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Deuxième séance du jeudi 6 novembre 2003

52e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004
DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

      INTERIEUR

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité intérieure et la gendarmerie.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité intérieure et la gendarmerie. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, on dit qu'un bon budget traduit une politique. À cet égard, le vôtre est exemplaire. La politique à suivre nous a été dictée par le vote de nos concitoyens en 2002. Nous l'avons définie en adoptant la LOPSI, il y a dix-huit mois, et nous la concrétisons chaque année au fil des budgets.

Notre politique commence à produire ses effets. Votre action, monsieur le ministre, enregistre ses premiers résultats sur le terrain de la lutte contre la délinquance. Ce constat illustre tout autant l'ampleur du découragement qui affectait nos forces de police avant le printemps 2002, que votre capacité à motiver les troupes et l'ensemble du personnel en leur fixant des objectifs clairs.

Les statistiques de la délinquance mettent en évidence le changement de climat. Alors que la délinquance avait accusé une hausse de 4,8 % entre janvier et avril 2002, elle a commencé à reculer dès la fin de l'année dernière. Les résultats du premier semestre de 2003 confirment cette tendance positive puisque, pour la première fois, le nombre des faits objectivement constatés a reculé d'une période à l'autre. La baisse est surtout sensible pour la délinquance sur la voie publique, 10,2 %, celle qui traumatise le plus nos concitoyens.

D'autres indicateurs viennent corroborer l'efficacité de votre politique. Ainsi, le taux d'élucidation, autrement dit l'action des forces de police et de gendarmerie, a progressé de 9,9 %, ce qui est tout à fait significatif. Ces chiffres très encourageants nous incitent à poursuivre avec la même détermination l'action engagée. Le projet de budget pour 2004 témoigne de cette détermination, puisque les engagements pris sont tenus.

Le projet de budget met en œuvre la deuxième tranche de la LOPSI, avec la création de mille emplois et une enveloppe financière de plus de 246 millions d'euros, tant en dépenses de fonctionnement qu'en capital. En 2004 comme en 2003, votre budget, monsieur le ministre, est donc en parfaite cohérence avec la LOPSI.

S'agissant de la gendarmerie, si les créations d'emplois sont parfaitement en phase avec la LOPSI, il n'en va pas tout à fait de même pour les crédits d'équipement. Il est vrai que cette dernière ne prévoyait aucun calendrier contraignant d'exécution. Cependant, il ne faudrait pas laisser s'instiller l'idée que police et gendarmerie évoluent de manière divergente. Nous serons donc très attentifs, en particulier pour le budget de 2005, à ce que les crédits du ministère de la défense évoluent parallèlement.

Globalement, le budget de la police pour 2004 s'élèvera à 5 763 millions d'euros, soit une augmentation de 5,8 % par rapport à 2003. Sans entrer dans les détails, je voudrais en présenter rapidement les grandes lignes de force.

En matière de personnels, il prévoit la création de 1 000 emplois nouveaux, dont 740 gradés et gardiens et 240 personnels administratifs, scientifiques et techniques. Ces personnels techniques, en particulier, seront très précieux pour renforcer la police scientifique, élément majeur en matière d'élucidation. Est également prévue la pérennisation, au niveau élevé de 11 300, des adjoints de sécurité qui, désormais, pourront être embauchés sur des contrats de cinq ans.

En ce qui concerne les mesures catégorielles, je tiens à souligner la provision de 5,8 millions d'euros destinée à procéder au rachat d'astreintes, mais cela ne sufira pas à régler le problème. De même, 5,8 millions d'euros en faveur des gradés et gardiens viendront nourrir le débat qui doit intervenir avec eux sur l'amélioration de leurs conditions statutaires.

Mme Lucienne Bui Trong, qui sait de quoi elle parle puisqu'elle a exercé le métier de commissaire de police, insiste "sur la difficulté qu'il y a à assumer une fonction d'autorité dans une société qui, ouvertement, fortement, parfois violemment, récuse toute notion d'autorité." Policier est un dur métier. Il convient donc de témoigner à ceux qui l'ont choisi de la reconnaissance, sous la forme également d'une gratification financière.

Les crédits de fonctionnement de votre ministère augmenteront de près de 11 % en 2004. Ils permettront en particulier d'achever l'équipement des policiers en gilets pare-balles et d'engager le renouvellement de leur armement individuel et de leur tenue, deux programmes qui s'étaleront sur trois ans.

Dans le domaine de l'immobilier, si les autorisations de programme restent stables, les crédits de paiement augmenteront de 15 % pour poursuivre la mise en œuvre du programme ambitieux défini par la LOPSI : achèvement des grands projets immobiliers, immobilier de la Préfecture de police, augmentation des capacités des écoles qui fonctionnent à plein actuellement, accroissement des capacités d'hébergement des CRS en Ile-de-France.

Toujours sur le strict plan budgétaire, le budget de la sécurité civile témoigne de l'effort considérable consenti par le Gouvernement dans ce domaine. La progression des crédits est sensible, avec une augmentation de 14,9 % pour les autorisations de programme. Je tiens surtout à insister sur le renforcement des moyens du groupement des moyens aériens dont la nécessité est apparue évidente après les événements de l'été dernier, et sur le doublement des crédits de paiement en matière d'équipement immobilier de la sécurité civile. Je remarque en particulier un élément extrêmement important pour les départements avec l'augmentation des crédits d'investissement alloués aux SDIS. Cette enveloppe, créée en 2003, sera sensiblement renforcée en 2004 puisqu'elle passera de 45 millions à 54 millions d'euros, soit 20 % de hausse.

Outre ce budget pour 2004, vous avez fait, monsieur le ministre, plusieurs annonces importantes concernant la sécurité civile, en particulier sur le volontariat des sapeurs-pompiers. Ces mesures trouveront leur traduction dans le prochain projet de loi relatif à la sécurité civile dont le Parlement discutera dans les prochains mois.

Au-delà des éléments budgétaires, je veux appeler l'attention sur des réformes très intéressantes, la première étant la rationalisation des zones de compétence respective de la police et de la gendarmerie. Cette politique avait été, il est vrai, initiée par le précédent gouvernement, mais de manière extrêmement timide puisque les mesures prises n'avaient concerné que 210 000 habitants. Pour donner une idée de l'importance relative, les dispositions que vous nous proposez concernent 1 750 000 habitants. C'est dire que nous changeons d'échelle, que nous nous donnons les moyens de réussir. On nous affirmait que ce n'était pas possible, que cela provoquerait des réactions hostiles. Tout cela se fait, finalement, de manière cohérente, négociée et positive.

Une autre réforme tout à fait intéressante que vous avez initiée en tant que responsable de l'action des forces de gendarmerie, est constituée par la montée en puissance des communautés de brigades. Celles-ci sont maintenant attendues dans le monde rural. Je crois que chacun a compris que la création de ces communautés de brigades, un peu comparables à nos communautés de communes, était la condition de l'efficacité, de la présence opérationnelle, notamment la nuit, en particulier des gendarmes. Là aussi, l'évolution s'est opérée de manière concertée mais ambitieuse, et elle est jugée très satisfaisante.

Toujours dans une perspective de réforme, vous procédez au renforcement des unités de police judiciaire. J'insiste sur un aspect caractéristique de votre politique, qui est l'augmentation du nombre d'officiers de police judiciaire parmi les gradés et gardiens. Au titre du budget pour 2004, seront ainsi créés 2 000 nouvelles qualifications d'OPJ. C'est un élément positif de reconnaissance aussi pour le corps des gradés et gardiens.

Au-delà de ces réformes strictement policières, je me permets d'insister sur le fait que votre projet de budget s'inscrit également dans le cadre plus large de la réforme de l'État. Ainsi la recherche de synergies toujours plus nombreuses entre la police et la gendarmerie me semble extrêmement intéressante. Chacun doit, bien sûr, garder son statut, mais l'essentiel n'est pas le statut, c'est le métier : policiers et gendarmes font le même travail. Ils sont quotidiennement confrontés aux mêmes difficultés. Il faut donc renforcer les synergies entre ces deux corps.

Fort de vos attributions s'agissant de l'emploi de la gendarmerie, vous avez entrepris de décloisonner les rapports entre les deux administrations de la police et de la gendarmerie. J'ai eu l'occasion, dans le cadre d'un rapport d'information, d'apprécier l'efficacité des GIR au sein desquels l'osmose entre policiers et gendarmes s'opère de manière naturelle et positive, chacun appréciant la découverte mutuelle.

Des synergies sont également recherchées en matière de formation et de passation de marchés communs à la police et à la gendarmerie. À cet égard, l'acquisition du nouveau pistolet automatique est exemplaire, puisqu'il s'agit d'un marché unique pour équiper la police, la gendarmerie et les douanes. Son importance considérable, puisqu'il porte sur 271 000 armes individuelles, a permis d'obtenir, grâce à l'effet de masse, des tarifs appréciables pour les deniers publics. C'est désormais d'un seul et même type d'arme individuelle que seront dotés policiers et gendarmes. En soi, c'est déjà une petite révolution !

La LOPSI a également prévu des procédures permettant de mettre en œuvre le partenariat entre public et privé en matière immobilière. Il s'agit, là encore, d'une des grandes réformes de l'État dans laquelle votre ministère fait figure de pionnier. Un tel partenariat est indispensable si nous voulons relever le défi immobilier. Il peut en effet apporter beaucoup, non seulement en termes financiers, mais aussi au regard des délais. Nous ne tiendrons, en effet, les délais de réalisation de nos projets immobiliers, tant pour la police que pour la gendarmerie, que si nous faisons appel, dans une proportion qui reste à définir, au secteur privé.

Or, alors même que votre ministère, celui de la défense et celui du budget, étaient tout à fait en phase, je suis au regret de constater que, dix-huit mois après l'adoption de la LOPSI, qui date du mois d'août 2002, le décret d'application de cette disposition n'est toujours pas sorti. Il est regrettable que des intérêts catégoriels, en l'occurrence ceux des architectes, retardent une opération d'intérêt général très attendue par les forces. Dans quelques années, nous aurons à rendre compte de nos réalisations immobilières. Il faudra bien parvenir à surmonter ces intérêts catégoriels pour conduire à son terme cette logique réformatrice qui concerne tout autant la police et la gendarmerie que l'État lui-même.

Votre ministère a également expérimenté une procédure tout à fait intéressante et stimulante avec le rachat de jours de RTT. Cette opération, lancée l'an dernier, a recueilli l'agrément des syndicats. Elle est maintenue, amplifiée même, puisque les CRS ont donné leur accord pour le rachat de seize jours de RTT.

D'autres administrations - particulièrement les hôpitaux - devraient s'intéresser à cette initiative. Cela permettrait peut-être de résoudre certains de leurs problèmes.

Je me réjouis aussi de voir cette année votre ministère en première ligne dans le débat sur la rémunération au mérite de ses fonctionnaires, débat général, débat interministériel, que vous avez su prendre à bras-le-corps. Je me félicite que vous ne l'ayez pas confiné à l'encadrement supérieur, mais que vous l'ayez étendu à l'ensemble des équipes. Votre idée, judicieuse, consiste à définir des objectifs pour ces dernières, à déterminer et à quantifier les résultats sur lesquels elles seront jugées, afin de récompenser légitimement leurs membres de manière visible, transparente et équitable.

Il s'agit d'une réforme intéressante, parce qu'elle nous fournit l'occasion d'introduire la culture du résultat dans le monde de la police et, demain aussi, je l'espère, dans celui de la gendarmerie.

Je ne voudrais pas terminer ce volet consacré à la réforme de l'Etat, touchant votre ministère et votre budget, sans évoquer la mise en œuvre de la LOLF qui sera notre véritable constitution financière pour l'avenir. Ne laissons pas passer cette occasion de rationaliser l'action de l'Etat.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité intérieure. Très bien !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. La commission des finances a eu l'occasion de dire à Mme la ministre de la défense, lors d'une récente audition, que la constitution d'une mission interministérielle Sécurité intérieure, comportant un programme Police et un programme Gendarmerie clairement individualisés, était indispensable et s'inscrivait parfaitement dans la logique de la loi organique.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. La dilution de la gendarmerie dans divers programmes militaires constituerait un recul en matière d'information du Parlement...

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Eh oui !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. ...et menacerait l'unité de gestion de cette arme, puisque, dans cette hypothèse, le directeur général de la gendarmerie ne serait même pas gouverneur de ses propres crédits.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Excellent, monsieur le rapporteur !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Il en résulterait une dilution de la direction des moyens, qui serait préjudiciable à la direction opérationnelle de la gendarmerie.

En conclusion, je ne vous étonnerai pas, monsieur le ministre, en annonçant que la commission des finances a adopté les crédits de la police et de la sécurité civile. Elle souligne l'effort que vous faites pour respecter les engagements pris durant l'été 2002 lors du vote de la LOPSI. Elle salue également les efforts que vous avez entrepris de manière déterminée pour faire de votre budget un exemple de la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité intérieure.

Monsieur Leonard, je suis heureux de vous saluer.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité intérieure. Merci, monsieur le président. C'est un plaisir largement partagé.

Monsieur le ministre, disons-le d'emblée, les crédits pour la sécurité intérieure inscrits dans votre projet de budget pour 2004, justifient notre entière approbation.

En effet, tant par leur ampleur que par leur affectation, les moyens donnés à la Police nationale pour remplir ses missions sont à la hauteur des ambitions affichées dès l'été 2002 par votre gouvernement et approuvées par notre assemblée, pour vaincre durablement le fléau de l'insécurité.

Ces moyens renforcés sont la réponse fidèle aux engagements pris par le Président de la République et par la majorité parlementaire devant le peuple français. Ces engagements ont été consacrés par la LOPSI du 29 août 2002 et mis en œuvre dès le budget de 2003 avec une rigueur sans précédent, qui a ébloui même les plus sceptiques d'entre nous.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il en faut !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Le remarquable élan ainsi créé l'an dernier se poursuivra sans faiblir en 2004 et, soyons-en certains, dans les années qui suivront.

Ces efforts sont d'autant plus méritoires, que, comme chacun le sait, ils s'inscrivent dans un contexte budgétaire particulièrement contraignant. Je ne reprendrai pas ici, dans le détail, les montants dédiés aux différents postes budgétaires, puisque ces chiffres sont précisément exposés et commentés dans le rapport pour avis que j'ai rédigé au nom de la commission des lois.

Je tiens au passage à remercier le président Pascal Clément pour sa bienveillante attention ("Très bien !" sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Robert Pandraud. Il le mérite !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. ...et mes collègues de la commission de leur estimable confiance.

J'évoquerai seulement et brièvement l'évolution des effectifs qui suscite une attente légitime des services concernés et de très nombreux élus locaux.

La loi de programmation, rappelons-le, prévoit la création de 6 500 emplois dans la police, dont 4 500 postes dits actifs, encore que le terme de postes opérationnels conviendrait mieux, et 2 000 postes de personnels administratifs, techniques ou spécialisés, que je proposerai de désigner par les termes de personnels administratifs et de soutien.

Le projet de budget pour 2004 préconise la création de 1 000 emplois, après les 1 900 emplois décidés en 2003. Ce rythme soutenu mérite d'être salué.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Très bien !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Toutefois, pour en mesurer la réelle portée, mes chers collègues, il convient de l'apprécier au regard des lourdes incidences de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, dite ARTT, d'une part, et, d'autre part, des départs massifs en retraite qui ont plus que doublé en 2003 par rapport à 1995.

Pour ce qui est de la gendarmerie, dont les crédits figurent dans le budget de la défense - notre collègue Marc Le Fur l'a rappelé -, mais qui ont fait l'objet d'un engagement commun dans le cadre de la LOPSI, l'effort en matière de création d'emplois, même s'il est plus étalé sur la durée, est équivalent à celui de la police.

Sur les 7 000 postes programmés en cinq ans, 1 200 sont projetés pour 2004, après les 1 200 créés en 2003.

S'agissant des personnels, policiers et gendarmes, il est évident que leur efficacité ne dépend pas uniquement de leur nombre, vous l'avez souvent rappelé, monsieur le ministre, mais aussi de l'organisation des services dans lesquels ils évoluent, de la manière dont ils sont dirigés et animés - cela est très important à mes yeux - et, bien sûr, des moyens matériels et juridiques mis à leur disposition.

Cette efficacité est aussi largement conditionnée par la manière dont ils sont considérés.

Les mesures catégorielles et indemnitaires qui, pour le budget de la police, s'élèvent à 28 millions d'euros, participent de cette considération et de cette reconnaissance. Elles correspondent essentiellement à l'engagement de la première tranche de la réforme d'ensemble des corps et carrières.

Il convient de vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir crédité cette action indispensable dont les principes avaient été posés par la LOPS de 1995. Mais est-il besoin de le rappeler ?

Cette réforme doit être rapidement achevée, car il y va de l'efficacité de l'institution policière et de la mobilisation durable de ses fonctionnaires. Je ne m'attarderai pas sur ce sujet, pourtant important, me permettant de vous renvoyer, là encore, mes chers collègues, au texte de mon rapport dans lequel j'y consacre quelques développements.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est un rapport remarquable !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Vous l'avez lu, monsieur le président ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Bien entendu ! J'espère que vous n'en doutiez pas !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Ce compliment me va droit au cœur.

M. le président. Votre rapport, monsieur Leonard, est sur la table de chevet de M. Clément et il le lit tous les matins ! (Sourires)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Vous devriez le lire aussi, monsieur le président ! Je pense qu'il est assez instructif. De nombreux collaborateurs de la commission des lois y ont contribué avec beaucoup de talent et je tiens à les en remercier.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons eu ce rapport très tard !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Au total, en 2004 - cela a été dit, mais il est tellement agréable de le rappeler que je ne saurais m'en priver ! -, les moyens de la police nationale dépasseront 5,76 milliards d'euros, soit une hausse de 5,75 %, après une progression de 5,8 % en 2003.

Ainsi, sur les deux premières années de la loi de programmation quinquennale, 55 % de l'enveloppe globale auront été engagés, ce qui est considérable, mais, pour autant, pas excessif, eu égard à la situation fort dégradée dont nous avons hérité au printemps 2002.

M. Jean Roatta. Eh oui ! A qui la faute ?

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Il convient, mes chers collègues, dans ce rapide commentaire des crédits de la sécurité intérieure, de dire un mot des moyens consacrés à la gendarmerie et, en particulier, de tenter d'évaluer, pour ce qui les concerne, la mise en œuvre de la LOPSI, comme nous l'avons fait pour la police.

Il faut dire que l'exercice est moins aisé que pour la police, du fait de réelles difficultés - et je tiens à le dire publiquement en présence du président de notre assemblée - à obtenir des réponses claires et précises du ministère de la défense aux questions posées par votre rapporteur.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Très bien !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Cela risque d'être encore plus difficile, voire impossible, si la nouvelle présentation budgétaire projetée par ce ministère en application de la LOLF est, en définitive, retenue. J'y reviendrai.

Notons pour l'instant que les crédits de la gendarmerie pour 2004, qui relèvent donc du budget de la défense nationale, s'élèvent à 4,34 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2003 année au cours de laquelle ils avaient déjà connu une remarquable progression de 8,4 %.

Resitué dans le cadre de la LOPSI, ce budget appelle les remarques suivantes.

Si, comme je l'ai déjà indiqué, en ce qui concerne les crédits de personnels, le rythme des créations d'emplois est satisfaisant, l'évolution des crédits de fonctionnement est assez modeste, avec une progression de 1,7 % par rapport à 2003.

Plus préoccupant au regard des objectifs de la LOPSI est le retard manifeste pris par les crédits d'équipement retracés aux titres V et VI.

La programmation prévoit dans ce domaine, qui concerne en particulier l'important dossier de l'immobilier, une affectation de 1 020 millions d'euros sur cinq ans, soit un peu plus de 200 millions d'euros en moyenne annuelle. Or, en 2003, seulement 94 millions d'euros de crédits de paiement ont été ouverts, associés à 182 millions d'euros d'autorisations de programme.

En 2004, pour la deuxième année de la programmation, le montant des crédits de paiement - mesures nouvelles - sera reconduit à 94 millions d'euros, soit à peine la moitié de l'objectif moyen. Ainsi, avec 188 millions d'euros de crédits de paiement ouverts sur deux ans, l'objectif quinquennal en matière d'équipement de la gendarmerie, ne sera couvert qu'à hauteur de 18,4 %.

C'est dire combien il faudrait, je dirais même combien il faudra, inverser très fortement la tendance lors des trois prochains budgets si l'on veut approcher les objectifs de la LOPSI. Il conviendra en même temps de rendre plus lisibles les efforts consentis par la gendarmerie en exécution de celle-ci.

La mise en œuvre de la LOLF du 1er août 2001, qui s'appliquera à compter du PLF pour 2006, comme l'a rappelé notre collègue Marc Le Fur, sera une occasion exceptionnelle. C'est pourquoi votre rapporteur, après celui de la commission des finances, approuve fortement le choix d'instaurer, en application de l'article 16 de cette loi, une mission interministérielle Sécurité intérieure, subdivisée en deux programmes, l'un relatif à la police, l'autre à la gendarmerie.

En revanche, si, effectivement, comme les services de la défense nationale l'espèrent - et je n'y reviendrai pas, parce que Marc Le Fur l'a suffisamment répété - les crédits de la police étaient noyés dans des programmes de la défense nationale, cela ferait échec d'une part à l'exigence d'évaluation qui s'attache à la mise en œuvre de la LOPSI et, d'autre part, à notre capacité, à nous, parlementaires, de contrôler l'action de l'exécutif.

Comme vous le savez, mes chers collègues, alors que la criminalité et la délinquance n'ont cessé de progresser très fortement entre 1998 et 2003, la tendance s'inverse de façon très significative depuis le deuxième semestre de 2003.

Il est clair que le coup d'arrêt ainsi donné à la dérive de la délinquance...

M. Jean-Pierre Blazy. C'est faux !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis....est le fruit de l'effort de dissuasion dû à la mobilisation des policiers et des gendarmes. Il faut donc leur rendre un hommage solennel pour le formidable travail accompli.

Il convient aussi de vous témoigner, monsieur le ministre, notre reconnaissance pour votre extraordinaire efficacité dans la mise en œuvre de cette nouvelle politique pour la sécurité de tous les Français. Votre énergie, votre courage et votre talent en sont à la source et entretiennent - le deuxième terme est plus exigeant que le premier ! - la remobilisation des forces de sécurité.

Ces hommes et ces femmes, au service de cette belle cause républicaine, ont donné et donnent beaucoup d'eux-mêmes. Nous nous devons de leur offrir, dans les meilleurs délais, les moyens de leur action, prévus dans la LOPSI. C'est ce que vous faites, en particulier au travers de l'excellent budget qui nous est soumis.

C'est pourquoi nous le voterons avec confiance, reconnaissance et espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.

M. le président de la commission des lois, va sans doute vous écouter avec attention.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile. Monsieur le président, je suis persuadé que M. Clément a aussi mon rapport comme second livre de chevet !

M. Patrick Braouezec. Vous pourriez varier un peu vos lectures !

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, paysages de désolation, forêts calcinées, vies brisées, tel est le terrible bilan de cet été meurtrier qui a vu s'embraser, une fois de plus, le sud-est de la France.

Rappelons que cette année 2003, avec ses 60 000 hectares calcinés, est la pire depuis 1973, date à laquelle débutent les statistiques nationales dans ce domaine.

Une fois encore, les personnels de la sécurité civile ont bravé le danger. Ils ont mené de périlleuses batailles avec courage sans économiser leur énergie. Une fois encore, certains d'entre eux ont payé ce dévouement de leur vie. La perte des douze sapeurs-pompiers volontaires, militaires ou professionnels, est d'autant plus insupportable que l'origine criminelle de nombreux incendies ne fait plus de doute aujourd'hui.

Pour la deuxième année consécutive, il m'appartient de vous rapporter l'avis de la commission des lois sur les crédits du ministère de l'intérieur accordés à la sécurité civile.

Avant d'entrer dans des considérations techniques, je précise toutefois qu'avec 337 millions d'euros - soit 3 % des crédits du ministère de l'intérieur et un peu plus de 1 % de ses effectifs budgétaires -, le présent budget est peu représentatif des moyens consacrés à la sécurité civile.

En effet, depuis que celle-ci est devenue - et c'est heureux - une cause nationale, de nombreux ministères assurent le financement de missions de prévention des risques qui s'exercent sous leur responsabilité. Par ailleurs, ce sont les collectivités territoriales qui, pour l'essentiel, financent les services de secours, leur contribution aux services départementaux d'incendie et de secours étant évaluée à 2,9 milliards d'euros en 2003.

En conséquence, le budget consacré à la sécurité civile par le ministère de l'intérieur, que nous étudions aujourd'hui, correspond principalement au fonctionnement des moyens de secours nationaux que sont la direction de la défense et de la sécurité civiles, les unités militaires d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, la base d'avions, le groupement d'hélicoptères, les centres de déminage, les établissements de soutien opérationnel et logistique et les états-majors de zones.

Les crédits de la sécurité civile inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 représentent ainsi 337 millions d'euros, soit une augmentation de 4 % en crédits de paiement. Après l'augmentation significative de l'année dernière, je constate que, une fois encore, monsieur le ministre, les engagements que vous aviez pris ont été tenus.

Ce budget s'inscrit dans la continuité de celui de l'année 2003. Grâce à une augmentation significative, celui-ci a permis de développer les moyens techniques de la sécurité civile, de créer un fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'intervention et de secours, mais aussi, en prévision de l'avenir, de permettre à la sécurité civile de s'adapter aux nouvelles menaces dites NRBC, c'est-à-dire nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques.

Environ 38 % de ces 337 millions d'euros du budget 2004 sont consacrés aux dépenses de personnels et de fonctionnement ; 34 %, à la participation de l'État au financement des services de secours de la ville de Paris et à la subvention des services d'incendie et de secours - principalement par l'intermédiaire du nouveau fonds d'investissement - et 23 %, à l'investissement.

La direction de la défense et de la sécurité civiles compte quelque 2 500 personnes réparties entre la direction centrale et les services opérationnels que sont les unités militaires, les moyens aériens, le service de déminage, les états-majors de zones et les établissements de soutien opérationnel.

En termes d'effectifs budgétaires, ce projet de budget prévoit la création de seize emplois au profit du groupement d'hélicoptères, la transformation de huit autres permettant le remplacement de quatre pilotes et de quatre mécaniciens, la transformation de soixante-dix emplois de soldats volontaires affectés aux unités militaires en soixante emplois d'engagés.

Les crédits affectés aux personnels représentent 93 millions d'euros et les moyens de fonctionnement des services, 33 millions d'euros. Cependant, la participation de l'État aux dépenses des services d'incendie de la ville de Paris, qui se monte à 69 millions d'euros, se voit majorée afin que le plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris puisse être poursuivi. Là encore, les engagements qui avaient été pris ont été tenus.

Enfin, l'Institut national d'études de la sécurité civile, au sein duquel est organisée la formation des officiers, disposera d'une mesure nouvelle de 1,3 million d'euros, l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers étant, en outre, en cours de modernisation.

Les crédits d'intervention publique représentent 14 millions d'euros, dont 83 % sont consacrés aux pensions et indemnités versées aux sapeurs-pompiers victimes d'accidents.

Les investissements exécutés par l'État représentent 76,5 millions d'euros, dont 70 % sont affectés à la maintenance des aéronefs. Les moyens alloués aux équipements immobiliers permettront notamment de moderniser les sites de déminage, les équipements des unités militaires ainsi que les structures d'accueil des nouveaux hélicoptères, dont dix-neuf - sur les trente-deux qui ont été commandés à la société Eurocopter - devraient être livrés avant la fin de l'année.

Les crédits inscrits au titre VI, concernant les subventions d'investissement, sont la traduction budgétaire du dispositif adopté en loi de finances pour 2003 et portant création d'un Fonds d'investissement des services départementaux d'incendie et de secours. Doté de 45 millions d'euros en crédits de paiement, ce fonds est porté à 54 millions d'euros en autorisations de programme afin de soutenir les programmes d'investissement de ces services.

Enfin, ce budget devrait être complété - ainsi que vous l'avez annoncé, monsieur le ministre, devant la commission des lois - par le projet de loi de finances rectificative. Celui-ci devrait prévoir notamment le remplacement des deux avions Fokker, ainsi que le prépositionnement de moyens nationaux de renfort dès le mois de juin, afin de mieux lutter l'été prochain contre les incendies de forêts.

Au-delà de cet exercice imposé qu'est l'étude strictement budgétaire des crédits de la sécurité civile, je souhaite revenir sur la situation de ces hommes et de ces femmes qui œuvrent tous les jours pour la sécurité de tous.

Pierre angulaire de notre dispositif de secours, le volontariat connaît, depuis plusieurs années déjà, une véritable crise que les dispositions législatives et réglementaires récentes ne sont pas parvenues à enrayer. Ce volontariat, vous avez prévu, monsieur le ministre, de le favoriser. Pour ce faire, vous permettez le recrutement de volontaires dès l'âge de seize ans. Vous voulez faciliter non seulement le déplacement de ces volontaires, mais aussi leur vie quotidienne. Enfin, vous leur accordez la reconnaissance de la nation, puisque, dès le 15 novembre, vingt-huit sapeurs-pompiers recevront, sur votre proposition, l'Ordre national du mérite.

Cette réforme était vivement souhaitée par tous ceux qui luttent quotidiennement contre les incendies de forêts, les catastrophes naturelles, inondations et tempêtes, qui interviennent lors d'accidents de la route, d'accidents de loisirs ou d'accidents domestiques, et plus largement - nous l'avons vu cet été au plus fort de la canicule et nous le verrons cet hiver pendant les grands froids - qui viennent en aide aux plus démunis.

En tant que rapporteur de ce budget, je tiens également à informer la représentation nationale que le projet de loi de modernisation de la sécurité civile est vivement attendu sur le terrain. Il devrait permettre de stabiliser - enfin ! - l'organisation des services de secours et de leurs personnels. J'espère par ailleurs qu'il nous permettra de trancher définitivement les questions liées aux responsabilités de tous les intervenants en termes de prévention, de gestion opérationnelle et de financement.

Nous ne pouvons pas oublier que la sécurité civile est, plus que jamais, partie intégrante de la sécurité des citoyens.

En attendant ce débat parlementaire, je vous demande, mes chers collègues, de tenir compte des perspectives tracées par ce budget en matière de protection des personnes et des biens contre des risques devenus très divers.

Monsieur le ministre, sous la présidence éclairée de M. Pascal Clément,...

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Je dirais même éclairante !

M. Charles Cova. Encore !

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis... la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'intérieur consacrés à la sécurité civile pour l'année 2004. J'invite bien entendu mes collègues à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons pour la deuxième fois entendre M. Marc Le Fur, mais cette fois en tant que suppléant de M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités territoriales.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur, suppléant M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Marc Laffïneur, rapporteur spécial, qui ne peut être des nôtres aujourd'hui, m'a demandé de le suppléer dans la présentation de ce budget.

En 2004, les concours de l'État aux collectivités territoriales devraient s'élever à 59,4 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 1,2 % par rapport aux concours ouverts en loi de finances pour 2003. Il s'agit du second poste de dépenses de l'État et de la deuxième ressource des collectivités territoriales. En moyenne, les dotations de l'État représentent 28,4 % des recettes hors emprunt des communes, 33,6 % de celles des départements et 55,8 % de celles des régions.

Le projet de loi de finances pour 2004, relatif aux concours de l'État aux collectivités territoriales, mérite d'être salué à trois titres.

