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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mercredi 15 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de lois. «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Georges Tron,
Charles de Courson,
Hervé Mariton,
Daniel Garrigue,
Yves Fromion,
Léonce Deprez,
Tony Dreyfus,
François Guillaume.
M.
Jean-Pierre Brard, le président.
Mme
Marie-Anne Montchamp,
MM.
Georges Siffredi,
Patrice Martin-Lalande,
Jacques Myard,
Louis Cosyns,
Joël Beaugendre.
Clôture de la discussion générale.
M.
Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Suspension et reprise de la séance «...»
MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean-Louis Idiart, Charles de Courson, Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Brard. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion du projet de loi de finances à la prochaine séance.
2.  Dépôt de projets de loi «...».
3.  Dépôt de propositions de loi «...».
4.  Dépôt de rapports «...».
5.  Dépôt d'un rapport d'information «...».
6.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
7.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole, avec l'autorisation de M. de Courson, est à M. Georges Tron.
    M. Jean-Luc Préel. La majorité est soudée !
    M. le président. Vous l'avez remarqué, monsieur Préel ! (Sourires.)
    M. Georges Tron. Permettez-moi de remercier tout d'abord M. de Courson pour la gentillesse dont il fait preuve à mon égard en me laissant prendre la parole avant lui. Cela ne me surprend ni de lui ni du groupe auquel il appartient. Nous sommes tous habitués à leur cordialité, à leur amabilité, à leur politesse, à leur mansuétude. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    C'est pourquoi nous nous permettons parfois de demander, non pas des avantages, mais quelques signes traduisant une coopération renforcée.
    M. François Sauvadet. C'est un bon début !
    M. Georges Tron. Monsieur le ministre délégué au budget, je suis heureux de pouvoir dire quelques mots, dans le cadre de ce projet de loi de finances, sur un sujet, qui, à titre personnel, me tient beaucoup à coeur et qui est à la base, selon moi, des problèmes économiques et financiers que rencontre notre pays : le poids des dépenses de la fonction publique dans le budget de l'Etat,...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Georges Tron. ... sur lequel nous devons avoir le courage de porter un regard objectif et lucide, au moment où nous sommes appelés à réfléchir sur la façon dont on peut réformer l'Etat.
    Je voudrais situer mon propos dans une perspective ouverte. Il ne s'agit pas, pour moi, de faire, comme quelques-uns, y compris parmis mes propres amis, le procès de la fonction publique et des fonctionnaires, mais bien plutôt de démontrer qu'une réforme de l'Etat passe par une réflexion nouvelle pour la fonction publique et qu'une véritable réforme de la façon dont la fonction publique fonctionne aujourd'hui dans notre pays peut aboutir à la fois à rétablir nos comptes publics et à améliorer très substantiellement la situation des fonctionnaires.
    Que représente aujourd'hui la fonction publique ? La masse des dépenses de la fonction publique dans le budget de l'Etat est bien entendu très importante. Les dépenses de la fonction publique représentent, on le sait, un poids de plus en plus lourd dans le budget, mais peut-être ne peut-on pas véritablement s'en rendre compte si on ne rappelle pas les chiffres : 40 % ou un peu plus du budget de l'Etat en 1991, 42,5 % en 1999, 43,6 en 2001, 44 % aujourd'hui, 118 milliards d'euros, 8 % du PIB, dépenses salariales et dépenses de pensions confondues bien entendu.
    Ces dépenses ont absorbé plus de la moitié de la progression du budget de l'État dans les dix dernières années, la totalité du budget de l'État sur les exercices 1998 à 2000, quand la croissance permettait d'avoir de fortes recettes fiscales.
    Il y a donc une part de plus en plus importante qui est consacrée dans le budget aux dépenses de la fonction publique. Je ne parle pas de la seule masse salariale, il y a également les crédits de pensions, dont la masse est très importante. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes retrouvés, ce qui était bien la moindre des choses, vu l'ampleur du sujet, pour voter la réforme des retraites.
    Les crédits de pensions s'élèvent, en effet, aujourd'hui à environ 33,8 milliards d'euros, soit une augmentation de plus de 5 % par rapport au budget 2003. La tendance va bien entendu s'accentuer. En 2002, c'étaient 20 % de plus par rapport à 1998.
    Je précise qu'aujourd'hui, à l'issue de la réforme que nous avons votée cet été, l'indexation sur le coût de la vie a coûté en réalité 500 millions d'euros de plus que si nous étions restés à l'indexation précédente. C'est une façon de contrer les critiques que l'on a entendues souvent sur ce sujet.
    Bref, le poids de la fonction publique dans le budget de l'État, dans le déficit de l'État, dirai-je par extrapolation, est extrêmement important, et, pour réaliser une réforme de l'État, il faut sortir de l'approche quantitative de la fonction publique. Autrement dit, il faut sortir de cette culture qui nous est propre selon laquelle l'action des ministères, et parfois des ministres, se confond avec le nombre de fonctionnaires qu'ils ont sous leurs ordres.
    Cette approche était celle du précédent gouvernement. En 2002, plus de 30 000 emplois budgétaires supplémentaires ont été créés, et je voudrais ici rendre hommage au Gouvernement et à vous tout particulièrement, monsieur le ministre. On sait non seulement les efforts mais la conviction que vous mettez afin de rappeler qu'il ne faut pas confondre les deux choses. Le Gouvernement peut se féliciter d'être le premier depuis trente ans à présenter deux budgets successifs en diminution nette d'emplois budgétaires, même si, reconnaissons-le, 700 emplois en 2003 et 4 500 en 2004, ce n'est pas beaucoup par rapport aux 2 250 000 emplois dans le budget. Cela dit, au moins, la tendance est donnée.
    Je suis convaincu qu'il faut donner des exemples précis pour démontrer qu'il n'y a pas de lien entre le nombre de postes budgétaires et l'action ministérielle. J'en veux pour preuve les résultats du ministre de l'intérieur, qui sont probants alors que ne sont pas encore effectuées les affectations de personnel programmées. M. de Robien, également, a d'excellents résultats dans sa politique contre l'insécurité routière. (« Très bien ! », sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je veux également rendre hommage à l'action que vous menez, vous-même, monsieur le ministre, avec M. Francis Mer à Bercy. Le non-renouvellement de 2 000 départs a été rendu possible par une réorganisation des structures du ministère. Vous êtes en train de réussir le pari de réorganiser le ministère, dans un climat excellent de discussion, avec les syndicats en particulier. Enfin, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, a réussi à supprimer 1 200 emplois budgétaires dans son ministère, uniquement en réorganisant le système des prestations familiales.
    Bref, on n'a pas besoin d'avoir de nombreux fonctionnaires supplémentaires pour avoir des résultats. Dans la mesure où nous en sommes tous convaincus - j'ose espérer que c'est le cas en l'absence de l'opposition -, il faut avoir le courage de prendre, ministère par ministère, quelques exemples précis pour démontrer qu'on peut économiser des lignes budgétaires, sans que cela porte atteinte aux fonctionnaires par définition, ni au ministère ou à l'action publique qui est menée.
    Je voudrais évoquer tout particulièrement l'éducation nationale et rappeler quelques chiffres qui, à mon avis, sont très parlants.
    M. Charles Cova. Il faut dégraisser le mammouth !
    M. Georges Tron. Si le nombre d'enseignants par élève avait été le même en 2002 qu'en 1997, il y aurait eu 40 000 enseignants de moins.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Et l'enseignement ne s'est pas amélioré pour autant !
    M. Georges Tron. Au cours des trente dernières années, l'effectif moyen a diminué de quatre à cinq élèves dans le premier degré et d'un peu plus de deux élèves dans l'ensemble du second degré. Pour le primaire, cette politique correspond exactement à 16 000 emplois budgétaires. Pour le second cycle général et technologie, elle correspond grosso modo à une hausse de 10 % du taux d'encadrement en dix ans. Or, et c'est là qu'il y a un paradoxe qui mérite d'être souligné, toutes les recherches actuellement disponibles sur cette question concluent à l'absence d'effets significatifs et mesurables d'une politique de réduction de la taille des classes de façon générale.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, toutes les évaluations le montrent !
    M. Georges Tron. Je vous renvoie, si cela vous intéresse, mes chers collègues, à l'avis qui a été rendu en mars 2001 par le Haut conseil de l'évaluation de l'école.
    De même, il faut avoir le courage de revenir sur certains paramètres qui semblent intangibles.
    Prenons un autre exemple. On dénombre dans le budget 2003, 723 600 enseignants titulaires et 183 480 personnels ouvriers, techniciens, administratifs et de direction dont le travail est remarquable et que personne ne songe une seule seconde à remettre en cause. Je le dis de la façon la plus claire qui soit, afin qu'aucun procès d'intention ne soit fait à ce sujet. Le taux est actuellement de un pour quatre. Si on le ramenait à un pour cinq, ce qui ne me paraît pas totalement impossible, notamment quand on pense à tous les travaux liés à l'administration de la carrière ou à la gestion des personnels enseignants, on réaliserait une économie de 40 000 emplois. Peut-on véritablement considérer que le service de l'éducation nationale, auquel nous sommes tous attachés sur ces bancs, serait remis en cause ?
    Troisième exemple qui concerne le même ministère. Le rapport de la Cour des comptes dénonce le coût de la gestion des remplaçants. Sur les 723 600 enseignants titulaires, 61 344 titulaires et contractuels sont affectés au simple remplacement, c'est-à-dire près de 8,5 % de l'effectif. Si l'on avait un taux comparable à celui du reste de l'économie, on obtiendrait un taux de l'ordre de 5 %, ce qui permettrait de gagner encore 25 000 emplois.
    Sans vouloir culpabiliser quiconque, je crois qu'on peut parvenir à obtenir une marge de l'ordre de 60 000 à 70 000 emplois. C'est une réflexion qui mérite au moins d'être ouverte. Pour ma part, je le dis très clairement, si on n'ouvre pas ce type de réflexion et si on répond à une sorte de terrorisme intellectuel qui nous interdit de dire tout haut ce que nous pensons tout bas, nous n'arriverons jamais à réformer l'Etat.
    M. Daniel Paul. A la hache !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non.
    M. Yves Fromion. Tout de suite la caricature !
    M. Charles Cova. Allègre avait raison : il faut dégraisser le mammouth.
    M. Georges Tron. Quoi qu'il en soit, on a la possibilité d'économiser de 80 000 à 100 000 emplois, à partir d'une simple analyse courageuse, et sans manier la hache, mon cher collègue.
    M. Daniel Paul. Cela sera rapporté aux personnels de l'éducation nationale.
    M. Georges Tron. Je sais bien que cela leur sera rapporté, déformé, mais, comme ils ne vous croient plus, cela ne me cause aucun souci.
    En toute hypothèse, il faut savoir présenter toute réforme, toute évolution de la fonction publique, de façon positive. Sans être trop long, je donnerai deux pistes.
    D'abord, il faut expliquer qu'une réforme de cette nature permettrait d'accroître très substantiellement l'attractivité salariale de la fonction publique et de régler un problème qui n'a pas été négligé dans les années précédentes. La fonction publique attire de moins en moins de jeunes et de moins en moins de jeunes diplômés, notamment à l'éducation nationale. Ce n'est pas la hache politique, mais la hache des faits, et elle est beaucoup plus dangereuse.
    M. Daniel Paul. C'est la hache tout court.
    M. Georges Tron. Aux concours du CAPES, notamment dans certaines matières, des candidats sont reçus aujourd'hui avec une note moyenne de 5,5 à 6 sur 20. Il y a une véritable crise de vocation pour la fonction publique et je suis convaincu qu'une réforme bien menée donnerait un peu de marge financière, ce qui permettrait une augmentation des rémunérations individuelles.
    Second point de même nature que je ne développe pas, parce que j'aurai l'occasion de le faire en tant que rapporteur du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, c'est évidemment la possibilité pour les fonctionnaires, dans la mesure où une vraie réforme sera engagée, de bénéficier d'une gestion modifiée des ressources humaines, avec une rémunération, non pas au mérite, car M. Paul va sans doute frémir et croire que je l'insulte, mais en fonction des performances que l'on cherche à évaluer. Performance, évaluation et, sur la base d'une liberté reconnue aux fonctionnaires, mobilité : à partir de là, il y aura une vraie politique, qui permettra à la fois d'améliorer l'état de nos finances publiques, de redonner du courage aux fonctionnaires et de leur montrer qu'on peut avoir quelques idées sans que pour autant nous préconisions l'institution d'une commission de la hache. C'est simplement faire preuve de courage et d'intelligence, je comprends que cela fasse frémir sur quelques bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation économique de la France est grave et l'état de ses finances publiques encore plus grave. Economiquement, l'année 2003 restera, avec l'année 1993, une annus horribilis, avec une croissance au mieux de 0,2 % et peut-être même de 0 %, et un taux de chômage frisant en fin d'année les 10 %. Quant à la situation des finances publiques, elle est beaucoup plus grave encore : l'Etat s'endette, non seulement pour financer la totalité de ses 28,6 milliards d'investissements civils et militaires, mais aussi pour règler 70 % des intérêts de sa dette, puisque 27 des 39 milliards sont financés à crédit.
    M. Maurice Leroy. En effet !
    M. Nicolas Perruchot. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. La sécurité sociale connaît un déficit de 11 milliards, qui est pour sa quasi-totalité un déficit de fonctionnement. Seules les finances des collectivités territoriales sont équilibrées, grâce, il est vrai, à des hausses sensibles de la fiscalité locale, atténuées par une prise en charge, hélas ! croissante, de la fiscalité locale par la fiscalité nationale.
    Globalement, l'endettement public atteint les 1 000 milliards d'euros, soit 16 000 euros par habitant. Entre 1991 et 2002, la dette par habitant s'est accrue de 7 585 euros, soit la croissance la plus forte des onze pays de la zone euro. Dans cinq pays, elle augmente, dans cinq pays elle baisse, et, dans un seul, elle est stable. La France est en tête, suivie immédiatement par l'Allemagne où la hausse est de 6 852 euros, par la Finlande, 5 963 euros, et par l'Autriche, 5 743 euros. En Irlande, elle est en baisse de 6 227 euros, en Grèce de 1972 euros.
    Le groupe UDF a pleinement conscience des difficultés inhérentes à une telle situation de l'économie et des finances publiques, comme il reconnaît les efforts mis en oeuvre par le Gouvernement pour tenter de remonter la pente. Il souhaite cependant poser trois questions : ce projet de budget respecte-t-il les règles européennes et les principes de saine gestion ? Les mesures fiscales ainsi que les économies proposées sont-elles justes socialement et efficaces économiquement ? Ce budget traduit-il l'engagement des réformes nécessaires à l'avenir du pays ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour la première question, je dirai que la maîtrise des finances publiques s'avère insuffisante. En effet, quelle va être pour 2004 la croissance des dépenses de l'Etat, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales ?
    Pour ce qui concerne l'Etat, la croissance des dépenses nettes du budget général majorées des dépenses que sont les prélèvements, les dégrèvements pour le compte de tiers et la rebudgétisation du FOREC, atteint, à structure constante 2004, 2,2 % : 353,4 milliards en 2003, 361 milliards en 2004. Comment expliquer la différence entre ce chiffre de 2,2 % et le chiffre de 1,5 % indiqué par le Gouvernement ? Tout simplement parce que la charte de budgétisation, que vous trouvez dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances initiale, exclut les prélèvements, les dégrèvements pour comptes de tiers, et parce que la comparaison s'effectue à structure constante 2003, et non 2004. C'est ainsi que nous avons une hausse réelle des dépenses de 2,2 %, avec une inflation de 1,5 %.
    A titre d'exemple, l'augmentation du FOREC, qui est de 1,2 milliard d'euros - elle aurait même dû atteindre 1,7 milliard si le Gouvernement n'avait pas décidé une réduction de la hausse de 500 millions - ne figure pas dans les 1,5 %, puisque l'on est à structure constante 2003. Quant aux dégrèvements et aux prélèvements, ils n'ont jamais figuré dans la charte de budgétisation. Je n'ai d'ailleurs jamais cessé de dénoncer la gauche qui transformait des dépenses en dégrèvements de façon à dissimuler la hausse. Ce n'est pas une critique, monsieur le ministre, vous avez correctement appliqué la charte de budgétisation. J'observe simplement que, à structure constante 2004, dégrèvements et prélèvements compris, on est à 2,2 % d'augmentation.
    Qu'en est-il de la sécurité sociale ? Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la hausse de l'ensemble des dépenses atteint 4 %. Encore faut-il considérer que, si les prévisons sont sérieuses sur toutes les branches, il en est où elles ne le sont pas. Ce sont les dépenses d'assurance maladie. Tout le monde sait qu'elles vont encore déraper de 1,5 à 2 milliards. L'augmentation des dépenses de sécurité sociale sera donc plutôt de l'ordre de 4,5 % ou 4,6 % que 4 %.
    Enfin, s'agissant des collectivités territoriales, la hausse est estimée par le Gouvernement à un peu plus de 3 %. Là encore, le Gouvernement sous-estime la pression sur les collectivités territoriales des transferts que constituent l'APA, les 35 heures, le SDIS, pour prendre le cas des conseils généraux, qui sont d'ailleurs les principaux auteurs de la hausse de la fiscalité, autant de décisions qui relèvent de l'ancien gouvernement, mais qu'il faut bien assumer.
    M. François Sauvadet. Absolument ! Il fallait le souligner !
    M. Charles de Courson. Le transfert au 1er janvier 2004 du RMI - RMA aux conseils généraux va dans le même sens, et encore je ne tiens pas compte de l'incidence sur le RMI, en l'état actuel du texte, de la réforme à la baisse de l'ASS. On peut donc légitimement penser qu'en 2004 l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales sera toujours un peu supérieure à 4,5 %.
    Si vous faites la somme des trois composantes que je viens de mentionner, les dépenses publiques s'accroîtront, l'année prochaine, entre 3,5 et 3,6 %, soit 0,3 à 0,4 point de plus que la richesse nationale.
    Deuxième constat : le déficit 2004 est excessif, et le retour du déficit en dessous des 3 % du PIB en 2005 suppose des économies drastiques, voire des hausses des prélèvements obligatoires, dès l'année prochaine.
    Tout d'abord, il convient de rappeler que la norme de 3 % n'est pas une norme de déficit. En moyenne, sur un cycle économique, on devrait être à 0 %. Pour atteindre cet objectif, il ne faudrait pas dépasser grosso modo les 2 % en bas de cycle. Dépasser les 3 % en bas de cycle comme nous le prévoyons - 3,6 % d'après les prévisions gouvernementales -, c'est rendre impossible un excédent en haut de cycle. Si l'on veut empêcher la hausse de la dette en pourcentage de la richesse nationale, il faut, l'année prochaine, être en dessous de 2 % - avec ce chiffre, la dette représente déjà 60 % des 3,2 % de croissance du PIB en valeur. Avec 3,6 %, le poids de la dette continue à augmenter en pourcentage de la richesse nationale, rendant de plus en plus difficile le redressement des comptes publics.
    M. François Sauvadet. Et voilà !
    M. Charles de Courson. Avec 3,6 %, notre déficit public ne respectera pas, pour la troisième année consécutive, le critère de Maastricht, selon lequel le déficit ne doit pas dépasser les 3 % de la richesse nationale. Or le respect de ces engagements conditionne le poids de la France en Europe. Nous ne pouvons réfuter des règles que nous avons fait adopter et que la France avait exigées de ses partenaires. Le président de notre assemblée l'a encore rappelé récemment, nous ne pouvons nous affranchir de règles adoptées par le peuple français dans le cadre d'un traité. Les critères de Maastricht ont été approuvés par le peuple.
    M. Michel Bouvard. De justesse !
    M. Charles de Courson. Nous devons tout mettre en oeuvre pour nous y tenir.
    Ce déficit public supérieur à 3 % est d'autant plus inquiétant qu'il semble s'inscrire dans la durée : 2004 sera la troisième année consécutive. De plus, cet objectif de 3,6 % de déficit est probablement sous-estimé, je vais essayer de vous démontrer pourquoi.
    Trois éléments nous amènent à penser qu'il sera difficile pour le Gouvernement de tenir le taux de 3,6 %.
    Premièrement, les prévisions de recettes de l'Etat en 2004 ont été faites sur une hypothèse de croissance en volume du PIB en 2003 de 0,5 %. Or la croissance de la richesse nationale sera, cette année, de 0,2 %, voire 0 %. Cette seule différence d'assiette conduira à un manque à gagner, en termes de prélèvements, de 2 milliards à 4 milliards d'euros.
    Deuxièmement, un ralentissement des recettes de l'impôt sur les sociétés est prévisible. En effet, la stabilité, qui est l'hypothèse retenue par le Gouvernement en 2004 du produit de l'impôt sur les sociétés, est peu vraisemblable. Certes, il est très difficile de prévoir l'impôt sur les sociétés. Mais cette année a été extrêmement difficile pour les entreprises françaises, et il nous semble qu'une hypothèse de stagnation de l'impôt sur les sociétés en 2004 par rapport à 2003 est encore trop optimiste.
    Troisièmement, la trop forte hausse du tabac risque de développer le marché noir, comme en Grande-Bretagne où ce marché noir représente entre 20 % et 25 % du marché. La consommation va chuter au point peut-être même d'annuler une bonne partie de la hausse prévue des 800 millions d'euros de recettes supplémentaires attendus.
    Pour atteindre l'objectif de 3,6 % de déficit en 2004, monsieur le ministre, vous présentez dans les documents budgétaires un déficit des comptes de la sécurité sociale de 0,5 % du PIB, soit 8 milliards d'euros. Or les prévisions du solde de toutes les branches du régime général sont plus proches d'un déficit de 11 milliards, en étant très optimiste, et, de façon plus réaliste, 13 milliards, voire 14 milliards d'euros, du fait d'un dérapage de 2 milliards sur les dépenses d'assurance maladie et d'une perte de recettes de l'ordre de 2 milliards.
    Le deuxième critère d'évaluation d'un budget concerne la justice sociale et l'efficacité économique des mesures proposées.
    Le projet de loi de finances pour 2004 présente de bonnes mesures, comme la réforme du régime des plus-values immobilières, la réforme du régime des distributions ou encore les avantages fiscaux accordés aux personnes âgées dépendantes ou la poursuite de la réduction des cotisations sociales sur les salaires, en particulier les plus faibles d'entre eux, et de l'impôt sur le revenu.
    Trois mesures pourtant nous semblent délivrer des messages contradictoires aux Français.
    Alors que l'on choisit de diminuer l'imposition sur le revenu de 3 % pour un coût de 1,6 milliard d'euros, les Français ne peuvent pas comprendre que, dans le même temps, on augmente les impôts indirects, tabac et TIPP à due concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Pour onze millions de foyers, la hausse de la TIPP sera plus importante que la baisse de l'impôt sur le revenu, même si on prend en compte l'amélioration de la prime pour l'emploi pour les plus modestes d'entre eux.
