Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Première séance du jeudi 13 mai 2004

217e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS DEPUIS JUIN 2002

Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Didier Migaud, Augustin Bonrepaux, Jean-Marc Ayrault, François Hollande et plusieurs de leurs collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002 (nos 1581, 1 591).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour dix minutes.

M. Didier Migaud, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, il était convenu que je bénéficie d'un temps de parole d'une demi-heure. Je m'étonne donc de ce malentendu, de ce bug qui, je l'espère, ne traduit pas une fois de plus le souci de la majorité de bâillonner l'opposition !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Jamais !

M. le président. Entre dix minutes et trente minutes, on peut trouver un moyen terme...

M. Didier Migaud, rapporteur. Je vous en remercie.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, en 2002, à la suite du changement de majorité, un audit a été demandé par le nouveau gouvernement sur la situation de nos comptes publics. Il a été confié aux auteurs de l'audit réalisé en 1997 à la demande du gouvernement Jospin.

L'audit dresse un état des lieux qui fait apparaître un déficit public compris entre 2,3 % et 2,6 %, les magistrats prenant la précaution de préciser que leurs « évaluations ne constituent pas une prévision de ce que l'on observera lorsque les comptes de 2002 seront définitivement établis. D'ici là, précisent-ils avec raison, une politique aura été mise en œuvre. Elle modifiera la situation dans un sens et avec une ampleur qu'ils ne sont pas chargés de préjuger ». Je ne saurais mieux dire au regard de la réalité des comptes aujourd'hui. En 2003, le déficit public est arrêté à 4,1 % malgré une contribution tout à fait exceptionnelle d'EDF. Comment et pourquoi en est-on arrivé là ?

Ces questions justifient notre proposition de création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002, dont vous avez pris vous aussi la responsabilité, monsieur le secrétaire d'Etat, en tant que membre du Gouvernement. Nous souhaitons faire le point sur la situation, la comprendre et apprécier la capacité de notre pays à respecter ses engagements européens.

Ce sera aussi l'occasion de revenir sur ce prétendu héritage qui plomberait aujourd'hui la situation de la France et de comparer les résultats des politiques conduites sous des majorités différentes. Nous verrons d'ailleurs des similitudes intéressantes, - mais ô combien inquiétantes ! - entre les périodes 1993-1997 et 2002-2004, et entre 1997 et 2002.

En réalité, monsieur le ministre, c'est votre politique qui plombe aujourd'hui la situation de la France, en dépit des chiffres de croissance annoncés hier par l'INSEE.

L'alternance de 1997 était le résultat d'une dissolution provoquée par le Président de la République, lequel estimait alors que notre pays était confronté à une situation économique et budgétaire dégradée qui aurait pu disqualifier la France pour le passage à l'euro.

La période 1993-1997 présente les mêmes caractéristiques que celle d'aujourd'hui : les mêmes mauvaises politiques conduisent aux mêmes mauvais résultats ! Si, à l'époque, le déficit budgétaire a été réduit, c'est grâce à la hausse des prélèvements obligatoires et non à la maîtrise des dépenses. Les chiffres que je cite dans mon rapport montrent le décalage entre les résultats de la France et ceux des pays européens.

La France, alors, était prise dans un cercle vicieux infernal : la faiblesse de la croissance engendrait un déficit public excessif que le Gouvernement tentait de réduire par des augmentations d'impôts - TVA, TIPP, création de la CRDS - tout en baissant l'impôt sur le revenu. Cette politique a eu pour effet d'étouffer la croissance.

Le qualificatif de « calamiteux », utilisé en 1995 par Alain Juppé pour définir le bilan de son prédécesseur, M. Balladur - auquel il faut associer le ministre du budget de l'époque, Nicolas Sarkozy -, n'avait rien perdu de son actualité en 1997. D'ailleurs, le jugement le plus sévère sur la politique conduite entre 1995 et 1997 a été porté par Alain Juppé lui-même dans une lettre adressée à son successeur, Lionel Jospin.

Le gouvernement de Lionel Jospin adopte alors une stratégie inverse : favoriser le retour à la croissance, avant de réduire le déficit, tout en maîtrisant la dépense publique. Les mesures prises à l'été 1997 permettent de qualifier la France pour l'euro. Nous avons stoppé la réforme de l'impôt sur le revenu, nous avons réduit ou supprimé des niches fiscales, nous avons pris des mesures de soutien au pouvoir d'achat et au lieu de faire peser l'essentiel de l'effort sur les ménages, nous avons demandé une contribution exceptionnelle et temporaire aux entreprises, à l'exception des PME.

Grâce à cette politique, la France a bénéficié sur la période d'une croissance forte, supérieure à sa croissance potentielle, ce qui lui a permis de combler en partie le déficit de croissance accumulé précédemment. La croissance retrouvée a permis une baisse du chômage, une élévation du niveau de vie supérieure à celle de nos voisins et un assainissement de la situation de nos finances publiques.

Ce n'est pas nous, monsieur le rapporteur général, qui l'affirmons - ce serait un point de vue partisan -, c'est le FMI, c'est l'OCDE, c'est la Banque de France. Je vous renvoie, dans mon rapport écrit, à plusieurs commentaires qui confirment mes propos.

Entre 1993 et 1997, la France a connu une augmentation de croissance de 1,5 % par an, contre 2,1 % en moyenne dans la zone euro. A partir de 1997, la situation s'inverse : notre pays fait mieux que le reste de la zone euro - 3 % en moyenne, contre 2,4 %.

Or, contrairement à une opinion souvent avancée, par vous en particulier, cette croissance ne s'est pas faite dans des conditions internationales particulièrement favorables. Entre 1993 et 1997, la croissance mondiale a été supérieure à celle de la période 1997-2001 : 3,2 % contre 2,7 %. La France a même dû surmonter un « trou d'air » en 1998 et, si elle a pu le faire, c'est grâce à une demande intérieure que nous avions su dynamiser.

M. Jean-Pierre Gorges. En six mois ?... Bravo !

M. Didier Migaud, rapporteur. Eh oui, les mesures que nous avons prises ont inversé le cours des choses. Une fois de plus, je vous invite à relire la lettre adressée par M. Juppé à M. Jospin et vous verrez que la situation n'était pas si simple. Limiter le déficit à 3 % fin 1997 était un objectif que M. Juppé ne pensait pas pouvoir être atteint.

Au cours de cette même période de 1997-2001, la compétitivité de la France a également été renforcée, de nombreux classements l'attestent, contrairement à ce que vous avez dit, multipliant les mensonges pendant la campagne électorale.

M. Jean-Marc Roubaud. Le mensonge, c'est une de vos spécialités !

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est d'autant plus grave lorsque ces propos mensongers sont le fait du Président de la République ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Outre les classements internationaux, une étude très précise de la Banque de France confirme mes propos au sujet de nos gains de compétitivité. Je constate d'ailleurs avec tristesse, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un certain nombre d'études actualisées montrent que, depuis dix-huit mois, au contraire, la France perd progressivement des places en matière de compétitivité et d'attractivité.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Non !

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous pourrions vous en faire le procès, mais le sens de l'intérêt de notre pays nous commande de ne pas insister. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les chiffres officiels le montrent : qu'il s'agisse du pouvoir d'achat ou du niveau de vie, les résultats étaient meilleurs entre 1997 et 2002.

M. Jean-Marc Roubaud et M. Jean-Pierre Gorges. Oh !

M. Didier Migaud, rapporteur. Même s'il peut paraître trop faible à certains - et je m'adresse aux responsables actuels de la commission des finances, toujours prompts à relever leur niveau d'exigence quand il s'agit des autres - l'assainissement de nos comptes publics pendant cette période a été incontestable. Les chiffres en matière de réduction des déficits publics et de maîtrise du poids des dépenses publiques dans le PIB ne mentent pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Louis Giscard d'Estaing. C'est surréaliste !

M. Didier Migaud, rapporteur. Pas du tout ! Lisez les chiffres officiels !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre M. Migaud, qui serait alors obligé d'aller au-delà de trente minutes !

M. Didier Migaud, rapporteur. Je ne me fonde pas sur les chiffres du groupe socialiste mais sur ceux de l'INSEE, de l'OCDE, du FMI. Comment peuvent-ils être contestés par des membres de l'actuelle majorité ? On voit bien que cela les gêne !

M. Gérard Bapt. Ils sont autistes !

M. Henri Emmanuelli. Ils ne savent même pas lire les chiffres des élections !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, ne vous mettez pas, vous aussi, à interrompre M. Migaud !

M. Hervé Novelli. Ayez pitié de lui : il a déjà bien du mal !

M. Didier Migaud, rapporteur. Les chiffres, disais-je, ne mentent pas : à cette époque, les comptes de la sécurité sociale, dont on parle beaucoup aujourd'hui, ont enfin été rétablis et, pour la première fois depuis vingt ans, la dette publique a également baissé en 1999, et a continué à baisser en 2000 et 2001, tandis qu'au départ du gouvernement Jospin, les prélèvements obligatoires étaient en baisse par rapport à 1993.

Aujourd'hui, en revanche, la politique économique, budgétaire et fiscale conduite depuis juin 2002 se traduit par une faible croissance, une aggravation des déficits publics et du chômage et une insécurité sociale croissante. Nous sommes malheureusement revenus - et c'est pourquoi nous sommes impatients, monsieur le secrétaire d'Etat, d'entendre votre réponse - au cercle vicieux infernal dans lequel nous nous trouvions juste avant 1997, malgré une reprise mondiale beaucoup plus forte, mais dont nous ne pouvons bénéficier, en raison de votre politique.

Lorsque M. Raffarin déclare qu'il pilote l'Airbus, ce n'est pas seulement de la contre-publicité pour les pilotes d'Airbus : quand Raffarin...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Monsieur Raffarin !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre Premier ministre !

M. Hervé Novelli. Le Premier ministre de la France !

M. Didier Migaud, rapporteur. ...dit qu'il pilote les finances publiques, on a peur du crash, même si la ceinture est bien serrée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Migaud, ne vous laissez pas interrompre.

M. Didier Migaud, rapporteur. J'écoute avec étonnement, et avec un certain plaisir, des commentaires qui ne correspondent pas à la réalité. On pourra consulter le compte rendu des débats, et on verra bien qui travestit les chiffres. Sur la situation de nos finances publiques, il y a, je le répète, des chiffres qui ne mentent pas.

M. Michel Bouvard. Mais il y a des menteurs !

M. le président. Monsieur Bouvard, je vous en prie !

M. Didier Migaud, rapporteur. Pour notre part, nous sommes prêts au débat.

Si la situation n'était pas si grave, pourquoi un plan de régulation, alors même que vos hypothèses de croissance semblent devoir se vérifier ? Peut-être même la croissance sera-t-elle encore supérieure à vos prévisions. Ce serait heureux pour la France. Souhaitons que cela le soit aussi pour les Français - car le corollaire n'est pas toujours assuré, avec votre politique injuste et inefficace.

Pourquoi donc un plan de régulation,...

M. Jean-Marc Ayrault. Si la loi de finances est respectée.

M. Didier Migaud, rapporteur. ...si la loi de finances a été sincère ? En grattant un peu, on comprend - et le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, l'a d'ailleurs bien expliqué voici quelques jours - qu'il faut tenir compte de certains aléas : les engagements du Président de la République et du Premier ministre. Ils multiplient en effet les promesses démagogiques et électoralistes (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) sans effets sur la croissance, qui ne bénéficient qu'à une petite partie, très ciblée, de nos concitoyens : je pense à la suppression de la taxe professionnelle ou à la baisse de la TVA sur la restauration.

Est-il possible de respecter le programme pluriannuel des finances publiques adressé par le Gouvernement à Bruxelles, qui prévoit de ramener le déficit à 3 % en 2005 ? Nous ne le pensons pas. Compte tenu de la situation dans laquelle vous avez mis la France, il ne serait même pas raisonnable que cet objectif soit réalisé, car cela supposerait une véritable purge pour tous les Français : augmentations d'impôts et de taxes et remise en cause encore plus importante des politiques publiques qui contribuent au pacte social dans notre pays.

Nous vous reprochons une absence de stratégie de croissance et des choix purement idéologiques.

M. Hervé Novelli. A propos d'idéologie, on pourrait parler des 35 heures !

M. Didier Migaud, rapporteur. Votre politique injuste plonge les Français dans l'incompréhension et le scepticisme. Au moment même où vous créez le Plan d'épargne retraite populaire, le PERP, assorti d'avantages fiscaux qui ne profitent, une fois encore, qu'à une partie de la population, et où vous encouragez les Français à épargner, vous les appelez à consommer davantage ! Qui peut comprendre ce double objectif ?

Le ministre d'Etat a annoncé un certain nombre de mesures que nous avons qualifiées de « mesurettes ».

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas bien !

M. Didier Migaud, rapporteur. J'ai reproduit en annexe de mon rapport le courrier dans lequel le ministre d'Etat écrit au président de la commission des finances que, si ces mesures ont un effet, elles seront bénéfiques et ne coûteront pas cher et que, si elles n'ont pas d'effet, elles ne coûteront rien non plus ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Piloter ainsi notre pays relève de la légèreté.

Il est d'ailleurs inutile d'encourager le crédit à la consommation avec des outils très sélectifs, qui ne s'adressent qu'à une partie de la population, alors même qu'une grande majorité de nos concitoyens rencontrent justement le problème du pouvoir d'achat et n'ont pas la capacité de consommer. Les encourager à consommer alors qu'ils n'en ont pas les moyens ne saurait avoir d'effets positifs sur l'activité.

M. Jean-Pierre Gorges. Et l'épargne ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Justement ! Vous incitez les Français à épargner pour se protéger, notamment, des effets de votre réforme des retraites.

Nous aurions préféré des mesures plus utiles et efficaces, comme le doublement de la prime pour l'emploi. Nous proposons également une mesure qui, contrairement à ce que vous avez dit mardi, monsieur le secrétaire d'Etat, aurait pu avoir un effet beaucoup plus important que toutes les mesurettes présentées : la remise en place d'un dispositif de TIPP flottante, qui permettrait de plafonner le prix de l'essence et du fuel, et de protéger les consommateurs de l'augmentation déraisonnable des cours du pétrole.

M. le président. Monsieur Migaud, vous avez déjà parlé vingt minutes, ce qui est un moyen terme entre les trente que vous souhaitiez et les dix qui vous ont été imparties. Je vous rappelle également que le temps des séances d'initiative parlementaire est limité et que vous pourrez intervenir à nouveau à l'issue des autres interventions.

M. Augustin Bonrepaux. Laissez-le finir sa démonstration, monsieur le président, c'est intéressant !

M. le président. Tous les orateurs sont intéressants.

M. Jean-Pierre Gorges. Mais les socialistes creusent le déficit du temps de parole !

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous pensons aussi qu'une revalorisation des allocations familiales et des allocations logement pourrait être utile, et que tout cela pourrait être financé par une remise en cause des mesures prises depuis juin 2002, qui se révèlent peu efficaces pour conforter la croissance.

Je formulerai enfin quelques propositions, en regrettant, une fois de plus, ce malentendu particulièrement désagréable sur mon temps de parole.

Nous sommes favorables à l'instauration de certaines règles budgétaires. J'ai longuement exposé dans mon rapport la nécessité de dépasser les propositions inopérantes du ministre d'Etat en matière de comportement budgétaire. Les nôtres, qui nous paraissent plus utiles, se réfèrent au solde primaire et au solde structurel.

Nous pensons également nécessaire d'avoir une ambition et une volonté européennes véritables, sans se contenter d'un discours volontariste.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Migaud.

M. Jean-Marc Roubaud. Il n'a rien à dire !

M. Didier Migaud, rapporteur. Monsieur le président, je vous invite à lire mon rapport et à méditer une proposition qui me semble propre à rassembler tout le monde, pour peu que nous souhaitions tous que nos finances publiques puissent être examinées de façon contradictoire. Lorsque nous sommes minoritaires à l'Assemblée nationale, l'opposition est totalement dépourvue de pouvoir de contrôle et d'investigation sur la situation de nos finances publiques.

M. Louis Giscard d'Estaing et M. Hervé Novelli. C'est faux !

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est vrai ! Pourquoi le nier ? En revanche, lorsque nous sommes majoritaires dans cette assemblée, vos partis sont majoritaires au Sénat et, du fait des responsabilités qu'ils y exercent, bénéficient de pouvoirs d'investigation et de contrôle. Il y a donc dans notre pays un véritable déficit démocratique. Nous sommes un des rares pays au monde - sinon le seul - où l'opposition dépend du bon vouloir du Gouvernement et de la majorité parlementaire pour pouvoir mettre son nez dans l'exécution des comptes publics ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Gorges. Et quand vous étiez au Gouvernement ?

M. Henri Emmanuelli. Quand nous sommes majoritaires, vous avez le Sénat !

M. Didier Migaud, rapporteur. Si vous êtes satisfaits de cette situation, assumez-la ! Sinon, vous demanderez avec moi qu'un membre de l'opposition à l'Assemblée soit investi de pouvoirs de contrôle.

Je terminerai par trois autres propositions que je me contenterai d'énumérer.

Avant que le Gouvernement ne présente à Bruxelles son programme pluriannuel de finances publiques, qui représente les engagements de la France, il est essentiel que ce programme donne lieu à un débat contradictoire à l'Assemblée nationale.

Nous proposons également de revoir le rôle et la composition de la commission économique de la nation.

Nous demandons enfin que l'on instaure un audit annuel des comptes publics, réalisé par la Cour des comptes et publié dans le rapport préliminaire sur l'exécution de l'année précédente.

Mes chers collègues, nous sommes manifestement en désaccord sur les politiques économique, budgétaire et fiscale à appliquer dans notre pays. Votre politique est injuste et inefficace. Le suivi des décisions prises dans un Etat doit fonctionner aussi bien que possible.

M. le président. Monsieur Migaud, veuillez conclure. Vous êtes un parlementaire chevronné et vous devez savoir que dix minutes de temps de parole ne donnent pas droit à vingt-cinq.

M. Didier Migaud, rapporteur. En adoptant ensemble la LOLF, notamment avec Alain Lambert lorsqu'il présidait la commission des finances au Sénat, nous avons tous contribué à une amélioration de la transparence et du contrôle. Il faut cependant aller plus loin car nous ne pouvons nous contenter du déficit démocratique que je viens d'évoquer. Voilà pourquoi nous proposons la création d'une commission d'enquête. Si la vérité ne vous fait pas peur, vous la voterez avec nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Roubaud. Nous n'avons pas de temps à perdre !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, vous avez rappelé plusieurs fois à l'ordre notre collègue Didier Migaud, en lui signifiant que dix minutes n'étaient pas vingt-cinq, ce qui est exact. Je tiens toutefois à attirer l'attention de notre assemblée sur la manière dont est géré le temps de parole lors de l'examen de nos propositions de loi ou de résolution. Pour les séances d'initiative parlementaire, nous avons le choix entre le dépôt d'un texte et un débat. Nous avons opté ce matin pour le dépôt d'une proposition de résolution, mais en pensant - après avoir, d'ailleurs, posé la question lors de la conférence des présidents - que, compte tenu de l'importance du sujet et du travail réalisé par Didier Migaud avec un rapport de près de cent pages, le rapporteur disposerait d'un temps de parole de trente minutes, comme c'est le cas lorsqu'on opte pour un débat.

En théorie, certes, il ne s'agit pas d'un simple débat puisque nous serons appelés à voter sur le passage aux articles. Mais j'observe que la majorité décide systématiquement d'interrompre nos échanges après la discussion générale et exclut tout examen des articles et tout dépôt d'amendement, y compris pour ceux qui ne sont pas d'accord avec nos propositions.

M. Michel Bouvard. C'était pareil avant !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Ça n'a pas changé.

M. Jean-Marc Ayrault. C'est justement parce que cette situation est grave et que le fonctionnement de nos institutions parlementaires connaît trop de blocages que je souhaite que les choses changent. Il y a pour cela des raisons de fond, qui tiennent au rôle de contrôle du Parlement : cela ne concerne pas seulement l'opposition, mais aussi la majorité.

J'ai entendu ce matin, à la radio, que le ministre de l'économie et des finances annonçait un nouveau plan de gel des crédits, qui portera sur l'équipement et touchera même les crédits de la police. Sans doute le secrétaire d'Etat au budget, qui est particulièrement informé, nous dira-t-il que ce n'est pas vrai. Mais on ne sait jamais quelle est la vérité, et c'est bien le problème ! Dans une démocratie digne de ce nom, on doit pouvoir vérifier si ce qui est dit est vrai, ou si c'est pure manipulation médiatique.

M. Michel Bouvard. Tout est notifié à la commission des finances : c'est une obligation de la LOLF !

M. Jean-Marc Ayrault. Je conclus, monsieur le président, en disant...

M. Michel Bouvard. Vous n'avez rien à dire !

M. Jean-Marc Ayrault. ....que la question est grave : si nous connaissons, dans les grandes lignes, la situation des finances publiques et le poids de la dette, nous ignorons ce que le Gouvernement prépare sur une question fondamentale pour la solidarité entre les Français : l'assurance maladie. Maintenant, les choses sont claires : nous sommes convaincus que nous ne saurons rien de ce projet de réforme jusqu'au dernier moment. En effet, il faudra attendre que les élections au Parlement européen soient terminées pour que le conseil des ministres daigne informer les Français, et donc le Parlement, de ses intentions. Ce n'est pas acceptable ! Je tiens à émettre, sur ce point précis, une protestation solennelle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Lundi prochain, le ministre de la santé va parler pendant cent minutes. S'il veut convaincre, il faudra enfin qu'il annonce, au nom du Gouvernement, quel sera le plan pour la réforme de l'assurance maladie. Il devra aussi nous dire clairement si c'est bien lui qui le pilotera et non, à partir du 13 juin au soir, M. le ministre de l'économie et des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur le président du groupe socialiste, je vous rappelle que le temps des séances d'initiative parlementaire est limité.

M. Jean-Marc Ayrault. Je le sais.

M. le président. Comme je l'ai indiqué, M. Didier Migaud pourra répondre, en tant que rapporteur de la commission, à la fin des interventions des orateurs inscrits.

M. Didier Migaud, rapporteur. Je ne m'en priverai pas, monsieur le président !

M. le président. En outre, monsieur Ayrault, vous savez bien que le groupe socialiste dispose de vingt-cinq minutes dans la discussion générale. Chaque groupe doit respecter la règle commune en matière de répartition du temps de parole telle que prévue par la feuille jaune. Il eût été souhaitable que M. Didier Migaud, qui connaît bien le fonctionnement de cette assemblée, ne dépasse pas à ce point son temps de parole. Je lui ai signalé qu'il y avait un moyen terme entre dix et trente minutes. Suite à la décision de la conférence des présidents, il ne fallait pas dépasser une durée d'intervention de quinze à vingt minutes. Sinon, c'est au détriment des autres orateurs, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour quinze minutes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais d'abord rappeler au président du groupe socialiste que pendant les cinq années où nous avons été dans l'opposition, pas une seule de nos propositions de loi n'a dépassé le stade de la discussion générale. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Terrasse. C'est faux ! Il y a eu la loi Bachelot sur l'insertion des handicapés !

M. Henri Emmanuelli. La loi Bachelot, ça vous dit quelque chose monsieur Carrez ? Vous préférez commencer par un mensonge ?... Un mensonge dès la première phrase !

M. le président. Laissez poursuivre M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'ai écouté avec l'attention qu'elle méritait l'intervention de Didier Migaud. Elle m'inspire deux qualificatifs : partiel et partial. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Elle est partielle car la perspective de Didier Migaud, pour apprécier l'évolution de nos finances publiques, se limite aux années 2002-2204. Or, pour porter un jugement serein, équitable et objectif, il faut adopter une perspective plus ample. J'évoquerai donc l'évolution de nos finances publiques depuis 1980.

M. Augustin Bonrepaux. Seulement ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Et pourquoi pas, plus simplement, depuis 1993 ? C'est que cela vous gênerait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette intervention est aussi partiale, car j'y ai relevé des omissions, des erreurs et surtout, plus généralement, ce qui m'étonne de la part de Didier Migaud, une réelle mauvaise foi.

M. Hervé Novelli. C'est décevant !

M. Philippe Auberger. Mais pas étonnant !

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous n'avez qu'à proposer un amendement, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour ma part, je vais essayer de tracer un panorama avec une objectivité totale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est mal parti !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. 1980 est la dernière année où le budget de notre pays a été équilibré. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, cette année-là, l'Etat n'a pas emprunté plus qu'il n'a dépensé en investissements. C'est la dernière fois où l'Etat s'est comporté comme nos collectivités locales, qui n'empruntent que pour financer leurs dépenses en capital.

A partir de 1981, la gauche a installé le déficit dans la maison France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Entre 1981 et 1986, les dépenses publiques ont doublé !

M. Richard Mallié. Scandaleux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elles sont passées de 204 milliards d'euros en 1980 à 412 milliards d'euros en 1986. La dette a explosé ! Elle a bondi de 20 % du PIB, niveau où elle était stabilisée depuis une dizaine d'années, à près de 32 % du PIB en 1986. En plus, nous avons subi le discrédit et l'humiliation d'une dévaluation au milieu de l'année 1983. Il faut le rappeler.

M. Jean-Louis Idiart et M. Augustin Bonrepaux. Et la droite, elle n'a jamais dévalué ?

M. Jean-Louis Idiart. C'est de l'artifice, de la tchatche !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quand nous avons hérité de cette situation, suite au changement de majorité en 1986, il a fallu redresser les comptes. L'année 1987 mérite d'être mise en exergue, car les dépenses n'ont pas augmenté par rapport à l'année précédente. Nous avions redressé la situation. C'est pourquoi les finances étaient redevenues saines lors de l'alternance en 1988. De surcroît, la croissance internationale était au rendez-vous. De ce fait, pendant la période 1988-1991, la croissance a en moyenne dépassé 3 %. Mais il y a eu un véritable gaspillage des fruits de cette croissance, qui ont été dilapidés en dépenses supplémentaires.

M. Hervé Novelli. Quel gâchis !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Souvenons-nous du plan de M. Jospin, ministre de l'éducation nationale à l'époque.

M. Henri Emmanuelli. Parlez-nous d'aujourd'hui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Souvenons-nous aussi de la mise en place de tout un ensemble de guichets sociaux. En conséquence, lorsqu'un retournement de conjoncture s'amorce fin 1991, le gouvernement Bérégovoy se retrouve dans une situation où les recettes ont disparu mais où les dépenses, elles, sont bien là ! Car ce sont devenues des dépenses incompressibles.

Et 1993 a été l'année de tous les abîmes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Ça vous dérange de parler d'aujourd'hui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je rappelle des chiffres qui donnent le vertige ! Lors du changement de majorité au printemps 1993, nous avons pu constater que jamais dans l'histoire de notre République un gouvernement n'avait préparé un budget aussi insincère que pour cette année-là ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Déficit prévu : 170 milliards de francs ; déficit réel : le double, soit 340 milliards de francs ! Déficit des comptes sociaux : 100 milliards de francs ! Déficit de l'UNEDIC : 50 milliards de francs ! Au total, à notre retour aux affaires en 1993, nous nous trouvions face à un déficit qui dépassait 6 % du PIB.

Entre 1993 et 1997, les gouvernements Balladur et Juppé ont mené un travail inlassable de redressement des comptes publics.

M. Richard Mallié. Et la gauche veut nous donner des leçons !

M. Didier Migaud, rapporteur. Non, on constate simplement les chiffres !

M. Henri Emmanuelli. Pourquoi ne pas remonter à Léon Blum pendant que vous y êtes ? Et Sarkozy, où est-il au fait ?

M. le président. Monsieur Migaud, je vous rappelle que vous êtes au banc de la commission et non à la tribune. Quant à vous, monsieur Emmanuelli, je vous demande de laisser M. le rapporteur général poursuivre son intervention. Que cette séance reste calme comme elle doit l'être !

M. Henri Emmanuelli. Le rapporteur général raconte n'importe quoi !

M. le président. C'est votre jugement personnel, que d'autres collègues ne sont pas obligés de partager. Chacun a sa liberté de jugement comme il a sa liberté de parole quand c'est à son tour d'intervenir.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Emmanuelli, vous pourriez au moins reconnaître le travail inlassable de redressement des comptes publics accompli par les gouvernements Balladur et Juppé pour qualifier notre pays à l'euro. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. On voit le résultat : une dissolution !

M. le président. Monsieur le rapporteur général, je vous suggère de ne pas demander son avis à M. Emmanuelli parce qu'il va sauter sur l'occasion !

M. Henri Emmanuelli. Eh oui ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Malgré une conjoncture défavorable, nous avons réussi entre 1993 et 1997 à baisser de trois points nos déficits publics, réduits à un peu plus de 3 % du PIB.

Mis en place à l'été 1997, le plan de relance du gouvernement Jospin s'est avéré efficace. Voilà bien notre différence avec la gauche : nous essayons toujours d'être objectifs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et nous ne sombrons pas dans un sectarisme systématique.

M. Jean-Louis Idiart. Personne ne vous croit !

M. Didier Migaud, rapporteur. Le sourire que vous affichez veut tout dire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je reconnais une nouvelle fois à cette tribune, comme en 1997, que le plan d'accompagnement du retour de la croissance mis en œuvre par le gouvernement Jospin était équilibré. Malheureusement, cette bonne politique économique a été très éphémère. Dès 1998, les défauts socialistes sont réapparus au galop (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Georges Tron. C'est congénital !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...sous la forme du gaspillage des fruits de la croissance pour financer des dépenses supplémentaires.

M. Didier Migaud, rapporteur. Rappelez-nous le taux de croissance en 1998 et en 1999 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mon cher prédécesseur, je vais vous rappeler les chiffres de l'évolution des dépenses publiques : 688 milliards d'euros en 1997, 776 milliards en 2001 dont 30 milliards d'euros uniquement au titre des frais généraux de l'Etat. Voilà la réalité socialiste !

Mon cher prédécesseur, c'est aussi durant cette période qu'est apparue de façon éclatante le manque de sincérité des socialistes dans la politique budgétaire. C'est un point fondamental.

M. Henri Emmanuelli. Eh, monsieur le grand gestionnaire : il y avait 14 % d'inflation quand nous sommes arrivés en 1981 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. A titre d'exemple du manque de sincérité sur les dépenses, je citerai la manipulation honteuse de la débudgétisation du FOREC, qui a permis de dissimuler plus de 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires liées aux 35 heures. C'est un honneur pour nous d'y avoir mis un terme en rebudgétisant l'année dernière le FOREC ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est grotesque !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S'agissant des recettes, je rappellerai la dissimilation honteuse des fruits de la croissance en 1999 - la cagnotte ! Il a fallu que le Président de la République, le 14 juillet 1999, mette en évidence ces excès de printemps pour que Bercy se décide à réagir.

M. Augustin Bonrepaux. Et vous dites qu'il y avait des déficits : c'est contradictoire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La cagnotte, soigneusement dissimulée, a fini par être mise au jour par l'opposition d'alors.

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais le Président de la République était informé chaque semaine de l'évolution des finances publiques ; il n'y avait pas de secret !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La situation est devenue tellement intenable fin 1999 que vous avez cru bon, mon cher prédécesseur, d'aller faire une enquête sur pièces et sur place à Bercy... Pas en juillet 1999, mais en janvier 2000 ! N'était-ce pas un peu tard ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais je l'ai fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ensuite, exactement comme dix ans auparavant au début des années 1990, la conjoncture s'est retournée au début de 2001. Les dépenses sont restées, mais les recettes se sont effondrées. Ce creusement des déficits a abouti aux mêmes conséquences qu'en 1993.

M. Georges Tron. Malgré 27 milliards d'euros de privatisations !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le dernier budget préparé par le gouvernement Jospin, pour 2002, a été totalement insincère ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Vous parlez sans doute de celui de 2003 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je l'ai d'ailleurs dit en juillet 2002, lors de l'examen de la loi de finances rectificative. Rappelons-nous les 2 milliards et demi d'euros de crédits supplémentaires que nous avons dû voter à cause de la sous-estimation des dépenses. Je pense notamment aux primes de noël - pas payées ni budgétées depuis trois ans ! - et à l'aide médicale d'Etat. Je me souviens très bien des chiffres : vous aviez budgété 80 millions d'euros pour l'AME, et il a fallu rajouter presque 500 millions ! Au total, les dépenses sous-estimées ont coûté 2,5 milliards de plus au budget !

M. Henri Emmanuelli. Vous vous amusez pour l'instant, mais vous allez voir la réalité à la fin de 2004 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quant aux recettes, n'en parlons pas. Elles étaient surestimées avec une prévision de croissance irréaliste.

Nous avons eu l'honnêteté de demander aux mêmes magistrats qu'en 1997 de faire un audit des comptes publics en 2002. Vous vous honoreriez en ayant, le cas échéant, les mêmes scrupules. Cet audit, le rapport de MM. Bonnet et Nasse, a mis en évidence que le déficit pour 2002, chiffré par la précédente majorité à 1,4 %, se situait en réalité entre 2,6 et 2,8 %. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur. Non, entre 2,3 % et 2,6 % ! Et nous en sommes aujourd'hui à plus de 4% !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En tout cas, il atteignait 2,6 %.

Ces quelques rappels sont indispensables pour porter une appréciation plus sereine sur les deux années qui viennent de s'écouler.

Comment se caractérise la gestion budgétaire du présent Gouvernement ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Par beaucoup d'injustice et d'inefficacité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Premièrement, par une maîtrise sans concession de la dépense publique.

M. Henri Emmanuelli. Ah que oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La dépense de l'Etat en 2003 est égale à la dépense 2002 plus l'inflation, c'est tout. Et tenue à l'euro près : nous n'avons pas dépensé un euro de plus que les 273,8 milliards d'euros votés par le Parlement.

M. Marcel Bonnot. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela ne s'était jamais produit sous la précédente législature.

M. Didier Migaud, rapporteur. Alors comment expliquez-vous l'aggravation des déficits ? Vous ne tenez pas les dépenses maladie ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le budget 2004 reprendra les dépenses 2003 avec seulement l'augmentation liée à l'inflation, et nous tiendrons ces dépenses. Même chose en 2005.

Je voudrais à ce sujet rappeler toute l'importance de la régulation budgétaire. C'est parce que nous avons mis en réserve 7 milliards d'euros de crédits début 2003 que nous avons pu faire face, par exemple, aux dépenses imprévues liées à la canicule. Ces mesures de régulation, nous avons eu le courage de les prendre ; c'est grâce à elles que nous n'avons pas dépensé un euro de plus en 2003 et qu'il en sera de même en 2004.

Didier Migaud les critique ; or c'est lui, rappelons-le, le père de la régulation.

M. Henri Emmanuelli. Papa ! (Rires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est lui qui a donné une base légale à la régulation. L'inventeur de l'article 14 de la loi organique, c'est lui.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. Georges Tron et M. Richard Mallié. C'est le papa !

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais il n'était pas question de l'appliquer dès le 1er janvier ! Cela n'a aucun sens !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le problème de nos collègues socialistes, c'est qu'ils deviennent totalement amnésiques sitôt qu'ils passent dans l'opposition : ils oublient tout ce qu'ils ont dit ou fait lorsqu'ils étaient dans la majorité.

M. Michel Bouvard. Et pourtant, là, pas besoin de recherche en paternité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il n'est qu'à relire ce que disait Didier Migaud sur la régulation le 21 juin 2001, à l'occasion de la deuxième lecture de la proposition de loi organique relative aux lois de finances : « L'une des principales motivations de la régulation budgétaire est la préservation de l'équilibre budgétaire. Il faut savoir reconnaître cette réalité. » C'est du Didier Migaud dans le texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Meyer. Il faut assumer !

M. Didier Migaud, rapporteur. Je ne renie rien de ce que j'ai dit.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le choix qu'a fait le gouvernement Raffarin était économiquement valable...

M. Jean-Louis Idiart. La preuve !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et politiquement courageux.

M. Henri Emmanuelli. Vous avez oublié d'en parler à la population française !

M. le président. Allons, monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli. On n'a pas pris la même ratatouille que vous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce choix courageux consistait à dire : les dépenses prévues seront exécutées sans dépassement. En revanche, si les recettes ne sont pas au rendez-vous, nous n'annulerons pas de dépenses supplémentaires à due concurrence, sous peine d'aggraver la crise. C'est ce qui a été fait : si le déficit de 2003 s'est accru de 12 milliards d'euros - de 45 à 57 milliards -, cela tient exclusivement au déficit de recettes.

M. Henri Emmanuelli. Ce n'était qu'un galop d'essai !

M. Georges Tron. On croirait vous entendre en 2002, monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli. Oh, ça va, Monsieur Tron ! On est contents que vous soyez arrivé !

M. Georges Tron. Et moi, que vous soyez là !

M. Richard Mallié. Emmanuelli, cela suffit !

M. le président. Chers collègues, je vous demande de ne pas vous apostropher de banc à banc !

M. Henri Emmanuelli. C'est lui qui m'apostrophe, monsieur le président !

M. le président. C'est lui qui, c'est lui qui... Si chacun y met un peu du sien, nous permettrons à M. Carrez de conclure.

M. Henri Emmanuelli. Ils savent qu'ils n'en ont pas pour longtemps, alors ils en profitent ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Allons, monsieur Emmanuelli ! C'est de la provocation.

M. Henri Emmanuelli. Et lorsqu'on m'accuse de dire des conneries, ce n'est pas de la provocation ?

M. le président. Si quelqu'un a dit cela dans cet hémicycle, c'est inadmissible. Mais vous ne pouvez pas non plus provoquer votre collègue Georges Tron...

M. Henri Emmanuelli. Il ne sera bientôt plus là !

M. le président. ...en lui disant qu'il ne sera plus là la fois prochaine.

M. Henri Emmanuelli. Je le répète : c'est lui qui m'a apostrophé, monsieur Raoult !

M. le président. Ici, je suis « monsieur le président ».

M. Henri Emmanuelli. Alors soyez un peu objectif, monsieur le président !

M. le président. J'essaie de l'être.

M. Henri Emmanuelli. Eh bien, vous n'y arrivez pas !

M. le président. Ce n'est pas toujours simple. Mais maintenant, M. Carrez va conclure.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Autre souci : la sincérité de nos prévisions. En 2004, nous avons choisi de retenir une croissance de 1,7 %. C'est sur ce chiffre que nous avons calé nos prévisions de recettes fiscales. Et cela, monsieur Emmanuelli, c'est une donnée objective : tout porte à croire que, grâce aux mesures prises par le Gouvernement, la croissance sera supérieure à ces 1,7 %. Autrement dit, il se passe exactement le contraire de ce qui s'est produit avec les socialistes...

M. Augustin Bonrepaux. Et on voit où l'on en est !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...qui prévoyaient toujours une croissance supérieure à la réalité et se retrouvaient par la suite obligés de réajuster les recettes à la baisse.

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais ce n'est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela a été vrai en 2001 et en 2002.

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais pas avant !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je parle de la période récente, mon cher collègue.

M. Didier Migaud, rapporteur. Quand cela vous arrange ! A l'instant, vous remontiez jusqu'aux années quatre-vingt !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme vous !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Carrez, et veuillez conclure.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le troisième point à souligner, c'est le courage de la présente majorité et de son gouvernement. Les réformes de structures, pourtant à la base de finances publiques saines, qui avaient été différées, faute de courage, par la précédente majorité, sont enfin mises en œuvre : après la réforme des retraites l'an dernier, nous abordons celle de l'assurance maladie et nous avons largement engagé la réforme de l'Etat en osant mettre en place des règles de bonne gestion qui visent à ne pas remplacer automatiquement tout fonctionnaire partant en retraite. Grâce à ces mesures, grâce à la sincérité budgétaire, grâce également à l'amélioration de la croissance, nous pouvons envisager l'exécution du budget 2004 avec un certain optimisme.

Mais, et ce sera ma conclusion, je ne puis m'empêcher de faire part à mon prédécesseur de ma relative déception. Didier Migaud a réalisé un travail fondamental, et ce de façon très objective : la mise au point, avec Alain Lambert, de la loi organique. Je veux rendre hommage, en leur associant du reste Michel Bouvard, à la manière dont nous travaillons, toutes sensibilités confondues, à la mettre en oeuvre. Toutes les questions que nous a posées Didier Migaud à la tribune, et notamment ce qui touche à l'association de l'opposition, ont leur réponse, il le sait parfaitement, dans la loi organique, que nous voulons appliquer.

M. Henri Emmanuelli et M. Didier Migaud. rapporteur. Non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà pourquoi je m'étonne, monsieur Migaud, que vous vous soyez laissé emporter par une démarche de commission d'enquête qui, en fait, n'a pas de sens.

M. Didier Migaud, rapporteur. Je répondrai.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous nous efforçons, à la commission des finances, de faire un travail constructif. Chacun y exprime ses différences. Mais, pour notre crédibilité même, nous devons montrer que nous savons, lorsqu'il le faut, dépasser nos sensibilités politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud, rapporteur. Montrez-le vous-mêmes !

M. Jean-Louis Idiart. Et merci pour les députés qui ne sont pas membres de la commission des finances ! Ils peuvent rester à la maison !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En vous prêtant à cet exercice artificiel, vous affaiblissez en fait cela même que vous voulez démontrer.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je préfère que la séance de ce matin reste une parenthèse dans nos travaux...

M. Henri Emmanuelli. C'est vous qui resterez une parenthèse !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et je vous propose évidemment de rejeter la création de cette commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour quinze minutes.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Quinze minutes ? C'est énorme !

M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas beaucoup !

M. le président. Rassurez-vous, vous avez encore un autre orateur, M. Pascal Terrasse, pour dix minutes.

M. Jean-Louis Idiart. Ils ne supportent pas de nous entendre parler ! C'est pourtant cela, la démocratie !

M. le président. M. Bonrepaux seul a la parole.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette commission d'enquête est particulièrement justifiée : Gilles Carrez lui-même vient d'en faire la démonstration. Il est même remonté jusqu'en 1981, mais en oubliant de parler de ce qu'était l'inflation à cette époque.

M. Henri Emmanuelli. Ah ! Les belles années de l'emprunt Giscard ! L'Etat n'a jamais fait plus mauvaise affaire depuis les assignats sous la Révolution !

M. Augustin Bonrepaux. Pour ma part, je me limiterai aux années quatre-vingt-dix, en citant seulement Alain Juppé, qui jugeait « calamiteuse » la situation que lui avaient laissée M. Balladur et son ministre du budget de l'époque, Nicolas Sarkozy.

Je pourrais aussi comparer les résultats de l'audit de 1997 et de celui de 2002. Tous deux ont été réalisés par les mêmes experts : MM. Bonnet et Nasse. Ils n'ont été contestés par personne, pas plus en 1997 qu'en 2002. Et pourtant, les résultats obtenus par chacun des gouvernements concernés ont été bien différents... En 1997, les perspectives étaient inquiétantes : elles avaient conduit le Président de la République à dissoudre l'Assemblée. Fin 1997, le gouvernement de Lionel Jospin avait ramené le déficit public en dessous de la barre fatidique des 3 %. En juin 2002, les mêmes auditeurs ont présenté un déficit compris dans une fourchette de 2,3 % à 2,6 % du PIB. Personne n'a remis ces chiffres en cause. Mais le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a immédiatement chargé la barque : baisse de l'impôt sur le revenu, accroissement des dépenses militaires, augmentation des reports sur l'année suivante... Le résultat, c'est que, dès la fin de l'année, nous étions passés de 2,6 % à 3,1 %.

La première question que je voudrais poser tant au représentant du Gouvernement qu'à Gilles Carrez, c'est celle de savoir s'ils contestent aujourd'hui l'état des recettes et des dépenses et le niveau du déficit tel qu'arrêtés dans l'audit de MM. Bonnet et Nasse. De deux choses l'une : si vous contestez cet audit, cela justifie totalement la création d'une commission d'enquête qui pourra interroger les auditeurs afin de savoir sur quel point ils ont pu être trompés, comment leur audit a pu être faussé, et de rétablir la vérité ; si vous ne le contestez pas, il faut s'en tenir à ses résultats, autrement dit à un déficit chiffré à 2,6 % fin 2002. Mais arrêtons avec la mauvaise foi...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Appliquez-vous ce principe à vous-même !

M. Augustin Bonrepaux. Si vous retenez ce chiffre, ne cherchez pas à en rajouter. Ou alors, si c'est davantage, c'est que les auditeurs n'ont pas fait leur travail ; auquel cas il faut le reprendre et mettre en place cette commission d'enquête. Mais pour l'heure, vous êtes en pleine contradiction dans la mesure où personne n'a contesté les conclusions de cet audit, qui tablait sur un déficit maximum de 2,6 % fin 2002. Vous en êtes à 3,1 %... Eh bien, assumez ce que vous avez fait au lieu de chercher à remonter à 1981 !

M. Jean-Louis Idiart. Ou à Mathusalem !

M. Augustin Bonrepaux. Car même si l'on remonte à 1981, le résultat final, c'est toujours que le déficit était à 2,6 % fin 2002. Celui-là, nous voulons bien l'assumer. Mais à vous d'assumer la suite, qui est due à votre politique.

M. Pascal Terrasse. C'est le bon sens !

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous plaisez à caricaturer la politique menée tant par le gouvernement Jospin que par les autres gouvernements socialistes. Je veux y opposer la réalité de la politique libérale, injuste et inefficace, conduite par le gouvernement Balladur, sans même parler du gouvernement Juppé. Elle ressemble comme deux gouttes d'eau à celle que vous mettez en œuvre depuis deux ans ; elle repose sur les mêmes choix et produit les mêmes résultats désastreux. Car les décisions prises à l'époque par M. Sarkozy ont contribué à la hausse des prélèvements pesant sur les ménages moyens et modestes. La liste des augmentations intervenues en 1993 est éloquente : la CSG, augmentée de 1,3 % dès le 1er juillet 1993, sans aucune baisse en contrepartie des cotisations ; la taxe intérieure sur les produits pétroliers, augmentée le 1er juillet 1993, puis en janvier 1995 ; la TVA sur les abonnements EDF, passée de 5,5 % à 18,6 % ; la redevance télévision, augmentée de 6 % avec la suppression de l'exonération des non-imposables de plus de soixante ans...

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est la seule année où la recette a été dynamique !

M. Augustin Bonrepaux. Faut-il en rajouter avec ce qu'a fait le gouvernement Juppé, la nouvelle augmentation de la TIPP, celle de deux points de la TVA ? Entretemps, ni Sarkozy ni Juppé n'avaient oublié d'abaisser l'impôt sur le revenu : de 2,9 milliards d'euros, sans oublier la réduction d'impôt pour emploi à domicile, plus que triplée - de 1 982 à 6 860 euros, et vous venez d'en rajouter ! -, les avantages fiscaux pour les propriétaires fonciers, la défiscalisation dans les DOM, la réduction des plus-values immobilières, la baisse de l'impôt de bourse... Parallèlement, les entreprises ont engrangé 18,3 milliards d'euros d'allégements, mais sans aucune contrepartie pour l'emploi. Et vous allez continuer, avec notamment la baisse de la TVA.

En 1995 comme en 2004, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Au lieu de soutenir l'activité économique, le Gouvernement a préféré distribuer des cadeaux fiscaux aux plus aisés ; au lieu d'encourager les plus modestes à la consommation en augmentant la prime pour l'emploi afin de soutenir la reprise de la croissance, au lieu de réduire les inégalités, vous avez fait peser l'effort sur les ménages aux revenus moyens et modestes, sans pour autant contenir les dépenses publiques. Faute d'un soutien à la consommation et à la croissance, les recettes fiscales, en diminution, n'ont pu atténuer le déficit ni la dette. En dépit de plus de 15 milliards d'euros de recettes exceptionnelles de privatisation en 1993 et 1994, le déficit du budget de l'Etat n'a pas été réduit. Cette stabilisation en trompe-l'œil s'est soldée par l'explosion - impressionnante - de la dette publique : 45,3 % du PIB en 1993, 54,6 % en 1995 ! Ce bilan de M. Sarkozy est le résultat de la même politique que celle que vous menez depuis deux ans. Peut-on s'étonner qu'elle produise les mêmes résultats désastreux ? Le nouveau ministre...

M. Jean-Marc Roubaud. Il n'est en poste que depuis deux mois !

M. Augustin Bonrepaux. ...ne peut ni l'ignorer, ni s'exonérer de toute responsabilité. C'est une des conditions du retour de la confiance.

Mais au regard du plan annoncé par le ministre des finances la semaine dernière, nous pouvons craindre pour le pays. Il s'agit, comme l'a expliqué Didier Migaud, d'une série de mesures qui paraissent improvisées, en tout cas prises sans simulation, dont le contenu et les effets comme ceux, par exemple, de l'amnistie fiscale, ne pourront, à l'évidence, redresser une situation économique que vous avez bien compromise. Cette politique d'austérité, d'autant plus grave quand elle concerne l'investissement et particulièrement les contrats de plan, pourrait étouffer le retour encore hésitant de la croissance.

La politique du gouvernement Raffarin est désastreuse. Aujourd'hui, le déficit atteint 4,1 % ou 4,2 %, hors prélèvement exceptionnel sur EDF. L'audit l'avait évalué à 2,6 %, d'où une différence de 1,6 %. Vous voyez : il n'est pas nécessaire de remonter à 1981. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! Entre le 5 mai 2002 et aujourd'hui, donc en deux ans, vous avez réussi l'exploit d'accroître le déficit de 1,6 % et je ne parle pas de l'explosion de la dette !

Vous en êtes totalement responsable ! Je citerai, d'abord, l'augmentation excessive et incontrôlée des dépenses militaires. Sous le prétexte que c'est le domaine réservé du Président de la République, on lui passe tous ses caprices ! On a même peur de contrôler ! Depuis deux ans, nous demandons, en vain, que la Mission d'évaluation et de contrôle puisse contrôler les dépenses militaires. Je viens d'adresser au président de la commission des finances une lettre contenant des propositions concrètes de contrôle qui pourraient faire réaliser des centaines de millions d'euros d'économie. On nous répond que c'est impossible pour cause de secret défense. Comparer la gestion des véhicules civils des trois armes et celle des bâtiments militaires relève-t-il du secret défense ? Pour apaiser notre volonté de parlementaire de mener à bien notre mission de contrôle, on nous donne à contrôler des secteurs comme la journée de préparation à la défense qui représente 200 millions d'euros, une goutte d'eau ! Pourtant, de fortes économies seraient possibles puisqu'un journal satirique, par un simple coup de téléphone, a pu faire annuler une dépense somptuaire de 500 000 euros pour l'aménagement d'un bureau.

Ensuite, les cadeaux fiscaux réalisés dans le seul but de clientélisme, pour respecter les promesses pédagogiques du candidat Chirac, ont réduit les recettes sans avoir aucun effet sur la consommation, ce qui a d'autant aggravé le déficit. Au lieu de tenir compte de ces leçons, le Gouvernement a continué de s'enfoncer dans l'échec en consentant de nouvelles réductions d'impôts au profit des privilégiés ! L'effet sur la consommation n'aurait-il pas été plus important si les crédits ainsi dilapidés avaient été utilisés pour augmenter la prime pour l'emploi et la transformer en un treizième mois ? Cette augmentation du pouvoir d'achat des huit millions de travailleurs les plus modestes n'aurait-elle pas eu un effet certain et significatif sur la consommation, donc, sur la croissance ?

Par ailleurs, des données budgétaires erronées et des gels de crédits remettent en cause le pouvoir du législateur dans ses missions de vote de l'impôt et de contrôle du pouvoir exécutif. Comprenez que l'opposition ne puisse faire confiance ni au Premier ministre, ni au nouveau ministre des finances, au regard du bilan que nous venons de dresser. L'inquiétude naît surtout du manque de transparence des comptes publics, car la gestion de « bon père de famille » dont s'enorgueillit le Gouvernement passe par le mensonge budgétaire. Cette affirmation s'appuie sur une politique de gels et d'annulations de crédits importants qui concernent particulièrement les collectivités locales.

Depuis 2002, le Gouvernement, que ce soit par la voix de Nicolas Sarkozy ou de Francis Mer, tente d'accréditer l'idée d'une préparation et d'une exécution des lois de finances qui n'a qu'un lointain rapport avec la réalité. En 2003, le mensonge s'est décliné en plusieurs temps. D'abord, on a retenu une hypothèse de croissance totalement irréaliste de 2,5 % d'où découlaient des prévisions de recettes fiscales largement surestimées.

M. Georges Tron. Et le budget 2002 ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Le déficit était moindre qu'en 2003 !

M. le président. Monsieur Tron, n'interrompez pas M. Bonrepaux ! Je vais être contraint de lui accorder un temps de parole supplémentaire !

M. Augustin Bonrepaux. En 2002, nous étions à 2,6 % ; aujourd'hui, nous atteignons les 4,2 % ! C'est toute la différence !

Ces prévisions de recettes fiscales ont de plus été immédiatement entamées par la multiplication des cadeaux fiscaux, qui s'ajoutaient aux 5 milliards d'euros déjà votés depuis l'été 2002 : baisse de trois points de l'impôt sur le revenu, baisse de l'ISF, niches fiscales pour l'emploi à domicile avec, en contrepartie, bien sûr, une ponction sur le pouvoir d'achat des plus modestes au moyen du relèvement de la fiscalité sur le gazole. Au total, ce n'est pas, comme le Gouvernement l'affirme, le ralentissement de la croissance qui réduit les recettes fiscales, mais la conjonction de son mensonge non assumé sur la croissance et de ses décisions de politique fiscale injustes et inefficaces. Les recettes fiscales finalement constatées ont été inférieures de 7,5 milliards d'euros aux prévisions.

Les dépenses sont elles aussi fixées dans l'hypothèse d'une croissance affichée de 2,5 %, mais, dès les premiers mois de l'année, le Gouvernement a effectué des gels de crédits importants, et il en va de même en 2004. Dès le 30 septembre 2003, le ministre du budget de l'époque indiquait qu'il proposerait, « de manière à éviter tout dérapage », des gels de crédits, voire des annulations, envisageables dès le début de l'année 2004. Les gels annoncés aujourd'hui par Nicolas Sarkozy portent sur 7 milliards d'euros de crédits rendus indisponibles. Sur un total de 283,66 milliards d'euros de dépenses nettes au budget général, ce sont donc 1,41 % des crédits initiaux de 2004 qui sont gelés. Pour l'essentiel, la justification de ces gels ne repose plus que sur l'écart entre des prévisions mensongères de croissance et la réalité de la situation économique.

M. Jean-Pierre Gorges. Non ! Nos prévisions sont en dessous de la croissance réelle !

M. Augustin Bonrepaux. Vous nous expliquez qu'il est inutile de créer cette commission d'enquête, puisque nous disposons d'informations suffisantes. Peut-être le président de la commission des finances et le rapporteur général sont-ils destinataires de toutes ces informations, mais tel n'est pas notre cas.

M. Jean-Pierre Gorges. Et la commission ?

M. Augustin Bonrepaux. D'ailleurs, elles sont très insuffisantes. Nous avons fait ainsi des découvertes surprenantes... Dans son rapport, le rapporteur spécial des transports précise que, pour lutter contre son désendettement, Réseau ferré de France bénéficierait de 800 millions d'euros, justifiant ainsi l'augmentation de la taxe sur le gazole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette somme, c'est vrai, a été affectée à Réseau ferré de France !

M. Jean-Marc Roubaud. Vous voyez : vous êtes au courant !

M. Augustin Bonrepaux. J'ai pu effectivement constater, à la lecture du budget, que les crédits de maintenance et de renouvellement de Réseau ferré de France avaient augmenté de 75 millions. J'ai alors demandé au directeur général de Réseau ferré de France de quoi il se plaignait. Il m'a répondu qu'en réalité la baisse de la participation de l'Etat au capital était supérieure à l'augmentation de la dotation.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Non !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous communiquerai le compte rendu de la mission d'évaluation et de contrôle qui a interrogé le directeur de Réseau ferré de France.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Je puise mes sources dans les travaux de l'Assemblée, parce que j'y participe, comme beaucoup de collègues d'ailleurs. Donc, de deux choses de l'une, soit c'est l'Etat qui ment, soit c'est le directeur de Réseau ferré de France !

L'opposition n'a aucun budget significatif à contrôler, sinon la santé et les affaires européennes. Les questions traitées par la mission d'évaluation et de contrôle sont de plus en plus limitées. Il faut bien reconnaître qu'elles sont gênantes, donc toujours renvoyées à plus tard. Depuis six mois, nous nous interrogeons sur le sort des contrats de plan et leur financement. On nous renvoie toujours aux travaux du rapporteur spécial du budget de l'aménagement du territoire !

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, si M. Carrez s'est longuement exprimé, je peux en faire autant !

Le rapporteur spécial se hâte si lentement que nous ne connaissons pas encore le résultat de ses investigations. Veut-on réduire les investissements ? Veut-on figer le développement de ce pays, et particulièrement l'équipement des territoires ruraux ? Nous voyons bien, sur le terrain, que les projets sont différés, voire abandonnés, et que les travaux en cours sont gelés ou ralentis faute de crédits. Qui peut nous éclairer sur l'avancée de l'investissement et son effectivité sur les grandes infrastructures ? Quels sont les crédits réellement affectés aux contrats de plan ? Une commission d'enquête permettrait de répondre à ces questions.

Dernière question, ne convient-il pas faire la lumière sur l'utilisation des crédits européens détournés de leur finalité par l'Etat, alors que nous n'avons plus de crédits ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vais couper le micro !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'Etat, allez-vous répondre à cette question importante ? Comment allez-vous remplacer les crédits européens que le Gouvernement a utilisés pour suppléer les crédits de l'Etat que vous avez réduits ? Je prendrai deux exemples : la déviation de Carmaux, route nationale financée par des crédits européens,...

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. ...et le contrat de l'agglomération de Toulouse, également financé par des crédits européens, alors que les crédits en Ariège, dans le Lot et dans le Gers diminuent !

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Vous voyez donc, monsieur le président, que la création de cette commission d'enquête est particulièrement justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Nous sommes réunis ce matin pour examiner une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002, présentée par nos collègues MM. Migaud, Bonrepaux, Ayrault et Hollande.

Première remarque : une niche parlementaire a principalement pour vocation de permettre le débat autour d'une proposition de loi. En effet, si nos collègues de l'opposition veulent revaloriser le rôle du Parlement, il semble parfaitement contre-productif de faire une nouvelle démonstration de leur incapacité à émettre des propositions.

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous en faisons ! Exprimez-vous à leur sujet !

M. Louis Giscard d'Estaing. Une formation qui a vocation à être un parti de gouvernement et qui, en tout cas, l'a été récemment et pour cinq ans, ne peut bâtir sa crédibilité qu'en formulant des propositions alternatives.

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est indigne d'un Giscard d'Estaing !

M. Louis Giscard d'Estaing. C'est vrai en matière de politique budgétaire comme pour la gestion de l'assurance maladie. Nous attendons, dans l'un et l'autre cas, que des propositions claires, cohérentes et réalistes soient formulées par le groupe socialiste. S'il s'agit, en effet, de bâtir l'avenir du pays, c'est là qu'une opposition crédible est évidemment jugée.

M. Didier Migaud, rapporteur. Là aussi, nous avons des propositions ! Il faut les écouter !

M. Louis Giscard d'Estaing. La demande de création d'une commission d'enquête manque manifestement de précision dans son intitulé. Notre collègue Didier Migaud nous demande, en effet, de nous pencher sur la dégradation des compte publics depuis juin 2002. Il convient d'être encore plus précis, monsieur le rapporteur. Se seraient-ils dégradés depuis le 16 juin 2002 ? A moins que ce ne soit dès le 21 avril ? Dans ce cas, la crédibilité de la démarche est évidemment entachée d'un caractère tout à fait partisan.

M. Didier Migaud, rapporteur. Proposez un amendement !

M. Louis Giscard d'Estaing. Elle aurait au moins le mérite de désigner le fait générateur, c'est-à-dire un résultat électoral et non un événement économique ou budgétaire.

Mais la vraie question à laquelle les coauteurs de la proposition auraient dû répondre est en réalité la suivante : depuis quand les comptes publics de ce pays se sont-ils dégradés ? Quelle est l'année de référence ? Gilles Carrez l'a très justement démontré tout à l'heure, c'est sans doute bien 1981, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud, rapporteur. Non ! Cela date du gouvernement Chirac, sous la présidence de Giscard d'Estaing ! Mais, je vous l'ai dit, déposez un amendement !

M. Louis Giscard d'Estaing. Vous savez que, pour beaucoup de Français - comme pour vous, même si elle n'a pas la même signification politique -, ce n'est pas une année neutre ; elle a effectivement marqué le début de cette dégradation des comptes publics. Voilà, monsieur Migaud, une bonne occasion de faire un bon usage du droit d'inventaire.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Louis Giscard d'Estaing. Si cette commission d'enquête venait à être créée, sa première mission serait naturellement de se pencher sur l'exécution de la loi de finances pour 2002.

M. Jérôme Chartier et Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur. L'exécution a été meilleure en 2002 qu'en 2003 !

M. Louis Giscard d'Estaing. Mais, au fait, qui avait construit et présenté devant cette assemblée le budget 2002 ? Laurent Fabius ! Et où est-il, M. Fabius ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous sommes prêts à défendre notre bilan ! Cela ne nous gêne pas !

M. Louis Giscard d'Estaing. Ce serait la première personne que la commission d'enquête devrait auditionner, et je n'ose croire que François Hollande ait cosigné cette proposition de résolution par malice.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Louis Giscard d'Estaing. Je m'interroge tout de même devant vous, monsieur Migaud, sur les raisons pour lesquelles Laurent Fabius a choisi de ne pas siéger à la commission des finances de cette assemblée, alors que la responsabilité des finances publiques lui a incombé jusqu'en avril 2002.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Augustin Bonrepaux. Ce sont de bien pauvres arguments !

M. Louis Giscard d'Estaing. Et le fait est qu'il n'a pas participé au moindre débat budgétaire dans cet hémicycle, depuis juin 2002 : nous nous devions également de le faire remarquer.

M. Didier Migaud, rapporteur. Il vous manque tant que cela ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Certainement moins qu'à vous !

M. Augustin Bonrepaux. Je n'ai jamais eu le plaisir d'entendre Sarkozy s'exprimer en commission des finances !

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. Louis Giscard d'Estaing. Vous nous parlez de sincérité. Mais où est la sincérité quand on bâtit un budget, à la veille d'échéances électorales, sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, alors que chacun sait qu'elle sera très probablement - et c'est malheureusement ce qui est arrivé - inférieure de moitié ?

Vous nous parlez de l'audit des finances publiques commandé par le Premier ministre en 2002.

M. Didier Migaud, rapporteur. Et pour 2003 ? Serez-vous aussi sévère pour M. Raffarin ?

M. Augustin Bonrepaux. Gilles Carrez aussi a parlé de cet audit, monsieur Giscard d'Estaing ! En contestez-vous les résultats ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux, cela suffit maintenant ! Vous vous êtes exprimé, laissez parler M. Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. On nous affirme que l'audit commandé en 2002 par le Premier ministre décrivait une situation moins négative qu'elle ne l'a finalement été à la fin de cette année-là. Mais précisément, c'est la conséquence directe et irréfutable de l'hypothèse que vous aviez retenue pour bâtir ce budget et de l'évolution effective de la croissance en 2002. Car dégradation de la croissance il y a bien eu, tout au long de cet exercice. Le déficit a commencé à augmenter car les recettes étaient de plus en plus inférieures à vos prévisions, tandis que les dépenses avaient été étrangement sous-évaluées ; Gilles Carrez a largement évoqué ce point. Et ce n'est pas faute à l'opposition de l'avoir dénoncé, à l'automne 2001.

Si M. Migaud avait consenti un effort de mémoire et M. Fabius un effort de responsabilité, nous aurions pu faire l'économie de ce débat. Mais il a au moins un mérite.

M. Didier Migaud, rapporteur. Ah !

M. Louis Giscard d'Estaing. En demandant la constitution d'une commission d'enquête, vous nous permettez d'en évoquer deux autres, dont les travaux enrichiraient celle-ci, si elle venait à être constituée.

M. Didier Migaud, rapporteur. Il ne tient qu'à vous !

M. Louis Giscard d'Estaing. Grâce à la commission d'enquête sur le Crédit Lyonnais, on a pu apprendre que plus de 100 milliards de francs d'argent public avaient été engloutis en pure perte, auxquels il faudra ajouter les conséquences financières, pour l'Etat, de l'affaire Executive Life, qui ne date pas non plus de juin 2002, mais bien de 1991 ! Et l'on pourrait ajouter - ou plutôt, malheureusement, soustraire des comptes publics - les montants qu'il a fallu réinjecter dans le GAN ou dans Air France.

M. Didier Migaud, rapporteur. Alors, pourquoi refusez-vous la création d'une commission d'enquête ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Autre commission d'enquête, plus récente, celle relative à la gestion des entreprises publiques a clairement fait apparaître la part de responsabilité dans la dégradation des comptes publics revenant au gouvernement qui a avalisé les investissements désastreux opérés tant à EDF qu'à France Télécom : dans cette dernière entreprise - faut-il le rappeler ? - l'Etat a dû récemment réinjecter 8 milliards d'euros. En revanche, les recettes de privatisation considérables n'ont pas permis de réduire la dette française entre 1997 et 2002, malgré un taux de croissance qui a atteint 4 % pendant cette période.

Les quatre coauteurs de cette proposition de résolution auront ouvert un débat qui nous conduit à examiner objectivement la dégradation de nos finances publiques. Mais qu'ils n'hésitent pas à amender leur demande en remplaçant les mots : « depuis juin 2002 » par les mots : « depuis mai 1981 » !

M. Didier Migaud, rapporteur. D'accord ! Déposez un amendement !

M. Louis Giscard d'Estaing. Ils y gagneraient en crédibilité. A la lecture de l'exposé des motifs et de leurs arguments, on se dit qu'ils en ont décidément bien besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 27 avril, dans son bilan des comptes de la nation en 2003, l'INSEE a confirmé que le déficit public s'élevait à 64,3 milliards d'euros, soit 19 milliards de plus que ne le prévoyait la loi de finances initiale et 4,1 % du PIB. C'est du jamais vu !

Cette situation catastrophique - sauf pour les créanciers de l'Etat - est la conséquence directe des choix politiques de votre gouvernement.

M. Didier Migaud, rapporteur. Bien sûr !

Mme Muguette Jacquaint. A vous croire, toutes vos difficultés seraient dues, d'une part, au bilan du gouvernement précédent...

M. Jean-Marc Roubaud. Eh oui ! Aux 35 heures !

Mme Muguette Jacquaint. ...et, d'autre part, au ralentissement de l'activité économique mondiale, sans que vous en portiez la moindre responsabilité. Il est vain, cependant, de convoquer l'argument de l'héritage lorsque l'on appartient à la formation politique qui concentre le plus de pouvoirs depuis le début de la Cinquième République.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Jalouse ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. D'autant que les faits sont têtus : sur l'exercice 2003, les recettes sont inférieures de 11 milliards d'euros aux hypothèses retenues en loi de finances, et c'est étroitement lié à l'écart entre la prévision de croissance et la croissance effectivement constatée.

M. Didier Migaud, rapporteur. Eh oui !

Mme Muguette Jacquaint. Contre l'avis de tous les observateurs, vous aviez parié sur une croissance de 2,5 %. Or on a frôlé la récession : le PIB a augmenté d'à peine 0,5 %.

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est malheureusement vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Cet écart de deux points entre le virtuel et le réel suffit à mettre en évidence l'ampleur de votre responsabilité. Votre souhait de réaliser un transfert massif de richesses vers ceux qui disposent déjà des plus hauts revenus a plongé le pays dans la rigueur.

Malgré la lourde sanction électorale des 21 et 28 mars, les orientations du début de législature sont pourtant confirmées. L'argument de l'héritage est de nouveau convoqué ; tout est de la faute des 35 heures !

M. Hervé Novelli. Mais c'est le cas !

Mme Muguette Jacquaint. Devant les députés, le mardi 4 mai, M. Sarkozy l'a clairement signifié en déclarant : « Les ministres des finances du FMI sont dubitatifs devant cette particularité française qui coûte 10 milliards d'euros cette année et environ 16 milliards d'euros en 2006. » Il a étonnamment oublié de préciser qu'avec 265 000 emplois créés, les 35 heures ont suscité une baisse des charges budgétaires et une augmentation des ressources de la protection sociale, si bien que le coût effectif est limité à environ 1,5 milliard d'euros, bien loin des 10 milliards annoncés.

M. François Rochebloine. C'est incroyable !

Mme Muguette Jacquaint. Un peu plus de modestie s'impose, car le chômage n'a eu de cesse d'augmenter, au point de tutoyer la barre des 10 %, et, selon les chiffres publiés par l'INSEE début mars, pas moins de 51 700 emplois ont été détruits en 2003 dans notre pays.

Aussi la proposition qui nous est soumise est-elle la bienvenue. Une commission d'enquête permettrait de faire la part des choses et de montrer en quoi, par exemple, la décision de baisser les impôts, dans un contexte quasi récessif, fut une aberration.

Au-delà de l'absence d'impact sur la croissance et l'emploi, l'injustice des choix opérés est manifeste. En effet, la baisse des prélèvements obligatoires a essentiellement ciblé l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, qui représentent respectivement 17 % et 1 % des recettes de l'Etat ; 10 % de Français, les plus nantis, ont capté 73 % de la diminution de l'impôt sur le revenu !

Sur les vingt-sept nouvelles dispositions relatives à l'impôt sur le revenu adoptées en 2003, toutes, hormis le relèvement dérisoire de la prime pour l'emploi - 10 euros par an et par bénéficiaire - présentent un intérêt immédiat pour les contribuables aisés, tandis qu'à peine la moitié d'entre elles sont éventuellement susceptibles d'avoir un impact sur les autres contribuables. Le constat, de ce point de vue, est accablant.

Au demeurant, 2004 sera l'année de la niche fiscale. La création prochaine de nouvelles niches concernant la donation de parents à enfants, le crédit à la consommation ou la transmission des petits fonds de commerce ne le dément pas. Et pourtant, le rapporteur général a osé affirmer que le mouvement de suppression des dispositifs dérogatoires inefficients était enclenché. C'est oublier la modification du régime d'imposition des plus-values immobilières des particuliers, le relèvement du plafond de réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile ou encore le refus de supprimer la disposition qui exonère d'impôt les indemnités de départ touchées par les dirigeants d'entreprise, en dessous d'un plafond de 360 000 euros.

En définitive, cette collection ininterrompue de cadeaux fiscaux destinés, je le répète, aux nantis, aux plus riches, contribue tout à la fois au déséquilibre des comptes publics et à l'explosion du taux d'épargne, puissant révélateur des inégalités économiques et sociales.

A cet égard, je me permets de me référer aux propos tenus par le ministre chargé de la cohésion sociale, le mercredi 28 avril : « Savez-vous que l'inquiétude se mesure au taux d'épargne ? Or celui-ci se situe autour de 18 %, alors qu'il fut un temps, en France, où il n'était que de 11 %. Un point, c'est 15 milliards d'euros dans le circuit économique. »

L'inquiétude se mesure au taux d'épargne, apprend-on ! Or tous les manuels d'économie montrent que le taux d'épargne est d'autant plus élevé que la richesse nationale est mal répartie. Les attaques portées contre les impôts progressifs accroissent ce taux puisque les hauts revenus tendent à épargner la majeure partie des suppléments qui leur sont si généreusement distribués. En revanche, elles n'améliorent pas le pouvoir d'achat de la majorité de la population, qui ne paie pas ces impôts ou n'obtient qu'un supplément de revenus dérisoire.

On nous explique qu'il faut baisser le taux d'épargne. Or, depuis deux ans, via les baisses d'impôts, il est passé de 16 à 18 % ! Demain, avec la promotion des fonds de pensions, le fameux PERP, et, à la clé, des déductions fiscales conséquentes, comment le taux d'épargne pourrait-il diminuer ?

M. Sarkozy a dit qu'il ne voulait pas endosser la responsabilité d'une politique « qui ne conduirait le pays à rien d'autre qu'au désastre financier ». Toutefois, si le Président de la République veut maintenir l'ensemble de ses objectifs contradictoires - baisses des impôts, priorité aux ministères de l'intérieur et de la justice, réduction du déficit public, sans oublier le cap social fixé le 1er avril dernier -, il provoquera le désastre financier tant redouté à Bercy.

On ne peut pas faire du social et demander toujours plus d'efforts à l'immense majorité des salariés. Je pense à l'augmentation actuelle du prix des carburants, ainsi qu'à la précarité de l'emploi qui fait que, dans certaines villes, près d'une famille sur deux n'est pas redevable de l'impôt sur le revenu ! C'est dire la misère qui règne dans notre pays et dont vous portez la responsabilité.

M. Jean-Marc Roubaud. Oh la la !

Mme Muguette Jacquaint. On ne peut pas faire du social, disais-je, tout en continuant à baisser par milliards la contribution fiscale des plus hauts revenus.

M. Jean-Marc Roubaud. On ne peut pas diminuer l'impôt de ceux qui n'en paient pas !

Mme Muguette Jacquaint. Arguant du contraire, le Gouvernement s'est engouffré dans une impasse. Cette politique terriblement injuste, visiblement inefficace, a de surcroît été lourdement sanctionnée par les urnes.

Pour toutes ces raisons, la création d'une commission d'enquête est amplement justifiée et c'est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains soutiendra la proposition de résolution de nos collègues socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est quelque peu surprenant de voir nos collègues socialistes se convertir subitement à l'orthodoxie budgétaire et réclamer ainsi une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002. L'on comprend évidemment qu'ils veuillent se limiter à cette législature et ainsi s'exonérer de toute responsabilité concernant le passé.

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais non, nous sommes prêts à élargir la période !

M. François Rochebloine. Comme si le mauvais état de nos finances publiques datait seulement du 1er juin 2002 et que la dégradation des comptes publics n'était pas le fruit d'une lente érosion de notre rigueur budgétaire qui, elle, date de vingt ans...

Mes chers collègues socialistes, si vous souhaitez examiner la dégradation des finances publiques, il faut avoir l'honnêteté de le faire depuis le début, et accepter d'en porter une large part de responsabilité.

En effet, lors de votre départ du Gouvernement, nombre de mesures n'étaient pas financées, vous le savez bien : la loi Aubry II avec ses 15 milliards d'euros d'allégements de charges pour les entreprises, l'APA, les retraites agricoles, les emplois-jeunes, les multiples structures d'endettement pour cacher la dette, les 8 milliards d'euros de l'EPFR, l'établissement public de financement et de restructuration, les 24 milliards de Réseau ferré de France, les 3 milliards des Charbonnages de France, etc. Bref, ce qui a caractérisé la gestion des finances publiques de 1997 à 2002, c'est d'abord son opacité. Il est un peu facile de s'exonérer ainsi, à peu de frais, de la situation budgétaire actuelle.

Les chiffres que vous donnez sur l'état des finances publiques aujourd'hui doivent être éclairés par les chiffres d'hier. Ainsi, pendant les cinq années de gouvernement Jospin, la dette publique n'a fait qu'augmenter, passant de 750 milliards d'euros en 1997 à 850 milliards d'euros fin 2001. Ainsi, malgré une croissance de 2,8 % en moyenne, la dette s'est accrue de 3 000 euros par habitant, avec un déficit de 44,78 milliards en août 2002, au lieu de 37 milliards en août 2001 et de 41 milliards en 1997. En fait, vous donnez des leçons de bonne gestion alors que, pendant cinq ans, vous n'avez pris aucune mesure significative quant à la réduction du déficit budgétaire !

Nous ne vous suivrons donc pas dans votre tentative, parce qu'elle est partiale et partielle, comme l'a dit Gilles Carrez.

Alors que les années de croissance n'ont pas été utilisées comme il l'aurait fallu pour préparer l'avenir, la situation d'aujourd'hui est effectivement préoccupante, comme l'UDF n'a cessé de le dire, sans malheureusement être écoutée depuis le début de la législature.

M. Charles de Courson. Hélas !

M. François Rochebloine. En octobre 2002, déjà, nous avions prévenu le Gouvernement qu'une hypothèse de croissance de 2,5 % pour 2003 n'était pas réaliste, et qu'il fallait préparer un budget ajustable, qui puisse s'adapter à une croissance plus faible. La prévision se révéla effectivement fausse, avec un des plus faibles taux de croissance depuis des années : 0,5 % en 2003.

La différence entre le taux prévu et le taux réel de croissance pose bien un problème de gouvernance. Aussi ne faut-il pas s'étonner de la perte de confiance des Français en ceux qui les gouvernent. Déjà, en 2002, nous vous avions mis en garde contre la tentation de ce que j'appellerai l'insincérité lors de l'élaboration du budget. Vous nous aviez répondu que c'était pour doper la confiance. Elle fait, malheureusement, toujours défaut.

C'est la dégradation des comptes sociaux qui a nourri le déficit. C'est en particulier celui du régime général avec 10,2 milliards, soit un triplement du déficit enregistré en 2002, qui était de 3,46 milliards. C'est évidemment les 11,1 milliards de déficit de l'assurance maladie qui grèvent les comptes sociaux. Et chaque mois, oui, chaque mois, ce déficit se creuse un peu plus, sous l'effet de l'accroissement très fort des dépenses de santé.

Cette situation n'est une surprise pour personne. Elle est le signe évident que les structures sur lesquelles nous vivons depuis cinquante ans doivent être obligatoirement réformées. Il n'est pas besoin d'être grand clerc de la pensée politique pour constater que rien, ou si peu, n'a été engagé depuis longtemps en ce domaine.

En octobre 2002, le ministre de la santé a présenté un texte qu'il a lui-même qualifié de transition alors que ce n'était point une transition qu'il fallait, mais une action urgente. Nous invitions alors le Gouvernement à aller plus vite. En particulier, nous regrettions qu'un audit n'ait pas été effectué au début de la législature, ce qui aurait permis de dresser un bilan précis de la situation léguée et de fixer le cap pour une nouvelle politique de santé. Nous l'invitions également à s'engager dans une véritable régionalisation pour rendre chacun acteur et responsable du système et pour promouvoir une politique de santé de proximité. Malheureusement, nous n'avons pas été écoutés.

Ce n'est pas moins de réforme qu'il aurait fallu, comme on essaye de nous le faire croire à gauche de cet hémicycle. C'est d'ailleurs toute l'ambiguïté de la proposition de nos collègues socialistes. On les sait attachés avant tout à s'opposer et à dire stop : or il ne suffit pas de vouloir examiner la dégradation des comptes publics, encore faut-il proposer les réformes nécessaires pour traiter le mal. Le parti socialiste n'a pas montré depuis deux ans qu'il était capable de proposer la réforme de structure susceptible d'endiguer la dérive des comptes publics.

M. Didier Migaud, rapporteur. Attendez que nous revenions !

M. François Rochebloine. Mais le Gouvernement, pour sa part, n'a pas pris assez vite la mesure des problèmes.

L'UDF a regretté que l'on n'ait pas mis à profit les six premiers mois du Gouvernement pour proposer aux Français un pacte de réforme, avec un bilan et un objectif publiquement et démocratiquement posés. Il fallait à cette époque profiter du climat de confiance pour parler aux Français et agir.

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est vrai que ça n'a pas duré longtemps !

M. François Rochebloine. La situation est aujourd'hui beaucoup plus difficile puisque l'autorité du Gouvernement pour entreprendre les réformes nécessaires au pays est malheureusement affaiblie.

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est vous-même qui le dites !

M. Pascal Terrasse. Et c'est le moins que l'on puisse dire !

M. François Rochebloine. En fait, nous n'arriverons à rien si nous ne sommes pas capables de travailler ensemble. Jouer avec les chiffres pour les renvoyer sur l'adversaire ne résoudra pas nos difficultés structurelles.

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est vrai !

M. François Rochebloine. En revanche, nous devons être capables, tous ensemble, sans esprit polémique, de mettre en place un plan pluriannuel d'assainissement des finances publiques.

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous n'avons tout de même pas les mêmes idées !

M. François Rochebloine. Si nous relisons les discours des gouvernements successifs depuis de nombreuses années, nous y voyons que chacun accuse le précédent du déficit public qu'il a trouvé en arrivant au pouvoir. Traiter de manière aussi politicienne un problème lourdement structurel est une méthode à bout de souffle et qui, surtout, n'est pas à la hauteur des enjeux.

M. Didier Migaud, rapporteur. Il faut le dire au Premier ministre !

M. François Rochebloine. En effet, le poids de la dette est une question de société et de génération. Si nous n'assainissons pas les finances publiques aujourd'hui, ce sont nos enfants et petits-enfants qui devront payer demain. Avec le poids des retraites, c'est un deuxième fardeau dont nous serons responsables.

Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous jugeons un peu dérisoire cette proposition de résolution. Se jeter sans cesse des chiffres à la figure,...

M. Didier Migaud, rapporteur. L'économie, c'est aussi des chiffres !

M. François Rochebloine. ...accuser l'héritage, stigmatiser l'inaction des uns pour vanter ses propres vertus, tout cela ne va pas dans le bon sens.

Soyons assez responsables pour reconnaître tous ensemble que la situation des finances publiques est grave et que son assainissement est un enjeu qui devrait dépasser les clivages politiques. L'heure n'est plus, si je puis m'exprimer ainsi, aux règlements de comptes. Il est à l'action et à la réforme juste. Ce n'est pas de l'intérêt d'un camp contre l'autre qu'il s'agit, mais de l'intérêt de nos concitoyens et de la France. (M. Charles de Courson applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France et ses responsables politiques - je pense en l'occurrence au Gouvernement - auraient-ils quelque chose à cacher ?

Le Gouvernement souhaiterait masquer à l'opinion publique la situation dans laquelle se trouvent à la fois les comptes publics et les comptes sociaux. Le rapport de Didier Migaud a cela de bon qu'il la met, lui, en évidence.

Depuis deux ans, on constate des dégradations tant structurelles que conjoncturelles.

Je rappelle que, lorsque vous êtes arrivés aux responsabilités, en 2002, vous aviez, à juste titre, souhaité bâtir votre propre projet sur la base d'un audit des comptes publics. Il a été réalisé par ceux-là mêmes qui, en 1997, avaient audité la législature Juppé. Les auditeurs de l'époque se sont fondés sur des comptes connus, que nous avions nous-mêmes critiqués, tant les chiffres évoqués nous paraissaient grossiers.

En réalité, nous nous sommes grandement trompés, et quand on fait le bilan des années 2002, 2003 et 2004, on ne peut que s'interroger sur la sincérité des comptes qui sont votés, ici, à l'Assemblée nationale.

Lorsque Laurent Fabius, en 2002, avait bâti son budget, il s'était fondé sur les chiffres fournis par les agences spécialisées en la matière et par l'INSEE, donc sur une prévision de croissance de 2,5 %. Or, à la fin de l'année 2002, après six mois de gestion de gauche puis six mois de gestion de droite, la croissance s'est révélée de 1,7 %.

Si l'on ne peut vous imputer en totalité la situation de 2002, en revanche, on le peut pour 2003. Vous étiez aux responsabilités et votre projet de budget prévoyait une croissance de 2,5 % également. Nous avons, alors, dénoncé son insincérité. De fait, il a bien fallu le constater, la croissance n'a pas dépassé 0,5 %.

Quant au déficit, dont on sait aujourd'hui qu'il a atteint 64 milliards d'euros, il pèse lourdement sur l'action du Gouvernement.

Penchons-nous maintenant sur les comptes sociaux. Comme un certain nombre de mes collègues, je suis membre de l'ACOSS, organisme chargé du recouvrement des cotisations sociales, qui, depuis quelques mois, tire la sonnette d'alarme : la situation serait extrêmement grave.

Jamais dans son histoire, cet organisme ne s'est trouvé dans une situation aussi dramatique et il nous le rappelle régulièrement.

Oui, la gestion de nos finances publiques est irresponsable, s'agissant notamment de la sécurité sociale. Je vous rappelle qu'en 1999 nos comptes étaient équilibrés. C'est à partir de 2002 qu'il ont accusé un déficit, lequel s'est naturellement creusé.

M. Richard Cazenave. A cause de quoi ?

M. Pascal Terrasse. Certains invoqueront les 35 heures. Selon une étude faite par les hauts fonctionnaires du ministère de la santé et de la sécurité sociale, le protocole hospitalier sur la RTT a eu des conséquences sur les comptes sociaux.

M. Louis Giscard d'Estaing. Un milliard d'euros !

M. Pascal Terrasse. Le coût s'élève à 1,8 milliard d'euros par an et, cumulé, à 3,4 milliards d'euros. Au regard du déficit global, qui est de 16 milliards d'euros, le protocole hospitalier sur la RTT ne contribue que pour 10 %. Telle est la réalité.

Quant aux 15 milliards restants, ils peuvent être imputés à la faiblesse de la croissance, plus faible chez nous, d'ailleurs, que dans la plupart des pays européens.

M. Richard Cazenave. C'est faux ! Nous en avons assez de vos mensonges !

M. Pascal Terrasse. En outre, les mesures que vous avez prises en 2002 en faveur de certaines professions médicales ont pesé très lourd. Je rappelle que l'augmentation des actes médicaux représente environ 680 millions d'euros. Il ne s'agit pas ici de la dénoncer. Mais pourquoi n'avez-vous pas accompagné cette mesure qui représente, mes chers collègues, une augmentation de près de 17 % du pouvoir d'achat par médecin, d'une réelle maîtrise des dépenses d'assurance maladie ? Tel n'a pas été votre choix et nous le regrettons.

M. Richard Cazenave. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Pascal Terrasse. Nous nous retrouvons donc aujourd'hui le dos au mur. En réalité, le glissement des dépenses d'assurance maladie n'a-t-il pas pour objectif de privatiser la sécurité sociale ? Sur ce point, nous attendons de connaître la position du Gouvernement et il ne s'agit pas, comme le disait à l'instant M. Giscard d'Estaing, de connaître les propositions du parti socialiste !

M. Richard Cazenave. Si ! Nous aimerions bien les connaître !

M. Pascal Terrasse. Pourquoi ne pas faire une petite dissolution ? Pour notre part, nous prendrons nos responsabilités ! En réalité, c'est vous qui tenez le manche, pas nous.

M. Richard Cazenave. Cela n'empêche pas l'opposition de faire des propositions !

M. Pascal Terrasse. Aujourd'hui, nous attendons les vôtres. Dans le cas contraire, je le répète, nous prendrons nos responsabilités.

M. le président. Monsieur Terrasse, la dissolution n'est pas une prérogative de la majorité. Donc, ne prenez pas vos collègues à partie et ils ne vous interrompront pas !

M. Pascal Terrasse. Cette situation suscite de nombreuses interrogations. Nous attendons les propositions de ceux qui ont le pouvoir, qui sont aux responsabilités, et nous ne voyons rien venir. Pourquoi ?

Parce que, tout simplement, les élections européennes sont pour bientôt. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et, au regard des résultats catastrophiques des élections régionales et cantonales, il est évident qu'il ne se passera pas grand-chose avant et que le coup de massue viendra après. Nous le regrettons.

M. Richard Cazenave. Vous avez fait preuve d'une indécision structurelle pendant cinq ans !

M. Pascal Terrasse. Il faut maîtriser nos dépenses d'assurance maladie, et le triptyque « dépenses-recettes- gouvernance », sur lequel le parti socialiste fera des propositions en temps voulu (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous permettra de constater que nous avons une solution alternative.

Mme Claude Greff. A quel moment ferez-vous ces propositions ?

M. Richard Cazenave. Après les élections !

M. Pascal Terrasse. Nous attendons les propositions du Gouvernement.

M. le président. Je demande à nos collègues de la majorité de ne plus interrompre M. Terrasse et de le laisser terminer son propos.

M. Pascal Terrasse. Oui, car je vois que cela les énerve !

M. le président. Certes, mais il ne faut pas les prendre à partie !

Terminez, monsieur Terrasse !

M. Pascal Terrasse. Je reprendrai les propos d'un de vos collègues, qui, pour le coup, vont vous terrasser ! Dans son rapport consacré au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, François Goulard affirmait : « Le déficit de l'assurance maladie, soit 11 milliards d'euros en 2003, représente déjà presque 10 % des dépenses annuelles de prestations, l'équivalent de 1,2 mois de ces dépenses. La branche maladie est la principale responsable de la dégradation de la situation du régime général et a concentré jusqu'en 2003 l'intégralité de son déficit.

L'exercice 2 002 s'est en réalité déroulé hors de tout système de régulation et même hors de tout cadre de référence, aucune loi de finances rectificative n'étant venue, en cours d'année, adapter les objectifs et les moyens à l'évolution des dépenses, de la conjoncture économique et de la politique des pouvoirs publics. »

Voilà pourquoi nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation.

Pour ma part, j'ai du mal à comprendre pourquoi, alors qu'il annonce une baisse des cotisations sociales, le Gouvernement envisage une augmentation de la CRDS. Peut-être tente-t-il ainsi de réduire partiellement le déficit de la sécurité sociale ? Tout cela n'est pas sérieux !

Si vous augmentez la CRDS, monsieur le secrétaire d'Etat, vous allez créer ce que l'on appelle un « impôt à la naissance ».

M. Philippe Auberger. C'est vous qui l'avez créé !

M. Pascal Terrasse. Je vous prie de m'excuser, mon cher collègue, mais c'est M. Juppé qui a créé la CRDS en 1995 !

Les jeunes qui naissent aujourd'hui seront obligés dans les années à venir de financer la CRDS. La création de cet « impôt à la naissance » n'est pas acceptable.

Oui, nous devons réformer la protection sociale et ses régimes, oui, nous devons trouver les équilibres budgétaires.

M. Philippe Auberger. Lesquels ?

M. le président. Monsieur Auberger !

M. Pascal Terrasse. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de le dire dans cet hémicycle lors du débat sur les retraites : les mesures que vous prenez pour la caisse nationale d'assurance vieillesse ne sont pas bonnes et creuseront encore le déficit. Vous faites le contraire de ce qu'il faudrait faire.

Aujourd'hui, nous connaissons partiellement les comptes 2004 de la CNAV : ils seront dramatiques, je tiens à vous le dire, comme le sont déjà ceux de l'ACOSS et de la sécurité sociale.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce qui est dramatique, c'est de ne rien faire !

M. Pascal Terrasse. Ce que nous souhaitons en réalité, c'est un audit pour savoir exactement où nous en sommes aujourd'hui.

M. le président. Pourriez-vous conclure, monsieur Terrasse ?

M. Pascal Terrasse. Oui, monsieur le président.

Il ne s'agit pas seulement d'établir une comparaison avec ce qui a été fait dans les années quatre-vingt-un et après, mais de savoir où nous en sommes aujourd'hui et ce qu'il est possible de faire. C'est cela, aussi, la nouvelle gouvernance, donner de la transparence à la vie publique. Ne vous étonnez pas, mes chers collègues, si les gens votent de moins en moins aujourd'hui.

Mme Claude Greff. Surtout pour vous !

M. Pascal Terrasse. Ils ne nous croient plus.

Nous devons nous diriger vers une nouvelle gouvernance qui donne de la transparence à la vie politique et à la vie publique, et nous en sortirons grandis. D'ailleurs, le Parlement aura, dans les années à venir, un véritable rôle à jouer en matière d'auditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Gilles Carrez ayant eu l'occasion de répondre sur le fond quant à l'évolution des comptes publics, je voudrais brièvement, pour ce qui me concerne, m'attacher à la forme que prend la démarche de notre collègue Didier Migaud et aux propositions formulées pour améliorer le contrôle parlementaire.

Je veux tout d'abord lui dire, ainsi qu'à nos collègues de l'opposition, qu'il ne s'agit pas pour moi de contester le droit de l'opposition de critiquer, même sévèrement et injustement, la politique budgétaire du Gouvernement. Ce droit est légitime, il est d'ailleurs nécessaire au débat démocratique. Mais la formule utilisée pour ouvrir ce débat ne me paraît pas être la bonne et constitue un dévoiement de la procédure parlementaire.

Dévoiement, d'abord, quant à l'utilisation de la séance d'initiative parlementaire, dont le but est plutôt de faire aboutir des propositions législatives, comme l'a rappelé à juste titre Louis Giscard d'Estaing.

Dévoiement, ensuite, quant à la demande de création d'une commission d'enquête. J'aurais pu comprendre à la rigueur votre demande, mes chers collègues, s'il s'était agi de créer une mission d'information. Mais la commission d'enquête, ainsi que nous le savons tous, par la forme de ses travaux, avec le secret qui s'y attache, les auditions sous serment et l'éventuelle ouverture de poursuites judiciaires, ne nous paraît pas adaptée à un travail d'analyse et de recherche sur les raisons de la dégradation des comptes publics.

Ne risque-t-on pas, au travers d'une telle demande, de laisser nos concitoyens douter de l'honnêteté de ceux qui ont en charge la gestion du pays, élus ou hauts fonctionnaires, et de leur intégrité ?

M. Augustin Bonrepaux. Ils doutent déjà !

M. Michel Bouvard. Il s'agit à l'évidence d'une mauvaise méthode.

Ne risque-t-on pas, au travers d'une telle démarche, de laisser croire que le Parlement est dépourvu de moyens de contrôle,...

M. Augustin Bonrepaux. C'est le cas !

M. Michel Bouvard. ...alors même qu'ils existent ? Le but de la loi organique sur les lois de finances, dont vous êtes l'un des principaux initiateurs, cher Didier Migaud, et à l'élaboration de laquelle je m'honore d'avoir, comme Gilles Carrez et Philippe Auberger, participé, avant d'avoir aujourd'hui, avec vous-même, la charge de sa mise en œuvre pour le compte de notre assemblée, est de renforcer les moyens de contrôle et d'information.

De plus, certaines dispositions sont d'ores et déjà en œuvre, comme la notification à l'ensemble des membres de notre commission des finances des régulations et gels de crédits. De ce fait, l'observation qui a été faite tout à l'heure tombe à plat.

Nous avons, en outre, plusieurs rendez-vous réguliers pour débattre des finances publiques, d'abord avec le débat d'orientation budgétaire, dont Philippe Auberger aurait souhaité que les travaux préparatoires aient lieu plus tôt. Nous aurions pu en débattre aujourd'hui même si, à l'époque, nous avions retenu cette proposition.

M. Philippe Auberger. Eh oui !

M. Michel Bouvard. Mais il y a aussi le débat éventuel sur le programme pluriannuel transmis à Bruxelles, le vote du budget, le vote de la loi de règlement et, enfin, au moins un collectif par an.

Dans ces conditions, est-il sérieux d'user d'artifices pour avoir un nouveau débat, alors que les chiffres de l'audit de MM. Bonnet et Nasse sont connus ? Ils constituent le socle de la gestion précédente ; à partir duquel a été construite cette gestion, alors que le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances et la situation budgétaire mensuelle sont consultables et nous permettent un suivi en temps réel,...

M. Didier Migaud, rapporteur. Avec un décalage !

M. Michel Bouvard. ...alors que les travaux, enfin, de la commission des finances, avec les notifications de gels de crédits, que j'évoquais tout à l'heure, permettent de disposer de l'ensemble des éléments ?

Sans être plus long sur cette demande de création d'une commission d'enquête, je voudrais citer les conclusions, très intéressantes, de l'audit mené par MM. Bonnet et Nasse en juin 2002 : « Il nous semble que les administrations dans leur ensemble, les corps d'inspection qui en assurent l'autocontrôle, la Cour des comptes, enfin, le Parlement dans son rôle constitutionnel, devraient normalement suffire pour que les citoyens soient périodiquement informés de l'état de leurs finances publiques d'une façon fiable et crédible sans qu'il soit besoin de faire appel à deux magistrats de bonne volonté. Il suffirait que le Gouvernement décide de demander aux quelques administrations qui produisent les prévisions de coopérer pour fournir de façon harmonisée et périodique un dossier soumis à l'appréciation de ces contrôleurs d'un type nouveau, dans des conditions plus sereines que celles auxquelles nous avons dû parfois faire face. »

On voit bien que cette procédure exceptionnelle qui avait été pratiquée par ceux-là mêmes qui avaient eu à la mettre en œuvre paraissait dépassée. La procédure de la commission d'enquête l'est tout autant.

Mais je n'oublie pas, cher Didier Migaud, que le projet de résolution comporte aussi des propositions qui auraient pu faire l'objet d'une proposition de loi, puisque certaines d'entre elles, dans le cadre de cette séance d'initiative parlementaire, auraient pu y trouver leur place d'une manière plus conforme à notre procédure.

Vous proposez qu'un membre de l'opposition de l'Assemblée nationale soit investi des pouvoirs de contrôle dont disposent le président et le rapporteur général de la commission des finances. Nous avions nous-mêmes fait cette proposition lors des débats relatifs à la mise en œuvre de la loi organique et elle n'avait pas été retenue.

Vous proposez ensuite d'assurer un examen contradictoire, suivi d'un débat en séance, du programme pluriannuel des finances publiques transmis à la Commission européenne. Sur ce point, monsieur le président, je citerai les propos de Nicolas Sarkozy, alors député de l'opposition et ancien ministre du budget, le 16 novembre 2000, devant la commission spéciale : « Autre déconnexion tout aussi fâcheuse, celle de la présentation du projet de loi de finances et de l'examen du programme de stabilité par la commission des finances. »

Il ajoutait que Didier Migaud en avait excellemment parlé.

« Mais comment peut-on s'engager vis-à-vis de Bruxelles pour trois ans en prévoyant un simple acte de courtoisie, l'information au Parlement ? Voilà que nous avons le droit de voter le budget et que nous ne pouvons être informés des orientations sur trois ans ! Comment continuer à vouloir dissocier non seulement les calendriers des procédures, mais aussi les méthodes de comptabilisation des déficits ou excédents publics ? »

En clair, l'actuel ministre de l'économie, à l'époque député de l'opposition, réclamait cela même que Didier Migaud demande aujourd'hui.

M. Philippe Auberger. Et qu'il aurait pu mettre en place hier !

M. Michel Bouvard. Il avait d'ailleurs, semble-t-il, souscrit à cette orientation puisqu'il disait que Didier Migaud en avait excellemment parlé.

Malgré cela, cette proposition formulée par l'opposition le 16 novembre 2000 lors des travaux de la commission spéciale a été rejetée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Ils veulent que nous fassions ce qu'ils n'ont eux-mêmes jamais fait !

M. Michel Bouvard. Vous proposez également de revoir le rôle et la composition de la Commission économique de la nation. Pourquoi pas ?

Quant à la proposition d'instaurer un audit annuel des comptes publics, réalisé par la Cour des comptes et publié en mai dans le rapport préliminaire sur l'exécution de l'année n-1, elle paraît quelque peu redondante avec la certification des comptes de l'Etat à laquelle la Cour doit procéder dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bouvard.

M. Michel Bouvard. Bien évidemment, nous sommes favorables à un renforcement du contrôle parlementaire et de nos outils de travail. Je crois que nous pouvons tous nous accorder là-dessus. Mais ce sur quoi nous ne pouvons nous accorder, en revanche, c'est le dévoiement de la procédure parlementaire.

M. Hervé Novelli. Bien sûr !

M. Michel Bouvard. Si le débat sur le déficit public est légitime, il n'avait pas sa place dans ce cadre. C'est la raison pour laquelle nous devons accepter la conclusion de la commission des finances appelant à rejeter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Bien dit ! Quand les choses sont claires, on peut les exprimer rapidement. Il n'est pas besoin de dépasser son temps de parole !

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les socialistes cherchent actuellement à meubler l'espace qui nous sépare des prochaines élections européennes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)...

Mme Claude Greff. Ils s'ennuient !

M. Philippe Auberger. ...et à surfer sur la vague de mécontentement que suscite nécessairement toute politique de réforme audacieuse.

M. Jean-Louis Idiart. Quelle audace, vraiment !

M. Philippe Auberger. C'est dans cet esprit qu'il convient d'analyser leur demande de créer une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002 - cette date n'étant naturellement pas choisie au hasard, comme cela a déjà été excellemment démontré.

Il s'agit en fait d'une grossière opération de diversion (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste), car la situation de notre économie et de nos comptes publics est parfaitement connue, de vous tous et des membres de la commission des finances. Il serait donc inutile et même prétentieux de vouloir faire établir ce qui est déjà connu de tous.

Nos collègues socialistes prétendent que l'on assiste à une dérive grave et sans précédent de la situation économique.

M. Jean-Louis Idiart. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Philippe Auberger. C'est une contrevérité manifeste.

Certes, notre économie a connu en 2003 un net ralentissement de sa croissance. Mais il ne s'agit que d'un ralentissement, ...

M. Jean-Louis Idiart. Parlons plutôt d'un virage mal pris !

M. Philippe Auberger. ...et non, comme certains l'ont prétendu, d'une récession, à l'image de ce que l'Allemagne a connu.

On feint de croire qu'il s'agit d'un problème tout récent et spécifiquement français. C'est tout le contraire. D'abord ce ralentissement s'est fait sentir dès 2001, et surtout en 2002, puisque notre taux de croissance s'est trouvé ramené cette année-là à 1,2 %, quand les socialistes prévoyaient un taux de 2,5 %.

M. Didier Migaud, rapporteur. Pouvez-vous nous rappeler le chiffre de 2003 ?

M. Philippe Auberger. C'est la division par deux à laquelle faisait allusion hier M. le Premier ministre.

Ensuite, ce ralentissement a été observé dans toutes les économies développées. Ses causes sont bien connues : l'éclatement de la bulle spéculative dans le domaine des nouvelles technologies, la chute des marchés boursiers, la baisse consécutive des investissements, le terrorisme international, en particulier les conséquences du 11 septembre 2001, enfin la guerre en Irak.

Rien, absolument rien, n'est indiqué dans la motion socialiste sur les conséquences pour les échanges extérieurs de ces événements, auxquels se sont d'ailleurs ajoutées, depuis, la chute du dollar et la hausse considérable du prix des produits pétroliers. Bref, il s'agit d'un ralentissement mondial qui produit des effets particuliers sur l'Europe et sur la France.

Il est un peu court d'utiliser l'argument des facteurs extérieurs lorsque cela arrange, et de refuser de les prendre en compte lorsqu'on est dans l'opposition. C'est ce que l'on pourrait appeler du « strabisme socialiste ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. La formule aura du succès !

M. Philippe Auberger. D'ailleurs, mes chers collègues, le ralentissement est désormais derrière nous. Nous assistons même à une reprise de la croissance, certes mesurée, mais nette, puisque l'on annonce une croissance positive de 0,5 % pour le premier trimestre et au moins équivalente pour le deuxième. Non seulement l'objectif d'une croissance de 1,7 % inscrit dans la loi de finances pour 2004 est plausible, mais il est tout à fait probable qu'il sera dépassé.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas cela qui va rendre les comptes plus transparents !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous vous étiez pourtant assagi !

Mme Claude Greff. Le voilà qui se réveille !

M. Augustin Bonrepaux. L'orateur s'écarte du sujet !

M. Philippe Auberger. Un objectif de 2 % pour cette année ne parait plus hors de portée, ainsi que l'indique un récent avis de l'OCDE.

Prétendre dans ces conditions mettre en cause la politique économique suivie par le Gouvernement apparaît totalement décalé : ...

M. Didier Migaud, rapporteur. Il n'est donc pas responsable ?

M. Philippe Auberger. ...si la politique économique suivie était aussi désastreuse que le prétendent les socialistes, on ne pourrait certainement pas assister à une reprise de cette ampleur. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Surtout, on ne voit pas ce qu'une commission d'enquête pourrait apporter de plus que ces chiffres et ces faits qui sont absolument incontestables.

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous ne manquez pas d'humour !

M. Philippe Auberger. Par ailleurs, soutenir, comme le font les socialistes, que nous assistons à une grave dérive des comptes publics et que ces comptes sont présentés de façon insincère est également une grossière contrevérité.

La situation de nos finances publiques est bien connue. En ce qui concerne les finances de l'Etat, l'augmentation du déficit public observé en 2003 est liée uniquement, comme Gilles Carrez l'a rappelé tout à l'heure, au ralentissement de la croissance...

M. Didier Migaud, rapporteur. Ce n'est pas vrai ! Pas uniquement !

M. Philippe Auberger. ...et à l'affaissement consécutif des recettes

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous provoquez la baisse des recettes !

M. Philippe Auberger. En revanche, ainsi que l'a montré le rapporteur général du budget dans son rapport sur l'exécution budgétaire de 2003, les dépenses de l'Etat ont été parfaitement tenues en exécution.

M. Didier Migaud, rapporteur. Ce n'est pas vrai !

M. Philippe Auberger. Elles n'ont, ainsi qu'il était prévu, pas augmenté en euros constants.

Certes, le fort déficit dont l'assurance maladie a souffert en 2003 grève les comptes publics, et cette situation préoccupante risque de se reproduire, voire de s'aggraver légèrement en 2004. Mais elle est parfaitement connue de notre assemblée, puisque le plafond de découvert de trésorerie prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale a été porté à 33 milliards d'euros. Et c'est précisément pour y apporter des solutions que nous avons créé une mission de réflexion sur l'avenir de l'assurance maladie, à laquelle participent d'ailleurs un certain nombre de nos collègues socialistes. Dans ces conditions, on ne voit pas ce qu'une commission d'enquête parlementaire pourrait apporter de plus dans ce domaine.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Philippe Auberger. J'appelle donc mes collègues socialistes à participer encore davantage à la mission de réflexion et surtout à y apporter leurs propositions et suggestions, ...

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. Philippe Auberger. ...d'autant plus qu'ils étaient absents, hier, lors de la réunion qui constituait en quelque sorte une phase de debriefing.

M. Michel Bouvard. Oh !

M. Philippe Auberger. Ce n'est qu'ainsi qu'ils apporteront une contribution vraiment utile à l'équilibre de nos comptes.

Dans la motion, il est fait état de la régulation budgétaire qui vient d'être mise en place par le ministre de l'économie et des finances. Son montant - 7 milliards d'euros - est dénoncé. Quoi de plus normal, pourtant, lorsque l'on vit une conjoncture difficile, qui oblige à suivre avec vigilance les comptes publics, de prendre les précautions nécessaires afin de respecter les prévisions initiales ? C'est au contraire l'absence de toute régulation ou son insuffisance qui mériterait d'être relevée et sanctionnée !

Pourquoi les socialistes voudraient-ils que le Gouvernement se prive de ce nécessaire instrument de régulation budgétaire alors qu'ils l'ont eux-mêmes proposé et consacré dans la loi organique relative aux lois de finances, dont ils ont été les initiateurs et les promoteurs ? A la vérité, tout ceci manque singulièrement de cohérence.

M. Didier Migaud, rapporteur. Pas du tout !

M. Philippe Auberger. Enfin, la motion dénonce un manque de visibilité en ce qui concerne le respect de la programmation pluriannuelle des déficits, telle qu'elle a été annoncée à Bruxelles. Notre collègue Michel Bouvard vient en partie de faire justice de cette critique bien mal fondée. Le montant du déficit constaté à la fin de l'année 2003 pour l'ensemble des comptes publics est conforme, à 0,1 % près, à celui annoncé lors de l'examen de la loi de finances à la fin de l'année dernière.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est bien là l'important !

M. Didier Migaud, rapporteur. Bien sûr ! Mais il a été tant de fois modifié !

M. Philippe Auberger. Tout est fait pour maintenir le déficit de l'Etat dans les limites retenues et les prévisions actuelles, en recettes comme en dépenses, permettent d'espérer qu'il en sera bien ainsi.

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous semblez plutôt contents de vous !

M. Philippe Auberger. Le principal risque quant au respect des normes d'évolution des déficits publics - et la commission des finances en est parfaitement informée - réside dans l'exécution, tant en recettes qu'en dépenses, de la loi de financement de la sécurité sociale. La mission d'étude sur l'assurance maladie se penche activement sur ce sujet, ce qui permettra certainement d'y voir plus clair.

On le comprend dès lors, mes chers collègues, cette initiative de demande de création d'une commission d'enquête est une pure opération politicienne de diversion.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.Tout à fait !

M. Philippe Auberger. Opération politicienne car il s'agit d'essayer de frapper l'opinion publique en lui faisant croire que les comptes publics sont mal tenus, ...

M. Augustin Bonrepaux et M. Didier Migaud, rapporteur. C'est la réalité !

M. Philippe Auberger. ...peu clairs, et que le Gouvernement manque de transparence dans ce domaine.

C'est en réalité tout le contraire : ...

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ne nous répond-on pas, alors ?

M. Philippe Auberger. ...la situation financière de notre pays est loin d'être aussi difficile que certains le laissent croire. Elle est de plus parfaitement connue et maîtrisée. Cette commission d'enquête est donc parfaitement inutile. Chacun sait d'ailleurs qu'elle n'a aucune chance d'aboutir : l'exercice est vain !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. En effet !

M. Didier Migaud, rapporteur. Alors, pourquoi vous inquiéter ?

M. Philippe Auberger. Une telle manœuvre politicienne ne peut se comprendre que par le souci des socialistes de masquer l'essentiel (« Ce n'est pas nouveau ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : leur incontestable responsabilité dans la situation actuelle de nos finances publiques, notamment du fait qu'un certain nombre de dépenses n'ont pas été correctement provisionnées (« Eh oui ! » sur les mêmes bancs)...

M. Augustin Bonrepaux. Vous contestez l'audit, ou non ?

M. Philippe Auberger. ...et parce qu'ils se sont refusés à utiliser les recettes de la croissance pour réduire les déficits lorsque la conjoncture nationale, mais surtout internationale, était beaucoup plus porteuse, préférant au contraire dépenser à tout prix - certains diraient même gaspiller - les recettes disponibles.

M. Franck Gilard. Et l'avenir de la France !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Quel gâchis !

M. Philippe Auberger. Alors que la conjoncture est plus délicate et que la croissance demeure fragile, proposer, comme ils le font, de relancer la consommation en augmentant les minima sociaux - puisque c'est la seule suggestion mentionnée la semaine dernière par le premier secrétaire du parti socialiste -, ...

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous l'avez mal écouté, ou mal lu !

M. Philippe Auberger. ...sans préciser d'ailleurs au détriment de quelles autres dépenses - d'éducation, de santé, ou d'autres encore ? -, voilà qui relève de la totale irresponsabilité.

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais non !

M. Philippe Auberger. Peut-être a-t-on uniquement la prétention de les financer par le déficit, ou par l'aggravation d'une fiscalité et de charges pourtant déjà très lourdes ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous-mêmes allez les augmenter !

M. Philippe Auberger. Nous ne savons pas vraiment ce que proposent les socialistes, ...

M. Hervé Novelli. Rien !

M. Jean-Louis Idiart. Nous, nous ne savons pas ce qui se passe dans la tête de Chirac ! Ça change tous les jours !

M. Philippe Auberger. ...nous savons seulement que leurs propositions ne pourraient que ralentir la croissance, aggraver le chômage et accentuer les risques de délocalisation, qui ne sont pas minces.

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous vous croyez à Cannes ? Nous sommes en plein scénario ! Ce n'est que de la fiction !

M. Philippe Auberger. Tout cela est parfaitement inconséquent.

Il convient en outre de rappeler les gros efforts que nous avons fournis, avec la prime pour l'emploi, l'augmentation du SMIC et le RMA, pour mieux rémunérer le travail plutôt que l'inactivité. Or l'augmentation des minima sociaux irait tout à fait à l'inverse de cette politique de développement de l'insertion par le travail.

Aucune raison ni de fond ni de forme ne justifie que cette demande de commission d'enquête soit acceptée. Elle ne mérite que d'être purement et simplement rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. Jean-Louis Idiart. Enfin un libéral qui s'assume ! Les autres se cachent !

M. Jérôme Lambert. Cela ne signifie pas qu'il dit la vérité !

M. le président. Monsieur Idiart, ce n'est pas le moment !

M. Jean-Louis Idiart. Je ne fais que lui rendre hommage !

M. Hervé Novelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui, dans le cadre de la procédure parlementaire dite de « la niche », à l'initiative du groupe socialiste, qui propose de créer une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002.

Avant d'en venir au fond, je souhaiterais vous dire combien j'ai été surpris et - pourquoi ne pas l'avouer ? - choqué par la forme que revêt cette proposition. Et je m'adresse tout spécialement à vous, monsieur Migaud, qui en êtes le premier signataire.

L'article 36, alinéa 12, du règlement intérieur de notre assemblée confie en effet à notre commission des finances l'examen et le contrôle des comptes publics. Le rôle des rapporteurs spéciaux, du rapporteur général, de l'ensemble des membres de la commission, est précisément d'examiner régulièrement la situation financière de notre pays, ce à quoi vous nous proposez de nous livrer, dans un délai assez court, par le biais d'une commission d'enquête.

Je vois dans cette proposition deux manquements graves.

C'est d'abord un déni du rôle de notre commission des finances. Proposer une telle création revient à considérer qu'elle est inutile...

M. Jean-Louis Idiart. Mais non !

M. Hervé Novelli. ...et incapable de juger sereinement et objectivement la situation financière de notre pays. Or elle dispose de moyens de contrôle suffisants.

Rappelez-vous, à la fin de l'année dernière, notre assemblée a repoussé un amendement de notre collègue Jean-Michel Fourgous qui visait à renforcer le contrôle des dépenses par le recrutement d'audits extérieurs. Que n'avons-nous pas entendu à cette époque ! Le 14 novembre 2003, un éminent parlementaire, dont je vous donnerai le nom tout à l'heure,...

M. Didier Migaud, rapporteur. On peut le citer tout de suite !

M. Hervé Novelli. ...ne déclarait-il pas pour repousser cet amendement : « il faut que nous exercions les pouvoirs que la Constitution et la loi nous confèrent, »...

M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait ! Qu'on nous les donne !

M. Hervé Novelli. ...« je suis tout à fait d'accord avec l'idée qu'il faut davantage contrôler, davantage évaluer. » ? Et il poursuivait : « Mais nous pouvons d'ores et déjà effectuer des contrôles sur pièces et sur place, commander des audits extérieurs - la commission des finances en a la capacité -, demander à la Cour des comptes de nous assister dans un délai limité. La question qui nous est posée est donc la suivante : pourquoi n'en usons-nous pas davantage ? Il faut prendre le temps, travailler, convaincre nos collègues. Plutôt que de laisser accréditer l'idée que nous n'avons pas de moyens, commençons par exercer nos prérogatives. »

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est Didier Migaud !

M. Hervé Novelli. L'auteur de ces paroles, pleines de bon sens, c'était effectivement vous, monsieur Migaud,...

M. Didier Migaud, rapporteur. Je ne retire rien ! En quoi est-ce contradictoire ?

M. Hervé Novelli. ...ancien rapporteur général du budget et cocréateur, cogéniteur, allais-je dire, de la nouvelle loi organique portant organisation des lois de finances, la LOLF, que certains ont appelée la loi Migaud-Lambert,...

M. Didier Migaud, rapporteur. En quoi est-ce contradictoire ? Je n'ai toujours pas compris !

M. Hervé Novelli. ...et c'est le second reproche que l'on peut vous faire car tout le travail sérieux qui marque votre volonté de mieux contrôler, de mieux évaluer la dépense publique, tout ce sérieux pâtit de ce dévoiement auquel vous vous livrez en étant le premier signataire de cette proposition.

M. Didier Migaud, rapporteur. Grotesque !

M. Hervé Novelli. Voilà pour la forme et le caractère inapproprié de cette demande.

Je regrette que les propositions que vous nous avez faites en commission des finances concernant le contrôle financier, que vous n'avez pas reprises du reste à la tribune,...

M. Didier Migaud, rapporteur. Si ! Vous n'avez pas entendu !

M. Hervé Novelli. ...ou que vous avez reprises en partie simplement,...

M. Didier Migaud, rapporteur. Non, en totalité !

M. Hervé Novelli. ...et dont certaines sont très recevables, interviennent au détour de ce débat. Elles valent mieux que cette diversion politicienne. Comme l'a souligné M. Bouvard à cette tribune, que ne l'avez-vous fait avant 2001 ? Vous en aviez à l'époque la possibilité.

M. Didier Migaud, rapporteur. J'en ai fait plus que vous en tout cas !

M. Hervé Novelli. Je n'étais pas en situation de le faire, et je le regrette !

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous êtes député depuis quelque temps !

M. Hervé Novelli. J'arrive ! Donnez-moi un peu de temps !

M. Didier Migaud, rapporteur. Non, vous revenez !

M. Hervé Novelli. Venons-en maintenant au fond. Je serais tenté de dire : pas vous, pas ça ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est éculé ! Vous êtes moins drôle que Philippe Auberger !

M. Hervé Novelli. Vous faites état de la dégradation des comptes publics depuis juin 2002. Juin 2002, parlons-en, justement ! C'est la date de la publication de l'audit sur l'état des comptes publics après votre gestion.

Entre la loi de finances initiale de 2002 et la loi de règlement pour cette même année, le déficit des comptes publics a été augmenté de près de 60 % ! Ce dérapage qui, à ce niveau - 49 milliards d'euros contre 30 - s'apparente plus à une glissade, était lié pour sa part principale, nul ne le conteste, à la non-maîtrise des dépenses publiques.

La caractéristique du déficit de 2002, je le répète, c'est l'explosion des dépenses publiques. Celle du déficit de 2003, c'est la baisse de recettes liée à la stagnation économique.

M. Didier Migaud, rapporteur. Pas du tout ! Vous avez volontairement réduit les recettes !

M. Hervé Novelli. Ainsi, on a, d'un côté, un déficit créé par votre incapacité à maîtriser les dépenses, et, de l'autre, un déficit crée par un trou conjoncturel, une quasi-stagnation de notre croissance, à 0,5 %. Vous êtes donc pleinement responsables en 2002.

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous êtes peu courageux, vous n'assumez rien !

M. Hervé Novelli. Nous, à la fin de 2003 et actuellement, notre responsabilité première consiste à capter le mieux possible la croissance qui revient, et c'est toute la différence.

Et s'il y a bien une responsabilité du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2002, c'est de ne pas avoir suffisamment pointé du doigt, dans un souci de cohésion que je comprends, la gravité de la situation que vous nous aviez laissée,...

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous auriez voulu tenir la plume des auditeurs ? Belle leçon de démocratie !

M. Hervé Novelli. ...les multiples bombes à retardement, et je ne parle pas uniquement des 35 heures, qui, aujourd'hui, brident notre croissance, car, en ne soulignant pas suffisamment le caractère négatif de la gestion socialiste,...

Mme Claude Greff. Une « gestion socialiste », ça n'existe pas !

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est une remise en cause de l'audit, alors !

M. Hervé Novelli. ...notre gouvernement s'est interdit d'en tirer très clairement et très radicalement les conséquences devant le pays.

Messieurs les socialistes, vous êtes des tenants involontaires, biologiques, génétiques, allais-je dire, des déficits publics. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Loncle. C'est scandaleux !

M. Didier Migaud, rapporteur. Monsieur le président, il nous traite de malades ! J'élève une protestation solennelle !

M. Hervé Novelli. En effet, vous attachez un caractère vertueux, automatiquement vertueux, à la dépense publique. Ainsi, le déficit est condamné à s'accroître avec vous puisqu'on ne peut pas indéfiniment augmenter les impôts alors que le taux des prélèvements obligatoires atteint dans notre pays un niveau quasi insupportable. Nous pensons, nous, que la dépense publique peut parfois être vertueuse mais qu'elle ne l'est plus lorsqu'elle dépasse durablement la moyenne des pays comparables aux nôtres pour un même service.

En déposant cette proposition de résolution, vous vous comportez comme le Tartuffe de Molière. Prenez garde à ne pas subir le même sort !

Je vous invite bien évidemment, mesdames, messieurs, à repousser cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Migaud, je ne suis pas juge du contenu des propos,...

M. Didier Migaud, rapporteur. Heureusement pour vous !

M. le président. ...je m'intéresse au temps de parole et au climat général de l'hémicycle.

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous sommes génétiquement malades ! Il faut le faire, tout de même ! On aura tout entendu !

M. le président. La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vais pas prendre le contre-pied de ce qui a été dit par mes collègues de la majorité mais, après tout, ce n'est pas plus mal que nous ayons aujourd'hui l'occasion de parler des comptes publics. M. Migaud est partisan d'une opération vérité, faisons donc une opération vérité et, plutôt que de partir dans des circonvolutions de toute nature, donnons des chiffres simples pour rappeler certaines choses, en citant d'ailleurs des propos de l'ancienne majorité.

Deux mots me viennent à l'esprit, monsieur Migaud : amnésie et incohérence.

M. Didier Migaud, rapporteur. On est encore fous !

M. Georges Tron. Pour l'amnésie, je vous donne simplement deux chiffres.

Lors de sa conférence de presse du 21 juillet 1997, M. Strauss-Kahn indiquait que, de 1993 à 1997, les déficits publics étaient passés de 5,6 à 3,6 %, tandis que la croissance moyenne annuelle était de 1,4 ou 1,5 %. En juin 2002, le déficit était de 2,6 %, avec une croissance moyenne annuelle de 2,8 %. Autrement dit, vous avez réussi l'exploit de réduire deux fois moins le déficit avec une croissance deux fois supérieure.

M. Jean-Pierre Gorges. Et voilà !

M. Georges Tron. Je comprends que vous vous inquiétiez des comptes publics ! Vous nous expliquez qu'il faut réfléchir à ce sujet et nous sommes d'accord.

On peut alors se demander si vous étiez pour quelque chose dans cette croissance, comme vous le prétendez. C'est en effet votre seule réponse : nous, nous avons une politique de croissance. Là encore, trois chiffres : la croissance a été de 4 % en 2000, de 2 % en 2001, de 1 % en 2002. Quand la croissance a commencé à faiblir, elle a faibli en France comme partout ailleurs. La seule différence, et M. Novelli, avec le talent qu'on lui connaît, le rappelait tout à l'heure, c'est que vous avez injecté des sommes faramineuses dans des opérations comme les 35 heures, 10 milliards d'euros environ,...

M. Augustin Bonrepaux. Et le chômage ?

M. Georges Tron. J'y viens !

...sans avoir, y compris dans la lutte contre le chômage, de meilleurs résultats que nos voisins.

M. Augustin Bonrepaux. Et les comptes de la sécu ? Il faut tout regarder !

M. Georges Tron. Autrement dit, vous avez réussi l'exploit d'avoir injecté beaucoup plus d'argent pour avoir le même différentiel de chômage, et en ayant le sentiment de mener une politique volontariste en matière de croissance, alors que les chiffres que je viens d'indiquer ont parfaitement démontré le contraire.

Le déficit de 2002 montre bien que vous avez sacrément dérapé, de 60 %, Hervé Novelli l'a rappelé.

Second point : l'incohérence.

S'inquiéter des comptes publics, pourquoi pas ? On peut tous s'inquiéter des comptes publics, le secrétaire d'Etat lui-même, j'en suis profondément convaincu, s'en inquiète également. Mais ce qui est tout à fait frappant, c'est que vous ne remettez nullement en cause la politique de la dépense publique qui est au cœur même de tout ce que vous faites et de tout ce que vous préconisez encore aujourd'hui.

Mme Claude Greff. Tout à fait vrai !

M. Georges Tron. Lorsqu'on a eu la chance d'avoir une cagnotte de 150 ou 200 milliards de francs...

M. Jean-Louis Idiart. Pas la chance, le talent !

M. Georges Tron. ...et 27 milliards d'euros de recettes de privatisations, soit plus que M. Juppé et M. Balladur, privatisations sur lesquelles vous semblez d'ailleurs changer de point de vue, et qu'on en a dilapidé les deux tiers dans des dépenses de fonctionnement courant, on est bien mal placé pour donner des leçons de gestion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour vous, la dépense publique est sanctuarisée par définition. On comprend donc pourquoi vous dérapez.

De telles dépenses publiques, au demeurant, je le signale au passage, inquiétaient quelques-uns de vos prédécesseurs. M. Strauss-Kahn, c'est ma boussole aujourd'hui, a longuement expliqué, à propos du projet de budget 1999, qu'un des grands problèmes de la France de demain était la rigidification de la dépense, avec en particulier l'augmentation de la part de la masse salariale et des pensions : 45 % en 1980, plus de 56,7 % en 2004. C'est sans doute pour cette raison, mes chers amis, qu'en 2000, 2001 et 2002, 50 000 fonctionnaires supplémentaires ont été embauchés...

L'incohérence se trouve enfin dans votre absence totale de courage. Sur la retraite, on sait à quoi s'en tenir. Sur l'assurance maladie, on le verra bientôt. Quant à la réforme de l'Etat, vous auriez pu faire preuve d'un tout petit peu de cohérence et de logique. Il est en effet nécessaire de repenser le mode de gestion de la fonction publique, ce à quoi s'attache ce gouvernement, comme l'a fait le précédent. En tant que rapporteur de la MEC l'année dernière, j'avais eu l'occasion de présenter des propositions à ce sujet. Elles étaient révolutionnaires,...

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous êtes bien prétentieux !

M. Georges Tron. ...on repensait simplement quelques organismes de l'Etat. L'opposition constante du parti socialiste sur ce sujet nous a démontré qu'il n'avait pas changé.

Bref, un peu d'amnésie, beaucoup d'incohérence...

M. Didier Migaud, rapporteur. On est malades ! Encore !

M. Georges Tron. Je comprends, monsieur Migaud, qu'avec beaucoup de fierté, vous nous proposiez aujourd'hui de réfléchir aux comptes publics. Nous y réfléchissons mais, comme M. Novelli tout à l'heure, je vous réponds : pas vous, pas ça ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si les travaux de cette commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics portaient sur une période débutant en 1981 et avaient pour ambition non pas de marteler des vérités et des contrevérités mais de chercher à remédier à l'attirance de la France pour la dépense publique, alors oui, je la soutiendrais (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), mais hélas, trois fois hélas, nous sommes très loin de cette ambition, et cette proposition n'est malheureusement pour certains que l'occasion de marteler des slogans trop souvent éloignés de la vérité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous ne cessez de répéter à nos compatriotes que la dépense publique est vertueuse. Mais nous sommes arrivés à un niveau de dépenses publiques qui porte atteinte non seulement au pouvoir d'achat des Français mais également à leur emploi.

M. Hervé Novelli. C'est vrai.

M. Philippe Rouault. Insupportable !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Toutes les comparaisons européennes le montrent, les pays qui sont descendus au-dessous de 5 % de taux de chômage ont pris des mesures de redressement de leurs dépenses publiques. Hélas ! cette ambition n'était pas la vôtre.

Personnellement, je souhaite qu'on accentue encore notre effort de transparence et de vérité.

M. Augustin Bonrepaux. Nous attendons des réponses !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Dans cette optique, je propose à la commission des finances de constituer un observatoire, pour les prochains mois et pour les prochaines années, de l'évolution de la dépense publique locale. Je n'accepterai pas que la dépense publique locale augmente fortement du fait des promesses qui ont été faites ici ou là et que nous en supportions l'impopularité.

M. Jean-Louis Idiart. C'est politicien !

M. Augustin Bonrepaux. Vous transférez les charges et vous voulez bloquer les dépenses ?

M. le président. Je vous en prie, laissez M. Méhaignerie s'exprimer.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Monsieur Bonrepaux, je suis un élu local, comme vous.

M. Augustin Bonrepaux. Reconnaissez qu'on transfère des charges sans contrepartie !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Des engagements ont été inscrits dans la Constitution. Ils devront être respectés.

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. Jean-Louis Idiart. Tu parles !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je constate simplement que des promesses irraisonnées ont été faites et que le procès d'accusation en responsabilité est déjà instruit contre le Gouvernement. Je ne l'accepte pas. Je propose donc à mes collègues de créer un observatoire chargé de vérifier l'évolution des dépenses locales, ville par ville, département par département, région par région, pour que les Français sachent qui est responsable de quoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, le débat de ce matin a été intéressant, passionnant, parfois passionné, mais la situation de nos finances publiques ne doit pas se prêter au petit jeu de la polémique. Elle devait plutôt nous inciter collectivement, Gouvernement et Parlement, à agir.

L'état de nos comptes publics pour 2003 et les prévisions pour 2004 sont bien connus et le Gouvernement considère, comme le président de la commission des finances, le rapporteur général et une majorité d'entre vous, qu'une nouvelle évaluation réalisée par un audit n'apporterait aucune valeur ajoutée.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Bien sûr !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Ce qui importe désormais au Gouvernement et à la majorité qui le soutient, c'est de nous organiser et d'agir pour tenir nos objectifs, le rapporteur général l'a souligné tout à l'heure.

M. François Loncle. Il serait temps !

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'était pas le cas jusqu'à présent ?

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Bonrepaux, je ne me suis pas permis de vous interrompre tout à l'heure, et pourtant ce n'était pas l'envie qui m'en manquait ; je vous prierai donc d'adopter une attitude similaire.

Sans aller jusqu'à reprendre l'expression utilisée avec talent ce matin par certains, notamment M. Tron, « pas vous, pas ça », j'aimerais faire une mise au point.

La responsabilité que l'opposition porte dans la dégradation des comptes publics...

M. Jean-Marc Roubaud. Elle est colossale !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. ...ne fait pas de vous, messieurs, les mieux placés pour porter un regard objectif et crédible sur la situation actuelle.

M. Philippe Rouault. Ils sont très mal placés !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Comme beaucoup d'orateurs de la majorité l'ont rappelé, votre action d'hier rend assez peu recevables vos critiques d'aujourd'hui.

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous êtes bien prétentieux !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Et je partage l'étonnement exprimé par François Rochebloine et Hervé Novelli sur la démarche même adoptée ce matin.

Quelques rappels objectifs devraient pourtant vous inciter à une certaine forme d'humilité.

Depuis 1981, Louis Giscard d'Estaing l'a rappelé, vous avez durablement installé la France dans le déficit. Le dernier budget préparé par le gouvernement Jospin, M. Terrasse a oublié d'en parler mais de nombreux collègues s'en souviennent, a dérapé de 50 %. En juin 2002, le déficit budgétaire était supérieur à son niveau de 1997. L'audit donnait 44,6 milliards en juin 2002 et 41 milliards en 1997. La dette publique a crû de plus de 150 milliards d'euros entre 1997 et 2002.

La quasi-totalité des grandes entreprises publiques, je l'ai constaté lorsque j'étais responsable des transports, étaient lourdement endettées : Louis Giscard d'Estaing l'a rappelé tout à l'heure, 70 milliards d'euros rien que pour France Telecom, entreprise chère à tous les Français.

M. Jean-Marc Roubaud. Et Air Lib ?

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Nous pourrions parler d'Air Lib, de la SNCF, aujourd'hui dans l'actualité ; les exemples ne manquent pas.

M. Richard Cazenave. D'Air France.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, monsieur Bonrepaux, la cruelle vérité, c'est que le gouvernement Jospin, que vous avez soutenu, a dégradé de manière structurelle les comptes publics de 1997 à 2002.

M. Didier Migaud, rapporteur. Ce ne pas vrai du tout !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. L'amélioration du déficit public de 1998 à 2001 n'était qu'apparente puisqu'elle ne reposait que sur des recettes conjoncturelles, donc exceptionnelles.

M. Hervé Novelli. Exactement !

M. Didier Migaud, rapporteur. Ce n'est pas vrai !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Si on neutralise les facteurs exceptionnels, le déficit structurel s'est dégradé de 0,3 point de PIB en 1999, de 1,3 point en 2000 et de 0,8 point en 2002. Les comptes publics s'étaient ainsi sévèrement dégradés, et M. Tron l'a rappelé avec talent, au moment où s'amorçait le retournement conjoncturel.

Ce rappel était utile.

M. Didier Migaud, rapporteur. Il est surtout faux !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Nous ne le nions pas, mesdames, messieurs les députés : la situation des comptes publics est difficile. Nous devons nous employer à la redresser, avec détermination.

Depuis 2002, le déficit public est excessif, le Gouvernement le sait. Le besoin de financement des administrations publiques s'est établi à 3,1 % du PIB en exécution 2002, au-delà, hélas ! de l'engagement que nous avions souscrit auprès de nos partenaires européens. Le déficit public pour l'année 2003 a dépassé le seuil de 4 %. Cette situation ne peut évidemment pas nous satisfaire.

M. Philippe Rouault. Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Je noterai que nous ne sommes pas les seuls en Europe à connaître des difficultés, sans que ce constat soit d'ailleurs de nature à nous rassurer. Nous avons été rejoints, dans cette série malheureuse de pays qui ont un déficit supérieur à 3 % du PIB, par l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, qui nous ont pourtant donné des leçons, le Portugal, la Grèce, sans compter un pays qui n'est pas dans la zone euro, le Royaume-Uni.

La dégradation des finances publiques a des causes à la fois conjoncturelles et structurelles.

L'origine conjoncturelle ne peut pas être contestée, c'est le ralentissement de la croissance : 1,2 % en 2002 et 0,5 %, c'est-à-dire presque la stagnation, en 2003. Ce ralentissement pèse naturellement sur les recettes fiscales, les commissaires aux finances le savent bien. En 2003, les moins-values fiscales ont excédé les prévisions de la loi de finances de près de 9 milliards d'euros, ce qui est une somme considérable.

L'origine structurelle ne peut pas plus être ignorée : vous avez mené une politique budgétaire procyclique en phase haute du cycle économique, avec des baisses d'impôts non financées et des dépenses nouvelles, masquées par des plus-values de recettes exceptionnelles. En clair, nous payons aujourd'hui le fait que la majorité et le gouvernement précédents ont dilapidé les fruits de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Exactement !

M. Richard Cazenave. C'était une bombe à retardement !

M. Augustin Bonrepaux. Et la baisse de la taxe professionnelle, vous l'avez financée ?

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Vous bénéficiiez de la période de croissance la plus faste depuis les années 70 mais vous ne l'avez pas mise à profit pour restaurer l'équilibre des finances publiques et procéder, ce que vous faisons actuellement, aux réformes structurelles nécessaires.

M. Gilbert Meyer. Eh oui, il faut assumer.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Quand la conjoncture s'est retournée, en 2002, nos finances publiques étaient dans un état critique. Nous avons dû essayer de redresser la situation.

M. Didier Migaud, rapporteur. Vous n'y êtes pas arrivés.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Ces faiblesses et ces rigidités, qui nous empêchent de profiter pleinement de la croissance mondiale, ne sont pas une fatalité. Avec le concours de sa majorité, le Gouvernement s'emploie à redresser cette situation avec détermination. Nous en reparlerons bien sûr dans quelques semaines, notre politique budgétaire doit nous permettre le meilleur réglage possible face aux déficits auxquels nous devons faire face.

Nous avons conduit une politique budgétaire responsable et équilibrée, qui combine ce que les économistes appellent le jeu des stabilisateurs automatiques, pour ne pas compromettre la croissance, et l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat, qui était indispensable.

Le Parlement le sait, en 2003, le Gouvernement n'a pas dépensé en exécution un euro de plus que le montant des crédits votés par le Parlement, soit 273,8 milliards d'euros. Et il en sera de même en 2004. C'est d'ailleurs, comme l'a judicieusement rappelé Philippe Auberger, le but des réserves de précaution - jurisprudence Migaud - que nous avons constituées.

M. Philippe Rouault. Et le respect du Parlement.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Et le respect du Parlement, qui est aussi important, M. Migaud voudra bien l'admettre.

M. Didier Migaud, rapporteur. Je l'admets volontiers.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Le souci de mettre un terme à de prétendues dérives des comptes que vous manifestez aujourd'hui aurait d'ailleurs dû vous conduire à appuyer au lieu de critiquer cette démarche de régulation.

Comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy la semaine dernière, nous rétablirons la confiance en mettant en œuvre une stratégie claire des finances publiques. Nous voulons doter la France de règles de comportement budgétaire contraignantes et pluriannuelles. La plupart de nos partenaires européens ne nous ont d'ailleurs pas attendus pour instaurer de telles règles.

Nous souhaitons que les dépenses de l'Etat n'augmentent pas en volume et, comme l'a rappelé le ministre d'Etat la semaine passée, qu'en cas de recettes supérieures aux prévisions, le partage du surplus entre la réduction du déficit et la baisse des impôts suive une règle, variable selon le poids de la dette et le niveau du déficit, mais déterminée à l'avance et parfaitement connue en particulier de la représentation nationale.

Nous devons avoir des règles claires de comportement. Nous devons, comme la majorité le fait, voter les réformes de structure qui ont été longtemps repoussées, cela nous permettra de renforcer notre potentiel de croissance et de redresser nos comptes sociaux, dont beaucoup d'entre vous ont parlé. C'est pourquoi le Gouvernement va mettre en place la réforme de l'assurance maladie, après avoir, avec le concours de sa majorité, mis au point la réforme des retraites.

Cette ligne de conduite nous permettra, en 2005, de respecter l'engagement européen d'un déficit public égal, ou inférieur, à 3 % du PIB. Elle doit aussi nous permettre de stabiliser, en 2006, le poids de la dette en proportion de la richesse nationale.

Vous avons le souci de la visibilité et de la transparence, et je crois que cette attitude rend un peu vaines certaines critiques que j'ai entendues ce matin ainsi que cette demande d'audit des comptes publics.

Les comptes pour l'année 2003 ont été publiés mi-mars, avant les élections régionales et cantonales, et nous avons annoncé le déficit public de 2003. Ils ont été notifiés à la Commission européenne, qui les a validés. L'INSEE a confirmé ces informations au mois d'avril. Les choses sont donc claires.

S'agissant de 2004, nous ne pouvons faire que des prévisions. Nous avons fait avec la commission des finances une prévision de croissance du PIB extrêmement prudente de 1,7 %, en phase avec le consensus des économistes et des observateurs. Le Premier ministre l'a évoqué hier après-midi lors des questions d'actualité, nous avons eu connaissance hier matin des résultats de l'INSEE qui nous indiquent une croissance, au premier trimestre, de 0,8 %. C'est mieux que ce que nous attendions. Ce chiffre très encourageant nous laisse à penser que la croissance sera plus proche de 2 % que de 1,7 % et c'est une bonne nouvelle.

M. Richard Cazenave. C'est une bonne nouvelle pour la France, mais pas pour les socialistes, semble-t-il !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Ce chiffre, monsieur Migaud, montre également que la croissance française est nettement supérieure à celle de la zone euro depuis le milieu de l'année 2003.

M. Richard Cazenave. C'est curieux, ça ne les réjouit pas !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Cette croissance va nous permettre, madame Jacquaint, d'obtenir de meilleurs résultats en matière d'emploi et de relancer la politique de recrutement.

M. Didier Migaud, rapporteur. Ce n'est pas vrai.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Pour le déficit public, le Gouvernement table sur un chiffre de 3,6 %, conforme à nos engagements.

Bien entendu, il serait malhonnête de prétendre qu'il n'y a pas d'incertitudes.

Nous ne connaîtrons les rentrées fiscales avec un peu de précision, et notamment celles de l'impôt sur les sociétés, qu'au mois de juillet. Nous devons donc rester prudents. Mais nous avons une exigence de vérité et de transparence. Nous sommes sous le regard, critique, de la Commission européenne et sous le contrôle, légitime, du Parlement. Le débat d'orientation budgétaire nous permettra d'informer les parlementaires de l'orientation des finances publiques et de l'évolution de l'économie nationale.

Autre gage de transparence, monsieur Migaud, nous veillons à informer en temps réel les commissions des finances des deux assemblées. Le jour même de l'envoi des lettres de mise en réserve de crédits, la commission des finances a été destinataire de ces informations.

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est la loi !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. En effet, et M. Bouvard a rappelé la bonne volonté du Gouvernement en la matière.

M. Didier Migaud, rapporteur. Heureusement !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Nous informons la commission des finances de la situation hebdomadaire des recettes et des dépenses, comme nous devons le faire.

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous n'avons pas ces informations, nous.

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. En outre, chaque fois que le président de la commission le souhaitera, et il l'a fait il y a quelques jours, aussi bien Nicolas Sarkozy que moi-même viendrons nous expliquer devant la commission des finances.

Nous ne devons donc pas nous laisser entraîner sur le chemin de la polémique.

Si j'ai bien compris, monsieur Migaud, vous voudriez que la programmation pluriannelle des finances publiques fasse l'objet d'un examen contradictoire de la commission des finances. Je vous avoue ma perplexité. En effet, cette programmation est portée à la connaissance des parlementaires puisque, en application de l'article 50 de la LOLF, elle est annexée au rapport économique et financier, lui-même annexé au projet de loi de finances. La représentation nationale est donc parfaitement informée avant même que le Gouvernement ne transmette le programme de stabilité à Bruxelles. Ces données ne sont pas exclues du débat budgétaire.

Mesdames, messieurs les députés, je ne veux pas retenir plus longtemps votre attention. Vous connaissez les objectifs économiques et politiques du Gouvernement,...

M. Georges Tron. Ils sont très clairs !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. ...que la majorité soutient. Naturellement, monsieur le président de la commission des finances, le Gouvernement entend suivre votre avis et demande donc le rejet de cette inutile proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (« Encore ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. le rapporteur va répondre aux différents intervenants, comme le lui permet le règlement, dans un temps raisonnable.

M. Didier Migaud, rapporteur. Je serai en effet raisonnable, monsieur le président, mais certains des rappels que je vais faire risquent de déplaire à mes collègues de la majorité, auquel cas ils trouveront peut-être le temps un peu long.

M. le président. Ils ne vous interrompront pas !

M. Didier Migaud, rapporteur. Cela, je n'en suis pas sûr !

J'ai écouté avec attention les orateurs, ainsi que vous, monsieur le secrétaire d'Etat. Je suis surpris que l'on puisse reprocher à un groupe parlementaire de faire des propositions de constitution de commission d'enquête, ou tout au moins que cela soit interprété comme une marque de défiance à l'égard de l'Assemblée nationale. Que je sache, les commissions d'enquête font partie des commissions pouvant être mises en place, et nous sommes tout à fait dans notre rôle lorsque nous en proposons la création. Je renvoie ceux de nos collègues qui ont été choqués par cette procédure aux textes qui régissent les pouvoirs publics.

La demande de création de cette commission d'enquête n'est pas non plus une marque de défiance vis-à-vis de la commission des finances.

M. Jean-Pierre Gorges. Ah bon !

M. Didier Migaud, rapporteur. J'ai suffisamment exercé, avec d'autres, les pouvoirs de celle-ci pour ne pas prendre des initiatives qui pourraient les remettre en cause, mais il faut lire le règlement jusqu'au bout, monsieur Novelli ! En effet, la commission des finances a pour compétences les recettes et les dépenses de l'Etat, ainsi que l'exécution du budget. Or ce que nous souhaitons, c'est que la commission d'enquête se préoccupe également des comptes sociaux. Notre proposition doit être interprétée comme une marque de confiance à l'égard de l'ensemble de l'Assemblée nationale, car nous estimons indispensable que des collègues membres d'autres commissions puissent participer à cette commission d'enquête.

M. Jean-Louis Idiart. C'est normal !

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est vous qui êtes d'une méfiance absolue à leur endroit !

M. Jean-Louis Idiart. Ils sont frileux !

M. Didier Migaud, rapporteur. Quant à moi, je n'ai pas la prétention de considérer que seule la commission des finances doive avoir connaissance de l'ensemble de nos comptes publics. Donc je ne comprends pas votre argumentation, que je trouve totalement déplacée.

Je ne reviendrai pas sur ce qui serait la « maladie génétique », la maladie mentale des socialistes. A entendre Hervé Novelli, il faudrait que nous subissions un examen psychiatrique, parce que nous serions malades.

M. Jérôme Lambert. Il faudrait nous interner !

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est assez surprenant ! Je relirai avec attention l'intervention de notre collègue, mais nous nous sommes fait traiter de malades, de fous !

M. Jean-Louis Idiart. C'est inadmissible !

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous pouvons penser différemment de vous et n'être ni malades ni fous. Certes, nous sommes en désaccord sur les politiques économique, budgétaire et fiscale à conduire dans l'intérêt de notre pays. C'est manifeste. La politique que vous conduisez aujourd'hui, celle que nous conduisions hier et celle que vous conduisiez avant-hier sont totalement différentes. J'ai déjà donné les chiffres qui figurent dans mon rapport écrit. Ils sont incontestables et je ne comprends pas votre énervement devant notre souhait de transparence.

Vous avez vous-même demandé qu'un état des lieux soit dressé en juin 2002. Cela a été fait, mais la situation s'est dégradée depuis. M. Novelli en a rajouté en disant : « Quel dommage que l'audit que nous avons demandé n'ait pas été plus sévère, plus dur par rapport à la réalité ! » On sentait chez lui une envie formidable de tenir la plume des auditeurs, mais il se trouve qu'ils sont indépendants ! Ils n'étaient donc pas soumis à votre bon vouloir et ils ont dit ce qu'ils pensaient. Ils ont fait des remarques et des critiques qui s'adressaient à nous, mais quand elles vous concernent vous devriez être capables de les entendre. En 2002, le déficit public était évalué entre 2,3 % et 2,6 % du PIB et nous en sommes aujourd'hui à 4,1 %. Ce décalage s'explique-t-il seulement par la réduction des recettes et la conjoncture internationale, comme vous le prétendez ?

M. Jean-Pierre Gorges. Il s'explique par ce que vous avez fait avant !

M. Didier Migaud, rapporteur. Bien sûr que non !

M. Jean-Pierre Gorges et M. Richard Cazenave. Il y a aussi les bombes à retardement !

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous ne serions pas dans une telle situation si vous n'aviez pas réduit l'impôt sur le revenu,...

M. Jean-Pierre Gorges. Merci d'insister sur ce point !

M. Didier Migaud, rapporteur. ...multiplié les niches fiscales et fait exploser la dépense militaire.

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !

M. Georges Tron. Dépense que vous avez scandaleusement réduite !

M. Didier Migaud, rapporteur. Je constate d'ailleurs avec un certain plaisir que le ministre d'Etat, ministre de l'économie, est en train de proposer un report d'une année de la loi de programmation militaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Sur ce point précis - je ne parle pas de sa politique -, je trouve qu'il fait preuve de bon sens. Quant à vous, votre argumentation ne me paraît pas très cohérente.

Comment expliquer le choix de cette date de juin 2002 ? Je l'ai déjà dit, à cette époque vous avez vous-mêmes demandé un état des lieux. Mais, nous serions tout à fait d'accord pour remonter non pas seulement jusqu'en 1981, mais jusqu'en 1975, année où M. Jacques Chirac était Premier ministre sous le septennat du président Giscard d'Estaing, puisque c'est la première année où un déficit est apparu. Je suis prêt à accepter un amendement en ce sens, d'autant que j'en avais moi-même déposé un. Par une espèce d'artifice de procédure, le service de la séance ne l'a pas accepté, m'opposant que l'on devait d'abord voter sur les propositions de la commission des finances. Je trouve le procédé spécieux, car il aurait été intéressant de reprendre certaines des propositions qui ont été formulées et qui visaient à élargir le champ d'investigation de la commission d'enquête à une période plus longue. Nous, nous n'avons rien à cacher. Nous assumons. Nous avons pu faire des erreurs,...

Mme Claude Greff. Ça, c'est vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur. ...mais nous sommes capables de le reconnaître. D'ailleurs, nos futures propositions vont en tenir compte. Ce qui est étonnant c'est que, de votre côté, vous soyez toujours sûrs de votre bon droit et de détenir la vérité ! Quant à moi, je ne veux pas donner de leçons. M. le secrétaire d'Etat nous a appelé à un peu plus d'humilité. Nous savons reconnaître nos erreurs, mais l'humilité pourrait être partagée ! Certains d'entre vous ont dit ce que le ministre d'Etat n'aurait même pas osé dire, à savoir que la gauche était responsable de tous les déficits. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quel culot !

M. Georges Tron. Pas de tous : de 90 % !

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est faux et c'est pour cela qu'il me paraît nécessaire de créer une commission d'enquête.

M. Georges Tron. Cela vous fait mal !

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est à vous que cela ferait mal. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas peur de la vérité.

Je constate avec regret, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission des finances, que vous n'avez rien dit sur les propositions que nous formulons pour améliorer le fonctionnement de notre démocratie parlementaire. Je suis très heureux d'avoir contribué, avec Alain Lambert et certains d'entre vous, à faire progresser de façon incontestable les pouvoirs du Parlement avec la LOLF. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, les informations budgétaires que vous évoquiez ne sont connues que du président de la commission des finances, du rapporteur général, de leurs homologues du Sénat et du Président de la République. C'est d'ailleurs parce qu'il reçoit ce type d'informations que, le 14 juillet 1999, celui-ci a parlé de ces « recettes supplémentaires » qui, selon lui, coulaient à flots...

M. Georges Tron. Que vous dissimuliez !

M. Didier Migaud, rapporteur. ...et qu'il fallait à tout prix dépenser ! C'était oublier qu'il y avait un déficit budgétaire. Nous aurions peut-être pu prendre davantage de précautions dans la présentation, j'en conviens. (Sourires.) Si le Président n'a lu que la première page de la note, je m'explique le contresens qu'il a pu commettre. Heureusement, nous ne l'avons pas suivi et, au lieu d'utiliser ces recettes pour diminuer les impôts, nous avons affecté à la réduction du déficit plus de 80 % de ce surplus tiré d'une croissance supérieure à celle que nous avions prévue, et qui était la conséquence d'une politique volontariste. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Gorges. Vous n'y êtes pour rien !

M. Didier Migaud, rapporteur. Je souhaite que l'opposition soit davantage associée au contrôle budgétaire. Il est anormal que, dans un pays qui se dit démocratique, aucun membre de l'opposition ne puisse avoir connaissance des recettes. Vous me demanderez pourquoi nous n'avons pas changé cela quand nous avions la majorité. C'est que, lorsque nous sommes au pouvoir, l'opposition n'est pas privée de ses capacités d'investigation. Le rapporteur général du Sénat, Philippe Marini, disposait des mêmes prérogatives que moi. Il pouvait tous les jours opérer un contrôle sur pièces et sur place, et le président de la commission des finances du Sénat aussi. Aujourd'hui, nous n'avons pas cette possibilité. M. Méhaignerie estime que certaines de nos propositions vont dans le bon sens, mais que le débat de ce jour est trop politique. Légiférons donc la semaine prochaine et reprenons ces propositions, qui n'ont strictement aucun caractère polémique,...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Si peu !

M. Didier Migaud, rapporteur. ...pour trouver un mode de fonctionnement analogue à ce qui existe dans tous les autres Etats démocratiques.

M. Jean-Louis Idiart. Exactement !

M. Didier Migaud, rapporteur. Et cela, je crois qu'on peut le dire et le répéter, sans que vous puissiez trouver aucun argument pour le contester.

M. le secrétaire d'Etat m'a fait l'honneur de me citer de temps en temps. Je ne renie rien de ce que j'ai pu écrire, y compris sur la régulation budgétaire. Il est heureux qu'un gouvernement ait la possibilité d'adapter sa politique budgétaire à la conjoncture économique, par nature évolutive. Nous avons consacré ce droit dans la LOLF, ce qui relève du bon sens.

Mais il y a, dans la façon dont vous l'utilisez, un véritable détournement. Quand le ministre délégué au budget précise en octobre que, dès le début de l'année suivante, il devra pratiquer la régulation budgétaire, c'est que le budget qu'il présente est totalement insincère. Dans ce cas, en effet, nous dénonçons cet abus.

Mais loin de moi l'idée de remettre en cause la nécessité d'une régulation budgétaire dans des circonstances données. Nous souhaitons seulement, ce qui est légitime, que le Parlement soit informé, comme le prévoit la loi, de la même façon que nous souhaitons débattre du programme triennal des finances publiques établi par le Gouvernement. On ne peut être satisfait de la façon dont il procède aujourd'hui, d'autant que nous sommes tenus par les engagements qu'il prend devant la Commission européenne.

M. le président. Il faudrait conclure.

M. Didier Migaud, rapporteur. Monsieur le président, il n'est que midi et demi. Je vous rassure : nous aurons largement le temps d'aller déjeuner.

M. le président. Le problème n'est pas le déjeuner, monsieur le rapporteur.

M. Didier Migaud, rapporteur. Si nous le souhaitons, nous pouvons même débattre jusqu'à une heure.

Mme Claude Greff. A condition que nous ayons quelque chose à dire ! Si vous cherchez seulement à parler pour parler, autant abréger.

M. Didier Migaud, rapporteur. Nous pouvons encore échanger quelques arguments. Encore un instant, monsieur le bourreau. Ne soyons pas trop pressés.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de répéter que nous atteindrions les 3 % de déficit en 2005. Nous aurons suffisamment d'occasions de nous rencontrer avant cette date pour en reparler. Mais je parie d'ores et déjà que vous ne serez pas en mesure de respecter cet engagement, compte tenu de la situation dans laquelle vous nous avez entraînés et des promesses électoralistes du Président de la République.

Du reste, il ne serait pas souhaitable que vous le respectiez, parce que, pour atteindre le chiffre de 3 % en 2005, il faudrait que vous nous proposiez dans les mois qui viennent une véritable purge. Celle-ci pourrait prendre deux formes.

La première serait une augmentation très sensible des impôts, et je crois que vous allez devoir l'envisager.

Mme Claude Greff. N'importe quoi !

M. Georges Tron. Et vous-même, qu'avez-vous fait quand vous étiez aux affaires ? Quelle a été votre action ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Car, en la matière, il ne faut pas seulement considérer les comptes de l'Etat. Lorsque le Gouvernement prétend ne pas avoir dépensé un centime de plus que les sommes budgétées, il oublie que les comptes publics, ce n'est pas seulement le budget de l'Etat, mais aussi les comptes sociaux. Or ceux-ci ont explosé, le Gouvernement ne les maîtrise pas.

M. Georges Tron. Voilà une demi-heure que vous parlez !

M. Didier Migaud, rapporteur. La seconde politique à laquelle vous auriez sans doute recours, si vous deviez atteindre les 3 %, consisterait à remettre en cause des politiques publiques, ce qui aurait un effet récessif et augmenterait en outre les inégalités et l'insécurité sociale. Vous devriez le reconnaître quoique, pour le moment, vous restiez discrets, parce que les élections sont devant nous.

Mme Claude Greff. Vous ne les avez jamais perdues ?

M. Didier Migaud, rapporteur. C'est un moment si désagréable pour vous que vous jugez bon de reporter les décisions.

M. Georges Tron. Et 2002 ? Quel orgueil incroyable !

M. le président. Laissez M. le rapporteur conclure.

M. Didier Migaud, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous en appelez souvent à la transparence et au courage. Mes chers collègues, soyez courageux jusqu'au bout : acceptez notre proposition de création d'une commission d'enquête ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Claude Greff. Ouf ! M. Migaud a terminé.

M. le président. Monsieur Migaud, vous êtes étonné que votre amendement n° 1 n'ait pas été retenu par le service de la séance. Puis-je vous le lire ?

« A la fin de l'article unique, substituer à la date " juin 2002 ", la date : "  ". »

Aucune date n'est indiquée. C'est la raison pour laquelle l'amendement n'a pas été retenu. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Tron. Voilà la conception socialiste de la transparence !

M. Jean-Pierre Grand. Quel manque de rigueur !

M. Didier Migaud, rapporteur. Sur l'exemplaire que j'ai, la date est indiquée. Le voici, monsieur le président !

M. le président. Je peux vous faire passer l'amendement que j'ai entre les mains, monsieur le rapporteur. Il y a deux amendements, soit. Mais celui qui a été déposé ne comporte pas de date de remplacement.

M. Didier Migaud, rapporteur. Le procédé est malhonnête ! C'est indigne de la présidence !

M. François Loncle. Ce qui vient de se passer est scandaleux !

M. Jean-Louis Dumont. C'est de la manipulation !

M. Jérôme Lambert. Oui !

M. François Loncle. C'est absolument scandaleux !

M. le président. Clamez-vous, monsieur Loncle ! J'ai un document sous les yeux ; je le transmets à M. le rapporteur, cela confirmera mes propos.

La commission des finances, de l'économie générale et du Plan ayant conclu au rejet de l'article unique de la proposition de résolution, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 2, du règlement est appelée à voter sur ces conclusions de rejet. J'insiste sur ce point.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si ces conclusions sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée.

Je vous informe que, sur le vote des conclusions de rejet de la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Vote sur les conclusions de rejet
de la commission

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais rassurer M. le rapporteur. Personne, à quelque moment que ce soit, n'a songé à contester le droit d'un groupe ou d'un parlementaire à demander la création d'une commission d'enquête. Ce que nous lui avons reproché, c'est le caractère polémique de cette proposition de résolution.

Si vous le voulez bien, monsieur Migaud, j'aimerais rappeler quelques phrases qui figurent dans votre rapport, ainsi que certains propos que vous avez tenus tout à l'heure.

Vous avez affirmé que vous souhaitiez créer une commission d'enquête parce que vous pensez que la situation des comptes publics de la nation, rebaptisée dans votre proposition de résolution « dégradation des comptes publics » - je signale que c'est la première fois depuis 1993 qu'on oriente, dès le titre, le contenu d'un rapport qu'on souhaite voir réaliser - mérite l'intérêt, non seulement des membres de la commission des finances, mais de l'ensemble des députés.

Puisque vous avez rappelé à M. Novelli les termes du règlement de l'Assemblée, je voudrais vous citer l'article 38, que vous ne connaissez peut-être pas : « Un député ne peut être membre que d'une seule commission permanente. Il peut toutefois assister aux réunions de celles dont il n'est pas membre. » Si un député manifeste de l'intérêt pour la situation des comptes publics de la nation, il peut parfaitement assister aux travaux de la commission des finances, voire s'exprimer en son sein. Il n'y a donc pas lieu de créer la commission d'enquête que vous appelez de vos vœux.

Pour souligner le caractère très polémique de votre propos, je citerai encore la page 8 de votre rapport : « L'opposition parlementaire, surtout lorsqu'elle est de gauche, ne dispose pas de réels moyens de contrôler l'évolution de l'ensemble des comptes publics. »

M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai !

M. Jérôme Chartier. Je voudrais savoir, monsieur Migaud, quelle est, sur ce point, la différence entre la gauche et la droite.

M. Didier Migaud, rapporteur. Le Sénat !

M. Jérôme Chartier. Accuseriez-vous le président de la commission des finances d'être partisan et de ne pas vous communiquer les informations nécessaires ?

M. Didier Migaud, rapporteur. Non !

M. Jérôme Chartier. Ce serait en effet totalement contradictoire avec votre rapport lui-même, qui contient en annexe un courrier de M. Sarkozy, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à M. Méhaignerie, président de la commission des finances, qui vous a été transmis et détaille les exonérations qui seront accordées aux Français dans quelques semaines.

M. Didier Migaud, rapporteur. En effet. Mais tout dépend de leur bon vouloir.

M. Jérôme Chartier. N'est-ce pas la preuve que le président de la commission des finances et le rapporteur général vous transmettent toutes les informations utiles à une bonne compréhension des sujets, en vue des votes qui interviennent à la commission des finances ou en séance publique ?

M. Jérôme Lambert. Pas nécessairement.

M. Jérôme Chartier. Cette fois encore, le raisonnement ne tient pas.

J'en viens à un autre argument.

M. Augustin Bonrepaux. Vous en avez bien peu !

M. Jérôme Chartier. A la page 71 de votre rapport, vous proposez, pensant ne pas disposer de moyens d'investigation suffisants, qu'un deuxième rapporteur général soit choisi dans l'opposition, parce que, le Sénat étant à droite, la gauche manquerait de visibilité. Autrement dit, lorsque les Français ne veulent pas vous faire confiance, il ne faut pas changer leurs votes, mais changer la loi. C'est tout de même extraordinaire !

Je regrette : si les Français ne vous font pas confiance, tant pis pour vous. Ils ne l'ont pas fait en 2002, ni lors du dernier renouvellement sénatorial, et ils ne le feront probablement pas lors de celui de septembre 2004. Je ne vois pas au nom de quel principe il faudrait modifier la loi parce que, au Sénat, vous êtes en permanence dans l'opposition.

Monsieur Migaud, je regrette profondément qu'un ancien rapporteur général du budget ait pris l'initiative d'une démarche aussi polémique, tendant à user d'une procédure parlementaire comme d'un outil à la disposition du parti socialiste. Je déplore qu'un des auteurs de la loi organique relative aux lois de finances ait adopté une attitude aussi partisane, qui ne rehausse ni votre prestige ni celui du groupe socialiste. J'espère qu'à l'avenir vous ne vous livrerez plus à de telles bassesses. Du moins, je vous en conjure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme Claude Greff. Et si nous arrêtions de perdre du temps ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord rappeler à M. Chartier qu'il est inutile de s'énerver comme il l'a fait. Sans doute éprouve-t-il quelques inquiétudes, mais qu'il se rassure : le groupe UMP est encore majoritaire à l'Assemblée nationale. Il n'y a donc pas lieu de perdre son sang-froid. Les autres groupes n'ont-ils pas le droit d'utiliser, comme nous le faisons ce matin, les possibilités offertes aux parlementaires de l'opposition ?

Par ailleurs, monsieur le président, vous nous avez objecté que l'amendement déposé par M. Migaud n'était pas recevable parce que nous votons sur les conclusions de la commission. Soit. C'est un argument de droit.

Mais vous avez jugé bon de formuler un commentaire sur le contenu de l'amendement - ce qui n'entre pas dans votre rôle -, en relevant qu'il n'avait pas, d'après vous, été rédigé comme il devait l'être, du fait de l'oubli d'une date.

M. Georges Tron. C'était une observation, pas un commentaire !

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous demande de retirer ces propos. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il faut en effet que la présidence choisisse entre les deux explications pour justifier l'irrecevabilité : celle que vous avez donnée d'abord ou celle que vous avez mise en avant par la suite. Il y va du respect dû au travail accompli par notre collègue Didier Migaud. Cette clarification mérite d'être faite dans un souci d'apaisement.

M. Georges Tron. Et si vous arrêtiez de donner des leçons ?

Mme Claude Greff. Vous n'étiez même pas là !

M. le président. Monsieur le président Ayrault, je ne me suis permis aucun commentaire sur l'amendement déposé par M. le rapporteur. En tant que président de séance - et non en mon nom personnel -, je lui ai seulement lu le texte qu'il avait déposé, parce qu'il s'étonnait que le service de la séance ait rejeté son amendement. Je n'ai ajouté aucun qualificatif ni sur M. Migaud ni sur le contenu de l'amendement lui-même.

M. Georges Tron. Absolument !

M. le président. Si vous souhaitez que je retire mes propos, je suis prêt à le faire. Mais, en l'occurrence, comme vous pourrez le lire dans le Journal officiel, je n'ai en aucun cas qualifié l'amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

Mme Claude Greff. Soyons un peu constructifs !

M. Didier Migaud, rapporteur. Cette polémique me paraît peu constructive, en effet ; mais elle n'est pas de notre fait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est pitoyable !

M. Didier Migaud, rapporteur. Mes chers collègues, écoutez au moins ce que je vais dire !

M. le président. Laissez parler M. le rapporteur.

M. Didier Migaud, rapporteur. Décidément, la sérénité ne règne plus à l'UMP.

M. Georges Tron. Alors que la bonne foi règne au parti socialiste ?

M. le président. Revenons-en à l'amendement n° 1.

M. Didier Migaud, rapporteur. Tout à l'heure, j'ai fait part de mon souhait de déposer un amendement, compte tenu des propositions formulées par un certain nombre de nos collègues, qui estimaient que la période que doit étudier la commission d'enquête était trop brève.

Mme Claude Greff. Oh la la ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais allez déjeuner, madame ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Migaud, revenons à l'amendement, je vous prie.

M. Didier Migaud, rapporteur. Je veux apporter une précision, monsieur le président. Que l'on m'explique que nous ne pouvions pas déposer un amendement dès lors que le vote portait sur des conclusions de la commission des finances tendant à rejeter la proposition de résolution, je l'accepte, même s'il me semble que l'on peut s'interroger sur cet aspect du règlement. Mais ensuite, vous avez dit, monsieur le président, que cet amendement n'était pas venu en discussion parce qu'il manquait une date. Permettez-moi de m'en étonner, car je n'aurais eu aucune difficulté à le compléter.

M. Georges Tron. C'est donc bien une erreur de votre part !

M. Didier Migaud, rapporteur. J'aurais d'ailleurs pu le faire oralement, comme le permet une tradition constante de notre assemblée. Aussi, je remercie le président Ayrault de vous avoir repris, car votre propos sous-entendait que nous n'avions pas fait notre travail jusqu'au bout.

M. Georges Tron. C'est la réalité !

M. Didier Migaud, rapporteur. Mais non, monsieur Tron ! Je comprends que cela vous soit difficile, mais essayons d'élever un peu le débat, sur un sujet comme celui-là.

M. le président. Monsieur Migaud, le président Ayrault a fait un rappel au règlement. La présidence a accepté sa demande et a souligné qu'elle n'avait pas qualifié le contenu de l'amendement.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud, rapporteur. On espère qu'il interviendra avec plus de hauteur que M. Tron !

M. Georges Tron. Ne soyez pas grossier, en plus d'être stupide !

M. Jean-Louis Idiart. Nos collègues de l'UMP ne devraient pas considérer que nos interventions sont trop longues, car l'opposition a le droit de s'exprimer. Je comprends bien que leurs débats internes soient à ce point polémiques qu'ils soient tentés de les transposer dans cette enceinte, mais je leur rappelle que nous représentons nous aussi le peuple français.

Je suis offusqué par le terme employé tout à l'heure, notamment par M. Novelli, selon lequel les socialistes seraient « génétiquement » voués à creuser les déficits et à dépenser. Ces propos, qui figurent au procès-verbal, sont absolument inadmissibles. Vous devriez faire preuve de plus de prudence et consulter, à la bibliothèque de l'Assemblée nationale, le compte rendu du procès de Riom : ce sont exactement les mêmes termes qui ont été utilisés contre Léon Blum. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Remplacez les 40 heures par les 35 heures, ajoutez-y les congés payés : ce sont les mêmes accusations ! Chassez donc les vieux démons de vos esprits !

Lorsque nous étions au pouvoir, nous avons voulu moderniser les procédures de nos finances publiques. Ainsi, nous avons été à l'initiative de la LOLF, et l'ensemble des parlementaires nous ont apporté leur concours. Or les dernières propositions de Didier Migaud relèvent de la même démarche : il s'agit de moderniser et de donner des droits à l'opposition, quelle qu'elle soit, ...

M. Richard Cazenave. Que ne l'avez-vous fait hier ?

M. Jean-Louis Idiart. ... afin de nourrir notre débat et de permettre à l'Assemblée nationale d'approfondir sa connaissance des finances publiques. Lorsque j'entends le président de la commission des finances nous dire, au lieu de soutenir cette démarche, qu'il faut créer un observatoire destiné à vérifier ce que font les collectivités territoriales, je me demande ce qu'il en est de la fameuse autonomie ! Ainsi, le principal rôle de la commission des finances serait de contrôler les régions, les conseils généraux et les communes. C'est inadmissible. Donnons la priorité à l'évaluation des finances publiques.

S'agissant de la période sur laquelle porte notre proposition de résolution, je rappelle que nous avons commenté l'audit réalisé en 2002 lorsqu'il a été rendu public, mais que nous respectons ses conclusions, comme nous avions respecté celles de l'audit réalisé en 1997. Nous avons simplement demandé à la commission des finances qu'un audit du même type soit réalisé en cours de législature, et c'est parce qu'elle a refusé que nous avons proposé la création d'une commission d'enquête.

En 2002, le déficit était compris entre 2,3 et 2,6 %. Aujourd'hui, il s'élève à 4,1 %. C'est un constat. Nous cherchons simplement à comprendre pourquoi, au-delà des causes internationales qui expliquent en partie la situation, le déficit s'est aggravé. Permettez-nous de formuler une hypothèse. Au lendemain de l'audit que vous avez commandé lorsque vous êtes arrivés, vous n'avez pas pris toutes les mesures qui étaient immédiatement nécessaires. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, vous avez commencé par réduire un certain nombre de recettes, donc par alourdir le déficit, espérant que les choses iraient un peu mieux après 2003. Or c'est une catastrophe car, malheureusement pour notre pays, la croissance n'a pas été au rendez-vous.

Aujourd'hui, nous constatons que la consommation diminue et que l'épargne augmente. Vous êtes donc obligés de changer de discours. Mais alors que le nouveau ministre de l'économie et des finances, Nicolas Sarkozy, nous explique qu'il faut relancer la consommation,...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce n'est pas une explication de vote !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. ...le rapporteur général déclare aujourd'hui dans la presse qu'il faut réformer la fiscalité du patrimoine et aller un peu plus loin pour que les Français épargnent encore un peu plus. Voilà une contradiction supplémentaire !

Enfin, il est toujours intéressant de vous entendre parler de la « cagnotte », car vous oubliez de dire que le Président de la République n'avait pas souhaité que cet argent soit consacré à la réduction du déficit, mais qu'il soit rendu aux Français. Certes, nous n'avons pas consacré la totalité de ces sommes à la réduction du déficit,...

Mme Claude Greff. Ça, c'est vrai !

M. Jean-Louis Idiart. ...mais Jacques Chirac proposait qu'elles ne le soient pas du tout.

Je vous souhaite bien du courage, mes chers collègues, car, dans les années qui viennent, vous serez pris dans des contradictions. Quant à nous, nous jouerons notre rôle d'opposants pour vous rappeler aux réalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe UDF.

M. François Rochebloine. Je serai bref. Je crains que ni les uns ni les autres ne sortent grandis du débat de ce matin. En effet, nous n'avons pu nous empêcher de nous jeter, une nouvelle fois, des chiffres à la figure, et je ne parle pas des noms d'oiseaux que nous avons entendus. Cette attitude est ridicule. Nous donnons vraiment une mauvaise image du Parlement.

Au lieu de stigmatiser l'inaction des uns pour mieux vanter ses propres vertus, soyons assez responsables pour reconnaître, ensemble, que la situation des finances publiques est grave et qu'il est urgent de les assainir, faute de quoi, ainsi que je le disais tout à l'heure, ce seront nos enfants et nos petits-enfants qui paieront la dette. C'est à cette condition que les Françaises et les Français retrouveront la confiance dans le personnel politique et retourneront vers les urnes.

Toutefois, ce n'est pas la création d'une commission d'enquête qui apportera la solution. Aussi le groupe UDF votera-t-il les conclusions de rejet de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française - « Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de passer au vote, j'attire votre attention sur la procédure que nous allons suivre.

Nous allons statuer sur les conclusions de rejet de la proposition de résolution présentées par la commission.

Ceux qui sont opposés à la création de la commission d'enquête devront donc voter pour les conclusions de rejet.

Nous allons maintenant procéder au scrutin, qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Je vais vous laisser quelques instants pour regagner vos places.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 88

              Nombre de suffrages exprimés 88

              Majorité absolue 45

        Pour l'adoption 73

        Contre 15

L'Assemblée nationale ayant adopté les conclusions de rejet de la commission, la proposition de résolution est rejetée.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi organique, n° 1155, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales :

Rapport, n° 1541, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 1546, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot