ne feront qu'augmenter les impôts locaux et une loi sur les retraites qui ne fera que baisser les pensions de ceux qui ne pourront pas recourir à la capitalisation, on comprend que nous ne soyons pas du même côté de la barrière politique.
    Ceux qui ne connaissent pas le dogme politique et économique qui les gouverne n'ont qu'à jeter un oeil à ce document. Il rassemble à la fois les éléments de l'insécurité budgétaire et la soumission à des règles érigées en lois universelles et immuables sur lesquelles l'Homme n'aurait d'autre pouvoir que celui de les admettre et de s'y adapter.
    Mes chers collègues, chacun d'entre nous connaît aujourd'hui l'influence des marchés financiers sur l'économie, dans le cadre de la globalisation. Certains de nos collègues de la majorité, poussés par je ne sais quel vent contestataire et révolutionnaire, avaient même eu l'audace d'envisager de présenter un amendement pour abonder le fonds de réserve des retraites par un prélèvement sur certains produits du capital - ce qui est au moins la preuve que de telles richesses existent et que l'on pourrait en évoquer l'utilisation.
    Ainsi, selon vous, tout coûte trop cher : la dépense publique est trop forte, les charges sociales sont trop élevées, le coût du travail n'est pas compétitif, les retraites et la sécurité sociale coûtent trop cher.
    A propos de la baisse des dépenses publiques, qui rejoint, monsieur le ministre, votre grand principe selon lequel « un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation », ce qui suppose que l'on peut donc baisser la plupart des budgets, je voudrais vous soumettre cette idée présentée dans un document de l'OCDE et vous demander si telle est votre conception de la maîtrise des dépenses publiques : « Si on diminue les dépenses publiques de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité du service rendu, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d'élèves ou d'étudiants ; les familles réagiront violemment à un refus d'inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l'enseignement, et l'école peut progressivement obtenir une contribution des familles en supprimant telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l'établissement voisin, de telle sorte que l'on évite un mécontentement général de la population. » Ces idées sont exprimées par Christian Morrisson dans Cahier de politique économique n° 13 (OCDE, 1996).
    On est confondu par autant de cynisme. On entend parler aujourd'hui de « courage politique », mais il ne faudrait pas mélanger courage politique et cynisme. Je reste tout de même perplexe quand j'entends l'hommage assez singulier que vous venez de rendre ce matin, monsieur le ministre, aux fonctionnaires, en expliquant que vous allez en diminuer le nombre tout en améliorant les services rendus. Je pense qu'ils vont apprécier la délicatesse du propos.
    Cet intérêt pour la dépense publique n'appellerait toutefois aucune critique si votre acharnement n'était rendu encore plus suspect par certains oublis commis dans votre rapport sur les orientations budgétaires. On y cherche vainement, en effet, les expressions : « coût financier », « marchés financiers », « profits », « dividendes » ou « stock-options ». A croire, monsieur le ministre, que vous êtes fâché avec une partie du dictionnaire !
    Bien sûr, nous savons pourquoi vous fuyez ces mots : les vrais coûts à la charge de la société, ils sont là ! Dans une entreprise, en règle générale, les coûts les plus importants sont les coûts financiers. Ensuite, ce qui pèse le plus sur sa gestion, c'est l'exigence en matière de rendement des actions. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, le responsable de MBDA, une grande entreprise de mon département, le Cher, me confiait récemment qu'il était soumis par les actionnaires à l'obligation de fournir chaque année une rémunération de 15 %. Et parmi les deux ou trois mesures nécessaires pour atteindre ce chiffre figurait obligatoirement, d'après lui, la nécessité de supprimer des emplois, donc de s'en prendre au travail. Voilà qui vient en contradiction avec le respect du travail que vous revendiquez pourtant si fort. De plus, comment imaginer que dans un pays où la croissance est à 0,8 % et l'inflation autour de 2 %, on puisse exiger une rémunération de 15 % ? C'est économiquement suicidaire !
    Dans la même veine, si je puis dire, comment peut-on s'octroyer une augmentation de 13 % par an, comme l'ont fait les grands patrons français, au point de percevoir les revenus les plus élevés d'Europe, selon une étude récente ?
    Un autre indicateur de l'utilisation des richesses est le partage de la valeur ajoutée. En 1982, 69 % des richesses produites étaient consacrées aux salaires, pensions, cotisations et 31 % au profit. En 2002, ces parts ne sont plus, respectivement, que de 58 % et 42 %. Premier effet de cette évolution : l'amputation des ressources nécessaires au financement des retraites à hauteur de 150 milliards d'euros par an.
    On le voit donc bien, de plus en plus de richesses sont captées par les profits. Des sommes faramineuses partent dans les marchés financiers où elles sont stérilisées.
    M. Maxime Gremetz. Très juste !
    M. Jean-Claude Sandrier. Pour cette raison et malgré l'augmentation des profits, le taux d'investissement est resté en tendance décroissante. C'est aussi pour cette raison qu'alléger les charges, qui en fait ne sont qu'une contribution à la solidarité nationale et au progrès social, ne peut avoir d'efficacité pour la croissance sans une modulation en fonction des emplois et des richesses créés. Or cela, vous n'en voulez pas.
    En fait, tous les indicateurs le montrent : ce n'est pas le travail que vous valorisez, c'est le capital. Nous, nous proposons l'inverse : nous souhaitons valoriser le travail. Il y a urgence à rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée, ce qui est possible si des outils différents de financement de l'économie sont mis en oeuvre et si des solutions sont recherchées avec nos partenaires européens.
    A notre sens, il convient de faire reculer la part des marchés financiers dans le financement des entreprises dans toute l'Union européenne. Pour cela, une baisse des taux d'intérêt forte et très sélectivement orientée en faveur de l'emploi et de la formation est nécessaire. Cette mesure, doublée d'une limitation des dividendes excessifs, ferait considérablement diminuer les charges financières des entreprises.
    Et si nous n'acceptons pas les critères de Maastricht, ce n'est pas parce que nous sommes des partisans du déficit, mais parce que nous estimons que les citoyens, par le biais de leurs représentants, doivent pouvoir agir sur tous les leviers de la politique économique, budgétaire et monétaire. La Banque centrale européenne, cette espèce d'Etat dans l'Etat, doit être contrôlée et orientée par le Parlement européen et par les parlements nationaux.
    Parallèlement à cette baisse des taux d'intérêt de la BCE, nous proposons la création d'un pôle public du crédit pour offrir des crédits bonifiés aux entreprises, mais aussi aux collectivités locales, principaux vecteurs de l'investissement public.
    En cohérence avec ces propositions, nous proposons une réorientation de la fiscalité en faveur de l'impôt le plus juste, c'est à dire à l'impôt progressif, l'impôt sur le revenu. Or, c'est justement celui que vous contribuez à réduire ! Parvenir à un rendement de l'impôt sur le revenu de 8 à 9 % du produit intérieur brut et augmenter significativement l'impôt sur la fortune permettraient de redonner du pouvoir d'achat aux couches modestes et moyennes, à condition de baisser le taux de TVA dans certains secteurs d'activité, ainsi que celui de la TIPP.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. Jean-Claude Sandrier. De même, nous estimons que la richesse financière est un gisement de recettes à exploiter.
    J'aime bien rappeler ce mot de votre collègue M. Delevoye, alors président de l'Association des maires de France : « Jusqu'au xixe siècle la richesse était foncière et agricole et les impôts et taxes également. Au xixe siècle et pendant presque la totalité du xxe siècle, la richesse était dans les manufactures puis les industries, et les impôts aussi. Aujourd'hui, la richesse est financière, mais l'impôt n'est pas assis sur cette richesse. »
    M. Maxime Gremetz. Une très belle citation !
    M. Jean-Claude Sandrier. C'est cette anomalie qu'il s'agit de réparer.
    Enfin le dernier grand axe de nos propositions budgétaires est la modulation des cotisations sociales en fonction des emplois et richesses créés. Nous avons déjà fait cette proposition au cours du débat sur les retraites. Il nous apparaît aujourd'hui impérieux d'en finir avec ces réductions de charges unilatérales et sans contrepartie, qui représentent de véritables cadeaux, des transferts à fonds perdus et souvent d'une efficacité douteuse - c'est un euphémisme.
    Le Gouvernement a pris le chemin inverse, celui des partisans du moins d'Etat, d'un capitalisme synonyme de loi de la jungle, courant après les modèles anglo-saxons. Un capitalisme où la violence concurrentielle fait de plus en plus de notre monde, non pas un monde pour les hommes, mais un monde contre les hommes.
    N'oublions pas que, dans le fameux modèle américain - considérez sa dérive actuelle -, toute la chair qu'a perdue l'Etat-providence, l'Etat-censeur, l'Etat-garnison, l'Etat-prisons l'a gagnée en graisse.
    Quant à l'Angleterre, votre autre référence, en elle s'incarne, et vous le savez très bien, le plus grand et le plus terrible recul humain et social de ces trente dernières années dans les pays dits développés.
    Paris n'aurait-il comme horizon que celui de prendre la place de Londres comme capitale la plus riche d'Europe ? Rappelons que le pourcentage d'enfants vivant au-dessous du seuil de pauvreté y est de 53 % et ne cesse d'augmenter !
    Si c'est cela votre objectif, être les Reagan et Thatcher de la France, ne comptez pas sur nous. Par pure idéologie et pour l'intérêt d'une minorité, vous voulez faire de ce début du xxie siècle ce que vous n'avez pu faire à la fin du siècle précédent, quel qu'en soit le prix social, économique ou civique. Mais contrairement à ce que vous répétez sans cesse, monsieur le ministre, les Français ne vous ont pas élus pour cela. Ils auront bientôt des occasions de vous le faire savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Jacques Descamps. Ils n'ont pourtant pas été nombreux à voter pour vous !
    M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, voici que s'ouvre, avec retard en raison du débat sur les retraites, le débat d'orientation budgétaire, moment privilégié qui permet de dresser un bilan de l'état des finances publiques un peu plus d'un an après l'engagement du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin sur le terrain de la réforme et de la modernisation. Après la loi de finances pour 2003, qui a constitué un premier budget de transition et d'orientation avec une baisse des impôts et des charges et un effort inédit en faveur de la sécurité, de la justice et de la défense - le budget 2004 sera le premier budget de plein exercice du Gouvernement, même si celui-ci a encore à pâtir de cinq ans d'errements de la gestion précédente.
    M. Michel Bouvard. Oh que oui ! Nous compatissons !
    M. Marc Laffineur. C'est pourquoi, plus que jamais, malgré les difficultés du budget et l'augmentation des dépenses publiques, il s'agit d'engager le plus rapidement possible les réformes qui permettront de relancer la France sur la voie de la compétitivité, du plein emploi et de la croissance.
    Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a trouvé à son arrivée une situation budgétaire difficile issue à la fois de l'héritage laissé par le précédent gouvernement et d'un contexte économique international morose.
    M. Eric Besson. Et il l'a aggravée !
    M. Marc Laffineur. Durant la précédente législature, alors qu'elle connaissait une forte croissance, la France n'a pas réduit son déficit, comparativement à ses voisins. Elle n'a entamé aucune réforme de structure...
    M. Michel Bouvard. ... ni payé sa dette !
    M. Marc Laffineur. ... mais elle a préféré s'engouffrer dans de nouvelles dépenses de fonctionnement, en partie non financées : les 35 heures, la CMU, l'APA, les emplois-jeunes ou encore la création de nouveaux emplois de fonctionnaires, qui ont contribué à creuser le déficit.
    De la mème manière, le Gouvernement a été conduit à créer un compte « remboursement de dettes antérieures à 2002 », c'est-à-dire de dettes qui relèvent de la précédente législature, telles les deux dernières primes de Noël qui n'avaient pas été financées.
    Sans doute - et peut-être doit-on le regretter, monsieur le ministre - n'avons-nous pas suffisamment dit à nos concitoyens, lors de la publication de l'audit sur les finances de l'Etat, l'état désastreux dans lequel cinq ans de gestion socialiste ont jeté le pays.
    A l'inverse, des dossiers prioritaires et sensibles, comme la défense ou la sécurité, ont été délaissés, laissant apparaître une situation de dénuement extrême.
    A ces difficultés héritées du gouvernement précédent, il faut ajouter, depuis deux ans, une conjoncture politique et économique internationale défavorable.
    La croissance mondiale est en panne, à commencer par l'Europe qui traverse une période de croissance faible. Notre principal partenaire, notamment, l'Allemagne, est en situation de quasi-déflation. La France et l'Allemagne sont ainsi les seuls Etats européens à avoir, tout à la fois, des déficits publics supérieurs à 3 % du PIB, des soldes primaires négatifs et une dette publique à nouveau croissante par rapport au PIB. A cela s'ajoute un contexte international qui, depuis les attentats du 11 septembre, a des répercutions notables sur la conjoncture économique. Enfin, l'appréciation continue de l'euro par rapport au dollar pénalise les exportations françaises.
    Tout cela a entraîné une dégradation très forte des dépenses publiques.
    La France cumule sur cet aspect tous les désavantages inhérents à cette situation : une hausse du déficit, qui entraîne mécaniquement celle de la dette ; des dépenses de fonctionnement rigides et en augmentation.
    Les dépenses du budget général connaissent une forte croissance - 4,3 % en 2002 - du fait de la simple augmentation mécanique des dépenses non financées par nos prédécesseurs et des dépenses relatives aux rémunérations, pensions et charges sociales. Celles-ci représentent 40 % du total des dépenses nettes imputées au budget général.
    En y ajoutant les charges de la dette, ces deux grandes masses représentent près de 55 % des dépenses nettes du budget général et leur progression absorbe plus de la moitié du total de la hausse des dépenses !
    Il devient donc urgent de baisser le niveau des dépenses de fonctionnement publiques, car, à force d'accroître sans cesse nos déficits, nos capacités d'intervention, c'est-à-dire l'investissement, sont oblitérées, ce qui compromet l'avenir de nos enfants et petits-enfants. Du coup, nous arbitrons mal entre fonctionnement et investissement, au détriment de ce dernier.
    La France a un taux de prélèvements obligatoires trop important. Bien que le Gouvernement ait engagé un mouvement de baisse des impôts, le niveau de ceux-ci est encore bien trop élevé et doit continuer à s'infléchir, ce que fait le Gouvernement en réduisant les charges sur les salaires, en votant la loi relative à l'outre-mer et la loi sur l'initiative économique.
    Les dépenses publiques ont représenté, en 2002, 54 % du PIB, soit 12 points de plus que la moyenne des pays de l'OCDE et 7 points de plus que la moyenne de l'Union européenne.
    On en arrive à un non-sens économique sachant que, malgré des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés au monde, le Gouvernement enregistrera cette année une moins-value fiscale de 5,1 milliards d'euros. Il s'agit donc de poursuivre le mouvement de baisse des prélèvements obligatoires,...
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas ce que dit Bayrou.
    M. Marc Laffineur. ... comme le Gouvernement l'a promis, mais il ne peut y avoir de baisses d'impôt durables si celles-ci ne s'accompagnent pas d'une baisse durable des dépenses. On ne peut que se féliciter du courage du Gouvernement à entreprendre les réformes de structure nécessaires.
    Celle des retraites,...
    M. Augustin Bonrepaux. Financée comment ?
    M. Marc Laffineur. ... était sans cesse différée depuis de nombreuses années. La réforme est plus qu'urgente aujourd'hui si on ne veut pas voir s'effondrer le système mis en place après la guerre.
    La réforme de l'assurance maladie...
    M. Augustin Bonrepaux. Financée comment ?
    M. Marc Laffineur. ... doit également faire partie des chantiers prioritaires du Gouvernement.
    Monsieur Bonrepaux, vous n'avez rien fait durant cinq ans. Vous n'avez aucune leçon à nous donner en la matière.
    M. Augustin Bonrepaux. Répondez plutôt ! Donnez des conseils au Gouvernement !
    M. Marc Laffineur. Ces deux réformes sont d'ailleurs les garants du maintien de la cohésion sociale et de la nation et le Gouvernement affiche face à elles une détermination et un courage qui l'honorent.
    Il importe de restaurer la compétitivité de la France. Cela passe notamment par l'assouplissement de la loi Aubry sur les 35 heures à travers l'augmentation du quota d'heures supplémentaires et la loi Dutreuil sur la création d'entreprise.
    Quant à la réforme de l'Etat, à l'instar de la méthode canadienne, dont vous avez parlé, monsieur le ministre, et que je connais bien aussi, nous devrions passer l'ensemble des programmes gouvernementaux au crible de six critères afin d'en évaluer la légitimité, le coût et l'efficacité et d'étudier s'il est possible de le décentraliser ou d'en confier la gestion au secteur privé. Autrement dit, l'Etat doit avoir les mêmes réflexes d'optimisation des dépenses que n'importe quelle entreprise du secteur privé afin de proposer aux Français les meilleurs services au moindre coût.
    Il ne s'agit pas pour l'Etat de rechercher un profit mais d'économiser ses deniers, c'est-à-dire d'utiliser efficacement les impôts des citoyens. De là dépend en grande partie la compétitivité de « l'entreprise France ». C'est de l'impulsion donnée par l'Etat, recentré sur ses missions régaliennes, que viendra le renouveau de la France sur la scène internationale. L'Etat peut et doit recentrer ses agents sur des missions de contrôle, de régulation ou de fourniture de prestations non marchandes. L'initiative privée et individuelle doit retrouver toute sa place.
    Aussi les objectifs du budget 2004 sont-ils multiples.
    Il est nécessaire de retrouver un taux de croissance robuste et soutenu, créateur d'emplois et de richesses, et de poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires. Après une réduction de 6 % de l'impôt sur le revenu ces deux dernières années, le Gouvernement doit être encouragé à maintenir son effort de diminution des prélèvements en 2004. C'est ce que vous avez déjà fait, monsieur le ministre.
    Dans cette politique de rétablissement du pouvoir d'achat, le Gouvernement n'oublie pas les plus faibles, puisqu'il a annoncé une hausse de 5,3 % du SMIC, la plus importante depuis vingt ans. Dans le volet social, il convient aussi de retenir l'assurance d'une retraite à 85 % du SMIC net pour les salariés ayant passé l'ensemble de leur carrière au SMIC, contre 75 % actuellement.
    Afin de relancer le logement social, dont le taux de financement dépend de celui du livret A, le taux de rémunération du livret A doit être baissé, monsieur le ministre, alors même que la Banque centrale européenne vient de baisser son taux directeur d'un demi-point et que l'inflation a elle-même diminué. Par ailleurs, afin d'assurer une relative neutralité en la matière, il s'agirait de mettre en place un mécanisme d'adaptation automatique du taux du livret A indépendant du Gouvernement.
    Il s'agit aussi de prendre comme hypothèse un taux de croissance réaliste.
    Il importe de réduire le déficit afin de diminuer la dette : l'objectif de repasser sous la limite des 3 % dès l'année prochaine est certes difficile mais il faut essayer de s'en rapprocher le plus possible.
    Il faut également relancer les dépenses d'investissement. Pour cela, nous appuyons votre décision de ne pas augmenter le budget en euros constants pendant trois ans : cela revient à dire que le financement des engagements pris vis-à-vis des ministères prioritaires - défense, justice, sécurité - ne pourra être assuré que par des économies réalisées ailleurs. Cela revient également à penser que toutes les grandes réformes engagées, des retraites à l'assurance maladie en passant par la décentralisation, devront conduire à des économies. Cela conduit enfin à dire qu'on ne peut imaginer de stabiliser les dépenses publiques sans véritable réforme de l'Etat. Il faut, en effet, arrêter de croire qu'un bon budget est un budget qui augmente en crédits ou en effectifs. Au contraire, un bon budget est un meilleur service rendu au meilleur coût pour les Français. D'où la nécessité de réduire fortement les dépenses de fonctionnement afin de lutter contre les augmentations mécaniques de la dette, des pensions, traitements et salaires de la fonction publique, comme nous avons pu le faire dans nos mairies où nous avons été obligés de ne pas remplacer tous les départs à la retraite pour contenir les dépenses. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre. Toutes ces dispositions sont prises pour aller à l'encontre du mouvement qui a vu croître de façon substantielle l'emploi public durant la dernière décennie, y compris en 2002. Entre 1990 et 2002, le volume des emplois financés sur le budget de l'Etat a augmenté de 110 000.
    Sans doute moins sensible que les retraites ou l'assurance maladie, moins idéologique que la sécurité ou la décentralisation, la modernisation budgétaire constitue pourtant bien l'une des clés de tous les autres chantiers du quinquennat. D'un côté, la volonté de démontrer que l'Etat est enfin capable d'organiser une maîtrise durable de ses dépenses pour desserrer l'étau qui aujourd'hui l'asphyxie. De l'autre, la capacité d'engager une véritable modernisation dans la gestion de l'argent public.
    On ne peut imaginer de stabilisation des dépenses publiques sans véritable réforme de l'Etat.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Laffineur. Les orateurs principaux ont déjà largement dépassé leur temps de parole. Nous ne pourrons pas terminer ce matin sans un minimum de rigueur.
    M. Marc Laffineur. Je vais conclure, monsieur le président.
    Modernisation des procédures, rationalisation des achats, évaluation, amélioration de la gestion du patrimoine immobilier, externalisation de certaines tâches ! Chaque ministre sait qu'il a ainsi des gisements de productivité qui lui permettront de réduire ses dépenses.
    Adopter une même démarche pluriannuelle en matière budgétaire, c'est en finir avec ce long et interminable marchandage entre ministères. Encore faut-il que tous les ministères soient persuadés du bien-fondé de cette démarche. Un bon budget n'est pas un budget en augmentation.
    Je tiens une nouvelle fois à renouveler ma confiance dans l'action qu'a su mener courageusement le Gouvernement, et je lui souhaite de savoir maintenir le cap de la réforme, coûte que coûte,...
    M. Eric Besson. Coûte que coûte, c'est bien trouvé ! (Sourires.)
    M. Marc Laffineur. ... au nom d'une certaine conception de la volonté en politique. Sachez, monsieur le ministre, que votre majorité est prête à faire ces réformes et vous soutiendra, car c'est en retrouvant notre compétitivité que nous pourrons retrouver le chemin vertueux de la croissance, gage de plein emploi et de retraites sereines pour l'ensemble de nos concitoyens. Il en va de la crédibilité de la France...
    M. Augustin Bonrepaux. La vôtre de crédibilité est fortement entamée !
    M. Marc Laffineur. ... vis-à-vis d'une Europe agacée et irritée par les promesses sans lendemain de vos prédécesseurs. C'est l'intérêt de la France et des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Eric Besson, pour cinq minutes.
    M. Eric Besson. Monsieur le ministre, à vous écouter ce matin, à écouter les ministres lors des questions d'actualité, et nos collègues de la majorité, une question vient spontanément à l'esprit : quand vous estimerez-vous responsables de l'action et de la situation de notre pays ?
    M. Henri Emmanuelli. Jamais !
    M. Pierre Hériaud. Si nous faisions comme la gauche, ce serait jamais !
    M. Eric Besson. Vous sentez-vous réellement aux commandes de l'Etat ?
    L'absence du ministre de l'économie et des finances est choquante mais elle n'est pas totalement fortuite. Je ne doute pas de l'importance de la réunion qui le retient et qui porte, si je vous ai bien entendu, sur les investissements étrangers en France. Cela lui permettra, contrairement à ce que vous n'avez cessé d'affirmer, de se réjouir de la compétitivité de notre pays et de sa capacité à accueillir des investissements étrangers.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Eric Besson. Mais on aurait pu penser que le ministre préférerait venir exposer ici sa stratégie et sa vision de la politique économique et financière de notre pays, d'autant que la gravité de la situation plaide pour sa présence devant la représentation nationale. Le diagnostic n'est pas contestable. Comme je le disais hier encore dans cet hémicycle, la croissance faiblit, l'INSEE prévoit une augmentation de 0,8 %, vous avez laissé entendre 1 % mais, aujourd'hui, vous ne donnez plus aucune hypothèse. En avez-vous seulement une, monsieur le ministre ? Nous direz-vous, avant la fin de ce débat, quelle est votre hypothèse de croissance ? C'est tout de même l'un des sujets majeurs du débat d'orientation budgétaire.
    M. Pascal Terrasse. La saison touristique s'annonce très mauvaise.
    M. Eric Besson. En toute hypothèse, nous ferons moins que la moyenne de nos partenaires européens. Le contestez-vous, monsieur le ministre ? Contesterez-vous que, de 1997 à 2002, la France a fait mieux que ses partenaires en matière de croissance...
    M. Patrice Martin-Lalande. L'héritage était bon à ce moment-là !
    M. Eric Besson. ... et que nous allons faire moins bien cette année ?
    M. Philippe Auberger. Ce n'est pas vrai ! La moyenne de la zone euro, c'est 0,5 % !
    M. Eric Besson. Si vous le contestez, dites-le à vos services et modifiez les documents qui émanent de Bercy ! Si vous ne le contestez pas, expliquez-nous pourquoi nous faisons moins bien que nos partenaires européens.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ce n'est pas vrai !
    M. Eric Besson. Si, monsieur le président de la commission des finances, c'est vrai.
    Nous pensons que vous avez fait, dès votre arrivée, une erreur de diagnostic doublée d'une erreur de pilotage macro-économique. Le chômage augmente lourdement : en un an, plus 150 000 chômeurs. Au premier trimestre, la France a, pour la première fois depuis 1996, détruit des emplois.
    Quant au déficit, vous savez ce qu'il en est. La Commission européenne annonce qu'il va atteindre 3,7 % du PIB et que la dette publique rapportée au PIB devrait représenter 61,8 %.
    M. Didier Migaud. Quel résultat !
    M. Eric Besson. Selon l'OCDE et la Commission, plus des deux tiers de la dégradation budgétaire de 2002 résultent des choix de politique économique et financière du Gouvernement.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Eric Besson. Ne créons pas de malentendu, monsieur le ministre. Il n'est pas illégitime de soutenir la croissance par le déficit lorsque la situation l'exige, en laissant jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques ». Mais, comme Didier Migaud l'a très bien montré tout à l'heure, ce n'est pas ce que vous avez fait. Et la Cour des comptes, dont l'irrespect n'est pourtant pas la première des caractéristiques, vous l'a dit très crûment. Vous étiez ligotés par les promesses contradictoires et impossibles - Didier Migaud les a même qualifiées à juste titre de « démagogiques » - du candidat Chirac : augmentation de toutes les dépenses - au moins, ce que vous appelez les dépenses régaliennes -, baisse des impôts, notamment de l'impôt sur le revenu et des charges. Je dis « charges » puisque c'est le mot que vous employez maintenant à la place de cotisations sociales.
    M. Philippe Auberger. Parce que ce sont des charges !
    M. Yves Deniaud. Appelons un chat, un chat !
    M. Eric Besson. Vous avez adopté la plus mauvaise des politiques fiscales au plus mauvais moment.
    Souvenez-vous, monsieur le ministre, de ce que nous vous disions, ici même, il y a quelques mois. Nous vous affirmions que la baisse de l'impôt sur le revenu, telle que vous l'avez conçue, ne soutiendrait pas la croissance et ne ferait qu'accroître le taux d'épargne et le déficit des finances publiques. Monsieur le ministre, il s'est passé exactement ce que les socialistes vous avaient annoncé et cela n'entame apparemment en rien vos convictions et le regard très bienveillant que vous portez sur votre action.
    Voilà pourquoi, monsieur le ministre, l'absence de Francis Mer me paraît logique : c'est un lapsus, un acte manqué, presque un aveu !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a été auditionné pendant deux heures par la commission des finances ce matin !
    M. Eric Besson. Francis Mer s'efforce de ne mentir que par omission. C'est sa caractéristique principale.
    M. Marc Laffineur. C'est indigne !
    M. Eric Besson. L'année dernière, lorsqu'à l'automne vous vous efforciez de faire semblant de croire, parce que vous y croyiez à peine, à la prévision de croissance de 2,5 % pour 2003, votre ministre de tutelle avait du mal à masquer le peu de crédit qu'il accordait à votre prévision.
    Lorsque certains, sur les bancs de la droite dans cet hémicycle, utilisaient des chiffres et des données du prétendu rapport de Davos sur la compétitivité, Francis Mer qualifiait crûment ce rapport de farfelu. Au fond, pour dire les choses simplement, il vous laisse faire le sale travail, monsieur le ministre. Vous êtes probablement lucide. Si l'on croit un grand hebdomadaire satirique publié le mercredi, il semble que vous réserviez votre lucidité aux huis-clos des séminaires gouvernementaux, ce que l'on peut comprendre.
    M. Eric Besson. Monsieur le ministre, je ne suis pas le meilleur exégète des Evangiles.
    M. Marc Laffineur. C'est vrai !
    M. Eric Besson. Je ne suis pas comme notre collègue Brard...
    M. Marc Laffineur. Il est exégète pour la messe !
    M. Eric Besson. Mais je vous laisse le soin de savoir s'il est plus grave de mentir par action ou par omission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Deniaud. Vous, vous avez fait les deux !
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes cher collègues, mon excellent collège Nicolas Perruchot s'étant exprimé au nom du groupe UDF sur l'ensemble de la politique économique et budgétaire du Gouvernement, je concentrerai mon intervention sur la délicate question de la fiscalité.
    Un de mes professeurs de finances publiques, qui souhaitait amuser ses étudiants, disait que la fiscalité était l'art de plumer la volaille sans la faire trop crier. (Sourires.) Plus sérieusement, je dirai qu'il faut rendre notre système fiscal plus performant car il ne l'est pas. Il faut qu'il rapporte plus en pénalisant le moins la consommation et en paralysant le moins le dynamisme économique. Cette recherche du rendement fiscal est, en effet, la condition d'une meilleure attractivité du territoire, et surtout la garantie d'une véritable croissance de l'emploi.
    Le Gouvernement a déjà fait plusieurs pas dans ce sens depuis un an, mais il me semble que beaucoup reste à faire, et je voudrais profiter de ce débat d'orientation budgétaire pour émettre quelques propositions concrètes qui tendent toutes à rendre les impôts plus performants et à augmenter les recettes de l'Etat sans paralyser notre développement.
    Je souhaiterais, tout d'abord, évoquer la fiscalité des sociétés. Le récent rapport du conseil d'analyse économique sur la compétitivité, qui a été rédigé sous la direction du Premier ministre, est d'une lecture édifiante. Il apporte un éclairage nouveau sur la fiscalité des sociétés puisqu'il compare la pression fiscale des petites et moyennes entreprises à celle des grandes entreprises. Le résultat est sans équivoque : les petites et moyennes entreprises sont surtaxées de 23 % par rapport aux grandes entreprises, alors que, à titre d'exemple, elles ne supportent que 60 % de la pression fiscale des grandes entreprises aux Etats-Unis. Or il n'est un secret pour personne que ces PME constituent le premier atout du tissu économique de notre nation et qu'elles sont les plus grandes créatrices d'emploi. Cette différence de fiscalité s'explique, toujours selon le même rapport, par le fait que nous disposons tout à la fois d'un taux marginal trop élevé et de trop nombreuses niches fiscales. La solution consisterait en une refonte globale de notre code général des impôts, et surtout des articles qui concernent l'impôt sur les sociétés, avec comme objectif de rapprocher le taux marginal du taux moyen d'imposition. Une telle réforme devrait être entreprise dans le cadre de la construction européenne. En tout état de cause, elle redonnerait de l'attractivité à notre territoire.
    Un autre sujet nous préoccupe tous, il s'agit de la fiscalité des personnes.
    Concernant cette question, je souhaite reprendre les deux engagements qui étaient ceux de François Bayrou lors de la dernières campagne présidentielle.
    En premier lieu, la baisse des prélèvements obligatoires doit s'appliquer prioritairement à la baisse du coût du travail et non pas nécessairement à la baisse de l'impôt sur le revenu. Une telle baisse serait en effet plus à même de relancer l'emploi alors que la baisse de l'impôt sur le revenu, si elle est tout à fait souhaitable, s'est traduite quelques fois par une hausse du taux de l'épargne.
    Je souhaite également rappeler notre volonté, souvent exprimée, de passer avant la fin de la législature au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Cette mesure permettrait des économies de fonctionnement importantes et serait certainement appréciée par l'ensemble des contribuables.
    J'en viens à la fiscalité du patrimoine et, plus particulièrement, à l'impôt de solidarité sur la fortune. J'entends déjà la rumeur monter de l'extrême gauche ; et pourtant, je veux seulement défendre des positions de bon sens.
    Nos propositions ne visent qu'à assurer l'égalité des citoyens devant l'impôt. Si celle-ci n'est pas assurée, mes chers collègues, cet impôt sera tout bonnement appelé à disparaître un jour ou l'autre. Vous devriez donc être d'accord avec moi pour indexer le barème de l'ISF sur l'inflation, comme cela se fait pour l'ensemble des autres impôts ; or nous ne l'avons pas fait depuis six ans, ce qui est proprement scandaleux. Cette indexation serait un signe politique fort à l'égard de ceux qui ont de l'argent : elle montrerait enfin qu'ils sont traités à égalité avec les autres citoyens.
    Il faudra aussi supprimer le « plafonnement du plafonnement » qui tue le rendement de l'ISF. Tous ceux qui doivent payer un montant d'impôts supérieur à leur revenu ne peuvent que fuir notre pays ; or ce n'est pas l'objectif poursuivi.
    Un mot enfin sur l'application d'un taux réduit de TVA à certains secteurs, qui est aussi un excellent exemple de l'amélioration possible du rendement de l'impôt. La France a décidé d'appliquer le taux réduit de TVA aux travaux d'entretien et d'amélioration du logement. Cette mesure a eu des effets positifs sur l'emploi mais également, ne l'oublions pas, sur les rentrées fiscales. Il faut à l'évidence la pérenniser.
    Mais au-delà de ce cas, la question de l'application du taux réduit à l'ensemble de la restauration se posera dès l'année prochaine. Le groupe UDF souhaite que le Gouvernement tienne ses engagements dès l'année à venir.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Ainsi que l'a démontré l'exemple du bâtiment, la baisse de la TVA dans la restauration serait du point de vue fiscal une mesure blanche, voire positive, pour l'Etat, et à coup sûr une mesure positive pour l'emploi.
    Un nouveau modèle en matière de fiscalité reste à inventer, un modèle qui prenne en compte les contraintes de la concurrence mondiale, mais aussi les exigences de notre modèle social. Dans cet esprit, le groupe UDF en appelle à une véritable refonte de notre fiscalité.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, pour quinze minutes.
    M. Jean-Pierre Brard. Aujourd'hui, j'ai du temps !
    M. le président. Nous connaissons votre concision, monsieur Brard : vous respecterez votre temps de parole.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, face à un Gouvernement qui accomplit de telles prouesses, ...
    M. Yves Deniaud. Très bien !
    M. Jean-Pierre Brard. ... on est forcément inspiré !
    Monsieur le ministre, notre rapporteur général disait tout à l'heure que vous étiez arc-bouté au plafond. (Sourires.) En regardant le plafond, je me disais : mais comment fait-il donc ?
    M. Jérôme Lambert. La chute sera rude !
    M. Jean-Pierre Brard. Surtout ici : le plafond est haut ! (Rires.)
    Puis je me suis souvenu de nos origines communes : pour reconnaître un vrai Normand, dit-on, il suffit de le prendre à la naissance et de le lancer au plafond. S'il y reste accroché, c'est un vrai Normand. J'y ai donc vu, de la part du rapporteur général, une référence à vos origines provinciales... (Sourires.)
    Le débat d'orientation budgétaire pour 2004, que nous tenons ce matin, permettra de mettre en évidence - et chacun peut commencer à les mesurer dans toute leur ampleur - les dégâts de la politique financière, mais aussi économique et sociale, que vous conduisez depuis maintenant un peu plus d'un an avec une redoutable cohérence. Les membres de ce Gouvernement n'ont qu'un mot à la bouche : pragmatisme. En réalité, il faut dire « idéologie ». « Alain Lambert, c'est l'idéologue au bocage », me disais-je en pensant à vous ce matin, monsieur le ministre. (Sourires.) Eh oui ! Vous donnez tous dans la discrétion dans ce Gouvernement ! M. Fillon est aussi un idéologue, M. Copé est un idéologue... Et que dire de ceux qui ont tenu la plume pour rédiger le fameux programme « Alternance 2002 » ! Certains de nos collègues, hélas ! ne l'ont pas assez lu, en particulier à droite !
    M. Jérôme Lambert. Ce sont des idéologues à la petite semaine !
    M. Jean-Pierre Brard. Erreur, mes chers collègues : vous les sous-estimez ! Il ne faut jamais sous-estimer l'adversaire politique. C'est non seulement une question de respect, mais aussi un gage d'efficacité pour le combattre.
    M. Maxime Gremetz. Très bien ! C'est Marx qui disait cela !
    M. Yves Censi. Tandis que M. Brard n'est pas une idéologue : c'est un doctrinaire !
    M. Jean-Pierre Brard. Allons, monsieur Censi ! J'en connais qui adhèrent à une doctrine qui remonte à plus de 2000 ans...
    M. Yves Censi. Exact !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Elle n'est pas si mauvaise que cela !
    M. Jean-Pierre Brard. Autant dire que, sur ce point, vous avez l'antériorité et je ne saurais subir de leçon de votre part ! Mais nous ne sommes pas tout à fait sur le même registre.
    M. Yves Censi. J'en suis fier !
    M. Jean-Pierre Brard. Les indicateurs passent - n'y voyez aucune connotation malicieuse - au rouge les uns après les autres. Ainsi avons-nous appris il y a deux semaines que l'emploi salarié avait reculé en France au premier trimestre, pour la première fois depuis 1996, en raison d'importantes suppressions d'emplois dans l'industrie et le tertiaire ; cette dégradation est lourde de conséquences pour la sécurité sociale ou l'assurance chômage. L'emploi salarié dans le secteur concurrentiel a reculé de 0,3 % au premier trimestre - 49 000 postes supprimés en trois mois, à croire les chiffres publiés vendredi dernier par le ministère du travail. L'industrie, en baisse continue depuis la mi-2001, accuse les plus lourdes pertes avec un recul de 0,8 % de l'emploi salarié, soit 31 000 postes supprimés, ce trimestre, et de 2,2 % sur un an : 89 000 postes en moins ! Les industries de biens de consommation, l'énergie et les industries de biens intermédiaires, où les suppressions d'emplois ont doublé ce trimestre, figurent parmi les secteurs les plus touchés. De plus, la semaine dernière, le chômage a été annoncé à nouveau en hausse par l'INSEE. Déjà parvenu à 9,3 % en mai, le taux devrait grimper à 9,6 % en décembre - personne ne saurait s'en réjouir - en dépit du ralentissement sensible, lié aux facteurs démographiques, de l'augmentation de la population active, lequel a pour effet d'atténuer, en affichage tout au moins, les conséquences néfastes de votre politique de l'emploi - ou plutôt de l'absence de politique de l'emploi.
    Autre élément négatif, le fort ralentissement de l'évolution du pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages. Celui-ci ne progressera que de 1,2 % en 2003, contre 2 % en 2002 et 3,3 % en 2001. A l'évidence, la consommation des ménages s'en ressentira.