    M. François Bayrou. C'est exactement cela !
    M. François Sauvadet. Il est excellent !
    M. Charles de Courson. Nous proposerons donc, nous l'avons dit en commission, de supprimer cette hausse de la TIPP sur le gazole et de la compenser par une moindre diminution de l'imposition sur le revenu ou par des économies supplémentaires.
    M. François Bayrou et M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Charles de Courson. Quant à la hausse des droits de consommation sur le tabac, elle risque, par son niveau trop élevé, de ne pas dégager les recettes supplémentaires prévues. Je note que 170 millions sont déjà gagés pour compenser les pertes de revenus des buralistes.
    M. Maurice Leroy. Eh oui !
    M. le président. Il faut conclure, monsieur de Courson.
    M. Charles de Courson. Le Gouvernement propose aussi de restreindre les conditions d'attribution de l'allocation spécifique de solidarité, cela a été évoqué.
    Pour conclure, mes chers collègues, la maîtrise des finances publiques passe par quatre grandes réformes.
    Notre pays a besoin, en plus de la réforme des retraites que nous avons courageusement lancée, de procéder à quatre grandes réformes structurelles pour regagner en compétitivité et assainir ses finances publiques : la décentralisation, la réforme de l'Etat, la réforme de l'assurance maladie et la réforme des 35 heures. D'ailleurs c'est ce que rappelle le commissaire européen, Pedro Solbes, en déclarant : « Au-delà des problèmes budgétaires, la France doit faire des réformes structurelles détaillées dans les grandes orientations de politique économique. Un pas a été fait sur la réforme des retraites, nous avons demandé de réformer le système d'assurance chômage, celui de la santé. Le gouvernement français sait très bien les réformes qui sont nécessaires, et il y travaille. Nous voulons prendre en compte les réformes dans notre analyse, mais, pour cela, il nous faut des engagements et un calendrier de réformes précis. »
    Concernant la décentralisation, il faudra attendre 2005 pour en voir les impacts conséquents sur les finances publiques, mais le mouvement est engagé.
    En revanche, la réforme de l'Etat n'est pas engagée puisque, sur 60 000 départs de fonctionnaires à la retraite, 55 500 seront remplacés.
    La réforme de l'assurance maladie a été différée d'un an et le déficit pour 2004 devrait encore croître pour atteindre le chiffre de 11 milliards d'euros. Il est donc urgent de mettre en place la réforme de l'assurance maladie dès maintenant.
    M. François Bayrou. Exactement ! Il ne faut pas attendre!
    M. Charles de Courson. Enfin, les 35 heures continuent à grever fortement les comptes de l'Etat. Elles ont un coût pour les entreprises, donc pour les recettes de l'Etat, et leur application coûte annuellement plusieurs milliards à l'Etat - 9 milliards d'euros dans l'ex-FOREC - et aux collectivités locales - 1,5 milliard directement à travers les frais de personnel. Lors de l'assouplissement de la réduction du temps de travail à l'automne 2002, l'UDF avait dénoncé un « coup d'épée dans l'eau ». On voit bien aujourd'hui que nous sommes obligés d'aller plus loin dans la réforme.
    En conclusion, le groupe UDF souhaite que l'on accélère les réformes pour maîtriser davantage les dépenses publiques et les déficits afin de tenir nos engagements face à nos partenaires européens et à nos concitoyens.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Charles de Courson. L'UDF a déposé des amendements allant dans le sens d'une meilleure justice sociale et d'une meilleure efficacité économique. Elle espère être entendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Bouvard. C'était une intervention intéressante, plus mesurée que d'autres...
    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Maurice Leroy. On le soutient ! Il est avec nous !
    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « débat agité ou débat fermé »...
    M. Maurice Leroy. Débat gazolé !
    M. Hervé Mariton. ... s'est interrogée la chronique. En tout cas, un débat important, un débat courtois, et nous devons vous remercier, monsieur le ministre, de votre attention et de votre disponibilité.
    Le budget que vous nous présentez est un très bon budget, qui tient compte du contexte international dans lequel nous sommes et des contraintes financières de notre pays, qui ouvre des perspectives, qui exprime des choix politiques, en particulier de maîtrise de la dépense et de baisse de l'impôt.
    Il cherche à utiliser au mieux une croissance retrouvée en 2004, dans l'idée heureuse qu'il ne faut pas se contenter de constater la croissance, mais qu'il faut tout mettre en oeuvre pour en tirer le meilleur parti. La croissance ne se constate pas simplement ; on doit aussi essayer de la construire, même modestement.
    Voici donc un très bon budget, un budget presque parfait, dont je regrette, avec nombre de collègues, - beaucoup le pensent, certains le disent -, qu'une mesure vienne en abîmer la compréhension : la décision d'augmenter la fiscalité sur le gazole. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Bayrou. Voilà !
    M. Hervé Mariton. Ce point ne doit pas, à lui seul, assombrir notre appréciation et les perspectives que vous nous présentez ?
    Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, nous l'avons déjà constaté ces dernières heures, la matière budgétaire est difficilement malléable et le débat est contraint et après que d'autres orateurs auront dit des choses très justes, tout particulièrement les orateurs du groupe Union pour un mouvement populaire...
    M. Philippe Auberger. C'est vrai !
    M. Maurice Leroy. Sur le gazole ?
    M. Hervé Mariton. ... sur le budget 2004, je vous propose, monsieur le ministre, de parler du budget pour 2005.
    M. Philippe Auberger. Oh !
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce ne sera pas la peine de revenir l'année prochaine alors.
    M. Hervé Mariton. Il me semble important, pour les mois qui viennent, de bien ancrer trois principes dans notre action. En effet, nous connaissons les contraintes et les limites de la discussion budgétaire, et si nous voulons que nos analyses aient de l'impact, il vaut mieux prendre une étape d'avance.
    Trois principes, monsieur le ministre, sans être très originaux, me paraissent essentiels : le principe de conviction, le principe de cohérence et le principe de réalité.
    Le principe de conviction doit régir la maîtrise des dépenses et la baisse de l'impôt. Nous tiendrons ces objectifs si nous le voulons et nous convaincrons nos concitoyens si nous inscrivons notre action dans la durée. Il faut que cette conviction soit à la fois intime et profondément politique. Car j'observe parfois que l'on s'abrite derrière les analyses et les recommandations du conseil des impôts ou de telle ou telle autre structure. Or, si nous voulons demain tracer de nouvelles perspectives pour une réforme fiscale, voire une nouvelle politique fiscale, il faut certes nous enrichir des analyses de tous ceux qui ont quelque chose à dire, il faut également forger et exprimer notre conviction.
    Mais le partage d'une priorité politique ne doit pas s'exprimer uniquement dans l'acte budgétaire et dans la dépense. On a pu s'interroger à ce sujet pendant l'été, alors que notre pays était confronté à certains faits de société, comme les manifestations et la grève des intermittents du spectacle ou la canicule. Des responsables politiques ou des personnalités venant d'autres horizons semblaient penser que la seule manière décente de réagir était de dépenser plus. Nous ne le croyons pas, et il est important que nos stratégies restent campées sur cette conviction.
    Dans le socle des convictions et des actions de l'UMP, il y a les lois de programmation que nous avons votées pour la défense, pour la sécurité et la justice. Nous tenons à ce que ces lois de programmation soient respectées à la lettre, dans leur ambition et dans leur calendrier. L'investissement, particulièrement pour la défense, doit être volontiers soutenu. Mais priorité et programmation ne signifient pas sanctuarisation. Mme la ministre de la défense reconnaissait elle-même, à juste titre, que, aussi important soit son budget, aussi fondamentale soit l'action de son ministère, aussi essentiel soit le respect de la programmation votée par cette assemblée, son ministère ne devait, pas plus que d'autres, échapper à la vigilance dans la recherche de l'efficacité de la dépense publique.
    Principe de conviction, principe de cohérence. Monsieur le ministre, nous voulons baisser les impôts parce que nous sommes persuadés que c'est efficace. Cela suppose que l'Etat baisse les impôts dont il a la charge, et cela relève de notre responsabilité. Nos concitoyens ont du mal à être convaincus lorsqu'on leur parle de baisse de l'impôt. Si l'on veut alors que le mérite politique mais surtout l'efficacité économique soient au rendez-vous, aucune entorse ne doit être faite à la stratégie de baisse de l'impôt d'Etat. Cela a été rappelé par nombre d'entre nous lors du débat d'orientation budgétaire, cela avait été souligné lors de la discussion du projet de budget pour 2003. Je compte sur vous pour ne pas l'oublier dans la préparation du budget pour 2005.
    Cette baisse de l'impôt suppose que nous sachions où nous voulons aller. La constance de votre volonté s'agissant de l'impôt sur le revenu montre que tel est le cas. C'est essentiel, car il n'y aura de réforme fiscale que si l'on connaît le point d'arrivée. Bien sûr, il ne s'agit pas que tout soit fait en même temps, ce serait probablement inefficace et politiquement explosif, sinon impossible, il s'agit de savoir où l'on va.
    En désaccord peut-être avec quelques-uns de mes collègues, je pense qu'il faut se montrer prudent dans la chasse aux niches fiscales. Derrière cette terminologie superbement imposée par Bercy, un non-impôt se transforme en dépense fiscale et on a le sentiment de diminuer la dépense en augmentant les impôts. Or si certaines niches fiscales doivent, en effet, être assurément supprimées, d'autres correspondent simplement à un moindre impôt. Et un moindre impôt ne me paraît pas incohérent avec notre orientation politique.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes bien d'accord !
    M. Hervé Mariton. S'agissant des collectivités locales, l'impôt qui leur est dû ne doit pas augmenter. Il importe que l'Etat respecte la Constitution, c'est la moindre des choses. Je rappelle que j'ai moi-même suggéré que les élus de l'UMP s'engagent, lorsqu'ils sont élus locaux, à ne pas augmenter les taux des impôts de leurs collectivités locales. Cela n'est pas hors de portée. Alors, chiche, faisons-le ! Au moins la responsabilité sera-t-elle clairement établie lorsqu'une collectivité à majorité de gauche augmentera ses impôts.
    Créons, si nécessaire, cette ceinture de discipline qui permettra de bien démontrer que l'Etat n'augmente pas ses impôts, et même qu'il les réduit, que les collectivités locales n'augmentent pas leurs impôts non plus, et alors, et alors seulement, nos concitoyens pourront être convaincus.
    Et puis, bien sûr, il faut absolument éviter - doit-on le redire ici ? oui, je crois - de mener, dans le domaine social, une stratégie qui serait trop contraire à celle de l'Etat ou des collectivités locales. Je fais partie de ceux qui sont opposés à une éventuelle augmentation de la CSG qui interviendrait dans quelques mois ou un peu plus tard.
    La cohérence, monsieur le ministre, doit aussi être respectée dans le choix des dépenses. Je lisais, dans le Dictionnaire critique de la République que le président Debré nous a fait livrer il y a quelques mois,...
    M. Yves Fromion. Intéressant ouvrage !
    M. Hervé Mariton. ... à l'article consacré aux finances publiques, que « gouverner, c'est dépenser ». (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Fichtre ! C'est inquiétant ! Je le disais tout à l'heure, gouverner, ce n'est peut-être pas uniquement dépenser ; en tout cas, c'est choisir la dépense. Et choisir la dépense, c'est sans doute, le plus souvent, privilégier l'investissement. C'est également ne pas penser que tout investissement est bon à prendre.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Exact.
    M. Hervé Mariton. Attention, y compris dans nos rangs, à cette idée procédant d'une espèce de réflexe keynésien maintenu selon laquelle il faut maîtriser le fonctionnement mais qu'au fond un investissement, par nature, par définition, serait vertueux. N'y voyez aucune méchanceté si je vous dis que le débat du printemps dernier sur les infrastructures donnait un peu le sentiment de la rédaction d'une lettre collective au Père Noël.
    Principe de conviction, principe de cohérence sur toutes les mesures, monsieur le ministre. Dans l'art de gouverner, il est sans doute difficile de faire passer certaines choses, si elles sont cohérentes avec le sens de notre action politique, peu importe. Les bonnes nouvelles, personne rechigne dessus ; les mauvaises nouvelles, qu'elles soient toujours dans la logique de notre politique.
    Principe de réalité, enfin. Sommes-nous conscients de l'état de la France ? Accomplissons-nous les économies nécessaires au budget de notre pays ? Economies réelles, économies virtuelles... Monsieur le ministre, un de vos amis vous a sûrement déjà raconté qu'il avait fait une économie en courant derrière l'autobus au lieu d'acheter un ticket, et vous lui avez alors répondu qu'il aurait fait une économie plus considérable encore en courant derrière un taxi...
    J'ai eu la curiosité, en tant que rapporteur spécial, de me pencher sur les mesures d'emploi prises sur le budget de l'équipement. En 2003, vous avez supprimé 750 emplois, mais, en même temps, nous avons assisté à une résorption de la vacance d'emploi à hauteur de 750 postes. En réalité, l'effet financier de cette vertu tout à fait bienvenue a donc été nul. La pratique le montre, il est nécessaire d'aller au-delà de cet effort, dont vous conviendrez qu'il ne vous est pas d'un très grand secours sur le plan budgétaire...
    En outre - vous en avez parlé, monsieur le ministre, dans votre intervention de cet après-midi -, il est indispensable de stopper la complexité normative - « chiche », vous disais-je hier ! J'ai entendu certains d'entre nous suggérer que soit instauré un moratoire sur l'aggravation des normes applicables, par exemple, aux collectivités locales. Quel prétexte pour cesser de critiquer l'Etat à propos des surcoûts qu'il imposera !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Exactement.
    M. Hervé Mariton. Alors où va-t-on, monsieur le ministre ? Nous soutenons la politique de redressement et de réforme indispensable à notre pays que mène le Gouvernement depuis un an et demi. En 2003, vous avez ouvert le chemin ; nous en venons maintenant au budget 2004 et, comme je l'ai évoqué avec vous, aux perspectives qui s'ouvrent pour 2005.
    L'enjeu est de répondre aux besoins du pays, de donner du sens à notre action. On a beaucoup dit, ces dernières semaines, que le débat budgétaire redevenait un débat politique. Prenons soin, dans les jours qui viennent, de le confirmer, de faire en sorte que le débat, dès cette année - sans parler de celui de l'an prochain - soit pleinement politique. Donnons donc du sens à notre action, mobilisons les moyens. Vous avez, monsieur le ministre, de bonnes orientations. Vous nous entendrez sûrement et nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez est ambitieux parce qu'il répond aux engagements pris devant les Français et aux attentes de votre majorité.
    Votre projet de budget est ambitieux, d'abord, parce qu'il revient aux fondamentaux des finances publiques : préparer un budget annuel en se laissant aller aux facilités de la conjoncture et en finançant des dépenses durables par des ressources passagères, c'est une chose ; assurer, dans un contexte international difficile, la maîtrise des finances publiques et la baisse des prélèvements obligatoires, c'en est une autre.
    Bien sûr, certains nous disent que c'est au prix d'un alourdissement de la dette publique. Mais ils oublient qu'en matière de finances publiques tous les éléments n'évoluent pas au même rythme - ils n'ont pas la même longueur d'onde, et si j'ose dire -, ce n'est qu'en agissant rapidement et efficacement sur certains que l'on peut, dans un second temps, infléchir durablement les autres. C'est précisément parce que nous aurons maîtrisé les dépenses publiques dès aujourd'hui et que nous aurons donné aux agents économiques les moyens de profiter de la reprise demain que nous pourrons faire reculer et le déficit et le poids de la dette publique.
    Votre projet de budget est ambitieux, ensuite, parce qu'il s'inscrit dans la perspective de la revalorisation du travail. Tout le monde reconnaît aujourd'hui la nécessité de revaloriser le travail. De fait, comment pourrions-nous, demain, financer les retraites, la solidarité, les infrastructures nécessaires, sans donner davantage de place et de reconnaissance au travail, pour tout dire, sans inciter à travailler plus ?
    Mais comment atteindre cet objectif dans l'immobilisme, comme certains ont l'air d'y croire ou font semblant d'y croire ? Comment prétendre donner un signal fort à ceux qui s'engagent et prennent les initiatives sans réduire significativement l'impôt sur le revenu ? Comment prétendre modifier l'arbitrage assistance-travail sans relever les salaires les plus bas, ce que fait le Gouvernement, et sans décourager les attitudes les plus attentistes, ce qui ne signifie pas pour autant défaire les filets de base de la solidarité ?
    Votre projet de budget est ambitieux, également, parce que, à côté des priorités définies dès l'origine - justice, sécurité, défense -, il réaffirme des objectifs volontaires dans le domaine de la recherche : il accroît de façon sensible les crédits de la recherche ; il introduit de nouvelles dispositions positives sur la jeune entreprise innovante, le crédit d'impôt recherche et les investisseurs providentiels ; il donne l'impulsion, dans le même temps, à une initiative franco-allemande de croissance qui fait une part majeure à l'investissement et à la recherche.
    Je ne ferai, monsieur le ministre, qu'une seule réserve, à propos des taxes sur le tabac.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est la Dordogne qui parle !
    M. Daniel Garrigue. Je partage les objectifs du Gouvernement en matière de santé publique et je comprends qu'i soit nécessaire d'augmenter certaines ressources pour répondre à des actions précises. Mais deux augmentations fortes sur une courte période soulèvent plusieurs problèmes. D'abord, les planteurs de tabac, dans certains départements, représentent un nombre important d'emplois et constituent l'armature de nombreuses exploitations agricoles. Ensuite, nous constatons une multiplication des voyages collectifs jusqu'aux frontières et la naissance d'un véritable trafic. Enfin, risquent de se développer certaines formes nouvelles de délinquance, parfois très violentes, les événements qui se sont produits, la nuit dernière, dans ma propre ville, le montrent. Si je partage vos objectifs, monsieur le ministre, il me semble important de prêter attention à ces questions.
    Sous cette réserve, je ne peux qu'approuver et soutenir votre budget. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.
    M. Yves Fromion. Le débat budgétaire a fait naître une sorte de polémique, à mes yeux très dommageable, autour du budget de la défense, J'y consacrerai mon intervention.
    Le budget de la défense, on s'en rappelle, a constitué, pour le gouverment de M. Jospin et sa majorité d'alors, une sorte de réserve dans laquelle ils ont puisé sans discernement, au point de provoquer une chute brutale de la capacité opérationnelle de nos forces armées et une crise du moral sans précédent parmi les personnels militaires.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous n'avez pas lu Le Monde ?
    M. Yves Fromion. J'ai vu la réalité, c'est différent !
    M. Jean-Pierre Brard. D'après les Américains, la capacité opérationnelle de l'armée française est excellente.
    M. Yves Fromion. Le Président de la République et notre majorité se sont engagés à redresser d'urgence la situation ; c'est ce qui a été entrepris. Mais qu'on ne s'y trompe pas : si des progrès sont enregistrés, la situation n'est pas rétablie et l'heure n'est pas au relâchement des efforts. Cette observation vaut autant pour le respect des engagements en matière d'équipements nouveaux prévus dans la loi de programmation militaire que pour les crédits consacrés à l'entretien des matériels ou à l'entraînement des forces.
    A cet égard, il faut être conscient que les taux de disponibilité de certains matériels majeurs sont encore très faibles, notamment dans l'armée de terre. C'est ainsi que nos pilotes d'hélicoptères, faute de matériel disponible, ne pourront effectuer, en 2004, que 160 heures de vol, au lieu des 180 heures requises par les normes OTAN. Faut-il souligner les prouesses techniques accomplies pour maintenir en service des AMX 10 transport de troupe déjà vieux de plus de trente-cinq ans et dont la relève n'aura lieu qu'en 2012 ? Je pourrais multiplier les exemples mais je sais que tout cela est connu de mes collègues parlementaires qui s'intéressent à notre armée.
    Les attaques, relayées de façon spectaculaire par la presse, ont profondément choqué nos militaires. Il n'est pas difficile d'imaginer les réactions des personnels engagés, toujours logés dans des conditions lamentables alors qu'on leur a promis, depuis des années, des cantonnements tout simplement décents.
    La professionnalisation de nos armées, magistralement réussie, reste fragile. Il importe avant tout de la consolider, en fidélisant les personnels et en renforçant l'attractivité du métier des armes. Le budget de la défense y suffit incomplètement. Faut-il rappeler, de surcroît, que la professionnalisation de la fonction militaire a été l'occasion, pour nos armées, d'accomplir une véritable révolution culturelle, dont les autres administrations de l'Etat auraient avantage à s'inspirer ?
    En bref, monsieur le ministre, mes chers collègues, le redressement des crédits militaires, qui bénéficient essentiellement à l'équipement de nos forces, doit être préservé, d'autant plus que, comme les analyses économiques le démontrent, dans les pays où une part importante des dépenses militaires est consacrée aux équipements plutôt qu'aux personnels - c'est le cas en France, avec l'actuelle loi de programmation militaire -, la hausse des budgets militaires stimule l'activité et l'emploi industriel.
    M. Jean-Louis Idiart. Il en est de même pour la fonction publique dans les communes !
    M. Yves Fromion. Songez, 170 000 emplois dépendent du budget de la défense, qui génère par ailleurs 4 milliards d'euros de recettes à l'exportation ! Ce constat est renforcé par le caractère de plus en plus dual des industries de la défense, notamment dans le domaine spatial ou en matière de recherche et développement.
    Au-delà de ce constat, il me paraît essentiel de rappeler que le Parlement est plus que jamais, depuis la suspension de la conscription, l'âme du lien armée-nation. Nous avons donc, au sein de cette assemblée, le devoir impérieux de ne pas trahir la confiance que les soldats de la République ont mise en nous. Cela passe naturellement par le respect des engagements pris, première des marques de la considération à laquelle ont droit nos personnels militaires. En un mot, les engagements pris ici envers les soldats de la République valent bien ceux du pacte de stabilité !
    Cela me conduit à aborder brièvement le deuxième point de mon intervention, qui a précisément trait aux modalités de mise en oeuvre du pacte de stabilité monétaire.
    Notre pays - ce n'est plus un secret pour personne - est confronté à la difficulté de respecter le critère du déficit budgétaire. Il ne saurait être question, pour cette raison, de remettre en cause notre engagement, mais cela ne saurait nous interdire de rechercher les moyens de mettre en oeuvre les critères du pacte de stabilité de manière à la fois plus équitable et plus efficace. L'année dernière, à cette tribune, j'ai proposé - sans grand succès, je l'avoue - que l'on réfléchisse à la possibilité de ne pas faire entrer dans l'établissement des ratios visés par le pacte de stabilité les dépenses militaires liées aux fonctions communautaires de défense de l'Union européenne - j'insiste sur l'adjectif « communautaires ».
    M. Jean-Pierre Brard. C'est rusé !
    M. Yves Fromion. En font partie non seulement les grands programmes d'équipement comme l'A400M ou le spatial militaire, mais aussi les dépenses engagées au titre des missions de Petersberg.
    M. Michel Bouvard. Absolument ! Les OPEX !
    M. Yves Fromion. Je vous l'ai dit, dans un premier temps, ma propositions n'a pas suscité un enthousiasme extraordinaire, mais j'observe que les choses évoluent : la ministre de la défense s'est faite l'avocate de cette cause et le Président de la République lui-même en a parlé lors du sommet de Prague.
    M. Jean-Pierre Brard. Bravo !
    M. Yves Fromion. Il apparaît en effet totalement inéquitable de sanctionner les pays de l'Union européenne qui apportent une contribution aux missions de défense collective, au motif que ces dépenses d'intérêt communautaire ont pour conséquence une relative difficulté à respecter les critères du pacte de stabilité - ce qui est un peu notre cas, il faut l'avouer.
    M. Jean-Pierre Brard. Quel stratège !
    M. Yves Fromion. La France, dont on connaît la part qu'elle prend à la construction européenne, doit-elle être sanctionnée pour ce choix ?
    Il est temps d'exiger que le pacte de stabilité monétaire, dont personne, naturellement, ne conteste le bien-fondé, connaisse les adaptations nécessaires. L'euro, mes chers collègues, est un instrument de la puissance européenne, mais la défense européenne en constituera un autre si nous savons favoriser son émergence. Je serais tenté de vous dire qu'on ne peut immoler la défense de la France et de l'Europe sur l'autel de l'euro. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos excellents rapporteurs du projet de loi de finances pour 2004 et les députés très experts de la commission des finances se sont exprimés pour proposer une réduction des dépenses publiques, qui passe notamment par une réforme de l'Etat. Je propose pour ma part, monsieur le ministre, une politique d'économie touristique permettant de développer les recettes de ce budget.
    J'ai entendu hier que la commission des finances voulait proposer 300 millions d'euros d'économies dans le budget de la nation. La commission des affaires économiques, quant à elle, devrait proposer 300 millions d'euros de recettes annuelles supplémentaires pour l'Etat, et même beaucoup plus, monsieur le ministre, si nous faisons preuve d'intelligence collective et de volonté politique. En qualité de président du groupe d'études « tourisme » de l'Assemblée nationale et comme député du Pas-de-Calais, j'ai pensé utile de vous faire part de ma réflexion à ce sujet.
    M. Jean-Pierre Brard. Une bonne martingale ! (Sourires.)
    M. Léonce Deprez. Une bonne politique est une politique qui tend à développer les sources de travail, vous ne cessez, monsieur le ministre, de le rappeler. Une bonne politique fiscale est une politique qui tend à accroître les bases d'imposition et, ce qu'a entrepris de faire le Gouvernement, à diminuer les taux d'imposition. Or nous avons la possibilité de développer les bases d'imposition en mettant à profit la chance exceptionnelle que la France a de développer son économie touristique.
    J'ai pris pour référence une consommation touristique intérieure de 6 % par rapport au PIB et estimé prudemment, pour 2004, que l'augmentation se limiterait à 2 %. Le chiffre d'affaires du secteur s'élevait, en 2002, à 97,1 milliards d'euros assurant plus de 3 millions d'emplois directs et indirects.
    Comment, sur ces bases, développer dès 2004 notre économie touristique, mes chers collègues ? En exprimant la volonté politique de mettre en valeur les deux matières précieuses de l'économie touristique que sont le territoire français et le temps passé par les Français et les visiteurs étrangers sur le territoire qui les accueille en dehors de leurs lieux de travail hebdomadaires.
    L'objectif est de ne pas laisser le territoire et le temps en jachère. Il s'agit pour nous tous de les valoriser. Les marges de manoeuvre dont vous ne disposez pas compte tenu de la conjoncture actuelle, vous les aurez, monsieur le ministre, en jetant les bases d'une politique structurelle nouvelle d'organisation territoriale de notre économie touristique.
    Comment faut-il, en effet, augmenter les bases d'imposition, sources de recettes fiscales nouvelles possibles ? La vie économique doit se développer d'année en année - donc les sources d'activité et d'emploi qu'elle génère - à partir d'un double effort partenarial public et privé. Et ce dernier doit tendre à mettre à profit et à renforcer l'attractivité de notre territoire. Mais pas en paroles et en incantations de caractère généraliste, laissant croire qu'on peut développer une économie touristique partout et n'importe comment.
    L'économie touristique doit se développer à partir d'une politique axiale d'aménagement du territoire, pour faciliter les accès et faire apprécier nos fleuves, nos vallées, nos campagnes, nos montagnes et notre littoral, et à partir d'une politique multipolaire de mise en valeur de notre territoire. Les premières bases de cette politique territoriale multipolaire sont déjà en place. Les pôles de développement existent : ce sont - on ne le sait pas assez - les 2 280 communes touristiques dont l'histoire, la géographie et les efforts de leurs élus depuis cinquante ans et plus, ont permis de doter le territoire français. Il faut commencer par les reconnaître, c'est-à-dire par les labelliser - et c'est aujourd'hui à l'Etat de le faire. Cette labellisation ne coûtera rien au budget puisque dans la « réformette » de la DGF de 1993, on a maintenu la dotation touristique au sein de la DGF versée à ces 2 280 communes, dont les attraits sont tels que les capacités d'hébergement dont elles disposent grâce aux efforts d'investissement public et privé réalisés permettent d'accueillir des clientèles diverses de touristes français et européens bien au-delà de la population permanente.
    Il faut une politique qui, par le renforcement de l'effort et de la capacité de travail des Français et par l'allégement de l'impôt sur leurs revenus, permette de développer le pouvoir d'achat de nos concitoyens et en même temps leur pouvoir de mieux vivre leurs temps libres - ces temps libres qui ne doivent plus être des temps perdus, a fortiori des temps morts pour l'économie. Pour que ces temps libres valorisent la vie des uns, il faut qu'ils deviennent source de temps de travail pour les autres.
    M. Jean-Louis Idiart. Voilà !
    M. Léonce Deprez. Car l'environnement à embellir, les espaces à boiser et à fleurir, les équipements à créer et à animer, les événements à organiser pour le plaisir du séjour en un lieu touristique impliquent des emplois et un encadrement professionnel de ces emplois publics et privés.
    Pour offrir aux uns et aux autres la possibilité de mieux vivre leur temps libre, la politique d'organisation territoriale de l'économie touristique que je préconise doit donc aboutir à renforcer l'attrait de ces 2 280 communes touristiques et des pays à vocation touristique qui s'organisent peu à peu dans le magnifique espace rural français. Renforcer l'attrait de ces territoires, qu'il s'agisse des communes touristiques, thermales, de montagne, littorales ou villes d'art et d'histoire, ou des pays en voie de constitution, c'est attirer des investissements pour développer les capacités d'accueil et d'animation des séjours. C'est stimuler les efforts publics pour mettre en valeur les atouts de ces territoires, et c'est mériter ainsi les investissements privés.
    Le tout peut et doit générer les bases d'une économie touristique tout au long de l'année. Dynamisme public et dynamisme privé peuvent et doivent créer du travail, et donc assurer le développement des recettes de TVA et des bases d'imposition directe dont vous avez besoin et qui doivent garantir l'accroissement des recettes fiscales dont la France a besoin pour réduire son déficit budgétaire et équilibrer son budget d'ici à 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Tony Dreyfus.
    M. Tony Dreyfus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'indique d'ores et déjà que je soutiendrai la motion de renvoi en commission que défendra mon ami Idiart au nom du groupe socialiste.
    Dans la présente intervention, je vais profiter de ma juvénilité parlementaire, pour faire de la prose, comme M. Jourdain : je ne suis pas un spécialiste de macro-économie et je n'ai certainement pas une expérience budgétaire qui me permettrait, tel M. de Courson, de critiquer ce projet, chapitre par chapitre, pour tenter de vous mettre en difficulté, monsieur le ministre.
    Je ne vous dirai pas non plus que le gouvernement auquel vous appartenez est responsable de la canicule. Il ne l'est pas davantage des effets de la récession. Il appartient cependant aux membres du Parlement de s'interroger sur l'opportunité d'un certain nombre de décisions, notamment d'ordre fiscal.
    Vous avez donc souhaité réduire les impôts à la charge des bénéficiaires de hauts ou de moyens revenus, en justifiant cette mesure par une volonté de faire redémarrer la consommation. J'ai entendu vos réponses cet après-midi et les explications que je vais qualifier d'un peu « doctrinales » de votre collègue Francis Mer. Je ne suis pas un spécialiste de ces théories. Je suis, quant à moi, fondamentalement sceptique sur tous les dogmes quels qu'ils soient, qu'il s'agisse de la théorie de l'offre ou de la théorie keynésienne, qui n'est pas nécessairement d'actualité aujourd'hui. Notre expérience quotidienne d'élus locaux ne peut que nous inciter à un certain scepticisme.
    En tout cas, nous sommes d'accord lorsque vous nous dites que vous souhaitez faire redémarrer la consommation. C'est aussi notre objectif. C'est sur les moyens employés que nous ne sommes pas nécessairement d'accord. Comme l'a dit votre collègue Francis Mer, nous verrons les résultats de cette politique dans trois ou quatre ans. Nous jugerons sur pièces.
    En attendant, monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur votre réponse de cet après-midi, vous avez dit dans une belle envolée : « Non à l'assistance, oui au travail ! ». Certes. Mais la récession économique a précisément pour premier effet d'accroître le nombre de chômeurs et de personnes en difficulté. Dès lors, et sans faire aucun procès d'intention, on ne peut que s'interroger sur les dispositions tendant à réduire la participation de l'État à des mécanismes, à des procédures qui existent déjà. Ne fallait-il pas au contraire l'augmenter pour éviter que ne soient jetés hors des circuits normaux davantage de nos concitoyens ?
    Un taux de chômage à deux chiffres - je ne vous en ferai pas le procès car vous n'en êtes pas responsable - a des conséquences. Et là encore, on peut légitimement penser que le choix que vous avez fait concernant les allocations ou indemnités à verser aux citoyens en difficulté n'est pas nécessairement le bon.
    Je m'exprime ici non seulement en élu de la Nation, mais aussi comme maire d'un arrondissement parisien de 90 000 habitants. Je vois ce qui s'y passe et, sans devenir trivial, je peux dire que je suis moi aussi sur le terrain. Je commencerai par une courte allusion au revenu minimum d'insertion. Il ne s'agit pas ici - on pourrait le faire - de rediscuter de l'opportunité même de confier au département la prise en charge de cette allocation qui constitue un enjeu de solidarité nationale majeur.
    Le département de Paris assumera cette nouvelle responsabilité, voire plus. Depuis 2001, en effet, il s'est employé à redynamiser le dispositif d'insertion, qui était quelque peu défaillant. Ainsi, la part des allocataires titulaires d'un contrat d'insertion est passée de 12 à 26 %. Des espaces d'insertion ont été ouverts. Et tout cela est très bien. Le problème est que la date du versement et le montant de la dotation 2004 pour Paris n'ont pas encore été communiqués. J'imagine qu'il doit en être de même pour les autres collectivités territoriales.
    M. Michel Bouvard. En effet !
    M. Tony Dreyfus. Il semblerait que la référence retenue soit l'année 2003, alors pourtant que les mesures adoptées par le Gouvernement en matière d'indemnisation du chômage laissent augurer une augmentation du nombre d'allocataires du RMI, qui pourrait concerner, à Paris, 15 000 personnes en 2004. Dès lors, et pour des raisons mécaniques, sans que le procès en soit fait à quiconque, il est clair que cette disposition va poser des problèmes.
    Au-delà de la question de fond sur l'opportunité de ces mesures qui vont faire basculer nombre de demandeurs d'emploi dans la précarité, il faut noter que l'impact financier est considérable et peut être évalué, pour Paris, à un surcoût de l'ordre de 50 à 70 millions d'euros.
    Il appartient donc au Gouvernement de donner des garanties quant aux modalités de progression dans le temps de la dotation de l'Etat en fonction de l'évolution du nombre d'allocataires du RMI. Monsieur le ministre, j'ai évoqué le cas du RMI, mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Vous-même avez été à la tête de collectivités territoriales importantes. Mettez-vous à la place du maire de Paris qui ne pourra pas interrompre, en janvier 2004, le versement du RMI.
    M. Jean-Pierre Brard. Ne leur proposez pas cela, ils sont capables de vous prendre au mot ! (Sourires.)
    M. Tony Dreyfus. Il s'agit là d'une charge considérable pour la collectivité départementale parisienne. Si celle-ci devait assumer en tout ou même en partie seulement cette charge supplémentaire, elle ne pourrait procéder que par des transferts, ce qui porterait préjudice aux actions sociales traditionnelles de la ville antérieures à l'arrivée de l'actuelle majorité municipale. Je ne peux imaginer qu'on essaie insensiblement ainsi de remettre en cause le RMI. Je ne pense pas que telle soit la volonté du Gouvernement.
    M. Michel Bouvard. Si. Nous allons faire le RMA !
    M. Tony Dreyfus. C'est autre chose, ne mélangeons pas les genres.
    Mais, monsieur le ministre, votre projet de loi de finances entérine d'autres désengagements de l'État. S'agissant des emplois-jeunes qui ont souvent été évoqués en séance de questions d'actualité, lorsque je constate que les emplois-jeunes recrutés par les associations dans une ville comme Paris ont baissé de moitié, et que les crédits du FAS - fonds d'action sociale - sont diminués de 25 %, je ne peux que manifester une inquiétude réelle car je sais que les besoins aujourd'hui sont accrus. Il y a là un petit problème.
    Je ne m'attarderai pas davantage sur le FSL - fonds de solidarité logement - sur lequel mes collègues du groupe socialiste ont fait des développements nourris. Dans les rangs de cette assemblée, nous sommes nombreux, toutes tendances confondues, à être également maires. C'est à ce titre que nous savons que lorsque les subventions versées à des associations qui, pour nous, sont des relais indispensables - qu'elles fassent l'objet d'une délégation de service public ou non - qui constituent un lien avec la population et qui sont chargées de la prise en charge de tâches diverses et variées sont réduites de moitié, ces associations sont incitées à mettre la clef sous la porte...
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas normal !
    M. Tony Dreyfus. ... car les bénévoles ne suffisent pas. J'interroge donc une fois encore le Gouvernement sur l'opportunité de certaines de ses décisions.
    Pour conclure, je demanderai simplement au ministre délégué au budget que vous êtes, monsieur Lambert, de s'interroger sur un point : s'il est bien de faire adopter un budget, les conditions de son application ne sont-elles pas au moins aussi importantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Monsieur le ministre, en proposant dans votre budget une nouvelle baisse des impôts alors que sous l'effet d'une conjoncture économique désastreuse, les rentrées fiscales sont en recul, vous avez engagé un pari que d'aucuns jugent téméraire.
    M. Jean-Pierre Brard. Effectivement, il est bien risqué !
    M. François Guillaume. Je ne partage pas leur analyse, d'abord parce que tout nous annonce une reprise de l'activité économique en 2004,...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous croyez donc aux miracles, monsieur Guillaume ?
    M. François Guillaume. ... ensuite parce que je préfère le stimulant d'un vrai challenge à la prudence d'un immobilisme facile. Ce pari présente certes des risques, notamment celui d'un déficit budgétaire dépassant le seuil de tolérance communautaire. Notons d'ailleurs le caractère inéquitable que représente une même exigence budgétaire pour tous les Etats membres de l'Union européenne, qu'ils supportent ou non la charge financière de l'entretien et de la modernisation d'une force militaire importante, qu'ils participent ou non à des opérations extérieures de pacification sous couvert de l'ONU.
    M. Jean-Claude Sandrier. L'injustice est partout !
    M. François Guillaume. Les risques de dérives financières de votre politique, vous les avez mesurés et même circonscrits au raisonnable, estimant à juste titre qu'il convenait de privilégier la croissance, point de départ et condition de redressement de la situation économique et financière de notre pays, gravement hypothéquée par la gestion désastreuse de vos prédécesseurs.
    L'histoire économique récente nous apprend que d'autres ont tenté aussi un pari identique. Ce fut le cas de Ronald Reagan qui, à la surprise générale d'une opinion internationale peu convaincue de ses capacités à gouverner la grande Amérique, baissa les impôts, non sans en assumer la contrepartie : une montée de 6 % du déficit budgétaire. Mais, à ce prix et à celui d'une dérégulation drastique, il parvint à relancer la croissance avec pour retombée, au bout de quelques années, une importante diminution du chômage. Il put alors saluer ce résultat par cette affirmation en forme de slogan mobilisateur pour tous ses concitoyens : « L'Amérique est de retour .»
    M. Jean-Claude Sandrier. En effet, surtout par son déficit !
    M. François Guillaume. Je souhaite, monsieur le ministre, que bientôt vous puissiez nous dire aussi : « La France est de retour. »
    M. Jean-Pierre Brard. Son successeur républicain n'a fait qu'un mandat et ça se termine avec la maladie d'Alzheimer pour Reagan ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Guillaume. Margaret Thatcher emprunta la même voie pour un même succès. Sa politique n'ayant d'ailleurs absolument pas été remise en cause par le travailliste Tony Blair à son arrivée au pouvoir.
    M. Jean-Pierre Brard. On a les références qu'on peut !
    M. François Guillaume. Eh oui, je sais que cela vous fait de la peine, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout ! Je n'ai aucune estime pour ce personnage.
    M. François Guillaume. Dans vos choix d'allégement des impôts, monsieur le ministre, tout juste pourrait-on s'interroger sur la répartition de cet avantage entre les ménages et les entreprises. A celles-ci vous auriez pu donner un peu plus d'oxygène pour améliorer leur compétitivité, car ce sont elles qui créent les richesses et les emplois. J'ai cependant compris qu'en diminuant l'impôt sur le revenu, dont les taux sont devenus confiscatoires,...
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai ! Démontrez-le !
    M. François Guillaume. ...vous vouliez récompenser le travail, et qu'en doublant la prime à l'emploi servie à 3,5 millions de salariés modestes, après avoir fortement relevé le SMIC en juillet, vous vouliez creuser l'écart entre le revenu du travail et celui de l'assistance. Ce sont de bonnes mesures, mais qui cependant creusent le déficit. Pour vous en prémunir, vous devez les gager entièrement par une réduction correspondante des dépenses.
    M. Jean-Pierre Brard. Moins de subventions aux Beaucerons !
    M. François Guillaume. A cette fin, vous visez les dépenses de fonctionnement. A juste titre, parce qu'elles ne portent que des certitudes de charges.
    La France est en effet suradministrée. Le nombre des fonctionnaires pour mille habitants y est le plus élevé du monde. Leurs effectifs, déjà pléthoriques, ont progressé sous le gouvernement Jospin de près de 10 000 par an en moyenne, avec pour conséquence une plus grande complexité de la vie publique et un renforcement des pouvoirs de l'administration dont se plaignent les élus de base. Une opportunité se présentait : l'arrivée à la retraite de 60 000 fonctionnaires en 2004. Vous aviez prévu de n'en remplacer qu'un sur deux. Votre budget n'en supprime pourtant que 4 500, ce qui est insuffisant certes, mais vous nous expliquez qu'en réalité vous faites le double, dont une partie par redéploiement. Mais le redéploiement ne change rien au solde net. Je crois qu'il faut être plus ambitieux, sinon les économies seront insuffisantes, et ce seront une fois encore les investissements créateurs d'emploi et de richesses qui, en cours d'exercice, serviront de variables d'ajustement pour contenir le déficit public.
    Permettez-moi de dire deux mots aussi de la dette, qui plombe les budgets à venir.
    M. Jean-Pierre Brard. Parlez-nous de l'agriculture, monsieur Guillaume !
    M. François Guillaume. Cette dette atteint 1 000 milliards d'euros. Elle est la conséquence de l'incurie de vos prédécesseurs, qui ont en outre négligé de la réduire alors qu'ils en avaient l'occasion, sous le double avantage d'une embellie de la croissance durant quatre années pleines et d'une conjoncture boursière très favorable.
    M. Jean-Pierre Brard. Ne roulez pas des syllabes, parlez-nous plutôt de l'agriculture subventionnée !
    M. François Guillaume. Cette embellie permettait pourtant de vendre avec profit des actifs dont l'acquisition, lors des nationalisations, avait largement contribué à créer cette dette abyssale. Aujourd'hui, le service des intérêts annuels de celle-ci figure au deuxième rang des dépenses budgétaires après l'éducation nationale, et réduit d'autant votre marge de manoeuvre, monsieur le ministre.
    Cette dette indolore, parce qu'elle transfère abusivement sur les générations futures la charge de nos errements, je vous proposais déjà l'an dernier de la réduire en poursuivant les privatisations.
    M. Jean-Louis Idiart. On va privatiser l'agriculture !
    M. François Guillaume. La condition en était que l'essentiel de leur produit soit consacré au désendettement. Vous le faites, monsieur le ministre, en choisissant bien entendu les valeurs les moins affectées par la dépréciation boursière, ce qui conditionne le rythme de vos cessions, et malheureusement le limite. Certaines opérations pourraient cependant échapper à cette contrainte de l'opportunité boursière. Par exemple, je renouvelle cette suggestion : la privatisation de France Télévisions, qui ne manquerait pas d'acquéreurs. Son passage au secteur privé aurait aussi l'avantage de régler définitivement le problème de la perception de la redevance, et de la fraude qu'elle entraîne.
    M. Jean-Claude Sandrier. Pourquoi ne pas privatiser l'Assemblée nationale ?
    M. Jean-Louis Idiart. Et vendre les députés !
    M. François Guillaume. Monsieur le ministre, tout budget est un arbitrage entre des alternatives qui peuvent toujours être critiquées. Ce que je relève surtout avec satisfaction dans le vôtre, c'est qu'il s'inscrit dans la durée et ne déroge pas du cap que vous vous êtes fixé en dépit d'une conjoncture peu favorable ; qu'il use d'une démarche à la fois pédagogique et démocratique, privilégiant le dialogue avec la société civile, et l'information des citoyens ; qu'il respecte les engagements du Président de la République approuvés par les Français à deux reprises, en mai et juin 2002.
    M. Jean-Louis Idiart. Surtout en mai ! Il a gagné tout seul, en mai !
    M. François Guillaume. Toutes ces raisons et, au-delà, la confiance que nous vous témoignons, justifient notre soutien. Il vous est acquis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard... pour un rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, le débat doit être sincère, et c'est dans ce but que je fais un rappel au règlement en vertu de l'article 58, alinéa 1.
    Quelles sont les compétences que chacun reconnaît à M. Guillaume ? L'agriculture, et même la grosse agriculture.
    M. François Guillaume. Ah ! Il y a longtemps que je n'avais pas entendu cela !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Guillaume est comparable à Janus, et son discours n'est pas cohérent.
    M. le président. Monsieur Brard, votre intervention est-elle un rappel au règlement ou une réponse à l'intervention de M. Guillaume ?
    M. Jacques Myard. Ce n'est pas un rappel au règlement, c'est un fait personnel !
    M. Jean-Pierre Brard. Je souhaite éclairer le débat. Je ne réponds pas à M. Guillaume, monsieur le président, je souligne simplement que notre débat est biaisé. J'essaie donc de le « débiaiser ». (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Attaque personnelle !
    M. le président. Monsieur Brard, en quoi l'intervention de M. Guillaume a-t-elle porté atteinte au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. C'est ce que je m'apprêtais à vous expliquer lorsque vous m'interrompîtes ! (Rires.)
    M. le président. Encore eût-il fallu que vous le sussiez !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, on veut faire des économies. N'est-ce pas le coeur du débat, monsieur le ministre ? Vous souhaitez réaliser des économies sur la dépense publique. De notre côté, nous disons qu'il faut augmenter les recettes. Mais suivons votre raisonnement. De quoi M. Guillaume a-t-il vécu toute sa vie à la tête d'une grande fédération ? De subsides d'Etat.
    M. François Guillaume. Vous ne connaissez pas les faits, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. De subventions à la grosse agriculture, aux betteraviers, aux céréaliers.
    M. François Guillaume. Non ! Vous portez des accusations sans preuves !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, faites une injection de sérum de vérité à M. Guillaume, pour qu'il nous dise combien lui et les gros agriculteurs ont coûté à la nation, afin qu'il rende cet argent et contribue à équilibrer les finances publiques.
    M. le président. Ce n'était donc pas un rappel au règlement. (« Un fait personnel ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an, ici même, monsieur le ministre, vous souligniez le souci de sincérité, de transparence, et l'exigence de performance de votre projet de loi de finances pour 2003. Cette année encore, le projet de loi de finances que vous nous soumettez est un budget sincère. Les exemples les plus marquants en sont la budgétisation du FOREC et les concours à RFF, mais aussi la clarification des concours de l'Etat aux collectivités locales entre autres.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    Mme Marie-Anne Montchamp. C'est également un budget élaboré dans un souci de transparence par sa volonté de maîtrise des dépenses publiques...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la transparence du verre cathédrale ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Guillaume. Cela suffit !
    Mme Marie-Anne Montchamp. ... et par la prise en compte volontariste de la norme zéro volume : la progression de la dépense est ainsi inférieure à la progression tendancielle du PIB, ce qui constitue d'emblée un signal déterminant de l'encadrement de la dépense en vue d'une réduction structurelle du déficit. Pour autant, les grands chantiers prévus pour 2004 ne pâtiront pas de cette discipline budgétaire puisque les efforts en faveur de la recherche, de la culture, mais aussi, par exemple, du plan cancer, seront intégralement financés par des redéploiements.
    Il s'agit enfin d'un budget exigeant, certes, mais d'un budget performant par sa dimension prospective. Conformément à la LOLF et aux recommandations de l'Union européenne, ce projet de loi de finances pour 2004 comporte une annexe relative à la programmation des finances publiques sur les années 2005 à 2007. Ce document est l'emblème d'un effort sans précédent de rénovation des outils de la gestion publique. Je tenais, monsieur le ministre, par ces considérations d'ensemble, à souligner le caractère exemplaire de la démarche budgétaire que vous nous proposez pour 2004.
    J'aimerais, en outre, évoquer plus spécifiquement les signaux que ce budget adresse aux acteurs économiques. La dégradation de l'environnement économique mondial, le ralentissement de notre croissance nationale n'ont pas entaché l'objectif du Gouvernement : renforcer notre potentiel de production et d'incitation au travail pour stimuler l'emploi. Cette année encore, dans le projet de loi de finances, nous devons saluer de nombreuses mesures allant dans le sens de la réhabilitation du travail et de la création d'emplois : allégement de 3 % de l'impôt sur le revenu, nouvelle amélioration de la prime pour l'emploi, poursuite de la montée en puissance des allègements de charges. Au total, les allégements d'impôts pour 2004 s'élèveront à 3,3 milliards d'euros.
    Il faut également le souligner, une attention particulière a été portée à l'innovation et aux activités de recherche et de développement : renforcement du crédit d'impôt pour dépenses de recherches, création des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque, mesures d'assouplissement des règles du report des déficits visant à limiter les risques financiers pour ces entreprises dont le décollage est souvent long et difficile. Il s'agit là de mesures tout à fait pertinentes qui revalorisent l'envie d'entreprendre, lui donnent du sens, ce qui est un enjeu capital dans le contexte économique atone que nous connaissons actuellement.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    Mme Marie-Anne Montchamp. Nous le savons bien, le secteur marchand, les entreprises sont le moteur de la croissance, du pouvoir d'achat et de l'emploi. Ils sont indispensables à la diffusion de l'innovation, des technologies, et donc à la vitalité et à l'attractivité de nos territoires. Mais ne nous y trompons pas, tout autant que des grands groupes, la création de richesse est le fruit des efforts d'entreprises petites ou moyennes.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Eh oui !
    Mme Marie-Anne Montchamp. Il faut sortir du prisme dominant selon lequel l'entreprise ne serait, sur notre territoire, qu'une structure lourde aux salariés nombreux et à l'organisation très hiérarchisée.
    A l'heure où un ordinateur et une ligne ADSL suffisent à faire vivre une entreprise, notre tissu socio-économique est en profonde mutation. En effet, dans le secteur industriel, sur dix entreprises, près de neuf comptent moins de vingt salariés. En 2001, ces petites entreprises employaient 15 % des effectifs et réalisaient 6 % du chiffre d'affaires de l'industrie. Sans aucun doute, du fait de la souplesse des petites et moyennes organisations, leur capacité d'embauche est plus forte en volume et moins directement sensible aux variations des marchés financiers, car leur mobilité économique est supérieure.
    Les entreprises d'aujourd'hui, ce sont aussi les commerces, les entrepreneurs individuels, les petites structures, un tissu socio-économique complexe, diffus, particulièrement sensible aux prélèvements obligatoires. Les dirigeants de ces petites et moyennes structures, s'ils sont les premiers employeurs de France, sont en même temps des ménages. Alléger la fiscalité de la petite entreprise, c'est augmenter sa capacité d'entreprendre et c'est aussi redonner directement du pouvoir d'achat aux ménages. De même qu'alléger l'impôt sur le revenu, c'est permettre aux petits entrepreneurs de dégager, d'une manière ou d'une autre, du capital personnel à investir.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Michel Bouvard. Excellent !
    Mme Marie-Anne Montchamp. La poursuite des baisses d'impôts et de charges est le seul chemin pour insuffler un nouveau dynamisme à notre économie. Le Gouvernement l'a bien compris, la création d'activités économiques et d'emplois dans le secteur marchand contribue directement à l'intérêt du pays. C'est ce que feignent d'ignorer les partisans du « tout impôt », même réhabilité.
    M. François Goulard. Très bien !
    Mme Marie-Anne Montchamp. En conclusion, mes chers collègues, nous avons donc affaire à un budget exigeant, clarifié, prospectif qui, peu à peu, nous éloigne des visions stéréotypées de notre société. Améliorer nos grands équilibres financiers, renforcer notre dynamisme social et engager la réforme : tel est le cap que ce budget 2004 permettra de tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Georges Siffredi.
    M. Georges Siffredi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer le travail remarquable réalisé par le Gouvernement, car celui-ci a su concevoir un budget qui est sans doute le meilleur qui puisse s'imaginer dans le contexte actuel. En effet, et je n'ai pas honte d'insister sur ce point, dans un contexte économique international peu favorable, le projet de loi de finances pour 2004 fait montre d'une détermination et d'une foi dans l'avenir de notre pays qu'il convient de souligner.
    Il présente le mérite indiscutable d'être tout à la fois réaliste, pour tenir compte d'une conjoncture délicate, et dynamique, tendu vers l'action, la poursuite des réformes et le redressement de la France. Ses grandes orientations visent à encourager le travail, la création et l'initiative économique, et à financer ses priorités tout en maîtrisant les dépenses publiques. Pour mieux préparer notre avenir, elles privilégient la stimulation de la croissance et de l'emploi, grâce notamment à la baisse de l'impôt et à la diminution des charges.
    En donnant la préférence à d'importants efforts de redéploiement plutôt qu'à l'augmentation des dépenses, le Gouvernement poursuit sa politique volontaire de stabilisation des dépenses en volume. Par ailleurs, la défense, la justice, la sécurité, l'éducation, la recherche constituent, pour le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin comme pour tous nos concitoyens, des priorités affirmées, de même que le sont l'emploi et la santé. Tout cela représente d'indiscutables facteurs de relance de notre croissance, de valorisation du travail et de création de richesse nationale et d'emplois. Mais pour autant, certains esprits chagrins pourraient nous reprocher de ne pas respecter les critères du pacte européen de stabilité.
    M. Jacques Myard. On s'en fout !
    M. Georges Siffredi. A ceux-là, je voudrais dire que je préfère être un Européen heureux, dans une France qui parie sur la croissance et qui se donne les moyens d'y parvenir, qu'un Européen malheureux, dans un pays étouffé par des contraintes budgétaires impossibles à respecter.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Georges Siffredi. C'est bien d'ailleurs, me semble-t-il aussi, la conviction de notre ministre de l'économie, M. Francis Mer, qui ne ménage pas ses efforts pour la faire partager à ses interlocuteurs de la Commission européenne. Ceux-ci semblent d'ailleurs s'être rangés à ses arguments, puisqu'ils admettent que les conditions de croissance n'étaient pas réunies pour nous permettre de passer dès 2004 sous la barre des 3 %. Il est vrai que l'Europe n'a d'intérêt que si elle améliore la vie des Français, pas si elle les pénalise.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Georges Siffredi. C'est ainsi, par le dialogue, que nous aurons plus de chances de faire avancer l'idée européenne.
    Aujourd'hui, en Europe, la croissance est en crise. En Allemagne, elle est faible et la détérioration des comptes de 2002 n'a pu être limitée que grâce à la remise en cause d'avantages fiscaux et à la réalisation d'économies dans le domaine social. En Italie, la croissance est en panne. En Belgique, la reprise se fait attendre.
    M. Jean-Louis Idiart. Il ne faut pas exagérer !
    M. Georges Siffredi. Quant à l'Espagne, elle a connu son taux de croissance le plus faible depuis 1993.
    M. Jean-Louis Idiart. A quoi cette critique de nos voisins peut-elle nous servir ?
    M. Georges Siffredi. Par contre, le Royaume-Uni continue d'afficher une croissance supérieure à celle de ses voisins européens.
    Face à ces résultats inégaux, nous devons nous interroger sur la pertinence des critères du pacte de stabilité et être plus réaliste. Etre réaliste, c'est admettre que ce qui pouvait être possible en période de croissance forte puisse ne pas s'appliquer de la même manière en période de quasi récession. Car, lorsque la croissance était là et bien là, lorsque notre environnement économique était particulièrement porteur, la Commission n'est pas intervenue pour empêcher la gauche de tout dilapider et la contraindre à reconstituer nos marges de manoeuvre afin de préparer les temps difficiles.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est ça, c'est ça ...
    M. Georges Siffredi. Nous payons aujourd'hui chèrement l'héritage socialiste : l'APA et les 35 heures.
    M. Jean-Louis Idiart. Il fallait y renoncer !
    M. Georges Siffredi. Mais cet héritage, nous l'assumons, et cela aussi mérite un coup de chapeau.
    Le réalisme, c'est d'admettre que toutes les dépenses ne sont pas de même nature. Alors, pourquoi ne pas pondérer les critères de stabilité des dépenses en matière de recherche-développement et de défense, domaines où, comme par hasard, nous sommes très en retard par rapport aux Etats-Unis ?
    M. Jean-Louis Idiart. Si on faisait tourner la planche à billets autant qu'ils le font, on n'aurait pas de problème !
    M. Georges Siffredi. Quand la France augmente les crédits d'investissement de 7 % pour la défense, c'est une bonne décision, qui profite à toute l'Europe...
    M. Jacques Myard. Au monde !
    M. Georges Siffredi. ... et participe activement à cette édification d'une Europe de la défense que nous appelons tous de nos voeux.
    Cette Europe que nous sommes en train de construire ne doit pas être celle de simples comptables, mais une Europe politique, qui fait ses choix guidée par l'intérêt de ses concitoyens. C'est pour défendre cette vision de l'avenir, de notre avenir, que j'approuve sans hésiter, monsieur le ministre, votre projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Louis Idiart. Encore un qui ne passera pas à l'UDF ce soir !
    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la LOLF, loi organique relative aux lois de finances, impose, nous le savons tous, la suppression de toutes les taxes parafiscales d'ici au 1er janvier 2004, et donc particulièrement de la redevance audiovisuelle, jugée, ici-même, en 2000, « exemple d'impôt archaïque, injuste et coûteux à gérer ».
    M. Michel Bouvard. C'est juste !
    M. Patrice Martin-Lalande. La raison d'être de la redevance est, comme nous le savons, le financement du service public de l'audiovisuel. Ce prélèvement représente une part élevée de l'ensemble des ressources : près de 77 % en moyenne en 2002, dont 2,05 milliards d'euros de produit et 450 millions d'euros de compensation budgétaire pour les exonérations.
    Le produit de la redevance doit répondre à certains impératifs de régularité, de fiabilité, et de dynamique - une augmentation de 3 % par an - indispensables pour des entreprises qui, je vous le rappelle, ont besoin de tenir leur rang dans un univers concurrentiel de plus en plus marqué : ce n'est en effet pas moins de 380 chaînes que l'on peut aujourd'hui recevoir par satellite.
    Le périmètre du secteur public audiovisuel, autre paramètre important de la réflexion sur l'évolution de son mode de financement, ne devrait pas évoluer à court terme, en dehors du projet d'une chaîne d'information internationale, dont le futur statut n'est pas encore arrêté.
    Les solutions de remplacement de la redevance proposées par la mission d'évaluation et de contrôle de notre commission des finances en 2000 ne sont malheureusement pas réalisables.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Patrice Martin-Lalande. Il est impossible de dégager 2 milliards d'euros dans le budget de l'Etat. Il est tout aussi impossible de remplacer la redevance par un prélèvement sur les jeux, car le doublement du prélèvement actuel qu'il impliquerait ne manquerait pas de rendre les gains moins intéressants et de faire péricliter rapidement cette activité.
    Une imposition affectée reste donc la meilleure recette pour assurer le financement durable du service public.
    Il convient aussi de maintenir le cadre comptable du compte d'affectation spéciale, au sein du budget de l'Etat, pour garantir un débat parlementaire annuel.
    Mais s'il est nécessaire de conserver une recette affectée proche de l'actuelle redevance, ses modalités de gestion doivent être améliorées.
    La transformation de la redevance en taxe fiscale dès 2004 permettra d'améliorer sa perception, sans attendre une réforme plus profonde telle que l'alourdissement des sanctions en cas de fraude ou de non-paiement, l'autorisation de l'avis à tiers détenteur ou le renversement de la charge de la preuve.
    Dès 2005, une véritable réforme sera indispensable...
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Patrice Martin-Lalande. ... pour faire en sorte que la redevance soit payée par tous ceux qui la doivent - je vous rappelle qu'il y a deux millions de fraudeurs - et pour alléger le coût très lourd de la perception. Ainsi, 170 millions d'euros de produit supplémentaire pourraient être collectés et une économie de gestion de 100 à 120 millions d'euros pourrait être réalisée si, en plus du statut d'imposition de toute nature que revêtira la redevance, sa perception était regroupée avec celle de la taxe d'habitation...
    M. Yves Deniaud. Très bien !
    M. Patrice Martin-Lalande. ... en utilisant le même fichier. Ainsi la même enveloppe contiendrait un avis comportant deux parties clairement distinctes - une partie consacrée à la taxe d'habitation et une autre à la redevance - et un seul titre de règlement.
    Ce rapprochement pourrait être opéré suivant deux options : soit conserver un lien avec la détention d'un téléviseur, sous la forme d'une taxation des redevables de la taxe d'habitation, sauf déclaration sur l'honneur de non-détention d'un téléviseur et, naturellement, sauf les exonérations à but social ; soit modifier le fait générateur en l'identifiant à celui de la taxe d'habitation. Il faudra, de toute façon, mettre en cohérence les conditions d'exonération de la redevance et de la taxe d'habitation.
    Cette réforme demande à être décidée rapidement, monsieur le ministre, pour une mise en oeuvre en 2005. Il faut, en effet, d'abord, éviter une confusion dans l'esprit des contribuables avec la taxe d'habitation, à un moment essentiel pour la décentralisastion, ce qui implique une concertation très approfondie avec les maires et, notamment, avec l'Association des maires de France.
    Il faut aussi prendre le temps d'étudier le reclassement et le redéploiement des personnels du service de la redevance, pour la partie qui serait supprimée, et mettre en place, techniquement, le nouveau circuit de recouvrement.
    Cette procédure permettrait de réaliser un gain substantiel d'environ 170 millions d'euros, hors résidences secondaires, sur le produit de la redevance, lequel devrait faire l'objet d'un partage équitable. Il pourrait concerner l'ensemble des redevables, par exemple sous la forme d'une aide au financement des équipements et des dépenses qui seront rendues nécessaires par la mise en oeuvre de la télévision numérique terrestre. En décembre 2004, en effet, pour recevoir cette dernière, il faudra s'équiper voire, éventuellement, s'abonner. Il serait donc utile de réfléchir à la possibilité d'accompagner le basculement d'une partie du parc et des équipements télévisés vers la télévision numérique. On pourrait aussi imaginer qu'une partie de ce gain soit affecté à des opérateurs de l'audiovisuel public, auxquels serait offert un supplément de ressources qui devrait être exclusivement consacré au renforcement de l'identité du service public, par exemple en réduisant la durée de la publicité à certaines heures ou en augmentant les obligations de production. Il est enfin envisageable d'affecter une partie de ce gain à la réduction du déficit du budget de l'Etat.
    Au-delà de la technique budgétaire et fiscale, il conviendra aussi de renforcer la légitimité de la redevance dans l'opinion publique par un effort considérable de transparence et de pédagogie auprès des contribuables.
    Enfin, la réforme de la redevance peut être emblématique de notre volonté collective d'une part d'assurer un service public au meilleur coût pour les contribuables, d'autre part de moderniser l'Etat dans le sens de l'efficacité. C'est pour cela que, avec Gilles Carrez, Pierre Méhaignerie et Yves Deniaud, nous vous proposerons une vraie réforme de la redevance lors de l'examen des amendements à l'article 20.
    Même dans une conjoncture budgétaire particulièrement difficile il est possible de réformer l'Etat. C'est même la meilleure manière de préparer l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà un laïc qui va défendre l'impôt !
    M. Jacques Myard. Un impôt consenti par le peuple et des impôts intelligents, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a de quoi faire !
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, qu'il me soit permis de vous dire que votre budget est le meilleur possible.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça commence mal ! (Rires.)
    M. Jacques Myard. Je le voterai, moi, monsieur Brard, sans états d'âme !
    M. Jean-Pierre Brard. Cela ne m'étonne pas, vous n'en avez pas d'âme. (Sourires.)
    M. Jacques Myard. C'est une question que l'on pourra poser au Vatican, mais elle n'est pas près d'être résolue !
    Ce budget poursuit les baisses d'impôt, car, à un moment où, effectivement, la tendance récessionniste se fait sentir, il est utile et même indispensable de soutenir la demande. Il maintient les priorités voulues par les Français en faveur de la défense, de l'intérieur et de la justice. Le Gouvernement répond ainsi à la nécessité absolue de rétablir l'autorité de l'Etat et d'assurer la défense de la nation à un moment où les dangers et les menaces montent à l'horizon.
    Dans le même temps, le Gouvernement commence une courageuse remise en ordre de l'appareil d'Etat en l'allégeant là où il doit l'être puisque le nombre des fonctionnaires diminue de plus de 4 500.
    M. Michel Bouvard. Ce n'est pas assez !
    M. Jacques Myard. Cela est peut-être insuffisant...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Jacques Myard. ... et il faudra poursuivre l'exercice avec volonté et fermeté, car je suis certain que des progrès peuvent être encore réalisés dans de nombreux secteurs y compris - et je le souligne même si cela va provoquer quelques réactions - à l'éducation nationale où, à prestations égales, je le précise, on peut faire beaucoup mieux avec les moyens qui sont aujourd'hui alloués.
    Attention cependant, monsieur le ministre : il faut éviter tout dogmatisme et l'Etat, la République doivent impérativement conserver des compétences.
    Ainsi, il n'est pas admissible, par exemple, que le budget des affaires étrangères diminue encore et que le nombre des emplois de ce ministère soit à nouveau réduit alors même qu'il a déjà diminué de 10 % ces dernières années. Si tel avait été le cas pour d'autres ministères dispendieux, vous ne connaîtriez pas autant de difficultés.
    Au début de mon propos, j'ai indiqué que ce budget était le meilleur possible, mais vous connaissez la formule de Leibniz selon laquelle tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Je veux dire qu'il prend en compte les contraintes existantes. Je tiens donc à mettre en évidence les conditions macroéconomiques dans lesquelles vous travaillez et dans lesquelles la France s'est placée d'elle-même, à tort selon moi, depuis maintenant une décennie, ce qui entrave son économie et engendre le chômage, à cause de l'existence de carcans internes et externes.
    Les carcans internes sont bien réels et ils sont connus, mais parfois insuffisamment.
    Le premier est la réduction du temps de travail qui a été décidée à contre-courant, au moment où l'on ouvre les frontières. Certes, elle est peut-être justifiée dans certains cas, mais sa mise en oeuvre aurait nécessité de la souplesse. En tout état de cause, c'est une imposture d'avoir distillé à longueur de temps aux Français qu'ils pouvaient travailler moins, gagner plus et garder les acquis sociaux bâtis par le travail et non pas par la faribole. (Sourires.)
    A cet égard, il est indispensable de dire la vérité aux Français comme vous le faites.
    Il est un autre carcan interne qui me paraît tout aussi nocif pour la croissance de notre pays : si les Français sont sans doute ceux qui épargnent le plus, puisque le taux d'épargne dépasse les 16 % des revenus disponibles, ils ont aussi la meilleure fiscalité au monde pour chasser le capital, c'est-à-dire les investissements, de notre pays. Nous sommes revenus à la France de 1914 qui achetait les tramways de Shanghai ou de Nankin, les bons russes...
    M. Jean-Pierre Brard. Cela a mal fini !
    M. Jacques Myard. ... créant des emplois dans ces Etats et non dans le pays.
    Il est donc urgent de prendre conscience que notre épargne est investie ailleurs, alors qu'elle devrait permettre de créer des emplois en France. Il faut notamment - et j'espère que l'on va réagir à gauche, d'une manière idéologique - faire disparaître cet impôt stupide qu'est l'ISF, diminuer l'impôt sur les sociétés, supprimer les droits de succession qui déglinguent - et je suis volontairement familier - 20 000 emplois par an, et mettre en place un moratoire fiscal pour que le capital revienne dans ce pays et y crée des emplois.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes l'héritier du banquier Laffitte !
    M. Jacques Myard. Il est en effet illusoire de croire que, dans ce monde ouvert, nos partenaires vont relever leur fiscalité. C'est à nous de rendre concurrentielle notre fiscalité sur le capital, car nous ne fermerons évidemment pas les frontières.
    J'en viens aux carcans externes.
    Les Français sont européens, et je le suis aussi, puisque je suis français ! (Rires et exclamations.)
    M. Bernard Accoyer. Restez-le !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est purement géographique ! (Sourires.)
    M. Jacques Myard. Néanmoins, je doute qu'ils adhèrent à l'usine à gaz qui prétend être l'Europe. J'affirme même que l'idéologie eurocratique va détruire le concept même d'Europe, pourtant si nécessaire par ailleurs.
    Ainsi, dans le domaine économique, la communautarisation des taux de TVA, c'est-à-dire leur fixation par un règlement au niveau européen, est une sottise totale. Aux Etats-Unis, la souplesse prévaut et il peut exister des différences phénoménales entre les Etats. A quelques kilomètres de distance elles peuvent atteindre douze points.
    Quant au pacte de stabilité, dont on nous rebat les oreilles comme s'il était l'alpha et l'oméga de l'économie, il est une incongruité économique, qui n'a d'autre justification que celle d'assurer le règne des comptables et des eurocrates et de légitimer leur existence. Il convient évidemment d'être vigilant sur la dette et de réaliser des économies, mais chacun sait que l'économie est essentiellement la vérité du quotidien, qu'une mesure bonne un jour, peut être mauvaise le lendemain et réciproquement.
    De grâce, réapprenons donc un peu de droit international à ces messieurs de la Commission !
    M. Michel Bouvard. Je suis tout à fait d'accord : la Commission a trop de pouvoirs !
    M. Jacques Myard. Rappelons-leur que ce type d'engagement ne vaut que dans une certaine conjoncture d'événements et que la fameuse règle rebus sic stantibus nous donne le droit de réformer ce pacte, ce qu'il faut faire le plus rapidement possible.
    M. Hervé Mariton. Pacta sunt servanda !
    M. Jacques Myard. Quant à la BCE, elle est devenue le temple des ayatollahs monétaristes décalés. (Sourires.)
    Au passage, je veux indiquer, monsieur le ministre, que j'ai été profondément scandalisé par l'actuel candidat à sa présidence qui est, paraît-il, français...
    M. Michel Bouvard. Donc européen !
    M. Jacques Myard. ... et qui, devant le Parlement européen, alors qu'on l'interrogeait sur la politique du Gouvernement, a eu le culot de répondre dans un idiome barbare, qu'il n'était pas français.
    M. Jean-Louis Idiart. I am not a Frenchman !
    M. Jacques Myard. C'est parfaitement déplacé.
    M. Michel Bouvard. Scandaleux !
    M. Jacques Myard. Cette attitude doit être soulignée et dénoncée.
    Il est aujourd'hui évident que l'euro n'est pas un instrument de croissance,...
    M. le président. Il faut conclure !
    M. Jacques Myard. N'ayez crainte, je vais conclure !
    Bien au contraire, il se retourne contre la croissance française, parce que la Banque centrale européenne ne pratique pas la politique monétaire adéquate. Elle devrait, au moins, suivre un peu celle de la FED.
    Le dernier carcan externe que je vais mettre en évidence est la globalisation béate, celle qui est pratiquée par l'OMC et par Bruxelles - notamment par le commissaire M. Lamy - et qui prétend tout résoudre y compris les échanges commerciaux, en s'en remettant au marché. Or il faut être sérieux : le monde est inégalitaire. Nous ne pouvons donc pas lutter à armes égales en ouvrant totalement nos frontières à des pays dont le différentiel monétaire en notre défaveur peut être, par exemple, de un à cinquante avec la Chine, de un à soixante-dix avec l'Inde. Il est indispensable de sélectionner. La préférence communautaire, qui avait du bon, a été complètement abolie. Prenons, là encore, exemple sur les Etats-Unis, qui savent opérer des sélections.
    Dans ces conditions, monsieur le ministre, il faut reprendre, non pas totalement, car cela est impossible, mais au moins en grande partie, la maîtrise de notre destin économique, qui a été perdue au profit, soit de Bruxelles, soit de l'OMC ; privilégier la souplesse, sur le plan interne, réduire la fiscalité sur le capital, assouplir les carcans européens que constituent le pacte de stabilité et le principe de subsidiarité en matière fiscale, imposer à la Banque centrale européenne de faire preuve de davantage de réalisme. Ce n'est qu'à ce prix, monsieur le ministre, que vous gagnerez le défi auquel vous êtes confronté. Un peu d'audace, et encore davantage ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous étiez meilleur sur l'Irak, surtout en anglais !
    M. Hervé Mariton. Non !
    M. Michel Bouvard. Si, il était excellent !
    M. Jean-Louis Idiart. Il était bon !
    M. le président. La parole est à M. Louis Cosyns.
    M. Louis Cosyns. Monsieur le ministre, je souscris pleinement aux orientations générales de ce budget qui vise à encourager le travail, à favoriser l'emploi par l'allégement des impôts et à préparer l'avenir par la maîtrise des dépenses publiques. Dans le cadre de la discussion générale, je centrerai mon propos sur deux orientations qui m'apparaissent essentielles.
    La première a trait à la maîtrise des dépenses publiques.
    Nos concitoyens ont exprimé fortement leurs attentes en la matière. Ils souhaitent que, parallèlement aux efforts qui leur sont demandés, l'Etat en consente aussi. A cet égard le projet de loi de finances prévoit qu'il ne sera pas procédé systématiquement au remplacement des départs à la retraite. Dans le même temps il crée des emplois dans les secteurs prioritaires de l'action gouvernementale. Globalement les effectifs budgétaires diminueront de 4 568 emplois en 2004, après une baisse de 701 emplois en 2003.
    Il convient de poursuivre le mouvement et une véritable réflexion d'ensemble doit permettre de rationaliser les effectifs de la fonction publique, de contrôler l'évolution des dépenses publiques, d'évaluer les moyens, les actions et l'organisation des services de l'Etat, d'affecter les fonctionnaires à des missions essentielles et prioritaires. Ainsi que cela a été démontré cet été, l'un des secteurs à favoriser est l'hôpital, notamment en ce qui concerne les personnels soignants.
    Je suis particulièrement satisfait, en ce domaine, de l'inscription de la clarification des emplois de l'éducation nationale. Cela permettra au ministère d'organiser au mieux le suivi de ses personnels et de mettre en oeuvre une gestion plus efficace.
    Ces efforts constituent un signe fort adressé à nos concitoyens.
    La seconde orientation concerne la fiscalité.
    En la matière, il est primordial de poursuivre la baisse des impôts, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Certes, la réduction de l'impôt sur le revenu doit être continuée, mais la mise en oeuvre de mesures permettant le développement de l'emploi est encore plus importante.
    Pour ce qui est, par exemple, de l'emploi à domicile, le relèvement du plafond des dépenses prises en compte pour la garde d'enfants et le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées est une mesure qui non seulement favorisera la création d'emplois mais permettra aussi aux familles de tout mettre en oeuvre pour prendre soin des plus jeunes, des plus âgés, des plus faibles.
    S'agissant, ensuite, de l'emploi, dans les secteurs à forte densité de main-d'oeuvre, je me réjouis de la pérennisation du taux réduit de TVA pour les services d'aide à la personne et pour les travaux réalisés dans les logements.
    M. Didier Migaud. Merci la gauche !
    M. Louis Cosyns. J'en profite pour rappeler l'attente forte, déjà exprimée l'année dernière dans cet hémicycle, du secteur de la restauration quant à l'application du taux réduit de TVA Elle est certes subordonnée à l'accord de nos partenaires européens, mais je tiens à rappeler au Gouvernement qu'il a une obligation de résultat à cet égard et qu'il peut compter sur le soutien de la représentation nationale.
    M. Jean-Pierre Brard. On voit que vous êtes un nouveau parlementaire : vous croyez encore au Père Noël !
    M. Louis Cosyns. J'y crois, monsieur.
    M. Jean-Pierre Brard.' Il est vrai que c'est bientôt la saison !
    M. Jean-Louis Idiart. Sinon Raffarin devra démissionner !
    M. Louis Cosyns. Je tiens également à souligner la meilleure prise en compte des dépenses engagées pour améliorer tant la prise en charge des personnes âgées dépendantes, que les équipements des habitations des personnes handicapées par le biais d'une revalorisation du plafond des dépenses éligibles aux réductions d'impôts.
    Je salue ici la détermination du Gouvernement à prendre soin, avec ces mesures, des plus faibles et des plus démunis.
    M. Didier Migaud. Vous n'avez pas lu le budget !
    M. Louis Cosyns. Si !
    M. Didier Migaud. Vous vous êtes trompé de document !
    M. Louis Cosyns. Avec la baisse des impôts pesant sur les entreprises, c'est l'avenir de notre croissance économique qui est en jeu.
    Les mesures visant à favoriser la recherche et l'innovation sont essentielles à l'avenir de la France, non seulement pour le développement d'applications futures, mais aussi pour permettre à nos jeunes scientifiques, tant universitaires qu'ingénieurs, de ne pas avoir à s'expatrier.
    Je veux aussi souligner l'importance que j'attache au dispositif d'allégement des charges sur les bas salaires, qui permet d'offrir des débouchés aux moins qualifiés de nos concitoyens.
    Telles sont les deux orientations que je voulais mettre plus particulièrement en évidence. Je tenais à rappeler les attentes de nos concitoyens et à mettre en lumière certains des chantiers qui nous attendent dans les mois à venir. Ce projet de loi de finances va dans le bon sens, et je lui apporte mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est M. Joël Beaugendre.
    M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je qualifierai ce projet de budget pour l'année 2004 de courageux. Il prouve en effet que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin souhaite respecter ses engagements vis-à-vis des Français de l'Hexagone et de l'outre-mer. Baisse des prélèvements au service de l'emploi, de l'initiative, de l'innovation et encouragement du travail prévalent, malgré un contexte budgétaire difficile, qui nous amène à prévoir des restrictions, mais sans remettre en cause le développement économique.
    Il faut dépenser moins certes, mais, surtout, il faut dépenser mieux. Il faut maîtriser les recettes et les dépenses publiques, mais de manière pensée et non brutale.
    M. Didier Migaud. C'est ce qui a été fait !
    M. Joël Beaugendre. En effet, certains Français ne comprendraient pas que, au moment où le Gouvernement affirme sa volonté de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu, on leur inflige une hausse en contradiction avec la politique générale. En particulier, certains Français ne comprendraient pas une brutale remise en cause, voire la suppression de dispositifs mis en oeuvre dans leur région, pour soutenir une économie dont le PIB par habitant est le plus bas des vingt-deux régions françaises. Savez-vous que la Guadeloupe occupe la 211e place sur les 211 régions que compte la Communauté européenne ?
    Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'outre-mer gagne non pas à être aimé mais à être connu, comme chacune des régions hexagonales, avec ses spécificités et ses particularités : des taux bancaires beaucoup plus élevés qu'en métropole, la cherté du fret pour l'exportation et l'ultrapériphéricité sont à ajouter à nos handicaps structurels.
    Les analyses menées doivent être pragmatiques, comme celles qui motivent l'action de ce gouvernement. L'outremer gagne à être respecté.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !
    M. Joël Beaugendre. Il ne s'agit nullement d'une niche fiscale qu'il faut maîtriser par tous durant un débat budgétaire. Les conséquences n'en seraient que plus calamiteuses.
    Je voudrais saluer à cette tribune la sagesse et la compréhension des membres de la commission des finances : ils semblent en effet avoir perçu le désarroi et le bouleversement qu'occasionnerait une remise en cause d'un système qui tente d'inclure nos régions dans une dynamique de développement et de rattrapage économique.
    M. Bernard Accoyer et M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Joël Beaugendre. Le Gouvernement aura compris que l'effort financier est aussi un effort de solidarité envers nos régions. Nous le retrouvons dans ce projet de budget, que nous soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est la douzième discussion budgétaire à laquelle j'ai l'honneur de participer, dont neuf en qualité soit de rapporteur général, soit de président de commission, soit de membre du gouvernement.
    M. Didier Migaud. Beau parcours !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je suis frappé par la clarté avec laquelle les députés s'expriment sur ces sujets complexes que sont les finances publiques. Je saisis l'occasion pour rendre hommage aux travaux menés par la commission des finances, par le rapporteur général, sous l'autorité du président de la commission des finances, et par vous tous, mesdames et messieurs les députés, qui avez montré, à travers les propos que vous avez exprimés, que vous connaissiez parfaitement les sujets et étiez, je n'ai pas manqué de le remarquer, des spécialistes dans les domaines qui vous touchent plus particulièrement.
    J'ai l'espoir que la motion de renvoi en commission puisse être exposée et discutée avant la fin de cette séance, ce qui me conduit à vous demander de ne pas m'en vouloir si je ne vous cite pas individuellement. Qu'il me soit néanmoins permis de répondre aux députés de l'UMP en la personne de Marc Laffineur, puisqu'il a parlé au nom du groupe. Je le remercie pour ce qu'il a dit à propos du budget. D'ailleurs, je vous remercie tous, les uns et les autres, pour le soutien que vous apportez au Gouvernement : il lui est précieux, en ce moment difficile qu'il connaît du fait du ralentissement économique.
    M. Didier Migaud. L'UMP apporte au Gouvernement un soutien indéfectible !
    M. Jean-Pierre Brard. Inconditionnel !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. M. Laffineur a fait une analyse très fine de la situation.
    M. Jean-Pierre Brard. Pas de mauvais jeu de mots, monsieur le ministre ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il a également exprimé tous les espoirs que nous devons conserver quant à la croissance et à la reprise qui s'annonce.
    M. Michel Vaxès. Tout baigne dans l'huile !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. D'ailleurs, les mots qui ont été utilisés sont des mots qui touchent : il a qualifié le budget de courageux, de responsable, de meilleur possible compte tenu de la conjoncture...
    M. Didier Migaud. Tout baigne !
    M. Jean-Pierre Brard. On retombe dans le diaconat !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oh, je ne m'attribue pas ces adjectifs ! Mesdames et messieurs les députés, pour ceux d'entre vous qui se laisseraient prendre aux jeux de mots de M. Brard, je fais remarquer qu'il ne doit plus pratiquer depuis longtemps parce qu'il a quelques carences dans le domaine cultuel. (Rires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Comme M. Myard, je suis converti depuis longtemps à la laïcité, ce qui n'est pas le cas de tout le monde !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. « Le budget fait des choix et les assume » a encore dit M. Laffineur. C'est sans doute ce qui suscite les réactions de l'opposition, à laquelle je tourne présentement le dos, mais ce ne sera que très temporaire.
    M. Jean-Pierre Brard. Je l'espère bien.
    M. Didier Migaud. Nous comprenons que la majorité et le Gouvernement aient des choses à se dire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaiterais, à ce moment de la discussion, traiter de manière concise et séparée des recettes, des dépenses et du solde, parce que c'est une manière simple...
    M. Jean-Pierre Brard. Pour ne pas dire simpliste.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et relativement pédagogique de traiter le sujet.
    Je note, tout d'abord, qu'il faudrait relever les recettes de 20 % pour parvenir à l'équilibre budgétaire. Cela nous donne l'idée de l'écart qui existe entre les dépenses que nous engageons et les recettes que nous devrions lever si nous voulions atteindre l'équilibre budgétaire.
    Ces recettes sont-elles insuffisantes ? Comment vérifier où nous en sommes ? Un bon moyen est sans doute de nous comparer - M. Myard ne m'en voudra pas - à nos voisins de la zone euro.
    En fait, nos recettes ne sont pas insuffisantes puisque, en termes de comptes publics, toutes administrations publiques confondues, nous dépensons 6 % de produit intérieur brut de plus que la moyenne de nos voisins appartenant à la zone euro.
    M. Michel Bouvard. Voilà !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si je vous traduis ce chiffre en valeur d'aujourd'hui, cela représente 90 milliards d'euros de plus.
    M. Jean-Yves Chamard. Eh oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous prélevons 90 milliards d'euros de plus que nos voisins et nous avons un déficit public qui peut être qualifié d'excessif. J'insiste sur ce point parce qu'un grand nombre de nos compatriotes n'ont pas une juste idée de l'écart qui peut exister entre dépenses et recettes.
    La question des recettes peut être posée sous une autre forme : sont-elles équitablement réparties, selon les différentes catégories de contribuables ? Nous ne parviendrons pas à trouver un accord unanime sur le sujet, notamment entre les points de vue de la gauche et ceux de la majorité.
    M. Jean-Louis Idiart. Il convient de dire droite et gauche, ou opposition et majorité.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais admettons au moins - je le dis sous forme interrogative - que notre fiscalité doive favoriser l'attractivité de notre territoire.
    M. Jacques Myard. C'est ça le problème.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je soulignerai en quoi le présent projet de loi de finances se distingue sur le plan fiscal des précédents. Il a des lignes de force qui se dessinent et se déclinent très nettement. Il allège l'impôt sur le revenu - c'est contesté mais c'est clair -, il poursuit cet allégement et l'accompagne d'un renforcement à caractère incitatif de la prime pour l'emploi, notamment avec le versement d'un acompte. La prime pour l'emploi n'est pas utilisée comme un moyen de diffuser du pouvoir d'achat mais d'inciter à la reprise d'un travail. L'axe innovation-recherche est décliné à travers des mesures qui n'ont guère d'équivalent chez nos voisins, ce qui montre notre volonté de faire de la France un territoire attractif. Quant à l'axe compétitivité, il est lui aussi fortement décliné à travers la suppression du précompte et de l'avoir fiscal, ainsi que le report illimité des pertes : cette mesure n'a pas été beaucoup soulignée alors qu'elle permettra de redresser nombre de bilans de nos entreprises.

    Le Gouvernement ne se contente pas d'empiler des mesures plus ou moins sympathiques à partir de l'existant, il prend le risque de réformer.
    En premier lieu, il simplifie. L'exemple le plus caractéristique est celui de la réforme de l'avoir fiscal, qui date de 1965. Ce dispositif aurait dû être réformé depuis plusieurs années. Nous le faisons, avec pragmatisme puisque nous aurons un an pour corriger les éventuelles imperfections.
    De même, nous réformons substantiellement les plus-values immobilières et l'épargne retraite et prenons des mesures en matière de donation pour favoriser la transmission anticipée du patrimoine.
    Le projet de loi de finances que nous vous soumettons propose des réformes très importantes, très significatives. Certains nous objecteront qu'il ne s'agit pas d'une politique fiscale. Je ferai observer que les principales orientations fiscales ont été clairement affichées. Ce qui nous manque en termes de lisibilité, j'en conviens tout à fait, c'est une déclinaison pluriannuelle de ces objectifs, tout en nous souvenant que ce type d'approche...
    M. Jean-Louis Idiart. Ne dure pas !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... est rarement mené à son terme. Mais ce serait le moyen de donner une totale cohérence à la démarche fiscale que nous avons engagée.
    J'en viens maintenant aux dépenses. J'ai entendu des critiques à gauche sur le fait que le déficit serait important, mais toutes étaient assorties de propositions de dépenses supplémentaires !
    M. Jean-Yves Chamard. Eh oui !
    M. Jean-Claude Sandrier et M. Didier Migaud. Non !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je sais bien que, sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains, il est suggéré des recettes supplémentaires. Mais chacun convient que les dépenses sont très élevées. Admettons même qu'elles le sont trop.
    M. Didier Migaud. Par exemple, les dépenses militaires !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Revenons une fois encore à la comparaison avec nos voisins de la zone euro. Je l'ai dit, toutes administrations publiques confondues, nous dépensons 6 % de produit intérieur brut de plus qu'eux, c'est-à-dire que nous engageons 90 milliards d'euros de plus que la moyenne de nos voisins de la zone euro. Que ce soit la faute de l'héritage...
    M. Jean-Louis Idiart. Assez des héritages !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... de la fonction publique, de la dette, ou encore des transferts sociaux, nous n'avons en tout état de cause pas d'autre choix que de maîtriser cette dépense. C'est pourquoi le Gouvernement s'est fixé une exigence : stabiliser, c'est-à-dire plafonner - les Français comprendront mieux le terme - les dépenses en volume. Certains critiquent le vocable « volume », au motif qu'il ne serait pas suffisamment parlant pour nos concitoyens, et préfèrent l'expression « stabiliser en valeur ». A titre personnel, c'est mon rêve que nous puissions stabiliser en valeur. Mais je tiens à indiquer par avance que, compte tenu de la dynamique propre aux pensions, à l'intérêt de la dette, aux minima sociaux, stabiliser en valeur les dépenses supposerait des réductions drastiques et immédiates qu'à ma connaissance personne ne sait, ou n'osera faire, en une année.
    M. Jacques Myard. C'est évident.
    M. le ministre délégué du budget et à la réforme budgétaire. D'où la nécessité d'engager des réformes structurelles très importantes dans tous les domaines de l'action publique. Il demeure, mesdames et messieurs les députés, que, face à cette impérieuse obligation de réduction de la dépense, le soutien du Parlement est irremplaçable. Il sera décisif, compte tenu de l'influence qu'exercent nos administrations sur l'exécutif lui-même. Cela peut paraître une manière peu délicate de parler des administrations. Une autre façon de dire les choses serait que les ministres n'expriment pas suffisamment à leurs administrations leur propre autorité, à moins qu'ils n'aiment trop la dépense eux-mêmes. (Sourires.)

    J'essaie d'être d'une totale sincérité avec vous, mesdames et messieurs les députés, et je dois vous dire que, pour m'être déplacé dans beaucoup de pays qui ont procédé à une modernisation de leur gestion publique, j'ai pu observer que, dans aucun d'entre eux, la réussite de la réforme n'a été possible sans l'implication forte du Parlement. Voilà pourquoi je pense que votre rôle est décisif.
    M. Jean-Yves Chamard. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'en viens maintenant au déficit. Je rappellerai tout d'abord que c'est la différence entre les dépenses et les recettes. Ne le prenez pas comme une insulte, mais il m'arrive parfois de me demander si c'est bien clair dans tous les esprits. J'entends dire sur tous les bancs qu'il faut absolument réduire le déficit, mais personne ne dit comment faire. Je n'entends personne dire qu'il faudrait relever les impôts, à l'exception, peut-être, du groupe communiste. Sur ce sujet, le groupe socialiste est plus « taisant », comme disent les juristes.
    M. Bernard Accoyer. Ils ont la culture des impôts.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nombreux sont ceux, par contre, qui prônent une augmentation des dépenses.
    Le déficit est naturellement trop élevé, mais sa réduction nous appelle à élucider politiquement notre positionnement. Sommes-nous déterminés à réduire le déficit par le relèvement des impôts, ou par la réduction des dépenses ?
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà. La question est clairement posée.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le relèvement des impôts est la solution recommandée par tous les orateurs de gauche.
    M. Bernard Accoyer. C'est une véritable obsession chez les socialistes : ils veulent toujours plus d'impôts !
    M. Jean-Louis Idiart. C'est un peu caricatural, tout de même !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas la solution du Gouvernement, ni de la majorité qui le soutient, pour qui la réduction du déficit doit passer par celle des dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Simplement, mesdames et messieurs les députés, il faut que nous ayons le sens de la responsabilité pour dire quelles dépenses nous voulons réduire. Nous devons le faire avec méthode. De ce point de vue, la stabilisation des dépenses, ou le plafond auquel nous les soumettons, nous permet de ne plus accepter de dépenses nouvelles sans en supprimer d'autres préalablement.
    Voilà ce que je voulais vous dire en conclusion de la discussion générale. Lors de l'examen des articles, je répondrai et donnerai des explications supplémentaires sur les différentes questions que vous m'avez posées. Mais je tenais, après vous avoir remercié pour vos contributions à ce débat...
    M. Patrice Martin-Lalande. Le terme de « contribution » est bien choisi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... à vous dire que nous souhaitions pouvoir désormais consacrer les plus-values fiscales qui pourront nous être offertes par la reprise qui s'annonce à la réduction du déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    C'est une décision que nous nous devons de prendre. Ainsi, et j'en termine par là, mesdames, messieurs les députés, nous pourrons réconcilier les différents avis qui se sont exprimés et léguer aux générations futures une France qui comptera dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le ministre, nous voici donc au terme de la discussion générale sur la loi de finances 2004, votre deuxième loi de finances.
    M. Bernard Accoyer. Jusque-là, il n'y a rien à dire ! (Rires.)
    M. Jean-Louis Idiart. Son ambiance générale reflète bien ce que nous avons vécu en commission des finances : votre projet de loi vise à satisfaire quelques promesses électorales dont bénéficiera votre clientèle, ou tout au moins la partie France du « tout en haut », mais sans avoir les moyens de le faire. Alors vous vous obstinez contre vents et marées, contre le bon sens, contre les recommandations européennes et en violation des règles acceptées lors de leur mise en place, règles non seulement acceptées, mais voulues, proclamées, répétées depuis des années et dont vous étiez les chantres zélés. Donneurs de leçons, vous n'avez pas manqué de l'être ; mais pour les faire appliquer par les autres, évidemment, pas par vous-mêmes ! Un projet de loi sans souffle - ou déjà à bout de souffle, comme on voudra - qui, au lieu d'impulser, décourage, démobilise : une sorte de loi de démoralisation.
    Tout cela se ressent bien dans les déclarations de tous les parlementaires de la majorité. Vous ne vous accordez que sur la critique de vos prédécesseurs et sur les considérations idéologiques. Ne pouvant plus agiter le chiffon rouge de la peur ni ressasser les antiennes d'autrefois, vous tapez sur tout ce qui peut, de près ou de loin, lier modernité et solidarité afin de mieux faire passer le message du conservatisme relooké. Raffarin, c'est miss Thatcher, vingt ans plus tard.
    M. Didier Migaud. C'est sévère ! (Sourires.)
    M. Jean-Louis Idiart. Il reste, reconnaissons-le, fidèle à son admiration pour la Dame de fer, même si elle a fini par rouiller.
    M. Bernard Accoyer. Macho ! Misogyne !
    M. Jean-Louis Idiart. C'était un temps - rappelons-le, puisque vous aimez parler de vos prédécesseurs -, où l'inflation se baladait aux alentours de 14 %, le temps de MM. Giscard d'Estaing, Chirac et Barre. Des modèles, en somme ! On finit par l'oublier, lorsque l'on parle des bons gestionnaires...
    Les dérives varient, mais serrer la vis des plus modestes reste une constante. Il est plus facile, il est vrai, de donner moins à ceux qui n'ont pas grand-chose : ils sont habitués !
    Mais si critiquer en permanence ses prédécesseurs peut occuper une majorité, cela ne marche pas forcément. Et pour peu que les députés de la majorité commencent à s'exprimer, cela claudique, selon qu'ils appartiennent à l'UDF Bayrou-Bayrou ou UDF Bayrou-Courson - on sent bien la différence subtile...
    M. Augustin Bonrepaux. En effet !
    M. Didier Migaud. Pas toujours !
    M. Jean-Louis Idiart. Mais rassurez-vous, monsieur le ministre délégué : ils sont durs dans les propos, mais tendres dans le vote. Il faut bien, le vendredi, revenir dans sa circonscription, devant ses électeurs de droite. Alors ils voteront...
    M. Didier Migaud. Ils s'abstiendront !
    M. Jean-Louis Idiart. Au pire, ils s'abstiendront. C'est le dernier fil qui permet de les qualifier de membres de la majorité.
    Nous avons bien senti, tout à l'heure le coup politicien : il est toujours bon de savoir les appuis sur lesquels ont peut compter, surtout quand on n'en a pas besoin ! Au moins est-on sûr de soi...
    Ce qui les gêne, eux, c'est l'incohérence entre les baisses de l'impôt sur le revenu et le relèvement de la TIPP. Serait-ce qu'ils redoutent les conséquences de la hausse de la TIPP ? Non ! Parce que, pour eux, tout doit baisser. Ce sont des durs ! Ils veulent donc aussi baisser les dépenses. Mais pas dans le Béarn, évidemment, où Sarkozy fait des économies de gendarmeries ou de commissariats, à la grande colère de Jean Lassalle, pas à Castres, où l'on ferme la succursale de la Banque de France et où le député, après avoir convoqué la presse, occupe les locaux, s'installe dans la salle d'attente, pas plus de deux heures : le temps qu'arrive la télévision...
    Il faut revoir les 35 heures, dit encore M. Bayrou à M. Raffarin, et durement ! Çà oui, l'UDF se distingue du reste de la droite, mais sans se tromper de cible dans ses choix : toujours plus pour les mêmes... Ferme à Paris, mais tendre en circonscription ! Il n'est qu'à voir les amendements présentés par notre collègue de Courson : son amendement n° 196, que nous avons examiné en commission des finances, ne propose-t-il pas de supprimer le plafonnement du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune afin d'éviter l'expatriation de nombreux capitaux ? C'est pour le progrès !
    M. Charles de Courson. C'est le retour au texte que vous aviez voté !
    M. Jean-Louis Idiart. Et cet autre, n° 192, qui demande que l'exonération de l'ISF soit proportionnelle à la participation des membres du cercle familial dans la personne morale ? Tous portent sur l'ISF ou sur ses aspects patrimoniaux. Lorsque l'on s'oppose, on finit, c'est sûr, par faire oublier ces détails !
    Il y a aussi les libéraux de l'UMP, autre douce musique ! Ces nouveaux modernistes qui proposent de vieilles recettes, les copains idéologues de M. Raffarin, ceux que les gaullistes agacent avec leur sens de l'Etat... L'essentiel pour eux ? Moins d'Etat, et on verra ensuite ! Peu importent les dégâts sur le terrain, les conséquences sur tissu économique local ! Ceux-là multiplient les discours régressifs sur la solidarité nationale, sur les 35 heures, sur l'idée de réduire le plus possible le public pour donner davantage au privé.
    Ainsi donc, la majorité est diverse et elle tente de s'exprimer. La lecture des amendements déposés en commission des finances - dont bon nombre visent moins à améliorer le texte qu'à rappeler le Gouvernement à davantage de cohérence dans ses choix, sinon à le contrer - révèle de notoires différences d'appréciation, voire des divergences profondes. Vous-même, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, n'avez-vous pas fait état, dans Le Parisien, de débats « musclés » en commission ? Mais en bon « Terminator mâtiné de bocage normand » - pour reprendre l'expression de notre collègue Brard, natif comme vous de la Normandie -, vous êtes là, par vos déclarations, pour rappeler à l'ordre : « Silence dans les rangs, Bercy passe ! » Nous aurions aimé entendre, dans une mise au point tout aussi musclée, d'éminents membres de la commission des finances dire que ce n'est pas admissible. Nous n'assistions évidemment pas à la réunion de l'UMP, mais M. Raffarin lui-même, si l'on en croit la presse, n'aurait-il pas affirmé que la politique économique et budgétaire ne peut se faire par voie d'amendements ? Je suppose que si certains en ont tout de même déposé, c'est qu'il n'ont pas été entendus avant et ailleurs !
    M. Didier Migaud. Ils veulent se faire entendre maintenant !
    M. Jean-Louis Idiart. Quoi qu'il en soit, mesdames et messieurs : silence dans les rangs !
    M. Didier Migaud. A vos rangs, fixe !
    M. Jean-Louis Idiart. Est-ce vraiment ainsi que l'on entend redonner force et vie à notre parlement ! Que d'incohérences !
    M. Bernard Accoyer. Au fait ! Vous dites présenter une motion de renvoi et vous n'avez pas encore commencé à parler du budget !
    M. Jean-Louis Idiart. Mais si, j'essaie de vous expliquer la diversité de votre majorité !
    M. Didier Migaud. Ils n'écoutent pas !
    M. Éric Woerth. Nous n'avons pas besoin de vos explications !
    M. Bernard Accoyer. Notre diversité est une richesse, et vous aimeriez bien la taxer !
    M. Jean-Louis Idiart. Je veux en même temps vous expliquer ce que nous proposons. Je vous dis que la commission des finances n'a pas suffisamment examiné certains amendements déposés par la majorité, dont l'imprécision sentait le cafouillage complet ! « Ça, on ne sait pas, il aurait fallu que l'on voie avec le Gouvernement », nous disait-on... Il aurait été intéressant d'aller un peu plus loin ! Que nous proposait-on ? D'en discuter en séance publique, on verrait ensuite... Non ! Le véritable travail doit se faire en commission et c'est ce que nous souhaitons.
    Vous en appelez au courage, monsieur le ministre, mais le premier courage n'est-il pas de débattre et de s'exprimer ? Nous avons bien senti ce besoin en commission, à entendre certains propos non dénués d'intérêt.
    L'opposition socialiste, pour sa part, entend proposer, par le biais de ses amendements, une sorte de contre-projet et témoigner en tout cas de sa volonté de participer activement au devenir de ce pays. Nous ne vous avons pas noyés d'amendements. Nous les avons préparés avec sérieux et nous souhaitons qu'ils puissent être convenablement examinés et discutés en commission des finances. Or la discussion en commission, de toute évidence, n'est pas allée à son terme. Les amendements de la droite, je l'ai dit, n'ont pas fait l'objet d'une préparation en amont avec le Gouvernement ; l'imprécision des réponses aux questions, le nombre de fois où le débat sur le fond, mais également et surtout sur les aspect techniques, a été renvoyé à la séance plénière, montrent bien les failles et le caractère foncièrement mauvais de la méthode.
    Voilà la raison d'être de notre motion de renvoi en commission. Le retour en commission servira la démocratie, améliorera la qualité du travail parlementaire et permettra un débat serein en séance sans nous contraindre à recourir aux motions de procédure.
    Mais puisque nous en sommes là, essayons, faute d'autres moyens, de refaire une toute petite partie de ce travail qui aurait dû être fait en commission, tout en examinant nos propositions et nous interrogeant sur les remarques de tous nos collègues.
    Nous sommes plus que jamais fondés à nous inquiéter des orientations suivies par le Gouvernement et surtout de leurs résultats. Nous avons entendu les interventions, brèves, gênées, des deux ministres, loin de ce que nous serions en droit d'attendre à l'occasion d'une présentation budgétaire : un peu de baisse d'impôt, un peu d'augmentation d'impôt, des propos généraux sur la valeur du travail, des leçons aux prédécesseurs, quelques propos conviviaux à l'adresse de la majorité, sur le devenir du pays, en somme pas grand-chose de nature à mobiliser.
    Aujourd'hui, les interventions des porte-parole des quatre groupes nous ont transformés en spectateurs de la division affichée entre UDF et UMP, marquée par des échanges de quolibets peu sympathiques. Nous avions un peu l'impression d'être au stade...
    M. Jean-Pierre Brard. Au stade ? Aux arènes, oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ça vous rappelle des souvenirs !
    M. Jean-Louis Idiart. Force est de reconnaître que, pour des propos tenus par une composante de la majorité à l'adresse d'une autre composante de la majorité, c'était pour le moins musclé !
    M. Jean-Pierre Brard. Peu amène, il faut le dire !
    M. Augustin Bonrepaux. Et quand les uns sont là, les autres s'en vont !
    M. Michel Bouvard. Et quand vous n'êtes pas là, ils reviennent !
    M. Jean-Louis Idiart. Cela dit, c'était une affaire qui ne concernait que la majorité. Nous ne nous en sommes aucunement émus ni étonnés, c'était votre débat, nous l'avons respecté et nous avons écouté. C'était ferme ! Cela faisait penser, pour ceux qui se piquent un peu d'histoire, aux frictions entre le Centre démocrate et l'UNR !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et au parti socialiste, ça a toujours été rose ?
    M. Jean-Louis Idiart. On a bien senti, dans certaines circonscriptions de la Bretagne ou de l'Alsace ou du Pays basque, que tout cela renaissait.
    Lorsque nous avons été au pouvoir, il y a parfois eu des explications au sein de la majorité plurielle, mais jamais sur le ton que nous avons entendu aujourd'hui.
    M. Jean-Pierre Brard. C'était plus respectueux, mais grâce à la dialectique !
    M. Jean-Louis Idiart. Tout à fait.
    Pour parler franchement, vous n'avez pas fait dans la dentelle tout à l'heure. Nous avons ensuite eu droit à deux déclarations des ministres. Je comprends la difficulté de votre position, monsieur le ministre délégué, mais reconnaissez que vos propos avaient un aspect très brouillon, assez bricolé, arrangé pour tout dire, en tout cas peu exaltant.
    M. Éric Woerth. Un peu comme le vôtre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est pathétique !
    M. Jean-Louis Idiart. Je vous explique ce que vous avez fait tout à l'heure. Ensuite, je vous expliquerai ce que nous proposons. Nous sommes ici entre amis, entre collègues, nous avons donc le temps de nous exprimer longuement.
    M. Éric Woerth. Vous n'avez décidément rien à dire !
    M. Jean-Louis Idiart. Cette discussion générale a bien montré que cela n'allait pas, que nous manquions d'un capitaine à la tête de l'Etat, de direction avec un chef de l'Etat qui ne se souvient que de ses promesses intérieures et ne s'occupe que de l'extérieur, et un chef de gouvernement qui ne peut mettre ses promesses en musique sans se mettre en difficulté...
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Jean-Louis Idiart. ... qui tance l'Europe auprès de laquelle, dans le même temps, le chef de l'Etat va jouer les séducteurs...
    Tout cela nous rappelle une vieille histoire : quand cela ne va pas, on commence par le reprocher à ses prédécesseurs. Dans un deuxième temps, on fait porter la responsabilité sur l'extérieur. Vous, vous avez grillé les étapes en une année ! Mais l'histoire se conclut toujours de la même façon : lorsqu'on n'a plus d'argument, il faut partir.
    Et nous sommes, en effet, bien loin de vos déclarations guerrières de l'an passé. Souvenons-nous de l'euphorie d'une commission des finances allant jusqu'à applaudir ses ministres...
    M. Jean-Pierre Brard. Ils le regrettent, d'ailleurs !
    M. Jean-Louis Idiart. ... à l'annonce de ces mesures : on allait baisser l'impôt, et donc relancer la consommation, c'était automatique !
    M. Jean-Pierre Brard. On a relancé la consommation de coffres-forts !
    M. Augustin Bonrepaux. Il y a moins d'euphorie, maintenant !
    M. Jean-Louis Idiart. On allait baisser les dépenses et les effectifs, tout en gardant un vrai budget de la défense et de la sécurité. Et, avec tout cela, on allait diminuer le déficit ! C'était Schwarzy en Californie, les biceps en moins. (Rires.)
    Et, cette année, retour aux tristes réalités. Finies les rodomontades, le rêve tourne mal. La consommation et la croissance ne sont pas au rendez-vous et, surtout - ce qui est plus grave - la confiance est partie.
    M. Jean-Pierre Brard. Evaporée ! et l'état de grâce aussi !
    M. Jean-Louis Idiart. Mais on a réussi, avec la baisse des dépenses, à baisser les effectifs.
    M. Didier Migaud. Et à tout casser, comme dans la chanson de Johnny ! que le Premier ministre aime tant !
    M. Jean-Louis Idiart. Exactement !
    Oui, vous avez diminué des dépenses - des mesures courageuses, dites-vous. Je pense que nous, nous avons dû en baisser aussi, lorsque nous étions aux affaires, puisque j'ai entendu M. Myard se plaindre qu'on avait trop grignoté sur le ministère des affaires étrangères. Sans doute parlait-il de nous puisque cela se passait lors de la précédente législature. Nous avions donc dû faire quelques efforts que vous semblez ignorer.
    Mais pour ce qui vous concerne, la suppression des effectifs s'est faite n'importe comment. Un véritable massacre pour les villages, les petites villes et les territoires ruraux ! C'est une belle annonce pour la loi Gaymard et pour la décentralisation ! Les administrations n'hésitent pas à faire lourdement payer les plus petits territoires. Vous décidez au niveau national puis vous laissez faire sur le terrain, probablement dans le cadre de votre déconcentration. Les résultats sont particulièrement durs.
    M. Didier Migaud. C'est cohérent avec le libéralisme !
    M. Jean-Louis Idiart. Dans votre propre administration, les suppressions de perceptions succèdent aux suppressions de recettes des finances. Ainsi, dans mon département, plusieurs perceptions vont être fermées, dont une dans la circonscription de ma collègue Françoise Humbert, inaugurée il y a deux ans ! Et vos services annoncent : « Nous allons payer pendant deux ans, et puis après, débrouillez-vous ! » N'est-ce pas là une charge pour la collectivité locale ? Au surplus, cela se passe dans un secteur de la Haute-Garonne qui est en développement grâce à Airbus et où la population est en train d'augmenter. Je suppose que, dans quelques années, il faudra réinstaller un service et donc réinvestir. Est-ce bien rationnel ?
    Sur mon secteur, on fusionne des perceptions, sans en avertir le député, bien sûr ! Cela n'a aucune importance ! Pourquoi discuter de quoi que ce soit ? D'ailleurs, les arguments sont extraordinaires. Je vais vous lire la lettre que le trésorier-payeur général de la région Midi-Pyrénées a adressée aux maires de mon secteur : « Je leur ai présenté [à ces maires] le projet de fusion des trésoreries des deux cantons au 1er janvier 2004. [C'est après une mûre réflexion personnelle »... les TPG seraient-ils autonomes ?]
    M. Michel Bouvard. C'est la responsabilisation !
    M. Jean-Louis Idiart. ... « que j'ai désiré entamer cette démarche, car la gestion conjointe qui existe désormais depuis de longues années atteint aujourd'hui ses limites. M. X., votre receveur, pris entre ces deux pôles, éprouve plus de difficultés à effectuer son travail de conseil auprès de vous. Ses agents effectuent des tâches matérielles doublonnées du fait des impératifs juridiques, la CNIL [décidément, les relations ne s'améliorent pas entre votre ministère et la CNIL !] ou techniques, contraintes informatiques... »
    J'avais pourtant cru comprendre qu'en matière de développement territorial des installations informatiques plus performantes devaient permettre de déverrouiller et d'intervenir sur plusieurs sites !
    Je poursuis la lecture de cette lettre : « La mise en oeuvre depuis 2001 de l'aménagement du temps de travail [ils écoutent leur ministre !] met à mal la disponibilité des agents, notamment à Saint-Martory, où les horaires d'ouverture ont dû être revus. Enfin, l'intégration prochaine d'applications informatiques performantes, mais complexes, remplaçant les actuels logiciels, va exiger des compétences spécialisées que les trop petites structures ne pourront supporter. Ce sont des raisons qui me conduisent à vous proposer cette opération de fusion. J'en attends le maintien d'un service public de qualité, impossible à assurer dans les structures actuelles. »
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Un service public de qualité, c'est là l'essentiel !
    M. Jean-Louis Idiart. Certes, mais si vous vous contentez de ce genre de déclarations pour expliquer l'aménagement du territoire, notamment des zones de montagne, nous sommes mal partis !
    J'ajoute que, dans le même temps, sur le même territoire mais sur un périmètre un peu plus large, on ferme la recette des finances et on supprime une quinzaine d'emplois supplémentaires parce que l'on considère que, de toute évidence, ce territoire n'en a pas besoin. Après avoir regroupé les services, on les ferme ! Et, bien entendu, on apprend cette décision par la rumeur !
    Comme par hasard, c'est là aussi que l'on ferme des succursales de la Banque de France, tandis que d'autres succursales sont vidées de leurs caisses ainsi que nous l'avons dit à plusieurs reprises. M. Goulard est, comme il nous l'a indiqué en commission, pour cette fermeture avec d'autant plus de rigueur que lui-même n'est pas concerné. Dans la région Midi-Pyrénées, nous allons nous retrouver avec de nombreuses succursales fermées et il ne restera plus que trois caisses pour l'ensemble des huit départements.
    A cet égard, la commission des finances, je dois le reconnaître, n'a pas été suivie. Certes, sa majorité était favorable aux réductions d'effectifs - pas l'opposition, bien sûr ! -...
    M. Laurent Hénart. C'est étonnant !
    M. Jean-Louis Idiart. ... mais la commission avait demandé plus de respect et des redéploiements en faveur des petites villes, pour que tout ne soit pas recentré sur les villes capitales régionales.
    M. Augustin Bonrepaux. On ferme, à condition que ce soit chez les autres !
    M. Jean-Louis Idiart. Il n'y a pas un exemple dans la région Midi-Pyrénées où l'on ait essayé de renforcer une ville moyenne d'un autre département que de celui de la ville capitale. En revanche, dans les Vosges, chez le président du Sénat, à Remiremont, on a fait quelques petits redéploiements. On est un peu sélectif dans ce pays ! Sur les huit départements de la région Midi-Pyrénées, on n'a pas trouvé moyen de tenter un de ces redéploiements. Supprimer des effectifs est une chose, mais on pouvait décider de redistribuer les personnels sur le territoire.
    Nous avions, à ce sujet, sollicité le président de la commission des finances pour que le gouverneur sortant de la Banque de France accepte de nous rencontrer. Comme il quitte notre pays, cela ne doit plus tellement l'intéresser. N'a-t-il pas déclaré lui-même au Parlement européen, dans une langue que je ne considère pas comme barbare puisqu'elle est européenne, « I am not a French man. » ?
    M. Michel Bouvard. Propos scandaleux !
    M. Jean-Louis Idiart. Et dans le même temps, il nous invite à manger ! C'est tout de même un peu cavalier de la part d'une personne qui ne vient même pas répondre aux questions des gens. Nous ne répondrons pas à son invitation !
    M. Jean-Pierre Brard. Surtout qu'il n'y a plus que des bratwurst ! (Sourires.)
    M. Jean-Louis Idiart. S'agissant de La Poste, depuis cet après-midi, où nous avons entendu Mme Fontaine, nous sommes encore plus inquiets...
    M. Didier Migaud. Mme Fontaine nous rassure rarement !
    M. Jean-Louis Idiart. ... parce qu'elle nous a proposé, si j'ai bien compris, de commencer à discuter... après que les choses seront faites. C'est un modèle du genre ! Mais là, on comprend ce qui se passe : le lobby des banques est là pour freiner ! Et, pendant ce temps, on ferme des bureaux en milieu rural. Et je ne parle même plus de la réduction du temps d'ouverture de certains autres.
    M. Michel Bouvard. Les 35 heures !
    M. Jean-Louis Idiart. Lorsque sur le même territoire seront fermés à la fois la perception et le bureau de poste, comment les personnes âgées se débrouilleront-elles ? C'est catastrophique !
    Et bien sûr, on reconcentre des personnels sur les villes centres en en supprimant d'autres sur le terrain. Il paraît donc que La Poste et Mme Fontaine vont se concerter, quand tout sera terminé, bien sûr. En somme, c'est de la prévention après la liquidation que l'on va faire !
    Tout cela se cumule ! Et puis, un beau jour - je pense aux questions d'actualité de cet après-midi - comme il n'y a plus grand-chose sur les territoires, il faut aller s'occuper des loups et des ours. Puis, il n'y a plus que des friches où éclatent des incendies. Et pendant les étés, on se plaint que des criminels, puisqu'il n'y a plus d'habitants, mettent le feu partout, exposant la vie de nos pompiers.
    Ainsi vont les processus de désertification. Ils n'ont pas commencé avec vous, monsieur le ministre, mais ils s'accélèrent. Qu'il y ait des suppressions de postes, soit. Mais que l'on travaille à la réorganisation des services ! Trop souvent des décisions sont prises ici au niveau budgétaire, et ensuite chacun fait comme il l'entend, sur le terrain. On le voit bien avec la lettre de ce TPG, que je citais, qui n'a même pas consulté les gens avant d'annoncer, purement et simplement, les décisions.
    Vous avez pris une autre décision, celle-là, de taxation bien que vous soyez favorables à la baisse des impôts. Et des surtaxations mettent d'autres services en danger : les bureaux de tabac surtout dans les zones frontalières, car leurs clients vont massivement acheter leurs cigarettes en Andorre ou en Espagne, par exemple.
    M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement crée des emplois dans la contrebande ! (Sourires.)

    M. Jean-Louis Idiart. Or les bureaux de tabac sont encore - ils l'étaient davantage naguère - des auxiliaires des administrations financières et c'est aussi à ce titre que nous devons en parler aujourd'hui.
    Nous allons devoir lutter contre toutes ces formes de fraudes, mais vous supprimez les services des douanes en zone frontalière. Ne va-t-il pas falloir les rétablir, même si avec moins de monde, on peut faire mieux, comme on nous l'explique ?
    M. Michel Bouvard. Le centre de coopération policière et douanière de Modane qui a été créé par le gouvernement précédent n'a jamais été doté en personnels !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous êtes arrivés au pouvoir pour remédier à tout ce qui n'a pas été fait avant, paraît-il : mettez-vous y immédiatement, comme nous avons dû le faire en 1997 ! En tout cas, dans ces zones frontalières, il va bien falloir agir.
    Si on ne peut pas discuter des conséquences, parfois graves, des décisions que nous prenons ici, à quoi bon être un élu de la République ? Pour ma part, j'essaie de parler ici de « la France d'en bas ».
    M. Éric Woerth. Vous en parlez d'en haut !
    M. Jean-Louis Idiart. Quand on est dans un ministère, on finit par se laisser enfermer dans sa citadelle. Nous, députés, nous sommes ici pour vous appeler à la vigilance.
    Monsieur le ministre, comment pouvez-vous faire croire que vos cadeaux fiscaux améliorent la croissance ?
    Nous le voyons aujourd'hui grâce à la mise en oeuvre de votre politique depuis la mi-2002...
    M. Augustin Bonrepaux. Il obéit aux ordres !
    M. Jean-Louis Idiart. ... la France fait plus mal que ses partenaires, alors que nous faisions mieux qu'eux sous la précédente législature...
    M. Xavier Bertrand. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Louis Idiart. ... et alors que nous étions tous dans le même environnement économique. Comme le soulignait hier mon collègue Didier Migaud, contrairement aux bonnes intentions affichées par le Gouvernement, la réalité du projet de budget pour 2004 est faite d'injustice sociale et d'impuissance économique.
    La justice fiscale est bafouée par les cadeaux fiscaux aux plus aisés. Sur le front de l'emploi, aux baisses de crédits s'ajoute l'abandon total des dispositifs fiscaux incitant réellement à la création d'emplois ou à l'activité salariée.
    Il est vrai que ce n'est pas nouveau. Le budget pour 2004 est, en effet, celui de l'obstination dans l'erreur.
    M. Didier Migaud. Aveugle !
    M. Jean-Louis Idiart. Tous les indicateurs se dégradent. Rien ne semble vous inquiéter et vous trouvez toujours une raison extérieure à votre action pour l'expliquer : c'est, ici, la faute à l'héritage socialiste, là, à une conjoncture internationale particulièrement dégradée et, bien sûr, je le disais tout à l'heure, à l'Europe.
    M. Didier Migaud. Le poumon, vous dis-je !
    M. Jean-Louis Idiart. Le président de la commission des finances nous présentait, hier, des chiffres qu'il disait incontestables. Comment explique-t-il dès lors que, pour 2003, la zone euro devrait connaître une croissance de 0,4 % alors que la France, qui échappe de peu à la récession - tant mieux - ferait tout juste 0,2 % selon l'INSEE, ce que confirme encore notre sous-performance au deuxième trimestre 2003 ?
    Votre seule action revendiquée, c'est la rigueur. C'est faux et dangereux. C'est faux, car contrairement à quelques slogans lancés ici ou là, les recettes fiscales ne sont pas déterminées par la seule conjoncture économique, surtout quand, par ailleurs, on se gargarise de ses baisses d'impôts. C'est également dangereux quand on sabre, sans vergogne, notamment dans les crédits d'investissement et dans ceux de la politique de l'emploi.
    A cet égard, il serait utile, que contrairement à l'année dernière, que le souci de transparence du ministre du budget puisse intervenir en temps réel. Pour être plus clair, il est vrai que le Parlement se prononce sur des plafonds de dépenses, mais il n'est guère souhaitable que se pérennise la pratique selon laquelle nous votons sur des crédits qui feront l'objet, à peine le budget voté, de gels et rapidement d'annulations massives.
    Ne serait-il pas plus lisible, et surtout plus respectueux de l'autorisation parlementaire, de présenter à la commission des finances des plafonds de dépenses nets de ces gels programmés en nous expliquant notamment quelles conséquences seront tirées de la demande de la Commission européenne de voir notre déficit structurel diminuer de 0,3 point supplémentaire en 2004, ce qui représenterait près de 6 milliards d'euros supplémentaires de dépenses à annuler ? Il ne suffit pas, en effet, comme M. Carrez hier de louer la capacité de conviction du ministre de l'économie, en oubliant que cette conviction s'appuie sur des concessions.
    Face à ce vrai budget de droite, comme le proclame fièrement le rapporteur général, les députés socialistes proposent un ensemble cohérent d'amendements pour la consommation, la justice fiscale et la croissance, car nous ne pensons pas, contrairement au président Méhaignerie, que substituer à un prétendu travaillisme des années 1970 un ultralibéralisme des années 1980 soit le signe d'une politique moderne.
    Avant de présenter ces propositions auxquelles vous seriez bien inspirés d'apporter une attention plus soutenue que celle que vous avez manifestée en commission des finances, je voudrais faire quelques remarques justement sur la façon dont se sont déroulées ces réunions. Nous aurons en effet assisté à de grands moments de mauvaise foi.
    M. Xavier Bertrand. De la part des socialistes, oui.
    M. Jean-Louis Idiart. Sans chercher à m'appesantir, je songe tout d'abord à l'audace du président de la commission des finances affligeant le pauvre John Rawls d'une oraison funèbre bien peu méritée, en l'appelant à la rescousse pour justifier le démantèlement de l'ISF. On pourrait, par jeu, prétendre que, placés derrière le voile d'ignorance, c'est-à-dire sans connaître leur position réelle dans la société, les individus préféreraient sans doute être redevables de l'ISF, mais, s'ils sont appelés à définir quelques principes de justice, avec à l'esprit la possibilité qu'ils ne se trouvent pas appartenir ensuite au 1 % de ménages les plus aisés, je ne pense pas qu'ils souhaitent absolument remettre en cause les impôts progressifs, et encore moins les rares impôts touchant le patrimoine.
    S'il est vrai que, selon Rawls, les seules inégalités souhaitables sont celles qui bénéficient aux moins bien lotis, vous admettrez qu'il est audacieux d'appliquer ce principe à la question de l'ISF, en faisant une nouvelle fois croire aux plus pauvres qu'ils sont les bénéficiaires uniques de votre souci de mettre en pièces cet impôt. L'hypocrisie n'est pas plus acceptable déguisée derrière une lecture sommaire de grands textes.
    M. Xavier Bertrand. Et la vignette ?
    M. Jean-Louis Idiart. Pour quelqu'un qui a un très faible revenu, la suppression de la vignette, même petite, représentait certainement plus que la suppression d'une vignette plus importante pour des gens qui avaient plus de revenus.
    M. Michel Bouvard. Et pour ceux qui avaient une Jaguar, quel a été le montant de l'économie ?
    M. Jean-Louis Idiart. Je constate que c'est toujours d'eux que vous vous préoccupez ! C'est nouveau !
    M. Michel Bouvard. Au contraire, j'avais déposé un amendement visant à maintenir la vignette pour de telles catégories de voitures et vous avez voté contre !
    M. Jean-Louis Idiart. C'était, je suppose, dans le cadre de la simplification administrative pour mieux maintenir les services...
    M. Michel Bouvard. La vignette est bien maintenue pour les entreprises.
    M. Augustin Bonrepaux. Une chose est de déposer un amendement, une autre de chercher à le faire adopter.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est un peu le même système que vous allez nous proposer pour la redevance télévision.
    Encore une fois, les seules données solides dont nous disposions sont celles qui proviennent du ministère de l'économie et des finances, et je pense que vous serez bien en peine de présenter, à partir de ces données objectives, une vision aussi noire des effets de l'ISF que celle que vous voulez accréditer par ailleurs. Plus largement, on ne peut qu'être surpris de l'inquiétude et de la sollicitude de la majorité par rapport à la hausse du nombre de redevables à l'ISF, soit 12 000 à 15 000 par an. Que ne vous souciez-vous pas avec la même ardeur de l'augmentation du nombre des chômeurs depuis votre arrivée au pouvoir : plus de 137 000 personnes supplémentaires recensées jusqu'en août de cette année !
    Je songe également au grand exercice d'économies auquel s'est prétendument livrée la majorité en commission des finances. Qu'en restera-t-il dans quelques jours ? Pas grand-chose, si j'en crois ce que déclarent les différents ministres concernés.
    M. Didier Migaud. On ne s'attaque pas aux dépenses de communication du Premier ministre, qui sont en hausse sensible. Il ne faut pas dépenser plus, mais mieux !
    M. Jean-Louis Idiart. Je pense aussi à la légèreté avec laquelle ont été traités les propositions de l'opposition. Quand la majorité baisse l'impôt de quelques-uns, c'est positif. Quand l'opposition veut alléger les prélèvements pesant sur tous ou mettre en place un crédit d'impôt bénéficiant aussi aux non-imposables, c'est inutile, sinon source d'instabilité de la législation fiscale. La palme revient cette fois à notre rapporteur général, qui déclare, en réponse à notre proposition de soutenir réellement le secteur de l'hôtellerie-restauration par une exonération plus généreuse de la redevance pour les petits établissements,...
    M. Didier Migaud. Excellente idée !
    M. Jean-Louis Idiart. ... et je cite le rapport de la commission : « Le rapporteur général, s'il n'a pas d'avis sur la question pour l'avenir, a en revanche émis des regrets sur le passé récent, au cours duquel une telle mesure aurait pu être prise. »
    M. Didier Migaud. Il regarde toujours en arrière !
    M. Jean-Louis Idiart. On croit rêver ! Mais il s'agit, il est vrai, de la même personne qui, en 1999 et 2000, demandait que la prétendue cagnotte soit rendue aux Français. Avec la même vigueur qu'aujourd'hui, il accusait le gouvernement socialiste de l'époque de ne pas avoir consacré tous les surplus de recettes à la baisse du déficit.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oui, cela aurait été une meilleure idée.
    M. Jean-Louis Idiart. Souvenons-nous du président de la République : « Rendez aux Français ». Vous, aujourd'hui, vous leur donnez de l'argent par le biais de l'IR, pour le leur reprendre demain, à eux, ou à leurs héritiers, pour financer le déficit.
    M. Didier Migaud. Ils augmentent la dette, le ministre l'a reconnu tout à l'heure. François Bayrou a raison.
    M. Jean-Louis Idiart. A l'inverse des hésitations et des propositions dangereuses de la majorité et du Gouvernement, nos propositions sont claires. Nous présentons un ensemble cohérent d'amendements qui permettraient que le budget 2004 soit clairement un budget de croissance et d'emploi.
    M. Didier Migaud. Il faut le renvoyer en commission !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous voulez un budget de croissance ? Nous vous proposons de soutenir réellement la consommation, que vous avez laissée s'effondrer, en consacrant la totalité des sommes que vous affectez à la baisse de l'impôt sur le revenu et à la création de nouvelles niches fiscales à un doublement de la prime pour l'emploi et à des allégements de fiscalité qui profiteraient à tous.
    La baisse de l'impôt sur le revenu ne concerne, par définition, que les personnes imposables qui, à l'exception des spécialistes de la niche fiscale qui parviendraient à se rendre non imposables, représentent la moitié la plus aisée de la population. Et l'économie d'impôt réalisée grâce à cette mesure est évidemment croissante avec le revenu.
    Quelle est, dès lors, la justification de votre mesure ? Vous tentez d'accréditer l'idée que vous soutiendrez par là la consommation, mais qui oserait contester que, si tel est le but, le résultat serait, à coût budgétaire égal, bien plus immédiat et sûr en choisissant la voie que nous proposons, c'est-à-dire une hausse de la PPE. Une hausse de la prime concerne des ménages dont la propension à consommer est évidemment plus forte que celle des ménages concernés par une baisse de l'impôt sur le revenu qui, pour une bonne part, permettra de gonfler le taux d'épargne, déjà historiquement haut.
    M. Francis Mer a eu la sincérité de reconnaître que les baisses d'impôt ne s'étaient pas traduites jusque là par une hausse de la consommation, tout en affirmant qu'elles finiraient bien par avoir un effet. Sans doute, mais lequel ?
    M. Didier Migaud. Sur la dette évidemment !
    M. Jean-Louis Idiart. Et quand ?
    Nous pensons que votre motivation réelle transparaît dans votre insistance à faire baisser le taux marginal d'imposition. Votre volonté d'affichage, qui vous a conduit à le faire passer en dessous des 50 % - il sera de 48,09 % pour 2004 - vous aura permis de vous adresser directement à moins de 1 % des 31 millions de foyers fiscaux.
    A l'inverse, le doublement de la prime pour l'emploi représenterait un coût que l'on peut évaluer à 2,4 milliards d'euros si l'on se réfère à son coût en 2003. Ce montant est sans doute élevé en comparaison de ce que vous envisagez d'affecter à une prime dont vous semblez pourtant enfin reconnaître l'utilité. Sur les 500 millions d'euros annoncés par le Premier ministre, qui l'avaient conduit, sans doute par une erreur de calcul innocente, à annoncer une hausse moyenne de 100 euros, ce sont en fait 480 millions qui sont inscrits.
    Et quand on analyse le détail des chiffres, puisque 150 millions vont à l'indexation des seuils, 130 millions au calage avec le SMIC, 120 millions à la mise en place d'un acompte, on s'aperçoit que ne seront en réalité affectés à la hausse de la prime, comme le confirme le rapporteur général, que 80 millions d'euros pour augmenter réellement le taux de la prime, dans des proportions qui restent inférieures à celles qu'elle aurait atteintes dès 2003, si le plan de montée en charge prévu par la précédente majorité avait été respecté.
    M. Didier Migaud. On ne peut pas comparer !
    M. Jean-Louis Idiart. Avec 80 millions d'euros pour près de 9 millions de bénéficiaires de la PPE, on est loin des près de 500 millions que vous consacrez aux redevables de l'ISF, qui eux n'étaient guère plus de 300 000 en 2002, soit 1 % des foyers fiscaux. Et encore, vous avez, en visant essentiellement les valeurs mobilières, vous avez réussi la performance de ne vous adresser qu'à la partie des redevables de l'ISF la plus riche, puisque la part de l'immobilier dans le patrimoine des redevables diminue à mesure que ce patrimoine croît.
    A l'inverse de cette démarche, nous proposons d'abandonner les niches fiscales au profit d'allégements destinés à tous les ménages. A la hausse du plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile, qui ne profite au mieux qu'à 70 000 familles, nous vous proposons de substituer la mise en place, à coût constant, d'un crédit d'impôt.
    Comme le souligne le rapport du conseil des impôts, cette mesure permettrait notamment aux 900 000 ménages qui emploient une personne à leur domicile sans aucune aide, de bénéficier d'un allégement fiscal de 1 100 euros. L'effet incitatif sur l'emploi serait ainsi réel.
    La majorité, en commission des finances, a eu une approche pour le moins curieuse de cette question. Elle nous a en effet opposé deux arguments. D'abord, il ne faut pas modifier en permanence la législation. S'agissant d'un plafond que vous avez choisi de relever, vous avouerez que cela prête à sourire. Ensuite, l'esprit de la mesure, qui serait d'éviter la non-déclaration de certains emplois, ne serait plus respecté. En d'autres termes, il faut réserver cette mesure aux plus riches, sinon ils emploieront les personnes au noir. On ne voit guère au total où se place votre préoccupation relative à l'emploi.
    Dans le même esprit, nous proposons de transformer l'actuelle réduction d'impôt pour les frais de dépendance en crédit d'impôt s'adressant aux imposables comme aux non imposables, amendement jugé inutile par la majorité en commission des finances.
    Enfin, nous proposons que, dans un souci de justice fiscale, le cumul de toutes les réductions et des abattements sur le revenu imposable soit plafonné. La mise en place d'un tel système permettrait, en effet, plutôt que de procéder à une traque aux niches fiscales qui s'annonce difficile et périlleuse, de disposer d'un cadre clair et fiscalement plus juste. Seraient ainsi évitées, d'une part, la possibilité pour des titulaires de revenus ou de patrimoines importants de procéder à une optimisation fiscale abusive et, d'autre part, les annonces illisibles de l'actuelle majorité qui, tout en glorifiant les baisses d'impôts, s'en prend, en commission, au mécanisme de demi-part de quotient familial pour les personnes seules ayant élevé un enfant, conduisant à une hausse d'impôt de près de 280 euros pour les personnes concernées.
    M. Didier Migaud. Elles sont 600 000 !
    M. Jean-Louis Idiart. De même, cela éviterait à notre rapporteur général d'avoir à battre en retraite sur des amendements adoptés par la commission concernant le régime fiscal dans les DOM-TOM, car, si l'on en croit les déclarations de Mme Girardin, ces amendements auront, au final, une durée de vie assez courte. Qui s'y frotte s'y pique !
    Vous voulez alléger les prélèvements pour favoriser le pouvoir d'achat et l'activité ? Nous vous proposons d'alléger la fiscalité indirecte au profit de tous les ménages. Le Gouvernement ne semble concevoir la fiscalité indirecte que comme un moyen aisé de taxer de façon moins visible l'ensemble des ménages. En cela, elle vient suppléer les tarifs publics, largement augmentés par la droite. Je songe notamment à ceux de La Poste, de la SNCF, de la RATP en Ile-de-France. Je pense aussi à l'ensemble des mesures qui s'annoncent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant le forfait hospitalier, les moindres remboursements de médicaments.
    Ici, ce sont plutôt les députés de votre majorité qui auront fait preuve d'honnêteté en reconnaissant notamment, à l'inverse du Premier ministre, le caractère purement budgétaire de la hausse de la fiscalité sur le gazole. En effet, à partir du moment où les transporteurs en sont exonérés, grâce à un mécanisme de remboursement, alors même qu'ils sont les principaux émetteurs, on voit mal comment la mesure pourrait être réellement inspirée par des préoccupations environnementales. S'il y a une mesure particulièrement injuste, c'est bien celle-là. Le deuxième argument qui nous est donné, c'est que la somme ainsi collectée servira à RFF et donc, indirectement, aux transports publics, aux transports en communs. Voilà qui est extraordinaire. Il y a en effet des territoires sur lesquels les gens n'ont pas le choix : toute leur vie, ils auront à utiliser la voiture parce qu'il n'y a pas de transport en commun. C'est le cas dans les zones rurales, les zones de montagne, et même dans certaines zones urbaines lorsqu'on va d'une partie à une autre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous aviez adopté un plan de réduction des écarts de TIPP !
    M. Jean-Louis Idiart. Cette nouvelle hausse, a qui profitera-t-elle ? Aux transports. Et qui est M. le ministre des transport ? M. de Robien ! En définitive, c'est un clin d'oeil sympathique que vous faites à l'UDF. On voit des choses assez extraordinaires aujourd'hui ! Mais, restons sérieux... Ce sont les gens qui sont sur le terrain qui vont payer. Chez moi, des gens qui n'auront pas bénéficié de réductions d'impôt sur le revenu ou autre vont supporter cette augmentation.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Jean-Jacques Descamps. Trente euros !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous aviez prévu une augmentation de 7 centimes par litre !
    M. Jean-Louis Idiart. Oui, mais totalisez et regardez les efforts qu'ont faits les gens pour acheter ce type de véhicule. Ce n'est donc pas une mesure particulièrement judicieuse. Nous voterons d'ailleurs tous les amendements qui tendront à faire barrage à cette augmentation.
    Tout cela ne change au final rien à l'ampleur de la ponction que vous pratiquez sur le pouvoir d'achat des ménages quel que soit leur revenu : près de 1 milliard d'euros sur tous les automobilistes roulant avec des moteurs Diesel, soit, compte tenu des consommations et des trajets moyens annuels, selon l'INSEE, une facture de 40 euros pour chaque automobiliste concerné.
    Au total, comment pouvez-vous demander aux Français leur confiance, alors que, derrière un discours de baisse des impôts, se masque une réalité de hausse de prélèvements pour les plus nombreux, afin de financer les cadeaux fiscaux à quelques-uns ?
    Nous vous offrons l'occasion de retrouver une cohérence, comme le réclame d'ailleurs une partie de votre majorité, et nous vous proposons donc de supprimer cette disposition, non que vous preniez un risque réel à décevoir ainsi une partie de votre majorité. Quel que soit le bruit fait par nos collègues de l'UDF, quelles que soient les critiques dans la presse, le risque est inexistant de voir ces critiques conduire à un vote négatif.
    Mais si le but est bien de soutenir le pouvoir d'achat de tous, la fiscalité indirecte doit être mobilisée. Cela passe, par exemple, par des baisses ciblées de TVA. A ce propos, je voudrais m'arrêter sur la baisse de TVA concernant la restauration. Assez de démagogie : s'il y a une baisse de la TVA sur la restauration, ce serait grâce au Gouvernement ; s'il n'y a pas de baisse, ce serait, bien sûr, la faute de l'Europe ? Ce n'est pas avec ce genre de discours qu'on améliorera les relations des Français avec l'Europe sur ce sujet. Il faut, au minimum, respecter les deux annexes K et H de la directive TVA. Dans ce cadre, nous proposerons l'application du taux réduit pour les droits d'accès aux installations sportives ainsi que pour les frais d'obsèques qui peuvent représenter une lourde charge pour des familles modestes.
    M. Didier Migaud. Ce serait une mesure juste en effet.

    M. Jean-Louis Idiart. D'ailleurs, nous ne sommes toujours pas revenus sur l'augmentation de 1 % de la TVA que M. Juppé avait décidée en 1995. Vous pourriez faire ce geste en direction des Français.
    M. Michel Bouvard, Vous vous étiez engagés à la supprimer dès votre arrivée en 1997 !
    M. Jean-Louis Idiart. Permettez-moi à ce sujet une petite remarque. Pensez-vous réellement, monsieur le ministre, que vous susciterez la confiance des restaurateurs et de tous les Français en poursuivant dans la voie de la casuistique que vous suivez sur la question de la baisse de la TVA dans la restauration ?
    Vous avez réussi hier un fort joli balancement. Tout en indiquant que vous étiez très confiant en ce qui concerne la prolongation des baisses de taux de TVA que nous avions mises en place durant la précédente législature et dont les effets positifs sont avérés, vous avez déclaré - je vous cite - qu'en ce qui concernait la TVA sur la restauration, « l'engagement figure dans le budget ».
    M. Michel Bouvard. C'est mieux que Sautter qui disait qu'il ne fallait pas y toucher parce que les riches mangeaient plus que les pauvres !
    M. le président. Laissez M. Idiart s'acheminer vers sa conclusion.
    M. Michel Idiart. Nous avons toujours été très clairs envers les restaurateurs - je les ai reçus suffisamment souvent pour le savoir. Nous n'avons pas fait semblant. Nous avons toujours dit non.
    M. Didier Migaud. Comme pour les disques.
    M. Jean-Louis Idiart. En tout cas, les promesses ont été nombreuses. Vous espériez faire suivre l'accord de nos partenaires européens d'une traduction législative en France. Mais il n'aura échappé à personne que le problème vient justement de la faible probabilité de cet accord.
    Pour revenir aux baisses de TVA « euro-compatibles », selon le joli néologisme créé par notre rapporteur général de l'époque, Didier Migaud...
    M. Michel Bouvard. C'est Radio Nostalgie ! (Sourires.)
    M. Jean-Louis Idiart. ... nous en proposerons sur les réparations de bicyclettes. Cela me permet d'évoquer un pan totalement négligé par votre politique fiscale, la fiscalité écologique.
    Alors que nous avions su mettre en oeuvre des dispositifs fiscaux incitant à la protection de l'environnement, le gouvernement actuel ne propose rien de neuf.
    M. Didier Migaud. Eh oui ! Mme Bachelot est absente.
    M. Michel Bouvard. Et la hausse de la TIPP sur le gazole ?
    M. Jean-Louis Idiart. Il se contente de prolonger l'application des mesures que nous avions mises en place.
    Or pour respecter les engagements de la France au niveau international et améliorer le cadre de vie de tous, il nous semble indispensable, au contraire, de renforcer les dispositions existantes. C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons également l'augmentation des crédits d'impôts relatifs aux véhicules propres et aux travaux permettant d'améliorer l'efficacité environnementale des logements ou d'installer des sources d'énergie domestique plus respectueuses de l'environnement.
    Enfin, la budgétisation de la redevance, si tant est que vous parveniez à décider votre majorité à prolonger sans modification cet impôt injuste, archaïque et coûteux à collecter...
    M. Michel Bouvard. Vous l'avez rêvé, Raffarin le fait.
    M. Jean-Louis Idiart. ... doit être au moins l'occasion d'élargir les exonérations que nous avions introduites au profit des personnes âgées et modestes. Nous proposerons ainsi une exonération pour les personnes âgées non imposables de plus de soixante ans, pour les allocataires du RMI et pour les titulaires de la PPE.
    Il est un autre volet de votre budget sur lequel nous pourrions intervenir, si vous acceptiez de retravailler votre texte en commission et de prendre en compte les amendements du groupe socialiste : les finances locales. Nous pensons en effet que l'Etat doit assurer aux collectivités locales des moyens financiers suffisants pour remplir leurs missions et que les nouveaux transferts de compétences ne doivent pas être l'occasion d'augmenter la charge fiscale des contribuables locaux, d'autant que les impôts locaux sont plus injustes que l'impôt sur le revenu.
    Malgré les ambiguïtés de votre réforme constitutionnelle il est vrai que l'inscription dans la Constitution d'un principe d'autonomie financière des collectivités locales pourrait faire croire que vous pensez comme nous. Mais, encore une fois, vous ne méritez pas la confiance des Français. Comment ceux-ci vous feraient-ils confiance alors que même les élus de votre majorité au Sénat dénoncent à demi-mot la décentralisation des déficits que vous organisez ?
    M. Didier Migaud. Le président de l'Assemblée aussi !
    M. Jean-Louis Idiart. Je voulais rendre hommage à la Haute Assemblée et ne pas attirer trop d'ennuis à notre propre président !
    M. Didier Migaud. Il est lucide !
    M. Jean-Louis Idiart. D'ailleurs, nous avons été surpris de constater qu'après les déclarations enthousiastes de votre majorité sur la déliaison des taux des impositions locales que vous aviez engagée l'année dernière, cette année la tendance était plutôt à la prudence ou, plus exactement, à l'immobilisme. Comment expliquer ce changement radical ? Nous pensons que les observations du MEDEF et sa crainte de voir les taux de la taxe professionnelle largement sollicités par les collectivités locales ne sont pas étrangères à ce nouvel état d'esprit.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. Jean-Louis Idiart. Les entreprises ont en effet bien compris le danger : d'ailleurs, le mouvement parallèle de suppression des crédits en faveur des investissements en matière de transports et de « liberté nouvelle » donnée aux collectivités locales en matière de taux du versement transport sont sans doute l'illustration de la justesse de leurs craintes.
    M. Didier Migaud. Très juste !
    M. Michel Bouvard. Parlons-en : 1,6 milliard d'euros de TGAP ont été détournés par le FOREC sous la précédente législature !
    M. Jean-Louis Idiart. Les députés socialistes proposeront ainsi la suppression de l'article transférant aux départements une part du produit de la TIPP sans aucune indexation prévue en compensation du futur transfert du RMI ; conformément au principe désormais constitutionnel d'autonomie financière que vous avez fait voter. C'est en effet une imposition qui devrait être transférée, avec la liberté pour les départements de voter les taux.
    C'est dans ce cadre que nous proposerons le transfert immédiat aux départements de la taxe sur les conventions d'assurance. En effet, comment ne pas voir - et, même avec de nombreux efforts, les élus de votre majorité ne parviennent pas à être tout à fait aveugles sur ce point, comme en témoigne l'intéressant mais trop court débat que nous avons eu sur l'application de l'article 40 en commission - que le transfert d'une allocation dont le coût est susceptible d'augmenter fortement en cas de ralentissement - plus 10 % ainsi en 2003 - ne peut être gagé sur le transfert d'un produit qui varie en sens inverse ? La consommation de produits pétroliers - et donc le produit de la TIPP - a, en effet, tendance à augmenter en période de reprise et à baisser en période de récession.
    Pis, vous organisez ce transfert alors même que vos propres décisions vont conduire à une explosion du nombre des allocataires du RMI. Je pense notamment à votre réforme désastreuse des règles d'accès à l'ASS.
    Enfin, nous vous proposerons, et le rapporteur général lui-même a reconnu en commission que nos amendements permettraient d'améliorer la situation des collectivités les plus défavorisées, d'indexer le contrat de croissance avec les collectivités sur la moitié de la progression du PIB - au lieu de 33 % actuellement - et de majorer de 3 % la DSU et la DSR.
    Vous qui semblez penser, si j'en crois vos propos d'hier, monsieur le ministre, que la seule mesure qui fait débat est celle relative à la TIPP sur le gazole, vous admettrez, après la défense de cette motion, que votre vision est largement erronée. Nous sommes à votre entière disposition pour vous permettre d'apprécier, grâce à un retour du texte en commission, la distance qui sépare nos propositions des vôtres, et inspirer, je l'espère, un ressaisissement de votre part. Car comme le disait le rapporteur général, si l'erreur est humaine, et les terribles résultats de votre politique en termes de hausse du chômage sont la preuve de cette erreur, c'est le fait de persévérer qui est diabolique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
     M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française.
    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, proposer de renvoyer en commission un projet de loi de finances n'est pas très sérieux. Vous connaissez les délais constitutionnels. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi la loi organique n'interdit pas les deux motions qui permettent de poser la question préalable et de renvoyer en commission parce qu'elles n'ont aucune justification. Mais je sais bien que toutes les oppositions en ont usé, même si cela n'a pas grand sens.
    Sur le fond, notre collègue Idiart ne nous a pas appris grand-chose.
    M. Jean-Louis Idiart. Evidemment, vous savez tout !
    M. Charles de Courson. J'observe simplement qu'il a une mémoire sélective puisqu'il critique aujourd'hui ce qu'il a soutenu hier. Le groupe UDF votera contre cette motion de renvoi en commission.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.
    M. Augustin Bonrepaux. La démonstration de M. Jean-Louis Idiart est...
    M. Jean-Pierre Brard. Imparable !
    M. Augustin Bonrepaux. ... éloquente, convaincante.
    M. Jean-Jacques Descamps. Pour vous seulement !
    M. Camille de Rocca Serra. Elle est décevante.
    M. Augustin Bonrepaux. Elle prouve qu'avec les mêmes moyens, on peut faire une politique différente. Plutôt que de réserver des moyens aux catégories les plus aisées, comme vous le faites, on pourrait en faire bénéficier tous les Français. Par le biais de la redistribution, on pourrait relancer la croissance, c'est-à-dire assurer un meilleur développement économique. Cela justifie tout à fait que nous votions cette motion de renvoi en commission.
    M. Didier Migaud. La commission n'a rien à dire. Son silence est assourdissant !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Pierre Brard. Je partage tout à fait l'avis de M. Bonrepaux. La démonstration de Jean-Louis Idiart a été intéressante, méticuleuse...
    M. Xavier Bertrand. Assommante !
    M. Jean-Pierre Brard. Sans doute n'aviez-vous pas branché votre Sonotone ! (Sourires.)
    M. Xavier Bertrand. Ce n'est pas de mon âge.
    M. Jean-Pierre Brard. On peut être jeune et déjà infirme ! C'est dommage, je pensais que vous aviez un bel avenir.
    M. Camille de Rocca Serra. Il faut respecter les infirmes !
    M. Jean-Pierre Brard. Jean-Louis Idiart a évoqué ce que le Gouvernement actuel aime nommer « la France d'en bas », avec un brin de condescendance.
    Sans citer de ratio arrangé, sans se lancer dans des descriptions technocratiques, il a simplement exposé un reflet de la vie réelle. Un bureau de poste, c'est la vie. Quel sens le budget a-t-il pour nos compatriotes s'il n'est pas capable de régler les problèmes de la vie quotidienne en participant d'une perspective pour le futur ?
    On voit bien que tout est à reprendre dans votre projet de loi de finances de A jusqu'à Z, y compris dans le domaine de la fiscalité locale. Vous avez de nouveau, comme un disque rayé, incriminé l'APA et les 35 heures. Mais je vous ai démontré ce qu'il en était exactement en prenant l'exemple concret de ma commune.
    M. Xavier Bertrand. Où les impôts locaux flambent !
    M. Jean-Pierre Brard. Refusant de pratiquer une politique inhumaine pour reprendre un mot que M. Raffarin a toujours à la bouche, nous avons dû, pour ne pas mettre un terme à leur existence dans notre ville, prendre en charge les emplois-jeunes.
    M. Michel Bouvard. Il ne fallait pas limiter les emplois-jeunes à cinq ans ! Il fallait prévoir la suite.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous dites que c'est un choix politique, vous avez tout à fait raison, et nous l'assumons. Mais il faut que les choses soient claires et nous disons qui est responsable du fait que la commune doive payer ce qui, hier, était payé par l'Etat.
    Vous avez égrené toute une série de mesures pour montrer que votre générosité était distributive et qu'il y en avait pour tout le monde, ou presque.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Exactement !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est comme à Noël, ce sont les gens qu'on aime le plus qui reçoivent les plus gros cadeaux. (Sourires.)
    M. Xavier Bertrand. Ça n'est pas l'égalité, ça !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais, pour ne pas apparaître trop ingrat, vous avez, comme dans la pêche miraculeuse qu'on organise pour les petits enfants le jour de leur anniversaire, fait en sorte que les plus modestes ne repartent pas sans rien - encore que les non-assujettis à l'impôt sur le revenu ne fassent même pas partie des plus modestes. Je sais bien qu'il y a la prime pour l'emploi !
    M. Didier Migaud. Un euro par mois !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais certaines personnes qui ne sont pas assujettis à l'IRPP ne touchent pas la prime pour l'emploi. Et puis que représente ce bonus, un euro par mois pour certains ? Mieux que rien, me direz-vous ? Oui, trois fois rien. En fait, vous continuez d'avantager les privilégiés.
    Dans un ouvrage fameux intitulé Pour une nouvelle gouvernance, le Premier ministre actuel évoque ses idoles - c'est toujours vision contre vision. Ce livre a été publié en juillet 2002. Mais gouverner c'est prévoir et vous serez certainement d'accord avec moi, monsieur le ministre, si je vous dis qu'on ne peut pas vous faire confiance pour le budget de l'an prochain si les prévisions de 2002 se révèlent déjà fausses.
    Je lis sous la plume du Premier ministre : « Faut-il partager l'optimisme de Jean-Marie Messier lorsqu'il déclare que cette nouvelle économie naît plus dans des garages que dans des ministères ? » Au passage, ce n'est pas gentil pour vous. « Emanant, dit M. Raffarin, d'une personnalité qui a forgé son destin au cabinet d'Edouard Balladur lorsque ce dernier était le ministre des finances de Jacques Chirac, cette remarque témoigne d'une certaine lucidité alors même que son groupe, Vivendi, un des plus puissants de France et l'une de nos grandes bannières nationales, est devenu un acteur majeur de la nouvelle économie ».
    Je vois certains de nos collègues qui regardent la pointe de leurs chaussures, et ils ont bien raison. Faire de M. Messier une référence alors qu'il avait déjà mangé la grenouille, ou plutôt, celle de ses actionnaires, il fallait oser ! On était en juillet 2002, et vous pourriez me dire qu'après tout, tout le monde a le droit de se tromper. Mais vous persévérez.
    M. le président. Monsieur Brard, vous avez dépassé les cinq minutes. Venez-en à votre conclusion.
    M. Jean-Pierre Brard. Je n'ai pas beaucoup parlé ce soir, monsieur le président, et je sens que vous le regrettez déjà.
    M. le président. Vous pourrez vous exprimer demain.
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais conclure. Mais vous savez bien qu'il vaut mieux tenir que courir.
    Votre budget, monsieur le ministre, n'est pas recevable, il mérite donc d'être renvoyé en commission.
    Vous nous parlez d'équité, d'égalité, mais Le Monde a révélé, le 8 octobre, les résultats d'une étude qui montre qu'en France, les vingt premiers dirigeants les mieux payés ont bénéficié, en moyenne, d'une augmentation de 20,75 % l'an dernier, malgré l'effondrements des cours et de certains résultats. Selon le cabinet Proxinvest, 39 principaux P-DG touchaient en 2001, en moyenne, une rémunération - salaire, bonus et stock-options - de 7,4 millions d'euros, soit l'équivalent de 554 fois le SMIC ! Et vous baissez encore le taux marginal de l'impôt ?
    Vous voyez bien que, d'une certaine manière, nous démystifions votre discours, que nous clarifions le débat, et que nous en dessinons mieux les enjeux : d'un côté, il y a ceux qui défendent les privilégiés - même si vous affirmez le contraire - et, de l'autre côté, ceux qui défendent les millions de travailleurs qui touchent des salaires modestes, voire des salaires de misère, et les chômeurs.
    Je ne peux pas croire que vous étiez de mauvaise foi depuis le début du débat - ni vous, ni vos collègues de droite. Pour vous donner la possibilité de venir à résipiscence, il faut renvoyer le texte en commission. Si mes arguments ne vous ont pas convaincus, mes chers collègues, ceux du brillant exposé de M. Jean-Louis Idiart n'auront pas manqué de le faire.
    M. Xavier Bertrand. Flatteur !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous invite donc à voter le renvoi en commission qu'a proposé notre collègue.
    M. Charles de Courson. M. Brard se croit à l'Actor's Studio !
    M. Jean-Pierre Brard. M. de Courson n'a pas bien compris ce que j'ai dit hier et il me relance. Stanislavski est une référence qu'il ignore, mais il essaie, monsieur le président, de noyer le poisson pour masquer son renoncement après le coup de colère, bien ajusté, de M. Bayrou, cet après-midi. M. de Courson a un peu honte et cherche à se faire pardonner. Son propos, par sa brièveté, entrait dans cette perspective.
    Je vous invite à voter le renvoi en commission.
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin.
    Ce projet de loi, n° 1146, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Argentine pour la prévention, la recherche et la sanction des infractions douanières.
    Ce projet de loi, n° 1147, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Surinam pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières.
    Ce projet de loi, n° 1148, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le tribunal pénal international pour le Rwanda.
    Ce projet de loi, n° 1149, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'assistance mutuelle douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malte pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières.
    Ce projet de loi, n° 1150, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. François Goulard une proposition de loi modifiant l'article L. 228 du code électoral.
    Cette proposition de loi, n° 1119, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003 de M. Jacques Desallangre une proposition de loi instituant le droit de mourir dans la dignité.
    Cette proposition de loi, n° 1120, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean-Christophe Lagarde une proposition de loi visant à assurer le principe de continuité territoriale entre la France métropolitaine et les régions d'outre-mer ainsi que la collectivité départementale de Mayotte.
    Cette proposition de loi, n° 1121, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean-Claude Guibal une proposition de loi visant à dispenser l'officier d'état civil célébrant le mariage civil de la lecture de l'article 371-1 du code civil lors de la cérémonie.
    Cette proposition de loi, n° 1122, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Yves Nicolin une proposition de loi permettant l'attribution par l'URSSAF de délais supplémentaires pour le paiement des cotisations sociales salariales.
    Cette proposition de loi, n° 1123, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de Mme Muguette Jacquaint et plusieurs de ses collègues une proposition de loi relative à la lutte contre les violences conjugales.
    Cette proposition de loi, n° 1124, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Philippe Dubourg une proposition de loi portant instauration d'un cours d'initiation à la philosophie dès la première année de lycée pour les séries générales et création d'un cours de philosophie pour les baccalauréats professionnels.
    Cette proposition de loi, n° 1125, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean-Claude Guibal une proposition de loi renforçant la lutte contre la conduite sans permis.
    Cette proposition de loi, n° 1126, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Thierry Mariani une proposition de loi visant à instituer un permis d'exploitation pour les exploitants de débits de boissons de 2e, 3e et 4e catégorie et d'établissements pourvus de la « petite licence restaurant » ou de la « licence restaurant ».
    Cette proposition de loi, n° 1127, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jacques Myard une proposition de loi tendant à modifier le code rural pour améliorer l'action en garantie des vices rédhibitoires dans les ventes d'animaux domestiques.
    Cette proposition de loi, n° 1128, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean-Claude Decagny une proposition de loi visant à instaurer le principe de la gratuité des manuels scolaires.
    Cette proposition de loi, n° 1129, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Alain Marty une proposition de loi relative à la filiation d'un enfant sans vie.
    Cette proposition de loi, n° 1130, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean Roatta une proposition de loi tendant à mettre en oeuvre l'obligation pour tout commerce de délivrance à sa clientèle de sachets en papier recyclé ou tout autre matière biodégradable.
    Cette proposition de loi, n° 1131, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean-Luc Warsmann une proposition de loi visant à conférer la qualité de pupille de la nation aux enfants des sapeurs-pompiers décédés en service commandé.
    Cette proposition de loi, n° 1132, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean-Claude Guibal une proposition de loi visant à renforcer le dispositif de lutte contre les navires pollueurs en mer Méditerranée.
    Cette proposition de loi, n° 1133, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jean Roatta et M. Philippe Douste-Blazy une proposition de loi tendant à créer un « contrat expérience » pour faciliter la réinsertion sociale des chômeurs de longue durée.
    Cette proposition de loi, n° 1134, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de Mme Maryse Joissains-Masini une proposition de loi visant à assurer une dynamique nouvelle et responsable à la coopération décentralisée.
    Cette proposition de loi, n° 1135, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. André Gerin une proposition de loi relative aux peines encourues pour l'incendie de voitures.
    Cette proposition de loi, n° 1136, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Serge Poignant une proposition de loi tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique.
    Cette proposition de loi, n° 1137, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Patrick Beaudouin une proposition de loi tendant à la création d'un service national de solidarité civique pour faire face aux catastrophes.
    Cette proposition de loi, n° 1138, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jacques Godfrain une proposition de loi visant à modifier les articles L. 122-45 et L. 412-2 du code du travail.
    Cette proposition de loi, n° 1139, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Jacques Godfrain une proposition de loi visant à réduire à cinq ans la prescription applicable aux actions en justice fondées sur une discrimination syndicale.
    Cette proposition de loi, n° 1140, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le mercredi 15 octobre 2003, de M. Luc-Marie Chatel une proposition de loi tendant à redonner confiance au consommateur.
    Cette proposition de loi, n° 1141, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

4

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. Eric Raoult un rapport n° 1142, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud (n° 945).
    J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. Eric Raoult un rapport n° 1143, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) (n° 947).
    J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de Mme Martine Aurillac un rapport n° 1144, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions, signée le 1er juin 1989 (ensemble un protocole), signé à Mascate le 22 octobre 1996 (n° 648).

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. Christian Philip un rapport d'information n° 1145, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur l'adhésion de la République de Chypre à l'Union européenne (rapport complémentaire).

6

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 15 octobre 2003, de M. le Premier ministre, en application de l'article 7 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, un rapport sur l'exécution de cette loi.

7

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :
    Discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le jeudi 16 octobre 2003, à une heure quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communications du 14 octobre 2003

N° E 2400. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1030/2003 du Conseil du 16 juin 2003 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia (COM [2003]).
N° E 2401. - Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 3274/93 empêchant la fourniture de certains biens et services à la Libye (COM  581 final).