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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 17 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 16 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

1.  Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES DE LA PREMIÈRE PARTIE «...»
Article 1er «...»

MM. Didier Migaud, Augustin Bonrepaux, Jean-Louis Idiart, Jean-Claude Sandrier, Jean-Pierre Brard, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Adoption de l'article 1er.

Article 2 «...»

MM. Hervé Novelli, Didier Migaud, Augustin Bonrepaux, Jean-Claude Sandrier, Jean-Pierre Brard, Gérard Bapt, Charles de Courson.
Amendement de suppression n° 141 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 87 de M. Brard, 254 de M. Bonrepaux, 412 et 188 de M. Bayrou : MM. Jean-Claude Sandrier, Didier Migaud, Maurice Leroy, Charles de Courson.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM. le rapporteur général, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances ; le ministre, François Bayrou, Marc Laffineur, Henri Emmanuelli, Didier Migaud, Daniel Garrigue, Jean-Claude Sandrier, Michel Bouvard. - Rejet de l'amendement n° 87 ; rejet, par scrutin, de l'amendement n° 254 ; rejet des amendements n°s 412 et 188.
MM. le ministre, le président de la commission.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Fin de la mission d'un député «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004

PREMIÈRE PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

Discussion des articles de la première partie

    M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles de la première partie.

Article 1er

    M. le président. Je donne lecture de l'article 1er :

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. - Impôts et revenus autorisés

A. - Dispositions antérieures

    « Art. 1er. - I. - La perception des impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année 2004 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances.
    « II. - Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique :
    « 1° A l'impôt sur le revenu dû au titre de 2003 et des années suivantes ;
    « 2° A l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2003 ;
    « 3° A compter du 1er janvier 2004 pour les autres dispositions fiscales. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
    La parole est à M. Didier Migaud, premier orateur inscrit.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, nous avons souhaité nous inscrire sur cet article 1er en raison du refus qui a été opposé au groupe socialiste d'organiser un débat sur les prélèvements obligatoires conformément à la possibilité offerte par la nouvelle loi organique. Le Gouvernement et la majorité nous expliquent sans cesse à la télévision, à la radio, dans les journaux, que les impôts baissent, mais il est facile de parler sans contradicteurs. Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, que vous preniez ce matin des engagements solennels pour l'avenir, afin que nous puissions vérifier plus tard si tout se passe comme prévu. Nous serons alors totalement dans l'esprit de la nouvelle loi organique.
    Vous nous expliquez, monsieur le ministre, que les impôts baissent, mais pour la grande majorité de nos concitoyens, cette baisse est une totale fiction. Certes, si l'on est riche et bien portant, on doit pouvoir bénéficier des mesures fiscales prévues par le gouvernement Raffarin, dont le sigle « Union pour une minorité de privilégiés » est confirmé. Mais pour les autres, qui ne sont pas vos privilégiés, monsieur le ministre, 2004 ne sera qu'une longue et douloureuse succession d'augmentations dont le Gouvernement est directement ou indirectement responsable. La question de savoir, d'une part, sur quels ménages les hausses et les baisses d'impôts porteront et, d'autre part, si les hausses seront ou non d'un montant supérieur aux baisses est une question majeure. Les impôts vont augmenter pour le plus grand nombre : taxe sur le gazole - nous y reviendrons -, droits sur les tabacs, impôts locaux - nous y reviendrons également -, forfait hospitalier, cotisations complémentaires santé, tarifs publics. Toutes ces hausses sont aujourd'hui connues et d'autres suivront après les élections de 2004. Vous ne vous en cachez pratiquement pas.
    Le Gouvernement commence enfin à admettre que sa politique fiscale ne cherche pas à soutenir la consommation. Il reconnaît pourtant, et c'est l'une des contradictions sur lesquelles nous souhaitons que vous vous expliquiez, monsieur le ministre, dans son rapport économique et financier que « l'évolution de la confiance des ménages, et plus généralement de leur consommation, sera un déterminant crucial du profil de l'activité ». On pourrait presque dire que c'est une « raffarinade », à savoir une banalité, une évidence. Jusqu'à maintenant, la croissance était soutenue par la consommation. Si l'on ne soutient pas la demande, il est fort peu probable que la croissance repartira autant qu'on le pense et il est incompréhensible que le Gouvernement prenne délibérément le risque de tuer dans l'oeuf la reprise qu'il espère en multipliant des décisions qui vont amputer le pouvoir d'achat des Français. C'est totalement incohérent et injuste.
    Dans votre rapport sur l'évolution des prélèvements obligatoires, vous nous promettez une baisse très légère, de 0,2 point du PIB, du taux de prélèvements obligatoires en 2004, mais, dans le même temps, vous nous expliquez que votre prévision n'intègre pas les augmentations de fiscalité locale, ce qui est étrange. C'est inquiétant, car le Gouvernement annonce que des hausses de taux couplées avec des bases assez dynamiques conduiront à une forte augmentation de ces prélèvements obligatoires sur laquelle reviendra dans un instant Augustin Bonrepaux.
    Pour la grande majorité des ménages, les prélèvements vont donc non pas baisser, mais fortement augmenter, c'est désormais certain. Mais quelle sera la conséquence des mesures fiscales du Gouvernement sur le taux des prélèvements obligatoires ? La réponse est donnée par le graphique 6 figurant à la page 14 du rapport sur les prélèvements obligatoires. En 2004, l'effet des mesures nouvelles sera en fait d'augmenter le taux de prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB, soit 3,2 milliards d'euros environ. Sans ces mesures nouvelles, vous nous expliquez que les prélèvements obligatoires diminueraient spontanément de 0,4 point de PIB en raison de l'absence de croissance et de l'anémie des recettes fiscales. Mais, d'une certaine façon, l'action du Gouvernement va contrecarrer cette évolution spontanée à hauteur de 0,2 point de PIB, avant prise en compte des hausses d'impôts locaux et des mesures douloureuses, selon Francis Mer, qui seront prises pour la sécurité sociale après les élections de 2004,...
    M. Philippe Auberger. Quelle logorrhée !
    M. le président. Monsieur Migaud, veuillez conclure je vous prie !
    M. Didier Migaud. ... si l'on tient compte du fait que le taux de prélèvements obligatoires ne va pas diminuer en 2004, et qu'il augmentera même probablement. Donc, non seulement la baisse des impôts est une fiction, mais leur hausse sera une triste réalité pour la grande majorité des ménages en 2004. Je vous donne rendez-vous l'année prochaine pour le constater, monsieur le ministre. D'ailleurs, vous ne croyez pas beaucoup vous-même à la diminution du taux des prélèvements obligatoires, puisque d'ici à 2007, vous prévoyez que ce taux sera relativement stable.
    Monsieur le ministre, je voudrais vous poser deux ou trois questions précises, et de vos réponses dépendra la sincérité de vos prévisions. Quels sont les engagements pris par le Gouvernement à Bruxelles pour réduire encore plus notre déficit ? Qu'est-ce qui a pu amener la Commission européenne à nous accorder un délai supplémentaire ? Sur quoi vous êtes-vous engagé ? Pouvez-vous aujourd'hui, 16 octobre 2003, prendre l'engagement qu'il n'y aura aucune hausse de CSG sur l'année 2004 ? Pouvez-vous nous dire qu'aucune mesure douloureuse ne sera prise en 2004 concernant la fiscalité, qu'elle porte sur l'Etat ou sur la sécurité sociale ?
    M. Philippe Auberger. Pourquoi pas sur les collectivités locales, pendant que vous y êtes ?
    M. Didier Migaud. Il nous paraît essentiel que vous répondiez à ces questions.
    Monsieur le président, la conférence des présidents, de manière choquante, a refusé qu'il y ait un débat sur le niveau des prélèvements obligatoires, alors que c'est un droit qui nous est reconnu par la nouvelle loi organique. Je le regrette, une fois de plus. Permettez-nous dès lors de dépasser quelque peu notre temps de parole, car il nous paraît essentiel de pouvoir porter la contradiction au Gouvernement, de montrer que cette baisse globale des impôts qu'il annonce est mensongère et qu'une très grande majorité de nos concitoyens subiront en fait une hausse de leurs impôts, parmi les plus injustes, tout au long de l'année 2004.
    M. le président. Monsieur Migaud, je n'ai aucune objection à ce que le débat se poursuive au-delà du temps prévu, mais cela ne peut pas être la règle. Donc, surtout, ne répétez pas trois ou quatre fois la même chose en utilisant les mêmes phrases pour allonger le temps de parole. Pour le reste, afin que l'Assemblée soit pleinement informée, nous en discuterons au cas par cas.
    M. Jean-Pierre Brard. La répétition est la quintessence de la pédagogie !
    M. le président. Cela peut être la meilleure des pédagogies, mais cela peut aussi être une souffrance ! (Sourires.)
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je ne suis pas certain que le Gouvernement ait compris tous les arguments de Didier Migaud et il est normal qu'il les répète, tant ils sont importants. Il est normal que le Gouvernement esquive ce débat sur les prélèvements obligatoires, parce qu'il n'est pas trop à son avantage. En effet, ces prélèvements n'ont pratiquement pas diminué entre 2002 et 2003. D'un côté, vous avez réduit l'impôt sur le revenu, pourtant le plus juste, mais de l'autre côté, vous avez augmenté les impôts indirects et provoqué la hausse d'autres impôts.
    S'agissant des impôts indirects, entre 2002 et 2003, la taxe sur les produits pétroliers est passée de 23,962 milliards d'euros à 24,665 milliards d'euros, augmentation due à la suppression de la TIPP flottante. Quant à la hausse des taxes sur le tabac, qui inquiète l'UMP, d'abord pour ses conséquences sur le plan électoral, ensuite, parce que cela diminuera les recettes escomptées, elle provoquera aussi une augmentation des prélèvements obligatoires. Enfin, il y a l'augmentation des impôts des collectivités locales. Bien sûr, c'est toujours la faute des autres, parce que cela ne peut pas être la vôtre ! Depuis un an et demi, vous nous dites que si cela va mal, c'est la faute de la gauche, du temps ou d'autre chose !
    M. Jean-Louis Idiart. Et bientôt la faute de Bayrou !
    M. Didier Migaud. De l'Europe !
    M. Augustin Bonrepaux. Les impôts des collectivités locales ont, il est vrai, augmenté en 2003 de façon très importante. Au début, M. Devedjian nous a dit que c'étaient les élus de gauche qui augmentaient les impôts locaux.
    M. Philippe Auberger. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Je ne savais pas que la commune de Strasbourg était gérée par la gauche !
    M. Eric Woerth. Elle l'était !
    M. Michel Bouvard. Oui, elle l'a été longtemps !
    M. Augustin Bonrepaux. Or la taxe d'habitation y a augmenté de 7,54 % et le foncier bâti de 7,12 %.
    M. Philippe Auberger. Et Montreuil ?
    M. Augustin Bonrepaux. On nous dit aussi : « C'est la faute de l'APA. » Je ne savais pas que la commune de Strasbourg avait compétence en matière d'APA ! On nous dit encore : « C'est la faute du transfert des SDIS aux départements. » Je ne vais pas énumérer toutes les communes de droite où les impôts ont augmenté. Si tel est le cas, c'est bien qu'il y a des problèmes, et il y en aura encore davantage l'année prochaine, car les communes vont subir les conséquences de la suppression des subventions d'investissement de l'Etat.
    Quant aux communes rurales, si leur taux d'imposition augmente, c'est parce que leurs dotations ont moins évolué, et surtout parce que celles qui veulent se développer sont obligées de se substituer à l'Etat puisque vous avez réduit de 60 % les crédits du Fonds national pour le développement des adductions d'eau. Ce n'est pas rien !
    Venons-en maintenant aux départements. Vous allez nous dire que s'ils ont augmenté leurs impôts, c'est la faute de l'APA, des 35 heures,...
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. ... des SDIS, donc du Gouvernement précédent. D'autres disent encore que c'est la faute de la gauche.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ça, c'est un pléonasme !
    M. Augustin Bonrepaux. Or, presque la moitié des départements n'ont pas augmenté leurs impôts. C'est notamment le cas de la Seine-Maritime et du Gard, qui sont pourtant des départements de gauche et qui ont appliqué les trente-cinq heures. Dans les Bouches-du-Rhône ou la Nièvre, départements de gauche encore, les impôts n'ont pas augmenté non plus. N'auraient-il pas en charge l'APA ou le SDIS ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. L'augmentation a eu lieu l'année dernière !
    M. Augustin Bonrepaux. Certes, l'Ille-et-Vilaine, chère à M. Méhaignerie, a connu une augmentation de 9,9 %, ce qui n'est pas très exemplaire pour un département de droite, surtout si on établit une comparaison avec ses voisins, le Finistère ou les Côtes-d'Armor, dont les impôts n'ont augmenté que de 5 %, ou avec l'Ariège, où la hausse n'a été que de 6 % seulement.
    M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Le débat est donc faussé car tous les argements que vous nous présentez tombent.
    J'en viens à l'APA, dont vous prétendez que c'est une charge. Mais osez donc dire qu'il ne fallait pas créer cette allocation !
    M. Michel Bouvard. Il fallait la compenser plus justement !
    M. Augustin Bonrepaux. On aurait vu alors quels auraient été les effets de la canicule ! Vous devez d'ailleurs avoir un peu de remords de l'avoir restreinte. Si vous n'aviez pas inquiété les Français comme vous l'avez fait en effet, peut-être auraient-ils mieux utilisé ce service et peut-être y aurait-il eu moins de problèmes cet été. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Bouvard. Il n'y avait pas suffisamment d'aides-soignants à cause des 35 heures !
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, que se serait-il passé si nous n'avions pas instauré l'APA ?
    M. Michel Bouvard. Il n'y avait plus de personnel à cause des 35 heures !
    M. Augustin Bonrepaux. Aujourd'hui, vous dites qu'il faut un grand plan pour les personnes âgées. Et vous voulez créer un service nouveau pour les personnes âgées que vous ferez financer encore une fois par tout le monde. Oserez-vous le remettre en cause celui-là ?
    M. Michel Bouvard. La compensation pour les départements se fait à la tête des clients !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous avons, quant à nous, créé un service nouveau, des emplois nouveaux, des recettes pour l'Etat,...
    M. Eric Woerth. Des dépenses plutôt !
    M. Augustin Bonrepaux. ... des recettes au titre de la sécurité sociale et des impôts. Et il me semble qu'il relève du rôle de l'Etat de financer tous ces services sociaux.
    M. Michel Bouvard. Il n'a rien financé du tout !
    M. Augustin Bonrepaux. Pour votre part, vous avez préféré réduire l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce sont autant de millions dont ne bénéficieront pas les personnes âgées. Voilà la politique que vous conduisez !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Quelle caricature !
    M. Eric Woerth. Cette intervention était nulle !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. Depuis deux années, le débat budgétaire tourne très fortement autour de l'idée de la baisse de l'impôt, qui a d'abord été un des thèmes de la campagne électorale.
    Puis, l'année dernière, lors de la présentation du premier collectif, vous nous avez déclaré que le processus était engagé. Nous en voyons les premiers effets, d'abord dans les caisses de l'Etat où cela conduit à une baisse des recettes. En outre, ce choix a privilégié certaines catégories de la population. La grande majortié de nos concitoyens - ceux que nous rencontrons dans nos circonscriptions - n'a pas vu, quant à elle, de grand changement sur sa feuille d'impôt. Ces Françaises et ces Français, par contre, ont constaté que l'Etat avait renoncé à un certain nombre d'engagements initiaux qu'il avait pris.
    Ainsi, dès l'an passé, vous avez commencé à envisager de réduire la portée de certaines dispositions comme l'APA. Souvenons-nous des débats : il vous était facile, devant le succès de la mesure, d'expliquer qu'il n'y avait pas suffisamment de crédits venant de l'Etat.
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    M. Jean-Louis Idiart. Cela ne vous a pas empêché, parallèlement, de baisser l'impôt sur le revenu. Vous avez choisi de faire des cadeaux aux tranches supérieures, parce que ce sont essentiellement elles qui en ont profité et de transférer indirectement les dépenses sociales en direction des départements.
    M. Michel Bouvard. Cela avait déjà commencé sous le gouvernement Jospin !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous avons tous pu le constater sur le terrain. Je relaierai Augustin Bonrepaux en ajoutant qu'à l'occasion de l'augmentation des taxes dans certains départements - nos collègues socialistes nous l'ont expliqué - plusieurs présidents de conseils généraux, de droite notamment, ont profité de l'aubaine du contexte pour faire un petit nettoyage. Je vous en communiquerai la liste si vous voulez, monsieur le ministre, car cette information pourrait vous intéresser.
    M. Philippe Auberger. C'est de la délation !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous pourrez ainsi faire pression sur les élus locaux de droite pour les amener à se montrer un petit peu plus disciplinés et beaucoup plus solidaires des décisions prises dans cette enceinte. Il est clair que la droite ne fait pas sur le terrain ce qu'elle dit ici vouloir faire.
    Autre thème qui monte en puissance, la comparaison avec les autres pays européens, et notamment avec l'Allemagne. Or, vous savez pertinemment que l'assiette de l'impôt sur le revenu et la part de celui-ci dans le PIB sont beaucoup plus larges outre-Rhin.
    Ce qui pèse le plus lourd dans notre fiscalité, c'est la TVA. Or, on ne vous a jamais vu revenir sur le taux de cet impôt. On ne rappellera pas les dispositions de 1995 sur l'augmentation de deux points du taux de la TVA. Je ne vous ai pas entendu dire aujourd'hui que vous envisagiez, comme nous l'avons fait, de baisser d'un point le taux supérieur de TVA. Vous ne proposez rien à ce sujet.
    M. Michel Bouvard. Ce sont les intermédiaires qui se le mettent dans la poche !
    M. Jean-Louis Idiart. Donc, la comparaison avec les autres pays d'Europe n'est pas pertinente.
    En définitive, vous vous bornez à une explication générale. Vous essayez de faire croire à la population que la baisse de l'impôt sur le revenu est importante alors qu'en réalité, il n'en rien. Quant à l'efficacité de la mesure, nous avons tous pu constater que l'impact sur la consommation est nul, contrairement à ce que vous prétendiez l'année dernière. Il faudrait continuer à baisser l'impôt sur le revenu pendant de très nombreuses années pour commencer à percevoir un effet sur la consommation.
    M. Eric Woerth. C'est ce que nous allons faire !
    M. Jean-Louis Idiart. Donc, n'utilisez pas cet argument. C'est même l'Association française des banques qui l'explique. Je ne pense pas que ce soit vraiment un syndicat de gauche. C'est la première à avoir dit que la baisse de l'impôt sur le revenu, d'accord, c'est sympathique,...
    M. Eric Woerth. C'est déjà ça !
    M. Jean-Louis Idiart. ... mais qu'en termes d'efficacité c'était zéro !
    Nous proposons donc un suivi régulier de l'évolution de ces prélèvements, ce qui ne nous a pas été accordé jusqu'à présent. Convenez qu'un grand débat annuel sur ce sujet serait intéressant.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre, l'article 1er prévoit l'autorisation de percevoir l'impôt. On pourrait donc le voter sans autre forme de procès.
    M. Eric Woerth. Ce serait bien !
    M. Jean-Claude Sandrier. Mais il ne s'agit pas d'autoriser n'importe quel impôt. Or, si l'impôt sur le revenu est le plus juste puisqu'il est progressif, votre décision se répercute de façon assez injuste dans la mesure où 1 % seulement des contribuables vont bénéficier de cette baisse des impôts. L'article paru récemment dans Le Point montrait ainsi qu'un cadre allait voir en 2004 son impôt sur le revenu baisser de 34 %. Mais il n'en sera pas de même pour tout le monde, et je ne parle pas de ceux qui ne paient pas d'impôt sur le revenu et dont on sait que, pour l'essentiel, les prélèvements vont augmenter.
    En outre, l'effet économique positif que vous attendiez de cette mesure n'est absolument pas démontré. Notre collègue Auberger, ici présent, a d'ailleurs déclaré que les baisses d'impôt n'encourageaient peut-être pas la consomation immédiate, mais l'épargne, qui est une consommation différée.
    M. Philippe Auberger. C'est vrai !
    M. Jean-Claude Sandrier. Dans ce cas, il faudrait préciser jusqu'à quand. Surtout, je propose, monsieur le ministre, que vous différiez votre discours sur l'arrivée prochaine de la croissance.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pourquoi ?
    M. Jean-Claude Sandrier. L'efficacité, c'est d'abord la consommation des ménages et ensuite l'investissement, l'investissement privé, certes, mais aussi l'investissement public que vous n'aidez pas.
    M. Philippe Auberger. Et les exportations !
    M. Jean-Claude Sandrier. Et aujourd'hui, il nous est difficile de voter une autorisation de percevoir moins chez les plus riches, car ce n'est pas tout à fait conforme à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, dans le débat qui nous occupe et qui nous oppose, il s'agit non pas de savoir comment percevoir l'impôt mais quel impôt nous entendons percevoir. Et dans ce cadre, je me sens, bien que Normand, une âme de Jacquou le Croquant.
    M. Philippe Auberger. Quel aveu !
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a de quoi en être fier, monsieur Auberger, et je vais vous démontrer que nous, nous avons raison d'être dans cette filiation. Vous, bien sûr, vous êtes plutôt dans la filiation des privilégiés même si je n'irai pas jusqu'à affirmer que vous-même vous en faites partie. Vous êtes plutôt l'un de leurs missi dominici.
    Le 4 mars 1789, monsieur le président - je sais que vous avez quelque inclination pour l'histoire -, les habitants de la ville d'Issigeac se réunissaient au son des cloches et rédigeaient le cahier de doléances à l'aube de la Révolution dont nous affirmons être les fils, fidèles à son esprit.
    Voici quelques extraits de leurs « Remonstrances » en vieux françois :
    « Hâtons-nous donc a faire parvenire au meilleur et au plus justes de nos roys nos pleintes et nos doléances. Que depuis longtemps, Sire, le Tiers Etats de cette ville et parroisse gemite sous le poix acablant de l'impôt publiques, sans avoir jamais pu, par des justes remontrances, les faire alléger. De la vient principalement nos malheurs et nos détraisses : les beaux arts sont ici enfouis, le commerce languit et est sans vigueur ; les métiers de toutes espèces sont dans l'inaction et l'agriculture se ralentyt de plus en plus ; car bientôt nos malheurs parviendront à leur comble cy Sa Majesté bienfaisante n'y remédie promptement ; nous l'attendons, Sire, se remède eficasse pour soulager nos maux.
    « La départition de l'ympot tant sur les nobles, sur le clergé et les privilégiés que sur le Tiers Etats proportionnée aux propriétés et facultés, est un des plus puissant remède pour protéger nos maux.
    « Ce n'est que d'après une telle départition que les baux arts peuvent icy commencer à fleurire, que le commerce prendra du nerf, que le mécanisme ce perfectionnera et que l'agriculture se ranimera parce que les trop fortes impositions ottent au Tiers Etats la force de rien entreprendre à son avantage, tandis que la noblesse, le clergé et les privilégiés jouissent du privilèges d'un impôt quy doit être commun entre les trois ordres et quy, justement départi, rétablirait les finances, ferait prospérer le royaume et les sujets.
    « Mais pour y parvenire, cette départition ne devrait pas être au seul caprices des commissaires : la liberté de s'imposer proportionnellement est encore un movens.
    « Les abus que les loix civiles et criminelles ont introduit merittent encore d'être réformés en simplifiant les loix civiles et criminelles d'une manière plus claire et plus précises afin que les sujets ne fussent plus exposés à consumer leurs fortune par des procédures sans fin et que les accuzés fussent libre de justifier leur innosances.
    « Voilà nos plaintes, nos doléances et nos voeux. En conséquence nous enjoignons nos députés de demander - écoutez, chers collègues de la majorité, le message n'est pas posthume, il est toujours actuel et il vous est destiné ! :
    « que le clergé et la noblesse payeront l'impôt, de même que les privilégiés, relativement à leurs possessions, et qu'en conséquence les privilèges des villes soient détruits ;
    « que la corvées se lève par l'impôt sur tous les contribuables ;
    « une taxe provisoire pour tenir lieu à l'impôt de tous privilégiés pour cette année seulement. »
    M. Eric Woerth. Pourrait-on revenir au sujet ?
    M. Daniel Garrigue. Ce qu'il y a de bien avec vous, monsieur Brard, c'est qu'on n'arrête pas de s'instruire !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est chez vous, monsieur Garrigue, que ce cahier de doléances a été rédigé. Vos ancêtres avaient l'esprit éclairé. Mais vous ne leur êtes guère fidèle !
    M. Charles de Courson. Et qui a voté l'abolition des privilèges ? Connaissez mieux votre histoire, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur de Courson, je comprends que le message de ceux qui rédigèrent les cahiers de doléances vous émeuve aujourd'hui encore puisqu'il remit en cause les privilèges de ceux qui vous furent chers.
    M. Eric Woerth. Monsieur le président, pourrait-on revenir au sujet ?
    M. le président. Monsieur Brard, il vous reste encore deux siècles à parcourir et vous avez déjà épuisé votre temps de parole ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous qui avez une inclination historique, n'ignorez rien de la pertinence du propos qui figurait dans ces cahiers de doléances.
    M. Eric Woerth. Pourrait-on parler des problèmes d'aujourd'hui ?
    M. Daniel Garrigue. Ce n'est plus l'Assemblée nationale, c'est l'université du temps libre !
    M. François Goulard. Voire l'université du troisième âge, pour certains !
    M. Jean-Pierre Brard. Le débat qui nous occupe aujourd'hui est dans le droit-fil de celui qui a animé une part importante de nos ancêtres, notamment - je change de région - ceux de la petite paroisse de Saulchery, dans les environs de Château-Thierry, qui répondaient à un questionnaire en ces termes :
    « Le meilleur moyen de répartition de l'impôt consisterait à obliger chaque particulier à faire une déclaration exacte - vous imaginez les fraudeurs ? - de tout ce qu'il possède, faire une masse de tout et répartir la masse des impositions proportionnellement. »
    Cette volonté de justice fiscale, concrétisée et améliorée à partir du début du siècle dernier avec la progressivité de l'impôt a fait naître chez les ancêtres de nos collègues de droite un désir de revenir en arrière en faveur des privilégiés. Les opposants à l'impôt que vous êtes, messieurs, voient en lui une réincarnation de l'Ancien Régime. C'est le sentiment d'un retour à l'inquisition fiscale de l'administration. Pour vous, l'impôt sur le revenu s'oppose aux principes d'égalité et de liberté de l'individu, que vous avez sans cesse à la bouche. Il risque d'attribuer aux agents des impôts chargés de l'évaluation du revenu global des contribuables des pouvoirs comparables à ceux des commissaires aux tailles des intendants du xviiie siècle et d'entraîner un arbitraire dangereux.
    Vous le voyez, monsieur le président, monsieur le ministre, ces débats sont toujours actuels. D'un point de vue pédagogique, pour bien faire comprendre le sens de ce que vous faites, il était utile de resituer nos travaux dans une perspective historique, tant il est vrai que, quand on ne sait pas d'où l'on vient, on ne sait pas où l'on va. Et comme vous voulez faire oublier d'où vous venez, il nous revenait de le rappeler, pour que nos concitoyens comprennent où vous les emmenez.
    M. Charles de Courson. Les interventions de M. Brard ne sont même plus drôles !
    M. Jean-Pierre Brard. Evidemment, puisque je remets en cause vos privilèges !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, puisque nous en sommes à l'article 1er et que je souhaite que le débat puisse se tenir dans une ambiance de confiance mutuelle et d'écoute - en tout cas, je m'y appliquerai -, je veux faire écho à quelques questions qui ont été posées, tout en prévenant très fermement que je ne m'arrêterai pas, au long de nos travaux, à ce qui pourrait apparaître comme des interventions dilatoires.
    Didier Migaud a soulevé le problème de la mise en oeuvre de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finance.
    Monsieur Migaud, vous et moi avons tant oeuvré, au nom des collègues qui nous avaient fait confiance, en faveur de l'adoption de cette loi, que nous devons nous montrer dignes de ce travail et faire en sorte qu'il s'applique dans les meilleures conditions. Et pour cela, nous devons régler la question de l'insertion dans le calendrier parlementaire des différents débats budgétaires qu'elle prévoit.
    Je les rappelle : le débat d'orientation budgétaire, d'abord, doit être tenu avant le 30 juin ; la loi de règlement, ensuite, doit être votée juste avant l'examen de la loi de finances. Quant au rapport sur les prélèvements obligatoires, l'article 52 de la loi organique dispose qu'il peut faire l'objet d'un débat, mais ce n'est que facultatif. Restent enfin le projet de loi de finances lui-même et le collectif de fin d'année.
    Comme on ne peut pas espérer - je parle sous le contrôle de la présidence - occuper exclusivement par des débats financiers l'ensemble de l'ordre du jour du Parlement, il nous faut trouver un calendrier raisonnable. Voilà qui nous appelle peut-être, d'ailleurs, à plus de concision dans les travaux que nous menons, si nous voulons que chacun des éléments qui jalonnent le débat budgétaire puisse être examiné complètement.
    Je répondrai précisément aux questions que m'a posées Didier Migaud, pour lui montrer à quel point je tiens à être à son écoute. Je ne souhaite pas qu'il soupçonne en quoi que ce soit le Gouvernement d'arrière-pensées. Vous pouvez tout à fait ne pas partager la politique du Gouvernement - vous le dites suffisamment clairement -, mais en tout cas ne le soupçonnez pas d'intentions auxquelles vous avez peut-être songé, mais qui n'ont jamais été les siennes. Levons donc tout soupçon.
    Vous supposez, dans les mois qui viennent, une augmentation cachée de la fiscalité.
    Pourquoi entretenez-vous ce soupçon injustifié ? Ne me suis-je pas exprimé à plusieurs reprises sur le fait que la France souffrait de trop de dépenses et non d'une insuffisance d'impôts ? Je m'opposerai donc de toutes mes forces, tant que la maîtrise de la dépense ne sera pas acquise, à toute augmentation de la fiscalité, qui serait la porte ouverte à une hausse permanente et ininterrompue. Je me demande parfois si le soupçon entretenu sur une éventuelle augmentation de la fiscalité n'est pas lié à un dépit éprouvé par l'opposition.
    M. Didier Migaud. Non, je vous rassure !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En effet, malgré une conjoncture difficile, le Gouvernement reste serein. Il maintient son cap parce qu'il croit précisément, lui, dans la capacité de la France à saisir la reprise qui s'annonce. Il sait qu'elle sera récompensée de l'effort consenti pour redonner confiance aux agents économiques. D'autres auraient peut-être montré plus d'hésitations, ou même auraient changé de cap, mais ce n'est pas le cas du Gouvernement.
    Vous prétendez que la baisse des impôts ne concerne que les riches. Si dix-sept millions de foyers français étaient riches, ce serait une bonne nouvelle. Ils seront en effet ce nombre à bénéficier d'une baisse de l'impôt sur le revenu. Quant aux huit millions et demi de ménages français bénéficiaires de la prime pour l'emploi, ils seront heureux d'entendre qu'ils sont réputés riches selon votre analyse.
    M. Didier Migaud. C'est de la caricature !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La réduction de l'impôt, associée à l'augmentation très forte des salaires minima, est une politique qui aspire précisément à une plus grande justice. Les Français l'ont d'ailleurs reconnu. Entre 2002 et 2004, compte tenu des allégements de différentes natures votés par le Parlement, l'impôt sur le revenu aura baissé de 10 %. Pour un salarié payé au SMIC, le gain total sur la période représente 940 euros, ce qui, rapporté au salaire lui-même, n'est pas une petite somme. Les Français l'ont compris : la baisse de l'impôt est réelle, même si le budget pour 2004 comporte une mesure d'augmentation de la fiscalité sur le gazole, sur laquelle j'imagine bien que nous reviendrons.
    Vous avez posé la question de savoir pourquoi la Commission européenne avait donné un délai supplémentaire à la France. Elle a tout simplement reconnu que la situation économique sur son propre territoire s'était dégradée et que le seuil de 3 % était inaccessible dès 2004. Ne cherchez pas d'autres explications !
    Monsieur Bonrepaux, vous pouvez le regretter, mais l'explication de l'augmentation de la fiscalité locale se trouve dans l'APA et dans les 35 heures !
    Vous pouvez essayer de trouver d'autres causes, mais c'est bien ce qui a frappé douloureusement les communes, les départements et les régions et qui explique, pour l'essentiel, la hausse de 2003.
    S'agissant du FNDAE, nous ne l'avons pas réduit. Nous avons simplement tenu compte des reports et supprimé une ressource qui, comme Didier Migaud vous le confirmera, est contraire à la loi organique relative aux lois de finance. Si, comme je l'espère, vous n'êtes pas opposé à cette dernière, vous accepterez mon explication.
    Je répondrai à M. Brard pour lui donner raison sur un point : trop d'impôts tue l'impôt. La formule n'est pas de moi, mais je ne peux que la confirmer. Trop d'impôts écrasent ceux qui travaillent, ce que nous voulons éviter dans notre budget. C'est d'ailleurs un très bon antidote pour prévenir la révolution à laquelle vous faisiez allusion tout à l'heure. Grâce à l'Assemblée, nous n'avons pas besoin d'Etats généraux !
    Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je voulais dire en introduction à notre débat sur l'article 1er. Je ne veux esquiver aucune question mais, si nous voulons insérer dans le calendrier budgétaire l'ensemble des éléments prévus par la loi organique, il importe de ne pas consommer tout le temps parlementaire disponible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Merci, tout d'abord, monsieur le ministre, du ton très courtois et constructif que vous avez adopté dans votre réponse. J'espère que nous pourrons ainsi conduire le débat jusqu'à son terme, à la fin de la semaine, voire au début de la semaine prochaine.
    Mais vous devriez, vous aussi, éviter de nous soupçonner, voire de nous accuser des pires maux.
    M. François Goulard. Ce n'est pas un soupçon, c'est une certitude !
    M. Didier Migaud. Vous laissez entendre qu'une fois revenus au pouvoir nous augmenterions les impôts. Permettez-moi de vous faire observer que le taux des prélèvements obligatoires, qui s'élevait à 45,4 % en 1999, n'était plus que de 43,9 % en 2002.
    M. Charles de Courson. Et en 1997 ?
    M. Michel Bouvard. Nous sommes partis en 1997 !
    M. Didier Migaud. Vous prétendez qu'il s'élèvera à 43,8 % en 2003 - mais je suis persuadé que ce chiffre n'est pas exact et je vous donne rendez-vous à l'échéance - et de 43,6 % en 2004.
    M. Michel Bouvard. Et en 1997 ?
    M. Didier Migaud. J'en déduis que le taux des prélèvements obligatoires était inférieur sous le gouvernement précédent.
    M. Michel Bouvard. Il était plus élevé en 2002 qu'en 1997 !
    M. Didier Migaud. Nous nous étions alors efforcés de financer les priorités sociales et les besoins collectifs de la société, tout en faisant en sorte de revenir sur un certain nombre d'augmentations d'impôts décidées par MM. Baladur et Juppé entre 1993 et 1997. (M. Balladur fait un signe de dénégation.)
    Si, monsieur Balladur, nous nous sommes efforcés de revenir sur un certain nombre d'augmentations d'impôts auxquelles vous aviez procédé lorsque vous étiez au Gouvernement.
    M. Edouard Balladur. Lesquelles ?
    M. Eric Woerth. Donnez-nous des précisions !
    M. Didier Migaud. Par ailleurs, et pour aller jusqu'au bout du débat, je voudrais demander à M. le ministre pourquoi il ne prend pas en compte l'incidence d'une augmentation de la fiscalité locale dans le chiffre qu'il annonce. Il a en effet affirmé que le taux des prélèvements obligatoires serait de 43,6 % en 2004 compte non tenu d'éventuelles augmentations de la fiscalité locale.
    Or on sait malheureusement que les collectivités locales vont augmenter leur pression fiscale, et ce d'autant plus qu'un certain nombre de mesures contenues dans votre projet de loi de finances les y obligeront. Pourquoi ne le prenez-vous pas en compte ? Certes, cela vous permet d'afficher un taux de prélèvements obligatoires en légère réduction, mais nous savons parfaitement qu'il n'est pas sincère.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous êtes fort habile, chacun le sait.
    M. Philippe Auberger. Dans le genre, vous n'êtes pas mal non plus !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je me méfie des compliments !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison, surtout lorsqu'ils viennent de l'UDF ! (Sourires.)

    Monsieur le ministre, comme vous l'avez indiqué à Didier Migaud y, vous voulez dire aux 17 millions de Français dont l'impôt baisse que nous ne sommes pas d'accord avec cette réduction. Mais vous globalisez. D'abord, comme d'habitude, vous ne parlez pas des plus de 10 millions de Français qui, n'étant pas assujettis à l'impôt sur le revenu, n'auront rien pour la plupart, sinon des dépenses supplémentaires.
    M. Michel Bouvard. N'oubliez pas la revalorisation du SMIC, démantelé par Mme Aubry !
    M. Jean-Pierre Brard. Surtout, vous globalisez et vous mettez dans le même sac ceux qui récupèrent quelques piécettes au titre de la prime pour l'emploi et ceux dont vous préservez les privilèges.
    Monsieur le président, comme je ne veux pas être long, je m'en tiendrai à deux exemples.
    M. Lindsay Owen-Jones, dont les revenus en 2002 ont augmenté de 12,8 %...
    M. Philippe Auberger. C'est le retour de Mme Bettencourt !
    M. Jean-Pierre Brard. Il est, en effet, la béquille de Mme Bettencourt, comme le dit M. Auberger. (Sourires.)
    M. Philippe Auberger. Je n'ai pas dit cela ! J'ai dit que c'était le retour de Mme Bettencourt !
    M. Jean-Pierre Brard. Ah, son recours ! (Sourires.)
    Non seulement on pourrait dire qu'après tout cette augmentation est plus importante que celle du SMIC, à laquelle M. Bouvard faisait allusion, mais elle porte sur une somme - tenez-vous bien - de 6 264 634 euros. Ne pensez-vous pas qu'il serait tout de même légitime d'augmenter la contribution de M. Lindsay Owen-Jones ? Pourtant, vous lui faites un cadeau : il fait partie de la part de 1 % des contribuables qui bénéficiera de 30 % de la réduction d'impôt.
    Deuxième exemple. Pour prendre les rênes de Vivendi, Jean-René Fourtou a obtenu un salaire annuel de 1 million d'euros, hors bonus - une misère ! Certes, Jean-Marie Messier gagnait cinq fois plus, mais ses stock-options ne valent plus rien aujourd'hui - nous y reviendrons. M. Fourtou, lui, a toutes les chances de gagner le gros lot : 1 million d'options d'achat d'actions Vivendi lui ont été attribuées en octobre 2002, trois mois après son arrivée, au prix unitaire de 12,10 euros. Sa plus-value potentielle atteint déjà près de 5 millions d'euros.
    Monsieur le ministre, sans remonter à Jacquou le Croquant, nous voilà revenus au Second Empire et aux faveurs pour les privilégiés qui boursicotent.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Article 2

    M. le président. Je donne lecture de l'article 2.

B. - Mesures fiscales

    « Art. 2. - I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :
    « 1° Le 1 est ainsi rédigé :
    « 1. - L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 262 EUR le taux de :
    « - 6,83 % pour la fraction supérieure à 4 262 EUR et inférieure ou égale à 8 382 EUR ;
    « - 19,14 % pour la fraction supérieure à 8 382 EUR et inférieure ou égale à 14 753 EUR ;
    « - 28,26 % pour la fraction supérieure à 14 753 EUR et inférieure ou égale à 23 888 EUR ;
    « - 37,38 % pour la fraction supérieure à 23 888 EUR et inférieure ou égale à 38 868 EUR ;
    « - 42,62 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure ou égale à 47 932 EUR ;
    « - 48,09 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    « 2° Au 2, les sommes : "2 051 EUR, "3 549 EUR, "980 EUR et "580 EUR sont remplacées respectivement par les sommes : "2 086 EUR, "3 609 EUR, "997 EUR et "590 EUR »;
    « 3° Au 4, la somme : "386 EUR est remplacée par la somme : "393 EUR. »
    « II. - Au deuxième alinéa de l'article 196 B du code général des impôts, la somme : "4 137 EUR est remplacée par la somme : "4 338 EUR. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, avec cet article 2, le Gouvernement poursuit le processus, indispensable, de baisse de l'impôt sur le revenu engagé depuis deux ans.
    Ce processus est indispensable en ce qu'il contribue à la diminution des prélèvements obligatoires, qui avaient atteint - je le rappelle à M. Migaud - un niveau historique sous le gouvernement de Lionel Jospin.
    En effet, il faut rétablir la vérité des chiffres : le taux de prélèvement, qui avait dépassé 44,7 % en 1999, est revenu en 2003 à 43,8 %, et devrait baisser à nouveau l'année prochaine, pour se situer autour de 43,6 %. C'est bien.
    M. Didier Migaud. Mais ce n'est malheureusement pas vrai !
    M. Hervé Novelli. C'est bien, mais il reste évidemment beaucoup de chemin à parcourir, car la France reste très au-dessus de la moyenne européenne - qui s'établit à peu près à 40 % - et encore bien au-dessus des taux américain ou japonais.
    M. Maurice Leroy. Peut-être faudrait-il mentionner leur endettement !
    M. Hervé Novelli. Baisser l'impôt sur le revenu, c'est très bien. Mais réformer globalement notre fiscalité, ce serait encore mieux.
    M. Maurice Leroy. Ça c'est vrai !
    M. Hervé Novelli. Depuis des années, les rapports sur la fiscalité, dont ceux, remarquables, réalisés par le Conseil des impôts, s'accumulent. Ils réclament tous une refonte de notre système fiscal, préalable indispensable si on veut le rendre plus moderne, plus neutre, plus juste, plus simple.
    Ces rapports sont restés lettre morte. Ils ont donné lieu à quelques interviews, quelques papiers dans la presse, avant d'être enterrés. Pourtant cela fait des années que nos voisins ont su engager les réformes fiscales porteuses de croissance et d'emploi.
    En effet, les pays qui réforment leur fiscalité sont ceux qui, depuis vingt ans, ont obtenu les meilleurs résultats économiques. Voilà pourquoi il faut moderniser notre fiscalité et diminuer le poids des prélèvements.
    Je suis convaincu, monsieur le ministre, que la France doit prendre cette voie. Et c'est au Parlement de prendre aujourd'hui une initiative concrète. Car l'essence même du Parlement, on le voit en ce moment, c'est d'autoriser l'impôt.
    Selon l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, chère à M. Brard, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».
    C'est la raison pour laquelle j'aurai le plaisir de présenter dans quelques instants un amendement en vue de créer une commission composée de parlementaires et chargée de tracer les voies d'un processus concret de réforme de la fiscalité.
    Cette commission doit bien évidemment travailler sur l'impôt sur le revenu, mais également consacrer du temps à la fiscalité du patrimoine. En effet, il est impossible de bien prendre en compte la fiscalité supportée par les ménages sans intégrer les problèmes posés par les droits de succession, la création de l'ISF, l'augmentation de la taxe foncière, la taxation des plus-values, la CSG. Ces derniers impôts ont en effet vu leur poids s'accroître ces vingt dernières années. La CSG a aujourd'hui un rendement supérieur à l'impôt sur le revenu.
    Cette commission, si elle voit le jour, pourrait s'inspirer des remarquables travaux qui ont été récemment réalisés sous l'égide d'Edouard Balladur, lesquels tracent la voie et proposent concrètement une réforme globale de notre fiscalité. Il faut redonner de la responsabilité, de la cohérence, de la simplicité à notre système fiscal.
    De la responsabilité d'abord. Notre système, notamment le système d'impôt sur le revenu, est déresponsabilisant, on le sait. Un contribuable sur deux, en effet, n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu. C'est la raison pour laquelle la commission devrait travailler sur les possibilités de fusionner avec la CSG. On obtiendrait ainsi une imposition globale, susceptible, je le crois, de responsabiliser beaucoup plus nos concitoyens. La CSG pourrait constituer la première tranche d'un impôt sur le revenu qui serait acquitté par la quasi-totalité des Français.
    M. Didier Migaud. C'est déjà le cas.
    M. Hervé Novelli. L'impôt sur le revenu devrait comporter au plus quatre tranches en lieu et place des sept actuellement en vigueur. Un système à trois tranches nous remettrait dans la moyenne européenne. De même le taux marginal devrait être fixé autour de la moyenne de 43 ou 45 %. Je rappelle que le taux allemand est de 43 %, le taux anglais de 40 % et le taux américain de 39 %.
    M. Didier Migaud. Pas sur les mêmes bases !
    M. Hervé Novelli. Mais il faut également remettre de la cohérence dans notre système fiscal. Celui-ci a en effet été construit comme un millefeuilles : les impôts s'empilent, les dérogations aussi. Il en résulte un coût de recouvrement deux fois plus élevé que chez nos partenaires.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Hervé Novelli. Et je ne parlerai pas ici - d'autres s'en chargeront - de la redevance qui est aujourd'hui un des impôts les plus fraudés et qui coûte très cher à recouvrer : c'est par définition un archaïsme incohérent.
    Nous devons donc veiller à instaurer de la cohérence dans la réforme fiscale que j'appelle de mes voeux.
    Enfin, notre système fiscal a besoin de simplification. En effet, à force d'empiler les mesures dérogatoires et les niches fiscales - et on en voit encore se créer aujourd'hui, plus ou moins légitimes -, l'impôt sur le revenu, devenu illisible, est source d'inégalités.
    Comme le souligne le dernier rapport du conseil des impôts, de nombreuses dépenses fiscales ont une efficacité très limitée pour un coût souvent élevé. C'est pourquoi le comité de réforme fiscale devra proposer une réduction des niches et instituer une évaluation régulière de leur efficacité en fonction d'objectifs clairement fixés par le législateur.
    L'élan de la baisse des prélèvements doit être conforté. Pour cela, il faut passer du stade de la baisse de l'impôt sur le revenu au stade de la réforme fiscale en 2004 ou 2005 au plus tard. Le Gouvernement, en la matière, a pris le bon cap, en dépit d'une conjoncture très médiocre. A nous de l'aider en construisant avec lui un meilleur système fiscal. A nous surtout de préparer et de pratiquer enfin la véritable réforme fiscale qui manque à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je reviendrai tout d'abord sur le taux des prélèvements obligatoires, car j'entends dire des choses inexactes. Je rappellerai les chiffres de 1993, puisque M. Charles de Courson m'a demandé des précisions à ce sujet.
    M. Charles de Courson. Non : je parlais de ceux de 1997, quand vous êtes arrivés au pouvoir.
    M. Didier Migaud. Je vais y venir. Le taux des prélèvements obligatoires était de 42,9 % en 1993. Entre 1993 et 1997, M. Balladur, ici présent, et M. Juppé ont gouverné. Entre 1997 et 2002, le taux est passé de 45 % à 43,9 %. Il y a donc bien eu une baisse de ce taux sous le gouvernement précédent.
    Vous proposez, monsieur le ministre, de le porter à 43,8 % en 2003, et à 43,6 % en 2004. Pour le moment, ce n'est que de l'affichage. Nous pourrons vérifier la réalité de vos chiffres en 2004 pour ce qui concerne l'année 2003 et en 2005 pour ce qui concerne 2004. C'est avant les élections ; nous aurons l'occasion d'en reparler.
    M. Hervé Novelli. Ce n'est pas une affaire électorale !
    M. Didier Migaud. Je suis toutefois persuadé que les chiffres que vous annoncez ne seront pas tenus.
    L'article 2 propose de poursuivre la politique de baisse de l'impôt sur le revenu. Là encore, si l'on veut débattre sérieusement, il faut éviter de dire des choses fausses. M. Novelli vient de nous dire que le conseil des impôts avait expliqué que la fiscalité directe française était particulièrement élevée.
    M. Hervé Novelli. La fiscalité directe et indirecte !
    M. Didier Migaud. J'ai ici le dix-huitième rapport du conseil des impôts au Président de la République consacré à l'imposition des revenus. Je ne sais pas s'il l'a lu et si vous-même l'avez lu. Il y est dit très clairement - c'est d'ailleurs le titre d'un paragraphe - que « l'imposition des revenus des ménages n'est pas plus élevée en moyenne en France qu'à l'étranger ».
    M. François Goulard. En moyenne, c'est vrai. Elle est plus concentrée !
    M. Didier Migaud. Dans le cours du paragraphe, il est indiqué que « l'imposition des revenus en France s'avère encore modérée du fait d'un taux d'imposition moyen relativement faible ».
    M. Jean-Pierre Brard. Ecoutez ça !
    M. Didier Migaud. Suit ensuite un tableau qui « montre que l'OCDE classe la France au quinzième rang »...
    M. François Goulard. C'est vrai, mais en moyenne !
    M. Didier Migaud. C'est vrai, mais ce n'est pas ce qu'a dit M. Novelli. A l'entendre, c'était tout juste si nous n'étions pas les recordmen de l'impôt sur le revenu !
    Je poursuis ma lecture : « Le tableau qui suit montre que l'OCDE classe la France au quinzième rang pour la seule imposition des revenus IR+CGS+CRDS. En revanche, dès lors que l'on prend en compte l'ensemble des prélèvements, y compris les cotisations sociales, part salariale et surtout part patronale, sur l'ensemble du coût du travail, la France se situe au sixième rang, dans le groupe des pays à prélèvement sur le coût du travail élevé. »
    M. Jean-Pierre Brard. Ce qui reste modeste !
    M. Didier Migaud. Il faut donc relativiser un certain nombre d'affirmations.
    Dans le rapport - il serait d'ailleurs intéressant que la commission s'exprime de temps en temps -, Gilles Carrez nous explique que, s'il faut baisser l'impôt sur le revenu, ce n'est pas tant parce que la France en a les moyens que parce que tous les autres pays autour de nous le font. Irait-il se jeter dans la Seine si son voisin le faisait ? Regardons les choses de plus près.
    La comparaison avec l'Allemagne, qu'il reprend dans son rapport, ne tient pas puisque le poids de l'IRPP dans le PIB est deux fois plus faible en France qu'en Allemagne. Or, cela, Gilles Carrez ne le dit pas.
    M. François Goulard. C'est hors CSG ! Donc, ce que vous dites n'a aucun sens.
    M. Didier Migaud. Il ne dit pas non plus, alors qu'il le disait l'année dernière, qu'il existe trois différences majeures, concernant l'impôt sur le revenu, entre la France et l'Allemagne, ainsi qu'une conception totalement différente de l'impôt dans le plan Schröder et le plan Chirac. Je ne suis pas le porte-parole de Schröder, mais je tiens à ce qu'un certain nombre de vérités soient établies. L'impôt sur le revenu en Allemagne ne porte pas sur les revenus nets mais sur les revenus bruts avant déduction des cotisations sociales, qui sont de l'ordre de 15 %. Le rapporteur général oublie de le dire cette année. En Allemagne, il n'y a pas d'abattement de 20 % sur les salaires, l'impôt est prélevé à la source et tout le monde le paie.
    Comme M. Novelli, je suis partisan d'une réforme fiscale globale, avec une fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu.
    M. François Bayrou. Très bien !
    M. Didier Migaud. Cela mettra fin à ce que vous ne cessez de répéter, à savoir qu'il n'y a qu'un Français sur deux qui paie des impôts. Non, tous les Français paient des impôts.
    M. François Bayrou. Bien sûr !
    M. Didier Migaud. Tous les Français paient la CSG, la TVA, tous impôts justement que vous augmentez.
    M. François Bayrou. Vous avez raison !
    M. Didier Migaud. C'est peu respectueux de nos concitoyens...
    M. François Bayrou. Et de la vérité !
    M. Didier Migaud. ... d'expliquer qu'il y a seulement une moitié des Français qui paient l'impôt et contribuent de ce fait au paiement d'un certain nombre de besoins collectifs. C'est du mensonge. Cela revient à considérer qu'il y a peu près la moitié de nos concitoyens qui ne servent à rien, puisqu'ils ne contribuent à rien. C'est complétement faux !
    M. François Goulard. C'est excessif !
    M. Didier Migaud. C'est pourquoi nous sommes pour une réforme globale.
    C'est un sujet important, monsieur le président. Cela montre...
    M. le président. Qu'il ne saurait être traité dans les cinq minutes qui vous étaient imparties et qui sont déjà écoulées !
    M. François Goulard. Et même largement écoulées !
    M. Didier Migaud. L'examen de nos projets de loi de finances est de plus en plus inadapté.
    M. le président. Votre temps de parole est déjà dépassé. N'entrons pas, je vous prie, dans ce débat !
    M. Didier Migaud. Nous discutons pendant des heures sur des sujets qui ne sont pas toujours essentiels et, quand on aborde le fond d'un problème, qui mériterait un débat contradictoire, on n'a plus de temps !
    Je terminerai, monsieur le président, sur quelques questions.
    Au mois d'août, il s'est trouvé beaucoup de membres de l'UMP pour nous expliquer qu'il ne serait pas raisonnable de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu compte tenu de la situation de nos finances publiques.
    M. Gérard Bapt. C'est exact !
    M. Hervé Novelli. Des noms !
    M. Didier Migaud. Certains propos de M. Francis Mer le laissaient entendre. M. Méhaignerie a également dit que ce serait franchement déraisonnable. Jean Arthuis a déclaré que nous n'avions pas les moyens d'une nouvelle réduction de l'impôt sur le revenu.
    M. Philippe Auberger. C'est normal, c'est l'expert comptable et fiscal de M. Bayrou ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Pierre Méhaignerie, qui, j'espère, nous répondra tout à l'heure, a souhaité que le Gouvernement ne se trompe pas et qu'il fasse des choix qui aident à la relance de la consommation. Il a demandé à ce que, s'il y a une baisse de l'impôt sur le revenu, des mesures équivalentes soient prises en ce qui concerne la prime pour l'emploi, et a clairement indiqué qu'il fallait privilégier l'augmentation de la seconde à toute baisse supplémentaire du premier.
    Pourquoi les choses ont-elles changé, alors que la situation budgétaire, économique et sociale a continué et continue de se dégrader ? Pourquoi certains membres de l'UMP ne s'expriment pas davantage ?
    M. Philippe Auberger. Vous encombrez l'ordre du jour. Cela suffit !
    M. Didier Migaud. Nous ne sommes pas d'accord avec la proposition faite par François Bayrou de réduire l'impôt sur le revenu de 1 %, mais il vous a fait des observations très justes.
    M. le président. Monsieur Migaud, soyez raisonnable. Il vous faut à présent conclure.
    M. Didier Migaud. Or vous ne répondez pas à ses questions.
    M. Hervé Novelli. Mais si !
    M. Didier Migaud. J'éspère, monsieur le ministre, que vous nous répondrez pour justifier cette nouvelle réduction de l'impôt sur le revenu ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Bien sûr !
    M. Didier Migaud. Nous aurons l'occasion de démontrer qu'elle est particulièrement injuste, mais je laisse le soin à d'autres orateurs du groupe socialiste de prolonger mon propos.
    M. Philippe Auberger. Tous vos arguments ont déjà été avancés hier !
    M. le président. C'est très aimable de votre part, monsieur Migaud, de passer la main. Je transmets donc le témoin à M. Bonrepaux.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Pour prolonger le discours de Didier Migaud,...
    M. Philippe Auberger. Pas trop longtemps !
    M. Augustin Bonrepaux. ... je rappellerai tout d'abord à M. Novelli et à ses amis qu'il ne faut pas confondre le taux moyen et la moyenne d'imposition.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. On peut comparer le taux moyen d'imposition de la France à celui des autres pays, il est très bas. Or, c'est sur ce taux moyen qu'est calculé l'impôt et que s'établit l'imposition effective. Ce que nous combattons dans votre baisse de l'impôt sur le revenu, c'est son injustice, l'injustice étant une constante chez vous. Didier Migaud a rappelé que le taux de prélèvement obligatoire était passé de 42,9 % en 1993 à 45 % en 1997. Cette augmentation a été entièrement de votre fait : elle est le résultat de l'augmentation des impôts indirects auxquels vous avez procédé : la TVA - de deux points - et la TIPP.
    M. François Goulard. C'est faux. Il y a eu une baisse des cotisations sociales !
    M. Augustin Bonrepaux. Avec l'augmentation de la croissance, le rendement de ces impôts a naturellement été plus élevé. Vous ne pouvez pas contester ces faits. Votre préoccupation à chaque fois est à faire payer les plus pauvres parce qu'ils sont les plus nombreux et d'épargner les plus aisés.
    Vous ne pouvez pas contester que votre réforme se fait au bénéfice des seuls privilégiés. Ainsi, avec un salaire annuel déclaré de 16 300 euros, l'allègement d'impôt sera de 30 euros. Il sera immédiatement gommé par l'augmentation du gazole puisqu'une évaluation fait apparaître que l'augmentation de la taxe sur le gazole représente 30 euros pour une consommation moyenne annuelle. Dans ce cas, le bénéfice sera nul.
    M. Michel Bouvard. Et vous, vous avez supprimé la vignette pour les propriétaires de Ferrari !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais, pour un célibataire qui déclare un salaire de 100 000 euros, l'allègement d'impôt sera de 944 euros et sera tout bénéfice. Un couple marié déclarant 40 000 euros bénéficiera d'un allègement de 49 euros. S'il ne déclare que 30 000 euros, il verra son impôt baisser de 30 euros environ, immédiatement gommés par l'augmentation de la TIPP.
    Pour les 16 millions de Français qui ne bénéficieront pas de la baisse des impôts, il n'y aura que des augmentations.
    La prime pour l'emploi ne va augmenter que de 1 euro par mois alors que l'augmentation du coût du gazole, je le rappelle, sera de 30 euros. Et je ne compte pas l'augmentation des impôts locaux. Or en 2004, les collectivités locales vont subir le contrecoup de la suppression des subventions d'investissement : FNDAE - Fonds national d'adduction d'eau - pour les communes rurales et subventions de transport pour les communes urbaines. En dépit de vos déclarations sur la péréquation, il va y avoir une réduction des dotations.
    M. François Goulard. Vous savez très bien que c'est faux !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous allons voir le résultat. Les dotations aux communes pauvres vont connaître une augmentation inférieure à l'inflation.
    M. François Goulard. Mais c'est faux !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas faux ! C'est écrit dans le rapport du Gouvernement. En dessous du 1,5 %, vous voyez bien un prélèvement de 4,7 % : c'est la compensation. Lisez plus attentivement les documents que vous donne le Gouvernement.
    M. François Goulard. On les lit et on les comprend !
    M. Augustin Bonrepaux. A cela s'ajoute le transfert du RMI vers les départements. Ça va être le bouquet ! Ça va finir de faire exploser les impôts locaux. D'ailleurs, vous ne pourriez pas baisser l'impôt sur le revenu si vous ne faisiez pas ce transfert. Vous le préparez depuis l'an dernier en réduisant progressivement les budgets des services que vous voulez transférer. Vous nous avez expliqué que vous transféreriez les crédits inscrits dans le budget ! Mais, comme ce budget est réduit en 2004, ce sera encore tout bénéfice pour le Gouvernement. Et si l'opération a été renvoyée à 2005, c'est certainement pour faire un peu plus d'économies. Tout cela se fait au détriment des impôts locaux.
    M. le président. La parole est M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2 définit le barème de l'imposition sur le revenu. La pensée unique - d'ailleurs de plus en plus contestée et c'est une bonne chose - s'appuie sur les grandes difficultés rencontrées par les couches modestes et moyennes pour dévoyer l'exigence, pourtant légitime, d'un meilleur pouvoir d'achat. Il est certain que des salariés modestes se plaignent du poids des prélèvements et que des techniciens, des cadres et des fonctionnaires, ont ressenti dans les années 90 une pression accrue sur leur pouvoir d'achat,...
    M. Charles de Courson. Quand même !
    M. Jean-Claude Sandrier. ... due notamment à la création de la CSG et de la CRDS, puis à l'augmentation de la TVA.
    M. François Goulard. Tout cela par la gauche !
    M. Jean-Claude Sandrier. Le choix que vous faites est bel et bien le plus injuste. Vous avez beau habiller cette mesure d'un élargissement - plus que modeste - de la prime pour l'emploi pour tenter de faire passer la pilule, rien n'y fait. Vous affirmez que le nouveau barème va être bénéfique à la consommation. Mais, ainsi que M. Mer avait eu le courage de le dire il y a un an, même dans l'hypothèse, très irréaliste, où les baisses d'impôt seraient intégralement consommées par les ménages, cela ne représenterait qu'une hausse de 0,15 point de consommation et de 0,08 point de PIB sur un an. Vous-même, monsieur le ministre, utilisez, par prudence, le conditionnel. Or l'argent libéré par les baisses d'impôt sera en grande partie épargné par les ménages. Comme le souligne un universitaire, « le gaspillage des deniers publics, c'est de libérer de l'argent vers une épargne qui peut partir en fumée ».
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà !
    M. Jean-Claude Sandrier. Voilà ce qu'est le gaspillage. Ce n'est pas valoriser le travail !
    N'oublions pas que les ménages fortunés ont tendance à placer leurs revenus supplémentaires sur les marchés financiers ou immobiliers, renforçant les tensions actuelles. Ce sont effectivement les marchés financiers qui tuent le travail. Selon l'INSEE, le taux d'épargne financière des ménages est passé de 6,7 % en 2000 à 7,7 % en 2002, avec un pic aujourd'hui à quasiment 8 % sous l'effet des multiples ristournes accordées dans le cadre du collectif budgétaire de juillet ou la loi de finances pour 2003. Compte tenu des vives tensions internationales, le phénomène ne va pas s'arrêter en 2004.
    Votre dogmatisme en matière d'impôts est aveugle. Votre course effrénée à la baisse des tranches supérieures, symbolisée par l'attaque contre le taux marginal réputé confiscatoire, est sans fin. Vous voulez toujours plus favoriser la petite minorité concernée.
    Comme le disait Léo Ferré : « Pour que le malheur se vende, il ne reste plus qu'à en trouver la formule. » Vous l'avez trouvée. C'est la mondialisation et la compétitivité au nom desquelles il faudrait toujours creuser les inégalités, toujours confondre attractivité du territoire avec paradis fiscaux et exonération de charges sociales. Mais vous ne parlez jamais du coût humain de votre politique. C'est très significatif.
    La Grande-Bretagne nous est régulièrement citée en exemple. Cela mérite qu'on s'y arrête quelques instants. Ainsi, dans ce pays, qui aurait retrouvé la croissance et vu beaucoup baisser son chômage, selon la récente étude du maire de Londres, le nombre des enfants qui vivent dans des familles en-dessous du seuil de pauvreté a fortement augmenté dans la capitale britannique : 53 %.
    Le taux de chômage publié aujourd'hui en Grande-Bretagne est, paraît-il, de 3,1 %. C'est un record, pratiquement le plein emploi. Mais vous savez très bien, chers collègues, que ce chiffre est complètement faussé et qu'on a commencé par purger les fichiers en éliminant notamment plus d'un million de personnes déclarées inaptes au travail. Si on fait la même chose en France, on fera diminuer fortement le nombre de chômeurs !
    M. François Goulard. Il n'en reste pas moins qu'il y a 28 millions d'actifs en Grande-Bretagne contre 24 millions en France !
    M. Jean-Claude Sandrier. Ensuite, rien n'est dit sur la qualité des emplois.
    Pourtant tout n'est pas faux en Grande-Bretagne, même si les statistiques du chômage le sont. On y crée bel et bien des emplois. Ce qui est étonnant, c'est qu'on en crée beaucoup dans les services tandis que, comme chez nous, on en perd dans l'industrie. Et quels services ? Notamment dans le secteur public ! Les quotidiens écrivent que son amélioration passe par le recrutement de milliers de professeurs, de médecins, d'infirmiers, de policiers, etc.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Avant qu'ils nous rattrapent !...
    M. Jean-Claude Sandrier. Etonnant, non ? On peut toujours prendre exemple sur eux, à cet égard, en tout cas.
    C'est tout cela que recèle votre modification de barème qui frappe de plein fouet l'impôt le plus juste, l'impôt progressif, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
    Bien évidemment, nous nous opposerons à l'adoption de cet article.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Tout ce que nous entendons est fort intéressant, mais M. Goulard, malgré ses efforts pour se ressourcer auprès de M. Balladur, à la manière des véhicules électriques que l'on branche pour en recharger la batterie, est déjà « à plat ».
    Il s'agit pour nous pendant ces jours de débat de démonter le décor que vous avez soigneusement planté pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
    Je ne reviendrai pas sur les domestiques qui vont être payés par la collectivité nationale. Dès lors qu'on aura deux domestiques payés au SMIC, l'un des deux sera payés par les finances publiques.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous êtes contre l'emploi !
    M. Jean-Pierre Brard. Moi, je ne suis pas pour développer la domesticité ! Pas plus que pour multiplier les emplois de porteurs de chaise à porteurs !
    M. Charles de Courson. Quel mépris ! Nous parlons d'emplois familiaux !
    M. Jean-Pierre Brard. Dans les familles d'aristocrates, on appelle ça, en effet, les « emplois familiaux ».
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous, nous croyons à la dignité dans le travail !
    M. Michel Bouvard. Et les personnes qui s'occupent des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer, est-ce que ce ne sont pas des emplois familiaux ?
    M. Jean-Pierre Brard. Les personnes âgées ne demandent pas autant d'aides. Qu'il y ait une aide, c'est légitime, y compris pour combattre le travail au noir. Mais qu'elle atteigne le niveau où vous la portez n'est justifié que par votre volonté de financer les privilégiés qui furent victimes de la nuit du 4 août.
    M. François Goulard. Il est prémarxiste ! Stalinien d'avant Marx !
    M. Jean-Pierre Brard. Venons-en à l'article 2 du projet de loi de finances.
    Le Gouvernement nous dit que cette baisse sera bonne pour l'emploi. M. Lambert vient de le redire. Or, dans son livre La France de mai - mais je vois M. Lambert frémir, il doit se demander ce que le Premier ministre a encore écrit qui est à contre-emploi -, M. Raffarin nous annonçait : « Les résultats de notre politique de l'emploi engagée en mai 2002 ne seront lisibles qu'à la fin 2003. » C'est vrai, ils sont lisibles, puisque le chômage a augmenté. En hausse incessante depuis bientôt un an, le nombre de demandeurs d'emploi s'établissait en août à 2,41 millions de personnes, soit près de 9,6 % de la population. La fin de l'année arrive, nous y sommes, et l'on ne peut se dire que les Français ont raison de douter de la démarche du Gouvernement.
    Notre rapporteur général justifie la baisse de l'impôt par une action en faveur de la relance économique et du soutien à la croissance. Or, comme le dit Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la CGT chargé du secteur économique : « Cette décision est trois fois critiquable. Son efficacité économique est douteuse, quand l'emploi et la croissance s'effondrent, on ne prend pas une mesure qui favorise encore le relèvement du taux d'épargne, qui est déjà très élevé (des collègues de droite ont dit la même chose) ; elle est ensuite fondamentalement injuste parce qu'on allège les contributions des plus riches (nous l'avons déjà montré, nous y reviendrons) ; enfin, cette baisse n'est pas justifiée par les comparaisons internationales car la France est l'un des pays où l'impôt sur le revenu et le patrimoine est le plus faible, de 30 % en dessous du niveau de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis » - comme l'a démontré M. Bonrepaux.
    Vous le voyez, nous démontons le scénario que vous avez mis au point pour tromper les Français.
    La logique et la justice sociale, de même que l'efficacité économique, voudraient que l'on s'attache plutôt à faire baisser les impôts indirects, les plus injustes. Les classes modestes, que vous ne fréquentez pas beaucoup, il est vrai, dépensent la totalité de leurs maigres revenus dans la consommation des biens de première nécessité, tous frappés par la TVA. En revanche, les classes aisées, si elles consomment, et plus que les pauvres, n'y consacrent qu'une partie de leurs revenus. Le reste est épargné, placé, et, à ce titre, bénéficie de nombreux systèmes d'exonération, échappant ainsi à la progressivité de l'impôt. Le dogme, qui est le vôtre, de la priorité absolue donnée à la baisse des prélèvements obligatoires entre, et de plus en plus clairement, en contradiction avec les fondements de notre pacte républicain. C'est même l'un des éléments majeurs de la rupture opérée par votre gouvernement avec notre tradition nationale de solidarité, de redistribution par l'impôt, de protection sociale forte et de services publics accessibles à tous, quels que soient leurs ressources et leur lieu de résidence.
    Face à ce credo libéral, il faut rappeler les propos de Condorcet qui fut l'un des premiers théoriciens de l'impôt progressif sur le revenu et qui en donna la définition suivante.
    Je tiens beaucoup à vous donner ces références historiques, chers collègues qui niez notre passé, notre histoire et son héritage, et je vois, monsieur le ministre, que vous appréciez en connaisseur.
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président ?
    M. le président. Vous avez pris beaucoup d'élan, c'est pour cela que je me permets de vous ralentir ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison, c'est moins dangereux !
    Voici ce qu'écrit Condorcet : « Celui qui augmente plus qu'en proportion de la valeur imposée, comme si, par exemple, mille livres de revenu payaient un vingtième, que pour le revenu qu'on a de plus, jusqu'à deux mille livres, on payât deux vingtièmes, trois pour le revenu qu'on aurait au-dessus de deux mille livres jusqu'à trois mille, et ainsi de suite. » En d'autres termes, l'impôt progressif sur le revenu soumet la matière imposable, c'est-à-dire le revenu à un taux qui augmente plus vite que la base d'imposition. Ce type d'impôt a fait l'objet de controverses très vives en France, à la fin du xixe siècle et encore jusqu'à la fin du xxe siècle, lorsqu'il était question de réformer la fiscalité directe. C'est précisément de cet impôt, pourtant le plus juste, que vous ne voulez pas, alors que la justice fiscale est une des conditions essentielles du maintien de la cohésion de notre société.
    C'est clair, M. Novelli a raison, il faut une réforme fiscale, parce que vous avez déjà largement démantelé notre système fiscal. Il faut le refondre pour rétablir une vraie progressivité de l'impôt sur tous les revenus, quelle que soit leur origine.
    Dans l'article 2, on trouve donc, conformément à votre logique, un allégement de l'impôt pour le plus grand bénéfice des hauts revenus. En contrepartie, vous prévoyez d'augmenter des taxes payées de manière égale par tous, comme les droits de consommation sur le tabac ou sur la TIPP.
    Pour nous, l'impôt sur le revenu est un instrument de la solidarité nationale et non pas une pénalisation, encore moins une spoliation, comme le prétendent des associations activistes et virulentes de contribuables dont on connaît les relations avec l'extrême droite.
    M. François Goulard. Oh !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur Goulard, les « Contribuables associés », par exemple.
    M. le président. Monsieur Brard, ne relancez pas le débat !
    M. Jean-Pierre Brard. Cela a sorti M. Goulard de sa léthargie, monsieur le président !
    L'impôt est au coeur du pacte républicain, il est l'outil privilégié de la redistribution et ce qu'il faut, c'est le rendre plus juste. Les volets économique, financier, et fiscal de la construction d'un nouveau contrat social doivent prendre en compte les constats et remarques de bon sens de M. Piketty.
    M. Philippe Auberger. Il n'est pas encore prix Nobel d'économie.
    M. Jean-Pierre Brard. Il vous embête, M. Piketty !
    Je le cite et je termine par là, monsieur le président : « La question fiscale est tout sauf une question technique. Sans impôt, il ne peut exister de destin commun et de capacité collective à agir. De fait, toutes les grandes avancées institutionnelles ont toujours mis en jeu une révolution fiscale. »
    Avec cet article 2, monsieur le ministre, ce n'est pas vers un nouveau contrat social que vous orientez le pays...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais si !
    M. Jean-Pierre Brard. ... mais bien vers une rupture sociale.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Je veux non pas, monsieur le président, allonger inconsidérément le débat mais rebondir sur deux arguments avancés par nos collègues de la majorité.
    Comme M. Brard, j'estime que la participation du contribuable à hauteur de ses facultés fait partie du pacte républicain. Tous, en tant que maires, nous prononçons cette phrase à l'occasion des mariages : les futurs époux « contribuent à proportion de leurs facultés respectives ». C'est là-dessus qu'est basée la longévité espérée du mariage que nous sommes en train de célébrer.
    Pour une société, pour l'adhésion au pacte républicain, le principe est le même. C'est un principe extrêmement sain auquel le groupe socialiste est également très attaché.
    Certains de nos collègues, notamment M. Carrez, insistent sur le fait que 10 % des ménages payent 70 % de l'impôt sur le revenu...
    M. François Goulard. Pour être exact 73 % !
    M. Gérard Bapt. ... en dépit de l'effet de dégressivité consécutif au quotient familial et aux niches fiscales que, très astucieusement, vous vous évertuez à multiplier d'année en année. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que lorsque vous décidez une nouvelle diminution forfaitaire de 3 % de l'impôt, qui profite principalement aux plus aisés, nous la déplorions.
    Un contribuable célibataire - c'est un bon exemple - dont le revenu annuel imposable est de 25 000 euros, soit un salaire net supérieur à 32 000 euros annuels - il s'agit là d'un salarié déjà aisé -, bénéficiera d'une réduction d'impôt supérieure à 140 euros. Or, ce contribuable a un revenu correspondant à la limite inférieure du revenu des 10 % des Français les mieux rémunérés auxquels M. Carrez notamment faisait allusion. Les 1 % les plus aisés, eux, pourront prétendre à une réduction qui sera comprise entre 500 et 1 000 euros par an.
    Il n'est donc pas étonnant que, au total, les 10 % des Français qui déclarent les plus hauts revenus imposables - soit 3,2 millions de foyers - captent 73 % de la diminution, c'est-à-dire 1,16 milliard d'euros sur 1,9 milliard.
    Ce à quoi nous nous opposons n'est donc pas le principe d'une baisse d'impôt - si elle est possible, pourquoi pas ? - mais à la concentration de toutes vos baisses d'impôt sur les contribuables les plus aisés qui crée un sentiment de grande injustice fiscale lequel, jointe au malaise social et à la montée du chômage, est en train de briser le pacte républicain. Or nous pensons que, dans une société moderne où l'économie est extrêmement complexe et où le ressort de la croissance dépend notamment de la psychologie, il ne peut y avoir de croissance durable sans cohésion sociale ni justice fiscale.
    Par ailleurs, j'ai entendu à plusieurs reprises des orateurs de la majorité accuser l'opposition, et notamment le groupe socialiste, de critiquer sans rien proposer. C'est faux. Dès l'article 2, nous proposons des amendements visant à revenir sur des mesures fiscalement injustes, en proposant des mesures positives à due concurrence.
    Ainsi, nous proposons l'annulation de votre baisse d'impôt de 3 %, qui coûte 1,8 milliard d'euros, et celle d'un certain nombre de niches fiscales, dont nous escomptions un bénéfice de neuf cent millions d'euros, ainsi que le maintien de la contribution des institutions financières à son niveau actuel, ce qui devrait dégager 2,8 milliards que nous destinerions au doublement de la prime pour l'emploi, à la suppression de la hausse de TIPP sur le gazole ou à la réforme de la déduction fiscale pour l'emploi d'un salarié à domicile, par l'institution d'un crédit d'impôt.
    Ces amendements de suppression vont dans le sens de la reconstruction d'une politique fiscale plus juste. Nous pensons défendre ainsi l'intérêt national.
    M. François Goulard. Votre enthousiasme fait plaisir !
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, avant que nous attaquions l'examen des amendements,...
    M. Jean-Pierre Brard. Quel vocabulaire belliciste !
    M. Charles de Courson. ... je voudrais dire deux choses au nom du groupe UDF.
    La première, c'est qu'on ne peut pas porter de jugement sur l'impôt sur le revenu sans prendre en compte la CSG, la CRDS, le double point et l'ensemble des cotisations sociales. En effet, qui paie la CSG ? Près de 90 % des Français ! On doit donc considérer que l'impôt sur le revenu est composé de deux parties - il y a d'ailleurs un amendement de la commission à ce sujet : d'une part, la CGG, impôt proportionnel, payé au premier franc...
    M. Didier Migaud. Au premier euro !
    M. Philippe Auberger. Au premier centime d'euro !
    M. Charles de Courson. ... par presque tout le monde, et, d'autre part, un impôt proportionnel payé par la moitié des Français.
    En outre, les cotisations sociales sont extrêmement lourdes. Il faut donc arrêter de dire qu'il n'y a qu'un problème d'impôt sur le revenu. Il y a, en réalité, un excès global de prélèvements.
    La position de l'UDF est très simple. Elle consiste à encourager le travail et à le récompenser de bas en haut de la société. Pour ce qui concerne les salariés les plus modestes, nous avons toujours défendu la thèse, qui a été longtemps d'ailleurs celle d'une grande partie de l'actuelle majorité, selon laquelle il convenait d'abaisser les cotisations sociales sur les bas salaires. C'est un gage de justice sociale et d'efficacité économique. Il est toujours possible de discuter ensuite des modalités. Je n'ai, quant à moi, jamais été un fervent défenseur de la PPE parce qu'elle n'est pas lisible pour celui qui en bénéficie, alors que la lisibilité est totale quand on joue sur les cotisations sociales. C'est un débat technique. Sur le fond, il faut dégager les outils nécessaires. Nous l'avons fait quand nous étions au pouvoir. Nous avions largement amorcé le mouvement et il faut continuer. Du reste, la mesure est poursuivie dans l'actuel projet de loi de finances.
    Considérons ensuite les couches moyennes et supérieures. A quoi aboutit l'incroyable hyper concentration de l'impôt sur le revenu avec une progressivité excessive ? Le problème de l'impôt sur le revenu ne se pose pas pour les gens les plus riches, mes chers collègues car ils s'expatrient, tout simplement. Des amis m'ont avoué être partis en Angleterre à cause du taux marginal de 34 % !
    M. Daniel Paul. Mais ils viennent se faire soigner en France !
    M. Jean-Pierre Brard. Et vous les qualifiez d'amis ?
    M. Charles de Courson. Oui, parce que ce sont des amis de jeunesse ! Il faut comprendre les gens !
    M. Daniel Paul. Il y a deux cents ans, ils sont partis les mains vides !
    M. Jean-Pierre Brard. Quel patriotisme ! Et vous les fréquentez ?
    M. Charles de Courson. N'essayez pas de nous en remontrer en matière de patriotisme ! Quand 10 000 à 30 000 cadres supérieurs ou membres des couches dirigeantes s'expatrient, à moins d'être, comme M. Brard, totalement obtus,...
    M. Jean-Pierre Brard. On ne peut pas dire que vous soyez aigu !
    M. Charles de Courson. ... on ouvre les yeux et on se pose des questions !
    Nous sommes, ne vous en déplaise, dans un monde libre où les gens circulent librement.
    M. François Goulard. Il est vrai que ça les dérange !
    M. Jean-Pierre Brard. Les riches ! Les privilégiés ! Ceux qui vivent sur la Cinquième Avenue, comme Messier !
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Il m'agresse, monsieur le président !
    M. Charles de Courson. Que cela vous plaise ou non, c'est comme ça !
    Le problème de fond, il est là. La sagesse, ce n'est pas simplement de baisser de 3 % l'impôt sur le revenu, c'est d'élargir l'assiette, qui est beaucoup trop étroite, car nous n'avons cessé, vous comme nous, d'instituer des abattements, des réductions, des déductions et, aujourd'hui, le rapport entre l'assiette fiscale et l'assiette réelle est couramment de un à deux ou trois. On l'a compensé par une hyperprogressivité pour des raisons de productivité fiscale ! Donc, il est vrai que la mesure de 3 % est une mesure simple et compréhensible, mais ce n'est pas une réforme de fond qui aboutirait à l'élargissement de l'assiette et à l'abaissement des taux.
    Nous sommes favorables à l'impôt sur le revenu, contrairement à ce qu'ont affirmé certains qui, semble-t-il, ne connaissent pas bien les positions du groupe UDF, mais arrêtons de parler des baisses d'impôts, quand on a un déficit de 55 milliards. La priorité des priorités est de s'attaquer à la dépense publique.
    M. Marc Laffineur. C'est ce qu'on fait !
    M. Charles de Courson. Vous ne pourrez pas baisser durablement les impôts si vous ne réduisez pas durablement la dépense. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Hélas ! je l'ai expliqué dans mon propos introductif, nous n'allons pas assez loin dans cette direction. C'est pour cela que le groupe UDF est favorable à la baisse de l'impôt sur le revenu, mais pas à la hausse de la TIPP et du tabac, pour un montant d'ailleurs à peu près équivalent, car c'est totalement illisible.
    M. le président. MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 141, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 2. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Philippe Auberger. Il a déjà défendu l'amendement !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, pas du tout, parce que vous êtes un peu revêches et imperméables aux arguments les plus convaincants.
    Un article paru dans le quotidien Les Echos, daté du mardi 14 octobre, rapporte les propos tenus par notre excellent rapporteur général, même s'il fait fausse route, Gilles Carrez, au sujet de la baisse des impôts : « La politique d'allégement de l'impôt sur le revenu, par sa constance et sa simplicité, a acquis la lisibilité indispensable à son efficacité. »
    La lisibilité, monsieur Carrez, elle est bien perçue, parce que l'opinion a bien compris que les mesures s'adressaient aux privilégiés.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y en a 20 millions !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais non, il n'y a pas 20 millions de privilégiés, à un euro par tête pour certains, comme l'a démontré Augustin Bonrepaux.
    Quant à l'efficacité, oui c'est efficace si l'on considère non ce que vous dites, mais l'objectif que vous poursuivez : permettre à certains d'entasser des piles de billets dans des coffres-forts avant de les investir dans la bulle spéculative.
    Vous avez vu juste : la politique fiscale du Gouvernement est constante, simple, voire simpliste, lisible et efficace.
    Tout d'abord, il s'agit d'une politique constante : baisse de 5 % de l'ensemble des taux du barème à l'occasion du collectif de l'été 2002, baisse de 1 % via la loi de finances pour 2003. Aujourd'hui, avec l'article 2, nouvelle baisse de 3 %. Ainsi, l'allégement atteindra 10 % depuis le début de la législature. D'ailleurs, cela ne saurait surprendre puisque, depuis 1986, tous les gouvernements ont baissé l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
    En 1986, le gouvernement du Président de la République actuel décide simultanément l'abolition de l'impôt sur les grandes fortunes mis en place sous la législature précédente et une forte réduction du taux supérieur du barème.
    En 1993, M. Edouard Balladur ici présent, soutenu par sa majorité, allégeait de 19 milliards de francs l'impôt sur le revenu.
    M. Edouard Balladur. C'est contraire à ce que disait M. Migaud tout à l'heure !
    M. Jean-Pierre Brard. Moi, je suis responsable de mes propos !
    M. Philippe Auberger. Et encore !
    M. Edouard Balladur. M. Migaud aussi !
    M. Jean-Pierre Brard. Nous disons des choses comparables, mais c'est comme les évangiles : il y a l'Evangile selon saint Jean, l'Evangile selon saint Marc...
    M. Xavier Bertrand. Et selon saint Jean-Pierre !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vois que vous me comprenez tout de suite !
    C'est une politique constante, mais aussi simpliste au niveau économique : aucune relance de la croissance n'a suivi ces baisses d'impôts, ni en 1986, ni en 1993, ni en 1995. C'est d'une logique implacable. C'est l'échec, vos baisses d'impôt, mais vous êtes idéologiquement pré-programmés, conditionnés.
    M. Xavier Bertrand. Ça vient d'un connaisseur !
    M. Jean-Pierre Brard. Cela débouche chez vous sur une obsession pathologique. Vous êtes dans l'échec mais, plus vous échouez et plus vous continuez dans la même direction, mais, à la différence de Robocop, vous n'avez pas le pouvoir de franchir les murs, vous vous cognez dessus. Le problème, c'est que c'est le peuple français qui se fait les bosses.
    M. Xavier Bertrand. Cette culture américaine vous imprègne, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Pourtant, vous devriez mesurer les conséquences, à chaque fois. En 1986, Jacques Chirac prend les dispositions que j'ai rappelées. En 1988, il est battu aux élections. En 1997, Alain Juppé prend les mesures que vous connaissez. Il est battu aux élections. Quant à vous, monsieur Balladur, vous avez été fort mal récompensé des mesures que vous avez prises. Rappelez-vous 1993-1995 - je reconnais avec vous que ce sont des souvenirs un peu douloureux...
    M. Edouard Balladur. Pas du tout !
    M. Jean-Pierre Brard. Cela prouve que vous avez fait votre travail de deuil (Rires), mais rappelez-vous tout de même la manière dont les électeurs ont mis fin à vos perspectives présidentielles quand M. Chirac, vous prenant sur vos revers, a développé le discours sur la fracture sociale, mettant en cause la politique que vous aviez mise en oeuvre. C'est vrai ou ce n'est pas vrai, monsieur le Premier ministre ?
    M. Philippe Auberger. On s'égare, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a prescription, vous pouvez vous exprimer librement maintenant ! (Sourires.) En tout cas, c'est bien dans ces conditions que vous avez été battu par l'actuel Président de la République.
    Sans revenir sur ce que j'ai dit hier et pour ne pas allonger mon propos, monsieur le président,...
    M. le président. C'est formidable ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. ... le problème, c'est l'offre et la demande, et je reprends la métaphore du fabricant de chaussures que j'ai utilisée hier. Ce fabricant de chaussures qui s'est exprimé sur France Info a bien expliqué que son problème, ce n'était pas d'avoir des subventions ou des baisses d'impôt, c'était d'avoir des clients qui lui achètent ses chaussures, afin qu'il puisse faire tourner son entreprise et préserver l'emploi. C'est cette logique qui a été développée en 1997, et cela a marché.
    Vous faites l'inverse, monsieur le ministre. Cela a échoué en 1986 et en 1993. Vous persévérez dans vos ambitions qui visent à privilégier les plus fortunés, et ce sera l'échec pour notre pays.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 87, 254, 412 et 188, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 87, présenté par MM. Brard, Liberti, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 1° du I de l'article 2 :
    « 1° Le 1 est ainsi rédigé :
    « 1. - L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 262 EUR le taux de :
    « - 8,25 % pour la fraction supérieure à 4 262 EUR et inférieure ou égale à 8 382 EUR ;
    « - 21,75 % pour la fraction supérieure à 8 382 EUR et inférieure ou égale à 14 753 EUR ;
    « - 31,75 % pour la fraction supérieure à 14 753 EUR et inférieure ou égale à 23 888 EUR ;
    « - 41,75 % pour la fraction supérieure à 23 888 EUR et inférieure ou égale à 38 868 EUR ;
    « - 47,25 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure ou égale à 47 932 EUR ;
    « - 53,25 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    L'amendement n° 254, présenté par MM. Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiart, Dumont, Bourguignon, Bapt et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Le 1° du I de l'article 2 est ainsi rédigé :
    « 1° Le 1 est ainsi rédigé :
    « 1. - L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 191 EUR le taux de :
    « - 7,05 % pour la fraction supérieure à 4 262 EUR et inférieure à 8 382 EUR ;
    « - 19,74 % pour la fraction supérieure à 8 382 EUR et inférieure à 14 753 EUR ;
    « - 29,14 % pour la fraction supérieure à 14 753 EUR et inférieure à 23 888 EUR ;
    « - 38,54 % pour la fraction supérieure à 23 888 EUR et inférieure à 38 868 EUR ;
    « - 43,94 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure à 47 932 EUR ;
    « - 49,58 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    L'amendement n° 412, présenté par MM. Bayrou, Morin, de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 1° du I de l'article 2 :
    « 1° Le 1 est ainsi rédigé :
    « 1. - L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 262 EUR le taux de :
    « - 6,98 % pour la fraction supérieure à 4 262 EUR et inférieure ou égale à 8 382 EUR ;
    « - 19,54 % pour la fraction supérieure à 8 382 EUR et inférieure ou égale à 14 753 EUR ;
    « - 28,85 % pour la fraction supérieure à 14 753 EUR et inférieure ou égale à 23 888 EUR ;
    « - 38,15 % pour la fraction supérieure à 23 888 EUR et inférieure ou égale à 38 868 EUR ;
    « - 43,5 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure ou égale à 47 932 EUR ;
    « - 49,08 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    L'amendement n° 188, présenté par MM. Bayrou, Morin, de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 1° du I de l'article 2 :
    « 1° Le 1 est ainsi rédigé :
    « 1. - L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 262 EUR le taux de :
    « - 6,86 % pour la fraction supérieure à 4 262 EUR et inférieure ou égale à 8 382 EUR ;
    « - 19,21 % pour la fraction supérieure à 8 382 EUR et inférieure ou égale à 14 753 EUR ;
    « - 28,36 % pour la fraction supérieure à 14 753 EUR et inférieure ou égale à 23 888 EUR ;
    « - 37,51 % pour la fraction supérieure à 23 888 EUR et inférieure ou égale à 38 868 EUR ;
    « - 44,76 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure ou égale à 47 932 EUR ;
    « - 48,25 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 87.
    M. Jean-Claude Sandrier. Notre amendement vise à rétablir le barème de l'impôt sur le revenu tel qu'il avait été adopté à l'occasion du vote de la loi de finances initiale pour 2001.
    Cette année encore, vous appliquez la promesse du candidat Chirac, coûte que coûte et quelles qu'en soient les conséquences sur le déficit public de la France, comme si cette promesse avait été la raison essentielle de son élection, ce qui reste tout de même à prouver. Pour notre part, nous souhaitons redonner un sens à la contribution publique de la population française que constitue l'impôt sur le revenu. Cela passe par un renforcement de la progressivité et du caractère redistributif de l'impôt sur le revenu, dans l'objectif de parvenir à une plus grande justice sociale.
    Par cet amendement, nous nous opposons à votre philosophie libérale de baisse de l'impôt sur le revenu, qui se concrétise cette année encore par la diminution des différentes tranches d'imposition.
    Cette nouvelle baisse proposée par le Gouvernement est uniquement dirigée et concentrée sur les foyers fiscaux les plus favorisés, et ne relancera en rien la croissance, contrairement à ce que vous affirmez. En effet, sous le prétexte de relancer la consommation et de promouvoir l'esprit d'entreprise, elle contribuera surtout à la dégradation des recettes fiscales, entraînant une politique de rigueur imposée par l'Europe.
    L'article 2, qui est la traduction de l'affichage politique de la baisse de l'impôt sur le revenu de 3 %, confirme la volonté dogmatique du Gouvernement d'amplifier les inégalités fiscales entre ceux qui disposent de revenus élevés et les autres. Et si telle n'est pas vraiment sa volonté, cela signifie en tout cas qu'il croit que c'est la condition essentielle de la croissance, ce qui est faux.
    Il faut tout de même reconnaître que cette baisse des impôts se situe dans la continuité de la politique libérale que vous tentez d'imposer aux Français depuis un an et demi. Vous feriez bien de relire certains de vos inspirateurs idéologiques. Adam Smith, par exemple, n'écrivait-il pas qu'il n'est pas très déraisonnable que les riches contribuent aux dépenses de l'Etat, non seulement en proportion de leurs revenus mais encore au-delà ?
    M. François Goulard. Cela reste le cas !
    M. Franck Gilard. Largement !
    M. Jean-Claude Sandrier. Vous faites exactement l'inverse. Je vous suggère de méditer cette phrase particulièrement juste et sensée, ce qui devrait logiquement vous amener à adopter notre amendement.
    M. François Goulard. Voilà de nouveaux adeptes du libéralisme ! Ça fait toujours plaisir !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud pour soutenir l'amendement n° 254.
    M. Didier Migaud. Je ne sais pas si nous aurons droit à une réponse de la commission et du ministre. J'ai trouvé celle du rapporteur général à la proposition formulée par Jean-Pierre Brard un peu lapidaire.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Volontairement !
    M. Didier Migaud. Je ne sais pas si c'est parce que la commission n'a rien à dire et ne sait que répondre à l'argumentation de l'opposition.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle répond « non » !
    M. Didier Migaud. Si c'est ça, cela augure mal de la qualité de nos débats, que vous avez appelée de vos voeux, monsieur le ministre, mais, d'une certaine façon, cela nous conforte dans le raisonnement qui est le nôtre, à savoir que vous défendez quelque chose que vous considérez vous-même comme indéfendable.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais pas du tout !
    M. Didier Migaud. J'en reviens aux déclarations de Pierre Méhaignerie pendant l'été, lorsqu'il expliquait qu'une baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu n'était sûrement pas la réponse la plus adaptée à la situation actuelle. Il a fallu que le Président de la République s'exprime pour que tout le monde rentre dans le rang, de la même façon qu'une fois que Jean-Pierre Raffarin s'est exprimé devant le groupe de l'Union pour une minorité de privilégiés, certains amendements n'étaient plus présentés.
    Nous continuons à considérer que la baisse de l'impôt sur le revenu que vous proposez est injuste et inefficace.
    Elle est injuste parce qu'elle privilégie les plus hauts revenus. Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Brard et Jean-Louis Idiart ont donné quelques exemples qui montrent à quel point cela représente peu de chose pour une très grande partie des contribuables à l'impôt sur le revenu - outre le fait que ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu ne bénéficient d'aucune baisse mais subissent parallèlement un grand nombre de hausses -, un petit nombre seulement d'entre eux allant en fait en bénéficier. Une revue spécialisée, intitulée Le Revenu, dit clairement les choses : « Les bonnes surprises de la réforme fiscale. Une baisse de l'impôt qui avantage les hauts revenus. » C'est d'ailleurs imprimé en rouge. C'est on ne peut plus clair. Cela montre combien votre politique est injuste.
    Est-elle efficace ? Non, et vous le reconnaissez vous-même, puisqu'elle n'a eu aucun effet sur la consommation. Selon tous les indicateurs, que ce soit la confiance des Français ou la croissance, aucune des mesures que vous avez prises dans le courant de l'année 2003 n'aeu d'impact positif sur la relance, la reprise. Je sais bien que, cet été, le Premier ministre sentait une petite bise... Il fallait le faire, en pleine canicule ! J'ai retrouvé ses déclarations, c'est assez étonnant.
    M. Jean-Pierre Brard. C'était El Niño !
    M. Didier Migaud. Une petite bise, paraît-il, flottait dans l'air cet été. Bien sûr, il avait l'honnêteté de reconnaître que c'était loin d'être le mistral,...

    M. Jean-Pierre Brard. Ou la tramontane !
    M. Didier Migaud. ... mais, quand on regarde le taux de croissance auquel nous arrivons, c'est plutôt une bise, voire le mistral, en sens contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Tout cela, c'est parce que vous faites des propositions totalement à contre-emploi de la conjoncture économique et que vous avez vous-mêmes brisé la confiance et cassé la croissance. C'est la raison pour laquelle nous proposons de revenir sur la proposition que vous formulez car la France n'a pas les moyens de cette baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu.
    A cet égard, nous disons clairement ce que Pierre Méhaignerie pense tout bas, ce que Francis Mer pensait également avant l'arbitrage du Président de la République, ce que François Bayrou pense tout haut, ce que pensent un grand nombre de nos concitoyens, mais je ne sais pas si penser, c'est permis à un membre de l'UMP. En tout cas, il n'a pas le droit d'exprimer ce qu'il pense à travers son vote. En fait, la plupart d'entre vous ne comprennent pas cette réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu.
    M. François Goulard. Voilà un propos gratuit !
    M. Philippe Auberger. C'est inconvenant ! Il nous prend pour des demeurés. Quel mépris pour ses collègues !
    M. Didier Migaud. C'est pour cela que nous vous proposons de mettre votre pensée en cohérence avec la réalité. Cette réduction d'impôt supplémentaire, non seulement nous n'en avons pas les moyens, mais en plus elle est profondément injuste et totalement inefficace.
    M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy pour présenter l'amendement n° 412.
    M. Maurice Leroy. Cet amendement, que je défends au nom de François Bayrou et du groupe UDF, permettrait de revenir à ce que nous avions voté l'année dernière, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2003, c'est-à-dire une baisse des impôts de 1 %, au lieu des 3 % inscrits dans l'article 2 de ce projet. Nous nous conformerions ainsi, monsieur le président de la commission des finances, à ce que vous-même aviez envisagé de façon tout à fait raisonnable, étant donné le contexte économique et social de notre pays.
    Cet amendement permettrait au Gouvernement, monsieur le ministre délégué au budget, d'économiser 1,1 milliard d'euros. Nous vous proposons, avec François Bayrou et le groupe UDF, de financer ainsi trois mesures : la suppression de la hausse de la taxe intérieure sur les produits pétroliers sur le gazole, qui est évaluée à 800 millions d'euros, le maintien du dispositif actuel de l'allocation spécifique de solidarité pour les chômeurs en fin de droits, dont le coût est estimé à 150 millions d'euros, et une réduction du déficit de 150 millions d'euros.
    Vous le voyez, mes chers collègues, ces trois propositions de François Bayrou et du groupe UDF, très concrètes, sont budgétées et financées.
    Concernant la hausse de la TIPP sur le gazole, il faut avoir l'honnêteté et le courage politique de dire que les Français ne sauraient comprendre que, à l'heure où l'on annonce une diminution de la fiscalité, on augmente la fiscalité indirecte, qui est par nature plus injuste.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !
    M. Maurice Leroy. Pour les 15 millions de foyers qui gagnent moins de 50 000 euros par an, la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu correspondra, en moyenne, à une économie inférieure à 60 euros par an. Or l'augmentation de 3 centimes par litre de gazole représente en moyenne un surcoût de 38 euros par an pour le poste des carburants dans les dépenses d'un ménage. Autrement dit, monsieur le ministre, la baisse de l'impôt sur le revenu sera ainsi presque totalement absorbée pour la grande majorité des foyers français - ce qu'ils ne manquent pas de nous dire régulièrement dans nos permanences, que l'on soit à l'UMP, à l'UDF ou dans toute autre formation politique.
    Le gouvernement Jospin - je le rappelle à l'intention de nos collègues socialistes et de Didier Migaud - avait présenté, dans les projets de loi de finances pour 1998 et 1999, une hausse de la taxe intérieure sur les produits pétroliers de 1 centime d'euro par litre. Par conséquent,...
    M. Philippe Auberger. Ils sont disqualifiés !
    M. Maurice Leroy. ... je le dis courtoisement, Didier Migaud et ses collègues sont totalement disqualifiés.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est une fausse symétrie !
    M. Maurice Leroy. Ils n'ont aucune qualité pour dénoncer aujourd'hui cette hausse de TIPP qu'ils votaient eux-mêmes lorsqu'ils étaient majoritaires dans cet hémicycle et que nous étions, nous, l'opposition de l'époque, et donc hostiles.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes toujours dans l'opposition ! (Rires.)
    M. Maurice Leroy. Nous avons voté contre ces hausses de TIPP. Il faut aussi un peu de rigueur dans les débats et dans les déclarations. Je vois que mon excellent collègue Philippe Auberger, ancien rapporteur général du budget, est présent. J'ai de bonnes lectures et de bons souvenirs : je voudrais rappeler ce qu'il déclarait au cours de la séance du 17 octobre 1997. Afin de ne pas trahir ses propos, j'ai pris soin de les relever dans le Journal officiel.
    M. Jean-Pierre Brard. Je sens que ça va être cruel !
    M. Maurice Leroy. A propos de la TIPP, il disait ainsi : « Cette augmentation [...] pèsera essentiellement sur les ménages, notamment sur les ménages modestes qui sont obligés de se déplacer pour aller travailler. Pour un gouvernement qui souhaite freiner au maximum la fiscalité pesant sur les ménages, c'est pour le moins curieux, car il s'agit d'une fiscalité extrêmement discriminatoire, qui repose notamment sur les ménages modestes. »
    M. Jean-Pierre Brard. C'est perfide !
    M. Maurice Leroy. Notre excellent collègue Marc Laffineur, quant à lui, considérait paraît-il, dans les couloirs, que l'UDF franchissait la ligne jaune. Je rappelle à nos amis de l'UMP que la ligne n'est plus jaune, mais blanche.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la boîte à baffes !
    M. Maurice Leroy. Le 7 octobre 1998, en commission des finances, il a défendu un amendement de suppression de la hausse de la TIPP sur le gazole. Cher Marc Laffineur, nous avions voté cet amendement ensemble. Il déclarait alors « ne pas être opposé à un rééquilibrage entre la fiscalité du gazole et celle de l'essence » - nous sommes d'accord -, mais « qu'il conviendrait de poursuivre cet objectif à travers une baisse du taux de TIPP applicable au supercarburant sans plomb, la France détenant un triste record en matière de prélèvements obligatoires. ».
    Je n'irai pas plus loin dans les citations.
    M. Jean-Pierre Brard. Il faut continuer, c'est intéressant !
    M. Maurice Leroy. Je me contenterai de rappeler les propos de Michel Bouvard, en séance, le 17 octobre 1997, pages 4269 et suivantes du Journal officiel. Il déclarait : « Je vais défendre cet amendement au nom de l'intergroupe RPR-UDF. »
    M. Eric Woerth. Depuis, il y a la valeur ajoutée UMP !
    M. Maurice Leroy. Son objet est de limiter l'augmentation de la taxe au niveau de l'inflation. L'engagement en avait été pris, non par ce gouvernement, mais par le précédent. A la suite d'un relèvement significatif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, il avait été en effet convenu que, dorénavant, celle-ci n'augmenterait pas plus vite que l'inflation, afin de ne pas pénaliser l'ensemble de la population.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait ! Pas plus vite que l'inflation !
    M. Maurice Leroy. On nous a beaucoup reproché à l'époque cet impôt...
    M. le président. Merci, monsieur Leroy, de conclure d'un mot.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, on voudrait savoir ce que nous a dit M. Bouvard !
    M. Maurice Leroy. J'arrive au bout de mon propos, monsieur le président. Je n'ai pas beaucoup monopolisé la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On nous a beaucoup reproché à l'époque cet impôt, qualifié d'injuste. Or le Gouvernement relève aujourd'hui la TIPP au-delà du raisonnable.
    M. François Goulard. Il s'est trompé d'article !
    M. Maurice Leroy. Mes chers collègues, quand on augmente la TIPP, que le Gouvernement soit de droite, de gauche ou du centre, cela frappe l'outil de travail, les ménages et les salariés les plus modestes. Le groupe UDF est constant dans sa position. Qu'il siège dans la majorité ou dans l'opposition, il s'oppose à cette augmentation.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il est toujours dans l'opposition !
    M. Jean-Pierre Brard. Maurice Leroy est fidèle à ses origines partageuses ! (Rires.)
    M. Maurice Leroy. Merci, monsieur Brard, de le reconnaître !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce rappel est salutaire !
    M. le président. Pas d'attaques personnelles, monsieur Brard !
    M. Maurice Leroy. Ce n'est pas une attaque, c'est un hommage !
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 188.
    M. Charles de Courson. Cet amendement pose la même question, mais, au lieu de 3 %, la réduction n'y est que de 1,7 %. Il s'agit de demander à la majorité de supprimer la hausse de la TIPP à l'article 11.
    Mes chers collègues, Maurice Leroy a rappelé les positions que nous avons constamment défendues lorsque nous étions dans l'opposition.
    M. Jean-Louis Idiart. Vous y êtes revenus au bout d'un an.
    M. Charles de Courson. Il a cruellement rappelé à la gauche qu'elle a voté les hausses systématiques de la TIPP.
    Nous sommes aujourd'hui les seuls à avoir maintenu la ligne. Le président Méhaignerie a tout fait pour s'opposer à cette mesure, parce qu'il était cohérent avec ce qu'il a toujours dit en la matière.
    M. Michel Bouvard. Exactement.
    M. Jean-Pierre Brard. Flatteur ! (Sourires.)
    M. Charles de Courson. L'UDF a toujours affirmé que, pour éviter d'augmenter la TIPP, nous avions le choix entre deux solutions : ou l'on fait 800 millions d'économies supplémentaires, ou l'on réduit de 800 millions la mesure sur l'IRPP. Nous avons déposé un premier amendement, mais, si vous préférez la seconde méthode, vous voterez avec l'UDF la suppression de la mesure prévue à l'article 11, et nous réduirons le plafond de dépense de 800 millions dans l'article d'équilibre. J'ai cru comprendre que, au sein de la majorité, vous étiez...
    M. Jean-Louis Idiart. Ainsi, il reconnaît qu'il n'appartient pas à la majorité.
    M. Charles de Courson. ... davantage favorables à une mesure de réduction de la dépense qu'à une réduction de l'IRPP. Il suffit de le dire. Si vous annoncez que vous adopterez cette réduction dans l'article 11 et dans l'article d'équilibre, je retire mon amendement.
    M. Jean-Pierre Brard. Quelle capitulation !
    M. Charles de Courson. Mais, je vous en supplie, écoutez ce que dit aujourd'hui le peuple de la classe politique.
    M. Jean-Pierre Brard. Les aristocrates parlent pour le peuple, maintenant !
    M. Charles de Courson. Mais, mon cher collègue, je suis tout aussi respectable que vous et j'ai même été élu dès le premier tour, ce qui n'est pas votre cas.
    M. Jean-Pierre Brard. Justement, c'est suspect !
    M. Charles de Courson. J'attends de vous le même respect que je témoigne à vos électeurs. Arrêtez de tenir des propos qui s'assimilent à du racisme et qui - je vous l'ai déjà dit plusieurs fois - ne vous honorent pas.
    M. Franck Gilard. Quand on est communiste, on s'écrase ! C'est scandaleux ! Soviétique !
    M. le président. On s'éloigne du sujet !
    M. Charles de Courson. Aujourd'hui, le peuple estime que les hommes politiques ne valent pas plus les uns que les autres, puisqu'ils disent blanc lorsqu'ils sont dans l'opposition et noir lorsqu'ils sont dans la majorité.
    M. Maurice Leroy. Eh oui !
    M. Charles de Courson. Le résultat, c'est que nous assistons à un effondrement de la crédibilité de la classe politique. Prenez tous les sondages, ce n'est pas moi qui l'affirme. Plus personne ne croit à ce que disent les hommes et les femmes politiques. Si vous souhaitez démontrer qu'une nouvelle fois la gauche fait, dans l'opposition, l'inverse de ce qu'elle dit quand elle est dans la majorité...
    M. Henri Emmanuelli. Absolument pas !
    M. Charles de Courson. Monsieur Emmanuelli, vous étiez président de la commission et vous avez voté toutes les hausses de TIPP. Vous êtes donc complètement démonétisé sur le sujet.
    M. Henri Emmanuelli. Il est incroyable !
    M. Charles de Courson. Je supplie mes collègues - avec qui nous avions formé un intergroupe et nous étions mis d'accord - de ne pas laisser le Gouvernement commettre une faute qu'ils paieront politiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Maurice Leroy. Evidemment !
    M. le président. Les quatre amendement ayant été défendus, je propose que nous marquions une pause dans nos travaux.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Avant de poursuivre la discussion sur les quatre amendements en discussion commune, j'informe l'Assemblée que, sur l'amendement n° 254, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur général, pour donner l'avis de la commission sur ces quatre amendements.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté les quatre amendements.
    Je voudrais d'abord m'adresser à mes collègues socialistes, pour leur dire qu'ils ont une relation tout à fait étrange avec la baisse de l'impôt sur le revenu, sur le thème : « Un jour je t'aime, un jour je te hais. »
    Quelques rappels. En 1996 est engagée une réforme profonde de l'impôt sur le revenu, visant à une baisse d'un tiers sur cinq ans, par le gouvernement Juppé, auquel appartenait d'ailleurs à l'époque François Bayrou.
    M. Henri Emmanuelli. Oh !
    M. Maurice Leroy. Ce n'est pas encore une attaque !
    M. François Bayrou. Ce n'est pas une attaque, puisque c'est un fait.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette réforme est engagée. Après les élections de 1997, le gouvernement Jospin s'empresse de l'interrompre.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous parlons de la loi de finances pour 2004.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 1998, en 1999, l'impôt sur le revenu explose - plus 10 % par an -, les prélèvements obligatoires, comme on l'a rappelé tout à l'heure, battent des records historiques : presque 45 % à la fin 1999.
    M. Augustin Bonrepaux. 45 % en 1997 ! Monsieur le rapporteur général, soyez objectif !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous ai écouté tranquillement tout à l'heure, monsieur Bonrepaux, un peu de calme ! Nous avons encore plusieurs jours devant nous.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Fin 1999, donc, on constate que les prélèvements obligatoires ont battu un record historique...
    M. Augustin Bonrepaux. C'était en 1997, et vous y étiez pour quelque chose !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et les socialistes prennent peur. Je me souviens que le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Laurent Fabius, disait : « La gauche ne court pas beaucoup de risques d'être battue par la droite, mais elle peut l'être par les impôts. »
    M. François Bayrou. Oui. C'était dans Le Monde.
    M. Michel Bouvard. Exact ! C'est d'ailleurs ce qui s'est passé !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous étions fin 1999. Ces fortes paroles de Laurent Fabius lui valent d'être promu au gouvernement quelques mois après. Pour quoi faire ? Pour baisser l'impôt sur le revenu. Et à peine arrivé, au printemps 2000, le voilà qui nous propose un collectif pour baisser l'impôt sur le revenu.
    M. Henri Emmanuelli. Parlez-nous de la prime pour l'emploi !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et l'impôt sur le revenu baisse effectivement en 2000, en 2001, et en 2002. Je reprends ce qu'écrivait à l'époque mon prédécesseur Didier Migaud : « Votre rapporteur général souhaite rappeler que, dès lors que l'on s'interdirait de réduire un impôt d'application générale comme l'impôt sur le revenu au motif que cette baisse bénéficie surtout à ceux qui paient l'impôt, on s'interdirait en fait de réduire l'impôt, quel qu'il soit, et on se condamnerait à voir, par une sorte d'effet de cliquet, le système fiscal s'alourdir sans cesse. »
    M. Didier Migaud. Ce n'était pas idiot.
    M. François Bayrou. C'était même très juste.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nos collègues communistes - je ne les oublie pas au passage - s'empressent de voter régulièrement le collectif de 2000, la loi de finances de 2001, la loi de finances de 2002, qui enchaînent les baisses de l'impôt sur le revenu. Et, chers collègues, la baisse de 5 % décidée par nous après les élections, en juillet 2002, a représenté 2,5 milliards d'euros. Celles de M. Fabius ont représenté, en 2002, 3 milliards d'euros.
    M. Didier Migaud. C'est justement pour ça que ce n'était pas la peine d'en rajouter ! Merci de le reconnaître, monsieur le rapporteur général !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Autrement dit, les socialistes, aujourd'hui dans l'opposition, brûlent ce qu'ils ont adoré hier quand ils étaient dans la majorité. Ils ont vraiment un problème de repère. On sait bien que l'impôt sur le revenu n'est d'ailleurs pas le seul sujet de leurs convictions à géométrie variable - il y en a bien d'autres -, mais on en a ici une parfaite illustration.
    M. Didier Migaud. Il n'y a ni géométrie ni géographie variable !
    M. Michel Pajon. L'enjeu, c'est le chômage !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais à présent m'adresser aux collègues qui proposent de réduire l'effort de baisse de l'impôt sur le revenu. Cette baisse, chers collègues, est le fer de lance d'une politique de baisse des impôts.
    M. Didier Migaud. Mais ils augmentent, les impôts !
    M. Augustin Bonrepaux. Ils ne baissent que pour les riches !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La baisse de l'impôt sur le revenu vise d'abord à récompenser, à encourager le travail,...
    M. Augustin Bonrepaux. Parce qu'il n'y a que les riches qui travaillent ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... à favoriser l'initiative et la création, à encourager l'effort, à stimuler la consommation.
    M. Henri Emmanuelli. L'effet est surtout d'accroître l'épargne !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bref, c'est le moyen sans équivalent de relancer l'économie et de favoriser la création de richesses dont toute la collectivité profite.
    M. Augustin Bonrepaux. Cela fait un an et demi que vous faites cela, on voit le résultat !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. D'ailleurs, tous les pays voisins, sans exception, ont engagé depuis longtemps une baisse de l'impôt sur le revenu.
    M. Henri Emmanuelli. C'est faux !
    M. Franck Gilard. Tous sauf l'Albanie, en effet !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'Allemagne le fait depuis 1999. Le Royaume-Uni l'a fait. L'Espagne l'a fait avec le succès que l'on sait.
    M. Henri Emmanuelli. L'Espagne ? Mais qu'est-ce qu'il raconte !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne parle pas des Etats-Unis, mais je pourrais citer les Pays-Bas. Bref, tous l'ont fait. Même le gouvernement Jospin, je le disais à l'instant, s'est rendu compte de la nécessité de le faire.
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, est-ce qu'on pourrait parler du projet de loi de finances pour 2004 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lors des élections de 2002, nous avons pris l'engagement d'accélérer cette baisse de l'impôt sur le revenu. Et cet engagement, comme tous les engagements que nous avons pris à l'époque, nous l'avons tenu. Dès la loi de finances rectificative de juillet 2002 a été engagée une baisse de l'impôt sur le revenu de 5 %. Poursuivie en 2003, elle est amplifiée en 2004 et va atteindre 10 %.
    Cela veut donc dire que les revenus perçus par les Français en 2003 seront de 10 % moins imposés que les revenus des Français en 2000. En effet, pour qu'une baisse d'impôt, dans un pays comme le nôtre, qui est assommé de fiscalité,...
    M. Henri Emmanuelli. « Assommé de fiscalité ! » N'importe quoi !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... soit crédible aux yeux des Français, il faut qu'elle s'inscrive dans la durée. Il faut qu'elle ait une ampleur significative. Il faut qu'elle soit continue. C'est comme cela que nous regagnerons la confiance qu'évoquait hier François Bayrou.
    Et justement, à nos collègues et amis de l'UDF et en particulier à François Bayrou, je rappellerai que lors des élections de 2002 leur objectif était de réduire à 40 % le taux supérieur de l'impôt sur le revenu. Je considère que c'est pour nous un encouragement pour aller plus vite, parce que nous sommes encore très loin d'atteindre ce taux. C'est un encouragement pour poursuivre cette baisse en 2005, en 2006, en 2007 afin de parvenir à des taux comparables à ceux de tous les autres pays.
    M. François Bayrou. Monsieur Carrez, voulez-vous bien faire des citations exactes !
    M. Michel Bouvard. Il faut laisser parler M. le rapporteur général !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais la citation est tout à fait exacte.
    M. le président. Monsieur Bayrou, la commission s'exprime. Vous aurez la possibilité de répondre au rapporteur général ensuite,...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, mais moi j'écoute toujours avec intérêt M. Bayrou.
    M. le président. ... après l'intervention du Gouvernement.
    M. François Bayrou. Je rappellerai tout de même que mes engagements s'inscrivaient dans le cadre d'une croissance supérieure à 2 % !
    M. le président. Pour la clarté du débat et pour que l'Assemblée soit pleinement informée, respectons l'ordre du débat : le rapporteur général s'exprime, puis le ministre, puis un orateur pour répondre à la commission ou au Gouvernement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La baisse de l'impôt est d'ailleurs un thème éternel. Tout à l'heure, Jean-Pierre Brard nous ramenait aux Etats généraux de 1789 et aux cahiers de doléances. J'aimerais ici rappeler ce que j'ai appris dans un livre excellent, paru il y a quelques années, Henri IV : le roi libre.
    M. Maurice Leroy. Voilà une meilleure référence !
    M. Jean-Pierre Brard. Qui sera Ravaillac ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quand Henri IV, le bon roi béarnais, a pris le pouvoir, il a commencé par baisser les impôts. A l'époque, il y avait deux impôts principaux : la gabelle et la taille - qui était un peu l'impôt sur le revenu de l'époque -, et qu'il a justement diminuée.
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas lui, c'est Sully ! Henri IV, il n'y connaissait rien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme quoi, la baisse de l'impôt sur le revenu, c'est une absolue nécessité dans notre pays.
    Ce serait par conséquent une erreur de faire une pause dans la politique de baisse de l'impôt sur le revenu. Que nous proposent nos collègues de l'UDF ? Ils nous proposent de baisser l'impôt sur le revenu d'un misérable 1 % ou même 1,7 %.
    M. Jean-Pierre Brard. Attention, il y a des mots qui blessent !
    M. Didier Migaud. Ce que vous avez fait l'année dernière était donc misérable. Pourtant, vous l'avez défendu !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non. Nous avons inscrit la baisse de 1 % dans le sillage de celle de 5 %. Donc, nous avons baissé l'impôt sur le revenu de 6 %.
    M. Didier Migaud. Non : 1 % l'année dernière ! Vous êtes donc sévère avec vous-même !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce qui compte, c'est qu'en deux ans nous aurons baissé l'impôt sur le revenu de 10 %. Nous tenons à cette ténacité dans l'effort, à cette constance, quelles que puissent être les difficultés économiques, parce que nous croyons profondément que la baisse de l'impôt, c'est le moteur de la croissance.
    M. Didier Migaud. Le moteur de la croissance, c'est la consommation !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour faire revenir le plus rapidement possible la croissance, il faut baisser l'impôt, à commencer par l'impôt sur le revenu.
    Après un débat tout à fait argumenté, la commission a donc rejeté les quatre amendements et vous propose d'en faire de même.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je voudrais répondre à tous mes collègues, et néanmoins amis, qui m'ont largement cité,...
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui ! C'est la rançon de la gloire !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... pour dire que je reste totalement convaincu, je l'ai toujours dit et je le confirme, que la priorité va à la baisse des charges.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. D'abord, parce qu'elles permettent de réhabiliter le travail. Ensuite, parce qu'il faut choisir la convergence européenne : nous sommes dans un environnement européen.
    Cela dit, le débat existe au sein de la majorité, vous l'avez constaté.
    M. Jean-Pierre Brard. L'étripage, vous voulez dire !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et je voudrais simplement dire que le Gouvernement, dans ses deux derniers choix budgétaires, a donné la même priorité à la baisse des charges et à la répercussion sur l'évolution des salaires - et particulièrement du SMIC - ...
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... qu'à la baisse de l'impôt sur le revenu. Il faut le rappeler.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Quant à l'avenir, pour sortir d'un débat beaucoup trop franco-français, je souhaite, monsieur le ministre, que soit établie, pour le débat d'orientation budgétaire prochain, une comparaison sérieuse des impôts sur la consommation, sur le capital et sur le travail dans les différents pays d'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. Oui, ce serait intéressant !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Avec comme enjeu principal la lutte contre le chômage et la priorité à l'emploi.
    M. Didier Migaud. Nous sommes d'accord !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. En tout cas, nous nous retrouverons pour dire que, dans ce pays, le niveau des prélèvements obligatoires globaux a atteint des proportions...
    M. Franck Gilard. Insupportables !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... qui sont incompatibles avec la hausse du pouvoir d'achat et le retour au plein-emploi.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Didier Migaud. Mais vous ne les baissez pas !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Sur ce point, on peut discuter, mais la priorité des priorités reste la maîtrise de la dépense publique. Je voulais ainsi répondre à ceux qui m'avaient interpellé. Je reste favorable, et le Gouvernement l'a pris en compte, à ce que l'on donne la priorité à la revalorisation du travail dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. Vous l'applaudissez mais vous allez voter l'inverse, c'est formidable !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la noblesse de l'engagement politique se fonde sur des valeurs fortes et sur le courage de les défendre.
    M. Henri Emmanuelli. C'est très subjectif !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au nombre des valeurs sur lesquelles s'appuie l'action du Gouvernement figurent le respect de la personne - nous le disions hier - et le respect de son travail, le travail étant précisément considéré comme un élément essentiel de la dignité de la personne.
    M. Henri Emmanuelli. Qu'est-ce que c'est que ce galimatias ?
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oh, je sais que vous êtes en effet contre le travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne pouvez pas dire cela !
    M. Henri Emmanuelli. Nous, contre le travail ? Parlons de la prime pour l'emploi !
    M. Didier Migaud. Soyez en cohérence avec votre discours, agissez pour faire baisser le chômage !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour le Gouvernement, assurer la croissance et le plein-emploi, cela commence par l'affirmation de la dignité et de la primauté du travail. C'est ce qui le conduit à rendre aux Français la part du fruit de leur travail qui leur est injustement prélevée.
    Pour ma part, je ne recommande pas de rapprocher telle catégorie d'impôt de telle autre catégorie d'impôt, telle catégorie de recettes de telle catégorie de dépenses.
    M. Henri Emmanuelli. Ce serait gênant, en effet !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il y a des risques à procéder ainsi. Car selon que vous êtes bien ou mal inspiré, vous pouvez diaboliser toute mesure. Prenons la masse salariale de la fonction publique : si vous voulez diaboliser son évolution, il vous suffit d'expliquer que s'il y a relèvement de la TIPP, c'est parce qu'il faut financer la dérive de la masse salariale de la fonction publique. De la même façon, si vous voulez - ce qu'aucun d'entre nous ne veut bien sûr - diaboliser la dérive du financement de l'assurance maladie des personnes étrangères en situation irrégulière, il suffit de dire que c'est pour le financer qu'on est obligé de relever tel ou tel impôt. De tels amalgames sont dangereux en politique, et c'est pourquoi je recommande de ne jamais les utiliser. C'est ce qui me conduit - et je me tourne vers vous, monsieur Bayrou et monsieur Leroy - à ne pas du tout vous suivre quand vous associez la mesure portant sur l'impôt sur le revenu à toute autre mesure.
    En revanche, je suis plus sensible à une autre question que vous avez évoquée : à partir de quel moment finance-t-on une baisse d'impôt à crédit. Je me dis que c'est, au fond, sans doute, à compter du moment où nous sommes en déficit primaire. Eh bien, mesdames et messieurs les députés, s'il fallait attendre de revenir à l'équilibre primaire pour encourager nos agents économiques, nous devrions réduire notre déficit de 17 milliards d'euros avant toute chose. Ne craignez-vous pas que, d'ici là, nos agents économiques se découragent ? Le Gouvernement, je le répète, croit à la nécessité d'encourager le travail mais, plus précisément encore, d'encourager ceux qui entreprennent, ceux qui créent des emplois, ceux qui prennent des risques, ceux qui assument le beau risque d'entreprendre. Dans un monde ouvert, où la concurrence menace à chaque instant de nous ravir les plus entreprenants de nos compatriotes, pressons-nous d'offrir un environnement fiscal et social attractif.
    C'est le sens de la mesure que le Gouvernement propose. C'est pourquoi il demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer. A défaut, il serait contraint d'émettre un avis défavorable et de proposer à l'Assemblée de voter contre.
    M. le président. La parole est à M. François Bayrou.
    M. François Bayrou. Monsieur le président, je viens d'entendre avec un plaisir mélangé de surprise l'affirmation du ministre selon laquelle il ne fallait en aucun cas affecter telle hausse d'impôt à telle dépense. Pourtant, si ma mémoire est fidèle, on nous avait annoncé que l'augmentation de la TIPP était consentie pour financer le ferroutage.
    M. Michel Bouvard. On y viendra plus tard, au ferroutage !
    M. François Bayrou. Ou j'ai un trou de mémoire, ou le Gouvernement a changé de doctrine - car je ne peux pas croire qu'il puisse être amnésique. M. le ministre délégué au budget enregistrera donc mon accord profond sur cette affaire. J'espère simplement que le Gouvernement ne reviendra pas à la version antérieure...
    L'ironie de mon propos ne vous aura pas échappé. Vous n'ignorez pas que la rhétorique permet d'utiliser des arguments de manière réversible et, bien sûr, je ne crois pas une seconde que la hausse de la TIPP soit consentie pour le ferroutage. Je me suis efforcé de l'expliquer hier à la tribune : cette hausse est destinée à fournir des ressources à l'ensemble du budget de l'Etat, contrairement à tout ce que l'on peut prétendre.
    M. Michel Bouvard. Alors, il faudra nous expliquer comment financer le ferroutage !
    M. François Bayrou. Après ce clin d'oeil, j'adresserai plusieurs observations à M. Carrez, qui a fait référence à mes oeuvres programmatiques et historiques !
    M. Franck Gilard. Vos oeuvres historiques sont les meilleures !
    M. François Bayrou. Il est vrai que j'ai défendu le principe d'un taux marginal de 40 % pour la tranche supérieure d'imposition. Mais vous savez à quel point les abattements de 20 % et le quotient familial perturbent la lisibilité de notre architecture fiscale. Il faudra donc, un jour ou l'autre, améliorer la lisibilité de la fiscalité.
    Pendant la campagne électorale, j'avais évoqué le principe de baisses d'impôt lorsque la croissance dépasserait 2 %, et même annoncé que l'on rendrait aux contribuables les rentrées fiscales excédentaires lorsque le pays irait bien. Ce serait, à mon sens, de bonne politique et c'est précisément pourquoi je m'inquiète de la situation que nous connaissons aujourd'hui.
    Quant à Henri IV, s'il a commencé son règne par une réforme fiscale drastique, celle-ci ne concernait pas l'imposition sur le revenu - c'est-à-dire la taille ou la gabelle - mais les péages placés à l'entrée des villes. Quand on allait au marché, il fallait en effet payer les droits d'octroi, que certains d'entre nous ont encore connus dans leur enfance.
    M. Henri Emmanuelli. Il a aussi cherché à imposer le capital.
    M. François Bayrou. Les financiers l'ont mis en garde contre une telle mesure, qu'ils jugeaient imprudente, mais, en définitive, elle a multiplié les rentrées fiscales. Comme quoi - M. Emmanuelli ne me démentira pas - les Béarnais ont toujours des intuitions justes en matière de fiscalité ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ça...
    M. François Bayrou. Plus sérieusement, j'ai trouvé que le débat de ce matin était intéressant et qu'il y avait moins de dialogues de sourds qu'on aurait pu le craindre. En effet, tous les orateurs de cette assemblée, de M. Novelli à ceux du parti socialiste, ont exprimé l'idée, que je crois juste, selon laquelle il faut remettre à plat notre fiscalité pour qu'elle devienne lisible.
    M. Méhaignerie lui-même a demandé que soient effectuées des comparaisons européennes. Cela permettrait en effet d'évacuer des idées fausses. Type de l'idée fausse : la moitié seulement des Français paie l'impôt. C'est une idée fausse !
    M. Henri Emmanuelli. Bien sûr ! Tout le monde en paie !
    M. François Bayrou. Tout le monde paie les impôts indirects ! De plus, la CSG n'est rien d'autre qu'un impôt sur le revenu proportionnel !
    M. Maurice Leroy. Bien sûr !
    M. François Bayrou. Il est vrai qu'une moitié des Français seulement a la chance, si j'ose dire, de payer un impôt progressif : la partie progressive de l'imposition sur le revenu.
    M. Henri Emmanuelli. Ça, il faut l'expliquer à M. Mer.
    M. François Bayrou. Je sais très bien qu'il n'est pas simple de fondre les deux, mais il faudra bien y parvenir un jour.
    Monsieur le ministre, il faudra aussi évidemment que nous arrivions, un jour, à mettre en place la retenue à la source,...
    M. Maurice Leroy et M. Augustin Bonrepaux. Très bien !
    M. François Bayrou. ... comme tous les pays qui nous entourent. J'ai été extrêmement surpris et même stupéfait que le Gouvernement, dès son installation, parmi ses premières déclarations, ait annoncé qu'il renonçait à cette grande mutation fiscale. Il faudra pourtant la conduire, vous le savez, car c'est l'un des moyens de réaliser des gains de productivité, comme le Gouvernement le dit si souvent.
    Après avoir écouté les interventions de M. Carrez et du ministre, une grande question se pose, qui constitue le coeur du débat : les baisses d'impôts relanceront-elles la croissance ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui !
    M. François Bayrou. Question subsidiaire : ces baisses d'impôts-là relanceront-elles la croissance ? Je n'y crois pas - mais peut-être serai-je démenti par les faits.
    M. Henri Emmanuelli. Cela n'a marché nulle part !
    M. François Bayrou. M. Balladur, qui était là il y a une minute, a une position logique, lui, la même qu'Alain Madelin et certains autres : ils considèrent que ce sont les baisses d'impôts qui relanceront la croissance et que celles-ci doivent donc être massives. Certes, on ne sait absolument pas comment les financer, mais c'est une position cohérente.
    Il n'en reste pas moins qu'une baisse de l'impôt sur le revenu de 3 %, selon les calculs de l'administration des impôts donnera les résultats suivants : pour 2 millions de foyers, 30 euros annuels de gain, soit moins de 3 euros par mois ; pour 14 millions de foyers, autour de 50 euros annuels, soit 4 euros par mois ; et, pour seulement 2 millions de foyers, 400 euros de gains. Je ne crois donc pas que cette baisse d'impôt-là relancera la croissance.
    M. Franck Gilard. Elle relancera la consommation, pas la croissance !
    M. François Bayrou. En revanche, nous sommes certains qu'elle nourrira notre dette parce qu'elle augmentera notre déficit.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. François Bayrou. Voilà le point de divergence entre nous : je ne crois pas à la relance de la croissance par cette baisse d'impôt minime, qui donne, me semble-t-il, un mauvais signal.
    Un jour viendra, je le répète, où il faudra revoir notre architecture fiscale, et, ce jour-là, on s'apercevra que l'impôt sur le revenu - et non pas la totalité des prélèvements -, en France, est moindre que dans les pays qui nous entourent.
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. François Bayrou. L'impôt sur le revenu, dans les pays européens voisins, se situe entre 10 et 12 % du PIB ; chez nous, il représente moins de 4 %, plus 4 % de CSG, disons 8 % de prélèvements au total. Encore une autre idée fausse qu'il conviendra de combattre.
    Mon amendement n° 412 ne dit pas autre chose que ce que proposait Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, pendant les discussions de l'été. C'est textuellement la même chose.
    M. Maurice Leroy. Eh oui !
    M. François Bayrou. Sachant que nous nous trouvons dans une situation difficile, comme l'an dernier, la baisse d'impôt doit être limitée à 1 %. Les 2 points ainsi économisés serviraient à sauver l'ASS, l'allocation de solidarité pour les chômeurs en fin de droits, à écarter la hausse du gazole, dont chacun, je crois, sur tous les bancs, perçoit les effets négatifs, et enfin à réduire, même dans des proportions faibles - à hauteur de 150 millions d'euros, 1 milliard de francs tout de même - le déficit de la France. Voilà les trois mesures que nous défendons. C'est une proposition approuvée par les meilleurs esprits et qui, me semble-t-il, serait raisonnable dans la période que nous traversons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Avec l'article 2, nous plongeons vraiment au coeur du débat. Comme nous l'avons vu hier dans la discussion générale, il y a, d'un côté, ceux qui sont favorables à davantage de dépenses et, de l'autre, nous-mêmes, qui souhaitons moins de dépenses ; il y a, d'un côté, ceux qui sont favorables à davantage d'impôt et, de l'autre, nous-mêmes, qui souhaitons moins d'impôt. Nous le disons clairement, il faut diminuer les impôts. Pourquoi ?
    Tout simplement - cela a déjà été dit - parce que, dans tous les pays qui nous entourent, des réformes sont actuellement mises en oeuvre pour aller dans le sens de la diminution de l'impôt.
    Parce que cela fera repartir l'économie et que nous pourrons nous préparer au redémarrage de la croissance.
    Parce que, en matière de politique budgétaire, il n'y a rien de pire que de changer d'avis chaque année. Il faut suivre une ligne, et le résultat des dernières élections l'a montré. Il faut poursuivre la baisse de l'impôt...
    M. François Bayrou. Perseverare diabolicum !
    M. Marc Laffineur. ... pour que les Français puissent croire le Gouvernement et les hommes politiques qu'ils ont élus.
    Parce que nous avons dit clairement que nous voulions favoriser le travail. Les dernières campagnes électorales ne sont pas si lointaines et nous nous sommes aperçus qu'entre un ménage au RMI et un ménage au SMIC, il n'y avait pratiquement pas de différence - dans certains départements, la différence était même négative pour celui au SMIC. Cette année, nous augmentons le SMIC de façon importante et ce sera encore le cas dans les deux années à venir. Nous augmentons aussi la prime pour l'emploi. La diminution de l'impôt sur le revenu s'inscrit dans la même logique, elle vise à favoriser le travail, source d'indépendance, de liberté et de bien-être pour nos concitoyens.
    La politique du Gouvernement est donc lisible, logique, et prépare le pays à la reprise économique. Changer de politique maintenant serait une grave erreur. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre ces amendements.
    M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord m'associer à la demande de M. Méhaignerie, l'actuel président de la commission des finances, qui souhaite disposer d'une radiographie de la fiscalité française. Nous savons, les uns et les autres, ce qu'elle révélera : l'hypertrophie de la fiscalité indirecte par rapport à la fiscalité directe...
    M. Michel Bouvard. Et surtout l'hypertrophie de l'administration !
    M. Henri Emmanuelli. ... et l'envol des cotisations par rapport à la fiscalité.
    M. François Bayrou et M. Maurice Leroy. Absolument !
    M. Henri Emmanuelli. En effet, l'évolution des prélèvements obligatoires des dernières années est surtout imputable aux cotisations et non pas aux impôts, pas aux impôts d'Etat, en tout cas.
    Il semblerait toutefois qu'en France, la patrie de Descartes, les chiffres ne suffisent pas. Nous sommes sans doute le seul pays à être capable de mettre la rationalité au service de la mauvaise foi, ce qui donne des résultats extraordinaires.
    M. Franck Gilard. Surtout à gauche !
    M. Yves Deniaud. M. Emmanuelli est un expert !
    M. Henri Emmanuelli. Ensuite, M. Méhaignerie assume la priorité donnée à la baisse des charges. Moi aussi, et ce n'est pas nouveau. Nous avons même eu, il y a des années, des discussions sur l'assiette de certaines cotisations sociales. C'était le bon sens, je crois, c'est toujours le cas et cela le restera dans l'avenir.
    Surtout, monsieur le ministre, vous nous avez interpellé avec une certaine violence sur notre relation au travail.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si vous ne m'aviez pas interrompu, je n'aurais pas fait de remarque !
    M. Henri Emmanuelli. Je n'ose croire que vous visiez les personnes, et j'écarte cette hypothèse. Sans doute pensiez-vous à notre politique.
    Vous dites et répétez que vous allez revaloriser le travail. Mais les Français ne sont pas idiots. Quand ils regardent vos mesures fiscales, que constatent-ils ? Je ne rappellerai pas les chiffres sur l'IR qu'a cités François Bayrou tout à l'heure : ils figurent au compte rendu. Ce n'est pas non plus votre fiscalité sur les donations qui convaincra les Françaises et les Français que l'on revalorise le travail, ni votre décision de ramener forfaitairement à 26 % la taxation des plus-values, car celles-ci n'ont jamais été le produit du travail. Dans votre projet de budget, sur le plan fiscal, on ne trouve donc pas la marque de l'intérêt que vous porteriez au travail.
    Mais il y a pire. Comment voulez-vous expliquer aux centaines de milliers de chômeurs supplémentaires que vous privilégiez le travail ? Vous nous avez reproché tout à l'heure d'être contre le travail. Mais nous avons crée 900 000 emplois, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pas vous, les entreprises !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oui, les entreprises !
    M. Henri Emmanuelli. Ah oui ? Autrement dit, quand nous sommes au pouvoir, si le chômage augmente, c'est à cause des socialistes, et si l'on crée des emplois, c'est grâce aux entreprises ! Et quand vous tous êtes au pouvoir, c'est l'inverse ! Tout cela est grotesque !
    M. Franck Gilard. Je ne vous le fais pas dire !
    M. Henri Emmanuelli. Ce budget n'est qu'une énorme mystification.
    M. Franck Gilard. Il fait son Jospin !
    M. Henri Emmanuelli. Le Gouvernement justifie les cadeaux fiscaux - si l'expression ne vous plaît pas, monsieur Carrez, parlons de baisses d'impôts...
    Au passage, monsieur Carrez, si, comme vous le croyez profondément - selon vos propres mots - la baisse des impôts est la clé de la croissance, dans les pays où il n'y a pas d'impôts, la croissance devrait être formidable. Ne répétez donc pas ce genre de clichés car figurez-vous que c'est l'inverse ! Prenez la carte du monde, regardez les niveaux de pression fiscale, de PIB et de taux de croissance, et vous aurez la surprise de constater que l'absence de fiscalité est plutôt une marque de sous-développement que d'hyper-développement.
    M. Yves Deniaud. Alors, la France devrait être surdéveloppée !
    M. Henri Emmanuelli. Ecoutez, nos taux de prélèvement ne sont pas les plus élevés et, si vous réalisiez la moitié des taux de croissance que nous avons obtenus pendant cinq ans, vous seriez heureux, permettez-moi de vous le dire !
    M. Franck Gilard. Mais vous en avez gaspillé une bonne partie !
    M. Henri Emmanuelli. Je ferme la parenthèse et j'en viens à la mystification. Vous justifiez vos baisses d'impôts par une prétendue hausse de la prime pour l'emploi, censée prouver votre intérêt pour le travail. Regardez bien, mes chers collègues, les voies et moyens, et vous constaterez ce que personne n'a encore dit dans cette discussion budgétaire : le montant budgété cette année pour la prime pour l'emploi est le même que celui de l'année dernière, exactement le même ! Il n'y a pas un sou de plus dans le budget 2004 que dans le budget 2003. Alors où est le truc ? J'attends vos explications, monsieur le ministre.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a 480 millions de plus !
    M. Henri Emmanuelli. Non !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Relisez le bleu !
    M. Henri Emmanuelli. Regardez le bleu, regardez les voies et moyens ! Il n'y a pas un sou de plus, puisqu'il y a des allocataires en moins ! Autrement dit, avec vous, c'est la triple peine : on est au chômage, on perd la prime pour l'emploi et, comme si cela ne suffisait pas, on ne touchera plus l'ASS. Voilà ce que vous appelez « un budget de justice et de vérité », monsieur le ministre ! Vérité, je ne sais pas pour qui, mais la justice, en tout cas, elle est vraiment aux abonnés absents.
    M. Didier Migaud. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je remercie M. le rapporteur général de reconnaître que le gouvernement précédent avait baissé les impôts. Il ne pourra pas en dire autant pour l'actuel, et, le rendez-vous que nous vous donnons pour l'année prochaine, nous souhaitons que vous puissiez le tenir.
    Il y a une différence de philosophie très nette, monsieur le rapporteur général, entre les baisses d'impôts pratiquées par l'ancienne majorité et celles que vous soutenez aujourd'hui. Pour notre part, outre la réduction de l'impôt sur le revenu, nous avons également créé la prime pour l'emploi et fait baisser la TVA ; autrement dit, tous les Français étaient concernés. Vous aviez d'ailleurs suffisamment insisté, dans la majorité de l'époque, pour que les Français puissent profiter de la croissance retrouvée, car l'ancien gouvernement avait su conforter la croissance, ce que vous ne faites pas. Vous nous enviez la croissance en disant qu'elle était plus forte sous le gouvernement précédent. Eh bien, oui, mais nous y avons peut-être un peu contribué.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Non !
    M. Didier Migaud. Nous le pensons en tout cas. Quant à vous, vous ne faites que pénaliser l'ensemble de nos concitoyens, ce qui explique que vos résultats en matière de consommation, de croissance, ne sont pas bons.
    Monsieur le ministre, j'avoue avoir été stupéfait lorsque vous vous êtes emportés contre nous, ce qui n'est pas votre habitude,...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous m'aviez interrompu !
    M. Didier Migaud. ... et que vous nous avez dit : « Vous êtes contre le travail ! » Comment pouvez-vous dire cela ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous étiez quatre ou cinq à m'interrompre !
    M. Didier Migaud. Cela est infamant, et je le ressens comme une injure. Comment pouvez-vous dire que, pour nous, le travail n'est pas un valeur ?
    M. Eric Woerth. Vous le démontrez tous les jours !
    M. Didier Migaud. Le gouvernement de Lionel Jospin est celui qui a contribué à la création de deux millions d'emplois en cinq ans. C'est celui qui a fait le plus reculer le chômage : 950 000 chômeurs en moins ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour le moment, le résultat visible de votre action, c'est un chômage qui augmente.
    M. Michel Bouvard. Il a commencé à augmenter en 2001 !
    M. Didier Migaud. Comment pouvez-vous nous reprocher ce bilan, alors que le vôtre, pour le moment, est extrêmement négatif ? Nous sommes pour la valeur travail, mais nous souhaitons que celui-ci puisse s'exprimer dans des conditions particulières et nous sommes pour des avancées sociales, ce que vous refusez conformément à ce qui est la tradition de la droite depuis toujours. Vous n'avez pas le droit de dire que nous sommes contre le travail !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si vous ne m'interrompez pas, vous n'aurez pas d'ennui avec moi !
    M. Didier Migaud. D'ailleurs, je crois que vous ne le pensez pas.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si !
    M. Didier Migaud. Vous ne pouvez pas le penser, parce que vous êtes quelqu'un d'honnête. J'estime que vous vous êtes laissé emporter. Nous ne pouvons pas accepter une telle accusation ! Le travail est une valeur universelle que nous entendons défendre, mais il est légitime que nous souhaitions que cette valeur puisse s'appliquer à tout le monde. Agissez contre le chômage, plutôt que de réhabiliter le travail !
    M. Franck Gilard. C'est de la rhétorique !
    M. Didier Migaud. Or, toute votre politique n'a strictement aucune conséquence sur le chômage. Ou plutôt, elle a pour conséquence de l'aggraver et de casser la consommation. Ce n'est pas l'impôt sur le revenu qui est le moteur de la croissance, monsieur le rapporteur général. Comment pouvez-vous dire cela ? C'est la consommation qui a tiré la croissance ces dernières années. Et vous ne faites que la restreindre, la casser, la briser ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la vérité. Vous aviez fait le pari de 2,5 % de croissance, elle va tendre vers zéro ! Comment pouvez-vous dire que votre politique a pour conséquence de conforter la croissance ?
    M. Franck Gilard. Qu'avez-vous fait de la croissance ?
    M. Xavier Bertrand. Vous l'avez gaspillée, gâchée !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Migaud !
    M. Didier Migaud. Nous avons soutenu certaines politiques publiques. Nous avons contribué à la réduction des prélèvements obligatoires, à la création de deux millions d'emplois, à la diminution du nombre de chômeurs de 950 000. Voilà tout ce que nous avons fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Marc Laffineur. Et les Français ont choisi !
    M. Didier Migaud. Pour le moment, sur aucun de ces points vous ne pouvez afficher des résultats plus positifs que les nôtres. Nous sommes tout à fait favorables à ce débat avec vous. Le bilan se fera au bout de cinq années, comme l'a dit Francis Mer, mais il est bon que nous ayons un bilan d'étape chaque année. A ce moment-là, nous verrons le chemin parcouru. Le gros problème, c'est que vous nous faites faire de sacrés retours en arrière !
    M. Franck Gilard. Cela s'appelle un examen de conscience !
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Je voudrais rappeler quelques données simples. D'abord, l'impôt sur le revenu concerne 17,5 millions de foyers, et non de personnes, c'est-à-dire en réalité la grande majorité des Français.
    M. Henri Emmanuelli. Non, la moitié !
    M. Daniel Garrigue. Cela ne concerne pas qu'une minorité de privilégiés. Ensuite, il est intéressant de savoir ce que représentent ceux qui paient l'impôt sur le revenu sur l'ensemble des actifs. En effet, toute personne qui travaille entre très vite dans le barème de l'impôt sur le revenu. Un couple de smicards, par exemple, est concerné par l'impôt sur le revenu. Pour lui, une baisse de cet impôt ce n'est pas une petite affaire, c'est quelque chose de très important, de très significatif. Or, si cette baisse n'était que de 1 %, comme vous le proposez, monsieur Bayrou, cela reviendrait à ne rien faire, permettez-moi de vous le dire !
    M. Maurice Leroy. Ne dites pas cela, c'est ce qui a été fait l'année dernière !
    M. Daniel Garrigue. Une baisse de 3 % a déjà un caractère symbolique, mais 1 % autant dire que l'on ne touche pas à l'impôt sur le revenu !
    M. François Bayrou. C'est pourtant ce que vous avez fait l'année dernière !
    M. Daniel Garrigue. Eh bien, ce n'était pas suffisant, c'est pourquoi il faut continuer cette année ! Par ailleurs, certains prétendent que la baisse de l'impôt sur le revenu n'aura pas d'incidence sur la consommation. Il est vrai que c'est d'abord un signe donné à ceux qui travaillent, qui prennent des initiatives. Et même si une part va à l'épargne, je vous ferai observer que l'épargne, ce n'est pas forcément de la thésaurisation. L'épargne, cela sert à financer du logement, de l'investissement, donc cela concourt aussi à la reprise de l'activité.
    Enfin, dernier point, des engagements ont été pris lors de la campagne présidentielle. Le Président de la République s'est engagé à baisser l'impôt sur le revenu. Mais M. Jospin s'y était lui aussi engagé ! Alors, si l'on en croit ce qu'il dit aujourd'hui et ce que vous dites ici, cela signifie que M. Jospin mentait pendant la campagne présidentielle. Nous, nous ne mentons pas et nous tenons nos engagements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Bayrou. On va voir !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Je voudrais également dire un mot sur ce problème du travail. J'ai moi aussi ressenti vos propos comme infamants, monsieur le ministre. Personne ici n'a de leçon à donner en la matière, car pour se permettre de donner une telle leçon, il faut avoir des résultats concrets. Or, vous n'en avez pas.
    M. Franck Gilard. Vous non plus !
    M. Jean-Claude Sandrier. Vous avez dit hier : « Nous croyons dans le travail, pas dans l'assistance. » C'est un extraordinaire renversement de situation ! A croire que les assistés sont des coupables, alors que ce sont des victimes. Depuis quelques décennies, la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a cessé de diminuer dans notre pays au bénéfice des revenus du capital. C'est le résultat d'une concurrence prédatrice qui a jeté des gens à la rue. On a essayé de les assister pour qu'ils aient un minimum pour vivre et il a aussi fallu créer des emplois précaires.
    C'est parce que vous n'avez pas choisi le travail que chômage et précarité se sont développés. Aujourd'hui, le résultat concret de cette politique c'est que le chômage augmente. Vous n'avez pas favorisé le travail. Vous avez fait baissé la consommation des ménages. Les prix repartent à la hausse et le pouvoir d'achat stagne. Vous avez freiné l'investissement public. Vous soutenez même aujourd'hui ceux qui veulent faciliter encore plus les licenciements de travailleurs. Ce sont les projets du MEDEF. Vous répétez sans cesse que les coûts salariaux sont trop élevés et vous acceptez ce raisonnement. Le directeur de MBDA à Bourges me demandait récemment : « Comment voulez-vous que je fasse ? Mes actionnaires me demandent un rendement de 15 %. Il faut que j'y arrive ! » Sans doute y a-t-il un problème de compétition et de concurrence derrière cela. Mais atteindre cet objectif avec une croissance de 1 % et une inflation de 2 %, c'est casser le travail ! Rendre le territoire attractif, pour vous, apparemment, ce n'est pas rémunérer le travail ; c'est assurer l'augmentation des dividendes ! Voilà pourquoi vous contribuez à casser le travail, même si c'est malgré vous.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Je ne pensais pas intervenir, mais je souhaite rappeler quelques éléments. Nous ne pensons pas qu'il y ait des gens contre le travail et des gens pour. Par contre, nous pensons qu'il y a des gens qui encouragent à l'activité et au travail - ceux qui ont une activité comme salariés et font le choix de travailler plutôt que celui de l'assistance, ceux qui créent les emplois - et il y a ceux qui n'y encouragent pas vraiment.
    Je prendrai le seul exemple du revenu minimum d'insertion. Il est vrai que la plupart des gens qui le touchent ne l'ont pas choisi et le vivent comme une déchéance, mais il est vrai aussi qu'en accolant une activité au versement de ce revenu minimum, on rendra de la dignité aux personnes concernées. Là-dessus, nous devrions tous pouvoir nous retrouver.
    Vous avez parlé d'évolution du chômage. Je vous rappelle quelques chiffres simples. Au cours de la dernière année du gouvernement de Lionel Jospin, le nombre des chômeurs a augmenté de 160 000 - personne ne peut contester ce chiffre -, c'est-à-dire pour le moins autant qu'au cours des dix-huit premiers mois de cette législature.
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas une excuse !
    M. Michel Bouvard. Personne n'a à en tirer gloire, mais la progression du chômage n'est pas le résultat de la politique mise en oeuvre depuis dix-huit mois. Elle tient à des facteurs antérieurs. Le chômage augmentait d'ailleurs plus vite et la hausse s'est ralentie. Nous devons tous nous en féliciter et trouver ensemble les moyens d'inverser la tendance. J'observe d'ailleurs que nous avons fait le choix - nous y reviendrons lors de la discussion du budget du travail - de créer les contrats jeunes en entreprise - 100 000 ont été signés. Il s'agit d'emplois marchands qui bénéficient d'une aide publique sur l'allégement des charges pour les entreprises, comme l'a dit Pierre Méhaignerie. J'en suis très heureux car je suis de ceux qui pensent que l'allégement des charges et la revalorisation du salaire doivent être des priorités. Nous devrions tous nous retrouver sur le fait que nous devons avoir des indicateurs plus performants pour faire les choix en matière de fiscalité et savoir exactement ce qui provient des taxes ou de l'impôt direct. Les éléments souhaités par le président de la commission des finances seront à cet égard fort utiles.
    Enfin, s'agissant de la hausse des prélèvements, je vous rappelle, chers collègues, qu'entre 1997 et 2002 dix-neuf impôts et taxes nouveaux ont été mis en place, impôts et taxes plus significatifs que ceux qui ont pu être supprimés - je pense aux taxes sur les jeux de boules.
    M. Didier Migaud. Mais non ! Les impôts ont baissé durant cette période ! Gilbert Carrez l'a lui-même reconnu !
    M. Michel Bouvard. En outre, certaines taxes ont atteint des niveaux très importants, à commencer par la taxe générale sur les activités polluantes : 1,6 milliard d'euros ont été détournés des recettes de l'Etat pour financer le FOREC, somme qui aurait sans doute été très utile pour financer les investissements collectifs dont nous regrettons tous la baisse, notamment ceux destinés aux infrastructures de transports en site propre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 254.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je mets aux voix l'amendement n° 254.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   61
Nombre de suffrages exprimés   61
Majorité absolue   31
Pour l'adoption   10
Contre   51

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je mets aux voix l'amendement n° 412.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Henri Emmanuelli s'est inquiété de la rédaction, voire du caractère erroné, du fascicule Voies et Moyens. Je veux lui dire que les règles qui régissent l'élaboration des informations contenues dans ce fascicule n'ont pas changé depuis qu'il était ministre du budget. Je puis donc lui assurer que les informations qui y figurent sont d'une totale sincérité. La revalorisation du barème de la prime pour l'emploi est traduite à la fois en minoration des recettes de l'impôt sur le revenu pour 97 millions d'euros à la page 10, en augmentation des dégrèvements et restitutions pour 263 millions d'euros. La création d'un acompte de prime pour l'emploi est également traduite pour 120 millions d'euros à la rubrique « dégrèvements et restitutions », et le total atteint bien 480 millions d'euros.
    M. Henri Emmanuelli. Mais je vous parle de coût, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous voyez, vous ne me laissez pas finir ! Vous vous plaignez de mes remarques désagréables, mais avec vous on ne peut pas finir la moindre phrase !
    L'évaluation des dépenses fiscales, retracée dans le tome II des Voies et Moyens, ne prend traditionnellement en compte que les seules mesures votées - la règle n'a pas changé depuis que vous étiez ministre du budget. C'est la raison pour laquelle la dépense de 2004 est, à ce stade, d'un montant identique à celle de 2003. Je puis vous assurer, monsieur Emmanuelli, que les règles d'élaboration de ce fascicule sont constantes et qu'elles étaient les mêmes au moment où vous exerciez les fonctions que j'ai l'honneur d'assumer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je voudrais simplement rappeler aux membres de la commission des finances que l'examen des crédits de la fonction publique et de la pêche va avoir lieu maintenant en commission.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

    M. le président. Par lettre du 6 octobre 2003, M. le Premier ministre a informé M. le président que la mission temporaire précédemment confiée à M. Michel Hunault, député de la Loire-Atlantique, prenait fin le 15 octobre 2003.

3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du jeudi 16 octobre 2003
SCRUTIN (n° 325)


sur l'amendement n° 254 de M. Bonrepaux à l'article 2 du projet de loi de finances pour 2004 (barème de l'impôt sur le revenu).

Nombre de votants

61


Nombre de suffrages exprimés

61


Majorité absolue

31


Pour l'adoption

10


Contre

51

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 40 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 3. - M. Henri Emmanuelli, Mme Elisabeth Guigou et M. Michel Pajon.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    M. Henri Emmanuelli, Mme Elisabeth Guigou et M. Michel Pajon, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « pour ».