    Par ailleurs, on l'a dit, la Cour des comptes a dénoncé, au début du mois de juin, le choix budgétaire arrêté par le Gouvernement de M. Raffarin en 2002, lequel a consisté à laisser le déficit se creuser plutôt que de mettre en oeuvre un plan d'assainissement des finances publiques. Il ressort des analyses des magistrats de la Cour que la majorité a chargé l'héritage du précédent gouvernement et laissé filer les dépenses - Jean-Claude Sandrier l'a excellemment rappelé tout à l'heure.
    Le journal Les Echos, dans son numéro du mercredi 4 juin, résume ainsi la manipulation révélée par la Cour. Mais est-ce vraiment une manipulation ? Le terme est péjoratif. On est de nouveau dans l'idéologie que ce Gouvernement s'attache à mettre en action avec l'habileté qu'on lui connaît. Dans les chemins creux du bocage, on est plus rusé qu'ailleurs, monsieur le ministre, vous le savez bien ! Je sens d'ailleurs M. Méhaignerie un peu jaloux de ces perpétuelles références au bocage de l'Orne. (Sourires.)
    Je cite Les Echos : « En l'absence de contrôle réel, les ministères dépensiers ont consommé le maximum de leurs crédits disponibles en puisant sur leurs réserves. » Au total, un déficit de 49,3 milliards d'euros. C'est le plus fort jamais observé depuis huit ans. Il est supérieur de 4,7 milliards d'euros à l'hypothèse la plus défavorable émise dans l'audit des finances publiques, et même supérieur aux objectifs réajustés dans le collectif de décembre. Du jamais vu depuis 1997 - période à laquelle vous faites toujours référence.
    Outre l'inadéquation des prévisions économiques initiales et la sous-estimation des dépenses réelles, la Cour des comptes pointe les erreurs d'appréciation du Gouvernement, qui a bâti le collectif d'été sur des perspectives économiques encore optimistes et dégradé significativement le déficit en se calant sur la fourchette haute de l'audit.
    Au-delà de ce constat sévère sur les dépenses, il faut revenir sur les baisses d'impôt déjà votées et qui sont appelées à se poursuivre pour atteindre l'objectif  - là encore, purement idéologique - d'une baisse de 30 % des impôts et des cotisations sociales, annoncé par le Président de la République durant sa campagne électorale. Objectif purement idéologique, ai-je dit, d'autant que les assujettis à l'impôt ne réclamaient rien. Or il faut défendre l'impôt à cette tribune, car c'est le moyen d'alimenter les politiques publiques qui assurent la cohésion nationale et qui sont garantes de la mise en oeuvre du contrat social.
    Il faut avoir à l'esprit - et nul doute que vous l'ayez, monsieur le ministre - la profession de foi du Président de la République telle qu'il l'a exprimée à la télévision le 14 juillet 2002 : « Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y aura une poursuite de l'allégement de l'impôt sur le revenu, si c'est cela que vous voulez savoir. » Et le Président de préciser : « Quand je parle de baisse des impôts et des charges, je me suis pas en train d'affirmer un credo politique ou idéologique. » Toujours le même registre, on le voit ! Lorsque quelqu'un vous dit qu'il ne fait pas d'idéologique, ce n'est même pas la peine de chercher où est l'erreur.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous savez de quoi vous parlez !
    M. Yves Censi. Ça oui, il en sait quelque chose !
    M. Jean-Pierre Brard. Justement ! C'est l'hommage du vice à la vertu, monsieur Censi ! Vous même me reconnaissez habilité pour juger qui est pratiquant ou qui ne l'est pas en la matière. Vous l'êtes aussi, monsieur Censi, même si c'est parfois sans le savoir.
    Mais revenons aux propos du Président de la République : « Quand je parle de baisse des impôts et des charges, je ne suis pas en train d'affirmer un credo politique ou idéologique : c'est une mesure de sauvegarde. C'est vital. Ce n'est pas un choix politique : c'est un choix de survie. Si nous ne le faisons pas, alors nous continuerons à nous enfoncer par rapport à nos voisins, et donc à augmenter notre chômage et notre pauvreté ».
    Les impôts ont été baissés. Le chômage a augmenté. Donc, vous avez tout faux !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Regardez sur une longue période !
    M. Jean-Pierre Brard. Sur une longue période ? Vous ne pensez tout de même pas qu'on va vous laisser au pouvoir sur une longue période !
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quatre ans !
    M. Maxime Gremetz. Il ne suffit pas d'appliquer l'article 40 pour supprimer le chômage !
    M. Jean-Pierre Brard. Quatre ans, dit notre collègue. Oui, c'est une bonne période, même si je la trouve déjà un peu longue...
    M. Philippe Auberger. Vous n'êtes pas démocrate, alors !
    M. Jean-Pierre Brard. Ne croyez pas cela, monsieur Auberger, c'est tout simplement que je compte sur le président de la République, qui saura poursuivre ses bonnes pratiques.
    M. Philippe Auberger. Vous prenez vos désirs pour des réalités !
    M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout ! Ce n'est pas moi qui ai dissous en 1997, mais le Président de la République. Cette dissolution avait été qualifiée par certains de hasardeuse ; loin d'être hasardeuse, elle fut très pertinente. Après tout, pourquoi ne pas recommencer ?
    Enfin, à la question d'un journaliste : « Est-ce que cela peut vouloir dire qu'en 2004 les Français peuvent s'attendre à un peu de rigueur ? », le Président répondait : « Je ne pense pas du tout, compte tenu de ce que je viens de dire des perspectives de croissance, que la rigueur soit un ordre du jour ». Evidemment, rien de cela n'était vrai - depuis un an, nous avons vu ce qu'il en était.
    M. Maxime Gremetz. C'est l'austérité !
    M. Jean-Pierre Brard. S'agissant de la rigueur, il est désormais clair qu'elle se profile à un horizon très rapproché. Nous y reviendrons, car elle sera multiforme et très douloureuse pour nos concitoyens ; elle commence déjà à faire sentir ses effets concrets. Mais, pour ce qui est des baisses d'impôts, nous allons assister à cette absurdité qu'au moment même où l'on recherche des économies et des ressources nouvelles pour financer le système de retraite par répartition, le Gouvernement va consentir un fabuleux cadeau de 30 milliards d'euros à des contribuables qui n'en ont aucunement besoin.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission.
Ce n'est pas fait !
    M. Jean-Pierre Brard. Ah ! Ce n'est pas fait ? M. Méhaignerie va rejoindre le camp de la raison, je le sens. Ca serait une nouveauté. Cela intéressera les médias qui y trouveront matière à rompre la morosité et le côté parfois atone de nos débats sur le sujet.
    M. le président. Il faut songer à conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Je n'ai pas épuisé tout à fait mon temps de parole, monsieur le président.
    M. le président. Il sera épuisé dans une minute.
    M. Jean-Pierre Brard. M. Raffarin vient de déclarer : « La baisse des impôts pesant sur les ménages et les entreprises sera poursuivie. Au total, sous une forme ou sous une autre, l'impôt sur le revenu continuera à être significativement abaissé. » Voilà qui est bizarre car il est un impôt, particulièrement injuste, auquel vous ne touchez pas : la TVA. Pourtant, c'est l'impôt que tout le monde paye, en particulier les plus pauvres.
    Il est vrai que vous, vous n'avez pas le coeur à gauche, mais à droite, c'est-à-dire du côté où les privilégiés ont leur coffre-fort ! Au lieu de faire des gestes en faveur de la consommation, qui fait marcher la machine économique, vous continuez à réduire l'impôt de ceux qui, lorsqu'ils ont de l'argent en plus, ne le mettent pas dans la consommation, mais dans...
    M. Maxime Gremetz. La spéculation !
    M. Jean-Pierre Brard. ... la spéculation, parfaitement.
    Comme mon temps de parole est bientôt épuisé, avez-vous dit, monsieur le président...
    M. Michel Bouvard. Nous aussi ! (Sourires.)
    M. le président. Votre temps de parole, mais pas vous, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre-Brard. Je vous remercie de cet hommage auquel je suis sensible, monsieur le président.
    Tout à l'heure, nous avons entendu M. Gantier qui est un excellent député car il défend toujours ses électeurs : les archiduchesses et autres privilégiés du XVIe (Rires). Ce n'est d'ailleurs pas très conforme à la tradition française : chez nous, les élus de la nation n'ont pas de mandat impératif. Il n'est donc pas obligé de dire ici ce que ses électeurs attendent de lui. Quoi qu'il en soit, c'est un scandale, à l'entendre, que l'impôt sur la fortune n'ait pas été maintenu dans sa forme initiale. M. Gantier est pourtant bien placé pour savoir que vous avez commencé à le démanteler. Vous nous répétez inlassablement que la France n'est pas un Etat moderne au motif que l'impôt sur la fortune n'existerait pas dans les autres pays.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. En effet, ce n'est pas vrai ! Sur ce sujet comme sur les autres, vous affabulez, et je vais vous en donner des exemples.
    M. le président. Un seul exemple, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Un seul exemple, que je déclinerai, pour faire bref, monsieur le président.
    Commençons par le coût du recouvrement : à vous croire, l'ISF est un impôt qui coûte cher. Ce n'est pas vrai ! Le coût de recouvrement ne représente que 1,63 % de son produit. C'est moins que celui de l'impôt sur le revenu. Sans parler de la fraude, estimée à 50 %. Que faites-vous pour la combattre ? Rien du tout, parce que ce sont les privilégiés.
    Quant à dire que nous serions les seuls, c'est parfaitement faux. Le taux en France est de 1,8 pour un patrimoine supérieur à 15 millions ; en Espagne, il est de 2,5 pour un patrimoine supérieur à 10 millions d'euros, et le plafonnement cumulé est tout à fait comparable à ce qui existe chez nous. L'impôt sur la fortune existe en Finlande, au Luxembourg, en Suède. Il n'est jusqu'à la Suisse, le pays des coffres-forts bien remplis, où les collectivités elles-mêmes - le saviez vous ? - ont le droit de voter l'impôt sur la fortune ! Certaines ne s'en privent pas. C'est à côté de chez vous, monsieur Michel Bouvard, allez y faire un voyage d'études et nous en restituer les résultats ! Nous pourrions ainsi, même si ce pays n'est pas encore dans l'Union européenne,...
    M. Michel Bouvard. La Suisse contribue largement au budget des collectivités locales voisines, pour compenser notamment le déficit d'investissement de l'Etat en France !
    M. Jean-Pierre Brard. ... les bonnes pratiques suisses, en tout cas les quelques-unes qui le méritent, dans ce pays qui n'est vraiment pas un modèle de transparence.
    M. le président. Monsieur Brard, il faut vraiment conclure !
    M. Jean-Pierre Brard. Je conclus.
    M. le président. Nous allons terminer bien après treize heures, voire au-delà de treize heures trente si nous continuons à ce rythme. Je vous demande instamment, mes chers collègues, de respecter votre temps de parole afin que vous puissiez entendre la réponse du ministre.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie, monsieur le président, mais comme j'aurais été quasiment le premier à ne pas dépasser mon temps, il eût été inéquitable de vous en prendre à moi...
    M. le président. Vous pourriez être un modèle de vertu, monsieur Brard - cela vous changerait peut-être. (Sourires.)
    M. Yves Censi. Il pourrait !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais je le suis régulièrement, en bon héritier de Saint-Just. (Rires.)
    En conclusion, monsieur le ministre, vos orientations budgétaires sous-tendent à l'évidence une politique d'injustice, dure pour les plus modestes, favorable aux privilégiés. C'est ainsi que je voulais la résumer.
    M. Yves Censi. C'est votre catéchisme !
    M. Jean-Pierre Brard. Et je suis persuadé que l'idéologue du bocage apprécie mes propos : il sait, dans son for intérieur, que c'est la vérité !
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, le débat d'orientation budgétaire qui nous réunit ce matin se tient dans un contexte particulier, marqué par deux difficultés majeures que vous n'avez pas éludées : premièrement, le déficit fort de nos finances publiques, qui s'est établi à 3,1 en 2002 et qui devrait sans doute atteindre 3,4 en 2003 ; deuxièmement, la difficulté d'établir une prévision de croissance fiable pour l'exercice 2004, dans un contexte où le redémarrage de l'économie mondiale, attendu après la fin de la guerre en Irak, ne se manifeste pas encore clairement et où les conséquences de l'éclatement de la bulle des télécommunications et de la Bourse se font encore sentir.
    Dans ce contexte, et alors qu'il s'agit bien d'un débat d'orientation budgétaire destiné à présenter les options retenues par le Gouvernement pour construire le budget pour 2004, et non de la présentation du budget lui-même, peut-on, comme le font certains de nos collègues de l'opposition, reprocher au Gouvernement de ne pas être plus précis et, de plus, lui faire porter la responsabilité de la situation présente, en feignant d'ignorer le passé, pourtant encore récent ?
    Pour ma part, je ne peux que souscrire, monsieur le ministre, aux options novatrices que vous nous proposez, qu'il s'agisse de celle qui consiste à construire un budget sur une base de croissance nulle de la dépense publique ou de celle qui vise à donner la priorité à la réduction des prélèvements, et donc de la fiscalité, en gageant celle-ci sur la diminution des charges de l'Etat, autrement dit, en effectuant des économies sur le fonctionnement.
    La croissance nulle de la dépense publique s'impose à nous dans le contexte de dépassement des règles fixées par l'Union européenne - j'y reviendrai dans un instant. Toutefois, elle ne doit pas être seulement le résultat d'une contrainte. Elle doit être - et elle est - un acte politique volontaire, car c'est bien de l'excès de la dépense publique que viennent nos difficultés actuelles.
    La croissance des années 1998-2001 a permis de masquer en partie les effets désastreux de la politique de dépense publique suivie à cette époque, où, à chaque fois que cette question était évoquée ici même, il était invariablement répondu que, en pourcentage, le poids de l'annuité de la dette ou celui des dépenses de personnel de l'Etat - pour ne prendre que ces deux exemples - au regard du PIB permettait de parler, comme l'a encore fait tout à l'heure Didier Migaud, de maîtrise de la dépense publique.
    Ce raisonnement, appuyé sur des chiffres justes en pourcentage, ne peut évidemment tenir que dans un contexte de croissance soutenue et durable. Or qui pouvait prétendre que, sur une longue période, notre pays ne serait pas confronté, dans un contexte d'économie globalisée, à un retournement de tendance ?
    La vérité est que les gouvernants de l'époque, comme certains grands patrons, se sont sans doute laissé prendre au piège du nouvel âge d'or, assis sur le développement de l'économie internet et des nouvelles technologies, et cela à un moment où le débat sur la cagnotte faisait oublier que le déficit était toujours présent...
    M. Gérard Bapt. C'est vous qui l'avez lancé, le débat sur la cagnotte !
    M. Michel Bouvard. ... et où le rapporteur général de l'époque s'efforçait d'épargner au pays des dépenses nouvelles, alors que ses collègues de la majorité d'alors voulaient s'empresser de dépenser les crédits.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous savez que vous êtes là depuis plus d'un an ?
    M. Michel Bouvard. La vérité est que l'on a cru pouvoir différer le dossier des retraites en lui trouvant une solution, pour partie virtuelle,...
    M. Augustin Bonrepaux. Et vos solutions, elles ne sont pas virtuelles ?
    M. Michel Bouvard. ... dans la mise en place du seul fonds de réserve des retraites, doté par le produit des privatisations, dont on imaginait, étant donné le climat euphorique de la Bourse à l'époque, qu'il allait augmenter chaque année. Cela a d'ailleurs permis au gouvernement Jospin de réaliser en cinq ans plus de produits de la cession d'actifs de l'Etat que les gouvernements Balladur et Juppé réunis.
    M. Yves Censi. C'est vrai !
    M. Michel Bouvard. Quant à la cession des licences de téléphonie mobile, les fameux UMTS, dont vous nous disiez alors, chers collègues, que l'on pouvait même en vendre une de plus, on sait comment l'histoire s'est terminée.
    M. Yves Censi. Par un fiasco !
    M. Augustin Bonrepaux. Parlez-nous plutôt de ce que vous voulez faire ! Parlez-nous de la réalité !
    M. Michel Bouvard. Pour que vous puissiez sauver la face et remplir un engagement hâtif sur la dotation destinée au fonds de réserve des retraites, nous avons vécu la semi-privatisation d'Autoroutes du sud de la France, laquelle donna d'ailleurs lieu à une bataille mémorable entre Jean-Claude Gayssot, qui, légitimement, réclamait qu'une partie de la vente des actifs revienne au financement des infrastructures, et Mme Guigou, qui voulait en affecter le produit au financement d'une dépense de fonctionnement, car les retraites sont bien une dépense de fonctionnement.
    Si j'ai fait ces rappels, mes chers collègues, c'est, non pour montrer du doigt la gestion passée - le jugement a été rendu par nos concitoyens, et, en République, c'est au peuple seul qu'il appartient, par le suffrage universel, de sanctionner ou d'appuyer une politique -, mais pour éclairer le présent, pour dire que le choix fait par le Gouvernement de la prudence et de la modestie dans les prévisions et dans l'orientation budgétaire est totalement justifié.
    Le renversement de conjoncture engagé dès 2001, accentué en 2002 et en 2003, ne saurait être imputable à la majorité d'aujourd'hui, pas plus qu'il ne l'est à celle d'hier : il résulte du contexte mondial.
    M. Yves Censi. Absolument !
    M. Michel Bouvard. Chacun peut constater que tous les pays de l'Europe sont touchés. C'est le cas de notre principal partenaire, l'Allemagne, qui n'a toujours pas fini de payer le prix de sa réunification et qui est confrontée à une démographie catastrophique. Or les difficultés que subit ce pays ont des conséquences sur le nôtre.
    Dans ce contexte, le poids des emplois publics, dont le nombre a été accru de façon déraisonnable, ...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est exact !
    M. Michel Bouvard. ... malgré les mises en garde incessantes de la Cour des comptes - juridiction dont vous n'hésitez pas aujourd'hui à vous servir des avis pour juger l'exécution du budget de 2003 -, se fait sentir plus que jamais. Les recettes diminuant, les emplois, qui constituent une dépense obligatoire, dévorent nos marges d'investissement et d'intervention, ainsi que le montre très bien le tableau figurant à la page 41 du rapport : on y voit combien ont fondu, en dehors du remboursement de la dette et du poids des emplois publics, les capacités d'intervention de l'Etat pour les budget d'investissement.
    C'est bien entre 1997 et 2002, que nous sommes passés de près de 41 % à plus de 43 % du budget...
    M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes en 2003 ! Et bientôt nous serons en 2004 !
    M. Michel Bouvard. ... pour rémunérer la fonction publique et pour payer l'expansion du secteur public de l'Etat, ce qui a contribué à rigidifier le budget.
    L'emploi a été accru dans la fonction publique d'Etat, mais il a aussi progressé dans les entreprises publiques, comme la SNCF ou EDF, en raison de l'application des 35 heures, ce qui a fragilisé les comptes de ces entreprises, renchéri leurs coûts d'exploitation et abouti à la nécessité d'un relèvement des tarifs, pratique que l'opposition dénonçait tout à l'heure sans pudeur.
    M. Yves Censi. Eh oui !
    M. Michel Bouvard. Je pourrais ajouter, s'agissant d'EDF, que cette entreprise, prise dans l'euphorie boursière, s'est engagée dans une politique d'acquisition hasardeuse dans certains pays étrangers.
    M. Yves Deniaud et M. Yves Censi. Très juste !
    M. Michel Bouvard. De même, la dette, dont le volume n'a jamais cessé de s'accroître en valeur absolue, même si l'annuité de remboursement diminue en pourcentage du PIB, permettant ainsi d'afficher des chiffres faussement flatteurs, fait sentir tout son poids dans un contexte de moindres recettes : 645 milliards d'euros en 1995, 897 milliards en 2002. Encore échappons-nous, avec la diminution des taux d'intérêt, à un effet ciseau qui serait désastreux, puisqu'un relèvement des taux porterait la dette au premier poste du budget de l'Etat.
    Le budget en croissance nulle nous met donc à l'abri des tentations de dépenses nouvelles, assises sur des prévisions toujours aléatoires et souvent trop optimistes, comme le passé nous l'enseigne.
    Je souscris aux orientations retenues par le Gouvernement, qui nous obligent à nous attaquer à la réduction des effectifs de l'Etat. Cela ne correspond pas à une orientation idéologique, mais à une nécessité.
    Mes chers collègues, qui parmi nous peut ignorer le tableau présenté à la page 45 du rapport du Gouvernement sur les départs en retraite des fonctionnaires civils de l'Etat jusqu'en 2015 ?
    Mme Marie-Anne Montchamp. Le tableau est éloquent !
    M. Michel Bouvard. Qui peut ignorer que ces départs auront pour effet automatique d'accroître le nombre des retraites de pensionnés de l'Etat et donc de la dépense publique dans une proportion jamais connue dans le passé ? Dès lors, la réduction du nombre des fonctionnaires actifs n'est pas souhaitable, elle est indispensable.
    Tout comme était indispensable la réforme des retraites de la fonction publique, régime pour lequel il convient de rappeler, car beaucoup de nos concitoyens l'ignorent encore, qu'il n'existe pas de provisions, non plus que de caisse de retraite. A cet égard, la création dans le budget de l'Etat du compte des pensions, prévue par la loi organique relative aux lois de finances, constitue une véritable avancée.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !
    M. Michel Bouvard. Quant à la poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires - autre orientation -, elle peut redonner de la compétitivité à nos entreprises, renforcer l'attractivité de notre territoire et donner des marges de manoeuvre pour la consommation de nos concitoyens. Là aussi, vous avez fait le seul choix possible en gageant les réductions d'impôt sur des économies durables, contrairement à ce qui se faisait dans le passé, où les réductions d'impôt étaient gagées sur la seule croissance, si bien que lorque la croissance se retournait, on se retrouvait avec des dépenses à assumer - et c'est ce qui nous arrive aujourd'hui, puisque nous supportons les conséquences des choix du gouvernement précédent.
    M. le président. Monsieur Bouvard, il faut conclure.
    M. Michel Bouvard. J'en termine, monsieur le président.
    J'évoquerai très brièvement deux nécessités.
    La première, c'est que la croissance zéro du budget de l'Etat n'aboutisse pas à réduire en priorité les budgets d'investissement et d'intervention de l'Etat, qui n'ont déjà pas bénéficié des années de croissance et dont la part dans le PIB a diminué au cours des dernières années. Les ministres devront plus que jamais devenir des gestionnaires de leur ministère et de leurs administrations, et s'attacher à en améliorer les performances pour dégager les marges de manoeuvre permettant de financer une politique active.
    La deuxième nécessité consiste à mettre en oeuvre la décentralisation. Nous souscrivons au transfert de compétences vers les collectivités locales comme à l'externalisation d'un certain nombre d'activités, qui permettront une gestion plus efficace.
    M. le président. Monsieur Bouvard, il faut vraiment conclure.
    M. Michel Bouvard. J'ai fini, monsieur le président.
    Pour autant, ces transferts doivent s'opérer sur des bases sincères, et il ne faut pas recommencer à procéder à des transferts sans les accompagner des moyens financiers nécessaires, comme cela a été le cas, par exemple, avec l'APA.
    Par ailleurs, au moment où l'Europe se dote d'une constitution, il serait temps de demander à la Banque centrale européenne de ne pas être seulement la garante du taux d'inflation mais d'avoir aussi une responsabilité en matière de soutien à la croissance.
    M. Yves Deniaud et M. Yves Censi. Très bien !
    M. Michel Bouvard. Enfin, après six mois d'audition dans le cadre de la LOLF, j'en ai acquis deux convictions profondes. La première, c'est que l'Etat peut effectivement dégager de marges de performance : aucun des responsables de ministère et aucun des agents de l'Etat que nous avons rencontrés n'a omis de signaler que l'Etat dispose d'une marge de productivité. Ma seconde conviction, c'est que l'administration du pays est prête à accomplir cet effort : après autant d'années de négligence dans l'administration française, c'est presque un miracle. Je pense que l'on doit faire confiance à l'administration dans sa capacité de se réformer et de nous permettre de gagner ensemble le pari d'une croissance durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour dix minutes.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire paraît un peu surréaliste : le ministre des finances n'est pas là - M. Mer est à la mer - et il laisse au ministre délégué au budget le soin d'assumer seul une politique désastreuse condamnée ce matin par l'UDF de M. Bayrou !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Certainement pas ! C'est l'inverse !
    M. Gérard Bapt. Nous avons entendu M. Perruchot !
    M. Augustin Bonrepaux. Cette majorité paraît oublier qu'elle est au gouvernement depuis près de quatorze mois. Elle ne tire aucun enseignement de ses erreurs, aucune leçon des rapports de la Cour des comptes ou de la Commission européenne, aucun compte de la situation calamiteuse - catastrophique, a dit M. Bayrou ce matin - de notre économie. Les orientations qui nous sont proposées sont floues et incertaines. On a fait le choix de poursuivre une politique marquée par une idéologie ultra-libérale et qui nous a conduits là où nous sommes aujourd'hui.
    Pourtant les résultats de cette politique sont significatifs. Alors que l'audit de juin 2002 évaluait le déficit à 2,6 % du PIB, six mois plus tard, il atteignait 3,1 %. Et, aujourd'hui, il serait, selon M. le ministre, de 3,5 ou 3,6 % du PIB - d'autres prétendent même qu'il serait plus proche de 4 %. Mais qui peut dire ici avec précision à combien il se monte exactement ? Personne n'en sait rien !
    La Cour des comptes et la Commission européenne sont sévères avec vous dans leurs commentaires et elles pointent le doigt sur vos responsabilités.
    M. Michel Bouvard. Et sur les vôtres !
    M. Augustin Bonrepaux. Ainsi, la Cour des comptes souligne que « la poursuite de la baisse des impôts non gagée par de moindres augmentations pérennes de dépenses a fortement dégradé le déficit ».
    M. Alain Claeys. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Elle constate également que c'est « le collectif d'été, pourtant construit sur les hypothèses les plus défavorables de l'audit, qui a dégradé significativement le déficit ». Cela relève bien de votre responsabilité ! Ayez le courage d'assumer vos décisions !
    Ayez le courage d'assumer la réduction de l'impôt sur le revenu, ce formidable cadeau fiscal qui n'a en rien fait progresser la consommation, celle-ci ayant même enregistré au mois de mai une chute comme nous n'en avions pas connu depuis cinq ans.
    Quant à la Commission, elle dit très clairement que « le déficit excessif ne résulte pas d'un événement exceptionnel indépendant de la volonté des autorités françaises » et que « la grave détérioration de la situation budgétaire de 2002 provient principalement du dérapage des dépenses et de la mise en oeuvre de réductions fiscales ». C'est bien vous qui les avez décidées !
    En ne tirant pas la leçon des conséquences de l'application de cette idéologie désastreuse pour notre économie, en poursuivant la baisse de l'impôt sur le revenu et de l'ISF en 2003, ces cadeaux fiscaux inutiles, vous poursuivez une politique suicidaire...
    M. Yves Censi. Il n'est pas suicidaire de baisser les impôts !
    M. Augustin Bonrepaux. ... dont les graves effets se font sentir dans tous les secteurs et frappent en priorité les plus défavorisés. Ainsi, les crédits du fonds social logement diminuent, les entreprises d'insertion connaissent des difficultés et la situation des ministères des affaires sociales et de la santé se dégrade ainsi que l'ont signalé M. Fillon et M. Mattei !
    M. Gérard Bapt. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais la situation que connaissent ces deux ministères est un peu celle à laquelle sont confrontés tous les ministères.
    L'économie se dégrade avec la chute brutale de la consommation : en mai, moins 1,6 %. C'est un record depuis cinq ans ! La baisse de la consommation est bien le résultat d'un manque de soutien et des cadeaux fiscaux qui ne sont destinés qu'aux privilégiés. Mais les plus modestes ont été oubliés !
    M. Michel Bouvard. Et la hausse du SMIC de plus de 5 % ? Ce n'est tout de même pas pour les privilégiés !
    M. Augustin Bonrepaux. Quant à l'emploi, il enregistre une chute de 0,3 %, pourcentage qui n'avait pas été atteint depuis 1996.
    Voilà la réalité ! Ces chiffres résultent de votre politique !
    M. Michel Bouvard. La hausse du SMIC, oui ! Mme Aubry, elle, avait gelé le SMIC ; elle en avait même créé plusieurs !
    M. Augustin Bonrepaux. Plus grave encore : vous entretenez cette politique en gelant les crédits. Ainsi, ceux de la formation sont tellement réduits que l'Etat ne peut pas honorer ses contrats, par exemple ceux qu'il a passés avec la fédération des industries textiles. Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, les difficultés que rencontre le secteur textile. Eh bien, dans la région Midi-Pyrénées, l'accord national concernant la formation et l'emploi, signé en mars 2003 par l'Union des industries textiles et les partenaires sociaux, n'a pu être appliqué en raison du gel des crédits : l'objectif de former 1 500 salariés ne peut être tenu parce que l'Etat n'a pas les moyens de financer sa participation, qui s'élève à 120 000 euros ! Pire, dans le cadre des actions en faveur des salariés licenciés, le contrat prévoyant une formation ne peut être honoré parce qu'il manque 85 000 euros ! Aussi vous poserai-je une question simple, monsieur le ministre : allez-vous dégeler les crédits de la formation ?
    Mais vous entretenez aussi votre politique par des réductions, voire des gels de dépenses d'investissement, ce qui compromet l'avenir. Ainsi, le fonds national des adductions d'eau est réduit de plus de 60 %, ce qui pénalise l'équipement de toutes les zones rurales, et donc tous les investissements futurs. De même, le gel des crédits du FNADT compromet tous les projets des associations de pays, lesquelles n'ont d'ailleurs pas reçu les crédits contractualisés l'an dernier par l'Etat. Enfin, vous remettez en cause les contrats de plan. Bref, avez-vous une politique d'aménagement du territoire et quels en sont les moyens ?
    Les gels de crédits ont également des conséquences néfastes sur les carnets de commandes des entreprises. Ils compromettent tout l'investissement futur.
    Si je persiste à dire que le débat de ce matin est surréaliste, c'est qu'après la réunion de la commission des finances, après nos questions et après vos interventions, nous ne sommes pas plus éclairés qu'avant.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous ne savons pas quelles sont vos orientations, ni même si vous en avez.
    En commission des finances, M. Mer a déclaré : « La politique du Gouvernement est claire. Il s'agit de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, de refuser d'augmenter les prélèvements obligatoires et d'accepter que le déficit dépasse le seuil de 3 %. » Mais, monsieur le ministre, ce n'est pas là une politique ! C'est se laisser ballotter au gré des événements, tout en poursuivant, c'est vrai, l'idéologie qui vous conduit à aggraver encore la situation par des réductions d'impôt et de charges mal évaluées.
    M. le rapporteur général a fait une remarque de bon sens - la seule d'ailleurs - lorsqu'il a suggéré d'évaluer la charge financière de tous les projets de loi votés, lesquels représentent déjà à la date d'aujourd'hui une dépense supplémentaire de 1,8 milliard d'euros, sans compter les dépenses induites et mal évaluées de la réforme des retraites.
    M. Mer nous explique que l'évaluation de la croissance en 2004 est un exercice très délicat, ou encore que l'incertitude s'accroît lorsque l'on cherche à évaluer les recettes fiscales. Dans ces conditions, comment va-t-on bâtir un budget ? Compte tenu de ces incertitudes, comment le Président de la République et le Premier ministre peuvent-ils encore annoncer des réductions d'impôt sur le revenu ? Sur quelles prévisions peuvent-ils se fonder ? Qui pilote réellement le pays ?
    Pourquoi faut-il encore décider des baisses d'impôt sur le revenu ? On prétend que c'est pour rendre notre pays plus attractif. Or, aujourd'hui, un journal d'économie montre que le pays le plus attractif du monde est la France pour l'essor spectaculaire que nous avons connu depuis 1998. Même si celui-ci s'est un peu réduit en 2002 - depuis que vous êtes là ! -, il reste tout de même supérieur à celui de tous les autres pays.
    M. Didier Migaud. C'est un constat de la Banque de France. Vous avez raison.
    M. Augustin Bonrepaux. Dans le même temps, on affirme qu'il faut continuer les cadeaux fiscaux, mais c'est surtout pour pouvoir en faire aux plus favorisés.
    M. Georges Tron. Parce que baisser les impôts, ce n'est pas attractif ?
    M. Yves Censi. N'y aurait-il pas de lien de cause à effet ?
    M. Augustin Bonrepaux. Vous seriez avisé, monsieur le ministre, d'écouter un peu les conseils du président et du rapporteur de la commission des finances quand ils vous disent qu'avant de faire toutes ces dépenses, il faut en évaluer le coût !
    M. Didier Migaud. Ils ont raison pour une fois !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous en sommes à 1,800 milliard, sans compter les dispositions d'allégement qui vont être prises dans le cadre de la réforme des retraites et les déductions fiscales qui seront peut-être décidées quand on privatisera l'assurance maladie... Est-il bien raisonnable de poursuivre cette orientation suicidaire, que même l'UDF et M. Bayrou critiquent sévèrement ?
    M. Yves Censi. C'est incroyable ! Vous l'aimez ! (Sourires.)
    M. Augustin Bonrepaux. Ce dernier a déclaré ce matin : « Il va être temps de prendre des options courageuses. Par exemple, de cesser de parler de baisses d'impôt, tant que nous n'aurons pas rejoint l'équilibre. Il est temps d'avoir une politique responsable, équilibrée. Je suis pour qu'on soit rigoureux, pour qu'on revienne à l'équilibre. » Il faudrait dire ça au Président de la République et au Premier ministre, qui ne semblent ni courageux ni responsables.
    M. Didier Migaud. M. Bayrou est lucide !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes dans l'impasse. Et ce manque de sérieux est surtout flagrant pour les dépenses. Comment pouvez-vous annoncer un grand projet pour le logement, alors que vous n'êtes même pas capables de payer les dépenses courantes, comme le montre la lettre que vous ont adressée M. Fillon et M. Mattei ? Alors que vous êtes obligés, pour financer l'allocation personnalisée d'autonomie, d'emprunter, c'est une première, 400 millions d'euros ? D'ailleurs, nous nous interrogeons sur la pérennité de cette participation de l'Etat : emprunterez-vous à nouveau l'année prochaine ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et les prévisions de coût, qui les a faites ?
    M. Augustin Bonrepaux. Si vous avez quelques chose à dire, monsieur le ministre, je vous laisse volontiers la parole !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, n'essayez pas de vous faire interrompre, il vous va falloir conclure.
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que notre dette, dont on ne parle pas non plus, explose et que les 60 % du PIB soient dépassés.
    Certes, vous nous annoncez des réformes. Mais la réforme des retraites par exemple n'est financée qu'à hauteur de 40 %. C'est une traite sur l'avenir, pour après les élections de 2007, bien sûr.
    M. Georges Tron. Vous, vous n'aviez rien prévu !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes donc mal placés pour donner des leçons et prétendre prendre vos responsabilités ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous avez dépassé votre temps de parole, il faut conclure.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, le débat est trop important pour que je m'arrête là !
    M. Didier Migaud. Il a été interrompu, monsieur le président.
    M. le président. Non ! Il a cherché l'interruption.
    M. Augustin Bonrepaux. La décentralisation pourrait vous permettre de transférer ces charges sur les collectivités locales et les impôts locaux. Mais la manoeuvre est grossière car vous voulez transférer des charges de personnel avec des crédits déjà insuffisants inscrits au budget, en laissant toute la charge de leur augmentation aux collectivités locales, c'est-à-dire aux impôts locaux !
    M. Michel Bouvard. Et vous, qu'avez-vous fait avec l'APA ?
    M. Augustin Bonrepaux. Et d'ailleurs, dans le prochain budget, vous allez ponctionner les collectivités locales parce que ce sera le moyen de combler le trou !
    Pour l'assurance maladie, notre collègue Terrasse y reviendra certainement tout à l'heure, où allez-vous trouver les milliards d'euros, fruit de votre démagogie à l'égard des médecins ?
    M. Philippe Auberger. Ce n'est pas vrai !
    M. Michel Bouvard. Il faudra dire aux médecins qu'ils ont reçu 14 milliards d'euros ! Ça leur fera plaisir.
    M. Augustin Bonrepaux. Il va falloir payer l'addition. Qui la paiera ? C'est à vous de nous le dire.
    Je conclus, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Vous voulez qu'on termine à quatorze heures, monsieur Bonrepaux ?
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas un problème, monsieur le président.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, à quoi sert ce débat ? Le Gouvernement ne tire aucun enseignement de ses erreurs qui nous conduisent dans l'impasse. Nous n'avons aucune réponse précise aux questions que nous avons posées en commission et que se posent les Français. Le Gouvernement ne paraît avoir aucune prévision, aucune orientation, aucune perspective.
    M. Georges Tron. Vous venez de les dénoncer pendant dix minutes !
    M. Yves Censi. Ce n'est pas un discours, c'est du catéchisme !
    M. Augustin Bonrepaux. En fait, monsieur le ministre, je vous plains parce qu'on vous a laissé un peu seul sur le banc du Gouvernement pour défendre cette politique que critiquent vos amis de l'UDF et qui, vous le savez, nous conduit au bord du gouffre.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous aviez dix minutes de temps de parole, pas quinze ! Je vais devoir réduire les temps de parole de vos collègues !
    M. Augustin Bonrepaux. Malheureusement, le Président de la République, le Premier ministre, votre majorité vous disent : « Nous sommes au bord du gouffre, accélérez en fermant les yeux ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Georges Tron qui, lui, va respecter son temps de parole de dix minutes.
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas certain !
    M. Georges Tron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons de vivre, grâce à M. Bonrepaux, un moment extraordinaire.
    M. Augustin Bonrepaux. Et nous allons en vivre un autre ! (Rires.)
    M. Georges Tron. Il nous a expliqué tout ce qu'il aurait fallu faire pendant cinq ans et qui n'a pas été fait, et pourquoi, nous, quand nous le faisons, nous le faisons mal ! Le moment le plus formidable a été le passage sur les retraites, quand il a reproché au Gouvernement de ne financer que 45 % de ce qui devrait manquer, c'est-à-dire une somme substantielle, et qu'il nous explique que la réforme n'est pas bonne alors que rien n'a été fait pendant cinq ans !
    J'avais prévu de consacrer mon intervention à la fonction publique mais je voudrais rappeler, au risque de répéter ce que d'autres membres de la majorité ont dit, quelques éléments de base à propos du bilan. Les socialistes nous donnent continuellement des leçons, comme en ce moment sur le dossier des retraites, et on finirait par oublier ce qu'ils ont laissé.
    Premier chiffre intéressant, le besoin de financement des administrations publiques. Il est passé de 1,5 % en 2001 à 3,1 % en 2002.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui êtes au pouvoir !
    M. Georges Tron. Non, ce résultat vous est totalement imputable. Et vous, qui étiez président de la commission des finances et donc en charge du contrôle, vous n'avez rien dit.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous feriez mieux d'écouter mes conseils !