D'abord, dans un contexte budgétaire difficile, marqué par la stabilisation des dépenses de l'État en volume, le Gouvernement propose de reconduire, en 2004, le contrat de croissance et de solidarité, selon les mêmes modalités d'indexation qu'en 2003.

Ce contrat sera donc indexé non seulement sur l'inflation, mais également, pour un tiers, sur l'évolution du PIB, ce qui permettra d'associer les collectivités territoriales aux fruits de la croissance attendue pour les mois à venir. Cela signifie concrètement que, en 2004, les dotations dites sous enveloppe progresseront de 1,67 %, chiffre supérieur à celui de l'inflation, pour s'établir à 42,5 milliards d'euros. Compte tenu de l'abondement exceptionnel de 96 millions d'euros proposé par le Gouvernement en faveur des dotations de solidarité communale et des ajustements prévus en cours d'exercice, les dotations sous enveloppe s'élèveront, en 2004, à 43,3 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 3,23 % par rapport aux montants ouverts en loi de finances initiale pour 2003.

Au-delà de cet aspect, je souhaite ensuite saluer particulièrement, au nom de Marc Laffineur, la refonte de l'architecture de la DGF que propose le Gouvernement dans les articles 30 à 39 du projet de loi de finances pour 2004.

Cette réforme tant attendue devrait conférer une lisibilité nouvelle à la DGF. Osons dire que ce n'est pas trop tôt ! Celle-ci intégrera désormais diverses compensations d'exonérations fiscales, si bien que sa dotation augmentera de plus de 17 milliards d'euros en 2004. Cette globalisation de la DGF permettra une restructuration et une simplification.

A compter de 2004, pour chaque niveau de collectivité locale, la DGF sera articulée selon un schéma identique, autour d'une dotation forfaitaire destinée à préserver les ressources des collectivités d'une année sur l'autre et d'une dotation de péréquation, ciblée sur les collectivités les plus défavorisées au plan fiscal.

Enfin la globalisation et la simplification de la DGF constituent sans doute les mesures les plus novatrices du projet de loi de finances. Elles permettront d'allouer des moyens financiers nouveaux à la péréquation.

Concrètement, dès 2004, l'augmentation de l'effort de péréquation en faveur des départements se situera entre 6 % et 11 %, et celui qui sera consenti en faveur des régions se situera entre 9 % et 39 %. Il convient toutefois de souligner que, s'agissant des communes, il faudra attendre 2005 pour que ce nouveau mécanisme d'alimentation de la péréquation puisse donner pleinement tous ses effets.

Compte tenu de ces trois éléments que sont la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, la simplification de la DGF et l'effort accru en faveur de la péréquation, le budget 2004 des collectivités territoriales est indéniablement un bon budget.

Toutefois, il convient d'appeler l'attention du Gouvernement sur quatre points.

Le premier concerne le financement de l'intercommunalité.

En 2003, 2 360 groupements étaient constitués, rassemblant près de 30 000 communes et 51 millions d'habitants. Sur ces 2 360 groupements, 934 relèvent du régime de la taxe professionnelle unique, ce qui représente un tiers des communes et 60 % de la population française. Retenons que l'intercommunalité, qui était naguère l'exception, est devenue la norme. Cette situation explique que la dotation d'intercommunalité ait doublé entre 1999 et 2003.

Je tiens toutefois à souligner que l'essor de l'intercommunalité, tel qu'il avait été proposé par le gouvernement précédent...

M. Jean-Pierre Blazy. Merci de le rappeler !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial... a essentiellement privilégié les communautés urbaines au détriment des communautés de communes, comme le démontre le montant des dotations par habitant qui sont allouées. Alors que les communautés de communes jouent un rôle essentiel dans le maillage du territoire rural, elles ont été négligées en termes de dotation financière.

Je rappelle en effet que le montant de la dotation par habitant est de 16 euros pour les communautés de communes sans TPU et de 20 euros pour celles avec TPU, contre 40 euros pour les communautés d'agglomération, c'est-à-dire le double. N'est-ce pas absurde ? Ne conviendrait-il pas de faire évoluer la situation, afin de se rapprocher de l'équité dans le domaine de l'intercommunalité ?

En 2004, alors qu'il semble que l'on soit entré dans une phase d'achèvement de l'intercommunalité, 150 millions d'euros supplémentaires devront être consacrés à la DGF des groupements, laquelle approchera ainsi les 2 milliards d'euros.

Au-delà du fait que cette évolution pénalise la politique de péréquation en faveur des communes, il convient de s'interroger sur les mécanismes de financement de l'intercommunalité.

N'ont-ils pas encouragé les mariages d'intérêts et favorisé une course à l'intégration ? N'est-il pas temps de remettre en cause l'étanchéité actuelle entre la dotation forfaitaire des communes et la DGF des groupements ? Ne conviendrait-il pas enfin, comme cela a dit en commission des finances, de remettre en cause le coefficient d'intégration fiscale, le CIF, ou, tout au moins, de le plafonner ? Quelles sont les réformes envisagées par le Gouvernement en la matière, sachant que le CIF est aujourd'hui un incitateur peut-être excessif à l'intégration de certaines compétences pour lesquelles il n'y a pas nécessairement d'économies d'échelle, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de raison de les intégrer ?

Notre deuxième motif d'interrogation concerne la politique de péréquation communale.

A cet égard la commission des finances considère que trois critères devront être pris en compte dans les modalités d'octroi des dotations de péréquation : le potentiel fiscal, le revenu par habitant et les charges pesant sur les collectivités territoriales.

Le critère du potentiel fiscal est certes faussé par l'obsolescence des bases d'imposition. Toutefois, il conserve un intérêt indéniable pour comparer les collectivités entre elles, sauf sans doute pour les petites communes rurales qui souffrent de l'érosion de leur population et, de ce fait, se voient confrontées à une hausse de leur potentiel fiscal.

Quant au revenu par habitant, il doit être au cœur des critères d'attribution des dotations de péréquation, afin de concentrer les efforts de l'Etat sur les collectivités les plus nécessiteuses. Le recensement général de 1999 permet de disposer désormais d'un outil parfaitement adapté pour la comparaison entre collectivités, si bien que la prise en compte du revenu par habitant est techniquement opérationnelle.

Il conviendra, enfin, troisième critère, de tenir compte des charges pesant sur les communes, notamment en milieu rural.

Les communes rurales sont en effet confrontées à des charges spécifiques, liées à la gestion de l'espace rural et à l'entretien des routes. Ces charges fixes obèrent en grande partie leur budget, sans faire l'objet pour autant d'une compensation spécifique, alors que, par définition, ce type de dépenses a vocation à profiter à tous, et non pas seulement aux habitants des communes concernées. Elles méritent donc un effort accru de péréquation.

Je souligne enfin, au nom de Marc Laffineur, que la révision des mécanismes de répartition de la DGF doit aboutir à mettre en place une gestion régionale, afin de mettre un terme à une gestion trop centralisée, depuis Paris, et exagérément opaque. Tant que pareille gestion perdurera, l'allocation des dotations de l'Etat ne pourra pas tenir compte des spécificités du terrain. Cette gestion régionale ne doit pas être crainte, car elle ne bouleverse pas les modalités de répartition et elle permettra de renforcer les prérogatives du Parlement.

Dans le cadre de cette réforme, le Parlement serait appelé à se prononcer sur un montant global de DGF, réparti entre les régions selon des critères objectifs et simplifiés, prenant notamment en compte le revenu par habitant, que j'évoquais il y a un instant, et les ressources fiscales de l'ensemble des collectivités d'une région. Puis, une fois cette enveloppe adoptée et ventilée, un comité des finances locales régional, regroupant des élus locaux des différents niveaux de collectivités, se prononcerait, selon des critères objectifs spécifiques, sur la répartition de cette DGF régionale, en fonction des spécificités locales.

Cette réforme de grande ampleur constitue la seule voie réaliste pour accentuer le poids de la péréquation au sein des concours de l'Etat aux collectivités territoriales.

Le troisième motif d'interrogation porte sur l'importance et sur les conséquences des compensations d'exonérations de fiscalité locale et des dégrèvements accordés par l'Etat.

Au-delà de son coût, cette politique massive de compensation des exonérations de fiscalité locale et de dégrèvements législatifs a en effet de lourdes conséquences pour les collectivités territoriales. Au total, sur une recette de 66,8 milliards d'euros, 44,5 milliards d'euros, soit 66 %, ont été acquittés par le contribuable local et 22,3 milliards d'euros ont été versés par l'Etat. Celui-ci contribue donc à hauteur du tiers au produit de la fiscalité directe locale. Autrement dit, l'Etat est devenu le premier contributeur local.

De manière plus détaillée, l'Etat aura pris en charge en 2002 : 33,2 % du produit de la taxe d'habitation ; 4,9 % du produit des taxes foncières ; 48,6 % du produit de la taxe professionnelle. Près de la moitié, donc, de la taxe professionnelle fait l'objet d'un reversement de l'Etat ! N'est-il pas temps de mettre un terme à cette dérive, qui déresponsabilise les élus locaux et favorise l'augmentation de la dépense publique locale ?

Ma dernière interrogation porte sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

En 2004, 76 % des concours alloués aux collectivités territoriales, soit plus de 45 milliards d'euros, seront octroyés sous forme de prélèvements sur recettes, lesquels, par définition, sont en dehors du champ d'application de la LOLF.

L'importance de ces prélèvements sur recettes n'implique-t-elle pas qu'il faille prévoir leur présentation sous forme de programmes,même si ceux-ci, pour des raisons juridiques, devraient porter une autre appellation ? En tout cas peu importe, nous aurions au moins l'occasion de débattre et d'amender cette présentation.

Votre ministère a bien voulu informer le rapporteur spécial des programmes envisagés au sein de la mission relative aux relations de l'Etat avec les collectivités territoriales. Cependant la réforme envisagée suscite plusieurs interrogations.

Pourquoi regrouper, au sein d'un premier programme, les dotations dites allouées automatiquement, c'est-à-dire en fonction de la nature de leur gestion ? Ce regroupement semble peu conforme à 1'esprit de la LOLF, qui veut au contraire que l'on raisonne non pas en fonction des impératifs de la gestion, mais au regard des objectifs que l'on se fixe.

N'aurait-on pas pu envisager de scinder les programmes consacrés aux collectivités territoriales en deux programmes, le premier consacré aux dotations de fonctionnement et le second dédié aux projets d'investissement ?

Ne serait-il pas envisageable, plutôt que de regrouper les dépenses de personnel au sein d'un second programme, de ventiler celles-ci, afin de connaître le coût total de chaque programme ?

Telles sont les quelques observations qu'il m'appartenait de présenter concernant la LOLF. Nous avons, là encore, une occasion de réformer les choses et d'offrir au Parlement une vision claire et objective de l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales. Il faut que nous la saisissions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'administration générale et territoriale.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances de l'économie générale et du Plan, pour l'administration générale et territoriale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais essayer de vous intéresser à un budget qui peut paraître abscons puisqu'il a trait à l'administration générale et territoriale de la République, d'autant qu'il ne bénéficie que d'une enveloppe budgétaire plutôt faible au regard de celles dont mes collègues ont traité : 4,4 milliards d'euros. De surcroît, 2,5 milliards de ce total sont dédiés aux pensions. Or, si ces crédits sont inscrits au titre du ministère de l'intérieur, ils relèvent en réalité des services du ministère de l'économie et des finances et le contrôle à leur égard est assez anodin.

Néanmoins il s'agit de crédits stratégiques, car ils préfigurent ce que sera le fonctionnement de l'Etat de demain.

J'évoquerai d'abord la réforme de la globalisation des préfectures, le principe étant que les crédits sont déconcentrés, donc engagés au niveau des préfectures. J'en viendrai ensuite au fonctionnement général de l'administration territoriale et aux investissements des préfectures, notamment en matière d'accueil du public. Je traiterai enfin du fonctionnement de l'administration générale, à travers les crédits du culte, du financement de la vie politique et du fonctionnement général du ministère de l'intérieur.

Dans le projet de budget pour 2004, on constate la stabilisation de certains postes, alors que d'autres augmentent comme le poste Elections. Il n'aura échappé à personne que nous avons, cette année, plusieurs rendez-vous électoraux : deux au mois de mars, un au mois de juin - les élections européennes - et un au mois de septembre avec les élections sénatoriales.

Autrement dit, alors que la loi de finances initiale pour 2003 prévoyait un crédit global de 159 millions d'euros, ce sont 340 millions d'euros qui sont prévus cette année : 80 millions seront affectés au financement de la vie politique - c'est la contribution de l'Etat au financement des partis - et 260 millions d'euros seront alloués au financement des élections, donc de leur organisation, mais aussi des campagnes électorales, ce qui correspond au remboursement des dépenses des candidats.

J'observe que les crédits qui financent le fonctionnement de la commission de contrôle des comptes de campagne relèvent, cette année, du ministère de la justice. Seules quelques queues de chapitres restent sous l'égide du ministère de l'intérieur ; elles concernent le financement de vacataires. Je pense qu'il serait plus rationnel de rassembler les crédits relatifs au financement de la vie politique et à son contrôle sous l'égide du ministère de l'intérieur. J'appelle l'attention de ses services sur ce point.

La plupart des chapitres font état d'une certaine stabilité, ce qui montre que le ministère de l'intérieur s'est astreint à un effort de maîtrise de ses dépenses. Un chapitre est tout de même en augmentation, celui de l'action sociale du ministère, qui passe de 39 à 40 millions d'euros. L'an dernier, le ministre de l'intérieur s'était, en effet, engagé à assurer de façon plus exemplaire l'accueil des enfants des personnels de son administration. Le coût de cette mesure salutaire est précisément d'un million d'euros.

Les crédits de personnel augmentent également, passant de 241 à 257 millions d'euros, pour deux raisons. D'abord, 79 postes sont créés qui ne sont que partiellement gagés par la suppression de 42 autres. Par ailleurs, le régime indemnitaire accusant un gros retard par rapport à celui des autres ministères, justifiait un rattrapage.

Les dotations destinées à la formation restent stables, de même que celles consacrées aux cultes, lesquelles financent les 1 422 fonctionnaires qui sont, en fait, des agents du culte de différentes confessions : musulmane, juive, catholique et protestante, qu'il s'agisse pour cette dernière des calvinistes ou des luthériens. Après l'effort déjà accompli l'an dernier, 2 millions supplémentaires seront dédiés l'année prochaine au budget du culte, afin de revaloriser la prime dite de "binage", relative aux frais de déplacement entre les lieux de culte. Restée inchangée depuis 1964, elle a fait l'objet d'une revalorisation de 640 %. Ce n'était pas un luxe !

Globalement, ces crédits s'élèvent à 3 233 millions d'euros dont, je vous le rappelle, 2 485 millions d'euros de charges de pensions. C'est dire que le contrôle s'exerce sur des masses assez faibles.

Pour l'administration territoriale, le budget global est de 1 159 millions d'euros en crédits de paiement, dont la ventilation est un peu différente de celle de l'année passée parce que, depuis 2000, est conduite une expérience de globalisation des préfectures en fonction de laquelle tous les crédits de gestion d'une préfecture deviendraient fongibles. Ainsi, un crédit destiné à la communication de la représentation de l'Etat dans le département pourra être orienté vers le financement de l'amélioration de l'accueil du public. Ce dispositif ingénieux et ambitieux devrait permettre un meilleur fonctionnement des services de l'Etat aux niveaux déconcentrés.

Il convient de noter que cette expérience a si bien réussi qu'elle est généralisée cette année. Cela a pour conséquence que l'on ne peut avoir une vision claire par crédits de l'action du ministère de l'intérieur, mais c'est une très bonne chose puisque cela donne aux préfets toute latitude pour bien gérer leurs crédits afin, en particulier, de mieux accueillir le public, mais aussi de mieux exécuter les missions de l'Etat.

J'appelle tout de même l'attention sur l'action toute particulière conduite pour maîtriser les dépenses . Ainsi 185 postes seront supprimés dans l'administration territoriale, ce qui est très important. En outre, l'augmentation des dotations sera faible : 0,2 %, pour tenir compte du GVT, le glissement vieillesse technicité, alors qu'on estime l'effet d'un GVT normal à 0,6 %. L'ensemble du ministère consentira donc un effort de maîtrise, et l'administration territoriale un double effort, puisque, à la faible progression des crédits, s'ajoutera la suppression de 185 postes.

L'année 2004 sera donc importante car elle verra la généralisation de la globalisation des crédits des préfectures. A cet égard deux problèmes vont se poser.

Le premier concerne le personnel. Certaines préfectures, pour des raisons historiques, étaient mieux dotées que d'autres, et ce fait perdure. En cette première année de généralisation de la globalisation, il convient de regarder quels sont les besoins réels en personnel de chacune des préfectures, afin de commencer à opérer une régulation.

Ensuite, il y a le rebasage. Chaque préfecture a une base financière qui est un peu un héritage de l'histoire. En effet, elle résulte des relations qu'elle entretenait avec le conseil général lorsque les crédits de l'une et de l'autre ont été séparés, en 1982.

M. Christian Estrosi. Très bien !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Ainsi certaines préfectures sont mieux dotées que d'autres, en particulier celle des Alpes Maritimes (Sourires) qui est richement dotée.

M. Christian Estrosi. Cela se discute !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Il faudrait peut-être opérer un réajustement au profit de celle du Val-d'Oise qui est, pour des raisons historiques également, particulièrement sous-dotée.

M. le président. Comme celle de l'Eure. (Sourires.)

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. C'est pourquoi il conviendrait, je pense, en fin d'exercice 2004, de poursuivre la régulation de ces crédits, de telle sorte que chaque préfecture dispose d'une base de fonctionnement juste.

Je terminerai mon propos, monsieur le président, en disant quelques mots sur la loi organique relative aux lois de finances. Celle-ci, vous le savez, prévoit la création de plusieurs programmes, et le ministère de l'intérieur n'y échappe pas. Des pistes ont déjà été tracées, plusieurs de mes collègues l'ont souligné.

Un premier programme, concernant l'administration générale et territoriale, devrait s'intituler Administration territoriale et regrouper les crédits des préfectures ainsi que les dotations prévues pour l'organisation des élections et le remboursement des dépenses de campagne.

Un deuxième programme porterait les dépenses correspondant aux fonctions transversales, communes à tous les services du ministère.

Un troisième programme, enfin, devrait couvrir les actions territoriales de l'Etat, les grandes actions par région, notamment, mais il n'est pas encore bien défini, puisque, pour le moment, au sein des services de l'Etat, ces crédits ne sont pas identifiés.

J'estime qu'il convient de poursuivre la réflexion en la matière et j'appelle l'attention du ministre de l'intérieur sur l'intérêt de la création d'un programme relatif au financement de la vie politique, sujet qui a une identité tout à fait particulière.

Quoi qu'il en soit, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'administration générale et territoriale du ministère de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration générale et les collectivités locales.

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration générale et les collectivités locales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, je tiens, avant toute chose, à remercier mes collaborateurs pour le travail qu'ils ont effectué sur ce rapport, ainsi que Mme Catherine Leroy.

Nous vivons la dernière année précédant l'acte II de la décentralisation. Le projet de budget qui vous est soumis clôt la phase de vingt ans de décentralisation voulue par Gaston Defferre, et, en même temps, il introduit les premiers éléments d'une nouvelle étape dans l'organisation des pouvoirs publics, tendant à bâtir une France plus proche de ses administrés et à l'écoute de leurs aspirations.

Ma première observation concerne le cadre d'action.

A cet égard, je souligne que, malgré le contexte difficile, le contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités territoriales a été reconduit. On peut se féliciter, monsieur le ministre, que, pour le calcul des principaux concours financiers de l'Etat, le lien avec la croissance soit porté à 50 % du PIB, au lieu d'un tiers seulement auparavant.

L'année 2004 sera aussi marquée par la première étape de la réforme de la DGF, dont l'architecture sera profondément modifiée, avec, d'une part, une DGF régionale, et, d'autre part, une répartition en deux dotations : une dotation de base forfaitaire, en progression, et une dotation de péréquation, incluant notamment la DSU, qui sera portée à 6 % du montant de la DGF, pour mieux tenir compte des charges spécifiques des communes en difficulté.

La DGF croîtra fortement en 2004, passant de 18 835 millions, hors abondement, soit 32 % du total des concours financiers, à 36 740 millions, soit 62 %, du fait de l'intégration de plusieurs compensations et fonds. La DGF progresse donc, globalement, de 1,93 %.

Toutefois, si ce projet de loi de finances réorganise l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales en faisant de la DGF le pivot central des dotations,...

M. Christian Estrosi. Elles sont déjà en baisse depuis quelques années !

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis... il ne modifie pas le mode de répartition interne entre ses différentes composantes. Pour cela, il faudra attendre.

Votre rapporteur pour avis relève également que le principe de la déliaison des taux est reconduit dans les mêmes conditions qu'en 2003. Les élus locaux, dont la plupart d'entre nous font partie, auraient sans doute souhaité plus d'audace en la matière. Il est vrai que les collectivités locales, cette année, ont montré combien elles savaient faire preuve de modération et donc de responsabilité. M. le ministre délégué aux libertés locales a bien voulu en convenir, tout en souhaitant qu'en cette période transitoire, il ne soit pas envisagé de mesures qui pourraient ne pas être comprises par les contribuables locaux, à qui il est beaucoup demandé.

M. Jean-Pierre Blazy. Oh oui !

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis. Le montant des ressources transférées par l'Etat aux collectivités locales en 2004 s'élèvera, au total, à 59,4 milliards d'euros, contre 58,43 en 2003, soit une progression de 1,66 %. Cette évolution est plus que favorable en volume, au regard des 33 milliards d'euros d'il y a dix ans, et notable qualitativement, avec la simplification de l'architecture des finances locales.

En second lieu, qu'il me soit permis de souligner l'effort accompli par les collectivités territoriales en matière d'investissements et, en corollaire, le rôle déterminant de l'investissement public local dans la croissance économique, avec, toutefois, des disparités d'évolution selon les niveaux de collectivités. L'acte II de la décentralisation ne manquera pas d'accentuer ce phénomène, car c'est une réforme bénéfique qui favorise le développement des équipements et la gestion de proximité.

Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de ne pas vous limiter à un simple réaménagement technique des compétences au sein de l'ordre administratif, d'une part parce qu'il touche, du fait de l'étendue des compétences transférées, aux principes de fonctionnement du système administratif et, d'autre part, parce qu'il alimente une dynamique locale qui ne se laissera pas enfermer dans le carcan des textes.

Certes, la décentralisation marque une rupture par rapport à la conception classique des politiques publiques, fondées sur la primauté de l'Etat, mais ce dernier reste toujours garant de la cohérence des politiques locales.

La politique de formation professionnelle continue et d'apprentissage a été la première attribution confiée aux régions. Cependant, contrairement au principe du bloc de compétences, l'encadrement de leurs compétences et, plus encore, l'importance du domaine réservé de l'Etat restreignent considérablement leurs marges de manœuvre.

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales traduit la volonté du Gouvernement de créer les moyens juridiques permettant d'assortir les transferts de compétences de garanties suffisantes pour les collectivités territoriales, en termes de financement et de personnel.

Le choix a été fait, dans ce projet de loi, d'opérer par blocs de compétences. La clarification qui en résulte permettra au citoyen de mieux identifier les responsables. Pour reprendre le cas de la formation professionnelle, la situation est clarifiée puisque la compétence des régions est élargie à l'ensemble du champ de la formation professionnelle des adultes, cette mesure étant accompagnée d'un transfert important, celui des crédits qui, jusqu'à présent, étaient affectés à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. La région sera désormais l'autorité responsable, dès lors que la formation ne relèvera pas d'une prise en charge par l'employeur ou par l'assurance chômage.

De même, le rôle fondamental du département est confirmé en matière d'action sociale - parallèlement à la décentralisation complète du RMI opérée par le projet de loi créant le revenu minimum d'activité - comme dans le domaine des personnes âgées, qui formera dorénavant un bloc de compétence homogène.

Je ne retracerai pas l'ensemble du projet, qui est débattu au Sénat, vous renvoyant à l'avis de la commission. Mon propos est simplement d'attirer votre attention sur un projet porteur d'avenir, qui n'organise pas le démembrement de l'Etat mais lui permet, au contraire, de se concentrer sur ses missions essentielles.

S'agissant des compétences transférées, l'Etat acquiert un rôle de régulateur par sa capacité à fixer des règles minimales. Je n'aurai de cesse d'insister sur l'importance du rôle de l'Etat, au regard, notamment, du projet de loi sur les responsabilités locales. Ses services déconcentrés, plus particulièrement ceux chargés du contrôle de légalité, doivent donc disposer de moyens d'intervention, d'adaptation et de modernisation. Ces moyens s'expriment d'abord en termes budgétaires, puis en termes de personnels affectés pour répondre aux missions de l'administration centrale.

Quant à l'administration territoriale, elle a connu un renouveau capital, en 2003, avec le renforcement du rôle du représentant de l'Etat, désormais désigné comme l'autorité qui s'exprime au nom de l'ensemble des membres du Gouvernement. Cette consécration s'accompagne de moyens performants.

L'expérimentation permet aussi de conférer au préfet, dans une vision pluriannuelle, une plus grande latitude dans l'emploi des moyens humains et budgétaires.

Une réflexion sur les missions des préfectures devrait également conduire à alléger les conditions d'exercice du contrôle de légalité et à moderniser les procédures.

En outre, des synergies seront mises en place pour faciliter l'émergence des pôles interrégionaux d'expertise juridique et d'information permanente.

Ainsi, loin de redouter un démembrement de l'Etat, vous mettez en œuvre une organisation assurant la permanence de l'Etat et consacrant son rôle d'impulsion.

Ma troisième et dernière observation a trait à cette fameuse autonomie financière, à laquelle je vous sais très attaché, monsieur le ministre. Le Gouvernement doit déployer des efforts considérables pour convaincre les élus locaux de sa pertinence, car, par le passé, ils ont été souvent échaudés.

C'est en son article 7 que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 reconnaît le principe de l'autonomie financière des collectivités locales. Celle-ci s'apprécie en comparant le montant total des ressources propres des collectivités locales à celui de l'ensemble de ses ressources. Selon la loi, une part déterminante des ressources est constituée, pour chaque catégorie de collectivités, par les recettes fiscales et par les autres ressources propres.

Mon propos serait incomplet si j'omettais d'évoquer la question de la capacité financière des collectivités territoriales au regard des compétences transférées et, partant, de m'interroger sur la nature des ressources à transférer.

Vous avez, monsieur le ministre, la volonté d'assurer une compensation financière équitable des charges liées aux transferts de compétences. Cette compensation s'effectuera, à titre principal, par l'attribution d'impositions garantissant aux collectivités territoriales des ressources équivalentes aux sommes que dépensait l'Etat assorties, si nécessaire, d'un engagement d'actualisation. Ce dernier point est essentiel pour tous les élus locaux. Nous sommes bien placés pour le savoir.

Lors de son audition devant la commission des lois, M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, a réitéré le souhait que ces transferts se fassent dans la plus grande transparence et avec un total esprit de loyauté. C'est donc avec la volonté de débattre que votre rapporteur aborde cette discussion.

Je ne doute pas de vos engagements personnels et de ceux du Gouvernement. C'est pourquoi l'avis émis par la commission des lois, confiante en l'avenir, est également favorable à l'adoption des crédits de l'administration générale et des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, après ces six très remarquables discours, décrivant parfaitement tous les aspects du budget que j'ai l'honneur de vous présenter, il serait absolument inutile que j'ânonne des documents que vous avez visiblement intégrés. (Sourires.) Si vous le permettez, monsieur le président, je préférerais consacrer mon temps de parole à tenter de poser le débat politique : que faisons-nous de l'argent que la représentation nationale nous confie ?

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. D'abord, quantitativement, ce budget est bon, personne ne peut le contester. On aurait pu souhaiter qu'il soit encore meilleur, mais, si on le comparait aux précédents, il mériterait le soutien unanime de tous ceux qui souhaitent donner des moyens supplémentaires aux policiers et aux gendarmes.

Me tournant vers les députés de la majorité, je les remercie d'avoir voté la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et, me tournant vers ceux de l'opposition, dont je ne doute nullement de l'honnêteté intellectuelle,...

M. Jean Roatta. Bien sûr !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... je leur rappelle que, lors de l'examen de la LOPSI, ils avaient exprimé leurs craintes qu'il ne s'agisse que d'effets d'annonce et qu'ils m'avaient demandé si je tiendrais mes engagements. 

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Absolument !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Peut-être avaient-ils raison de tenir ce discours, car tant d'engagements n'ont pas été tenus par le passé !

En revanche, avec ce budget pour 2004, 55 % des crédits programmés dans la LOPSI auront déjà été inscrits. J'insiste : 55 % en deux ans, alors que la LOPSI couvre une période de cinq ans ! Toute personne honnête intellectuellement ne pourra qu'encourager notre effort en votant pour ce budget.

M. Camille de Rocca Serra. C'est ce qu'ils vont faire !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela étant il faut savoir si ces dotations supplémentaires ont permis aux policiers et aux gendarmes de travailler plus et mieux. Autrement dit, a-t-on versé plus d'argent pour plus ou pour moins de résultats ? Cette question nous intéresse tous puisqu'elle est posée par l'ensemble de nos concitoyens. Que vous soyez parlementaire de gauche, de droite, du centre ou non inscrit, vos électeurs demandent toujours si cela a servi à quelque chose.

A cet égard, je viens justement de prendre connaissance des chiffres de la délinquance pour le mois d'octobre 2003 : par rapport à octobre 2002, les crimes et délits, dans notre pays, ont encore chuté de 3,90 % ; et, par rapport à octobre 2001, la diminution atteint 8,86 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Gantier. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous auriez dû applaudir, mesdames, messieurs de l'opposition, car vous auriez ainsi salué le travail des policiers et des gendarmes, car ce sont bien eux qu'il convient d'applaudir et de saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Patrick Braouezec. Vous applaudissez sans y croire !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Blazy, ne vous gênez pas. Les fonctionnaires de notre pays sont sensibles aux critiques, mais ils savent apprécier les compliments, surtout lorsque ceux-ci sont justifiés. Il ne sert à rien de parler à tout bout de champ de la fonction publique si l'on n'est pas capable de s'associer à un hommage aux fonctionnaires et aux militaires lorsqu'ils ont obtenu des résultats remarquables.

M. Jean-Pierre Grand. La gauche ne les aime pas !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tous les taux d'activité augmentent, tous les taux de délinquance diminuent.

Parce que vous leur avez donné davantage de moyens, les policiers et les gendarmes ont travaillé davantage. Cela étant, se pose un autre problème que vous connaissez, monsieur le président, pour avoir exercé les mêmes responsabilités que moi : disposer de davantage d'argent permet-il de réaliser des réformes ou de vivre dans un confort tel que cela les rendrait inutiles ? En l'occurrence, même si les moyens ont été mis en place, les réformes ont aussi été engagées !

Je les énumérerai simplement.

Gendarmes et policiers travaillent sous la même autorité. On nous disait que cela était impossible, comme toujours en France ! Quand on prétend qu'une réforme est impossible sans avoir d'arguments, on avance une différence culturelle. Circulez, il n'y a plus rien à voir ! (Sourires.) Cela évite de réfléchir ! Eh bien, le rapprochement a eu lieu. Qui osera, un jour, revenir sur cette réalité ?

Les deux grandes forces de sécurité intérieure de notre pays doivent, à l'évidence, obéir à la même autorité, car les délinquants qu'elles combattent sont les mêmes. Il n'y a aucun problème entre les policiers et les gendarmes. Ayant pu rassembler, dans sept villes de France, des milliers de policiers et de gendarmes pour leur tenir le même discours, j'ai constaté que personne ne s'est senti humilié ou renié dans sa propre identité.

A ce propos M. Le Fur et M. Leonard ont parfaitement raison: il est absolument nécessaire que soit identifié le budget de la gendarmerie. Il n'y a pas de problème entre le ministère de la défense et le ministre de l'intérieur - cela n'aurait d'ailleurs aucun sens - mais les parlementaires qui ont voté une loi d'orientation sont en droit de savoir si l'argent consacré à son application a été utilisé comme il devait l'être.

La deuxième réforme a été la création des groupements d'intervention régionaux, proposition phare du Président de la République lors de sa campagne. Là encore on nous a dit qu'il serait impossible de les constituer, qu'ils ne fonctionneraient pas. Or il y en a aujourd'hui vingt-neuf  et qui oserait proposer leur suppression ? Les fonctionnaires des finances, des douanes, de la répression des fraudes et du travail y sont associés. Certaines affaires n'auraient jamais pu aboutir s'ils n'avaient pas coopéré. Nous l'avions promis, c'est fait. Aucun problème ne s'est posé dans leur mise en œuvre.

CRS et gendarmes mobiles représentent un effectif de près de 30 000 personnes. Ce n'est pas rien. La "zonalisation" et la fidélisation des CRS et des gendarmes mobiles a permis de mettre 4 500 fonctionnaires de plus au service de la sécurité des Français sans dépenser un centime de plus. Les Français sont heureux de ne plus voir ces colonnes de camions de gendarmes mobiles ou de CRS circuler dans un sens et dans l'autre.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Il se croisaient sur les routes !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous avons besoin des forces mobiles pour assurer la sécurité publique.

Le redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie avait été engagé par M. Chevènement qui a beaucoup d'idées.

M. Jean-Pierre Blazy. Il avait commencé à le faire !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Malheureusement, il s'est arrêté en chemin. Deux commissariats seulement ont été fermés; c'est un record ! Aujourd'hui, le redéploiement est fait et il n'est contesté par personne. Monsieur Blazy, si vous aviez pu le contester davantage, vous ne vous seriez pas gêné.

M. Jean-Pierre Blazy. Je n'ai encore rien dit !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je prends votre discrétion comme un acquiescement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Nous allons en reparler !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Parlez-en si vous voulez !

Le premier redéploiement a été mis en œuvre à Troyes. Les deux tiers de cette ville étaient en zone de police et un tiers, dont la zone industrielle, en zone de gendarmerie. Ces frontières administratives faisaient la joie des délinquants et la perplexité des victimes qui ne savaient où s'adresser. Nous avons redessiné les zones.

Certes, un fonctionnaire m'a demandé un soutien psychologique parce que son poste allait être déplacé de trente-trois kilomètres, de Romilly à Troyes ! J'ai pris cela pour de l'humour. (Sourires.) Nous ne devions naturellement y attacher aucune importance. Le redéploiement est fait. On m'avait promis manifestations et protestations. Aujourd'hui, les gens constatent sur le terrain que policiers et gendarmes travaillent bien ensemble.

On a prétendu que les maires ne comprendraient jamais les communautés de brigade. Qu'ai-je constaté après avoir examiné les brigades territoriales les unes après les autres ? Dans certains cantons, des brigades n'enregistraient que cent plaintes dans l'année, et de recevaient qu'un visiteur tous les trois jours. Était-il nécessaire, dans un tel contexte, de maintenir toutes les brigades territoriales de France ?

Il ne faut pas prendre les élus pour ce qu'ils ne sont pas. Ils sont intelligents et responsables. Ils souhaitent davantage de patrouilles sur le terrain, en particulier la nuit, le samedi et le dimanche. Qui ne comprend qu'avec trois brigades regroupant une vingtaine de gendarmes, on peut tenir le terrain alors qu'il est impossible qu'une brigade de six gendarmes soit présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept ? Vous l'avez rêvé, c'est fait !

M. Jean-Pierre Blazy. Non, c'est loin d'être fait !

M. Patrick Braouezec. C'est loin d'être fait et on en reparlera !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Braouezec, vous connaissez peut-être la zone police, mais, pour la zone gendarmerie, je chercherais plutôt un autre conseiller technique !

M. Patrick Braouezec. On peut avoir des connaissances, même quand on n'est pas directement concerné !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En ce qui concerne la prise en considération du mérite on adore en parler, mais pour les autres. Ainsi elle n'avait pas cours dans la fonction publique. Pourtant sa prise en compte prouve que l'on reconnaît enfin la performance et la compétence des fonctionnaires ! Évaluer les résultats des fonctionnaires, monsieur Chartier, c'est, en effet, les considérer. Si l'on n'évalue pas leurs résultats, c'est que l'on ne considère pas leur travail !

La performance n'est pas seulement une exigence du privé. Elle existe aussi dans le public et les élus le savent parfaitement. Des fonctionnaires travaillent dur et travaillent bien ! Il faut évaluer leurs résultats et récompenser ceux qui travaillent plus et mieux. Le mérite est une valeur républicaine.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ainsi que des rapporteurs l'ont souligné, la prime au mérite doit concerner non pas uniquement le chef, mais aussi le gardien de la paix et le gendarme. Le mérite a autant de valeur à la base qu'au sommet.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Beaucoup plus !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Qu'un chef travaille bien, c'est normal, c'est son devoir, mais il faut d'abord commencer par s'intéresser à la base.

En 2004, 5 millions d'euros seront affectés à la prime au mérite. Avez-vous noté des protestations ? Y a-t-il eu des mouvements sociaux ? Qui, aujourd'hui, oserait prétendre qu'il ne faut pas distribuer ces 5 millions d'euros sous prétexte qu'ils le seront au mérite ? Quelle est la première valeur républicaine sinon la méritocratie ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi avoir peur d'appliquer à des fonctionnaires une valeur profondément républicaine ? Considère-t-on qu'ils ne sont pas capables de le comprendre ? A-t-on peur que personne n'ait de mérite ? Pourquoi craindre pour le public ce qui se fait dans le privé ? En reconnaissant le mérite, mesdames, messieurs les députés, on considère la fonction publique et on réduit le fossé entre le privé et le public, l'une des questions certainement les plus préoccupantes que connaît notre pays.

Que n'ai-je entendu aussi lorsque j'ai proposé la création de la réserve civile ! Or, alors qu'elle n'est pas encore constituée, j'ai déjà reçu 3 270 candidatures de jeunes retraités de la police. Quand la France connaîtra des événements aussi considérables que le soixantième anniversaire du débarquement ou le G8, les commissariats et les brigades ne seront plus déstructurés, parce qu'il sera fait appel aux effectifs de cette réserve pour encadrer ces événements exceptionnels.

Cela améliorera le pouvoir d'achat des jeunes retraités qui travailleront une semaine ou quinze jours sans recourir aux effectifs actifs qui resteront dans vos circonscriptions. Qui pourrait s'en plaindre ? Qui pourrait nous le reprocher ?

Certains ne comprennent pas l'utilité de cette réforme civile. Le service militaire ayant été supprimé, comment assurerons-nous la surveillance des établissements publics sans réserve aisément mobilisable si, demain, notre pays connaît des événements graves ? Pourquoi refuser à des jeunes retraités de travailler sur la base du volontariat s'ils en ont envie ? Cela rendra service à notre pays et l'amélioration du pouvoir d'achat de ces réservistes représentera un plus pour notre économie qui en a bien besoin. Nous continuerons donc dans cette voie.

Nous avons également décidé d'engager une réforme des corps et carrières très ambitieuse avec pour objectif de diminuer de 20 % le nombre de commissaires, de 50 % le nombre d'officiers et d'affecter ces postes au corps de maîtrise et d'application. Alors que certaines régions comptent tellement d'officiers qu'il faut attendre dix ans pour monter en grade, dans d'autres, notamment la région parisienne, on manque d'officiers.

Je considère que les officiers doivent occuper des postes de commandement opérationnel. Nous n'avons pas besoin de commissaires pour diriger des secrétaires dans tel ou tel établissement ou telle ou telle administration. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous avons expliqué aux organisations syndicales cette réforme qui commencera dès cette année : il y aura moins d'officiers, moins de commissaires, mais ils seront mieux payés, mieux formés et mieux considérés ! Voilà le système gagnant que nous devons proposer à la fonction publique dans notre pays ! Le ministère de l'intérieur peut être à l'avant-garde de la réforme de l'État.

Nous procéderons de la même manière pour les adjoints de sécurité. Leur rémunération va augmenter, leur formation sera améliorée, mais leur nombre diminuera. Je préfère qu'ils soient moins nombreux, mais mieux formés, mieux payés et qu'ils bénéficient d'un statut permanent alors qu'ils n'avaient, jusqu'à présent, qu'un statut précaire. Les grandes protestations sociales ne servent à rien si on précarise l'emploi dans la fonction publique et si on sous-paye des gens qui, par ailleurs, accomplissent un remarquable travail comme cela est le cas de n'importe quel gardien de la paix. Voilà encore quelque chose dont vous aviez beaucoup parlé et que vous n'avez pas fait !

La manière dont est parfois abordée la question de la durée de travail sous-entend une grande méconnaissance du travail d'un policier ou d'un gendarme. J'ai rencontré, ce matin, à Carcassonne, des fonctionnaires de la BAC. Quand vous prenez votre travail à vingt-deux heures et que vous le terminez à quatre heures du matin, le problème n'est pas de savoir combien d'heures ont été effectuées; il concerne le nombre interpellations. En portant de six à huit le nombre de jours de RTT que nous pourrons racheter, nous donnerons à chacun la possibilité de travailler huit jours de plus.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Près de 4 000 emplois auraient dû être supprimés du fait de la RTT dont personne n'avait mesuré les conséquences pour la police nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On me parle de compensations, de récupération. Permettez-moi de vous dire qu'un gardien de la paix en récupération est un gardien de la paix qui n'est pas dans la rue pour participer à la sécurité des Français. C'est pourquoi nous avons décidé de porter de six à huit le nombre de jours rachetés. On m'a dit que j'aurais un problème avec les organisations syndicales. Je l'attends encore ! Les fonctionnaires veulent avant tout améliorer leur pouvoir d'achat.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, et M. Christian Vanneste. Évidemment !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce qu'il y avait de profondément choquant, ce n'était pas les 35 heures en elles-mêmes. Il y a, en effet, des gens fatigués, des gens qui veulent s'occuper de leur famille, et c'est parfaitement respectable Nous sommes tous différents et il ne faut pas moquer celui qui veut davantage de temps libre. En revanche il n'était pas admissible d'empêcher quelqu'un qui voulait travailler plus pour gagner davantage, pour payer les études de ses enfants ou les traites sur sa maison, de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Considère-t-on que la France va si bien ? Pourquoi se donner tant de mal pour empêcher les gens de travailler et de gagner davantage ?

Nous avons obtenu des résultats. A partir du moment où la représentation nationale vote des moyens pour la police en augmentation d'un peu plus de 5 %, il est de notre devoir de vous en rendre compte et de vous apporter des résultats. Je ne suis pas partisan du "toujours-plus" pour le principe ! Chaque centime que nous engageons, doit être justifié, le meilleur moyen de le faire étant que les policiers et les gendarmes travaillent plus et mieux, ce qui se traduit par une augmentation du nombre de faits élucidés, de gardes à vue et de personnes mises sous écrou.

Telle est la réalité du budget du ministère de l'intérieur, en tout cas dans sa dimension de sécurité.

S'agissant de la sécurité civile, la France est bien organisée pour une année moyenne. Malheureusement, en cas de catastrophes exceptionnelles, nous n'avons pas les moyens de faire face. Je vais prendre un ou deux exemples.

Il faudra bien faire comprendre un jour à l'administration des finances, car nous avons un débat récurrent avec elle à ce sujet, que l'arrivée trop tardive des colonnes de secours sur une catastrophe, coûte beaucoup plus cher au pays, notamment quand il faut réparer de véritables massacres écologiques, que leur déplacement préventif pour éviter que des dizaines de milliers d'hectares ne soient brûlés. La loi de modernisation sur la sécurité civile que je présenterai en conseil des ministres au mois de décembre permettra de renforcer nos moyens d'action en la matière. ("Très bien !" sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne les préfectures, j'aimerais qu'elles soient toutes globalisées cette année, car certains chiffres m'ont beaucoup frappé. Ainsi, alors qu'il faut en moyenne sept jours pour délivrer une carte nationale d'identité dans une préfecture globalisée - il y en a une trentaine - il en faut douze dans une préfecture qui ne l'est pas.

La globalisation permet de responsabiliser les préfets. Ils ont alors un budget avec lequel ils doivent s'organiser de manière à être efficaces. Par exemple, quand quelqu'un part à la retraite, le préfet a le choix : le remplacer par un autre agent dans le même poste ; transférer l'emploi sur un autre poste dans un autre service ; demander que le salaire et les charges de ce poste soient réintégrés dans son budget de fonctionnement.

Comment voulez-vous responsabiliser les préfets et les directeurs de service si vous ne les laissez pas s'organiser ? La France ne peut plus continuer à être un pays aussi centralisé dans lequel il faut remplir une demande d'autorisation en vingt-cinq exemplaires pour créer un poste d'infirmière dans le dernier des hôpitaux de France. Il faut maintenant que nous laissions aux responsables une marge d'autonomie. Ils ont des objectifs, des moyens; ils doivent donc obtenir des résultats. Il n'y a pas d'autre possibilité. Toute autre façon d'agir est condamnée à l'échec.

Je souhaite donc que les préfectures soient un exemple de modernisation. Le préfet n'est pas un organisateur de cocktails ; il représente le Gouvernement, gère les crises et fait entendre la voix de l'Etat dans le département dont il a la responsabilité. Or que signifie la responsabilité quand votre budget est contraint, quand vos collaborateurs sont pré-affectés et quand vous n'avez d'autre choix que de vous faire sermonner par votre ministre si vous n'avez pas de résultats ? La culture du résultat va de pair avec l'autonomie.

Monsieur Aeschlimann, Patrick Devedjian aurait été très heureux de présenter la partie du budget relative aux collectivités territoriales, mais il est actuellement au Sénat pour l'examen du projet de loi sur la décentralisation.

A l'heure où l'Etat s'impose un objectif d'évolution zéro de ses dépenses, il aurait été concevable d'appliquer cette norme aux dotations des collectivités. Le débat a eu lieu, ce n'est un secret pour personne, au sein du Gouvernement. Il a été tranché : le contrat de croissance et de solidarité entre les communes et l'Etat restera indexé sur les prix, majorés de 33 % de la croissance du PIB. L'indexation de la DGF demeurera elle aussi inchangée : elle progressera de l'inflation majorée de 50 % de la croissance. Autrement dit, l'Etat n'a pas voulu appliquer aux collectivités les restrictions qu'il s'applique à lui-même. Je crois qu'il a eu parfaitement raison.

En ce qui concerne l'autonomie financière des collectivités locales, on peut débattre à l'infini de ce qu'elle doit recouvrir. Il me semble cependant que c'est, grosso modo, l'inverse de ce qu'a fait le gouvernement précédent, qui, entre 1997 et 2001, a transformé 15 milliards d'euros de recettes fiscales, sur les taux desquelles on pouvait agir, en dotations.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Au jour du transfert, il y a équité mais, ensuite, c'est au revoir et merci ! Nous pensons qu'il faut faire l'inverse, car nous estimons qu'il n'y a pas de liberté communale sans recettes fiscales dynamiques, dont la masse peut croître, indépendamment de l'augmentation du taux, grâce à l'évolution de l'assiette.

Nous agissons ainsi avec la TIPP dont une partie du produit, qui représentera, en 2004, près de 26 milliards d'euros, sera transférée aux collectivités territoriales. Dorénavant, elles seront ainsi associées à la croissance économique.

J'ai aussi souhaité faire mieux avec la taxe sur les conventions d'assurance.

Prenons le cas des SDIS. Je suis persuadé que M. le président se souvient très bien de sa participation au congrès des sapeurs-pompiers, comme tous les ministres de l'intérieur ! (Sourires.) Les dépenses augmentent mais, après tout, la sécurité n'a pas de prix, dit-on souvent. Néanmoins il faut savoir avec quel impôt elles vont être financées. En l'occurrence c'est la première fois qu'un gouvernement vous transfère une taxe fiscale sur le taux de laquelle vous pourrez jouer, pour participer au financement des SDIS.

Je ne dis pas du tout, monsieur Clément, vous qui êtes si vigilant,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Sur ce point, oui !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... - sur ce point particulier certes, mais aussi en général ! - que cela va régler définitivement la question de l'évolution des dépenses des SDIS, mais cela fait bien longtemps que tous les SDIS de France réclament aux gouvernements successifs le transfert d'une recette fiscale pour faire face à l'augmentation des dépenses. Il s'agit donc d'un changement considérable. Savez-vous que, l'an dernier, cette recette a augmenté de 7,6 % ?

Plutôt que de vous donner des chiffres, qui sont certainement passionnants mais que vous avez dans les documents budgétaires, j'ai préféré vous expliquer le raisonnement et les engagements politiques qui ont amené le Gouvernement à vous présenter ce budget.

C'est un budget pour la réforme, avec l'efficacité comme objectif, pour répondre à l'angoisse des Français. Cette angoisse n'était pas un sentiment, elle n'était pas un fantasme, mais une réalité. C'est bien parce que le Gouvernement en est persuadé qu'il a choisi de se doter de tous les moyens pour soutenir une politique à laquelle, j'espère que vous l'aurez compris, il croit totalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Avant que nous n'entendions les orateurs inscrits, je vous propose une suspension de séance de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la discussion, la parole est à M. Christian Estrosi, premier orateur inscrit.

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, après votre intervention, un peu de modestie et d'humilité auraient dû me conduire à passer mon tour. ("Non ! Non !" et sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Néanmoins, il m'appartient, au nom de mes collègues du groupe UMP, de rappeler le chemin accompli en moins de deux ans.

Pour la deuxième année consécutive, l'action a répondu à l'inaction coupable, le réalisme et l'écoute aux erreurs et à l'aveuglement idéologique. Je m'en réjouis, tant la sécurité doit demeurer une liberté fondamentale de notre démocratie, au même titre que l'égalité ou le respect de la dignité humaine.

Votre projet de budget pour 2004 est le reflet des engagements pris par le Gouvernement en matière de lutte contre la délinquance et de sécurité intérieure. C'était l'engagement premier, celui sur lequel nos compatriotes nous attendaient, celui sur lequel ils souhaitent voir nos efforts se poursuivre.

Chaque jour, partout en France, l'autorité de l'Etat s'affirme et la République reprend enfin ses droits. Certes, la guerre contre la délinquance n'est pas encore gagnée, mais l'esprit de réforme qui anime, depuis deux exercices, le budget du ministère de l'intérieur nous a permis de remporter de nombreuses batailles.

J'entends encore ici les quolibets de ceux qui croyaient impossible le rapprochement entre les forces de police et de gendarmerie. Pourtant les groupements d'intervention régionaux, dont l'efficacité est aujourd'hui indiscutable, ont permis d'associer les services de l'inspection du travail, des douanes, et des finances.

Je pense aux nombreux démantèlements de réseaux de proxénètes, de trafiquants de drogue et de trafiquants d'armes par nos forces de l'ordre qui ont maintes fois prouvé leur efficacité sur le terrain. La motivation a regagné leurs rangs et je salue la détermination de ces femmes et de ces hommes qui ont choisi de servir l'Etat et de protéger nos concitoyens, parfois au péril de leur vie.

Je pense aussi aux habitants des quartiers sensibles qui ont subi pendant des années les agressions, les insultes, les humiliations, les menaces de délinquants de plus en plus violents et fiers de leur impunité, et qui savent désormais qu'ils peuvent compter à tout moment sur les forces de l'ordre. Quant aux criminels, ils doivent enfin comprendre que les forces de l'ordre sont chez elles, à tout moment et sur chaque centimètre carré de la République.

Je pense enfin aux parents, aux amis et aux proches de ces enfants et de ces jeunes femmes violés, torturés et assassinés par des monstres à visage humain. Nous devons être fiers de pouvoir leur dire qu'aujourd'hui 10,6 millions d'euros sont mis en place pour poursuivre la modernisation de notre police technique et scientifique, notamment en renforçant le fichier national automatisé des empreintes génétiques qui facilitera l'arrestation et la mise hors d'état de nuire des auteurs des crimes les plus odieux. En effet il faut bien reconnaître que notre pays accusait jusqu'à aujourd'hui un retard important en ce domaine.

Alors que depuis exactement vingt ans le système de détection et de prélèvement des empreintes génétiques est opérationnel dans de grandes démocraties, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, la France ne s'est dotée de cet outil que depuis deux ans. Encore aura-t-il fallu attendre d'abord la LOPSI puis la LSI pour élargir l'utilisation du fichier national des empreintes génériques. Ainsi, en moins de quelques mois, ce fichier est passé de 1 600 noms à près de 13 000, ce qui nous permet, avec les crédits alloués, d'envisager de rassembler, à la fin de 2004 près de 150 000 noms, puis 600 000 dans les trois à quatre années à venir

Je conduisais, il y a quelques jours, une délégation de parlementaires à Londres pour visiter le Home Office et la police technique et scientifique. Des représentants de tous les bancs de cette assemblée ont pu constater que le fichier des empreintes génétiques du Royaume-Uni comportait 2 millions de noms. Lorsque vous commettez une infraction dans ce pays, même un petit délit routier, il y a systématiquement prélèvement des empreintes génétiques. Cela a d'ailleurs permis, il y a trois semaines, après un simple vol dans un supermarché, de mettre hors d'état de nuire un dangereux violeur et criminel qui avait commis son forfait trois ans auparavant.

Nous n'avons rien à craindre d'un tel dispositif et nous devons dire à l'ensemble de nos concitoyens que c'est au contraire en s'engageant dans cette direction que l'on pourra mieux défendre et mieux protéger leurs libertés individuelles.

En 2003, je le rappelle, la délinquance a reculé pour la deuxième année consécutive et la spirale de l'échec et de l'oisiveté a été rompue. Je suis convaincu qu'elle reculera à nouveau en 2004. Le budget que vous nous proposez s'inscrit pleinement dans cet objectif.

Monsieur le ministre, les crédits consacrés à la police nationale augmentent de 5,7 %, traduisant votre volonté d'inscrire ce budget dans la continuité du budget précédent. Comme vous l'avez rappelé, en deux exercices seulement, 55 % des engagements pris dans la LOPSI auront été exécutés.

Elu d'un département particulièrement exposé aux risques d'incendies, je dirai enfin un mot sur la sécurité civile.

Cet été a marqué dramatiquement le cœur des Françaises et des Français. Des femmes et des hommes ont donné le meilleur d'eux-mêmes ; certains ont péri au service de la protection des patrimoines naturels ou des personnes et des biens. A cet égard nous sommes victimes d'un réel déséquilibre. Vous y avez d'ailleurs fait allusion dans votre intervention, monsieur le ministre.

En effet, des lois restées imparfaites et particulièrement floues pèsent aujourd'hui lourdement sur les budgets des collectivités, surtout sur ceux des départements. Ainsi, je serai obligé de provisionner, dans le budget pour 2004 du conseil général des Alpes-Maritimes, 41 millions d'euros pour le service départemental d'incendie et de secours, c'est-à-dire 10 millions d'euros de plus qu'en 2003, soit une augmentation de 25 %. Comment faire pour ne pas répercuter cette hausse sur la fiscalité locale ? Bien sûr, nous réaliserons des économies par ailleurs pour que celle-ci n'augmente pas, mais nous sommes confrontés à de grandes difficultés.

Bien que les moyens matériels et humains du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes soient les plus importants de tous les départements de France, ils restent pourtant insuffisants. C'est la raison pour laquelle je vous remercie d'augmenter le budget global de la sécurité civile de près de 4,7 %, et, surtout, de 18 % les crédits d'investissement, pour mettre à la disposition de l'ensemble des SDIS des moyens mutualisés, notamment des porteurs d'eau, que ce soit par avion ou par les nouveaux hélicoptères EC 145. Cette mutualisation des moyens permettra de faire en sorte que seules les dépenses qui incombent aux départements restent à leur charge, alors que celles relevant de l'Etat seront financées en totale solidarité avec l'ensemble des départements.

Je me réjouis également de la mise en place de la taxe sur les conventions d'assurance ...

M. Jean Roatta. Très bien !

M. Christian Estrosi. ... qui, je n'en doute pas un seul instant, nous sera d'une aide précieuse. Vous avez eu raison de rappeler que le produit de cette taxe augmente, depuis trois ou quatre ans, de 7 % chaque année, ce qui nous permet d'espérer un rééquilibrage. Néanmoins nous ne pourrons pas rester dans le statu quo. Il nous faudra débattre, dans les mois ou les semaines à venir, afin de parvenir, à terme, à une véritable lisibilité des rôles et des partages de compétences entre les départements, l'Etat et l'ensemble des collectivités concernées.

En tout cas, monsieur le ministre de l'intérieur, c'est avec une grande satisfaction et avec la plus totale confiance dans le Gouvernement que j'appelle aujourd'hui l'ensemble de notre assemblée à voter, au nom du groupe UMP, le projet de budget pour 2004 de l'intérieur et de la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Leonard, rapporteur avis. Très belle intervention !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, je veux tout d'abord, comme chacun de nous, m'indigner après l'assassinat la nuit dernière d'un gardien de la paix à Paris. Cet événement tragique nous rappelle les risques encourus par les fonctionnaires dans l'exercice ou même en dehors de l'exercice de leurs missions. J'espère que l'enquête en cours permettra d'élucider rapidement les causes de ce drame, après l'arrestation des auteurs présumés.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils sont arrêtés !

M. Jean-Pierre Blazy. Le budget de la police nationale pour 2004 se présente comme l'un des mieux dotés.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Ah !

M. Jean Roatta. Alors, vous allez le voter !

M. Jean-Pierre Blazy. Il est ainsi censé réaliser, pour la deuxième année consécutive, les engagements pris lors du vote de la LOPSI en 2002.

Avant de parler du projet de budget pour 2004, je souhaite revenir sur l'exécution du budget de 2003.

Finalement, monsieur le ministre, vous avez, comme vos prédécesseurs avant 1997, pratiqué quelques coups d'accordéon dans l'exécution budgétaire de cette année. En effet, par deux fois, en janvier et en octobre, des annulations de crédits ont été décidées à hauteur de 80 millions d'euros. Lorsque je vous ai interrogé sur ce point en commission des lois, vous m'avez répondu en invoquant les dégels de crédits que vous avez pu obtenir, mais le problème des annulations de crédits reste entier. Ne confondons pas gels et annulations.

J'ai en ma possession des télex adressés aux directions départementales de la sécurité publique en septembre dernier, les informant de la suppression de certaines actions de formation en raison de "contraintes financières". Vous comprendrez, dès lors, que nous doutions de la réalité de certains de vos engagements budgétaires, d'autant que 2004 s'annonce beaucoup plus difficile que l'année précédente s'agissant précisément de ces contraintes financières qui pèsent sur l'ensemble du projet de budget de la nation.

Je n'hésite pas à saluer la progression de 5,73 % de ce budget pour 2004 lequel s'inscrit d'ailleurs, je veux le rappeler, comme le budget de l'année dernière, dans la continuité de l'action du précédent gouvernement, lequel avait déjà augmenté de près de 5 %, en 2002, les dépenses de personnel.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Pour quel résultat !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est la réalité, et vous ne pouvez la nier !

Vous avez souligné que, avec le budget pour 2004, 55 % des crédits prévus par la LOPSI sont d'ores et déjà engagés. Soit ! mais il sera important de vérifier que les crédits prévus seront réellement utilisés.

Cela étant la question importante, s'agissant des moyens donnés à la police, est avant tout celle des effectifs. Certes vous annoncez la création de 1 000 postes, faisant suite à celle de près de 1 900 emplois l'année dernière. Pourtant, si l'on compare les bleus budgétaires de 2003 et 2004, on ne dénombre en fait que 873 emplois réellement nouveaux et non 1 000. Je vous rappelle que, en 2002, nous avions créé 3 000 emplois, certes en partie pour faire face à la mise en place des 35 heures.

Monsieur le ministre, évitons les mauvaises polémiques sur ce sujet. Vous avez déclaré, en commission des lois, que l'équivalent de 7 800 emplois ont été perdus du fait de l'application de la réduction du temps de travail. Or, d'une part, nous avions créé des emplois, certes peut-être pas en nombre suffisant et, d'autre part, nous avions prévu un dispositif de rachat que vous mettez d'ailleurs aujourd'hui en œuvre. Par ailleurs je ne crois pas que vous souhaitiez remettre en question l'application des 35 heures dans la police nationale.

M. Christian Vanneste. C'est bien dommage !

M. Jean-Pierre Blazy. Un autre problème important qui se pose est celui du remboursement des heures supplémentaires non payées. Alors que les syndicats estiment à plus de 54 millions d'euros les impayés d'heures supplémentaires pour les seuls officiers, votre budget ne prévoit que 5,7 millions d'euros.

La question la plus importante demeure celle des départs en retraite. En 2001, alors que j'étais rapporteur, je soulignais le nombre élevé de départs en retraite à cinquante-cinq ans qui se montait, en moyenne à 4 600 chaque année. Vous nous avez indiqué, en commission des lois, d'abord le chiffre de 3 114 départs attendus en 2003, puis celui de 5 393. Le rapporteur spécial confirme ce dernier chiffre, tout en indiquant que les deux tiers, soit 3 625, seraient des départs en retraite anticipée.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Exactement !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous-même, monsieur le ministre, avez cité le chiffre de 1 080 départs anticipés. Il y a quelques semaines, votre cabinet me donnait, quant à lui, le chiffre de 800. On a du mal à y voir clair.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Mais non ! C'est clair !

M. Jean-Pierre Blazy. Qui croire ? Qu'en sera-t-il en décembre ? C'est là un point essentiel car, nous le voyons, le nombre des départs en retraite anticipée, et non en retraite prévue, dépasse largement celui de vos créations d'emplois.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les chiffres évoluent au fil des semaines !

M. Jean-Pierre Blazy. Justement ! Où en sera-t-on au mois de décembre ? M. Fillon et sa loi sur les retraites sont responsables de l'accélération des départs en retraite anticipée.(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Mais non ! Faites preuve d'un peu de bonne foi !

M. Christian Vanneste. Ce que vous dites est irresponsable, monsieur Blazy !

M. Jean-Pierre Blazy. M. Fillon fait plus qu'annuler les augmentations d'effectifs que vous nous annoncez pour 2004, monsieur le ministre.

Je tiens d'ailleurs à rappeler ici les paroles de notre collègue Christian Estrosi qui, en décembre 2001, s'inquiétait du fait que les recrutements que nous proposions dans le budget pour 2002 ne suffiraient pas à compenser les départs en retraite. La droite le craignait alors, mais c'est son gouvernement qui le fait aujourd'hui !

S'agissant des adjoints de sécurité, le budget pour 2004 prévoit d'en pérenniser 11 300 sur les 12 900 qui existent aujourd'hui. Je vous rappelle tout de même qu'ils étaient 14 800 au 1er mars 2002, avant l'alternance. Si l'on peut se féliciter du fait que la paralysie de certains services pourra sans doute être évitée par votre décision, force est de constater que la réduction de leur nombre a été décidée.

A leur propos, de nombreuses interrogations persistent. Dans quel cadre et sous quel statut vont-ils être pérennisés ? Que faites vous, monsieur le ministre, de la dimension qualifiante des ADS ? Une grande partie d'entre eux a passé, jusque-là avec succès, le concours de gardien de la paix, ce qui, compte tenu de la crise de vocation que connaît parfois la police, n'est pas négligeable. Au 4 mars 2002, 7 171 d'entre eux avaient ainsi réussi le concours de gardien de la paix. Les nouveaux adjoints de sécurité seront-ils toujours, comme leurs prédécesseurs, un vivier de recrutement nécessaire pour la police nationale ?

En ce qui concerne les emplois administratifs, le projet de budget pour 2004 annonce la création de près de 250 postes qui font suite aux 1.000 postes créés en 2003. Je vous rappelle cependant, encore, que, à la différence de ce qui s'était fait entre 1995 et 1997, nous avions engagé ce mouvement, en créant 800 postes administratifs en 2001 et 300 en 2002. Nous savons, en effet, que nous avons aussi besoin de ces personnels administratifs, techniques et scientifiques pour faire une bonne police.

Leur proportion dans les effectifs de la police nationale est très inférieure à ce qu'elle est en Allemagne et au Royaume-Uni. Par ailleurs, le coût d'un agent administratif est beaucoup moins élevé que de celui d'un agent opérationnel. Cependant il faut faire évoluer le statut de ces postes pour les rendre réellement attractifs et pour nous éviter de devoir constater, en fin de compte, que la moitié des emplois administratifs sont encore occupés par des policiers en tenue

Vous présentez également 2004 comme la première année de la réforme des corps et carrières. Or tous les éléments de cette réforme étaient déjà prévus par la LOPS de 1995, et en partie engagés par les précédents ministres de l'intérieur. La déflation des corps des officiers et des commissaires n'est pas une nouveauté et elle va se poursuivre. Cependant, compte tenu des besoins qui se font sentir en matière d'encadrement, il paraît aujourd'hui nécessaire d'engager une réflexion sur l'opportunité de maintenir ce processus jusqu'à son terme.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Il faut le maintenir.

M. Jean-Pierre Blazy. La question de la formation est également essentielle. En effet, l'encadrement des jeunes fonctionnaires est une préoccupation majeure, alors même que la déflation des corps et l'augmentation du nombre des OPJ se poursuivent. Vous prévoyez ainsi la formation, en 2004, de 2 000 nouveaux OPJ. Or il apparaît que, pour la deuxième année consécutive, la formation ne bénéficie pas d'un financement à la hauteur des besoins. Pis encore : en 2003, je le rappelle, vous avez remis en question des formations indispensables.

La question est d'autant plus grave que, les départs en retraite s'accélérant, le rajeunissement des effectifs et les recrutements nouveaux indispensables nécessitent un effort supplémentaire. Il conviendrait même de réfléchir sur la nécessité d'allonger quelque peu la durée de formation des agents du corps de maîtrise et d'application, les ACMA, à partir du moment où ils seront de plus en plus nombreux à exercer les fonctions d'OPJ.

Finalement, monsieur le ministre, la LOPSI ayant prévu la création d'emplois qui n'ont vocation à remplacer ni les départs en retraite prévus - et aujourd'hui imprévus !-, ni les ADS, on est en droit de s'interroger sur la réalité des chiffres et sur les effectifs qui seront véritablement présents dans nos commissariats en 2004.

Vous évoquez, par ailleurs, le redéploiement qui doit aboutir, selon notre rapporteur, à une nouvelle carte de France pour la police nationale et la gendarmerie. Ce redéploiement est achevé dans vingt-cinq départements et il doit être maintenant conduit là où il sera sans doute plus difficile à réaliser, en particulier dans les grandes régions urbaines comme l'Ile-de-France. Dans le Val d'Oise, le redéploiement sera très partiel, puisqu'il concerne essentiellement la gendarmerie. Or votre objectif est aussi le nôtre, puisque c'est le gouvernement précédent qui a engagé la réorganisation territoriale, ...

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il ne fallait pas vous gêner pour le faire !

M. Jean-Pierre Blazy. ... avec certaines difficultés, je vous l'accorde.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Merci !

M. Jean-Pierre Blazy. Il s'agit bien de renforcer les effectifs des services de sécurité là où se trouve la délinquance, en particulier dans les départements de la périphérie francilienne.

Il faut une véritable concertation, qui manque encore. Il est également indispensable de faire preuve de cohérence, ce qui exigera que l'on règle la question difficile de la fidélisation des personnels de police. Dans un département comme le Val d'Oise, qui a connu, cet automne, de nombreuses mutations et un nombre d'arrivées de l'ordre d'une pour dix départs - ces arrivées concernant, en outre, presque toujours des jeunes sortant de l'école de police -, la situation n'est plus acceptable. Les citoyens ne la comprennent pas et les élus ne l'acceptent plus.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Nous sommes bien d'accord ! Vous auriez dû anticiper, et vous ne l'avez pas fait : voilà le problème.

M. Jean-Pierre Blazy. Je partage votre avis, monsieur le ministre, selon lequel il faudrait faire en sorte que les fonctionnaires restent cinq ans dans le ressort de leur première région d'affectation. Pour cela, il convient d'améliorer les règles et les conditions de gestion des effectifs, par exemple, en assortissant la durée de maintien dans le poste de bonifications d'ancienneté et d'un droit de mutation prioritaire en fin de période, ou en favorisant l'accès des gardiens de la paix au grade supérieur.

Il faut également poursuivre la modification, que nous avions engagée, du régime indemnitaire, et aider les policiers à se loger. Cette question essentielle doit être traitée, quand on sait que, selon certaines indications, on enregistre aujourd'hui 17 000 demandes de mutation pour 23 000 fonctionnaires affectés en Ile-de-France.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Ce n'est pas nouveau !

M. Jean-Pierre Blazy. Puisque vous affirmez, dans votre présentation du budget pour 2004, que vous ne doutez pas que les résultats seront à la hauteur de l'augmentation des moyens, je vais aborder cette question des résultats.

Tout d'abord, je tiens à dire que nous attendons beaucoup de l'Observatoire national de la délinquance, que vous avez installé voici quarante-huit heures.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vous qui auriez dû le faire !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous pensons, comme vous, qu'il doit être un moyen efficace de mettre - pour reprendre votre expression - les statistiques "au-dessus de tout soupçon".

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi donc ne l'avez-vous pas fait ?

M. Jean-Pierre Blazy. Je pense que nos collègues Christophe Caresche et Robert Pandraud, auteurs du rapport qui leur avait été commandé sur cette question en juillet 2001 par Lionel Jospin, et qui sont aujourd'hui membres du conseil d'orientation de l'Observatoire, seront particulièrement attentifs et vigilants à cet égard.

En répondant, mardi dernier, à une question d'un député de la majorité, vous avez ironisé - comme, d'ailleurs, vous le faites encore - en affirmant que, si nous en avons rêvé, vous l'avez fait.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. C'est pourtant vrai !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous auriez dû dire que nous l'avions pensé, avec deux parlementaires, appartenant respectivement à la majorité et à l'opposition de l'époque et que vous le créez !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Ce qu'on voit, c'est le résultat !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. La politique consiste à appliquer ses idées !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous n'avons pas eu le temps de le faire.

M. Jean Roatta et M. Christian Vanneste. Vous avez eu cinq ans !

M. Jean-Pierre Blazy. Soyons sérieux ! Le rapport a été remis au Premier ministre au début de 2002.

Toujours est-il, monsieur le ministre, que cette création est une très bonne chose, car il n'y aura plus lieu, désormais, de polémiquer à propos des statistiques de la délinquance, comme le faisait l'opposition durant la précédente législature.

Dix-huit mois après votre arrivée place Beauvau, vous nous présentez un bilan positif d'une politique qui se voulait en rupture avec celle de la gauche, jugée laxiste, car trop préventionniste, et "naïve", ...

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est M. Jospin lui-même qui l'a dit !

M. Jean-Pierre Blazy. ... car sous-estimant la délinquance et la nécessité de la sanction.

M. Jean-Christophe Lagarde. On ne conteste pas M. Jospin : c'est lui qui l'a dit !

M. Jean-Pierre Blazy. Il me semble, monsieur le ministre, que, depuis peu, votre approche personnelle de la naïveté, appliquée au dossier corse, vous a fait relativiser l'importance qu'il convient de donner à cet argument.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous prenez des risques !

M. Jean-Pierre Blazy. En matière de naïveté, le score est à égalité : un partout.

Avec vous, le rapporteur de la commission des lois parle du reflux de la délinquance et d'un changement de période. Gérard Leonard est à la fois très élogieux, parlant de "redressement spectaculaire du taux d'élucidation" et - je l'ai observé - quelque peu prudent, évoquant aussi un "infléchissement de la délinquance des mineurs"...

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Je suis honnête !

M. Jean-Pierre Blazy. ... et rappelant que les progrès devaient être poursuivis.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Je suis sérieux !

M. Jean-Pierre Blazy. Le thermomètre - l'état 4001 - n'a pas changé entre 2001 et 2002-2003. Certes, monsieur le ministre, je reconnais que vous avez fait tomber la température.

M. François Rochebloine. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Soyez gentil avec M. Blazy : il souffre !

M. Jean-Pierre Blazy. La délinquance globale a diminué, mais vous savez, comme moi, que l'état 4001 mesure tout autant l'évolution du nombre de crimes et de délits que l'activité des services de police. Vous nous avez dit en commission que les résultats étaient au rendez-vous, et vous avez cité des chiffres : baisse de 3,5 % de la délinquance, augmentation de 8 % des faits élucidés et progression de 12 % des gardes à vue. Monsieur le ministre, une telle augmentation du nombre des gardes à vue ne signifie pas que les crimes et délits sont moins nombreux.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. C'est laborieux !

M. Jean-Pierre Blazy. Pouvez-vous, par exemple, nous dire combien de voitures ont été brûlées en 2002 et dans les dix premiers mois de 2003 ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous ne nous le dites jamais, et les rapporteurs ne nous en disent rien non plus ! Vous venez de nous communiquer le chiffre de la délinquance d'octobre qui traduit une baisse de 3,9 % - et c'est très bien - mais celui de septembre faisait apparaître une hausse de 1,16 %.(Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Il faut être indulgent avec M. Blazy : c'est difficile pour lui !

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne conclurai pas imprudemment que le thermomètre repart à la hausse, ...

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quand le thermomètre monte, il est juste, et quand il baisse, il est faux ?

M. Jean-Pierre Blazy. ... ni que l'effet Sarkozy qu'évoque notre rapporteur ...

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Et qui est une réalité !

M. Jean-Pierre Blazy. ... - qui a, je le crois, été en effet, une réalité - commence aujourd'hui à s'épuiser. Nous nous bornerons à dire que le thermomètre reste hésitant et incertain.

Je m'interroge toujours sur les résultats d'une médiatisation excessive de l'insécurité. Dans ce domaine, il faut, certes, communiquer - et vous le faites bien, assurément, monsieur le ministre - mais il convient aussi de faire attention, car trop de surenchère et de stigmatisation continuera à inquiéter et risquera de profiter davantage au Front national qu'aux républicains que nous sommes les uns et les autres.

M. Christian Vanneste. C'est ce que vous espérez !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Ce n'est pas honnête !

M. Jean-Pierre Gorges. On a vu ce que ça donnait !

M. Jean-Pierre Blazy. Je sais bien que ce n'est pas ce que vous voulez, mais nous pourrons le mesurer au début de 2004, à l'occasion des prochaines échéances électorales.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Vous avez la nostalgie du Front national !

M. Jean-Pierre Blazy. Certainement pas ! Je suis élu de la banlieue Nord de Paris, et je ne spécule pas là-dessus.

Je m'interroge également sur l'efficacité de la culture du résultat, que vous souhaitez renforcer au sein des forces de police avec la création de la prime au mérite.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. C'est une très bonne idée.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous y voyez l'alpha et l'oméga de l'efficacité de vos services. Or que constatons-nous ? Une convocation des préfets et des commissaires et une distribution de bons et de mauvais points, ...

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. ... une pression permanente sur les services, au point que certains se sentent obligés de donner des objectifs chiffrés de gardes à vue à réaliser : votre culture du résultat entraîne quelques dérives !

J'ai pris connaissance de la note par laquelle le directeur de la sécurité publique de l'Hérault fixe à ses services des quotas de gardes à vue à atteindre, et dont certains syndicats de policiers se sont, à juste titre, vivement émus. Je voudrais savoir, monsieur le ministre, ce que vous pensez de la conclusion de cette note :  "Le métier exercé par chacun d'entre nous élimine par définition les pédants, les illusionnistes et les froussards". Il y a de quoi se sentir interpellé par l'étrange regard que porte sur ses fonctionnaires M. Joël Guénot, DDSP de l'Hérault ! Je vous demande donc quelles dispositions vous comptez prendre à l'encontre de ces pratiques de fixation de quotas de gardes à vue et si, éventuellement, vous envisagez de les sanctionner.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est un de vos grands amis, très proche de M. Bergougnoux ! Vous voulez des détails ?

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. On comprend mieux !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous allez nous aider dans la promotion des fonctionnaires de police !

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, vous avez, d'ailleurs, dû rappeler vous-même, en vous référant aux droits de l'homme, certaines règles élémentaires concernant la garde à vue, qui ne saurait être "systématique" et qui doit "préserver la dignité des personnes". Pourtant votre circulaire du 11 mars 2003 est surprenante à plus d'un titre : le ministre de l'intérieur y parfait la formation juridique de ses troupes et les met en garde contre d'éventuelles dérives. Cependant vous poussez aussi vos hommes, si je puis dire, à faire du chiffre, notamment en retenant comme l'un des principaux indicateurs de leur efficacité le nombre de gardes à vue.

Comprenons-nous bien : nous ne sommes pas hostiles à la culture du résultat.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ah oui ?

M. Jean-Pierre Blazy. Dans le service public de sécurité, on est toujours jugé au résultat, mais cela ne doit pas être au détriment des libertés individuelles.

Je voudrais, de ce point de vue, vous interroger sur le risque de dérive que l'on pourrait observer dans l'action des GIR ...

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Allons donc !

M. Jean-Pierre Blazy. ... s'il était donné suite aux propositions formulées par notre collègue Marc Le Fur, auteur d'un récent rapport sur la question, qui a retenu toute mon attention.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Très bon rapport !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Tout à fait ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy. La gauche avait créé les opérations ciblées, sur la base d'un travail en partenariat entre police, gendarmerie, douanes et services fiscaux, pour lutter contre l'économie souterraine et les trafics. Vous avez créé les GIR, que vous avez placés sous une double autorité administrative et judiciaire. Notre collègue M. Le Fur regrette ce qu'il appelle "un certain tropisme judiciaire des GIR", et demande "le renforcement de leur action en matière de police administrative".

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Merci de me citer, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Blazy. Soyons clairs : nous convenons bien que, pour lutter contre l'économie souterraine et les trafics, les services doivent collaborer de façon efficace et surmonter leurs différences de cultures, mais certainement pas au prix de la dérive inacceptable qui se produirait si on devait consentir à un déséquilibre au profit de l'action relevant de la police administrative.

Je souhaiterais enfin, monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier votre position sur la police de proximité.

Lors du débat sur la LOPSI, en 2002, et par la suite, vous nous avez indiqué que vous désiriez maintenir, voire conforter, cette police de proximité. Alors que le rapporteur de la commission des finances parle pudiquement d'inflexion de la politique menée en matière de police de proximité,...

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. C'est laborieux !

M. Jean-Pierre Blazy. ... il faut constater, dans la réalité, sur le terrain, dans les quartiers de nos villes, un véritable démantèlement de la police de proximité. Vous avez créé les BAC de jour, vous avez installé les GIR, ...

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Il était temps ! Votre politique était catastrophique !

M. Jean-Pierre Blazy. ... et vous avez prélevé sur les effectifs de la police de proximité.

M. Jean-Pierre Gorges. Ça ne sert à rien ! C'est de la démagogie !

M. Jean-Pierre Blazy. Non, elle ne sert pas à rien ! Il faut mener des actions d'investigation et de répression contre les trafics de l'économie souterraine, mais il est, en même temps indispensable, si l'on considère que la priorité doit être accordée, selon le souhait de nos concitoyens, à la lutte contre la petite et la moyenne délinquance, de développer et de renforcer la police de proximité dans les quartiers.

C'est ce que nous avions commencé à faire, notamment dans la démarche stratégique de Daniel Vaillant, car, contrairement à ce que l'on a essayé de faire croire, la police de proximité peut être aussi une police d'investigation, en même temps qu'une police proche des citoyens. C'est une police qui doit évoluer à l'image de la société.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. On a vu le résultat : une catastrophe !

M. Jean-Pierre Blazy. Aujourd'hui, les citoyens se rendent compte que cette police de proximité est en train de disparaître. Il s'agit d'une grave erreur d'orientation, qui aura inévitablement des conséquences, dans l'avenir, sur les résultats de la lutte contre la délinquance.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. On voit la différence de résultats !

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, nous sommes à la fin de 2003, et l'effet Sarkozy fléchit un peu. Un certain désenchantement apparaît dans les rangs de la police nationale. Les résultats ne sont pas aussi spectaculaires qu'on veut bien le dire, en dépit des effets médiatiques. Dans certaines régions, nos concitoyens constatent que les effectifs sont toujours insuffisants. Même le Sénat, pourtant favorable au Gouvernement, s'interroge, dans un rapport qui n'a pas encore été rendu public, sur la question des effectifs et des moyens consacrés à la police et à la gendarmerie.

La nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure reste peu lisible : que sait-on du Conseil de sécurité intérieure, présidé par la Président de la République ? Combien de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance - les CLSPD - fonctionnent-ils réellement ?

Chacun sait que l'action en faveur de la sécurité nécessite que l'on avance sur ses deux jambes : la sanction, bien évidemment, mais aussi la prévention des causes de la délinquance. Le mouvement de balancier dans le sens de la répression a oublié, aujourd'hui, le champ de la prévention. Le projet de loi annoncé sur les politiques publiques de prévention sera-t-il, monsieur le ministre, votre indispensable "deuxième jambe", sans laquelle il n'y aura pas de réponse globale à la question complexe de l'insécurité ?

En l'état, votre projet de budget pour 2004, malgré son évolution dynamique prévisionnelle, que je reconnais, nous laisse interrogatifs sur les moyens réels dont bénéficiera la police nationale et, en particulier, sur la question des effectifs. Il traduit également, et je le regrette, le déséquilibre de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre l'insécurité, que nous ne pouvons soutenir.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera contre votre projet de budget 2004 pour les crédits de la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Vous devriez avoir honte !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. J'espère que ce sera mieux que ce matin.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je vous rassure, monsieur le rapporteur, entre la matinée et l'après-midi, les propos peuvent changer.

Au mois d'août 2002, vous nous avez proposé, monsieur le ministre, un projet de loi d'orientation dont le but essentiel était de combattre l'insécurité grandissante dans notre pays, première préoccupation des Français au cours de l'année 2002. Nous avons voté cette loi - la LOPSI - et nous vous avons soutenu, ainsi que les dispositions que vous souhaitiez mettre en œuvre. Au mois de mars dernier, dans la droite ligne de la loi d'orientation, nous avons voté, en y apportant notre contribution, la loi de sécurité intérieure, qui se propose de combattre toutes les formes d'insécurité existant dans notre pays.

Ces deux lois ont donné à la France une politique ambitieuse en matière de sécurité. Certes, l'inquiétude de nos concitoyens n'est pas dissipée. Mais ils savent que le Gouvernement a pris le problème à bras-le-corps, non seulement en proposant les mesures nouvelles que nous avons votées, mais aussi en consacrant des moyens aux forces de sécurité de notre pays, ce dont votre budget témoigne encore cette année, dans un contexte pourtant difficile.

Les statistiques de ces derniers mois tendent à montrer qu'une réelle amélioration est en cours dans de larges secteurs du territoire français. Par ailleurs, l'observatoire de la délinquance mis en place cette semaine nous garantira une totale transparence en la matière. Nous nous en félicitons, sur tous les bancs de cette assemblée, je crois, tant il est vrai que les chiffres de l'insécurité doivent être indiscutables : c'est le meilleur moyen de ne pas décevoir. Vous savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, que les mesures d'affichage se révèlent catastrophiques si elles ne sont pas rapidement suivies d'effet.

Permettez-moi, à cet égard, d'insister sur un point qui peut paraître étranger au budget de la sécurité intérieure, mais qui devrait donner toute sa cohérence à la politique menée. Il s'agit du problème de la chaîne pénale, qui débute par le travail des policiers ou des gendarmes, se poursuit par celui des magistrats et s'achève par celui de l'administration pénitentiaire. J'aurai bien sûr l'occasion d'y revenir lors de l'examen du budget de la justice, mais cette question vous concerne également, monsieur le ministre.

Si vous avez su donner les moyens nécessaires, aussi bien législatifs que matériels, aux forces de l'ordre, il semblerait que cette chaîne soit rompue dès l'étape judiciaire. En effet, sur 5,4 millions de procès-verbaux reçus, la capacité de traitement des plaintes est de 11 % et de 31 % lorsque les auteurs sont identifiés. Cela signifie concrètement qu'en France, à peine une affaire sur trois dont l'auteur est identifié peut être jugée. Cela peut expliquer aussi le désarroi de la population et d'un certain nombre de fonctionnaires de police. Même si elle relève en grande partie de la responsabilité du ministre de la justice, cette situation doit être portée à votre connaissance, monsieur le ministre, car la cohérence d'une politique de lutte contre l'insécurité suppose la maîtrise complète de la chaîne pénale.

Quand on sait que sur trois cas élucidés par la police, un seul est réellement traité par la justice, on ne peut que s'étonner que, ces dernières semaines, au tribunal de Bobigny, des gens aient été relâchés sous prétexte que les fonctionnaires de police étaient absents...

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est scandaleux !

M. Jean-Christophe Lagarde. On aimerait sincèrement que le ministère de la justice et les magistrats agissent aussi efficacement que la police dans notre pays.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Comme celui de 2003, le budget 2004 reflète les avancées de la LOPSI. Sans revenir sur les aspects techniques, je voudrais rappeler quelques éléments qui traduisent la réalité budgétaire des textes votés.

L'augmentation de 4,5 % des crédits de personnel, ainsi que la création de 1 000 emplois attestent le réel effort consenti dans ce domaine. Malheureusement, celui-ci ne se traduit pas encore partout, mais j'y reviendrai.

Le projet de budget répond aux attentes en matière de personnel. Il est d'ailleurs intéressant de noter que 81 % des crédits de la police sont affectés aux dépenses de personnel. Les revalorisations indemnitaires permettront de reconnaître le mérite des fonctionnaires de police qui travaillent bien souvent dans des conditions difficiles, notamment dans les banlieues. Quant aux créations d'emplois, les trois quarts d'entre elles concernent les gardiens de la paix, témoignant de votre volonté de favoriser la création d'emplois de terrain. Les transformations d'emplois méritent également d'être soulignées. Nous approuvons les mesures qui consistent à réduire les effectifs des officiers pour renforcer ceux des agents présents sur le terrain.

Dans la même optique, nous approuvons entièrement les 3 millions d'euros de crédits destinés à financer la constitution d'une réserve civile. Celle-ci permettra de rémunérer 40 000 jours de réservistes. Cette mesure, suffisamment importante pour être remarquée, évitera enfin de désorganiser nos commissariats au moindre événement.

Concernant les dépenses d'équipement, nous approuvons les efforts consentis en faveur de la rénovation du parc immobilier de la police nationale. L'augmentation de 15 % est, à ce titre, très significative, mais elle ne traduit pas l'accélération des procédures qui permettra à tous nos fonctionnaires de travailler enfin dans des locaux décents. De même, les 13, 7 millions d'euros destinés à contribuer à la construction de logements pour les fonctionnaires de police sont une preuve de l'attention que vous portez à la fidélisation des effectifs et aux conditions de vie des fonctionnaires de police. Encore faut-il que nous soyons assurés de leur bonne utilisation.

Enfin, je conclurai mon analyse des crédits de la police nationale en évoquant le système ACROPOL. Je crois en effet important de souligner la réelle avancée de ce dispositif et les moyens qui y ont été consacrés antérieurement. La baisse des crédits que l'on peut constater cette année n'est due qu'à la planification de l'extension du système. Le taux de couverture d'ACROPOL s'élèvera à 41 % en 2004. Tous les professionnels se félicitent d'une telle avancée, que l'on doit, monsieur le ministre, à votre volonté - je me souviens notamment des débats qui ont lieu lors de l'examen de la LOPSI.

Tous ces éléments positifs justifient le soutien que nous apportons à votre projet de budget, monsieur le ministre. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur des dysfonctionnements et des carences qui nuisent gravement aux résultats de votre politique en Ile-de-France. Il est de mon devoir de les pointer du doigt, afin que votre énergie, reconnue de tous, vous permette d'y apporter un remède efficace et rapide.

Je citerai quelques exemples des problèmes vécus dans mon département, la Seine-Saint-Denis, qui, je crois, sont révélateurs des difficultés que nos policiers rencontrent partout en France sur le terrain.

Ainsi, en mars 2003, le commissariat de Drancy, ma commune, comprenait 121 fonctionnaires théoriques, tous corps confondus. Aujourd'hui, il dispose de moins de 100 fonctionnaires, un niveau jamais atteint depuis sept ans.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh bien voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ne vous réjouissez pas trop vite !

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne me réjouis pas : c'est triste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si vous aviez anticipé les départs à la retraite des personnels affectés en province, nous ne serions pas en train de déshabiller la petite couronne et le ministre serait bien plus à l'aise pour gérer ce problème.

Dans ce commissariat, depuis janvier 2003, 16 fonctionnaires en tenue ont été mutés et un seul a été nommé en remplacement. De trois patrouilles motorisées, nous sommes passés à une seule pour 130 kilomètres de rues et 62 000 habitants. Le résultat ne s'est pas fait attendre : ma ville a connu la plus forte hausse de délinquance en 2002 - plus 13 % -, et nous enregistrons le même taux de progression pour les neuf premiers mois de 2003.

Ma ville n'est malheureusement pas une exception. Ainsi, le commissariat de La Courneuve, zone sensible s'il en est, a vu, entre 2000 et 2003 - et pas seulement en 2002 monsieur Blazy - ses effectifs passer de 170 à 136 fonctionnaires.

Cependant, il serait injuste, monsieur le ministre, de vous faire porter la responsabilité de l'effondrement des effectifs. En effet, celui-ci avait commencé avant votre arrivée, et je sais qu'il vous est difficile, eu égard notamment aux départs en province, de combler en même temps toutes les carences sur l'ensemble du territoire national.

Du reste, vous venez de décider d'affecter 145 gardiens de la paix en Seine-Saint-Denis et à peu près autant dans les Hauts-de-Seine. Mais c'est du double que nous avons besoin pour revenir au niveau de 2001. J'espère donc qu'en 2004, nous verrons arriver en nombre des fonctionnaires qui nous permettront de faire face à une délinquance qui n'a pas encore décru.

J'ajoute que, dans le même temps, 360 fonctionnaires sont affectés au seul département de Paris, qui a pourtant été déjà largement servi ces deux dernières années. Lors de l'examen de la LOPSI, je vous avais dit, monsieur le ministre - et c'est une conviction profonde -, que Paris a moins besoin d'effectifs supplémentaires que d'une réforme de la préfecture de police, que vous vous êtes d'ailleurs engagé à mettre en œuvre. Je crois qu'elle est la clé du succès. Cette réforme conditionne également les résultats de votre politique sur l'ensemble de la région Ile-de-France, car la préfecture de police joue un rôle sensible dans le niveau des effectifs de toute la région.

Certes, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas tout faire en même temps. Mais les habitants de Seine-Saint-Denis ne peuvent plus attendre. Ils vous ont fait confiance, ils vous font encore confiance. Les départements de la petite couronne doivent réellement devenir votre priorité en 2004.

Les 14,5 millions d'euros destinés essentiellement à l'achat de véhicules lourds et à la rénovation du parc automobile permettront de doter de nombreuses équipes de nouveaux matériels. On peut d'ailleurs constater qu'en 2003, le taux de renouvellement des véhicules légers est passé à 60 %, ce dont les fonctionnaires de police se réjouissent. Mais, dans mon département notamment, l'arrivée de véhicules supplémentaires n'a pas été accompagnée d'un budget consacré aux réparations. Celui-ci a donc dû être prélevé sur les crédits de fonctionnement des préfectures, ce qui a suscité certaines difficultés.

Je souhaite également attirer votre attention sur l'incitation et la revalorisation. Les conditions de travail et de vie des fonctionnaires affectés en Ile-de-France, plus particulièrement dans les zones sensibles, sont plus difficiles qu'ailleurs. Vous avez fait un premier pas en leur accordant 150 euros supplémentaires par mois. Il faut aller plus loin, car la différence de niveau de vie entre la région parisienne et la province représente bien davantage. Bien entendu, nous sommes tous conscients des restrictions budgétaires et des efforts que vous avez su faire dans le cadre de votre budget. Mais je crois que le problème est très profond et qu'il nous faudrait y réfléchir plus avant. En effet, le nombre de mutations pour la province croît sans cesse et il est dû pour partie aux conditions d'exercice du métier de policier et au niveau de vie des fonctionnaires de police. Il nous faut donc réfléchir à des mesures incitatives pour éviter que cet exode ne s'aggrave.

Cela me conduit à évoquer le problème du logement. Je sais que le ministère a constitué un parc de réservation portant sur 12 000 logements en région parisienne, dont près de 9 800 sont à la disposition des agents de la préfecture de police. Il faut poursuivre cet effort, car les besoins ont été estimés à 400 logements par an jusqu'en 2005. Au-delà des nouvelles modalités de réservation - notamment la participation à des programmes de réhabilitation à Paris ou la coopération avec l'association régionale des organismes d'HLM d'Ile-de-France -, ne pourrions-nous pas envisager des coopérations interministérielles ? Ainsi, le programme de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo ne pourrait-il pas contenir de petites unités de cinq ou dix logements réservés à des fonctionnaires de police dans le cadre des opérations de démolition-reconstruction ? Ne pourrait-on pas également envisager des mesures très fortes d'incitation à l'accession à la propriété, car si les policiers sont attachés à leur logement, ils le seront également à leur région d'affectation ? A l'image des zones franches urbaines, serait-il possible d'envisager des zones particulières au sein desquelles les fonctionnaires de police disposeraient de logements gratuits ? Mes collègues Francis Vercamer et Rudy Salles développeront ce point. Si nous parvenions à mettre en place de tels dispositifs, il serait tout à fait légitime d'imposer aux fonctionnaires de police de rester au moins cinq ou six années dans leur première région d'affectation. Ainsi, nous serions certains d'avoir des policiers connaissant le terrain, des effectifs et des équipes stables.

J'ouvre volontairement ces pistes, qui peuvent paraître radicales, pour que nous nous penchions sur cette question cruciale.

Permettez-moi à présent de revenir sur un problème très étroitement lié à ma circonscription, mais qui est symbolique des difficultés rencontrées par certains commissariats. Je veux parler du problème des escortes de prévenus dans les tribunaux. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le TGI de Bobigny a été le théâtre d'incidents liés à un manque de personnel de police. Au mois d'octobre, la police n'était certes pas absente, mais il est arrivé que 28 fonctionnaires de police soient prélevés sur les services de voie publique pour être affectés au tribunal. Ce sont des policiers en moins sur le terrain. Or, il n'est pas acceptable que l'on prélève des fonctionnaires affectés à la voie publique, qui plus est dans un quartier sensible, pour sécuriser le palais de justice.

Il est grand temps de faire en sorte que les escortes soient assurées par des compagnies privées et que les palais de justice sensibles soient gardés par des compagnies mobiles. La place des fonctionnaires de police affectés à la sécurité de la voie publique ne doit pas être au sein des prétoires, même si l'insécurité y est grandissante.

Pour conclure sur le volet de la police nationale, je voudrais appeler votre attention sur deux points particuliers qui ont déjà été abordés dans le cadre de la LOPSI et de la LSI. Je veux parler de notre rôle d'élu local et plus particulièrement de notre implication en tant qu'élu local dans la politique de lutte contre l'insécurité.

Les élus de proximité devraient pouvoir être encore mieux inclus dans la chaîne de commandement. Le maire, qui reste le premier interlocuteur de nos concitoyens en matière de sécurité, n'a pas suffisamment de pouvoirs. Même si la LSI nous a permis d'être plus impliqués, il reste encore des améliorations à apporter. Le pragmatisme dont vous faites souvent preuve nous incite à réclamer davantage de pouvoirs et de moyens pour les maires. Nous souhaiterions notamment qu'un bilan des besoins nouveaux soit fait régulièrement entre des représentants des maires et le ministère, afin que la législation évolue aussi vite que les problèmes.

Permettez-moi de citer un exemple. Nous avons voté, il y a quelques mois, la LSI. Récemment, nous avons pris conscience dans notre département, après une réponse du préfet, que personne ne peut interdire l'ouverture d'un bar sous licence IV. On se demande d'ailleurs à quoi sert cette licence. Ainsi, un quartier isolé, fermé sur lui-même, qui a connu de graves difficultés à cause d'un établissement se trouve actuellement en ébullition parce qu'il est question que soit rouvert un bar, dont on sait qu'il sera un lieu de trafic, quel qu'en soit l'exploitant. Que ni le maire ni le préfet ne soient en mesure de s'opposer à la réouverture de ce type d'établissement pose problème. Il me semble que nous devrions faire régulièrement le point sur ce type de situations, afin d'examiner dans quelle mesure la législation doit évoluer.

Sur d'autres points qui concernent votre budget, je me contenterai de quelques remarques.

Les dépenses relatives aux élections sont particulièrement élevées en raison des nombreuses échéances électorales qui nous attendent en 2004. Alors que les coûts engendrés par les élections sont théoriquement supportés par l'Etat, dans les faits une part trop importante en reste à la charge des communes. Vous avez exprimé le souhait de favoriser la mise en place des machines à voter, ce que j'approuve, car ce serait plus simple et plus économique pour tout le monde. Mais le coût élevé de ces machines - 6 000 euros pièce -devrait à mon sens être compensé par l'Etat. En effet, si ce système faisait faire à l'Etat des économies de fonctionnement, il représenterait pour les collectivités locales un investissement lourd. Dans ma commune par exemple, il s'élèverait à 200 000 euros. Il ne semble pas très logique que les collectivités payent pour que l'Etat fasse des économies.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui, c'est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. J'ai calculé sommai- rement que pour les élections du mois de mars 2004, qui devraient dans ma commune mobiliser environ 140 personnes chaque dimanche, l'installation de machines à voter permettrait de faire l'économie de 80 personnes par jour de vote. Il semblerait donc légitime que ce soit l'Etat qui supporte le coût de cet investissement.

Par ailleurs la délivrance tardive des agréments pour les machines à voter a retardé d'autant ces investissements et il semble que personne ne sera prêt pour 2004. Pourriez-vous nous donner des informations à ce sujet ?

Enfin, en ce qui concerne la sécurité civile, les événements dramatiques de l'été ont montré une fois de plus l'étendue du courage dont font preuve chaque jour volontaires comme professionnels. Monsieur le ministre, vous avez su réagir à cette situation, et l'augmentation de 13,7 % des crédits de paiement et des autorisations de programme dans le domaine des équipements honore le Gouvernement, et donne la mesure de la reconnaissance de l'Etat envers les soldats du feu. Ces crédits sont à la hauteur des enjeux, non seulement en termes de moyens aériens, mais aussi touchant à la modernisation des équipements. De même, nous nous félicitons de l'augmentation de la dotation d'aide à l'investissement des services d'incendie et de secours et du transfert aux départements des moyens de financement des SDIS.

En conclusion, monsieur le ministre, nous qui soutenons votre démarche depuis l'origine, nous nous réjouissons que le niveau des crédits engagés soit conforme aux engagements pris en 2002, malgré le contexte de restrictions et de difficultés budgétaires, et nous saluons les nouvelles avancées du budget pour 2004.

C'est pourquoi, même si nous restons inquiets en ce qui concerne l'évolution de la situation en petite couronne parisienne, nous voterons votre budget en faisant appel à votre vigilance et votre détermination sur ce dernier point. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'intérieur - chacun a salué le fait - est un des rares budgets à afficher une hausse pour la deuxième année consécutive. Nous devrions normalement nous en féliciter. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il est en augmentation de 5,09 %, ce qui représente un budget de 10,49 milliards d'euros, hors collectivités et élections. Rappelons simplement que le budget 2003 s'élevait à 9,82 milliards. Le seul budget de la sécurité intérieure augmente, quant à lui, de 5,76 %.

Mais comment se féliciter de cette augmentation au moment où la plupart des ministères sont frappés de plein fouet par des baisses drastiques. Pour mémoire, je rappelle que l'équipement, les transports et le logement subissent une baisse de 4,26 %, l'agriculture de 0,86 % et les sports de 1,96 %. Et si le budget de l'éducation nationale augmente de 2,8 %, cette augmentation concerne les seules dépenses de fonctionnement, et non les crédits qui permettraient de développer un enseignement de qualité. En effet, il se traduit par une perte sèche de 2 500 postes, premier et second degrés confondus.

Seuls les ministères de la défense, de la justice et de l'intérieur sortent gagnants des arbitrages budgétaires.

Si ces augmentations s'inscrivaient dans une progression générale et plus forte, qui toucherait aussi des secteurs liés à l'emploi, à la formation, à l'éducation et à l'action sociale, par exemple, nous ne pourrions que nous en féliciter. Malheureusement ces trois augmentations ne sont pas neutres et démontrent, s'il en était besoin, le choix politique de ce gouvernement.

Personne - pas moi en tout cas - ne nie que l'insécurité reste une des premières inquiétudes des Français. Mais l'intronisation du droit à la sécurité comme régulateur de la vie sociale, en relation directe avec l'abandon par le Gouvernement du droit au travail et du droit à la protection sociale, pour ne prendre que deux exemples... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ne peut pas être approuvée sur tous les bancs de cette assemblée. Ces droits - droit au travail, droit à la protection sociale, mais aussi droit à l'éducation - sont sacrifiés, alors qu'ils devraient être une priorité.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Mais c'est faux !

M. Patrick Braouezec. Vos choix politiques ont pour conséquence d'accroître le chômage de masse et la précarisation de nombreux salariés. Vous qui demandez plus de moyens pour la sécurité des biens et des personnes, vous semblez, même à qui ignorerait les événements dramatiques de cet été, faire peu de cas de la sécurité de vie des personnes.

Malgré l'urgence de la situation sociale, le Gouvernement continue ainsi à ressasser l'argument de l'indignation d'une « France d'en bas » apeurée et en profite pour multiplier les mesures relevant du tout répressif.

Je ne suis pas certain que nous soyons pour autant entrés dans la culture du résultat que vous prônez, nous sommes plutôt dans celle de l'apparence de résultat, confortée par des chiffres de baisse de la délinquance qui ne correspondent pas à la réalité, à mes yeux, ni à ceux des Français que je rencontre quotidiennement. Car des résultats supposent des moyens.

M. Pierre Cardo. Cela suppose une volonté politique !

M. Patrick Braouezec. Considérons ceux prévus pour 2004.

En ce qui concerne les effectifs, il y a 550 postes de commandement et d'encadrement en moins. Il est généreusement octroyé 1 000 postes supplémentaires aux policiers, dont 740 postes de gardiens de la paix.

Un tel choix traduit la volonté du Gouvernement de mettre l'accent sur ce qui se voit, sur la lutte contre les délits les plus visibles, qui constitue sa priorité. Ainsi en est-il de la prostitution, contre laquelle vous avez certes agi, mais cette action a rencontré un grave échec : les procédures sont souvent entachées de vices de forme ; les prostituées arrêtées sont souvent relaxées ou expulsées du territoire, mais les réseaux, eux, ne sont toujours pas démantelés.

Quoi d'étonnant, quand diminuent les effectifs de la police chargée du travail d'enquête, la police d'investigation ? Voilà pourquoi les réseaux organisant la prostitution continuent comme devant d'asservir des êtres humains et d'en assurer le trafic.

Pour la même raison les plaintes déposées par le citoyen lambda - quand il peut déposer plainte - restent souvent sans suite. Ce n'est pas en réduisant les effectifs de la police d'investigation que le Gouvernement pourra lutter efficacement contre les atteintes à la dignité et à l'intégrité des personnes et contre toutes les sortes de maffias organisées. Il est évident en effet que ces policiers participent à la lutte contre l'insécurité, à l'extinction ou du moins à la régulation de la délinquance, mais aussi à la prévention, en remontant et en démantelant les filières. Or aujourd'hui les actions de prévention sont de plus en plus délaissées.

Ne nous faisons pas d'illusion, une société sans infractions aux règles établies n'existe pas, à moins de rêver d'un monde à la Big Brother, ou du moins de son petit frère, Little Brother. Dès lors, il est préférable de prévenir plutôt que de punir, non en imposant des lois négatives, ce qui entraîne ce que Michel Foucault dénonçait dans son ouvrage Surveiller et punir, mais en édictant des lois positives, qui entrent en congruence avec les besoins et les attentes des citoyens.

M. Pierre Cardo. Que ne l'avez-vous fait en cinq ans !

M. Patrick Braouezec. Un des moyens en est la mise en place d'actions de prévention, assurées par une police urbaine de proximité, présente sur le terrain.

M. Jean-Pierre Gorges. C'est précisément le rôle des GIR !

M. Patrick Braouezec. Dans certains quartiers de Paris, par exemple, les policiers de proximité changent de secteur presque chaque jour. De ce fait aucun lien de confiance ne peut se tisser entre les habitants de ces quartiers et les policiers. Comment satisfaire dans ces conditions à l'injonction contenue dans le Guide pratique de proximité, selon laquelle « à une logique de réponse à des demandes ponctuelles se substitue une logique de service soucieuse à tout moment d'aller au-devant des attentes des citoyens, en matière de sécurité au quotidien » ? C'est une mission impossible.

Dans le même ordre d'idées je citerai l'exemple de ma commune de Saint-Denis, où dans leur grande majorité les fonctionnaires de police, sous l'impulsion d'un bon commissaire - vous voyez que vous n'êtes pas le seul à distribuer des bons points ici - essaient de bien faire leur travail. Mais ils ne sont pas assez nombreux. Certes on pourrait considérer que les effectifs de police sont suffisants au regard des 88 000 habitants de la commune. Mais c'est aussi une ville où travaillent plus de 50 000 salariés et 30 000 étudiants. Ses réseaux de transports en commun sont utilisés chaque jour par des dizaines de milliers de personnes ; son marché draine entre 10 000 et 30 000 personnes trois fois par semaine. Ce sont donc 150 000 personnes qui sont présentes quotidiennement sur le territoire de cette commune, et les effectifs de police sont loin d'être à la hauteur des besoins de ces populations.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi alors n'avoir pas voté la loi de programmation ?

M. Patrick Braouezec. La police n'est pas en mesure de bien faire son travail, faute d'avoir les moyens nécessaires.

Mais est-ce le réel souci du ministère de l'intérieur ? N'est-il pas plus motivé par les actions « coup de poing » comme nous avons pu le constater avec les GIR, dont on n'entend plus beaucoup parler d'ailleurs ? Obtiendra-t-on une réelle diminution de la délinquance en attribuant 78 millions d'euros à la protection des fonctionnaires ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non que je désapprouve cette décision, mais je pense qu'elle devrait être complétée par une augmentation d'effectifs et une requalification des missions.

M. Pierre Cardo. Qu'avez-vous fait en cinq ans ?

M. Patrick Braouezec. Une autre question nous préoccupe : qui peut penser que le travail d'un policier ne se mesure qu'au résultat ? Le problème de la sécurité d'une société ne peut se résoudre à la manière des séries policières américaines, où il suffit de quarante-cinq minutes pour résoudre l'énigme. Les problèmes de sécurité et de prévention ne sont pas de l'ordre de la fiction. Exiger un investissement plus important pour obtenir des résultats et utiliser des arguments comme le salaire au mérite peut amener à des dérives graves, au point de menacer la liberté individuelle des personnes. Nous ne voulons pas, pas plus que le Syndicat de la magistrature, pas plus que certains syndicats de policiers, d'une société policière qui ne serait qu'une prison. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis. Caricature !

M. Patrick Braouezec. Imposer par exemple un quota de six gardes à vue par vingt-quatre heures, dont deux la nuit, c'est ouvrir la porte à tous les dérapages. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et toutes vos protestations n'y changeront rien.

M. Jean-Pierre Gorges. Les Français jugeront !

M. Patrick Braouezec. Je rappelle à ce sujet que les conditions de rétention des personnes gardées à vue valent régulièrement à la France d'être condamnée par le Comité européen pour la prévention de la torture. Nous avions d'ailleurs déposé un amendement au projet de loi adaptant la justice aux évolutions de la criminalité, afin que soit assuré un respect minimum de la dignité de ces personnes.

Plutôt que de prôner une culture du résultat, le Gouvernement devrait s'engager à investir dans l'amélioration des conditions d'accueil du public dans les commissariats, des conditions de travail des policiers, et des conditions de vie dans le milieu carcéral, lieu de notre société où l'on compte le plus grand nombre de suicides. Or si le budget de la sécurité intérieure augmente, comme je le disais en introduction, il ne fait que confirmer l'axe sécuritaire au détriment du développement humain. Cette orientation est bien le signe - et vous n'en êtes pas seul responsable, monsieur le ministre - d'une civilisation qui régresse.

Enfin, il est alarmant de constater que vous mettez en relation la protection des libertés publiques et la maîtrise de l'immigration. Aujourd'hui les reconduites aux frontières ont doublé. Cette politique est coûteuse. Elle est parfois violente. Qui pourra oublier certaines reconduites particulièrement musclées ? L'étranger est décidément à l'origine de bien des maux. Si cette politique de reconduite améliore les statistiques du ministère, elle ne résout en rien les problèmes de sécurité intérieure.

Je passerai rapidement au budget des collectivités territoriales, puisque je n'ai que dix minutes. Le projet de décentralisation imposé par le Gouvernement, qui veut se limiter à assurer les fonctions régaliennes de l'état - police, justice, défense - lui permet de se désengager de secteurs aussi fondamentaux que la solidarité nationale, la santé, l'éducation, le logement, et de se débarrasser des dépenses sociales sur les collectivités territoriales, ce qui les contraint à augmenter les impôts locaux.

M. Pierre Cardo. Ce n'est pas nouveau, ça date des premières lois de décentralisation de Defferre !

M. Patrick Braouezec. C'est vrai, vous n'êtes pas les seuls responsables !

Les inégalités entre départements, régions ou communes s'aggraveront forcément au détriment des citoyens. Nous sommes bien évidemment pour une évolution de la décentralisation qui tendrait à développer le service public, à le rendre plus proche des citoyens, plus efficace et démocratique. Encore faudrait-il que les collectivités sachent exactement quel budget le financera. Lorsqu'il est précisé que le financement du RMI et du RMA pourrait être assuré par le transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et de celui de la taxe sur les conventions d'assurance multirisque habitation, nous sommes inquiets. Nous savons tous que le cours du pétrole est fluctuant, et que les compagnies d'assurances peuvent, par des tours de passe - passe, limiter le transfert de cette taxe, voire la remettre en cause. Qu'adviendra t il dès lors du financement de la solidarité sociale et de toutes les nouvelles compétences dont nos collectivités auront la charge ?

M. Jean-Marc Nudant. Ce sera comme l'APA.

M. Patrick Braouezec. Vous trouvez que c'est un bon exemple, peut-être ?

Toujours à propos des collectivités territoriales, le projet de loi de finances précise que les dotations allouées par l'Etat seront préservées en 2004. Mais pour combien de temps, et que se passera-t-il lorsque viendra le relèvement des taux d'intérêt qui accompagnera inévitablement la reprise, si reprise il y a ?

En conclusion, ce budget ne peut nous satisfaire parce qu'il affiche l'orientation libérale de la politique gouvernementale, principalement axée sur le « tout- sécuritaire » et sur la répression.

M. Jean-Pierre Gorges. C'est paradoxal !

M. Patrick Braouezec. Il ne répond pas aux questions qui se posent en matière de prévention ou d'effectifs.

De plus, il marque le désengagement de l'Etat de domaines aussi essentiels que l'économie et le social.

M. Jean-Marc Nudant. C'est n'importe quoi !

M. Patrick Braouezec. Cette décision ne va faire que générer une insécurité sociale croissante, car les personnes laissées pour compte par l'Etat ne pourront jamais se sentir en sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me sens un peu frustré de ne disposer que de cinq minutes sur un sujet aussi intéressant. Mais je vais essayer de faire bref.

Quand j'écoute mon collègue Braouezec, je comprends qu'un certain nombre de nos concitoyens n'aient pas trop le moral.

M. Patrick Braouezec. Ça commence mal !

M. Pierre Cardo. En ce qui me concerne, monsieur le ministre, je serais presque inquiet d'être un élu quelque peu heureux, presque satisfait de la politique que vous menez dans le domaine de la sécurité depuis que vous êtes au Gouvernement.

Cela tend à prouver que, contrairement aux idées reçues admises pendant des années, il n'y a pas de fatalité dans ce domaine. Là où il y a une volonté politique, il y a des solutions. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les rapporteurs ont brillamment éclairé la représentation nationale sur votre budget et les réponses qu'il présente, qui sont - je partage leur avis sur ce point - assez adaptées aux problématiques auxquelles les Français sont confrontés depuis trop longtemps.

Mais s'il est un jugement qui m'importe aujourd'hui, sur votre budget comme sur l'ensemble de votre action, c'est d'abord celui de ceux qui m'ont donné mandat pour les représenter ici, devant vous. Eh bien, monsieur le ministre, ceux-là vous approuvent massivement, bien au-delà des clivages politiques que l'on observe sur les bancs de notre hémicycle.

M. Jean-Marc Nudant. Très bien !

M. Jean-Pierre Gorges. Ça c'est vrai !

M. Pierre Cardo. C'est pourquoi je partirai d'une observation locale, avant de faire quelques remarques d'ordre plus général, en cinq minutes - quatre désormais !

Chaque année, monsieur le ministre, dans ma circonscription en grande couronne, les effectifs de police se réduisent, et ce depuis des années. Et depuis dix ans la délinquance au contraire n'a pas cessé de progresser. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas signé de contrat local de sécurité, CLS, sous le gouvernement précédent, bien que je partage le souci du travail en partenariat. Je considérais en effet que signer un tel document, alors que j'allais disposer de moyens diminués, et que les résultats étaient mauvais, c'était prendre le risque de décrédibiliser un peu plus les institutions.

Mais il y a maintenant le CLSPD, et je vais y venir. Ce n'est pas pour autant que je n'aie rien fait en tant qu'élu. J'ai créé le groupe de traitement local de la délinquance, afin de mettre en œuvre un partenariat entre police, justice, élus locaux, et éventuellement d'autres acteurs.

Nous ne devons pas avoir les mêmes chiffres ou les comportements sont très différents selon les secteurs car depuis janvier, monsieur le ministre, je constate chaque mois une baisse de la délinquance de 50 %.

M. Jean Roatta. C'est colossal !

M. Pierre Cardo. Et ce n'est pas seulement statistique.

M. Jean-Pierre Blazy. 50 % !

M. Pierre Cardo. Oui, chaque mois par rapport au même mois de l'année précédente.

Pourquoi une telle baisse ? Est-ce parce que j'ai moins de policiers, car j'en ai encore perdu ? Faudrait-il en conclure que moins il y a de policiers, moins il y a de délinquance ? Ce n'est pas le constat que je tire de la pratique des années antérieures. Est-ce un effet « placebo » ? J'en doute. Je crois simplement que votre discours, monsieur le ministre, comme les moyens prévus dans votre budget, qui démontrent que votre discours est en harmonie avec vos actes, ont eu un effet motivant sur les policiers et les gendarmes. Ils se sont sentis enfin soutenus.

M. Camille de Rocca Serra. C'est vrai !

M. Pierre Cardo. De plus, avec moins d'effectifs, je peux vous dire que depuis plus d'un an, je les vois, alors qu'avant, je ne les voyais pas, et je n'étais pas le seul.

M. Jean Roatta. Eh oui !

M. Pierre Cardo. Il y a un discours clair. Vous avez aussi, par votre discours, cassé un terrorisme intellectuel sur un sujet sur lequel on n'osait pas trop dire un certain nombre de vérités. Je ne peux que vous en féliciter et vous remercier au nom de ceux qui ont souffert pendant tant d'années dans les quartiers en difficulté d'une délinquance qui était inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, je suis très favorable au CLSPD et je le signerai. Le parquet est mobilisé, la police est mobilisée et il y a d'autres acteurs.

J'ai cru comprendre que vous envisagiez d'élaborer avec d'autres ministres une loi sur la prévention de la délinquance. C'est très intéressant mais pourrait-on préciser, dans cette loi ou dans une loi de décentralisation, le rôle du maire ? Je pense qu'il doit être le trait d'union entre le « répressif » - la police et la justice - et le système préventif. Mais qui doit coordonner les actions du préventif ? Depuis la décentralisation, de multiples acteurs, conseils généraux, CAF, clubs de prévention, etc..., travaillent de façon plus ou moins cloisonnée. Il est évident que si l'on veut une politique territorialement adaptée, un exécutif doit être désigné, non pas pour commander mais pour coordonner, sinon le travail en réseau ne fonctionnera pas.

Un autre problème se profile à l'approche de Noël. Le rapport Léonard a fourni des chiffres pour la grande couronne, notamment pour mon secteur. Ils confirment que nous sommes en sous-effectifs. Or, au mois de décembre, RTT sont à prendre, les départs en retraite vont encore faire baisser les effectifs, mais ce n'est pas de votre faute, monsieur le ministre. En outre, certains délinquants profitent de la période des fêtes de fin d'année pour remplir leurs « chaussons de Noël » par des cambriolages et autres agressions. C'est au moment où il y aura le plus de délinquance sur le territoire que nous risquons d'avoir le moins de policiers.

Vous avez proposé le rachat de journées de RTT. L'idée est intéressante mais, puisque les moyens financiers semblent un peu difficiles à trouver, même si cela doit s'améliorer en cours d'année 2004, ne pourrait-on proposer à ceux qui le souhaitent de transformer leur capital de RTT en points de retraite ? Cela permettrait, me semble-t-il, de trouver des heures de personnels supplémentaires.

Monsieur le ministre, je m'arrêterai là car j'ai déjà dépassé mon temps de parole. Je tiens, au nom de tous mes administrés, à vous remercier pour le travail que vous avez réalisé avec vos services, la police, la gendarmerie et les services qui agissent avec elles. Il a apporté un réel soulagement qui nous permet enfin d'envisager une action préventive car, sans répression, il ne peut y avoir de prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Monsieur le ministre, vous êtes en charge de la sécurité publique. On s'en est aperçu depuis le début de ce débat. Vous êtes aussi en charge des collectivités territoriales. Or aujourd'hui, les élus locaux, maires ou présidents d'exécutifs régionaux ou départementaux, ont une préoccupation majeure : comment équilibrer le budget de leur collectivité, compte tenu des transferts envisagés dans les prochains mois ?

Car là est le vrai problème. Le Gouvernement propose au Parlement un véritable démantèlement des services publics jusqu'alors placés sous la responsabilité de l'État - les routes nationales ou les agents de service de l'éducation nationale, par exemple -, sans donner les moyens correspondant aux besoins réels pour garantir le bon fonctionnement de ces services transférés.

Je vous entends d'avance me répondre que, désormais, la Constitution garantit le transfert des moyens.

Vous auriez raison si ce transfert était assorti d'une appréciation contradictoire de l'état réel des besoins à satisfaire et si l'État versait aux collectivités les crédits permettant la mise à niveau des voiries nationales transférées ou la création des postes nécessaires de personnel TOS dans les lycées et collèges.

Alors, monsieur le ministre, et ce sera ma première question, le Gouvernement est-il prêt à discuter avec les élus locaux des collectivités territoriales ou imposera-t-il ses règles ?

La deuxième préoccupation des élus locaux, c'est le calendrier. Je vous donne acte que, de votre point de vue, une large « concertation » a été réalisée au travers, notamment, des assises des collectivités locales. Cela ne règle pas pour autant les conséquences très préoccupantes d'un calendrier précipité.

Prenons l'exemple du RMI qui, selon le texte voté au Sénat mais pas encore examiné à l'Assemblée, devrait être géré complètement par les départements au 1er janvier prochain. Cette précipitation ne créera pas les conditions optimales du transfert ni de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif appelé RMA.

Nombreux sont les responsables d'exécutifs départementaux, de droite comme de gauche, qui demandent au Gouvernement de reporter ce transfert d'un an.

Il conviendrait également de reporter au 1er janvier 2005 votre décision de suppression de l'allocation spécifique de solidarité qui conduira plusieurs centaines de milliers de personnes à solliciter le RMI, sans que le financement de cette dépense soit prévu.

Monsieur le ministre, et c'est ma deuxième question, quel est votre avis sur ce calendrier ?

D'une façon plus générale, votre contribution aux finances des collectivités locales est caractérisée par une certaine incohérence et conduira à une aggravation des inégalités entre les territoires.

Alors que la croissance s'est effondrée, vous vous félicitez de ne pas avoir remis en cause les principes du contrat de croissance et de solidarité mis en place par le gouvernement Jospin, contrat qui avait été établi dans un contexte de croissance plus élevée.

Il aurait pourtant été judicieux d'en adapter les termes.

Alors que les dotations dites « sous-enveloppes » continueront de progresser, comme en 2002 et en 2003, sur la base de l'inflation majorée de 33 % du taux de croissance du PIB, le taux d'indexation de croissance et de solidarité ne sera que de 1,67 % pour 2004. Ce taux d'indexation donc sera le plus faible observé depuis la mise en œuvre de ce contrat en 1999 par le gouvernement Jospin. Je vous rappelle que ce taux d'augmentation était encore de 1,9 % en 2003, 2,25 % en 2002, 2,32 % en 2001,

II en est de même de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui conserve son rôle de variable d'ajustement et connaîtra en 2004 une baisse de 3,46 %.

Pour la deuxième année consécutive, cette baisse sera supportée par toutes les communes et non pas seulement par les plus riches d'entre elles. Je rappelle que le gouvernement précédent avait veillé à ce que seules les collectivités qui n'étaient pas éligibles à une dotation de péréquation, supportent la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

Autre gouvernement, autres priorités, c'en est fini de cette part de solidarité entre les collectivités.

Vous comprenez mon inquiétude à la lecture de ces chiffres : le taux d'indexation du contrat de croissance et de solidarité le plus faible observé depuis 1999 ; une DCTP qui diminue pour la deuxième année consécutive et une dotation globale de fonctionnement qui n'affichera en 2004 qu'une croissance de 1,96 % seulement pour une inflation estimée à 1,5 %, quand elle avait crû de 2,29 % en 2003, 4,07 % en 2002 et de 3,42 % en 2001.

Ce projet de loi de finances pour 2004 dans son volet « collectivités territoriales » me semble donc d'autant plus inacceptable que les transferts de compétences prévus de compétences ou, plus justement, de transfert de charges, et j'en ai évoqué quelques exemples, confirment le mauvais traitement réservé aux collectivités territoriales.

La Cour des comptes a récemment observé, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2002, la complexification des relations financières publiques entre l'Etat et les collectivités territoriales.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Ce n'est pas nouveau !

M. Bernard Derosier. Je remarque que vous ne tenez aucun compte de ces observations puisque le mécanisme que vous avez adopté pour la fixation de nouvelles règles relatives à la DGF est d'une telle complexité qu'il ne répond nullement à l'objectif de simplification.

Vous vous bornez, en effet, à proposer de regrouper au sein de la DGF un grand nombre de dotations, notamment la dotation générale de décentralisation et le fonds national de péréquation, avec peu de lisibilité.

La DGF passerait ainsi de 18,8 milliards d'euros à 36,7 millions d'euros. Elle comprendrait une DGF des communes et groupements de communes, une DGF des départements et, pour la première fois, une DGF des régions.

J'en viens à l'absence de réforme de la fiscalité locale qui est, ainsi que le rappelait récemment la Cour des comptes en réponse à la question n° 5 du rapport sénatorial sur le projet de loi de règlement du budget 2002, un préalable nécessaire et une mesure de justice entre les contribuables et entre les collectivités territoriales.

Tenter de décentraliser sans réformer la fiscalité locale, c'est menacer encore plus l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

Le Gouvernement n'annonce aucune réforme de la fiscalité locale. Pourtant l'examen du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales me semble nécessiter, en parallèle, la refonte des taxes locales.

Dominique Strauss-Kahn puis Christian Sautter...

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Ils n'ont pas fait grand-chose !

M. Bernard Derosier. ...avaient mis un point d'honneur à engager cette réforme de la fiscalité locale afin de la mettre au service de l'emploi et de la justice. Rien ne vient prolonger cet effort.

Laurent Fabius et Florence Parly avaient ensuite recensé les pistes de réforme plus structurelles de la fiscalité locale dans un rapport remis à Lionel Jospin au début de l'année 2002. Il n'est pas tenu compte de cet excellent travail.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Pour les rapports, ils étaient forts ! Des discours, des incantations, un point c'est tout !

M. Bernard Derosier. Aujourd'hui, on observe que le ministre de l'économie et des finances ajourne toute réforme, pourtant promise par le Premier ministre.

Le projet de loi de finances pour 2004 fait apparaître la traduction financière du transfert aux départements de la gestion du revenu minimum d'insertion Cette compensation financière prendra la forme de l'attribution d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, sans pour autant que les élus locaux disposent d'un quelconque pouvoir fiscal de détermination de cette TIPP.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous expliquer la corrélation entre l'évolution du nombre d'allocataires du RMI et l'évolution du prix de l'essence ?

L'autonomie fiscale des départements n'est donc vraiment pas améliorée, contrairement au principe désormais constitutionnel d'autonomie financière. Bien au contraire, puisque les départements subiront certainement les à-coups de la TIPP, très sensible à la conjoncture économique.

L'Etat doit, par conséquent, assurer aux collectivités territoriales des moyens financiers suffisants pour remplir leurs missions, et les nouveaux transferts de compétences ne doivent pas être l'occasion d'augmenter la charge fiscale des contribuables locaux, comme cela a été le cas pour l'allocation personnalisée d'autonomie.

J'en terminerai sur ce volet en attirant votre attention sur le vide juridique qui résulte de l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 mars 2003 annulant le septième paragraphe de l'article 3 du code des marchés publics relatif aux conventions de mandat. Seule l'existence de cette convention entre deux collectivités, un département et une commune ou une communauté de communes ou d'agglomération, autorise un jeu d'écriture comptable permettant l'inscription des dépenses à un compte éligible au fonds de compensation de la TVA. Or, à ce jour, aucun texte réglementaire n'a précisé les modalités de la délégation de maîtrise d'ouvrage entre collectivités.

J'en viens maintenant à vos propositions sur la sécurité civile. L'examen de l'agrégat n° 12 dans l'annexe explicative apporte peu d'informations, et elles sont difficiles à analyser, car ces crédits sont noyés dans la masse de ceux du ministère de l'intérieur. J'ose donc espérer que les missions et programmes qui nous seront présentés l'année prochaine rendront cette lecture plus aisée.

Le service public de la sécurité civile est, nous le savons, majoritairement assuré par des volontaires - huit sapeurs-pompiers sur dix le sont. Mais, qu'elles soient volontaires ou professionnelles, ces personnes ont fait le choix du dévouement, et, cette année plus que les autres, ce dévouement a été durement éprouvé. En tant qu'élu de la nation, je veux, de cette tribune, rendre hommage à leur travail, au courage dont elles font preuve chaque jour, et saluer la mémoire de celles qui ont payé de leur vie leur engagement au service des autres.

Le budget de l'Etat doit être à la hauteur des attentes des acteurs de la sécurité civile. Vous avez, monsieur le ministre, répondu à certaines d'entre elles, à l'occasion du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, au cours duquel vous avez fait plusieurs annonces. Tout ce qui permettra d'accroître le recrutement de volontaires va dans le bon sens. Le Gouvernement et les élus locaux doivent conjuguer leurs efforts pour que des volontaires de plus en plus nombreux apportent leur concours aux missions de sécurité civile. Je comprends cependant l'impatience qui monte, car, l'an dernier, à pareille époque, vous affichiez ici même des intentions semblables. Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir vous engager sans plus attendre sur un calendrier précis.

Les sapeurs-pompiers professionnels vont désormais bénéficier de la bonification du cinquième après vingt-cinq ans de service, au lieu de trente : on ne peut que se féliciter de cette mesure de justice sociale. Pour autant, le problème du financement de ce dispositif n'est pas résolu. Depuis la mise en œuvre de la loi de 1996, cette question revient, lancinante. En matière de sécurité civile, la responsabilité de l'Etat est incontestable. C'est là un de ses pouvoirs régaliens. Qui doit en financer l'exercice : le contribuable local ou le contribuable national ? C'est le même, me direz-vous. Certes, mais il faut savoir qui a la responsabilité de lever l'impôt.

L'Etat n'assume pas seul la responsabilité de la sécurité civile et, en 2003, la contribution des collectivités locales devrait s'élever à 2,9 milliards d'euros. Pour évaluer la pertinence et la portée réelle des politiques gouvernementales, il est fondamental de les apprécier au regard des politiques locales.

Vous avez annoncé tout à l'heure que le conseil des ministres examinerait en décembre le texte de loi indispensable à une bonne organisation de la sécurité civile. Votre budget 2004 en tient-il compte ? Il ne semble pas. Cela signifie-t-il que vous n'en prévoyez l'application qu'en 2005 ? En 2004 comme en 2003, il faudra donc encore attendre avant de pouvoir juger du résultat.

Le 29 septembre dernier, vous avez annoncé une augmentation de 20 % des crédits consacrés au fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours. L'année dernière, le Parlement avait adopté des crédits pour alimenter ce fonds, mais il a fallu attendre le 17 septembre dernier pour qu'un décret les mette en place. Peut-on espérer, monsieur le ministre, que l'année 2004 connaîtra une exécution plus rapide ?

La dotation du fonds d'aide à l'investissement des SDIS devrait s'élever à 54 millions d'euros. Cette mesure, rapportée à tous les services départementaux de France, est insuffisante. Pour mémoire, le SDIS du Nord dépensera à lui seul 132 millions d'euros pour reconstruire vingt et un centres d'intervention et de secours transférés dans un état lamentable, et pour en réhabiliter cinquante autres.

L'affectation de certains crédits méconnaît les réalités locales. II ne peut y avoir, dans ce domaine, de gestion centralisée des problèmes. Il est par exemple contestable que le choix des investissements financés par le fonds d'aide a l'investissement des SDIS revienne au préfet de zone de défense. A mes yeux, l'échelon départemental est la meilleure garantie d'une affectation qui tienne compte des réalités locales. Les SDIS, les collectivités territoriales propriétaires des locaux et les élus qui ont la responsabilité de leur gestion sont le mieux à même de déterminer le bon emploi des crédits.

Vous avez, monsieur le ministre, annoncé aux sapeurs-pompiers volontaires le doublement de l'allocation de vétérance, ce système devant se transformer en régime de retraite complémentaire. Tout sapeur-pompier ayant au moins vingt ans d'ancienneté pourra ainsi prétendre à un complément de retraite de 150 euros par mois. Je n'ai pas trouvé trace de ces nouvelles dépenses dans le budget de la sécurité civile. Va-t-on demander aux départements d'honorer les engagements de l'Etat ?

De même, vous avez annoncé aux sapeurs-pompiers professionnels la réforme du congé pour difficultés opérationnelles - le CDO -, dont ils pourront bénéficier dès l'âge de cinquante ans. Cela signifie-t-il que les services départementaux d'incendie et de secours devront payer, pendant cinq ans, 75 % du traitement des sapeurs-pompiers professionnels en congé pour difficultés opérationnelles, et, dans le même temps, assurer le remplacement des agents en question ? Cela risque de nuire à l'organisation de la sécurité civile au niveau national en aggravant les disparités entre les SDIS. Merci, monsieur le ministre, de nous rassurer sur ce point.

Le 23 octobre dernier, à la conférence des présidents de SDIS, vous avez annoncé que les conseils généraux seraient les bénéficiaires du transfert d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance. Cela n'aura-t-il pas pour conséquence d'amener l'Etat à diminuer d'autant les dotations qu'il verse ? Si tel était le cas, on devrait considérer ce transfert comme une simple substitution. Là encore, monsieur le ministre, éclairez-nous.

Enfin, depuis hier, l'opinion publique s'interroge, après les déclarations qu'a faites un officier des sapeurs-pompiers de Paris devant la commission d'enquête parlementaire sur les conséquences de la canicule. Confirmez-vous ou infirmez-vous ces propos, selon lesquels la préfecture de police avait donné consigne de ne pas diffuser le nombre des morts ?

Monsieur le ministre, vous êtes un homme pragmatique, soucieux de concrétiser vos décisions. Je ne peux croire que le Gouvernement se contente d'effets d'annonce, sans en prévoir le financement ou en faisant voter par le Parlement des crédits que le ministre de l'économie s'empressera de geler. Les exemples de cette pratique sont malheureusement nombreux, qui ont touché tour à tour les personnes âgées, la lutte contre la toxicomanie, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale ou l'insertion. Je ne voudrais pas qu'un budget déjà modeste se révèle en fin de compte une coquille vide.

Monsieur le ministre, vous allez, dans un instant, défendre votre politique. C'est votre rôle. Vous nous proposez des moyens, tant pour la sécurité civile que pour les collectivités territoriales, qui laissent planer trop d'incertitudes et que nous ne pouvons pas approuver. Vous allez, selon votre habitude, fustiger - verbalement, s'entend - les orateurs de l'opposition. Merci de bien vouloir admettre que l'analyse rapide à laquelle je me suis livré, que les questions que je me suis autorisé à vous poser, sont motivées par la seule volonté de servir nos concitoyens. Je ne doute pas que vous partagiez cette volonté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, dans un contexte économique difficile, le budget 2004 du ministère de l'intérieur témoigne de la volonté non équivoque du Gouvernement, pour qui le rétablissement de l'ordre républicain demeure un objectif prioritaire.

Ainsi, nous prenons acte de l'augmentation de 5,7 % du budget de la police nationale, qui traduit le respect de la ligne de conduite fixée par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Ces nouveaux crédits devraient permettre la création, en 2004, de quelque mille emplois supplémentaires dans la police nationale, ce qui constitue un renfort substantiel.

De ce point de vue, je souhaiterais que le Gouvernement s'engage à affecter ces nouveaux effectifs en priorité dans les quartiers les plus sensibles. Dans un quartier tel que l'Ariane, à Nice - et dans bien d'autres, ailleurs -, il reste beaucoup à faire en matière de sécurité, vous en êtes conscient, monsieur le ministre. Les habitants de cette zone franche me font souvent part du décalage qu'ils constatent entre la baisse spectaculaire de l'insécurité, relatée à juste titre par les médias, et la réalité du terrain, qui demeure difficile. Les efforts de la police doivent bel et bien se concentrer dans ces quartiers qui, s'ils ne sont plus des zones de non-droit, n'en restent pas moins soumis à une insécurité préoccupante.

Il serait à cet égard souhaitable qu'un dispositif légal vienne concrétiser les besoins particuliers des quartiers dits sensibles. Sur le plan économique, le dispositif des zones franches a été une réussite. Sur le plan sécuritaire, il serait intéressant de doter ces quartiers d'un statut spécial : la création de zones d'affectation prioritaire de policiers est une hypothèse sur laquelle j'aimerais connaître votre avis.

En matière de lutte contre l'insécurité, l'un des mérites les plus notables du Gouvernement est d'avoir su insuffler un esprit nouveau au sein de la police. Néanmoins, à mon tour, après Jean-Christophe Lagarde, j'attire l'attention du ministre de l'intérieur et, plus largement, de tout le Gouvernement, sur une impérieuse nécessité : les moyens de la justice doivent suivre la même évolution que ceux de la police.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !

M. Rudy Salles. En effet, si nous voulons être craints des délinquants et crédibles auprès de la population, nous devons nous doter, à tous les échelons du processus pénal, d'effectifs et d'infrastructures adaptés à une politique offensive en matière de sécurité.

Je note avec satisfaction que, après avoir éprouvé une certaine réticence à l'égard des fichiers de délinquants, la population française a compris l'intérêt qu'ils présentaient et la nécessité de rattraper le retard de notre pays en la matière. Votre budget marque le développement de cet outil indispensable à l'appréhension des délinquants les plus dangereux. Mais je souhaiterais voir se dessiner des perspectives de coopération des polices européennes. La délinquance et la criminalité sont de plus en plus internationales et appellent, de ce fait, une collaboration accrue à l'échelon européen ou international. Aussi faudrait-il envisager la possibilité de fusionner en un seul tous les fichiers européens. La création d'un casier judiciaire européen doit également être étudiée.

Je voudrais également dire un mot pour les pompiers des départements du sud de la France, et ceux du Sud-Est en particulier. Nous avons malheureusement assisté, cet été, à une recrudescence des feux de forêt. A cette occasion, nous avons eu le regret de constater que les pompiers ne bénéficiaient pas de moyens appropriés, que le nombre de Canadair était insuffisant et que ces carences obligeaient les hommes à prendre davantage de risques au sol. Cette situation est d'ailleurs largement imputable au gouvernement précédent. Je demande qu'un effort substantiel soit fait pour que la mission des sapeurs-pompiers devienne moins périlleuse.

Je souhaitais également attirer votre attention sur un problème propre à l'agglomération niçoise. Les prix des loyers y étant très élevés, il est fréquent que des fonctionnaires de police refusent d'y être affectés. Alors que, pour les raisons que j'invoquais, Nice a besoin de la présence d'effectifs importants, ce phénomène est particulièrement regrettable. Afin d'y remédier, deux solutions sont envisageables. Bien sûr, les pouvoirs locaux, dans leur ensemble, doivent développer le logement social.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Faites-le donc à Nice !

M. Rudy Salles. Mais il me paraîtrait plus important de classer Nice en « zone zéro », comme Paris, Marseille, Toulon ou la Corse, et de permettre ainsi aux fonctionnaires de toucher des indemnités de résidence plus élevées. Une telle décision n'est pas de la responsabilité du ministre de l'intérieur, mais de votre collègue chargé de la fonction publique. Je compte néanmoins sur vous, monsieur le ministre, pour relayer cette revendication légitime.

D'une manière générale, le groupe UDF émettra un vote favorable au budget de l'intérieur, dont il faut saluer la progression. Je rappelle toutefois au Gouvernement que si, en matière de sécurité, et notamment dans le département des Alpes-Maritimes, la population a repris espoir, elle n'en reste pas moins exigeante. Ne baissons pas la garde, mais redoublons au contraire d'efforts. C'est ce que vous faites, monsieur le ministre, et nous vous en remercions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M.  le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, je vais essayer de répondre à tous les orateurs de la façon la plus courtoise et la plus précise possible. Il me sera toutefois impossible de reprendre l'intégralité de leurs interventions - dont certaines, si j'ai bien compris, étaient plus destinées à marteler ce que pourraient être les contours d'une politique alternative qu'à me poser de véritables questions...

Il n'en reste pas moins que l'intervention de M. Blazy appelle quelques réponses. La première prendra la forme d'une question.

Monsieur Blazy, le concept de police de proximité a été introduit, me semble-t-il, dans la loi d'orientation présentée en 1995 par M. Debré, alors ministre de l'intérieur, qui reprenait lui-même une expression de M. Pasqua.

M. Jean-Pierre Blazy. En effet ! Et c'est nous qui l'avons mise en œuvre : Pasqua en a rêvé, nous l'avons fait ! (Sourires.)

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Attendez la suite, monsieur Blazy ! Soyez prudent ! La police de proximité, version socialiste, a été créée en 1999. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi, avec une telle réalisation, la délinquance dans notre pays a progressé de 16 % de 1999 à 2001. Avez-vous déjà oublié vos résultats ? Et vous venez nous donner des leçons, nous prodiguer des conseils et nous demander ce que nous faisons !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Quel culot !

(M. Rudy Salles remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de le présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avec un tel bilan, vous devriez plutôt présenter des excuses aux Français ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Au lieu de cela, vous venez, la bouche en cœur, me dire ce qu'il faudrait que je fasse pour que cela aille mieux ! « Mon Dieu ! dites-vous, la délinquance n'a reculé que de 4 % ! » Et d'en conclure - je vous cite : « L'effet Sarkozy s'efface ! »

Permettez-moi donc de vous rappeler que vous avez soutenu un gouvernement qui a conduit notre pays à 16 % d'augmentation de la délinquance entre 1999 et 2001. Ces chiffres sont incontestables : en 2001, on établissait les statistiques exactement comme on les calcule actuellement pour moi.

Vous connaissez le proverbe : « Quand je m'ausculte, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure. » Restez longtemps à mes côtés, monsieur Blazy, car vous êtes un facteur incontestable d'optimisme pour tous les ministres de l'intérieur des vingt prochaines années. Il sera en effet difficile de faire aussi mal que les ministres de l'intérieur socialistes ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Pierre Blazy. Heureusement que vous avez annoncé que vous resteriez courtois !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Blazy, vous m'avez interrogé avec vigueur, et je vous approuve : il faut toujours me solliciter.

Continuons la démonstration. Vous m'accusez de diminuer les crédits pour la formation et criez au scandale en invoquant l'importance de ce volet. Je ne vous contredirai pas sur l'importance de la formation. Mais comparons le montant des crédits consommés : en 2000, 40 millions d'euros ; en 2001, 45 millions ; en 2002 - j'entre en scène -, 48 millions, et pour l'année 2003, qui semble vous inquiéter, nous en sommes déjà à 54 millions ! Telle est la vérité. Et vous osez encore nous donner des leçons !

En termes de corrida, monsieur Blazy, on dirait : les deux oreilles et la queue ! (« Olé ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Et les annulations de crédits ? Que dites-vous de ces chiffres ? (M. Blazy brandit un document.)

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'y viens, monsieur Blazy ! Si vous protestez à chaque fois que cela fait mal, vous risquez l'extinction de voix !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Il faut prévoir une évacuation sanitaire !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce sont bien des gels de crédits, je n'ai pas rêvé !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous n'avez pas rêvé : vous faites un cauchemar. Et ce n'est pas terminé ! Vous allez en prendre encore !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Ces crédits ont été dégelés, monsieur Blazy !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il ne faut pas confondre gel et annulation. Il est parfaitement exact que les retards dans les formations sont dus à des gels. Mais j'ai obtenu la levée de ces gels à la fin du mois de septembre. Aussi ai-je le plaisir de vous informer que toutes les formations auront lieu.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas ce que disent les syndicats !

M. le président. Monsieur Blazy, laissez parler M. le ministre ! Vous n'avez pas été interrompu lors de votre intervention !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cessez de vous agiter, monsieur Blazy ! Ce n'est pas parce qu'un petit syndicat vous informe... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Oui, un tout petit syndicat !

M. Jean-Pierre Blazy. Le « tout petit syndicat » appréciera !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais je n'ai pas donné de nom ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Quel bel aveu, monsieur Blazy ! Mais je ne veux pas vous accabler : à cette heure-ci, ce doit être la fatigue !

Reste que lorsque vous parlez d'heures supplémentaires non payées, je trouve que c'est le comble du comble ! J'ai inscrit une enveloppe de 5,8 millions d'euros. Je conviens bien volontiers qu'il faudrait aller plus loin. Mais qu'avait inscrit le gouvernement que vous souteniez ? Zéro ! C'est bien pourquoi, d'ailleurs, l'une des premières revendications des syndicats, et notamment du SNAP, était le paiement des heures supplémentaires. Et ce n'est pas moi, mais vos amis qui ne les avaient pas réglées ! 5,8 millions, c'est insuffisant, certes, mais c'est mieux que zéro, et cela ne vous permet pas, de toute façon, de donner des leçons !

M. Jean-Pierre Blazy. Aujourd'hui, c'est vous qui êtes au pouvoir, tout de même !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi vous enfoncer, monsieur Blazy ?

M. Jean-Pierre Grand. C'est une spécialité socialiste !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quand on est sur du sable mouvant, plus on bouge et plus c'est rapide ! Il ne reste déjà plus que le nez : si vous continuez, vous allez y passer tout entier !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous gouvernez depuis dix-huit mois !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'essaie de répondre aux questions que vous m'avez posées. Vous avez bien travaillé votre sujet, vous êtes content de vous : attendez maintenant les réponses ! C'est à la fin du match que l'on sait qui a gagné et qui a perdu...

J'en viens aux départs en retraite anticipés. Les chiffres doivent être précis : au jour d'aujourd'hui, on dénombre 873 départs anticipés supplémentaires pour l'année 2003. Dès que j'ai eu connaissance de ce problème, j'ai demandé et obtenu 880 recrutements par anticipation.

Il nous faut remonter à la vraie cause du problème. Je suis en poste depuis dix-huit mois ; la loi permettant de créer ces emplois a été votée par le Parlement au mois d'août 2002, et les concours de recrutement ont été organisés - fait sans précédent - dès le mois d'octobre. Or il faut un an pour former un gardien de la paix, ce qui nous mène en octobre 2003. Il est impossible de faire plus vite. J'en conclus que tous les effectifs manquants dans vos départements respectifs, mesdames et messieurs les députés, sont la conséquence du travail que Daniel Vaillant n'a pas fait.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est faux ! Ces propos sont inacceptables !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. A partir du mois d'octobre de cette année, vous pouvez accuser l'actuel ministre de l'intérieur. Mais c'est tout de même un comble de me reprocher la présence insuffisante des policiers à la sortie des écoles, alors qu'il faut un an pour former un gardien de la paix ! On se demande ce qu'ont fait vos amis, monsieur Blazy : les écoles auraient dû être remplies de nouvelles recrues, et vous en auriez tiré tout le bénéfice !

M. Jean-Pierre Blazy. Il y avait des policiers à la sortie des écoles !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En vérité, vous dénoncez l'incapacité des ministres de l'intérieur des gouvernements socialistes à assurer les recrutements qu'ils avaient promis aux Français.

M. Jean-Pierre Blazy. Non ! C'est un mensonge !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je le répète, il faut un an pour former un policier - en l'occurrence, d'octobre 2002 à octobre 2003. Nous voilà au début du mois de novembre, et M. Blazy me demande de rendre des comptes sur les créations d'emplois qui n'ont pas été engagés par les gouvernements précédents et se scandalise de l'insuffisance des effectifs !

M. Jean-Pierre Blazy. Et le budget de l'année 2002 ? Vous n'en parlez pas !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Du reste, monsieur Blazy, l'avez-vous votée, cette loi d'août 2002 qui augmentait les effectifs ? Bien sûr que non ! Vous avez refusé qu'on accorde des moyens supplémentaires à la police ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas vrai ! Nous avons voté l'article sur les effectifs !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le groupe socialiste a voté contre la loi dans son ensemble, et vous venez maintenant, avec un certain culot, si vous me passez l'expression, nous demander des comptes sur les recrutements ! On ne s'étonnera pas qu'avec des raisonnements pareils vous ayez rencontré quelques problèmes !

Je rattrape le travail de M. Vaillant, et permettez-moi de vous dire que la tâche n'est pas simple. Je m'y emploie, y compris pour le Val-d'Oise, dont vous êtes l'élu comme M. Chartier - qui, lui, a voté la loi. Il y aura des créations d'emplois tant dans la petite couronne que dans la grande couronne, car les besoins sont incontestables. Vous verrez alors ce qu'est un gouvernement qui tient ce qu'il a promis à la population !

M. Jean-Pierre Blazy. Soit ! Nous verrons !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Lagarde, l'escorte des prévenus est un sujet dont on parle depuis des années. Nous nous sommes mis d'accord avec le garde des sceaux pour lancer une expérience dans la région Alsace, ce qui est un premier pas. Je ne pense pas, en effet, qu'il soit possible de transférer d'un seul coup toutes les escortes, qui représentent l'équivalent de 4 000 emplois à temps plein. L'expérience qui va débuter en Alsace pourra sans doute être étendue à deux ou trois autres régions l'année suivante. On pourra alors dresser un bilan.

Je crois qu'en effet un certain nombre de transfèrements - à l'exception des plus dangereux et de ceux qui se font dans les circonstances les plus difficiles - ne devraient plus relever de la responsabilité des policiers et des gendarmes. J'attends donc beaucoup de cette expérimentation.

Vous avez abordé un deuxième sujet, monsieur Lagarde, que M. Blazy avait également évoqué et sur lequel, me semble-t-il, nous sommes tous d'accord : il s'agit des conditions de logement des fonctionnaires dans la région parisienne. Pour répondre à ce problème considérable, je crois qu'il faut aider les fonctionnaires qui veulent acquérir un logement à rester dans la région parisienne, notamment par des prêts bonifiés. Nous travaillons sur le sujet, et je vous ferai sous peu des propositions.

Au sujet des effectifs, monsieur Lagarde, je vous fais la même réponse qu'à monsieur Blazy, en ajoutant un argument : ne commettons pas l'erreur, comme on l'a fait pendant tant d'années dans l'éducation nationale, de raisonner uniquement en termes de moyens.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis et M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Très bien !

M. Jean-Pierre Grand. Il faut le dire et le répéter !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les résultats incontestables qui ont été obtenus depuis dix-huit mois, malgré les problèmes d'effectifs que je vous ai dépeints, le montrent : c'est parce que les policiers et les gendarmes ont été mobilisés et ont davantage travaillé que l'on a fait des progrès, avouez-le, assez spectaculaires. En 2001 la délinquance augmentait en France de plus de 7 % ; en 2002, alors que je ne suis responsable que des sept derniers mois de l'année, elle n'augmente déjà plus que de 1,5 ou 1,6 %, et au cours des dix premiers mois de l'année 2003 elle régresse de 3,5 %. Si c'est cela, l'« essoufflement » dont on a parlé, qu'aurait-il fallu dire de MM. Vaillant et Chevènement ?

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas ainsi qu'il faut compter !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous pouvez m'objecter qu'une baisse de 3,5 % est insuffisante : je suis le premier à considérer que ce n'est qu'un début. Mais qu'auriez-vous dit à vos amis lorsque la hausse était de 7,74 % par an ?

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas 7,74 % par an ! Le pourcentage vaut pour 2001. Il était moins élevé les années précédentes !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En 2000, l'augmentation dépassait 5 % !

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. En cinq ans, la hausse a été de 16 % !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La vérité est que le bilan socialiste en matière de lutte contre l'insécurité est un naufrage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'ai d'ailleurs nullement besoin de communiquer sur le sujet, tant les Français en sont persuadés.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas un débat honnête !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Braouezec m'a fort courtoisement indiqué qu'il avait une obligation et ne pouvait rester pour écouter ma réponse.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Il fait le coup à chaque fois !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je souhaite cependant rappeler que c'est sous le gouvernement de Lionel Jospin que la Cour européenne des droits de l'homme, par un arrêt du 28 juillet 1999, a condamné la France pour torture dans l'affaire Selmouni. Cela peut arriver, mais de là à donner, comme le fait M. Braouezec, des leçons de droits de l'homme au gouvernement actuel, c'est un peu fort !

Quant à la circulaire humanisant les gardes à vue, elle date du 11 mars 2003. J'ai vainement cherché des circulaires comparables émanant d'un ministre socialiste. Il était absolument nécessaire d'humaniser les gardes à vue et vous aviez cinq ans pour le faire. Peut-être aviez-vous la tête ailleurs : cela peut arriver. Mais de là à nous reprocher de n'avoir pas fait en dix-huit mois ce qu'on a été incapable de faire en cinq ans !

Je souhaite dire à M. Cardo combien j'ai été sensible à son propos. Venant d'un homme de terrain, votre jugement, monsieur le député, ne peut qu'encourager, d'autant qu'il est indulgent.

Monsieur Derosier, j'ai beaucoup apprécié la tonalité de votre intervention.

M. Bernard Derosier. Sans rire ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi cette question ? (Rires.)

M. Bernard Derosier. Avec vous, on ne sait jamais si c'est du premier ou du second degré !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Est-ce une incitation ? (Sourires.)

Je constate simplement que vous avez essayé, de façon très courtoise et très pragmatique, de poser un certain nombre de questions, notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales.

Monsieur Derosier, pour dire les choses très simplement : tous les gouvernements et toutes les majorités ont beaucoup fauté dans les rapports Etat - collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Grand. C'est vrai !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tous !

Il en est résulté un climat de méfiance entre les élus locaux et l'Etat. Les élus locaux sont persuadés que quand l'Etat veut décentraliser, c'est qu'il n'a pas les moyens de faire face.

J'ai hérité de ce climat-là. Ce climat, le Gouvernement que vous avez soutenu, ne l'a pas amélioré.

A quel moment avez-vous demandé aux élus locaux de donner leur opinion sur les conséquences des 35 heures dans la fonction publique territoriale ?

Quelle concertation vos amis ont-ils conduit ?

Monsieur Derosier avec beaucoup de courtoisie je vous en remercie - vous m'avez appelé à conduire la concertation, donc d'agir à l'opposé de Martine Aubry et Lionel Jospin.

A quel moment les élus ont-ils été invités à réfléchir sur la durée du temps de travail de leurs collaborateurs, fonctionnaires des collectivités territoriales ? Jamais !

Sur certaines dépenses, dont l'APA, ont- ils prévu une clause de « revoyure » ? Je l'ai proposé dans le cadre de la loi de décentralisation. J'ai dit que si la réforme de l'ASS entraînait un accroissement de dépenses pour le RMI, il fallait se revoir pour faire le bilan.

Vos amis, monsieur Derosier avaient-ils prévu la même chose pour l'APA ? Y avait-il cette clause de revoyure ? Vous savez que l'argent transféré était hors de proportion avec la dépense. Je ne vous en fais pas le procès monsieur Derosier. Sans doute vos amis ne vous ont-ils pas entendu.

Mais je le répète, j'hérite de ce climat-là.

Avec Patrick Devedjian, nous essayons de créer un autre climat pour la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en apportant des garanties.

La garantie du juge constitutionnel : s'il y a déséquilibre, la loi sera censurée.

La garantie de la clause de revoyure : si l'on a sous-estimé une dépense, on se revoit et on fait le bilan.

Enfin monsieur Derosier, la garantie du transfert, non pas d'une dotation, mais de recettes fiscales : TIPP et taxes sur les conventions d'assurances.

Vous m'avez interrogé sur les réformes relatives au SDIS. Je ne sais pas si elles sont bonnes. Je constate simplement qu'il y avait un préavis de grève déposé par les pompiers. Je les ai rencontrés, j'ai négocié avec eux et ce préavis a été levé. Vous connaissez les sapeurs-pompiers. Pensez-vous que s'ils n'avaient pas eu confiance et s'ils n'avaient pas été satisfaits, ils auraient retiré leur préavis de grève ?

Deuxièmement j'ai rencontré les élus, lors de la conférence nationale des SDIS . Je leur avais fait lire le discours que je comptais tenir devant les pompiers. Je l'avais également donné au président des SDIS avant, ce qui ne s'était jamais fait. Avez-vous entendu protester les sapeurs-pompiers ?

Mes propositions ne régleront pas tous les problèmes des SDIS. Mais tous les présidents de SDIS, y compris ceux qui sont socialistes, ont reconnu qu'il s'agissait d'un effort sans précédent de transparence et de transfert de recettes fiscales.

Je crois que nous commençons à recréer les conditions d'un consensus. Ce n'est pas terminé, on aura l'occasion d'en reparler. Les choses sont extrêmement difficiles.

Vous déplorez que le contrat de croissance n'augmente que de 1,67 %. Monsieur Derosier, vous êtes un homme honnête intellectuellement. Vous savez que si le contrat de croissance augmente peu, c'est parce qu'il y a peu de croissance. Pourquoi alors posez-vous cette question ? Le contrat de croissance est une part de la croissance.

Si la croissance est faible, le contrat de croissance sera faible aussi. Cela ne dépend pas du ministre de l'intérieur ou du Gouvernement.

Vous auriez pu m'attaquer sur la politique économique du Gouvernement, mais vous plaindre de la faiblesse du contrat de croissance ! II est lié à la croissance, c'est donc une découverte qui s'apparente à la réinvention du fil à couper le beurre. (Rires.)

Je ne peux pas imaginer qu'un homme aussi averti que vous ait pu poser ce genre de question sans arrière-pensée politique dans une intervention dont la tonalité était globalement technique.

Monsieur Derosier, quand vous m'appelez à réformer la fiscalité locale, je crois rêver ! Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Bernard Derosier. Pour vous laisser le soin de le faire !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Voilà qui est mieux !

C'est un aveu qui mérite intérêt.

Vous avez donc décidé de ne pas faire, parce que vous nous faisiez confiance pour faire. (Sourires.) Merci, je prends tous les compliments, même quand ils viennent de vous.

Mais il y a mieux ou plus préoccupant. Je ne vous reproche pas de n'avoir pas fait, lorsque vous étiez au Gouvernement. Je me permettrai simplement de vous suggérer quelque chose. Si la stratégie de ne pas faire ne vous a pas réussi pourquoi persévérez-vous ?

Vous faites quantité de suggestions : un rapport, une commission, une réflexion. Vous ne nous dites jamais : « Il faut faire tout de suite, maintenant. »

Il convient, pour vous, toujours de réfléchir, de demander un rapport, de créer une commission. Vous n'avez pas compris que, depuis le mois d'avril, les gens n'attendent qu'une seule chose des responsables politiques : ...

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Il faut agir !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... l'action !

Faites au mieux ! Décidez ! On jugera sur les résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ils ne nous demandent pas autre chose. Ce serait plus facile pour moi de venir devant vous en disant : « Toutes vos idées sont bonnes ; on va faire huit commissions, commander 18 rapports puis je reviendrai dans six mois pour voir où en sont les commissions et les rapports.

M. Jean-Pierre Blazy. Caricature !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Blazy, on ne peut pas vous en vouloir. Vous êtes certainement des gens de bonne volonté. Mais vous n'avez pas compris qu'au volant d'une voiture, on peut appuyer sur l'accélérateur, mais tant qu'on n'a pas passé la première, ça n'avance pas.

M. Jean-Pierre Blazy. Attention aux dérapages !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je souhaite que les problèmes de la France trouvent une solution. Cela ne veut pas dire que l'on a raison sur tout. Cela signifie que l'on a décidé d'agir. Agir pour qu'à nouveau les Français respectent la parole du politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons maintenant aux questions.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, à la demande de mon collègue Christian Kert, je tiens à appeler votre attention sur les moyens aériens utilisés contre les incendies de forêts.

Comme vous le savez - je tiens à vous remercier de vos nombreux déplacements sur les sites touchés - nous avons connu un été particulièrement dramatique sur le plan des incendies de forêts. Il faut, en effet, remonter au milieu des années 1980, pour retrouver une saison aussi dévastatrice en hectares et surtout en vies humaines.

Malgré les efforts réalisés pour doter les équipes de secours, toute politique de gestion de la crise doit être conduite en parallèle avec des opérations de prévention et notamment une politique de protection de la forêt qui peut aller jusqu'au changement de certaines essences trop combustibles.

Saluons au passage le, travail de prévention réalisé par les Comités communaux « Feux de Forêts » dont il faudra sans doute renforcer la présence dans le dispositif de sécurité à l'occasion du vote de la loi que vous préparez.

En ce qui concerne les crédits 2004, la question qui me paraît se poser est celle des moyens aériens, dont l'utilité dans la lutte n'est plus à démontrer. Vous le savez, les pilotes souhaiteraient que leur flotte soit complétée, certains appareils ayant atteints la limite d'âge au-delà desquelles leur utilisation devient aléatoire. Apparemment il existe des divergences de vue dans l'analyse des besoins, la faveur des professionnels irait semble-t-il d'abord à l'acquisition d'un appareil gros porteur de capacité minimum de 12 tonnes. Ces mêmes professionnels souhaitent le renforcement de la flotte qui pourrait s'effectuer grâce à l'acquisition d'appareils Canadair.

Dans les crédits d'équipement que vous avez prévus, pourriez-vous nous dire si les choix en ce qui concerne les matériels aériens ont été effectués ? Si oui dans quelle direction ?

Dans le cas contraire, pourriez-vous nous dire quand ces choix seront réalisés ?

Pourriez-vous nous dire si la France s'achemine vers un partenariat avec d'autres pays euroméditérranéens pour constituer une flotte d'intervention commune à ces pays ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Mariani, vous avez raison, la question de l'équipement en moyens aériens est essentielle.

Premièrement, le Premier ministre est d'accord pour que nous procédions au remplacement de nos deux avions bombardiers d'eau gros porteurs, les Fokker : l'un a 32 ans, l'autre : 33 ans. Ils passent le plus clair de leur temps à la base, en réparation. Je ne suis ministre de l'intérieur que depuis dix-huit mois, ce n'est donc pas de ma faute.

Le Premier ministre a accepté de remplacer ces deux gros porteurs. Ce sont des achats extrêmement lourds

Deuxièmement dans le cadre de la loi sur la modernisation de la sécurité civile, nous allons faire une loi de programmation d'équipement. Plusieurs questions en matière d'équipement se posent , notamment pour les hélicoptères bombardier d'eau. Les sapeurs pompiers ont beaucoup apprécié les hélicoptères prêtés par les Italiens : les Skycrane.

L'hélicoptère a un avantage : être tout de suite sur l'origine du feu. Il peut le circonscrire avant qu'il n'ait provoqué des dégâts.

Troisième élément, vous avez raison monsieur Mariani, il faut parvenir à mutualiser, au niveau européen nos moyens aériens et nos moyens lourds. Ces matériels ne servent que deux ou trois mois dans l'année. Il faut arriver à moderniser notre flotte, la mutualiser, au moment où nous subissons des catastrophes de cette ampleur.

Nous travaillons sur ce modèle, monsieur Mariani. Le Gouvernement aura à cœur de vous donner satisfaction sur chacun des trois points de votre question.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le ministre, le commissariat de Noisiel couvre une circonscription territoriale de 80 000 habitants, auxquels il faut ajouter 20 000 personnes de l'extérieur, qui viennent travailler, sans compter les étudiants de la cité Descartes.

Nous avons de surcroît 4 gares RER, dont il nous faut assurer la sécurité.

La tâche est lourde, puisque dans les 9 premiers mois de cette année 6 000 faits et délits ont été constatés.

Monsieur le ministre, les effectifs sont insuffisants par rapport aux légitimes exigences de sécurité de nos concitoyens. Au 1er janvier 2001, il y avait 176 fonctionnaires, dont 14 détachés. Au 1 er janvier 2003, on comptait 152 fonctionnaires, dont 12 détachés. Depuis le 20 octobre 2003, il y a 139 fonctionnaires, dont 14 détachés, ce qui veut dire qu'il y a 125 fonctionnaires de police pour une population qui atteint souvent 100 000 habitants.

J'ai partagé un après-midi et une nuit de travail avec les hommes de ce commissariat et de la BAC - l'équipe de 22 heures à 4 heures du matin, que vous avez évoquée.

J'ai vu des jeunes policiers, motivés qui, au-delà de leurs convictions personnelles, reconnaissent à leur ministre une grande compétence et un soutien, qui a fait tant défaut les années précédentes.

Mais ils sont trop peu nombreux dans un commissariat qui hélas ! est au hit-parade de l'insécurité dans notre département. Ils demandent leur mutation, dès qu'ils le peuvent. Ce sont les plus jeunes, donc les moins expérimentés qui restent.

Monsieur le ministre, vous avez fait beaucoup pour la sécurité dans notre pays. Aujourd'hui, j'ai besoin de votre aide pour un renforcement conséquent des effectifs du commissariat de Noisiel. Je compte sur les décisions que vous prendrez pour les affectations des policiers à l'issue de leur formation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le commissariat de Noisiel a souffert. Madame Brunel, vous pouvez tout de même être fière du travail des policiers. Vous avez omis de préciser que sur les 10 premiers mois de 2003, s'il y a moins d'effectifs, il y a aussi 7 % de délinquance en moins sur la circonscription.

Je ne vais pas procéder comme d'habitude. On affecte toujours des effectifs là où ça va mal. Moi, je veux aussi récompenser ceux qui travaillent bien. C'est pourquoi huit personnes supplémentaires seront affectées à Noisiel entre décembre et janvier. Mais je vous engage, les uns et les autres à ne pas vous limiter à l'aspect quantitatif.

Il y a toujours un fonctionnaire, un commissaire, un syndicat qui vous dit : « Il nous faut plus de monde. » Ils ont souvent raison, mais pas toujours. J'ai aussi conscience du poids des impôts en France. Je ne peux pas demander toujours plus.

Je ne peux pas faire rimer uniquement baisse de la délinquance avec augmentation des effectifs.

Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit concernant la région parisienne, petite et grande couronne. D'abord, parce que Noisiel a vu sa population augmenter. Donc on ne se situe pas dans ce cas de figure. Vous aurez huit fonctionnaires de plus.

Mais je voudrais vous faire remarquer de nouveau qu'avec des effectifs en baisse, la délinquance a reculé de 7 %. L'argent et les effectifs ne sont pas les seuls facteurs. Il faut tenir compte de la mobilisation, de la motivation.

Vous avez cité votre expérience avec les fonctionnaires de la BAC. J'ai dit aux DDSP que je ne faisais pas d'idéologie sur la police de proximité. Monsieur Rudy Salles, vous présidez et je m'aperçois que je ne vous ai pas répondu sur le quartier de l'Ariane. Je ne fais pas une fixation sur la police de proximité. Il faut s'adapter à la délinquance.

Et si on a besoin de sortir un secteur de la police de proximité pour créer une BAC de plus, de jour ou de nuit, il ne faut pas hésiter à le faire, parce que les patrouilles ne servent pas à grand-chose entre huit heures et dix heures du matin.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Absolument !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. On n'a pas besoin de gardiens de la paix ou de gendarmes pour aller serrer la main des commerçants. Il est très sympathique de vouloir établir un climat de confiance, mais celle-ci est naturelle chez les honnêtes gens, ne l'oublions pas. Il est donc inutile que la police passe trop de temps avec eux.

Dans une ville dont je ne citerai pas le nom, j'ai été amené à changer le numéro un et le numéro deux de la police. En la visitant, je m'étais en effet rendu compte de deux choses.

D'abord, on y trouvait deux fois moins de coupables : le taux d'élucidation représentait en effet la moitié de celui constaté dans les autres villes. En conséquence, soit les délinquants étaient deux fois plus intelligents qu'ailleurs, soit nous nous trouvions face à un problème.

Ensuite, à l'occasion d'une visite d'un commissariat, j'ai demandé aux fonctionnaires quelle était leur dernière initiative. Une initiative formidable et très prometteuse, m'a-t-on répondu : l'organisation d'un tournoi de volley-ball !

Je n'ai rien contre les tournois sportifs. Je suis en outre persuadé, monsieur le président, de l'utilité des mesures de prévention. Mais si les policiers organisent de telles manifestations, qui accomplira le travail des policiers, c'est-à-dire l'interpellation ?

Je sais très bien ce qui se passe dans votre département, monsieur le président. Je connais les problèmes auxquels vous êtes confronté. Je renforcerai les effectifs. Mais permettez-moi de rappeler que la solution ne réside pas dans leur seule augmentation. Nous devons aussi changer les méthodes de travail et obtenir des résultats.

Si nous avions tenu le raisonnement habituel, madame Brunel, qu'aurions-nous conclu ? La délinquance baisse dans une circonscription, donc il ne faut pas lui donner de nouveaux effectifs. Je n'ai pas voulu appliquer ce raisonnement à Noisiel, parce qu'il est démotivant, démobilisant.

Mais à l'inverse, ne voyez pas tous vos problèmes de délinquance à travers le seul prisme de la réduction des effectifs, parce que vous passeriez ainsi à côté de la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, une nouvelle fois, l'est du département de l'Hérault a connu le 22 septembre, de graves inondations consécutives à des pluies diluviennes d'une ampleur inégalée. De nombreuses communes du canton, Lunel, Mauguio, Castries, Castelnau, mais aussi la ville de Montpellier ont eu à déplorer d'importants dégâts matériels.

La commission interministérielle du 16 octobre 2003 a émis un avis favorable à la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Je tiens d'ailleurs à vous remercier pour la rapidité de cette décision, qui permettra l'indemnisation des très nombreux sinistrés.

Nos communes ont aussi enregistré d'importants dégâts dans le domaine de la voirie. La réparation de ces dommages, particulièrement importants et qui malheureusement se répètent à un rythme quasi annuel, leur pose un véritable problème financier, dans la mesure où ils ne peuvent être couverts par les compagnies d'assurances et ne bénéficient actuellement d'aucun concours de financement par voie de subvention.

Par ailleurs, ces inondations répétées d'un nouveau type mettent souvent en évidence les carences de nos réseaux de collecte d'eaux pluviales, dont l'amélioration nécessiterait des investissements particulièrement coûteux. Je demanderai donc à l'Etat d'exprimer la solidarité nationale envers les communes sinistrées, sous la forme d'un abondement exceptionnel des crédits de la DGE au titre des opérations de voirie ou des travaux d'amélioration des réseaux de collecte, et/ou de la possibilité de souscrire des prêts à taux bonifiés pour des durées supérieures à trente ans, compte tenu de la lourdeur des équipements à financer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous avez raison, monsieur le député : c'est la deuxième fois en un an que ces communes sont sinistrées. Elles étaient déjà incapables de faire face la première fois. Je me suis rendu dans la région, et je sais donc très bien ce qui s'y est passé.

J'ai demandé à mes services de dégager une enveloppe exceptionnelle de 1,5 million d'euros. Cette somme sera déléguée auprès du préfet de l'Hérault et n'affectera en rien la DGE que doivent toucher les communes concernées. En vérité, je fais ce que vous me demandez, mais de façon un peu différente : je ne vais pas augmenter la DGE, mais cette aide exceptionnelle équivaut à une augmentation de 25 %.

Nous dresserons un bilan afin de déterminer si cette mesure suffit, mais vous pouvez d'ores et déjà dire aux élus et à la population que la solidarité nationale fonctionne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Grand. C'est très important, merci !

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, vous avez constaté, lors d'événements récents et dramatiques, à quel point l'agglomération roubaisienne, dont je suis député, connaît de graves problèmes de sécurité. La circonscription de police voyait ses effectifs baisser d'année en année. Grâce à votre action, que je trouve d'une remarquable efficacité, cette érosion connaît un frein. La situation demeure cependant préoccupante.

Quand on étudie les statistiques nationales, on constate des disparités non justifiées. La moyenne est de un policier pour 425 habitants, un pour 411 dans les départements classés en zone sensible. Dans le Nord, ce ratio plafonne à un policier pour 462 habitants quand les Bouches-du-Rhône, qui connaissent des problèmes similaires, en comptent un pour 345.

La circonscription de Roubaix passera en janvier de un policier pour 523 habitants à un pour 493, grâce à l'apport d'effectifs que vous venez de décider.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En effet !

M. Francis Vercamer. Nous sommes cependant encore loin de la moyenne nationale.

Ces chiffres disparates sont lourds à digérer quand nos policiers donnent le meilleur d'eux-mêmes et sont, dans nos rues, la cible des bandits. On fait parfois dire ce que l'on veut aux chiffres, mais ceux-ci reflètent une vérité cruelle.

Ne faudrait-il pas répartir les effectifs plus harmonieusement, selon des critères objectifs, clairement énoncés et indiscutables ? Certaines régions touristiques en ont plus besoin que d'autres, notamment durant les vacances ; certaines agglomérations cumulent des problèmes de chômage, de santé, de toxicomanie, d'alcoolémie, de pauvreté, autant de facteurs dont on pourrait tenir compte, car souvent aussi facteurs d'insécurité. Elles sont aussi, parfois, situées en zone frontalière, avec tous les problèmes supplémentaires que cela draine.

Maintenir un minimum d'effectifs égal dans toutes les circonscriptions de police n'est pas équitable quand certaines connaissent peu de troubles et d'autres en ont d'insurmontables.

On a inventé la dotation de solidarité urbaine, la zone franche urbaine afin de reconnaître les différences et d'aider les plus défavorisés à croire en l'avenir. Comptez-vous, monsieur le ministre, mettre en place des zones d'effectifs renforcés, non pour les stigmatiser mais pour les épauler ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je suis très heureux, monsieur le député, que vous me posiez cette question. En dix minutes, en effet, on m'a réclamé une augmentation des effectifs dans les Alpes-Maritimes, en Seine-et-Marne, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Seine-Saint-Denis...

M. Jean-Pierre Blazy. ...et dans le Val d'Oise !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je suis d'ailleurs certain que plus d'un parlementaire présent regrette de ne pas en avoir demandé ! (Sourires.) Ces dix minutes vous ont donné un aperçu de mon quotidien. Comment faire ?

D'abord, je ne veux plus entendre parler des effectifs théoriques. En effet, plus personne ne sait qui les a fixés, ni quand, ni pourquoi.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils permettent pourtant aux parlementaires de dire : regardez, les effectifs théoriques sont de 150, et nous sommes à 130 ! Bien sûr, vous faites votre travail en disant cela, et je ferais la même chose à votre place. Le problème est que personne ne sait de quoi il s'agit. Quand je demande à l'administration centrale qui a établi ces effectifs théoriques, personne ne peut sérieusement me répondre.

J'ai mis en place un groupe de travail, mais rassurez-vous, monsieur Vercamer, il ne se réunira pas pendant deux ans. Je souhaite qu'il repense complètement la question des effectifs avant la fin de l'année.

En effet, ce qui ne va pas dans le système actuel, c'est qu'une circonscription à laquelle on attribue des fonctionnaires supplémentaires voudra les garder indéfiniment, même si les conditions démographiques ou d'insécurité changent. Or je souhaite voir évaluer les effectifs après qu'ils ont été affectés.

Certaines régions sont particulièrement défavorisées. C'est le cas de la vôtre - et je vous remercie d'avoir signalé que j'avais renforcé les effectifs. Mais il faut être mobile. Si certains ont besoin de davantage de policiers, d'autres doivent reconnaître que leurs conditions se sont améliorées ou que leur population a diminué. On doit pouvoir s'adapter en permanence.

Par ailleurs, monsieur le député, il faut sortir de l'opacité. nous avons besoin de transparence et d'honnêteté, ...

M. Jean-Pierre Blazy. Je suis d'accord !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...afin que chacun sache ce dont l'autre bénéficie. Je ferai des propositions dans ce sens à la fin de l'année.

Je profite de l'occasion pour exprimer, en votre nom à tous, je pense, le soutien que l'on doit à ce jeune fonctionnaire de police au chevet duquel je me suis rendu il y a quelques semaines. La moitié de sa figure a été emportée à la suite du tir d'un voyou - on a retrouvé sept impacts de balle sur son véhicule. Fort heureusement, la constitution solide de ce fonctionnaire lui a permis d'en réchapper, mais il est un véritable miraculé. Il a une jeune épouse et un enfant.

Cet exemple montre que policiers et gendarmes ne font pas un métier comme les autres. Vous l'avez d'ailleurs rappelé tout à l'heure, monsieur Blazy, mais je ne porterai pas de jugement sur le cas que vous avez cité, faute de pouvoir encore comprendre exactement ce qui s'est passé. Voilà pourquoi j'évoque une affaire dont tous les éléments sont bien connus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, ma question est double et va sans doute permettre de prolonger votre réflexion.

Dans quelques semaines, vous viendrez, je l'espère, inaugurer le nouveau commissariat de Bobigny, ville préfecture de la Seine-Saint-Denis. Vous aurez ainsi l'occasion, je l'espère, de faire avancer la réflexion de l'administration sur le problème des effectifs : non pas au sujet de leur simple augmentation, mais de la nécessité de les calculer de façon plus juste dans une commune qui présente plusieurs caractéristiques spécifiques.

La première est l'asservissement à la principale zone de rétention administrative du département. Celle-ci, désormais rénovée et humanisée, prélève directement son personnel sur les effectifs du commissariat de Bobigny, ce qui diminue d'autant la présence des fonctionnaires de police sur la voie publique.

La deuxième est le palais de justice de Bobigny, qui se trouvera désormais à moins de vingt mètres du commissariat de police, et « aspire » aussi régulièrement une partie des fonctionnaires affectés à la voie publique pour assurer une surveillance qu'il vaudrait mieux confier à des compagnies mobiles.

La troisième, ce sont les différentes manifestations dont le département est le théâtre, notamment autour du Stade de France, et qui concernent tous les effectifs.

Le résultat, c'est que dans une commune très durement urbanisée, construite essentiellement sur dalle et comprenant énormément de recoins très difficiles à surveiller, on se retrouve avec des effectifs de police toujours insuffisants. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vos services prennent désormais mieux en compte les spécificités de cette commune.

Je ne prendrai qu'un seul exemple : les services du ministère de l'intérieur, que j'ai interrogés cet été sur le nombre de policiers présents à Bobigny, m'ont donné une réponse valant pour l'ensemble de la DDSP, semblant ainsi considérer que les 800 et quelques fonctionnaires de la sécurité que compte le département ne s'occupent que de son chef-lieu !

Vous comprendrez également, monsieur le ministre, que je dise un mot de la situation du commissariat de Drancy. Je l'ai déjà évoqué tout à l'heure : les effectifs ont fondu à la suite d'un certain nombre de départs. Et je ne parle pas d'effectifs théoriques : depuis le début 2003, le commissariat a perdu plus de quinze agents. Deux devaient arriver au mois d'octobre. Il est urgent d'attribuer de nouveaux moyens. Je sais que vous connaissez des difficultés importantes à cause de départs en province qui n'ont pas été anticipés par votre prédécesseur, ...

M. Jean-Pierre Blazy. Oh, non ! Ce n'est pas sérieux ! C'est de la politique politicienne !

M. Jean-Christophe Lagarde. ...mais nous attendons de vous que vous puissiez aussi satisfaire la petite couronne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai le plaisir de vous annoncer, monsieur Lagarde, que la délinquance a baissé au mois d'octobre en Seine-Saint-Denis. En décembre et en janvier, le département bénéficiera de cinquante-huit fonctionnaires supplémentaires, dont dix pour Drancy et huit pour Bobigny.

Je connais le problème de manque d'effectifs auquel doit faire face le commissariat de Drancy. Croyez-moi, monsieur Lagarde, je conduis une étude précise sur chacune de vos demandes. Je les examine personnellement, commissariat par commissariat, brigade par brigade. J'essaie de comprendre les chiffres et de discerner les évolutions. Mais je ne peux pas affecter des gens qui ne sont pas sortis d'école ! Or les premières sorties ont lieu en octobre, en novembre, en décembre. Voilà la réalité. Et si je peux vous annoncer cinquante-huit nouvelles arrivées, dont dix à Drancy et huit à Noisiel, c'est parce que les nouvelles recrues commencent à sortir de l'école. Ce n'est pas de la politique politicienne, monsieur Blazy, c'est la vérité !

M. Jean-Pierre Blazy. N'oubliez pas le Val-d'Oise !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais je n'oublie jamais le Val-d'Oise, monsieur Blazy, et plus le Val-d'Oise sera aimable avec moi (Sourires) ...

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne suis pas le Val-d'Oise à moi tout seul, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vous, monsieur Blazy, qui m'avez tendu la perche.

Je souhaiterais profiter de votre intervention pour vous demander de me croire. Je ne répartis pas les effectifs en fonction des amitiés politiques.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Très bien.

M. Jean-Pierre Blazy. Je n'ai jamais prétendu une chose pareille

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non, monsieur Blazy, ne l'espérez pas, et M. Leonard le sait parfaitement. Il ne suffit même pas que le plus gradé crie le plus fort.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Très bien.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je m'efforce de les répartir honnêtement. Les résultats nationaux comprennent également les résultats de votre circonscription, monsieur Blazy. Sur ce point, j'ai les mêmes intérêts que vous.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Tout à fait.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne veux pas faire campagne pour vous, mais les chiffres de la criminalité doivent baisser partout en France.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. C'est l'intérêt général qui compte.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est l'intérêt général, en effet, qui compte. Trop longtemps, on a géré la répartition des effectifs en fonction des amitiés ou de la tonicité de la protestation.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Il faut en finir avec ces pesanteurs.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je souhaiterais le faire non plus en fonction de l'histoire, monsieur Léonard, vous avez parfaitement raison, mais en fonction de la réalité du terrain. Le Val-d'Oise, c'est vrai, a également besoin d'effectifs, la petite couronne comme la grande couronne.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Bien sûr.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le seul point que je ne partage pas avec vous , c'est de crier haro sur le baudet, s'agissant de Paris. Paris a des charges particulières.

Je rappellerai également aux élus de la banlieue parisienne que lorsque j'augmente les effectifs de 500 personnes dans les transports parisiens, ce que j'ai fait, leurs circonscriptions en profitent. Ce mois-ci, monsieur Blazy, alors que 10 millions de voyageurs empruntent chaque jour les transports en commun sur l'ensemble de l'Île-de-France, la délinquance dans le métro, le RER et les trains de banlieue a reculé de 20,6 %.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous devez également tenir compte de cette baisse, madame Brunel. La rappeler est une question d'honnêteté. Les habitants de vos communes passent beaucoup de temps dans les transports en commun. Je ne fais pas le choix entre les transports en commun situés dans le Val-d'Oise, en Seine-Saint-Denis ou en Seine-et-Marne. Je ne crains pas d'affirmer devant la représentation nationale que vos concitoyens vous disent qu'effectivement la situation s'est améliorée dans le métro, le RER et les trains de banlieue. Ils croisent plus de policiers.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ainsi hier soir, 798 trains étaient sécurisés. Je suis ces chiffres au jour le jour. Je veux atteindre l'objectif de mille trains et mille gares par jour. Telle est pour moi la réalité des choses. Il n'y a pas que les problèmes de Drancy. Les habitants de Drancy ne travaillent pas tous à Drancy. Ils vont travailler à Paris ou ailleurs. Il s'agit d'un ensemble. Je vous garantis, monsieur Lagarde, que vous aurez les effectifs nécessaires. J'ai pris des engagements.

M. Jean-Christophe Lagarde. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. De même, je suis allé récemment dans le Val-d'Oise, monsieur Blazy, à Cergy-Pontoise. Vous le savez très bien.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n'êtes pas encore venu chez moi, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M'avez-vous invité ?

M. Jean-Pierre Blazy. Oui, ici même, l'année dernière. C'est au Journal officiel.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Comment croire, monsieur Blazy, que vous puissiez être cruel avec moi ici et aimable chez vous ? (Rires.)

M. Jean-Pierre Blazy. J'ai le sens de l'hospitalité républicaine, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je viendrai avec plaisir. Le maire de Cergy-Pontoise et l'association des commerçants de sa ville étaient excédés par l'insécurité. Ils m'ont écrit pour m' informer que la situation s'était améliorée.

Tous les problèmes ne sont pas encore résolus, monsieur Lagarde, je le sais parfaitement. Si je pensais que tel était le cas, me donnerais-je autant de mal ? Le mal que je me donne est la preuve que rien n'est acquis. Mais je puis vous assurer que je regarde l'évolution de la situation circonscription par circonscription. Je fais établir un système qui me permettra de suivre semaine après semaine la courbe des éléments d'information, afin de piloter au plus près. En effet, alors que la délinquance est très mobile, la riposte ne l'est pas assez.

Mme Chantal Brunel. C'est vrai.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous avons des processus de décision qui sont d'une lourdeur absolument épouvantable. Je m'efforcerai de répondre aux demandes avec honnêteté, et le plus rapidement possible, pour le Val-d'Oise comme pour la Seine-Saint-Denis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française .)

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M . André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question ne porte pas sur les effectifs, mais sur la formation des policiers.

Le schéma directeur de la formation dans la police nationale met l'accent sur trois axes prioritaires : renforcer la professionnalisation des policiers, moderniser la gestion des ressources humaines avec une culture du résultat et optimiser l'efficacité du réseau de formation. Ma question concerne deux dimensions de la formation des policiers : le maniement des armes et la formation sociale et psychologique.

Monsieur le ministre, le manque de moyens conduit bien souvent les policiers à s'entraîner au tir avec des armes chargées à blanc et sur l'utilisation desquelles ils manquent, disent-ils, d'informations. Nous ne prétendons pas que le surarmement des policiers soit la solution à la lutte contre l'insécurité. Toutefois, nous sommes préoccupés par le fait que les policiers, en raison d'un manque de formation, ne maîtrisent pas toujours le fonctionnement de leurs armes de service. Quelle action, monsieur le ministre, comptez-vous mettre en œuvre pour remédier à une telle situation ?

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur un axe de réflexion qui mérite de devenir prioritaire. Je pense à la formation sociale et en psychologie, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation continue.

Trop de victimes souffrent encore d'être, si je puis dire, « malmenées » psychologiquement lors d'un dépôt de plainte au commissariat. Ainsi, les femmes victimes d'un viol peuvent notamment se faire reprocher le fait d'avoir pris une douche avant de venir au commissariat, ce qui diminue les chances pour les enquêteurs de retrouver le violeur. Les déclarations des femmes victimes de violences conjugales sont quant à elles souvent atténuées, dans leur gravité, par des policiers non préparés à cette forme de violence, ce qui dissuade malheureusement les victimes de venir porter plainte au commissariat. Dans les deux cas, les femmes ressentent déjà un fort sentiment de culpabilité. Il convient d'être attentif à ne pas les culpabiliser davantage. De même, les enfants victimes d'attouchements sexuels ou de viols sont souvent entendus dans des conditions inadaptées, et les questions qui leur sont posées sont parfois très mal formulées et traumatisantes.

Monsieur le ministre, entendez-vous favoriser la formation sociale et en psychologie des policiers, afin que les victimes soient moins culpabilisées et leurs souffrances davantage prises en compte ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui, monsieur André Chassaigne, oui et encore oui ! Notre premier devoir est de penser à la victime, telle est ma conviction. On s'est jusqu'à présent trop intéressé au délinquant et insuffisamment à la victime. Combien de colloques sur les délinquants ont eu lieu ? Pourquoi ? Quand ? Comment ? D'où viennent-ils ? Que pensent-ils ? Et combien de colloques sur les victimes ?

Mme Chantal Brunel. C'est exact.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La victime n'intéresse pas - et c'est une faute - parce qu'elle révèle l'inefficacité et l'impuissance de l'Etat. Vous avez raison, monsieur Chassaigne, la victime ne doit pas avoir à supporter une seconde souffrance, celle de l'indifférence. La première, c'est l'agression, la seconde, c'est le sentiment d'être seule face à tout ce qu'elle doit porter.

C'est à juste titre que vous avez parlé de la douche. Mais, monsieur Chassaigne, si vous voulez qu'une victime d'agression sexuelle ne prenne pas une douche afin que l'on retrouve son agresseur, aidez-moi à constituer les fichiers, en acceptant de les voter. Vous avez mille fois raison, mais à quoi cela sert-il de dire à la victime de ne pas prendre une douche, si on ne vote pas les fichiers pour recenser l'ADN ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Ah oui !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela ne me gêne absolument pas que l'on parle avec précision de ces choses-là, car, vous avez raison de le rappeler, il s'agit du quotidien des femmes violées. Je n'oublie pas que nos prisons renferment 8 000 délinquants sexuels. Mais, dans ces conditions, on ne doit pas faire preuve de pudeur sur le reste. C'est la raison pour laquelle, sur le sujet, j'ai été conduit à donner à la représentation nationale les précisions nécessaires.

La formation est la clef de tout, je le répète pour M. Blazy. C'est un point d'accord entre nous sur lequel je ne transigerai pas. Les bavures, monsieur Chassaigne, ont chaque fois eu lieu parce que la bonne équipe n'a pas été employée au bon moment. Si je me souviens bien, en 2001, dans un quartier de Lille, un contrôle de deux voleurs de voiture pris en flagrant délit a été effectué par la brigade canine. Une balle est partie. L'un des individus est mort. Si à l'époque - je n'en fais procès à personne - la BAC, entraînée, s'était rendue sur place, les risques d'une bavure auraient été moindres. Les policiers, en effet, connaissent eux aussi la peur. Or, c'est la peur qui, bien souvent, est à l'origine des bavures. Lorsque je suis devenu ministre de l'intérieur, d'aucuns ont prétendu que les bavures allaient se multiplier, en raison d'une motivation et d'une mobilisation plus fortes. Aujourd'hui, on le constate, les bavures ne sont pas plus nombreuses qu'hier, même si une bavure est toujours une bavure de trop.

Il ne s'agit donc pas simplement d'accroître la formation sur les armes à feu, d'autant plus que quatre séances de tir annuelles, effectivement, c'est faible. Je souhaiterais que l'on aille plus loin dans la recherche d'armes non létales. Notre pays n'a pas assez exploité les possibilités de toutes les armes non létales. On dote nos policiers et nos gendarmes d'armes dont ils ne peuvent pas se servir dans la plupart des cas. Je suis allé à l'Ousse-des-Bois, à Pau, après que des voyous eurent mis le feu à un petit poste de police. Le poste de police était en feu, alors que trois fonctionnaires se trouvaient à l'intérieur. Les voyous se précipitaient pour jeter des bidons d'essence. Un fonctionnaire a sorti son arme, a menacé, mais n'a pas tiré, alors que le local était en feu. S'il avait eu une arme non létale, il aurait pu se défendre. Quel sens cela a-t-il de porter une arme dont on ne peut pas se servir parce que les conséquences sont terribles ? C'est la raison pour laquelle il convient d'aller dans le sens des armes non létales.

Je terminerai par un mot sur les gardes à vue. La question du non-menottage systématique est une question à laquelle j'attache une grande importance. Les gardés à vue ne doivent pas être systématiquement menottés. Ils ne doivent l'être que si eux-mêmes ou les fonctionnaires courent un risque. Les repas chauds, quant à eux, font également partie du respect des droits de l'homme. Monsieur Chassaigne, je n'oublie pas que la police est nationale et républicaine. Nous avons une déontologie et des valeurs. Chaque fois que la déontologie et les valeurs sont bafouées, notre efficacité est empêchée. Je n'accepterai aucun manquement au respect des droits de l'homme de la part de la police et de la gendarmerie. Pour moi, c'est une question d'efficacité. La moindre petite chose - une remarque faite lors d'une patrouille ou un bras qui pend nonchalamment d'une voiture de police - nuit à l'image et à l'efficacité de la police. Je soutiens les policiers et les gendarmes de toutes mes forces. Mais, parce que mon soutien est total, je n'accepterai aucun manquement au respect des droits de l'homme. C'est tout simple. La seule chose qui nous permettra d'augmenter encore les résultats, c'est d'accroître la formation. Qualité du recrutement et formation continue sont des exigences que nous partageons, monsieur Chassaigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Pour une seconde question, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ma seconde question porte sur les sapeurs-pompiers.

La canicule de l'été dernier et la multiplication des incendies de forêt ont rappelé à l'opinion publique la dureté du métier de sapeur-pompier et la dimension de leur dévouement. Douze pompiers sont décédés en mission durant l'année. Mais l'été tragique a également révélé l'insuffisance de moyens en équipements et en personnels.

Prenant la mesure de la colère des différentes catégories de sapeurs-pompiers, le Gouvernement a été conduit à faire des annonces. Le congrès national à Bourg-en-Bresse en fut un des lieux. Toutefois, la presse régionale a relevé - j'insiste sur le fait, monsieur le ministre, que la phrase qui suit n'est pas d'André Chassaigne, mais de la presse régionale - ...

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Laquelle, monsieur Chassaigne, celle du Parti communiste ?

M. André Chassaigne. Non, monsieur le ministre, pas à Bourg-en-Bresse, en tout cas. La presse régionale a relevé que, je cite, « les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy font la part belle aux pompiers volontaires. Les pompiers professionnels sont déçus et perplexes. Un sentiment partagé des sapeurs haut gradés ».

Comme beaucoup d'élus ruraux, je me réjouis évidemment d'une meilleure prise en compte du volontariat. Mais elle ne doit pas occulter pour autant les attentes des professionnels. Certes, la mobilisation a permis quelques avancées. Le 1er octobre, les syndicats ont été reçus au ministère. La question de la revendication de la fin de carrière des sapeurs a naturellement été évoquée. Vous avez parlé, monsieur le ministre - vous l'avez rappelé - d'un congé de difficultés opérationnelles - CDO. Il est vrai également que le budget de la sécurité civile est augmenté, notamment le fonds d'aides à l'investissement des SDIS. Mais il reste insuffisant pour répondre aux besoins parfois immédiats.

Un projet de loi est en préparation mais il engendre de grandes inquiétudes notamment du fait de l'instauration d'un corps de réserve.

Monsieur le ministre, la gravité de la situation ne doit pas être sous-estimée. Comment expliquer sinon la plainte contre X déposée par le syndicat CGT pour mise en danger d'autrui et le mouvement social engagé en Isère ? Le budget pour 2004 aurait pu créer un sursaut, mais il nous laisse plutôt le sentiment d'avoir été un rendez-vous manqué. Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que des moyens exceptionnels s'imposent tant en équipements qu'en recrutements afin que les drames de l'été 2003 ne se renouvellent pas ?

M. le président. La parole est à M. le ministre. 

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, il y a 240 000 sapeurs-pompiers en France, 200 000 volontaires - il est donc normal de s'intéresser à eux -, 10 000 militaires et 30 000 professionnels. Alors, pourquoi n'ai-je pas évoqué les mesures concernant les sapeurs-pompiers professionnels au cours du congrès de la fédération des sapeurs-pompiers, à Bourg-en Bresse ? Eh bien, tout simplement parce qu'ils me l'avaient demandé. Je devais, en effet, rencontrer deux jours après les dix syndicats de sapeurs-pompiers professionnels et ils souhaitaient que j'annonce les mesures à cette occasion. La preuve en est qu'ils avaient levé leur préavis de grève, y compris la CGT, qui a même été inhabituellement aimable. (Sourires.)

J'imagine que si la CGT des sapeurs-pompiers n'a pas prolongé le préavis de grève et s'est même déclarée par écrit satisfaite de la proposition s'agissant notamment du CDO, c'est bien que ces professionnels croient en la parole du Gouvernement et savent ce qu'il s'efforce de faire.

C'est dans ce cadre que j'ai travaillé deux heures durant, hier, avec le colonel Vignon à la préparation du projet de loi les concernant. Et comme celui-ci sera présenté au conseil des ministres au mois de décembre prochain, vous avez peu à attendre, mesdames, messieurs les députés, pour savoir ce qu'il en est.

Il est clair, en tout cas, nul n'ignorant que les sapeurs-pompiers ont du tempérament, que, s'ils ne se sont pas fait entendre de façon trop vigoureuse, c'est qu'ils ont le sentiment que nous avons fait un vrai travail.

Monsieur Chassaigne, vous me demandez d'être vigilant : je ne vous décevrai pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le ministre, à la suite de la canicule et de la sécheresse de cet été, vingt communes de ma circonscription sur vingt-six ont vu de très nombreuses habitations se détériorer de façon souvent spectaculaire.

C'est un véritable drame pour les propriétaires. C'est souvent une vie d'économies subitement anéantie.

Nous attendons donc avec impatience la décision de déclaration de catastrophe naturelle qui seule permettra l'indemnisation par les sociétés d'assurances.

Il y a urgence. Il faut faire rapidement les travaux. L'hiver arrive. Certaines maisons ont des fissures impressionnantes, certaines portes ou fenêtres ne ferment plus comme à Montévrain, Lesches, Noisiel ou Torcy, où je me suis rendue personnellement. On ne peut pas laisser ces personnes dans une situation de confort et de sécurité aussi précaires.

Trop souvent, en effet, ce sont des familles aux revenus modestes qui sont touchées. Elles habitent des pavillons aux fondations insuffisantes, construits sur des terrains argileux. Ce sont plus de 700 habitations qui sont concernées. Il s'agit d'un véritable drame humain.

Monsieur le ministre, il est urgent que la direction de la sécurité civile instruise les dossiers pour que la commission interministérielle puisse trancher. Pouvez- vous nous donner un échéancier ? Pouvez-vous nous dire ce que le Gouvernement compte faire pour prendre en considération ce véritable drame pour les personnes concernées ?

En dehors de l'urgence immédiate, il sera indispensable pour l'avenir de revoir les règles de construction afin d'éviter de nouvelles catastrophes. De nouvelles normes doivent être fixées.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la députée, si j'ai bien compris, vous demandez au Gouvernement non pas de réfléchir mais d'agir.

Mme Chantal Brunel. Oui !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les critères actuels définissant l'état de catastrophe naturelle ne permettent pas de rendre éligibles les communes de votre département. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé que l'on modifie ces critères pour tenir compte du caractère exceptionnel de l'année 2003. Cela se fera avant la fin du mois de novembre. Et les communes seront donc éligibles avant la fin de l'année.

Mme Chantal Brunel. Merci, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Henri Cuq.

M. Henri Cuq. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de dire que je me félicite de la réponse que vous venez d'apporter à Chantal Brunel car je suis confronté au même problème dans ma circonscription. D'ailleurs, la réponse que vous m'aviez adressée, alors que je vous avais alerté, allait déjà dans ce sens.

Aujourd'hui, je souhaite vous interroger sur le problème particulier de la brigade territoriale de gendarmerie d'Ecquevilly, qui est la seule de l'arrondissement de Mantes à être située en zone péri-urbaine. Elle recouvre le territoire de trois communes et une population de 8 000 habitants.

C'est précisément sur le territoire de la commune d'Ecquevilly, qui compte 4 500 habitants, que se trouvent les 300 logements sociaux de la résidence du Parc, où l'on rencontre des problèmes bien connus en zone périurbaine. Et le sujet ne vous est pas étranger, monsieur le ministre, puisque vous avez eu l'occasion de venir à plusieurs reprises aux Mureaux.

Or, depuis plusieurs mois, nous sommes confrontés dans ce secteur à un phénomène de délinquance récurrent avec une progression que vous n'ignorez pas puisque je vous ai tenu informé - je ne m'étendrai donc pas sur les chiffres. Plus récemment - c'était début octobre -, les élus de la commune d'Ecquevilly ont été agressés au cours d'un conseil municipal par une vingtaine de jeunes, qui ont littéralement envahi la salle du conseil.

Comme vous l'imaginez, le climat est donc extrêmement tendu, aujourd'hui, à Ecquevilly, où les élus sont particulièrement inquiets. Or, les autorités de la gendarmerie viennent précisément de leur faire savoir que les effectifs de la brigade allaient passer de dix-sept à onze, étant entendu qu'il y a, à l'heure actuelle, douze sous-officiers et cinq gendarmes adjoints.

Monsieur le ministre, face à cette délinquance périurbaine violente et en progression - Dieu merci, le secteur est circonscrit - vous paraît-il judicieux de procéder aux ajustements prévus ? Ne serait-il pas souhaitable d'attendre que le calme soit revenu, que les esprits soient apaisés et que les statistiques aient évolué dans le bon sens ? Patientons jusqu'à ce que la paix soit revenue sur le territoire de cette brigade pour procéder aux ajustements. Je ne conteste d'ailleurs pas la nécessité de ces derniers dans la mesure où, sur le plan judiciaire, deux communes vont être dégagées de la compétence de cette brigade, Aubergenville et Flins.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locale. Monsieur le député, vous connaissez parfaitement la question. Il y a effectivement un redéploiement police-gendarmerie. Et la brigade d'Ecquevilly, qui va perdre les deux tiers de sa population, se trouvera avec un effectif diminué d'un tiers si l'on s'en tient au projet initial.

Mais il est vrai que la situation n'est pas bonne. Je vous propose donc de venir sur place d'ici à la fin de l'année. Je tirerai toutes les conséquences du constat que je ferai. Nous ne laisserons pas tomber Ecquevilly. Les événements qui s'y sont déroulés sont, à bien des égards, inadmissibles et je n'ai pas l'intention de laisser les élus dans cette situation. Vous avez dit que les auteurs de ces actes étaient des jeunes. Moi, je pense que ce sont des voyous. Et le fait qu'ils soient jeunes, vieux, grands, petits, noirs ou blancs, ne change rien à l'affaire : quand on est un voyou, on est un voyou.

Je vous propose donc de mettre entre parenthèses la réforme tant que je ne me serai pas rendu sur place. Et je viendrai avant la fin de l'année pour apporter une réponse précise, après avoir rencontré les élus et la population. Nous prendrons les mesures qui s'imposent dans ce petit coin des Yvelines, qui ne doit pas se sentir abandonné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre, je vous propose un voyage dans les eaux du lagon mahorais pour évoquer le problème de l'immigration.

Mayotte croule, en effet, sous le poids de l'immigration clandestine. La situation est très préoccupante et les chiffres, édifiants, parlent d'eux-mêmes. Le nombre d'immigrés clandestins peut ainsi être estimé au minimum à 50 000 personnes pour une population recensée en août 2002 de 160 000. Or aucune collectivité ne peut tolérer et assimiler près d'un tiers de population étrangère, a fortiori clandestine, sur un territoire de la taille de Mayotte - 374 kilomètres carrés.

La situation dans les services publics est explosive : 70 % des personnes dans les dispensaires et à l'hôpital sont des clandestins, deux tiers des mères qui accouchent sont clandestines, 90 % du rôle de la chambre criminelle du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou sont constitués de clandestins, 70 % des détenus de la maison d'arrêt de Majicavo sont des clandestins. Plus récemment, les classes surchargées et les incidents qui ont émaillé la dernière rentrée scolaire furent l'occasion de mesurer l'ampleur de ce fléau. Près de 700 000 Comoriens attendent sur les rivages d'Anjouan pour atteindre Mayotte. Je suis allé plus d'une fois aux Comores où j'ai rencontré nombre de ces hommes.

Les 5 266 reconduites effectuées à ce jour pour la présente année, contre 3 733 pour l'année 2001 et 3990 pour l'année 2002, attestent de la détermination affichée par les services de l'Etat.

De même, les destructions de barques et quelques opérations coup de poing contribuent à une certaine dissuasion.

Ma question est donc simple : quelles mesures d'urgence allez-vous prendre et quels moyens entendez vous consacrer à la lutte contre l'immigration clandestine ? Les mesures traditionnelles ne suffisent plus, en effet, puisque, au bout de quarante-huit heures, les clandestins sont toujours là.

Enfin, pensez- vous que, dans le même esprit qui a conduit à la mise en place des GIR, une action en étroite concertation avec vos homologues de la défense et de la coopération soit envisageable ?

Je crois en effet qu'à l'instar de ce qui est initié localement, mais sans moyens suffisants, l'armée et la PAF doivent jouer pleinement leur rôle de dissuasion, de prévention et de répression dans le cadre d'une coopération régionale ambitieuse.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Kamardine, j'ai affecté en 2003 trente fonctionnaires de police supplémentaires à Mayotte, où les arrestations de passeurs ont augmenté de 40 % et les expulsions de 22 %.

Il est vrai toutefois que la situation en matière d'immigration est assez catastrophique. Mayotte compte en effet 160 000 habitants et entre 40 000 et 50 000 étrangers en situation irrégulière. Sachez en tout cas que je suis déterminé à ne pas laisser la situation s'envenimer à Mayotte, comme en Guyane ou dans d'autres territoires ou départements d'outre-mer.

Je me suis rendu en Guyane il y a peu pour prendre un certain nombre de décisions. Je ferai de même pour Mayotte. Le problème est qu'il est plus facile de se rendre à Ecquevilly en fin d'après-midi qu'à Mayottte. (Sourires.) Mais je n'oublie pas que c'est la France et qu'il ne saurait être question qu'on y laisse se développer des situations ingérables. Vous êtes submergé par un phénomène qui vous dépasse et il est évident que l'année prochaine il faudra que je me rende sur place, ne serait-ce que pour encourager les fonctionnaires qui font un travail remarquable.

Ces 40 % d'arrestations en plus montrent, monsieur Kamardine, qu'on a décidé de prendre le taureau par les cornes, de réagir et de ne pas se laisser faire. Je vous assure que je développerai encore cette politique en 2004 car je n'oublie pas que, pour beaucoup de ces clandestins, le voyage ne se termine pas à Mayotte. Ce territoire est, en effet, une des frontières de la France. Chacun doit bien comprendre que les problèmes des DOM-TOM, aujourd'hui, seront ceux des circonscriptions métropolitaines, après demain. Les tourments présents de Mayotte sont les problèmes d'après-demain de la France métropolitaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Monsieur le ministre, ces dernières années, l'intercommunalité s'est considérablement développée. Elle doit permettre d'améliorer la qualité du service rendu à nos administrés et de faire des économies d'échelle. Tout au moins est-elle souvent présentée ainsi.

Mais l'intercommunalité, selon nous, doit aussi reposer sur des bases volontaires et respecter les identités communales. Force est de constater que ces principes ne triomphent pas toujours, loin de là. Nous avons parfois le sentiment, avec les lois Chevènement et Voynet, que petit à petit des échelons supplémentaires sont créés : communautés de communes, communautés d'agglomération, pays. Régulièrement nous rappelons, et vous aussi, notre volonté de simplifier les procédures, les démarches, les réglementations. Or, dans le cadre de l'architecture administrative et démocratique locale, ce n'est pas le cas. Pour le même projet, nous voyons parfois s'ouvrir un ou deux guichets supplémentaires. La tâche n'en est que plus compliquée.

Les compétences impliquent aussi des moyens pour pouvoir être exercées. Ainsi, intercommunalité et pays ont-ils besoin de locaux, de personnels, d'autant plus qu'ils multiplient souvent études, réunions et autres commissions.

Tout cela contribue, et contribuera encore si nous n'y prenons garde, à une augmentation de la fiscalité locale et à ce qu'un ancien ministre évoquait récemment, en parlant du « profil lourd, opaque et coûteux » de certaines structures intercommunales.

De plus, je regrette que, parfois, les regroupements aient été fixés par les préfets sur des bases autoritaires. L'intercommunalité est un mariage. Nous savons à quoi mène un mariage sans amour. Les regroupements n'auront d'avenir que s'ils reposent sur des bases volontaires, comme cela a été le cas dans nos syndicats d'eau, d'électrification, de transports scolaires, entre autres. Alors que l'aménagement harmonieux de notre territoire est nécessaire, que les complémentarités ville-campagne sont à développer, ne faut-il pas éviter de constituer de grosses structures, déjà bien aidées par l'Etat ? A cet égard, vous savez que les communautés d'agglomération et les communautés urbaines notamment, disposent souvent d'une dotation globale de fonctionnement quatre fois plus élevée par habitant que celle qui est affectée aux communes rurales. Ces différences importantes sont parfois méconnues, mais nous devons éviter que se constituent des pôles de richesses à côté de territoires appauvris, voire pauvres. Nous devons, pour réussir la cohésion nationale, et l'équité territoriale, nous souvenir de ce qu'a déclaré récemment le ministre de l'agriculture : « Les territoires ruraux font la richesse et l'équilibre de notre pays.  Il ne faut pas laisser les choses évoluer vers la concentration et le gigantisme. Tout le monde sait que les grandes agglomérations ne sont pas la réponse aux problèmes des gens. »

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous exposiez votre position sur l'avenir de nos communes françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Rien que ça ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cher Denis Merville, le Gouvernement tient à vous faire savoir qu'il est en plein accord avec votre intervention. Les groupements de communes ne sont pas un quatrième niveau de collectivité. Ils ne constituent pas des collectivités territoriales. Les choses sont parfaitement claires en la matière. La place centrale des communes ne doit pas être remise en cause. Des groupements se constituent, pour exercer en commun des compétences que chacune des collectivités qui les composent ne pourrait exercer seule. Le Gouvernement fait donc sien votre propos. C'est la meilleure réponse que je puisse vous apporter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Monsieur le ministre, au préalable, je tiens particulièrement à saluer votre action et celle de l'ensemble des services de sécurité, qui sont parvenus à endiguer la hausse de la criminalité dans notre pays. En témoigne la baisse spectaculaire des infractions, dont vous nous avez fait d'ailleurs cet après-midi la brillante démonstration.

Malgré la vigilance de la gendarmerie, les résultats sont cependant moins probants en milieu rural, où la délinquance a tendance à se réfugier depuis qu'elle est pourchassée dans les villes. Cela tient à quelques faiblesses du système auxquelles, j'en suis persuadé, vous saurez remédier. Je relève trois principales difficultés, qui m'ont été indiquées par les maires de ma circonscription.

Le temps de réponse excessif la nuit aux appels téléphoniques, dû à leur centralisation départementale, et les délais d'intervention des forces de l'ordre trop longs, conséquence de la réorganisation territoriale de la gendarmerie en communautés de brigades, dont je ne conteste pas néanmoins la nécessité, ont pour conséquence un relâchement des liens entre les gendarmes et la population, liens pourtant très utiles à la prévention des comportements répréhensibles et au succès des enquêtes.

Certes, vous avez souhaité amélioré les contacts avec les élus par la création des contrats locaux de sécurité : la structure existe, mais le contenu fait défaut. Les maires n'ont pas toujours de retour sur les suites données aux plaintes déposées, aux faits signalés, aux informations qu'ils ont fournies lors d'infractions constatées dans leur propre commune. Les gendarmes, comme les magistrats, se retranchent derrière le secret de l'instruction. Pouvez-vous, monsieur le ministre, lever cette ambiguïté ?

Enfin, il est fréquent que des citoyens se disent dissuadés de porter plainte, ce qui conduirait à sous-estimer la réalité des infractions. Dans les zones de compétence territoriale de la police, il existe dans les commissariats une main courante à la disposition des plaignants, les mentions consignées ayant valeur de mise en demeure à l'encontre des auteurs de faits passibles de poursuites. Cette faculté ne pourrait-elle pas être étendue en zone d'intervention de la gendarmerie ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je tiens d'abord à rendre hommage au travail de la gendarmerie, parce qu'au mois d'octobre, si la délinquance a baissé de 3,9 % sur l'ensemble du territoire national, elle a baissé de 6 % dans la zone gendarmerie.

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Tout à fait ! Vous avez bien raison de le rappeler !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Et ça fait plusieurs mois que les gendarmes obtiennent des résultats très probants, alors que j'ai connu, à mon arrivée, des taux d'augmentation mensuelle parfois à deux chiffres, héritées du système antérieur.

Certes, il peut tout à fait y avoir une défaillance dans la capacité à répondre, notamment de nuit. Monsieur le député, n'hésitez pas à me le faire savoir, parce que je suis très attentif à ce qui n'est pas, pour moi, un détail.

Enfin, s'agissant de l'information des élus, ceux-ci ont un droit, prévu par la loi, à l'information ; les chefs de groupements et les chefs de brigade ont un devoir : la leur donner.

M. Jean-Pierre Grand. Il faut le leur rappeler.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous avez voté une loi. Elle doit être appliquée. Si elle ne l'était pas, n'hésitez pas à me le dire. Il est vrai que la gendarmerie ne tient pas une main courante, mais chaque fois que quelqu'un dépose plainte, les gendarmes doivent faire un procès-verbal d'audition. Sans doute y a-t-il, ici ou là, des cas où les plaintes ne sont pas prises, mais il y en a tant d'autres où les plaintes injustifiées sont enregistrées, que cela s'équilibre pour le moins. Croyez-moi, monsieur le député, en l'occurrence, on va plutôt vers l'exagération que vers la dissimulation ! Mais j'ai pris bonne note de votre préoccupation. Je m'entretiendrai de cette question avec le préfet de Meurthe-et-Moselle et je vais lui demander de prendre contact avec vous. Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu entre les élus, les forces de gendarmerie et les forces de police. Je ne veux plus que les élus apprennent par le journal ce qui s'est passé dans leur circonscription !

M. Jean-Pierre Grand. C'est bien ! Bravo !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous êtes des élus du suffrage universel, vous avez autant de légitimité que le localier - pour qui j'ai le plus grand respect - à être informés. Et ça n'a rien à voir avec le secret de l'instruction. L'autorité compétente peut très bien dire à un maire qu'il y a eu dans sa commune un cambriolage, un meurtre ou un viol, sans révéler pour autant les circonstances ou l'identité des suspects, voire des victimes. Ce n'est pas violer le secret de l'instruction que de le signaler aux élus. Je vais même plus loin, puisque j'ai demandé aux chefs de police et de gendarmerie de vous informer des effectifs et des moyens mis à leur disposition. Je suis pour la transparence. Nous n'avons rien à cacher. Si nous commettons des erreurs, il est normal que les élus, de l'opposition comme de la majorité, nous le disent, de façon qu'on puisse les corriger ! Je sais que bien des choses ne vont pas, si vous saviez ce que je pense... C'est justement pourquoi qu'il faut continuer à travailler et à s'améliorer. Mais pour y parvenir, il faut que nous soyons au courant, que vous puissiez nous en informer et suivre la question.

M. Jean-Pierre Grand. C'est très important.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est comme ça que nous allons progresser. Je ne crois vraiment pas avoir résolu tous les problèmes. Je sais qu'il en reste beaucoup encore, et qu'il peut y avoir ici ou là des faiblesses. Sinon, monsieur le député, croyez-vous que je présiderais personnellement, tous les mois, des réunions d'évaluation? J'y reçois les représentants des départements qui ont le plus de difficultés. On m'a même dit que j'avais tort de le faire, que parfois ça choquait quelques âmes sensibles. Mais j'essaye de regarder la réalité telle qu'elle est, pas telle que je la souhaiterais. Il y a des cas où nous devons corriger les choses, c'est vrai. Je m'occuperai de cette question et je demanderai au préfet de prendre contact avec vous pour essayer de résoudre le problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre, je vous ai tout à l'heure interrogé sur la situation des clandestins, j'appelle maintenant votre attention sur la situation des étrangers qui résident régulièrement Mayotte.

Comme vous le savez, l'entrée et le séjour des étrangers à Mayotte est régi par une ordonnance du 26 avril 2000 qui dispose que : « Les étrangers titulaires d'une carte de résident délivrée dans un département, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française ou dans les îles Wallis-et-Futuna entrent et séjournent à Mayotte dans les mêmes conditions que les étrangers titulaires d'une carte de résident délivrée en application de la présente ordonnance. » Il se trouve que la réciproque n'est pas vraie. Le titulaire d'une carte de séjour délivrée à Mayotte, par le préfet de la République, n'a pas la possibilité de se rendre à Saint-Denis-de-la-Réunion. Un certain nombre d'étrangers, en situation irrégulière là-bas, ont été refoulés de Saint-Denis. Cette situation nous laisse un goût amer et nous donne l'impression que, finalement, le séjour des étrangers à Mayotte est organisé, mais qu'après ils y sont confinés, qu'on les laisse là, alors qu'ils auraient probablement bien aimé pouvoir aller faire un tour ailleurs. Tout à l'heure, vous disiez qu'une fois arrivé à Mayotte on était en France. Dès lors, ma question est simple. Il aurait été possible de corriger le système dans le cadre de la loi sur l'immigration, mais l'opportunité n'a pu être saisie. A défaut, je souhaiterais savoir si, sur le fondement des dispositions de cette loi, qui autorisent le Gouvernement à adapter par ordonnance à l'outre-mer les mesures de ce texte, vous envisagez d'inscrire la réciprocité en faveur de Mayotte dans l'ordonnance de 1945 modifié.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Votre suggestion est excellente. Il faudra introduire ce principe de réciprocité. Le ministre de l'outre-mer m'a confirmé son intention de le mettre en œuvre pour Mayotte, mais aussi pour Wallis-et-Futuna et pour la Polynésie française. Monsieur Kamardine, vous avez donc une réponse positive à votre suggestion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Leonard, rapporteur pour avis. Bravo monsieur Kamardine !

M. le président. La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Monsieur le ministre, vous venez de réaffirmer votre attachement à nos communes, et je vous en remercie. Ce sont, en effet, les cellules de base de notre démocratie, et l'échelon de proximité auquel nos concitoyens sont attachés.

C'est pourquoi, l'an passé, à l'occasion de l'examen de la loi de finances, j'avais déposé un amendement relatif au retour de taxe professionnelle pour les établissements publics de coopération intercommunale passés en taxe professionnelle unique. Celle-ci permet de renforcer la solidarité locale. Elle est appelé à se généraliser. Vous savez que le groupement intercommunal reverse aux communes ce qu'elles percevaient au moment du passage en TPU. La non-indexation de la compensation versée par les communautés aux communes est un inconvénient. Si ces ressources continuent à ne pas être actualisées, nos communes seront, à terme, étouffées. En effet, elles doivent faire face à des frais fixes, alors que leur part de taxe professionnelle, qui constituait souvent une de leurs principales ressources, stagne. Dans ces conditions, elles seront contraintes, soit d'augmenter la fiscalité sur les ménages, soit de transférer de plus en plus de compétences à l'EPCI. Il faut que cesse cette hypocrisie. Si nous voulons que nos communes continuent à vivre et à assumer leurs compétences, elles doivent disposer de ressources évolutives. Tel est le sens de l'amendement que j'ai déposé. Il faut que les retours de TP augmentent au moins au même rythme que les prix. Je souhaiterais connaître votre position sur ce point.

M. le président. La parole est M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Merville, vous avez raison de souligner la nécessité d'assouplir les relations financières entre les communes et leurs groupements. Le projet de loi relatif aux responsabilités locales fait de nombreuses propositions en ce sens. Ainsi, il reviendra au conseil communautaire de fixer les règles de partage de la TP dans le calcul de l'attribution de compensation. Et, comme votre amendement le propose, ce même conseil pourra décider de réviser cette attribution pour l'augmenter, si les charges des communes sont modifiées. C'est exactement ce que vous demandez.

Par ailleurs, la possibilité de verser des fonds de concours entre communes et groupements sera étendue - ce qui complète votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, je vous pose cette question conjointement avec mon collègue et ami Bernard Schreiner. À tous les niveaux de l'Etat ont été entreprises des mesures fortes pour renforcer la lutte contre la violence routière. Afin de permettre une efficacité plus grande et une mise en œuvre aussi rapide que possible de cet ambitieux programme, il conviendrait peut-être de réformer les modalités de répartition du produit des amendes relatives à la circulation routière.

Ainsi, il nous semble opportun - a fortiori depuis que les statistiques sur ce point sont connues - que l'achat de radars par les communes puisse être inclus dans la liste des opérations financées au titre de la sécurité routière, telle qu'énoncée par l'article R2334-12 du code général des collectivités territoriales.

Par ailleurs, nombre de communes de moins de 10 000 habitants, exclues de la répartition directe du produit des amendes, entretiennent une police municipale qui, par ses missions, concourt également à la sécurité routière. C'est pourquoi il nous semblerait souhaitable que les communes de moins de 10 000 habitants pourvues d'une police municipale puissent bénéficier à titre dérogatoire de la répartition directe du produit des amendes pour compenser les efforts entrepris dans le domaine de la sécurité routière. Il s'agit là d'une demande récurrente de maires de communes de moins de 10 000 habitants, dont je me fais ici l'écho. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En ce qui concerne les acquisitions de radars, la réponse est positive. Je vais donner des instructions aux préfets en ce sens.

En revanche, votre deuxième proposition me pose un problème. Actuellement, les sommes correspondant aux communes et aux groupements de moins de 10 000 habitants sont réparties par les conseils généraux et, comme vous le savez, la mutualisation de ces sommes est confiée aux conseils généraux. Si je leur retire cela, ne fût-ce que pour les communes de moins de 10 000 habitants dotées d'une police municipale, je risque de déclencher une guerre entre niveaux de compétence. C'est pourquoi, monsieur le député, si je ne suis pas opposé au principe de votre proposition, je souhaite tout de même prendre quelques précautions préalables, et discuter avec les élus départementaux, afin de vérifier que je n'ouvre pas un front qui serait plus préoccupant que celui des maires de communes de moins de 10 000 habitants.

En résumé, je réponds oui à votre première question, et « pas tout de suite » à la seconde.

M. Jean-Pierre Grand. Ce n'est pas si mal. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales ».

ÉTAT B

Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 290 139 228 euros ;

« Titre IV : moins 7 358 111 147 euros. »

ÉTAT C

Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 429 550 000 euros ;

« Crédits de paiement : 145 497 000 euros. »

TITRE VI.- SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 2 002 909 000 euros ;

« Crédits de paiement : 929 449 000 euros. »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.

(La réduction de crédits est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

Tourisme

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 23 du rapport n° 1110) ;

M. Jean-Michel Couve, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XI de l'avis n° 1112).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      JEAN PINCHOT