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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 7 JANVIER 2004

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 6 janvier 2004


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Hommage aux victimes de la catastrophe de Charm el-Cheikh «...».
MM. le président, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.
2.  Questions au Gouvernement «...».

CATASTROPHE AÉRIENNE DE CHARM EL-CHEIKH «...»

MM. Hervé Morin, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

ÉPIDÉMIE DE LÉGIONELLOSE DANS LE PAS-DE-CALAIS «...»

M. Alain Bocquet, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

CATASTROPHE AÉRIENNE DE CHARM EL-CHEIKH «...»

MM. Yves Nicolin, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

CATASTROPHE AÉRIENNE DE CHARM EL-CHEIKH «...»

MM. Paul Quilès, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

INDEMNISATION DES CHÔMEURS «...»

MM. Jean-Paul Anciaux, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

SÉCURITÉ DES LIAISONS AÉRIENNES «...»

MM. Jean-Pierre Door, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

ÉPIDÉMIE DE LÉGIONELLOSE
DANS LE NORD - PAS-DE-CALAIS «...»

M. Albert Facon, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

ACCUEIL DU JEUNE ENFANT «...»

Mme Françoise de Panafieu, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

PROJET DE CONSTITUTION EUROPÉENNE «...»

M. Axel Poniatowski, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

EMPLOI «...»

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

RETRAITES «...»

Mme Claude Greff, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

AUTOROUTES DE LA MER «...»

MM. Jean-Yves Besselat, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

3.  Formation professionnelle et dialogue social. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi «...».
MM.
Alain Bocquet,
Bernard Depierre,
Alain Vidalies,
Francis Vercamer.
Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

4.  Nomination d'un député en mission temporaire «...».
5.  Fin de missions temporaires «...».
6.  Convention France-Macédoine sur les doubles impositions. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

Article unique. - Adoption «...»

7.  Convention France-Argentine sur les infractions douanières. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

8.  Convention France-Surinam sur les infractions douanières. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

9.  Accord France-Malte sur les infractions douanières. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

10.  Accord France-ONU sur les peines prononcées par le tribunal pénal international pour le Rwanda. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi «...».

Article unique. - Adoption «...»

11.  Diversité linguistique dans l'Union européenne.  - Discussion d'une proposition de résolution «...».
M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne.
Mme Juliana Rimane, rapporteure de la commission des affaires culturelles.
M. Michel Herbillon, rapporteur au nom de la délégation pour l'Union européenne.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Bruno Bourg-Broc,
Pierre Forgues.

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

MM.
Pierre Forgues,
Gilbert Gantier,
Jacques Brunhes,
Céleste Lett.
Clôture de la discussion générale.

Article unique «...»

Amendement n° 1 rectifié de M. Herbillon : M. Michel Herbillon, Mme la rapporteure, M. le ministre délégué. - Adoption.
Amendement n° 2 de M. Herbillon : M. Michel Herbillon, Mme la rapporteure, M. le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article unique modifié.

Rappel au règlement «...»

M. Pierre Forgues.
12.  Professions judiciaires ou juridiques. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

M. Patrick Braouezec.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
13.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

HOMMAGE AUX VICTIMES
DE LA CATASTROPHE DE CHARM EL-CHEIKH

    M. le président. Mes chers collègues, cent trente-trois de nos compatriotes ont perdu la vie dans la catastrophe de Charm el-Cheikh. Ce drame, qui frappe des familles entières, nous a tous bouleversés. Nous partageons l'émotion, la tristesse et la peine des proches des victimes.
    En votre nom à tous, je veux saluer la mémoire de ces victimes, avoir une pensée émue pour ces familles ainsi meurtries, ainsi décimées. La France participe à ce deuil, auquel je voulais associer l'ensemble des députés.
    Avant de vous inviter à vous recueillir un instant, je passe la parole à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, je voudrais associer l'ensemble du Gouvernement au recueillement de la représentation nationale. Je confirme aux familles des victimes la totale mobilisation de mon gouvernement pour donner suite à toutes les conséquences de cette tragédie particulièrement cruelle. Nous exprimons tous ensemble la peine de la nation.
    M. le président. Je vous invite, mesdames et messieurs, à vous recueillir quelques instants à la mémoire des victimes. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

CATASTROPHE AÉRIENNE DE CHARM EL-CHEIKH

    M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. Ma question s'adresse à M. le ministre des transports.
    Comme vous le disiez, monsieur le président, la France est triste, la France est malheureuse : 148 personnes, dont 133 de nos compatriotes, sont mortes dans un tragique accident d'avion au retour de leurs vacances, samedi dernier, au large de Charm el-Cheikh. Depuis ce tragique événement, à la douleur se mêlent les interrogations, en particulier sur la fiabilité de la compagnie égyptienne Flash Airlines et sur l'état de l'appareil qui s'est abîmé en mer. De nombreux témoignages d'anciens passagers font d'ailleurs part d'un certain délabrement des appareils de cette compagnie.
    Le Gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour répondre à ces interrogations, en particulier sur les causes réelles de l'accident. Nous savons depuis hier que, à la suite des contrôles inopinés réalisés fin 2002, les autorités suisses avaient interdit l'atterrissage des deux Boeing de Flash Airlines sur leur territoire et rendu publiques leurs conclusions. Nous savons également qu'à la suite de ce contrôle les autorités égyptiennes avaient décidé une révision de l'appareil.
    Monsieur le ministre, combien de contrôles ont-ils été effectués sur cet appareil en France et en Europe depuis sa révision et quelles ont été leurs conclusions ? Par ailleurs, pourquoi, malgré cette révision, la Suisse n'a-t-elle pas levé son interdiction d'atterrissage, alors que les avions de Flash Airlines continuaient à se poser sur le territoire des autres pays européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président Morin, comme l'a indiqué le Premier ministre, la France a mobilisé des moyens maritimes et sous-marins, civils et militaires, ainsi que des équipes spécialisées dans les enquêtes sur les accidents aériens, qui sont déjà au travail sur place.
    Il s'agit en priorité de retrouver les victimes, mais aussi les boîtes noires, pour savoir ce qui s'est passé. Il faudra du temps pour analyser et comprendre. En tout cas, toute la transparence doit être faite. Et je peux vous dire, monsieur le président Morin, que cette volonté de transparence est entièrement partagée par les autorités égyptiennes.
    Les faits connus aujourd'hui sont les suivants. Je rappelle d'abord que les contrôles les plus lourds relèvent toujours des pays d'immatriculation. Ainsi, l'avion de Flash Airlines faisait l'objet de contrôles importants de la part des autorités égyptiennes, de même que les avions d'Air France, par exemple, font l'objet de contrôles importants de la part des autorités françaises.
    En outre, dans le cadre de la procédure dite SAFA, qui est commune à vingt-cinq pays, les compagnies font, en plus, l'objet de contrôles aléatoires de la part des pays tiers, c'est-à-dire de ceux qui reçoivent ces avions qui appartiennent à des compagnies dans des Etats étrangers.
    Ainsi, la Suisse a relevé plusieurs problèmes lors d'un contrôle aléatoire, en octobre 2002. Le rapport établi par les autorités helvétiques précise que plusieurs de ces problèmes ont été corrigés sur place. Les appareils ont ensuite fait l'objet de grosses révisions, en décembre 2002 et en janvier 2003. Elles ont eu lieu en Norvège et au Maroc pour la motorisation, et elles ont été respectivement effectuées par Brathens, entreprise connue internationalement, et par la SNECMA.
    La Pologne, dans le cadre de ces procédures SAFA, a également procédé à un contrôle en avril, qui s'est révélé satisfaisant.
    La France, dans le cadre de ses propres contrôles aléatoires, a contrôlé l'appareil qui s'est abîmé en mer Rouge le 22 octobre 2003. Ce contrôle a été effectué à Toulouse et n'a révélé aucune anomalie.
    Nous avons appris ce matin, par l'aviation civile allemande, que l'Allemagne a effectué une évaluation globale approfondie de la sécurité, fin septembre 2003 et au tout début d'octobre 2003. Ce contrôle s'est révélé, lui aussi, satisfaisant.
    Par ailleurs, il semble que Flash Airlines n'ait pas fait de nouvelles demandes pour desservir la Suisse, ce qui expliquerait que l'avis des autorités helvétiques n'ait pas été révisé.
    Aujourd'hui, en tout cas, notre principale préoccupation, monsieur le président Morin, vous l'avez bien compris et vous en êtes d'accord, concerne les familles des victimes et leurs proches. Nous devrons naturellement faire toute la lumière sur les circonstances de cet accident. Nous le leur devons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉPIDÉMIE DE LÉGIONELLOSE DANS LE PAS-DE-CALAIS

    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Alain Bocquet. Je veux, tout d'abord, au nom des député-e-s communistes et républicains, m'incliner devant les victimes de la terrible catastrophe aérienne de Charm-el-Cheikh qui vient d'endeuiller des familles françaises. La vérité et la transparence doivent être faites sur ce drame et les conséquences doivent en être tirées.
    Un autre drame frappe la population du bassin minier de la région Nord-Pas-de-Calais. Depuis plus d'un mois, cette population y vit dans l'angoisse et la peur, du fait de l'extension de la plus importante épidémie de légionellose jamais connue en France. A ce jour, cinquante-neuf cas et sept décès ont été officiellement recensés. Ce drame suscite les plus vives interrogations, l'anxiété et la colère. Il exige que soient trouvées des solutions à la hauteur de cette nouvelle catastrophe sanitaire.
    Or c'est loin d'être le cas. Un sentiment d'abandon s'affirme, également lié, en ces temps de crise, aux conséquences de cette épidémie sur l'emploi et l'économie locale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Fromion. Démago !
    M. Alain Bocquet. Les maires concernés se sont légitimement portés partie civile. L'Etat, dont c'est la compétence, ne fait pas son devoir. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    A l'évidence, ils voient petit dans cette affaire. Ce n'est pas une visite ministérielle le Jour de l'An et quelques experts qui viendront à bout de ce fléau. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. René Couanau. Scandaleux !
    M. Jean-Luc Reitzer. Incroyable !
    M. Alain Bocquet. Le Gouvernement avait déjà été mis en garde, il y a quinze mois, par l'Institut de veille sanitaire sur la nécessité de mieux contrôler les tours aéroréfrigérantes à l'origine de ces épidémies.
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    M. Alain Bocquet. Certes, la réglementation existe, mais le nombre d'inspecteurs nécessaire pour la faire appliquer fait cruellement défaut.
    M. Daniel Paul. Eh oui !
    M. Richard Mallié. Vous voulez donc recruter encore des fonctionnaires !
    M. Alain Bocquet. La population laborieuse du Nord-Pas-de-Calais (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) mérite, monsieur le Premier ministre, un autre respect, une autre mobilisation pour que soit vaincue au plus vite cette attaque sanitaire.
    M. Édouard Landrain. Démago !
    M. Alain Bocquet. Il est de votre responsabilité d'organiser une mobilisation exceptionnelle de toutes les équipes pluridisciplinaires compétentes, françaises ou européennes dans le domaine de la santé et l'environnement.
    M. le président. Monsieur Bocquet...
    M. Alain Bocquet. Le sujet est grave, monsieur le président.
    M. le président. Certes, mais il faut poser votre question !
    M. Alain Bocquet. En effet, les moyens humains et matériels doivent être considérablement accrus. C'est un véritable plan d'urgence qu'il faut mettre en oeuvre pour garantir la santé de nos populations. Il faut les rassurer en toute transparence. Une commission d'enquête s'impose : nous la réclamons, monsieur le président.
    Monsieur le Premier ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour changer le braquet dans cette douloureuse affaire et être à la hauteur de l'enjeu ? Nous attendons de vous des actes forts et des moyens efficaces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Non ! C'est au Premier ministre de répondre !
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président Bocquet, je regrette votre ton inutilement polémique et républicain (Protestations sur de nombreux bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour évoquer cette crise grave. Vous l'avez rappelé, l'épidémie de légionellose qui sévit dans votre région est la plus grave que notre pays ait connue : cinquante-neuf cas, sept morts.
    Nous avons été avisés de cette épidémie par les services déconcentrés de la santé le 28 novembre. Dès cette date, nous avons détecté l'origine probable de cette épidémie, la tour aéroréfrigérante de l'entreprise Noroxo, du groupe Exxon Mobil. Dès le 29 novembre, nous avons décidé de fermer le site industriel. Nous avons profité de cette fermeture pour mener trois types d'opérations. Nous avons commencé par la décontamination de la tour aéroréfrigérante incriminée de Noroxo. Nous avons également procédé à l'analyse des souches bactériennes des malades contaminés. Les quatorze malades examinés nous ont permis de démontrer, grâce au Centre national de référence, que toutes les souches venaient de l'entreprise Noroxo. Mais nous n'avons pas voulu arrêter là nos investigations, afin de bien vérifier qu'il n'existait pas une deuxième source de contamination.
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Au début du mois de décembre, nous avons inspecté sur dix-huit communes, puis sur quatre communes supplémentaires, 350 sites industriels. A cet égard, je veux remercier les services de l'Etat pour leur parfaite mobilisation. Ils nous ont permis de vérifier, à ce moment de notre enquête, qu'il n'y avait pas de deuxième source de contamination.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La décontamination étant réussie, nous avons donné l'autorisation à Noroxo de rouvrir le 22 décembre et nous avons eu la mauvaise surprise de constater que la contamination continuait alors que la période d'incubation normale était terminée.
    Nous avons donc décidé de nommer une mission d'experts. En outre, j'ai pris la décision, le 1er janvier, de fermer à nouveau l'entreprise Noroxo pour permettre de travailler dans la plus complète sécurité alors que les recherches de contamination ne donnaient rien.
    J'ai également étendu le périmètre d'investigation à 22 communes supplémentaires et j'ai, ces jours-ci, renforcé les effectifs de l'inspection de dix personnes. J'ai aussi fermé toutes les stations de lavage automobile qui pouvaient être incriminées.
    M. Claude Gaillard. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'implication de l'Etat a été totale, monsieur Bocquet. Je ne peux donc pas accepter les propos que vous avez tenus. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous sommes confrontés à une contamination extrêmement complexe. Mais nous ne faiblirons pas à chaque fois qu'il s'agira de la sécurité de nos concitoyens et de leur santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CATASTROPHE AÉRIENNE DE CHARM EL-CHEIKH

    M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Yves Nicolin. Monsieur le ministre des transports, samedi dernier, 133 de nos compatriotes ont tragiquement disparu au dessus de la mer Rouge.
    A Roanne, cinq membres d'une même famille sont morts : la grand-mère, le père, la mère, leurs deux enfants. Il s'agissait d'hôteliers bien connus et appréciés dans notre région. Une autre Roannaise a, quant à elle, perdu sept de ses parents proches. Au-delà de ma ville, c'est toute la France qui reste bouleversée par cette multiplication de drames familiaux, au lendemain des fêtes de Noël.
    Dès lors mille questions surgissent autour de ce crash. Pourquoi le pilote n'a-t-il pas envoyé le moindre signal, alors qu'il amorçait un demi-tour ?
    Quel événement aussi soudain et violent peut faire chuter un avion de 1 500 mètres en 17 secondes ? Si le dernier contrôle de la DGAC, le 8 novembre 2003, sur les avions de la compagnie égyptienne était satisfaisant, ainsi que les contrôles effectués par la Pologne et l'Allemagne en 2002, ceux-ci ont-ils été néanmoins suffisants pour permettre d'éviter un tel drame ?
    Aujourd'hui, les proches des disparus, plongés dans l'horreur de leur deuil familial ou amical, attendent des réponses et souhaitent surtout que l'enquête en cours soit menée dans la transparence. Si des responsabilités doivent émerger, elles devront être connues des représentants de la nation que nous sommes ici. Mais elles devront surtout être connues des familles, pour leur permettre de faire leur deuil et de comprendre simplement ce qui s'est passé.
    Avec le développement du trafic aérien mondial et la multiplication des compagnies, notre exigence de sécurité doit s'accroître et garantir dans tous les pays du monde le même niveau de vigilance. Pourquoi, par exemple, ne pas mieux informer la personne qui réserve un voyage notamment sur la compagnie qui va la transporter ?
    Monsieur le ministre, les familles des victimes auxquelles nous redisons notre émotion collective et que nous assurons de notre soutien moral, et nos concitoyens, dans leur ensemble, demandent solennellement au Gouvernement d'agir, comme il le fait depuis le début de cette tragédie, dans la plus complète transparence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Nicolin, vous avez raison, nous devons faire absolument toute la lumière sur cet accident et ce dans la plus totale transparence. Ainsi, au fur et à mesure qu'elles nous parviennent, nous communiquons les informations crédibles dont nous disposons à la représentation nationale et aux médias. Je ne reviendrai donc pas sur la réponse que je viens de faire ce sujet.
    Le Gouvernement tient aussi à ce qu'on examine les moyens d'aller encore plus loin en matière de contrôle et d'information vis-à-vis des passagers.
    Dominique Bussereau et moi-même avons donc demandé à nos services d'étudier les conditions dans lesquelles les tours-opérateurs français pourraient mieux s'assurer du niveau de sécurité des compagnies aériennes auxquelles ils recourent. Cela me paraît particulièrement souhaitable en cas d'affrètement de compagnies non européennes. A cet égard, il convient d'envisager sérieusement de dépasser ce que j'ai appelé les contôles aléatoires SAFA, que j'ai déjà décrits et qui sont demandés par l'Europe, afin d'effectuer des audits techniques approfondis quand il s'agit de compagnies étrangères utilisées par nos tours-opérateurs. C'est la première proposition.
    M. Maxime Gremetz. Et les charters ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Par ailleurs, la loi du 13 juillet 1992 est trop vague. Il faut la compléter pour imposer qu'il devra être porté à la connaissance précise de l'usager le nom du transporteur aérien. Tout Français qui recourra aux services d'un tour-opérateur, devra savoir, au moment de l'achat de son voyage, avec quelle compagnie aérienne il voyagera. Mes collègues Léon Bertrand et Dominique Bussereau et moi-même nous engageons à conduire ces deux réformes, avec l'aide du Parlement bien entendu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CATASTROPHE AÉRIENNE DE CHARM EL-CHEIKH

    M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.
    M. Paul Quilès. Monsieur le ministre des transports, l'accident de Charm el-Cheikh soulève notre émotion. Ce terrible drame a endeuillé bon nombre de nos communes et nous nous associons à la peine et au deuil des familles. Il s'agit d'un événement grave qui appelle notre attention sur la sécurité du transport aérien. En effet, même s'agissant de charters, donc de transports « low cost », comme on les appelle, c'est-à-dire à bas coût, il est indispensable que les conditions de sécurité soient garanties au maximum.
    Il est bien évidemment trop tôt pour connaître l'origine d'un drame qu'il ne convient peut-être pas d'assimiler hâtivement, comme cela a été fait, à « un accident classique de décollage ». Trois types de cause peuvent être envisagés : premièrement, des causes criminelles qu'il ne faut pas éliminer ; deuxièmement, des causes matérielles - défaillance du constructeur, insuffisance d'entretien, voire, pourquoi pas, sabotage - ; enfin, troisièmement, le drame peut être lié au facteur humain. On peut en effet s'interroger sur la fiabilité des équipes de pilotage. Rappelons-nous le suicide du pilote du Boeing d'Egypt Air en octobre 1999.
    Il faut naturellement attendre les résultats de l'enquête. Pour le moment, nous devons essayer de comprendre, et c'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous poserai quatre questions.
    Première question : les autorités égyptiennes, responsables du contrôle de l'avion, ont-elles bien procédé à toutes les vérifications ? Deuxièmement, la société Flash Airlines a-t-elle vraiment, comme vous l'avez affirmé, monsieur le ministre, « bonne réputation » ? Des témoignages nombreux et accablants de passagers prouvent, semble-t-il, le contraire. Troisième question : les critiques de l'Office fédéral de l'aviation helvétique ont été assez sérieuses pour conduire à l'interdiction des avions de Flash Airlines sur le territoire suisse depuis octobre 2002. Les déficiences détectées ont-elles disparu par la suite ? La France en a-t-elle eu connaissance ? Enfin, dernière question, comment se fait-il qu'une directive de la Commission européenne concernant les avions dangereux soit en attente depuis des années et que l'on annonce soudainement, hier, qu'elle sera publiée d'ici quelques semaines ?
    Dans cette affaire grave, la transparence doit être totale. Or celle-ci n'est malheureusement pas toujours la règle dans le maquis du monde des voyagistes et des tour-opérateurs.
    Le groupe socialiste vous demande, monsieur le président, qu'une mission d'information spéciale de notre assemblée étudie la question de la sécurité aérienne afin d'améliorer l'information et la transparence en direction du public. Il est essentiel que l'enquête qui a commencé établisse clairement toutes les responsabilités. Il en va de la confiance que des millions de personnes peuvent ou non accorder à la sécurité des transports aériens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Pour avoir été, monsieur Quilès, ministre des transports, vous connaissez bien le sujet et vous avez posé quatre excellentes questions.
    La première concerne les autorités égyptiennes. Dans le cadre des audits que réalise régulièrement l'Organisation mondiale de l'aviation civile, l'OACI, les autorités égyptiennes sont considérées comme particulièrement sérieuses en matière aérienne, aussi bien pour le contrôle de leurs compagnies que celui de leurs aéroports. Nous avons donc bénéficié jusqu'à présent de toutes les garanties. D'ailleurs, dans l'enquête judiciaire qui a commencé, le Bureau enquêtes-accidents reçoit de la part des autorités égyptiennes un concours extrêmement sérieux et solide.
    Gilles de Robien vous ayant déjà répondu au sujet de la compagnie égyptienne, je relierai votre deuxième et votre troisième question : Flash Airlines et l'OFAC. Quand la Suisse a décelé un problème, elle a arrêté l'avion qui a été acheminé en Norvège pour révision. A la suite de cette opération, ses moteurs ont été changés. Il a ensuite été inspecté trois fois sur des aéroports français : une inspection a mis en évidence un défaut, deux autres ont été parfaites. Ensuite les Allemands ont fait la même chose, de même que les Polonais. Le contrôle suisse, français et européen sur Flash Airlines a été correct et nous n'avions pas de raison de prendre une autre position que celle que nous avons prise.
    Le quatrième point a trait à la directive européenne et vous avez raison de poser la question. Mme de Palacio s'est expliquée sur ce point : l'Europe a bloqué cette directive, que la France a toujours soutenue, à cause d'un conflit lié à un vieux problème, celui de Gibraltar, entre l'Espagne et le Royaume-Uni.
    En réalité, monsieur le député, cette directive est déjà appliquée, car les organismes européens en charge de l'aviation civile échangent leurs informations en permanence. C'est parce que les Suisses nous avaient fait parvenir ces renseignements que nous avons fait ces contrôles, avant les Polonais et les Allemands. Les informations ont donc été échangées mais, vous avez raison, ce sera mieux quand la directive aura été adoptée et que nous aurons un texte européen qui s'imposera à tous et transformera l'habitude, c'est-à-dire le travail en commun, en loi européenne. Sachez que la France l'appliquera avec beaucoup de détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INDEMNISATION DES CHÔMEURS

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, l'indemnisation du chômage connaît en ce début d'année des modifications sensibles, voulues et décidées par l'UNEDIC. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Il dit ça sans rire !
    M. Jean-Paul Anciaux. Le Gouvernement a, de son côté, entrepris de réformer l'allocation de solidarité spécifique qui couvre les personnes sortant de l'assurance chômage. Nos concitoyens sont très légitimement attachés au maintien d'une couverture sociale de qualité pour les salariés qui sont frappés par le chômage à un moment ou à un autre de leur carrière. Ils observent également que, chez tous nos partenaires européens, les réformes sont en cours pour faciliter et accélérer le retour à l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Il fallait voter contre !
    M. Jean-Paul Anciaux. Auparavant existait le PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi. Loin d'être parfait, il permettait toutefois à tous les demandeurs d'emploi qui y adhéraient de percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi, l'ARE, et s'accompagnait de la mise en oeuvre du projet d'action personnalisée, le PAP.
    Dans un nouveau contexte économique, où l'on observe une reprise des activités, et où plus de 300 000 offres d'emplois ne sont pas satisfaites, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser qu'elles nouvelles mesures pourraient être prises par le Gouvernement pour faciliter le retour à l'emploi d'un grand nombre de nos concitoyens, notamment dans le cadre de la future loi sur l'emploi annoncée par le Président de la République ? (Rires et exclamations sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pouvez-vous également nous préciser quelles sont les mesures propres à la prise en compte de l'indemnisation des chômeurs ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, le système d'indemnisation du chômage en France est aujourd'hui le plus généreux en Europe.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce dispositif est menacé par l'ampleur des déficits de l'UNEDIC, qui s'élèvent pour l'année 2003 à plus de quatre milliards d'euros. Les partenaires sociaux qui gèrent l'UNEDIC ont décidé, avec beaucoup de courage, d'une réforme susceptible de pérenniser notre système d'assurance chômage. Cette réforme est une réforme équilibrée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), puisqu'elle est financée pour un tiers par l'augmentation des cotisations des entreprises, pour un tiers par la diminution de la durée de l'indemnisation et pour un tiers par un emprunt, les partenaires sociaux misant par ailleurs sur la reprise économique et sur la baisse du chômage, dont d'ailleurs quelques premiers signes commencent à se manifester. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lucien Degauchy. Cela vous embête !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette réforme s'inscrit dans la logique de celle du PARE, que vous avez évoquée, et qui a été soutenue par l'ancienne majorité,...
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas la même chose !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... laquelle avait déjà engagé une réduction de la durée d'indemnisation. C'est dans ce même esprit que le Gouvernement a choisi de réformer l'allocation spécifique de solidarité.
    M. Alain Néri. Vous ne manquez pas de culot !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En réalité, mesdames et messieurs les députés, l'allongement de la durée d'indemnisation n'est pas la réponse au problème de l'emploi que nous connaissons aujourd'hui.
    Ceux de nos concitoyens qui sont encore assez proches de l'emploi ont besoin d'une durée d'indemnisation satisfaisante. Or celle-ci est aujourd'hui de deux ans, et l'ASS la porte à quatre ans, contre six mois en Grande-Bretagne et un an en Allemagne. Mais les plus éloignés de l'emploi ont surtout besoin d'une vraie politique d'insertion, qui n'a pas été conduite par le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de relancer le contrat initiative-emploi, et c'est la raison pour laquelle nous avons créé le revenu minimum d'activité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Au fond, ce que nous voulons, c'est qu'en 2004 une solution personnalisée puisse être proposée à chaque demandeur d'emploi : un emploi pour ceux qui sont en mesure de l'assumer, un contrat d'insertion ou une formation.
    M. Maxime Gremetz. Vous proposez des esclaves !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement a d'ailleurs décidé d'augmenter de manière importante les moyens consacrés aux stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, pour permettre d'offrir des formations qualifiantes avec une indemnisation aux chômeurs qui se trouveraient dans une situation difficile.
    Enfin, le Président de la République a annoncé qu'une loi de mobilisation pour l'emploi vous serait soumise au printemps. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette loi s'articulera autour de plusieurs axes : l'amorce d'une réforme de la taxe professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la mise en place d'un dispositif de deuxième chance pour les jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire,...
    M. Maxime Gremetz. De Virville !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... des réformes destinées à fluidifier le marché de l'emploi et exposées par le rapport de Virville, et enfin la modernisation du service public de l'emploi.
    Mesdames, messieurs les députés, comme l'a dit le Président de la République ce matin en présentant ses voeux aux forces vives, l'assistance ne doit pas être une impasse mais une aide pour pouvoir se reconstruire et repartir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ DES LIAISONS AÉRIENNES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, juste avant les fêtes de fin d'année, les Etats-Unis ont élevé leur niveau d'alerte antiterroriste à l'orange, qui correspond à un risque très fort. De très nombreux pays ont pris des dispositions de sécurité particulières pour prévenir tout risque d'attentat, à l'instar de la France qui a renforcé le plan Vigipirate en cette période sensible.
    Dans ce cadre, la compagnie Air France a ainsi, lors des deux dernières semaines, dû annuler plusieurs vols en direction des Etats-Unis, sur la base notamment de renseignements des services secrets américains qui évoquaient des risques d'attentats sur leur territoire.
    Monsieur le ministre, toute menace, fût-elle virtuelle, doit être prise au sérieux. Le principe de précaution s'impose et vous avez eu raison de l'appliquer. Aucun voyageur ne peut le reprocher car mieux vaut douter que pleurer.
    Pouvez-vous nous dire comment la France comprend la position américaine et comment elle compte, pour sa part, sécuriser les liaisons aériennes sensibles ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, Monsieur le député, la position de la France est simple. La démocratie américaine est un grand pays ami. (Exclamations sur divers bancs du groupe socialiste.) Lorsque les services secrets américains font une analyse de la situation qui est parfaitement conforme à celle que font l'ensemble des services spécialisés des démocraties européennes, les choses sont simples : la situation que nous connaissons à travers le monde est une situation de tension qui nous impose de la vigilance.
    Un pays ami demande à un autre pays ami, en vertu de renseignements qui sont les siens et qu'il lui communique, de prendre garde à la sécurité d'un vol et de faire des contrôles approfondis sur un certain nombre de passagers. Imaginez si la France ne l'avait pas fait et si la moindre catastrophe avait eu lieu, quelle aurait été l'ambiance dans cet hémicycle aujourd'hui ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Quelle aurait été la réponse du Gouvernement à ce moment-là ? Eh bien, les Français doivent le savoir, le Premier ministre, le Président de la République ont donné des consignes très strictes. La priorité, c'est la sécurité pour les passagers et pour les équipages. Et nous préférons avoir fait six contrôles de trop que d'en avoir loupé six. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Aux ordres !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce qui compte, ce n'est pas d'effectuer des contrôles qui marchent à tous les coups, mais qu'à l'arrivée, ceux qui ont pris un billet pour voyager avec leur famille soient en vie. Et les querelles d'ego entre nations n'ont aucun sens au regard de la vie d'une femme, d'un homme ou d'une famille, qui ne demandent rien d'autre que de revenir dans leur foyer après un voyage. Il y a suffisamment de catastrophes dans le monde pour que la France donne l'exemple de la sécurité la plus parfaite et la plus complète possible. Si certains dans l'oppositions veulent assumer une autre politique, les Français jugeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Emmanuelli !
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas moi qu'il faut rappeler à l'ordre, mais M. Sarkozy ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Mes chers collègues, commençons l'année correctement. (« Dites-le à Sarkozy ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

ÉPIDÉMIE DE LÉGIONELLOSE
DANS LE NORD - PAS-DE-CALAIS

    M. le président. La parole est à M. Albert Facon, pour le groupe socialiste.
    M. Albert Facon. Monsieur le président, je comprends mes amis : la question précédente venait de l'UMP...
    Ma question s'adressait à M. le ministre de la santé, mais je comprends qu'il ne soit pas là. Je la poserai donc à M. le Premier ministre.
    L'ex-bassin minier du Nord - Pas-de-Calais connaît - depuis le 9 novembre, madame Bachelot ! - la plus importante épidémie de légionellose qu'ait connue la France. Celle-ci touche un périmètre où vivent 400 000 habitants, dont beaucoup ont une santé fragilisée par la silicose. En novembre, des dizaines de personnes ont été hospitalisées et plusieurs sont décédées. L'entreprise Noroxo, identifiée comme foyer de contamination, a été fermée du 3 au 20 décembre. Toutefois, Gilles Brücker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire, se demande comme nous si l'usine a parfaitement été décontaminée. Il ajoute : « La lutte contre les épidémies de légionellose impose de mieux contrôler les tours aérofrigérantes ».
    Une deuxième vague d'épidémie est apparue en décembre. Aujourd'hui, le bilan est très lourd : cinquante-neuf cas recensés et sept décès. J'ai demandé à M. le ministre de la santé d'envoyer des renforts nationaux. Il a dépêché cinq experts le 31 décembre, c'est-à-dire sept semaines après le début de l'épidémie.
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, devant la représentation nationale, faire le point de la situation car notre population est angoissée ? Pensez-vous que les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ont les moyens suffisants pour contrôler les installations ? Pouvez-vous demander à M. Delevoye, ministre de la fonction publique, d'arrêter les suppressions de postes de fonctionnaires ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Messieurs de l'opposition, un peu de dignité en mémoire de ces victimes, de ceux qui sont hospitalisés ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Robert Lamy. Lamentable !
    M. le président. Posez votre question, monsieur Facon.
    M. Albert Facon. Il manque des fonctionnaires actifs dans le domaine de la prévention, notamment dans les DRIRE. Il en manque dans le domaine de la santé. Il vaut mieux prévenir que guérir.
    M. le président. Quelle est votre question, monsieur Facon ?
    M. Albert Facon. Sans ces moyens supplémentaires urgents, j'ai bien peur que d'autres épidémies ne surviennent et que M. Mattei soit malheureusement obligé de retourner dans les hôpitaux visiter les malades.
    Notre région a lourdement payé de son travail. (Protestations et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Posez votre question, s'il vous plaît !
    M. Albert Facon. Va-t-elle continuer à payer de sa santé ? Avec mes amis du groupe socialiste, nous demandons la création d'une commission d'enquête.
    Messieurs de la majorité, un peu de dignité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, votre question me permet de compléter la réponse que j'ai faite à M. Bocquet.
    Le Gouvernement a décidé de mettre la sécurité industrielle et environnementale au coeur de son action. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Ça ne se voit pas !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est la raison pour laquelle les effectifs chargés de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement n'ont cessé d'augmenter, contrairement à ce que vous avez avancé, monsieur Facon. La loi de finances pour 2004 nous en a encore donné l'occasion, avec l'embauche de cent inspecteurs supplémentaires pour les DRIRE. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous avons également promulgué le 30 juillet 2003 la loi sur la sécurité industrielle, dont un article, et non des moindres concerne les sols pollués - je sais que le sujet vous tient particulièrement à coeur, avec Métaleurop. Il s'y ajoute une action réglementaire forte, par exemple, sur les incinérateurs à dioxine ou sur les ammonitrates.
    Tout en gérant la crise très grave qu'a provoquée l'épidémie dans le Nord - Pas-de-Calais, nous poursuivons la lutte que nous menons en permanence contre la légionellose. Elle s'inscrira désormais dans le cadre du plan santé-environnement que nous mettons en place avec François Fillon et Jean-François Mattei et comportera plusieurs axes.
    D'abord, nous opérerons un recensement plus complet des tours aéroréfrigérantes car, pour l'instant, seules celles soumises à autorisation ou à déclaration sont recensées. Or il existe des dizaines de milliers de tours aéroréfrigérantes dont nous devons établir une liste beaucoup plus précise.
    Ensuite, nous allons sensibiliser les exploitants, renforcer les sanctions et promouvoir les technologies alternatives par rapport à celles qui suscitent ces épidémies de légionellose.
    Enfin, nous réviserons la nomenclature avec, sans doute, la prise d'un décret spécifique sur la légionellose.
    Ainsi que le Président de la République l'a rappelé ce matin, la lutte pour l'emploi ne saurait s'exonérer du respect de l'environnement. C'est cela, le développement durable.
    Si le Parlement décidait de créer une commission d'enquête sur ce sujet, je viendrais volontiers m'exprimer devant celle-ci. (Applaudissements sur les divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ACCUEIL DU JEUNE ENFANT

    M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour le groupe UMP.
    Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le ministre délégué à la famille, l'arrivée d'un enfant dans une famille, c'est d'abord une joie, mais cela représente aussi un coût. C'est également un choix de vie qui implique des choix d'éducation. De plus, pour trop de femmes qui travaillent, cela provoque ce que l'on pourrait appeler le casse-tête du mode de garde. En effet, les familles concernées n'ont pas bénéficié des fruits de la croissance internationale lorsque le gouvernement socialiste était en place. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    Mme Françoise de Panafieu. Plus que jamais elles ont besoin d'être soutenues et d'être accompagnées dans leur projet parental.
    Vous l'avez bien compris, monsieur le ministre, puisque vous avez consacré la dernière conférence de la famille, qui s'est tenue le 29 avril dernier, à l'accueil du jeune enfant et au mode de garde. A cette occasion, le Premier ministre a présenté de nombreuses mesures en faveur des familles avec un engagement financier particulièrement important de l'Etat.
    Aujourd'hui, ces mesures si attendues par toutes les familles entrent en vigueur avec la mise en place de la nouvelle prestation d'accueil du jeune enfant, que l'on appelle la PAJE. Nous voudrions, à cette occasion, que vous nous précisiez ce qui va vraiment changer pour les familles françaises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame la députée, vous savez que la revalorisation de la politique familiale était un engagement du Président de la République. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cet engagement a trouvé sa traduction dans les mesures arrêtées par le Premier ministre le 29 avril dernier et mises en application depuis le 1er janvier, autour du principe général de revalorisation pour toutes les familles. Ainsi la création de la nouvelle prestation fera qu'il n'y aura que des familles gagnantes par rapport au précédent système. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cette action s'articule autour de quatre axes forts.
    Le premier est le renforcement du pouvoir d'achat des familles : les prestations d'accueil du jeune enfant, en masse, sont revalorisées de 15 %, ce qui se traduit concrètement, dans certains cas, par des revalorisations pouvant atteindre 180 euros par mois jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant.
    M. Bernard Accoyer et M. Philippe Briand. Très bien !
    M. le ministre délégué à la famille. Le deuxième acte est la simplification des prestations : les six prestations différentes d'accueil du jeune enfant qui existaient auparavant sont remplacées par une seule, la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant. Parallèlement nous mettons en place un chéquier PAJE. Vous savez, en effet, que, dans certains cas, il fallait remplir plusieurs formulaires, les uns à l'URSSAF, les autres à la CAF, puis attendre trois mois avant d'être remboursé. Avec le chéquier PAJE, il suffira d'inscrire le nom de l'assistante maternelle, son numéro d'affiliation, le montant de sa rémunération et l'âge des enfants pour être remboursé dans un délai d'un mois.
    M. Pierre Lequiller. Très bien !
    M. le ministre délégué à la famille. Le troisième axe est de permettre aux parents de consacrer davantage de temps à l'enfant : le congé parental sera autorisé dès le premier enfant alors que le système précédent n'y ouvrait droit qu'à partir du deuxième.
    Enfin, nous allons développer l'offre de garde : 20 000 nouvelles places de crèche seront créées...
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. le ministre délégué à la famille. ... et le statut des assistantes maternelles sera modifié dans quelques mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PROJET DE CONSTITUTION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe UMP.
    M. Axel Poniatowski. Merci, monsieur le président, et bonne année dans la présidence de nos débats !
    M. le président. Bonne année, aussi !
    M. Axel Poniatowski. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, lors du dernier sommet européen, un accord n'a pu être trouvé pour approuver la future constitution européenne. Ce n'est ni bien ni mal ; ce n'était tout simplement pas encore mûr. Le Président de la République et le Gouvernement n'ont pas souhaité, avec sagesse, aboutir à un accord à n'importe quel prix. Pour autant, la poursuite de la construction européenne est essentielle, car l'Europe nous a donné la paix depuis soixante ans, alors que, lors des soixante années précédentes, des guerres dévastatrices ont ruiné notre territoire. Par ailleurs, l'Europe a permis une amélioration continue de notre qualité de vie depuis quarante ans.
    Se pose alors la question des points de blocage actuels.
    En ce qui concerne celui relatif au nombre de commissaires, il pourrait, à mon sens, y avoir avantage à en augmenter le nombre prévu, surtout si la France conserve les deux qui lui sont attribués actuellement.
    Pour ce qui est de la possibilité d'avoir une Europe à plusieurs vitesses, notamment dans les domaines de la défense et de la diplomatie, il y a, autour d'un noyau composé de la France, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne et reconstitué, un espace à occuper, pour peu que l'Europe accepte d'assumer ses responsabilités dans ces domaines.
    Je souhaiterais, sur ces deux points, avoir l'avis du Gouvernement et connaître les actions qu'il compte éventuellement entreprendre en ce sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, votre question évoque l'ambition de notre pays pour l'Europe. Ainsi que vous l'avez souligné, il s'agit de poursuivre sa construction qui nous a assuré au cours des dernières années, non seulement la paix, mais aussi la prospérité. Cette ambition doit être à la mesure d'un projet qui nous permette de relever les défis d'un monde globalisé.
    Mme Martine David. C'est laborieux !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. En ce qui concerne d'abord le nombre des commissaires, nous sommes plutôt partisans d'un effectif resserré afin de permettre davantage de cohésion dans la prise de décision, car nous considérons que la Commission est un rouage essentiel pour défendre l'intérêt général européen.
    Ensuite, la diplomatie et la défense constituent effectivement les deux domaines dans lesquels des progrès substantiels ont été accomplis au cours de l'année 2003, notamment avec la création de l'agence européenne de l'armement et de la cellule de planification pour les capacités civiles et militaires.
    Cela étant, je tiens à être claire : nous ne voulons pas d'une Europe à deux vitesses. C'est l'Europe unie à vingt-cinq qui doit être l'interlocuteur de nos partenaires internationaux, en particulier les Etats-Unis - je le précise, monsieur le député, puisque vous présidez le groupe d'amitié France-Etats-Unis - dans le cadre d'une relation transatlantique qui est d'ailleurs qualifiée d'irremplaçable par le Conseil européen.
    M. François Hollande. C'est vous qui êtes irremplaçable ! (Sourires.)

    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous souhaitons cependant aussi utiliser toutes les flexibilités qui s'offrent à nous pour faire jouer l'effet d'entraînement, comme cela a été le cas en Iran. C'est en ce sens que le Gouvernement et la France entendent continuer à oeuvrer pour que l'Europe sorte renforcée de la phase actuelle...
    M. le président. Merci, madame.
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... et puisse assumer toutes ses responsabilités dans le monde.
    Bonne année, l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EMPLOI

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour le groupe socialiste.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Bonne nouvelle pour ce début d'année : 2004 sera, selon le Président de la République, l'année d'une « grande loi de mobilisation pour l'emploi ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En fait, lors de la présentation de ses voeux, le Président a surtout tenu à offrir à la majorité son thème de campagne pour les élections régionales et cantonales de mars prochain. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer. C'est incroyable !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Si la crainte du chômage est effectivement et légitimement la première préoccupation des Français, ce n'est pas au travers de ce mode d'annonce caricatural qu'une solution verra le jour. Un vrai plan, des mesures concrètes : voilà ce que nos concitoyens attendent.
    Monsieur le Premier ministre, n'y a-t-il pas comme une indécence dans la proposition du Président de la République, alors que, parallèlement, votre gouvernement vient d'amputer de façon drastique les mesures d'aide destinées aux chômeurs ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Briand. Cela s'appelle l'héritage ! Vous avez ruiné le pays !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ainsi, au 1er janvier, 180 000 demandeurs d'emploi ont vu leur indemnisation de chômage supprimée et, d'ici à 2006, 600 000 chômeurs seront concernés par cette mesure.
    Poursuivant votre politique de régression sociale, vous avez également réduit l'allocation de solidarité dont le versement sera dorénavant limité à deux ans.
    Enfin, monsieur le Premier ministre, la transformation du RMI et RMA (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Bernard Accoyer. Très bonne mesure !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. ... constitue une remise en cause inquiétante du droit du travail, sans parler des difficultés de mise en place de ce dispositif dont la compétence a été transférée, dans la plus grande précipitation, aux conseils généraux dès ce 1er janvier.
    A l'évidence, la préoccupation majeure du Gouvernement, comme l'ont confirmé à l'instant les propos de M. Fillon, n'est pas la situation des demandeurs d'emploi, mais bien, par cette saignée sociale sans précédent (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de faire artificiellement baisser les chiffres du chômage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Posez votre question, madame.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le Premier ministre, nous vous avons, en vain, ici même, ces dernières années, interpellé à plusieurs reprises sur ces questions. Qu'entendez-vous répondre aujourd'hui aux demandeurs d'emploi que vous venez de placer en situation de non-droit ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quelle est la réalité de l'engagement du Président de la République et du Gouvernement en faveur de l'emploi ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. En l'état, nos concitoyens ne peuvent que redouter le pire et s'attendre à davantage de régression sociale et de précarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, l'indécence, c'est de prôner le statu quo. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La vérité, c'est que la gauche ne sert pas la cause de la justice sociale en défendant l'idée que l'assistance doit être continue et sans condition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Donnez des emplois !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En réalité, les Français comprennent très bien que la solidarité ne peut être synonyme de laisser-aller et d'impuissance sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La gauche ne sert pas non plus la cause du paritarisme en remettant en question les décisions des partenaires sociaux quand ils prennent leurs responsabilités, comme cela est le cas dans la gestion de l'UNEDIC ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je serais d'ailleurs curieux de savoir quelle est la proposition du parti socialiste pour faire face au déficit de l'UNEDIC ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Vous pouvez venir tous les lundis matin à onze heures, rue de Solferino.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, la gauche a mauvaise mémoire, car elle oublie qu'en agréant le PARE, elle avait accepté l'idée de placer le parcours du chômeur dans un cadre plus personnalisé et plus exigeant.
    Alors, oui, comme tous les autres Etats européens, nous avons décidé de dynamiser la chaîne de solidarité (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. le président. Mes chers collègues !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... dont bénéficient ceux qui sont privés d'un emploi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La réforme de l'indemnisation du chômage, la réforme du revenu minimum, la réforme de l'ASS, la création du RMA, toutes ces mesures s'inscrivent dans une même logique :...
    Mme Martine David. Il n'y a pas de quoi être fier !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... celle de la solidarité active. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Notre objectif est d'aider chacun, avec des solutions personnalisées, à retrouver le chemin de l'emploi.
    Mesdames, messieurs les députés, en ce début d'année, j'ai pris une résolution : celle de ne plus jamais élever le ton face aux cris de l'opposition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je trouve, en effet, qu'en vociférant comme vous le faites, vous êtes touchants. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous défendez en effet des solutions économiques et sociales qu'aucun parti de gauche en Europe ne défend plus et qui ont été à l'origine de votre défaite électorale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il y aura les élections dans trois mois !
    Mme Martine David. Donneur de leçons !

RETRAITES

    M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l'UMP.
    Mme Claude Greff. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le vieillissement de la population et l'absence de décision politique du précédent gouvernement menaçaient l'avenir des retraites de l'ensemble de nos concitoyens. C'est pour sauvegarder notre système de retraites que le Gouvernement a décidé d'engager une nécessaire réforme avec, pour priorité, de faire en sorte que la France possède un système de retraites à la fois juste, équitable et financé à l'avenir. Le Parlement a adopté cette réforme le 24 juillet dernier.
    Nous avons notamment voté dans ce texte deux mesures très attendues des Français : celle relative aux départs anticipés à la retraite pour les personnes ayant commencé à travailler très jeunes, et celle permettant le rachat des années d'études pour le calcul des pensions.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser si les décrets d'application de ces deux dispositions ont été publiées, et, le cas échéant, nous détailler leur contenu et leurs modalités de mise en oeuvre ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô, allô !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame le député, publier avant le 1er janvier tous les décrets permettant la mise en oeuvre de la loi sur les retraites était un défi que le Gouvernement et les partenaires sociaux ont relevé. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Alors que la loi a été promulguée le 22 août, le décret sur les longues carrières est sorti le 31 octobre, et les partenaires sociaux, qui gèrent le régimes complémentaires, ont passé un accord, signé par quatre organisations syndicales sur cinq, le 13 novembre, sur cette question des longues carrières. Cet accord est, pour nous, le plus beau des décrets d'application. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Grâce à cette réforme, 500 000 personnes pourront partir en retraite anticipée avant 2008. Dès maintenant, 70 000 demandes ont été adressées aux caisses, dont 35 000 ont déjà fait l'objet, de la part des caisses régionales d'assurance maladie, d'une attestation qui permettra aux intéressés de prendre leur retraite de manière anticipée. Il s'agit d'un progrès social considérable, dont la majorité peut être fière.
    Le deuxième décret, qui vient d'être publié, concerne le rachat des années d'études.
    M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux ! C'est pour les riches !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce décret est parfaitement conforme aux décisions prises au Parlement.
    M. Maxime Gremetz. C'est pour les bobos !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces rachats doivent être neutres pour les régimes de retraite, car s'ils ne l'étaient pas, mesdames, messieurs de l'opposition, cela voudrait dire que ce sont ceux qui n'ont pas suivi d'études qui paieraient pour ceux qui en ont fait, ce qui serait fondamentalement injuste.
    M. Jean-Michel Dubernard et M. Marc Le Fur. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A cet égard, nous avons prévu des versements échelonnés et, surtout, déductibles des revenus imposables.
    Plusieurs autres décrets seront pris au cours de l'année 2004, selon la même méthode : concertation et détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AUTOROUTES DE LA MER

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Besselat, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Yves Besselat. Monsieur le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a réuni le Gouvernement, le 18 décembre dernier, pour un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, un CIADT, consacré aux grandes orientations de notre politique des transports.
    M. Didier Migaud. Rien n'est financé !
    M. Jean-Yves Besselat. Voilà un sujet fondamental, qui nous intéresse tous.
    Lors de ce CIADT, le Gouvernement a apporté son soutien à une cinquantaine de grands projets d'aménagement qui contribueront à la relance de l'activité économique, au développement de l'emploi et à la compétitivité de la France en Europe, enjeu particulièrement stratégique.
    L'un de ces projets concerne une innovation très importante : la création d'autoroutes de la mer utilisant les voies maritimes - en Méditerranée, sur l'Atlantique et, j'espère, demain, sur la Manche - afin de désengorger le trafic routier des camions sur les grands axes.
    M. Maxime Gremetz. Vous préférez que le trafic passe par Amiens !
    M. Jean-Yves Besselat. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quels avantages présenteront ces autoroutes de la mer, comment et quand ce projet prendra forme ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Monsieur Gremetz, aucune autoroute de la mer ne passera par Amiens ! (Sourires.)
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, vous avez bien répondu à M. Gremetz !
    Monsieur Jean-Yves Besselat, en tant que rapporteur du budget de la mer, vous vous intéressez à juste titre à ces autoroutes de la mer, dont la création a été décidée, vous l'avez rappelé, lors du CIADT de décembre dernier.
    Nous avons constaté un trafic incroyablement dense de camions soit en provenance de l'Espagne de l'ouest et du Portugal, longeant les côtes françaises de l'Atlantique pour se rendre ailleurs en France ou dans les pays du Benelux ; soit allant de l'est de l'Espagne vers l'Italie en suivant les côtes de la Méditerranée, et inversement. Il nous a donc semblé qu'il serait judicieux de placer ces gros semi-remorques, pouvant atteindre 44 tonnes en charge, sur des bateaux, en organisant au moins trois départs par jour dans chaque sens. Cela permettrait de diminuer d'au moins 150 000 camions par an le nombre de ceux qui circulent sur nos routes. Voilà du développement durable !
    Par ailleurs, je tiens à apporter trois précisions en réponse à votre question.
    Premièrement, nous appelons ces voies « autoroutes de la mer » parce qu'il s'agira de véritables infrastructures. L'Europe les a d'ailleurs reconnues comme telles.
    Deuxièmement, cette opération sera lancée dès cette année avec l'engagement des études nécessaires, et nous espérons les mettre en place dès 2005 et 2006.
    Troisièmement, lors d'un comité interministériel de la mer que présidera, en février, le Premier ministre, seront décidées les modalités pratiques de lancement. En toute hypothèse, l'Etat fournira un effort, de même que les collectivités, et nous travaillons d'ores et déjà avec les armateurs et les affréteurs.
    Nous verrons donc ces autoroutes de la mer bientôt en service. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

FORMATION PROFESSIONNELLE
ET DIALOGUE SOCIAL

Explications de vote et vote, par scrutin public,
sur l'ensemble d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233 et 1273).
    La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Alain Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel nous sommes appelés à voter constitue une nouvelle étape dans la course effrénée de la majorité UMP-UDF pour exécuter, un à un, les points de la refondation sociale prônée par le MEDEF.
    L'année 2004, à l'évidence, s'inscrit ainsi dans la poursuite du travail de sape des acquis sociaux et de la législation du travail que ce gouvernement, en mission, a entrepris depuis dix-huit mois. Après le démantèlement méthodique du processus de réduction du temps de travail qui reçoit d'ailleurs dans ce texte, faut-il le souligner, son coup de grâce après la suppression des emplois-jeunes, des contrats aidés, des articles de la loi de modernisation sociale votée sous la précédente législature, permettant, à l'initiative des député-e-s communistes et républicains, de lutter contre les licenciements boursiers, vous répondez une nouvelle fois positivement aux injonctions du patronat.
    C'est cette même politique qui entend supprimer un jour férié et créer un contrat de projet ouvrant la porte à l'« intermittence dans l'emploi » : si l'on vous suit, tous les salariés deviendront un jour des intermittents dans notre pays ! Sans oublier la remise en cause imminente du droit de grève.
    Votre projet de loi associe délibérément deux réformes comme s'il s'agissait pour vous de profiter de l'une pour faire passer l'autre.
    Si nous avons fait connaître notre accord avec l'inscription du droit à la formation professionnelle dans le code du travail, dans le prolongement de l'accord signé à l'unanimité des partenaires sociaux, le 20 septembre dernier, il n'en reste pas moins vrai qu'un grand nombre de questions importantes demeurent en suspens, que le texte débattu dans notre assemblée ne contribuera pas à régler.
    Sur le fond, nous considérons, et nous l'avons dit, qu'il ne peut y avoir réalisation effective d'un droit à la formation que pendant le temps de travail, avec une rémunération décente et la garantie d'obtenir une véritable qualification choisie en toute liberté.
    Le second volet du projet de loi, celui consacré au dialogue social, représente une régression considérable du droit du travail.
    C'est d'abord la mise en place d'un faux-semblant d'accord majoritaire comme règle de la négociation, ainsi que l'a établi le mouvement syndical. Comme le note fort justement le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, « une majorité de syndicats, ce n'est pas la même chose que des syndicats représentant une majorité de salariés ». Or ce que vous proposez aboutira dans les faits à mettre un bâillon sur l'expression majoritaire des salariés, dispositions que le patronat, qui s'en félicite, ne va pas manquer d'exploiter à son avantage.
    Il n'est pas admissible qu'un accord signé par des partenaires sociaux minoritaires puisse engager toute une profession, voire l'ensemble du monde du travail, ni que les majorités représentatives puissent être bafouées sous couvert d'un droit d'opposition devenu le mode d'arbitrage du droit du travail.
    Votre texte généralise l'accord dérogatoire au point que le baron Seillière peut déclarer qu'il est désormais inutile de détricoter les 35 heures par touches successives, puisqu'on pourra les abroger avec des accords dérogatoires, propos également tenus par le Premier ministre.
    A l'heure de la récession économique, d'un chômage massif, notamment des jeunes, en augmentation de 8 % en 2003, à l'heure de l'extension de la précarité, des délocalisations d'entreprises et de la désindustrialisation, vous prenez de front le monde du travail.
    Depuis 1945, un principe essentiel s'appliquait dans le monde du travail : l'accord collectif ne peut déroger à la loi que s'il est plus favorable qu'elle au salarié.
    Ce principe de faveur apportait une double protection aux salariés, en particulier à ceux des petites entreprises : celle, d'abord, de préserver à leur bénéfice les avantages prévus par la loi ou par les accords de rang supérieur à l'entreprise - accords interprofessionnels ou accords de branche -, celle, ensuite, de pouvoir étendre à tous les salariés d'une branche un bon acquis obtenu dans une entreprise. Vous mettez en pièces, de fait, ces dispositions gages de démocratie sociale et de progrès.
    Enfin votre projet de loi refuse d'aborder la question de la représentativité syndicale, inchangée depuis 1966, qui opère aujourd'hui au détriment d'organisations comme la FSU, l'UNSA ou SUD. Il participe donc délibérément, par ce biais, à la remise en cause de la crédibilité syndicale et de la citoyenneté à l'entreprise.
    Au total, force est de constater que nous sommes devant une des réformes les plus graves de votre gouvernement et de votre majorité, car tout le droit du travail risque d'être remis en question.
    A ces manoeuvres, que dénoncent aussi bien le monde syndical que d'éminents juristes et spécialistes du droit du travail, nous opposons des propositions fortes.
    Nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à inscrire dans le code du travail le principe d'un accord majoritaire que nous défendons depuis 1982, expression authentique, celle-là, de la majorité des salariés.
    M. le président. Il faut conclure.
    M. Alain Bocquet. Je conclus.
    Nous avons défendu une autre conception de la démocratie sociale, autour de trois principes majeurs : l'actualisation de la représentativité, l'accord majoritaire, le respect du principe de faveur tel que je viens de l'évoquer.
    Prises ensemble, ces propositions contribueraient à la construction d'une véritable démocratie sociale, porteuse de dialogue et d'avancées pour le monde du travail.
    Nous voterons évidemment contre le projet de casse que vous opposez à cette conception. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe UMP.
    M. Bernard Depierre. Quelle renaissance pour la démocratie sociale, monsieur le ministre (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), que d'ouvrir l'année à l'Assemblée nationale par un texte qui initie une démarche politique originale, à savoir, la négociation collective !
    M. Jacques Desallangre. Plus c'est gros, plus ça passe !
    M. Bernard Depierre. Vous ouvrez, en effet, une voie nouvelle dans la pratique politique en rénovant le dialogue social et en lui redonnant pleinement un rôle que le temps semblait avoir usé. Et vous initiez l'ensemble de la classe politique d'aujourd'hui et de demain à cette nouvelle méthode, en l'appliquant déjà dans ce projet de loi.
    Celui-ci comprend deux grandes réformes : la formation professionnelle et la rénovation des règles de la négociation collective.
    Sur le premier point le groupe UMP se félicite des avancées que permet la réforme de la formation tout au long de la vie, directement et fidèlement inspirée de l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003. La signature de cet accord par l'ensemble des partenaires sociaux constitue une victoire pour le dialogue social et, à l'instar du Premier ministre, le groupe UMP salue le sens du dialogue et des responsabilités des organisations syndicales et patronales.
    Face aux limites du système actuel de formation professionnelle et aux évolutions démographiques et économiques de notre société, quel est donc le défi qu'entend relever ce projet de loi ?
    Cette réforme pose les fondements d'une véritable évolution culturelle visant à transformer la logique des entreprises et des employés vis-à-vis de la formation. Pour les entreprises, la formation doit être considérée non plus comme une obligation légale et une charge nouvelle imposée par le législateur, mais comme un investissement dans la qualification des salariés. Parallèlement, les employés ne doivent plus subir une formation, quand elle leur est proposée, mais bien comprendre que c'est grâce à elle qu'ils pourront se reconvertir facilement.
    Si, bien évidemment, il était indispensable de préserver l'équilibre de l'accord signé par les partenaires sociaux, le projet de loi a pu être amélioré, notamment s'agissant des employeurs particuliers et de la mise en oeuvre des contrats de professionnalisation.
    Cette modification nécessite des adaptations pour les centres de formation. Sensible aux inquiétudes qui se sont exprimées quant au délai prévu, jugé trop court, l'Assemblée nationale a jugé utile de reporter au 1er octobre la date de mise en oeuvre des nouveaux contrats, au lieu du 1er juillet 2004 prévu initialement.
    Avec la création d'un droit individuel à la formation, cette réforme facilitera, à n'en pas douter, la reconversion des employés, elle développera la compétitivité de nos entreprises et remédiera à la situation paradoxale, qui fait que tant de chômeurs ne parviennent pas à retrouver du travail, tandis que nombre d'entreprises, de leur côté, recherchent en vain des salariés pour les métiers dont elles ont besoin.
    Monsieur le ministre, le Gouvernement s'était engagé à s'inspirer des partenaires sociaux, et vous avez tenu votre promesse avec cette réforme, mais vous avez souhaité ne pas faire de cette consultation une démarche simplement conjoncturelle. Aussi avez-vous décidé de l'inscrire dans les pratiques politiques de notre pays, et c'est l'objet du second volet du projet de loi.
    Notre pays se distingue dans le paysage syndical européen par la faiblesse historique de son taux de syndicalisation. Cette situation est évidemment lourde de conséquences. Le constat d'un dialogue social essouflé et l'éclatement des liens sociaux qui affecte la société ne peuvent que nous convaincre de l'enjeu et du caractère impératif de la réforme.
    L'introduction de l'accord majoritaire comme règle de validation des accords doit permettre de garantir une plus grande légitimité aux accords signés. Cette exigence d'une légitimité accrue nécessitait aussi un assouplissement de la hiérarchie des normes, que prévoit le projet de loi. Loin de constituer une remise en cause de notre édifice social, la possibilité pour les accords d'entreprise de déroger aux accords de branche permettra de trouver des solutions prenant directement en compte les caractéristiques et les besoins de chaque entreprise et des salariés.
    Enfin, à l'heure où tous les efforts sont tournés vers l'emploi,...
    M. Daniel Vaillant. Lesquels ?
    M. Bernard Depierre. ... il faut se féliciter de l'adoption d'un amendement présenté à l'initiative des députés du groupe UMP, qui prolonge de deux ans la possibilité pour les entreprises de moins de vingt salariés de n'imputer les heures travaillées sur le contingent d'heures supplémentaires qu'à partir de la trente-sixième heure. La prolongation de deux ans de cette disposition de la loi Aubry va permettre aux petites entreprises de disposer d'un volant d'heures supplémentaires plus important et ainsi d'accompagner le retour de la croissance.
    Certains ont pu vous reprocher de ne pas aller assez loin. Ce sont pourtant les mêmes qui ont préféré reporter cette réforme, alors que la majorité des partenaires sociaux signaient le 16 juillet 2001 une position commune sur la négociation collective. Ce sont les mêmes qui ont fait fi de toute forme de dialogue social et ont montré l'échec d'une telle pratique par la manière autoritaire dont ont été mises en oeuvre les 35 heures.
    M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Depierre.
    M. Bernard Depierre. Pour le groupe UMP, ce projet de loi constitue la première étape d'une démarche progressive pour développer la négociation collective.
    Alors, vivons avec passion le présent et ouvrons-nous avec confiance à l'avenir, car il s'agit bien de confiance. Par son vote, le groupe UMP non seulement encourage le Gouvernement dans la pratique de la négociation collective,...
    M. Alain Néri. Il a bien besoin d'encouragements, le Gouvernement !
    M. Bernard Depierre. ... mais il témoigne également de sa confiance en la démocratie sociale et en ses acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin public afin de permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, après l'unanimité des partenaires sociaux signataires de l'accord sur la formation professionnelle, le Gouvernement aurait pu tenter d'obtenir celle de la représentation nationale, en présentant ce texte de manière autonome, lui reconnaissant ainsi toute l'importance qu'il mérite, mais vous avez délibérément ignoré cet enjeu démocratique pour organiser un coup fourré qui va remettre en cause les fondements de notre droit du travail.
    En avançant masqué derrière l'accord sur la formation professionnelle et la position commune de juillet 2001 sur les voies et moyens de la négociation collective, vous avez choisi d'ajouter au projet de loi trois articles qui reviennent sur le principe de faveur, la hiérarchie des normes, et qui généralisent toutes les procédures dérogatoires au niveau de l'entreprise. Les conséquences seront lourdes pour des millions de salariés mais aussi pour le fonctionnement des entreprises, car le résultat assuré de cette réforme sera un alignement permanent par le bas des normes sociales qui fragilisera la situation des salariés mais aussi les conditions de la concurrence.
    Alors que vous présentez un texte sur le dialogue social, alors que vous prétendez vous appuyer sur l'accord des partenaires sociaux, tous les syndicats de salariés condamnent votre démarche. La CFTC parle de cataclysme et de démantèlement du droit du travail, la CGC de loi scélérate au titre mensonger de loi sur le dialogue social, la CFDT d'un désaccord de fond avec une mesure libérale qui risque de conduire à l'appauvrissement de la branche, Force ouvrière qualifie votre texte de loi de régression sociale, la CGT évoque une perspective scandaleuse qui a suscité le désaccord unanime et argumenté de toutes les organisations syndicales. Reconnaissez, monsieur le ministre, que vous pouviez difficilement faire pire !
    Pourquoi avoir ignoré, et même bafoué, l'accord du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social dans l'artisanat signé par l'Union professionnelle artisanale et par tous les syndicats de salariés ?
    « La complexité croissante du travail et de la formation professionnelle ainsi que la nécessité d'adapter les modes d'organisation du travail aux évolutions de l'emploi, des technologies, des besoins de la clientèle, des règles de la concurrence font de la branche professionnelle le niveau le plus approprié pour l'élaboration des dispositions les mieux adaptées aux besoins des entreprises artisanales et de leurs salariés. » Telle est, monsieur le ministre, la volonté des 800 000 entreprises artisanales et de leurs 2 millions de salariés : maintenir la supériorité de l'accord de branche sur l'accord d'entreprise car ils savent, eux, employeurs et salariés, les conséquences pratiques de votre projet.
    Ainsi, si demain une PME obtient un accord d'entreprise majoritaire pour supprimer le treizième mois prévu par l'accord de branche, tous ses concurrents seront tentés, ou parfois obligés, de prendre la même initiative, au nom de la concurrence. Chacun comprendra que, si l'accord d'entreprise n'est plus tenu de respecter les dispositions de l'accord de branche et que toutes les dérogations sont étendues à l'entreprise, ce sera la loi de la jungle et, dans tous les cas, l'atomisation du droit du travail : autant d'entreprises, autant de règles !
    Monsieur le ministre, par ces quelques articles ajoutés au dernier moment, vous avez totalement dénaturé ce projet de loi.
    M. Bernard Accoyer. Oh !
    M. Alain Vidalies. Vos propositions sur la réforme du dialogue social paraissent bien dérisoires au regard de la remise en cause des principes de faveur, de la hiérarchie des normes entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche, et de l'extension de toutes les dérogations au niveau de l'entreprise. Ce n'est vraiment pas du bel ouvrage !
    La démocratie sociale est un sujet sérieux et important. Les socialistes sont favorables à l'organisation d'un scrutin de représentativité par branche et à l'application du principe majoritaire à tous les niveaux. Cette mesure figurera dans notre projet lorsque les Français auront l'opportunité de choisir une autre politique, mais nous souhaitons leur dire dès aujourd'hui que nous nous engageons à rétablir le principe de faveur et la primauté de l'accord de branche sur l'accord d'entreprise.
    En présentant ce projet de loi, vous avez prétendu mettre la France en mouvement. Permettez-moi de constater que, sur le plan social, vous ne connaissez qu'une seule direction : la marche arrière.
    Le groupe socialiste votera contre ce projet de loi, qui marquera d'une pierre noire l'histoire de notre législation sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.
    M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, au terme de notre débat, notre groupe ressent une double inquiétude (Exclamations sur divers bancs), que cette avancée sociale incontestable qu'est le droit individuel à la formation soit effacée par les interrogations nées de la mise en place du dispositif, et notamment la mise en oeuvre du contrat de professionnalisation, et que le droit à la dérogation, mal encadré, ne vienne bouleverser, aux dépens des salariés et des entreprises, la hiérarchie des règles sociales.
    S'agissant de la formation professionnelle tout d'abord, dans la ligne de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, ce texte introduit une avancée considérable avec la reconnaissance pour chaque salarié d'un droit individuel à la formation.
    Face à la rapidité des évolutions techniques, l'acquisition de compétences nouvelles est le moteur d'un projet professionnel réussi, qui permet à chacun de multiplier ses chances de rester en activité. Le droit individuel à la formation ouvre à chaque salarié, tout au long de sa vie professionnelle, une porte sur une possibilité concrète d'acquérir un savoir à la fois plus adapté et précis.
    Si, avec le temps, les modalités de mise en oeuvre du dispositif doivent être améliorées, il n'en reste pas moins vrai qu'il s'agit là d'une avancée sociale réelle, initiée par les partenaires sociaux. Ceux-ci ont d'ailleurs constaté avec satisfaction que votre projet de loi respecte l'économie générale de l'accord qu'ils ont élaboré ensemble. Pour autant, notre groupe aurait apprécié que les inquiétudes liées à la mise en oeuvre du contrat de professionnalisation et à la fin des contrats de qualification soient plus clairement levées.
    Nous avons noté qu'un amendement d'origine gouvernementale tentait de répondre aux interrogations que plusieurs députés, sur les divers bancs de cette assemblée, ont soulevées parce que les craintes des acteurs de la formation - prestataires ou bénéficiaires - étaient réelles, mais nous pensons qu'il faut davantage.
    C'est pourquoi, pour reprendre une expression chère au ministre Gilles de Robien, il nous paraît indispensable de mettre en oeuvre, dans les semaines qui viennent, un véritable « service après vote », de sorte que votre ministère puisse accompagner l'entrée en vigueur du contrat de professionnalisation, et que vous-même puissiez en expliquer très clairement les modalités.
    En ce qui concerne le dialogue social, j'avais souligné lors de la discussion générale que nous sommes globalement favorables au principe majoritaire, en ce qu'il oblige les partenaires sociaux à privilégier la responsabilité et facilite la convergence des points de vue. Cela étant, nous y sommes favorables pour autant qu'il ne porte pas atteinte au pluralisme syndical. Nous pensons cependant qu'il se traduira davantage, au niveau national, au niveau des branches, par la pratique du droit d'opposition majoritaire plus que par l'application du principe majoritaire proprement dit.
    A l'inverse, parce qu'il porte en lui le germe d'un bouleversement de la hiérarchie de normes, nous demeurons extrêmement réservés sur la possibilité de dérogation, dans le cadre d'un accord de branche ou d'entreprise, à une règle supérieure plus favorable. J'ai pu parler sur ce point d'un risque d'anarchie sociale. Je dois reconnaître que les débats ne m'ont pas rassuré quant aux effets de cette disposition qui fragilise la situation des salariés et créera d'inévitables distorsions de concurrence entre les entreprises d'une même branche.
    Sur un marché désormais mondialisé, les tensions économiques et l'exigence de compétitivité face à la rudesse de la concurrence nous font admettre qu'il faille parfois assouplir, dans certains domaines, la réglementation du travail. Aussi ne sommes-nous pas opposés à des possibilités de dérogation, si elles sont encadrées dans le temps et justifiées par les circonstances économiques. Toutefois, il nous semble que, sur ce point, votre texte va trop loin.
    Monsieur le ministre, seule l'importance que nous accordons à la formation professionnelle tout au long de la vie comme au droit individuel à la formation nous amènera à approuver le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   491
Nombre de suffrages exprimés   491
Majorité absolue   246
Pour l'approbation   340
Contre   151

    L'Assemblée nationale a adopté.
    (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cela fait des années que l'on parle de la modernisation de notre système de formation et de la nécessaire rénovation du dialogue social. Eh bien, à l'issue du vote de ce texte, une première étape est franchie dans l'action.
    Je voudrais adresser mes remerciements à la majorité, qui s'est montrée fidèle à ses convictions réformistes, et au rapporteur Jean-Paul Anciaux, pour sa détermination pragmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je veux aussi saluer l'UDF, qui nous a rejoints dans notre démarche,...
    M. François Sauvadet. Accompagnés !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais aussi l'opposition car j'estime que nos débats furent de qualité.
    Ce projet symbolise notre volonté d'instaurer une société plus participative, une société ouverte et mieux qualifiée, qui incite les individus et les groupes sociaux à être davantage acteurs que spectateurs de leur avenir.
    Dans cette perspective, deux priorités sont encouragées par votre vote.
    La première consiste à donner aux femmes et aux hommes qui font la richesse de notre nation le pouvoir de mieux maîtriser leur parcours professionnel. Grâce à ce projet, un nouveau droit social est instauré : le droit pour chacun de se former tout au long de sa vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs et du groupe Union pour la démocratie française.) Cette faculté est au coeur de la lutte contre le chômage et au centre de la compétitivité de la France.
    La seconde priorité consiste à instaurer de nouvelles formes de régulation capables d'accompagner les mutations de notre pays. Si, avec le Premier ministre, nous avons voulu ce projet, c'est parce que nous avons acquis la conviction que les règles actuelles ne permettaient pas l'émergence d'une démocratie sociale rénovée dont la France a besoin pour se moderniser et pour se rassembler. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Notre projet, pragmatique et équilibré, va enclencher un processus qui, c'est vrai, a les allures d'une révolution progressive, si toutefois une révolution peut être progressive.
    M. Jacques Myard. Oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il se caractérise par la généralisation du principe majoritaire - certains trouvent que nous n'allons pas assez loin en cette matière, mais, en tout cas, nous avons lancé un mouvement qui n'avait pas été lancé dans le passé -,...
    Mme Martine Billard. On verra !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... par l'évolution des règles de la représentativité et par l'extension du champ contractuel. Tout cela va changer la donne, tout cela va contraindre les acteurs - partenaires sociaux mais aussi pouvoirs publics - à se réinventer.
    Le risque n'est pas dans le mouvement, il est dans le statu quo actuel,...
    Mme Sylvia Bassot. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... marqué par la désyndicalisation, le morcellement social sur lequel naissent les surenchères corporatistes et les extrémismes politiques. (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En faisant ce pari du mouvement, nous faisons confiance à la capacité des partenaires sociaux à se repenser pour mieux s'investir dans la mission qui est la leur. Notre pays a besoin d'un syndicalisme réformiste et populaire, d'un syndicalisme capable de structurer les revendications, de proposer des solutions et d'accompagner les évolutions nécessaires.
    Parce que les décisions doivent être moins hiérarchisées et moins uniformes, notre pays a également besoin d'une relation plus constructive qui s'établisse entre la démocratie politique et la démocratie sociale.
    Parce que enfin, les réalités du terrain doivent être mieux respectées, il a besoin de plus de liberté et de plus de responsabilités.
    Il est facile de critiquer certaines des dispositions de ce projet, qui est marqué, c'est vrai, par quelques compromis subtils, mais rien ne peut, mesdames, messieurs les députés, réduire la portée d'une idée simple et forte : après des décennies de statu quo et d'hésitations, la rénovation de notre démocratie sociale est désormais en marche. C'est cette majorité et ce gouvernement qui en ont pris la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

4

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ
EN MISSION TEMPORAIRE

    M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Christian Kert, député des Bouches-du-Rhône, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral, auprès de M. le ministre de la culture et de la communication.
    Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du vendredi 26 décembre 2003.

5

FIN DE MISSIONS TEMPORAIRES

    M. le président. Par lettres des 5, 9 et 17 décembre 2003, M. le Premier ministre a informé M. le président que :
    - la mission temporaire précédemment confiée à M. Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes, avait pris fin le 20 décembre ;
    - les missions temporaires précédemment confiées à MM. Olivier Jardé, député de la Somme, Francis Hillmeyer, député du Haut-Rhin, Christian Ménard, député du Finistère, Marc Laffineur, député de Maine-et-Loire, et à Mme Brigitte Le Brethon, députée du Calvados, avaient pris fin le 31 décembre 2003.

6

CONVENTION FRANCE-MACÉDOINE
SUR LES DOUBLES IMPOSITIONS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n°s 549 rectifié, 1268).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

7

CONVENTION FRANCE-ARGENTINE
SUR LES INFRACTIONS DOUANIÈRES

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Argentine pour la prévention, la recherche et la sanction des infractions douanières (n°s 1147, 1269).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

8

CONVENTION FRANCE-SURINAM
SUR LES INFRACTIONS DOUANIÈRES

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Surinam pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (n°s 1148, 1269).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

9

ACCORD FRANCE-MALTE
SUR LES INFRACTIONS DOUANIÈRES

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'assistance mutuelle douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malte pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (n°s 1150, 1269).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

10

ACCORD FRANCE-ONU SUR LES PEINES PRONONCÉES PAR LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (n°s 1149, 1296).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
    Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
    (L'article unique du projet de loi est adopté.)

11

DIVERSITÉ LINGUISTIQUE
DANS L'UNION EUROPÉENNE

Discussion d'une proposition de résolution

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Michel Herbillon sur la diversité linguistique dans l'Union européenne (documents E 2275-1, E 2024 et E 2182) (n°s 907, 1020).
    En attendant l'arrivée de Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je vais donner la parole à M. le président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
    Vous avez la parole, monsieur Lequiller.
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, mes chers collègues, pour la deuxième fois depuis le début de la législature, une proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne est débattue en séance publique.
    Je ne peux que me féliciter, en tant que président de cette délégation, d'observer que notre assemblée prend la mesure des enjeux européens pour l'avenir de notre pays grâce à la discussion d'aujourd'hui, mais aussi grâce aux nombreuses initiatives prises par le président de l'Assemblée nationale pour placer l'Europe plus au coeur de nos débats.
    L'Union européenne est la seule organisation internationale au monde à reconnaître et à pratiquer au quotidien le principe de la diversité linguistique. C'est d'ailleurs le premier règlement adopté par la Communauté européenne, le règlement n° 1 de 1958, qui garantit l'égalité entre toutes les langues officielles. Rien à voir, donc, avec ce qui se passe dans d'autres organisations comme l'ONU ou le Conseil de l'Europe, où quelques langues de travail seulement sont autorisées.
    Beaucoup ont considéré ou considèrent que l'élargissement est une menace pour les langues, particulièrement pour le français. Il est vrai que notre pays a manqué le « petit élargissement de 1995 » à l'Autriche, à la Finlande et à la Suède, qui s'est traduit par un recul sensible de notre langue au sein des institutions. Pourtant, loin d'être un risque, la réunification de l'Europe est, sur le plan linguistique, un défi sans précédent qui ouvre la voie à un plurilinguisme unique au monde et conforme aux principes et aux valeurs que l'Union entend promouvoir.
    L'article 3 du projet de traité de Constitution européenne, élaboré par la Convention, au sein de laquelle j'ai eu l'honneur de représenter notre assemblée, énonce que l'Union respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, hissant ainsi la diversité linguistique au rang des principes constitutionnels européens. Cette avancée, pour dire vrai, ne devrait pas être remise en cause au sein de la conférence intergouvernementale.
    Quant au projet d'article 8 sur la citoyenneté de l'Union, il constitutionnalise une disposition du traité d'Amsterdam selon laquelle tout citoyen de l'Union peut écrire à une institution dans l'une des langues officielles et recevoir une réponse rédigée dans la même langue.
    Je fais le pari que l'Europe apportera beaucoup aux langues si nous faisons preuve d'une volonté politique forte au service d'actions concrètes, notamment auprès de la jeunesse européenne. Il faut encourager le développement des classes européennes, des établissements à vocation internationale, il faut favoriser le rapprochement entre les diverses institutions culturelles des Etats membres à l'étranger, telles que le Goethe Institut, le British Council ou l'Institut culturel français, car la diversité culturelle et la diversité linguistique sont en réalité les deux faces d'une même médaille.
    Comment traiter de la question linguistique sans évoquer les relations franco-allemandes ? Je me réjouis de la création d'une mission d'information parlementaire franco-allemande sur l'OFAJE, l'Office franco-allemand pour la jeunesse, à laquelle participe notre collègue Michel Herbillon, qui a tant travaillé sur ce sujet.
    Le déclin accentué ces dernières années de l'enseignement de l'allemand dans les classes françaises et du français dans les écoles allemandes est préoccupant. Reconnaissons que, si rien n'est fait, l'enseignement de nos langues respectives risque de descendre à des niveaux marginaux, au moment même où, paradoxe, nos deux pays inscrivent délibérément leur action dans une perspective commune. Sur ce sujet aussi, nous avons des intérêts convergents et, au-delà, une vision politique du monde fondée sur le respect - en réalité la promotion - de la diversité des cultures et des identités, que nous pouvons partager avec nos partenaires.
    Mais notre sujet déborde largement le problème de l'usage des langues à l'intérieur de l'Union européenne : il s'agit aussi de la formation linguistique. Je suis pour ma part très attaché à ce qu'à l'intérieur de l'Union européenne on applique la décision qui a été prise d'enseigner deux langues vivantes en plus de la langue maternelle, ce qui permettrait au français de progresser et à la francophonie de se développer.
    Mes chers collègues, la délégation pour l'Union européenne a adopté à l'unanimité la proposition de résolution présentée très brillamment par Michel Herbillon. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le rapport non moins brillant de Juliana Rimane, lui a également apporté tout son soutien. L'Assemblée nationale aurait pu en rester là, mais l'inscription de cette proposition de résolution à l'ordre du jour de la séance publique est une manifestation heureuse de notre détermination à faire entendre notre voix pour peser de tout notre poids sur les négociations qui se déroulent actuellement à Bruxelles. (Applaudissements.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    Mme Juliana Rimane, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de résolution relative à la diversité linguistique dans l'Union européenne a été présentée par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, qui l'a adoptée à l'unanimité, en conclusion d'un rapport d'information de notre collègue Michel Herbillon : Les langues dans l'Union élargie : pour une Europe en VO.
    A travers cette proposition de résolution, la délégation souhaite que l'Assemblée nationale exprime son attachement au principe du plurilinguisme en vigueur au sein des institutions de l'Union européenne, dans le nouveau contexte créé par l'élargissement qui interviendra le 1er mai 2004. Garant de la diversité culturelle et linguistique, ce principe, qui permet à chacun de s'exprimer dans sa langue au sein des institutions européennes depuis 1958, participe au premier chef de la spécificité et de l'originalité du modèle européen. Le projet de constitution européenne présenté par la Convention pour l'avenir de l'Europe consacre d'ailleurs au nombre des principes constitutionnels la diversité culturelle et linguistique de l'Europe.
    Il s'agit donc de réaffirmer cette notion de diversité comme alternative à l'hégémonie croissante du modèle anglo-saxon. Tel est l'enjeu de la présente résolution, qui appelle l'Assemblée nationale à se prononcer pour la garantie du principe d'un multilinguisme adapté aux contraintes de l'élargissement et en faveur de la promotion soutenue et renforcée de la langue française dans les institutions de l'Union et, au-delà, dans les Etats membres.
    Le régime juridique du plurilinguisme, qui fait la richesse et la diversité de l'Union européenne, est unique au monde. Garantissant à chacun - élu, représentant ou citoyen - la possibilité de s'exprimer dans sa langue, il est partie prenante du fonctionnement démocratique des institutions de l'Union. Il constitue en outre un enjeu fondamental pour la place du français en Europe.
    Si le Parlement européen est l'institution dont les pratiques sont les plus proches du principe d'égalité stricte entre toutes les langues, la Commission, pour sa part, utilise depuis longtemps trois langues de travail : le français, l'anglais et, dans une moindre mesure, l'allemand. Quant au Conseil, on recense presque autant de régimes linguistiques qu'il existe de catégories de réunions.
    Le quasi-doublement du nombre des langues officielles que signifie l'élargissement prévu pour le 1er mai 2004 constitue un véritable défi pour l'Union européenne qui en comptera alors vingt. Les options envisagées et les solutions retenues varient d'une institution à l'autre, sans pour autant que soient remis en cause les fondements du plurilinguisme. Cependant, force est de constater que les élargissements successifs ont, en pratique, significativement affaibli la position de notre langue au sein de l'Union européenne : le français, qui a occupé une position dominante jusque vers le milieu des années 70, a subi l'irrésistible concurrence de l'anglais à partir de l'adhésion du Royaume-Uni et de l'Irlande en 1973. La situation s'est encore dégradée depuis l'élargissement, en 1995, à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande. Le risque d'une nouvelle diminution de l'usage du français du fait de l'arrivée des députés des pays de l'Europe centrale est tout à fait réel.
    Affirmant en préambule l'attachement de l'Assemblée nationale à la diversité linguistique et culturelle que consacre l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux pays, la proposition de résolution comporte dix-neuf points organisés en cinq chapitres, recouvrant à la fois le respect du plurilinguisme et la politique de promotion du français dans les institutions européennes.
    S'agissant du respect du plurilinguisme dans le fonctionnement des institutions, l'accent est principalement mis sur la nécessité de maintenir le principe de l'interprétation intégrale pour les réunions de niveau politique, de pérenniser les pratiques linguistiques en vigueur dans les réunions concernant la politique étrangère et de sécurité commune ainsi que dans celles du Comité des représentants permanents, et de rechercher, pour le régime linguistique des autres groupes de travail, une solution équitable et consensuelle autour de quelques langues pivots.
    Dans le cadre de la réforme du statut des fonctionnaires européens, la promotion au grade immédiatement supérieur au grade d'entrée en fonctions devra être soumise à la maîtrise de deux langues étrangères. Par ailleurs, les tests de présélection en trois langues, actuellement organisés pour le recrutement de fonctionnaires issus des futurs pays membres, pourront être généralisés.
    Enfin, en vertu du respect du principe de non-discrimination linguistique, les infractions commises par les institutions et organismes communautaires en violation de leurs obligations seront systématiquement signalées, et une charte linguistique applicable aux sites Internet communautaires sera adoptée afin d'éviter la publication d'informations dans une seule langue. Pour sa part, la délégation souhaite effectuer un suivi annuel de l'évolution des pratiques linguistiques dans les institutions européennes.
    En matière de promotion de la langue française, considérant que la formation des fonctionnaires européens représente un enjeu central pour assurer la place du français dans les institutions européennes, la proposition de résolution approuve les actions de formation à la langue française destinées aux fonctionnaires des pays membres et candidats.
    La proposition du rapporteur de la délégation en faveur de la création d'un pôle européen de formation initiale et continue des fonctionnaires européens, notamment dans le domaine linguistique, mérite particulièrement d'être soutenue.
    Rappelant l'exigence minimale exprimée dans la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 relative à l'emploi de la langue française par les fonctionnaires français à l'étranger, la proposition de résolution insiste sur la nécessité de mieux coordonner, dans une perspective interministérielle comme dans le cadre de la réforme du ministère des affaires étrangères, les actions en faveur du français.
    Au-delà du cadre strictement institutionnel, le plurilinguisme repose, bien évidemment, sur l'enseignement des langues vivantes dans les systèmes scolaires des pays membres et, plus précisément, sur l'obligation d'en apprendre plusieurs, à l'instar du dispositif existant notamment en France. A cet égard et bien que ce domaine ne relève pas de la compétence communautaire, la proposition de résolution recommande que l'enseignement obligatoire de deux langues vivantes étrangères soit généralisé dans les vingt-cinq pays qui constitueront prochainement l'Europe. En effet, lorsque les systèmes éducatifs ne proposent qu'une seule langue, l'anglais est systématiquement choisi alors que l'offre d'une seconde langue favorise le français.
    La proposition préconise également le développement de l'apprentissage de nouvelles langues officielles de l'Union dans les systèmes éducatifs européens.
    Je rappellerai, pour finir, que la nécessaire promotion des langues nationales au niveau communautaire doit trouver son parallèle, au nom de l'égalité citoyenne, dans un même soutien des langues régionales au sein de chaque Etat membre : il s'agit non seulement de valoriser ces langues, mais aussi de se mobiliser pour éviter la disparition des modes d'expression des populations minoritaires.
    La France possède une grande richesse linguistique. A elle seule, comme vous le savez, monsieur le ministre, la Guyane possède de nombreuses langues, on y parle notamment les différents créoles à base lexicale française et anglaise et des langues amérindiennes telles que l'arawak, le kalina, l'émerillon. La sauvegarde de ces langues régionales contribue à la préservation des cultures traditionnelles locales.
    M. Pierre Forgues. Eh oui !
    Mme Juliana Rimane, rapporteure. Comme l'a justement rappelé le Président de la République lors de la 31e conférence générale de l'UNESCO, « la réponse à la mondialisation laminoir des cultures, c'est la diversité culturelle. Une diversité fondée sur la conviction que chaque peuple a un message singulier à délivrer au monde, que chaque peuple peut enrichir l'humanité en apportant sa part de beauté et sa part de vérité ».
    Je conclurai en vous invitant, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires culturelles, à voter la proposition de résolution. (Applaudissements.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, rapporteur au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
    M. Michel Herbillon, rapporteur au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est de bon ton, dans les milieux qu'on dit à la mode, de fustiger la « France qui tombe », et de faire apparaître comme une nouvelle inédite un poncif récurrent. Nous sommes réunis cet après-midi dans cet hémicycle pour démentir l'idée selon laquelle notre pays serait inéluctablement sur la voie du déclin.
    En se saisissant de la proposition de résolution que j'ai présentée le 11 juin dernier devant la délégation pour l'Union européenne, qui l'a adoptée à l'unanimité, de même que la commission des affaires culturelles, notre assemblée prend la mesure de l'enjeu politique que représente pour l'Europe et pour la France la question de la diversité linguistique.
    Dans à peine plus de cent jours, l'Union européenne accueillera dix nouveaux pays et neuf nouvelles langues qui bénéficient entre elles, du moins en théorie, d'un statut de stricte égalité. Pourtant, cette nouvelle Europe se trouve confrontée au défi linguistique le plus important de son histoire.
    Permettez-moi de citer quelques chiffres éclairants : 110 combinaisons sont aujourd'hui possibles, avec 11 langues officielles ; ce nombre passera à 400 après l'élargissement ; 1,3 million de pages sont produites chaque année par le service de traduction de la Commission, ce qui représente, si on étale ces pages sur le sol, la moitié de la surface du Luxembourg ; 700 interprètes sont mobilisés chaque jour dans plus de 11 000 réunions annuelles des différentes institutions européennes, à l'exclusion du Parlement européen.
    Pour éviter que Bruxelles ne se transforme en une Babel des temps modernes, les institutions de l'Union se préparent depuis longtemps à cette nouvelle donne linguistique. Mais comment concilier le respect de la diversité linguistique avec la nécessaire efficacité politique et administrative du fonctionnement des institutions ? Sans revenir sur les régimes existant au sein des différentes institutions - la Commission et le Conseil -, que notre rapporteure, Juliana Rimane, a excellement rappelés il y a un instant, je dirai un mot des négociations en cours au sein du Conseil.
    Il est encore trop tôt pour savoir quelle réforme sera finalement décidée, même si les discussions semblent s'orienter vers un régime de paiement à la demande, financé pour partie sur le budget communautaire et pour partie sur les budgets nationaux. La présidence italienne sortante a engagé à l'automne une expertise technique des solutions envisagées et a procédé à une évaluation budgétaire, selon le nombre de groupes de travail qui bénéficieraient soit d'une interprétation intégrale, soit d'une interprétation à la demande, soit de l'absence d'interprétation. Il appartient désormais à la présidence irlandaise de poursuivre la négociation. Pour le français, le coût d'interprétation serait d'environ 3 millions d'euros, dont 2 millions seraient prélevés sur le budget communautaire, le million restant l'étant sur le budget national.
    Sans préjuger des arbitrages qui seront opérés le moment venu, je vous propose, mes chers collègues, de recommander que le compromis qui se dégagera soit fondé sur les principes de pluralisme linguistique, de souplesse de gestion et de répartition équitable de la charge financière, au cas où serait retenu un régime de paiement à la demande.
    Engageons-nous aussi à promouvoir une expérimentation plus large des régimes asymétriques qui permette à chacun de s'exprimer dans sa langue maternelle en ne disposant d'une interprétation active que dans un nombre restreint de langues de travail.
    Quelle que soit la solution retenue, il est essentiel de veiller à assurer un financement pérenne, qui soit à même de garantir l'emploi de notre langue.
    Mes chers collègues, ne nous voilons pas la face : le français décline en Europe ! C'est une réalité, mais ce n'est pas une fatalité. Alors qu'il y a vingt ans, près de 60 % des documents du Conseil et de la Commission étaient rédigés initialement en français, cette proportion a aujourd'hui diminué de moitié.
    Est-il admissible que le site Internet de la Banque centrale européenne ne soit, pour l'essentiel, disponible qu'en langue anglaise ? Je l'avais signalé au mois de juin dernier dans mon rapport. Nous sommes en janvier et rien n'a changé !
    Est-il normal qu'en dépit de la circulaire du Premier ministre du 14 février dernier sur l'emploi de la langue française, nombre de fonctionnaires français de l'Union européenne s'expriment le plus souvent en anglais ? Rien ne peut justifier que nous renoncions à l'utilisation de notre langue.
    Nous aurions toutefois tort de penser que la promotion du français est dirigée contre la langue de Shakespeare. Un combat frontal contre l'anglais serait perdu d'avance. Bien au contraire, l'ambition de la France est d'être le porte-parole d'un plurilinguisme respectueux de la diversité des cultures et des identités nationales. Le Président de la République, M. Jacques Chirac, s'est lui-même personnellement engagé en faveur de l'adoption d'une convention mondiale sur la diversité culturelle afin de consacrer « le respect du pluralisme linguistique et la mobilisation pour enrayer la disparition des langues dans le monde ».
    Pour la promotion de la langue française, il est désormais urgent de dépasser les déclarations incantatoires et de proposer des actions concrètes et ciblées. Je propose notamment la création, à Strasbourg, capitale européenne, d'un centre de formation initiale et continue des fonctionnaires européens dispensant des formations pluridisciplinaires ainsi qu'une large palette de cours de langues. Je vous propose aussi de recommander que l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères dans les systèmes éducatifs nationaux devienne la norme au sein de l'Union européenne élargie.
    Prenons conscience que c'est désormais en Europe que se joue l'avenir du français dans le monde. Et c'est dans le cadre de la francophonie que se déploie notre action en faveur du français en Europe. L'adoption, aujourd'hui, d'une résolution est une étape importante qui se prolongera par un suivi régulier indispensable, non seulement de notre délégation, que préside excellemment mon ami Pierre Lequiller, mais aussi de notre assemblée sur ce sujet qui nous concerne tous. Parce que les mots ne suffisent plus pour promouvoir la diversité linguistique, le temps est venu de l'action, au service de « réalisations concrètes », pour reprendre l'expression de Robert Schuman. (Applaudissements.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, permettez-moi, avant toute chose, de vous adresser mes voeux de bonne année, ainsi qu'à l'ensemble de l'Assemblée nationale.
    Monsieur le président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les députés, cette proposition de résolution sur la diversité linguistique dans l'Union européenne est le résultat du remarquable travail mené par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, travail qui nous a été présenté par Michel Herbillon. Je souhaite adresser aux membres de la délégation, à son président, au rapporteur, ainsi qu'à la commission des affaires culturelles, mes remerciements et mes félicitations pour l'analyse en profondeur qu'ils ont réalisée des enjeux linguistiques liés à l'élargissement de l'Union européenne. Je partage totalement avec les auteurs de ce rapport l'espoir et l'ambition de voir se mettre en place une « Europe en version originale » - pour reprendre une expression de Mme Rimane -, respectueuse de la diversité des cultures et des langues qui la composent.
    La promotion de la langue française et celle de la diversité culturelle sont en effet deux combats conjoints, deux causes étroitement solidaires. La France, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, est engagée dans une action de longue haleine pour obtenir la mise en place d'une convention internationale sur la diversité culturelle et vous avez très justement rappelé la part personnelle que M. le Président de la République a prise dans ce combat. Comme je l'ai moi-même souligné à l'UNESCO lors de la conférence générale, le 13 octobre dernier, le choix de la diversité n'est pas une invitation à la conservation pieuse, nostalgique, de la seule expression traditionnelle ou ancienne des cultures du monde. Elle est, au contraire, l'affirmation que les cultures sont des réalités vivantes et qu'elles ont un avenir, que les hommes pourront encore, dans la diversité des langues, penser, créer, éditer, affirmer leur identité, et cela dans une perspective d'échange et de dialogue, car chacune de ces cultures singulières a vocation non pas à se replier sur elle-même, mais à constituer un élément du patrimoine culturel partagé par tous les hommes de toute la terre.
    Comment pourrions-nous, nous Français, être crédibles dans ce combat si nous ne nous donnons pas les moyens de défendre la présence de notre propre langue dans l'espace européen en marquant notre attachement à la totalité de notre patrimoine linguistique, notamment à ces langues de France qui constituent un élément de notre patrimoine partagé ?
    Affirmer la présence de la langue française, langue de la République, en Europe est un combat nécessaire et cela d'autant plus que - faut-il le souligner ? - les institutions communautaires sont toutes installées dans des villes francophones. Admettre le recul du français serait naturellement une capitulation paradoxale.
    Le constat est préoccupant - Michel Herbillon l'a souligné. Il rejoint le bilan qu'a dressé de son côté le Gouvernement dans le rapport qu'il a remis à votre assemblée, le 15 septembre dernier. La France dispose cependant de véritables atouts pour faire face au choc linguistique causé par la donne nouvelle que constitue l'adhésion de dix nouveaux pays à l'Union européenne et par la tentation de la banalisation linguistique faisant d'un anglais lui-même très banalisé une sorte de langue vulgaire de l'espace européen et, plus largement, de l'espace international, langue dont la réduction empêche d'ailleurs l'expression de pensées sophistiquées.
    Dans ce contexte, la proposition de résolution que nous examinons regroupe un ensemble cohérent et réaliste de mesures. Certaines d'entre elles sont déjà mises en oeuvre par le Gouvernement. C'est ainsi que les atteintes au principe du plurilinguisme sont régulièrement signalées aux institutions communautaires responsables. Comme vous, monsieur le rapporteur, je souhaite naturellement que ces observations de la France soient prises en compte avec plus de vigueur par les institutions européennes concernées. La question de l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères dans les systèmes éducatifs des différents pays membres de l'Union européenne progresse. Naturellement, cela n'est pas encore une norme impérative, mais j'observe que son principe est régulièrement promu dans le cadre des échanges bilatéraux par les ministres compétents, essentiellement par le ministre de l'éducation nationale. D'ailleurs, cette publicité faite par la France au principe de plurilinguisme dans l'enseignement reçoit l'appui de la commission. Cela dit, vous avez tout à fait raison, monsieur le président Lequiller, il serait bon que ce principe devienne une norme qui s'impose à l'ensemble des systèmes éducatifs de l'Union européenne.
    Michel Herbillon souligne, par ailleurs, la nécessité d'adapter le régime linguistique des institutions européennes. Il s'agit là d'une question essentielle. Avec l'élargissement, 420 combinaisons linguistiques seront désormais possibles ! Cette situation est incontestablement source non seulement de richesses, mais également de nombreuses difficultés. Comment assurer, dans ces conditions, un fonctionnement efficace des débats ?
    Le risque est réel que, derrière un plurilinguisme officiel et « de façade » - une sorte de « façadisme » linguistique -, cet accroissement du nombre de langues officielles et de combinaisons linguistiques ne conduise les diplomates, les techniciens, les fonctionnaires ou les ministres à s'en remettre à l'anglais comme langue unique de communication, comme langue vernaculaire de l'espace européen.
    Devant ces difficultés et ces défis, l'action du Gouvernement se fonde sur plusieurs principes que je souhaite rappeler rapidement. Je le fais d'autant plus volontiers et avec d'autant plus d'enthousiasme que ces principes recoupent très exactement l'arsenal de vos propres analyses et propositions.
    Premièrement, nous visons une action concrète en faveur du français. Cette action est conduite conjointement par la France et par ses partenaires francophones au sein de l'Union, la communauté française de Belgique et le Luxembourg, puisque le français est l'une des langues officielles du grand-duché du Luxembourg. Cette action est nécessaire. Elle donne encore plus d'autorité et de force à la position de la France. Un plan intergouvernemental de promotion du français dans les institutions européennes a été mis en place. Il recueille un véritable succès et mobilise des moyens significatifs de la part de la France et de ses partenaires francophones.
    Deuxième objectif : la défense d'un plurilinguisme raisonné doit être pratiquée. Entre l'unilinguisme et le multilinguisme intégral, il y a place pour une approche cohérente et pragmatique du dossier linguistique qui ne perde pas de vue l'objectif général de respect du plurilinguisme et respecte notre volonté de conserver à la langue française un statut significatif dans l'espace européen.
    Troisième objectif : une action doit être menée pour renforcer le rôle de langue de conception et de proposition du français. Il serait en effet préjudiciable à l'influence de nos positions en Europe que le français devienne uniquement une langue de traduction. Nous pourrions naturellement obtenir cette satisfaction, mais le français doit aussi demeurer une langue de conception et de travail partagée. Je suis toujours très heureux de constater que, lors de réunions européennes, certains ministres de la culture étrangers font l'effort, souvent avec beaucoup d'élégance et d'autorité, de s'exprimer en langue française. C'est systématiquement le cas de mon collègue portugais. C'est également le cas de mon collègue grec, M. Venizelos. Chaque fois que nous avons affaire à des partenaires qui manifestent ce type de considération pour la langue de notre pays, il faut leur marquer en retour de l'amitié, du respect et de la considération.
    Tels sont les objectifs de notre engagement. Il est important que l'Assemblée nationale et le Gouvernement travaillent dans la même direction.
    Ce sujet essentiel ne peut souffrir des points de vue divergents ou partisans. C'est l'unité et l'intérêt culturel de la nation tout entière qui sont en jeu.
    Vous écrivez dans votre rapport, monsieur Herbillon, que le déclin du français en Europe n'est pas une fatalité. Je le sais. La France conduit une action résolue et cohérente en faveur de la promotion du français et de la diversité linguistique. Cette politique produit d'ores et déjà des résultats encourageants même s'ils sont encore loin de l'objectif que nous pourrions nous fixer. En tout cas, notre position renforce parmi nos partenaires de l'Union européenne et au sein des institutions communautaires l'idée que, si l'Europe doit parler d'une seule voix, elle doit le faire en plusieurs langues. Au moment où l'on parle beaucoup de diversité culturelle, il est très important de bien affirmer la diversité linguistique dans cet espace culturel si singulier qu'est l'espace européen.
    Votre constat et votre vision sont totalement partagés par le Gouvernement. En son nom, j'exprime ici, avec mon collègue Wiltzer, un soutien sans réserve à votre proposition de résolution. (Applaudissements.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je souhaite à mon tour adresser mes voeux à l'Assemblée, à vous-même, monsieur le président, et rendre hommage au remarquable rapport de Michel Herbillon ainsi qu'aux travaux de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des affaires culturelles.
    Comme Jean-Jacques Aillagon, je vous indique d'emblée que les recommandations contenues dans la résolution qui vous est soumise rencontrent l'entière approbation du Gouvernement. A l'instar de vos rapporteurs, Michel Herbillon pour la délégation pour l'Union européenne et Juliana Rimane pour la commission des affaires culturelles, je suis convaincu que l'avenir du français comme langue internationale se joue d'abord en Europe. C'est donc d'abord sur ce front que se livre la bataille principale. Les chiffres cités par vos rapporteurs le démontrent.
    Il y a bien sûr d'autres fronts - nous devons toujours avoir à l'esprit que la bataille est aussi mondiale -, par exemple celui du français sur le continent africain, où une forte demande existe. Mais il s'agit là, avant tout, d'un problème de moyens : il nous faut reconstruire ou renforcer puissamment les systèmes éducatifs des pays africains francophones, qui figurent parmi les plus peuplés, mais souvent aussi les plus démunis. Ce combat se confond largement avec le programme international de scolarisation universelle, baptisé « Education pour tous », dans lequel la France joue un rôle moteur.
    C'est l'un des principaux « Objectifs du millénaire pour le développement » et aussi l'une des priorités de la coopération française.
    Je donnerai un seul exemple pour illustrer l'intérêt et l'importance de ce programme, celui de la République démocratique du Congo. Ce pays de plus de 60 millions d'habitants, qui sort gravement meurtri d'une longue période de conflits, n'a qu'une seule langue officielle et d'enseignement, le français. Mais, en réalité, il n'y a aujourd'hui que quelques millions de Congolais qui parlent le français. Si nous sommes en mesure, avec les aides internationales qui ont été mises en place, de recréer, avec les Congolais, un système scolaire capable de délivrer un enseignement de base à tous les enfants, c'est 60 millions de vrais francophones que comptera bientôt le Congo, potentiellement le deuxième pays francophone du monde par sa population après la France, avant sans doute de la dépasser.
    Mais, si l'on veut que le continent africain soit pour le français ce que le continent sud-américain est pour l'espagnol et le portugais, c'est-à-dire un puissant pôle, un vaste réservoir linguistique, encore faut-il que le français reste une langue internationale utile, en particulier en Europe.
    A cet égard, confirmant - ce qui ne vous étonnera pas - les propos de mon ami Jean-Jacques Aillagon sur nos objectifs et sur notre détermination, je voudrais évoquer les quatre orientations principales de notre politique : renforcer la coordination de nos actions et de nos moyens ; appuyer notre politique en faveur du français sur la promotion du plurilinguisme, en liaison avec nos principaux partenaires ; redoubler de vigilance vis-à-vis des régimes linguistiques des institutions européennes ; enfin, présenter une nouvelle offre d'apprentissage du français aux citoyens des nouveaux pays adhérents.
    Renforcer la coordination de nos actions et de nos moyens est, à juste titre, l'une des recommandations qui figurent dans la proposition de résolution. La responsabilité de la présence de la langue française dans le monde est actuellement dispersée entre plusieurs ministères et un certain nombre de services ou d'organismes administratifs pour lesquels ce sujet n'est pas toujours la mission prioritaire. Bien entendu, je ne traite pas ici de la situation du français en France, qui relève de la compétence de Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, ainsi que du ministère de l'éducation nationale. Je ne parle que du français à l'étranger.
    Le constat de cette dispersion des responsabilités et des moyens en matière de francophonie en dehors de nos frontières n'est pas nouveau : mes prédécesseurs qui ont reçu tour à tour la mission de promouvoir la francophonie dans le monde l'ont déjà établi avant moi, sans parvenir à faire réellement évoluer le système. Et M. Herbillon rappelait à l'instant la lenteur avec laquelle un certain nombre de réformes de bon sens se mettent en place. Mais la situation liée à l'élargissement de l'Europe nous impose aujourd'hui de prendre des mesures urgentes et véritablement à la hauteur des enjeux.
    Pour ma part, j'ai fait un certain nombre de propositions qui visent à resserrer notre dispositif administratif et à clarifier les responsabilités, d'abord au sein du ministère des affaires étrangères lui-même, ensuite entre ce dernier et d'autres pôles de décision. Ces propositions sont en cours d'examen et de mise au point. Je suggère notamment la création, entre les ministères des affaires étrangères, de l'économie et des finances, de la culture et de la communication, ainsi que le secrétariat général du comité interministériel chargé de la coopération européenne, le SGCI, d'un réseau permanent de veille et d'alerte sur les questions linguistiques en Europe.
    Nous devons en effet être en mesure de rassembler plus rapidement les informations sur les lacunes ou les défaillances dans l'application des règles linguistiques pour pouvoir réagir aussitôt et de façon cohérente, voire vigoureuse.
    De même, il nous faut mieux coordonner les moyens de nos services et de nos opérateurs pour la promotion du français : je pense aux centres et instituts culturels, aux alliances françaises, aux établissements français d'enseignement, aux programmes spécifiques de formation au français à l'intention de catégories particulières comme les diplomates étrangers, les traducteurs et interprètes, les journalistes ou les fonctionnaires européens. Nos ambassades dans les pays concernés par l'élargissement disposent pour cela de crédits déconcentrés dont le montant atteint près de 10 millions d'euros. Le ministère des affaires étrangères a alloué en outre une somme de 610 000 euros, sur ses crédits bilatéraux, à des actions de formation ciblées qui viennent renforcer ces dispositifs et qui concernent près de 3 000 ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale occupant des fonctions de responsabilité.
    La deuxième orientation consiste à appuyer notre politique en faveur du français sur la promotion du plurilinguisme en Europe.
    La coordination ne doit pas concerner que nos moyens nationaux. Nous devons également rechercher une concertation active avec ceux de nos partenaires européens qui sont les plus attentifs à la question linguistique.
    Il y a d'abord les francophones, bien sûr, nos amis belges et luxembourgeois. Jean-Jacques Aillagon a cité à cet égard le plan pluriannuel pour le français que nous avons signé avec eux en 2002. Une enveloppe de 1,4 million d'euros a permis de financer ce plan sur le budget des affaires étrangères en 2003. J'examine actuellement avec l'Agence intergouvernementale de la francophonie la possibilité d'augmenter ces crédits. Rappelons que ce plan a permis de financer la formation en français de 2 000 ressortissants des nouveaux pays adhérents et d'équiper 20 000 postes de travail d'un logiciel d'assistance à la rédaction en français.
    Mais nous avons aussi besoin de nouer des alliances avec d'autres partenaires, attentifs au sort de leur propre langue. Je pense notamment à l'Allemagne, pays dont la langue, ne l'oublions pas, est celle parlée aujourd'hui par le plus grand nombre d'Européens en raison de son poids démographique, pays qui fait également preuve d'une grande vigilance en ce domaine, ce dont on doit se féliciter. Nous avons déjà évoqué ce sujet avec nos amis allemends et décidé de coordonner nos positions au sein de l'Union européenne.
    Comme cela a été dit, nous ne sauverons pas le français seuls contre toutes les autres langues. Nous le sauverons grâce au plurilinguisme. C'est d'ailleurs l'orientation stratégique capitale qu'a choisie l'Organisation internationale de la francophonie lors du sommet de Beyrouth en octobre 2002, en se faisant la championne de la diversité culturelle et linguistique.
    A cet égard, je voudrais attirer l'attention de votre assemblée sur l'importance du débat qui s'est déroulé à ce sujet dans le cadre de la convention européenne en vue de la préparation de la future Constitution européenne. Les négociations, d'ailleurs serrées, ont abouti, comme le souhaitait la France, à l'inscription à l'article 3 du projet de Constitution du principe du respect, par l'Union, de la diversité culturelle et linguistique.
    Certes, ce projet de Constitution n'a pas été adopté, pour le moment. Mais on peut espérer qu'il le sera sans trop tarder. En tout cas ce n'est pas sur le point de la diversité culturelle et linguistique que les négociations ont achoppé. Nous trouverons donc dans le texte constitutionnel - le moment venu, je l'espère - un élément juridique fondamental sur lequel nous pourrons adosser nos démarches pour préserver l'usage des langues, et donc de la nôtre. Ce principe constitutionnel, je le signale, nous a fait cruellement défaut en plusieurs circonstances où l'usage du français a été mis en cause, y compris devant la Cour de justice européenne, parce que les instances européennes compétentes ne se référaient qu'au droit du commerce et de la consommation, le seul qui ait été édicté jusque-là par les traités existants.
    La désignation d'un « coordinateur pour le multilinguisme » auprès des institutions européennes irait également dans le bon sens. Il aurait pour mission d'observer en toute transparence l'application des règles en matière linguistique.
    S'agissant des nouveaux pays adhérents, enfin, nous avons entrepris avec l'Organisation internationale de la francophonie une série de démarches auprès de ceux d'entre eux qui sont membres associés de l'OIF pour les sensibiliser tout particulièrement à la nécessité de mettre leurs pratiques en cohérence avec leurs engagements au sein de la francophonie. Je compte organiser à ce sujet, dès que possible, avec le secrétaire général de l'OIF, le Président Abdou Diouf, une réunion des ministres des afffaires étrangères des Etats membres et futurs membres de l'Union européenne qui appartiennent également à la francophonie.
    Troisième orientation : redoubler de vigilance vis-à-vis des régimes linguistiques des institutions européennes. Je ne m'étendrai pas longuement sur ce point. Non pas qu'il soit de moindre importance, bien au contraire, mais parce que les rapports qui vous ont été soumis comportent à cet égard toutes les indications nécessaires, aussi bien sur la dégradation de la situation que l'on peut observer que sur les solutions à appliquer. Le Gouvernement partage les points de vue de vos rapporteurs, repris dans la résolution, sur l'attitude que nous devons adopter. Je les résume.
    Premièrement, conforter les régimes qui réservent expressément une place privilégiée au français. C'est le cas dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, d'une part, et des comités des représentants permanents, COREPER, d'autre part.
    Deuxièmement, maintenir le régime d'interprétation intégrale pour les réunions politiques majeures : Conseils européens, réunions ministérielles.
    Troisièmement, pour les autres enceintes, expérimenter les nouveaux dispositifs actuellement envisagés - régime dit « asymétrique » ou système dit « de marché » ou de « paiement à la demande » - mais pour une période limitée et assortie d'une évaluation précise sur des critères objectifs à l'issue de ces expériences, avant que des décisions définitives ne soient prises. A l'égard de ces mécanismes, nous ferons preuve d'une grande vigilance pour éviter une dérive vers un monolinguisme de droit ou de fait.
    Enfin, en toute hypothèse, effectuer des démarches systématiques auprès des instances européennes pour obtenir que les textes en français soient rédigés et diffusés en même temps que les textes en anglais, pour contrecarrer la dérive très forte constatée au cours de la dernière période.
    A ce chapitre consacré à l'usage du français dans les diverses institutions de l'Union, j'ajoute une observation qui concerne les fonctionnaires européens eux-mêmes : à l'initiative de Dominique de Villepin et de Noëlle Lenoir, la France, avec le soutien de plusieurs de ses partenaires, a obtenu que soit inscrite dans le statut des fonctionnaires européens l'obligation de pouvoir travailler dans au moins deux langues de l'Union en plus de la leur pour pouvoir bénéficier d'une promotion dans leur carrière. C'est une façon concrète de faire progresser le plurilinguisme dans les services de la Commission, et nous aurons à veiller à ce que cette disposition soit réellement appliquée.
    Quatrième orientation, enfin : présenter une nouvelle offre d'apprentissage du français aux citoyens des pays membres de l'Union, les actuels comme les futurs.
    Si nous voulons que le plurilinguisme soit assuré dans les institutions européennes, il faut qu'il progresse également dans les peuples européens. L'apprentissage obligatoire de deux langues vivantes à l'école est à cet égard un enjeu déterminant. Dans les pays européens qui ont introduit cette règle dans leur système d'enseignement, l'Espagne et l'Italie par exemple, on en constate les effets positifs : l'accroissement du nombre des élèves choisissant le français comme l'une de ces deux langues est spectaculaire. Il faut donc poursuivre dans cette voie, ce qui signifie que nous devons nous y engager nous-mêmes.
    Pour répondre à la demande extérieure, j'ai décidé de lancer en 2004 un programme triennal de formation de 2 000 professeurs de français dans les pays qui ont adhéré à l'Union européenne. Nous réexaminons également les conditions dans lesquelles les études supérieures, les bourses et les diplômes français pourraient être rendus plus attractifs pour les jeunes de ces pays.
    S'agissant d'un des pays fondateurs de l'Europe, avec lequel la France entretient des relations particulièrement étroites, je parle de l'Allemagne, le Président Jacques Chirac et le Chancelier Gerhard Schröder ont décidé, lors du dernier conseil des ministres franco-allemand, réuni à Berlin le 18 septembre dernier, conseil auquel nous participions, Jean-Jacques Aillagon et moi-même, de mettre en oeuvre un plan d'enseignement du français en Allemagne et de l'allemand en France pour renverser l'évolution négative - que relevait tout à l'heure le président de la délégation - constatée dans les deux pays au cours des dernières années.
    Il faudrait parler également du rapprochement des systèmes éducatifs des pays de l'Union, de l'harmonisation des diplômes permettant la mobilité des étudiants dans leur cursus universitaire, et aussi des échanges culturels, de la diffusion du livre ainsi que des créations audiovisuelles et de bien d'autres moyens de développer la connaissance mutuelle des pays membres, de leur culture et de leur langue.
    Bref, c'est une politique d'ensemble qui doit concourir à promouvoir la langue française en Europe et dans le monde. La tentation de la facilité, c'est-à-dire du repli sur un idiome unique de communication, d'ailleurs singulièrement appauvri si on le compare à la langue anglaise, est une menace bien réelle. Raison de plus pour faire preuve de détermination et de persévérance.
    Aujourd'hui, il y a urgence. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, et le Président de la République lui-même, qui sont très attentifs à ce sujet, sont décidés à mobiliser les moyens nécessaires non seulement pour organiser la défense, mais pour mener l'offensive.
    Mesdames et messieurs les députés, en vous confirmant, avec Jean-Jacques Aillagon, l'approbation donnée par le Gouvernement au projet de résolution qui vous est proposé, je remercie l'Assemblée nationale, et particulièrement ses rapporteurs, Michel Herbillon et Julianan Rimane, de la contribution importante qu'elle apporte aujourd'hui à cette démarche. (Applaudissements.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Bourg-Broc.
    M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'apogée de la langue française remonte au siècle des Lumières et plus particulièrement au traité de Rastadt, en 1714, qui a fait du français la langue diplomatique internationale. Sans doute de manière quelque peu provocatrice, Antoine de Rivarol, dans son Discours sur l'universalité de la langue française, en 1784, affirmait sans complexe que le français était « la langue humaine ».
    C'est probablement parce que notre langue, à un moment précis de l'histoire, a été considérée avec tant de grandeur que nous avons pris conscience de sa particularité. Cette prise de conscience nous a sans doute ouverts sur les autres langues et sur les autres cultures.
    C'est peut-être également la raison pour laquelle nous refusons aujourd'hui avec tant de vigueur l'uniformité linguistique. La langue, plus qu'un moyen de communication, est le vecteur de la pensée humaine et l'expression d'un raisonnement. Choisir un mot plutôt qu'un autre, par réflexion ou même inconsciemment, a une signification précise. Ce choix identifie la personne, son histoire, sa culture. L'uniformisation linguistique, plus que la négation d'une autre langue, est la négation d'une culture.
    Or la prochaine entrée dans l'Union européenne de dix nouveaux pays produit chez nous, Français, peut-être plus qu'ailleurs, un sentiment de crainte, justifié ou non : la crainte d'une uniformisation massive et subite du régime linguistique de l'Europe, notamment en faveur de l'anglais. Au sein de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, nous sommes très inquiets de constater à la fois la faible proportion de francophones et l'insuffisance de l'enseignement du français dans les Etats candidats à l'entrée dans l'Union européenne, inquiétude relayée dans la résolution que nous avons adoptée en juillet 2003, à Niamey, et qui a été transmise aux instances de l'Organisation internationale de la francophonie. Cette inquiétude n'était pas seulement celle des Européens.
    Puisque nous sommes conscients de ces conséquences potentielles de l'élargissement, c'est aujourd'hui qu'il faut les envisager et limiter leur apparition. Auguste Comte disait qu'« il faut prévoir afin de savoir et de pouvoir ». Plus que jamais, cette assertion est justifiée. C'est elle qui nous incite aujourd'hui, au sein de cette assemblée, à approuver la résolution relative à la diversité linguistique en Europe.
    Cette proposition de résolution s'inscrit dans la logique du rapport qui m'a été confié par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée parlementaire de la francophonie sur l'usage du français dans les institutions internationales, avec un volet particulier sur son usage dans les institutions européennes. Je reviendrai à ce rapport qui se conjugue parfaitement avec celui de notre collègue Michel Herbillon, mais je voudrais d'ores et déjà souligner combien il est urgent de réagir. Des rencontres que j'ai eues, notamment à Bruxelles, j'ai tiré un constat pessimiste, mais tout n'est pas encore perdu.
    Lorsque nous nous battons pour défendre la place du français dans les institutions européennes, nous nous battons également pour que la diversité linguistique soit une des caractéristiques de l'Union. N'oublions pas que l'Europe est une entité géographique et politique qui se construit progressivement autour de volontariats. Contrairement à la création d'un Etat-nation, elle ne se bâtit pas autour d'une lutte imposant la partie la plus forte, mais dans la négociation. L'Union européenne se construit autour des diversités culturelles et linguistiques. Les nier serait nier le fondement même de l'Europe. Ne nous trompons pas de combat. Ce n'est pas uniquement du français et de son éventuelle prédominance qu'il est question. Notre devoir est certes de conserver au français sa place internationale, mais également d'aider les autres langues à conserver leur place, leur statut, leur caractéristique et leur originalité au sein de l'Union européenne.
    M. Pierre Forgues. Très bien !
    M. Bruno Bourg-Broc. Nous devons faire évoluer le statut des langues. La France doit être le moteur de cette nouvelle action. Toutes les démarches que nous mènerons pour maintenir la place du français en Europe devront conserver ce caractère d'ouverture et cet état d'esprit positif.
    Je m'explique : le français ne doit pas jouer le même jeu, à la limite du supportable, que la langue anglaise, qui écrase les autres langues par son omniprésence. A contrario, il doit être le moteur d'un mouvement tirant vers le haut le statut des langues qui ne sont pas l'anglais. Bien connue pour son oeuvre en faveur de la diversité culturelle, dont elle est le chef de file, la France doit s'engager pour la préservation de la diversité linguistique. Notons que, très souvent, ces combats sont proches, voire similaires.
    La langue est une composante essentielle de la culture. Si l'Europe nie les langues, elle nie les cultures et ne présente alors que peu d'intérêt pour les citoyens, pour les hommes et les femmes. Je suis convaincu que le destin de l'Europe se jouera autour de cette diversité. L'Europe sera diversité ou ne sera pas !
    Cette préoccupation du respect de la diversité culturelle et linguistique a néanmoins et heureusement été transcrite dans le projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe. La France, par l'intermédiaire du Président Giscard d'Estaing, a obtenu l'inscription d'une mention particulièrement indispensable. Ainsi, il est énoncé que « l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse, et linguistique ».
    Pourtant, alors que je travaille actuellement à un rapport ayant pour thème le français dans les institutions internationales, j'ai pu constater à quel point cette diversité linguistique était menacée en Europe même. Et, lorsque je l'ai présenté pour partie à mes collègues de la commission culturelle de l'APF, lors d'une réunion à Châlons-en-Champagne, j'ai constaté autant leur étonnement que leur volonté de remédier à cette dérive d'uniformisation linguistique.
    Respecter la diversité linguistique, c'est garantir le plurilinguisme. On le sait, notamment par l'exemple de l'Espagne : lorsqu'on offre aux élèves la possibilité d'étudier deux langues étrangères, le français devient en général la seconde. C'est pourquoi lorsqu'on met en place les actions élémentaires offrant un choix plus large dans l'apprentissage des langues, les conséquences sont positives. Au reste, arrêtons de parler de « défense de la langue française », expression qui symbolise pour beaucoup une attitude de méfiance à l'égard des autres langues. Parlons plutôt de « promotion » de la langue française, terme beaucoup plus positif et qui rayonne. La promotion d'une langue passe souvent par la connaissance de l'autre. C'est un échange libérateur de tout a priori.
    L'accueil au sein de l'Union européenne se produira d'autant plus facilement que chacun - les nouveaux comme les anciens membres - sera garanti de ne pas perdre son identité linguistique et culturelle. Cet accueil sera d'autant plus chaleureux que les nouveaux représentants européens pourront s'exprimer dans leur langue.
    C'est pourquoi, au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, j'approuve et soutiens dans sa totalité la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd'hui. Garantir le régime de l'interprétation intégrale, dans le Conseil européen est une nécessité impérieuse. Régulièrement, les parlementaires sont saisis par des citoyens mécontents et las de la suprématie de la langue anglaise utilisée cependant sous une forme qui s'apparente plutôt à une langue d'ordinateur qu'à celle de Dickens.
    Comment ne pas s'offusquer, il est vrai, en découvrant que les offres d'emplois au sein des institutions européennes sont, d'une part, rédigées en langue anglaise et, d'autre part, souvent limitées à des personnes de langue maternelle anglaise ? Cette double restriction élimine de facto des candidats compétents, mais n'ayant pas l'anglais pour langue maternelle. C'est un gaspillage de compétences.
    De même, comment ne pas s'indigner lorsqu'on constate la multiplication des appels d'offres en langue anglaise ?
    Enfin, juridiquement, il n'est pas négligeable de constater les apports des différents droits en fonction de la langue dans laquelle le document est rédigé. Ainsi, le traité de Nice a-t-il cette particularité d'avoir l'empreinte du droit français, deuxième traité pensé et rédigé en français depuis le traité de Rome.
    Il est temps d'agir en notre nom et en celui des autres. Cette demande de respect de la diversité culturelle est très forte. Il est de notre devoir d'y répondre. Pour autant, cette garantie ne serait qu'une coquille vide sans les obligations inhérentes à ce respect et à la condamnation de ces atteintes.
    En outre, chaque pays doit être - et la France avant tout - le premier ambassadeur de sa langue. Cela implique que les Français travaillant dans les institutions européennes utilisent leur propre langue, faisant par là même la promotion de la langue française.
    Permettez-moi, au terme de cette intervention, de formuler quelques propositions longuement discutées par la commission culturelle de l'Assemblée parlementaire de la francophonie qui figurent dans la résolution de Niamey de juillet dernier que j'ai déjà évoquée.
    Je ferai d'abord une recommandation. La politique de l'Europe en matière de diversité linguistique, qui est aussi celle de la France, laquelle doit participer à son élaboration sinon l'initier, doit être réaliste, voire pragmatique. Il importe de ne pas formuler de propositions trop coûteuses, car cela ne peut que favoriser l'anglais, et de ne pas heurter nos partenaires, sous peine de vouer à l'échec toute proposition.
    Mais il faut aussi savoir faire preuve de fermeté. Il convient de faire appliquer les textes quand ils existent, de rappeler les pratiques quand des consensus se sont dégagés au fil du temps, de veiller à l'usage du français par les fonctionnaires d'origine française en poste dans les institutions européennes et internationales.
    Je mettrai plus particulièrement l'accent sur quelques pistes d'actions. Il faut, selon moi, entretenir et développer la francophonie à Bruxelles, par exemple en y favorisant la vie culturelle francophone.
    Il faut aussi prendre contact avec les représentations permanentes des futurs membres de l'Union, pour les accueillir dans un environnement francophone - c'est le travail des semaines et des mois à venir.
    J'insiste à cet égard sur le rôle que peuvent jouer les parlements francophones et plus particulièrement nos deux assemblées.
    Il importe également de faire preuve de vigilance en matière de nominations afin d'être sûrs que nos fonctionnaires s'exprimeront ou pourront s'exprimer en français. Cela implique aussi d'être présents dans les différentes structures.
    Il faut encore favoriser l'apprentissage des langues avant le recrutement et tout au long de la carrière et faire passer le message auprès des citoyens et des entreprises qu'elles n'ont pas à écrire en anglais. De fait, les entreprises françaises sont souvent les premières à rédiger leur offre de candidature en anglais à Bruxelles.
    Il faut enfin insister en permanence pour que l'usage des trois langues de travail soit préservé - position qui semble, d'ailleurs, dégager un certain consensus.
    Pour préserver l'usage de trois langues de travail, deux pistes semblent devoir être explorées simultanément. L'une consiste à faire évoluer la réglementation des concours d'entrée dans les institutions de l'Union européenne, de telle sorte que ceux-ci soient organisés sur la base de trois langues de travail, et que chaque candidat reçu et inscrit sur les listes d'aptitude ait une parfaite maîtrise d'au moins deux de ces trois langues en plus de sa langue maternelle. L'autre consiste à préparer l'avenir en confortant le trilinguisme modulaire - anglais, français et allemand, ou anglais, français et espagnol, par exemple -, en soutenant la création d'une école européenne d'administration préparant aux concours d'entrée des institutions européennes dans les trois langues de travail - école qui pourrait être implantée, comme le suggère le rapport, à Strasbourg - ou en créant des classes d'immersion dans les différentes langues de l'Union européenne dès le niveau primaire, en instituant une mobilité des enseignants en cours de formation en début de carrière.
    Sans doute certaines de ces propositions sont-elles ambitieuses. Mais il s'agit d'une démarche à mener à la fois rapidement et dans la durée, et que nous devons initier le plus vite possible. Notre avenir est entre nos mains, et dans notre langue.
    Tout naturellement, je le répète, le groupe UMP ne peut que souscrire à la proposition qui nous est présentée par M. Herbillon et la votera des deux mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues.
    M. Pierre Forgues. Le prochain élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux pays, le projet de Constitution européenne et le recul du français comme langue de travail dans les instances européennes sont, à n'en pas douter, à l'origine de cette proposition de résolution adoptée à l'unanimité par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

    Cette proposition de résolution vise donc à appeler l'Assemblée nationale à exprimer son attachement au principe du plurilinguisme en vigueur au sein des institutions européennes et à promouvoir le français comme l'une des langues de travail dans l'Europe élargie.
    Le principe de l'égalité des langues et du plurilinguisme était relativement simple à mettre en oeuvre au moment de la création de la communauté constituée de six pays avec seulement quatre langues - français, allemand, italien, néerlandais. Au fur et à mesure des élargissements successifs, ce principe d'égalité a été de plus en plus difficile à respecter, et les langues de travail se sont imposées de manière inégale.
    Toute langue est le support d'une culture et la culture est le bien le plus précieux de tout citoyen européen : elle est le fil de son histoire. Pourtant la culture est restée à la marge de la construction européenne, qui s'est concentrée sur le développement d'un marché commun et sur l'Union économique et monétaire. Le traité de Maastricht, en 1993, même s'il prévoyait l'apanouissement des cultures des Etats membres, était à la base d'une dynamique pour l'essentiel orientée vers l'économie.
    Il n'y a donc rien de surprenant à ce que l'Europe soit trop souvent ressentie comme une menace pour la diversité des cultures. Aujourd'hui, il est essentiel que l'Europe sache, au contraire, valoriser sa diversité culturelle - donc, au premier chef, toutes ses langues.
    Elle ne peut ainsi se réduire à un espace économique générateur de réglementations et de directives que les citoyens ont souvent du mal à accepter. L'Europe doit être un espace beaucoup plus humanisé, ce qui exige le respect et le développement de toutes les langues européennes. Un citoyen ne se sentira européen que si sa langue a toute sa place dans l'Union européenne, même s'il est évident que chaque langue ne s'épanouira que dans son terreau naturel.
    Il ne peut donc pas y avoir d'harmonisation linguistique et culturelle dans le cadre d'une citoyenneté européenne. Pour que les cultures et les langues ne perdent pas leur identité au sein de l'Union, il est nécessaire de réaffirmer le principe du plurilinguisme et de l'égalité des langues et de le faire vivre.

    Mais comment le faire vivre ? Aujourd'hui il y a onze langues officielles dans l'Union européenne. En mai prochain, il y en aura une vingtaine. Au Parlement, au Conseil européen, dans les réunions du conseil des ministres, chacun s'exprime dans sa langue et l'interprétation intégrale dans toutes les langues est assurée. Par contre, les réunions entre fonctionnaires européens se font en trois langues, dites langues de travail - anglais, français, allemand - ou en deux langues - anglais, français - et, il faut bien le reconnaître, très souvent en une seule langue : l'anglais.
    En effet, les élargissements successifs ont conduit à favoriser l'anglais au détriment du français et de l'allemand. La majeure partie de la documentation de la Commission est rédigée en langue anglaise, qui a été également la seule langue utilisée lors des négociations d'adhésions. A la Banque centrale européenne, l'unique langue de travail est l'anglais.
    Comment mettre en oeuvre le principe d'égalité entre les vingt langues ? Comment faire face au défi logistique, technique et budgétaire ?
    La réforme du régime linguistique des institutions européennes, pour autant qu'elle soit nécessaire, n'en constitue pas moins un exercice très délicat. Le projet de Constitution laisse le problème ouvert et se contente d'affirmer : « Le conseil des ministres devra adopter à l'unanimité un règlement européen fixant le régime linguistique des institutions de l'Union. »
    Si nous passons en revue les propositions qui semblent se dessiner, nous retiendrons que le Parlement européen passerait d'un plurilinguisme à un « multilinguisme maîtrisé » autour de trois langues pivots - allemand, anglais, français - et que la Commission européenne conserverait ces trois langues de travail actuelles. Mais cette disposition risque de ne pas être acceptée par l'Espagne, l'Italie, voire la Pologne.
    Comment définir une langue de travail ? Sur quels critères ? Le seul qui s'impose est celui du nombre d'Européens parlant cette langue aujourd'hui. Un raisonnement simple et efficace voudrait qu'il n'y ait qu'une seule langue de travail : l'anglais naturellement. Mais personne n'osera faire une telle proposition, provocatrice sans doute, que la France en particulier refuserait.

    La sagesse voudrait alors qu'on en reste au statu quo de trois langues de travail : l'anglais, le français et l'allemand. Mais le multilinguisme, aussi maîtrisé qu'il soit, devra, me semble-t-il, être élargi à d'autres langues, l'espagnol et l'italien, en particulier, pour obtenir l'adhésion de tous. En revanche, le conseil de l'Union et le Conseil des ministres devront obéir au régime d'interprétation intégral.
    Lier la promotion de la langue française au fait qu'elle reste langue de travail dans les institutions européennes semble notoirement insuffisant et peu efficace, face à l'anglais, langue véhiculaire internationale. La promotion de notre langue passe par l'apprentissage de deux langues dans tous les pays de l'Union. Pour la première langue, l'anglais s'imposera, pour la seconde, le français a de nombreux atouts qu'il partagera avec d'autres, en particulier avec l'espagnol et l'allemand, et, à un degré moindre, avec les autres langues européennes.
    (M. Rudy Salles remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. Pierre Forgues. Dans la mesure où l'on affirme en principe l'égalité de toutes les langues, les Italiens par exemple, pourront dire : afin que l'italien se développe, il faut une troisième langue. Ce raisonnement ne résiste donc guère à l'analyse.
    Les fonctionnaires devront avoir l'obligation de maîtriser deux langues, en plus de leur langue maternelle. Mais il conviendra aussi, messieurs les ministres, que les échanges scolaires entre notre pays et les autres pays de l'Union puissent se développer. Or nous constatons quotidiennement, dans nos fonctions d'élus, que chaque fois que des lycéens veulent faire un échange avec d'autres lycéens européens, l'argent, nerf de la guerre, manque. Si l'on n'est pas capable de faire cela, nous aurons beau discourir sur les principes, les effets concrets resteront à peu près nuls.
    En outre, nous devons accueillir des fonctionnaires européens dans notre pays pour des stages de formation ou de perfectionnement, ce qui n'est pas fait de façon suffisante.
    Malgré nos bonnes intentions, la marche vers le monolinguisme de fait dans les échanges de travail quotidiens semble inexorable. Ce peut être une langue nationale. Ce sera alors l'anglais. Pour éviter toute hégémonie nationale et toute discrimination, ne faudrait-il pas promouvoir une langue non nationale servant de deuxième langue à tout le monde ? Cette langue existe depuis plus d'un siècle, messieurs les ministres, c'est l'espéranto. Cela peut paraître aujourd'hui peu vraisemblable ou utopique, mais pas plus que l'euro il y a quelque vingt ans ou que le projet de construction de l'Union européenne elle-même, il y a une soixantaine d'années. Cela relève du domaine de la raison, de la réflexion et de la décision politique.
    Contrairement à ce que l'on pourrait croire, rien n'est jamais acquis, y compris au plan de l'hégémonie d'une langue. En effet, l'histoire de l'Europe est ancienne. Ainsi que notre collègue M. Bourg-Broc l'a rappelé, le français aussi a été hégémonique, même si, aujourd'hui, nous constatons que l'évolution n'est pas positive et risque de ne pas l'être dans les temps à venir. De même, le latin fut la langue de travail et d'échange au temps de l'empire romain. Cela n'empêcha pas la langue de Cicéron de péricliter et de mourir - cela l'aida peut-être même à mourir.
    Demain comme hier, les philosophes, les savants, les poètes, les artistes, les citoyens de quelque pays européen qu'ils soient, feront l'Europe, leur Europe, celle de leur culture, de leur langue, de leur identité, bref l'Europe humanisée au service du progrès économique et social où chaque Européen se sentira vraiment chez lui. Il est dans la mission des politiques de les y aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, les députés du groupe UDF se félicitent que nous ayons une fois encore l'occasion de débattre de l'Europe au sein de notre assemblée, et ce sur un sujet essentiel : la diversité des langues au sein de l'Union européenne. En effet, notre langue n'est pas seulement un ensemble de mots, mais toute une culture, une manière de penser et même de vivre, un héritage reçu de nos ancêtres que nous avons pour devoir de transmettre à nos enfants et aux générations futures.
    Si nous attachons tant de prix à la construction européenne, c'est parce que nous y voyons le seul moyen pour la France de demeurer une grande puissance et de nouer des relations de solidarité et d'amitié avec ses voisins. Le caractère unique de cette construction, ce qui en fait le prix et la particularité par rapport aux tentatives d'union entreprises dans diverses parties du monde, c'est le multilinguisme. Les autres organisations internationales, en effet, ne reconnaissent qu'un nombre limité de langues officielles. Les pères fondateurs de l'Europe - Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi - étaient particulièrement attachés à ce pluralisme linguistique. Il nous faut aujourd'hui reprendre cette volonté à notre compte.
    Or le prochain élargissement rend la question de la diversité linguistique très épineuse. Aujourd'hui, dans l'Europe des Quinze, il n'existe pas moins de onze langues officielles et de travail. C'est déjà beaucoup trop, disent certains. Mais l'élargissement à vingt-cinq ouvrira l'horizon linguistique à neuf langues supplémentaires, du hongrois au polonais, du tchèque au maltais. Nous devrons compter avec pas moins de vingt langues !
    Les travaux du rapporteur de la délégation pour l'Union européenne l'ont montré : les difficultés liées à la traduction et à l'interprétation systématiques de toutes ces langues sont, certes, financières, mais aussi techniques et matérielles. En effet, si le service européen d'interprétation est la plus grosse machine à interpréter au monde, son coût budgétaire reste toutefois acceptable. Le problème porte davantage sur des questions techniques, en particulier sur le recrutement de traducteurs et d'interprètes dans les nouvelles langues.
    Pour prendre un exemple déjà cité et particulièrement parlant, il n'existe pas de traducteur maltais connaissant le finnois.
    Nous considérons, à l'UDF, qu'il est nécessaire de maintenir le régime d'interprétation intégrale au Conseil européen et lors des réunions ministérielles du Conseil de l'Union, car tout représentant du peuple a le droit de s'exprimer dans sa langue maternelle. Il est également souhaitable que l'on pérennise les régimes linguistiques utilisés lors des réunions sur la politique étrangère et de sécurité commune, c'est-à-dire l'anglais et le français et lors des réunions du Comité des représentants permanents, les réunions des ambassadeurs des Etats membres, soit l'anglais, le français et, dans une moindre mesure, l'allemand. Sur ces systèmes linguistiques, il existe un consensus fondé sur une pratique ancienne, acceptée par tous ; c'est ce consensus qu'il nous faut conserver.
    Quant aux réunions des autres groupes de travail du Conseil, il est souhaitable que l'on arrive à un accord tenant compte des principes du pluralisme linguistique et de l'efficacité politique et administrative, tout en tenant compte de l'inévitable question du coût.
    Surtout, le groupe UDF s'oppose fermement à ce que l'on généralise les réunions sans interprétation, ce qui favoriserait l'utilisation d'une seule langue, contrairement au principe du multilinguisme.
    La solution serait un régime « asymétrique » : chacun pourrait parler dans sa langue maternelle et les débats ne seraient traduits que dans un nombre limité de langues de travail. Il est en conséquence nécessaire de fixer un nombre - réduit - de langues de travail.
    L'essentiel, pour nous, est donc de maintenir le principe selon lequel chacun doit pouvoir s'exprimer dans sa langue, même si nous sommes conscients qu'il sera difficile d'empêcher l'utilisation d'une langue véhiculaire - aujourd'hui l'anglais - qui risque de l'être plus encore demain après l'adhésion des nouveaux Etats membres.
    L'enjeu de la discussion d'aujourd'hui sur la diversité linguistique, c'est donc au bout du compte la place du français. Il s'agit en effet, non seulement de répondre au défi linguistique que représente le nouvel élargissement, mais aussi de promouvoir le français par une démarche volontariste. Comment ne pas être frappé, choqué même, que Malte soit le seul pays candidat où le français est davantage enseigné que l'allemand ?
    L'avenir du français dans le monde se joue désormais en Europe. C'est pourquoi une politique ambitieuse doit être menée, non seulement pour défendre, mais aussi pour promouvoir le français. En particulier, il faut défendre l'idée d'une deuxième langue étrangère obligatoire dans l'enseignement, parce qu'elle peut être un bon moyen de promouvoir d'autres langues que l'anglais. Il nous faut également encourager l'accueil d'étudiants étrangers en France.
    Garantir le plurilinguisme, défendre les langues minoritaires - y compris certaines langues régionales - constitue également un moyen de promouvoir le français. Au moment où nous parlons de la diversité des langues nationales, je ne peux en effet passer sous silence la question des langues régionales. La défense du plurilinguisme constitue le moyen de maintenir et de développer les traditions et la richesse culturelles de l'Europe. La protection et la promotion des langues nationales dans les différents pays d'Europe, comme celle des langues régionales dans les différentes régions du continent, représentent une contribution importante à la construction d'une Europe fondée sur les principes de la démocratie et de la diversité culturelle.
    Mais puisqu'il s'agit surtout pour nous, ici, de défendre notre langue française contre la pratique, qui se répand, d'une sorte d'anglais utilitaire, de pidgin english bien éloigné de la culture pratiquée par les grands auteurs de langue anglaise, je voudrais souligner ici que cette dérive est également liée au développement d'une « aculture » trop caractéristique de notre époque où règnent la télévision et les moyens de communication sommaires. La défense du français constitue donc aussi un élément essentiel du maintien de la culture européenne dans ce qu'elle a de plus universel et de plus étendu. Je souhaiterais rappeler ici, au moment de terminer mon intervention, que de cette même tribune, le roi d'Espagne et le Premier ministre de Grande-Bretagne ont tenu à s'exprimer en français, rendant ainsi à notre langue le juste hommage qui lui est dû.
    Chers collègues, le groupe UDF approuve dans cet esprit la proposition de résolution présentée par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Nous souscrivons à ses trois objectifs : garantir un plurilinguisme maîtrisé, promouvoir la langue française et développer l'apprentissage des langues étrangères dans les systèmes éducatifs européens. (Applaudissements.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de résolution pose deux questions essentielles et indissociables. La première concerne le défi linguistique que représente l'élargissement à dix nouveaux pays et qui pourrait consolider la progression incontestable de l'anglais au sein des institutions européennes en dépit du régime juridique de plurilinguisme qui les caractérise. La deuxième a trait à la place du français dont le recul, tout aussi net en Union européenne depuis le début des années quatre-vingt-dix, pourrait s'intensifier.
Face à un tel enjeu, cette proposition préconise à la fois le respect du plurilinguisme sous une forme maîtrisée au sein de l'Union et une démarche volontariste pour promouvoir le français. Vous comprenez dès lors, messieurs les ministres, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, que mon groupe soutiendra cette démarche.
    Mais permettez-moi d'emblée de faire deux observations. D'abord, les voeux, sans moyens, restent pieux et l'affirmation de principes justes, même mille fois répétés, ne donne pas pour autant les résultats escomptés si l'essentiel ne suit pas. Or l'essentiel, c'est la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse et dynamique, assise sur les moyens adéquats dans de multiples domaines - éducation, recherche, science et technologie, culture, développement économique - qui déterminent le rayonnement d'un pays et donc de sa langue. Je ne veux pas polémiquer avec mon ami Pierre Forgues, mais je lui dirai que, de mon point de vue, la langue est l'élément constitutif majeur de la nation à laquelle nous sommes si totalement attachés, et non l'espéranto ou un quelconque volapük, étrangers à notre histoire, à notre culture, à notre enseignement, à la France et à l'Europe.
    Ensuite, l'avenir du français, et il est important d'y insister, ne se joue pas qu'en Europe, monsieur le rapporteur, j'aurai l'occasion d'y revenir. Il se joue d'abord en France, tout autant qu'au niveau mondial. Depuis fort longtemps, mon groupe se bat en faveur aussi bien de la diversité culturelle et linguistique que de la promotion du français, deux faces d'un même combat contre l'uniformisation du monde et la domination du modèle anglo-saxon.
    Dans cette perspective, le pluralisme linguistique, en effet, n'est pas un handicap pour notre langue, car il permet de dépasser l'affrontement stérile et perdu d'avance entre le français et l'anglais. Il est vrai que l'équilibre à atteindre n'est pas aisé, comme l'atteste la situation en Europe qui, pourtant, consacre au plan juridique l'égalité des langues officielles de l'Union. D'ores et déjà, ce régime est plus ou moins théorique en fonction des règles d'application établies au sein de chaque institution, qui font que quelques langues sont « plus égales » que les autres.
    Mais au-delà des distinctions d'usage entre elles émerge une réalité incontournable : le rôle croissant de l'anglais et le déclin parallèle du français qui s'accélère, notamment depuis 1995. Nous en avons de multiples exemples, allant de la chute libre du nombre de documents de la commission initialement rédigés en français aux sites Internet des institutions disponibles uniquement en anglais, comme celui de la Banque centrale européenne, en passant par les appels d'offres en anglais et les annonces de recrutement spécifiant que les candidats doivent être obligatoirement de langue maternelle anglaise. La situation risque d'empirer avec l'élargissement aux dix nouveaux pays et le paysage de onze langues officielles actuelles à vingt ou vingt et une en cas d'adhésion de Chypre réunifiée.
    Il est à craindre que, face aux problèmes d'ordre budgétaire, matériel, technique, logistique et humain que cela posera, le principe d'égalité juridique devienne encore plus théorique et que s'instaure de fait un régime de domination presque sans partage de l'anglais.
    Rappelons que cette langue est maîtrisée par une très forte proportion d'élèves de l'enseignement secondaire et supérieur dans les pays de l'Union élargie, devançant très largement l'enseignement des autres langues. Elle était par ailleurs langue unique lors des négociations d'adhésion, et est la première langue étrangère parlée par 82 % des 162 observateurs au Parlement européen issus des futurs pays adhérents. Je note avec effarement que le français n'est parlé que par 4 % d'entre eux et arrive ainsi derrière l'allemand, parlé par 14 % d'entre eux. Ce n'est d'ailleurs que le reflet de la situation de notre langue dans le système éducatif de ces pays : elle arrive en troisième position dans tous les cas, à l'exception de Malte, loin derrière l'allemand.
    Face à ces données plus que préoccupantes, les mesures préconisées par la proposition de résolution sont certes utiles, mais elles restent très insuffisantes eu égard à la situation critique de notre langue et aux défis qu'elle doit affronter.
    Il convient de rappeler une première évidence : l'avenir du français, contrairement à ce qu'affirme notre rapporteur M. Herbillon, ne se joue pas qu'en Europe. Il se joue d'abord sur le plan national. L'avenir du français se joue dans les moyens adéquats donnés à l'école pour l'apprentissage du français et des langues étrangères, à la culture dont l'appauvrissement est synonyme de celui de la langue mise à mal, à la recherche et au développement scientifique et technologique, à l'essor de notre potentiel économique.
    Tant de domaines où la politique gouvernementale s'avère désastreuse, et ne manquera pas de renforcer l'omniprésence de l'anglais, déjà bien ancré dans les sciences, dans l'informatique, dans les techniques, dans la recherche, au point que le français risque de devenir un dialecte dans notre propre pays.
    L'avenir du français se joue ainsi - je pourrais vous citer des exemples, monsieur le ministre de la culture - à l'échelle internationale, où le constat du déclin dressé par de nombreux rapports d'information, remis ces dernières années au Premier ministre ou au Parlement, est sans appel. Ainsi, aux Nations unies, le français, pourtant langue officielle, recule en faveur de l'anglais, dont l'usage est prépondérant dans le travail quotidien, notamment au siège à New York, mais aussi à Vienne et même à Genève. Les enjeux du problème linguistique sont vitaux dans les domaines culturel, scientifique, économique et politique.
    Nous ne pouvons donc nous résigner à ce déclin qui n'est pas fatal, et cela d'autant plus que le français ne manque pas d'atouts. Notre langue compte environ 160 millions de locuteurs dans le monde, répartis sur les cinq continents. Elle est relayée par les organisations de la francophonie, et porteuse de valeurs universalistes. Sa créativité est immense.
    La défense et la promotion de la langue sont d'abord une question de volonté politique, qui se jauge à l'aune des mesures effectives mises en oeuvre pour relever les défis et contrer les difficultés bien réelles qui s'y opposent. Il est urgent d'entreprendre une réflexion globale, bien au-delà des propositions parcellaires répondant au défi de l'élargissement de l'Union, sur l'ensemble des causes de ce déclin, et sur celles de l'efficacité limitée de l'action gouvernementale, ainsi que sur les propositions pour l'améliorer. C'est la raison pour laquelle - le président de la commission des affaires culturelles nous a quittés, mais je vous demanderai, madame le rapporteur, de bien vouloir lui transmettre mes observations - je regrette que la proposition, que j'avais déposée avec mon groupe, d'une résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les politiques publiques de la promotion de la langue française, ait été récemment rejetée par la commission des affaires culturelles.
    J'y vois certes quelques raisons. La première est sans doute que l'examen en a été reculé plusieurs fois dans le calendrier parlementaire. La deuxième raison tient probablement au nombre d'études existantes. Je me souviens d'avoir participé à l'une des premières commissions d'enquête parlementaires sur la langue française en 1980. Mais je me souviens aussi de l'enquête de Pierre Lequiller sur l'enseignement du français, dont il indiquait en 1996, si je ne m'abuse, que le bilan était partagé. Il y a eu les rapports de Mme Trupin, de M. Bloche, de M. Claeys, de M. Dauge et - j'en oublie. Il y a eu de très nombreuses enquêtes, mais aucune ne fait une synthèse globale des problèmes posés. Elles sont toutes parcellaires. Nous devons effectuer un travail d'ensemble sur ces propositions.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. Je termine, monsieur le président.
    Je ne doute pas que nous trouvions dans cet hémicycle, où dans chaque groupe chacun a la volonté de promouvoir le français, la solution pour remettre en oeuvre ce type de défense et d'illustration de la langue française.
    Je termine, monsieur le président, avec ma dernière observation qui a trait au « désir du français » pour reprendre une expression de M. Cerquiligni, délégué général à la langue française, ce désir de français qu'il convient d'attiser, au-delà de toutes les mesures de soutien à notre langue, sous peine de nous résigner au désenchantement du monde à son égard. Or le désir de la langue est indissociable du regard porté sur la politique du pays dont elle est le symbole identitaire. Plus la France sera porteuse d'un projet socio-économique alternatif au schéma libéral actuel, au niveau national et européen, plus elle véhiculera les valeurs de la coopération et de la solidarité à l'échelle internationale, plus elle inscrira le combat pour le français dans le combat pour la diversité culturelle et pour un dialogue fondé sur l'égalité entre toutes les cultures, bref plus elle véhiculera une vision humaniste du monde, plus fort sera le désir du français et sa place dans le monde (Applaudissements.)
    M. le président. La parole est à M. Céleste Lett.
    M. Céleste Lett. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, l'élargissement prochain de l'Union européenne le 1er mai 2004, la Convention et son projet de constitution européenne soumis à l'adoption des gouvernements des pays membres, placent sous les feux de l'actualité la situation et l'utilisation des langues européennes, notamment de la langue française et des langues régionales, particulièrement celles de la France. A cet égard, quels sont les principes développés dans l'Union européenne ?
    Dès ses débuts, l'Union européenne s'est dotée d'un ensemble juridique et réglementaire très protecteur de sa diversité linguistique, notamment en consacrant le principe d'égalité des langues officielles de l'Union et en soutenant les langues régionales parfois défavorisées dans les Etats concernés. L'Union européenne considère que le plurilinguisme est une richesse sans pareil. Son régime juridique garantit à tous - élus, représentants de l'Union ou citoyens -, de pouvoir s'exprimer, notamment devant le Parlement européen, dans sa langue maternelle. De ce fait, il représente un élément du fonctionnement démocratique de l'Union européenne.
    Elle a ainsi reconnu toute l'importance de sa diversité linguistique et, à l'intérieur de cette diversité, celle des langues régionales qui sont souvent des langues internationales ou officielles dans d'autres pays, comme, par exemple, le basque, l'occitan et le catalan en Espagne et en France ; le français en Italie, dans le Val d'Aoste notamment, en Belgique et en France ; l'allemand en Autriche, en Belgique, en France, notamment en Alsace-Moselle, en Allemagne et en Italie dans le Sud-Tyrol.
    La démarche européenne est non seulement celle de la tolérance de cette diversité des langues nationales officielles ou régionales, mais surtout celle de leur respect et de leur reconnaissance officielle. Ainsi la valorisation de la langue française en Europe passe notamment par la reconnaissance des langues régionales de France. Il est difficile de souhaiter le respect de la diversité européenne en la matière et, dans le même temps, de négliger, voire de laisser disparaître celle qui vit sur son propre sol. La France, qui veut être, avec l'Allemagne, le principal moteur de l'Union européenne, se doit, dans ce domaine aussi, d'être un modèle. Elle a signé la charte des langues régionales ou minoritaires et il est essentiel, pour son image, qu'elle trouve les moyens lui permettant de la ratifier.
    Au-delà des dispositions en faveur de la langue française concernant les fonctionnaires et les diplomates, de son enseignement ou des activités culturelles en français en Europe, la France serait à la hauteur de sa mission en Europe et dans le monde en servant de modèle pour le développement du plurilinguisme. Il est souhaitable que l'enseignement obligatoire de deux langues vivantes devienne une norme européenne et que des langues des nouveaux pays membres soient largement enseignées dans l'Union européenne.
    Par ailleurs, une large information des citoyens français sur l'utilité de cette diversité et la mise en place d'une vaste palette de langues proposées à l'enseignement en France, en particulier en tant que LV1 pour éviter le monopole impérial de la langue anglaise qui sera apprise de toute façon, même en LV 2, voire en LV 3, sont souhaitables. Cela suppose une démarche volontariste, comme pour la promotion du français. De même - cela a été proposé tout à l'heure - la création d'un pôle européen de formation initiale et continue, en particulier dans le domaine linguistique, de fonctionnement européen, pourrait être envisagée ; pourquoi pas à Strasbourg ?
    S'agissant des langues régionales, M. le ministre de la culture et de la communication, Jean-Jacques Aillagon, a, encore une fois, au nom du Gouvernement, lors des premières assises nationales des langues de France, le 4 octobre dernier, souhaité : premièrement, que des initiatives parlementaires permettent des expérimentations de nouveaux dispositifs concernant les langues régionales dans le cadre de la décentralisation ; deuxièmement, qu'un statut législatif et réglementaire pour les langues régionales vienne combler le vide actuel car, aujourd'hui, les langues régionales en France sont presque uniquement présentes, dans le cadre réglementaire, dans l'enseignement.
    Deux systèmes d'enseignement sont prévus par la réglementation : un enseignement extensif de deux heures, mais aussi l'enseignement bilingue paritaire avec treize heures dans chaque langue. Cet enseignement des langues doit non seulement se concevoir comme celui d'une initiation telle qu'elle se pratique traditionnellement, mais aussi développer l'enseignement bilingue précoce, dès la maternelle, afin de permettre l'utilisation de la langue seconde pour l'acquisition de différentes matières et de favoriser une maîtrise plus complète des deux langues.
    Un enseignement plus étendu de la deuxième langue vivante est souhaitable. De telles dispositions ne feraient que répandre les méthodes utilisées par les écoles françaises à l'étranger, la précocité étant recommandée par les linguistes et les psycholinguistes les plus réputés. A titre d'exemple, je citerai les dialectes alémanique et francique en Alsace-Moselle et leur forme standard, le hoch-deutsch, le haut-allemand, utilisés par plus de 100 millions de locuteurs.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Lett.
    M. Céleste Lett. Je termine, monsieur le président.
    Dans cet ordre d'idées, il est important que l'introduction d'une troisième langue vivante débute dès la sixième, au collège. C'est avec ces innovations, dans le cadre français, que la langue nationale peut connaître un nouveau développement dans l'Europe des Vingt-cinq. Mais ces enseignements doivent pouvoir être développés plus rapidement qu'aujourd'hui et une réglementation plus précise, plus contraignante à l'égard de l'éducation nationale est nécessaire.
    Toutes ces avancées représentent le respect d'une tradition plurilingue et d'un enjeu d'intérêt européen dans lequel la France doit s'investir fortement pour être digne de son rôle de moteur européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Forgues. Très bien !
    M. le président. La discussion générale est close.
    J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

    M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 1 rectifié.
    La parole est à M. Michel Herbillon pour le défendre.
    M. Michel Herbillon. Cet amendement tend simplement à tenir compte de l'évolution intervenue depuis l'adoption par la délégation et la commission des affaires culturelles de cette proposition de résolution. En effet, la Commission européenne a repris les termes du compromis intervenu le 19 mai dans la proposition modifiée qu'elle a adoptée en novembre 2003, laquelle prévoit d'inscrire, dans le statut des fonctionnaires européens, l'obligation de pouvoir travailler non seulement dans leur langue maternelle, mais aussi dans deux langues étrangères pour pouvoir être promus à un grade supérieur.
    Nous proposons donc de modifier en conséquence le troisième alinéa du paragraphe V de l'article unique de la proposition de résolution en demandant au Gouvernement de veiller à ce que les termes de ce compromis soient transcris dans le futur statut des fonctionnaires européens, et de prévoir une procédure d'évaluation des compétences linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de transparence, pour la promotion à un grade supérieur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    Mme Juliana Rimane, rapporteure. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 2.
    La parole est à M. Michel Herbillon, pour le soutenir.
    M. Michel Herbillon. L'avant dernier alinéa du paragraphe V de l'article unique est devenu sans objet depuis son adoption puisque la délégation s'est prononcée, le 23 octobre 2003, sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    Mme Juliana Rimane, rapporteure. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président.    Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article unique de la proposition de résolution, ainsi modifié, est adopté.)
    M. Michel Herbillon. A l'unanimité !

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues, pour un rappel au règlement.
    M. Pierre Forgues. J'ai été mis en cause, certes de façon sympathique, mais, puisque le débat s'est déroulé dans la sérénité, chacun s'étant exprimé dans sa langue, (Sourires) sans utiliser celle de bois (Sourires) ce qui n'est déjà pas si mal, je tiens à m'expliquer.
    Il me semble en effet que mon collègue Jacques Brunhes ne m'a pas bien écouté. Comme beaucoup de nos compatriotes, dès qu'il entend le mot espéranto, son sang ne fait qu'un tour.
    M. Jacques Brunhes. J'ai parlé du volapuk !
    M. Pierre Forgues. Je sais que le général de Gaulle a rendu célèbre ce vocable mais l'espéranto n'a rien à voir avec un quelconque volapük !
    Monsieur Brunhes, vous avez indiqué que la langue était constitutive de la nation. Je vais plus loin : elle est constitutive de l'individu. Or, à cet égard, je n'ai pas demandé que l'espéranto se substitue à l'occitan ou au gascon qui est ma langue maternelle. Je ne m'exprime donc pas ici dans ma langue maternelle. J'ai tout simplement souhaité, pour éviter l'hégémonie d'une langue nationale et certains problèmes ; que l'espéranto soit une deuxième langue de travail, que tous les Européens connaîtraient.
    Cela permettrait de conforter toutes les langues. Moi qui ai été un défenseur de la langue gasconne, je me retrouve ici, étrange retour de l'histoire, à défendre la langue française !
    Je tenais à apporter cette précision.

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PROFESSIONS JUDICIAIRES OU JURIDIQUES

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques (n°s 768, 1250).
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet qui vous est soumis aujourd'hui répond à une double nécessité : d'une part, adapter le statut des professions judiciaires et juridiques aux mutations de cette dernière décennie, d'autre part, les préparer à affronter un certain nombre de nouveaux défis qui se présentent à elles.
    Cette réforme doit garantir à nos concitoyens, usagers du droit, le recours à des professionnels toujours mieux informés, plus compétents et animés d'une forte rigueur déontologique. C'est bien au prix de ces efforts d'adaptation que nos professionnels affirmeront leur capacité à répondre à une demande de droit qui se développe sans cesse et affronteront avec succès une concurrence toujours plus vive.
    Fruit d'une étroite concertation, le texte du Gouvernement a été enrichi par les débats au Sénat et adopté dans un large esprit de consensus. Attendu par les professions judiciaires et juridiques, le texte qui vous est aujourd'hui soumis vise principalement à rénover la formation professionnelle des avocats, à adapter le droit disciplinaire de plusieurs professions et à améliorer le recrutement et la déontologie des experts.
    Le travail accompli par votre commission des lois et pour lequel je veux, d'emblée, remercier son président ainsi que le rapporteur du texte, Mme Barèges, contribuera, j'en suis certain, à l'améliorer encore.
    Avant d'examiner ces propositions d'amélioration, je souhaite en premier lieu brosser à grands traits l'économie générale des principales dispositions du texte qui vous est soumis.
    J'aborde d'abord la question de la formation des avocats.
    L'avenir d'une profession dépend essentiellement du recrutement de ses membres et de leur formation. A nous de lui donner les outils dont elle a besoin pour relever les défis d'aujourd'hui et de demain. C'est pourquoi j'ai porté une attention toute particulière aux dispositions relatives à la formation des avocats. Ainsi, dans le cadre de ce projet, nous avons travaillé à mettre plus de cohérence dans l'organisation de leur formation initiale. A cet effet, nous avons supprimé le stage et allongé corrélativement la durée de l'enseignement dispensé dans des centres régionaux de formation professionnelle.
    A cet égard, je souhaite dissiper les ultimes hésitations de ceux d'entre vous qui s'interrogent encore sur ces choix.
    Je rappelle d'abord qu'ils ont été, dès l'origine, non seulement partagés mais, mieux encore, initiés par les représentants de la profession, notamment par des délibérations réitérées du conseil national des barreaux. Ces délibérations ont critiqué en termes très durs les carences du stage sous sa forme actuelle : ambiguïté du statut du stagiaire habilité à accomplir tous les actes de la profession, faiblesse du contenu pédagogique du stage, pénurie de stages, position d'infériorité de l'avocat stagiaire lors de la négociation des termes de sa collaboration...
    J'ajoute que le dispositif actuel, par son caractère hybride, ne présente guère de garanties de voir le stagiaire bénéficier d'une véritable formation pratique. Tout au plus celui-ci est-il en quelque sorte jeté à l'eau avec les conseils parfois attentifs, parfois moins, d'un patron souvent peu disponible.
    Autant de difficultés auxquelles il convenait de remédier.
    La réforme qui vous est soumise organise une véritable formation en alternance qui permettra à l'élève avocat d'acquérir, en dix-huit mois, l'ensemble des connaissances dont il aura besoin dans sa pratique quotidienne. L'allongement de la durée de formation donnera toute latitude pour faire de cette formation une période d'intégration professionnelle à part entière.
    Je rappelle également que le rôle du conseil national des barreaux en matière d'harmonisation des programmes et de coordination des actions pédagogiques a été renforcé. Toutefois, vous le savez, il ne suffit pas de sélectionner les talents. Encore faut-il qu'ils puissent se développer au fil du temps.
    Ces avancées considérables en matière de formation initiale ont été, fort opportunément, complétées au Sénat par l'introduction d'une obligation de formation continue pour tous les avocats. La formation continue obligatoire sera pour la profession, je crois, un gage de qualité supplémentaire. Elle garantira des compétences renouvelées dans des spécialités juridiques qui tendent, nous l'observons tous les jours, à se diversifier de plus en plus.
    Il restait encore à délimiter les contours de cette obligation nouvelle et à préciser le rôle que le conseil national des barreaux serait appelé à jouer dans la mise en oeuvre du nouveau dispositif.
    A ce sujet votre commission des lois propose, d'une part, de renvoyer la définition du contenu de la formation à un décret en Conseil d'Etat et, d'autre part, de confier au conseil national des barreaux la détermination des modalités selon lesquelles l'obligation s'accomplit. J'indique d'ores et déjà que cette répartition des compétences m'apparaît à la fois équilibrée et pragmatique.
    Le deuxième axe de ce projet de loi obéit à la volonté du Gouvernement de renforcer encore la confiance que les usagers de la justice placent dans les professions judiciaires et juridiques. Pour les avocats comme pour les notaires, le texte issu du Sénat vise à renforcer l'impartialité des organes chargés de la discipline par la redéfinition de leur compétence territoriale.
    S'agissant des avocats, un conseil de discipline institué auprès de chaque cour d'appel est substitué au conseil de l'ordre traditionnellement compétent. Plus précisément, le dispositif proposé renforce les garanties d'impartialité : d'une part, il encadre le régime de la suspension provisoire, d'autre part, il limite la saisine du conseil de discipline par les seules autorités de poursuite que sont le bâtonnier et le procureur général.
    Pour ce qui est des notaires, le Sénat a adopté deux amendements, déposés par le Gouvernement, qui modernisent leur régime disciplinaire. Cette réforme, élaborée en concertation avec le conseil supérieur du notariat, procède du même esprit que celle rénovant la discipline des avocats. L'objectif est de garantir l'impartialité de la formation de jugement, notamment dans les départements où la démographie professionnelle est très réduite. La compétence disciplinaire, jusque-là dévolue à la chambre départementale, est désormais confiée au conseil régional siégeant en chambre de discipline. Selon le cas, celui-ci prononcera ou proposera les sanctions.
    Les règles générales relatives à la discipline des officiers publics et ministériels ne sont évidemment pas modifiées. Le syndic de la chambre départementale conserve donc ses attributions en matière de poursuites.
    Le Gouvernement a ainsi fait le choix de régionaliser la fonction disciplinaire sans rompre le lien avec l'échelon de proximité que constitue la chambre départementale des notaires.
    S'agissant, enfin, des greffiers des tribunaux de commerce, une plus grande effectivité de la discipline est recherchée et, à cet effet, le projet de loi élargit l'échelle des sanctions disciplinaires.
    En marge de ces sujets disciplinaires, il faut également souligner que la discussion au Sénat a permis d'avancer sur la question assez délicate de la confidentialité des correspondances échangées entre avocats.
    La Cour de cassation avait, en effet, estimé, sur le fondement des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, que le principe de confidentialité couvrait l'ensemble des correspondances échangées entre avocats. Or cette solution présente, par sa rigidité, de graves inconvénients dans la pratique judiciaire. Un avocat doit, en effet, pouvoir produire le courrier d'un confrère valant acquiescement ou désistement, ou comportant une offre transactionnelle, sans que le secret puisse lui être opposé de manière absolue.
    Pour l'ensemble de ces raisons, l'amendement adopté au Sénat, avec l'accord du Gouvernement, a introduit une dérogation au principe de confidentialité pour les correspondances entre avocats portant la mention « officielle ».
    Le troisième axe du projet du Gouvernement porte sur l'amélioration du recrutement et sur le renforcement de la déontologie des experts judiciaires.
    Conscient de ce que les experts tirent leur légitimité de leur pratique professionnelle, le Gouvernement n'a pas souhaité leur conférer le statut de profession réglementée. Il entend, en revanche, renforcer le contrôle des magistrats sur leurs compétences techniques et leur aptitude à exercer leur mission. Il est, en outre, prévu d'évaluer périodiquement ces aptitudes, dès l'issue d'une première période probatoire de deux ans, et de supprimer corrélativement tout caractère automatique à la réinscription sur la liste unique des experts. La discipline des experts doit, en outre, être renforcée par la clarification du dispositif de radiation. A cet égard, le texte adopté par le Sénat opère une meilleure distinction entre le régime de cessation volontaire de l'activité d'expert judiciaire et la radiation pour cause d'incapacité ou de sanction disciplinaire. Cette distinction permet de mieux diversifier les conséquences quant aux modalités d'une éventuelle réinscription.
    Il faut rappeler enfin que, dans un souci de transparence et de sécurité, le projet initial a été complété au Sénat, à l'initiative du Gouvernement, par deux dispositions intéressant l'intervention des experts, même s'il ne s'agit pas toujours d'experts judiciaires, dans les ventes volontaires de biens aux enchères publiques.
    D'une part, les experts intervenant sans avoir reçu l'agrément du conseil des ventes se voient soumis à l'obligation d'assurance et à l'interdiction d'acheter des biens qu'ils ont estimés ou, sauf exception, de vendre des meubles dont ils sont propriétaires.
    D'autre part, le délai de prescription de l'action en responsabilité civile contre ces experts est désormais de dix ans à compter de l'adjudication.
    Sur l'ensemble de ces dispositions, le très important travail accompli par votre rapporteure et par votre commission des lois permet d'augurer un nouvel enrichissement du texte.
    Sur la formation des avocats, tout d'abord, votre commission des lois a approfondi une question qui, il faut bien le reconnaître, faisait encore débat. Le projet initial proposait, avec la profession, pour les rares avocats s'installant directement après l'école, un tutorat. Le tuteur institué avait pour rôle d'initier et de conseiller le jeune installé.
    Votre commission vous propose de supprimer ce tutorat. Le fait de soumettre une partie des jeunes avocats au contrôle d'un confrère a, en effet, suscité des inquiétudes dans la profession. Même si le tutorat n'était pas conçu initialement comme constituant un véritable contrôle, il place le tuteur en position de superviseur de son jeune confrère et porte ainsi en germe des risques de dérives. D'aucuns craignent, en effet, que le tutorat devienne prétexte à solliciter du jeune avocat l'exécution de tâches au profit du tuteur.
    C'est pourquoi je me rallierai à la proposition de la commission de supprimer le tutorat. De manière corrélative, j'engagerai la préparation d'un texte réglementaire qui viendra renforcer la formation des jeunes avocats en matière de déontologie.
    Votre commission des lois a également approfondi la réflexion sur les structures d'exercice que constituent les holdings et les réseaux pluridisciplinaires.
    Les professions juridiques et judiciaires évoluent sous la double influence de la construction européenne et de l'internationalisation des échanges. C'est pourquoi j'ai souhaité, s'agissant plus particulièrement des avocats, que des travaux soient engagés avec leurs représentants en vue d'adapter cette profession à son environnement économique.
    Les axes forts de cette réflexion concernent principalement le périmètre d'activité, la rémunération, la promotion des cabinets français à l'étranger ainsi que, précisément, les structures facilitant l'exercice professionnel. L'amendement déposé par M. Houillon et adopté par votre commission des lois s'inscrit pleinement dans ces axes d'action. Il vient modifier l'article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 et apporte des améliorations sensibles au statut des sociétés de participations financières de professions libérales - ou holdings. Il répond à une logique de modernisation et de développement dans laquelle souhaitent s'engager l'ensemble des professions juridiques ou judiciaires.
    Les améliorations ainsi proposées donnent une réelle portée à l'un des avantages attendus de la holding, favorisent une dynamique de groupe et permettent enfin aux professionnels de prendre des participations dans des groupements étrangers. Le Gouvernement se ralliera donc à ces améliorations du texte.
    J'approuverai également l'amendement de votre commission des lois qui impose aux avocats, quel que soit leur mode d'exercice, de mentionner leur appartenance à un réseau pluridisciplinaire national ou international. Cet amendement érige opportunément au niveau de la loi une obligation qui figure aujourd'hui dans le règlement intérieur harmonisé de la profession.
    A cet égard, l'obligation nouvelle présente l'avantage de faire, en quelque sorte, écho aux dispositions de la loi du 1er août 2003, dite « de sécurité financière ». Celle-ci, vous vous en souvenez, a notamment pour effet d'interdire au commissaire aux comptes affilié à un réseau de certifier les comptes d'une société qui serait conseillée par un professionnel appartenant au même réseau. Elle permettra non seulement de garantir une meilleure information de la clientèle, mais aussi d'assurer plus efficacement le contrôle, opéré au cas par cas par les conseils de l'ordre ou par les instances disciplinaires, du respect de l'indépendance et de la déontologie par l'avocat exerçant au sein d'un réseau.
    Au total, il ne s'agit ni de stigmatiser ni d'ignorer les réseaux pluridisciplinaires dans un marché du droit désormais mondial. Nous devons, en revanche, veiller aux garanties déontologiques accompagnant ces réseaux.
    Enfin, votre rapporteure a pris l'heureuse initiative d'introduire une disposition visant à sécuriser les fonds détenus par les huissiers de justice pour le compte de leurs clients. En effet, chaque officier ministériel doit être en mesure, à tout moment, de se conformer à l'obligation de représentation des fonds qu'il détient pour le compte d'autrui.
    Une décision de justice récente a fait apparaître que le respect de cette obligation est gravement mis en cause du fait de l'absence de règle statutaire visant à encadrer la détention des fonds de cette nature. Le principe de fongibilité des sommes déposées sur un compte bancaire rend pratiquement impossible la preuve que certaines de ces sommes appartiennent à des tiers. De fait, toutes les sommes déposées par un huissier de justice sur ses comptes bancaires sont indifférenciées, de sorte qu'elles peuvent être saisies indistinctement par les créanciers des professionnels.
    Ces fonds doivent être identifiés et donc isolés en étant déposés sur un compte distinct. C'est pourquoi il est indispensable d'imposer le dépôt des fonds de tiers sur un compte séparé. Ils seront ainsi désormais distingués de l'actif patrimonial de l'huissier de justice.
    La discussion article par article nous donnera l'occasion d'examiner d'autres améliorations que nous suggère votre rapporteure. Je veux la remercier à nouveau pour la qualité du travail accompli.
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Avant de conclure, je souhaite consacrer quelques explications à l'amendement que le Gouvernement a déposé en vue d'assurer la transposition de la directive du 4 décembre 2001 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux.
    Le blanchiment d'argent constitue un fléau de nos sociétés contemporaines. Tout Etat de droit doit lutter ardemment contre ce fléau. La directive associe différentes professions, et notamment les membres des professions juridiques, aux mécanismes de prévention du blanchiment d'argent provenant de la criminalité organisée.
    Aux yeux des avocats, cet impératif démocratique se heurte, toutefois, au principe du secret professionnel qui est au coeur de leur statut. Il est vrai que, dans un Etat de droit, le droit de recourir à un conseil ou à un défenseur indépendant ne peut se concevoir, en effet, que dans le cadre d'une relation de totale confiance entre le conseil et le client. Je suis pour ma part tout aussi attaché à la défense de ce principe.
    Il nous fallait donc concilier le secret professionnel avec les obligations qui nous incombent dans le cadre de cet exercice de transposition. Sans priver la directive de tout effet utile, il convenait de tirer profit des souplesses qu'elle offre aux Etats membres, afin d'aménager un régime particulier pour les avocats, les avoués et les avocats aux conseils, s'agissant, d'une part, du champ de la déclaration de soupçon et, d'autre part, des modalités de transmission de cette déclaration.
    C'est tout le travail auquel j'ai procédé depuis un an. J'ai à cet effet engagé avec la profession une intense concertation. Nous sommes parvenus ensemble au texte de transposition que je vous soumets aujourd'hui, qui vise à combiner la lutte contre le blanchiment et le respect du secret professionnel. A cette fin, nous avons délimité le champ d'application de la déclaration de soupçon, en utilisant la latitude offerte par la directive sur deux points :
    Premièrement, la déclaration de soupçon ne s'appliquera pas aux informations obtenues dans le cadre de l'activité judiciaire de l'avocat.
    Deuxièmement, il fallait également déterminer ce qui devait être préservé dans le domaine des activités de conseil. A cet égard, toute information obtenue dans le cadre d'une consultation juridique sera exclue du champ de la déclaration de soupçon, sauf, bien entendu, si le professionnel a la volonté d'aider à blanchir.
    Ainsi, seule la rédaction d'actes juridiques pourra constituer l'occasion d'une déclaration de soupçon et ce dans les seuls domaines limitativement énumérés par la directive.
    Quant au mode de transmission de la déclaration de soupçon à TRACFIN, les bâtonniers avaient naturellement vocation à jouer un rôle central dans le processus mis en place. A la demande de la profession, le projet de transposition prévoit donc que l'avocat communique sa déclaration de soupçon à son bâtonnier, à charge pour celui-ci de la transmettre à TRACFIN, sauf s'il considère qu'il n'existe pas de soupçon de blanchiment de capitaux.
    Enfin, toujours en plein accord avec la profession, le projet prévoit que l'avocat pourra, une fois qu'il aura saisi TRACFIN, informer son client de cette saisine. Cette option - je souligne qu'il s'agit d'une option - était ouverte par la directive et est utilisée pour souligner qu'il ne s'agit en rien de mettre en place des mécanismes contraires au secret professionnel.
    Au total, je suis convaincu que le projet qui vous est soumis a su trouver, sur cette affaire du blanchiment, le point d'équilibre entre la préservation indispensable du secret professionnel de l'avocat et la lutte nécessaire contre le fléau du blanchiment d'argent sale. En outre, le dispositif de déclaration de soupçon permettra aux professionnels de se prémunir contre toute tentative d'utilisation abusive de leurs compétences et de leur statut aux fins de blanchiment.
    Pour conclure, je veux vous redire l'importance du projet de loi que vous examinez aujourd'hui.
    Les professions judiciaires ou juridiques participent, en effet, de manière essentielle au service public de la justice. Elles sont des interlocuteurs quotidiens des cours et tribunaux et, auprès d'eux, les interprètes incontournables de nos concitoyens. Ceux-ci sont parfois mal à l'aise face à ce monde du droit et de la justice. Ils expriment une forte attente et un besoin toujours plus pressant de sécurité juridique. La garantie de cette sécurité réside notamment dans l'affirmation des compétences liées à l'exercice des métiers du droit et dans l'expression d'une déontologie renforcée.
    Notre travail commun pour améliorer le texte en discussion constituera, j'en suis sûr, une contribution importante à la réponse que nous nous devons d'apporter à cette attente de nos concitoyens. Ainsi allons-nous définir un cadre plus harmonieux et plus complet pour l'exercice des missions des collaborateurs du service de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    Mme Brigitte Barèges, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, adopté en première lecture par le Sénat le 2 avril dernier, est soumis aujourd'hui à notre assemblée le projet de loi qui a pour objet de réformer le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques.
    Comme vous pouvez le constater, le cercle des professionnels qui étaient à l'origine au nombre de cinq - avocats, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, conseils en propriété industrielle et experts judiciaires - a été élargi par le Sénat puisque ont été ajoutés les notaires et les experts en vente aux enchères publiques.
    Malgré cette grande diversité professionnelle, ainsi que le soulignait le garde des sceaux à l'instant, le projet est bâti de façon cohérente autour de deux axes majeurs : le premier résulte de la volonté d'adapter les modalités d'accès à ces professions, notamment la formation, qui est le gage d'une compétence et d'une professionnalisation accrues ; le deuxième vise à renforcer la déontologie et la discipline, conditions d'une confiance retrouvée.
    Ce projet de loi était très attendu par les professionnels et, comme M. le garde des sceaux le rappelait à l'instant, il est le fruit d'une longue concertation avec eux. J'ai pu le constater au cours des auditions qui se sont déroulées de manière très constructive et consensuelle.
    Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, cette loi donne l'occasion à la France de se mettre en conformité avec plusieurs directives européennes et nous ne pouvons que nous en réjouir, car elle permettra à ces professions d'être plus concurrentielles sur le terrain communautaire et international.
    Un des apports importants de cette loi concerne la transposition de la directive du 16 février 1998 sur l'exercice permanent en France de la profession d'avocat pour les ressortissants des Etats membres de la Communauté. Certes, peu d'avocats étrangers exercent sur le sol français, mais il n'en fallait pas moins régir les conditions d'exercice de leur profession en France.
    Un volet, tout aussi important pour moi qui exerce cette profession, est celui de la formation professionnelle des avocats, qu'il s'agisse des jeunes avocats, récents titulaires du diplôme ou d'avocats anciens - comme moi - qui seront astreints désormais à une formation continue.
    Enfin, vous l'avez rappelé, un élément majeur de cette loi est la transposition de la directive sur le blanchiment qui me paraît une avancée considérable.
    Le recrutement des experts judiciaires constitue également un point fort. Le Sénat a cru opportun de rajouter un amendement concernant l'exécution immédiate des jugements de première instance que, pour notre part, nous conseillons à l'Assemblée de rejeter.
    Revenons sur le premier axe, à savoir les modalités d'accès à la profession et la formation, essentiellement pour les avocats qui, à eux seuls, font l'objet de la moitié du projet de loi. Il n'y a pas d'apport significatif de la commission sur l'exercice permanent en France de la profession d'avocat par les ressortissants des Etats membres de la Communauté. Trois directives avaient trait à cet exercice. Ce projet de loi vise à transposer la troisième et dernière qui avait été le fruit de longues négociations. Le projet étant suffisamment mûr, il n'a pas été utile de l'amender.
    En revanche, la commission a apporté quelques propositions de modifications sur la formation professionnelle. Le système actuel prévoit qu'après l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle, l'étudiant doit suivre un an de formation pratique et théorique dans le centre de formation dont il relève pour obtenir le CAPA, certificat d'aptitude à la profession d'avocat.
    A l'issue de ce CAPA, il devait effectuer un stage de deux ans auprès d'un professionnel. Le projet supprime ce stage pour les raisons que le ministre a évoquées tout à l'heure, essentiellement parce qu'il est très difficile aux jeunes titulaires du CAPA de trouver des contrats de collaboration. En effet, depuis la fusion avec les conseils juridiques, les effectifs des avocats ont quasiment doublé entre 1990 et 2003. C'est ce qui justifie la suppression de stages auxquels, personnellement, j'étais attachée, avec, en contrepartie, une formation un peu plus longue en centre de formation - elle est portée à dix-huit mois - et l'instauration d'un système de tutorat que la commission vous demandera de supprimer pour les mêmes raisons qui ont amené à supprimer les stages, la profession nous ayant fait savoir qu'il ne serait pas plus facile de trouver des tuteurs qu'il ne l'était de trouver des maîtres de stage ! Pour ma part, je le regrette.
    Parallèlement au contrôle de la formation continue instauré par le Sénat, la commission a estimé nécessaire de demander à la Chancellerie de dresser, après trois ans d'application, un rapport d'évaluation de la formation, tant de celle des jeunes avocats que de celle des avocats établis, pour vérifier si ces mesures sont bien adaptées et donnent totalement satisfaction.
    De même, la commission propose un amendement destiné à bien préciser la répartition des compétences en matière de formation professionnelle. Ce sera désormais, si vous en décidez ainsi, un décret en Conseil d'Etat qui fixera le contenu de la formation, mais c'est le Conseil national des barreaux qui en fixera les modalités.
    Nous avons pensé qu'il fallait ajouter à cette obligation un contrôle qui sera normalement dévolu au conseil de l'ordre du barreau dont relève l'avocat concerné. A la fin de l'année, il devra faire une déclaration à son bâtonnier. Il sera donc, de ce fait, soumis à contrôle et éventuellement à sanction.
    En ce qui concerne les experts, ce projet de loi a le mérite d'instaurer un système d'inscription des experts sur des listes agréées par les cours d'appel ou la Cour de cassation après une période probatoire de deux ans, qui répond à une attente forte des professionnels, non seulement des experts, mais également des magistrats que nous avons entendus sur ce sujet. En effet, la spécialisation croissante des contentieux et la technicité croissante des matières traitées dans les procès ont rendu le rôle des experts judiciaires, au pénal comme au civil, de plus en plus important.
    L'inspection générale des affaires sociales et les magistrats de tous les degrés de juridiction que nous avons entendus ont tous reconnu que le processus actuel de nomination des experts ne garantissait pas une réelle sélection des candidats, d'où la nécessité d'améliorer le régime de recrutement mis en place en 1971, en instaurant une inscription progressive des experts sur des listes agréées : période probatoire de deux ans ; après avis de la cour d'appel, inscription pour cinq ans sur une liste, pour sept ans pour la Cour de cassation. Cela permettra d'éviter les « experts ventouses », qui ne se remettaient pas souvent en question.
    Globalement, la profession a bien accueilli ce projet, en demandant d'ailleurs en contrepartie que les magistrats soient tenus de nommer des experts inscrits sur les listes et, à défaut, de motiver leur décision comme en matière pénale.
    La commission a trouvé un amendement de consensus et propose une nouvelle rédaction de l'article concerné qui instaure comme principe que les magistrats devront choisir les experts sur les listes agréées, mais n'a pas suivi les experts sur leur demande de motivation en cas de recours exceptionnel à un expert hors liste pour des raisons que vous comprendrez aisément : liberté des magistrats, surtout qu'il y a aujourd'hui des matières très techniques pour lesquelles nous n'avons pas toujours d'experts inscrits sur les listes, et risque de contentieux dilatoire.
    La commission a également proposé d'imposer aux experts hors liste de prêter serment pour renforcer l'éthique et la déontologie dans l'exercice de cette profession.
    Deuxième axe, la discipline, la déontologie et la transparence.
    Pour les avocats, la déontologie pleinement assumée et intégrée dans leur pratique quotidienne fonde l'estime mutuelle de ceux qui se désignent sous le beau vocable de confrères. C'est un véritable code d'honneur, mais il faut aller plus loin que cet éloge de la confraternité. Le respect de la déontologie, c'est aussi le moyen de protéger l'image de cette profession et de valoriser la qualité de ses prestations. La présente loi a vocation à appliquer notamment l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit la séparation des autorités de poursuites et de jugement dans la matière disciplinaire.
    La commission propose quelques améliorations : prise en compte des spécificités du barreau parisien ; en matière de suspension provisoire des avocats pour manquement professionnel, ajout comme critère, à côté de l'urgence, de la protection du public ; obligation pour l'avocat de préciser son appartenance à un réseau multidisciplinaire. Enfin, à la demande des avocats ressortissants communautaires qui exercent les fonctions d'arbitre, la commission a demandé que l'on précise bien que l'impossibilité pour eux de participer à une juridiction ne s'applique pas aux fonctions arbitrales.
    Vous avez rappelé l'apport considérable du Gouvernement sur la transposition de la directive européenne sur la lutte contre le blanchiment. Permettez-moi de me réjouir à titre personnel de l'aboutissement de cet amendement. Je n'ai pas oublié que la France, il y a quelque temps, avait été épinglée par la Commission européenne comme l'Etat le plus corrompu d'Europe. J'en étais profondément mortifiée. Il était donc impératif pour la France, pour redresser cette image négative, d'arriver enfin à transposer la directive contre le blanchiment. Nous avions un délai ultime pour nous exécuter, jusqu'au mois de juin 2004.
    Il est vrai que l'obligation de déclaration de soupçon imposée aux avocats se heurtait au principe intangible du respect du secret professionnel. Ce principe, en effet, ne cède devant rien, et nul confrère ne peut en être relevé. Il s'agit là d'une tradition bien française, que ne connaissent pas nos confrères anglo-saxons notamment. Cependant, nous ne pouvions pas attendre davantage puisque dix Etats européens avaient déjà transposé cette directive. C'est pourquoi je me félicite que les négociations que vous avez personnellement menées avec la profession aient enfin pu aboutir par un amendement de consensus que vous rappeliez tout à l'heure et qui place le Parlement français en modèle dans la mesure où il est le seul parlement à avoir transposé intégralement la directive européenne, tout en reconnaissant le caractère singulier du secret professionnel des avocats.
    Il y a enfin l'amendement Fauchon, qui concerne l'exécution immédiate des jugements de première instance, mais j'ai épuisé mon temps de parole et, pour ne pas retarder les débats, j'expliquerai tout à l'heure les raisons pour lesquelles nous proposons son retrait.
    Pour terminer, monsieur le ministre, je vous transmets les remerciements et la gratitude de l'ensemble des professionnels que j'ai auditionnés. Tous ont compris que la confiance, qui est au coeur de leur activité parce qu'elle est un vecteur de sécurité juridique et de compétitivité, nécessite de réfléchir non seulement à leurs structures, mais également à leurs modalités d'exercice. Au-delà de leurs diversités, ces professions continuent de puiser leur force et leur unité dans un engagement invariable au service de l'homme et d'une éthique toujours plus vivace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi ne concerne pas moins de cinq professions - avocats, greffiers des tribunaux de commerce, notaires, huissiers de justice, conseils en propriété industrielle - ainsi que les experts judiciaires et les experts en ventes aux enchères publiques. Il regroupe des mesures éparses, sans vision ni cohérence de fond sur le système juridique et judiciaire de notre pays.
    Si les mesures proposées, bien que diverses, répondent en partie aux attentes des professionnels, permettez-moi néanmoins de vous faire part de certaines réticences ou de certaines réserves.
    Je serai bref sur les nouvelles dispositions qui concernent les greffiers de commerce, les experts judiciaires et les conseils en propriété industrielle et qui encouragent ces professions à gagner en déontologie. Le texte prévoit en effet d'élargir les sanctions disciplinaires, d'améliorer la sélection des experts judiciaires, ou encore il institue l'obligation de secret professionnel pour les professionnels conseillant les entreprises dans la protection et la défense de leur patrimoine intellectuel. Sur ces points, nous sommes, bien entendu, favorables aux nouvelles mesures.
    Votre projet de loi renforce le rôle du Conseil national des barreaux par un élargissement de ses missions de formation et de déontologie. A sa mission d'harmonisation des programmes des enseignements dispensés dans les centres régionaux de formation professionnelle, viendront donc s'ajouter la coordination et le contrôle des actions de formation. Ces dispositions vont aussi dans le sens de l'unité de la profession en renforçant le rôle fédérateur du Conseil national des barreaux, et nous ne pouvons que les approuver.
    Les mesures qui touchent à la discipline et à la déontologie des avocats sont une mise en conformité de notre législation avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le projet de loi reprend l'essentiel des propositions du Conseil national des barreaux afin de garantir l'impartialité de l'organe délibérant, d'éviter les effets de proximité entre l'avocat mis en cause et les membres du conseil et d'encadrer dans des règles strictes le régime de suspension provisoire. Ces dispositions sont intéressantes et devenaient indispensables.
    Nous sommes en revanche plus que réservés sur les nouvelles dispositions qui prévoient que les huissiers de justice pourront dorénavant interroger directement le fichier des comptes bancaires sans en faire la demande au procureur de la République et sans que l'administration fiscale puisse leur opposer le secret professionnel.
    Le FICOBA a été créé pour remplir une mission de service public garantissant l'utilisation du fichier des comptes bancaires à la seule administration fiscale. Dorénavant, les huissiers de justice pourront consulter ce fichier alors même que les personnes qui y sont inscrites n'ont pas accès à ces informations. Nous sommes là face à une dérive préoccupante qui va venir s'ajouter à une liste assez longue des atteintes aux libertés individuelles commises par votre gouvernement.
    L'évolution la plus notable de ce projet de loi est sans doute la transposition de la directive du 16 février 1998, autorisant tout avocat ressortissant de l'Union européenne à exercer sa profession en France sous son titre d'origine, mais tout cela est bien trompeur : les règles françaises et étrangères sont loin d'être équivalentes en matière de conditions d'accès, de formation et d'exercice dans l'espace européen. La France pose des conditions bien moins contraignantes que ses voisins de l'Union. On est alors en droit de s'interroger sur la réelle possibilité pour une majorité d'avocats français d'être, en l'état de la directive, à égalité avec leurs confrères étrangers. On ne peut en effet affirmer aujourd'hui que les formations initiales et professionnelles permettent aux futurs avocats d'exercer dans un des pays membres. Pour cela, de gros efforts devront être fournis en matière d'apprentissage du droit, des procédures spécifiques à tel ou tel pays, mais aussi du droit communautaire ou encore de la langue du pays d'accueil.
    Vous arguez, monsieur le ministre, de la nécessaire application des textes européens en la matière. Pourtant, dans le domaine de la justice, il apparaît que le Gouvernement prône deux poids, deux mesures. Les différentes lois adoptées jusqu'à présent par votre majorité ne se sont pas embarrassées de ces considérations et ont parfois ignoré sans complexe, par exemple, la Convention européenne des droits de l'homme qui s'oppose à la reconnaissance préalable de culpabilité, à la pénalisation de la prostitution ou encore à l'allongement de la durée de rétention pour les étrangers.
    M. Jean-Luc Warsmann, C'est faux !
    M. Patrick Braouezec. En outre, nous sommes particulièrement inquiets quant à l'accélération que va engendrer cette mesure par rapport à l'emprise du droit anglo-saxon sur nos procédures, dans lequel la rentabilité est le critère de choix de la clientèle pour les cabinets d'avocats, favorisant ainsi une justice inégalitaire.
    S'agissant de la formation des avocats, le nouveau dispositif remplaçant la formation théorique d'un an suivie de deux années de stage en cabinet met en place une formation en alternance de dix-huit mois dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Ce système répond au souci de la profession de combattre les stages fictifs, voire l'exploitation du stagiaire. Néanmoins, le tutorat de dix-huit mois prévu à l'issu de l'examen du certificat d'aptitude risque de se montrer inefficace dans la pratique, sachant la difficulté qu'ont déjà les jeunes avocats à trouver un maître de stage. Aucune disposition dans ce texte n'est prévue pour pallier ce problème. Quant aux garanties qui définissent un bon encadrement du jeune avocat durant la période d'apprentissage, elles sont loin d'être suffisantes. Il est aussi à craindre que ce nouveau cursus n'engendre une formation à deux vitesses, dans laquelle certains élèves pourront poursuivre et compléter leur formation au-delà des dix-huit mois au sein du cabinet d'accueil, tandis que les autres seront livrés à eux-mêmes pour trouver un tuteur.
    Enfin, je souhaiterais insister sur le manque de précision concernant la rémunération de l'élève mais aussi les contraintes que le jeune avocat pourrait avoir vis-à-vis du cabinet d'accueil : le risque est que l'employeur ne forme l'avocat uniquement à sa spécialité, occultant ainsi une formation plus généraliste. Il aurait été raisonnable que, dans ce texte, des dispositions soient mises en oeuvre pour garantir au jeune professionnel une approche généraliste de tous les aspects de la profession, sous le contrôle et la responsabilité d'un avocat expérimenté car, si les professions judiciaires et juridiques connaissent d'importantes mutations, comme l'a souligné la rapporteure devant la commission des lois, c'est dû au fait que la société perd peu à peu ses valeurs de solidarité et d'égalité. Les professions dont nous parlons aujourd'hui, et notamment celle d'avocat, sont en première ligne dans la tentation sécuritaire qui gouverne aujourd'hui l'action publique. Alors que les jeunes avocats auraient besoin de s'appuyer sur une formation leur apportant toute compétence pour intervenir dans le champ social, donnant ainsi du sens à leur exercice professionnel, leur champ d'activité dérive lentement mais sûrement vers les domaines solvables, valorisant exclusivement le savoir technique et les affaires rentables.
    Alors que l'Etat devrait permettre à chacun l'égalité de traitement devant la justice, vous faites l'impasse sur l'aide juridictionnelle et l'accès au droit dans votre projet de loi. Pourtant, le rapport Bouchet de mai 2001 préconisait des mesures améliorant l'accès au droit pour tous et l'aide juridictionnelle totale pour ceux dont les revenus sont inférieurs ou égaux au SMIC. Ce rapport est visiblement tombé aux oubliettes, démontrant ainsi que l'accès au droit pour tous et notamment pour les plus démunis n'est pas votre priorité.
    A Saint-Denis, comme dans un grand nombre d'autres villes, nous avons ouvert une maison de la justice et du droit, fruit d'un travail concerté avec notamment l'ensemble des professions judiciaires. Ce lieu d'information et d'assistance, d'aide aux victimes, a pour but de faciliter l'accès au droit de chaque citoyen qui, à un moment de sa vie, a besoin de faire valoir ses droits, qu'il soit démuni ou non. L'égalité dans l'accès à la justice est un fondement des droits de l'homme, mais nous savons par expérience que l'exercice effectif de ce droit a besoin de volonté politique et de moyens. Il semble, monsieur le ministre, que les préoccupations de ce gouvernement n'aillent pas dans ce sens.
    Ce texte, je l'ai évoqué au début de mon intervention, répond pour partie aux souhaits des professions judiciaires et juridiques.
    M. Jean-Luc Warsmann. Tout de même !
    M. Patrick Braouezec. Toutefois, il aurait pu être l'occasion d'aller plus avant sur les métiers de la justice et sur ce qu'en attendent les citoyens. Aucune mesure n'est prise pour une justice plus proche du citoyen, qui ne laisse pas au bord du chemin les plus démunis. Votre réforme, monsieur le garde des sceaux, ne va pas améliorer les besoins insatisfaits des justiciables et de leurs avocats qui connaissent des difficultés d'exercice. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.
    M. le président. La suite de la discusssion est renvoyée à la prochaine séance.

13

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 768, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques :
    Mme Brigitte Barèges, rapporteure au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1250).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 6 janvier 2004
SCRUTIN (n° 420)


sur l'ensemble du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Nombre de votants

491


Nombre de suffrages exprimés

491


Majorité absolue

246


Pour l'adoption

340


Contre

151

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :     Pour : 319. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, François d'Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Barèges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jacques Bénisti, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean-Yves Besselat, Gabriel Biancheri, Jean-Marie Binetruy, Étienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, Marcel Bonnot, René Bouin, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Philippe Briand, Jacques Briat, Mmes Maryvonne Briot, Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Pierre Cardo, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Jean-Michel Fourgous, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Christophe Guilloteau, Gérard Hamel, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Yves Jego, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Thierry Lazaro, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Jean-Louis Léonard, Gérard Léonard, Jean Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, MM. Gérard Lorgeoux, Lionnel Luca, Daniel Mach, Richard Mallié, Hervé Mariton, Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Philippe Armand Martin (51), Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Denis Merville, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Eric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Vincent Rolland, Jean-Marie Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, MM. Alain Venot, René-Paul Victoria, François-Xavier Villain, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Éric Woerth et Mme Marie-Jo Zimmermann.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :     Contre : 126. - Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Paul Giacobbi, Joël Giraud, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, Jean Launay, Mme Marylise Lebranchu, MM. Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Philippe Martin (32), Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Pour : 20. - MM. Christian Blanc, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Yvan Lachaud, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer et Gérard Vignoble.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 22. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (12).
    Pour : 1. - M. Patrick Balkany.
    Contre : 3. - Mme Martine Billard, MM. Yves Cochet et Emile Zuccarelli.