    M. Georges Tron. Je réponds ainsi à M. Migaud, qui tout à l'heure interpellait M. Méhaignerie et M. Carrez sur leur silence.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous feriez bien d'en donner au Gouvernement, des conseils !
    M. Georges Tron. Je me souviens que, durant la précédente législature, vous avez été d'une discrétion absolue alors que le budget dérapait de 50 % par rapport au projet de loi de finances initiale. Pourtant, nous étions nombreux ici à vous interroger à ce sujet.
    M. Yves Censi. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. L'Etat n'était pas en cessation de paiement !
    M. Georges Tron. Je veux bien qu'on nous donne des leçons, mais il y a des limites quand même.
    M. Didier Migaud. Vous risquez de prendre le boomerang dans la figure !
    M. Georges Tron. Deuxième chiffre, la dette. M. Bonrepaux semble préoccupé par le fait qu'elle dépasse 60 %. Je rappelle que de 56,8 % en 2001, elle était passée à 59 % en 2002 !
    M. Augustin Bonrepaux. Et nous en sommes à 60 % !
    M. Georges Tron. C'est vous, monsieur Bonrepaux, qui êtes responsable de cette augmentation, le Gouvernement actuel n'a rien à voir là-dedans.
    M. Didier Migaud. Vous ne gérez pas que depuis quelques mois !
    M. Georges Tron. Troisième chiffre, les marges de manoeuvre. Vous ne les avez pas évoquées mais elles existaient. Vous disposiez de 71 milliards d'euros de marges de manoeuvre qui correspondaient à des surplus de recettes fiscales perçues entre 1998 et 2002. Qu'en avez-vous fait ?
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui les avez gaspillées !
    M. Georges Tron. Vous avez consacré 40 % de cette somme à l'augmentation de la dépense publique.
    Et je peux continuer : 48 000 postes de fonctionnaire ont été créés entre 1998 et 2002.
    M. Michel Bouvard. Plus ceux des établissements publics et des entreprises publiques !
    M. Georges Tron. Les déficits sont dus, pour 40 %, à ces chiffres. Avant de nous donner des leçons, vous feriez bien de vous retourner sur votre bilan.
    Monsieur Migaud parlait tout à l'heure de sincérité. Comme le ministre l'a très justement rappelé hier dans la séance des questions d'actualité, le gouvernement de Lionel Jospin avait largement sous-évalué le montant des dépenses. Le déficit du budget de l'Etat de 2002 était supérieur de 50 % aux prévisions initiales.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un débat d'orientation budgétaire ! Parlez-nous des orientations du Gouvernement, pas du passé.
    M. Didier Migaud. Que pensez-vous des évaluations du Gouvernement ?
    M. Georges Tron. Un tiers était dû à la baisse des recettes, elle-même liée directement à la conjoncture, mais pas les deux autres tiers.
    M. Augustin Bonrepaux. Que pensez-vous des déclarations de M. Bayrou ?
    M. Georges Tron. Monsieur Bonrepaux, ces chiffres-là, vous les connaissiez, en tant que le président de la commission des finances. Jamais vous n'avez essayé de nous expliquer pourquoi ce budget était aussi insincère.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne m'avez pas écouté, vous n'étiez jamais là !
    M. Didier Migaud. Vous êtes autiste !
    M. Georges Tron. Je comprends que mes propos vous gênent mais vous ne m'empêcherez pas de parler.
    M. Didier Migaud. Cela ne nous gêne absolument pas !
    M. Georges Tron. Avec un tel bilan, ...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. On se tait !
    M. Georges Tron. ... comment peut-on se prétendre sincère et donner des leçons ?
    M. Didier Migaud. C'est de la partialité !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez vu le résultat depuis un an ? Ce n'est pas brillant !
    M. Georges Tron. La vérité, c'est que la situation que vous avez laissée est catastrophique, comme d'ailleurs chaque fois que vous prenez les rênes du pouvoir. En 1993, c'était pareil. Nous avions trouvé un déficit du budget de l'Etat abyssal : 320 milliards de francs à l'époque, alors que 170 milliards de francs de déficit avaient été prévus en loi de finances initiale.
    M. Didier Migaud. Vous n'avez aucune crédibilité, vous n'êtes même pas suivi par vos collègues !
    M. Augustin Bonrepaux. Cela fait quatorze mois que vous êtes là, il va falloir appuyer un peu !
    M. Georges Tron. A chaque fois que vous gérez la France, les déficits sont creusés.
    M. Thierry Carcenac. Pour 2004, que proposez-vous ? Nous vous écoutons !
    M. Georges Tron. A chaque fois que vous avez creusé les déficits, vous venez nous donner des leçons.
    M. Didier Migaud. Vous êtes grotesque tellement vous êtes excessif !
    M. Georges Tron. Heureusement, une autre politique est possible.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'avez rien à proposer !
    M. Georges Tron. Je remercie le Gouvernement, Alain Lambert particulièrement, de rester insensible et sourd à ces appels hypocrites que vous lui lancez. La vérité est simple : la France est difficile à gérer aujourd'hui du fait de la gestion des socialistes durant la dernière législature.
    M. Didier Migaud. Vous êtes la caricature de vous-même !
    M. Georges Tron. Qui manque de pudeur ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel beau réquisitoire !
    M. Georges Tron. Cela étant, il faut reconnaître que la situation aujourd'hui est difficile. (« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Il faudra engager une politique courageuse - l'inverse de la politique socialiste - pour remettre la France dans le droit chemin.
    M. Augustin Bonrepaux. Calamiteux !
    M. Georges Tron. Aucune politique de la fonction publique n'ayant été engagée durant cinq ans, il faut que nous menions, nous - et c'était le sujet que je voulais développer -, une véritable politique de la fonction publique dans les années à venir.
    Première observation : en dix ans, la part des dépenses rigides de l'Etat s'est fortement accrue. Deux postes expliquent cette situation. D'une part, la charge de la dette entre 1997 et 2002 - chaque Français a dû payer 3 000 euros de plus -, d'autre part, la fonction publique. L'augmentation du budget général de l'Etat entre 1998 et 2000 est imputable, pour 85 %, à ces deux postes.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Georges Tron. Seconde observation : les dépenses de la fonction publique - rémunérations et pensions des fonctionnaires - sont passées de 40 % du budget général de l'Etat en 1990 à 44 % en 2002.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Georges Tron. Durant la dernière décennie, plus de 100 000 emplois publics ont été créés.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Georges Tron. La consolidation budgétaire suppose, par définition, une véritable politique de la fonction publique et une maîtrise des dépenses de la fonction publique.
    M. Didier Migaud. Supprimez-la tant que vous y êtes ! Supprimez le COR...
    M. Georges Tron. Or la maîtrise à moyen terme des dépenses de la fonction publique se heurte tout naturellement - et on est dans le vif du sujet avec le débat sur les retraites - à l'alourdissement dans les prochaines années des charges de pensions. Celles-ci représentent 70 % de l'augmentation des dépenses liées à la fonction publique entre 2001 et 2002. Il faut chaque année débourser un milliard d'euros supplémentaire pour payer les pensions.
    A l'évidence, l'ampleur des départs à la retraite des agents de l'Etat, avec un pic de l'ordre de 70 000 départs en 2008, peut permettre de réformer l'Etat, repenser le fonctionnement courant des services publics, consolider nos comptes publics et, en même temps, offrir de nouvelles perspectives aux fonctionnaires.
    Car, en réalité, monsieur le ministre, - même si ce sujet est peut-être un peu à la marge du débat budgétaire - la fonction publique connaît une vraie crise. M. Sapin, à qui je veux rendre hommage sur ce point, l'avait parfaitement compris, et il avait commencé à prendre des mesures qui allaient dans le bon sens. Aujourd'hui, il faut repenser le fonctionnement de l'Etat en adoptant à l'égard des fonctionnaires une politique qui soit courageuse - il ne s'agit pas de remplacer mécaniquement un agent pour un agent mais de s'interroger sur la meilleure façon de gérer les services publics et, en même temps, rendre la fonction publique attractive.
    Vous le savez, monsieur le ministre, valeur traditionnellement refuge dans les temps de morosité économique, la fonction publique rencontre désormais beaucoup plus de difficultés à recruter. Le nombre de candidats aux différents concours de l'Etat baisse régulièrement depuis 1998. Ainsi, alors que près de 890 000 personnes s'étaient présentées en 1997, elles n'étaient plus que 730 000, soit une baisse de 17 %, en 2000. Pourtant dans la même période, le nombre de postes offerts a progressé de 11 % ; quant au nombre de candidats présents pour un admis, il a fortement baissé, passant de 13 en 1997 à 9,5 en 2000.
    C'est un fait, la fonction publique a de plus en plus de difficultés à attirer les candidats, comme elle a de plus en plus de mal à garder ses agents. Des chiffres ont été évoqués dans le débat sur les retraites, par exemple 64 % des enseignants du second degré ont atteint soixante ans sans réunir les conditions d'obtention d'une pension à taux plein en 2000 et 90 % d'entre eux sont partis en retraite dès soixante ans plutôt que de prolonger leur activité pour obtenir une pension à taux plein.
    Il faut avoir une véritable politique de la fonction publique, ce qui suppose de prendre des mesures courageuses. Je voudrais rapidement en proposer quelques-unes.
    D'abord, il faut faciliter la mobilité, au sein d'une même fonction publique mais aussi entre les fonctions publiques.
    Ensuite, il faut adapter la législation et la réglementation sur les incompatibilités pour attirer des jeunes gens qui sortent des études universitaires et qui voudraient accomplir une partie de leur carrière dans le public et une partie dans le privé, quitte à revenir ensuite dans la fonction publique, ou inversement. Les règles actuelles sont extrêmement rigides. Il faut les assouplir.
    Enfin, il faut redynamiser les carrières. La démotivation constatée à partir de la cinquantaine chez beaucoup de personnels des catégories C ou B s'explique en grande partie par le fait que leur carrière ne présente plus aucune perspective tant en termes de responsabilités que d'avancement. A l'image des évolutions constatées dans le secteur privé, l'élévation des niveaux de diplômes des fonctionnaires recrutés dans les catégories plaide pour qu'une place beaucoup plus grande soit donnée à la promotion interne, en articulant celle-ci avec des politiques de formation et de validation des acquis professionnels. Ceci permettrait d'offrir aux agents aux alentours de quarante ou quarante-cinq ans une seconde carrière qui, après un temps de formation significatif et une mobilité au minimum fonctionnelle, déboucherait sur des fonctions exercées dans un nouvel environnement professionnel et éventuellement dans un corps supérieur. Ainsi seraient créées les conditions pour que les agents trouvent dans leur travail des motifs de satisfaction professionnelle qui leur permettraient de poursuivre leur carrière dans de meilleures conditions.
    Voilà quelques pistes, monsieur le ministre, qui pourraient très bien être étudiées lors de la discussion du projet de loi de finances.
    Je suis profondément convaincu qu'une politique courageuse est indispensable pour la fonction publique. Cette politique doit permettre de concilier le rétablissement de nos comptes publics, tellement mis à mal par cinq ans d'une gestion irresponsable, avec le règlement de la véritable crise que traversent les fonctionnaires. C'est notre devoir que de répondre à l'appel que ceux-ci nous lancent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je remercie M. Tron, qui vient de démontrer qu'on pouvait tenir un discours de fond tout en respectant son temps de parole.
    La parole est à M. Alain Claeys, pour cinq minutes.
    M. Alain Claeys. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a rappelé Didier Migaud tout à l'heure, ce débat d'orientation budgétaire est une nouveauté. Il est la conséquence de la loi que nous avons votée, l'année dernière, à l'unanimité.
    M. Marc Laffineur. Cela fait plusieurs années qu'un tel débat a lieu !
    M. Alain Claeys. Il a un double objectif : être tenu au courant de l'exécution du budget en cours et connaître les orientations budgétaires du Gouvernement.
    Mais, depuis ce matin, je suis, comme mes collègues socialistes, un peu surpris.
    M. Didier Migaud. Nous sommes comme soeur Anne, nous ne voyons rien venir !
    M. Alain Claeys. Il n'est question que du bilan de vos prédécesseurs, nullement de l'année qui vient de s'écouler. Quant à l'avenir, je vous invite à un peu de modestie, nous nous perdons dans les chiffres.
    Si je devais caractériser votre budget 2003, je dirai ceci : vous avez, dans une conjonture difficile, cassé la confiance des Français et sacrifié les dépenses d'avenir.
    M. Didier Migaud. Oui !
    M. Alain Claeys. Les dépenses d'avenir sont compromises du fait des décrets d'annulation, en particulier ceux qui ont été pris en mars 2003, la Cour des comptes le rappelle, qui ont concerné notamment l'enseignement supérieur, les dépenses pédagogiques de l'enseignement scolaire, la jeunesse, les crédits dévolus à la construction et à l'habitat et enfin la recherche.
    Pour ce qui est du climat de confiance, le constat est simple. Le ministre de l'économie a annoncé 1 % lors de son audition devant la commission des finances, mais l'INSEE ne prévoit que 0,8 %. L'épargne de précaution se développe fortement et la consommation baisse - le dernier chiffre publié hier le montre. Pour la première fois depuis des années, l'économie supprime des emplois.
    Votre responsabilité, monsieur le ministre, est entière. Vous avez mené une politique à contre-emploi, vous avez refusé de soutenir la consommation des ménages, et les baisses d'impôt sur le revenu ou d'impôt de solidarité sur la fortune n'ont en rien soutenu la croissance.
    Au total, les Françaises et les Français voient leur pouvoir d'achat se réduire par l'abandon d'une politique active de l'emploi, par une inflation plus forte que prévue, par les hausses envisagées des tarifs publics, par des gels et des annulations de dépenses sociales et de dépenses d'avenir.
    M. Bonrepaux a évoqué ce sujet, sur lequel Gérard Bapt reviendra tout à l'heure.
    Vous alimentez la spirale infernale que je viens de décrire.
    Le ralentissement de la croissance provoque inexorablement la chute des recettes, que vous compensez par des annulations de crédits, en particulier pour les dépenses d'avenir. Aujourd'hui, vous sacrifiez la recherche et le progrès technique. Or le rôle de l'Etat est de promouvoir et d'encourager la recherche, pas de la sacrifier.
    Le budget de 2003 est, pour reprendre les termes de l'avis du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, l'« expression d'un déclin ». Il est en rupture avec la tendance positive des années passées.
    A un mauvais budget de la recherche pour 2003, déjà en diminution par rapport à celui de 2002, le Gouvernement a ajouté la mise en réserve de crédits, puis l'annulation de crédits. La mise en réserve de crédits décidée en février dernier a porté sur 4,17 % des dépenses d'intervention et sur 8,03 % des dépenses d'investissement du ministère de la recherche.
    A cet égard, permettez-moi de prendre un exemple très concret à un moment où le Président de la République parle à juste titre de la lutte contre le cancer et du développement de la recherche.
    M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Claeys.
    M. Alain Claeys. Les crédits publics de l'Institut Cochin, spécialisé dans les recherches biomédicales et dirigé par Axel Kahn, ont été cette année réduits d'un tiers.
    M. François Loncle. Lamentable !
    M. Alain Claeys. Des programmes de recherche vont devoir être arrêtés. Du coup, nos chercheurs s'en vont...
    M. Gérard Bapt. C'est grave !
    M. Alain Claeys. ... et l'on accroît en ce domaine la puissance des Etats-Unis.
    Un budget, c'est assurer la solidarité, mais c'est aussi, comme vous le dites souvent, monsieur le ministre, assurer l'avenir.
    Comment donner à nos concitoyens espoir et confiance dans l'avenir si nous devons poursuivre des réductions comme celles opérées cette année sur des budgets aussi importants que ceux de l'innovation, de la recherche et de l'enseignement supérieur ?
    M. Gérard Bapt. Très bonne question !
    M. Alain Claeys. Allez-vous poursuivre en 2004 cette politique de régression en matière de recherche et d'enseignement supérieur ? Nous risquons de déplorer une fuite de cerveaux et des « post-doctorats » aux Etats-Unis, faute d'avoir les moyens de faire de la recherche en France, en particulier dans le domaine médical. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne peut nier que ce débat d'orientation budgétaire soit marqué par une double incertitude.
    La première est économique, notamment avec la révision que vient de faire l'INSEE de sa prévision de croissance en la ramenant à 0,8 %, chiffre lui-même entaché, comme le ministre de l'économie l'a rappelé avant-hier à la commission des finances, d'une certaine incertitude.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Philippe Auberger. Surtout, la reprise économique qui était attendue après la guerre en Irak n'a pas encore vraiment eu lieu.
    M. Didier Migaud. C'est le moins que l'on puisse dire !
    M. Philippe Auberger. Mais ce n'est ni de notre fait ni du vôtre, mon cher collègue !
    M. Didier Migaud. Vous ne faites rien pour faire repartir l'économie !
    M. Philippe Auberger. La seconde incertitude est évidemment d'ordre budgétaire. Le rapport qui nous a été fourni chiffre à 5 milliards d'euros les moins-values fiscales, mais il semble que ce ne soit qu'un minimum qui pourrait malheureusement être légèrement dépassé.
    M. Didier Migaud. N'oubliez pas les recettes non fiscales !
    M. Philippe Auberger. Cela dit, mes chers collègues, rien ne sert de pleurer sur le lait qui a été répandu ! Aucune personne de bonne foi ne peut contester le rapport qui a fait suite à l'audit de l'année dernière, lequel faisait état d'un dérapage du déficit de 15 milliards, lié à une insuffisance de provisionnement des dépenses et à des plus-values fiscales totalement illusoires. Quant aux 5 % de baisse de l'impôt sur le revenu, que l'on nous oppose sans cesse, rappelons qu'ils ont coûté 2,5 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Migaud. Ce chiffre mériterait d'être actualisé !
    M. Philippe Auberger. Le simple rappel de ces ordres de grandeur - 15 milliards d'un côté et 2,5 milliards de l'autre - fait justice, mes chers collègues, de tout ce que vous avez dit sur les péchés des uns et des autres ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ne soyons donc pas ridicules et gardons en tête un certain nombre d'ordres de grandeur pour éviter des débats aussi fastidieux qu'incertains.
    Ce qui importe, c'est de définir les priorités pour la confection du budget de 2004.
    Il faut d'abord retenir une précision de croissance qui soit réaliste. Doit-on revenir sur le vieux débat d'il y a vingt ou trente ans, entre le Président Giscard d'Estaing, alors ministre de l'économie, et Gilbert Mathieu, journaliste économique bien connu au journal Le Monde, sur les prévisions dites « normatives » et les prévisions « réalistes » ? L'expérience montre que, si l'on s'écarte trop de la réalité, non seulement on n'obtient pas les effets psychologiques espérés sur les agents économiques, mais la distorsion dans nos comptes économiques et budgétaires est telle que la réalité n'a plus rien à voir avec ce qui est devenu une fiction.
    Une prévision de croissance tout à fait réaliste est donc nécessaire. D'ailleurs, la commission des finances a montré qu'elle partageait pleinement ce point de vue.
    Il ne faut pas anticiper sur une reprise de la croissance internationale qui n'aurait pas lieu : il suffit de regarder la situation en Allemagne pour voir qu'elle est encore beaucoup plus catastrophique qu'en France, que ce pays est, depuis deux trimestres, en récession et que, pour l'instant, on n'a aucun espoir de rétablir sa croissance, alors qu'il est notre premier client. Il y a donc des données objectives que l'on ne peut, si l'on est de bonne foi, nier.
    Quant aux prétendues vertues des stabilisateurs automatiques, j'en ai fait justice en commission des finances. Je n'y reviendrai donc pas. Lorsqu'on veut avoir une politique keynésienne, puisqu'il s'agit d'une politique keynésienne -, il faut au moins s'assurer qu'elle profite directement à la demande. Or ce qui faiblit actuellement, c'est la demande d'investissement, et ce n'est pas en développant le fonctionnement des stabilisateurs qu'on fera véritablement reprendre l'investissement. Les décisions prises par la Banque centrale européenne, notamment en ce qui concerne la baisse des taux d'intérêt, m'apparaissent à cet égard beaucoup plus prometteuses.
    Un deuxième objectif doit être retenu : la réduction significative du déficit budgétaire, d'au moins 0,5 % de PIB en 2004. Cela devrait tout d'abord nous permettre d'éviter les foudres de Bruxelles et l'hypothèse d'une pénalité relativement lourde - de l'ordre de 5 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. D'autre part, un certain nombre de pays européens qui ont été, dans le passé, plus vertueux que nous - notamment dans les cinq années fastes que nous avons connues entre 1997 et 2002 - nous demandent à juste titre un effort de concertation.
    Il ne faut pas oublier non plus que la bonne tenue de l'euro n'a pas que des inconvénients. Certes, il y en a en ce qui concerne la compétivité, mais la maîtrise de l'inflation est absolument indispensable, en premier lieu pour financer la dette. Sans maîtrise de l'inflation, la dette serait de plus en plus lourde avec des charges de taux d'intérêt très élévées et, dans ces conditions, nous aurions encore plus de difficultés à la financer. Or cette dette atteint actuellement un niveau préoccupant, ce qui revient à faire reposer son poids sur les générations futures. Mais n'y aurait-il pas un paradoxe à vouloir rétablir un meilleur équilibre en ce qui concerne les retraites dont nous débattons depuis trois semaines afin d'éviter qu'elles ne pèsent trop lourdement et à laisser se développer dans le même temps la dette publique ? En procédant de cette façon, ne rejette-t-on pas le poids de la dette sur les générations futures ?
    M. Augustin Bonrepaux. Voilà des propos responsables !
    M. Pascal Terrasse. Parlez-nous aussi de la CADES !
    M. Philippe Auberger. Faire reculer la dette publique est donc un impératif absolu, qui suppose une maîtrise rigoureuse des dépenses publiques et des charges de la fonction publique.
    M. Michel Bouvard. Et voilà !
    M. Philippe Auberger. A cet égard, monsieur le ministre, je dois regretter que, lors des débats sur la LOLF, on n'ait pas retenu ma suggestion d'adopter, pour la fonction publique, la notion de recrutement annuel plutôt que celle de création d'emploi. Cette notion est en effet utilisée par toutes les entreprises qui, chaque année, décident du nombre de salariés qui seront recrutés, et non des créations ou des supressions d'emplois ici ou là.
    Par ailleurs, puisque des classes creuses arrivent aujourd'hui dans la vie active, il y aurait quand même un paradoxe à ce que la fonction publique y prélève de plus en plus de jeunes actifs au détriment du secteur privé. Il y aurait alors un véritable déséquilibre dans la démographie de l'activité, qui, outre ses aspects purement budgétaires, serait extrêmement préoccupant sur le plan de l'économie globale.
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    M. Philippe Auberger. J'en arrive au troisième objectif : il faut accorder en 2004 une véritable priorité aux dépenses qui contribuent à l'amélioration de l'emploi privé. Nous savons, en effet, que la situation dans ce secteur sera encore difficile les prochains mois. Il nous importe donc de privilégier les dépenses relatives à la création d'entreprises et au développement des PME, qui sont, baucoup plus que les grandes entreprises, créatrices d'emplois privés.
    Nous devons aussi privilégier les dépenses liées à l'innovation - une prochaine loi de progamme devra y contribuer - et à l'investissement. Il nous faut également privilégier l'allégement des charges sur les bas salaires, l'embauche des jeunes en entreprise en poursuivant l'effort consenti avec les contrats-jeunes en entreprise - et, pour être en cohérence avec le projet de loi sur les retraites, favoriser le développement de l'activité des plus âgés, notamment en développant les formations et les reconversions qui permettent de prolonger la durée de l'activité. Nous serons ainsi parfaitement en cohérence avec ce que nous sommes en train de voter par ailleurs.
    Il convient enfin de ne pas négliger les dépenses budgétaires qui favorisent directement la consommation et la compétitivité. Je pense en particulier, s'il y a un peu de disponibilités, au réexamen de l'impôt recherche et au financement des infrastructures qui sont les plus utiles pour les entreprises privées.
    Nous concevons bien, monsieur le ministre, que votre tâche soit extrêmement difficile. Si vous voulez être appuyé non seulement par votre majorité, qui ne vous fera pas défaut, mais aussi par l'opinion publique, vous devez faire en sorte que vos choix soient clairs et sincères. Plus les choix sont difficiles - et ceux-là le seront -, plus la lisibilité de votre politique budgétaire est indispensable. Il faudra donc naturellement porter l'effort sur ce point.
    Nous vous disons donc bon courage, et nous vous soutiendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, M. Auberger vient de vous souhaiter bon courage. Comme je vais parler de santé, vous me permettrez d'y ajouter mes voeux de bonne santé.
    M. Philippe Auberger. C'est le cardiologue qui parle !
    M. Gérard Bapt. Je suis aussi un peu généraliste. (Sourires.) C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'interviens dans ce débat d'orientation budgétaire.
    Aujourd'hui, la question de fond est de celle de savoir quelle est la réponse du Gouvernement face à une situation économique et budgétaire grave, que viennent d'ailleurs de confirmer ce matin M. Bayrou et tout à l'heure, devant nous, M. Perruchot, lesquels, pour demeurer dans la majorité, ne s'en livrent pas moins à des réquisitoires sévères.
    Face à cette situation de déséquilibre, il est significatif que vous indiquiez d'ores et déjà, alors que l'on ne connaît pas encore le montant du déficit pour 2003, que vous ne changerez pas de politique et que vous laisserez jouer les stabilisateurs économiques. Vous acceptez donc que le déficit public et la dette continuent d'augmenter, tout en cachant ce laxisme, à l'intention de l'Union européenne, par la création d'une réserve désormais constituée, après les premières annulations de crédits et les gels concernant les crédits votés en loi de finances initiale et les crédits de report.
    Il s'agit donc bien de poursuivre aveuglément une politique de réduction d'impôts, que même dans vos propres rangs on conteste désormais.
    J'ai noté ce matin une proposition du sénateur Bourdin, qui réclame davantage d'allègements fiscaux pour les revenus des actions afin de nourrir les entreprises françaises. La cerise est sur le gâteau !
    Le débat d'orientation budgétaire pour 2004 est quelque peu virtuel et artificiel. A tout le moins faudrait-il en effet que, pour 2003, les gestionnaires de crédits publics, qu'il s'agisse de vos administrations, centrales ou extérieures, ou des acteurs agissant contractuellement avec l'Etat - les collectivités locales, les établissements publics ou les associations - aient une visibilité suffisante pour engager leurs investissements et leurs actions. Or cette visibilité, les gestionnaires aujourd'hui ne l'ont plus. Je n'en veux pour preuve que le véritable appel de détresse que vous ont envoyé le 14 mai les ministres des affaires sociales et de la santé, dénonçant la paralysie de leurs deux ministères. On peut d'ailleurs s'étonner qu'il ait fallu un article du Canard enchaîné pour que le Parlement soit informé de l'exécution de la loi de finances pour 2003 !
    Au-delà de la dénonciation d'une politique budgétaire, les arguments qu'ils développent point par point dans les annexes qui accompagnent leurs notes renvoient directement à la gestion budgétaire.
    Concernant les dépenses de fonctionnement par exemple, ils montrent que la structure même de ces dépenses ne permet pas d'économies massives, a fortiori en cours d'année. Les seules dépenses ajustables, du type « logiciels nouveaux », sont justement celles qui peuvent permettre de réaliser des économies à long terme. M. Méhaignerie ne nous a-t-il pas parlé de son ambition pour la productivité de l'Etat ?
    Il pourrait aussi s'agir des campagnes de communication, notamment celles développées par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, en matière de santé publique ou de sécurité sanitaire, puisque la mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies est paralysée aujourd'hui par l'assèchement budgétaire.
    Mais comment comprendre que le Premier ministre ait imposé sur le budget vingt millions d'euros de dépenses nouvelles en matière de communication sur les retraites alors même que les propres factures de communication du ministère de la santé ne sont pas honorées aujourd'hui ?
    Vous êtes en train de mettre à mal vos propres outils de gestion, telle que la directive nationale d'orientation, citée pourtant par Bercy comme l'exemple d'une bonne gestion et qui préfigurait la mise en oeuvre de la LOLF en assurant aux services déconcentrés les nécessaires stabilité et visibilité dans l'engagement de leur action.
    J'ai écrit aux préfets en ma qualité de rapporteur spécial du budget de la santé et des personnes handicapées. J'ai appris que, dans les régions, ce sont de 20 à 25 % des crédits, notamment de la ligne « promotion santé et prévention » qui ont été annulés.
    Sur le même chapitre, 100 % des reports sont gelés. Va t-on obliger les chefs de service à faire remonter les crédits ? De quelle décentralisation peut-il s'agir si elle ne s'accompagne pas d'une déconcentration ?
    En matière de santé publique, chacun s'accorde sur la nécessité de développer la dimension « prévention », insuffisante en France, et de s'appuyer sur des données statistiques et des études. Or non seulement le budget « études générales, statistiques » n'autorise pas à engager d'études nouvelles, mais il n'y a déjà plus assez de crédits pour honorer les engagements de l'année passée.
    M. le président. Monsieur Bapt, il vous faut conclure !
    M. Gérard Bapt. Dans ces conditions, comment le fonctionnement courant de l'administration centrale est-il possible ?
    La situation est analogue au ministère du travail. Mes collègues rapporteurs spéciaux de la majorité auront à coeur d'évoquer la situation.
    Allez-vous dans ces conditions baisser de nouveau les impôts des plus favorisés ? Où allez-vous ? Où nous entraînez-vous ainsi ?
    Hier, on nous assurait qu'il y avait un pilote dans l'avion. Aujourd'hui, on peut se demander s'il ne s'agit pas plutôt du capitaine d'un nouveau Titanic. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialite.)
    M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le ministre, il est clair qu'avec vous les habitudes en matière budgétaire ont changé. Nous sommes enfin sortis de l'opacité habituelle des procédures qui présidaient ces dernières années à l'élaboration du budget de la nation. Vous avez, avec courage, décidé de jouer la carte de la transparence et de la franchise, et vous êtes déterminé à jouer aussi celle de la vérité dans la gestion.
    Les Français doivent connaître les enjeux du budget 2004 et doivent pouvoir mesurer l'impact des déficits accumulés depuis 1997, parce que la situation des finances publiques est, tout le monde le sent bien, particulièrement préoccupante. Je ne reviendrai pas - mes collègues l'ont fait avant moi - sur les causes de cette situation, même si l'on ne peut se priver de rappeler que pendant trop longtemps les cigales socialistes ont fait vivre la France publique au-dessus de ses moyens, à une époque où pourtant la conjoncture nationale et internationale était particulièrement favorable...
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Louis Giscard d'Estaing. ...et permettait de retrouver les grands équilibres financiers de bonne gestion. Chacun se souvient de la tristement célèbre prophétie de François Mitterrand : « La France ne passera pas le cap des deux millions de chômeurs ». C'est sous sa présidence qu'elle a passé le cap des trois millions.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Louis Giscard d'Estaing. Notre croissance moyenne est restée inférieure jusqu'en 2002 à celle de beaucoup de nos concurrents. La dette publique atteint des sommets : trois fois le budget annuel. Elle s'alimente d'un déficit récurrent, malgré les années de forte croissance et des cagnottes, malheureusement dilapidées. Cela résulte d'une augmentation continue des dépenses publiques, en particulier sociales, délibérément sous-estimées par nos prédécesseurs et que notre pays subit de plein fouet. L'augmentation continue de ces dépenses publiques génère d'ailleurs par nature des gaspillages, des complexités, des situations acquises, irréversibles et, finalement, des prélèvements fiscaux qu'il est de plus en plus difficile de réduire, sauf à mettre en oeuvre une politique de réforme des structures publiques.
    On pourrait dramatiser à plaisir cette situation, mais il suffirait à M. Fabius de faire un voyage d'études en Argentine pour constater qu'il n'y a jamais de situation désespérée et qu'il existe toujours des possibilités de sortir d'une crise, pourvu que l'on en prenne la mesure et que l'on mette fin à une fuite en avant coupable. Comme tous les pays qui ont déjà engagé des efforts, nous pouvons et nous devons sortir de ce cercle vicieux de la dépense publique et de la hausse des prélèvements qui, par leurs conséquences sur le tissu économique, sapent la confiance des acteurs, des consommateurs, des investisseurs créateurs ou dirigeants d'entreprise, des élus locaux, les découragent et finalement accélèrent la faillite financière de la nation.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Louis Giscard d'Estaing. La France est comme une entreprise en difficulté et la procédure d'alerte a d'ailleurs commencé avec la remontée du chômage à partir de septembre 2001. Il faut prendre des mesures nécessaires d'économie sans pour autant handicaper son développement et en même temps redonner confiance aux citoyens consommateurs, aux entreprises, aux collectivités locales et à nos exportateurs. Le retour à la confiance dans le pays passe par le courage du Gouvernement et par le sens de la responsabilité de cette nouvelle majorité.
    Votre objectif de stabilisation en valeur pendant trois ans des dépenses publiques, hors remboursement de la dette et hors dépenses des ministères ayant en charge la sécurité, est un minimum. Il exigera une grande détermination à faire prendre par l'administration les décisions intelligentes et responsables pour que cela soit réalisé non seulement au plan national, mais aussi dans les services déconcentrés. Les responsables élus des collectivités territoriales, quelle que soit leur appartenance politique, ne doivent pas échapper à cet effort de recherche d'optimisation des dépenses. Bien entendu, il va falloir faire preuve de discernement pour réduire les effectifs en profitant des départs à la retraite et faire bénéficier ceux qui restent d'une partie des économies ainsi réalisées. Il faudra choisir là où faire des économies, en s'efforçant de ne pas toucher aux dépenses productives d'activité, et se limiter surtout aux dépenses de fonctionnement superflues - Dieu sait s'il y en a !
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Louis Giscard d'Estaing. C'est en faisant désormais preuve d'un profond sens de la responsabilité publique, en rupture avec ce que notre pays a connu, que l'on aura quelque chance de redonner confiance à la France et aux Français, donc de relancer la croissance.
    Messieurs de l'opposition, nous avons pleine conscience que, compte tenu de la situation que vous avez laissée - la formule d'Augustin Bonrepaux sur l'addition est tout à fait pertinente -, cela ne sera pas facile, mais nous considérons que nous n'avons pas le choix, car le redressement, donc l'avenir de notre pays, sont à ce prix.
    Monsieur le ministre, vous savez pouvoir compter sur notre soutien. C'est bien là que l'on juge de la qualité, du courage et de la responsabilité d'une politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Vous nous annoncez, monsieur le ministre, un budget de vigueur. J'ai plutôt l'impression d'un budget de rigueur, voir d'un budget des pleurs, et je vais vous le démontrer.
    Après le gel de nombreux crédits, c'est à l'annulation pure et simple d'autres crédits que sont confrontés vos collègues, - Gérard Bapt vient d'en parler. M. Fillon et M. Mattei ont en effet rendu public un courrier dans lequel ils estimaient que leurs dépenses courantes ne pouvaient pas être réglées. Qu'en est-il, à cet sujet, du coût pharaonique de la campagne de propagande sur les retraites, estimé à 20 millions d'euros ? Il semblerait que des factures restent en souffrance.
    Notre pays, vous le savez - cela a été dit tout au long de la matinée -, connaît une crise économique sans précédent. Le moral des Français est en berne, alors que celui des chefs d'entreprise est au plus bas. Tous les indicateurs sont au rouge. La France doute de vos choix politiques, comme d'ailleurs une partie de votre majorité. François Bayrou lui-même ne déclarait-il pas ce matin que vos orientations n'allaient pas dans le bon sens ?
    Alors que la situation est mauvaise, la puissance publique devrait être l'accompagnateur et le moteur de la croissance. Favoriser la croissance, c'est d'abord favoriser la consommation et, par voie de conséquence, le pouvoir d'achat des ménages. Vous avez décidé de faire le contraire en vous appuyant sur les plus hauts revenus, alors que ce sont ceux-là mêmes qui se tournent en priorité vers l'épargne. Nos collègues de l'UDF avaient raison de rappeler ce matin que l'épargne était trop importante en France. Je crains d'ailleurs qu'à travers la réforme des retraites, vous n'accentuiez cette logique de l'épargne, car épargner ne favorise pas la croissance. Il faut donc se donner des marges de manoeuvre en matière d'action publique. Vous avez décidé de faire le contraire et je pourrais illustrer mon propos par la grogne du monde de la recherche, dont le budget est en chute libre, tout comme ceux de la formation et de l'éducation. Tous ces secteurs qui sont générateurs de richesse pour demain sont relégués à un rang secondaire, on ne peut que le constater.
    Comment ne pas s'inquiéter, par aillleurs, de la dégradation des investissements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan ? Ils sont aujourd'hui abandonnés ! Vous laissez croire aux Français, par la voix de certains de vos ministres, que le logement est une prioriété - nous avons écouté mercredi le ministre aux questions d'actualité -, alors que les crédits ne sont pas au rendez-vous, on le voit tous les jours sur le terrain. Les politiques de l'environnement, du handicap, de la famille, des anciens combattants, de la jeunesse et des sports ou encore de l'agriculture sont sacrifiées sur l'autel de la rigueur. Ce n'est pas en transférant ces dépenses aux seules collectivités locales que vous nous rassurerez, monsieur le ministre. Vous ne dites pas la vérité aux Français. Pis, vous cachez sous des artifices comptables vos orientations budgétaires à Bruxelles ! La route est de moins en moins droite et la pente de plus en plus profonde, pour paraphraser le Premier ministre.
    M. Michel Bouvard. Vous devez confondre la mer et la montagne ! Ce n'est pas la pente qui est profonde ; c'est la mer !
    M. Pascal Terrasse. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous n'êtes pas directement en cause, mais vous êtes prisonnier des orientations inconsidérées de vos collègues du Gouvernement. A ce stade, je voudrais aborder la situation des comptes sociaux et de la protection sociale.
    M. le président. Vous abordez cela rapidement, monsieur Terrasse, il vous reste une minute !
    M. Pascal Terrasse. On peut toujours se lancer des chiffres à la figure, comme cela a été fait ce matin. Pour ma part, je pourrais vous rappeler quel était le déficit de l'assurance maladie en 1997, quand nous sommes arrivés au pouvoir, mais là n'est pas la question ! En réalité, monsieur le ministre, vous êtes face à des lobbies qui veulent creuser le budget de l'assurance maladie.
    Dans quelques mois, nous allons voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les débats vont s'ouvrir et nous ne savons absolument rien. Faut-il croire votre ministre de la santé ou le Président de la République qui a carrément dit le contraire lors de l'assemblée générale de la FNMF ? En réalité, le projet de loi de financement de la sécurité sociale devra régler deux problèmes : celui de la dette et celui de la réforme structurelle.
    Monsieur le ministre, il faudra nous dire si, oui ou non, vous voulez rallonger la durée de la CADES, donc faire supporter le poids de la dette de l'assurance maladie par les générations futures. Il faudra nous dire aussi ce que vous comptez faire en matière d'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Allez-vous augmenter les cotisations sociales - je pense à la CSG et à la CRDS ? Allez-vous continuer à dérembourser ? Les seuls usagers vont-ils en supporter le coût ? Allez-vous privatiser partiellement la sécurité sociale ? Sur tout cela, il faudra que vous nous donniez des informations.
    M. Michel Bouvard. Fantasmes !

    M. Pascal Terrasse. Je ne fantasme pas sur la réalité des comptes. Il faudra que vous trouviez 15 milliards d'euros.
    M. Jean Le Garrec. M. Terrasse pose de bonnes questions !
    M. le président. Le temps n'est pas aux fantasmes, mais à la conclusion, monsieur Terrasse !
    M. Pascal Terrasse. Je vais conclure très rapidement, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est dommage !
    M. Pascal Terrasse. Voyez la réforme des retraites ! L'année prochaine, les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse seront dans le rouge - c'est un membre du conseil de surveillance qui le dit - non pas en raison de la situation structurelle, mais en raison de la loi que nous allons voter. Pourtant, la CNAV est encore excédentaire cette année de 1,6 milliard d'euros. Où allez-vous prendre l'argent ? Je vous le demande ?
    Enfin, monsieur le ministre, et ce sera mon mot de conclusion, 2004 sera pire que 2003 ! L'année 2003 aura été celle des gels de crédits. L'année 2004 sera celle de leur glaciation. Monsieur le ministre, attention au rhume ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la Berezina.
    M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.
    M. Yves Deniaud. Monsieur le ministre, nous sommes tout à fait solidaires de l'orientation générale de votre budget, ...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez du mérite !
    M. Yves Deniaud. ... pour une croissance de 0 % en volume, parce qu'elle relève d'une nécessité absolue pour 2004 et pour les années suivantes.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez du mérite et nous avons de la compassion !
    M. Yves Deniaud. Je n'ai pas besoin de votre compassion, mais je l'accepte bien volontiers. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous la donne ! Vous savez, moi, je partage tout !
    M. Yves Deniaud. Vous devez en effet composer, monsieur le ministre, avec le déficit hérité, supérieur de 50 % à la prévision. Philippe Auberger a rappelé fort justement que le dérapage dû à la précédente gestion était de l'ordre de 15 à 16 milliards d'euros et que les baisses d'impôts que nous avons consenties ne s'élevaient qu'à 2,5 milliards d'euros. La comparaison de ces chiffres, qui doivent être répétés, ne laisse aucun doute sur la responsabilité des uns et des autres dans le déficit. Cela a été le plus gros mensonge budgétaire depuis 1993, où il s'est élevé à 145 milliards de francs. Il n'est là que de 100 milliards de francs, si je puis dire. Finalement la gauche s'améliore au fil des législatures. Nous espérons qu'elle continuera.
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons confiance !
    M. Yves Deniaud. Vous nous avez laissé cet héritage sans bénéfice d'inventaire, pour reprendre la formule célèbre de l'un des vôtres aujourd'hui disparu. Vous devez aussi, monsieur le ministre, composer avec l'impossibilité d'accroître les prélèvements obligatoires. La croissance de la France, contrairement à certains propos tenus ici, est et sera meilleure que la moyenne européenne - plus 0,3 % -, parce que nous avons fait des efforts de baisse des prélèvements obligatoires, mais elle est bien fragile et ne résisterait pas à une nouvelle hausse des prélèvements. Si nous cessions de baisser les impôts et recommencions à accroître les prélèvements, nous provoquerions une baisse des recettes, que l'on aurait prétendu augmenter, par l'effondrement de la croissance, comme cela se passe chez notre voisin allemand. Il ne nous reste donc qu'une solution, la maîtrise absolue des dépenses publiques, plus précisément des dépenses de fonctionnement, puisque - hélas ! - l'investissement public est déjà tellement anémié, dévoré par l'explosion des guichets sociaux, grands ouverts, sans financement correspondant, par le gouvernement précédent (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Michel Bouvard. Oui !
    Mme Marie-Anne Montchamp. Tout à fait.
    M. Yves Deniaud. ... et que l'on nous reproche curieusement de vouloir contrôler aujourd'hui.
    M. Jean-Claude Lenoir. Comme d'habitude !
    M. Yves Deniaud. La Cour des comptes a ainsi relevé que les recettes fiscales affectées au FOREC pour financer les 35 heures...
    M. Michel Bouvard. Qui étaient avant au budget général !
    M. Yves Deniaud. ... atteignent désormais 15,6 milliards d'euros, soit un tiers du déficit. Didier Migaud a d'ailleurs dit - je l'ai écouté non sans un certain ahurissement - que ces dépenses n'avaient augmenté que de 1,1 milliard d'euros en un an, ce qui est tout de même une somme, et que, par rapport aux 14,5 milliards de l'année dernière, ce n'était qu'une augmentation de 7,5 % : une paille ! Sans compter le FOREC, l'APA et la CMU, qui bien sûr, crèvent les plafonds.
    M. Christophe Masse. C'est vrai !
    M. Yves Deniaud. Que dire de l'aide médicale d'Etat qui est passée de 270 millions d'euros à 800 millions ? Comme vous l'avez dit en commission des finances, monsieur le ministre, la France va dépenser plus d'argent pour soigner les étrangers en situation irrégulière que pour ses routes nationales.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Yves Deniaud. Si l'on continue comme cela, M. Le Pen fera encore longtemps ses choux gras !
    M. Christophe Masse. Avec vous, on est tranquille, c'est sûr !
    M. Yves Deniaud. Attendez ! Le rempart, cela n'a pas été vous, ça a été nous ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Le Garrec. Caricature !
    M. Yves Deniaud. Nous sommes déterminés en tout cas, monsieur le ministre, à trouver avec vous, dans la réforme de l'Etat, les économies qui permettront de réduire le déficit jusqu'à son extinction et, au moins dans un premier temps, d'accéder le plus vite possible au cercle vertueux dans lequel l'annuité en capital de la dette remboursée chaque année devient supérieure au volume à nouveau emprunté, permettant ainsi une diminution des intérêts, seuls retrancrits dans la loi de finances. C'est la condition pour que des marges de manoeuvre réduites, mais réelles, commencent à apparaître. Ce n'était pas le cas lors du grotesque épisode de la « cagnotte », il y a trois ans.
    M. François Brottes. En effet !
    M. Yves Deniaud. Pour parvenir à cette maîtrise, il faudra diminuer le nombre de fonctionnaires. Il faudra le faire sans dogmatisme, partout où cela sera rendu possible par des gains de productivité. On peut faire maigrir l'Etat tout en le rendant plus efficace par l'allégement des procédures, la simplification des démarches et la lutte contre la bureaucratie tatillonne. Je ferai deux remarques sur cette évolution.
    En premier lieu, elle est nécessaire, car les dépenses de pension vont flamber - plus 14,8 % en trois ans selon le rapport que vous nous avez remis. Si l'on continuait de recruter au rythme des années précédentes, il ne resterait plus un euro disponible dans le budget pour quoi que ce soit d'autre !
    En second lieu, cette évolution n'aura pas des effets restrictifs aussi terribles qu'on veut le faire croire au regard des vocations de fonctionnaire. Ainsi que l'a dit Philippe Auberger, les classes d'âge concernées étant plus faibles numériquement et le nombre de départs en retraite s'élevant très brutalement, le volume de recrutement des fonctionnaires ne sera finalement pas, j'en fais le pari, inférieur à ce qu'il est aujourd'hui en pourcentage d'une classe d'âge, même si nous ne remplaçons qu'une partie réduite des départs en retraite. Pour cet effort indispensable, monsieur le ministre, vous devez pouvoir compter sur votre majorité parlementaire, ce qui suppose que vous fassiez confiance au Parlement et pas seulement à vos administrations pour proposer et décider avec vous les changements nécessaires dans l'organisation de l'Etat.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Yves Deniaud. Nous connaissons, les uns et les autres, les pesanteurs et les pressions qui s'exercent en vue de démontrer l'utilité de l'accroissement de la dépense publique. Alors, de grâce, que le Gouvernement reconnaisse qu'un oeil extérieur peut garantir un jugement sûr ! Il est d'ailleurs souvent plus commode de pouvoir s'appuyer sur quelqu'un d'autre pour trancher dans le vif, ce qui n'est jamais agréable. (Sourires.)
    Dans l'exercice très difficile qui vous attend et qui devra être prolongé sans faiblesse, jusqu'au terme de la législature, vous pouvez être certain en tout cas de notre totale détermination à trouver avec vous les moyens de revenir à l'équilibre financier qui a garanti à tant de nos voisins un chômage plus faible, un pouvoir d'achat qui croît plus vite, bref une prospérité que nous voulons, avec vous, redonner à la France d'ici à 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.
    M. Thierry Carcenac. Monsieur le ministre, dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, vous indiquez que la France connaît un niveau de dépenses publiques parmi les plus élevés au monde. Avec 53,6 % du PIB en 2002, le poids des dépenses publiques en France est supérieur de plus de 12 points à la moyenne de l'OCDE et de près de 5,5 points à la moyenne des pays de la zone euro. Vous nuancez fort justement ce constat en précisant que, certes, le poids de la dépense reflète les préférences nationales en matière de bien public, de financement de la protection sociale ou de redistribution. Mais vous ajoutez aussitôt que l'écart qui s'est creusé avec le reste de l'Europe suggère que la progression des dépenses en France est plus le résultat d'une dérive que d'un choix collectif.
    Cette affirmation démontre que votre analyse est purement idéologique, comme le soulignaient M. Bonrepaux et M. Brard il y a quelques instants. D'autant que M. le Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission des finances, rappelait judicieusement que les comparaisons internationales directes entre les taux de prélèvements obligatoires ou bien les taux de dépenses publiques reflètent surtout des effets de structure, des choix essentiels de société, telle l'organisation publique ou privée, centralisée ou décentralisée de certaines missions, comme l'éducation ou la protection sociale.
    Mais on comprend mieux les raisons qui ont poussé nos concitoyens à battre le pavé, s'opposant ainsi à vos choix de société, attachés qu'ils sont au service public et à un rôle de l'Etat plus large que vous ne le concevez. Votre inaction n'est que la traduction d'un thème déjà bien connu dans l'après-guerre, celui du Welfare State, repris à la fin du xxe siècle par les néolibéraux. Il n'y a que vous pour croire que les lois du marché couplées à une moindre intervention de l'Etat permettront l'épanouissement de l'individu.
    M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    M. Thierry Carcenac. Pour lutter contre les inégalités, pour organiser un développement durable, il faut revenir à une vision moins simpliste du système économique.
    Un an après votre arrivée au pouvoir, tous les indicateurs sont au rouge. Vous pouvez toujours dire qu'en période de croissance, les bons choix n'ont pas été faits, le constat est là : un déficit public global supérieur à 3 % du PIB, une dette publique supérieure à 60 % du PIB, le chômage à la hausse, des emplois détruits, une consommation molle, des rentrées fiscales incertaines.
    Pourtant, c'est toujours la même recette que vous nous proposez, c'est-à-dire la baisse des impôts, alors qu'il convient de se poser la question même de l'opportunité d'une telle politique du point de vue macro-économique. En effet, la baisse de l'impôt sur le revenu concerne principalement les redevables aisés, sans doute plus tentés d'accroître leur épargne pour financer une retraite décente ou un plan d'épargne d'éducation pour leurs enfants que de consommer le supplément de revenu ainsi remis à leur disposition, l'effet étant ainsi contraire à celui d'un dispositif plus ciblé sur les plus modestes de nos concitoyens. J'ajoute que le coût de la mesure alourdit le déficit budgétaire.
    Par ailleurs, vous omettez de préciser que l'IRPP ne présente qu'un faible pourcentage des prélèvements obligatoires par rapport à ce qu'il est dans d'autre pays. Seul un foyer fiscal sur deux paie l'impôt sur le revenu, alors que les impôts directs locaux, la taxe d'habitation notamment, plus injustes, concernent un plus grand nombre de contribuables.
    Vous souhaitez continuer de baisser l'impôt sur le revenu. Vos choix sont injustes et inéquitables. Pourriez-vous d'ailleurs nous préciser la solution qui aura votre préférence entre une baisse du taux d'imposition ou bien des avantages fiscaux concernant notamment les produits d'épargne : assurance vie, constitution de retraite, Préfon ?
    Monsieur le ministre, vous nous dites vouloir améliorer la productivité de Bercy d'au moins 1 % par an. Dans le rapport de performance 2001 de la direction générale des impôts - eh oui, cela existait avant vous ; vous n'avez pas l'apanage de la réforme de l'Etat -, la DGI indiquait que le gain de productivité moyen au cours de la période 1995-2001 était de 2,15 % par an.
    Pouvez-vous nous préciser quelles réductions d'emplois vous envisagez alors que, pour la première fois, vous prévoyez un plan d'accompagnement social pour inciter au départ les agents affectés notamment au contrôle technique des véhicules lourds, en contradiction avec vos choix sur les retraites puisque, s'agissant du privé, les préretraites ne sont plus acceptées ? Ces mesures-là sont-elles les seules que vous prévoyez, ou bien l'informatique sera-t-elle l'élément magique de la rénovation du ministère ? Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous ne puissions souscrire à vos orientations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - M. Jean-Pierre Brard applaudit également.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget a pour vocation de permettre à l'Etat d'agir. Il doit aussi permettre aux acteurs privés d'épanouir leurs initiatives. Or que constate-t-on ? L'Etat, aujourd'hui, en est le plus souvent réduit à l'inaction. Les dépenses d'investissement, depuis une dizaine d'années, ont considérablement décru : la structure des dépenses de l'Etat, d'évidence, n'est pas satisfaisante. Et puis, l'Etat a pris une part telle de la richesse nationale que les acteurs privés sont eux-mêmes restreints dans leur liberté. Les dépenses des administrations publiques dans notre pays, c'est un record européen, dépassent 50 % du produit intérieur brut.
    Remédier à cette situation est une nécessité, mais il est indispensable d'en convaincre d'abord nos concitoyens.
    Première question : qui cela intéresse-t-il ? Regardant cet hémicycle, on aura la décence de ne pas répondre !
    M. Jean-Pierre Brard. En regardant surtout à droite !
    M. Jean-Claude Lenoir. Je suis là tout de même ! (Sourires.)
    M. Hervé Mariton. Dans notre pays, on constate une sorte de défiance à l'égard des chiffres. Nos compatriotes ne croient pas aux chiffres, ils ne croient pas les chiffres et, au fond, ils ont l'idée que la situation n'est pas si grave que cela. C'est un discours que nous avons largement entendu dans le débat sur les retraites, à la fois ici, lors des rencontres auxquelles nous avons participé sur le terrain et dans les analyses que nous avons pu lire : depuis quarante ans que les choses évoluent, le système, malgré tout, a pu tenir et tout le monde vit très bien ; pourquoi cela ne durerait-il pas encore quarante ans ?
    Il est donc essentiel de prendre conscience de la situation, d'en faire mesurer la gravité et de ne pas s'abriter derrière une exception française qui, trop souvent, masque la réalité des chiffres, la cruauté des comparaisons. La France est en tête, disais-je, pour les dépenses des administrations publiques : 50 % du PIB contre 38 % en Espagne.
    M. Thierry Carcenac. Tout dépend de ce qu'on y intègre !
    M. Hervé Mariton. L'endettement intérieur de l'Etat a crû considérablement en une dizaine d'années, contrairement à ce qui s'est produit dans d'autres pays de l'Union européenne : plus 7 500 euros d'endettement par habitant en France en dix ans, moins 6 000 euros en Irlande.
    Monsieur le ministre, vous l'avez souligné dans votre intervention, nous avons fort heureusement un règlement de copropriété : le pacte de stabilité, et nous avons aussi, d'une certaine manière, la protection de l'euro. Faisons néanmoins attention à ne pas nous trouver expulsés de la copropriété dans un schéma à l'argentine ! Il est vrai que le Gouvernement fait tout pour éviter une telle dégradation de nos finances. Mais on ne saurait imaginer que le règlement de copropriété suffise à nous protéger jusqu'à la fin des temps.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous ne durerez pas jusque-là !
    M. Hervé Mariton. Si la nation ne prend pas conscience de la gravité de la situation, le péril sera grand.
    Le travail de pédagogie à engager est évidemment considérable. Le redressement s'impose. Il y faut de la discipline. Il y faut surtout un projet politique.
    Profitons des outils qui sont à notre disposition. Mais n'y mettons pas plus d'espoir qu'il ne convient. La LOLF nous permet d'améliorer notre analyse et de renforcer notre vigilance, mais elle ne remédiera pas toute seule à la situation dans laquelle nous nous trouvons.
    M. Michel Bouvard. C'est sûr !
    Hervé Mariton. Permettez-moi donc, monsieur le ministre, de vous soumettre quelques réflexions, sinon quelques conseils.
    Pour convaincre d'abord nos concitoyens, pour réussir ensuite, surtout pas de dogmatisme ! Nous avons eu il y a quelques semaines un débat intéressant sur la maîtrise de la dépense publique. Mais plutôt que de faire un dogme du niveau même de la dépense publique, ce qu'il me semble essentiel de dire à nos concitoyens, c'est que nous voulons réduire la part de la dépense publique dans la richesse nationale. Avec ce discours-là, nous aurons plus de chance d'être entendus et accompagnés. C'est évidemment le discours de la réforme.
    Pas de dogmatisme, pas de tabou ! Je reprends un exemple cité par d'autres collègues, celui de l'éducation nationale, budget considérable, priorité de l'Etat naturellement. Mais chacun sait bien ici que l'ampleur des moyens qui lui sont dévolus a peu de relation avec la qualité du service rendu. Il ne faudrait donc pas que la crise sociale de ces dernières semaines tétanise l'action publique et nous dispense de consacrer à ce budget toute l'attention nécessaire.
    Pas de dogmatisme, pas de tabou, pas de masochisme ! Car on a parfois le sentiment que l'effort supplémentaire, le prévèlement supplémentaire, peut valoir viatique de réforme.
    Nous aurons, dans quelques mois, à travailler sur la réforme de l'assurance maladie. D'évidence, l'augmentation des prélèvements n'est pas la solution ou, du moins, ne peut en aucun cas être toute la solution. Attention aux analyses qui préconiseraient une fois de plus d'augmenter le prélèvement plutôt que d'engager les réformes structurelles indispensables.
    Monsieur le ministre, il faut que notre politique garde le cap de la cohérence. Depuis un an, nous avons su tenir notre engagement de réduire l'impôt. Nos compatriotes comprendront que le rythme doive s'adapter à la conjoncture et à la structure des finances publiques, mais la moindre encoche dans cette cohérence détruirait immédiatement le gain de toutes les mesures précédentes.
    Cohérence, sagesse. Il faut aussi savoir ce que l'on peut faire et ce que l'on ne peut pas faire. Abandonnons l'idée selon laquelle « je dépense, donc je suis ».
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Eh oui !
    M. Hervé Mariton. Il est essentiel que l'Etat puisse mener des politiques hors du champ immédiat, facile à court terme mais gravissime à long terme, des dépenses supplémentaires.
    La sagesse suppose aussi que la dépense que l'Etat ne pourrait lui-même engager, il ne l'impose pas aux autres. Gardons-nous des politiques qui, sans accroître la dépense de l'Etat, consisteraient, en leur imposant des normes, des contraintes supplémentaires, à faire dépenser d'autres collectivités publiques.
    Responsabilité, enfin, en appelant d'abord, et ce ne sera pas facile, à la responsabilité des élus locaux, mais aussi à celle de l'Etat dans la mise en oeuvre de la décentralisation. Une pression politique doit être exercée pour que le choix de la discipline et du redressement, celui que fait la majorité en soutenant le Gouvernement, ne soit pas immédiatement contredit par un dérapage de la dépense sociale.
    Pour tout cela, monsieur le ministre, il faut du courage et de la lucidité. Vous en faites preuve. La pédagogie vous sera également nécessaire, aussi rude soit l'effort qu'elle demande. Elle est urgente, elle est essentielle. Il n'est pas trop tôt pour l'entreprendre. Merci de ce que vous ferez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Mariton, de n'avoir pas utilisé tout le temps dont vous disposiez.
    La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, dernier orateur inscrit.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques fait apparaître la réalité de nos finances, avec les contraintes qui pèsent sur le Gouvernement du fait de trois facteurs clés : l'héritage de la législature précédente, le ralentissement durable de la croissance et la rigidité des dépenses.
    Nous le savons, pour tenir les engagements du Président de la République, le Gouvernement s'attache à prendre en compte cette réalité dans le pilotage de notre pays. Son action, dans la cohérence, vise, à moyen terme, à corriger les dérives structurelles liées à l'évolution de notre société : démographie, contexte mondial, rapidité des mutations socio-économiques, et les dérives conjoncturelles liées à une croissance au ralenti.
    Pour y parvenir, monsieur le ministre, vous avez souligné l'importance de deux grandes orientations du Gouvernement : réformer l'Etat en profondeur et retrouver la maîtrise des finances publiques.
    Certes, la réforme de l'Etat est déjà engagée. Mais retrouver la maîtrise de la dépense publique, par le respect, en exécution, du niveau de dépenses autorisé par le Parlement en loi de finances initiale, soit 273 milliards d'euros, est sagesse.
    Cette sagesse prend le contre-pied d'une nouvelle famille de dépenses, constatées ces dernières années et initiées par le gouvernement précédent, qui fait porter sur les équilibres financiers de l'Etat le risque du politique. Ce risque, c'est celui de la mise en oeuvre de dispositifs dont on a fait le choix dans une approche purement dogmatique, en oubliant, comme par amnésie, de se préoccuper de leur gage et de leur financement ! Or ce risque politique est aujourd'hui devenu pérenne et nous devons collectivement l'assumer. Il s'appelle 35 heures : 11,3 milliards d'euros en 2002. Il s'appelle CMU : 1,2 milliard d'euros en 2002...
    M. Thierry Carcenac. Vous allez la supprimer ?...
    M. Didier Migaud. On verra ce que ça donnera !
    Mme Marie-Anne Montchamp. Il s'appelle aide médicale d'Etat : 800 millions d'euros prévus en 2003. Pour ne pas citer les emplois-jeunes et l'APA !
    Prenons l'exemple de l'AME, particulièrement emblématique de la tendance du gouvernement précédent à créer des prestations nouvelles sans les financer. Voilà un dispositif qu'on a imaginé constant, à moins de 30 millions d'euros à l'origine, et dont le coût dépasse de près de 500 millions d'euros la prévision initiale ! Cette « surdépense » est, à elle seule, quasi équivalente aux prévisions de dépassement des dépenses d'assurance maladie. Aujourd'hui encore, on ne peut estimer avec exactitude le niveau plafond qu'elle atteindra dans le temps. Il faut donc rompre avec l'approche foncièrement démagogique selon laquelle, dans le cas d'espèce, les seule alternatives sont l'abandon, à terme, de notre devoir de solidarité ou le dérapage permanent et incontrôlé de la dépense publique. Une autre voie existe : celle de la responsabilisation !
    Dans ces conditions, crier à la révolte et à l'émeute face aux tentatives d'encadrer la dépense des guichets sociaux est fondamentalement irresponsable. En effet, vigilance et maîtrise peuvent et doivent amener à une plus grande performance de la dépense publique. C'est un des enjeux de la LOLF. C'est aussi un des défis de la décentralisation.
    L'exemple de l'aide médicale d'Etat nous montre une nouvelle fois le besoin d'une évaluation stricte, d'une modélisation et d'une analyse de l'évolution de toute mesure nouvelle sur le moyen terme. En effet, les premières années de vie d'un dispositif social ne permettent que des estimations très partielles de son coût : la phase d'expérimentation limite la dépense et crée un effet de trompe-l'oeil. Le savoir-faire des acteurs sociaux augmente avec le temps, et on se trouve bien vite dans l'incapacité d'encadrer la dépense nouvelle.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très juste !
    M. Michel Bouvard. Belle démonstration !
    Mme Marie-Anne Montchamp. Nous le voyons bien, le moment est venu de passer d'une vision budgétaire conservatrice, régulant chaque année les dérives des budgets antérieurs, à une vision qui - comme c'est le cas aujourd'hui - prenne en compte les risques, assure l'évaluation des dispositifs et instaure une réelle responsabilité des acteurs.
    Il nous faut enfin admettre, dans notre raisonnement budgétaire, la pluralité des scenarii, les projections à long terme, le caractère erratique des recettes en fonction de la conjoncture et la non-linéarité des dépenses. Ce raisonnement doit être centré, comme nous y enjoint la LOLF, sur la maîtrise, l'évaluation, la lisibilité de nos politiques publiques, dans le souci du meilleur rapport qualité-prix.
    Ne nous y trompons pas : l'encadrement de la dépense publique doit avoir pour objet d'amener un progrès dans la performance des dispositifs, la responsabilisation des acteurs et la recherche de partenariats innovants avec le secteur privé.
    Dans un contexte économique atone, nous devons, plus que jamais, concilier la justice sociale, par la performance de la dépense, et le soutien aux acteurs économiques, par la baisse des prélèvements obligatoires et des charges. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !
    M. le président. Le débat d'orientation budgétaire est clos.
    La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, compte tenu de l'heure, chacun admettra que je ne puisse répondre à l'ensemble des intervenants. Je prends donc l'engagement de répondre par écrit à ceux d'entre vous qui souhaiteraient plus de précisions sur tel ou tel point.
    Je voudrais toutefois dire à chacun des orateurs que la contribution qu'il a versée au débat a été utile à ma réflexion et le sera à celle du Gouvernement. Dire également à ceux qui ont manifesté leur soutien au Gouvernement combien il lui est précieux face aux défis que nous devons relever.
    Pour traiter des principaux sujets que vous avez abordés, je souhaite, après avoir évoqué rapidement son contenu, vider - ou tenter de vider - quelques controverses sur le rapport de la Cour des comptes et sur l'opportunité d'un collectif. J'aborderai ensuite les questions de prévision relatives à la croissance ou à l'interprétation des données qui paraissent ici ou là. J'évoquerai enfin les dépenses d'avenir, telle la recherche, souvent mentionnée, en précisant quelques points relatifs à la régulation. Je pense couvrir ainsi un champ dont l'étendue correspond à la variété des sujets abordés ce matin.
    Je ne veux pas commencer sans faire écho au rappel au règlement qu'a présenté le président Jean-Marc Ayrault, puisqu'il y était question du fonctionnement de notre démocratie. Il a souhaité que le Gouvernement soit à l'écoute de l'opposition et dialogue avec elle. Je tiens à l'assurer très sincèrement de ma disponibilité pour répondre à toutes les questions que l'opposition souhaitera me poser. Je lui demande simplement de convenir avec moi que ce n'est généralement pas lors des questions d'actualité que nous pouvons, en deux minutes et demie, traiter de sujets aussi complexes que ceux dont nous parlons, par exemple, ce matin.
    J'ajoute qu'un débat démocratique de qualité suppose aussi la bonne volonté des deux parties. Pour sa part, le Gouvernement y est prêt et je souhaite que l'opposition le soit également afin que nous puissions avoir un dialogue constructif.
    J'en viens au contenu du rapport, et j'indique à Didier Migaud que le rapport qui a été présenté par le Gouvernement est totalement fidèle à l'article 48 de la loi organique qu'il connaît mieux que personne. Jamais il n'y avait eu de prévision d'exécution dans les rapports : il y en a eu une désormais. Jamais il n'y avait eu de projections pluriannuelles sur les recettes ; elles y figurent. Jamais la méthodologie de la prévision des recettes n'avait été exhaustivement développée et en quelque sorte dévoilée ; elle est mentionnée. Jamais il n'y avait eu de projection sur les dépenses ; elle existe. Jamais il n'y avait eu de transparence intégrale sur les régulations ; nous nous y sommes tenus depuis notre prise de fonctions. Il n'est donc pas juste de dire que le contenu de ce rapport ne s'est pas enrichi. Il contient cette année des informations qui n'avaient jamais été communiquées dans un rapport préalable au débat d'orientation budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Nicolas Perruchot. Cela nous change !
    M. Didier Migaud. Peut mieux faire, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'en viens à la controverse qui a pu naître sur le rapport de la Cour des comptes et sur l'opportunité d'un collectif.
    S'agissant des constats de la Cour des comptes, il en est certains que nous pouvons tous partager. Oui, la France n'a pas assez réduit son déficit comparativement à ses voisins pendant les années de croissance. Oui, l'endettement de l'Etat constitue une préoccupation majeure, de même que la rigidification croissante du budget de l'Etat, due à l'augmentation continuelle des charges de la dette,...
    M. Michel Bouvard. Cela fait des années qu'on le dit !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... des dépenses de rémunérations et des pensions de fonctionnaires. Quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, à l'exception peut-être de quelques-uns, vous êtes tous d'accord sur ces points. Et le Gouvernement partage cet avis.
    S'agissant de la part de responsabilité entre les différents exécutifs sur la dégradation des comptes en 2002, je vous ai dit très clairement que le Gouvernement, non seulement assume, mais revendique les 600 millions d'euros qui sont liés aux dépenses de restauration de l'autorité de l'Etat. Et je n'ai entendu, chez aucun orateur qui s'est exprimé ce matin, d'autres critiques sur d'autres dépenses que nous aurions engagées. Les seules critiques qui ont été exprimées portaient sur l'impôt sur le revenu. Elles sont légitimes, même si, naturellement, le Gouvernement ne peut pas les accepter.
    J'en viens à la question du collectif. Quel est l'objectif poursuivi ? S'il s'agit d'accroître les dépenses, la réponse est non. S'il s'agit d'augmenter les impôts, la réponse est également non. Si vous avez d'autres idées, exprimez-les clairement, mesdames, messieurs de l'opposition !
    M. Eric Besson. Nous voulons entendre les vôtres, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Par ailleurs, l'équilibre de la loi de finances pour 2003 est-il bouleversé ? Rappelons l'ampleur des masses en cause : 500 milliards d'euros, en recettes comme en dépenses. Et il faudrait bien sûr que les recettes soient meilleures et les dépenses un peu moins fortes. En tout état de cause, l'écart que je vous ai indiqué comme étant celui que je suis en mesure d'estimer aujourd'hui est de 5,1 milliards, soit 1 %. S'agit-il d'un bouleversement ? Cet écart, de surcroît, repose sur des prévisions, à ce jour, et non sur des certitudes. Il n'est pas exclu en effet que la fin de l'année soit meilleure que prévue, ce que tout le monde souhaite, j'imagine. Le Gouvernement tient donc ce qu'il peut tenir et ce dont il est immédiatement responsable, c'est-à-dire la dépense. A cet égard, je vous reconfirme notre engagement de respecter l'autorisation parlementaire.
    M. Didier Migaud. Les cinq milliards ne peuvent pas être rapprochés des 500 milliards !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je vais vous répondre, monsieur Migaud.
    L'essentiel, c'est d'informer le Parlement. Notre rapport respecte cet engagement. A ce stade, je vous le dis très sincèrement, il n'y a pas d'informations supplémentaires que je ne vous aurais pas livrées.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est inquiétant !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Jamais - à moins qu'on ne me démontre le contraire - un gouvernement n'avait fait preuve d'autant de transparence vis-à-vis de la représentation nationale sur le dispositif de maîtrise de la dépense et sur l'état actuel des prévisions de recettes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'en viens précisément aux questions difficiles qui concernent la fiabilité des informations et des différentes données. A cet égard, je fais écho à l'intervention du rapporteur général Gilles Carrez, qui suggère d'adopter une démarche prudente dans l'évaluation des recettes.
    M. Augustin Bonrepaux. Il était temps !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Est-ce à vous de nous donner des conseils en la matière, monsieur Bonrepaux ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous m'obligeriez presque à rappeler un passé que tout le monde voudrait oublier !
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes le dernier à pouvoir parler sur ce sujet, monsieur Bonrepaux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames et messieurs les députés, je vais essayer de répondre le plus précisément possible sur la très délicate question de la prévision de croissance - prudente - sur laquelle nous voudrions bien travailler ensemble pour construire le budget 2004.
    Monsieur le rapporteur général, je suis d'accord sur le principe pour examiner les pistes que vous ouvrez : s'appuyer sur le consensus, s'appuyer sur la croissance potentielle. Il faut cependant noter que les modalités sont difficiles à arrêter.
    D'abord le consensus. Ainsi que j'ai pu l'observer après un an d'exercice, le consensus peut évoluer successivement et rapidement dans un sens et dans l'autre. Et le consensus peut se tromper. D'ailleurs, il s'est déjà beaucoup trompé. Je vous rappelle qu'en septembre 2002, il était question d'une croissance à 2,4 % pour 2003.
    M. Didier Migaud. Non !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais en mars 2003, on en était plus qu'à 1,3 % ! Vous voyez à quel point cela peut changer très rapidement. N'est-il pas également excessif de ne retenir que l'estimation la plus basse de la fourchette ? Ainsi, aujourd'hui, est-il bien raisonnable de s'en tenir à 0,6 % pour 2004 ?
    Au-delà de l'estimation de la croissance, nous devons aussi disposer pour élaborer le budget des prévisions d'inflation et d'assiette des emplois taxables. Comme quoi l'exercice est vraiment difficile. Je vais prendre deux exemples de la difficulté à interpréter les statistiques, qu'il s'agisse d'ailleurs de données en prévision ou en exécution.
    Concernant les données en prévision, je veux bien entendre toutes les leçons de morale, ou même plus simplement les rappels à mes devoirs en matière de prévisions.
    M. Didier Migaud. Il ne s'agit pas de morale !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais prenons l'exemple de l'aide médicale d'Etat qui a été instituée sur la base d'une évaluation initiale de 50 millions d'euros - Marie-Anne Montchamp vient d'y faire allusion. En la matière, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, je ne vous accuse d'aucune déloyauté, je vous signale seulement que c'est un bel exemple du caractère aléatoire de toute prévision, y compris des vôtres. Je vous demande également d'être attentifs au fait que lorsque se produisent d'importantes dérives spontanées, il faut bien trouver des financements.
    M. Eric Besson. Cela n'a rien à voir, la CMU concerne les exclus !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous le savez, cette AME, initialement évaluée à 50 millions d'euros, coûte aujourd'hui dix fois plus cher que prévu. Comme Yves Deniaud le disait tout à l'heure, c'est plus que ce que nous investissons sur le réseau routier français.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'en viens à l'exécution, en particulier aux dernières statistiques publiées par l'INSEE, qui indiquent une baisse de la consommation en mai. Une enquête sur l'activité dans l'industrie est également publiée ce matin.
    S'agissant des statistiques sur les mois de mai et juin, vous reconnaîtrez avec moi que ce ne sont pas les moments les plus propices pour saisir une tendance. Au-delà du nombre de jours fériés, particulièrement important au cours de cette période - ponts, effets des 35 heures plus sensibles que sur les autres mois -, il a fallu compter cette année aussi avec le poids des incertitudes internationales et des mouvements sociaux. On peut légitimement penser en outre que des achats ont été différés en attendant les soldes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bien sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au total, si les chiffres du premier semestre ne sont pas excellents, ils ne peuvent constituer une tendance pour l'ensemble de l'année. Selon le Gouvernement, la tendance résultera d'éléments tangibles tels le gain de pouvoir d'achat que vont faire les Français. Je rappelle à cet égard que le conseil des ministres a décidé hier de relever le SMIC. C'est l'augmentation la plus élevée depuis vingt ans, je vous demande de le retenir.
    M. Pascal Terrasse. Cela ne concerne que 900 000 personnes !
    M. Michel Bouvard. Cela concerne les plus pauvres !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il faut prendre en compte également les baisses d'impôts et le fait que les taux d'intérêts sont très bas. La situation financière des ménages est bonne, tout comme celle des entreprises. Ce sont là les facteurs les plus fiables sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour espérer la reprise dans laquelle le Gouvernement croit sincèrement.
    J'en viens, mesdames et messieurs les députés, à la question des dépenses d'avenir.
    M. Eric Besson. Et la prévision de croissance, monsieur le ministre ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Comme vous, je crois à leur nécessité. M. Bapt à mis l'accent sur les crédits de recherche.
    M. Pascal Terrasse. M. Claeys et moi en avons parlé aussi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous aurez remarqué que la France est aujourd'hui à la quatrième place des pays de l'OCDE pour son effort de recherche et de développement, qui représentait 2,19 % du produit intérieur brut en 2000. Il faut néanmoins noter une particularité que nous devons tous méditer : l'importance de l'effort public de recherche hisse notre pays à la première place des pays de l'OCDE.
    M. Pascal Terrasse. Nous en sommes très fiers !
    M. Augustin Bonrepaux. Malheureusement, cela ne va pas durer !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et donc c'est la faiblesse de l'effort privé par rapport aux pays qui nous sont comparables qui ne nous permet pas d'avoir un niveau de recherche tel que nous pourrions le souhaiter.
    M. Pascal Terrasse. Allez dire cela aux agents du CEA !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En France, un euro de dépense publique correspond à un 1,35 euros en dépense de recherche privée. Ce ratio est de 1 pour 3,7 au Japon, par exemple.
    M. Eric Besson. Allez-vous baisser les crédits en faveur de la recherche publique ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Comme quoi il ne faut pas faire de procès au Gouvernement sur tous les sujets. Il faut aussi analyser la manière dont les dépenses sont allouées. Il est trop simple de considérer qu'on travaille bien quand on dépense beaucoup. Il faut aussi veiller à la bonne allocation des moyens.
    M. Eric Besson. Qu'allez-vous faire ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Concernant les mesures de régulation qu'il s'agisse des gels ou des réserves de précaution, je vous rappelle qu'il n'est nullement question de consommer moins de crédits que vous n'en avez autorisé.
    M. Didier Migaud. C'est quand même ce que vous faites !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je l'ai écrit de ma main et je voudrais que ce soit bien clair. Il faut voir simplement une détermination à ne pas en consommer plus que ce que vous avez autorisé. Or, sans mesure de régulation, le dépassement de votre autorisation est assuré.
    M. Jean-Jacques Descamps. Absolument !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous devez retenir que nos administrations ont et auront à leur disposition les crédits à hauteur de ce que vous avez autorisé, ce qui, je vous le rappelle, est beaucoup plus que tous les pays qui nous sont comparables.
    M. Eric Besson. C'est Harry Potter 6 !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour conclure, mesdames et messieurs les députés, il n'y a pas lieu de douter de l'avenir de la France, car il est riche de l'effort des femmes et des hommes qui se battent et qui se battront de toutes leurs forces pour que notre pays réussisse.
    M. Pascal Terrasse. Nous avons le diagnostic. Quelles sont les décisions ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. N'épuisons pas ces bonnes volontés, ne les décourageons pas par des prélèvements excessifs et pour ce faire, maîtrisons nos dépenses.
    M. Nicolas Perruchot. Absolument !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Voilà le véritable enjeu de l'avenir de la France. Ne cherchons pas à dépenser plus. Nous sommes au maximum raisonnable.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes déjà au-delà !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cherchons à dépenser mieux - c'est d'ailleurs ce qui a été dit ce matin. Offrons aux Français le meilleur service possible au meilleur rapport coût-efficacité, comme le disait Mme Montchamp. Et cela, mesdames, messieurs les députés, mériterait bien de réunir toutes les bonnes volontés, quels que soient les bancs sur lesquels elles siègent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

12

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    A vingt-et-une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT