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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 4 DÉCEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 3 décembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Souhaits de bienvenue à des délégations parlementaires «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

CONSTITUTION EUROPÉENNE ET AVENIR DE L'UNION «...»

Mmes Elisabeth Guigou, Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

FISCALITÉ DES BIOCARBURANTS «...»

M. Nicolas Perruchot, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

PLAN DE PAIX ISRAÉLO-PALESTINIEN «...»

M. Jacques Brunhes, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE «...»

MM. Pierre Lequiller, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

LUTTE CONTRE LA DROGUE
AU NIVEAU EUROPÉEN «...»

Mme Muriel Marland-Militello, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE «...»

MM. Yannick Favennec, Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

INONDATIONS DANS LE SUD-EST DE LA FRANCE «...»

M. Pascal Terrasse, Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable.

FÉDÉRATIONS AFFINITAIRES ET MULTISPORTS «...»

MM. Dominique Richard, Jean-François Lamour, ministre des sports.

EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES «...»

M. Dominique Tian, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

RÉFORME INSTITUTIONNELLE EN GUYANE «...»

Mmes Christiane Taubira, Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

AVENIR DE L'INDUSTRIE TEXTILE FRANÇAISE «...»

M. Philippe Pemezec, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

3.  Loi de finances rectificative pour 2003. - Discussion d'un projet de loi «...».

Rappels au règlement «...»

MM. Jean-Claude Sandrier, Augustin Bonrepaux, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Ouverture de la discussion «...»

M. le ministre.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Marc Joulaud, rapporteur pour avis de la commission de la défense.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Didier Migaud, le ministre, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances ; MM. Nicolas Perruchot, Jean-Claude Sandrier, Henri Emmanuelli, Michel Bouvard. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance «...»
DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
François Goulard.
Augustin Bonrepaux.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE
À DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES

    M. le président. Mes chers collègues, il y a quelques jours, l'Assemblée nationale a approuvé, à une très large majorité, la ratification du Traité d'Athènes.
    A l'occasion de cet événement essentiel dans le destin de l'Europe, j'ai invité les présidents des assemblées des dix pays qui vont rejoindre, l'année prochaine, l'Union européenne.
    Je suis particulièrement heureux de souhaiter la bienvenue aux délégations des nouveaux Etats membres : la République de Chypre, la République d'Estonie, la République de Hongrie, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Malte, la République de Pologne, la République slovaque, la République de Slovénie et la République tchèque. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
    Merci, et bienvenue à l'Assemblée nationale !

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. Les quatre premières seront naturellement réservées à des thèmes européens.

CONSTITUTION EUROPÉENNE
ET AVENIR DE L'UNION

    M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.
    Mme Elisabeth Guigou. Monsieur le président, permettez-moi, à mon tour, de saluer les délégations des dix pays qui nous rejoignent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Daniel Vaillant. Très bien !
    Mme Elisabeth Guigou. Bienvenue ! C'est une grande joie de vous accueillir ici.
    Enfin, soixante ans après Yalta, quinze ans après la chute du rideau de fer, l'Europe se réunifie. Bienvenue aux représentants de ces pays qui nous rejoignent !
    Cet événement historique, notre assemblée l'a ratifié, mercredi dernier, à une écrasante majorité. Maintenant, il est de notre responsabilité commune de réussir l'élargissement. Ensemble, nous devons donner à la grande Europe un projet politique qui soit à la hauteur de sa dimension géographique, de son histoire et des valeurs qu'elle incarne. Nous devons, ensemble, avoir une grande ambition pour l'Europe, et nous donner les moyens de cette ambition.
    La constitution européenne est l'un de ces moyens. Elle doit proclamer des valeurs, affirmer des droits individuels et sociaux, rendre les institutions plus efficaces et plus démocratiques, définir des politiques communes pour resserrer les liens, pour garantir la solidarité et aussi promouvoir la diversité de nos langues et de nos cultures.
    Monsieur le Premier ministre, la France doit porter cette ambition. Elle doit le faire sans arrogance, en respectant les opinions de tous nos partenaires, car tout pays de l'Union, aussi petit et aussi nouveau soit-il, a le droit au respect de tous. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais elle doit le faire avec fermeté. Votre gouvernement et le Président de la République doivent s'engager résolument, et s'engager sur l'essentiel.
    Vous connaissez nos attentes : pour nous, socialistes, il faut un gouvernement économique pour l'Europe et une Europe qui élève le niveau de ses exigences sociales.
    M. François Goulard. Qu'est-ce que cela veut dire ?
    Mme Elisabeth Guigou. Ce sont là des questions essentielles pour lesquelles vous devez agir.
    Quelles initiatives comptez-vous prendre pour éviter les reculs, pour améliorer le projet issu de la Convention, pour sortir la conférence de l'ornière et pour faire que le sommet des 12 et 13 décembre prochains donne à la grande Europe une Constitution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Pourquoi pas le Premier ministre ?
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Je tiens à m'associer aux voeux de bienvenue du président de l'Assemblée, et je salue son initiative.
    Nous sommes effectivement à la veille d'une échéance décisive, l'adoption de la première constitution de l'Europe.
    M. Philippe de Villiers. Référendum !
    M. Jacques Desallangre. Oui, un référendum !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. C'est pour nous une très grande chance que de pouvoir élaborer ce qui sera le cadre de notre vie dans l'Europe élargie à vingt-cinq, avec nos futurs partenaires. Nous soutenons l'équilibre général du projet de la Convention, qui a été élaboré dans la transparence et de façon démocratique et nous saluons les avancées substantielles qu'il comporte, notamment en matière économique et sociale : une base juridique pour les services d'intérêt économique général, l'intégration de la charte des droits fondamentaux, qui inclut les droits sociaux, la définition d'un objectif de plein emploi, le maintien de notre diversité culturelle, avec la possibilité des aides d'Etat dans le domaine de la culture et, évidemment, l'ouverture de grands chantiers dans les domaines de la justice, de la politique étrangère et de la politique de défense.
    Nous pensons que, dans l'avenir, le traité devra évoluer pour renforcer davantage encore les droits des citoyens et répondre à leurs aspirations. C'est pourquoi nous soutenons avec force les clauses dites « passerelles » qui permettront de faire entrer de nouveaux secteurs dans le champ de la majorité qualifiée. C'est pourquoi aussi nous appuyons la présidence italienne quand elle propose une clause de révision allégée.
    C'est dire que la France accompagne la marche de l'Europe, une Europe consolidée dans ses institutions et qui est l'un des grands espaces démocratiques de la planète, un espace de paix, de stabilité et de prospérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

FISCALITÉ DES BIOCARBURANTS

    M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Nicolas Perruchot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'environnement, et je souhaite y associer mes collègues Stéphane Demilly, Charles de Courson et Maurice Leroy.
    La dégradation de la qualité de l'air dans les zones urbaines, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'accroissement de l'utilisation des énergies renouvelables, tous ces sujets intéressent et préoccupent les Français. Il existe un moyen rapide et efficace pour améliorer la qualité de l'environnement, c'est l'incorporation de biocarburants d'origine agricole dans l'essence et le gazole. Deux directives européennes, que nous devons transposer dans notre droit avant la fin de l'année, prévoient cette oxygénation des carburants et doivent permettre de leur appliquer une détaxation fiscale de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Le groupe UDF a toujours été attaché à cette question et se bat, depuis longtemps, en faveur d'un traitement fiscal véritablement incitatif et de l'incorporation directe.
    L'article 25 du projet de loi de finances rectificative, qui est examiné à partir d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale, prévoit de prolonger de la détaxation de certains biocarburants. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas prévu d'étendre le bénéfice de ces mesures à l'incorporation directe de bio-éthanol, pourtant autorisée par la directive européenne et pratiquée par nombre de nos voisins.
    Un amendement a été adopté cette nuit en commission des finances à la quasi-unanimité, remédiant à cette lacune. Il tend à étendre la mesure de détaxation. Cette mesure d'incorporation directe est primordiale pour l'avenir de la filière.
    Le Gouvernement appuiera-t-il, demain, cet amendement lors du vote de la loi de finances rectificative ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, depuis longtemps, le Gouvernement est convaincu de l'intérêt de la filière des biocarburants pour des raisons liées à la fois à l'indépendance énergétique, à la lutte contre l'effet de serre et à la politique agricole. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de réaffirmer ces orientations dans le livre blanc sur les énergies qui est aujourd'hui soumis à concertation.
    Nous avons, en effet, des objectifs ambitieux qui nous ont été fixés par les directives européennes, puisque nous devrions atteindre le taux de 5,75 %. Afin de se rapprocher de ces objectifs, la France a mis en place un système de défiscalisation qui lui permet de produire aujourd'hui environ 500 000 tonnes de biocarburants par an, soit 1 % en volume de sa consommation de carburant. Nous sommes ainsi le deuxième producteur européen, juste derrière l'Allemagne.
    Ce sont 175 millions d'euros de dépenses fiscales qui sont ainsi consacrées à cette filière dans le projet de loi de finances pour 2004. De nouvelles mesures seront débattues dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2003. Elles permettront d'augmenter les quantités produites.
    Néanmoins, je dois à l'objectivité de vous dire que, pour atteindre l'objectif de 5,75 %, la filière des biocarburants doit accroître fortement sa rentabilité. L'avantage environnemental des biocarburants est, en effet, au regard de leur coût, encore en retrait sur d'autres options, notamment des actions de maîtrise de la consommation d'énergie. Ainsi, il importe que cette filière, fortement encouragée par l'Etat, poursuive activement ses efforts de recherche.
    Dans cette même volonté, je ne doute pas, monsieur le député, en vous écoutant, que nous vous aurons à nos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PLAN DE PAIX ISRAÉLO-PALESTINIEN

    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jacques Brunhes. Chers amis des pays qui nous rejoignent, nous vous souhaitons également la bienvenue ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union sur un mouvement populaire.)
    Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : que compte faire la France pour que l'Union européenne apporte son soutien actif à l'initiative qu'ont prise le 1er décembre, à Genève, 150 personnalités israéliennes et autant de personnalités palestiniennes qui ont officialisé leur accord sur un projet de plan de paix complet et détaillé, mis au point à l'issue de près de trois années de discussion ?
    Ce texte apporte une solution à tous les problèmes complexes liés à la création d'un Etat indépendant palestinien sur la majeure partie des territoires occupés par Israël depuis 1967 et au droit de l'Etat d'Israël de vivre en sécurité à l'intérieur de frontières reconnues et sûres. Sont ainsi réglées les questions sur lesquelles ont trébuché les tentatives antérieures de règlement du long et meurtrier conflit du Proche-Orient. Je n'en cite que quelques-unes : reconnaissance mutuelle, rectification des frontières, échange de territoires, colonies, réfugiés, partage de Jérusalem, statut des lieux saints.
    Ce texte intervient à un moment de blocage total du processus de paix, et on imagine le désespoir qui en découle. Il témoigne, grâce au courage et à l'opiniâtreté de deux anciens ministres, l'Israélien Yossi Beilin et le Palestinien Yasser Rabbo, ses initiateurs, que la violence n'est pas une fatalité, qu'il est possible de sortir d'un présent et d'un avenir fondés sur la haine et la terreur, que les partenaires existent des deux côtés pour rechercher une issue politique au conflit, même sur la base de compromis douloureux, dans l'intérêt, la dignité et la sécurité des deux peuples.
    Or, ce grand espoir de paix, salué par d'innombrables personnalités parmi lesquelles le Président de la République, devra être porté par la communauté internationale dans son ensemble. Que compte donc faire le gouvernement de notre pays ? Sous quelle forme la France agira-t-elle auprès de l'Union européenne afin que celle-ci apporte son soutien effectif à l'initiative ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Le ministre des affaires étrangères accompagnant le Président de la République en Tunisie, il me revient de vous confirmer, monsieur Brunhes, que la France soutient pleinement l'initiative de Genève qui a effectivement ranimé l'espoir. Cette initiative est positive. Chacun sait que les sociétés israélienne et palestinienne veulent la paix, et Genève a montré qu'on pouvait l'atteindre, moyennant une démarche de compromis et de négociation.
    Pour marquer notre soutien, le ministre des affaires étrangères a été le premier en Europe à recevoir M. Beilin et M. Rabbo, en octobre dernier. Mme Veil s'est rendue à Genève pour y lire un message fort d'encouragement du Président de la République.
    L'environnement reste tendu, mais il y a néanmoins une lueur d'espoir. Certes, la situation est encore très préoccupante - situation humanitaire, construction d'un mur, occupation, fragilité de l'autorité palestinienne, menace terroriste très présente - mais on voit apparaître un certain nombre de signes positifs encourageants : une certaine baisse de la violence, l'attachement réaffirmé d'Israël à la « feuille de route » et un début de réengagement américain.
    La communauté internationale doit saisir ces opportunités. Nous devons agir collectivement pour donner une dynamique essentielle, pour relancer la « feuille de route » sur la base d'une résolution récente du Conseil de sécurité.
    Nous devons par ailleurs aider le gouvernement d'Abou Ala à assumer pleinement ses compétences. La France et l'Union européenne y sont prêtes, et une déclaration a été publiée par la présidence de l'union à la suite de la conférence de Genève. La France poursuivra sans relâche ses efforts en ce sens pour mobiliser ses partenaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française, du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes républicains.)

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l'UMP.
    M. Pierre Lequiller. Je pense aujourd'hui avec émotion, mesdames et messieurs les présidents, à vos peuples qui ont souffert, qui ont tant lutté pour faire gagner la liberté et la démocratie, et qui ont montré par leur vote aux référendums sur l'adhésion l'immense espérance qu'ils placent dans l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    En ouvrant la semaine dernière le débat sur la ratification du traité d'Athènes, monsieur le Premier ministre, vous avez insisté sur l'importance capitale de notre vote, un de ces événements où, disiez-vous, la souveraineté nationale rencontre l'histoire.
    Vous revenez de Pologne, vous y avez souligné qu'elle avait toute sa place dans l'Europe élargie. L'unification de l'Europe est une heureuse nouvelle pour la paix, c'est une chance pour la prospérité de tous les Européens.
    Comment entendez-vous mobiliser toutes les énergies en France et dans l'Union pour réussir les premiers pas de cette nouvelle Europe et accueillir dans les meilleures conditions les dix nouveaux pays ? A quelques jours du Conseil européen de Bruxelles, pensez-vous que la nouvelle Europe disposera des règles de fonctionnement indispensables lui permettant de satisfaire l'ambition que nous avons pour elle : agir pour un monde plus juste, plus équilibré, où elle pourrait défendre sa vision, sa culture et ses valeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, je tiens d'abord à saluer votre initiative, qui fait honneur à votre assemblée, et je suis heureux de saluer les présidents des assemblées de Chypre, d'Estonie, de Hongrie, de Lettonie, de Lituanie, de Malte, de Pologne, de Slovaquie, de Slovénie et de République tchèque. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française...)
    M. François Hollande. Au moins, il connaît les pays !
    M. le Premier ministre. Merci à vous tous d'être présents ici, dans ce haut lieu de la démocratie française...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça, non !
    M. le Premier ministre. ... et de la démocratie européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je suis très heureux de saluer les pays qui viennent de nous rejoindre. A leur devoir d'espérance correspond pour nous un devoir d'accueil pour réussir cet élargissement.
    En saluant le président de la diète polonaise et en le remerciant de son accueil chaleureux (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), je voudrais lui dire combien j'ai ressenti profondément l'enthousiasme de son pays.
    Vous parlez de l'élargissement, mais êtes-vous prêts à le vivre l'esprit ouvert, à faire les efforts nécessaires pour que ces pays puissent vivre leur espérance (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française) le projet européen comme nous voulons le faire en leur souhaitant la bienvenue, mais aussi en expliquant au peuple de France qu'il ne doit pas avoir peur, pour son emploi, pour son entreprise. Ce grand marché (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ce grand projet est favorable à l'ensemble de tous les pays aujourd'hui !
    M. Jacques Desallangre. Allez, allez !
    M. le Premier ministre. Si certains ont la nostalgie du communisme, ce n'est pas notre cas. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. C'est indigne !
    De nombreux députés du groupe socialiste. Zéro !
    M. le Premier ministre. Quand on me cherche, on me trouve ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Vous manquez de tenue !
    M. Henri Emmanuelli. Nul ! Vous êtes nul !
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. le Premier ministre. Monsieur Lequiller, je réponds à votre question par deux grandes actions : d'abord une mobilisation nationale, pour que toutes les communes de France, tous les citoyens de France s'engagent dans une politique d'accueil par des jumelages, des échanges, des équivalences universitaires...
    M. Bruno Le Roux. Votre réponse n'est pas à la hauteur !
    M. le président. Monsieur Le Roux !
    M. Jacques Desallangre. Il nous demande de la tenue. C'est ça, de la tenue ?
    M. le Premier ministre. ... le développement économique, social et culturel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je le dis aux Français : n'ayez pas peur de cette grande Europe.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Arrêtez !
    M. le Premier ministre. Les pays qui nous rejoignent espèrent notre niveau de vie, rêvent à notre modèle social. Nous devons les accueillir. Nous n'avons pas à craindre cet élargissement. Nous n'avons pas à craindre que le fleuve Europe retrouve son lit historique ! (Exclamations et huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Tout cela donne de la force à nos idées et à nos convictions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et donne de la puissance aux valeurs de la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Quant aux institutions, monsieur le président de la Délégation pour l'Union européenne, sachez que la France souhaite des institutions fortes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous souhaitons qu'en même temps que l'élargissement, il y ait un approfondissement institutionnel qui permette à l'Europe à vingt-cinq d'être plus gouvernable que l'Europe à quinze, plus efficace,...
    M. Jacques Desallangre. Avec quelle politique ? Une politique libérale ?
    M. le Premier ministre. ... plus démocratique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous voulons un Conseil européen plus stable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), des institutions plus proches, des parlements ayant un plus grand rôle, une Commission plus opérationnelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe de Villiers. Référendum !
    M. le Premier ministre. Nous écoutons vos propositions, nous entendons votre attente, nous comprenons que, sur un certain nombre de sujets, vous n'ayez pas toujours les mêmes positions que nous : nous n'avons pas la même histoire ! Notre espoir est de voir nos situations et nos visions se rapprocher ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Arrêtez-le !
    M. le Premier ministre. Nous, avec l'expérience que nous avons de l'Europe (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous souhaitons qu'à ce grand projet européen répondent des institutions plus fortes ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe de Villiers. Référendum !
    M. le Premier ministre. C'est cela le combat de la France. La France ne prendra jamais position pour des institutions trop faibles qui ne seraient pas à la hauteur de l'ambition européenne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est nul !
    M. le Premier ministre. Je remercie ceux des parlementaires qui ont donné dans ce débat l'image de la démocratie et de l'accueil ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Goldberg. C'est incroyable !
    M. le Premier ministre. Vu ma famille politique, et avec l'histoire politique qui a été la mienne, Pierre Mendès France et un certain nombre d'autres (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) -,...
    M. le président. Je vous en prie !
    M. le Premier ministre. ... je considère qu'il y a des causes plus grandes que nous-mêmes (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Bruno Le Roux. C'est ridicule !
    M. le Premier ministre. ... et des combats qui méritent que l'on se rassemble (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    Mme Martine David. Débranchez-le !
    M. le Premier ministre. ... et que l'on dépasse les égoïsmes politiques et les clivages partisans ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Vive la République et vive l'Europe ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. C'est de l'anticommunisme primaire !
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez pas la parole !

LUTTE CONTRE LA DROGUE
AU NIVEAU EUROPÉEN

    M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le groupe UMP.
    Mme Muriel Marland-Militello. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    Monsieur le ministre, la consommation de drogue, notamment chez les jeunes, est un véritable fléau. Elle est d'autant plus développée qu'elle repose sur un trafic de grande ampleur, multiforme et organisé.
    Le démantèlement de ces réseaux réclame non seulement une volonté forte des pouvoirs publics de chaque Etat, mais également une coopération entre eux et, surtout, une harmonisation de leurs législations pour lutter efficacement contre ces trafics.
    Conscient de cette nécessité, le 27 novembre dernier, avec vos quatorze collègues ministres de la justice de l'Union européenne, vous avez signé un accord sur un texte, bloqué depuis un an, rapprochant les sanctions encourues pour trafic de drogue. Ainsi, la plupart des délits, comme la vente, le transport ou la culture d'opium, de coca et de cannabis, seront passibles d'au moins un an de prison. Vous avez également décidé que le trafic de grandes quantités de drogue et celui des drogues les plus dangereuses seraient passibles d'au moins cinq ans de prison, au moins dix ans si le trafic a lieu dans le cadre d'un réseau criminel.
    L'Union de l'Europe se justifie par de telles dispositions. Pouvez-vous nous présenter la philosophie de cet accord et l'ambition qu'il porte ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous avez raison de souligner l'importance de la construction européenne dans le domaine pénal et dans la lutte contre les différents motifs d'insécurité, en l'occurrence la drogue.
    Nous devons, en effet, mettre en place des dispositifs de coopération judiciaire suffisamment efficaces pour que les services de police et les juridictions aient la capacité de lutter contre ce fléau.
    Depuis un certain nombre d'années, chacun le sait, l'accord butait sur l'opposition de quelques pays de l'Union européenne qui ne souhaitaient pas s'engager résolument dans une lutte contre tous les trafics, en particulier les ventes de petites quantités de drogue. Nous sommes arrivés à un accord, et je remercie la présidence italienne, la Suède, qui nous a beaucoup aidés, et, bien sûr, les Pays-Bas, qui ont accepté cet accord.
    Celui-ci nous permet de fixer une peine minimum pour trafic, quelle que soit la quantité : un an de prison pour les petits trafics, cinq ans pour les trafics plus importants. Nous pourrons mettre en place une coopération judiciaire qui, jusqu'à présent, était bloquée pour les trafics de petites quantités. Nous aurons notamment les moyens, avec les juges et les services de police, de lutter contre ce qu'on a appelé le tourisme de la drogue. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est vraiment un accord important.
    Nous nous sommes également mis d'accord sur le principe d'une évaluation. Chaque Etat a accepté de faire le point, chaque année, devant les autres pays, pour voir ce qui fonctionne bien et éventuellement ce qui est insuffisant. C'est également extrêmement important.
    La philosophie de cet accord, madame la députée, c'est qu'il n'y a plus de sanctuaire en matière de lutte contre la drogue dans l'Europe des quinze. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE

    M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe UMP.
    M. Yannick Favennec. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales.
    Monsieur le ministre, avec un prix du porc fixé à 97 centimes d'euro le kilo au marché breton de Plérin, la filière porcine traverse une crise très grave. Dans mon département de la Mayenne, 1 000 éleveurs et 2 000 emplois sont ainsi menacés. En dépit d'une légère remontée au cours de l'été, les cours ont chuté, comme tous les ans à cette même période, mais avec une brutalité encore jamais vue : 25 % entre le 11 septembre et le 16 octobre.
    Des mesures ont été mises en place, tant à Bruxelles qu'au niveau national, grâce à votre action, mais elles n'ont pas permis de rétablir de manière durable l'équilibre du marché. Entre autres problèmes majeurs, les éleveurs porcins doivent faire face à de très fortes distorsions de concurrence au sein de la Communauté européenne, notamment avec l'Espagne. A titre d'exemple, un accord franco-allemand interdit, pour des raisons de sécurité alimentaire, d'introduire des graisses animales dans l'alimentation des animaux, notamment des porcs.
    Or la France importe des porcs d'Espagne nourris de ces graisses animales, et le consommateur ne peut même pas faire la différence puisque l'étiquetage n'est pas suffisamment explicite.
    M. Jacques Desallangre. C'est le marché ! Laissez donc faire le marché !
    M. Yannick Favennec. La nouvelle interprofession porcine a été reçue récemment au ministère de l'agriculture, ce qui prouve votre volonté d'agir en concertation avec les éleveurs. Quels dispositifs comptez-vous prendre pour aider rapidement, concrètement et efficacement les éleveurs de porcs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Vous avez raison, monsieur le député, le marché du porc connaît en ce moment une crise très grave. Depuis dix-huit mois, nous avons réouvert les marchés coréen et japonais, mobilisé 60 millions d'euros pour des aides à la trésorerie et 5 millions d'euros pour le fonds d'aide à l'allégement des charges, obtenu de Bruxelles des mesures de stockage privé et une augmentation de 10 % des restitutions à l'exportation.
    Malgré tout, après l'embellie que nous avons constatée cet été, nous avons un automne difficile.
    Mme Muguette Jacquaint. S'il y a trop de viande de porc, distribuez-la aux Restaurants du coeur !
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je salue la création de l'interprofession Inaporc, qui est essentielle pour la gestion de la filière.
    Nous avons reçu, le 20 novembre dernier, les différents acteurs de la filière et nous avons décidé ensemble les mesures suivantes : une mesure immédiate de 5 millions d'euros pour l'aide à la restructuration de la filière ; une demande supplémentaire à Bruxelles pour le stockage privé, qui est absolument indispensable ; un travail avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments sur l'utilisation et la valorisation des graisses de cuisson ; enfin, un chantier très important, à la fois sur la sincérité de l'étiquetage dont vous avez parlé et sur une nouvelle cotation des pièces de découpe.
    Nous aurons, dans quelques semaines, les conclusions du rapport Porry, élaboré avec l'ensemble des acteurs de la filière. Nous prendrons alors d'autres mesures pour soutenir cette filière qui mérite toute notre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

INONDATIONS DANS LE SUD-EST DE LA FRANCE

    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.
    M. Pascal Terrasse. Ma question, à laquelle s'associe Eric Besson, député de la Drôme, s'adresse à M. le Premier ministre.
    Le Sud-Est de la France doit faire face, depuis trois jours, à une crise de grande ampleur. Trois jours de pluies ininterrompues ont entraîné de fortes crues et des inondations dans une vingtaine de départements, dont la Drôme, l'Ardèche, le Gard, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône et l'Hérault.
    M. Pascal Clément. Et la Loire !
    M. Pascal Terrasse. Des inondations d'une rare intensité se sont produites dans certaines villes, comme à Marseille, et l'on déplore plusieurs morts. À Avignon, le Rhône a atteint le niveau historique de la crue de 1856. On ne compte plus les interventions d'urgence et les maisons évacuées. Dans plusieurs départements, le réseau routier est en partie impraticable. De nombreuses communes n'ont plus d'électricité. Des hôpitaux et des maisons de retraite sont privés d'eau potable. À l'heure où je vous parle, monsieur le Premier ministre, certains habitants sont encore isolés dans les communes de La Palud et de La Motte-du-Rhône.
    Or, c'est la troisième fois en trois ans que nous sommes confrontés à cette situation, et les riverains ne cachent plus leur colère et leur indignation. Ces inondations répétées nous obligent à ne plus considérer cette situation comme exceptionnelle. Les causes en sont connues et les solutions existent. Des orientations ont, d'ailleurs, été avancées dans le cadre de l'étude globale sur les crues qu'avait engagée le précédent gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. Des études vous ont été remises en décembre 2002 par l'établissement public « territoire Rhône ».
    M. Gérard Charasse. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. Or, depuis plus d'un an, qu'avez-vous fait pour anticiper les crises et limiter les risques de crues du Rhône ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Rien !
    M. Pascal Terrasse. Sur place, monsieur le Premier ministre, les gens sont fatigués d'attendre et sont de plus en plus nombreux à penser que, dans ce dossier, personne ne veut prendre ses responsabilités. Or, l'Etat est propriétaire du Rhône et dispose, en matière de protection des riverains, d'une responsabilité pleine et entière.
    Il est fini le temps des intentions et des grand'messes, des forums et des séminaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre gouvernement n'a que le mot « action » à la bouche. Eh bien, agissez ! Et agissez efficacement, sans vous défausser sur les collectivités locales !
    M. Jean-Michel Ferrand. Qu'avez-vous fait durant vingt ans ?
    M. le président. Monsieur Ferrand, je vous en prie.
    M. Pascal Terrasse. Ce que l'on attend du Gouvernement, ce n'est pas la privatisation de la Compagnie nationale du Rhône (« La question ! », sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...
    M. le président. Monsieur Terrasse, veuillez poser votre question.
    M. Pascal Terrasse. ... mais qu'il définisse des actions pluriannuelles et qu'il engage sans tarder les crédits nécessaires pour que les premières actions se mettent en place dès 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au développement durable.
    Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le député, je vais faire un point sur la situation. Comme vous le savez, pour faire face à ces inondations dramatiques, le Premier ministre a convoqué hier soir une réunion de crise. (« Oh ! là ! là ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités.
    Mme Odile Saugues. Lesquelles ?
    Mme la secrétaire d'Etat au développement durable. Cet après-midi, le Président de la Répubique, accompagné de Nicolas Sarkozy et de Roselyne Bachelot, est sur place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Le Premier ministre a décidé de débloquer un premier crédit d'intervention de 12 millions d'euros en faveur des zones touchées par les intempéries. Il a également annoncé l'ouverture de la procédure d'instruction pour la déclaration de catastrophe naturelle. Des moyens militaires ont été détachés aux côtés de la sécurité civile, à laquelle je voudrais rendre hommage aujourd'hui (Applaudissements) car elle a permis l'évacuation de 4 000 personnes.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat au développement durable. Outre les huit hélicoptères utilisés, treize autres sont pré-positionnés.
    Le Gouvernement suit la situation heure par heure, grâce aux services d'annonce météo qui ont permis d'alerter la population.
    Je sais, monsieur le député, que vous avez mené, pour l'institution Rhône-Saône que vous présidez, une étude globale sur la stratégie de prévention des crues. Le préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée-Corse doit nous faire rapidement des propositions sur la base de votre étude.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Qu'avez-vous fait depuis un an ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la secrétaire d'État au développement durable. Je vous rappelle enfin que Météo France a placé l'Hérault en zone de vigilance rouge et les autres départements du Languedoc-Roussillon en zone de vigilance orange.
    Un député du groupe socialiste. Cela ne sert à rien !
    Mme la secrétaire d'Etat au développement durable. Face à cet épisode pluvieux exceptionnel par son étendue et, surtout, par sa durée, il convient de réitérer les appels à la prudence et à la vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

FÉDÉRATIONS AFFINITAIRES ET MULTISPORTS

    M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour le groupe UMP.
    M. Dominique Richard. Monsieur le président, ma question, à laquelle s'associe notre excellent collègue Edouard Landrain, s'adresse à M. le ministre des sports.
    Les fédérations affinitaires et multisports s'inquiètent vivement de l'interprétation de l'article 1er de la loi du 1er août 2003 relative à la promotion des activités physiques et sportives. Cet article dispose en effet, monsieur le ministre des sports, que les statuts peuvent prévoir que les membres adhérents des associations affiliées doivent être titulaires d'une licence. Une lecture stricte de cette disposition fait craindre aux associations affinitaires que leurs adhérents soient obligés de prendre une licence dans chacune des disciplines, ce qui n'est évidemment pas supportable financièrement.
    Dimanche dernier, à Chalans, en Vendée, à l'occasion du congrès national de la fédération sportive et culturelle de France, un représentant de votre ministère s'est voulu rassurant, en indiquant qu'il convenait de faire une application souple de ce texte, qui ne saurait pénaliser les fédérations affinitaires. Pour encourageante que soit cette annonce, elle mérite néanmoins d'être précisée.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, indiquer sans ambiguïté devant la représentation nationale que la prise de licence ne saurait être systématiquement imposée par les fédérations aux adhérents des associations affinitaires et multisports ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des sports.
    M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, vous faites référence à une inquiétude des présidents de fédérations affinitaires quant à leur obligation de faire en sorte que leurs adhérents prennent des licences dans chacune des disciplines sportives dans lesquelles ils pourraient concourir lors d'une compétition. J'ai eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises à ce sujet, notamment devant vous, lors de l'adoption de ce texte, et devant M. Vintzel, le président de la fédération sportive et culturelle de France.
    Si la loi du 1er août 2003 relative à la promotion des activités physiques et sportives ouvre un espace de liberté pour les fédérations délégataires, elle les met aussi devant leur responsabilité, qui est de prendre en compte les spécificités des fédérations affinitaires et de faire en sorte que des conventions passées entre délégataires et affinitaires permettent de respecter l'animation et la pratique sportive au sein des clubs affinitaires. Pour autant, vous conviendrez que, dès lors qu'un adhérent d'un club affinitaire participe à des compétitions organisées par les fédérations délégataires, il se doit de prendre une licence - et c'est ce qui se fait habituellement.
    Je fais entièrement confiance aux fédérations délégataires pour que, dans le cadre de cet espace de liberté, elles continuent à travailler sous forme conventionnelle avec les fédérations affinitaires. Toutefois, faire confiance ne signifie aucunement manquer de vigilance : je ferai en sorte de vérifier, point par point, les demandes d'agrément des nouveaux statuts des fédérations pour que cet esprit de conventionnement, de partenariat, soit respecté entre les deux types de fédérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe UMP.
    M. Dominique Tian. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, la septième Semaine pour l'emploi des personnes handicapées vient d'avoir lieu sous l'égide de l'AGEFIPH, organisme semi-public qui gère les fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés. Les rencontres qui se sont déroulées à cette occasion ont permis de mettre le doigt sur un étrange paradoxe : les salariés handicapés sont plébiscités par les entreprises, puisque 87 % des employeurs se déclarent très satisfaits de la qualité de leur travail.
    Toutefois, malgré la loi de 1987 qui oblige les entreprises de plus de vingt salariés à employer 6 % de personnes handicapées, une entreprise sur trois ne remplit pas cette obligation, préférant verser une contribution financière à l'AGEFIPH. Plus grave et plus scandaleux, les administrations d'Etat ou des collectivités locales sont très loin d'atteindre ce taux de 6 %. De sorte que, actuellement, plus de 200 000 handicapés se trouvent au chômage.
    Madame la secrétaire d'Etat, vous allez présenter prochainement en conseil des ministres un projet de loi sur le handicap. Je souhaiterais d'ores et déjà connaître les mesures envisagées par le Gouvernement en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le député, l'emploi des personnes handicapées, cela se traduit, comme vous l'avez dit, par 87 % des chefs d'entreprise qui sont satisfaits, 75 % de salariés qui sont fiers et qui considèrent que cela valorise l'image de leur entreprise. Il faut aussi savoir que, parmi les handicapés, on compte trois à à quatre fois plus de chômeurs que pour les personnes valides.
    Alors, où se situe le problème ? Il est d'abord dans nos têtes, dans nos mentalités : la méconnaissance engendre la peur et conduit donc à l'exclusion. Les nombreuses manifestations qui ont ponctué l'année européenne des personnes handicapées, que le Premier ministre va clore le 15 décembre prochain, ont, je crois, contribué à faire évoluer lentement les mentalités.
    Toutefois, il existe d'autres obstacles, et c'est ceux-là que se propose de lever la nouvelle loi sur le handicap.
    D'abord, en matière de scolarité des enfants handicapés, le nouveau texte posera l'obligation absolue de scolariser tous les enfants et de faire en sorte que chacun d'eux puisse mener la meilleure scolarité possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ensuite, pour ce qui est de la formation professionnelle, ce texte prévoira qu'elle doit être la plus adaptée possible tant pour les besoins des entreprises que pour les capacités des personnes handicapées.
    Enfin, en ce qui concerne l'emploi - et je dirai même surtout -, la nouvelle loi impliquera les partenaires sociaux dans des négociations de branche et d'entreprise, établira des conventions d'objectifs avec l'AGEFIPH - les conventions nationales Etat-AGEFIPH -, facilitera les procédures que doivent suivre les chefs d'entreprise et punira plus sévèrement ceux qui se refusent absolument à embaucher des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    S'agissant des personnes handicapées elles-mêmes, l'effort portera sur le travail en milieu ordinaire. Des formes beaucoup plus souples, notamment de travail à temps partiel, seront proposées et accompagnées d'une incitation financière.
    Le travail en milieu protégé ne sera pas oublié. Pour certaines de ces personnes, il constitue une obligation, mais pour d'autres il doit être une passerelle vers le travail en milieu ordinaire.
    Telles sont, monsieur le député, les grandes lignes de ce nouveau texte. Ce sera une loi exigeante, mais également extrêmement souple, afin que soient apportées des réponses personnalisées à toute personne handicapée.
    M. Jacques Barrot. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Si l'on ajoute à cela, comme je l'espère, la générosité de chaque citoyen français, on peut espérer que, dans quelques années, le problème de l'insertion professionnelle des personnes handicapées sera derrière nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME INSTITUTIONNELLE EN GUYANE

    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour le groupe socialiste.
    Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, lorsque M. le Premier ministre, il y a quelques minutes, a salué les présidents des assemblées que vous avez invités en leur souhaitant la bienvenue dans ce haut lieu de la démocratie, nous nous attendions à un propos digne, élevé, audacieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), à la mesure de ce magnifique défi que constituent l'élargissement et le partage d'un idéal. Or nous avons été atterrés de le voir céder à la tentation facile de chamailleries mesquines (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs) à l'encontre d'une opposition qui a montré, lorsqu'elle était aux responsabilités, sa détermination et sa confiance dans la construction européenne. Il nous revient donc de souhaiter à nouveau avec panache la bienvenue à ces pays,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Leurs représentants ne sont plus dans les tribunes du public !
    Mme Christiane Taubira. ... en leur promettant que jamais nous ne leur ferons payer nos règlements de comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    J'en viens à ma question. Je souhaite interroger Mme la ministre de l'outre-mer au sujet du référendum sur la réforme institutionnelle, qui se déroulera ce dimanche en Martinique et en Guadeloupe. Cette consultation populaire n'a pas lieu en Guyane au motif officiel que les exécutifs de nos deux collectivités territoriales n'auraient pas produit dans les délais un texte conforme aux prescriptions constitutionnelles.
    M. Robert Lamy. Eh oui !
    Mme Christiane Taubira. Loin de moi l'intention d'absoudre qui que ce soit de ses insuffisances. Dès votre désignation, madame la ministre, vous vous êtes appliquée à rappeler que l'outre-mer vous était familier parce que vous le serviez déjà en d'autres fonctions. Je ne vous ferai donc pas l'injure de vous rappeler que la revendication d'une réforme institutionnelle, d'une nouvelle répartition des responsabilités, d'un nouveau partage de compétences est récurrente depuis la départementalisation de 1946.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n'avez rien fait !
    Mme Christiane Taubira. Vous savez aussi bien que moi que la source de cette revendication est d'abord civile, sociale, populaire, et qu'elle est relayée avec des fortunes diverses et des talents inégaux par la classe politique. Toutefois, je vous demande combien de temps encore vous ferez mine de poursuivre avec les élus un dialogue de sourds qui prend la Guyane en otage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes las de cette mauvaise querelle.
    M. Dominique Dord. Vous n'avez rien fait !
    Mme Christiane Taubira. Je vous demande comme une faveur de ne pas me répondre en invoquant les carences des uns et les jeux partisans et pernicieux des autres - auxquels le Gouvernement se livre au moins autant que certains élus de Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Deflesselles. Vous n'avez rien fait !
    M. le président. Madame Taubira, pouvez-vous poser votre question ?
    Mme Christiane Taubira. Je vous demande, madame la ministre, une réponse à l'intention de la société guyanaise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tôt ou tard, les Guyanais devront être consultés. Ils répondront ce qu'ils voudront,...
    M. le président. Merci, madame Taubira.
    Mme Christine Taubira. ... mais ils doivent avoir la liberté de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés socialistes et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Madame Taubira, s'il y a bien un point sur lequel vous avez raison, c'est quand vous dites que le débat statutaire, institutionnel, outre-mer, aux Antilles comme en Guyane, n'est pas récent. Je suis donc toujours un peu étonnée quand j'entends parler d'un processus qui tombe du ciel, d'une évolution précipitée, de quelque chose de totalement nouveau. C'est méconnaître complètement l'outre-mer que de continuer à affirmer qu'il s'agit de choses tout à fait récentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En cette affaire, le Gouvernement avait pour seul projet de réviser le cadre constitutionnel de l'outre-mer - ce qu'il a fait en réformant la Constitution - pour permettre aux collectivités qui le souhaitent d'évoluer comme elles l'entendent.
    Pour le reste, il n'a pas de projet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est pas à Paris de dicter, d'imposer une réforme institutionnelle ou statutaire à des collectivités d'outre-mer qui appartiennent désormais à une République décentralisée et qui, en plus, sont situées à une distance comprise entre 8 000 et 20 000 kilomètres de la capitale. C'est aux élus, et à eux seuls, de dire ce qu'ils veulent et de convaincre la population que leur projet est bon.
    Du reste, s'agissant des élus, j'ai toujours dit que je me mettais à leur rythme, et j'ai eu de nombreux contacts avec ceux de Guyane.
    Qu'est-ce que je constate aujourd'hui ? J'observe qu'aux Antilles, un projet inscrit dans un document d'orientation et conforme à la Constitution a été voté à une très large majorité à l'assemblée de Guadeloupe et à celle de Martinique. En revanche, je note qu'en Guyane il ne se dégage pas un large accord politique au sein des deux assemblées pour les supprimer et pour créer une nouvelle collectivité. Vous savez très bien, madame Taubira, qu'en Guyane, seuls sept conseillers généraux sur dix-neuf ont accepté de supprimer le conseil général.
    M. Dominique Dord et M. Jean-Claude Lenoir. Et alors, madame Taubira ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Or, avant de supprimer une assemblée démocratiquement élue, la moindre des choses à faire est de s'assurer que la majorité de ses membres est d'accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Lorsqu'il y aura un large accord politique en Guyane, lorsque le document sur lequel les élus continuent de travailler sera juridiquement acceptable et sans défaut, le processus sera engagé dans ce département d'outre-mer comme il l'a été en Guadeloupe et en Martinique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AVENIR DE L'INDUSTRIE TEXTILE FRANÇAISE

    M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Pemezec. Madame la ministre déléguée à l'industrie, je voudrais appeler votre attention sur le déclin de la production industrielle dans notre pays, en dehors des secteurs dits de haute technologie. Je pense en priorité à l'industrie textile, dont le chiffre d'affaires représente encore aujourd'hui 26 milliards d'euros, avec plus de 6 000 entreprises. Dans ma circonscription, ce sont près de 4 000 emplois qui sont menacés dans le secteur de la maille. Ces industries, victimes de la concurrence sauvage et du dumping social de la Chine, sans parler de l'insuffisance du contrôle douanier aux frontières de l'Europe, sont dans une situation extrêmement grave. Plus d'un tiers des PME pourraient ne pas passer le cap de 2003, ce qui entraînerait la mise au chômage de plus de 1 200 salariés.
    Depuis de nombreuses années, l'Europe a choisi de ne plus avoir de politique industrielle, estimant inéluctable le déclin de ces activités traditionnelles de main-d'oeuvre...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très juste !
    M. Philippe Pemezec. ... et laissant aux pays émergents le soin de les récupérer.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    M. Philippe Pemezec. Ce sont des pans entiers de notre économie que nous voyons disparaître. Aujourd'hui, les derniers survivants veulent entrer en résistance et se tournent vers vous, et vers Bruxelles. Madame la ministre, « Il n'y a de déclin définitif que par abandon », avez-vous affirmé à plusieurs reprises. Ma question est donc simple : quelle stratégie envisagez-vous de mettre en place pour que soient enfin trouvés les moyens d'aider les acteurs du secteur textile français, notamment ceux de la maille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai exprimé l'intérêt que je porte au secteur industriel que vous évoquez, me refusant à accepter une quelconque fatalité du déclin. Ce n'est pas un hasard si ma première visite en région a été pour l'industrie textile qui souffre effectivement beaucoup comme vous l'avez fort bien rappelé.
    Pourtant, monsieur le député, les choses, aujourd'hui, bougent positivement.
    L'innovation est fondamentale pour ces industries et les mesures développées dans le plan que Claudie Haigneré et moi-même avons présenté vont dans la bonne direction. C'est une première réponse. S'agissant des marchés mondiaux, François Loos a défendu la nécessité de leur ouverture efficace et réciproque. Enfin, au sein de l'Union européenne, un nouvel état d'esprit se dessine actuellement. Il s'est concrétisé d'une façon très sensible lors du dernier conseil compétitivité, mercredi dernier. Désormais, les mesures que nous prendrons au niveau européen ne seront plus ponctuelles ; elles font partie d'un véritable programme d'action, s'inscrivant dans une politique industrielle globale.
    J'ai demandé et obtenu que les premières initiatives concrètes puissent être proposées avant la fin du mois de juillet 2004. Ainsi, la Commission s'est d'ores et déjà engagée à étudier un crédit d'impôt « création », ce qui signifie que les dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche seront élargies aux dépenses de création et leur plafond relevé. De la même façon, la Commission est disposée à étudier le principe d'une utilisation des fonds structurels à ce secteur.
    Monsieur le député, vous pouvez être convaincu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) - mais vous l'étiez auparavant - de la détermination du Gouvernement à soutenir très fortement les secteurs industriels traditionnels, ainsi que leurs salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
    Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, je vous invite à rejoindre dans la galerie des fêtes les délégations des assemblées des dix nouveaux Etats adhérents à l'Union européenne.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2003

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 (n°s 1234, 1266).

Rappels au règlement

    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Claude Sandrier. Mon intervention se fonde sur l'article 58-1 de notre règlement. Au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, je veux exprimer mon indignation à l'égard des propos particulièrement politiciens, voire provocateurs, qui ont été tenus par le Premier ministre lors des questions au Gouvernement, en présence des présidents des Assemblées nationales des dix pays qui rejoindront l'Union européenne en mai prochain.
    M. le président. Etes-vous bien sûr, monsieur Sandrier, que cette intervention a trait au déroulement de la séance ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Oui, monsieur le président, elle concerne la sérénité qui doit caractériser les débats dans cette assemblée.
    Dans cet hémicycle, personne n'a la nostalgie de quelque régime autoritaire que ce soit.
    M. Didier Migaud. Sauf, peut-être le Premier ministre ?
    M. Jean-Claude Sandrier. Du moins, je le suppose. Devant ces dix présidents, il était important de chercher à rassembler les Français et leurs représentants pour saluer un moment historique pour notre continent et le monde. Certes, les uns peuvent considérer que l'Europe élargie doit maintenir les mêmes orientations économiques et politiques que l'Europe des Quinze, les autres penser au contraire que la priorité doit être de construire une Europe sociale. Mais tous, à commencer par le Gouvernement, devraient avoir le souci d'indiquer que l'effort que nous devons déployer en France et en Europe doit permettre de mieux faire vivre la liberté, l'égalité et la fraternité. C'est le seul message digne de la France qui aurait dû être transmis aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. Votre rappel au règlement n'avait rien à voir avec l'esprit de l'article 58 du règlement, monsieur Sandrier.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Le groupe socialiste s'associe à cette protestation. En effet, l'intervention de M. le Premier ministre n'était pas à la hauteur de sa fonction : il est la voix de la France. Dans l'opposition, il y a des parlementaires qui sont profondément européens - ils l'ont montré -, alors que son comportement récent n'est pas allé dans le sens de l'unité qui s'impose dans la construction européenne.
    Mon rappel au règlement concerne la façon nous allons examiner ce projet de loi de finances rectificative. En effet, ce matin, alors que la commission était réunie au titre de l'article 88, nous avons reçu une vingtaine, voire une trentaine d'amendements du Gouvernement que nous allons peut-être examiner tout à l'heure. Cela montre que ce projet a été élaboré dans la précipitation. Au moment où nous allons commencer sa discussion en séance, on nous annonce des amendements qui visent à modifier complètement certaines dispositions et qui sont parfois difficiles à comprendre. Il serait donc normal que le président de la commission des finances réunisse celle-ci maintenant pour que nous examinions sereinement la portée de ces amendements.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pardonnez-moi, monsieur le président, d'intervenir après un rappel au règlement, mais je veux simplement indiquer que lorsque ces amendements seront appelés je pourrai lever les préoccupations de M. Bonrepaux en lui montrant que ce sont des opérations classiques dans un collectif de fin d'année et qui ne présentent aucune difficulté.

Ouverture de la discussion

    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que vous présente aujourd'hui le Gouvernement présente trois caractéristiques principales.
    La première, c'est de vous proposer un montant de crédits nets inférieur à celui initialement prévu, à hauteur de 900 millions d'euros environ, preuve du soin attentif qui préside à l'exécution de la loi de finances 2003.
    La deuxième, c'est de confirmer les évaluations de recettes fournies en septembre, au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2004.
    Nos moins-values par rapport à la loi de finances initiale de 2003 sont donc de 10 milliards d'euros. Le déficit s'établit à un peu plus de 54 milliards et devrait, en fin de gestion, s'élever à environ 56 milliards, attendu les perspectives de consommation de crédits de report. Nous sommes en ligne avec nos prévisions de fin septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2004. Nous avons été rigoureux dans l'exécution 2003, comme dans la construction budgétaire pour 2004.
    La troisième caractéristique de ce projet de loi de finances rectificative, c'est de contenir diverses dispositions normatives au-delà des mesures portant sur les crédits et sur les évaluations de recettes. Ces dispositions sont, par nature, disparates, mais claire est notre volonté de mettre en oeuvre la loi organique relative aux lois de finances, de simplifier, de promouvoir l'attractivité du territoire et, enfin, de conforter la maîtrise de nos finances publiques.
    Première grande caractéristique : un montant de crédits nets inférieur à la loi de finances initiale.
    La loi de finances initiale a ouvert 273,8 milliards d'euros de crédits. Le projet qui vous est aujourd'hui soumis propose un montant de 272,9 milliards, en diminution donc de 900 millions. Cette différence s'explique aisément. Nous faisons, au total, 4,3 milliards d'ouvertures, dont 3,4 milliards dans le collectif et 0,9 milliard par différents décrets d'avance, qui nous ont permis de faire face à diverses situations d'urgence. Face à ces 4,3 milliards d'ouvertures, nous annulons 5,8 milliards, dont 5,2 milliards ont un impact sur l'équilibre, le solde portant sur des crédits de report. Au total, le montant des crédits nets est bien minoré de 900 millions par rapport à la loi de finances initiale de 2003.
    M. Henri Emmanuelli. C'est transparent !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Trois lignes de force caractérisent les ouvertures de crédits que nous sollicitons.
    Premièrement, le social représente le principal poste de dépenses supplémentaires. Nous finançons la prime de Noël et ajustons de manière substantielle les crédits du RMI et de l'aide médicale d'Etat. Ce collectif porte également la marque de l'effort en faveur de l'emploi : les compensations d'exonérations de charges sociales sont réajustées, comme les crédits en faveur des contrats emploi-solidarité et les dotations du fonds national de l'emploi.
    Deuxièmement, les besoins liés aux différentes catastrophes que nous avons subies sont couverts par ce collectif et les décrets d'avance qui l'ont précédé. Il s'agit notamment de la sécheresse, de la lutte contre les feux de forêt et de la compensation, par l'Etat, de l'arrêt de la production de phosgène à Toulouse, à la suite de l'explosion de l'usine AZF. Je voudrais souligner l'effort financier en faveur des agriculteurs victimes de la sécheresse, d'un montant de 520 millions d'euros.
    Troisièmement, le collectif finance l'ajustement de diverses lignes déficitaires, comme il est d'usage en cette période de l'année. Vous noterez une ouverture de 400 millions pour compenser les surcoûts des opérations extérieures, soit les deux tiers des surcoûts estimés pour 2003, des redéploiements internes au ministère de la défense finançant le solde.
    Le bilan de la gestion 2003 tient en trois observations.
    Première observation : nous avons à financer des besoins très importants en gestion. Face à la dégradation de la conjoncture économique, le Gouvernement a mené une politique active de l'emploi : les dépenses supplémentaires en sont la contrepartie. Certains minima sociaux ont nécessité des crédits supplémentaires. Enfin, de nombreux imprévus ont dû être financés.
    Deuxième observation, indissociable de la précédente : la démarche de précaution initiée en début d'année est confortée et validée. Il était indispensable de procéder à la mise en réserve précoce de certains crédits, pour faire face aux besoins et aux aléas de la gestion.
    Troisième observation : grâce à cette démarche de précaution, nous pouvons maintenir notre objectif d'exécution de 273,8 milliards, à savoir le niveau initialement autorisé en loi de finances 2003. L'écart de 900 millions entre le niveau des crédits en collectif s'explique par nos prévisions de consommation nette de reports. Je rappelle que 11 milliards de crédits de report sont issus de la gestion 2002. Grâce à notre volonté de maîtrise de la dépense, nous en limiterons la consommation et en diminuerons le montant. Nous préparons ainsi l'entrée en vigueur de la loi organique qui, je vous le rappelle, plafonne le montant des reports à 3 % de chaque programme.
    Deuxième caractéristique : la confirmation des évaluations de recettes du projet de loi de finances. En matière de recettes, le projet de loi confirme les évaluations sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2004. Nous maintenons notre évaluation des recettes fiscales nettes, soit 7,5 milliards de moins-values par rapport à la loi de finances initiale. Les dernières orientations sont plutôt favorables : la TVA encaissée en octobre a notamment été légèrement supérieure au profil. Mais nous ne disposons pas encore de toutes les données pour la TVA et la TIPP et nous attendons l'acompte d'impôt sur les sociétés pour la fin de l'année. Nous maintenons également nos évaluations de recettes non fiscales, objets d'ajustements mineurs.
    Troisième caractéristique : diverses dispositions normatives. Outre les dispositions traditionnelles d'appel des crédits, le présent projet contient une trentaine d'articles. Ces articles permettent, tout d'abord, la poursuite de la mise en oeuvre de la loi organique. Les garanties existantes font ainsi l'objet d'une information et d'une autorisation du Parlement.
    Nous achevons, par ailleurs, la réforme des taxes parafiscales. Au lieu d'une cinquantaine de taxes parafiscales, nous aurons ainsi une quinzaine de taxes affectées. Les autres taxes ont été fusionnées, ou transformées en contributions volontaires ou en subventions budgétaires. A ce propos, je voudrais fermement rappeler le principe de dévolution au budget général de l'Etat des boni de liquidation des taxes parafiscales. Le collectif applique ce principe au profit du budget annexe de la protection sociale agricole, qui se voit attribuer 177 millions issus des boni de liquidation des taxes de quatre organismes agricoles. Nous avons veillé à ce que ces prélèvements reviennent au financement de la protection sociale des agriculteurs.
    Afin de conforter la bonne exécution de la loi de finances, le collectif vous propose l'aménagement de l'aide médicale d'Etat. Ce dispositif aurait dû coûter 45 millions, selon le précédent gouvernement qui l'a créé. Il en coûte en réalité dix fois plus, tant il suscite d'abus. Pour le maîtriser, sans lui retirer son caractère humanitaire, nous le réformons, en liaison avec le ministre François Fillon, avec notamment une condition de résidence de trois mois, comme pour la CMU. Un ticket modérateur sera en outre prochainement institué.
    En matière fiscale, enfin, certaines dispositions méritent d'être mentionnées. La principale doit renforcer l'attractivité de la France et encourager la venue de cadres de haut niveau dans notre pays. En effet, pour les salariés appelés par une entreprise établie à l'étranger à occuper un emploi en France, il est proposé, à compter du 1er janvier prochain, d'exonérer d'impôt sur le revenu les suppléments de rémunération liés à l'impatriation. Seraient concernés les salariés qui n'ont pas été domiciliés dans notre pays les dix années précédant leur arrivée. S'y ajouterait la possibilité de déduire du revenu imposable, sous certaines conditions, les cotisations versées aux régimes de sécurité sociale et de prévoyance de leur Etat d'origine. Par cette mesure, que préconisaient plusieurs rapports parlementaires, le Gouvernement souhaite renforcer les chances de la France dans la compétition internationale et attirer des activités à haute valeur ajoutée pour créer de nouveaux emplois.
    Plusieurs dispositions répondent, par ailleurs, au souci de préserver l'environnement et de garantir le développement durable. Pour favoriser la production de carburants respectueux de l'environnement, le collectif adapte les taux de réduction de la TIPP qui seront appliqués aux biocarburants en 2004.
    Par ailleurs, se poursuit le rééquilibrage de la fiscalité sur les différents modes de production d'électricité, avec la suppression de la taxe due par les propriétaires d'ouvrages hydroélectriques...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et le relèvement de l'imposition applicable aux réacteurs nucléaires.
    Nous poursuivons, enfin, l'effort de simplification : simplification du processus de garantie des métaux précieux, achèvement du transfert à la direction générale des impôts du recouvrement de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur les salaires prévu par la foi de finances rectificative pour 2002.
    Maîtriser la dépense, simplifier l'impôt, améliorer l'attractivité du territoire, moderniser le droit budgétaire et appliquer la loi organique : le projet qui vous est soumis s'inscrit dans l'action engagée depuis près de deux ans par le Gouvernement. Je vous remercie par avance de bien vouloir l'adopter, afin de conforter cette action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Emmanuelli. Il faut être optimiste !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il faut avoir la foi !
    M. Henri Emmanuelli. Plus que la foi !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2003 le démontre une nouvelle fois : le Gouvernement et sa majorité ont une stratégie claire,...
    M. Didier Migaud. C'est vrai !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... s'agissant du domaine budgétaire comme des autres domaines. En effet, notre politique vise à favoriser le retour de la croissance...
    M. Didier Migaud. Ça se voit ! Quels résultats !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... sans pour autant laisser déraper les dépenses publiques.
    M. Henri Emmanuelli. Ça se voit aussi ! Il est merveilleux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et je veux insister d'emblée sur ce point : ce collectif de fin d'année nous permet de rester dans l'enveloppe de dépenses de 273,8 milliards d'euros que nous avions votée...
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et donc autorisée au bénéfice du Gouvernement dans le cadre de la loi de finances initiale. Ce résultat était loin d'être acquis d'avance ! Je veux donc saluer d'emblée l'esprit de responsabilité du Gouvernement et rappeler quelles ont été les étapes de la gestion budgétaire de cette année 2003. Monsieur le ministre, l'année dernière, dès la discussion du projet de loi de finances pour 2003, vous nous aviez dit à quel point vous souhaitiez que, quoi qu'il arrive, la dépense soit tenue et vous nous aviez indiqué que vous mettriez en oeuvre, dès le début de l'année, des procédures permettant de la maîtriser.
    M. Didier Migaud. Et il nous a menti ! Plusieurs ministres ont menti !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. A l'époque, cela a fait l'objet de critiques du côté de l'opposition, mais je veux dire à quel point vous avez eu raison de mettre en place, dès le début de l'année 2003, des réserves - réserves de précaution d'une part, réserves d'innovation d'autre part - qui étaient réparties par ministère, de sorte que chaque ministre puisse savoir dès le début de l'année dans quel cadre il pourrait réaliser la gestion de ses crédits.
    Cette mise en réserve, qui portait sur 4 milliards d'euros, s'est traduite, dès le mois de mars, non seulement par une annulation de crédits pour 1,4 milliard d'euros et par un gel de crédits résiduels pour un peu plus de 2,5 milliards, mais aussi - j'insiste sur ce point - par un gel important de crédits qui venaient de reports. Les reports sont la frayeur d'un ministre du budget.
    M. Henri Emmanuelli. Oh !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, lorsque l'on se retrouve confronté, comme cela a été le cas en 2002, à des reports de 2001 sur 2002 de plus de 14 milliards d'euros, il devient extrêmement difficile d'avoir une gestion réaliste. En gelant 6,6 milliards de reports sur les 11 milliards provenant de l'exercice 2002, vous avez pu maîtriser l'exécution de la dépense 2003. Je tiens aussi à souligner que le ministre du budget a informé la commission des finances en temps réel,...
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... fidèle en cela à l'esprit et à la lettre de la loi organique.
    M. Michel Bouvard. Exactement !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le total des annulations de crédits de début d'année, des annulations du mois d'octobre au titre du gage de quatre décrets d'avance et de celles proposées dans le présent collectif, s'élève à 5,3 milliards d'euros. Mais c'est parce que nous avons pu procéder à ces annulations dans le courant de l'année que nous sommes en mesure, dans ce collectif, d'ouvrir 3,4 milliards de crédits nouveaux pour couvrir des dépenses qui n'étaient pas prévisibles lorsque la loi de finances initiale a été élaborée. C'est le cas, par exemple, des dépenses résultant des conséquences de la sécheresse. Tous crédits confondus, ce sont ainsi plus de 500 millions d'euros qui ont pu être dégagés au profit du monde agricole suite à la sécheresse.
    M. Henri Emmanuelli. C'est surréaliste avec un déficit de 56 milliards !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'évoquerai aussi, comme vous-même, monsieur le ministre, les majorations de crédits très importantes dans le domaine social, pour presque 1,5 milliard d'euros entre le RMI, l'aide médicale d'Etat et la prime de Noël, qui est financée dans ce collectif.
    M. Michel Bouvard. Cela change !
    M. Henri Emmanuelli. 56 milliards de déficit : cela change effectivement !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un record !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, des interventions extérieures n'étaient pas prévues, qu'il s'agisse de celles de l'Agence française de développement ou des opérations extérieures, comme en Côte-d'Ivoire.
    Grâce à cette gestion au quotidien dont a été totalement informée notre assemblée, nous pouvons dire aujourd'hui : objectif rempli, la dépense prévue est tenue. Je suis d'ailleurs persuadé, monsieur le ministre, que cet argument a été essentiel dans le succès que nous venons de remporter à Bruxelles.
    M. Guy Geoffroy. Exactement !
    M. Augustin Bonrepaux. On ne sait pas tout ! Quelles en seront les conséquences ?
    M. Henri Emmanuelli. C'est surréaliste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La politique du Gouvernement vise aussi à relancer la croissance. Le ministre avait annoncé il y a un an que si jamais, compte tenu de la conjoncture, devaient se produire des moins-values de recettes par rapport aux prévisions, en aucun cas ces moins-values ne seraient compensées par des économies de crédits supplémentaires, pour ne pas risquer d'étouffer l'économie ou d'ajouter aux difficultés. C'est exactement ce qui a été fait, de telle sorte - c'est vrai monsieur Emmanuelli - que le déficit s'accroît par rapport aux prévisions de près de 10 milliards d'euros...
    M. Didier Migaud. Quand même !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais cet accroissement est exclusivement lié aux moins values de recettes.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Voilà !
    M. Didier Migaud. Parce que vous les aviez surestimées !
    M. Henri Emmanuelli. Et même gonflées !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous aurions aimé qu'il en eût été de même au titre de la gestion de 2001 et du début 2002.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'en viens rapidement aux dispositions fiscales les plus importantes de ce collectif.
    La première porte sur le nouveau régime fiscal accordé aux impatriés. C'est une mesure essentielle, demandée depuis longtemps par cette assemblée puisqu'elle figurait pratiquement terme pour terme dans le rapport de M. Michel Charzat et qu'elle a été reprise dans son propre rapport par M. Sébastien Huyghe, que je salue. Elle vise à renforcer l'attractivité de notre territoire pour la recherche, pour les talents, pour l'implantation d'entreprises.
    La deuxième mesure importante a trait à la taxe professionnelle. Nous avons eu, en commision des finances, de longues discussions à ce sujet, que nous avons abordé sous l'angle de l'équilibre à opérer entre les donneurs d'ordres et les sous-traitants. Nous devrons, pendant l'année 2004, travailler avec des représentants des collectivités locales, des entreprises et de notre assemblée pour mettre au point une solution aussi satisfaisante que possible. J'ai été frappé, monsieur le ministre, de voir à quel point les entreprises sont unanimes à mettre en avant les difficultés liées à la taxe professionnelle. Je travaille actuellement sur un dispositif permettant que celles qui sont déjà plafonnées en matière de taxe professionnelle au titre de leur valeur ajoutée ne puissent plus voir leurs cotisations augmenter. J'espère qu'avec le concours de vos services nous pourrons faire aboutir cette idée simple dans son objectif, mais compliquée dans sa mise en oeuvre.
    Le troisième sujet qui nous a beaucoup occupés - c'est un classique, hélas ! - est la manière de financer le déficit du BAPSA. Dans ce collectif, comme dans celui de juillet 2002, on trouve un certain nombre de prélèvements visant à combler une partie - une partie seulement - de ce déficit. Parmi ces prélèvements figure celui opéré sur ARVALIS. La commission des finances a adopté une proposition très équilibrée, qui reste compatible, même si le prélèvement demeure élevé - 59 millions d'euros -, avec le maintien de l'activité d'ARVALIS, tout en prenant bien en compte les problèmes que rencontre actuellement le monde agricole.
    Quatrième sujet important : les biocarburants. Nous sommes très heureux, monsieur le ministre, de l'attention que vous leur avez accordée, s'agissant en particulier de l'incorporation directe d'éthanol. Je veux par ailleurs souligner, car ce point n'a pas été suffisamment mis en évidence, que les quantités agréées d'EMHV - ester méthylique d'huile végétale - augmenteront en 2004 de plus de 50 000 hectolitres. Le coût supplémentaire à ce titre atteint 30 millions d'euros. L'effort dans le domaine des biocarburants est ainsi porté à un montant de l'ordre de 200 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable.
    Le cinquième point est la mise en oeuvre de la loi organique. Vous l'avez évoquée, et je n'y reviens pas. De façon très méthodique, loi de finances après loi de finances, nous progressons. Dans ce collectif, il s'agit essentiellement de la suppression et du remplacement des taxes parafiscales, ainsi que de la validation législative des garanties existantes et de la mise en place d'une nouvelle garantie au titre du plan de redressement d'Alstom.
    Enfin, chaque loi de finances comporte des mesures de simplification, et c'est une très bonne chose. En l'occurrence, c'est le poinçonnage qui est facilité pour les fabricants et les commerçants de métaux précieux, qui ne seront plus obligés de faire la queue devant les bureaux de garantie et pourront s'adresser à des centres agréés par la profession. En outre, l'effort pour mettre en place l'interlocuteur fiscal unique est poursuivi, notamment en faveur des entreprises.
    Je tenais, mes chers collègues, à saluer tous les aspects positifs de cette loi de finances rectificative pour 2003, et sous réserve de quelques amendements adoptés par la commission des finances hier et ce matin, je vous propose bien volontiers de l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
    M. Marc Joulaud, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2003 ouvre au ministère de la défense 32,2 millions d'euros de crédits au titre III et 499 millions d'euros au titre V. Il est complété par un décret d'avance et un décret d'annulation. Le décret d'avance ouvre, au titre III, un crédit de 400 millions d'euros destiné au financement des opérations extérieures. Le décret d'annulation, quant à lui, annule un montant identique de crédits, soit 20 millions d'euros au titre III et 380 millions d'euros aux titres V et VI.
    Le projet de collectif rétablit donc les crédits d'équipement annulés. Les 499 millions d'euros ouverts au titre V se répartissent de la manière suivante : 119 millions d'euros pour compenser l'application de la TVA à DCN et 380 millions d'euros pour rétablir les crédits annulés par le décret d'annulation.
    Le surcoût des opérations extérieures n'est donc pas financé par des annulations équivalentes sur les crédits d'équipement. Les crédits d'équipement inscrits dans la loi de finances pour 2003 pourront être intégralement consommés. Cette situation constitue une première pour les crédits de la défense, une réelle nouveauté qui mérite d'être soulignée et dont il faut se féliciter.
    Néanmoins, les conditions et les procédures de financement des OPEX demeurent insatisfaisantes sur le fond. Le coût des OPEX s'élève, en 2003, à 648 millions d'euros, soit presque autant qu'en 2002, répartis en trois grandes masses : 388 millions pour les rémunérations, 193 millions pour le fonctionnement et 67 millions pour l'équipement.
    La loi de finances initiale pour 2003 n'avait pas mis en place, vous le savez, les crédits nécessaires au financement de cette charge, ce qui a contraint le ministère de la défense à recourir à un décret d'avance pour payer les traitements de décembre. Ce sont donc bien des crédits d'équipement qui ont assuré la trésorerie des crédits ordinaires pendant un mois. Cette situation nous montre qu'il est aujourd'hui indispensable de revoir les conditions de financement des OPEX ; il serait souhaitable qu'à l'avenir les crédits destinés à ces opérations puissent être, dans la mesure du possible, inscrits dès la loi de finances initiale.
    En 2003, la répartition de ces sommes traduit plusieurs évolutions. D'abord, une forte diminution de l'intensité des opérations en Afghanistan, puisque les crédits consacrés à ces missions passent de 203 à 66 millions d'euros de surcoût. Ensuite, une réduction - plus prudente, certes - du dispositif dans les Balkans, avec 5 950 militaires et 277 millions d'euros de surcoût. Enfin, une forte reprise des opérations en Afrique, avec plus de 7 000 militaires et 278 millions d'euros de surcoût, contre 1 350 militaires et 75 millions d'euros en 2002. Au total, ce sont plus de 15 000 militaires qui sont aujourd'hui en opération extérieure, soit plus qu'en 2002.
    En termes de théâtre d'opération, et de manière synthétique, l'Afghanistan représente aujourd'hui 10 % des surcoûts, les Balkans 43 % et l'Afrique 44 %.
    Il faut noter que cette montée en puissance de l'Afrique ne traduit pas un retour des opérations « classiques » ou, si je puis dire, « à l'ancienne ». Vous savez, en effet, que si l'opération en Côte d'Ivoire a été lancée à titre bilatéral, elle est désormais conduite dans un cadre multilatéral sous l'égide de l'ONU.
    Les surcoûts de rémunérations liés à ces opérations sont intégralement financés par le décret d'avance et par la loi de finances initiale. En revanche, 120 millions d'euros de surcoûts de fonctionnement restent à la charge des armées, de même que les surcoûts de dépenses d'équipement, pour 67 millions d'euros. C'est la preuve que le ministère de la défense prend sa part des efforts budgétaires demandés à tous.
    Au-delà de cette importante question des OPEX, quatre autres points me semblent mériter d'être soulignés dans le cadre de ce collectif budgétaire.
    Tout d'abord, le fait que le projet de loi accorde une attention spéciale à l'entretien des matériels. Aucun crédit n'est annulé à ce titre, et 150 millions d'euros y sont même affectés.
    Le second point tient à l'incidence fiscale de la réforme de DCN sur le pouvoir d'achat des armées. Vous savez qu'une compensation était attendue, dans la mesure où le changement de statut de cette société nationale la soumet désormais aux conditions fiscales de droit commun. Des mesures avaient déjà été prises dans la loi de finances initiale pour 2003 au titre des autorisations de programme et sont également inscrites dans le projet de loi de finances pour 2004. Le projet de collectif que nous examinons complète ce dispositif en ouvrant les crédits de paiement nécessaires pour 2003 et les autorisations de programme pour 2004. Toutefois, si le dispositif est satisfaisant pour 2003 et 2004, il apparaît indispensable de trouver un mécanisme qui permette de régler la situation pour les années ultérieures, notamment à l'échéance de 2008.
    Le troisième point à souligner concerne les frégates multimissions. Le projet de loi complète, à hauteur de 412 millions d'euros, la dotation en autorisations de programme nécessaire à la commande des quatre premiers navires.
    Enfin, l'article 48 permet de satisfaire une demande déjà ancienne de la gendarmerie en intégrant l'indemnité de sujétion spéciale de police dans les retraites dès l'âge de cinquante ans, comme pour les policiers, et non plus à partir de cinquante-cinq ans.
    Au bénéfice de ces observations, la commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, je tiens à dire en préambule combien nous déplorons que le Gouvernement ait préféré présenter le projet de loi de finances rectificative à la presse, le 19 novembre dernier, sans le faire préalablement devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. C'est une entorse regrettable dont nous espérons qu'elle ne se renouvellera pas. La Cour des comptes déplore, quant à elle, de n'avoir eu connaissane de ce projet que le 26 novembre, ce qui l'a empêchée de déposer son rapport sur les mouvements de crédits opérés en 2003 conjointement au dépôt du collectif budgétaire. Nous le regrettons également.
    Le Gouvernement a préféré faire passer ses impératifs de communication avant le respect de la loi organique. Il était sans doute important, à ses yeux, que sa communication ne soit pas brouillée par l'expression de l'opposition pour que son message unilatéral passe mieux. Nous prouvons même le comprendre, monsieur le ministre, tant nous avions de motifs à remettre en cause votre discours et vos résultats.
    M. Henri Emmanuelli. C'est pourquoi il ne faut pas être trop dur !
    M. Didier Migaud. Nous regrettons aussi la passivité de la commission des finances, qui n'a pas même pu organiser une audition des deux ministres concernés, alors que le contenu du projet de loi de finances rectificative le justifiait. Nous constatons une certaine propension de la commission et de l'Assemblée à refuser le débat dans nombre de circonstances. Ce fut le cas notamment àpropos des prélèvement obligatoires, ou lorsque nous avons déposé une proposition de résolution qui aurait permis au Parlement d'être préalablement informé des positions prises par la France avant le Conseil des ministres ECOFIN. La démission de notre assemblée devient vraiment trop fréquente et il est étonnant que le Sénat se substitue à nous pour provoquer le débat. Je regrette que nous ne puissions prendre le temps qu'il sait se réserver pour débattre avec le Gouvernement de sujets essentiels pour lesquels l'Assemblée nationale bénéficie normalement d'une priorité.
    On comprend bien qu'il y a des choses qui fâchent et que, de temps en temps, la majorité elle-même soit gênée par le débat contradictoire. Mais ce n'est pas rendre service au Gouvernement, mes chers collègues, que d'occulter sans cesse les difficultés, car les Françaises et les Français finiront par se rendre compte de la réalité et par sanctionner comme elle le mérite la politique qu'il mène.
    Jamais, monsieur le ministre, un budget n'avait connu une exécution aussi mouvementée, aussi décalée par rapport aux prévisions initiales, sans être corrigé en cours de gestion et non en fin de gestion par une loi de finances rectificative. Même l'écart entre les prévisions initiales pour 2002 et l'audit de l'été 2002 n'était pas aussi important que celui constaté entre les prévisions initiales de 2003 et l'exécution budgétaire.
    La sincérité de la loi de finances pour 2003 n'avait été admise que sous réserve d'observations importantes formulées par le Conseil constitutionnel. Ces observations auraient dû imposer au Gouvernement de déposer un projet de loi de finances rectificative en cours de gestion dès lors que, selon l'expression même du Conseil, « les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances s'écartaient sensiblement des prévisions ». Malheureusement, c'est bien ce qui s'est passé. La loi de finances était fondée sur une croissance de 2,5 %, elle sera en réalité proche de zéro. Les recettes fiscales seront inférieures de 7,5 milliards d'euros aux prévisions. Vous-même, monsieur Carrez, avez parlé globalement d'une moins-value de 10 milliards.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avec les recettes non fiscales.
    M. Didier Migaud. Les crédits auront fait l'objet d'annulations pour près de 6 milliards. Nous sommes donc bien dans l'hypothèse où le Conseil constitutionnel exigeait du Gouvernement une loi de finances rectificative en cours et non en fin de gestion.
    Le Premier ministre - je l'ai rappelé lors du débat sur les stratégies ministérielles de réforme - souhaite que les gestionnaires publics soient rémunérés au mérite, selon l'efficacité de leur action. Quelle règle appliquerait-il à ses propres résultats ?
    M. Henri Emmanuelli. Pas de prime ! Une pénalité !
    M. Didier Migaud. Il doit s'interroger aussi sur la cohérence des propositions qu'il exprime lorsque cela ne le concerne pas.
    Oui, nous sommes bien dans l'hypothèse où le Conseil constitutionnel exigeait du Gouvernement une loi de finances rectificative en cours de gestion. Cette exception d'irrecevabilité est donc pleinement justifiée. Elle permet de souligner le non-respect du principe de sincérité de la loi de finances par la loi de finances initiale que ce collectif budgétaire prétend corriger. Elle doit nous permettre également de contester la mise à l'écart, voire la mise en congé, de l'Assemblée nationale par le Gouvernement dans le cadre de la procédure engagée à l'encontre de la France en raison de nos déficits excessifs.
    Enfin, tous les autres griefs que nous avions adressés à la loi de finances initiale ne sont pas corrigés, ils sont même aggravés.
    En tentant de rétablir la sincérité de votre budget, vous avez accentué son injustice sociale et son inefficacité économique.
    Je voudrais, dans un premier temps, m'efforcer de démontrer que le Gouvernement ne gère pas correctement les finances publiques et qu'il s'est délibérément placé sous la tutelle de l'Union européenne. Je rappellerai ensuite au Gouvernement qu'il ne doit pas tenir l'Assemblée nationale à l'écart de ces questions essentielles : ce n'est conforme ni à la Constitution, ni à l'esprit qui a conduit à l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances. Enfin le Gouvernement, après avoir fait exploser le déficit des finances publiques, contribue selon nous par son action à creuser le déficit de croissance de la France par rapport à la zone euro.
    Les finances d'une nation se conduisent souvent à la manière d'un paquebot. Il faut voir loin, agir avec tact, mesure et détermination, sans faiblesse ni brutalité. Tout au contraire, l'attitude du gouvernement Raffarin a été marquée par la précipitation, l'exagération, l'imprévision, voire l'improvisation qui apparaît clairement lorsque l'on examine un certain nombre d'amendements que le Gouvernement a dû présenter pour rectifier des amendements déposés par sa propre majorité.
    Tout à l'heure, mon collègue Augustin Bonrepaux a reproché fort légitimement au Gouvernement d'avoir présenté certains amendements très tardivement.
    M. Gérard Bapt. Il a eu raison de le faire !
    M. Didier Migaud. Cependant s'agissant de l'amendement que j'ai sous les yeux, je demande à Augustin Bonrepaux de faire preuve de clémence à l'égard du Gouvernement,...
    M. Henri Emmanuelli. Il en a besoin !
    M. Didier Migaud. ... car cet amendement vise à réparer une disposition voulue par sa majorité et qui constituait un véritable abus par rapport à la justice fiscale.
    Voici donc ce qu'explique le Gouvernement dans l'exposé sommaire de son amendement n° 76 : « La loi de programme pour l'outre-mer a créé des sociétés de financement spécialisées devant intervenir par souscription au capital et, suite à un amendement parlementaire »... Oh, ce n'etait pas un amendement de l'opposition ! Il est rare que vous nous fassiez le plaisir de retenir une de nos propositions !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Cela arrive ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Oui, de temps en temps, je dois le reconnaître, parce qu'il nous arrive à nous aussi, monsieur le président, de faire des propositions qui correspondent à l'intérêt général et à l'intérêt du pays.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et dans ce cas-là, nous les entendons !
    M. Didier Migaud. Je poursuis.
    « ... par l'octroi de prêts participatifs aux entreprises ultramarines qui doivent employer ces sommes à la réalisation d'investissements productifs. Les souscriptions au capital de ces SOFIOM ouvrent droit à une réduction d'impôt au taux de 50 %. Afin d'éviter que la réalisation de l'investissement ouvre droit à un double avantage fiscal, au niveau des souscripteurs de la SOFIOM... »
    Effectivement, dans sa frénésie de multiplier les niches fiscales, la majorité a fait voter un amendement qui finissait par représenter un avantage tout à fait excessif, surtout compte tenu de sa propension à refuser toutes les mesures qui peuvent précisément concerner les plus défavorisés de nos concitoyens. Là, le Gouvernement est obligé de rectifier. Cela montre bien l'improvisation qui règne dans la majorité. Elle est due à votre volonté d'appliquer la stratégie, rappelée tout à l'heure par le rapporteur général et qui vise à conforter la situation des plus privilégiés, des plus aisés dans notre pays. Du reste, cette stratégie a parfaitement été mise en place dans la loi de finances pour 2003 et dans ce projet de loi de finances rectificative.
    La dégradation délibérée et d'une ampleur considérable de nos finances publiques a répondu à une double préoccupation : noircir le bilan, pourtant positif du gouvernement précédent ; mettre en oeuvre, sans considération des besoins de la conjoncture, une baisse d'impôt sur le revenu promise de façon inconsidérée, selon nous, par le candidat Jacques Chirac.
    La conséquence de cette attitude irresponsable se lit dans les ratios de finances publiques que tout le monde peut consulter, le déficit budgétaire, réduit de moitié entre 1997 et 2001, a explosé pour atteindre un record historique de 54 milliards d'euros en 2003. Le poids de la dette publique, qui avait diminué entre 1999 et 2001, pour la première fois depuis vingt ans, a également atteint un record historique de près de 63 % du PIB, en 2004. Ce dernier chiffre concernant un des quatre critères retenus pour assurer la convergence des économies de la zone euro est très supérieur au niveau plafond de 60 % que les Etats membres se sont engagés à respecter, mais il est vrai que l'actuel Gouvernement est peu soucieux de ce genre de considération.
    Feignant d'ignorer ces mauvais résultats, le Gouvernement se targue d'une forte amélioration du solde structurel qui serait, selon lui, le signe d'une amélioration réelle de la situation des finances publiques. A contrario, il critique une gestion, selon lui, laxiste du précédent gouvernement qui aurait fortement dégradé le solde structurel.
    A vous entendre, monsieur le ministre, si entre 1997 et 2001, le déficit public a été réduit de moitié, c'est parce que les socialistes ont géré de façon laxiste.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le paquebot allait à la dérive !
    M. Didier Migaud. Si, en revanche, le déficit public a doublé depuis, c'est grâce à votre gestion rigoureuse. Comprenne qui pourra !
    M. Henri Emmanuelli. C'est la rationalisation Raffarin !
    M. Didier Migaud. Ce raisonnement illustre votre parti pris.
    Si l'on regarde le détail de l'évolution du solde structurel, on constate qu'il s'est amélioré de 0,6 point de PIB en 1999. La détérioration constatée en 2000 et 2001 est due essentiellement aux baisses d'impôts, que d'ailleurs la droite - donc vous-même - à l'époque trouvait insuffisantes ! La dépense publique a été maîtrisée sous le précédent gouvernement. Ainsi, si son impact sur le solde structurel a été négatif à hauteur de 0,3 point de PIB en 2000, il a été positif à hauteur de 0,2 point de PIB en 2001.
    L'allégation d'une dérive de la dépense publique, durant les années de forte croissance, est sans fondement. L'évolution du poids de la dépense publique dans le PIB depuis 1997 le confirme. Les dépenses publiques pesaient en effet 55 % du PIB en 1997, 52,6 % en 2001. Elles augmentent en revanche depuis pour atteindre 54,3 % en 2004.
    En 2002, la détérioration du solde structurel est due pour moitié aux baisses d'impôts, dont les deux tiers ont été décidées par le gouvernement Jospin et pour l'autre moitié à la progression de la dépense. Celle-ci est due exclusivement aux décisions du Gouvernement de M. Raffarin, puisque le solde structurel se calcule hors effets de la conjoncture et donc sans tenir compte du jeu des stabilisateurs économiques. L'actuel gouvernement est coupable d'avoir « laisser filer » la dépense publique en 2002, selon l'expression de la Cour des comptes.
    Pour 2003, la très légère amélioration du solde structurel envisagée par le Gouvernement s'explique en fait essentiellement par la hausse des prélèvements obligatoires, qui du reste est largement minorée puisqu'elle ne tient pas compte des augmentations d'impôts locaux notamment. Ce qui a pour effet d'augmenter les prélèvements obligatoires sur 2004 - chacun en est convaincu en dépit de vos affirmations contraires, monsieur le ministre.
    Pour 2004, le Gouvernement table sur une amélioration du solde structurel qu'il obtiendrait notamment grâce à la poursuite de l'augmentation des prélèvements obligatoires : plus 0,1 point de PIB, hors évolution spontanée. La seule création de la cotisation dite « Raffarin » de 0,3 % sur la masse salariale - c'est la suppression du jour férié - améliorera ainsi notre solde structurel de plus de 0,1 point de PIB. Le solde structurel serait aussi améliorera grâce aux gains escomptés par le Gouvernement de la moindre progression des dépenses publiques par rapport au PIB. Or cette prévision, monsieur le ministre, est peu crédible dans la mesure où rien n'est fait pour freiner l'emballement des dépenses de santé, compte tenu des libéralités que vous consentez à certaines professions de santé sans aucune contrepartie. Celles-ci continuent en effet de progresser à un rythme proche de 7 % en 2003, en dépit d'une économie qui stagne. Selon les prévisions manifestement sous-estimées du Gouvernement, elles devraient progresser de 4 % en 2004 avec une croissance du PIB de 1,7 %.
    L'analyse de la décomposition de l'évolution du solde structurel souligne donc la vacuité du discours du Gouvernement, qui tente de mettre en avant de façon peu convaincante des évolutions qui ne sauraient masquer la dégradation sensible et durable, malheureusement, de la situation de nos finances publiques. Si le Gouvernement veut améliorer structurellement et durablement nos finances publiques, il doit commencer par mettre fin aux destructions d'emplois et faire massivement diminuer le chômage.
    L'actuel gouvernement s'est, délibérément et de façon unilatérale, affranchi de ses engagements européens. Le commissaire européen Pedro Solves a d'ailleurs considéré dans une interview qu'il a accordée au Monde, daté du 12-13 octobre 2003, que « la France s'est mise elle-même dans cette situation ». Par son attitude, la France a en outre bloqué toute avancée relative aux modalités d'application du pacte de stabilité. En déclarant que la France avait « d'autres priorités » que le respect de ses engagements européens en matière de réduction du déficit, le Gouvernement a donné à nos partenaires l'image d'un pays peu soucieux de coordination économique et du respect des règles communes.
    Tout en respectant ses engagements au plan européen, la France, entre 1997 et 2001, a su utiliser les marges de manoeuvre dont elle disposait pour mener à bien une politique de lutte contre le chômage et d'assainissement des comptes publics. Il était donc possible d'agir différemment, en soutenant la consommation et la croissance de façon équilibrée et en ayant une politique active en faveur de l'emploi. La Commission souligne bien que la très forte dégradation de nos finances publiques depuis juin 2002 n'est pas « indépendante de la volonté des autorités françaises », selon son expression, ni liée exclusivement au ralentissement conjoncturel, mais qu'elle est le résultat des décisions politiques prises par l'actuel gouvernement, qui ont contribué pour plus des deux tiers à une telle dérive.
    Dans ces conditions, il était inévitable que la France sorte des clous et soit rappelée à ses engagements. Elle l'a été d'une part par la Commission européenne, dont c'est la mission en tant que gardienne des traités, mais également par nos voisins qui n'acceptent pas que la France s'arroge unilatéralement le droit de s'affranchir des règles communes d'autodiscipline qu'elle a elle-même contribué à durcir ! Après avoir fait exploser le déficit public, sans aucun effet positif sur la croissance, le Gouvernement a donc dû prendre, en grande partie sous la pression de l'Union européenne, des mesures drastiques de rigeur, essentiellement sous la forme d'annulations de crédits, qui sont la conséquence des exigences européennes. Leurs effets sont désastreux sur la croissance dans la mesure où la moitié des annulations porte sur des dépenses d'investissements civils, que vous avez toujours regretté dans le passé, monsieur le ministre.
    Bien qu'il s'en défende, c'est sous la pression européenne que le Gouvernement a été contraint de procéder à ces annulations, désastreuses pour les politiques publiques et l'économie française. Où est donc la prétendue victoire politique contre les « bureaucrates », la victoire des pragmatiques sur les dogmatiques, que vous avez saluée, monsieur le rapporteur général. Faut-il rappeler que la Commission agit en tant que gardienne des traités et que ceux-ci, y compris le pacte, ont été élaborés par les autorités politiques des Etats membres ?
    M. Philippe Auberger. C'est du juridisme !
    M. Jean-Claude Sandrier. Du chiraquisme plutôt !
    M. Didier Migaud. Ce pacte porte, en effet, plus l'empreinte de Jacques Chirac que celle d'aucun autre chef d'Etat de la zone euro. Et si les Français sont désormais habitués aux reniements de notre Président de la République, les Européens, eux, ne le sont pas, ce qui explique au moins autant leur amertume que le fait de voir un Etat s'affranchir, unilatéralement et avec arrogance, des règles communes.
    Plutôt que d'une victoire, il s'agit d'un reniement, celui du Président de la République qui a contribué, par ses exigences, en 1997, à rédiger le pacte de stabilité. C'est ce même Jacques Chirac qui a refusé jusqu'au dernier moment de soutenir les tentatives de négociation du gouvernement de Lionel Jospin visant à mieux rédiger le pacte de stabilité et le faire justement évoluer. Tentatives qui étaient malheureusement trop tardives, Lionel Jospin étant mis devant un fait quasi accompli dès sa prise de fonction.
    M. Philippe Auberger. Ces tentatives ont lamentablement échoué !
    M. Henri Emmanuelli. Je vous en prie, monsieur Auberger ! Vous avez eu dix jours pour vous exprimer et vous avez mêlé votre voix à celles des idiots qui ne trouvaient pas le pacte assez dur !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Migaud défendre la motion du groupe socialiste.
    M. Didier Migaud. Le plus affligeant, c'est que ce reniement n'est porté par aucune vision politique, aucun projet mobilisateur...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous ne voulez pas le voir !
    M. Didier Migaud. ... aucune ambition. On assiste à un triste spectacle de destruction. Mais que propose la France pour relancer la coordination des politiques économiques et faire converger les efforts de l'Union européenne vers plus d'emploi et plus de croissance ? Rien ! On entend absolument rien ! La France est aphone. Nul n'ose imaginer que c'est la paralysie du Quai d'Orsay, privé de moyens de fonctionnement, qui explique ce silence...
    Or le quotidien des Français sera concerné car si la France, avec l'Allemagne, a refusé les sanctions, elle n'a pas pour autant échappé aux potions amères de la rigeur budgétaire et de l'augmentation des prélèvements obligatoires, déjà servies à une grande majorité de nos concitoyens. L'année 2004 devrait donc être malheureusement la répétition, en pire, de 2003, avec la réduction des droits sociaux, les augmentations d'impôts, taxes et cotisations frappant le plus grand nombre, la rigueur budgétaire et les annulations de crédits. Seuls les détenteurs - il faut le reconnaître - des plus gros revenus et des plus gros patrimoines, qui paient l'impôt de solidarité sur la fortune et sont imposés au taux supérieur du barème de l'impôt sur le revenu, ont des raisons de se réjouir, car eux verront leur imposition réduite voire, dans certains cas, disparaître, grâce au cumul des mesures dérogatoires prises en leur faveur pour un montant supérieur au milliard d'euros.
    S'agissant de la construction européenne, nous n'avons sans doute pas fini de constater les ravages de l'attitude française. Car ce camouflet donné par la France vient au pire moment, celui de l'élargissement et de la rédaction d'une Constitution pour l'Europe. Si la France avait voulu réveiller les égoïsmes nationaux et afficher son mépris des pays entrants, elle ne s'y serait pas prise autrement. Le danger est de plus en plus réel de voir voler en éclats le fragile édifice patiemment rédigé par la convention même si, bien sûr, ce travail doit être revu, amélioré, comme nous le souhaitons. Certes, il est loin d'être parfait, mais il représente un progrès par rapport au contenu du traité de Nice imposé par la présidence de Jacques Chirac.
    Il est normal qu'un chef d'Etat, au moment de prendre de grandes décisions, ait présent à l'esprit l'intérêt national qu'il représente et doit servir. Mais Jacques Chirac, en reniant de la façon dont il l'a fait le pacte de stabilité, a pris le risque de sacrifier la Constitution européenne et la réussite de l'élargissement pour des raisons purement politiciennes. Il n'a servi ni les Français, ni la France, ni l'Europe.
    Qui peut sérieusement croire qu'une telle attitude sera sans conséquence sur eux ? Qui peut aujourd'hui affirmer avec certitude que la Banque centrale européenne n'augmentera pas ses taux d'intérêt ? Elle considère en effet que « les positions budgétaires des Etats de la zone euro font partie des données qui influent sur nos décisions de politique monétaire ». Et un certain nombre de déclarations du nouveau Gouverneur de la Banque centrale européenne nous font craindre le pire en ce qui concerne la politique monétaire qui pourrait être conduite au niveau de l'Europe, en raison justement des décisions du récent conseil des ministres Ecofin.
    Qui peut penser que le traitement des contentieux industriels comme celui de Bull ou celui d'EDF sera facilité par cette position française ? L'enjeu est pourtant de taille : près d'un milliard d'euros pour la seule EDF et une reprise étouffée dans l'oeuf en cas d'augmentation des taux d'intérêt par la Banque centrale européenne.
    Cela sans compter la forte dégradation de l'image et du prestige de la France, comme en témoignent son isolement lors du récent « conclave » européen de Naples, l'accueil glacial que M. Raffarin a reçu en Pologne, ainsi que les très nombreuses réactions négatives dans les quotidiens européens.
    A cet égard, je voudrais citer une phrase de l'éditorial du Frankfurter Allgemeine Zeitung : « Il est incontestable que l'Europe n'avance pas si l'Allemagne et la France ne sont pas unies. Pourtant, la preuve est apportée qu'elle recule si la France et l'Allemagne sont trop unies. »
    Alors que Jean Monnet et Robert Schuman méritent le qualificatif de « pères fondateurs » et que le couple Mitterrand-Kohl symbolise à lui seul l'Union européenne, Jacques Chirac restera-t-il dans l'histoire comme son Attila ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est un peu fort !
    M. Didier Migaud. Je souhaite préciser mon propos pour ne laisser planer aucune ambiguïté et éviter je ne sais quelle interprétation. Je ne me range pas parmi les dogmatiques. Personne ne peut nier la nécessité de règles communes, à partir du moment où notre monnaie est également commune. A cet égard, le pacte constitue un embryon de coordination des politiques économiques ainsi qu'un moyen de conserver à l'esprit la nécessité de maîtriser l'évolution des finances publiques. Dans l'absolu, le plafond de 3 % du PIB pour le déficit public et celui de 60 % pour la dette publique ne sont pas totalement dénués de pertinence économique. L'articulation et le respect de ces deux plafonds garantissent ou peuvent garantir en effet à un pays que le poids de sa dette publique, sur une longue durée, ne va pas s'alourdir dans des proportions telles que plus rien ne serait maîtrisé.
    Mais il convient bien entendu d'éviter une interprétation trop rigide, trop mécanique. Le pacte de stabilité mérite certainement d'être revu et sa mise en oeuvre affinée - ce sont les propositions que nous avons nous-mêmes formulées -, mais pas sous la pression ni avec la manière arrogante que l'on peut légitimement reprocher à la France et à l'actuel gouvernement.
    Je ne crois pas d'ailleurs que l'on puisse affirmer que la Commission ait fait preuve de rigidité. C'est surtout l'attitude inflexible de la France et de l'Allemagne qui a déclenché la crise actuelle.
    Le non-respect par la France de ces contraintes depuis 2002 illustre en tout état de cause l'intérêt de règles communes puisque la dette publique a explosé dans des proportions considérables en seulement trois ans, en accroissant son poids dans le PIB de 6 points, soit près de 100 milliards d'euros ! Et le rapport du sénateur Bourdin nous apprend que l'effet boule de neige va jouer jusqu'en 2008, la dette publique atteignant alors plus de 67 % du PIB. Il faudra des années d'efforts pour revenir sous les 60 %.
    Comme quoi - et vous ne me contredirez pas sur ce point, monsieur le ministre - les rapports du Sénat peuvent être d'un grand intérêt !
    M. Nicolas Perruchot. Ce n'est pas ce que pensait M. Jospin !
    M. Didier Migaud. Cet endettement va durablement faire sentir ses effets sur la croissance et sur les générations futures en les obligeant à consacrer une part importante de leurs revenus à son remboursement, au détriment de la consommation et donc de la croissance.
    Le Gouvernement, monsieur le ministre, non seulement n'est pas sincère, mais tient trop à l'écart l'Assemblée nationale. En fait, et bien qu'il continue à refuser de l'admettre, il est soumis aux exigences de l'Union européenne.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous venez de dire le contraire !
    M. Didier Migaud. Pas du tout ! Vous me relirez.
    Il y a une concomitance troublante entre les annulations de crédits et le déroulement de la procédure européenne pour déficit excessif. Ainsi, la première vague d'annulations est intervenue dès le mois de mars 2003, à peine quinze jours avant la publication du rapport de la Commission qui l'a déclenchée. La deuxième a été publiée le jour même de la fin de l'ultimatum posé par la Commission européenne, soit le 3 octobre dernier. Enfin, la troisième et dernière vague est associée au collectif budgétaire pour 2003, lui-même adopté en conseil des ministres moins d'une semaine avant la réunion du conseil ECOFIN du 25 novembre.
    Une telle concomitance n'est pas le fruit du hasard ! C'est un signe envoyé à nos partenaires et la conséquence directe des engagements pris par le Gouvernement devant l'Union européenne, pendant que la représentation nationale est méthodiquement tenue à l'écart. Comment comprendre autrement une attitude qui consiste à inscrire en loi de finances initiale des crédits dont la vocation n'est pas d'être dépensés mais d'être annulés ? Si ce n'est pas la tutelle européenne qui explique - sans la justifier - une démarche aussi peu orthodoxe, comment faut-il interpréter ce qui revient à faire voter des chiffres insincères ?
    Depuis le déclenchement de la procédure européenne à notre encontre, le Gouvernement n'a eu de cesse de tenir la représentation nationale à l'écart. Seule l'entrée en vigueur, dont il faut se réjouir, de nombreuses dispositions de la loi organique relative aux lois de finances aura permis que la transparence soit faite sur ces pratiques budgétaires.
    Tout cela sans rencontrer la moindre contestation de la part d'un certain nombre de membres de la commission des finances pourtant prompts, dans les discours sinon en pratique, à réclamer davantage de pouvoirs de contrôle du Parlement sur l'exécution des lois de finances.
    A ce sujet, je me dois d'ouvrir une parenthèse pour m'étonner d'une publicité parue dans Le Monde et vantant les mérites d'un amendement, heureusement repoussé, par l'Assemblée nationale. Cet amendement, qui reviendra peut-être en discussion - il serait défendu par 170 députés - mais sa dernière rédaction, qui a fait l'objet de nombreuses ratures, montre que le soutien n'est pas aussi massif que le prétend son auteur - proposait en effet de permettre aux députés de déléguer à des experts extérieurs, contre rémunération, leurs pouvoirs de contrôles.
    On comprend que la perspective de l'ouverture d'un nouveau marché, celui du contrôle parlementaire, soit attirante pour les cabinets d'expertise. Et puisque la transparence est à la mode, je serais intéressé de connaître le prix d'une telle publicité, l'origine des fonds qui l'ont financée ainsi que les intérêts qui soutiennent ce genre d'initiative.
    En tout cas, comme député, je regrette qu'un parlementaire se fasse, d'une certaine façon, l'agent objectif d'une démarche qui, sous couvert de mettre en oeuvre la déclaration des droits de l'homme, ne sert pas l'intérêt général ni le Parlement. Je me sens insulté par l'affirmation selon laquelle le Parlement est obligé de voter les dépenses publiques les yeux fermés. Il est anormal d'être critiqués de la sorte par nos propres collègues.
    Faisons notre travail. Nous partageons unanimement la volonté de contrôler l'action gouvernementale. Le souci de transparence, de contrôle, d'évaluation devraient transcender les formations partisanes. C'est la traduction d'une volonté politique. Je conseillerai à certains collègues qui demandent la possibilité de déléguer ce pouvoir de commencer par l'exercer eux-mêmes. Ils verront que les parlementaires sont dotés en réalité de pouvoirs importants, pour peu qu'ils veuillent effectivement les exercer.
    M. Gérard Bapt. J'espère qu'aucun rapporteur spécial ne figure parmi les signataires de l'amendement !
    M. Didier Migaud. Avant de réclamer davantage de moyens et de pouvoirs de contrôle, le moins que l'on puisse faire est d'exercer effectivement ceux dont on dispose, sans se sentir soumis à je ne sais quelle pression de l'exécutif. Combien de contrôles sur pièces et sur place ont-ils été réalisés par certains signataires de l'amendement ? Je n'insisterai pas davantage sur ce sujet, mais je crois que la commission des finances a eu raison de repousser cet amendement.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est une bonne commission !
    M. Didier Migaud. L'opposition aura dû exercer une intense pression pour obtenir une audition du ministre de l'économie et des finances, qui est venu presque en catimini. Et le Gouvernement a refusé d'inscrire à l'ordre du jour la proposition de résolution que nous avons déposée, dans le cadre de l'article 88-4 de notre Constitution, au sujet de la procédure pour déficit public excessif engagée contre la France en vertu de l'article 104 du traité instituant la communauté européenne. Pourtant, en 1995, dans le cadre de la même procédure, plusieurs propositions de résolution, dont celle du sénateur Alain Lambert, avaient été déposées au Parlement, et l'une d'entre elles avait même été adoptée le 6 juillet 1995.
    En 1996, toujours dans le cadre de la même procédure de l'article 104, plusieurs propositions de résolutions ont été déposées, dont celle de M. Auberger et celle de M. Bonrepaux. Une résolution avait été adoptée le 14 juillet 1996.
    Il est incompréhensible, monsieur le président de la commission des finances, alors que la situation est bien plus grave qu'elle ne l'était en 1995 et en 1996, que la majorité ait refusé de débattre de notre proposition de résolution et que le Gouvernement ait refusé de l'inscrire à l'ordre du jour.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Cela viendra !
    M. Didier Migaud. Peut-être, mais une fois que tout aura été décidé, « après la bagarre ».
    De même, il n'est pas admissible que l'Assemblée nationale n'ait pas pu débattre des perspectives d'évolution des prélèvements obligatoires. A chaque fois, le Gouvernement fuit le débat contradictoire et tend à transformer notre assemblée en une simple chambre d'enregistrement. Cela n'est pas bien.
    En fuyant un tel débat, il évite d'avoir à répondre à certaines questions. Pourquoi le Gouvernement refuse-t-il un débat public ? Pourquoi ne veut-il pas dire la vérité aux Français ? Pourquoi leur cache-t-il que leurs impôts vont augmenter en 2004 et qu'ils devront supporter des mesures « douloureuses » - le mot est du ministre de l'économie et des finances, M. Francis Mer lui-même - pour réduire le déficit public au-delà de ce qui est prévu dans les projets de budget de l'Etat et de la sécurité sociale ?
    Pourquoi le Gouvernement ne dit-il pas franchement aux Français que la suppression d'un jour férié et la création d'une nouvelle cotisation de 0,3 % sur leur salaire va servir en fait à réduire le déficit créé par la baisse de l'impôt sur le revenu ? Quel sera le montant des annulations de crédits en 2004 ? Nous attendons toujours des réponses à ces questions que nous vous avons déjà posées à plusieurs reprises, pour l'instant en vain. Nous craignons malheureusement qu'elles ne viennent en 2004, au fil des mois et surtout après les prochaines élections départementales, régionales et européennes.
    La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a permis de revaloriser le rôle du Parlement - nous nous en sommes tous réjoui - et de restaurer l'Assemblée nationale dans ses prérogatives budgétaires. Encore faut-il que les pratiques soient en conformité avec l'esprit qui a présidé à son adoption !
    Le principe de sincérité a notamment été consacré, selon lequel la sincérité s'apprécie notamment en fonction des « informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Pour le respecter, le Gouvernement ne doit pas faire preuve d'une intention délibérée de fausser les grandes lignes de l'équilibre. Or cette intention délibérée est avérée dès lors qu'il soumet au Parlement un projet de loi qui ne comprend pas les engagements, mesures et réformes sur lesquels il s'engage et qu'il adresse à l'Union européenne, avant même le vote définitif du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
    Il est de plus en plus manifeste, compte tenu des engagements de réduction du déficit pris par le Gouvernement pour 2004, que l'exécution de la loi de finances et celle de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 s'éloigneront sensiblement des projets qui sont, en ce moment même, soumis à l'examen et au vote du Parlement. C'est vrai des dépenses comme des prévisions de déficit, qu'aucun conjoncturiste ne juge crédibles au vu du taux de croissance prévisionnel retenu par le Gouvernement.
    La pratique budgétaire de celui-ci est manifestement insincère. C'est le constat qu'exprime la Cour des comptes dans son rapport sur les décrets d'avance, déposé conformément aux dispositions de l'article 58, alinéa 6, de la loi organique relative aux lois de finances.
    M. Philippe Auberger. Elle n'a pas du tout écrit cela !
    M. Didier Migaud. J'ai été surpris par ses observations : j'ai rarement eu l'occasion de lire un rapport aussi sévère.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est pourtant pareil chaque année !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne l'avez donc pas lu !
    M. Didier Migaud. Je tiens à en citer des extraits - nous pourrons y revenir - : « Le rapport [du Gouvernement], purement formel, ne permet pas [...] d'apprécier notamment si les crédits annulés étaient réellement devenus sans objet ». Plus loin : « l'annulation de crédits manifestement surévalués en loi de finances initiale pose une nouvelle fois la question de la sincérité du budget soumis au vote du Parlement. » Ce n'est pas moi qui l'affirme : c'est en toutes lettres dans le rapport de la Cour des comptes.
    Eloquent... Mais ce n'est pas fini, car voici ce qu'on lit également : « la constitution d'enveloppes de crédits non consommés destinés à être immédiatement mis en réserves dès le début de l'année suivante en vue d'annulations ultérieures au titre de la "régulation budgétaire [...] - nous voilà dans le vif du sujet - altère significativement la lisibilité de la loi de finances. » Et ce n'est pas fini ! Je vous recommande, mes chers collègues, la lecture de ce rapport passionnant. Nous sommes encore plus impatients de lire le rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2003, qui sera, à n'en pas douter, un « best-seller ».
    Il est donc essentiel que l'Assemblée nationale s'efforce non seulement de faire respecter ses prérogatives, mais d'exercer pleinement ses pouvoirs, notamment en matière budgétaire. Cela n'a pas été le cas jusqu'à présent de la part de la majorité parlementaire, dont la soumission est digne d'un autre temps.
    Il faut mettre un terme à cette situation. C'est la raison pour laquelle nous demandons officiellement au Gouvernement la communication aux membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale du document transmis à Bruxelles, dans lequel doivent figurer les nouveaux engagements de la France en matière de réduction du déficit public. Transmis ces jours-ci, ce document rend caduc celui qui a été annexé au projet de loi de finances pour 2004. Il doit donc nous être adressé dans les meilleurs délais et je souhaite avoir votre engagement, monsieur le ministre, qu'il en sera bien ainsi.
    On ne peut évoquer les conditions complètement insincères, opaques et non orthodoxes de l'exécution du budget pour 2003 sans prendre quelques exemples précis. Le Gouvernement se vante d'aider le développement des infrastructures ferroviaires. Pourtant, voici le sort qu'il a réservé au chapitre 63-44 destiné aux subventions aux transports interurbains : 82 millions d'euros ont été annulés, ce qui représente 25 % de la dotation initiale pour 2003 !
    M. Philippe Auberger. Cela n'a rien à voir !
    M. Didier Migaud. Le logement est une priorité pour ce gouvernement, entendons-nous presque tous les jours. Cela dit, lorsque nous examinons précisément les chiffres, nous pouvons constater que 332 millions d'euros ont été annulés au détriment de la construction et de l'amélioration de l'habitat - chapitre 65-48 -, soit 18 % de la dotation initiale et même 43 % des mesures nouvelles prévues pour 2003 !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Voulez-vous que je présente le florilège de vos annulations ?
    M. Didier Migaud. La recherche, moteur d'attractivité et de compétitivité, est au coeur des préoccupations du Gouvernement, si on en juge par ce qu'il affirme lui-même. Disons plutôt que la recherche publique est frappée au coeur par les annulations : le CIRAD voit 38 % de sa dotation pour 2003 annulés, le Fonds pour la science 22 %, l'ADEME 13 %, le CNRS 11 %... La liste est longue. Au total, les annulations atteignent 160 millions d'euros !
    M. Henri Emmanuelli. C'est complètement irresponsable !
    M. Didier Migaud. L'outre-mer jouit, selon le Gouvernement - on l'a encore entendu tout à l'heure - de toutes ses attentions. Disons-le plutôt : ce sont les contribuables fortunés ayant de l'épargne en outre-mer qui profitent de largesses via le rétablissement de la loi Pons.
    Car, pour le reste, jugez sur pièces : le fonds pour l'emploi - on connaît la situation tragique que vivent les départements d'outre-mer en ce domaine - connaît une annulation de 50 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 25 millions de mesures nouvelles négatives prises pour 2003. Quant à l'aide au logement en outre-mer, elle subit une coupe de 62 millions d'euros, soit 36 % de la dotation initiale !
    Le secteur de la santé et de la solidarité n'est pas en reste, avec notamment l'annulation de 28 % des crédits destinés à lutter contre la toxicomanie,...
    M. Gérard Bapt. Hélas !
    M. Didier Migaud. ... de 12 % des crédits destinés aux programmes et dispositifs de santé publique et de près de 10 % des subventions d'équipement sanitaire. Même les crédits destinés à la transformation des établissements d'hébergement de personnes âgées passent à la moulinette, certes pas en crédits de paiement, mais en autorisation de programme, à hauteur de plus de 71 millions d'euros ! Sans doute s'agit-il des prémisses du plan vieillesse du Gouvernement ? Dans ce cas, tout est à craindre !
    Aucun secteur n'est épargné, ni les affaires étrangères, ni la justice, ni la culture, pas même l'aide publique au développement, si chère au Président de la République, qui aura subi en 2003 pas moins de 85 millions d'euros d'annulations ! Je m'arrêterai là, car la liste est désespérément longue des politiques remises en cause par ces annulations brutales et aveugles qui bloquent les investissements, y compris ceux des collectivités locales lorsque les travaux sont inscrits dans les contrats de plan Etat-régions, que le Gouvernement ne respecte pas, ne respecte plus !
    M. Philippe Martin. Absolument !
    M. Didier Migaud. Une telle attitude paralyse les administrations et détruit le tissu social, lentement, mais sûrement.
    Nous demandons à nouveau la constitution d'une mission d'information, voire d'une commission d'enquête, sur les conditions d'exécution des contrats de plan. On le constate dans tous les départements et dans toutes les régions de France : l'Etat ne respecte plus ses engagements ni sa parole.
    M. Henri Emmanuelli. Il y a un désinvestissement !
    M. Didier Migaud. Au contraire de ce que vous avez toujours dit lorsque vous étiez dans l'opposition, lorsque vous nous expliquiez qu'il fallait privilégier les dépenses d'investissement, vous les remettez sans cesse en cause dans vos décisions.
    Sur le plan de la sincérité, il est insupportable de constater que le discours ayant servi toute l'année à justifier le gel des crédits, à savoir la constitution de réserves de précaution, n'était qu'un artifice de communication.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Non !
    M. Didier Migaud. Il est vrai que vous êtes le seul à n'avoir pas menti, monsieur le ministre. Je vous en donne acte. Mais il n'en est pas de même de tous vos collègues !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si !
    M. Didier Migaud. Mais non ! Ils ont annoncé des mesures nouvelles, et tout en admettant la diminution de leurs crédits pour 2003, ils prétendaient pouvoir utiliser les reports de 2002 sur 2003. Pourtant, l'exécution des budgets pour 2002 et pour 2003, et les prévisions pour 2004 le montrent : soit ils ont été d'une grande naïveté, soit ils nous ont menti délibérément, car beaucoup de leurs engagements ne peuvent pas être tenus.
    Nous n'avons jamais été dupes, toutefois, car nous savions que la vocation de crédits gelés était d'être annulés. D'ailleurs, nous savons que vous respectez votre parole, monsieur le ministre. Lorsque vous affirmez vouloir geler des crédits, nous n'avons aucune raison de douter de la suite. Mais les Français ont été trompés.
    Que dit la Cour des comptes à ce propos, en prenant l'exemple des gels constitués sur le budget des affaires étrangères ? « Le financement de la dépense envisagée en faveur des populations irakiennes aurait (...) dû être assuré par [les] crédits qui étaient disponibles, même s'ils avaient été mis en réserve ».
    Il en est de même pour la justification des annulations, censée garantir le respect du plafond de dépenses. Il est curieux qu'un gouvernement ait besoin d'annuler 6 milliards de crédits inscrits en loi de finances pour tenir le plafond fixé lui aussi en loi de finances.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Trop de reports !
    M. Didier Migaud. Manifestement, quelque chose clochait dans cette loi de finances et la boucle n'était pas bouclée ! Le Gouvernement nous répond que c'est la consommation des reports qui ferait courir un risque.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oui !
    M. Didier Migaud. Mais il a lui-même promis de consommer ces reports de crédits pour garantir le niveau d'intervention des ministères sacrifiés en 2003, comme l'avaient d'ailleurs expliqué Mme Haigneré pour la recherche et M. Aillagon pour la culture. Au surplus, les deux tiers des crédits reportés ont été gelés et vont connaître ble même sort : l'annulation.
    Enfin, on constate que le Gouvernement, après avoir taillé à la hache dans les crédits civils pour justifier le respect du plafond de dépense, exonère, en partie, la défense de cette règle en acceptant de ne pas financer intégralement les OPEX avec les crédits mis en réserve.
    Le respect du plafond de dépenses est donc une faible tentative de justification. Car rien n'interdisait au Gouvernement - tout aurait dû, au contraire, l'y inciter - de déposer en cours de gestion un projet de loi de finances rectificative pour modifier l'équilibre de la loi de finances.
    Croyez-vous que le Gouvernement ait décidé de faire amende honorable et de mettre un terme à ces pratiques ?
    M. Henri Emmanuelli. Ah que non !
    M. Augustin Bonrepaux. Bien au contraire ! Il continue !
    M. Didier Migaud. Pas du tout, en effet : il persiste dans ce collectif budgétaire et dans le projet de budget pour 2004 en ne respectant pas - et ce n'est là qu'un exemple - deux promesses qu'il a faites : je veux parler ici de la dotation du Fonds mondial pour le sida et des crédits supplémentaires promis pour les transports en site propre.
    Dans le premier cas, le Président de la République avait promis 150 millions d'euros pour 2004. Or seulement 50 millions d'euros sont inscrits. L'on nous annonce que l'écart - la bagatelle de 100 millions - sera comblé par les reports de crédits !
    M. Henri Emmanuelli. Ça recommence !
    M. Didier Migaud. La dotation annuelle pour 2002 et 2003 ayant été de 50 millions, on se demande comment le Gouvernement peut promettre de reporter 100 millions ! Sauf, bien sûr, si aucun crédit n'a été dépensé pendant deux ans. Et rien ne nous garantit que ces reports ne seront pas annulés comme l'ont été les deux tiers des crédits reportés en 2003 ! Cette succession de mensonges a de quoi, une fois de plus, nous inquiéter. Il a été tout à l'heure beaucoup question du prestige de la France, de la parole de la France. La parole de la France, monsieur le ministre...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Sera respectée !
    M. Henri Emmanuelli. C'est cela ! Comme à Bruxelles !
    M. Didier Migaud. ... est d'autant plus respectée que les engagements pris par les autorités sont eux aussi tenus.
    Pour les transports en site propre, devant la fronde des élus, et notamment du maire de Bordeaux, le Gouvernement a promis - je le cite - d'inscrire 65 millions d'euros, pour solde de tout compte, nous a-t-on dit, dans le collectif budgétaire. Promesse non tenue, monsieur le ministre !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, au contraire, elle est totalement tenue !
    M. Didier Migaud. Mais non ! Vous nous donnerez l'explication !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Vous aurez des précisions !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous ne sommes pas pris au sérieux ! Où sont-ils, ces 65 millions ? Comment voulez-vous que nous soyons respectés ?
    M. Didier Migaud. En réalité, seuls 6,5 millions sont inscrits - et encore, seulement en autorisations de programme. Aucun crédit de paiement n'est inscrit. La seule décision qui semble être prise consiste à dégeler des crédits gelés.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. 60 millions de dégel plus 6 millions, cela fait 66 millions !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous vous moquez du monde ! Ce n'est pas sérieux !
    M. Didier Migaud. Comment osez-vous, monsieur le rapporteur général ? Nous vous prenons en flagrant délit de mensonge ! C'est honteux vis-à-vis de l'ensemble des élus ! Notre pauvre secrétaire d'Etat aux transports, M. Bussereau, a décidément été d'une grande naïveté... Comment peut-on lui faire dire dans des interviews qu'une aide de 65 millions d'euros a été inscrite dans le collectif budgétaire ? Tout le monde avait compris qu'il s'agissait de 65 millions d'euros supplémantaires.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sont des crédits rétablis !
    M. Henri Emmanuelli. Elle est bonne, celle-là !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce ne sont pas des crédits nouveaux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce qui compte, ce sont les crédits utilisés !
    M. Didier Migaud. Vous inscrivez des crédits, que vous gelez ensuite... Ce n'est pas sérieux, monsieur le ministre. Le Premier ministre lui-même a participé à cette mascarade en annonçant qu'il y aurait 65 millions d'euros de crédits supplémentaires.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'important, c'est que les crédits de l'Etat soient honorés, et ils le seront !
    M. Didier Migaud. En fait, vous vous moquez du monde. Ces crédits, dont certains d'ailleurs étaient destinés au contrat de plan de la région Ile-de-France ou aux PDU de province, seront autant qui manqueront à ces collectivités.
    M. Henri Emmanuelli. On appellera ça des « crédits Carrez » !
    M. Philippe Auberger. Nous, nous sommes pour l'arrêt du tramway parisien ! Nous n'avons pas besoin de ces crédits !
    M. Didier Migaud. Le Gouvernement se moque du monde. Pis, il prévoit même d'annuler 6,5 millions de crédits de paiement dans le collectif budgétaire. Autrement dit, il reprend d'une main ce qu'il fait semblant de donner de l'autre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et eux, ils font semblant de ne pas comprendre !
    M. Didier Migaud. En l'état, les crédits de paiement disponibles sur ce chapitre ne permettront pas de couvrir plus d'un tiers des autorisations de programme. Une fois de plus, le Gouvernement a perdu une occasion de tenir une promesse - et vos sourires en coin, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, montrent que ce que je dis est vrai. Et cela ne grandit ni le Gouvernement ni votre majorité.
    Toutes ces annulations, je l'ai dit, se répercutent également sur les contrats de plan Etat-régions. Le Gouvernement ne respecte plus la signature de l'Etat et fera prendre un retard estimé à un an - tout porte à croire, malheureusement, qu'il sera beaucoup plus long - sur l'exécution des contrats de plan. Au total, 45 % seulement des crédits auront été consommés au lieu des 71 % prévus. Non seulement un tel comportement est scandaleux en soi, mais il est totalement contradictoire avec le discours qui sert à justifier le projet dit de décentralisation.
    Plus les choses se précisent, plus on est en mesure de constater que ce projet ne consiste, en réalité, qu'à transférer les charges et les déficits. Du reste, les maires sont en train de s'en rendre compte : on a bien vu l'accueil mitigé, pour ne pas dire réservé, adressé par l'ensemble des maires de France au Premier ministre.
    M. Henri Emmanuelli. Oui, ça va chauffer !
    M. Didier Migaud. Plus personne ne croit à la parole de ce gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Même pas la majorité !
    M. Michel Roumegoux. Parlez pour vous !
    M. Didier Migaud. On pourrait multiplier les exemples de cette perte de crédibilité du Gouvernement. D'ailleurs, y a-t-il encore un Premier ministre ? Malgré la gravité de la situation, la commission des finances - toujours elle ! - refuse encore la création d'une mission d'information sur l'exécution des contrats de plan.
    M. Henri Emmanuelli. Oui, et ce n'est pas bien ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Voilà cinq mois que nous répétons notre demande. Et que nous dit-on ? Que cela va peut-être venir. Et, pas plus que soeur Anne, nous ne voyons venir quoi que ce soit. Nous souhaitons que la commission des finances puisse crééer cette mission en janvier prochain.
    Je ne veux pas croire qu'un taux de réalisation moins mauvais que la moyenne en Bretagne soit la justification du refus de créer une mission d'information. Serait-ce parce que cette demande émane de l'opposition qu'elle n'a pas sa légitimité ? J'espère que nous montrerons que la commission des finances peut travailler sur certains sujets sans pour autant être condamnée à tenir des raisonnements partisans.
    Le ministre du budget, je le rappelle, en réponse à une question que j'avais posée quant à l'éventualité d'un nouveau gel de crédits au début de 2004...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, une mise en réserve, et pour la bonne gestion !
    M. Didier Migaud. ... a annoncé le 30 septembre à la commission des finances de l'Assemblée nationale, avec beaucoup de sincérité, je le crois - et je dénonce suffisamment l'insincérité du Gouvernement pour avoir le droit de souligner les occasions où le ministre est sincère -, qu'il proposerait « tout naturellement au Premier ministre des mesures en ce sens au début du prochain exercice, de manière à éviter tout dérapage ».
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a eu raison ! Voilà qui permet de tenir les crédits et de ne pas laisser déraper les dépenses comme vous l'avez fait pendant des années !
    M. Augustin Bonrepaux. Ayez le courage d'assumer !
    M. Henri Emmanuelli. Enfin, ça ne va pas durer toute la vie, monsieur Carrez ! Vous n'êtes pas bons, on ne va pas vous refaire ! C'est vous qui vous prêtez de l'intelligence !
    M. Didier Migaud. Nous aurons donc à nouveau des gels et des annulations de crédits. L'anémie de la croissance française n'est pas une fatalité, mais, pour le comprendre, encore faut-il sortir du discours facile selon lequel la droite serait en phase de récession quand elle est au gouvernement alors que la gauche serait servie par un cycle de croissance.
    Ce raisonnement simpliste ne résiste ni à l'analyse ni à la vérité, et il trahit bien, en fait, la passivité du Gouvernement à l'égard de l'activité économique et son inclination naturelle au laisser-faire. Si ça ne va pas, on n'y peut rien, il faut prendre son mal en patience. N'est-ce pas souvent ce que vous nous dites ?
    A entendre le Gouvernement, non seulement la stagnation économique ne serait pas de son fait, mais la reprise ne pourrait venir que de l'Amérique et il suffirait de faire preuve de patience. Il est vrai que, comme la pluie, la croissance finira bien par revenir !
    M. Henri Emmanuelli. Il faudra voir comment la pluie revient !
    M. Didier Migaud. Encore faudrait-il savoir de quelle croissance il s'agira. Une telle résignation ne peut satisfaire un responsable politique. A l'évidence, les cycles économiques ont leur propre logique. L'action politique, elle, peut et doit retrouver sa noblesse en faisant en sorte que le pays obtienne, pour un cycle donné, de meilleures performances relatives que ses voisins.
    M. Philippe Auberger. C'est de l'incantation !
    M. Didier Migaud. Avec vous, c'est de l'incantation, avec nous, c'était la réalité !
    M. François Goulard. La réalité ? Laquelle ?
    M. Didier Migaud. C'est précisément ce à quoi se refuse le Premier ministre, dont le Gouvernement ne cherche qu'à reprendre des politiques mises en oeuvre à d'autres époques, dans des pays qui n'ont ni notre histoire ni le même pacte social que nous : dumping fiscal, démantèlement du droit du travail, désengagement de l'Etat, remise en cause des services publics. Et voilà que l'on parle même d'amnistie fiscale pour ceux qui ont eu un comportement, non pas de citoyen, mais de tricheur...
    M. Augustin Bonrepaux. Ah çà, c'est devenu la principale préoccupation !
    M. François Goulard. Ce n'est pas la principale préoccupation du Gouvernement !
    M. Henri Emmanuelli. Il nous faudrait quelques explications !
    M. Didier Migaud. Trouver son inspiration dans le thatcherisme des années 1980 ou chez Berlusconi...
    M. Philippe Auberger. Pas chez Schröder ?
    M. Didier Migaud. ... ne fera pas gagner la France, monsieur le rapporteur général. Plutôt que de chercher à plaquer des réponses prédéterminées à une situation différente, le Gouvernement devrait s'appuyer sur les points forts de notre pays : infrastructures d'un niveau inégalé, niveau de formation élevé, rapport compétitivité-coût de la main-d'oeuvre et productivité horaire parmi les meilleurs. La liste est longue ! Bien entendu, il ne faut pas se reposer sur les acquis et nous devons nous efforcer de progresser constamment, mais il est contre-productif de noircir notre pays en occultant ses forces, en remettant en causes ses atouts et, surtout, en multipliant les injustices à l'égard des plus fragiles.
    Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur général, dans un rapport...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qui n'est pas celui du rapporteur général !
    M. Didier Migaud. ... effectivement rédigé dans le cadre d'un autre exercice, que la question de l'amnistie fasse l'objet d'un certain consensus entre les formations politiques.
    M. Philippe Auberger. Un consensus transpartisan !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour favoriser le retour des capitaux en France afin qu'ils soient investis dans la croissance !
    M. Henri Emmanuelli. Cessez de jouer sur les mots !
    M. Didier Migaud. Eh bien, je veux vous répondre franchement, monsieur le rapporteur général : il ne saurait y avoir de consensus sur cette question. Nous ne pouvons accepter que l'on instaure, d'un côté, l'impunité zéro pour les plus fragiles de nos concitoyens coupables d'un certain nombre de petits ou même de plus gros délits, et de l'autre, des mesures d'amnistie pour les « gros » ou ceux qui ont un comportement de tricheur. Là, nous ne sommes pas d'accord, monsieur le rapporteur général...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous l'étiez bien sous le gouvernement de Pierre Mauroy, non ? Puisqu'il a fait la même chose en 1982, je vous le rappelle !
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'était pas pareil !
    M. Didier Migaud. En effet, le contexte était différent, monsieur le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais bien sûr ! Le contexte est toujours différent !
    M. Nicolas Perruchot. Ils ont perdu la mémoire !
    M. François Goulard. Avec eux, on peut mettre le pays en faillite !
    M. Didier Migaud. Pierre Mauroy conduisait une politique de soutien à la consommation et à la croissance différente, dont l'objectif était de soutenir les plus défavorisés de nos concitoyens. Tout ce que vous faites va en sens inverse. Nous ne pouvons accepter des dispositions de ce type dans un contexte où toutes les décisions que vous prenez ont pour conséquence de conforter la situation des plus aisés au détriment du plus grand nombre. Ainsi, vous baissez les impôts pour un petit nombre de nos concitoyens, mais vous les augmentez pour le plus grand nombre. Et nous pourrions multiplier les exemples d'injustices.
    Tous nos points forts sont mis à mal par le désengagement de l'Etat. J'ai déjà parlé de la recherche. Le Gouvernement nous dit, d'ailleurs avec raison, que la recherche privée est trop faible par rapport à la recherche publique, qui constitue un de nos pôles d'excellence. Mais que fait-il ? Il prive de moyens la recherche publique - au grand regret, je le reconnais, de Mme Haigneré - et il se félicitera bientôt que la recherche privée ait rattrapé la recherche publique ! Non pas parce que la recherche privée aura augmenté mais parce que la recherche publique aura malheureusement baissé !
    M. Jean-Claude Sandrier. Eh oui, c'est plus facile !
    M. Didier Migaud. Agir de la sorte est non seulement stupide, mais aussi irresponsable, car c'est plomber la croissance française et la performance relative de notre économie. Les conséquences négatives sont immédiates, notamment en matière d'emploi.
    M. Michel Roumegoux. Mais il y a les emplois fictifs !
    M. Didier Migaud. La moitié de la baisse massive du chômage constatée depuis 1997 est désormais effacée ! On est passé de 3,1 millions de chômeurs - au sens du BIT - en 1997 à 2,2 millions en 2001, pour remonter à 2,6 millions aujourd'hui.
    M. Michel Bouvard. A cause de vos emplois fictifs ! Le chômage a surtout remonté entre janvier 2001 et janvier 2002 !
    M. Didier Migaud. Cette dégradation ne se traduit d'ailleurs pas uniquement dans des chiffres du chômage, que le Gouvernement s'emploie à minorer artificiellement en encourageant les radiations administratives...
    M. Henri Emmanuelli. Eh oui !
    M. Didier Migaud. ... et en faisant basculer les titulaires de l'ASS vers l'assistance. C'est justement par le biais de l'augmentation du nombre d'allocataires du RMI que se traduisent également les mauvais résultats du Gouvernement. C'est l'inverse de ce que le précédent gouvernement avait réussi à faire : la diminution du nombre d'allocataires constatée en 2000 et 2001, sans précédent depuis la création du RMI, avait permis de recycler les économies constatées, notamment vers la prime de Noël.
    M. Michel Bouvard. Alors là, c'est la meilleure ! C'est nous qui avons réglé la facture !
    M. le président. Chers collègues, je vous en prie.
    M. Michel Bouvard. Mais enfin, ils ne l'ont pas payée pendant deux ans !
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas vrai ! Il ne faut pas dire n'importe quoi !
    M. Didier Migaud. Au contraire de ce qui s'était passé, l'actuel gouvernement, confronté à l'augmentation de l'exclusion, doit majorer les crédits en fin d'année pour financer la prime de Noël. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette majoration ne traduit donc pas sa générosité, simplement l'échec de sa politique qui contribue à l'augmentation du nombre des allocataires du RMI. Chaque fois que M. Raffarin se vante d'inscrire des crédits supplémentaires pour la prime de Noël, il souligne l'échec de sa politique qui gonfle les effectifs de l'exclusion et de la pauvreté, alors que nous les avions fait baisser, comme l'a montré récemment l'INSEE en toute objectivité.
    M. Henri Emmanuelli. En effet !
    M. Didier Migaud. Les performances plus ou moins bonnes de l'économie françaises ne dépendent pas exclusivement de l'activité mondiale. Notre pays, peuplé, vaste et riche, dans tous les sens du terme, possède en lui les ressources de sa propre croissance.
    M. Henri Emmanuelli. Il n'y a aucune politique industrielle. Rien !
    M. Didier Migaud. Notre pays demande à l'action politique de jouer son rôle de révélateur et d'amplificateur. Ce rôle, notre gouvernement s'était efforcé de le tenir,...
    M. Jean-Jacques Descamps. Sans résultats !
    M. Didier Migaud. ... à la différence de l'actuel et des précédents. Car, contrairement au discours de l'actuel gouvernement, la croissance mondiale a été plus porteuse sous les gouvernements Balladur et Juppé que sous le gouvernement Jospin.
    M. François Goulard. Là, c'est vraiment extraordinaire ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Mais oui, là aussi, il faut le dire, il ne suffit pas de rire, monsieur Goulard. Il suffit de lire seulement les analyses faites par des organismes officiels.
    M. Henri Emmanuelli. Mais M. Goulard ne connaît pas l'OCDE !
    M. Didier Migaud. La croissance mondiale a progressé de 3,2 % par an entre 1993 et 1997 et de seulement 2,7 % entre 1997 et 2002. Oui, 3,2 % je le répète pour François Goulard, contre 2,7 % seulement !
    M. Henri Emmanuelli. Vous faites bien de répéter, il ne sait pas lire !
    M. Didier Migaud. La demande mondiale a été également plus dynamique sous les gouvernements Balladur et Juppé que sous le gouvernement Jospin : plus 8,3 % par an de 1993 à 1997, mais 5,9 % par an de 1997 à 2002. Or dans le même temps, la croissance française, sous le gouvernement Jospin, a été deux fois plus forte que par le passé, nettement supérieure à celle de la zone euro, effaçant pour partie le décrochage des années Balladur et Juppé.
    M. François Goulard. Ce qui est totalement faux en fin de période, à partir de 2001 !
    M. Didier Migaud. De 1993 à 1997, monsieur Goulard, la croissance de la zone euro est de 2,1 % et celle de la France de seulement 1,5 %. A l'inverse, entre 1997 et 2002, la croissance française est de 3 %, supérieure à celle de la zone euro, qui est de 2,4 % seulement. Depuis l'arrivée de M. Raffarin, que constate, non pas l'opposition, mais l'OCDE ? Que, pour les années 2003 à 2005, la croissance française devrait être systématiquement inférieure à celle de la zone euro.
    M. François Goulard. Attendez 2005 pour le savoir !
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur Goulard, nous avons déjà vu M. Madelin à l'oeuvre !
    M. François Goulard. Oh, pas longtemps !
    M. Henri Emmanuelli. En effet, six mois seulement !
    M. Jean-Jacques Descamps. Et les 35 heures ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Allons monsieur Migaud !
    M. Didier Migaud. Il ne suffit pas de dire « Allons, monsieur Migaud ! », ce sont des chiffres de l'OCDE ! Même si vous ne voulez pas voir la réalité, vous êtes bien obligés d'en prendre acte !
    La forte croissance connue entre 1997 et 2001 n'a rien d'un cadeau tombé du ciel,...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il s'agissait d'une croissance mondiale ! Vous avez fait des choses formidables : vous avez provoqué la croissance mondiale !
    M. Didier Migaud. Enfin ! Je viens de dire que le contexte n'était pas si favorable que cela ! Cette forte croissance n'était pas un cadeau du ciel, disais-je, mais le fruit d'une politique volontariste et orientée vers l'emploi, la consommation et la croissance. Car, je crois, moi, que la politique menée par un gouvernement peut avoir des conséquences heureuses ou malheureuses, c'est selon, en fonction de ce qui est décidé et appliqué.
    Tous ces chiffres, qui proviennent de l'INSEE ou de l'OCDE, sont incontestables. Ils prennent encore plus de relief si l'on compare la croissance française avec celle de ses grands voisins, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni. Aucun de ces pays, en effet, n'a connu d'accélération de sa croissance entre 1997 et 2002. Mais nous, c'est ce que nous avions connu !
    La politique économique de MM. Chirac et Raffarin est un échec : elle a plongé le pays dans la stagnation économique et l'a placé en situation d'accuser durablement, hélas ! un déficit de croissance vis-à-vis de la zone euro. Après avoir connu une explosion de la dette publique, notre pays va enregistrer, pendant plusieurs années, une croissance inférieure à celle de ses voisins. M. Raffarin fait tomber la France de Charybde en Scylla, c'est-à-dire du déficit public en déficit de croissance.
    M. Joël Giraud. A quel moment allez-vous parler de l'héritage ?
    M. Henri Emmanuelli. A se demander si vous êtes au pouvoir !
    M. Didier Migaud. Oh, c'est facile ! Ce n'est jamais votre faute ! C'est toujours la faute de ceux qui vous ont précédés ou la faute de l'Europe. C'est à se demander si vous êtes au Gouvernement. Tenez-vous ou non les rênes depuis dix-huit mois ?
    M. Jean-Jacques Descamps. Vous avez vidé les caisses !
    M. Didier Migaud. Les Français ont pris maintenant suffisamment de recul envers l'héritage. Ils savent que c'est vous qui gouvernez. Ils savent parfaitement que leur situation et celle de la France se sont dégradées depuis dix-huit mois.
    Non seulement la France connaîtrait des performances inférieures à celles de ses voisins, mais, pis encore, je le répète, la croissance française se situerait durablement en deçà de sa croissance potentielle. C'est du moins ce que nous apprend le rapport du sénateur UMP, Joël Bourdin. Je me réfère souvent aux rapports du Sénat, j'ai pris cette habitude sous la législature précédente, compte tenu de la qualité de ceux que vous rédigiez, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous me faisiez moins de compliments à l'époque ! (Sourires.)
    Selon ce rapport, donc, les perspectives de croissance de la France à l'horizon 2008 ne permettront ni de faire baisser fortement le taux de chômage, ni d'équilibrer nos comptes publics. Cela résulterait de la poursuite - selon le sénateur UMP Joël Bourdin - d'une politique fiscale injuste et inefficace, combinée à une politique budgétaire - là, j'interprète - pesant négativement sur la croissance.
    La croissance du pouvoir d'achat serait ainsi très inférieure à celle de la période 1997-2002, et la dynamique de la consommation des ménages ne dépendrait plus alors que de leur capacité à diminuer leur taux d'épargne ou à puiser dedans pour compenser la faible évolution de leur pouvoir d'achat. Espoir d'autant plus ténu que la réforme des retraites mise en oeuvre par le Gouvernement diminuera le niveau de leurs pensions et les contraindra à épargner une part croissante de leurs revenus pour simplement garantir ce niveau.
    On le voit, les perspectives sont pour le moins maussades pour les Français à l'horizon 2008.
    Enfin, ce rapport nous apprend que la France, si le Gouvernement s'obstine dans sa politique, ne remplira pas ses engagements de ramener le déficit public sous les 3 % en 2005. Elle ne les remplira pas non plus en ce qui concerne la dette publique puisque son poids dans le PIB continuerait d'augmenter pour atteindre plus de 67 % ! Le pire est donc à craindre car des mesures supplémentaires douloureuses seront mises en oeuvre pour freiner cet effet « boule de neige » de la dette publique enclenché de façon irresponsable, selon nous, par le Gouvernement.
    Pour toutes ces raisons, M. Raffarin devrait avoir la dignité de reconnaître son échec (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et de démissionner (Rires et exclamations sur les mêmes bancs) sans attendre son renvoi par le Président de la République ou tout simplement par les électeurs.
    Monsieur le ministre, nous pensons beaucoup de mal de votre projet de loi de finances rectificative, je le répète, et nous voterons contre, ainsi que nous l'expliquerons tout à l'heure. Il nous conforte dans les critiques que nous formulions lors de l'examen du projet de loi de finances initiale.
    Tel est le sens de cette exception d'irrecevabilité que je me suis efforcé de défendre et que j'invite l'Assemblée à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si je tiens à dire quelques mots sur l'exception d'irrecevabilité, c'est par courtoisie à l'endroit de son auteur, M. Didier Migaud, qui est un excellent spécialiste des finances publiques, mais qui ne nous a pas parlé de l'inconstitutionnalité du projet. N'est ce pas pourtant - à moins que le règlement de l'Assemblée n'ait changé - l'objet d'une telle motion ?
    M. Henri Emmanuelli. Il a parlé de l'insincérité du collectif !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. D'ailleurs, Didier Migaud n'a pas prononcé le mot de Constitution une seule fois !
    M. Gérard Bapt. Il a parlé du Conseil constitutionnel !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En réalité, il souhaitait nous faire part de son avis personnel sur la situation des finances publiques françaises.
    Nous n'avons donc entendu aucun motif qui pourrait conduire l'Assemblée à voter l'exception d'irrecevabilité.
    M. Henri Emmanuelli. Si, l'insincérité !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais, par courtoisie, parce qu'il le mérite, je reviendrai sur un ou deux points.
    S'agissant d'une exécution qu'il a qualifiée de « mouvementée »...
    M. Henri Emmanuelli. C'est un problème de malentendant !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Emmanuelli, je vous écoute toujours attentivement parce que vous êtes souvent intéressant. Faites-moi la courtoisie en retour de m'écouter.
    M. Henri Emmanuelli. Alors soyez gentil avec M. Migaud !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je vais essayer !
    Monsieur Migaud, vous qualifiez l'exécution de « mouvementée » alors que la dépense a été tenue. Êtes-vous pour que la dépense soit tenue ?
    Vous appartenez à un groupe dont les idées...
    M. Jean-Pierre Grand. Dépassées !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... sont bien claires pour l'opinion française. Or, depuis des mois, je n'arrive pas à savoir si vous êtes pour que notre pays tienne enfin sa dépense ou non. Il faudra bien un jour vous dévoiler sur le sujet !
    M. Didier Migaud. Ne vous inquiétez pas !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous ne pourrez pas continuer à cultiver ainsi l'ambiguïté !
    M. Henri Emmanuelli. Il n'a jamais fait autant de déficit que vous !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je n'arrive pas à savoir, monsieur Migaud, si, vous, ancien rapporteur général du budget, vous trouvez que notre pays dépense trop, suffisament ou pas assez ! Vous ferez progresser le débat démocratique si vous nous éclairez sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Henri Emmanuelli. Il n'a jamais autant creusé le déficit que vous !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si vous voulez m'interrompre, demandez-en l'autorisation au président !
    Le Gouvernement a tenu le Parlement informé de l'évolution des recettes. Vous devez lui en donner acte pour être conforme à la vérité. Il a fourni avec précision l'ensemble des prévisions arrêtées en cours d'année dans le cadre du débat d'orientation budgétaire. Cela n'avait jamais été fait !
    Vous me dites que c'est la loi organique relative aux lois de finances qui a prévu la transmission de ces informations. Certes, mais il n'était pas interdit au précédent gouvernement, quand bien même il n'y était pas tenu par l'ordonnance de 1959, de le faire aussi. Il ne le faisait pas, nous le faisons. Avouez que c'est un progrès !
    M. Didier Migaud. Nous n'avons pas procédé à des gels de crédits ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De surcroît, vous maniez le paradoxe, monsieur Migaud, et cela dépasse mes capacités de compréhension. En effet, d'un côté, vous nous reprochez de ne pas avoir présenté de collectif et, de l'autre vous nous proposez de ne pas discuter celui-ci ! Voilà une gymnastique de l'esprit qu'il est difficile de suivre !
    M. Henri Emmanuelli. Nous sommes sûrs que vous comprenez !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Voilà qui exigerait davantage d'explications !
    Vous prétendez également que le rapport de la Cour des comptes serait sévère à notre endroit.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ne m'interrompez pas, monsieur Bonrepaux, je vais vous donner des explications !
    Avez-vous lu les précédents rapports ?
    M. Augustin Bonrepaux. Bien sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Votre lecture a dû être sélective car vous ne citez que quelques extraits d'un rapport de cinquante pages contenant de multiples encadrés et qui précise à chaque fois que le Gouvernement a agi conformément au texte de la loi. Vous affirmez que la Cour critique la régulation budgétaire. Dites-nous donc - et la Cour - comment on peut financer les multiples aléas que connaît toute exécution budgétaire en respectant le montant initial de l'autorisation parlementaire !
    M. Henri Emmanuelli. Nous parlons de proportion !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Résolvez cette quadrature du cercle, et vous aurez fait progresser la science budgétaire !
    Monsieur Migaud, vous avez craint - par courtoisie, je ne dis pas que vous m'avez accusé de l'avoir fait - que nous ayons envoyé des documents secrets à Bruxelles.
    M. Philippe Auberger. La dépêche d'Ems !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pourquoi voulez-vous que nous envoyions des documents secrets alors que c'est la transparence qui assure les meilleures conditions d'action ?
    Monsieur Migaud, conformément au traité, un programme de stabilité intégrera simplement, par rapport à ce qui a été rendu public en septembre, les améliorations du solde qui sont dues aux travaux du Parlement, de votre assemblée en particulier. Nous en sommes à 400 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Mais le chiffre est public, puisque c'est le Parlement qui en a décidé. Et, contrairement à ce que vous sous-entendez, il n'y a strictement aucune information secrète quant aux conséquences des décisions prises par le Gouvernement sur la suppression d'un jour férié.
    Vous avez utilisé la métaphore du paquebot. Tous mes compliments, elle est très bonne !
    Cela dit, au moment où vous nous avez passé les commandes du navire, il filait à toute vapeur dans une dérive des dépenses. Une telle machine ne se stoppe pas en un instant. (« Titanic » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est pourquoi nous avons voulu agir de manière précoce. C'était le sens des réserves de précaution qui permettent de faire face aux dérapages,...
    M. Henri Emmanuelli. C'est le Titanic !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... inévitables à cause des aléas qui surviennent en cours de gestion.
    Je terminerai sur les questions de reports. J'ai été surpris de votre impatience à dépenser à tout prix les crédits ouverts, y compris ceux qui sont reportés.
    M. Didier Migaud. Pas du tout, je veux simplement que le Gouvernement respecte ses engagements !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au fond, je n'ai pas bien compris si vous êtes favorable ou non à la maîtrise de la dépense publique.
    M. Philippe Auberger. Il est pour « réhabiliter la dépense ».
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au cours des années qui viennent de s'écouler, vous avez déposé des rapports, que j'ai lus avec beaucoup d'intérêt, sur la nécessité pour la France de maîtriser la dépense.
    M. Didier Migaud. Je ne me renie pas !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je n'en doutais pas, mais vous en parlez moins ! C'est un constat. Je voudrais savoir, disais-je, si vous êtes réellement attaché à ce que l'autorisation de crédits donnée par la représentation du peuple français soit respectée. Car si vous voulez vraiment que cet acte majeur de la démocratie soit respecté, il faut que le Gouvernement dispose d'instruments pour maîtriser l'utilisation de ces crédits.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bien sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. A défaut, il y aura toujours, en gestion et en exécution, des dépassements de dépenses. Voulez-vous que nous dépensions plus ? Si c'est votre intention, ce sera l'honneur de votre groupe de le dire aux Français !
    M. Didier Migaud. Je n'ai pas dit ça !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et cela leur permettra de juger la politique alternative que vous proposez.
    Avant de conclure, je tiens tout de même à dire un mot - sans m'étendre sur le sujet - à propos de ce qui est à mes yeux improprement qualifié d'« amnistie fiscale ». Je suis surpris que l'on puisse confondre la fiscalité applicable aux capitaux légaux, issus d'activités exercées à l'étranger et importés en France pour être investis dans l'économie, avec le blanchiment ou la fraude fiscale. Cela n'a rien à voir. Ce dont nous parlons tous, du moins je le suppose, et il faut alors trouver un mot approprié, ce sont des capitaux issus d'activités économiques exercées dans d'autres pays et qui pourraient, dès lors que leurs détenteurs y trouveraient intérêt, être investis en France pour soutenir et développer l'économie française. D'où la nécessité d'une fiscalité appropriée. Tel est, en tout cas, ce que j'avais compris du débat. Je ne souhaite pas que celui-ci soit obscurci par des allusions ou des soupçons qui ne sont pas à la hauteur de l'estime mutuelle que nous pouvons nous porter, quelles que soient les idées, même opposées, que nous défendons.
    M. Henri Emmanuelli. Mais c'est M. Carrez qui en a parlé !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En tout cas, votre présentation, je ne dirai pas « longue » pour être délicat comme m'y a invité M. Emmanuelli, mais complète, n'avait rien à voir avec une exception d'irrecevabilité. Aussi, j'invite l'Assemblée à la repousser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Léonce Deprez. Très bon ministre !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Je garderai le silence le plus possible pour ne pas allonger les débats, monsieur le président, mais je veux rafraîchir la mémoire de notre collègue Migaud sur un point que j'entends répéter, en permanence, ici à l'Assemblée, dans les journaux et sur les ondes : ce gouvernement ne ferait que conforter la situation des plus privilégiés.
    Je lui rappellerai quelques faits qui méritent de l'être.
    Depuis deux ans, le Gouvernement a veillé à ce que la baisse de l'impôt sur le revenu - laquelle joue dans la performance économique - soit compensée de façon équilibrée par une baisse des charges qui permette l'amélioration du SMIC et de la prime pour l'emploi.
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Cela correspond à 1,6 - 1,8 milliard de francs dans le dernier budget.
    Deuxièmement, vous savez que les réformes de structure, trop longtemps différées, ont besoin d'un accompagnement social. Je rappelle qu'en matière de retraite, il y a eu à la fois l'amélioration des petites retraites, la possibilité de départ pour ceux qui avaient commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans et les mesures en faveur de ceux ayant exercé des métiers pénibles.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je rappelle enfin que, dans le budget, les dépenses sociales de prestations de 2002-2003 ont, et ce n'est pas qu'un avantage, d'ailleurs, beaucoup plus augmenté que l'inflation. Et quand je compare avec les politiques menées à cet égard par nos voisins européens, je vois...
    M. Henri Emmanuelli. ... que la France va de plus en plus mal !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... qu'il y a une différence en matière de sécurité du niveau des prestations.
    Ce qui me paraît le plus important, et qu'hier un dirigeant syndical rappelait à quelques collègues de toutes sensibilités qui étaient réunis pour un déjeuner-débat, c'est que l'inégalité la plus choquante dans la société française était la différence d'espérance de vie qui atteint sept ans. L'honneur du Gouvernement est d'avoir fait en sorte que ceux qui ont l'espérance de vie la plus courte ne soient pas ceux qui ont la durée d'activité la plus longue et les retraites les plus petites.
    Cela ne devrait-il pas, cher monsieur Migaud, vous inciter à un peu plus d'humilité lorsque vous abordez le problème des inégalités sociales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.
    M. Nicolas Perruchot. Comme l'a rappelé M. le ministre, l'objet de l'exception d'irrecevabilité est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles. Dans votre propos, monsieur Migaud, vous n'avez soulevé aucun motif d'inconstitutionnalité. J'ai bien écouté, j'ai espéré jusqu'à la fin, mais je n'ai rien vu venir ! Vous vous êtes livré à un commentaire qui aurait trouvé place dans la discussion générale. Mais celle-ci n'accordant que trente minutes au groupe socialiste, vous avez décidé de défendre une motion, ce qui vous a donné un peu plus d'une heure. C'est une bonne tactique, et vous vous montrez bon camarade en permettant ainsi à MM. Bonrepaux, Balligand et Bapt de pouvoir s'exprimer aussi pendant la discussion générale.
    Dans vos commentaires, rien de nouveau : une critique en règle du Gouvernement, des ministres, et de la commission des finances - ce qui est inédit.
    Bien entendu, l'UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Sandrier. Nous voterons cette exception d'irrecevabilité qui nous paraît tout à fait justifiée.
    D'abord, le projet ne respecte pas le principe de sincérité. L'insincérité serait-elle reconnue par la Constitution ? Quand vous retenez une croissance de 2,5 % avec une erreur de 2,3 %, il ne s'agit plus d'une erreur mais d'une véritable faute ! Les conséquences en ont été rappelées par Didier Migaud et je me contenterai de citer un exemple qui concerne ma région où ont été supprimés au contrat de plan Etat-région des crédits routiers à hauteur de 40 %. On peut toujours prétendre qu'ils n'auraient pas été utilisés - ce qui n'aurait d'ailleurs pas été le cas - mais on aurait pu au moins demander l'aval de cette assemblée démocratiquement élue qui s'appelle le conseil régional ! Vous en conviendrez, monsieur le ministre, vous qui êtes si attentif au respect de la démocratie !
    Une deuxième raison justifie cette exception d'irrecevabilité, c'est l'avis du Conseil constitutionnel, d'ailleurs relayé par la Cour des comptes, vous demandant de modifier le budget dès que vous auriez les éléments statistiques nécessaires.
    Par ailleurs, le principe d'égalité - celui-là figure dans la Constitution - est mis en cause par la façon dont vous opérez baisses et exonérations fiscales.
    Enfin, le principe d'efficacité - il mériterait lui aussi d'être constitutionnel - est bafoué, car la preuve que vos choix politiques seraient bons pour l'emploi, pour la lutte contre la précarité et la réduction du déficit structurellement dangereux pour la sécurité sociale et pour les services publics, reste à faire.
    Quant à la dépense, on pourrait passer beaucoup de temps à en discuter. On peut et on doit discuter de son niveau, bien entendu, on pourrait aussi signaler que la bloquer, c'est parfois faire stagner l'économie, mais il y a aussi le problème de sa structure dont on pourrait débattre.
    Pour toutes ces raisons, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.
    M. Jean Launay. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste.
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, je crois qu'il y a un problème d'oreille. J'ai entendu à deux reprises M. Migaud évoquer le Conseil constitutionnel, je l'ai même entendu rappeler les conditions dans lesquelles ce dernier estimait qu'un collectif était en quelque sorte obligatoire. Je n'ai pas rêvé !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cela n'a rien à voir !
    M. Henri Emmanuelli. Je l'ai ensuite entendu dire que, compte tenu de l'insincérité évidente de l'exécution de votre budget, il fallait un collectif non pas en fin d'exercice mais bien plus tôt.
    Je ne sais pas si j'entends des voix, mais il me semble que le compte rendu des débats vous fera justice, monsieur Migaud, car vous avez bel et bien parlé d'irrecevabilité.
    M. Didier Migaud. Je vous remercie.
    M. Henri Emmanuelli. Vous êtes plus jeune que moi, monsieur Perruchot, votre oreille devrait être meilleure !
    Vous nous avez demandé, monsieur le ministre, si les socialistes étaient d'accord pour tenir la dépense. Evidemment ! J'ai été ministre du budget et président de la commission des finances. Je n'ai pas le souvenir d'avoir expliqué à une quelconque occasion que le montant des dépenses était donné à titre indicatif et que l'on pouvait faire ce que l'on voulait.
    Vous savez bien que ce qui est important en matière de finances publiques, c'est le solde, et convenez que, de ce point de vue, vous êtes en très grande difficulté - le propos est doux ! - parce que vous détenez le record du plus grand déficit qu'ait jamais enregistré ce pays, vous qui aviez eu pourtant le bonheur et le privilège, il y a deux ans seulement, de reprocher aux socialistes d'avoir des cagnottes cachées. Vous vous souvenez de la cagnotte ? (« Oh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Bouvard. M. Migaud aussi !
    M. Henri Emmanuelli. Lorsque vous parlez de l'héritage, messieurs, il faudrait accorder vos violons ! M. Lambert, à l'époque président de la commission des finances du Sénat, reprochait au gouvernement socialiste d'avoir une cagnotte, et vous, vous évoquez un héritage calamiteux ! Il faudra qu'un jour vous choisissiez votre partition, parce que, là, je ne vous le cache pas, cela fait un peu désordre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez tout consommé !
    M. Henri Emmanuelli. Mais non ! La cagnotte n'était pas ce que vous avez dit. M. Migaud, à l'époque, avait remis les choses à leur place, et, lui, rapporteur général d'un gouvernement de gauche, avait dénoncé un certain flou dans les écritures publiques. Aujourd'hui, nous en attendons autant de vous, monsieur le rapporteur général,...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci pour les leçons !
    M. Henri Emmanuelli. ... et non que vous créiez une nouvelle catégorie de crédits, « dégelés mais pas congelés », si j'ai bien compris !
    Oui, il faut tenir la dépense publique, mais, comme l'a dit notre collègue communiste, en période de difficultés - nous n'allons pas reprendre ce débat qui a ensoleillé ou assombri nos jeunes années universitaires -, elle peut aussi être un moyen de soutenir la conjoncture. Rien ne doit donc être tabou dans l'absolu, étant entendu, je le répète, que, ce qui est important à l'arrivée, c'est tout de même le solde.
    Selon vous, monsieur Méhaignerie, vous n'avez pas favorisé certaines catégories privilégiées au détriment des autres. Tout de même ! Je crois que l'objectif de la baisse de l'impôt sur le revenu était de privilégier les tranches supérieures et que la hausse de la prime pour l'emploi a peu de choses à voir cette année, en volume financier, avec la nouvelle baisse des tranches de l'impôt sur le revenu.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et la hausse du SMIC ?
    M. Henri Emmanuelli. Il n'y a pas que vous qui ayez augmenté le SMIC ! Souvenez-vous des augmentations qui avaient lieu au mois de juillet, avec des augmentations de l'ordre de 3,5 %...
    M. Michel Bouvard. Il faut tenir compte de l'inflation !
    M. Henri Emmannelli. Vous êtes donc très loin du compte, et ce n'est pas parce que vous avez augmenté le SMIC d'une petite partie des smicards...
    M. Michel Bouvard. Un million de personnes !
    M. Henri Emmanuelli. ... ce que vous oubliez toujours de dire en essayant de faire croire que c'est le SMIC de tout le monde, que vous avez augmenté le pouvoir d'achat des Français car, simultanément, vous avez augmenté la fiscalité indirecte et vous verrez quel sera le revenu disponible des ménages. Il ne sera pas conforme à ce que vous affirmez.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Emmanuelli.
    M. Henri Emmanuelli. Je prends tous les paris que les inégalités sont en train de s'accroître gravement dans ce pays.
    Nous n'allons pas voter ce collectif, comme l'a dit M. Migaud, et nous allons voter cette exception d'irrecevabilité, mais un mot encore sur cette histoire d'amnistie.
    Vous nous avez reproché d'avoir employé le mot, monsieur le ministre, mais ce n'est pas nous, ce sont le rapporteur général et le président de la commission des finances,...
    M. Jean-Claude Sandrier. Bien sûr !
    M. Henri Emmanuelli. ... à moins que les propos que nous avons lus dans les journaux ne soient pas d'eux, mais les journalistes avaient l'air de citer des termes qu'ils avaient recueillis personnellement.
    On a parlé d'une amnistie fiscale avec une référence à l'exemple italien, et j'ai entendu M. Méhaignerie expliquer qu'une amnistie fiscale pourrait à la limite se justifier si, dans le même temps, on prenait des mesures sociales.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est schématique !
    M. Henri Emmanuelli. Autrement dit, on rapatrierait l'argent de ceux qui ont un petit peu triché pour faire un peu de charité. Ce genre de morale, très franchement, nous vous la laissons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour l'UMP.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté attentivement Didier Migaud. Si je résume, l'exception d'irrecevabilité portait sur le collectif qui n'a pas été présenté et en aucun cas sur le contenu du présent collectif. Je considère donc, comme le porte-parole du groupe UDF, qu'aucune exception d'irrecevabilité n'a été défendue sur le collectif dont il est question aujourd'hui.
    Je crois, monsieur le président, puisque nous travaillons actuellement sur une réforme du règlement de l'Assemblée et notamment de la procédure budgétaire, qu'il faudra en finir avec cette forme d'hypocrisie collective qui fait que les motions de procédure n'ont bien souvent aucune raison d'être. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mieux vaudrait donner à l'opposition un temps de parole équilibré pour lui permettre de s'exprimer sur la procédure budgétaire. Nous y gagnerions tous en honnêteté intellectuelle. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cela dit, on a entendu les critiques habituelles de l'opposition sur le présent collectif, avec toujours cette espèce de justification a posteriori de la politique qui a été menée pendant cinq ans, à croire qu'au fond d'eux-mêmes, nos collègues ne sont pas tout à fait convaincus du bien-fondé de ce qu'ils ont fait et qu'ils éprouvent toujours un besoin de se justifier vis-à-vis de nos concitoyens.
    C'est ainsi qu'on ose nous dire qu'on aurait financé la prime de Noël par redéploiement des recettes du RMI. C'est oublier qu'il a fallu que nous la financions trois fois en une année ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et là, pour le coup, les chiffres sont présents dans les esprits. C'est oublier aussi que le principal reproche que l'on peut adresser à la gestion précédente est d'avoir laissé filer la dépense, alors que le présent collectif nous montre bien qu'elle a été tenue.
    M. Henri Emmanuelli. Et les déficits ?
    M. Michel Bouvard. Puisqu'il a été question de social, je voudrais tout de même rappeler deux ou trois chosses.
    Premièrement, la situation de l'emploi a commencé à se dégrader au cours de l'année 2001...
    M. François Goulard. En juillet !
    M. Michel Bouvard. Elle s'est plus dégradée avant le changement de gouvernement que par la suite. Les chiffres sont là ! Nous n'en tirons pas gloire. Personne n'a intérêt à jouer avec la courbe du chômage, c'est un sujet trop grave. La seule satisfaction que nous pouvons avoir aujourd'hui, c'est qu'avec une croissance plus limité, nous avons une consolidation de l'emploi. Grâce aux mesures d'allégement de charges prises depuis dix-huit mois, avec 0,98 % de croissance, nous ne détruisons plus d'emplois, nous en créons. C'est bien l'essentiel.
    Pierre Méhaignerie a eu raison de rappeler l'action sociale menée, notamment sur le SMIC. Le million de smicards qui avaient des salaires bloqués par la mise en oeuvre des 35 heures voient bien la différence lorsqu'ils regardent leur feuille de paie, et il faudra continuer si la croissance revient. Aujourd'hui, ils peuvent avoir plus grâce aux fruits de leur travail, et ils peuvent même travailler davantage grâce aux assouplissements apportés aux 35 heures.
    M. Henri Emmanuelli. C'est ça ! Ils sont très heureux ! Les nouveaux chômeurs aussi !
    M. Michel Bouvard. Voilà, mes chers collègues, quelques éléments de réponse et les raisons pour lesquelles notre groupe ne votera pas l'exception d'irrecevabilité.
    Cela dit, je renouvelle mon appel, qui peut être partagé sur tous les bancs, pour que, dans le cadre de la réforme de la procédure budgétaire et de la réforme du règlement, nous nous efforcions d'avoir des prises de parole qui correspondent à des objets réels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
    Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans la discussion générale, je vais suspendre la séance pour quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Monsieur le ministre, en tant que porte-parole du groupe UMP, je dois vous faire part de notre satisfaction de constater que vous maintenez dans ses lignes le budget de 2003.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. François Goulard. Pour ce qui concerne les dépenses, vous les maintenez à l'euro près, ce qui n'est pas une performance anodine car la conjoncture de cette année comporte des facteurs d'augmentation des dépenses - je pense notamment aux crédits sociaux, qui, comme c'est toujours le cas en période de basse conjoncture, sont en progression et viennent perturber l'exécution budgétaire. C'est d'ailleurs le cas puisque ce collectif prévoit une ouverture de crédits sociaux pour un montant de 1,4 milliard d'euros. Des crédits nouveaux sont également ouverts du fait des catastrophes qui se sont produites, lesquelles sont, par définition, imprévues.
    Pour autant, grâce à des redéploiements et à une gestion rigoureuse, vous parvenez à maintenir les dépenses au niveau initialement prévue. Nous saluons ce résultat car nous estimons que l'impératif d'avoir désormais une gestion des finances publiques irréprochable s'impose à vous comme à nous.
    Pour ce qui est des recettes, nous subissons évidemment la conjoncture économique, laquelle, dans le cas présent, s'accompagne corrélativement d'une augmentation du déficit. Et puisque les recettes sont directement liées à la croissance économique, je voudrais revenir sur quelques points évoqués par l'orateur du groupe socialiste qui a défendu l'exception d'irrecevabilité.
    Monsieur Migaud, nous ne croyons pas que la dépense française dépende exclusivement de la conjoncture mondiale. Toutefois, comment affirmer que la croissance de notre économie nationale est déconnectée de ce qui se passe en dehors de nos frontières ?
    M. Michel Bouvard. Bien sûr !
    M. Henri Emmanuelli. Il n'a pas dit ça !
    M. François Goulard. Plus clairement, nous n'avons jamais dit, contrairement à ce que vous avez prétendu, que la croissance française était directement corrélée à la croissance mondiale. Nous savons, par exemple, qu'il y a un décalage entre la reprise aux Etats-Unis et la reprise en Europe ; c'est constamment observé.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est la faute des autres !
    M. François Goulard. Ce décalage est de près d'un an, au moins neuf mois. Nous le constatons à l'heure actuelle.
    Et pour en revenir sur un thème qui a été évoqué à maintes reprises depuis dix-huit mois, faut-il rappeler qu'en 1997 la croissance en France avait amorcé sa reprise dès le début du printemps ? Faut-il affirmer à nouveau que, dès le mois de juin de cette année-là, la situation de l'emploi s'était améliorée ? Comment une telle amélioration aurait-elle pu être due aux mesures prises par un gouvernement qui n'en avait pas encore arrêtées ?
    S'agissant toujours de cette période de 1997,...
    M. Henri Emmanuelli. Il ne fallait pas dissoudre, alors ! Pourquoi l'avez-vous fait ?
    M. François Goulard. ... comment passer sous silence deux effets conjoncturels absolument considérables dus, d'une part, à la naissance de l'euro et à sa parité relativement faible par rapport au dollar - ce qui a dopé la croissance de l'époque - et, d'autre part, à la baisse considérable des taux d'intérêt à la fin des années 90 ? En effet, durant la période précédant le passage à l'euro, le niveau des taux d'intérêt avait eu un effet dépressif sur les économies européennes et sur l'économie française en particulier. Le retour à des taux d'intérêt très raisonnables au moment du passage à l'euro a provoqué un effet absolument inverse : la croisance a été dopée à partir du début de 1997, et la France a bénéficié de cette conjoncture. Ne prétendez donc pas que c'est la politique de l'époque qui est responsable du redressement, car les facteurs qui ont conduit à ce phénomène sont totalement autres.
    M. Henri Emmanuelli. C'est pour cela que vous avez dissous !
    M. François Goulard. L'opposition est toujours accrochée à une politique de stimulation permanente de la demande.
    M. Michel Bouvard. Oui !
    M. François Goulard. Il est vrai que c'est d'une très grande commodité électorale.
    M. Henri Emmanuelli. Non ! C'est d'une grande efficacité économique !
    M. François Goulard. Agir sur la demande, c'est généralement distribuer de l'argent. Et nous savons que, culturellement, la gauche, en France, aime distribuer de l'argent.
    Mais quel sens cela peut-il y avoir à prétendre qu'il faut en permanence stimuler la demande ?
    La théorie économique à laquelle vous vous référez, monsieur Migaud, prévoit de stimuler la demande quand l'économie est en période de dépression, et non lorsqu'elle est en période de croissance. Or, vous tenez un discours selon lequel la stimulation de la demande est un impératif permanent.
    M. Henri Emmanuelli. Mais oui !
    M. François Goulard. C'est une erreur profonde d'interpétation économique.
    Je crois, en revanche, que le Gouvernement doit conduire une politique économique et que celle-ci a un impact sur la croissance - qui n'est, au demeurant, absolument pas celui que vous évoquez.
    Indépendamment de la politique de la demande, qui est une préoccupation du Gouvernement, lequel l'a d'ailleurs montré en ne réduisant pas brutalement la dépense publique, nous avons également besoin - parce que les deux sont nécessaires, à des degrés et sur des périodes de temps différents - d'une politique de l'offre. Dans un pays comme le nôtre, une telle politique consiste notamment à développer la création d'entreprises. C'est ce que le Gouvernement a fait, en faisant adopter une loi qui a été efficace dès les premiers mois de cette année.
    Il faut également stimuler la demande par la recherche, et c'est ce que nous faisons.
    M. Henri Emmanuelli. C'est sans doute pour cela que les crédit baissent !
    M. François Goulard. D'où la disposition extrêmement importante prise dans la loi de finances sur le crédit d'impôt recherche.
    Il faut aussi stimuler le travail et l'encourager par une fiscalité adaptée.
    Une politique de croissance consiste également à ne pas pénaliser de façon absurde la production. A cet égard, d'un point de vue économique, les 35 heures constituent une mesure arbitraire qui réduit la capacité de produire dans notre pays.
    M. Gérard Bapt. Ce n'est pas vrai ! Pourquoi répétez-vous des choses comme celles-là ?
    M. François Goulard. Voilà exactement ce qu'il ne faut pas faire si l'on ne veut pas freiner la croissance économique !
    M. Henri Emmanuelli. Supprimez les 35 heures, alors !
    M. François Goulard. Aujourd'hui, les 35 heures ont un impact extrêmement négatif sur la croissance française, car elles créent des goulots d'étranglement,...
    M. Henri Emmanuelli. Vous faites des chômeurs ! C'est tout ce que vous savez faire !
    M. François Goulard. ... car elles empêchent, même en période de faible conjoncture (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Gérard Bapt. Même Bercy dit le contraire !
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'attendez-vous pour supprimer les 35 heures ?
    M. le président. Chers collègues, je vous en prie !
    M. François Goulard. Ce n'est pas la peine de crier, monsieur Bonrepaux, les arguments que j'avance sont parfaitement rationnels. Si vous voulez vous y opposer, vous disposez d'un temps de parole suffisamment long pour le faire. On peut rester calme sur des sujets comme ceux-là.
    M. Jean-Jacques Descamps. Vous avez raison !
    M. François Goulard. La réduction du temps de travail a un effet négatif sur l'offre et sur les possibilités de production.
    M. Henri Emmanuelli. C'est du madelinisme !
    M. François Goulard. De ce point de vue, c'est un facteur de diminution de nos capacités de croissance.
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est tout de même pas Madelin qui va nous donner des recettes ?
    M. François Goulard. Le Gouvernement, en permettant aux entreprises de recourir plus largement aux heures supplémentaires,...
    M. Henri Emmanuelli. Fabrique des chômeurs !
    M. François Goulard. ... tente de lutter contre une loi négative qui, je le répète, pénalise les entreprises et la croissance françaises.
    M. Jean-Jacques Descamps. Très juste !
    M. Henri Emmanuelli. 900 000 chômeurs en plus !
    M. François Goulard. Le déficit budgétaire actuel est la résultante de la politique des finances publiques qui a été conduite depuis plusieurs années.
    M. Jean-Jacques Descamps. Eh oui !
    M. François Goulard. Pour avoir des finances publiques saines et pour parvenir à un résultat d'exécution du budget plus conforme à ce que nous souhaitons pour l'économie de notre pays, il est absolument indispensable qu'en période de haute conjoncture et de forte croissance, nous retrouvions un excédent budgétaire.
    Le déficit budgétaire est admissible quand la conjoncture est déprimée : il ne l'est plus quand la croissance atteint 3 % ou 3,5 %. Dans ces périodes-là, il est indispensable que nous ayons, au contraire, un excédent budgétaire susceptible de réduire le poids de la dette. En revanche, en période déprimée, faisons en sorte d'avoir un effet de stimulation grâce à l'apparition quasi automatique d'un déficit budgétaire, mais limité à des niveaux plus raisonnables que celui que nous connaissons actuellement.
    Comme nous avons besoin de maintenir et, si nous le pouvons, de réduire les prélèvements obligatoires en valeur absolue, en tout cas en pourcentage de la richesse produite, il est absolument vital pour notre pays de continuer à tenir la dépense publique. Vous vous y employez, monsieur le ministre, en prenant des mesures générales. Vous le faites comme on le fait traditionnellement quand on élabore un budget et quand on en contrôle l'exécution.
    Toutefois, nous avons tous conscience qu'il faut aller plus loin et que la poursuite de la réduction de la dépense publique dépend non seulement du ministre du budget, mais également de tous les départements ministériels. Or, de ce point de vue, et je le dis devant vous, monsieur le ministre, des efforts restent à faire. Pour ma part, je continue à déplorer que certains ministres se glorifient d'avoir obtenu une progression de leur budget.
    M. Henri Emmanuelli. Des noms !
    M. Jean-Claude Sandrier. Le ministre de la défense, le ministre de l'intérieur...
    M. François Goulard. Si l'on peut se glorifier de merner une action plus efficace au service des politiques que l'on est chargé d'impulser, on ne peut, dans l'absolu, s'enorgueillir de voir son budget progresser. Il faut vraiment retirer de l'esprit de nos compatriotes...
    M. Henri Emmanuelli. Extirper.
    M. François Goulard. ... l'idée selon laquelle un bon budget est un budget qui progresse. Un bon budget est un buget qui est adapté aux besoins d'un ministère et aux politiques qui sont conduites. Or on peut réaliser de très gros progrès en matière d'efficacité de la dépense publique.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Très juste !
    M. François Goulard. La loi organique relative aux lois de finances nous fournira un cadre général pour tenter d'y parvenir. A l'échelon inférieur, dans chaque ministère, dans chaque service, des procédures doivent être réformée. Il convient notamment d'introduire des préoccupations de gestion que nous n'avons pas et d'utiliser des instruments de gestion que l'administration ne connaît pas ou très peu. Je pense notamment à la comptabilité analytique, aux indicateurs de gestion, ou encore à ce que l'on appelle le bench working, c'est-à-dire la comparaison systématique avec les autres pays ou, sur le plan intérieur, avec les établissements ayant la même activité. Il s'agit de techniques élémentaires de gestion que les entreprises ont assimilëes depuis plusieurs décennies. Il faut absolument qu'une véritable révolution culturelle intervienne dans la sphère publique afin que nous sachions enfin gérer.
    M. Henri Emmanuelli. Il faut privatiser l'Etat !
    M. François Goulard. Du reste, certaine initiatives sont extrêmement intéressantes. Les auditions par la commission des finances de différents ministres au sujet des efforts de gestion réalisés au sein de leurs ministères nous montrent que certains départements ministériels ont très sérieusement amorcé ce virage, et l'on ne peut que s'en réjouir.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. François Goulard. Je ne citerai qu'un exemple, celui du ministère de la défense, où grâce à des externalisations intelligentes, on réduira les besoins budgétaires ; en tout cas, on utilisera plus efficacement les crédits. Evidemment, il faut poursuivre et amplifier cet effort.
    M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !
    M. Henri Emmanuelli. Cela ne veut strictement rien dire !
    M. François Goulard. Je comprends que vous ne compreniez pas, monsieur Emmanuelli...
    M. Augustin Bonrepaux. On va dans le mur et on continue !
    M. François Goulard. ... car cette démarche est totalement étrangère à votre culture. Vous ne savez pas et vous ne voulez pas savoir ce que cela veut dire.
    M. Augustin Bonrepaux. Votre culture, elle nous conduit dans le mur !
    M. Henri Emmanuelli. Ma culture vaut la vôtre, croyez-moi, monsieur Goulard !
    M. François Goulard. Je n'en doute pas, mais je revendique la mienne, qui est celle de l'efficacité de la dépense.
    M. Henri Emmanuelli. C'est du madelinisme !
    M. François Goulard. N'oublions pas que c'est l'argent des Français qui nous est confié et qu'il convient de l'employer avec le maximum d'efficacité.
    M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !
    M. Jean-Jacques Descamps. Vous le verrez !
    M. François Goulard. Tous les pays réduisent leurs dépenses. Même les pays européens dirigés par des gouvernements socialistes le font. Toutefois, sur ce plan-là, la gauche française a des années de retard.
    M. Henri Emmanuelli. L'externalisation des crédits de la dépense, cela ne veut rien dire !
    M. François Goulard. Elle n'a pas encore compris que la dépense n'est pas un but en soi et que la vraie cause à défendre, c'est la qualité des services...
    M. Augustin Bonrepaux. On la voit, la qualité des services !
    M. Henri Emmanuelli. Voyez ce qui se passe au Quai d'Orsay !
    M. François Goulard. ... et non le montant de la dépense !
    M. Gérard Bapt. Justement, parlons-en de la qualité des services !
    M. Augustin Bonrepaux. Ils sont en grève, même à l'étranger !
    M. le président. Mes chers collègues, vous n'êtes pas obligés de répondre à tous les propos de M. Goulard.
    M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas laisser dire n'importe quoi.
    M. François Goulard. Pour le reste, nous apprécions, monsieur le ministre, que vous nous proposiez des dispositions très pragmatiques pour rendre attractif le territoire français. Nous sommes en effet en compétition avec nos voisins pour accueillir des sièges sociaux d'entreprises internationales. Or si nous ne sommes pas compétitifs sur le plan fiscal pour les accueillir, notre pays subira une déperdition d'activité.
    Il fallait réagir, et vous le faites. Après le très bon rapport de M. Charzat et le non moins bon rapport de notre collègue Huyghe, vous avez le courage de nous proposer des dispositions efficaces.
    M. le président. Il faut conclure.
    M. François Goulard. Je voudrais dire un mot des prélèvements sur certain organismes agricoles.
    M. Jean-Jacques Descamps. Ah !
    M. François Goulard. Nous avons les uns et les autres été très sollicités - c'est vrai - avec de bons et de moins bons arguments pour défendre la cause de tel ou tel organisme. Il faut séparer le bon grain de l'ivraie, si vous me permettez cette expression. Néanmoins, ayons le courage de reconnaître que certains d'entre eux présentaient des excédents anormalement élevés, que le besoin de financement du BAPSA est considérable,...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet.
    M. François Goulard. ... et que nous l'avons reçu en héritage. Le sous-financement du BAPSA est une histoire ancienne qui remonte à votre époque, messieurs de l'opposition. Pour trouver des financements, il est normal de demander une contribution raisonnable à des organismes qui sont, en définitive, financés par le monde agricole.
    Nous nous félicitons des mesures qui sont prises pour contrecarrer la dérive des dépenses de l'aide médicale d'Etat. Nous avons récupéré un très mauvais dossier : rien n'avait été fait pour contenir la dépense.
    M. Didier Migaud. On ne peut pas dire ça !
    M. Marc Laffineur. Si, c'est vrai.
    M. François Goulard. Aucune règle n'était posée. C'était vraiment le règne du n'importe quoi.
    M. Henri Emmanuelli. On vous reconnaît bien, là !
    M. François Goulard. Il est absolument nécessaire que la générosité qui distingue la France...
    M. Henri Emmanuelli. Mais pas vous !
    M. François Goulard. ... et qui est l'honneur de notre pays, ne revienne pas à dispenser n'importe comment les soins aux étrangers en situation irrégulière. Or, c'était le cas. Nous y mettons un terme et c'est heureux.
    M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !
    M. Henri Emmanuelli. Cela ne vous honore pas !
    M. François Goulard. Je voudrais évoquer très rapidement un amendement du Gouvernement.
    M. le président. Monsieur Goulard, très brièvement, comme vous savez si bien le faire ! (Sourires.)
    M. François Goulard. Je conclus, monsieur le président.
    A mon grand regret, la commission des finances n'a pas adopté l'amendement sur les indemnités pour les sapeurs-pompiers volontaires. Nous savons à quel point nous avons besoins d'eux et à quel point leur concours nous permet de réaliser des économies. Faute de leur présence, de leurs compétences, de leur dévouement, les dépenses dans ce domaine seraient faramineuses. Il faut absolument saluer leur concours et le reconnaître par des indemnités appropriées.
    En conclusion, ce collectif n'étant pas une loi de finances initiale, il n'est pas dans notre propos de reprendre, comme tente de le faire l'opposition, l'intégralité des débats budgétaires que nous avons déjà eus. Néanmoins, nous tenons à dire que, en ce qui concerne les finances publiques, monsieur le ministre, le cap est tenu, et ce cap est le bon. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir constaté l'autisme du Gouvernement qui, tout à l'heure, n'a pas entendu mon collègue Didier Migaud lorsqu'il expliquait pourquoi ce projet de loi de finances rectificative était inconstitutionnel, nous voici maintenant confrontës à l'amnésie de la majorité, qui oublie qu'elle est au pouvoir depuis dix-neuf mois près de deux ans. Vous nous aviez portant présenté, monsieur le ministre, un collectif budgétaire au mois de juillet en prétendant solder tous les comptes de l'ancienne majorité.
    M. Richard Mallié. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Et puis il a fallu un collectif de fin d'année ! Et voilà que pour ce collectif de fin d'année 2003, vous cherchez encore des prétextes !
    M. Richard Mallié. C'est que nous en avons pour dix ans !
    M. Augustin Bonrepaux. Une fois, c'est la faute de l'Europe ; une autre, celle de l'ancienne majorité ; une autre, celle de la croissance...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Sur ce dernier point, vous avez raison !
    M. Augustin Bonrepaux. On se demande depuis quelque temps s'il y a un gouvernement...
    M. Didier Migaud. De moins en moins !
    M. Augustin Bonrepaux. ... car celui-ci déclare n'être responsable de rien !
    Ce collectif budgétaire traduit bien la situation calamiteuse de nos finances et l'échec flagrant de la politique que vous avez mise en place. (« Il faut le dire ! » sur les bancs du groupe socialiste.) A un moment donné, il faut bien assumer ses responsabilités !
    Ce constat confirme au demeurant la justesse des critiques que nous vous faisions l'année dernière, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2003. « Monsieur le ministre, disions-nous, vous prévoyez une croissance trop élevée ! » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En la matière, vous avez de l'expérience !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous vous répétions que le chiffre de 2,5 % était trop élevé. Or sommes-nous seulement à 0,5 % aujourd'hui ?
    M. Richard Mallié. Vous n'avez pas de leçon à nous donner !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez donc bâti ce budget sur une prévision de croissance fantaisiste, qui vous a permis d'expliquer que vous pouviez faire des cadeaux fiscaux aux privilégiés.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et l'année précédente, quelle était la prévision ?
    M. Augustin Bonrepaux. Des précédents comme cela, il n'y en a jamais eu, monsieur le ministre !
    M. Henri Emmanuelli. En effet, à ce point-là, jamais ! Vous êtes les meilleurs !
    M. Augustin Bonrepaux. Annoncer 2,5 % pour arriver tout juste à 0,2 % ou 0,3 % ! Cherchez des précédents. Et nous vous avions prévenus !
    C'est ainsi que nous nous retrouvons maintenant avec une accumulation d'échecs, que ce soit sur le plan du chômage, des inégalités sociales ou de l'aggravation de la pauvreté.
    Une telle prévision vous oblige maintenant à faire des économies. Vous invoquez l'absence de croissance pour expliquer le recul des recettes, mais cela ne vous empêche pas dans le même temps d'annoncer une nouvelle baisse des impôts - mais pas pour tout le monde !
    M. François Goulard. Pour ceux qui en paient ! C'est logique !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous baissez, bien sûr, les impôts des plus aisés et, en contrepartie, vous faites payer les plus modestes par le biais de l'augmentation de la taxe sur le gazole, par exemple.
    Devant le dérapage des comptes qui s'est produit aussitôt voté le budget pour 2003, le Conseil constitutionnel a mis en doute la sincérité de votre budget, monsieur le ministre, et vous a recommandé de présenter un collectif. Au lieu de quoi, vous avez procédé par décret à des annulations. Autant dire que vous avez piétiné le rôle de contrôle du Parlement, ainsi que le principe de sincérité.
    Tout à l'heure, notre collègue Migaud a cité plusieurs observations de la Cour des comptes. Je pourrais en rajouter, mais je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas faire perdre du temps de citer la Cour des comptes !
    M. Augustin Bonrepaux. Il suffit de lire le rapport. Chaque fois, la Cour des comptes s'interroge sur votre sincérité. Ne sont ce pas des motifs d'inconstitutionnalité que le manque de sincérité et le manque de lisibilité du budget ?
    A propos, on ne peut que s'inquiéter de la façon dont vous avez négocié la suspension d'application des règles du pacte de stabilité et de croissance. Force est de s'interroger car ce n'est pas en poursuivant la baisse des recettes qu'on redressera les finances publiques !
    A plusieurs reprises, nous vous avons demandé avec insistance de dire la vérité aux Français.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est ce que nous faisons !
    M. Augustin Bonrepaux. Quelles vont être les conséquences dramatiques de tous les gels de crédits qui se feront sentir à partir du début de l'année 2004 ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous aviez prévu l'apocalypse pour 2003. Il ne s'est rien passé.
    M. Augustin Bonrepaux. Et l'impact pour les collectivités locales de la réduction de leurs moyens et des transferts de charges ? J'espérais que le Sénat corrigerait la fâcheuse réforme du RMI - RMA qui tansfère les charges correspondantes aux collectivités locales. Mais, en lisant l'amendement, on s'aperçoit que c'est un simple affichage.
    M. Henri Emmanuelli. Ils augmenteront la taxe d'habitation !
    M. Augustin Bonrepaux. Quelles sont les conséquences ? On baisse les impôts d'un côté, mais c'est un effet d'optique puisque les charges sont transférées aux collectivités locales, ce qui porte atteinte au principe constitutionnel selon lequel l'impôt doit être prélevé en fonction de la faculté de chacun. On réduit l'impôt sur le revenu qui est proportionnel et on transfère des charges sur les collectivités locales, qui les financeront avec des impôts particulièrement injustes. C'est révélateur de la philosophie du Gouvernement et de son injustice fiscale ! Et si ce n'était pas vrai, le Sénat n'aurait pas tenté de corriger dans une certaine mesure l'irresponsabilité de l'Assemblée.
    M. Michel Bouvard. Il fallait réformer les bases d'imposition.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur Bouvard, ce n'est pas en tenant de tels propos, que vous rendrez service à ceux que vous représentez. Vous ne pouvez pas dire d'un côté qu'il faut maintenir le service public, aménager le territoire, réclamer un peu plus de solidarité dans ce pays et, de l'autre, décider de réduire les crédits correspondants et mettre endifficulté les services publics qui sont menacés de disparition. Ainsi, les trésoreries ferment dans la plupart des cantons de montagne, de même que les perceptions et les bureaux de poste. Alors, à un moment donné, il faudra expliquer l'incohérence de votre politique. Vous ne pouvez pas tenir un discours ici, et un autre dans les départements et les régions que vous représentez.
    En somme, pour arriver à présenter des comptes à peu près corrects, vous faites comme le Sapeur Camembert,...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est normal, son nom rime avec Lambert. (Sourires.)
    M. Augustin Bonrepaux. ... c'est-à-dire que vous creusez un trou pour en boucher un autre. Deux exemples. Vous réduisez les crédits de l'ADEME mais, dans la loi de finances pour 2004, vous lui en accordez d'autres en pompant sur les agences de bassin. De même, vous prélevez des crédits sur le Fonds pour le renouvellement urbain pour les rendre à l'Etat, au lieu de les affecter à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, laquelle recevra au titre du budget pour 2004, et reversera ce que vous aurez ponctionné aux offices HLM. N'est-ce pas la réalité, monsieur le ministre ?
    M. Didier Migaud. Si !
    M. Augustin Bonrepaux. Expliquez-nous comment, dans les zones rurales, les offices HLM pourront-ils avec un prélèvement de 15 % sur leur capacité d'autofinancement, faire du logement social ?
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas votre faute, monsieur le ministre, vous n'avez plus un sou.
    M. Augustin Bonrepaux. Et de la rénovation sociale, si on les prive des crédits PALULOS qui sont affectés aux zones urbaines ? Monsieur le ministre, répondez-moi précisément ! Vous supprimez des crédits et vous les rendez, mais sur le dos des communes rurales. N'est-ce pas de la manipulation ? Est-ce une gestion rigoureuse ? Est-ce conforme à la solidarité nationale ? Aujourd'hui, ce sont les zones rurales qui font le plus d'efforts. Je ne rappellerai pas tous les désagréments qu'elles vont subir à cause de la réduction de leurs principales dotations et subventions.
    M. le président. Il faut conclure, s'il vous plaît, monsieur Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. J'ai suffisament développé les conséquences de cette politique.
    M. Michel Bouvard. Oui.
    M. Didier Migaud. Pas assez !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pas suffisamment, excessivement !
    M. Augustin Bonrepaux. ... mais je suis tout de même étonné de constater qu'aujourd'hui votre principale préoccupation, celle qui transparaît dans tous les colloques, dans la presse, telle qu'elle a été exprimée par M. Carrez, dans un rapport, ou par le Gouvernement, c'est une amnistie fiscale ! Comme l'a rappelé notre collègue, ce n'est pas nous qui avons inventé le mot !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est pour encourager le travail.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut réhabiliter le travail, plus que l'impôt !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez toujours une bonne raison. Encourager l'emploi, c'était déjà une bonne raison pour baisser l'impôt sur la fortune. Et puis, vous nous avez expliqué que l'on ne pouvait pas le faire uniquement pour la France. Et, dans la foulée, un investissement au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, ainsi donnera droit à une réduction d'impôt !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, venez-en plutôt à votre conclusion.
    M. Augustin Bonrepaux. Alors, l'amnistie fiscale, c'est pareil : c'est pour encourager le travail ! Mais le travail de qui ? De ceux qui ont les plus gros profits ! C'est vrai, pour les privilégiés, vous ne lésinez pas et vous y mettez les moyens. Votre Gouvernement cherche à baisser l'impôt sur la fortune, mais discrètement, pour que ça ne se voit pas trop (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.), peut-être par un amendement au Sénat, dont il serait plus facile d'obtenir la complicité pour mener à bien la manoeuvre. Mais les préoccupations des Français, qu'en faites-vous ? Le chômage, la pauvreté, l'exclusion ? Là, vous réduisez le fonds social du logement et vous supprimez l'aide médicale d'Etat !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, nous étions en Grande-Bretagne, puis nous nous sommes dirigés vers l'Italie, nous abordons maintenant les rivages du chômage, de l'exclusion...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Quelle excursion ! (Sourires.)
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, c'est du benchmarking. (Sourires.)
    M. Augustin Bonrepaux. Je conclus, monsieur le président. La préoccupation du Gouvernement, c'est aussi d'alléger la fiscalité des impatriés, ces pauvres cadres qui viennent travailler en France, concurrençant d'ailleurs les cadres français.
    M. Michel Bouvard. En attendant, heureusement qu'il y a des sièges sociaux à Genève pour donner du travail aux Savoyards !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais qu'en est-il des rigueurs de l'hiver qui s'annoncent, monsieur le ministre ? Cet hiver, la situation des exclus, de ceux qui sont en difficulté, risque d'être dramatique parce que, à cause de votre loi sur le mécénat, les Restaurants du Coeur n'auront pas de moyens.
    M. Richard Mallié. Ça suffit ! Caricature !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais pour encourager les dons aux Restaurants du Coeur, vous n'avez pas de moyens ! Comme par hasard ! Oui, monsieur le ministre, votre politique est particulièrement injuste, et aujourd'hui plus que jamais, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Bouvard. Ça, c'est vrai ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 (n° 1234) :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1266),
    M. Marc Joulaud, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 1267).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT