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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 16 JANVIER 2004

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 15 janvier 2004


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Crédit d'impôt aux entreprises pour l'intégration des personnes handicapées. - Discussion d'une proposition de loi «...».
M. Maurice Leroy, rapporteur de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jean-Christophe Lagarde,
Gérard Bapt,
Jean-François Chossy, le président,
Daniel Paul, le président,
Dominique Tian,
Mmes
Françoise Imbert,
Arlette Grosskost,
Mme
Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Clôture de la discussion générale.
VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION DES ARTICLES «...»
MM.
Jean-Christophe Lagarde,
Daniel Paul,
Gérard Bapt,
Jean-François Chossy.
L'Assemblée, consultée par scrutin, décide de ne pas passer à la discussion des articles ; la proposition de loi n'est pas adoptée.
M. le rapporteur.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à dix heures quinze.)

1

CRÉDIT D'IMPÔT AUX ENTREPRISES
POUR L'INTÉGRATION
DES PERSONNES HANDICAPÉES

Discussion d'une proposition de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à créer un crédit d'impôt pour investissement des entreprises pour favoriser l'intégration des personnes handicapées (n°s 966, 1314).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Maurice Leroy, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, mes chers collègues, au cours de sa séance du 17 décembre 2003, la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a examiné la proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde, cosignée par un très grand nombre de députés, qui tend à créer un crédit d'impôt aux entreprises pour favoriser l'intégration des personnes handicapées.
    Nul n'ignore plus, depuis la déclaration du Président de la République du 14 juillet 2002, que l'intégration des personnes handicapées dans notre société constitue l'une des trois grandes priorités du quinquennat. En outre, l'année 2003 a été proclamée « Année européenne des personnes handicapées » par le Conseil de l'Union européenne. Mais ce ne serait pas rendre justice à notre collègue Jean-Christophe Lagarde et aux 128 autres députés signataires de la présente proposition de loi, dont votre rapporteur, que de ne voir dans cette initiative qu'un geste de circonstance.
    Qui peut nier, en effet, que l'intégration de nos concitoyens handicapés a besoin d'une incitation substantielle pour devenir autre chose qu'un généreux discours sans traduction tangible ? Plusieurs rapports ont naguère dressé le constat des graves lacunes dont souffre notre pays en termes d'insertion des personnes handicapées, tout particulièrement dans le domaine de l'accès à la formation et à l'emploi. Je citerai tout particulièrement l'excellent rapport de notre collègue Jean-François Chossy, à qui je tiens à rendre hommage pour la qualité de son travail sur ces sujets essentiels.
    Récemment encore, le Président de la République s'est exprimé une nouvelle fois sur le sujet, évoquant rien de moins que la nécessité d'un changement de mentalité à l'endroit de nos concitoyens vivant avec un handicap : c'était le 10 décembre dernier, à l'occasion de la présentation en conseil des ministres des grandes lignes de votre projet de loi, madame la secrétaire d'Etat.
    M. Patrice Martin-Lalande. Excellent projet de loi !
    M. Maurice Leroy, rapporteur. C'est parce que je suis intimement persuadé qu'un plaidoyer en faveur des personnes handicapées oblige celui qui le prononce à traduire en actes ses convictions que je suis favorable, avec Jean-Christophe Lagarde et le groupe UDF qui a souhaité l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour ce matin, à un outil dont l'efficacité n'est plus à démontrer et dont l'adoption représenterait un signal concret et lisible.
    Les indicateurs chiffrés disponibles, recensés dans le rapport écrit que chacun d'entre vous pourra consulter, indiquent, au contraire, que beaucoup reste à faire. Un aménagement à la marge des outils actuels suffira-t-il ? Les auteurs de cette proposition de loi ne le pensent pas. La perspective d'un débat prochain sur un projet de loi et le soutien apporté à la présente proposition de loi sont déjà, dans une certaine mesure, une réponse à cette question. Nous avons eu un large débat en commission des finances, le 17 décembre dernier. Nous avons bien conscience, toutes sensibilités confondues, du travail que vous accomplissez personnellement, madame la secrétaire d'Etat. Nous savons que vous êtes déterminée à faire en sorte qu'on ne se contente pas de propos de tribune, que les déclarations et les engagements du Président de la République soient réellement pris en compte dans votre texte. Mais la proposition de loi dont je suis le rapporteur est consensuelle : elle n'est ni de droite ni de gauche et pourrait - ce serait heureux - être votée à l'unanimité. Hélas ! le plus souvent, sous tous les gouvernements, les textes discutés dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la « niche parlementaire » - affreux mot - sont régulièrement renvoyés à la niche - précisément - et ce sera, je l'imagine, le cas aujourd'hui.
    Tout le monde pourra se reporter au rapport : les chiffres que je cite démontrent qu'il est désormais nécessaire de se doter d'autres outils en matière d'insertion pour les personnes handicapées. Je ne suis pas certain, madame la secrétaire d'Etat, que le texte que vous êtes en train d'élaborer prévoie de tels instruments, et c'est pourquoi nous avons souhaité que s'instaure un dialogue entre nous à l'occasion du débat d'aujourd'hui. Il est vraisemblable que nous ne passerons pas à la discussion des articles : certains amendements auraient pourtant permis d'améliorer encore le texte initial de Jean-Christophe Lagarde. Au moins aurons-nous fait progresser le débat. Quoi qu'il en soit, madame la secrétaire d'Etat, je sais, pour bien vous connaître et apprécier votre travail ministériel, que vous serez attentive à notre souci : je vous demande, du fond du coeur, de laisser le dialogue s'engager et j'espère que le travail de Jean-Christophe Lagarde pourra être pris en compte dans vos réflexions. Il pourrait être inséré dans votre texte par voie d'amendements, mais je souhaite qu'il soit plutôt repris par le Gouvernement, pour éviter que le fameux couperet de l'article 40 de la Constitution ne nous empêche d'adopter ces amendements.
    Puisse le débat qui nous réunit ce matin trouver un prolongement dans la réflexion gouvernementale, car, en dépit des obligations légales et des aides financières publiques, l'intégration des personnes handicapées demeure notoirement insuffisante. Je sais que vous partagez cette analyse. Les chiffres sont accablants, précis et reprennent pour partie les excellents travaux du Conseil économique et social. Il y a un déficit d'accès patent des personnes handicapées à l'emploi et à la formation. Chacun comprendra que je ne puisse, en dix minutes, évoquer toutes les questions, et je vous renvoie par conséquent au rapport écrit.
    La présente proposition de loi évoque trois exemples de l'insuffisante intégration des personnes handicapées dans notre société : tout d'abord, le déficit d'insertion professionnelle en milieu ordinaire ; ensuite le manque d'accessibilité des locaux professionnels ; enfin les lacunes constatées par les associations ayant pour objet de promouvoir l'autonomie personnelle et professionnelle des personnes handicapées.
    Au-delà des difficultés conceptuelles auxquelles se heurte qui souhaite mesurer l'importance de la population française souffrant d'un handicap - difficultés soulignées dans un rapport présenté l'an dernier par notre collègue parlementaire, le sénateur Paul Blanc, et corroborées, en juin dernier, par celui du Conseil économique et social que j'évoquais à l'instant et qui est dû à Mme Marie-Claude Lasnier -, quelques éléments suffisent à peindre le contexte et à dresser le constat de ces insuffisances.
    Ainsi, en ce qui concerne l'insertion professionnelle, en dépit des obligations légales, les données publiées par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques de votre ministère, madame la secrétaire d'Etat, par l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, et par l'Agence nationale pour l'emploi dessinent un triste paysage. Le rapport écrit montre la difficile situation des personnes handicapées sur le marché de l'emploi.
    Pour ce qui est de l'accessibilité des locaux professionnels, l'article L. 117-1 du code de la construction et de l'habitation, issu de la loi d'orientation du 30 juin 1975, pose, certes, un principe général d'accessibilité des locaux d'habitation, des lieux de travail et des locaux recevant du public, sans cesse appliqué lors de toute opération de construction ou de rénovation. Mais, malgré la réaffirmation de ce principe dans la loi du 13 juillet 1991, les décrets et arrêtés d'application ont beaucoup tardé et ont notablement restreint son champ de mise en oeuvre, assortie de très nombreuses dérogations. Quant au contrôle de cette réglementation, instauré par un décret du 26 janvier 1994, il est notoirement défaillant.
    Enfin, s'agissant plus largement de l'insertion sociale de nos concitoyens handicapés, quel que soit leur âge, il reste, aussi bien en termes de cadre de vie, d'accompagnement au quotidien que pour ce qui est du regard porté par nous tous sur chacun d'eux, beaucoup à faire, comme l'ont montré les différentes manifestations organisées dans le cadre de l'année européenne des personnes handicapées.
    Je conclurai, après vous avoir invités une nouvelle fois, mes chers collègues, à vous reporter au rapport écrit, en soulignant que la présente proposition de loi poursuit indéniablement un louable objectif. L'effort que nécessite de la part de la nation tout entière l'intégration des personnes handicapées n'a été que trop longtemps différé. Cet atermoiement est peut-être dû à l'impression que beaucoup est déjà fait dans ce domaine, mais peut-on se contenter de l'existant, de dispositions parfois obsolètes, incomplètes, mal connues, imparfaitement appliquées, insuffisamment contrôlées ? Certainement pas. J'insiste, l'incitation fiscale qui est proposée dans ce texte est simple, lisible, efficace - n'en déplaise à Bercy.
    Le rapporteur que je suis souscrit donc entièrement, sous réserve d'aménagements techniques, à la démarche volontariste de notre collègue Jean-Christophe Lagarde et des 128 collègues qui ont cosigné cette proposition de loi.
    Alors que l'Année européenne des personnes handicapées vient de se clore, la représentation nationale s'honorerait, sur cette lancée, de montrer la vie en adoptant la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est parce que le groupe UDF souhaite contribuer à la mise en oeuvre d'une politique efficace et concrète en faveur des personnes handicapées qu'il a décidé de consacrer la séance de ce matin, dont il avait l'initiative, à une proposition de loi que j'ai rédigée il y a quelques mois et qui a été cosignée par 128 de nos collègues, relative à l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
    Pour conduire une politique efficace et concrète, il faut avoir la possibilité d'agir directement, et rapidement, sans qu'il soit besoin de concevoir une usine à gaz ni surcharger la législation, étant entendu que nous n'avons pas la prétention de régler tous les problèmes.
    L'année dernière avait été proclamée année européenne du handicap. Or force est de constater que dans notre pays, nous n'en avons pas encore vu les effets en termes législatifs. Il est pourtant urgent de réformer la loi de 1975, on le dit depuis assez longtemps. Un projet de loi est enfin annoncé, et c'est tant mieux.
    Le groupe UDF considère que la situation de handicap, qu'elle soit de naissance ou consécutive à un accident de la vie, impose à la société une obligation de solidarité. Depuis plusieurs années, nous nous sommes engagés, de façon résolue et avec une volonté militante forte, à mieux répondre à la situation des personnes handicapées dans leur vie quotidienne, leur éducation, leur formation, leur habitat et leur métier.
    Quand on s'entretient avec la plupart des personnes handicapées ou leurs associations représentatives, quand on lit le rapport rédigé en 2002 par le sénateur Paul Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, sur la politique de compensation du handicap, ou celui, qui remonte déjà à 1975, du sénateur Jean Gravier, on fait toujours le même constat : il est urgent, depuis 1975, de rendre effectif l'accès des personnes handicapées au monde du travail.
    Cet accès constitue, en effet, une condition essentielle de leur insertion sociale, mais aussi de leur autonomie financière et, peut-être plus encore, de leur capacité à se sentir utiles à notre société, comme tout un chacun. Dès 1975, le sénateur Jean Gravier écrivait : « La nécessité de donner à tous les handicapés la possibilité d'exercer une activité professionnelle dans des conditions aussi proches que possible de celles du reste de la population apparaît aujourd'hui incontestée. Pour les intéressés, la participation à la production est un moyen privilégié d'intégration ou de réintégration sociale. » Malheureusement, on le sait, bien peu de réalisations ont suivi ce rapport.
    A nouveau, en 2002, le sénateur Paul Blanc tirait la sonnette d'alarme et faisait un constat analogue en écrivant que la nécessité de permettre l'insertion professionnelle des personnes handicapées « apparaît aujourd'hui tout aussi impérieuse, dans la mesure où subsistent encore des difficultés persistantes » - c'est un euphémisme - « d'accès à l'emploi ».
    Aujourd'hui, en 2004, rien ou presque n'a changé. Il existe bien, depuis 1987, une loi d'obligation d'emploi, mais ses effets, on le sait, sont dérisoires. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2001, 622 000 personnes handicapées occupaient un emploi, pour une population active estimée à 840 000 personnes. Ces 622 000 personnes se répartissaient ainsi :
    D'abord, 498 000 salariés travaillaient dans les secteurs public et privé, dont 148 000 dans le secteur public et 350 000 dans les entreprises du secteur privé.
    A ce propos, permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, de formuler une remarque concernant votre futur projet de loi, puisque je n'aurai sans doute pas l'occasion d'y revenir : je trouve extrêmement choquant que le législateur, l'Etat, se soit permis d'imposer des obligations aux entreprises privées et n'en ait pas imposé au service public.
    M. Gérard Bapt. Très juste !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il est parfaitement scandaleux que les collectivités locales et l'Etat ne soient pas pénalisés lorsqu'ils ne satisfont pas à l'obligation d'employer 6 % de salariés handicapés. A cet égard, j'aimerais savoir, monsieur le président, quel est le pourcentage de personnes handicapées qui sont employées dans notre institution.
    M. Maurice Leroy, rapporteur et M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Dans le secteur privé, 122 000 personnes travaillaient dans les établissements de moins de vingt salariés et 228 000 dans des établissements assujettis à l'obligation d'emploi.
    Ensuite, 107 000 handicapés travaillaient en milieu protégé, dont 18 000 en ateliers protégés et 89 000 en centres d'aide par le travail.
    Enfin, 17 000 étaient des travailleurs indépendants. On ne soulignera d'ailleurs jamais assez, madame la secrétaire d'Etat, l'insuffisance du nombre de places en CAT et les drames que cela provoque pour les familles.
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées. On a fait un effort depuis deux ans !
    M. Jean-François Chossy. Il y a même eu une augmentation notoire !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne dis pas le contraire, simplement, ce domaine souffre encore d'un vrai manque pour répondre aux besoins de ces personnes et de leurs familles.
    Ainsi aboutit-on au chiffre alarmant de 45 % de taux d'activité des personnes handicapées en âge de travailler, contre 70 % pour l'ensemble de la population. Fin 2001, le taux de chômage des travailleurs handicapés était, mes chers collègues, proche de 26 %, contre 9 % pour la population française totale. Ce taux de chômage élevé des personnes handicapées s'explique non seulement par la faiblesse de leur qualification - leur accès à la formation professionnelle est difficile -, mais aussi par l'insuffisance de la politique de l'emploi des personnes handicapées.
    Nous considérons que le milieu ordinaire du travail doit être considéré de façon privilégiée comme le lieu naturel d'insertion professionnelle des personnes handicapées. C'est pourtant toujours loin d'être le cas, tant le constat du handicap a encore tendance à l'emporter chez les employeurs, et parfois chez les futurs collègues, sur la valorisation des compétences.
    La loi de 1987 avait bien mis en place un cadre pour favoriser l'emploi en milieu ouvert, mais ses résultats très décevants nous incitent à envisager sa révision. Le taux d'emploi des travailleurs handicapés stagne depuis plusieurs années autour de 4 %, alors que la loi de 1987 fixait une obligation de résultats de 6 % ; 37 % des entreprises assujetties à l'obligation d'emploi n'emploient aucun travailleur handicapé et ne recourent à aucune forme de sous-traitance. La Cour des comptes a, dès 1993, montré les incohérences de ce système en soulignant que l'obligation était imprécise, que la notion de bénéficiaires était très extensive et visait des populations telles que les veuves et les orphelins de guerre qui n'ont rien à voir avec les personnes handicapées, enfin que le décompte des intéressés était particulièrement complexe.
    Il ne s'agit pas, pour nous, de stigmatiser l'attitude des entreprises, puisque la loi les autorise à s'acquitter de leurs obligations sous d'autres formes que l'emploi direct. Elles peuvent également rencontrer des difficultés à recruter des travailleurs handicapés en raison de la spécificité de leur activité, des caractéristiques de la population de travailleurs handicapés - les faibles qualifications, mais aussi le vieillissement, qui entraîne un taux de départ en retraite assez élevé et qui conduit à un effort d'embauche important pour seulement maintenir le taux d'emploi -, ou encore, en raison des incohérences du système d'aide aux personnes handicapées, qui peut conduire à une « désincitation » au travail, comme le reconnaît l'AGEFIPH elle-même.
    Par nos contacts avec les personnes handicapées ou avec leur entourage, nous savons que la situation de l'emploi est alarmante. A compétences égales, une personne handicapée met deux fois plus de temps qu'une personne valide pour trouver un emploi.
    Pour les handicapés, les obstacles - difficultés administratives, manque de formation, préjugés - s'accumulent et s'ajoutent à leur propre handicap. Beaucoup trop d'entreprises considèrent encore comme impossible d'intégrer des personnes handicapées dans leurs effectifs. Beaucoup trop de personnes handicapées ne trouvent pas d'emploi, à cause d'images erronées ancrées dans la tête de nos concitoyens. Il s'agit donc d'abord de combattre les idées reçues sur le handicap, perçu comme difficilement compatible avec le monde de l'entreprise, dominé, lui, par l'idée de performance.
    Pourtant, on s'aperçoit, quand on étudie les choses de près, que les employés et les salariés handicapés sont aussi performants, sinon plus, que les personnes valides, tant ils sont motivés.
    La proposition de loi qui vous est soumise vise à accorder un crédit d'impôt aux entreprises qui sont obligées de réaliser des investissements pour accueillir des personnes handicapées parce que les locaux ou les outils de travail ne sont pas adaptés. Il n'est pas juste que cet investissement soit à la charge de l'entreprise alors qu'il s'agit d'intégration, domaine qui relève de la solidarité nationale. Ce n'est pas à l'entreprise de le supporter directement, surtout s'il s'agit d'une PME qui peut éprouver des difficultés. A ce propos, je n'ai pas le temps de le faire dans mon intervention, mais je vous indiquerai ultérieurement l'origine de cette proposition de loi.
    Nous proposons plusieurs autres pistes, dont le renforcement du dispositif de placement des travailleurs handicapés. Ce point est d'autant plus important que l'expérience montre que les difficultés principales tiennent plus à l'accès à l'emploi qu'au maintien dans l'emploi. On pourrait aussi envisager de relancer les aides à l'emploi en faveur des personnes handicapées qui ont baissé, depuis plusieurs années, comme les contrats aidés en faveur des personnes handicapées.
    On pourrait peut-être aussi essayer d'avancer à travers le dialogue social. Le code du travail prévoit, en effet, que les employeurs peuvent s'acquitter de l'obligation d'emploi en concluant un accord de branche ou d'entreprise qui prévoie la mise en oeuvre d'un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés.
    Mais l'objet même de la proposition de loi est de permettre à une entreprise, qu'elle investisse en faveur de l'insertion de personnes handicapées ou qu'elle fasse un don à une association, de bénéficier d'une exonération fiscale au travers d'un crédit d'impôt, même si ça ne plaît pas à Bercy.
    Une telle disposition ne serait pas forcément adaptée, pas souhaitable, mal intégrée, ai-je entendu. Je trouve surprenant que le crédit d'impôt soit adapté à des petits travaux ménagers réalisés chez les particuliers, à certains aménagements dont les entreprises ont besoin, ou que la déduction fiscale soit adaptée aux gros travaux d'isolation d'une maison mais que ce genre de dispositif ne soit pas adapté à l'insertion des handicapés sur leur lieu de travail.
    Sans doute avez-vous déjà été confronté au problème soit dans votre entreprise, soit dans une collectivité locale que vous dirigez : aménager une rampe pour un fauteuil roulant, intégrer un ascenseur à l'intérieur d'un local représente un investissement important et lourd. Ne pas faire supporter ce coût à la solidarité nationale crée une véritable discrimination à l'embauche car les collectivités publiques ou les employeurs préfèrent renoncer, voire payer la taxe, ce qui est infiniment moins coûteux qu'un ascenseur pour un seul employé dans une petite entreprise.
    Je suis conscient que je ne peux pas, le rapporteur le soulignait, proposer une mesure instituant un crédit d'impôt par voie d'amendement - celui-ci passerait sous les fourches caudines de l'article 40 de la Constitution -, mais rien ne nous empêche de la reprendre par le biais soit de cette proposition de loi, soit du futur projet de loi.
    M. Patrice Martin-Lalande. Ce serait bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cette idée, qui est simple, facile à mettre en oeuvre, sans paperasserie inutile pour l'entreprise, réduirait l'inégalité face à l'accès à l'emploi et permettrait de faire jouer la solidarité nationale pour aménager - je n'ai rien demandé d'autre ! - les locaux ou l'outil de travail. Pour avoir un informaticien aveugle dans le personnel, je sais que ces personnes peuvent être très performantes. Pour autant, il faut bien acheter le matériel, et celui-ci est coûteux. Le Parlement s'honorerait de marquer aujourd'hui sa volonté, à charge au Gouvernement d'intéger cette proposition dans un dispositif plus global.
    Ainsi, il n'y aurait pas conflit, les textes pourraient évoluer en parallèle, même si celui du Gouvernement a une chance d'avancer plus vite que la proposition de loi. Nous marquerions une avancée réelle, sérieuse, concrète, rapide et efficace, avancée attendue par les personnes handicapées et leurs associations. Telle est la suggestion que je fais au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. le président. Monsieur Lagarde, je me réserve de répondre à votre interrogation sur le pourcentage de personnes handicapées employées dans l'institution dans laquelle nous siégons dès que les renseignements m'auront été donnés.
    M. Patrice Martin-Lalande. Quelle réactivité !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Vous êtes un excellent président. (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette niche parlementaire a le mérite de souligner un problème qui est, malheureusement, toujours d'actualité en dépit de la loi de juillet 1987 qui avait créé l'obligation pour les entreprises de plus de vingt salariés de compter dans leurs effectifs au moins 6 % de salariés handicapés. Le chiffre, qui vient d'être rappelé, n'est aujourd'hui que de 4 %. Les regrets sont d'autant plus sensibles que le secteur public et les administrations d'Etat elles-mêmes ne font pas mieux, y compris, ce qui m'a beaucoup surpris lorsque je l'ai appris à l'occasion d'un colloque organisé récemment par l'Institut des jeunes aveugles à Toulouse, dans les directions régionales et départementales de l'action sanitaire et sociale.
    Après l'Année européenne des personnes handicapées, il est utile que notre débat permette de faire le point de la situation des personnes handicapées par rapport à l'emploi. Parmi les 5 millions de personnes handicapées dénombrées en France, selon les chiffres de vos services, madame la secrétaire d'Etat, 800 000 sont en situation d'activité professionnelle. Seulement 30 % recherchent un emploi et le taux de chômage est de 30 %, contre un chiffre de 9 % à 10 % pour l'ensemble de la population active. On compte 110 000 travailleurs en milieu protégé, 20 000 travailleurs indépendants, 500 000 employés en milieu ordinaire dont 150 000 dans le secteur public et 350 000 dans le secteur privé.
    Un grand nombre de raisons expliquent ce sous-emploi des travailleurs handicapés - mais aucune n'est recevable -, notamment, le défaut de qualification ou l'incapacité matérielle à accueillir une personne souffrant de tel ou tel type de handicap. Il faut simplement faciliter l'accès à la formation initiale et à la formation professionnelle, encore trop difficile pour les personnes handicapées.
    La loi du 10 janvier 1987, dans le prolongement de la loi d'orientation du 30 juin 1975, avait inscrit l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés en milieu ordinaire. Les établissements de vingt salariés et plus peuvent s'acquitter de cette obligation, soit en embauchant soit en versant une cotisation au Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés géré par l'AGEFIPH. Cette cotisation leur permet en quelque sorte d'échapper à l'obligation d'embaucher, et l'on entend trop souvent des employeurs affirmer qu'ils préfèrent cotiser plutôt qu'embaucher des personnes handicapées.
    Le secrétaire d'Etat aux personnes handicapées reconnaît lui-même que le taux d'emploi direct des travailleurs handicapés dans les entreprises stagne depuis plusieurs années et que donc, à l'évidence, une action doit être menée pour faire baisser le nombre de personnes handicapées en état de travailler qui restent à la porte de l'Agence nationale pour l'emploi ou de l'entreprise.
    Et pourtant, l'AGEFIPH est un bon outil. Créée il y a douze ans, cette association dispose d'un budget de 380 millions d'euros, provenant des cotisations des entreprises. Ce n'est pas négligeable. Depuis douze ans, des efforts ont été entrepris et des résultats ont été enregistrés en matière d'intégration professionnelle, mais ils restent insuffisants. Il convient de préciser que ce taux d'emploi mesure un stock et ne rend pas compte des mouvements de main-d'oeuvre très importants qui se produisent sur le marché de l'emploi, parce que les personnes handicapées en situation d'activité sont plus fragiles encore, dans un contexte de précarisation de l'emploi, que les autres travailleurs.
    Des progrès significatifs, notamment sous l'impulsion de l'AGEFIPH, ont été obtenus, je le répète. Alors que, avant la loi de 1987, le nombre d'entrées annuelles des personnes handicapées dans l'emploi n'excédait pas 7 000, nous en sommes à 100 000. Aujourd'hui, 60 % des personnes handicapées qui travaillent ont été embauchées alors que leur handicap était déjà déclaré, ce qui était loin d'être le cas il y a plus de dix ans. Par ailleurs, un demandeur d'emploi handicapé sur trois suit une formation professionnelle, ce qui n'est pas le cas pour les chômeurs dits « valides ». Nous observons également que le réseau Cap Emploi réalise des efforts méritoires et des placements dans l'emploi dans un cas sur trois. Ce placement est durable, et se manifeste donc par un contrat à durée indéterminée. Malheureusement, ce chiffre est en train de se dégrader, et force est de constater que depuis douze ans nous avons appris à diversifier les aides que nous pouvons apporter aux personnes handicapées, puisqu'une personne mal voyante n'a pas les mêmes besoins au travail qu'une personne hadicapée moteur.
    Malgré ces progrès, qui sont à mettre au compte des administrateurs de l'AGEFIPH, qui se battent sans relâche depuis douze ans, il reste beaucoup à faire. Pour que les employeurs n'hésitent plus à recruter des personnes handicapées, il faut qu'ils soient mieux informés des handicaps, de leur degré d'adaptabilité aux postes de travail.
    Nous sommes par ailleurs confrontés à un problème majeur : le niveau de formation initiale est encore insuffisant. Enfin, l'apparence prévaut malheureusement trop souvent sur la compétence.
    Une action volontariste est donc nécessaire. Le remarquable rapport du Conseil économique et social sur l'insertion professionnelle en milieu ordinaire, qui dresse un constat lucide des besoins dans ce domaine, appelle à une nouvelle impulsion politique.
    Mais, bien entendu, madame la secrétaire d'Etat, en conseil des ministres, vous allez nous présenter un projet de loi.
    Une ambitieuse réforme nous est ainsi annoncée, essentiellement construite, comme la plupart des allocations existantes, autour de l'aide à la personne elle-même, abstraction faite de la problématique de l'insertion professionnelle. Voilà pourquoi je trouve intéressant qu'on mette aujourd'hui l'accent sur cette dernière.
    En matière d'accès à l'emploi, la principale perspective serait de moduler davantage les aides de l'AGEFIPH et les pénalités pour non-respect des obligations des employeurs, en fonction de l'attitude des entreprises à l'égard des travailleurs handicapés.
    Madame la secrétaire d'Etat, il nous semblerait préférable de dépasser la seule dimension des pénalités financières et d'engager une campagne de sensibilisation auprès des employeurs, y compris publics - je pense aux collectivités locales.
    Il serait judicieux, en réformant le champ de compétences de l'AGEFIPH, d'aider les collectivités locales à adapter les postes de travail. J'ai pu en mesurer le coût en tant que maire. Ce coût se répète d'ailleurs, après un départ à la retraite ou une cessation d'activité, lorsqu'il faut embaucher une autre personne handicapée souffrant d'un autre handicap.
    Reste aujourd'hui la proposition de loi du groupe UDF, qui transcende, il faut le dire, les deux partis de la majorité.
    M. Patrice Martin-Lalande. Heureusement !
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Nous pouvons aller au-delà.
    M. Gérard Bapt. Cette proposition pose un vrai problème. Son inconvénient, à nos yeux, est qu'elle occupe un seul créneau, celui de l'incitation fiscale. Est-ce bien opportun ? Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, le Parlement a réformé le crédit d'impôt recherche. On aurait pu profiter de cette discussion pour rendre possible l'adoption de la mesure du crédit d'impôt que vous proposez. De même pour le projet de loi que nous présentera Mme Boisseau.
    D'une manière générale, nous pensons que l'incitation fiscale ne doit pas remplacer l'action publique, même si elle peut y participer - par des baisses ciblées de TVA ou par le biais du crédit d'impôt.
    L'insertion des handicapés est une action de solidarité. Je voudrais saluer à cet égard l'engagement personnel de Mme Boisseau, engagement que j'ai pu constater en tant que rapporteur, bien qu'étant dans l'opposition à la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Gouvernement est intervenu en créant des postes - d'auxiliaires de vie, notamment - et en développant des actions nouvelles - en faveur, par exemple, de la réadaptation et de la réinsertion des traumatisés crâniens. Le message que vous avez envoyé à l'occasion de l'inauguration de l'établissement qui vient d'ouvrir dans ma commune prouve, madame la secrétaire d'État, que vous vous intéressez particulièrement à ces derniers.
    Mais d'autres secteurs peuvent relever de l'action publique globale. J'ai parlé du secteur public et des collectivités locales. Pensons aussi au secteur associatif. Cette action pourrait passer par la multiplication et la prolongation des contrats aidés pour permettre au secteur associatif d'embaucher des personnes handicapées.
    En commission des finances, nous avions voté pour la prolongation de la discussion, en raison de la réalité du problème et de l'intérêt de travailler sur ces questions. Nous allons maintenant examiner la façon dont le débat va se dérouler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy.
    M. Jean-François Chossy. La proposition de loi présentée ce matin sur l'initiative de notre collègue Jean-Christophe Lagarde et défendue âprement, avec chaleur mais avec sagesse, par le rapporteur Maurice Leroy, a un fondement parfaitement légitime. En effet, force est de constater que les dispositions de la loi du 10 juillet 1987, qui définit l'obligation d'emploi par les entreprises de 6 % de personnes handicapées, sont mal appliquées et mal adaptées aujourd'hui, ce qui se traduit par un faible taux d'activité des bénéficiaires de l'obligation d'emploi et par un taux de chômage des travailleurs handicapés proche de 27 % - ce qui s'explique aussi par la faiblesse de leur qualification, comme chacun s'accorde à le dire.
    Devant ce constat, il est indispensable, madame la secrétaire d'État, de prendre des dispositions nouvelles, et la proposition de Jean-Christophe Lagarde est à ce titre très intéressante. Cependant, l'heure est enfin - ou presque - venue de réviser, de revisiter, de faire évoluer la loi d'orientation de 1975. Et je veux ici saluer votre engagement sur ce dossier, qui constitue un des chantiers prioritaires de ce quinquennat.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. C'est vrai !
    M. Jean-François Chossy. Le texte à venir devra palier les insuffisances qui subsistent encore pour tous les types de handicaps, qu'ils soient psychiques, sensoriels ou moteur, sans oublier les polyhandicapés et les autistes qui, compte tenu de la gravité de leurs déficiences, ne trouvent pas toujours l'accueil et l'accompagnement nécessaires.
    Le projet de loi de Mme Buisseau est un texte novateur, fondateur d'un nouvel âge du handicap et d'une évolution de la condition des personnes.
    Il deviendra la loi des grandes exigences et de toutes les attentes. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, présidé par notre ancien collègue Jean-Marie Schléret, reconnaît que ce projet ne laisse personne à distance des nouveaux dispositifs. Le CMCPH salue par ailleurs la régulière et efficace concertation qui, je l'espère, continuera tout au long de la préparation de la loi, et même au-delà, jusqu'à la prise des décrets.
    Cependant, la mouture déjà présentée en décembre dernier par Mme la secrétaire d'État devra s'accomoder des inévitables amendements, qu'ils soient de précision, de complément, d'accompagnement, voire d'évolution de certains articles, pour répondre au plus près aux besoins réels et quotidiens décrits par les associations et, surtout, par les personnes handicapées elles-mêmes.
    A ce titre, la vigilance du CMCPH s'organise et le Parlement saura compléter et enrichir votre texte. Avec l'UMP, je pense que la proposition de M. Lagarde trouvera sa place parmi les dispositions envisagées par le Gouvernement...
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. Jean-François Chossy. ... qui consistent, je le rappelle, à moduler le montant de la contribution dont sont redevables les entreprises en fonction de l'effort consenti en matière de recrutement direct, et donc à alourdir la contribution des entreprises qui n'emploient aucune personne handicapée.
    Les collectivités publiques ne sauraient s'exonérer de cette logique, et des pénalités doivent aussi être envisagées en cas de manquement à cette règle d'intégration et d'insertion de la personne handicapée. Jean-Christophe Lagarde doit savoir que Mme la secrétaire d'État a prévu dans son projet de loi une disposition qui est de nature à répondre à sa préoccupation et qui consiste à permettre aux entreprises, redevables d'une contribution à l'AGEFIPH, de déduire de cette contribution le montant total des dépenses engagées pour favoriser l'insertion et l'accès des personnes handicapées à la vie professionnelle. Cette déduction pourra être plus importante que les 75 % d'exonération ou de crédit d'impôt.
    Parce que la proposition Lagarde concerne l'emploi des personnes handicapées, je crois utile de rappeler ici les efforts déjà entrepris dans ce cadre par Mme la secrétaire d'État. En effet, au-delà des nouvelles places réellement créées en CAT - 3 000 par an, soit 15 000 en cinq ans - et qui répondent à un besoin urgent, un effort relativement conséquent a été entrepris pour l'amélioration des moyens des 548 ateliers protégés qui permettent de faire travailler environ 20 000 personnes, encadrement compris. Dans la future loi, ces ateliers protégés seront transformés en entreprises adaptées, ce qui leur donnera un rôle particulier et les rapprochera du milieu du travail ordinaire.
    Madame la secrétaire d'État, je suis impatient, comme les associations, commes les parents et comme les personnes handicapées elles-mêmes, de voir enfin évoluer la loi. Je pense, comme nous tous ici, que ce texte tant attendu doit s'appuyer sur des piliers forts tels que la simplification, la compensation, la personnalisation, l'accueil, la formation, l'intégration et l'accessibilité.
    D'abord, la simplification se traduira essentiellement par l'implantation, partout en France, de maisons départementales du handicap, véritables guichets uniques dont il ne faudra pas manquer de donner avec précision le mode de fonctionnement. Ensuite, la compensation des conséquences du handicap passera par des aides appropriées et personnalisées, qu'elles soient financières, techniques ou humaines. Des efforts particuliers doivent encore être faits pour garantir un meilleur accueil et permettre l'accompagnement des personnes handicapées quel que soit leur âge, dans toutes les périodes de leur vie et dans la plénitude de leur projet de vie. Pour ce faire, la formation de tous les accompagnants et de tous les aidants, qu'ils soient professionnels, bénévoles ou familiaux, devra être assurée, car elle est indispensable à tous ceux qui s'occupent de la personne handicapée.
    Le texte que vous nous proposez, madame la secrétaire d'État, devra comporter un important volet sur l'intégration de la personne. Au-delà de l'excellente intention d'assurer un revenu d'existénce, il faut, en effet, permettre l'accès de tout pour tous et assurer une meilleure participation des handicapés à la vie sociale.
    L'intégration, si elle doit être d'ordre professionnel, comme la proposition Lagarde nous y engage, doit aussi, et d'abord, être scolaire. Et à ce propos, je considère comme une disposition symbolique forte le fait d'obliger l'éducation nationale à inscrire l'enfant handicapé dans l'école la plus proche du domicile et d'assurer, le cas échéant, par la mise en place d'un réseau, le suivi de sa scolarité, y compris si nécessaire dans les établissements adaptés.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. Jean-François Chossy. Un des plus grands soucis des personnes handicapées concerne l'accessibilité, et le texte Lagarde y fait aussi référence. Mais l'accessibilité ne se négocie pas : tout doit être accessible à tous. Il s'agit d'une obligation qui ne doit souffrir aucune dérogation.
    Il ne m'appartient pas aujourd'hui de développer plus d'arguments sur le projet de loi sur l'égalité des droits ou l'égalisation des chances des personnes handicapées. Mais je crois sincèrement, madame la secrétaire d'Etat, que nos efforts conjugués devraient sublimer ce texte et en faire le fleuron de notre fierté de parlementaires et de citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Avant de donner la parole à M. Daniel Paul, je tiens à souligner à l'intention de M. Lagarde, qui a interrogé la présidence tout à l'heure, qu'on a effectué tout récemment - en juin 2003 - un recensement des fonctionnaires de l'Assemblée relevant de l'obligation d'emploi de personnes handicapées prévue par la loi du 10 juillet 1987. Il en ressort que l'Assemblée satisfait à l'obligation légale. Elle compte 6,5 % de personnes handicapées parmi ses fonctionnaires, alors que l'obligation est fixée à 6 %.
    J'ajoute que le taux d'emploi de personnes handicapées à l'Assemblée nationale est supérieur au double du taux constaté dans le reste de la fonction publique de l'Etat. Je ferai parvenir une note beaucoup plus complète à M. Lagarde dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Année européenne du handicap, 2003 devait être, selon le Président de la République, une année de « mobilisation pour une pleine reconnaissance par la société des droits, des besoins, des richesses des personnes handicapées ». Elle n'aura été que l'année des déclarations.
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Non !
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Ce n'est pas correct !
    M. Jean-François Chossy. Vous n'avez pas vu tout ce qui s'est passé ?
    M. Daniel Paul. Nous attendions, avec intérêt, les dispositions « handicap » du projet de loi de finances pour 2004. Malheureusement, après l'examen du budget « santé, famille, personnes handicapées et solidarité », nous les attendons toujours ! Même constat du côté de l'avant-projet de loi annoncé et baptisé « Pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées ». Là encore, comme les associations, nous restons sur notre faim.
    Grand chantier, petites ambitions : c'est le sentiment exprimé par de nombreuses associations au vu du projet gouvernemental, dont les grandes lignes ont été rendues publiques mi-décembre. Comme elles, nous attendions un grand élan, à la hauteur des envolées verbales du Président de la République et de son Premier ministre, un projet qui mette fin à l'isolement, dramatique parfois, injuste toujours, dans lequel vit une partie des citoyens français. Force est de constater qu'il n'en est rien.
    Nombre de responsables d'association pensent que si chacun peut se retrouver dans les principes énoncés comme le droit à la compensation, à l'accessibilité des bâtiments et des transports publics, à l'intégration scolaire, il faut regretter que ces principes soient l'objet de dérogations qui les rendent flous et atténuent leur portée.
    Les associations estiment se retrouver devant un simple toilettage de la loi d'orientation de 1975, alors qu'elles réclament son adaptation complète aux exigences contemporaines des personnes handicapées.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Il fallait le faire vous-même !
    M. Daniel Paul. Il nous a donc fallu attendre ce matin pour voir la première initiative concrète de la majorité UMP-UDF dans ce domaine - ce que traduit le soutien apporté à cette proposition - après les proclamations de bonnes intentions.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Mais quel texte a été proposé par la précédente majorité ?
    M. Daniel Paul. Un premier acte concret, donc, qui risque bien d'être très vite abrégé. Pourtant, cette proposition de loi part d'un constat qui nous rassemble depuis plusieurs années et que plusieurs rapports ont dressé : l'insertion professionnelle des personnes handicapées est en panne. La crise et le souci de rentabilité s'embarrassent peu de justice !
    M. Maurice Leroy, rapporteur. C'est vrai !
    M. Daniel Paul. Le constat est sans appel. Le taux d'emploi des handicapés ne dépasse pas 4 % des embauches totales et un handicapé sur quatre est sans emploi. Pourtant, depuis 1987, la loi impose à toutes les entreprises de plus de vingt salariés d'employer 6 % de handicapés. Mais nombre d'entre elles préfèrent s'exonérer de cette obligation - plus d'un tiers n'employant aucun travailleur handicapé - en versant une contribution à l'AGEFIPH. Or, si la loi offre cette possibilité, c'est pourtant bien le recrutement direct de salariés handicapés qui constitue la finalité du dispositif vers lequel tous les efforts doivent être mobilisés.
    S'agissant de l'accessibilité des locaux professionnels, qui semble être la seconde préoccupation de la proposition de loi,...
    M. Maurice Leroy, rapporteur. En effet !
    M. Daniel Paul. ... l'article L. 117-1 du code de la construction et de l'habitation, issu de la loi d'orientation du 30 juin 1975, pose un principe général d'accessibilité des locaux d'habitation, des lieux de travail et des locaux recevant du public censé s'appliquer lors de toute opération de construction ou de rénovation. Cependant, malgré la réaffirmation de ce principe dans la loi du 13 juillet 1991, les décrets et arrêtés d'application ont beaucoup tardé et ont notablement restreint son champ de mise en oeuvre, assorti de très nombreuses dérogations. Quant au contrôle de cette réglementation, instauré par un décret du 26 janvier 1994, il est notoirement insuffisant. Par ailleurs, comment se fait-il qu'aucune obligation spécifique ne soit imposée en matière d'urbanisme et d'habitat dans les quartiers en rénovation urbaine, alors que ceux-ci bénéficient pourtant aujourd'hui d'aides très conséquentes de l'Etat ?
    Les députés communistes souhaitent soutenir toutes les initiatives qui contribueront à favoriser l'insertion des personnes handicapées. Mais, à un vrai problème, connu depuis longtemps, la proposition de loi apporte une réponse, au minimum, maladroite, que l'on peut même analyser comme inadéquate, mais qui est sans doute conforme à l'esprit libéral qui caractérise la majorité.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ridicule !
    M. Daniel Paul. Et je dis cela sans esprit partisan...
    M. Maurice Leroy, rapporteur. C'est heureux !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Qu'est-ce que ça aurait été !
    M. Daniel Paul. Comment ne pas être choqué que l'on incite financièrement les entreprises à respecter la loi ? Car, enfin, la loi existe, elle s'impose à tous, elle s'applique et, par conséquent, se respecte.
    Or M. Lagarde et ses collègues introduisent une nouveauté qui est bien dans l'air du temps : l'incitation fiscale non pour aller au-delà de la loi, mais pour la respecter au minimum. Bref, les entreprises seraient payées pour appliquer la loi. Etendons ce principe à d'autres domaines et nous aurons de grandes surprises.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Fantasmes !
    M. Daniel Paul. Autre chose serait, comme le préconise un rapport du Conseil économique et social de juin dernier, d'instituer des aides financières ou fiscales destinées à toutes les structures qui vont au-delà des obligations légales minimales en matière de recrutement direct de travailleurs handicapés, tout en s'assurant d'une certaine pérennité des contrats conclus afin de limiter les risques découlant de l'effet d'aubaine que pourraient produire ces mesures. Soutenir les entreprises qui portent leur effort au-delà de l'obligation légale me semble une piste bien plus intéressante, plus ambitieuse et - pourquoi ne pas le dire ? - plus morale.
    Dans le même esprit, afin d'inciter les entreprises à s'engager plus avant dans la voie du recrutement direct des personnes en situation de handicap, pourquoi ne pas envisager que le montant de la contribution volontaire soit majoré progressivement pour les entreprises dont l'effort effectif d'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap demeure insuffisant ou inexistant sur une période déterminée, en l'absence d'embauches directes, de mise en oeuvre d'un accord collectif ou de recours à des contrats de sous-traitance avec des structures du milieu protégé ?
    Une deuxième difficulté freine, pour le moins, l'enthousiasme qui devrait être le nôtre au vu de cette proposition : l'ouverture de la déduction fiscale à hauteur de 75 % du montant de l'investissement. Cela nous semble exagéré, et la création de cette nouvelle niche de réductions fiscales finirait par semer le doute sur vos intentions. Est-ce une loi en faveur des handicapés ou en faveur des entreprises ?
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Oh !
    M. Jean-Christophe Lagarde. N'importe quoi ! Savez-vous seulement à quoi ressemble une entreprise ?
    M. Michel Buillard. Scandaleux !
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vraiment de la politique politicienne !
    M. Daniel Paul. Enfin, le fait que des dons en faveur des associations ayant pour objet de promouvoir l'intégration des personnes handicapées donnent droit à cette déduction fiscale me laisse songeur quant à l'utilisation des problèmes des handicapés pour chercher à réduire la fiscalité des entreprises. Nous savons que la loi sur le mécénat rend de telles pratiques légitimes. Mais ne craignez-vous pas d'accentuer les travers que vous déclarez vouloir combattre ? Ne donnez-vous pas une caution morale aux entreprises qui, une nouvelle fois, pourront se désengager de tout effort d'insertion en versant aux associations des dons qui leur ouvriront, en plus, une déduction fiscale ? C'est encourager ce que nous déplorons aujourd'hui. Par conséquent, vous ne rendez pas plus efficace la législation actuelle.
    D'autres réponses au difficile problème de l'insertion professionnelle des personnes handicapées auraient pu être privilégiées. Je viens d'évoquer certaines pistes qui permettraient de concourir plus efficacement à « optimiser l'obligation d'emploi », comme le recommande le Conseil économique et social. Certes, les lois de 1975 et de 1987 ont permis d'enclencher un processus, de mettre en place des structures qui ont contribué à sortir les personnes handicapées de leur isolement et de leur marginalité. Mais nous sommes au xxie siècle et les personnes en situation de handicap méritent et exigent fort justement beaucoup plus d'engagement de la part de la société. Oui, il faut privilégier une insertion professionnelle massive des handicapés dans le milieu ordinaire de travail, écartant l'exclusion et leur ouvrant largement la voie de la dignité et de l'égalité.
    Défi ambititieux, sans doute, mais auquel notre société a les moyens de s'attaquer. Encore faut-il en avoir la volonté politique. Car force est de constater - et je réponds ainsi à votre question, monsieur Lagarde - que, depuis dix ans, les nombreuses propositions émises de toutes parts, en dépit de leur pertinence, n'ont pas été suivies d'effets. Pour les personnes handicapées, travailler relève toujours de l'exploit concluant une course d'obstacles ! L'Etat doit prendre toutes ses responsabilités et cesser de se décharger sur l'AGEFIPH. L'insertion professionnelle ne pourra se réaliser que si elle se situe dans une politique d'ensemble élaborée dans le cadre d'un schéma directeur.
    Pour la fonction publique, des procédures et des mesures ambitieuses doivent contraindre l'Etat employeur et les collectivités locales à respecter la loi en atteignant le quota d'emplois. L'Etat, chargé de veiller à l'application des lois, devrait faire preuve d'exemplarité.
    D'une manière générale, il n'est plus possible d'en rester à de bons sentiments. Les habitudes, les appréhensions et les rejets doivent céder devant les exigences de justice sociale. Si la volonté politique était relayée par des moyens financiers substantiels, l'intégration dans la cité pourrait progresser, avec des aménagements dans la ville et sur les lieux de travail plus nombreux et mieux adaptés, facilitant l'intégration professionnelle des personnes handicapées.
    Nous sommes donc extrêmement réservés sur la nature des réponses apportées par la proposition de loi, tout en étant convaincus - comme chacun ici, je pense - de la réalité des problèmes auxquels sont confrontées les personnes handicapées. Cela étant, conformément à ce que nous avons toujours dit au sujet des niches parlementaires, nous soutiendrons la mise en discussion de cette proposition.
    Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.
    M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde nous donne l'occasion d'évoquer la place des personnes handicapées dans le monde de l'entreprise.
    Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail, je me suis intéressé tout particulièrement à l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Parmi les auditions auxquelles j'ai procédé, j'ai notamment reçu les représentants de l'UNAPEI, de l'AGEFIPH, de l'AFPA, de l'ANPE et, bien sûr, le délégué interministériel aux personnes handicapées. Le constat était assez unanime : la politique vis-à-vis des personnes handicapées comporte de nombreuses déclarations de principe, mais la mobilisation des pouvoirs publics et du monde économique reste très insuffisante. Aussi m'avait-il semblé intéressant de mettre en avant quelques propositions que j'estimais de nature à faire avancer la cause de l'emploi des personnes handicapées.
    Tout d'abord, il importe de mieux connaître la population handicapée et d'évaluer les politiques qui la concernent. L'amélioration de la connaissance statistique, donc quantitative, de la population handicapée, comme le développement d'études plus qualitatives constituent un préalable obligatoire à la non moins nécessaire évaluation des politiques menées en sa faveur. Il est important, en particulier, de mettre au point un système de calcul qui soit le même pour le secteur privé et pour le secteur public. Il est important aussi de disposer de statistiques non seulement sur l'emploi global des personnes handicapées, mais également sur leur accès à l'emploi en fonction de la nature et de la gravité de leur handicap.
    Par ailleurs, il est nécessaire d'imposer une obligation effective d'emploi dans l'administration. Les administations devant être exemplaires, leurs obligations effectives, « sanctionnables », doivent être au moins équivalentes à celles des employeurs privés.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. Dominique Tian. L'Etat n'est pas le seul à ne pas respecter les obligations légales. La fonction publique hospitalière et les collectivités locales atteignent rarement, hélas, le taux légal de 6 %, mais ne sont soumises à aucune sanction financière, contrairement aux entreprises. Il est peu acceptable que des administrations qui ne respectent pas leurs obligations ne cherchent même pas à confier en sous-traitance, à des ateliers protégés ou à des CAT par exemple, leurs travaux d'imprimerie ou la réalisation d'objets publicitaires, souvent achetés, malheureusement, hors de notre pays.
    Les perspectives de la voie contractuelle ou réglementaire paraissent limitées. Le législateur se doit d'intervenir pour sanctionner le non-respect de l'obligation d'emploi par des pénalités financières, même aux dépens de l'Etat, et le produit de ces sanctions doit être géré par des fonds dédiés dotés de la personnalité morale afin d'échapper à tout risque de régulation, phénomène que l'on connaît bien dans l'administration. Cette proposition est notamment soutenue par le Conseil économique et social, qui l'a exposée dans son rapport.
    Notons que certaines administrations ou certains ministères - je pense notamment à l'éducation nationale - ne répondent même pas aux questionnaires que leur envoient les rapporteurs. Ce serait pourtant la moindre des courtoisies.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ils ont honte !
    M. Dominique Tian. Il convient également de mettre en oeuvre des démarches positives vis-à-vis du secteur privé. Un assez large consensus se dégage sur le maintien du système institué en 1987 et du taux d'emploi de 6 % mais, sans changer ce système, il est sans doute possible de le rendre plus incitatif. Comme le soulignait la Cour des comptes, l'AGEFIPH s'est retrouvée, dans un passé récent, à la tête d'un énorme fonds de réserves excédant 11 % des contributions reçues, ce qui traduisait en quelque sorte son incapacité à dépenser les fonds recueillis auprès des entreprises alors même que les besoins non couverts sont énormes.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. C'est vrai !
    M. Dominique Tian. J'ai reçu l'AGEFIPH et prêté attention à son argumentaire. Ce dysfonctionnement fut certainement dicté par un souci de gestion rigoureuse - chacun pourra en convenir - mais il montre cependant que le système a besoin d'évoluer. On pourrait envisager de développer plus encore les démarches de mobilisation auprès des 37 % d'employeurs qui préfèrent payer la contribution sans réaliser la moindre embauche de personnes handicapées, en partie, sans doute, faute de soutien d'un organisme spécialisé qui les conseillerait utilement. Pour leur part, l'AGEFIPH et l'ANPE pourraient, par des diagnostics personnalisés entreprise par entreprise, proposer des solutions concrètes d'embauche.
    En novembre dernier a eu lieu, sous l'égide de l'AGEFIPH, la septième semaine pour l'emploi des personnes handicapées. Ces rencontres ont permis de mettre le doigt sur un étrange paradoxe, que j'ai déjà évoqué dans une question au Gouvernement : les salariés handicapés sont plébiscités par les entreprises puisque 87 % des employeurs se déclarent très satisfaits de la qualité de leur travail ; cependant, une entreprise sur trois non seulement ne remplit pas ses obligations légales, mais déclare même n'employer aucun salarié handicapé. Aussi les personnes handicapées, les associations et les employeurs attendent-ils avec impatience une loi qui traite l'ensemble des problèmes relatifs au handicap.
    L'insertion professionnelle des personnes handicapées ne peut progresser sans un vigoureux effort dans les domaines connexes.
    Ainsi, la scolarisation doit être généralisée et réalisée, autant que possible, en milieu ordinaire. Le niveau de formation moyen des personnes handicapées est actuellement très inférieur à celui de la population générale, ce qui constitue certainement le premier des freins à leur insertion professionnelle, tant le niveau de diplôme est devenu un facteur déterminant de l'accès à l'emploi.
    L'accessibilité, notamment des transports publics, est une priorité. Aménager des postes de travail dans les entreprises ne sert à rien, si les personnes à qui ces aménagements sont destinés ne peuvent se rendre sur leur lieu de travail. Quand on voit l'AGEFIPH financer de coûteux aménagements de voitures individuelles, on se dit que d'autres mécanismes pourraient être mis en place pour aider certaines communes qui sont très en retard en matière de transports publics.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Certainement !
    M. Dominique Tian. L'accès à des logements adaptés situés à proximité des moyens de transport est également un complément nécessaire d'une meilleure accessibilité de l'entreprise.
    L'insertion professionnelle des handicapés est un problème global, qui doit être traité dans une loi. Cette loi est prête et nous allons bientôt l'examiner à l'Assemblée : c'est celle de Marie-Thérèse Boisseau. Cette réforme en profondeur de la loi de 1975 sur le handicap traitera du droit à compensation ainsi que de l'accessibilité dans les transports - qui sera intégrée au plan de développement urbain - dans le logement, à l'école et, en général, dans la vie active. Il faut se réjouir qu'un fonds d'insertion soit prévu pour les trois fonctions publiques et que l'insertion professionnelle dans l'entreprise soit également évoquée.
    Ce texte de loi, qui est fondamental, doit garder toute sa force et toute sa cohérence. C'est pourquoi il me semble plus raisonnable de ne pas retenir la proposition de Jean-Christophe Lagarde. Elle a le mérite d'ouvrir le débat et de l'enrichir, mais je pense que notre collègue pourra, s'il le souhaite, améliorer par ses amendements le texte que nous allons bientôt examiner et qui, j'en suis sûr, satisfera le groupe l'UDF et tous ceux qui se mobilisent pour la cause des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Françoise Imbert.
    Mme Françoise Imbert. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la question posée par l'institut IPSOS en décembre 2003 : « Qu'est-ce qui vous paraît le plus important pour l'intégration des personnes handicapées dans la société ? », 50 % des Français répondent : l'insertion professionnelle ; 64 % des sondés actifs qui n'ont pas de collègue handicapé pensent que, s'ils en avaient eu un, cela ne poserait aucun problème et 24 % estiment que cela apporterait même un plus ; parmi ceux qui ont un collègue en situation de handicap, 43 % déclarent que cela apporte un plus et 53 % que cela n'a pas d'importance.
    Et pourtant, pour les 3 millions de personnes handicapées qui sont en âge de travailler, pour les 1,4 million de personnes auxquelles est reconnue la qualité de travailleur handicapé au titre de la loi de 1987, pour les 100 000 à 110 000 personnes que la COTOREP reconnaît chaque année comme travailleurs handicapés, il est difficile d'accéder à un emploi, d'obtenir une première entrée dans l'entreprise.
    Il y a quelques mois, La Dépêche du Midi citait l'exemple d'une jeune femme, titulaire d'un DESS de qualité des produits et sécurité alimentaire, diplôme bac + 5. Tous les élèves de sa filière, à l'Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse, ont trouvé un emploi dans les trois mois. Dix-huit mois après l'obtention de son diplôme, cette jeune femme est la seule sans travail : elle est malentendante. C'est son unique point faible mais, hélas, il est rédhibitoire. Elle est davantage jugée sur son handicap que sur ses compétences et ses diplômes. Et je n'évoquerai même pas les très grandes difficultés que rencontrent ceux qui n'ont aucune formation professionnelle pour trouver un emploi.
    Pourtant, des dispositifs législatifs d'incitation à l'embauche existent, notamment ceux de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des handicapés. Mais plus d'un tiers des entreprises soumises à cette loi n'emploient aucun travailleur handicapé et se libèrent de l'obligation légale par le seul versement d'une contribution à l'AGEFIPH.
    Bien d'autres textes ont été adoptés en faveur des personnes handicapées : la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, la loi du 13 juillet 1991 relative à l'accessibilité des locaux d'habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public, et, bien sûr, la loi d'orientation de 1975, dont la réforme est en cours. Mais force est de constater que, malgré les efforts des pouvoirs publics, un grand nombre de personnes handicapées qui souhaitent travailler n'ont toujours pas accès à l'emploi. Ainsi, dans le département de la Haute-Garonne, qui compte 4 000 demandeurs d'emploi handicapés, les 1 600 entreprises de plus de 20 salariés, auxquelles la loi impose d'employer 6 % de handicapés, n'en emploient que 3,14 %.
    Mes chers collègues, le travail est un sujet qui nous concerne tous. Il est de notre devoir de rendre l'emploi accessible à toute personne et de garantir à chacun les conditions du maintien dans l'emploi. Il est de notre devoir de rechercher des solutions pour que la personne trouve une situation socioprofessionnelle adaptée à son handicap et qu'elle acquière, si possible en amont, une formation professionnelle correspondant à ses capacités et à ses choix.
    La proposition de loi qui nous est présentée vise à instituer un crédit d'impôt pour l'intégration des personnes handicapées. Cette démarche est louable. On peut cependant regretter qu'elle s'adresse au seul secteur privé, car le secteur public ne respecte pas non plus ses obligations en matière d'emploi. Il est vrai que, prenant conscience de ce fait, les représentants de la fonction publique d'Etat ont signé, en octobre 2001, un protocole d'accord sur l'emploi de travailleurs handicapés. Un bilan de cette initiative doit être dressé courant 2004.
    Des mesures facilitant l'intégration de toutes les personnes handicapées sont très demandées, autant par les intéressés eux-mêmes que par les associations. En un mot, la réforme de la loi d'orientation de 1975 est très attendue. Présenté tout récemment en conseil des ministres, le projet de loi va venir en discussion lors de cette session parlementaire.
    Il est vrai que, dans l'avant-projet de loi, la rénovation de la loi de 1987 est peu abordée et semble manquer d'ambition, alors qu'elle constitue, à mes yeux, un impératif incontournable.
    Oui, il faut faire appel à la responsabilisation des employeurs. Mais il faut également qu'ils se sentent engagés dans cette action d'intégration sociale. Dans une entreprise, la hiérarchie doit être impliquée et sensibilisée. Les collègues de travail constituent également des éléments clés pour la réussite de l'insertion, tout comme le médecin du travail.
    Il est enfin indispensable de revoir la liste des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulière.
    C'est ainsi que la nouvelle loi de réforme de la loi de 1975 pourrait intégrer de manière claire et précise les dispositions de la loi du 10 juillet 1987 en matière d'obligation d'emploi, ainsi que les recommandations de la loi du 10 juillet 1990 relative à toutes formes de discrimination du seul fait du handicap.
    Je le répète, il est de notre devoir de réfléchir à l'insertion des personnes en situation de handicap et, au-delà, à leur intégration sociale. Il est aussi de notre devoir de favoriser l'autonomie de tous ceux qui peuvent s'intégrer dans le milieu de vie ordinaire, en éliminant ou en diminuant les obstacles qui contrarient cette autonomie, en valorisant les potentialités de chacun et en mettant en oeuvre les principes de lutte contre la discrimination.
    Rendre l'emploi accessible à toute personne handicapée qui souhaite travailler, lui garantir les conditions de son maintien dans l'emploi est, madame la ministre, monsieur le rapporteur, un impératif pour la nation. C'est une reconnaissance de la pleine citoyenneté de la personne handicapée, une garantie de l'égalité des chances de tous les citoyens.
    Les personnes handicapées restent trop souvent en marge de la vie ordinaire, de l'éducation, de la formation, de l'emploi, du cadre de vie, de la culture et du sport. Elles sont, hélas ! trop souvent considérées comme des citoyens à part plutôt que comme des citoyens à part entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.
    Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec un réel plaisir que j'ai découvert la proposition de loi dont nous débattons ce matin. En effet, pour être particulièrement préoccupée par la condition des personnes handicapées, je constate, comme vous tous, les difficultés qu'elles éprouvent pour intégrer le marché du travail. Je tiens ici à saluer, madame la secrétaire d'Etat, le travail que vous avez accompli. La passion que vous manifestez pour accomplir votre mission a d'ailleurs fait des émules, dont je suis, alors que, je l'avoue, ce problème m'échappait quelque peu.
    Si le chômage affiche un taux de 9 % en France aujourd'hui, il est malheureusement de près de 26 % pour les personnes souffrant de handicap. Or, si celles-ci ont acquis, non sans difficulté, des diplômes et des compétences, elles ont certainement les mêmes ambitions et tout simplement les mêmes envies de réussir leur parcours professionnel.
    La population active représentée par les personnes handicapées compte 840 000 personnes, dont 220 000 sont inscrites à l'ANPE. Alors que la loi de 1987 fait obligation aux entreprises de plus de vingt salariés et aux administrations d'embaucher 6 % de travailleurs handicapés, on constate malheureusement que l'on dépasse difficilement les 4 %, taux stable par ailleurs depuis près de dix ans. Evidemment, et il convient d'insister sur ce point, les plus mauvais élèves sont les entreprises de taille moyenne et les services de l'Etat, lesquels sont très frileux pour offrir des emplois aux handicapés.
    Si la loi de 1987 a contribué à améliorer autant que faire se peut leur employabilité, il est urgent aujourd'hui d'explorer d'autres voies d'insertion au travail. Ainsi, il serait judicieux d'instaurer « un droit de retour » pour tout travailleur handicapé ayant échoué en milieu ouvert afin qu'il puisse réintégrer un CAT ou un atelier protégé.
    Il faut aussi que l'Etat se réinvestisse dans la politique d'insertion et s'acquitte des mêmes obligations que le secteur privé vis-à-vis de l'emploi de personnes handicapées. A ce jour, le secteur public n'est pas sanctionné s'il déroge aux 6 % d'emplois fixés par la loi !
    C'est dans cet objectif que j'ai déposé en avril 2003 une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique. En effet, début 1998, le nombre de personnes handicapées comptabilisées dans la fonction publique de l'Etat s'élevait à 3,06 %, 4,50 % dans la fonction publique territoriale et 5,43 % dans la fonction publique hospitalière.
    Si l'étendue des compétences des collectivités territoriales offre également un large éventail pour l'emploi des personnes handicapées, le milieu territorial est aussi le reflet de la société française et les « barrières », plus souvent au niveau comportemental que sur le plan des nécessaires aménagements, sont encore nombreuses.
    Au-delà des obligations légales et du respect de la citoyenneté et de la cohésion sociale, l'insertion des handicapés est pourtant un précieux atout puisqu'elle permet, notamment, de créer des « ponts » et de mieux comprendre les besoins des administrés qui sont eux-mêmes victimes d'un handicap.
    D'une manière générale, on peut aisément constater que le handicap physique reste, aujourd'hui encore, un frein important à l'embauche. Une part relativement importante de chefs d'entreprise et des administrations publiques perçoivent encore l'embauche d'une personne handicapée comme une source de difficultés, que ce soit au niveau de l'exécution des tâches, de l'aménagement des conditions de travail ou bien des relations humaines, et le manque d'information ne contribue pas à démentir cette impression.
    Autant d'éléments, parmi d'autres, qui militent pour une initiative en ce domaine. Il revient donc à la France de montrer l'exemple et d'accentuer les efforts pour parvenir à une insertion pleine et entière, sociale et professionnelle, de ces personnes.
    Votre proposition de loi, monsieur Lagarde, fera bénéficier aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés et qui décident de procéder à des investissements en faveur des handicapés un crédit d'impôt de 75 %. C'est là une initiative fort intéressante qui mérite d'être saluée. J'émets toutefois le souhait, monsieur le député, que votre proposition - pour la rendre encore plus efficace - puisse s'inscrire dans un projet plus global et structuré à l'instar de celui préparé par Mme la secrétaire d'Etat et qui sera prochainement débattu devant notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Mesdames et messieurs les députés, je souhaiterais en premier lieu remercier Jean-Christophe Lagarde pour son initiative parlementaire. Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Daniel Paul, je considère que son initiative est généreuse.
    M. Daniel Paul. Pour les entreprises !
    Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Elle a le mérite d'enrichir la réflexion sur les méthodes et les moyens qui permettront demain une meilleure insertion professionnelle des personnes handicapées.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Merci aussi, monsieur le rapporteur, pour vos propos et peut-être plus encore pour la qualité de votre rapport. Celui-ci, que j'ai lu avec beaucoup d'attention, constituera un outil de travail dans la réflexion que nous poursuivons.
    Je tiens également à remercier les intervenants, mais aussi les députés qui assistent à cette discussion. C'est la preuve de leur engagement personnel en faveur d'une cause ô combien noble et qui, véritablement, dépasse tout clivage politique.
    Non, monsieur Daniel Paul, l'insertion des personnes handicapées n'est pas en panne. Elle est en marche. Certes, le chemin qui reste à parcourir est très long, j'en conviens, et nous devons combler le retard accumulé, mais vous ne pouvez pas affirmer que l'insertion est en panne. L'Année européenne des personnes handicapées a été l'occasion d'une importante mobilisation du Gouvernement, et plus encore des particuliers, des associations et des collectivités territoriales. Je n'en veux pour preuve que le millier de projets réalisés. Ceux-ci, pour la plupart, ont été labellisés au nom de l'Année européenne des personnes handicapées et certains ont même été accompagnés financièrement. Je peux vous assurer - je le dis en toute simplicité, en toute honnêteté et en toute objectivité - que nos voisins européens, avec lesquels j'ai travaillé durant toute l'année, ont envié la mobilisation de la société française en la matière.
    J'ai l'intime conviction que l'Année européenne des personnes handicapées a favorisé l'évolution des mentalités dans notre pays. Certes, celle-ci n'est pas un phénomène quantifiable, je vous l'accorde. Elle me paraît cependant certaine et elle est essentielle. Vous le savez bien, sans une conscience plus aiguë non seulement des problèmes que rencontrent les personnes handicapées dans notre pays, mais également de la richesse qu'elles représentent et de la contribution qu'elles peuvent apporter à notre société, tous les discours et tous les projets de lois sont vains.
    Non, l'insertion des personnes handicapées n'est pas en panne. Depuis que le Président de la République a annoncé que c'était un de ses trois beaux chantiers présidentiels pour ce quinquennat, nous avons agi. Encore insuffisamment, bien sûr. Mais, encore une fois, on ne peut pas rattraper le retard pris en la matière en quelques mois. Nous avons agi concrètement à l'occasion des deux budgets que nous avons présentés : le budget 2003 et le budget 2004. M. Chossy l'a rappelé.
    Concrètement, nous avons doublé en 2003, et nous allons le refaire en 2004, le nombre de nouvelles places en centres d'aide par le travail, en maisons d'accueil spécialisé et en foyer d'accueil médicalisé. De même, le nombre de nouveaux postes d'auxiliaires de vie va être doublé.
    Certes, le chemin est encore long. Il manquerait ainsi 15 000 places dans les centres d'aide par le travail dans notre pays. Toutefois, si nous en créons 3 000 pendant cinq ans, nous arriverons, au moins sur ce plan-là, à résorber la file d'attente. Cette perspective s'inscrit dans un certain nombre de politiques annexes que je ne développerai pas ici, mais sur lesquelles nous débattrons longuement lors de la discussion de la loi.
    Le projet de loi de modernisation de la loi de 1975, maintenant extrêmement avancé, sera présenté au conseil des ministres du 28 janvier prochain, puis discuté dans la foulée par le Parlement. Il comporte trois grands axes : la compensation du handicap ; la simplification, la personnalisation, la proximité des démarches pour les intéressés ; et l'accessibilité de tous à tout. L'expression « de tous », sur laquelle j'insiste beaucoup, recouvre les personnes handicapées physiques, les personnes handicapées sensorielles, mentales, et les personnes handicapées psychiques dont la loi de 1975 ne faisait pas mention et qui sont au moins 600 000 dans notre pays. Pour ces dernières, les réponses ne sont pas faciles. Mais il faut vraiment que nous conjuguions nos efforts pour faire en sorte que, sous une forme ou sous une autre, à un moment ou à l'autre de leur vie, ces personnes handicapées psychiques puissent travailler, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
    Accessibilité de tous à tout : je ne vais pas décliner les différents points de la loi - ce n'est pas l'objet de notre débat ce matin. Je me cantonnerai à l'insertion professionnelle, qui est un souci majeur. Mme Françoise Imbert a dit qu'elle concerne tout le monde. Oui, l'emploi est la préoccupation première des Français et les personnes handicapées ne faillissent pas à cette règle. Le Gouvernement a la volonté farouche de faire en sorte que, demain, davantage de personnes handicapées puissent travailler en proposant des formules extrêmement souples, de préférence - monsieur Lagarde, je partage pleinement votre analyse - en milieu ordinaire.
    Beaucoup plus, et « beaucoup mieux » allais-je dire, de personnes handicapées doivent pouvoir travailler demain en milieu ordinaire, ce qui n'exclut pas du tout le milieu protégé, qui sera toujours aussi nécessaire. Preuve s'il en est, nous créons de nouvelles places dans les centres d'aide par le travail. Je souhaite simplement - et nous prendrons ensemble des dispositions en ce sens - faire en sorte que l'on puisse plus facilement passer du travail protégé au travail en milieu ordinaire. La proportion de personnes travaillant en CAT et qui passent ensuite en milieu ordinaire est aujourd'hui infime.
    A contrario, il me paraît important que des personnes qui sont en difficulté momentanément ou durablement dans un milieu de travail ordinaire puissent se replier en milieu protégé, c'est une sécurité pour elles, particulièrement pour les personnes handicapées mentales ou psychiques. C'est aussi une sécurité pour les chefs d'entreprise.
    Le pourcentage de 6 % de personnes à engager dans les entreprises n'est pas pour moi le chiffre majeur. Je m'insurge davantage contre le fait qu'aujourd'hui dans notre pays trois fois plus de personnes handicapées que de personnes valides sont au chômage. Voilà le chiffre scandaleux ! Les raisons sont multiples et je ne vais pas toutes les évoquer ici. Il y a entre autres, M. Chossy l'a dit, le problème de la formation initiale qui constituera un volet important de la loi. En tout cas, le constat actuel est absolument inadmissible.
    L'insertion d'une personne handicapée dans une entreprise en milieu ordinaire ou même en milieu protégé, ce n'est pas simple. C'est une aventure difficile. Il faut encourager les entreprises et les accompagner pour agir dans l'intérêt des personnes handicapées - le seul qui nous préoccupe ce matin, monsieur Paul - mais aussi sanctionner celles qui refusent d'embaucher des personnes handicapées. Elles sont 37 %, et c'est beaucoup trop.
    Dans cette optique, la proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde se justifie tout à fait. Elle a pour objet d'inciter les entreprises qui y sont assujetties à satisfaire leur obligation d'emploi des personnes handicapées en octroyant un avantage sous la forme d'un crédit d'impôt égal à 75 % du montant des investissements réalisés par les entreprises pour favoriser l'accessibilité des locaux et développer la formation et l'emploi des personnes handicapées, et également des subventions accordées par l'entreprise aux associations ayant pour objet de promouvoir leur intégration.
    Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué deux sujets. Le premier porte sur l'accessibilité et a été repris notamment par M. Chossy. Vous avez raison de relever que le principe général d'accessibilité qui a été posé par la loi du 30 juin 1975 n'est pas respecté. Nous le constatons tous, tous les jours. C'est la raison pour laquelle le projet de loi du Gouvernement, qui est dans sa phase ultime de préparation, s'attache à renforcer cette obligation d'accessibilité et le contrôle dont elle doit faire l'objet tant pour le cadre bâti neuf que pour le cadre bâti existant. Ces mesures viseront également les bâtiments qui ont vocation à être des lieux de travail. Le Gouvernement vous fera sur ces points des propositions très précises, à charge pour vous, mesdames, messieurs les députés, de les enrichir encore.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Le second sujet est celui de l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Un volet, me semble-t-il, important mais, encore une fois, perfectible, lui est consacré dans le projet de loi.
    En tout premier lieu, le principe de non-discrimination est conforté par l'introduction dans notre droit du travail de la notion d'aménagement raisonnable, telle qu'elle résulte de la directive européenne du 27 novembre 2000. Une obligation de négocier est également prévue tous les trois ans au sein de la branche professionnelle, et tous les ans dans l'entreprise, afin de placer le thème de l'emploi des personnes handicapées au coeur du dialogue social.
    S'agissant de l'obligation d'emploi instituée par la loi du 10 juillet 1987, le montant de la contribution dont sont redevables les entreprises qui ne la respectent pas pourra être désormais modulé en fonction de l'effort consenti en matière de recrutement direct. Cela permettra d'alourdir la contribution des entreprises qui n'emploient aucune personne handicapée,...
    M. Daniel Paul. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. ... mais aussi de diminuer celle des employeurs qui ont procédé au recrutement de certaines catégories de salariés, par exemple ceux antérieurement titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, des demandeurs d'emploi de longue durée, des salariés issus de structures de travail protégées, etc.
    Madame Imbert, la liste des emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières, ce qu'on appelle aujourd'hui des emplois exclus, sera supprimée, du moins il vous sera proposé de le faire.
    D'autre part, pour renforcer la portée de cohérence de l'action de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, ses modalités d'intervention feront désormais l'objet d'une convention d'objectifs pluriannuelle ayant une base législative.
    Afin que cet effort soit partagé de manière exemplaire par les collectivités publiques - j'ai bien noté que c'était le souci de tous les intervenants, et c'est également celui du Gouvernement -, il est parallèlement prévu la mise en place d'un fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées commun aux trois fonctions publiques. Je vous ai en effet beaucoup entendu parler de la fonction publique d'Etat, mais n'oublions pas les fonctions publiques hospitalière et territoriale, qui jouent un rôle de proximité et où, me semble-t-il, l'accueil des personnes handicapées doit être encore davantage pratiqué.
    A l'image du fonds géré par l'AGEFIPH pour le secteur privé, ce fonds public sera alimenté par les contributions des administrations, collectivités ou établissements publics de plus de vingt salariés qui ne satisfont pas à leur obligation d'emploi. Le projet de loi obligera notamment les employeurs publics à élaborer chaque année un rapport soumis aux débats de l'assemblée délibérante. En ce qui concerne la fonction publique de l'Etat, ce rapport sera présenté aux assemblées parlementaires.
    Par ailleurs, le projet de loi consacre la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées, leur reconnaissant ainsi une place spécifique mais entière dans le milieu de travail ordinaire. Il conforte également la vocation médico-sociale des centres d'aide par le travail en réactualisant leur définition ainsi que leur rôle dans l'insertion des personnes handicapéees. En vue de faciliter l'évolution des travailleurs de CAT vers le milieu ordinaire de travail, un dispositif passerelle sera en outre institué.
    Toutes ces dispositions - et la liste n'est pas exhaustive - mêlent obligations nouvelles, sanctions et incitations et forment, me semble-t-il, un ensemble cohérent visant à favoriser l'insertion des personnes handicapées tant dans les entreprises privées que dans le secteur public.
    Le projet de loi comprend enfin une disposition technique répondant exactement à la préoccupation de M. Lagarde. Elle permet aux entreprises redevables d'une contribution à l'AGEFIPH de déduire directement de cette dernière le montant des dépenses qu'elles ont engagées pour favoriser l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés au sein de l'entreprise ou, plus largement, l'accès de personnes handicapées à la vie professionnelle.
    Ce mécanisme, dans notre projet de loi, est préféré au crédit d'impôt car il n'oblige pas à créer une recette nouvelle pour compenser la perte fiscale qui résulte de celui-ci. Il s'inscrit également dans un souci d'allégement des procédures, qui constituent un obstacle à l'embauche des personnes handicapées, celle-ci étant l'occasion de démarches supplémentaires pour les chefs d'entreprise. Le champ de la déduction couvre l'intégralité des dépenses visées par la proposition de loi présentée par Jean-Christophe Lagarde, et même au-delà, puisque peuvent être concernées, par exemple, les dépenses visant à financer le transport de personnes handicapées ou des actions de formation en partenariat avec des établissements d'enseignement supérieur. Enfin, ce dispositif ouvre la possibilité de déduire la totalité de la dépense, alors que le crédit d'impôt est limité à 75 % de son montant.
    Je sais que le dépôt de ce texte résulte d'un réel souci de promouvoir l'insertion professionnelle des personnes handicapées, partagé par l'ensemble des parlementaires sur tous les bancs de l'hémicycle. Une fois de plus, je ne puis que souscrire à cet objectif. Mais compte tenu de la perspective d'un débat imminent dans le cadre du projet de loi beaucoup plus large qui sera bientôt déposé par le Gouvernement, je demande, monsieur le président, que cette proposition de loi ne fasse pas l'objet d'un examen détaillé par article.
    Je répète ce que vous m'entendez dire en toute occasion : le défi de l'insertion des personnes handicapées dans notre société est immense. Mais nous n'avons pas le choix : nous avons le devoir de le relever. Je suis intimement convaincue que nous n'y parviendrons qu'ensemble. Le Gouvernement, bien sûr, qui a une politique claire en la matière, mais aussi les parlementaires, les associations, les individus, les collectivités territoriales - en un mot, la société tout entière - doivent se mobiliser. A ce titre, l'Année européenne des personnes handicapées m'a paru être une belle idée, qui nous a permis de faire un grand pas en avant.
    Le projet de loi qui vous sera proposé par le Gouvernement est évidemment amendable. Je suis totalement ouverte à la discussion, à la collaboration, aux échanges. Je suis notamment prête à reprendre l'idée généreuse que proposait M. Lagarde et étudier la manière dont elle peut s'intégrer dans le projet gouvernemental pour faire en sorte que demain les personnes handicapées soient beaucoup plus nombreuses à travailler dans notre société, à mieux y travailler et à s'y épanouir. C'est mon souci, vous le savez, le plus cher. Il est d'ailleurs partagé.
    Je vous remercie de cette proposition de loi et de la haute tenue de ce débat, que j'ai personnellement beaucoup apprécié. Je pense qu'il augure bien de l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La discussion générale est close.
    A titre exceptionnel, je vais laisser M. Jean-Christophe Lagarde dire quelques mots avant le vote sur le passage à la discussion des articles.
     Je ne suis pas un spécialiste de ces sujets et je vois sur ces bancs des gens bien plus compétents que moi pour en traiter, notamment Mme la secrétaire d'Etat. Mais je souhaite répondre par un exemple à un discours théologique très doctrinaire que j'ai entendu tout à l'heure sur les entreprises...
    M. Daniel Paul. On ne peut pas dire ça !
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... qui me paraissait parfaitement ridicule et déplacé, de la part d'un élu qui peut rencontrer exactement les mêmes situations que moi dans sa circonscription.
    Le chef d'entreprise d'une société d'informatique qui emploie douze salariés a, à la suite des accidents de la vie, une fille paraplégique. De ce fait, il est, malheureusement pour lui, très sensibilisé à ce type de difficultés, en dehors même de son activité professionnelle.
    Ce chef d'entreprise a déjà choisi d'employer à ses frais, sans aucune aide de qui que ce soit, un employé aveugle, ce qui supposait l'acquisition d'un clavier en braille et la mise en place de quelques autres adaptations dans son entreprise, soit une dépense de 7 000 euros.
    Très sincèrement, je ne suis pas convaincu que, si sa fille n'avait pas été elle-même frappée de handicap, il aurait accepté de grever ainsi l'activité de son entreprise, sans réel bénéfice pour celle-ci.
    Certes, je peux entendre que l'entreprise doit avoir un rôle social. Mais je fais partie des gens qui pensent que la politique n'est pas faite pour les incantations, mais pour l'action. Il y aura toujours des gens de bonne volonté, pour lesquels il n'est nul besoin d'incantations, et ceux qui, confrontés aux difficultés, se déroberont.
    Ce chef d'entreprise a reçu, lors de ses recherches de recrutement, un candidat paraplégique. Pour que cette personne, qui se déplace en fauteuil roulant, puisse avoir accès à l'intégralité des locaux, conformément à la législation, il aurait fallu des adaptations dont le montant s'élevait, pour une petite entreprise de douze personnes, à 30 000 euros. Dans ces conditions, la personne paraplégique n'a évidemment pas été embauchée.
    Il est inadmissible de vouloir faire supporter de tels coûts à l'entreprise plutôt qu'à la solidarité nationale.
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Tout à fait !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et encore, ma proposition de loi prévoit qu'une part de 25 % reste à la charge de l'entreprise, mais dans une PME c'est déjà beaucoup. Bien sûr, une entreprise comme Renault doit pouvoir assumer facilement ce type de charges. Il n'en est pas de même, toutefois, d'une entreprise de cinq ou dix salariés. Aujourd'hui, elle n'est astreinte à aucune obligation, mais si elle prend l'initiative d'une embauche, le coût est entièrement à sa charge et l'Etat ne participe pas. Je souhaite que cela évolue.
    M. Paul a par ailleurs laissé entendre que le système que je proposais ne tendait, en catimini, qu'à dégrever les entreprises et à leur permettre d'obtenir des avantages fiscaux. Ce n'est pas du tout le cas ! Aujourd'hui, une société de moins de vingt salariés qui veut agir en faveur de l'insertion des travailleurs handicapés sans avoir la capacité de le faire elle-même ne dispose d'aucun moyen pour y parvenir. Il n'y a pas de raison de leur refuser la déduction fiscale qui est autorisée en faveur de bien d'autres causes. Celle-ci ne le mérite-t-elle pas ?
    Je m'adresse à mon collègue Jean-François Chossy, président du groupe d'études sur l'intégration des personnes fragilisées, pour lui signaler que déduire des investissements la contribution AGEFIPH constitue peut-être une solution, mais a aussi un vrai travers, celui de favoriser d'abord les entreprises obligées de la verser parce qu'elles ne respectent pas le seuil de 6 %. En outre, celles qui ont déjà accueilli le nombre nécessaire de personnes handicapées ne pourraient pas bénéficier d'une quelconque exonération. Elles n'ont peut-être pas eu des aménagements à faire, mais le jour où ces derniers deviendront nécessaires, elles n'auront droit à aucune aide, alors même qu'elles ont déjà consenti un effort.
    Il me semble que nous devons parvenir, dans le futur projet de loi, à corriger ces défauts sous peine de tomber dans l'absurdité. Quoi qu'il en soit, je tiens à vous remercier, madame la secrétaire d'Etat, de l'ouverture dont vous venez de faire preuve.
    Je souligne enfin, mes chers collègues, que le débat de ce matin n'aura pas été inutile. Grâce à cette proposition de loi, en effet, moi et les 128 collègues qui l'ont cosignée pourrons avancer une idée que l'article 40 de la Constitution, malgré toute votre bonne volonté, madame la secrétaire d'Etat, nous aurait empêchés de formuler au moment du débat sur le projet de loi que vous allez nous présenter.
    Jusqu'à présent, la loi a imposé une forme de bâton. Il me paraît aussi nécessaire d'avancer de temps en temps avec une carotte. Cette carotte n'est pas un avantage indu lié à la lutte des classes, au grand capital, ou que sais-je encore. Elle est simplement le signe qu'il revient à la solidarité nationale d'aider quelqu'un qui fait preuve de bonne volonté. Et c'est bien ici, dans cet hémicycle, que cela doit se décider ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur le passage à la discussion des articles

    M. le président. La commission des finances, de l'économie générale et du Plan n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.
    Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.
    Sur le passage à la discussion des articles, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d'une demande de scrutin public.
    (Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.)
    M. le président. Je suis saisi de plusieurs demances d'explications de vote.
    Puis-je considérer, monsieur Lagarde, que vous venez d'expliquer le vote du groupe UDF ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Souffrez, madame la secrétaire d'Etat, que des parlementaires puissent aussi connaître, dans leur famille, le problème du handicap lourd...
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Je le sais !
    M. Daniel Paul. ... et n'aient de ce point de vue, aucune leçon à recevoir de quiconque. Leur avis sur les problèmes de handicap et d'accessibilité à l'emploi, à la ville ou tout simplement à la vie a autant de valeur que d'autres.
    Cela posé, je préfère sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi - c'est d'ailleurs un principe généralement admis - plutôt que d'encourager financièrement à la respecter.
    Je préfère également - et c'est aussi un principe généralement admis - féliciter ceux qui vont au-delà de la loi - n'est-ce pas le principe même de la médaille du travail ou des primes ? - plutôt que d'accumuler les facilités fiscales.
    J'ai le sentiment que l'on noircit une situation certes difficile pour les handicapés, mais qui mériterait d'être traitée par d'autres dispositions. Je conçois que votre projet de loi défendra un certain nombre d'entre elles. En particulier, j'ai cru comprendre que vous étiez prête, vous aussi, à sanctionner ceux qui n'appliquent pas la loi.
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Oui. Sanctions et encouragements, il faut les deux.
    M. Daniel Paul. Les encouragements existent déjà, mais ils ne vont pas assez loin et ne sont pas suffisamment appliqués.
    Je suis également prêt à admettre qu'il est nécessaire de mieux informer, de mettre en place des dispositifs permettant aux entreprises de mieux connaître tout ce qui existe,...
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. En effet !
    M. Daniel Paul. ... mais les propositions qui nous sont faites aujourd'hui constituent uniquement des incitations, certes positives pour certains, mais que j'estime pour ma part inutiles, voire dangereuses. Cela étant, et tout en regrettant les propositions de M. Lagarde, je maintiens qu'il aurait été intéressant de poursuivre la discussion.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

    M. Gérard Bapt. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avions, en commission des finances, voté pour la poursuite de la discussion et nous aurions pu présenter des amendements s'il n'était évident que celle-ci était appelée à s'arrêter. Aujourd'hui, il serait quelque peu insolite de la voir se poursuivre alors que la commission en a peu débattu et que nous n'avons pas eu l'opportunité de proposer des amendements. Cela étant, je ne peux que réaffirmer l'intérêt de ce débat et des informations que nous a apportées Mme la secrétaire d'Etat sur l'extension du champ couvert par le futur projet de loi. Il semble en effet que celui-ci couvrira beaucoup plus largement les problèmes multiples qui se posent aux personnes handicapées.
    Cela dit, il s'agit aussi d'un problème interne à la majorité. Nous nous abstiendrons donc, en attendant un prochain rendez-vous, pour la discussion dans cet hémicycle après des travaux en commission et au sein du groupe que préside M. Chossy.
    M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy.
    M. Jean-François Chossy. Le temps de changer le regard sur le handicap est maintenant venu, conformément au voeu du Président de la République de faire évoluer les mentalités qui est ainsi repris avec force.
    Ce matin, grâce au travail de Jean-Christophe Lagarde, nous avons contribué à cette évolution des mentalités, certes modestement, mais Maurice Leroy a présenté, au nom de la commission des finances, un rapport exemplaire. Je sais qu'il mène une action tout aussi exemplaire sur le terrain, où tous, à notre manière, nous agissons avec nos moyens pour faire évoluer les mentalités.
    Néanmoins nous avons besoin d'un texte fédérateur, moteur même d'un nouvel âge du handicap, d'untexte solide, complet et non pas réparti en tranches dans plusieurs projets. C'est pourquoi le groupe UMP va s'opposer à la discussion des articles, non pas parce qu'il est hostile à l'initiative de M. Lagarde ou à la nécessité de soutenir les personnes handicapées dans leur marche vers l'intégration, mais parce qu'il est indispensable que ces dispositions soient intégrées dans un texte plus général. A cet égard, Mme la ministre m'a pleinement rassuré sur ses intentions de prendre en compte le travail accompli par Jean-Christophe Lagarde et par les 128 signataires de cette proposition de loi.
    En conséquence, le groupe UMP va se mobiliser pour préparer ce texte et continuer à faire évoluer les mentalités.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix le passage à la discussion des articles.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   44
Nombre de suffrages exprimés   42
Majorité absolue   22
Pour l'adoption   4
Contre   38

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    L'Assemblée nationale ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Maurice Leroy, rapporteur. Bien que je ne veuille pas prolonger inutilement nos travaux et nos débats, je tiens à remercier nos collègues qui nous ont rejoints dans l'hémicycle au moment du vote. Je veux aussi, au terme de notre matinée de travaux, remercier sincèrement et chaleureusement madame la ministre, qui a pris soin de répondre longuement, sur le fond, à la préoccupation partagée par Jean-Christophe Lagarde, par votre modeste rapporteur au nom de la commission des finances, et par tous ceux qui ont pris part au débat de ce matin, qu'il convient également de remercier.
    Cela étant, madame la ministre, il m'appartient de souligner que nous ne pourrons pas reprendre les dispositions défendues avec tant de passion et de générosité par Jean-Christophe Lagarde, sous forme d'amendements lorsque le projet annoncé viendra en discussion. Ni le président de la commission des finances, M. Méhaignerie, qui vient de nous quitter, ni Jean-François Chossy ne pourront me démentir. En effet, de telles propositions ne dépasseraient pas le stade de la commission des finances, où elles subiraient le couperet de l'article 40 de la Constitution. Il ne nous restera, dans le cadre de la procédure parlementaire, que la possibilité d'intervenir sur les articles.
    Ce matin nous avons eu un vrai dialogue au sein de la majorité et même au-delà, puisque des membres du groupe socialiste y ont participé de manière constructive. Je souhaite donc, madame la ministre, que Jean-Christophe Lagarde et le groupe UDF puissent continuer à dialoguer avec vous afin que les dispositions de cette proposition de loi qui recueilleront l'accord du Gouvernement soient incluses dans le projet dont le conseil des ministres sera saisi le 28 janvier.
    S'agissant de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, personne, dans cet hémicycle, ne revendique un quelconque droit d'auteur, et le groupe UDF sera ravi si les dispositions défendues par Jean-Christophe Lagarde sont reprises dans le texte du Gouvernement.
    J'insiste, en effet, sur le fait que l'application de l'article 40 de la Constitution nous empêchera de proposer des amendements pour les y insérer, car ils impliqueraient des dépenses publiques qu'il ne nous serait pas possible de gager.
    Tel est l'ultime appel que je vous lance, madame la ministre, à l'issue de ce débat. Je suis persuadé que vous saurez l'entendre et, même si nous ne passons pas à la discussion des articles, je vous remercie, du fond du coeur, ainsi que chacune et chacun de nos collègues, pour la haute tenue de la discussion qui nous a réunis ce matin.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Discussion du projet de loi, n° 1058, relatif au développement des territoires ruraux :
    MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Rapport n° 1333.)
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du jeudi 15 janvier 2004
SCRUTIN (n° 426)


sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi tendant à créer un crédit d'impôt pour investissement des entreprises pour favoriser l'intégration des personnes handicapées.

Nombre de votants

44


Nombre de suffrages exprimés

42


Majorité absolue

22


Pour l'adoption

4


Contre

38

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 38 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non votant(s) :
MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Eric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (148) :
    Abstentions : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22).
Non-inscrits (13).