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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 8 JANVIER 2004

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 7 janvier 2004


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON

1.  Economie numérique. - Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Alfred Trassy-Paillogues,
Frédéric Dutoit,
Jean Lassalle,
Alain Gouriou,
Patrice Martin-Lalande,
Alain Joyandet,
Yves Simon.
Clôture de la discussion générale.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er A «...»

Amendement n° 205 de la commission des affaires économiques : M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme la ministre. - Adoption.

Article 1er A «...»

Amendements de suppression n°s 1 de la commission et 90 de M. Dutoit : M. le rapporteur, Mme la ministre - Adoption.
L'article 1er A est supprimé.
Les amendements n°s 82, 83, 84, 229 et 86 de M. Morel-A-l'Huissier, n° 78 de Simon et n° 81 de M. Morel-A-l'Huissier n'ont plus d'objet.

Article 1er B «...»

Amendement de suppression n° 2 de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
L'article 1er B est supprimé.

Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 3 de la commission, avec le sous-amendement n° 134 de M. Aubert, les sous-amendements identiques n°s 135 de M. d'Aubert et 213 de M. Ollier et le sous-amendement n° 136 de M. d'Aubert, et amendement identique n° 184 de M. Lassalle : MM. le rapporteur, Jean Lassalle, Mme la ministre, MM. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques ; Christian Paul, Frédéric Dutoit, Patrick Bloche, Emile Blessig. - Rejet du sous-amendement n° 134.
MM. le président de la commission, Emile Blessig, Mme la ministre, MM. Patrick Bloche, Christian Paul. - Adoption des sous-amendements identiques n°s 135 et 213.
MM. Emile Blessig, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet du sous-amendement n° 136.
M. le rapporteur.
Adoption des amendements identiques n°s 3 et 184 modifiés.
L'amendement n° 44 de M. Christian Paul n'a plus d'objet.
Mme la ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»
Article 1er «...»

M. Jean-Yves Le Déaut.
Amendement de suppression n° 45 de M. Christian Paul : MM. Christian Paul, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 4 de la commission, avec les sous-amendements n°s 139 et 138 de M. d'Aubert, 227 et 226 de M. Ollier, et amendement identique n° 173 de M. Lassalle : MM. le rapporteur, Jean Lassalle, Mme la ministre, MM. le président de la commission, Christian Paul, Emile Blessig, Patrick Bloche. - Rejet du sous-amendement n° 139.
M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet du sous-amendement n° 138 ; adoption des sous-amendements n°s 227 et 226 et des amendements identiques n°s 4 et 173 modifiés.
Les amendements n°s 46 de M. Le Déaut et 137 de M. d'Aubert n'ont plus d'objet.
Adoption de l'article 1er modifié.
M. Jean-Yves Le Déaut.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 47 de M. Gouriou : MM. Alain Gouriou, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 48 de M. Gouriou : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Christian Paul. - Adoption.
Amendement n° 49 de MM. Gouriou : Alain Gouriou, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 124 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 239 du Gouvernement : Mme la ministre, MM. Jean-Yves Le Déaut, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 50 de M. Le Déaut : MM. Jean-Yves Le Déaut, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 51 de M. Le Déaut : MM. Jean-Yves Le Déaut, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 52 de M. Le Déaut : MM. Jean-Yves Le Déaut, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 54 de M. Le Déaut : M. Jean-Yves Le Déaut. - Retrait.
Amendement n° 228 de M. Le Déaut : M. Jean-Yves Le Déaut. - Retrait.
Amendement n° 55 de M. Brottes : MM. Alain Gouriou, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (n°s 991, 1282).

Discussion générale

    Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, premier orateur inscrit dans la discussion générale.
    M. Alfred Trassy-Paillogues. Madame la présidente, madame la ministre déléguée à l'industrie, mes chers collègues, après le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, et avant la transposition du « paquet télécoms », nous abordons la deuxième lecture du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.
    Le travail de l'Assemblée d'abord, du Sénat ensuite, et de l'Assemblée à nouveau, mais aussi celui des deux commissions compétentes et de leurs présidents et rapporteurs respectifs, notamment Patrick Ollier et Jean Dionis du Séjour, a été tel que cette deuxième lecture ressemble à une première lecture, ...
    M. Christian Paul. Nous sommes en pleine improvisation !
    M. Alfred Trassy-Paillogues. ... le nombre des amendements déposés, la longueur des débats ce matin même en commission et leur intérêt étant la preuve, s'il en était besoin, ...
    M. Christian Paul. Ça commence bien !
    M. Alfred Trassy-Paillogues. ... de la qualité de la réflexion et de la volonté de tous de parvenir à un texte équilibré, porteur à la fois de développement économique, de sûreté juridique, d'équipement du territoire et de protection de l'internaute, qu'il soit acheteur ou simplement surfeur sur le Net.
    Le développement économique, avec le desserrement du carcan tarifaire imposé à l'opérateur historique, conformément aux engagements pris dans cet hémicycle, le 5 décembre dernier par le ministre Francis Mer qui, répondant à Patrick Ollier, déclarait que France Télécom passerait du régime actuel d'accord préalable à un régime d'appréciation des effets de ses initiatives. « Cette philosophie me paraît bonne, et je suis donc favorable à cette évolution », disait le ministre.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. Alfred Trassy-Paillogues. Le développement économique, avec la transparence des coûts de l'activité réseau de France Télécom et la liberté donnée à la publicité en direction des entreprises.
    L'aménagement du territoire, avec la possibilité pour les collectivités locales d'intervenir dans le secteur des télécommunications, à charge pour elles de ne pas jouer les apprentis sorciers et de ne pas réécrire des scénarios que nous avons malheureusement connus par le passé ; avec la promotion de l'itinérance locale et la résorption la plus rapide possible des zones blanches ; avec l'obligation faite aux opérateurs d'accompagner la mise en souterrain de réseaux dont les supports aériens disparaissent.
    La sûreté juridique, avec la mise en place de systèmes simples, comme la relation directe entre l'acheteur en ligne et le vendeur en ligne, son seul interlocuteur direct, et donc responsable, et ce sans recours systématique au juge en cas d'arbitrage.
    La protection du citoyen-consommateur, avec le contrôle renforcé des comportements illicites sur Internet et la mise en place de conditions tarifaires identiques, fixes ou mobiles, pour les numéros spéciaux « 0 800 » : c'est l'amendement de notre collègue Simon que nous avons adopté ce matin.
    La protection du citoyen aussi, avec le nécessaire consentement préalable des personnes physiques avant toute prospection par courrier électronique...
    Développement économique, sûreté juridique, équipement du territoire, protection de l'internaute : toutes les conditions seront désormais réunies pour rassurer le public et conforter les investisseurs, en un mot pour favoriser harmonieusement la communication en ligne et le commerce électronique avec - cerise sur le gâteau -, une réduction, voire, à terme, une disparition de la fracture numérique et la facilité donnée à l'opérateur historique de s'inscrire plus encore dans la concurrence, dans la transparence, dans l'innovation, dans la mise en valeur de son savoir-faire.
    N'était-ce pas ce que nous voulions faire ? A l'évidence, oui. Le groupe UMP s'inscrit dans cette démarche et la soutient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Les principaux sujets abordés par ce projet de loi pour renforcer la confiance dans l'économie numérique n'ont pas pu être tranchés au terme des premières lectures. Cela prouve que ce premier grand texte visant à jeter les bases du droit de l'Internet n'a pas le caractère consensuel qu'on lui prête.
    L'Internet et les nouvelles technologies de l'information et de la communication constituent des objets particulièrement évolutifs qui mettent sous tension la règle de droit. Cependant, si l'accord n'a pu être trouvé, c'est bien plutôt que la rédaction gouvernementale est porteuse de clivages qui transcendent les querelles partisanes.
    L'article 2 nous met face à un choix de société majeur : pouvons-nous accepter ce que je qualifierai de privatisation de la justice ?
    Le Gouvernement semble considérer Internet comme le supermarché du troisième millénaire. C'est quasi exclusivement par la porte de l'économie numérique que l'on nous propose d'entrer dans la « République numérique ».
    Pour nous, Internet n'est pas nécessairement un outil destiné à contribuer à la grande entreprise de transformation des êtres humains en simples consommateurs dénués de toute capacité d'action consciente sur le monde. Pour nous, Internet est aussi et surtout le plus formidable outil dont les êtres humains ont su se doter afin de faire vivre la communauté humaine du XXIe siècle. L'échange d'idées, de créations, de projets, bref la richesse culturelle et donc le surcroît d'humanité sont les traits essentiels de l'Internet que nous voulons développer.
    Soyons clairs : le groupe des député-e-s communistes et républicains ne saurait s'opposer au développement du commerce électronique, ce serait absurde. Cependant, nous veillerons à faire en sorte que la protection des consommateurs, qui s'inquiètent légitimement, par exemple, de la sécurité et de la fiabilité des moyens de paiement, soit optimale. En ce domaine, les dispositions du code de la consommation ont fait preuve de leur efficacité, même si elles demeurent perfectibles. Elles doivent à présent faire montre de leur adaptabilité.
    Qu'un vent de liberté souffle sur le Web semble visiblement vous gêner. Bien évidemment, cette liberté ne saurait outrepasser les règles d'ordre public fixées par la communauté en général et politique en particulier. Mais cet espace de liberté mérite d'être sauvegardé.
    Hélas, l'ombre de la censure plane sur ce texte. De fait, les hébergeurs sont appelés, bien malgré eux, à devenir des censeurs. En effet, les articles 49-8 et 49-9 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, tels que modifiés par le présent projet, n'auront pour autre conséquence que d'instaurer une justice privée sur le Net. Les hébergeurs vont se voir contraints de se substituer à l'autorité judiciaire et d'appliquer les peines, en l'occurrence une censure par précaution, qui plus est, avec promptitude avant toute décision de justice établissant le caractère illicite d'un contenu.
    Voilà donc une des principales conséquences du grand texte fondateur de la « République numérique », selon les termes du Premier ministre : les internautes français se verront jugés et censurés de façon expéditive par des acteurs privés ! Ayons le courage de l'affirmer haut et fort dans cette enceinte. Ce n'est pas conforme au principe fondamental du droit, selon lequel c'est à l'autorité judiciaire et à elle seule que revient le pouvoir de dire le droit.
    En droit français, une activité ou une information acquièrent leur caractère illicite par décision d'un juge.
    M. Patrice Martin-Lalande. Et au Parlement un peu, aussi ?
    M. Frédéric Dutoit. La République numérique, pour être fidèle à la République réelle, doit demeurer une République et c'est à l'autorité judiciaire de juger !
    Les inacceptables dérives portées par ce projet de loi ont été dénoncées, y compris par la Commission supérieure des postes et des télécommunications dans son avis du 10 décembre 2002. A ma connaissance, c'est le premier projet qui réussit l'exploit de proposer conjointement des mesures de privatisation - à savoir la privatisation de la justice sur le Net - et des mesures visant à créer un service public en accordant aux collectivités locales la possibilité de devenir opérateur de télécommunication. Pour la première fois depuis plus de quinze ans, l'inefficience du marché prétendument autorégulateur est officiellement reconnue. Devrais-je m'en réjouir ?
    Le temps où l'on nous vantait les bienfaits de la libre concurrence dans le meilleur des mondes semble donc révolu. En effet, au détour de cet article dont la charge symbolique est décisive, on nous explique que l'initiative privée, en tout cas à elle seule, ne permettra pas d'assurer la couverture en Internet haut débit de l'ensemble du territoire.
    Le Gouvernement redécouvre l'eau chaude en considérant, avec une clairvoyance qu'on ne lui connaissait pas jusque-là, que là où la densité de population est trop faible, là où l'activité économique est insuffisante, bref, là où le retour sur investissement est aléatoire, là où les perspectives de profit sont maigres, alors les opérateurs privés n'assurent pas la couverture en haut débit.
    Dans la logique du désengagement de l'Etat qui est la sienne, le Gouvernement propose aux collectvités locales de pallier les « carences de l'initiative privée ». Or, si l'objectif est louable, il s'agit là d'un cadeau empoisonné, d'autant plus que les moyens financiers sont insuffisants.
    Absence d'un mécanisme de péréquation, engagement financier dérisoire de la part de l'Etat : cela justifie notre opposition à l'adoption, en l'état, de cet article 1er A. Loin de résorber la fracture numérique, il ne manquera pas de la renforcer à l'évidence, les collectivités les plus pauvres seront encore une fois lésées.
    Avant de conclure, et bien qu'il y ait encore beaucoup de choses à rajouter, je me dois de dire un mot sur plusieurs points abordés par ce projet de loi.
    D'abord, les internautes connaissent la nuisance apportée par les spams, c'est-à-dire les offres publicitaires reçues sur les boîtes aux lettres électroniques. De nombreuses lois ont été votées dans le monde pour les interdire. Cependant, nous nous apprêtons à les autoriser, en l'absence de consentement préalable des internautes. En effet, le présent texte interdit le spam sauf à destination des personnes physiques et morales inscrites au registre du commerce et des sociétés. Comme il est impossible de savoir si une adresse e-mail est professionnelle ou non, le « spammeur » pourra toujours affirmer ne viser que les professionnels.
    Ensuite, notre souci d'assurer une protection optimale aux consommateurs passant des commandes sur le Net serait davantage satisfait si l'on étendait la responsabilité du commerçant en ligne à toutes les opérations intermédiaires concourant à l'exécution de la commande. Le Sénat a supprimé cette disposition pourtant introduite ici-même en première lecture.
    Enfin, l'article 25 qui concerne les infractions commises ou préparées à l'aide d'un moyen de cryptologie prévoit d'atténuer les peines pour les « repentis ». Les député-e-s communistes et républicains ont déjà eu l'occasion de faire part de leurs réserves à l'égard d'une procédure dérogatoire à notre droit pénal, laquelle valorise la délation et les tractations plutôt que l'examen de la responsabilité pénale d'une personne dans le cadre d'un procès équitable et impartial.
    En définitive, ce texte est en tous points conforme aux grandes orientations de la politique gouvernementale. La main droite de l'Etat, la main répressive, est agitée devant tous ceux qui pourraient mettre en péril l'ordre - ou plutôt le désordre - économique. Cela à la grande satisfaction d'intérêts privés, par exemple ceux des majors de l'industrie du disque. En revanche, la main gauche de l'Etat, la main protectrice, « redistributive », associée à l'Etat providence est paralysée, pour ne pas dire amputée.
    M. Christian Paul. Mais non : l'Etat a deux mains droites ! (Sourires.)
    M. Frédéric Dutoit. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accueillir ce texte qu'avec les plus grandes réserves. Nous espérons encore pouvoir le rendre acceptable grâce à nos amendements... ou aux amendements d'autres députés, bien sûr. Car nous ne sommes jamais sectaires, messieurs de la majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrice Martin-Lalande. Ah bon ?
    M. Etienne Blanc. C'est historiquement prouvé !
    M. Frédéric Dutoit. Tout le monde change dans la vie, mon cher ami !
    Mais si nous nous heurtions à l'intransigeance du Gouvernement, alors nous n'aurions pour seul choix que de voter contre l'adoption de ce projet de loi.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
    M. Jean Lassalle. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce n'est pas le sujet que je connais le mieux. Mais je suis là pour apprendre ! (Sourires.) C'est en tout cas l'un des sujets qui passionnent le plus aujourd'hui nos concitoyens et l'un des rares moyens de créer de la convivialité et de permettre aux hommes des villes comme aux hommes des champs d'échanger entre eux partout à travers le monde.
    C'est par conséquent un véritable enjeu de société dont nous avons à traiter et c'est pourquoi le moment est important.
    Je voudrais également souligner le soin avec lequel notre commission, sous l'égide de son président, Patrick Ollier, a préparé ce travail et l'investissement très important de notre rapporteur, mon ami Jean Dionis du Séjour.
    Comme il ne s'agit pas d'un sujet que je possède à fond, je me permettrai de vous lire ce que j'ai préparé.
    M. Alain Joyandet. En chantant ? (Sourires.)
    M. Jean Lassalle. Cette deuxième lecture du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique ne sera pas une simple formalité. C'est bien la perception qu'en a notre groupe, qui souhaite faire de cette loi un texte fondateur.
    Grâce au travail en profondeur du rapporteur de la commission des affaires économiques, nous allons pouvoir aborder dans le détail les véritables sujets qui font débat autour des nouvelles technologies et de l'Internet.
    Grâce à la détermination du rapporteur et de Patrick Ollier, nous allons permettre à France Télécom d'accomplir une révolution culturelle et commerciale avec, d'une part, l'allégement du « carcan tarifaire », et, d'autre part, si notre assemblée poursuit dans le sens du vote qui a eu lieu en commission, la séparation des activités réseau et services.
    Enfin, grâce à l'audace de notre rapporteur, ce texte va répondre aux attentes de quelque 40 millions d'utilisateurs de téléphones mobiles en instaurant la facturation à la seconde, supprimant ainsi la pratique des crédits-temps et des paliers dans le calcul du coût des appels téléphoniques. Là aussi, une révolution est en marche. Il appartient en effet au législateur de fixer des règles communes donnant au consommateur la possibilité de maîtriser les offres des opérateurs et de se retrouver dans un marché qui a connu, en quelques années, une extension jamais vue dans notre histoire économique. Notre groupe soutiendra donc, sans ménager ses efforts, l'amendement qui vous sera proposé à ce sujet par le rapporteur.
    La première question qu'il faudra trancher sur le fond est le statut juridique de l'Internet. Nous sommes conscients du débat qui existe entre, d'une part, le monde de la culture, réuni dans le CLIC, le comité de liaison des industries culturelles, et, d'autre part, les associations des internautes et les acteurs industriels du secteur des télécommunications, les organisations professionnelles qui regroupent les fournisseurs d'accès, les opérateurs de réseaux et les juristes.
    Je souhaite que ce débat, qui aura lieu à l'occasion de la discussion des amendements proposant de sortir la définition de la communication publique en ligne de la loi de 1986 sur la liberté de communication, se déroule dans un large consensus et que les intérêts particuliers soient transcendés par la recherche de l'intérêt général.
    Or, pour nous, l'intérêt général doit satisfaire aux exigences suivantes : tout d'abord, faire d'Internet un espace de droit. Puisque les millions de sites Web ne peuvent être soumis à un contrôle permanent de la part d'une autorité de régulation, les internautes devront être responsabilisés. Le projet de loi adopté par le Sénat et les amendements de précision du rapporteur consolident cette approche grâce, notamment, à la procédure de notification. Mais notre rapporteur a pris le soin de rétablir, à juste titre, l'obligation spécifique de surveillance pour les hébergeurs concernant les infractions particulièrement odieuses telles que les propos racistes ou les contenus pédophiles.
    Le législateur doit également encourager les investisseurs à développer l'économie numérique. Pour cela, ils ont besoin de règles claires, qui seront appelées nécessairement à évoluer, mais qui doivent constituer un droit spécifique. Il s'agit d'un enjeu économique majeur pour un secteur d'activité en pleine croissance et créateur de richesses et d'emplois. Les mesures, qui sont proposées par le rapporteur, permettront également de renforcer la confiance du consommateur dans le commerce en ligne qui, là encore, connaît un essor considérable. C'est pourquoi il nous paraît nécessaire de créer une responsabilité globale du marchand en ligne sur toute la prestation.
    Il faut enfin lutter contre le piratage des oeuvres culturelles sur Internet : c'est une obligation cruciale pour le législateur que de protéger la création artistique. Notre groupe a donc déposé un amendement destiné à rappeler les fournisseurs d'accès à leur devoir d'empêcher la copie illicite qui se développe avec le système d'échange de fichiers point à point. Cet amendement le montre bien : la dimension des contenus est tout à fait présente dans ce texte et les attentes du monde de la culture sont satisfaites.
    L'aménagement numérique du territoire est un deuxième aspect du projet qui mérite d'être souligné. Les dispositions concernant l'article L. 1425-1 du CGCT, qui autorisent les collectivités locales à devenir opérateurs d'opérateurs, sont en effet fondamentales pour les territoires ruraux - qui sont, en ce moment, au coeur des débats de la commission des affaires économiques -, jugés insuffisamment rentables aux yeux des opérateurs privés et qui, de ce fait, sont laissés à l'écart des autoroutes de l'information.
    Mais je suis également très sensible à la couverture des zones blanches de téléphonie mobile. C'est un sujet que je connais bien, puisque je suis, chez moi, obligé de prendre ma voiture et de parcourir trente kilomètres pour pouvoir écouter ma messagerie vocale. Mes voisins sont d'ailleurs toujours surpris de me voir ainsi partir en promenade.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est louche, en effet ! (Sourires.)
    M. Jean Lassalle. Ils doivent penser que je n'ai pas grand-chose à faire ! (Sourires.)
    Or nous sommes, je pense, nombreux à être dans ce cas-là. J'espère de tout coeur que les dispositions qui ressortiront du texte permettront d'assurer une égalité des territoires face au développement des nouvelles technologies, pour que « l'âge de l'accès », selon l'expression de l'essayiste américain Jeremy Rifkin, ne signifie pas l'ère de l'exclusion pour les campagnes et les montagnes françaises.
    Pour conclure, monsieur le rapporteur, vous avez fait un travail de mise en cohérence et de clarté tout à fait remarquable. C'est un effort qui correspond à une revalorisation souhaitable du rôle du législateur, face à une administration qui s'arroge trop souvent le monopole de l'initiative de la rédaction des lois. J'apprécie les fonctionnaires, mais, parfois, ils ne nous laissent pas assez de place. Ici, je suis satisfait que nous ayons pu reprendre la nôtre grâce au président Ollier qui a été extrêmement compréhensif dans cette affaire, et grâce à vous, madame la ministre, qui, je le sais, y êtes très attentive.
    J'espère que vous aurez à coeur, madame la ministre, d'accompagner et de soutenir le travail de grande qualité accompli par notre commission. Malgré la difficulté de réorganiser ce projet de loi, en raison d'un calendrier législatif chargé, cette deuxième lecture doit nous permettre, selon la belle expression de notre collègue André Santini, de « faire sortir la chenille de la chrysalide ».
    En effet, Internet n'est plus, aujourd'hui, l'enfant mineur de l'audiovisuel. C'est un mode de communication, de commerce et d'échange à part entière, qui mérite d'être reconnu par le législateur. Et c'est tout l'enjeu de notre discussion à venir, dans laquelle notre groupe entend jouer un rôle d'avant-garde, aux côtés de notre rapporteur et ami Jean Dionis du Séjour.
    J'espère que nous prendrons tous la mesure de ce débat. Tout le monde nous attend. C'est en effet, je le répète, un sujet qui passionne de plus en plus les gens, de sept à soixante-dix-sept ans, voire, aujourd'hui, plus jeunes ou plus âgés ! Nous devons à la fois montrer un esprit d'ouverture et ne pas trop nous recroqueviller sur nous-mêmes au risque d'avoir peur de notre ombre. C'est le monde qui avance, et de façon positive, un monde qui retrouve avec Internet un peu du sens du dialogue qu'il a perdu dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Gouriou. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gouriou.     M. Alain Gouriou. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi « Renforcer la confiance dans l'économie numérique », dont nous débattons en seconde lecture, nous revient du Sénat sensiblement amendé et modifié. Les interventions, nombreuses, et intéressantes, de nos collègues sénateurs, ont permis d'approfondir certains de ses aspects, de préciser certaines dispositions, et le compte rendu intégral des débats au Sénat est à cet égard tout à fait instructif. Notre commission et notre rapporteur, M. Dionis du Séjour, ont accompli un travail rigoureux pour préparer cette seconde lecture. Le groupe socialiste approuve et soutient nombre des mesures proposées dans ce texte pour la raison, entre autres, qu'elles figuraient déjà dans le projet de loi LSI préparé par le Gouvernement de Lionel Jospin.
    M. Patrice Martin-Lalande. L'Arlésienne !
    M. Alain Gouriou. En matière de commerce électronique, de réglementation de la publicité, de protection des consommateurs, nous nous retrouverons facilement, monsieur le rapporteur.
    De même, notre rapporteur a fait preuve de persévérance et de pugnacité en proposant à nouveau une définition de la communication en ligne et du courrier électronique, définition distincte de celle qui avait été retenue à la demande du Gouvernement en première lecture par notre assemblée. Nous soutenons, là aussi, sa proposition, car nous pensons que le cadre d'Internet est très différent de celui de la communication audiovisuelle, et réclame de ce fait des dispositions spécifiques. Mais il est vrai aussi, monsieur le rapporteur, que nous devrons être très attentifs au caractère d'interactivité croissante des services de communication audiovisuelle - ils sont incontestables et réels aujourd'hui - ainsi qu'au développement des produits audiovisuels accessibles aujourd'hui sur Internet. Il y a là une transversalité qui, je l'admets, est assez difficile à inclure dans une définition complète et cohérente. L'évolution de ces technologies, vous le savez aussi bien que moi, est constante, et le volume et la vitesse des débits de ce trafic progressent à une allure infernale.
    Nous aurons l'occasion d'y revenir de façon plus détaillée au cours de la discussion des articles, mais je souhaite d'ores et déjà exprimer un certain nombre de divergences sur ce texte que vous nous proposez. Sans la liberté de blâmer, vous le savez, monsieur le rapporteur, il n'est pas d'éloge flatteur.
    Ainsi, je persiste à regretter que pour l'élaboration d'une législation indispensable à l'éclosion de ce que notre collègue appelait une civilisation numérique dans notre pays, nous procédions de manière aussi fractionnée. C'est au travers de plusieurs textes que nous devrons chercher - et les Français aussi - les différentes composantes se rapportant à un sujet donné, prenant ainsi le risque de commettre des doublons ou des incohérences.
    Il nous paraît qu'un seul ensemble législatif regroupant toutes ces dispositions aurait été plus lisible. Nous souhaiterions ainsi savoir, madame la ministre, dans quel délai le Gouvernement a l'intention d'inscrire le troisième texte de loi, dit « paquet télécom », dans l'agenda parlementaire. Car, à l'évidence, ce n'est qu'à l'issue de l'étude et du vote de ce dernier que nous aurons réellement une vue d'ensemble sur cette législation. Il est, en effet, indispensable aujourd'hui de disposer d'un corpus législatif couvrant l'ensemble des domaines d'activité de la société numérique. Il est impatiemment attendu par tous les utilisateurs. Adapter notre droit aux exigences de l'économie numérique est une nécessité. Il est à craindre que l'évolution et la diversification des technologies ne le rendent rapidement dépassé ou obsolète si nous tardons à publier l'ensemble des dispositions.
    Deuxième remarque, ce texte traite essentiellement du caractère marchand d'Internet. C'est, à notre sens, une approche un peu trop réductrice. Nous aurions souhaité qu'il soit élargi à des aspects aussi essentiels pour notre société que l'éducation, la formation, la culture, la vie citoyenne, l'accès électronique aux administrations. De même, nous ne trouvons rien sur les logiciels libres.
    Internet ouvre pour nos concitoyens un espace d'enrichissement des connaissances extraordinaire. Il ne saurait être réduit à des transactions commerciales. Nous avons déposé des amendements en ce sens. Pour nous, l'Internet est avant tout un espace de liberté ouvert sur le monde, même s'il est nécessaire d'en préciser les règles et le cadre pour éviter qu'il ne devienne un domaine de non-droit.
    Nous souhaitons que, à l'exemple de ce qui se passe dans certains pays voisins, en particulier des pays du Nord de l'Europe, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, et outre-Atlantique, beaucoup plus de Français accèdent à ce type de communication. Cela passe par une densité plus importante d'équipements et d'ordinateurs dans les foyers français, que l'accès au haut débit doit accompagner. Proposer des mesures concrètes sur le plan financier pour encourager et accélérer cet équipement des foyers français aurait, selon nous, souligné de façon plus volontaire votre souci, madame la ministre, auquel nous croyons volontiers, de voir notre pays combler son retard, qui est réel.
    Ce souci traduit aussi notre préoccupation d'éviter qu'une véritable fracture numérique et sociale sépare nos concitoyens - et le rapporteur, avec qui nous en avons débattu, partage tout à fait notre avis sur ce point -, les uns bénéficiant de l'accès à haut débit à cette communication Internet et de l'enrichissement qui en résulte, les autres en étant privés pour des raisons matérielles. Il y aurait ainsi ceux qui parlent « Internet » et ceux qui ne le parlent pas, comme il y avait, en d'autres siècles, ceux qui parlaient le latin et ceux qui ne le parlaient pas.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. Alain Gouriou. Certains parlementaires - sur tous les bancs - avaient suggéré un certain nombre de mesures d'aide de caractère fiscal : abaissement du taux de TVA sur l'achat de matériels, aide personnalisée pour les familles faisant l'acquisition de PC, de logiciels ou de modems...
    Le programme d'action lancé par le gouvernement de Lionel Jospin à partir de 1998 avait ainsi permis, je vous le rappelle, en mobilisant quelque 9 milliards de francs, des avancées considérables dans ce domaine, avec notamment la dotation de moyens importants pour l'éducation nationale.
    Les articles 1er A et 1er B définissent les compétences des collectivités locales dans le domaine des télécommunications. Nous comprenons évidemment - et nous devons y répondre dans ce texte - la préoccupation des communes d'offrir les infrastructures nécessaires à l'accès au haut débit des entreprises existantes, de celles qui souhaitent s'y installer, des établissements de formation ou de santé. Nous sommes, bien sûr, favorables à un élargissement des compétences pour les collectivités et les groupements intercommunaux, mais défavorables à des compétences qui feraient de ces collectivités et de ces groupements des opérateurs de télécommunications, c'est-à-dire fournisseurs de prestations de télécommunications.
    Cette situation nous paraît en effet comporter de nombreux risques que nous pourrons rappeler au cours du débat. Ils ont été largement développés au cours de l'examen de ce texte au Sénat, dont le compte rendu, sur ce point, est instructif. Là, en effet, réside le danger d'une fracture numérique entre territoires. Elle est très nettement visible dans un certain nombre de pays d'Europe. Nous connaissons déjà en Italie, par exemple, des contrastes saisissants entre des mégapoles remarquablement équipées et des territoires sous-dotés. Nous pensons qu'il appartient à l'Etat de remplir pleinement la tâche d'éviter les déséquilibres entre les régions, en quelque sorte par une forme de discrimination positive.
    Nous déplorons cependant que le Gouvernement n'ait pas jugé bon de retenir la proposition du groupe socialiste du Sénat concernant la création d'un fonds d'aménagement numérique du territoire, destiné à accompagner financièrement les projets portés par les collectivités en matière de télécommunications. Elle nous paraissait pourtant accompagner de façon constructive les déclarations de M. le Premier ministre qui était le premier à regretter, lors du Congrès des maires de France, en 2002, que beaucoup de territoires ruraux fussent pénalisés par une République, disait-il, qui n'a pas toujours su traiter ses territoires par l'égalité. Il ajoutait : « Le projet qui est le mien, c'est de faire en sorte que la République assume ses devoirs d'équité territoriale. » Nous l'approuvons tout à fait.
    Une aide possible du Gouvernement dans ce domaine aurait été évoquée lors du CIADT du mois de décembre dernier.
    M. Christian Paul. Une misère !
    M. Alain Gouriou. Pourriez-vous, madame la ministre, confirmer ou infirmer cette information ?
    Nous soutenons aussi l'amendement présenté par notre rapporteur, à l'article 37 bis, relatif à l'itinérance locale et à la couverture du territoire par la téléphonie mobile, évoqué tout à l'heure par M. Lassalle. Le défaut de couverture pénalise gravement la vie et les activités économiques de ces territoires. Il serait souhaitable, madame la ministre, d'achever ce chantier dans les meilleurs délais. Le dossier avait déjà été évoqué et des actions avaient été envisagées lors du CIADT de Limoges en 2001, puis des CIADT de 2002 et de 2003. Mais on ne nous donne pas de calendrier très précis pour l'achèvement de ce chantier dont personne ne s'avance à garantir la bonne fin avant 2006 ou 2007. Ces délais paraissent bien longs.
    Le troisième et dernier point que je souhaite évoquer est la responsabilité des fournisseurs d'accès, déjà mentionné par mon collègue Christian Paul. Nous reviendrons sur ce point au cours de la discussion des articles.
    Ce texte soulève en effet la question du caractère illicite ou illégal des contenus, textes ou images et de la détermination de celui-ci. Dans notre droit traditionnel, ce rôle est clairement dévolu au juge. Si le caractère de certains contenus est manifestement illicite ou illégal et s'il est normal que les hébergeurs agissent promptement - c'est le terme même utilisé dans la loi - pour retirer ces données, la réponse n'est pas toujours aussi simple. Par ailleurs, nous savons que les hébergeurs d'accès accueillent des millions de sites, pour beaucoup installés à l'étranger. Nous n'avons aucune prise sur eux. Il n'est donc pas réaliste d'envisager, même s'il était techniquement possible de le faire, que les hébergeurs exercent un contrôle. Autant essayer d'arrêter une marée montante avec un balai et une serpillière. Nous sommes donc très réservés, monsieur le rapporteur, sur ce point.
    Animés par la volonté d'améliorer le texte dans un domaine très complexe et en évolution continue et rapide, nous avons déposé des amendements sur ces différents points. Comme vous, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes soucieux d'aboutir à une législation qui réponde aux attentes nombreuses en ce domaine et soit capable de s'adapter au fil du temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Dionis du Séjour Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la première lecture avait permis de faire avancer la prise en compte législative de nombreuses préoccupations : la possibilité pour les collectivités territoriales d'intervenir plus largement pour équiper et faire fonctionner les infrastructures de haut débit pour l'Internet ; l'amélioration de la couverture du territoire en téléphonie mobile ; la création d'un droit de réponse sur l'Internet pour la presse en ligne ; la création d'une procédure de notification pour permettre aux internautes de demander à un hébergeur de suspendre un contenu illicite ; la modification du financement du service universel pour fonder celui-ci sur le chiffre d'affaires et non pas sur le temps ; la nécessité de rendre plus efficaces les pouvoirs de sanction du Conseil supérieur de l'audiovisuel, notamment lorsqu'il s'agit de protéger les enfants et les adolescents.
    Je remercie le Gouvernement d'avoir compris et accepté ce travail d'enrichissement accompli à partir des amendements que nous avions proposés, plusieurs de mes collègues et moi-même. Je souhaite vivement la même ouverture lors de cette seconde lecture, notamment sur quelques points qui sont à consolider et que je voudrais très brièvement évoquer.
    Le premier est la notification. La mise en oeuvre de la responsabilité des hébergeurs ne doit pas être conditionnée par tel ou tel formalisme.
    Mais la procédure de notification, adoptée en première lecture sur la proposition que j'avais faite à partir des travaux du Forum des droits de l'Internet, peut constituer un outil efficace au service de la confiance dans l'économie numérique.
    En apportant les informations essentielles sur l'objet de la demande et l'identité du requérant, la notification permet d'instaurer un vrai dialogue entre « hébergeurs » et « plaignant », de réunir rapidement tous les éléments permettant d'apprécier une situation et de tenter une conciliation afin d'éviter les contentieux.
    La notification permet une réponse plus rapide puisque l'hébergeur dispose sans délai des informations lui permettant soit d'agir si la demande est légitime, soit de refuser d'agir en cas contraire.
    Si la responsabilité de l'hébergeur ou du requérant abusif devait ultérieurement être engagée devant le juge, ce serait alors essentiellement pour des motifs de fond. La procédure de notification réduit, en effet, le risque d'échec du recours contentieux pour défaut de « caractère précis et sérieux » de la demande.
    Outre ces considérations d'efficacité technique, il convient de souligner combien la procédure de notification est conforme à l'esprit de l'Internet, en favorisant le dialogue interactif entre prestatataire de service et consommateur d'Internet. Au nom de quoi refuserions-nous cette forme embryonnaire, voire basique, binaire de corégulation ?
    Le deuxième point que je veux évoquer est le droit de réponse. Il existe pour toutes les « publications ». Pourquoi celles en ligne échapperaient-elles à cette obligation qui protège les personnes ?
    L'Internet offre des possibilités de publication qui font peser de plus grands risques sur les personnes. La publication est planétaire. Elle est immédiate, instantanée, sans le « filtrage » du temps. Elle est accessible durablement, contrairement au journal, disparu du kiosque dès le lendemain, ou à l'audiovisuel qui fait vite disparaître l'information de l'antenne. La publication ne demande pas beaucoup de moyens matériels et est donc réalisable par beaucoup de personnes, même non professionnelles. Enfin, son contenu peut facilement être reproduit et diffusé par ailleurs.
    L'Internet présente des caractéristques qui rendent plus facile l'obligation de publier un « droit de réponse ». Il n'a pas le problème de la limitation et du coût de la surface, comme les journaux, ou du temps, comme l'audiovisuel, à consacrer au droit de réponse. Diffuser une réponse est plus aisé sur Internet, car cela ne vient pas en concurrence avec le contenu de l'information. Il est possible de cibler ceux qui ont consulté le contenu contesté, au lieu de « répondre » tous azimuts. Je souhaite que le premier pas accompli, en première lecture, sur ce point conduise rapidement, comme c'est déjà le cas pour la presse écrite et pour l'audiovisuel, à un droit de réponse pour l'ensemble du contenu publié sur l'Internet.
    Troisième point : le spamming. Le texte actuel, amendé, apporte une réponse équilibrée au problème de la publicité commerciale. Mais il reste à régler celui desmessages non commerciaux, notamment pornographiques, qui tendent à envahir nos écrans. Il faudra améliorer la traçabilité des messages pour permettre systématiquement l'identification de l'émetteur et le droit pour le destinataire de refuser un message non identifié.
    Dernier point : l'intervention des collectivités territoriales en matière d'accès au haut débit. L'alternative est claire à mes yeux : ou bien la loi reconnaît à une collectivité le droit d'agir pour sortir son territoire de l'exclusion numérique, ou bien la loi doit inscrire dans le service universel l'accès au haut débit sur tout le territoire national. Ne choisir ni l'une ni l'autre de ces solutions reviendrait à condamner une partie des Français à rester à la porte de la société de l'information.
    Il faut arrêter de jouer à se faire peur : les élus locaux agiront de manière aussi responsable dans le domaine du haut débit qu'ils le font dans tous les autres domaines de l'initiative publique ! On ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir le sens des responsabilités.
    Les coûts ne doivent pas servir d'alibi à une attitude de repli. Ils ne seront pas à la seule charge des collectivités les plus défavorisées : il est évident que la solidarité financière du département, de la région, de l'Etat et de l'Union européenne sera mobilisable pour le haut débit comme elle l'est pour de multiples autres équipements trop lourds à financer dans les zones défavorisées. Qu'on arrête donc de présenter les communes pauvres comme devant tout supporter et s'endetter jusqu'au cou !
    M. Christian Paul. C'est la réalité aujourd'hui !
    M. Yves Simon. C'était votre réalité !
    M. Christian Paul. Vous avez des arbitrages que nous n'avons pas !
    M. Patrice Martin-Lalande. Je suis convaincu que nos débats et les réponses du Gouvernement permettront d'apporter une fondation solide au droit français de l'Internet. J'attends avec beaucoup d'intérêt la suite de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet.
    M. Alain Joyandet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je salue tout d'abord l'action du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui, texte après texte, montre sa volonté de faire entrer plus vite la France dans la société de l'information. Sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, le gouvernement que nous soutenons a beaucoup travaillé, tout comme notre rapporteur et la commission. Mais deux questions m'interpellent. Je précise tout de suite que, même si celles-ci montrent quelques désaccords sur le fond, le texte que nous examinons transcende les clivages politiques.
    Les deux questions que je me pose sont les suivantes : « Va-t-on enfermer Internet dans un ghetto juridique ? » et « La démocratie va-t-elle triompher de la facture numérique, décidément très tenace ? »
    Concernant la première question, je crois qu'on aurait tort de considérer l'Internet comme un média différent des autres.
    Prenons les grands enjeux. Les contenus, petit à petit, se rapprochent de ceux que l'on trouve dans les autres médias ; musique, comme à la radio, films, comme à la télé, textes, comme dans la presse écrite, publicité comme partout.
    M. Christian Paul. C'est surréaliste !
    M. Alain Joyandet. Quant au contrôle des contenus, aucun média traditionnel ne contrôle tous ses contenus avant diffusion, autrement que par sa propre structure interne. Ce n'est qu'après diffusion qu'un article de presse ou un reportage de télévision est jugé diffamatoire ou portant atteinte aux bonnes moeurs.
    Internet favoriserait l'accessibilité à des contenus interdits. Ce n'est pas Internet qui a fait la promotion du nazisme il y a quelques dizaines d'années, ni qui a généré la pédophilie. Je dirai même qu'il a révélé certaines pratiques, certains mouvements dont la promotion était déjà faite par d'autres moyens.
    Avec un tout petit peu d'effort, on voit bien qu'il existe une similitude entre les chaînes de fabrication des contenus, quel que soit le moyen technique ou le média utilisé.
    De plus, mes chers collègues, nous allons vers la convergence, c'est-à-dire que, dans peu de temps, la télévision, le téléphone, Internet seront dans le même tuyau ou sur la même longueur d'onde. Cela commence déjà.
    Internet est une technologie nouvelle qui fonctionne avec un esprit nouveau, mais les contenus que l'on peut y trouver existaient déjà avant sur d'autres supports.
    Je suggère donc que nous ne divisions pas notre législation selon la technologie utilisée mais selon la nature de ce qui est transmis. Il n'y a pas d'un côté Internet et de l'autre côté les autres médias, mais, d'un côté, les contenus et, de l'autre côté, les tuyaux. C'est ainsi que nous pourrons résumer la situation, et c'est en fonction de cela que devraient être organisées les autorités de régulation pour permettre une bonne gestion des évolutions technologiques et avoir une bonne approche globale des conséquences socio-économiques, voire sociétales, de ces évolutions, avec une vision d'ensemble. Les entreprises l'ont, d'ailleurs, bien compris. D'ailleurs, elles sont nombreuses à regrouper, aujourd'hui, les activités de presse écrite, de radio-télévision et de communication en ligne. Un exemple : l'auteur d'un écrit qui intervient à la télé et dont l'oeuvre va être reprise sur le Net verra-t-il sa profession encadrée par autant d'autorités qu'il y a de spécificités ? En plus du juge, de la commission paritaire, du CSA, il est prévu de créer une nouvelle autorité de l'Internet qui, de toute évidence, découlera d'un droit spécifique et qui viendra s'ajouter à l'Autorité de régulation des télécommunications et des postes, l'ARTP, et à l'Agence des fréquences... Loin de simplifier, nous sommes en train de compliquer considérablement les dispositifs de contrôle. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à un droit spécial de l'Internet, ni à la création d'une autorité spécifique.
    M. Christian Paul. Ce n'est pas ce que dit le rapporteur !
    M. Alain Joyandet. Je peux être en désaccord sur ces points avec le rapporteur. Mais rassurez-vous : je ne m'opposerai pas à lui plus que de raison. Nous avons un débat courtois, où chacun dit sa vérité.
    M. Patrick Ollier, président de la commission, et M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Très bien !
    M. Alain Joyandet. Au bout du compte, c'est notre assemblée souveraine qui tranchera et, ensuite, nous verrons bien.
    Mais je crois, franchement, que nous n'avons pas à nous protéger d'Internet. Au contraire, nous devrions consacrer beaucoup d'énergie pour permettre aux territoires qui n'y ont pas encore accès d'y être reliés.
    D'où ma seconde question : la démocratie va-t-elle triompher ? Le fait qu'une grande partie de nos concitoyens n'ait pas accès à l'information représente un vrai enjeu de démocratie. Pensons à tous ces enfants de la République - quel que soit leur âge -, qui se trouvent éloignés des bibliothèques, des cinémas, des musées, et qui n'ont pas les moyens de visiter des pays étrangers et qui ne peuvent pas aspirer à un égal accès à la culture, et donc à l'épanouissement personnel ! Il y a là un vrai problème. Tous ces territoires de notre magnifique France qui ne demandent qu'à s'épanouir, vont-ils continuer à être sacrifiés sur l'autel de quelques intérêts particuliers ?
    Il est temps, madame la ministre, de permettre aux collectivités locales qui le souhaitent de faire ce que ne voudront ni ne pourront jamais faire les entreprises de télécommunications, qui - et c'est tout à fait normal - recherchent avant tout la rentabilité. Dans un secteur qui n'est couvert ni par la téléphonie mobile, ni par Internet, qui n'est pas desservi par le câble et ne reçoit même pas les six chaînes hertziennes, faut-il continuer à ne rien faire ? Quand nos concitoyens voient leur maire, leur président de conseil général ou de région ou leur député, la question qui leur vient tout de suite aux lèvres est : « A quoi servez-vous ? »
    M. Christian Paul. La question est posée au ministre aussi !
    M. Alain Joyandet. Cette question me paraît tout à fait pertinente et je n'y apporterai pas de réponse. J'espère que, ce soir, nous ferons la démonstration de notre utilité et de notre sens des responsabilités.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. La démonstration sera faite !
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Joyandet.
    M. Alain Joyandet. Je conclus, madame la présidente.
    Donnons donc, madame la ministre, aux collectivités la possibilité d'intervenir. Nous avons déposé un amendement qui a reçu un avis favorable de l'Assemblée des départements de France - l'ADF -, de l'Association des régions de France - l'ARF -, de l'association des maires de France - l'AMF. J'espère que vous pourrez, ainsi que la commission, l'accepter.
    Levons l'interdiction qui est faite à nos collectivités d'intervenir. Les opérateurs de télécommunications n'ont aucun souci à se faire.
    Enfin, le Président de la République vient de fixer des objectifs ambitieux pour l'emploi. Si nous consacrons notre énergie - entreprises et collectivités publiques - à équiper notre territoire, à former nos concitoyens, nous ferons oeuvre utile en matière sociale et culturelle et nous offrirons, en même temps, un vrai marché de masse, indispensable aux entreprises du Net, fournisseurs de réseaux ou autres services. Vous voyez, madame la ministre, si vous prenez en compte nos préoccupations, nous ferons en même temps plaisir au Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Alain Gouriou. Voilà un argument de poids !
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Simon.
    M. Yves Simon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons en seconde lecture offre un cadre juridique à l'ensemble des problématiques nouvelles liées au développement des TIC. Parmi ces problématiques, l'aménagement numérique du territoire, notamment des territoires ruraux, occupe une place importante. C'est pourquoi je souhaite insister sur ce point.
    L'abrogation de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales et la mise en oeuvre de l'article L. 1425-1 du même code étaient attendues depuis de longs mois. En effet, la crainte d'une fracture numérique est déjà ancienne. Or l'inégalité entre les territoires est désormais manifeste : nous avons, en effet, d'un côté, des territoires où sont présentes les infrastructures et où plusieurs opérateurs connaissent l'exercice d'une saine concurrence et, de l'autre, des territoires délaissés par les opérateurs, où l'insuffisance de l'initiative privée et plurielle laisse bon nombre de zones en situation de carence si bien qu'elles se trouvent obligées d'intervenir.
    Ce constat, le CIADT de Limoges, qui s'était tenu en 2001 sous la présidence de Lionel Jospin, l'avait établi. Il y a eu beaucoup d'annonces, de discours - à Hourtin notamment - deux consultations, mais aucun moyen, ni juridique ni financier, n'a été mis en place.
    M. Alain Gouriou. Ce n'est pas vrai ! Neuf milliards y ont été consacrés !
    M. Yves Simon. Oui, mais pour en faire quoi ?
    Il est vrai que le précédent gouvernement était assez coutumier de ce type de comportements. D'ailleurs, on peut légitimement s'interroger sur la réelle volonté de la gauche de faire avancer ce dossier. J'en veux pour preuve les prises de position, il y a encore quelques instants, de certains de mes collègues députés de l'opposition qui semblent remettre en cause aujourd'hui la possibilité pour les collectivités locales de construire et d'exploiter des réseaux ouverts de communication.
    Ils avancent le prétexte de l'inégalité entre les territoires qui sont contraints de payer et ceux qui n'ont pas eu besoin de le faire.
    Pourtant, le monde économique manifeste une très forte attente en ce domaine, et les chefs d'entreprise, qu'elle que soit la dimension de celle-ci, sont confiants dans la volonté des collectivités de satisfaire leurs besoins en matière d'outils modernes de communication. Nous n'avons pas le droit de trahir cette confiance au moment où nous allons voter un texte qui s'intitule « loi sur la confiance dans l'économie numérique ». A l'heure où il s'agit, plus que jamais, de libérer les initiatives de celles et de ceux qui entreprennent dans notre pays, nous avons le devoir de supprimer l'entrave que constitue l'enclavement numérique de certains territoires, et bon nombre de structures intercommunales, de départements et de régions sont prêts à agir et à investir en ce sens. Les résultats d'études locales ont permis d'identifier, si certains en doutaient, d'une part, le besoin d'un accès rapide et permanent à l'Internet à haut et très haut débit ; d'autre part, la nécessité impérieuse d'aller vite et partout.
    Vous avez su, madame la ministre, avec le soutien du Gouvernement, prendre ce dossier à bras-le-corps, et je vous en félicite. Vous avez en effet obtenu, dès juillet 2002, la baisse des tarifs de l'ADSL, et je crois pouvoir affirmer que ce dossier a bien plus avancé ces dix-huit derniers mois que depuis août 1997, date du fameux discours d'Hourtin.
    M. Patrice Martin-Lalande. Un discours de fin de vacances !
    M. Yves Simon. Durant ces cinq années, que de temps perdu,...
    M. Alain Gouriou. C'est faux !
    M. Yves Simon. ... laissant la porte ouverte aux conflits d'interprétations, contentieux, versions successives de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, vaines tentatives d'explication par le moyen d'une circulaire, avis du conseil d'Etat, et j'en passe.
    M. Alain Gouriou. Il faut reprendre les textes.
    M. Yves Simon. Aujourd'hui, beaucoup de nos collègues en sont las.
    Certes, nous aurions pu aller plus vite si la lecture du Sénat ne nous avait pas réservé bien des surprises. Nous avons eu le regret en effet de constater que la Haute Assemblée, qui représente pourtant les territoires ruraux et les collectivités locales, entendait limiter la possibilité d'intervention de ces dernières. L'inertie et l'attentisme ne peuvent pas être une solution, si on veut satisfaire les attentes des utilisateurs. Il est indispensable que les décisions soient prises en toute indépendance, tant par rapport à l'opérateur historique qu'aux autres acteurs du marché des télécoms.
    Je veux souligner avec insistance le fait que les collectivités sont prêtes aujourd'hui à investir dans des réseaux locaux à haut débit, capables d'évoluer dans le temps. Il faut faire confiance à ces collectivités, dont le rôle essentiel dans l'aménagement du territoire n'est plus à prouver, et qui sont à même d'exercer leur compétence dans le domaine des télécommunications. Pourquoi nos collectivités resteraient-elles les dernières en Europe à ne pas pouvoir intervenir en la matière ?
    Aussi, les collectivités locales souhaitent que l'article L. 1425-1 leur ouvre sans ambiguïté une grande latitude. En effet, chaque situation étant toujours très spécifique, il convient que souplesse et pragmatisme soient de rigueur. Il vaut mieux faire confiance à l'ART, qui a pour mission de réguler les interventions publiques et privées, plutôt que d'édicter une législation restrictive, qui enfermerait les collectivités dans des mécanismes de contrôle a posteriori.
    Je veux vous citer l'exemple du conseil général de l'Allier, dont je suis membre. Il est très avancé dans un projet d'aménagement numérique de son territoire puisque toutes les études conduites sous son autorité sont achevées. Des consultations ont été menées, tant auprès des opérateurs que de la population et des entreprises. En conséquence, l'assemblée départementale a décidé en novembre dernier le principe d'une délégation de service public, ayant pour objet d'établir et d'exploiter un réseau multitechnologique destiné à couvrir 100 % de ce territoire. Nous avons reçu à ce jour plus d'une douzaine de candidatures. Ce département est donc tout à fait prêt à inaugurer un nouveau modèle de réseau. Il doit rattraper le temps perdu et, plus encore, anticiper l'avenir et les besoins émergents. Mais il lui manquait jusqu'à aujourd'hui un cadre juridique précis et audacieux dans lequel intervenir.
    Par son vaste champ d'intervention ce texte pose de réels enjeux en matière de devenir numérique de nos territoires, notamment en ce qui concerne les moins bien desservis. J'ose espérer qu'après des années d'attentisme, le sens de l'intérêt général et du service de nos concitoyens primera enfin grâce à l'adoption de ce projet. Elle permettra à notre pays de rejoindre les nations européennes les plus avancées en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La discussion générale est close.
    La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. J'imagine que vous êtes impatients d'aborder le vif du sujet, à travers la discussion des nombreux amendements qui ont été déposés. Je souhaiterais néanmoins répondre en quelques mots aux interventions de MM. les députés.
    Je remercierai tout d'abord M. Trassy-Paillogues pour son soutien dynamique au texte. Il a développé particulièrement certains points, mais, comme ils font l'objet d'amendements qui vont venir en discussion, je n'anticiperai pas sur ce débat. Je voudrais simplement lui dire par avance que je me montrerai très ouverte à ses propositions, notamment concernant l'intervention des collectivités locales, point tout à fait essentiel s'il en est.
    A vous, monsieur Dutoit, qui nous accusez de vouloir aborder l'Internet par le supermarché, je dirai simplement que notre objectif, c'est que les Français soient autant protégés quand ils achètent sur Internet que lorsqu'ils achètent dans un magasin « ordinaire ». Votre proposition revient à judiciariser toutes les transactions commerciales réalisées sur Internet. Je serais tentée de vous répondre qu'il faut être moderne : on ne va pas téléphoner à un juge chaque fois qu'on met en ligne un contenu pour savoir ex ante s'il est bien licite. Nous sommes d'accord pour assurer un contrôle du juge quand il y a contestation, puisque nous créons dans ce texte des sanctions pénales. Mais l'Internet c'est d'abord la liberté, ne l'oublions pas. Il ne s'agit pas d'étouffer les tribunaux sous les milliards de pages déjà disponibles sur Internet.
    Monsieur Lassalle, je voudrais vous remercier d'avoir souligné l'importance de ce texte, le bon climat qui a présidé à son examen en commission et l'excellent travail qu'elle a accompli, et plus particulièrement son rapporteur.
    M. Patrice Martin-Lalande. Excellent rapporteur !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vous avez insisté sur le principe de l'intérêt général et dégagé un certain nombre de lignes de force tout à fait essentielles : la nécessité de faire de l'Internet un espace de droit, ce qui suppose la responsabilisation de ses acteurs : celle de favoriser le développement de l'économie numérique, grâce à des règles claires qui renforceront la confiance du consommateur ; celle d'assurer la responsabilité globale du commerçant et la protection de la création artistique. La discussion des amendements nous permettra de revenir sur le détail de vos propositions, mais j'ai dès à présent pris bonne note des orientations du groupe UDF.
    Je tiens à vous dire mon complet accord pour aller dans la voie d'une couverture totale du territoire en téléphonie mobile. J'ai d'ailleurs signé récemment, comme vous le savez, une convention avec les trois opérateurs, et mon objectif est que la couverture des 3 200 zones blanches soit assurée d'ici à deux ans.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Ainsi, monsieur Lassalle, très prochainement vous pourrez téléphoner de chez vous sur votre portable, sans encourir la suspicion de vos voisins. (Sourires.)
    M. Alain Gouriou. Et il pourra chanter sur son portable ! (Sourires.)
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je vous fais la même réponse, monsieur Gouriou, puisque vous avez posé la même question.
    Monsieur Gouriou, vous nous reprochez par ailleurs de fractionner la refondation du droit de la révolution numérique en plusieurs textes. Mais nous avons tiré la leçon de l'expérience du gouvernement précédent. En effet, le texte de loi sur la société de l'information, préparé par le Gouvernement, n'a jamais été débattu.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'était l'Arlésienne !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. De toute façon ce projet ne couvrait que la moitié du domaine du texte que je vous proposerai, puisqu'elle laissait de côté le paquet Télécom. En effet, et pour répondre très précisément à la question que vous m'avez posée, je vous présenterai le paquet Télécom le 6 février prochain.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. En ce qui concerne le retard de notre pays en matière d'équipement des ménages en ordinateurs, mes services ont procédé au cours des mois qui viennent de s'écouler à une enquête pour en déceler les causes. Elles sont au nombre de deux pour l'essentiel : une perception insuffisante chez beaucoup de ménages de l'utilité véritable de l'ordinateur ; et bien sûr le prix d'un tel équipement.
    Comme vous le savez, nous avons lancé, à l'initiative du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, une grande campagne de sensibilisation qui vise justement à lever ces deux obstacles à une utilisation plus large de l'ordinateur.
    En outre, je répète - c'est un détail, mais qui a tout de même son intérêt - que nous avons prévu une réduction d'impôt de dix euros en faveur des contribuables « télédéclarants », c'est-à-dire qui font leur déclaration d'impôts sur le revenu sur Internet.
    Vous avez soulevé la question des logiciels libres. Je voudrais vous rappeler que la neutralité technologique est un principe essentiel de l'économie numérique, et que cette neutralité s'étend aux logiciels. Oui au logiciel libre, mais oui également au logiciel commercial. Autrement dit, tant le client que l'industriel doivent pouvoir choisir. Si nous n'avons rien précisé dans notre texte, c'est que notre philosophie, c'est la liberté, et notre règle, la liberté de choix. La loi ne doit restreindre cette liberté que si la satisfaction d'autres intérêts généraux l'exige. Ce n'est pas le cas ici.
    Monsieur Martin-Lalande, j'ai bien entendu votre plaidoyer en faveur de la responsabilité éditoriale, et ses corollaires : le droit de réponse et la désignation d'un éditeur. Nous débattrons de ce point essentiel et très sensible à l'occasion de l'examen des amendements qui s'y rapportent.
    Vous avez également, comme M. Trassy-Paillogues, plaidé en faveur de l'intervention des collectivités locales dans l'établissement des réseaux. Là encore, nous avons, comme vous le savez, des convergences.
    Je veux enfin, monsieur Joyandet, saluer votre analyse de l'avenir de l'Internet, ouvrant ainsi brillamment le débat sur notre article 1er, auquel je réserve les arguments du Gouvernement. Vous avez su trouver les mots pour décrire la philosophie de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, dont l'examen aura lieu à la fin de notre débat. Mais je veux dès maintenant vous dire mon adhésion profonde aux principes que vous avez décrits.
    Monsieur Simon, vous nous avez alertés vous aussi sur la nécessité d'une intervention des collectivités locales, et je puis vous dire que votre attente ne sera pas déçue. Je voudrais vous remercier enfin d'avoir salué les succès qu'a rencontrés notre politique de développement du haut débit, ainsi que les progrès que nous avons accomplis pour résorber la fracture numérique. Je crois pouvoir dire que c'est un objectif partagé sur tous les bancs de cette assemblée et, aussi, si vous me permettez de le dire, avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Avant l'article 1er A

    Mme la présidente. Sur l'intitulé du chapitre Ier A, je suis saisie de l'amendement n° 205.
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour soutenir cet amendement.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Cet amendement propose de supprimer la division et l'intitulé introduits en première lecture par l'Assemblée nationale et conservés par le Sénat. Cette proposition mérite d'être éclaircie par un petit historique du texte dont nous héritons aujourd'hui.
    Le projet de loi initial débutait, fort logiquement, par un article 1er qui définissait la communication publique en ligne. Or, en première lecture à l'Assemblée nationale, à la suite d'un amendement de notre collègue Martin-Lalande, nous avons placé au début du texte une disposition, que nous reprendrons, concernant le rôle des collectivités locales en matière de réseaux de télécommunications.
    Cette disposition est importante. Cela dit, la placer ainsi en tête du texte diminue fortement sa lisibilité, alors qu'elle est essentielle. Les sénateurs ont été disciplinés et ont maintenu l'ordre du texte tel qu'ils l'avaient reçu à l'issue de la première lecture par l'Assemblée nationale. La commission des affaires économiques juge aujourd'hui que si l'on veut vraiment voter un texte fort et fondateur, il est important de lui conserver un ordre qui soit logique et, à cette fin, de repousser cet article concernant le rôle des collectivités locales en fin de texte - je veux m'excuser auprès de nos nombreux collègues qui sont motivés et passionnés par ce débat pour ce retard. Mais il est important de remettre en tête de notre discussion les problèmes de définition générique et de la liberté et de l'autonomie de la communication publique en ligne par rapport à la communication audiovisuelle.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement, qui est lié aux amendements n°s 1 et 2 qui suivront, qui visent à regrouper à la fin du texte les dispositions du projet de loi qui ont trait aux télécommunications. C'est en effet une démarche qui traduit un souci de clarification du texte.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 205.
    (L'amendement est adopté.)

Article 1er A

    Mme la présidente. Sur l'article 1er A, je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 1 et 90.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 1er A.
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l'amendement n° 90.
    M. Frédéric Dutoit. Cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 1 et 90.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er A est supprimé.
    Les amendements n°s 82, 83, 84, 229 et 86 de M. Morel-A-L'Huissier, n° 78 de M. Simon et n° 81 de M. Morel-A-L'Huissier n'ont plus d'objet.

Article 1er B

    Mme la présidente. Sur l'article 1er B, je suis saisie de l'amendement n° 2.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 1er B.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er B est supprimé.

Avant l'article 1er

    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 3 et 184, visant à introduire un article additionnel avant l'article 1er.
    L'amendement n° 3 fait l'objet de quatre sous-amendements, n°s 134, 135, 213 et 136.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 3.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Il s'agit d'un amendement fondamental. Comme en première lecture, la commission a souhaité de manière unanime que le droit de l'Internet ne soit pas rattaché à la loi de 1986 sur l'audiovisuel, mais qu'il figure dans une loi spécifique issue du présent projet de loi, qui est appelé à devenir un texte fondateur en la matière.
    Ce texte contiendra notamment les définitions génériques de la communication publique en ligne et du commerce électronique. Il précisera le régime de responsabilité applicable aux hébergeurs et aux fournisseurs d'accès Internet ainsi qu'en matière de commerce électronique. Il contiendra enfin un paquet « cryptologie ». Nous préférons donc au projet initial du Gouvernement, qui souhaitait modifier la loi de 1986, un texte fondateur consacré à Internet.
    Afin d'écarter d'emblée tout malentendu, je tiens à réaffirmer que nous sommes, comme tous dans cette assemblée, tout à fait convaincus qu'il faut faire d'Internet un véritable espace de droit. Nous aurons d'ailleurs des propositions dans ce sens, notamment en ce qui concerne les délits qui nous semblent les plus graves, tels que la pédophilie, le négationnisme ou l'appel à la haine raciale. Je pense aussi aux amendements que présentera le président Ollier sur la protection de la propriété intellectuelle.
    Mais il est essentiel pour nous que soit prise en compte une réalité de fond - et je remercie notre collègue Joyandet d'avoir ouvert le débat -, l'Internet n'est pas l'audiovisuel. Pour nous, il y a une vraie différence de nature entre la communication audiovisuelle et cette communication point à point et réciproque qui est permise par Internet, et qui donne à son utilisateur une réactivité, une possibilité d'intervenir qui n'est en aucun cas celle de l'auditeur de radio et de télévision, soumis à une communication descendante et hiérarchique.
    Il y a aussi une différence quantitative. Il y a aujourd'hui dans le monde plus de quarante millions de sites Internet contre quelques centaines de chaînes de télévision.
    Ce n'est pas du tout le même ordre de grandeur.
    On nous objecte le problème de la convergence. Nous sommes d'accord sur ce point, et c'est vraiment un des acquis de la discussion qui a eu lieu. En ce domaine, il conviendra de modifier la loi de 1986, afin de préciser de manière vraiment claire et sans aucune ambiguïté que la télévision sur Internet, c'est de la télévision, et que la radio sur Internet, c'est de la radio.
    M. Patrice Martin-Lalande. Cela est sage.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Sur le reste, la commission est unanime. Et j'insiste sur le fait que nous avons pris le temps d'instruire cette question. Outre le nôtre, je tiens à citer tous les avis convergents pour une initiative forte en vue de créer un droit de l'Internet : nos collègues de la commission des affaires économiques du Sénat, notamment les rapporteurs Bruno Sido et Pierre Hérisson ; la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications ; l'ART ; le CSA ; le Conseil d'Etat dans son avis du 2 juillet 1998 ; les avocats spécialisés, notamment ceux de l'association pour le développement de l'informatique juridique ; l'ensemble de l'industrie des télécommunications ; l'association française des accès, l'association française des opérateurs des réseaux et des services, l'association française des opérateurs de mobiles, soit l'ensemble des acteurs du secteur des télécommunications ; les professionnels de la vente à distance, la FEVAD, l'ACSEL ; les associations de consommateurs, notamment l'UFC et les associations d'internautes.
    Forts d'une telle unanimité, nous sommes aujourd'hui, à la commission des affaires économiques, particulièrement motivés pour essayer de vous convaincre, madame la ministre, et pour convaincre notre assemblée, qu'il est aujourd'hui nécessaire et légitime de franchir le pas.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Qui est contre ? Soyons clairs, ce sont les industries culturelles, et on peut les comprendre, car elles sont en train de vivre une transition qui est un véritable bouleversement. Elles vivaient sur un modèle économique, que l'on va appeler, pour faire simple, le modèle du CD, qui subit le contrecoup des technologies Internet, et notamment du téléchargement. Mais ce n'est pas parce qu'elles subissent ce traumatisme qu'il faut essayer d'ériger une ligne Maginot qui, à notre avis, serait inopérante.
    Nous avons énormément de respect pour les industries culturelles. Nous n'avons pas cessé de travailler avec elles et nous avons modifié le texte pour prendre en compte leurs revendications sur la convergence.
    Nous avons aggravé les sanctions - et le Sénat est allé dans le même sens - y compris sur le plan pénal. Nous avons accepté - après en avoir débattu entre nous, et notre collègue Christian Paul a émis des réserves sur ce point -, que le régime de responsabilité s'applique non seulement aux hébergeurs, mais aussi aux fournisseurs d'accès.
    Nous débattons en continu - je puis témoigner que l'ensemble des responsables des industries culturelles étaient encore dans le bureau du président Ollier à midi ! Nous vous proposerons des amendements qui montreront que, aujourd'hui encore, nous avons essayé, notamment sur la télévision et sur la radio à la demande, de comprendre la démarche de ce secteur fondamental.
    Cela dit, si la loi de 1986 satisfait les professionnels de ce secteur, elle n'en a pas pour autant des propriétés magiques.
    Nous sommes convaincus que le régime de responsabilité que nous allons vous proposer, qui est rapide et efficace, est une première brique, une première réponse vraie au problème des industries culturelles. Certes, il faudra, vous l'avez dit, madame la ministre, d'autres textes, sur le droit de copie, sur la propriété individuelle, mais aujourd'hui nous voudrions transmettre notre conviction.
    Vouloir, parce qu'une partie de l'industrie française est traumatisée, à juste titre, par le bouleversement de son modèle économique établir une exclusion qui aurait des effets pervers, éminemment négatifs sur le dynamisme de l'économie numérique, ce serait commettre un grave contresens.
    Nos convictions, madame la ministre, sont profondes ; nous voudrions, ce soir, vous les voir partager. En tout cas, nous souhaitons que l'Assemblée nous suive sur ce terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 184.
    M. Jean Lassalle. Je ne pourrais dire mieux que M. le rapporteur. Mon amendement est donc défendu.
    Mme la présidente. Vous vous contentez donc des explications qui ont été données par votre collègue ?
    M. Jean Lassalle. Je les ai trouvées très claires et je ne veux pas allonger la soirée ! (Sourires.)
    Mme la présidente. Louable souci !
    Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Dans mon propos préalable, j'ai dit que les questions qui étaient soulevées par cet amendement étaient essentielles. Chacun en a bien conscience ici. Elles sont liées, en effet, aux grandes étapes de la communication et de la liberté d'expression, à savoir la presse, d'abord, régie par la loi de 1881, puis l'audiovisuel, régi par la loi de 1986, et aujourd'hui, ce nouveau mode qu'est l'Internet.
    Le Gouvernement a souhaité maintenir la communication en ligne dans le cadre de la communication audiovisuelle, d'autant que les ambiguïtés qui pouvaient subsister quant à un assujettissement des services de l'Internet aux règles applicables à la radio et à la télévision ont été levées par les dispositions que le Sénat a adoptées en première lecture, en les reprenant, d'ailleurs, du projet de loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle. Ces dispositions limitent les attributions du Conseil supérieur de l'audiovisuel aux seules radios et télévisions.
    Mais je comprends bien votre volonté de tenir compte des spécificités de ce nouveau média qu'est la communication publique en ligne, et de créer un texte fondateur du droit de l'Internet. Cependant, il me semble également nécessaire de bien mesurer les effets induits par les définitions que vous souhaitez adopter, et cela dans de nombreux textes où le terme « communication audiovisuelle » est utilisé. Outre la loi du 30 septembre 1986 et celle du 29 juillet 1982, je citerai le code de la propriété intellectuelle, le code pénal, le code de procédure pénale, le code électoral, les textes régissant les droits sportifs, les attributions des collectivités d'outre-mer, entre autres.
    Je peux d'ores et déjà insister sur quelques difficultés à prévoir. En rejetant du champ de la communication audiovisuelle les services de communication publique en ligne, on risque de priver ces services du bénéfice des dispositions indispensables à leur développement. A titre d'exemple, les amendements proposés ne permettraient plus aux journalistes des services en ligne de bénéficier du statut de journaliste, ni à ces services d'être régis par le régime de la responsabilité éditoriale.
    M. Patrick Bloche et M. Christian Paul. Ce n'est pas vrai !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Or, rappelons-le, ce régime permet de concilier à la fois la liberté d'expression et la sauvegarde des intérêts des personnes physiques ou morales.
    M. Alain Gouriou. Ce n'est pas un bon argument !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Il définit les infractions de presse - diffamation, atteinte à la vie privée, atteinte à l'ordre public, diffusion de contenus illicites - et les recours pour les victimes. En l'absence de ce régime, la répression des contenus illicites, notamment racistes et révisionnistes, serait, nous semble-t-il, rendue plus difficile.
    La création d'un droit distinct pourrait également conduire à des régimes juridiques différents pour des contenus et services de même nature, notamment selon le support de diffusion ou de distribution utilisé.
    Enfin, faire de l'Internet une catégorie juridique indépendante, en particulier pour la distinguer de l'univers de l'audiovisuel, risquerait d'affaiblir notre défense de la diversité culturelle au plan international.
    La création d'un tel droit spécifique irait à l'encontre de la prise de conscience progressive par la Commission européenne de la nécessité d'un cadre juridique applicable aux médias en fonction de leur nature et non plus de leur mode technique de distribution.
    Ce serait également se rapprocher de la proposition des Etats-Unis de traiter comme une seule catégorie, dans les négociations multilatérales, les services qu'utilise l'Internet. Ces services pourraient ainsi être libéralisés d'un bloc. La France, vous le savez, a refusé cette démarche transversale, contraire à nos objectifs, puisque nous sommes attachés à une approche par secteur d'activité, chaque secteur d'activité pouvant alors faire l'objet ou non d'offres de libéralisation.
    C'est pourquoi le Gouvernement, tout en partageant les objectifs de clarification du cadre juridique actuel poursuivis par les rédacteurs de cet amendement, préfère entamer un débat sur l'adaptation du cadre juridique aux spécificités de l'Internet, plutôt que créer un droit spécifique, à ce stade.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je vais, à ce moment du débat, qui est un moment important, m'efforcer de démontrer que la commission des affaires économiques souhaite suivre son rapporteur et adopter les propositions qu'il a faites.
    Je suis désolé, madame la ministre, qu'il y ait un désaccord de forme entre nous. Mais je vous rassure quant à la logique qui nous a animés, car je suis certain qu'il n'y a pas de désaccord de fond. Et là, me semble-t-il, est l'essentiel. Si tel n'était pas le cas, comme nous faisons la loi et que nous nous inscrivons dans une logique qui est celle de mettre en oeuvre les décisions du Gouvernement, il est évident que je ne prononcerais pas les mêmes propos.
    Oui, madame la ministre : 1881, loi sur la presse ; 1986, loi sur l'audiovisuel. Eh bien ! en 2004, le rapporteur souhaite qu'il y ait une loi spécifique sur la communication en ligne et sur le support juridique qui permette de réglementer ce que l'on appelle couramment l'Internet. C'est donc sous le seul angle de la forme qu'il s'est attaqué au problème, et je voudrais que nous soyons d'accord sur ce point, mes chers collègues : c'est une question de support juridique et non une question de fond. Vous ne voulez pas, madame, d'un droit distinct ; vous avez raison. Nous non plus : nous vous proposons des supports distincts.
    La commission s'est ralliée unanimement à la position de M. le rapporteur. Et je me sens lié par mon mandat de président de la commission...
    M. Christian Paul et M. Alain Gouriou. Très bien !
    M. Patrick Bloche. Voilà un vrai président ! (Sourires.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ne me flatez pas ! Cela ne marche pas !
    Je ne voudrais pas qu'il y ait de quiproquo entre nous. Je le répète : pas de droit distinct, mais un support distinct.
    Vous avez cité, madame la ministre, un certain nombre d'exemples, que je ne reprendrai pas dans le détail, mais sachez que certains députés présents ce soir ont déposé des sous-amendements à leur sujet. A l'évidence, l'amendement de notre rapporteur méritait, en effet, d'être complété, et il l'a été. Nous sommes allés, ce faisant, dans le sens que vous avez indiqué, tout en respectant la logique de notre commission qui était d'avoir deux supports distincts.
    S'agissant des journalistes en ligne, madame la ministre, nous avons résolu le problème que vous posiez. Grâce à l'amendement n° 129, ils disposeront, bien entendu, de la carte de journaliste, ce qui est tout à fait normal.
    Vous avez évoqué par ailleurs le problème des industries et activités culturelles. Je remercie le rapporteur d'avoir raconté ce qui s'est passé ce matin, car nous avons le souci de répondre à leurs interrogations qui sont fondées. Et nous avons déposé trois sous-amendements, que j'ai signés moi-même pour qu'il n'y ait pas d'équivoque.
    Une réunion a eu lieu à midi avec les responsables de ces activités et des engagements ont été pris. A présent, ces responsables sont satisfaits, tant en ce qui concerne la correspondance privée qu'en ce qui concerne la sécurisation, notamment pour la télévision ou la radio à la demande.
    En tant que président de la commission, je voulais assurer le Gouvernement - et je suis sûr qu'il a bien compris - qu'il n'entre pas du tout dans nos intentions d'adopter une logique différente de la sienne. Ce que nous voulons, c'est innover, en créant un corpus législatif nouveau, c'est vrai, et le débat est ouvert à partir de maintenant, mais je pense que le souhait du rapporteur, relayé à l'unanimité par la commission, est fondé.
    S'ouvrir à ce corpus législatif nouveau, sans changer l'architecture de ce droit qui va réglementer ce domaine d'une manière extrêmement sévère d'ailleurs - M. le rapporteur l'a dit -, et permettre de lutter plus efficacement contre le détournement de la réglementation et de la loi et contre le piratage qui porte atteinte gravement à nos industries culturelles est positif.
    Madame la ministre, nous ne souhaitons pas remettre en cause l'architecture du texte tel que nous l'avons voté. Si d'aventure cet amendement n° 3 n'était pas voté par notre assemblée - et je demande solennellement aux membres de la commission des affaires économiques qui s'y sont ralliés à l'unanimité de confirmer leur vote et à nos collègues qui n'en font pas partie de faire de même -,...
    M. Christian Paul. Nous allons vous aider !
    M. Patrick Bloche et M. Jean-Yves Le Déaut. Nous sommes là !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. ... si d'aventure, disais-je, cet amendement n° 3 n'était pas voté, étant donné que nous avons construit pendant plusieurs semaines un texte cohérent, il faudrait alors le restructurer totalement. Je vous laisse imaginer la difficulté de l'exercice !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. D'autant que nous sommes déjà bien fatigués !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Dernier point, madame la ministre, vous avez parlé de l'Europe. Nous sommes soucieux de répondre à votre attente. Un sous-amendement a d'ailleurs été voté, pour harmoniser le texte - nous l'avons dit ce matin lorsque nous avons reçu le CLIC - avec la directive européenne du 12 juillet 2002.
    Par conséquent, toutes les interrogations que vous avez soulevées trouvent une réponse positive dans les amendements que les parlementaires ont déposés et qui ont été adoptés en commission.
    Voilà pourquoi, mes chers collègues, en dépit d'un petit différend sur la forme, je souhaite sincèrement que nous avancions en votant cet amendement. Ainsi, tout en respectant l'architecture du texte, nous pourrons répondre favorablement à toutes les demandes du Gouvernement sur le fond.
    Il s'agit en effet pour nous de vous suivre, madame, dans la mise en place de cette nouvelle législation afin de répondre à votre attente et à celle du Premier ministre : faire voter une loi efficace et qui fera figure de novation dans la législation française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. Il est rare que les propos du président de la commission des affaires économiques, suscitent une telle unanimité !
    M. Nicolas Perruchot. Il y a un début à tout !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Espérons que cela va continuer !
    M. Christian Paul. Ne boudons pas notre plaisir !
    Nous allons voter cet amendement, monsieur le rapporteur, pour deux raisons : d'abord, parce qu'il affirme, et c'est là l'essentiel, la liberté de la communication en ligne ; ensuite, parce que, pour la première fois, il indique clairement que la communication en ligne n'est pas un simple sous-produit de la communication audiovisuelle. Il était essentiel, à ce stade du débat français sur l'Internet et de l'état des lois qui concernent ces questions, de préciser nettement - c'est sans doute là, en effet, un élément fondateur - que la communication publique comprend la communication audiovisuelle et la communication en ligne. Cela représente, certes, une rupture par rapport à la loi de 1986, mais cela ne nous choque pas. A l'époque, quelques dizaines ou quelques centaines seulement de laboratoires dans le monde expérimentaient l'Internet, mais la question n'était pas posée dans cet hémicycle. Il s'agit donc d'une avancée importante.
    Je voudrais néanmoins assortir cette approbation de quelques observations.
    En approuvant l'idée d'une autonomie de la régulation de l'Internet, nous reconnaissons, dans le même temps, qu'il y a plutôt une autonomie de la régulation de l'audiovisuel par rapport au droit commun, et que c'est le droit commun qui s'appliquera à l'Internet.
    On nous a parfois reproché de défendre l'idée d'un droit spécial de l'Internet. Ce n'est pas fondé. Nous plaidons pour que le droit commun - la responsabilité civile, la responsabilité pénale - s'applique à l'Internet sous le contrôle du juge. C'est cette vision qui est réaliste.
    Nous serons sans doute un peu plus réservés, monsieur le rapporteur, quand vous tenterez de nous convaincre que l'on peut en quelques mots définir la télévision et la radio, et notamment leur présence sur les réseaux numériques. Vous avez tenté de donner des gages, le président Ollier ne s'en est d'ailleurs pas caché tout à l'heure, à ceux qui voudraient, au fond, entrer par la fenêtre alors que nous proposons au contraire une position très ferme qui ne conduit pas, notamment le CSA, à exercer sur l'Internet une régulation globale. Nous aurons à évoquer tout à l'heure la difficulté qu'il y a à définir ce qu'est une télévision ou une radio sur les réseaux numériques. Cela ne va pas de soi. Je crains que l'effort que vous avez voulu faire ne soit pas fondateur, mais c'est notre devoir de prendre date d'une certaine manière.
    Comme je l'ai expliqué tout à l'heure en défendant la question préalable, ce texte n'a pas d'autre vocation que la promotion du commerce électronique et de la confiance sur les réseaux. Il ne nous paraît ni possible ni souhaitable de vouloir régler dans ce texte un certain nombre de problèmes majeurs, qui concernent la création, la diffusion de la création, notamment dans le domaine musical, mais pas seulement, la propriété intellectuelle, y compris par des amendements présentés lorsque la commission s'est réunie en application de l'article 88, à quelques heures de l'examen du projet dans l'hémicycle.
    Nous aurons, et le Gouvernement s'y est engagé sur ce point, un autre rendez-vous législatif à ce sujet à l'occasion de la transposition de la directive européenne sur les droits d'auteurs et les droits voisins. A moins que le Gouvernement - je n'ai pas eu d'assurance sur ce point tout à l'heure - ne souhaite transposer cette directive par ordonnance,...
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Non !
    M. Christian Paul. ... ce qui serait une attitude politiquement insupportable, et j'espère, madame Fontaine, que vous me rassurerez,...
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Tout à fait.
    M. Christian Paul. ... nous ne comprendrions pas que l'on profite de ce texte pour aborder des questions essentielles en effet, qui concernent à la fois un secteur industriel tout à fait estimable, mais aussi des centaines, des milliers de créateurs et des millions d'utilisateurs de l'Internet.
    Voilà ce que je voulais dire, monsieur le rapporteur, pour vous apporter notre soutien sur l'amendement mais pour vous mettre aussi en garde sur quelques détails qui ne sont pas mineurs.
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Avec cet amendement qui bouleverse assez fondamentalement le texte initial proposé par le Gouvernement et modifié par le Sénat, nous retrouvons la vocation première peut-être de notre assemblée qui est de faire la loi.
    Je partage l'objectif de M. le rapporteur quant au contenu de l'amendement. Il me semble en effet intéressant qu'un texte de loi soit fondateur du droit de l'Internet en France, non pas qu'il faille un droit spécifique mais la technique même de l'Internet bouleverse totalement les conceptions que nous pouvions avoir jusqu'à ce jour de ce que peut être un média.
    Effectivement, il y a une différence de nature entre les médias audiovisuels et le système Internet.
    L'Internet a pour vocation de permettre la communication, l'échange entre producteurs et récepteurs d'informations, ce qui n'est pas le cas des médias traditionnels. Cela nous amène à nous poser de véritables questions de société, puisque tout le monde dans cet hémicycle est d'accord pour dire que l'ensemble des citoyens de notre pays devraient pouvoir bénéficier de cette technologie nouvelle qui permet une rapidité de communication favorisant le développement économique, social, culturel de l'ensemble des citoyens de notre pays et, au-delà, du monde.
    Pour moi, il est clair qu'il ne s'agit pas de créer un droit spécifique, mais bien de faire en sorte que le droit commun soit capable de prendre en compte cette réalité nouvelle qu'est l'Internet.
    Enfin, je partage les idées avancées précédemment par l'un de mes collègues sur la propriété intellectuelle. En effet, ce n'est pas à propos de ce texte qu'il nous faut aborder cette question, même si nous devons la garder à l'esprit. Monsieur le président de la commission, vous disiez ne pas être d'accord avec le Gouvernement pour des questions de forme. J'ai plutôt le sentiment que cet amendement remet en cause, sur le fond, la conception du Gouvernement dans son texte initial.
    Je suis donc tout à fait d'accord avec cet amendement mais, si nous l'adoptons, monsieur le rapporteur, faisons bien attention à ne pas réintroduire, dans les amendements futurs que nous allons discuter, des mesures profondément négatives comme la privatisation de la justice quant à Internet. Les effets négatifs que j'ai évoqués tout à l'heure à propos du projet initial du Gouvernement seraient alors introduits dans ce projet qui risque de devenir un texte fondateur. J'appelle l'attention de M. le rapporteur et de l'ensemble de la commission sur cette question.
    C'est pour cette raison, madame la présidente, que je souhaiterais une suspension de séance à l'issue de cette discussion pour pouvoir travailler très rapidement sur cette question, ne serait-ce que cinq minutes, avec mon groupe. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il est tout seul !
    Mme la présidente. Nous allons terminer la discussion de l'amendement, puis nous examinerons les sous-amendements. C'est un point très important, le rapporteur et le président l'ont montré. J'ai laissé la discussion se prolonger, quitte à écorner un petit peu le règlement.
    La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Je m'étais inscrit sur l'article 1er, mais je ne prendrai pas alors la parole puisque, à l'initiative de notre rapporteur, ce n'est pas à l'article 1er - où l'amendement n° 4 de la commission nous amènera à redéfinir, en modifiant légèrement la rédaction du Sénat, les services de radio et de télévision - que la discussion centrale, fondatrice, qu'appelle de ses voeux notre rapporteur aura lieu, mais maintenant, sur la définition spécifique de la communication publique en ligne telle qu'il nous la propose, avec le soutien appuyé et remarqué du président de la commission des affaires économiques.
    Je suis très heureux, ainsi que d'autres, sans doute, qui étaient présents ici en 1998-1999, lorsque nous avons examiné la loi du 1er août 2000 qui modifiait la loi de septembre 1986 sur la liberté de communication, de poursuivre une discussion que nous avions entamée à l'époque, mais qui arrivait sans doute trop tôt et qui avait l'inconvénient, d'ailleurs, d'essayer de définir la communication publique en ligne, alors que nous réformions un texte visant principalement la communication audiovisuelle.
    Cela a été dit par les uns et les autres, il est excessivement important de dire et de répéter, surtout dans cet hémicycle, que l'Internet n'est pas une zone de non-droit. Le droit commun s'y applique normalement et nous avons la mission, bien sûr, d'entreprendre les adaptations nécessaires, notamment dans le cadre de la transposition des directives communautaires.
    L'Internet relève donc d'abord du droit commun, et non pas d'un droit spécifique.
    Par contre, c'est la communication audiovisuelle, et cela a été souligné par Christian Paul et Frédéric Dutoit à l'instant, qui a besoin d'une définition spécifique et surtout d'une régulation spécifique. Il s'agit en effet de répondre à un souci de diversité et de pluralisme. C'est parce que la ressource audiovisuelle est rare qu'il y a un Conseil supérieur de l'audiovisuel, chargé de délivrer des autorisations et d'attribuer des fréquences. Il n'est pas nécessaire qu'il joue le même rôle à l'égard de l'Internet puisque, là, la ressource est abondante, sinon infinie.
    De la même manière, nous avons confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel la mission de faire respecter le pluralisme et la diversité, mais dans un cadre maîtrisé. Et même le développement de la TNT ne l'amènera pas à accomplir une tâche pour lui irréalisable.
    En spécifiant ce qu'est la communication publique en ligne, en la définissant de façon autonome par rapport à la communication audiovisuelle, nous faisons oeuvre de clarification en matière juridique et en matière de régulation, ce qui est essentiel, surtout que le Conseil supérieur de l'audiovisuel lui-même n'a pas l'ambition - il l'a peut-être eue, il y a quelques années - d'être le régulateur de l'Internet. Nous devons rester dans ce cadre républicain et établir des règles, le juge étant appelé, lorsqu'elles seront transgressées, à sanctionner.
    De fait, vous l'aurez compris, cette définition spécifique nous satisfait, avec les réserves qu'a émises Christian Paul, je n'y reviens pas. Par contre, nous avons tout de même une interrogation sur le sous-amendement n° 213 présenté par le président de la commission.
    Sincèrement, monsieur le président, vous avez présenté ce sous-amendement lorsque la commission s'est réunie en application de l'article 88 de notre règlement. Je crains que cette rédaction un peu rapide n'ait un effet explosif qui nuise à ce que nous essayons de faire collectivement ce soir. Tout le bénéfice de ce que vous avez dit pour défendre l'amendement de notre rapporteur risque de disparaître. Si vous supprimez ce simple morceau de phrase, « de correspondance privée », qui pourrait apparaître secondaire, de la définition proposée par notre rapporteur, on ne parlera que de ça demain, tout simplement parce que, aujourd'hui, l'échange de fichiers musicaux est considéré comme de la correspondance privée. Et c'est de la correspondance privée !
    Sanctionner l'échange de fichiers musicaux qui ne fait pas l'objet d'une rémunération des auteurs, des diffuseurs et des producteurs, c'est-à-dire qui a lieu dans des conditions illégales, bien sûr qu'il faudra le faire, et nous serons sans doute amenés durant cette année 2004, lorsque nous transposerons la directive sur les droits d'auteur, à sanctionner de manière spécifique ces pratiques illégales et condamnables qui menacent la création culturelle dans notre pays, mais ne mélangeons pas les débats et, surtout, n'agissons pas dans la précipitation, car tout ce que nous faisons de positif aujourd'hui risque demain, dans la lecture qui en sera donnée, de n'apparaître uniquement qu'à travers cette tentative maladroite et prématurée de vouloir répondre à une vraie question, la lutte contre le piratage sur Internet.
    Je vous demande donc, monsieur le président, de retirer ce sous-amendement car je crains qu'on ne parle que de cela demain. En l'occurrence, puisqu'on a parlé de diversité culturelle, si on essaie objectivement de saisir quel est, parmi les médias tels qu'ils sont - la presse, loi de 1981, la communication audiovisuelle, loi de 1986 ; l'Internet, loi de 2004, dira-t-on peut-être dans quelques années -, le média de la diversité culturelle, avouons-le collectivement, c'est Internet, ...
    M. Christian Paul. Bien sûr. Il a raison !
    M. Patrick Bloche. ... sans doute aussi la presse, sans doute beaucoup moins la radio et la télévision, où la standardisation et l'uniformisation, hélas ! sont trop souvent de règle.
    M. Daniel Paul. Excellent !
    Mme la présidente. Nous arrivons aux sous-amendements à l'amendement n° 3 de la commission.
    La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir le sous-amendement n° 134.
    M. Emile Blessig. Ce sous-amendement a été rédigé par M. d'Aubert et son objet est de faire entrer la communication audiovisuelle dans la loi de 1986 en précisant la rédaction et la définition de la communication publique en ligne.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Défavorable, pour une raison de fond. On est encore dans une logique qui inclut la communication publique en ligne dans la communication audiovisuelle, alors que l'objet même de l'amendement n° 3 de la commission est de créer une autonomie.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 134.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Les sous-amendements n°s 135 et 213 sont identiques.
    La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir le sous-amendement n° 213.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci, madame la présidente. Je voulais, en effet, présenter d'abord le sous-amendement n° 213 pour que les choses soient claires entre nous, même si M. d'Aubert a déposé un sous-amendement identique.
    Effectivement, monsieur Bloche, nous sommes à un moment important, et la commission des affaires économiques veut justement apporter toutes les sécurités nécessaires pour répondre aux doutes, aux interrogations qui peuvent exister notamment en ce qui concerne les industries culturelles. Vous avez parlé de l'article 88. C'est vrai que nous avons travaillé jusqu'au dernier moment, car il est de notre devoir d'essayer d'apporter des réponses constructives à ceux qui peuvent douter d'une méthode de travail qui a été la nôtre, que j'ai expliquée longuement tout à l'heure, M. le rapporteur également, je n'y reviens pas.
    L'une des interrogations des représentants des industries culturelles était fondée. Ne serait-ce qu'au titre de l'harmonisation avec la réglementation européenne, il était nécessaire de répondre favorablement à la demande de ceux que nous avons reçus tout à l'heure avec M. le rapporteur. Le texte tel qu'il a été rédigé avait en effet une lacune, il faut le reconnaître, et n'était pas en harmonie avec la réglementation européenne. Serait-il de bonne législation que nous ne tenions pas compte de ce qui doit, à terme, s'imposer à nous ?
    Nous avons donc déposé ce sous-amendement, comme nous nous y sommes engagés, et je propose que nous supprimions les mots « de correspondance privée », de telle sorte que nous revenions à l'essence même de la directive du 12 juillet 2002 qui précise d'une manière très claire, page 191, ce qui peut être pris en compte dorénavant par cette loi.
    Nous revenons donc à la définition européenne et peu importe que l'on ne parle que de cela demain et que la lecture des uns ou des autres soit celle que vous dites. Ce qui m'importe, c'est que nous fassions une bonne législation.
    M. Christian Paul. Cela concerne des millions d'usagers de l'Internet !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce qui m'importe, c'est que la loi que nous votons soit indiscutable, qu'elle réponde aux questions qui nous ont été posées et apporte toutes les sécurités nécessaires. Cela va, madame la ministre, dans le sens de ce que vous avez souhaité, même si la hiérarchie du texte n'est pas celle que vous vouliez.
    Voilà pourquoi je crois nécessaire que, dans un souci de coordination, nous adoptions d'abord ce sous-amendement, avant de voter l'amendement n° 3 de M. le rapporteur.
    Mme la présidente. La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir le sous-amendement n° 135.
    M. Emile Blessig. Ce sous-amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces sous-amendements identiques ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Bien qu'ils portent sur l'amendement n° 3, auquel le Gouvernement est défavorable, les sous-amendements n°s 135 et 213, qui, comme M. le président de la commission l'a très bien expliqué, visent à reprendre la définition du courrier électronique contenue dans la directive européenne, nous semblent satisfaisants. Le Gouvernement y est donc favorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Soyons clairs, pour dissiper toute ambiguïté. En effet, je ne voudrais pas que, sous prétexte que nous sommes réticents à l'égard du sous-amendement n° 213, nous apparaissions comme les défenseurs du piratage sur l'Internet.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Oh !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je n'ai pas dit cela !
    M. Patrick Bloche. C'est vrai, et je vous remercie : j'ai beaucoup apprécié que vous ne m'ayez pas fait ce faux procès, monsieur le président de la commission. Mais je n'en ai guère été étonné de votre part.
    Si nous nous interrogeons, c'est sur la bonne écriture de la loi. L'Union européenne a fait un travail énorme pour élaborer une directive sur le droit d'auteur, que nous serons très certainement amenés à transposer cette année et qui mobilisera sans doute notre assemblée pendant plusieurs heures : dans ces conditions, à quoi bon ce sous-amendement, que je trouve un peu rapide, et qui mériterait des échanges supplémentaires, une réflexion, un travail plus affiné ? Nous accomplissons un travail fin, intelligent ; notre rapporteur y contribue grandement, de même que le groupe d'études sur Internet et le commerce électronique que nous coprésidons, André Santini, Patrice Martin-Lalande et moi-même et qui a procédé à diverses auditions. Je crains que tout cela ne soit compromis par l'adoption de cette mesure mal comprise, car non expliquée préalablement, non préparée et qui pourrait être un élément de frustration - j'emploie à dessein un terme mesuré - pour les usagers de l'Internet.
    En ce domaine, la loi et la règle sont importantes. Mais il ne faut pas négliger le travail de pédagogie pour les faire accepter et comprendre. Or, là, nous légiférons de manière abrupte, sans avoir préparé le terrain, ce qui peut être dangereux.
    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. J'abonde dans le sens de Patrick Bloche. Le Parlement a le devoir de trouver un équilibre dans les mois qui viennent. Ce sera difficile, car les intérêts en présence sont très différents et sans doute, au fond, assez contradictoires. Nous aurons ainsi à concilier les intérêts légitimes de plusieurs secteurs économiques de production de biens culturels qui sont en crise - l'édition musicale ou le cinéma - et ceux de millions d'utilisateurs de l'Internet, qui développent des pratiques d'échange heurtant de plein fouet les modes de diffusion traditionnels de la musique et du cinéma.
    Engager cette discussion au détour d'un amendement façonné à la hâte afin de donner quelques gages à ceux qui s'inquiétaient de l'amendement présenté par le rapporteur, c'est vraiment une mauvaise action.
    M. Pierre-Christophe Baguet. C'est mieux que rien !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Quel excès !
    M. Christian Paul. Comme l'a remarqué Patrick Bloche, le président de la commission pirate en quelque sorte le rapporteur, ce qui est dommage.
    Nous aurons à traiter de ces questions, notamment de celle de la copie privée et de la place qu'elle doit conserver. Nous aurons à prendre acte du développement des échanges de fichiers selon le protocole du peer to peer. Or, des questions de cette importance ne peuvent pas être abordées de cette façon-là.
    Actuellement, en France, en Europe et aux Etats-Unis, sous l'effet de diverses pressions, perce une volonté de criminaliser certaines pratiques d'échange. Une telle tentation doit être examinée sur le fond avec une grande prudence. Il n'est pas sérieux d'entreprendre cette réflexion de façon aussi rapide.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements n°s 135 et 213.
    (Ces sous-amendements sont adoptés.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir le sous-amendement n° 136.
    M. Emile Blessig. Ce sous-amendement vise à introduire dans ce texte, qui fonde le droit de l'Internet, l'exigence, qui était celle de la loi de 1986, de développer une industrie nationale de production audiovisuelle.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Cet amendement vise, de manière selon nous illégitime, à compléter la définition de la communication publique en ligne, alors que celle-ci doit être libre et, en conséquence, définie et encadrée par un droit simple et efficace. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 136.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Je souhaiterais répondre brièvement à Mme la ministre qui a avancé l'argument important selon lequel l'autonomie de la communication publique en ligne par rapport à la communication audiovisuelle affaiblirait notre position dans la négociation internationale.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Bonne question !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Or, dans le cadre des négociations sur les services de télécom du GATS, les Etats-Unis ont accepté l'offre de l'Union européenne, annexée au quatrième protocole, qui exclut du champ de la communication l'ensemble des services consistant en une offre commerciale de contenu transporté, quel que soit le mode de transport, ce qui préserve notamment la télévision sur Internet. Cet argument, qui inquiétait à juste titre les industries culturelles, reçoit donc une réponse précise qui est de nature à les rassurer.
    Je souhaiterais également donner un exemple des effets pervers qu'aurait l'inclusion de la communication publique en ligne dans la communication audiovisuelle. La loi du 29 juillet 1982, qui s'applique à la communication audiovisuelle et qui, en cas d'inclusion, s'appliquerait à la communication Internet, dispose, dans son article 93-3 que, au cas où l'une des infractions prévues sur la liberté de la presse serait commise, le directeur de la publication sera poursuivi comme auteur principal lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation ou d'une définition préalable à sa communication au public. Mesure-t-on ce que cela signifierait, en termes de responsabilité, pour les hébergeurs et pour les fournisseurs d'accès à Internet ? Cet exemple frappant montre bien que nous devons créer un droit autonome.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 3 et 184, modifiés par les sous-amendements adoptés.
    (Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)
    Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 44 de M. Christian Paul n'a plus d'objet.
    La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je demande une brève suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise, le jeudi 8 janvier, à zéro heure.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 1er

    Mme la présidente. Nous en venons à l'examen de l'article 1er.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déant, inscrit sur l'article.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je voudrais, pour faire avancer le débat plus rapidement par la suite, aborder un sujet qui fait l'objet d'amendements à l'article 1er, celui des logiciels libres. On vient de discuter d'un sujet important, la définition de la communication en ligne, et il me semble qu'une question importante est passée sous silence dans ce projet de loi, c'est celle des logiciels libres et, au-delà, celle de l'accès aux codes sources et surtout de l'interopérabilité des logiciels. Il est évident que ces aspects non marchands d'Internet doivent être abordés alors que nous sommes à la veille d'une révolution numérique. Madame la ministre, vous avez parlé d'une « grande loi sur Internet ». Peut-on parler d'une « grande loi sur Internet » quand de tels sujets sont ignorés ? Il y a à peu près un an, lors de la première lecture, le rapporteur et vous-même nous aviez dit que cette question serait abordée en deuxième lecture. Je voudrais donc l'évoquer maintenant, madame la présidente, ce qui permettra d'avancer plus rapidement lorsque nous examinerons les amendements.
    J'estime, sans tomber dans l'anti-américanisme primaire, qu'il est important de ne pas dépendre totalement d'un pays dans un domaine technologique donné. Aujourd'hui, les Américains ont le contrôle de la toile. Certains, même parmi les dirigeants nationaux, disent que la bataille est perdue, car quand d'autres pays acquièrent des techniques, ils se font torpiller. Je voudrais vous donner un chiffre qui donne une idée de ce qu'on appelle, dans le milieu, la taxa americana. En Europe, « Wintel », c'est-à-dire Windows plus Intel, cela représente 3 milliards d'euros de taxes sur les logiciels Windows, et 2 milliards d'euros de taxes sur les microprocesseurs Intel. Ce sont 50 000 emplois directs et 150 000 emplois induits qui sont perdus par rapport à ce que serait la situation si nous avions la maîtrise de ces techniques. Quand on intègre les taxes sur les produits pétroliers, et celles sur l'informatique, prenant en compte des emplois induits, cela fait une quarantaine de milliards d'euros.
    Mais il n'y a pas que les logiciels et les microprocesseurs, il y a aussi tous les moteurs de recherche - on pense à Google, par exemple -, il y a aussi Amazon, eBay, AOL. Aujourd'hui, quand une entreprise française veut vendre un produit en ligne, elle est obligée de passer des publicités sur le système américain, car sinon, le produit qui sera vendu ne sera pas un produit français. La distribution ne sera pas assurée par Chronopost, mais par Federal Express ou des systèmes de distribution qui viennent d'autres pays. Bref, nous subissons une dépendance économique totale dans ce système. Et nous nous y complaisons ! Aujourd'hui, la quasi-totalité des administrations n'ont pas accès aux codes sources - c'est le cas à l'Assemblée nationale, où nous sommes totalement sous Windows. Plusieurs sénateurs et députés, ainsi que le groupe d'étude animé notamment par nos collègues Patrick Bloche, Patrice Martin-Lalande ou André Santini, en ont parlé mais à chaque fois qu'on en parle à l'Assemblée nationale, on nous répond que ce n'est pas le moment, que l'on n'est pas encore arrivé à la bonne définition.
    Pour garantir un accès libre du citoyen à l'information publique, il faut que le codage des données informatiques communiquées par l'administration ne soit pas lié à un fournisseur unique. Les standards doivent être ouverts, c'est-à-dire que l'ensemble des règles de codage de l'information doivent être publiques et permettre de garantir ce libre accès en autorisant, si nécessaire, le développement d'une offre de logiciels libres.
    Pour garantir plus avant la pérennité des données publiques, il faut que l'utilisation et la maintenance d'un logiciel ne dépendent pas du bon vouloir des concepteurs de logiciels. Il faut des systèmes dont l'évolution - c'est très important - puisse être toujours garantie grâce à une disponibilité du code source. Le principe de disponibilité du code source, dans le cadre de contrats de licence, principe présenté aujourd'hui dans le code des marchés publics, donne une option limitée aux seuls achats de progiciels.
    Il ne s'agit pas d'instaurer, comme certains l'indiquent, l'obligation du logiciel libre. Je ne pense pas du tout à une unicité du logiciel libre, car il y aura des logiciels propriétaires. Mais il convient de faire en sorte qu'il soit possible de choisir, dans l'administration comme dans le secteur privé. Aujourd'hui, on ne choisit plus, on est sous une dépendance qui est totalement économique, avec des séquences espions - et l'on sait qu'un certain nombre d'organismes américains peuvent le vérifier. Et on ne fait rien ! On accepte une situation où il n'y a aucune interopérabilité, aucune possibilité de travailler, aucune pérennité des codes sources, aucune pérennité de notre système d'information. De sorte que, demain, les informations que nous aurons stockées dans des bibliothèques, nous n'y aurons plus accès. Lorsqu'une panne surviendra, nous ne pourrons pas réparer le produit, car nous n'aurons pas accès aux codes sources.
    Le Parlement devrait, à l'occasion de ce texte, se pencher sur ce problème.
    M. Patrice Martin-Lalande. Oui, c'est un vrai problème !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je reviendrai rapidement sur ces sujets, et en étant plus technique, à l'occasion des amendements. Mais je le dis avec solennité, je pense qu'aujourd'hui, après la définition de la communication en ligne, il est de notre devoir d'ouvrir la possibilité d'interopérabilité des logiciels et de faire en sorte que le système Linux puisse être utilisé. C'est ce que font d'ailleurs les Chinois, qui sont en train de rattraper tout leur retard scientifique : premièrement, sur les microprocesseurs, ils ont engagé la totalité de leur matière grise ; et deuxièmement, ils vont adopter le système Linux. Dans quelques mois, ils auront un système dont les normes seront différentes, et qui sera totalement indépendant. Je regrette que la France et l'Europe laissent passer les trains.
    M. Alain Gouriou. Très bien !
    Mme la présidente. Nous en arrivons aux amendements à l'article 1er.
    L'amendement n° 45 est-il défendu ?
    M. Christian Paul. Oui, madame la présidente.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Défavorable. Il nous semble que notre amendement n° 4 satisfait les préoccupations des auteurs de cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 45.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 4 et 173.
    L'amendement n° 4 fait l'objet de sous-amendements, n°s 139, 138, 227 et 226.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 4.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Cet amendement tend à remettre très clairement les points sur les « i » en ce qui concerne le problème de la convergence. Quel que soit le support, un service de télévision, même sur Internet, restera un service de télévision et restera donc inclus dans le champ de la loi de 1986. En ce sens, notre amendement n° 4 est un complément de la loi de 1986. La télévision sur Internet, cela reste de la télévision. La radio sur Internet, cela reste de la radio. Et là, pour le coup, il est tout fait normal que l'on procède par la voie d'une modification de la loi de 1986.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 173.
    M. Jean Lassalle. L'amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. En effet, en faisant disparaître l'adverbe « nécessairement », il établit une définition de la radio et de la télévision qui nous semble plus restrictive. Il présente à mes yeux plusieurs inconvénients.
    Tout d'abord, cette nouvelle définition fige les notions de radio et de télévision et fait obstacle à la prise en compte des évolutions technologiques constantes que connaît ce secteur.
    Mais surtout, en excluant certains services diffusés vers les téléspectateurs, comme le télétexte, elle est contraire au cadre communautaire et notamment à la directive « Télévision sans frontières ».
    Cette analyse n'a d'ailleurs pas échappé au CSA, qui avait proposé, dès la consultation publique organisée sur la transposition du paquet Télécom, les mêmes définitions que celles introduites par le Sénat. Ces définitions, avec la souplesse qu'introduit l'adverbe « nécessairement », nous semblent indispensables au maintien du champ de compétence actuel de cette autorité indépendante.
    Je pense par ailleurs que la crainte, exprimée par le rapporteur, que le régime de la radio et de la télévision puisse être par inadvertance appliqué aux services de communication publique en ligne, peut être écartée sans problème. En effet, dans une telle hypothèse, tant le juge que la Commission européenne, dont nous savons qu'elle est particulièrement vigilante sur ces questions, ne manqueraient pas de nous rappeler à l'ordre.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Pour être en cohérence avec ce qui a été décidé tout à l'heure lors du vote de l'amendement n° 3, je voudrais rappeler à notre assemblée que l'amendement n° 4 de notre rapporteur entre dans la logique que nous avons longuement exposée tout à l'heure. C'est donc en quelque sorte un amendement de coordination, qui va nous permettre de déveloper cette hiérarchie différente du texte que nous avons évoquée. Je souhaite donc bien entendu qu'il soit voté.
    Et, si vous le permettez, pour éviter de reprendre la parole plus tard, je vais défendre immédiatement mes deux sous-amendements, n°s 227 et 226.
    Mme la présidente. Je vous en prie.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Je les qualifierai de « sous-amendements de sécurisation », en me tournant vers nos collègues de l'opposition, car j'ai bien entendu les arguments qu'ils ont développés. Je me contente en effet de préciser la définition des services de télévision et de radio proposée par M. le rapporteur dans son amendement, en évoquant la télévision et la radio à la demande. Cela va aussi, madame la ministre, dans le sens de la cohérence, afin que nous puissions lever tout doute, toute suspicion et apporter aux industries culturelles, comme nous nous y sommes engagés ce matin, les précisions que leurs représentants ont déclaré attendre.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n°s 227 et 226 ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. En bonne logique, je ne devrais pas être favorable à des sous-amendements portant sur un amendement auquel je ne suis pas favorable. Néanmoins, je tiens à préciser que si l'amendement n° 4 venait à être voté, je serais favorable aux deux sous-amendements de M. le président Ollier. (Murmures.)
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Voilà qui va inspirer l'Assemblée, j'en suis certain !
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est ce qu'on appelle le principe de précaution !
    Mme la présidente. Le problème, c'est que je mettrai aux voix les sous-amendements avant l'amendement, madame la ministre.
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je crois avoir été claire dans ma déclaration, c'est l'essentiel.
    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. En bonne logique, monsieur le rapporteur, puisque nous sommes favorables à votre définition de la communication en ligne, nous devrions l'être aussi à l'effort de précision du Sénat comme à celui du président Ollier à propos de la télévision et de la radio.
    Pour autant, je le répète, nous sommes très réservés sur cet effort et j'aimerais que le rapporteur, pour sécuriser un peu notre appréciation, nous dise ce qu'il pense vraiment, au fond, de la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture. Celui-ci a défini la télévision comme « tout service de communication audiovisuelle accessible en temps réel et de manière simultanée pour l'ensemble du public ou une catégorie de public et dont le programme principal est composé d'une suite ordonnée d'émissions comportant des images et des sons ».
    On trouve déjà, sur l'Internet, de nombreux services ou tout simplement des expressions qui correspondent à cette définition et que personne ne considère comme de la télévision. Un film réalisé sur un quartier ou un village, mis en ligne sur un site local, est-il une émission de télévision ? Si un conseil municipal ou un conseil général retransmet ses séances sur le Net, est-ce une émission de télévision ? Oui, peut-être, si l'on en croit la définition que vous donnez, ce qui - je renvoie à la suite de l'article - ouvre tout de même la voie à un contrôle de la part du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
    Avant que nous prenions position sur l'amendement n° 4, je souhaiterais donc que le rapporteur donne quelques explications, car la rédaction du Sénat ne nous convainc pas.
    Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. le rapporteur, je rappellerai tout de même qu'il nous faut discuter du sous-amendement n° 139, qui, s'il était adopté, ferait tomber les sous-amendements n°s 227 et 226.
    Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Je vais essayer de répondre à la question de notre collègue Christian Paul. Nous sommes partis, en toute humilité, des définitions de la télévision et de la radio données par le CSA, après quoi nous les avons beaucoup travaillées. Il est essentiel de préciser que, pour la télévision, la chronologie est fixe et l'utilisateur n'a aucun moyen d'intervenir. C'est ce qui, à mon avis, distingue une émission de télévision d'une séquence de surf sur Internet, l'internaute ayant la possibilité de choisir la chronologie des séquences.
    Il me semble que le CSA a fait un bon travail de définition. Vous aurez d'ailleurs noté que le Sénat a ajouté les mots : « à l'exception des images consistant essentiellement en des lettres, des chiffres ou des images fixes », autorisant ainsi une part très réduite d'interactivité. Nous proposons donc de nous en tenir à la définition très travaillée du CSA.
    Je répondrai maintenant à Mme la ministre. L'amendement n° 4 est fondamental dans la reconstruction du texte. Nous estimons effectivement que le maintien de l'adverbe « nécessairement » créerait un risque en ce qu'il ouvrirait le champ à l'inclusion à d'autres services, au détriment d'une autonomie réelle entre la communication publique en ligne et la communication audiovisuelle.
    Mme la présidente. La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir le sous-amendement n° 139.
    M. Emile Blessig. Le sous-amendement 139 est défendu, de même que le sous-amendement n° 138.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 139 ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Avis défavorable car nous voulons, je le répète, nous en tenir à la définition du CSA.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Je n'abuserai pas de mon temps de parole, madame la présidente, mais vous aurez noté que je ne suis pas intervenu précédemment.
    J'ai encore l'impression que les choses allaient dans le bon sens mais qu'elles n'aboutiront pas. La proposition du rapporteur est incontestablement positive car nous ne sommes plus en 1998 ou 1999, mais en 2004. Il y a quelques années, certains entretenaient encore, de façon souvent très innocente, le mythe d'une convergence inévitable entre communication audiovisuelle et Internet, dans la mesure où l'image et le son, en haut débit, sont diffusés dans des conditions techniques comparables à celles de la diffusion hertzienne ou du numérique terrestre.
    Une fois définie spécifiquement la communication en ligne, je comprends la logique et la cohérence de notre rapporteur tout en partageant les interrogations de Christian Paul.
    Quoi qu'il en soit, il est évident que la suppression de l'adverbe « nécessairement », qui avait été introduit en première lecture au Sénat, est une garantie que nous prenons, si j'ose dire, mais les sous-amendements du président de la commission, un peu comme pour l'amendement n° 3, réduisent notre plaisir - si tant est que légiférer à cette heure puisse être considéré comme un plaisir. Les interrogations qui subsistent devraient nous amener à traiter de nouveau de ces questions, plus calmement, lorsque le pluralisme et la diversité culturelle, qui sont de vrais enjeux, viendront en débat ; je fais référence, bien sûr, à la directive sur le droit d'auteur.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 139.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 138 ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 138.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 227.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 226.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 4 et 173, modifiés par les sous-amendements adoptés.
    (Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)
    Mme la présidente. En conséquence, les amendements n°s 46 de M. Le Déaut et 137 de M. d'Aubert n'ont plus d'objet.
    Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la présidente, je ne comprends pas l'organisation de nos débats. Pourquoi l'amendement n° 46 tombe-t-il ? Il tend en effet à insérer un nouvel alinéa après le deuxième alinéa du II de l'article 1er, indépendamment de la rédaction de ce II.
    En première lecture, il avait été promis que nous en discuterions en deuxième lecture. Je souhaiterais au moins que cette discussion soit possible ! (Exclamations.)
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Elle aura lieu à l'amendement n° 50.
    Mme la présidente. Monsieur Le Déaut, nous avons adopté l'amendement n° 4, qui rédige le II de l'article 1er. Dans ces conditions, votre amendement n° 46, qui tendait à introduire un alinéa après le deuxième alinéa de ce II, tombe.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr !
    Mme la présidente. Que vous vouliez, à un moment ou à un autre, pouvoir en discuter, certes, mais pas à ce stade du débat.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Madame la présidente a raison ! Avançons !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je suis d'accord, mais comment aurais-je pu le défendre alors que le sujet en discussion n'avait rien à voir avec la définition que je propose ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Ne vous inquiétez pas, nous allons en discuter.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Peut-on enfin poursuivre le débat ?
    Mme la présidente. Ecoutez, monsieur Le Déaut, si vous aviez suivi les débats, vous auriez compris la logique de notre discussion. Je ne peux pas vous dire autre chose.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

Après l'article 1er

    Mme la présidente. Nous passons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 1er.
    Je suis saisie de l'amendement n° 47.
    La parole est à M. Alain Gouriou, pour soutenir cet amendement.
    M. Alain Gouriou. Les amendements n°s 47 et 48, que j'ai évoqués dans la discussion générale, ont trait à l'utilisation d'Internet pour accéder à des données et des documents administratifs. C'est d'ailleurs l'un des intérêts du développement d'Internet que de permettre aux Français d'accéder à distance à des administrations, même très éloignées de leur domicile, et de pouvoir ainsi obtenir copie des documents demandés.
    Je défends donc en même temps les amendements n°s 47 et 48, qui visent à favoriser l'Internet citoyen. J'imagine que vous les avez tous parcourus. Il s'agit de faire obligation à toutes les personnes publiques ainsi qu'aux personnes privées chargées d'une mission de service public de mettre à disposition du public les données numérisées qu'elles collectent ou produisent. Les données ainsi mises à disposition, moyennant redevance, le cas échéant, pourront être utilisées ou diffusées par toute personne, y compris à des fins commerciales, pourvu qu'elles ne subissent pas d'altération et que leur source soit mentionnée. En cas de litige sur un refus de communiquer une pièce, la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, serait l'instance de règlement.
    Mme la présidente. Pour éviter toute confusion, j'aimerais que la discussion soit dissociée amendement par amendement.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 47 ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Je vais essayer d'être discipliné...
    La commission est favorable à l'amendement n° 47. C'est une initiative très intéressante dans le domaine de l'administration électronique. Tout document dont la délivrance était déjà autorisée par notre droit doit désormais pouvoir être transmis par courrier électronique. Cela nous semble vraiment correspondre à l'esprit du texte, et l'équipement aujourd'hui disponible le permet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 47.
    M. Alain Gouriou. Oh !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. En effet, la loi du 17 juillet 1978, modifiée par la loi du 12 avril 2000, permet déjà l'accès aux documents administratifs par voie électronique. Le décret d'application de l'article 4 de cette loi précise que la copie d'un document administratif peut être obtenue soit sur papier, soit sur un support informatique identique à celui utilisé par l'administration, soit par messagerie électronique. Les frais qui peuvent être mis à la charge du demandeur pour le service rendu sont limités au coût de reproduction et d'envoi du document, à l'exclusion des charges de personnel résultant du temps consacré à la recherche, à la reproduction ou à l'envoi du document. Cette disposition permet donc déjà, à notre avis, d'envoyer sans frais, par messagerie électronique, un document existant sous forme électronique. Je demande donc à M. Gouriou de bien vouloir accepter de retirer son amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gouriou.
    M. Alain Gouriou. Les explications de Mme la ministre nous suffisent. Lorsque nous avons abordé la question, ce matin, en commission, ce détail important nous avait quelque peu échappé. Je retire l'amendement n° 47. (Sourires.)
    Mme la présidente. L'amendement n° 47 est retiré.
    Je suis saisie de l'amendement n° 48.
    Cet amendement a déjà été soutenu par son auteur.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Sous réserve de ne pas être repris de la même manière par Mme la ministre (Rires), il nous a semblé intéressant de récupérer ce matériau de la LSI. Cet amendement tend en effet à obliger les administrations à diffuser également de manière électronique les documents qu'elles doivent publier. La commission a émis un avis favorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. En effet, la directive européenne 2003/98/CE concernant la réutilisation des documents du secteur public a été adoptée - M. le rapporteur le sait certainement - le 17 novembre dernier. Les travaux de transposition de ce texte en droit interne débuteront très prochainement et les propositions contenues dans l'amendement seront alors reprises. Elles seront donc intégrées dans un texte global sur la diffusion des données publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Bloche. On anticipe bien la transposition de la directive sur le droit d'auteur ! Pourquoi pas là ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. C'est une précision qui méritait d'être donnée.
    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. J'avais compris que, pour la clarté des débats, il convenait qu'un amendement soit défendu avant que le rapporteur et le Gouvernement ne s'expriment. (Sourires.)
    Mme la présidente. M. Gouriou avait défendu les amendements n°s 47 et 48.
    M. Christian Paul. Je pensais que nous en étions revenus à un sain ordonnancement des travaux. (Sourires.) Je constate que le Gouvernement anticipe « férocement » sur certaines transpositions à venir.
    Pourquoi tant de réserve aujourd'hui, alors que l'exercice est sans doute beaucoup plus facile dans le cas qui nous intéresse ?
    De quoi s'agit-il ? De favoriser l'internet citoyen, d'affirmer la nécessité de mettre en place un véritable service public des contenus sur l'Internet. En effet, il est de plus en plus nécessaire de lutter contre l'excessive marchandisation des services en ligne.
    Je me réjouis que la commission soit favorable à l'adoption de cette proposition qui constitue un premier pas vers la reconnaissance de bien public en matière d'information, notamment d'information publique.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 49.
    La parole est à M. Alain Gouriou, pour soutenir cet amendement.
    M. Alain Gouriou. Cet amendement va dans le sens des précédents. Il concerne plus particulièrement le domaine des archives, quelle qu'en soit la nature, qu'elles soient nationales, régionales, départementales, sanitaires, etc. et à condition que rien dans les dispositions législatives actuelles ne s'oppose à leur communication.
    Je sais bien que l'on va nous répondre, et sans doute avec raison, que certaines institutions n'ont pas encore la possibilité matérielle de communiquer ces archives, car elles n'en ont pas opéré la saisie électronique, faute de moyens. On connaît malheureusement l'insuffisance scandaleuse des moyens des Archives nationales !
    M. Christian Paul. Leur clochardisation !
    M. Alain Gouriou. Le mot est à peine exagéré, cher collègue. Celles-ci sont aujourd'hui incapables de fournir un tel service, tant leurs moyens sont absorbés par la stricte conservation de l'existant.
    Mais je répondrai qu'il n'est pas interdit d'anticiper. Je pense que les Français seront très sensibles à la possibilité d'avoir accès électroniquement à de très nombreux documents d'archives, y compris, monsieur le rapporteur, vous le comprendrez sûrement, aux actes d'état civil des mairies. Ces dernières, le plus souvent, ont déjà saisi l'état civil sur des périodes très longues, en remontant pratiquement à la Révolution française, voire à une partie des archives paroissiales dont elles ont obtenu la garde.
    Vous savez combien les Français s'intéressent aujourd'hui aux problèmes de généalogie. Ce serait donc un moyen extrêmement pratique, peu coûteux et rapide d'obtenir des renseignements par ce truchement plutôt que de devoir parcourir d'énormes distances, en passant d'une mairie à une autre ou d'archives départementales à d'autres.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 49 ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Le zèle que manifeste notre collègue Gouriou pour favoriser l'accès aux archives est certes touchant, mais nous n'avons pas très bien compris ce que son amendement avait à voir avec le sujet dont nous traitons ce soir. Pour cette raison, nous émettons un avis défavorable. D'ailleurs, notre collègue n'a pas très bonne conscience...
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Il a anticipé. (Sourires.)
    Mme la présidente. Il a le sourire devant votre réaction. Votre analyse est donc juste.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 49 ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Comme M. Gouriou l'a en effet pressenti, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement pour les raisons que vient d'exposer M. le rapporteur. Je voudrais ajouter qu'une réforme de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives est actuellement en cours d'élaboration par le Gouvernement et que celle-ci prendra en compte les préoccupations exprimées par M. Gouriou.
    M. Alain Gouriou. Vous voyez, nous nous rejoignons !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 124.
    La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir cet amendement.
    M. Patrice Martin-Lalande. Le CSA vient de publier le calendrier de lancement de la TNT, télévision numérique terrestre : de décembre 2004 à mars 2005. Les opérateurs mobilisés dans cette nouvelle donne audiovisuelle devront connaître au plus vite les principes de cohabitation des différents modes de distribution de la télévision, afin de prendre, dans les tout prochains mois, leurs décisions d'investissement.
    Il faut améliorer les règles concernant la reprise de certains services. C'est d'ailleurs ce que demandait le CSA dans son avis sur le projet de loi sur les communications électroniques de mai 2003 : « Pour ce qui concerne l'obligation de reprise de certains services, le dispositif retenu maintient une importante disparité entre opérateurs selon que les réseaux sont filaires ou satellitaires, de nature à fausser la concurrence entre les deux types de réseaux. »
    Le Conseil recommande que les réseaux filaires et satellitaires soient soumis à un régime identique, en vertu du principe de neutralité technologique et en raison de la similitude du nombre de foyers atteint par chacun des supports. Une même obligation de reprise devrait peser sur ces deux types de réseaux, à l'exception des chaînes locales, dont l'obligation de reprise doit être réservée au réseau filaire.
    Il estime également que les éditeurs qui bénéficient d'un droit d'usage de certaines fréquences hertziennes, ressources publiques rares, ne devraient pas pouvoir s'opposer à leur reprise par un distributeur, afin notamment de couvrir les zones d'ombre.
    Le CSA considère que l'obligation de reprise devrait porter pour l'ensemble des réseaux sur toutes les chaînes hertziennes terrestres en clair, normalement reçues dans la majeure partie de la zone desservie, sans que les éditeurs puissent s'y opposer.
    L'amendement n° 124 propose donc que doit être garanti à l'ensemble des Français l'accès à une quinzaine de chaînes en clair : celles qui sont prévues dans le cadre de la télévision numérique terrestre avec, d'une part, une obligation de transport, d'autre part une obligation de mise à disposition à tous les distributeurs de services audiovisuels.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Favorable. Je dois reconnaître que pendant notre réunion d'examen des amendements au titre de l'article 88, nous n'avons pas bien approfondi la question. Mais nous avons décidé de suivre notre ami Martin-Lalande, qui nous a dit que la TNT arrivait peut-être un peu plus vite que prévu.
    M. Patrick Bloche. Un peu moins lentement !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Cet amendement étend, aux offres de télévision par satellite les obligations de reprise des chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne terrestre.
    Il aurait d'importantes conséquences économiques en rompant les équilibres concurrentiels entre les bouquets, Canal-satellite et TPS, en supprimant l'obligation de reprise de Canal Plus sur les réseaux câblés et en supprimant les obligations de reprise du service public audiovisuel. Nous devrions prendre le temps de réfléchir à ces questions.
    Le projet de loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelles qui seront examinés les 6 et 13 février prochains comportent des dispositions relatives au must carry.
    Je vous propose donc, monsieur Martin-Lalande, que l'on débatte de vos propositions à cette occasion et je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. Vous avez répondu, madame la ministre, que l'on allait très rapidement examiner ce problème dans le cadre de loi sur la communication, au mois de février. Pouvez-vous nous préciser à quelle échéance l'ensemble du texte sera voté ? Il ne faut pas perdre de temps si l'on veut que la télévision numérique terrestre soit réellement accessible entre décembre prochain et mars 2005.
    J'accéderais bien volontiers à votre demande pour avoir le temps de bien peser toutes les conséquences - positives et éventuellement négatives - de cette modification, qui répond à la demande du CSA. Encore faudrait-il avoir la certitude que nous disposerons d'un texte effectivement applicable avant la fin du mois de mai ou juin. Sinon, ce serait trop tard, par rapport au calendrier TNT. C'est la raison pour laquelle, de manière un peu rapide, je le confesse volontiers, je me suis permis d'introduire cet amendement.
    Pouvez-vous donc nous confirmer, madame la ministre, que le texte sera globalement applicable au mois de mai ou juin 2004 ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Monsieur Martin-Lalande, je peux vous le confirmer : il sera applicable, avant le mois de juin, dans le cadre du « paquet » télécoms.
    M. Patrice Martin-Lalande. Alors, j'accède volontiers à votre demande de retirer l'amendement.
    Mme la présidente. L'amendement n° 124 est retiré.
    Je suis saisie d'un amendement n° 239.
    La parole est à Mme la ministre, pour défendre cet amendement.
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Par l'amendement n° 239, le Gouvernement propose d'apporter les précisions suivantes :
    « On entend par protocole, format ou standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange, et tout format de données dont la description technique est publique et qui sont librement utilisables. »
    Permettez-moi de resituer cet amendement dans son contexte.
    Il s'agit de la reprise de l'amendement n° 46 de M. Le Déaut, qui, par suite d'un malentendu, avait disparu et auquel le Gouvernement a porté un grand intérêt.
    Les logiciels dits « logiciels libres » ont en effet connu ces dernières années un très fort développement. Certains d'entre eux, comme le système d'exploitation Linux, ont conquis une part de marché significative, de l'ordre de 25 %. Ce développement a conduit la plupart des grands éditeurs de logiciels et fabricants de matériels à développer une offre et une stratégie autour des logiciels libres, renforçant par là même leur crédibilité. Les logiciels libres sont aujourd'hui une véritable réalité économique.
    M. Christian Paul. Absolument !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le soutien aux logiciels libres en France est justifié par différents arguments : aptitude à favoriser la mutualisation et la réutilisation, confiance que l'on peut leur accorder, apport en tant qu'éléments de concurrence, développement de l'économie française du logiciel sur la base de logiciels libres pour des segments importants, comme l'infrastructure logicielle.
    Les administrations utilisent déjà des logiciels libres. C'est ainsi, par exemple, qu'au MINEFI nous utilisons des solutions logicielles libres, principalement dans le domaine des applications Internet-Intranet et comme système d'exploitation. Le ministère délégué à l'industrie mène de son côté des actions de soutien à des projets de logiciels libres, via le réseau national des technologies logicielles et le programme européen ITA.
    En France, aujourd'hui, la neutralité entre logiciels propriétaires prévaut lors d'un appel d'offres public. Le choix se porte vers la meilleure solution répondant aux besoins de façon optimale, tous critères confondus.
    C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 46, qui proposait de définir les notions de protocole, format et standard ouvert en les caractérisant par la diffusion publique de leur description technique, nous semblait être une très bonne idée.
    Néanmoins, nous avons souhaité en modifier la formulation. Nous préférons en effet définir ces notions comme correspondant à un standard dont les spécifications sont publiées intégralement et « sont librement utilisables ».
    Vous aurez ainsi reconnu, monsieur Le Déaut, que nous avons repris votre amendement, sous réserve de la modification que je viens de préciser.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je vous remercie, madame la ministre, parce que c'est l'aboutissement d'un long combat - même si nous n'en sommes qu'à cette définition.
    Nous allons en discuter par la suite, mais je suis d'ores et déjà prêt à abandonner un de mes amendements, qui sera le dernier.
    En définissant le protocole des formats des standards ouverts, on donne un cadre juridique aux logiciels libres, alors qu'il n'en existait pas.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est exact !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je suis d'accord, madame la ministre, avec la précision que vous avez apportée. Elle complète la définition que nous avions étudiée en commun avec plusieurs sénateurs. Mais notre collègue Trégouët, qui voulait parler de ce texte, s'était fâché à propos d'autre chose et n'a pas continué la discussion au Sénat. Il est parti en claquant la porte.
    M. Patrice Martin-Lalande. On ne doit pas bousculer les sénateurs !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Aujourd'hui, la porte est ouverte. Notre rapporteur a dit qu'il allait aborder la question. J'attendais qu'il intervienne, mais c'est encore mieux : Mme la ministre l'a fait. C'est un pas important.
    M. Patrice Martin-Lalande. Excellent gouvernement !
    M. Jean-Yves Le Déaut. De nombreux internautes attendaient ce moment, à condition, évidemment, que nos collègues suivent mes collègues et moi-même, ou plutôt suivent le Gouvernement. Car c'est désormais un amendement commun.
    M. Patrice Martin-Lalande. Quelle convergence !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Vraiment, dans cette séance, il se passe des choses tout à fait émouvantes.
    M. Alain Gouriou. M. le rapporteur est très heureux !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Le plaidoyer de Mme la ministre pour le logiciel libre m'a bouleversé. (Sourires.) Très sérieusement, je m'y suis retrouvé.
    Mme la ministre ouvre ce débat, ouvre une porte et apporte un peu de lumière. La commission avait contribué à l'ouverture de ce débat, et elle acceptera, monsieur Le Déaut, l'amendement n° 65, qui répond à l'une de vos revendications,...
    M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. ... et qui vise à signaler le nom du logiciel et sa version, de manière à pouvoir identifier ce qui relève du Windows ou du Linux. La commission ira donc dans le sens de Mme la ministre.
    Il faut que l'Assemblée se fasse une doctrine en matière de logiciel libre et, plus globalement, d'interopérabilité des systèmes d'informations. On n'en a pas parlé en commission, mais je souhaiterais vous donner mon avis personnel.
    Quels sont les grands principes ?
    Premièrement, il faut un engagement de tous les moments en faveur de l'interopérabilité des systèmes d'informations. C'est un enjeu majeur de productivité pour notre économie.
    Deuxièmement, l'interopérabilité passe par la normalisation internationale. Des organismes produisent de la norme. Ce n'est qu'après que la législation nationale doit encourager, voire imposer l'adoption de ces normes internationales. Je précise qu'interopérabilité ne signifie pas gratuité ni non-rémunération de l'acte intellectuel qu'est la production de logiciels. Ne confondons pas.
    Enfin, dernier principe fondateur - vous l'avez d'ailleurs mentionné, monsieur Le Déaut -, il faut respecter la liberté de choix des acteurs économiques. C'est un principe constitutionnel, notamment s'agissant de la libre administration des collectivités locales.
    Tels sont les principes qui pourraient nous guider dans le débat très important que vous ouvrez aujourd'hui. Mme la ministre a accompli un geste fondateur en reprenant votre amendement sur la définition des standards et bien entendu, je m'y rallie. Nous apporterons notre propre contribution avec l'amendement n° 65 précisant la nature des logiciels utilisés.
    En revanche, la série d'amendements qui va suivre nous paraît poser un problème eu égard aux principes fondateurs que je viens d'expliciter.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 239.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 50.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Yves Le Déaut. La porte est ouverte !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Restons calmes ! (Sourires.)
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il reste à savoir si on la laisse ainsi ou si on la pousse plus encore dans le sens que vient d'indiquer M. Dionis du Séjour, celui de l'interopérabilité des logiciels.
    Ce que nous proposons se fonde sur cinq principes. Un, le libre accès du citoyen à l'information publique ; deux, la pérennité des données publiques ; trois, la sécurité de l'Etat ; quatre, la sécurité du consommateur dans la société de l'information ; cinq - en accord total avec Jean Dionis du Séjour -, l'interopérabilité garantie par le droit des logiciels.
    Je l'indiquais tout à l'heure : les modèles économiques de l'industrie du logiciel et des télécommunications développés par le marché sont en grande partie fondés, pour certains acteurs ou opérateurs, sur l'appropriation d'une clientèle et la valorisation exponentielle des profils d'utilisateurs. Ces modèles économiques favorisent des stratégies d'incompatibilité, de secret industriel, d'obsolescence programmée des programmes - avez-vous vu la vitesse à laquelle ils sont modifiés ? -, et même de violation des libertés individuelles. Plusieurs commmissions d'enquête s'intéressent à ce sujet au niveau européen.
    Pour garantir l'interopérabilité des logiciels, il faut que les droits de propriété intellectuelle ou industrielle d'un concepteur de logiciels ne bloquent pas le développement de logiciels originaux compatibles et concurrents. C'est le plus important, je crois que nous en sommes d'accord. Le droit à la compatibilité pour tous, c'est-à-dire le droit de développer, de publier et d'utiliser librement un logiciel original compatible avec un autre, doit être garanti par la loi. Ainsi, le principe d'interopérabilité introduit par le droit européen du logiciel doit-il prévaloir sur les autres droits éventuels de propriété industrielle et intellectuelle.
    Tel est l'objet de l'amendement n° 50. Il ne va pas plus loin que la définition, mais se contente d'affirmer : « Toute personne physique ou morale a le droit de développer, de publier et d'utiliser un logiciel original compatible avec les standards de communication d'un autre logiciel. » S'il est accepté, je retirerai les amendements suivants, car nous aurons alors encore ouvert la porte - à moitié, certes, mais nous aurons commencé à l'ouvrir.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Je vais décevoir l'enthousiasme de notre ami Le Déaut, mais la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement.
    M. Jean-Yves Le Déaut et M. Alain Gouriou. C'était avant l'amendement du Gouvernement !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. C'est vrai, mais - et je m'excuse de notre psychorigidité -...
    M. Alain Gouriou. Le mot n'est pas trop fort !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. ... nous maintenons cet avis.
    Le début de l'amendement relève de la tautologie. Le droit de développer et de publier un logiciel original va de soi. En revanche, et je le dis très clairement, la suite nous paraît dangereuse. Le « logiciel original » pourrait être un virus ou un logiciel de cryptologie. De telles imprécisions rendent nécessaire de retravailler le texte pour mieux le borner.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je regrette à mon tour de décevoir M. Le Déaut, mais le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 50, ni à l'amendement n° 51. En effet, ces amendements visent à établir un droit qui fait précisément l'objet d'un article du projet de directive européenne sur le brevet logiciel. Et, comme M. Le Déaut le sait certainement, un amendement a été adopté par le Parlement européen, qui prévoit que le recours à une technique brevetée à des fins d'interopérabilité ne constitue pas une contrefaçon. J'estime par conséquent qu'il ne convient pas d'interférer en prenant des mesures nationales qui pourraient s'avérer incompatibles avec celles qui seront finalement issues du processus législatif européen.
    Mme la présidente. La parole est à M. Le Déaut, pour une brève intervention.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je me réjouis que la législation européenne prenne ce point en compte. Mais je préférerais que notre Parlement anticipe sur les directives européennes plutôt que de les subir. Il vaudrait mieux commencer par définir notre stratégie. Je pense qu'on a trop traîné, et qu'on aurait dû discuter des logiciels libres depuis des années. Attendre que la philosophie soit définie au niveau européen est, à mon avis, très dangereux. D'abord parce qu'on n'a pas traité globalement, au niveau européen, de la stratégie à tenir vis-à-vis des Américains. Ensuite, je l'ai dit en première lecture, le rapport européen sur ces sujets, que l'on attend depuis des années, n'est toujours pas disponible. Attendre que l'Europe nous donne le « la » n'est donc pas forcément la bonne solution.
    Je pense que l'amendement n'était pas dangereux, mais la position du rapporteur le condamne. J'aurais souhaité qu'on ouvre la porte un peu plu grand dès ce soir, mais nous avons tout de même accompli un premier pas.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 51.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 51.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 52.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 54.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il est retiré.
    Mme la présidente. L'amendement n° 54 est retiré.
    Je suis saisie d'un amendement n° 228.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je le retire.
    Mme la présidente. L'amendement n° 228 est retiré.
    Je suis saisie d'un amendement n° 55.
    La parole est à M. Alain Gouriou, pour soutenir cet amendement.
    M. Alain Gouriou. Nous proposons d'insérer après l'article 1er un article ainsi rédigé : « Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er juin 2004... » - j'avoue que la date peut poser quelque problème - « ... un rapport sur la mise en place d'une nouvelle instance de régulation mieux adaptée au secteur de la communication numérique multimédia. »
    Il a été beaucoup question d'un tel rapport au cours des discussions précédentes. Nous proposons qu'il fasse le bilan du fonctionnement conjoint de l'ART et du CSA pour mesurer les carences actuelles en matière de garantie du pluralisme, de non-concentration des opérateurs et de desserte des territoires pour le plus grand nombre de nos concitoyens.
    Il est d'autant plus important que le Parlement aborde ce point qu'en première lecture, le Gouvernement a renvoyé sa discussion à la transposition du « paquet télécom », dont on sait aujourd'hui - Mme la ministre nous a rassurés tout à l'heure sur ce point - qu'elle sera examinée par le Parlement au début du mois de février.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. La régulation de l'Internet que nous allons promouvoir, notamment dans l'article suivant, ne passe pas par une instance de plus, mais par un dispositif d'autorégulation équilibré, réactif, basé à la fois sur l'initiative des internautes et la responsabilité des hébergeurs, le tout sous le contrôle du juge si besoin est. Il faut donner sa chance à ce modèle très décentralisé.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je partage l'avis exprimé par le rapporteur. Si l'amendement avait prévu une instance de concertation, j'aurais pu émettre un avis favorable.
    M. Patrick Bloche. Il y a le forum !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. A partir du moment où il s'agit d'une instance de régulation, je ne peux que m'y opposer, pour les raisons que vient d'exprimer M. Dionis du Séjour.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Aujourd'hui, jeudi 8 janvier, à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 991, pour la confiance dans l'économie numérique.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1282).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le jeudi 8 janvier, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT