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Deuxième séance du mardi 18 mai 2004

222e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur le ministre, préserver les valeurs fondatrices de notre assurance maladie, renforcer sa dimension de puissant lien de cohésion sociale, (« Bravo ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), améliorer la qualité de notre système de santé, sont des objectifs partagés sur tous les bancs de cette assemblée.

Vous avez annoncé un certain nombre de mesures concernant l'offre de soins, la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, l'hôpital, les médicaments, les arrêts de travail. Vous avez aussi annoncé des mesures concernant les recettes (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Lefait, s'il vous plaît !

M. Jean-Michel Dubernard. Mais pour que ces mesures trouvent leur pleine crédibilité politique, leur pleine efficience, il faut que la gouvernance, que le pilotage aussi bien national que régional retrouve son efficacité sur le terrain, c'est-à-dire au niveau des malades et de tous les professionnels de santé concernés, ainsi qu'au niveau des gestionnaires de l'assurance maladie.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser où en est le schéma de la gouvernance que vous êtes en train de mettre au point en concertation avec les partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, tout le monde s'accorde effectivement sur la nécessité de mettre en place un nouveau mode de gestion de l'assurance maladie. Le vrai système coupable est celui où personne n'est responsable. C'est pourquoi je reçois aujourd'hui avec Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat chargé de l'assurance maladie, à la fois les partenaires sociaux, les professions de santé et la mutualité française. Nous souhaitons qu'il revienne à l'Etat d'assurer la politique de santé publique et qu'il soit garant du système de santé publique, avec des objectifs de santé pluriannuels très clairs.

Cela étant, il incombe aux partenaires sociaux et aux responsables de l'assurance maladie de faire preuve de responsabilité. Nous demandons donc que l'assurance maladie fixe le périmètre des soins que notre pays est en mesure de rembourser, ainsi que le remboursement des médicaments et des actes médicaux. Par ailleurs, à l'échelle de la région, vous avez raison de dire, monsieur le président de la commission des affaires sociales, qu'il est nécessaire de voir l'hôpital et les caisses d'assurance maladie travailler en coordination - peut-être au sein d'agences, comme nous le verrons lors de la discussion.

Je veux dire aux membres du groupe socialiste que s'ils avaient profité de la croissance, à l'époque où ils étaient au gouvernement, pour procéder à cette réforme, nous aurions été très heureux qu'ils le fassent avant nous. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

REFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, il ne faudrait pas que l'agressivité de vos propos vienne masquer le fait que vos propositions (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) ...

M. le président. Allons, monsieur Mariani !

M. Jean-Marie Le Guen. ...ont été fort mal reçues par l'ensemble des partenaires sociaux. Hier soir, une semaine seulement avant le dépôt d'un projet de loi, vous avez enfin jugé utile d'informer les Français des intentions du Gouvernement en matière d'assurance maladie, mais très partiellement, et de façon très floue. Nous voyons dans vos propositions, non pas une réforme de fond, mais un simple replâtrage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je citerai quelques exemples qui touchent très directement nos concitoyens. Nous savons aujourd'hui que, dans de nombreux cantons ruraux, ou dans des zones urbaines défavorisées, se pose le problème de l'accès aux soins pour nos concitoyens. Que proposez-vous pour y remédier ? Rien d'autre que la possibilité d'une intervention des municipalités.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous estimons quant à nous qu'il incombe à l'assurance maladie de faire en sorte que, sur l'ensemble du territoire national, les Français aient accès aux soins. Comme vous le savez, le Haut conseil de l'assurance maladie a estimé dans son rapport que, pour résoudre le problème de la coordination des soins, il est nécessaire de modifier au moins partiellement le mode de rémunération des médecins.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Jean-Marie Le Guen. Là encore, pour des raisons idéologiques, vous vous prononcez contre l'idée de moduler la rémunération des praticiens afin d'encourager la qualité de leurs prestations, et de permettre leur installation (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais cette réforme est avant tout injuste, monsieur le ministre, car ce sont essentiellement les assurés qui devront financer les efforts que vous demandez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ai ainsi calculé que c'est plus de deux milliards d'euros que vous allez transférer sur le dos des mutuelles et des compagnies d'assurance. Au bout du compte, ce sont donc les Français qui auront à payer, avec leurs cotisations, ce que vous appelez des économies, et qui ne sont rien d'autre que des transferts (« Démago ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, il vous reste une semaine. Allez-vous, oui ou non, engager de véritables négociations avec les partenaires sociaux et sortir du flou qui entoure cette réforme, ou avez-vous prévu de passer en force au mois de juillet, pendant les vacances ? Sachez que les Français ne l'accepteraient pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, vous semblez me reprocher d'informer les Français sur l'avenir de l'assurance maladie.

Cela n'a certes rien d'étonnant quand on considère qu'en l'espace de cinq ans vous n'avez rien proposé pour l'organisation des soins (Protestations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Allons, monsieur Le Garrec !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les dépenses de l'assurance maladie ont augmenté de 4,7 % en 2000, de 5,7 % en 2001...

M. Maxime Gremetz. Et les retraites ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...et de 6,2 % en 2002, cependant vous n'avez pas financé les deux milliards que coûtent les 35 heures à l'hôpital, mais vous vous gardez bien d'évoquer ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Mensonge !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous nous dites enfin que pour régler le problème de la désertification médicale en France, il faut régler le problème de l'installation. Je puis vous assurer que le Gouvernement n'a pas l'intention de remettre en cause la liberté d'installation des médecins, monsieur Le Guen, contrairement à vous (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Allons, monsieur Glavany !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Puisqu'il est question de déficits, monsieur le Guen, je vais vous parler des déficits du parti socialiste : le déficit de réforme, c'est un constat, le déficit de courage, c'est une erreur, et le déficit de responsabilité, c'est une faute ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Lefait, je vous prie de rester assis !

AVENIR DU SITE DE LACQ

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le groupe Union pour la démocratie française. (« Une chanson ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Non, M. Lassalle ne chantera pas aujourd'hui ! Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Jean Lassalle. Je fais relâche aujourd'hui.

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie. Depuis des décennies, nos concitoyens ont de moins en moins confiance en nous, parce qu'ils ont le sentiment que nous ne sommes pas en mesure d'apporter de vraies réponses à leurs préoccupations profondes, et de les rassurer sur leur avenir.

M. Maxime Gremetz. On se contente de délocaliser !

M. Jean Lassalle. Cela est particulièrement sensible dans le domaine industriel. S'il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause la capacité des industriels à investir et à faire librement leur travail, j'entends toutefois faire appel à leur sens des responsabilités. On ne peut pas appeler les élus à la rescousse uniquement quand tout va mal, à la veille du déclenchement des plans sociaux.

Le gisement de Lacq, dans les Pyrénées Atlantiques, qui a fourni du gaz et du pétrole à la France et à l'Europe entière, a constitué l'une des plus belles aventures du siècle passé. Visité par les plus grands chefs d'Etat du monde, ce site est aujourd'hui en passe d'être abandonné par Total, alors que des compétences de premier plan y avaient émergé au fil des années, notamment dans le domaine de l'industrie chimique.

Ne pourrait-on pas envisager un dispositif permettant d'anticiper les crises, en mettant en place à l'avance, autour des entreprises concernées, un véritable plan de reconversion auquel les pouvoirs nationaux et locaux seraient associés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Lassalle, vous avez tout à fait raison d'aimer avec passion votre magnifique région des Pyrénées.

M. Jacques Desallangre. Assez d'hypocrisie !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Répondez à la question !

M. le ministre délégué à l'industrie. Le problème de Lacq est simplement celui de l'épuisement progressif du gisement, dont la fermeture est programmée pour 2013.

M. David Habib. Non, monsieur le ministre, c'est faux !

M. le ministre délégué à l'industrie. Comme vous le souhaitez, nous anticipons cette échéance. Les 1 000 emplois actuels seront progressivement ramenés à 500 d'ici à 2013, et l'usine d'acétylène, qui procure 100 emplois, sera fermée en 2005. C'est dans ces conditions que l'Etat a mobilisé ses moyens ...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Lesquels ?

M. le ministre délégué à l'industrie. ...et placé Total face à ses responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je suis heureux de vous dire que des mesures ont été prises : la création de 100 emplois sur le site en chimie fine, avec la perspective de 100 emplois supplémentaires dans le même secteur ; l'investissement de 160 millions de francs sur le site ; ...

M. David Habib. Venez donc dans le Béarn !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...la création de 800 emplois dans le secteur de la chimie et la constitution d'un GIP associant l'Etat et les collectivités locales, visant à développer une politique d'investissement sur place afin d'anticiper ce qui est inéluctable. Comme vous le voyez, monsieur le député, l'Etat ne reste pas inerte (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste.) devant des faits par ailleurs incontournables (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Il ne sert à rien de crier, monsieur Habib !

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Que nous le voulions ou pas, les dépenses de santé augmentent, et ne cesseront d'augmenter en raison des progrès technologiques, des progrès de la recherche, et de l'allongement de la durée de vie.

Vous niez cette évidence. Pis : pour combler un déficit complètement artificiel, vous évoquez certains abus que vous utilisez comme un alibi pour culpabiliser les Français et demander toujours plus aux familles, aux retraités, aux assurés sociaux en général.

Or 20 % de nos compatriotes ne se soignent pas ou ne se soignent pas comme ils le devraient. Et cela dépasse de beaucoup les abus évoqués. Donc votre solution consistant à pénaliser encore plus nos concitoyens (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ne marchera pas, elle n'a d'ailleurs jamais marché. Elle va contribuer au contraire à limiter l'accès aux soins. Par conséquent, elle est socialement peu admissible et scientifiquement non fondée.

Cet alibi sert de paravent pour empêcher que ne soit posée la vraie question : quelle part des richesses créées voulons-nous consacrer à la santé de nos concitoyens ?

M. Philippe Briand. Que proposez-vous ?

M. Jean-Claude Sandrier. Or répondre à cette question, c'est soulever un problème embarrassant. En effet, tant que dans notre pays, avec une croissance et une inflation de 2 %, on acceptera que Sanofi augmente les dividendes de ses actionnaires de 24 % (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), que Bouygues les augmente de 39 % et EADS de 20 % (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), tant qu'on acceptera que les grands patrons s'accordent des augmentations de 20 % comme il y a deux ans et de 11 % l'an dernier, tout cela en licenciant et en précarisant alors que l'emploi est précisément la source principale de financement de la sécurité sociale, vous n'avez aucune chance de financer la protection sociale autrement qu'en prenant dans les poches des ménages, des salariés et des retraités.

M. le président. Posez votre question, monsieur Sandrier !

M. Jean-Claude Sandrier. Notre groupe a fait des propositions concrètes et précises pour financer la sécurité sociale ; elles combleraient plusieurs fois le déficit aujourd'hui constaté. Ces propositions sont à votre disposition : êtes-vous prêt à les examiner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, depuis que nous avons commencé à aborder le problème du déficit de l'assurance maladie, plusieurs pistes ont été envisagées. Nous avons présenté les nôtres. A gauche, deux grandes idées se dessinent. La première consiste à transférer les dix milliards de taxes sur le tabac du budget de l'Etat vers l'assurance maladie. Merci pour le ministre de la santé mais je ne vois pas comment vous allez pouvoir récupérer ces dix milliards. Sans doute pensez-vous faire appel aux contribuables... Cela ne m'étonne pas de vous. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe des députés socialiste.)

Quant à recourir à la taxe sur la valeur ajoutée, c'est une fois de plus faire payer les entreprises. Cela va revenir à augmenter le coût du travail et à diminuer l'attractivité de notre pays ce qui, au total, va se solder par un accroissement du chômage. C'est votre choix. Mais ce n'est pas ce que la majorité de l'Assemblée et moi-même voulons pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

ALSTOM

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot.

M. Damien Meslot. Ma question s'adresse à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et j'y associe mes collègues Irène Tharin et Marcel Bonnot, députés du Doubs, et Michel Zumkeller, député du Territoire-de-Belfort.

Monsieur le ministre, le groupe Alstom, fleuron de l'industrie française, emploie plus de 75 000 salariés dans le monde dont plus de 3 000 sur le site de Belfort. Or ce groupe connaît d'importantes difficultés et un plan social est en cours,...

M. Jacques Desallangre. Un de plus !

M. Damien Meslot. ...qui va se traduire par plus de 900 suppressions d'emplois à Belfort. Vous connaissez d'ailleurs bien le problème puisque, au cours d'un récent déplacement dans cette ville, vous avez rencontré les syndicats du site Alstom.

Nous avons appris hier que, à la suite de votre rencontre avec le commissaire européen Mario Monti à Bruxelles, nous sommes très proches d'un accord permettant d'assurer la viabilité à long terme du groupe Alstom et de son site de Belfort. On doit ces résultats encourageants à votre action déterminée et à l'énergie que vous avez su déployer sans relâche pour faire prévaloir les intérêts des salariés d'Alstom auprès de la Commission européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Une réelle menace de nouvelle restructuration du site Alstom de Belfort planait en effet, ces dernières semaines, sur l'issue des négociations. Or le projet d'accord qui se dessine aujourd'hui écarte définitivement cette hypothèse car vous avez su faire part au commissaire européen de son caractère inacceptable.

M. Jacques Desallangre. Sarkozy, c'est Harry Potter !

M. Damien Meslot. Les salariés d'Alstom vous en savent gré.

Alors, monsieur le ministre, même si l'on comprend aisément que les négociations engagées doivent garder un caractère confidentiel, pouvez-vous néanmoins nous décrire les grandes lignes du plan de restructuration d'Alstom, qui doit permettre à l'un de nos fleurons industriels de rester un des grands groupes mondiaux de l'énergie et des transports ? Seriez-vous prêt à venir prochainement l'exposer aux salariés de Belfort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, le Gouvernement est convaincu qu'Alstom est une entreprise viable. Elle est viable d'abord parce que ses principaux marchés sont l'énergie - chacun sait qu'on en aura besoin - et les transports. Elle est viable ensuite parce que les femmes et les hommes qui la composent sont ceux qui ont su fabriquer le TGV et le Queen Mary. Nous ne pouvons pas laisser disparaître une main-d'œuvre et un savoir-faire de cette qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les difficultés financières d'Alstom sont dues à une sous-capitalisation de l'entreprise et à des erreurs de gestion qui ne sont pas imputables aux salariés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il n'y avait aucune raison que les femmes et les hommes d'Alstom paient pour des erreurs qui ne sont pas les leurs. L'Etat se devait donc d'aider ce groupe de 77 000 personnes. Il fallait agir, mais en ayant à l'esprit qu'on n'obtient rien des gens en les critiquant : il faut les convaincre.

Nous avons donc obtenu - et je tiens à remercier M. Monti pour sa disponibilité - qu'il n'y ait pas de démantèlement d'Alstom ni aucune fermeture de site industriel en France et notamment à Belfort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'irai porter ce message au nom du Premier ministre aux 3 000 salariés d'Alstom. Aucune cession ne viendra compromettre la viabilité du groupe.

L'Etat transformera ses créances en prises de participation dans le capital d'Alstom. La preuve de notre pragmatisme en matière économique est ainsi apportée : quand il faut privatiser un groupe parce que c'est son intérêt, le Gouvernement le fait ; et quand il faut que l'Etat prenne ses responsabilités pour soutenir un groupe, le Gouvernement le fait également. Il reste à convaincre les banques, pour qu'elles soient à la hauteur de leurs résultats financiers et de leurs responsabilités. Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour agir en ce sens et les aider à décider. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SÉCURITÉ EN EUROPE

M. le président. La parole est à M. Louis Cosyns.

M. Louis Cosyns. Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Cinieri, député de la Loire, s'adresse à M. de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le ministre, vous avez présenté hier, lors de votre déplacement à Rouen, la nouvelle carte grise, qui permettra d'harmoniser les certificats d'immatriculation des véhicules à l'échelle européenne. C'est incontestablement un grand progrès dans le domaine de la sécurité routière, cher au Président de la République.

Mais la question de la sécurité est bien plus large et nos compatriotes, comme l'ensemble des Européens, ont conscience, alors que nous nous rapprochons des Jeux olympiques d'Athènes, de l'ampleur des menaces qui pèsent sur eux, et ce d'autant plus que tous ont en mémoire les attentats de Madrid.

A quelques semaines des élections européennes, pouvez-vous nous expliquer en quoi l'Europe peut réellement être un plus pour la sécurité routière et, plus largement, pour la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, oui, l'Europe c'est plus de sécurité sur les routes avec, à compter du 1er juin, la nouvelle carte grise européenne qui sera en vigueur dans tous les pays membres, ce qui facilitera les contrôles et limitera les risques de falsification. En outre, la reconnaissance mutuelle des amendes pour réduire les risques d'accidents va bientôt être mise en œuvre. Et d'autres chantiers sont encore en cours, comme l'harmonisation des permis de conduire et les équipements de sécurité des véhicules.

L'Europe, c'est aussi plus de sécurité face au terrorisme. Les attentats de Madrid l'ont montré, l'Europe est une cible pour le terrorisme international et, face à cette menace, nous avons trois objectifs.

Premièrement, nous voulons renforcer la protection des Européens : au quotidien, avec des visas et des passeports plus sûrs grâce à l'emploi de la biométrie, et, dans les situations d'urgence, avec la création d'une force de réaction rapide européenne pour mieux coordonner nos capacités en matière de protection civile, et l'intensification de la lutte contre les moyens de financement du terrorisme.

Deuxièmement, nous voulons améliorer la coopération opérationnelle à travers l'institution Europol, plus efficace et plus présente sur le terrain, l'échange des données et le partage du renseignement : c'est la mission qu'a reçue M. De Vries, coordinateur de la lutte contre le terrorisme, que je rencontrerai tout à l'heure.

Troisièmement, il s'agit de développer nos instruments juridiques à travers l'harmonisation des législations, la généralisation du mandat d'arrêt européen et la mise en place d'équipes communes d'enquête.

L'Europe permet enfin de mieux lutter contre l'immigration illégale avec la création d'une Agence pour les frontières extérieures, prévue pour le 1er janvier 2005,...

M. Maxime Gremetz. L'Agence sarkozienne !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...et, dès maintenant, le déploiement d'équipes communes aux frontières, avec aussi l'harmonisation de nos législations relatives au droit d'asile.

En définitive, là où les problèmes dépassent les frontières - la sécurité routière, le terrorisme ou l'immigration -, l'Europe nous donne les moyens de rassembler nos énergies et nous permet d'être plus efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

A la fin de 2001, les comptes de la sécurité sociale étaient en équilibre et même en léger excédent. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aujourd'hui, l'échec de votre politique économique, notamment en matière d'emploi, aboutit à un déficit qui ne cesse de se creuser. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Or vos propositions pour combler votre déficit sont marquées du sceau de l'injustice et de l'incohérence. En instituant une franchise d'un euro sur les consultations, non seulement vous pénalisez les personnes pour lesquelles cette contribution sera dissuasive, mais vous mettez en place un nouveau système dont chacun sait que, à l'instar du forfait hospitalier, il servira de variable d'ajustement pour combler les futurs déficits.

Vous proposez aussi d'augmenter la CSG pour les retraités imposables en invoquant les nécessités du financement de la dépendance alors qu'il y a seulement huit jours vous avez fait voter une loi instituant une journée de travail gratuit et obligatoire sous le même prétexte.

Vous proposez également d'allonger le remboursement de la dette sociale, y compris vos futurs déficits de 2005 et 2006, laissant à d'autres le soin de réparer vos dégâts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous allez ainsi créer une sorte d'impôt sur la naissance qui affectera toutes les nouvelles générations jusqu'en 2 024. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

L'effort socialement ciblé sur les catégories les plus modestes de nos concitoyens n'est assorti d'aucune proposition pour faire contribuer les entreprises, les revenus financiers et l'industrie pharmaceutique.

M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas vrai !

M. Alain Vidalies. Lorsque vous avez présenté une augmentation des taxes sur les alcools et les tabacs, vous aviez évoqué des objectifs de santé publique. Mais en utilisant les 15 milliards de ressources supplémentaires pour combler le déficit du budget de l'Etat, vous avez détourné des ressources naturellement destinées au financement de la sécurité sociale.

M. Charles Cova. Posez donc votre question !

M. Alain Vidalies. Votre politique de baisse des impôts au profit des plus favorisés révèle aujourd'hui toute son incohérence. Il existe d'autres réponses respectueuses des principes de solidarité et de justice sociale.

Nous vous proposons notamment, et conformément à vos propres engagements, d'affecter immédiatement au financement de la sécurité sociale les 15 milliards provenant de la taxe sur les alcools et les tabacs.

M. Bernard Accoyer. Vous, vous avez utilisé 35 milliards pour financer les 35 heures !

M. Alain Vidalies. Allez-vous enfin tenir compte des aspirations d'une grande majorité des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Vidalies, lorsque vous demandez à l'Etat de rendre l'argent des taxes perçues sur les tabacs et l'alcool, vous ne manquez pas d'air !

Lorsqu'il s'agissait de financer les 35 heures, vous ne vous gêniez pas pour prendre l'argent de l'assurance-maladie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Je crois qu'il est extrêmement important de comprendre que si nous voulons arriver à financer, demain, l'assurance-maladie, il faut entrer dans un nouveau mode de gestion plus vertueux, quitter un système où l'on met tant d'argent, qui coule à flots, car cela ne sert à rien. Il faut changer le mode de gestion, procéder à une régulation médicalisée, en responsabilisant, d'une part les médecins, les professions de santé et, d'autre part, les usagers, en instituant une franchise d'un euro par consultation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il faut du courage politique pour cela. Nous n' en manquons pas, car l'avenir de l'assurance-maladie est en jeu.

M. Maxime Gremetz. Mais non ! Vous consentez 20 milliards d'exonérations au patronat !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. L'industrie pharmaceutique contribuera pour 2,5 milliards d'euros - ce que vous n'aviez pas fait - par une politique de coordination, de dispensation des médicaments et des génériques, en abaissant de quinze à dix ans le délai prévu entre l'autorisation de mise sur le marché et le moment où un médicament devient « génériquable ».

Nos propositions sont associées à une CSG sur les revenus financiers, ainsi que sur les retraités, car nous estimons qu'ils n'ont pas été mis à contribution lors de l'examen récent du texte sur la dépendance instituant une journée de solidarité. Nous ne visons que les retraités imposables sur le revenu, soit à peine la moitié d'entre eux. La contribution sociale de solidarité sur les sociétés sera elle aussi augmentée.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! Cinq milliards, c'est ridicule !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous mettons nos propositions sur la table. Je vois que la gauche n'en a même pas une ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Les mesures de protection des majeurs augmentent de façon très préoccupante.

Plus de 600 000 personnes sont aujourd'hui placées sous l'un des régimes de protection que sont la tutelle, la curatelle ou la sauvegarde de justice. Ce phénomène ne fera que s'amplifier, du fait de l'allongement de la durée de la vie qui entraîne un vieillissement de la population. Les statistiques prévoient qu'un million deux cent mille personnes seront, en 2010, placées sous un régime de protection.

Le dispositif en vigueur n'apparaît en réalité plus adapté. Il a perdu sa cohérence initiale, notamment fondée sur les principes de subsidiarité et de nécessité. Les incidences judiciaires et financières de cette évolution sont préoccupantes. La justice est saisie de manière systématique.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez réaffirmé hier devant les notaires, réunis pour leur centième congrès à Paris, votre volonté d'adaptation du droit à notre temps en cette année du bicentenaire de notre code civil, qui consacre une large place aux majeurs protégés.

Par ailleurs, vous avez, samedi dernier, à Lyon, à l'occasion du 49 ème congrès de l'UNAPEI, en présence de M. le Premier ministre, annoncé une réforme de la protection juridique des majeurs. Pouvez-vous nous préciser les perspectives de cette réforme très attendue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Huyghe, cette affaire concerne de nombreuses familles. Ce sont des situations de souffrance, de grande difficulté psychologique et sociale. Nous devons leur trouver des solutions plus adaptées.

De plus en plus souvent, du fait de l'allongement de la vie, mais aussi des accidents de la vie, des personnes se trouvent mises sous tutelle, c'est-à-dire privées d'une partie de leurs droits. Si, dans certains cas, la mesure est fondée, dans d'autres il s'agit seulement de répondre avec des outils juridiques à une situation sociale dégradée.

Premier objectif de la réforme : mettre en place, à l'avenir, une évaluation médico-sociale, pour déterminer dans chaque cas s'il se pose effectivement un problème de responsabilité, de capacité à assumer son indépendance psychologique et mentale, ou s'il s'agit de régler un problème social.

Le deuxième objectif de la réforme consiste à s'adapter, comme vous le souhaitez, à la réalité démographique d'aujourd'hui. Je vais prendre un exemple. Un certain nombre de personnes savent à l'avance, car elles sont atteintes de maladies du vieillissement, qu'elles vont perdre un jour leur autonomie psychologique et mentale. Le texte que je veux proposer permettra à ces futurs malades de désigner une personne, souvent membre de leur famille, qui pourra s'occuper d'eux.

Nous espérons par ce biais humaniser quelque peu une réalité sociale extrêmement douloureuse. C'est l'esprit de la réforme que nous mettons au point avec Mme la ministre de la famille. J'espère que ce texte pourra vous être proposé au cours de l'automne prochain, lorsque le volet financier sera entièrement précisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CANDIDATURE DE PARIS À L' ORGANISATION DES JEUX OLYMPIQUES DE 2012

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, il y a un an, presque jour pour jour, le 21 mai 2003, Paris présentait sa candidature pour l'organisation de la trentième édition des Jeux olympiques et para-olympiques de 2012.

Vous étiez déjà ministre de la jeunesse et des sports ; en association avec la ville de Paris, la région Ile-de-France et le Comité national olympique et sportif français, vous avez lancé ce formidable mouvement, qui doit faire de cette candidature la meilleure de toutes. Le Président de la République a confirmé à de nombreuses reprises son soutien à cette candidature.

En juillet 2003, neuf villes s'étaient portées candidates. Le comité international a rendu publique aujourd'hui, à l'heure du déjeuner, une liste resserrée de cinq villes présélectionnées pour organiser ces jeux olympiques : Paris, New-York, Moscou, Londres et Madrid. C'est une première victoire importante pour tous ceux qui agissent au sein du groupement d'intérêt public fondé pour l'occasion, et qui sont aidés par de nombreux partenaires publics ou privés.

Cette histoire est collective. Elle s'écrit collectivement. Il n'est pas question de jouer « petit bras », mais de prendre tous nos responsabilités dans cette affaire, avec sérieux, dynamisme et enthousiasme.

Monsieur le ministre, vous vous êtes personnellement beaucoup investi et vous vantez à juste titre ce travail d'équipe qui permet de faire avancer cette candidature.

Pourriez-vous nous rappeler quels sont les vrais atouts du dossier français ? Comment les élus peuvent-ils vous aider pour que tous les Français se sentent concernés par ce magnifique défi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame de Panafieu, comme vous l'avez fait remarquer, le choix du CIO est un formidable encouragement, mais c'est aussi un grand défi à relever avant le 6 juillet 2005, date à laquelle le CIO choisira la ville organisatrice.

Nous disposons d'atouts. Tout d'abord, une forte cohésion de ceux qui portent la candidature : le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République se sont exprimés, à plusieurs reprises, sur le soutien apporté à la ville de Paris, à la région et au mouvement sportif.

Ensuite, l'existence de deux pôles sportifs situés l'un auprès du stade de France, l'autre autour du Parc des Princes et de Roland-Garros. Le village olympique est un peu le cœur du dispositif. Il permettra aux sportifs de se rendre en quelques minutes sur l'un des deux sites retenus pour l'organisation de ces jeux. C'est non seulement un avantage pour ces sportifs, mais aussi un magnifique accélérateur en matière d'urbanisme. Je sais à quel point, madame de Panafieu, vous êtes attachée à la rénovation et à l'aménagement de cette zone des Batignolles qui sera utilisée pour accueillir le village olympique.

Jusqu'au 5 juillet 2005, madame la députée, nous devons nous mobiliser pour accompagner cette candidature. Il n'y a pas de plus beau projet consensuel, que chacun d'entre nous peut porter dans sa commune, sa circonscription, son département, sa région, afin de faire en sorte - c'est mon intime conviction, mais je pense que vous la partagerez - que le successeur de Jackson Richardson, porte-drapeau de la délégation française à Athènes, entre, en 2012, au Stade de France avec le drapeau français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME DE L'ASSURANCE-MALADIE

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany.

M. Jean Glavany. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, tous les médias le reconnaissent, vous êtes un beau parleur. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais vous connaissez le dicton : « Grand disou petit faisou ! » (Rires.)

Mme Martine David. Ça s'arrête là !

M. Jean Glavany. Vous l'avez redit tout à l'heure : « Si la sécurité sociale est très malade sous un gouvernement de droite, c'est parce qu'elle était en équilibre sous un gouvernement de gauche. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Belle démonstration !

Vous avez indiqué hier soir à la télévision que tout le monde était formidable : les généralistes, les spécialistes, les hospitaliers, les chercheurs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.), les infirmières, les aides-soignantes. (« Sauf les socialistes ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tout le monde est formidable ! Tout le monde ou presque ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Parce que vous ne trouvez pas les assurés sociaux formidables !

Le diagnostic du docteur Douste-Blazy est simple : les assurés sociaux seraient des fraudeurs. Votre ordonnance est simpliste : les assurés sociaux doivent payer. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous l'aviez déjà expliqué la semaine dernière dans une formidable démonstration sur le plateau de TF1.

La carte Vitale, mes chers collègues, voilà l'ennemi !

M. Maxime Gremetz. Eh oui !

M. Jean Glavany. C'est la cause de tous nos maux, de tous nos déficits, de toutes les fraudes.

Depuis, de nombreuses voix autorisées et compétentes se sont évertuées à dénoncer l'ineptie de cette démonstration. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mensonge ou incompétence ? On s'interroge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Lemasle. Les deux !

M. Jean Glavany. Je voudrais, monsieur le ministre, vous poser une question démocratique et citoyenne (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), j'allais dire tout simplement civique.

Devant un problème aussi sérieux que l'avenir de la sécurité sociale, à laquelle tous nos concitoyens sont profondément attachés, ne faudrait-il pas mieux les traiter, de manière responsable, leur dire franchement la vérité ? La vérité sans fard, la vérité sans manœuvres, la vérité sans lacunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Glavany, ce genre de débat mérite mieux qu'une toute petite polémique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui n'est pas digne de vous.

M. Jean Glavany. Un gros mensonge, c'est mieux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous respectons autant les assurés sociaux que vous, sinon davantage.

Si pour vous - je cite un rapport de l'IGAS rédigé par M. Mercereau...

M. Jean Glavany. Rendez-le public !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...que j'ai rendu public - le fait d'avoir dix millions de cartes Vitale en surnombre ne constitue pas un problème, vous êtes bien le seul, ici, à le penser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. L'IGAS a tenu des propos différents des vôtres !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous pensons, monsieur Glavany, qu'il est normal que le porteur de la carte vitale en soit le titulaire.

C'est pourquoi il sera dorénavant demandé à toute personne souhaitant obtenir une consultation à l'hôpital sur rendez-vous ou se faire opérer de manière programmée de fournir à l'administration sa carte d'identité, son passeport, en même temps que sa carte Vitale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'inspection générale des affaires sanitaires et sociales propose - ce n'est pas l'UMP, monsieur Glavany - lors du renouvellement des cartes Vitale, dans un an, que la photo et des données biométriques y figurent, afin que l'on soit sûr que le porteur de la carte vitale en soit bien le titulaire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin pour terminer, monsieur le président,...

Mme Martine David. Bla-bla !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...puisqu'on parle d'abus, il me paraît important de sauver les arrêts maladie. Il faut donc punir les plus prescripteurs et ceux qui en profitent. Si on veut, aujourd'hui, sauver les arrêts maladie, il faut également que la justice soit au rendez-vous.

Monsieur Glavany, vous devez apprendre les mots justice, équité et responsabilité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE FAMILIALE

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Madame la ministre de la famille et de l'enfance, il est tout à fait essentiel de pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle, en particulier pour les Françaises, dont 80 % travaillent entre vingt-cinq et quarante-neuf ans. Il est donc indispensable de mieux prendre en compte la parentalité, et c'est d'ailleurs à quoi s'attache également votre collègue Mme Ameline.

A côté de la création de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, qui permet aux parents de recourir aux services d'une entreprise pour la garde de leurs enfants, l'implication des entreprises dans l'accueil de la petite enfance était un thème majeur de la conférence de la famille de 2003.

Mme Muguette Jacquaint. Mais ce n'est pas leur rôle !

Mme Martine Aurillac. Le « crédit d'impôt famille », le « plan crèches » et la participation des entreprises au financement des caisses d'allocations familiales sont autant de pistes intéressantes.

Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, comment vous comptez, concrètement et efficacement, impliquer davantage les entreprises dans le champ de la politique familiale, afin de conforter notre pacte social ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la famille et de l'enfance.

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Madame la députée, la politique familiale est l'affaire de tous, et toutes les initiatives dans ce domaine doivent être encouragées. C'est d'ailleurs dans cet esprit que le Gouvernement a souhaité que les entreprises deviennent des acteurs à part entière de la politique familiale. C'est pourquoi un cadre juridique et fiscal adapté permet désormais aux entreprises qui le souhaitent de créer des crèches pour accueillir les jeunes enfants de leurs salariés.

M. Albert Facon. Les crèches de M. le baron Seillière !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. Tel est aussi le sens des dispositions que nous venons de prendre, en accord avec la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, et tous les partenaires de la politique familiale. Ce sont d'excellentes dispositions, et cela à un triple point de vue.

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Tout va bien !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. Elles sont bonnes pour les familles, pour les entreprises et pour l'emploi.

Elles sont bonnes pour les familles tout d'abord, qui vont pouvoir bénéficier de 20 000 places de crèche supplémentaires grâce aux 200 millions d'euros dégagés par le « plan crèches » actuellement mis en œuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.). Je rappelle en outre que la PAJE permet aux familles les plus modestes de recevoir 150 euros supplémentaires par mois, afin de rémunérer une assistante maternelle.

Elles sont bonnes aussi pour les entreprises.

M. Bruno Le Roux. Et c'est bien l'essentiel !

M. le président. Monsieur Le Roux !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. Les entreprises vont pouvoir aider familialement leurs employés (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)...

M. Maxime Gremetz. Ce ne sont pas « leurs » employés !

M. Albert Facon. Pourquoi pas leurs valets ?

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. ...sans pour autant alourdir leurs charges. Je pense en effet - et vous l'avez évoqué, madame la députée - au « crédit d'impôt famille », qui permet une prise en compte fiscale jusqu'à 60 % de l'effort consenti en matière de création de crèches. C'est le maximum de ce que peut proposer notre régime fiscal.

Un député du groupe socialiste. Encore une niche fiscale en faveur des capitaux ! Les enfants ont bon dos !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. C'est l'équivalent de ce qui est fait pour le mécénat...

M. Albert Facon. Et voilà !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. ...et c'est la preuve que ce gouvernement considère les jeunes enfants comme notre véritable patrimoine. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain.)

M. Augustin Bonrepaux. Cela prouve qu'il considère les détenteurs de patrimoine comme ses véritables enfants, vous voulez dire !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. Enfin, ...

M. le président. Merci, madame.

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. ...ces mesures sont bonnes pour l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)...

M. le président. Merci, madame. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur Bonrepaux, laissez Mme la ministre terminer, s'il vous plaît !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. En effet, les entreprises et les associations qui souhaitent aider leurs employés pourront le faire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) grâce à des subventions que leur verseront les caisses d'allocations familiales.

M. le président. Merci, madame.

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. Il s'agit de dégager un gisement de dizaines de milliers d'emplois,...

M. le président. Merci beaucoup, madame : je crois que tout le monde a compris.

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. ...et ce sont de véritables emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE DANS LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mister President, can I ask the Prime minister a question in english ?

M. le président. Monsieur Dupont-Aignan, nous parlons français ici !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Rassurez-vous, monsieur le président, c'est en français que je poserai ma question à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

M. le président. Comme ça, on vous comprendra !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mais pourquoi ce qui, à juste titre, est inconcevable dans cet hémicycle devient partout ailleurs une habitude, notamment au sein des institutions européennes, où pourtant le français est censé être une langue de travail de premier plan ?

On ne compte plus les exemples de recul de la langue française à Bruxelles, à Strasbourg ou à Francfort : des textes en anglais qui ne sont pas traduits dans notre langue ; des sites internet uniquement dans cette langue ; des réunions auxquelles ne peuvent participer que ceux qui parlent l'anglais. Ces dérives, contraires à l'esprit d'une construction européenne respectueuse des nations, sont malheureusement très souvent acceptées par les Français eux-mêmes. Est-il normal que de hauts fonctionnaires français s'expriment en anglais dans des débats au sein du COREPER ou d'autres institutions ? Est-il normal que des administrations françaises rédigent directement en anglais les notes qu'elles adressent à la Commission ou au Parlement européen ?

Quelle crédibilité accorder dès lors aux belles paroles des sommets de la francophonie ? Comment pouvons-nous inciter les autres peuples du monde à parler notre langue, à l'enseigner, si nous ne sommes pas capables nous-mêmes de la défendre et de la promouvoir ?

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. le président. Ecoutez, monsieur Myard.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Souvenons de la mise en garde de Georges Pompidou : « C'est à travers notre langue que nous existons dans le monde autrement que comme un pays comme les autres. Si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés purement et simplement ».

Ma question est simple : au moment où l'Europe s'élargit, et où la pression de la Commission pour faire de l'anglais l'unique langue de travail de l'Union européenne n'a jamais été aussi forte, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez si le Gouvernement a l'intention de prendre des mesures à la hauteur de l'enjeu, et lesquelles.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, qui va nous répondre en français !

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le député, ...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est Ferry ?

M. Albert Facon. On l'a perdu !

M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. ...vous avez en grande partie raison : il est vrai que l'usage du français recule au sein de beaucoup d'instances, souvent par facilité. C'est d'ailleurs aussi le cas de l'anglais littéraire, auquel se substitue une sorte d'anglo-américain qui ne compte pas plus de 5 000 mots.

La France est cependant bien loin de s'y résigner. Comme vous l'avez rappelé, le français reste une des langues officielles des instances européennes. D'autre part, nous avons mis en place un dispositif de formation des fonctionnaires, qui est financé à hauteur de 1,4 million d'euros chaque année. Nous avons exigé en outre que le nouveau statut des fonctionnaires qui travaillent dans le cadre des instances européennes impose que leur promotion soit conditionnée par leur capacité à manipuler deux langues au moins.

M. Albert Facon. Dont le français ?

M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. J'ajoute que nous veillons très soigneusement à ce que les sites internet, que vous avez évoqués, utilisent aussi la langue française. Nous avons fourni aux fonctionnaires européens 20 000 logiciels permettant l'utilisation du français comme langue administrative.

Je voudrais enfin vous rappeler que le combat contre l'uniformisation de la langue est un combat global. Vous savez que Michel Barnier défend à l'Unesco de manière très précise la convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, élément majeur de notre diplomatie culturelle. De fait, la question du français ne peut pas se réduire à celle de la langue française. Le français c'est une expression, c'est toute une culture, qui suppose pluralité, diversité et multipolarité.

En tous les cas, vous pouvez compter sur moi, qui fus professeur de français, pour défendre la langue française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SAUVEGARDE DU SECTEUR DE LA BANANE ANTILLAISE

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il va nous parler de la banane !

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, en Guadeloupe et en Martinique, le secteur de la banane joue sa survie. (« Et voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Sachez, messieurs, que c'est très important !

M. Alfred Marie-Jeanne. Les révisions successives de l'Organisation commune des marchés et l'alignement sur les règles de l'Organisation mondiale du commerce, tous deux favorables aux grands groupes américains, sont des facteurs majeurs des préjudices causés aux producteurs de nos pays. Les conséquences - qui, je pense, ne prêtent pas à rire - sont un marché européen surapprovisionné, un prix de vente non rémunérateur, la disparition de la moitié de nos planteurs en dix ans, les liquidations en cascade de plantations, auxquelles nous assistons ces mois-ci, avec leur cohorte de licenciements,

De plus, l'entrée en vigueur du système du tariff only, ou « système uniquement tarifaire » au 1er janvier 2006, signifie l'abandon du principe de la préférence communautaire, la mise à mal du mécanisme d'aide compensatoire ; in fine, c'est la mort programmée de la banane antillaise.

Peut-être pas, me direz-vous ! Il n'en reste pas moins urgent d'élaborer une stratégie d'ensemble, passant en interne par la restructuration de la profession, et en externe par la stabilisation et la sécurisation du marché.

Est-il vraiment trop tard pour agir, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Vous avez raison, monsieur le député, la banane connaît de grandes difficultés, notamment depuis ces dernières années, où son prix a décroché du prix communautaire, le tout dans un contexte international de réformes. S'ensuivent des difficultés de trésorerie pour les entreprises et des problèmes de chômage dans nos départements producteurs. Pour y remédier, nous travaillons depuis deux ans, avec Brigitte Girardin, dans deux directions.

Nous avons tout d'abord pris des mesures concrètes de soutien au revenu des producteurs. L'année dernière, nous avons obtenu de Bruxelles 114 millions d'euros, soit dix-sept millions d'euros supplémentaires au titre de l'aide compensatoire. Nous avons transformé en subventions des prêts accordés en 1997. Nous avons mis en place des prêts de trésorerie à taux zéro à hauteur de treize millions d'euros. Enfin nous avons décidé, au mois de mars, une avance de trésorerie d'un montant de vingt et un million d'euros.

Mais, au-delà de ces aides conjoncturelles, une politique structurelle s'impose. C'est pourquoi nous avons, avec Brigitte Girardin toujours, organisé une vaste consultation de tous les acteurs de la filière, et leur avons proposé le projet d'un « contrat de progrès » d'un montant de vingt-cinq millions d'euros, prévoyant des dispositions concernant la production, la mise en marché, ainsi que d'indispensables mesures sociales. Ce projet sera finalisé dans les semaines qui viennent.

Le Premier ministre est intervenu auprès de M. Prodi, président de la Commission européenne, pour que nos positions soient défendues à Bruxelles et devant l'OMC.

Vous avez évoqué le dispositif dit tariff only ; puisqu'on nous a interdit à l'instant l'usage de l'anglais dans cet hémicycle, je parlerai, quant à moi, du passage au « système uniquement tarifaire ». Il est vrai que c'est un grand combat, mais, aussi difficile soit-il, aucun combat n'est perdu d'avance. Nous devons nous battre à Bruxelles à la fois sur le front intérieur de l'Organisation commune du marché de la banane, et sur le front extérieur des relations avec l'OMC.

Voilà, monsieur le député, les quelques éléments que je voulais vous donner. Sachez en tout cas que nous sommes, avec Brigitte Girardin, mobilisés, derrière le Premier ministre, pour sauvegarder l'avenir de la banane antillaise, et donc française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, nous allons maintenant procéder au vote solennel du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales.

Je souhaite avant toute chose adresser mes remerciements à nos deux rapporteurs, M. Guy Geoffroy pour la commission des lois et M. Gilles Carrez pour la commission des finances. Vous avez l'un et l'autre, avec beaucoup de talent, de précision et de conviction, défendu ce projet de loi organique. Vous avez exprimé toutes les nuances et avez mesuré les enjeux de cette loi importante. Votre contribution a été précieuse, et je veux ici, au nom du Gouvernement, vous en remercier.

Mesdames, messieurs les députés, vous avez souhaité un débat dense et soutenu, et je crois qu'il l'a été. J'ai été particulièrement sensible à la qualité de vos interventions : qu'il s'agisse des différents orateurs de la discussion générale - de la majorité comme de l'opposition - ou des parlementaires qui ont défendu des amendements, j'ai pu mesurer l'intérêt que la représentation nationale accorde à ce texte important.

D'ailleurs, la relative longueur des débats sur un projet de loi ne comportant que quatre articles est sans doute la marque d'une forte préoccupation de la part des députés d'obtenir toutes les garanties pour établir durablement des relations loyales et confiantes entre l'Etat et les élus locaux.

Le vote solennel auquel nous allons procéder vient consacrer un examen attentif et constructif du projet de loi organique, qui a permis que nous fassions les mises au point nécessaires.

J'ai eu à cœur de répondre devant vous en toute transparence à l'ensemble des questions que vous avez souhaité soulever. Il m'a paru indispensable aussi de lever certains malentendus et d'apaiser certaines craintes.

Nous vous proposons un texte loyal. Il constitue un élément fondamental de l'édifice constitutionnel qui a été mis en place afin de décentraliser la République tout en modernisant nos institutions, pour une meilleure efficacité publique, c'est-à-dire ce que demandent d'abord les Français.

La loi organique vient concrétiser la garantie, désormais constitutionnelle, de l'autonomie financière des collectivités locales et empêchera que certaines évolutions constatées dans le passé puissent se reproduire.

Elle illustre le souci de transparence et de loyauté qui anime le Gouvernement dans ses relations avec les collectivités territoriales.

Quant aux garanties que nous apportons pour assurer l'autonomie financière des collectivités locales, elles sont fortes : elles engagent sur le long terme les rapports entre l'Etat et les collectivités.

Je ne doute pas que ces objectifs soient partagés sur tous les bancs de cet hémicycle. En tout état de cause, je vous assure de l'esprit d'ouverture et d'échange qui caractérise le Gouvernement sur ce dossier.

Les choses suivent maintenant leur cours. A ce stade du chantier de la décentralisation, il était indispensable que nous ayons, en toute transparence, ce débat sur l'autonomie financière des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi organique constitue la première déclinaison financière du projet général de décentralisation. Il s'inscrit dans le réaménagement de l'architecture institutionnelle administrative de la République. Ce simple aspect suffirait à justifier notre hostilité.

Monsieur le ministre, avec cette décentralisation, je le redis, vous cherchez avant tout à adapter nos institutions républicaines aux critères d'efficacité définis par votre idéologie libérale. (Oh ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre but est d'affaiblir, dans le cadre d'une Europe des régions, tous les contrepoids existants au règne sans partage des logiques de domination capitaliste.

Aussi aucune déclinaison de ce projet, aussi partielle soit-elle, ne recueillera l'assentiment des députés communistes et républicains.

En outre, ce texte sibyllin comprend suffisamment de dispositions pour susciter en lui-même notre franche opposition.

D'abord, nous ne partageons pas votre conception de l'autonomie financière. Vous signifiez que la libre administration est garantie à partir du seul moment où les ressources des collectivités territoriales sont, de façon déterminante, constituées de ressources propres, c'est-à-dire - pour l'essentiel - d'impôts.

Mais la libre administration des collectivités territoriales nécessite avant tout qu'elles disposent de marges de manœuvre pour utiliser leurs recettes fiscales, qu'elles aient la faculté de fixer elles-mêmes les orientations politiques du territoire dont elles ont la charge. Ce n'est pas par leurs seules compétences obligatoires que les collectivités affirment leur libre administration, mais bien davantage par les initiatives particulières adaptées aux spécificités et besoins locaux qu'elles sont amenées à prendre.

C'est pourquoi, même en transférant des impôts nationaux aux collectivités territoriales, vous affectez profondément leur libre administration avec le transfert autoritaire de compétences obligatoires.

D'autant plus que, malgré vos affirmations, les compensations financières ne couvriront pas, dans la durée, l'évolution des dépenses liées à ces transferts. Vous avez d'ailleurs repoussé tous nos amendements visant à garantir une croissance des compensations qui corresponde à l'évolution des dépenses.

M. Alain Bocquet. Tout à fait !

M. André Chassaigne. D'autre part, ce texte s'attache exclusivement à clarifier les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales. Il fait passer au second plan les problématiques essentielles relatives aux finances locales que sont la réforme de la fiscalité locale et l'indispensable croissance des dotations de péréquation.

Désormais, votre définition, d'ailleurs tout à fait arbitraire, de l'autonomie financière conditionnera toute évolution significative des dotations versées par l'Etat. Par cet artifice, cette loi organique aura des conséquences inverses de l'objectif affiché et portera en fait atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Par les effets pervers, que nous avons largement démontrés durant les débats, elle conduira en particulier à geler la progression des dotations de péréquation et fera de fait reposer l'édifice des finances locales sur les seuls impôts locaux.

Comme les bases de ces impôts sont très inéquitablement réparties, les inégalités entre collectivités locales seront fortement renforcées. Il s'agit bel et bien, dans votre esprit, d'aiguiser la concurrence fiscale et donc d'ancrer dans le droit local le dogme libéral du chacun pour soi, à l'origine de tant de fractures, d'exclusions et de déséquilibres. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste. − Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, ce texte ne résout pas le problème de la définition juste des « ressources propres ». En assimilant tout impôt, même ceux dont les collectivités territoriales ne maîtriseront pas les taux, à des ressources propres, le Gouvernement cherche en fait à limiter au maximum le montant des compensations financières qui doivent accompagner les transferts de compétences imposés par la décentralisation.

Ainsi, le transfert de la TIPP n'est qu'un expédient. Vous en faites la clef de voûte de l'autonomie financière, alors que les collectivités territoriales n'en maîtriseront pas les taux et que cet impôt ne peut être rattaché à un territoire donné. Surtout, vous n'ignorez pas que les bases de la TIPP ont très peu évolué ces dernières années et qu'elles risquent même à l'avenir de diminuer. Au fond, vous cherchez davantage à vous débarrasser d'un impôt à l'avenir incertain qu'à renforcer l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Nos débats, qui ont souvent été très techniques, voire inaccessibles à nos concitoyens, n'ont pas répondu à ces interrogations. Certes, au cours de nos échanges, vous avez eu, monsieur le ministre, une attitude réceptive, qui tranchait avec celle de votre prédécesseur. Mais, au final, aucune proposition de l'opposition, ni même, d'ailleurs, de vos partenaires, n'a été prise en compte. Aussi le groupe des député-e-s communistes et républicains votera-t-il fermement contre ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc au terme de la discussion du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, au moment où chacun doit se prononcer sur l'intérêt de cette loi qui découle de la réforme constitutionnelle que nous avons adoptée à une large majorité et qui, comme le souhaitait le Conseil constitutionnel, a pour but d'en définir les conditions d'application.

Comme de très nombreux collègues élus locaux, j'ai regretté que certains, notamment les élus de l'opposition, engagent une mauvaise polémique sur ce texte, dénonçant par avance le coût futur supposé de cette nouvelle étape de la décentralisation. Ils ne visaient qu'à remettre en cause une réforme dont le seul but est de rapprocher la gestion des attentes des citoyens et, par là même, d'offrir, comme ce fut le cas pour les précédentes étapes, des solutions dans la mise en œuvre des politiques adaptées aux territoires.

M. François Brottes. Nous appliquons le principe de précaution !

M. Michel Bouvard. Ces critiques auraient été plus crédibles si elles s'étaient appuyées sur une pratique exemplaire dans la prise en compte de la gestion des transferts de charges de l'État vers les collectivités et dans le respect de leur autonomie financière. Or, notre débat et les remarques de l'Observatoire des finances locales l'ont largement démontré, sans qu'on puisse leur opposer aucun démenti sérieux, la législature précédente a marqué une véritable régression en la matière, avec un accroissement général, tous niveaux de collectivité confondus, de la dépendance financière vis-à-vis de l'État.

M. Bernard Accoyer. C'est vrai !

M. Michel Bouvard. C'est la raison même de cette réforme et de ce texte que de vouloir éviter le retour à de telles pratiques, et c'est la première raison qui fait que le groupe UMP se prononcera en faveur du projet de loi.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Michel Bouvard. La discussion a permis d'améliorer le texte sur deux points : grâce aux amendements des rapporteurs des commissions des finances et des lois − dont, après le ministre, je tiens à saluer la qualité des travaux −, nous avons pu à la fois préciser la notion de « ressources propres » et raccourcir le délai de mise en œuvre de la clause de garantie prévue à l'article 4. En effet, si l'on peut débattre à l'infini de la notion de « ressources propres » et de son périmètre − et nous n'avons pas manqué de le faire −, il n'en reste pas moins que ce texte marque un véritable progrès dans la marche en avant vers l'autonomie financière : c'est la deuxième raison qui fait que nous voterons ce projet de loi.

Au-delà de cette appréciation d'ensemble, je souhaite dire que, pour l'UMP, ce texte ne constitue pas un aboutissement, mais une étape. Il appartiendra en effet à la représentation nationale, en liaison avec le Comité des finances locales, de faire vivre cette réforme. Ainsi, le principe d'autonomie sera mieux respecté et plus lisible pour le citoyen si nous simplifions également l'architecture des recettes fiscales et des ressources, notamment par niveau de collectivités.

La péréquation est désormais inscrite dans la Constitution, et je veux rappeler que la loi de finances pour 2004 a fixé un premier cap. Mais la péréquation ne sera juste que si elle prend en compte non seulement les ressources fiscales, mais aussi toutes les charges supportées par les collectivités territoriales dans leur diversité, et peut-être même la capacité contributive des citoyens.

Une décentralisation équilibrée, des élus responsabilisés, des finances maîtrisées : c'est parce que nous souscrivons à ces orientations que nous approuvons ce texte, qui marque une étape essentielle dans l'organisation de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin sur l'ensemble du projet de loi, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet est une imposture, car il est à la fois insuffisant, incohérent et hypocrite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).

Il est insuffisant car il oublie l'intercommunalité, sans doute parce que cette loi prépare le remplacement de la taxe professionnelle par un impôt d'État assujetti aux décisions du Gouvernement.

Il est également insuffisant en raison de l'ambiguïté de la Constitution. L'évaluation des transferts de charges reste imprécise et permet toutes les manipulations : le Gouvernement ne s'est pas privé d'y recourir, les dépenses liées au RMI ayant, par exemple, augmenté de 10 % en trois mois. De même, le transfert des TOS entraînera une charge supplémentaire de plus de 50 % pour les contribuables locaux...

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Où a-t-il été chercher cela ?

M. Augustin Bonrepaux. ...puisque seul le transfert des agents de l'éducation nationale sera compensé, celui de tous les autres − CDD, CES ou CEC − étant à la charge des contribuables locaux.

Il est encore insuffisant puisque, au moment où la Constitution consacre le principe de péréquation − que la gauche a pourtant réalisé sans réforme −, ce projet de loi ne reprend même pas les principes définis par la loi Pasqua de 1995.

Ce projet est incohérent car il réduit l'autonomie des collectivités locales qu'il est censé mettre en œuvre. Comment peut-on affirmer que le transfert de la TIPP, dont l'évolution est fixée par l'État, garantit mieux l'autonomie des collectivités locales qu'une dotation progressant en fonction de l'inflation et du produit intérieur brut, comme c'était le cas de la dotation globale de décentralisation ou des compensations du gouvernement précédent ? Transférer le produit d'un impôt figé, dont l'évolution est fixée par l'État, n'est-ce pas asservir davantage les collectivités locales ? Tous les responsables d'associations, y compris vos amis, l'ont bien compris et s'opposent fermement à cette définition des ressources propres dont les collectivités locales ne pourront fixer le montant ni à travers le taux ni à travers l'assiette.

Ce texte est incohérent, car il ne définit pas l'adjectif « déterminant » et ne détermine donc rien. La loi se borne à reprendre la définition figurant déjà dans la Constitution. À quoi bon avoir fait cette réforme si c'était pour compliquer les choses et faire dépendre le sort de toutes les dispositions futures de l'interprétation du juge constitutionnel ?

Ce projet de loi est d'autant plus incohérent que la loi compromet la péréquation dont la Constitution paraît consacrer le principe...

M. Jean-Marc Roubaud. C'est faux !

M. Augustin Bonrepaux. ...en refusant d'exclure, comme nous le demandions, les dotations de péréquation des ressources des collectivités. Toute péréquation verticale apportant des dotations de l'État aux collectivités les plus pauvres réduira d'autant leur niveau d'autonomie et se révélera contraire à la Constitution.

Toutes ces constatations révèlent en fait une profonde hypocrisie. C'est le Premier ministre lui-même qui renie la proposition de loi constitutionnelle relative à l'autonomie financière des collectivités locales qu'il avait présentée et défendue au Sénat en 2000. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Briand. Caricature !

M. Augustin Bonrepaux. En refusant aux collectivités locales la libre faculté de faire varier le taux et l'assiette des impôts transférés, il les assujettit aux décisions de l'État, contrairement à ses promesses.

M. Philippe Briand. Heureusement qu'il a son papier, sinon il serait perdu !

M. Augustin Bonrepaux. Ainsi, demain, la taxe professionnelle pourra être remplacée par la TIPP, et les collectivités locales, notamment les communautés de communes, seront entièrement dépendantes des décisions de l'État. Alors qu'il affirmait que les ressources propres devaient représenter une part « prépondérante », il oblige les élus à se satisfaire de l'adjectif « déterminante », dont les contours obscurs vont rendre nécessaire l'intervention du juge constitutionnel.

Mais la plus grande hypocrisie, c'est certainement la manière dont il arrive à tromper tout le monde. Il dupe les élus − y compris ceux de sa majorité −, qui, pour beaucoup, lui avaient fait confiance. Il berne ceux de l'UDF, qui avaient voté naïvement la révision constitutionnelle, et qui s'aperçoivent aujourd'hui, un peu tard, que cette loi organique est un véritable retour en arrière, avec toutes les complications qu'elle engendre. Il trompe même les élus de l'UMP, qui n'osent l'avouer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. C'est faux !

M. Augustin Bonrepaux. Seuls deux députés courageux sont venus le dire à cette tribune, mais ils ont dû rentrer dans le rang. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'êtes pas de ceux-là, bien sûr, parce que vous, messieurs, vous manquez de courage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, il parle depuis six minutes !

M. Patrick Ollier. Il a dépassé son temps de parole !

M. Augustin Bonrepaux. Ceux qui voteront ce texte devront affronter l'opposition de toutes les associations d'élus et seront responsables de toutes les contraintes que la nouvelle loi va imposer. Ils seront surtout responsables des augmentations d'impôts locaux, particulièrement de la taxe d'habitation, que cette loi va entraîner (Exclamations continues et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, il parle depuis sept minutes !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, il faut conclure.

M. Augustin Bonrepaux. ...pour permettre au Gouvernement de satisfaire les caprices du président Chirac et pour offrir, avec la baisse de l'impôt sur le revenu, des privilèges aux Français les plus favorisés.

Vous avez compris, monsieur le président, que nous voterons fermement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liberté et la responsabilité sont deux des valeurs fondatrices de l'UDF, qui justifient que, depuis un quart de siècle, nous menions un constant combat en faveur de la décentralisation.

Pour nous, les libertés locales sont tout à la fois la liberté de fixer le niveau de la dépense publique locale et celle de fixer le niveau de la pression fiscale locale, sous le contrôle des citoyens à l'occasion des élections.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Charles de Courson. Or, en l'état, le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales est contraire, sur ce point fondamental, aux conceptions de l'UDF.

En effet, le texte, qui ressort pratiquement inchangé des débats de l'Assemblée nationale, ne garantit en rien l'autonomie financière des collectivités locales. Nous estimons qu'il ne faut pas s'affranchir du principe selon lequel une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources doit provenir d'impôts dont l'assiette est locale et dont les assemblées délibérantes peuvent fixer le taux et/ou l'assiette.

Le Gouvernement et, hélas, les rapporteurs ont défendu un texte qui inclut dans les recettes fiscales des collectivités locales le produit de tout ou partie d'impôts nationaux attribués pour tout ou partie aux collectivités locales sans que celles-ci aient la possibilité d'en moduler le taux ou l'assiette.

Ainsi, si nous votons le texte en l'état, un gouvernement pourra un jour substituer aux impôts locaux existants, dont le taux ou l'assiette sont modulables par les assemblées locales, une part d'impôt national affectée aux collectivités locales sans que le ratio d'autonomie financière s'en trouve dégradé !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Charles de Courson. Au surplus, en maintenant sa position, le Gouvernement s'expose à un triple risque d'inconstitutionnalité : au regard de la notion de recettes fiscales au sens de l'article 72-2 de la Constitution, du principe de libre administration des collectivités territoriales au sens du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution et enfin du respect dans le temps de l'équilibre du financement des transferts de compétences, conformément à la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel.

Il est triste de constater qu'au fond ce texte traduit une certaine défiance envers les élus locaux (« Très bien » et applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste), comme si les collectivités locales étaient moins vertueuses que l'Etat dans la gestion des finances publiques, comme si l'indivisibilité et l'unité de la République devaient souffrir de l'autonomie financière sincère et réelle accordée aux collectivités locales !

Ce projet porte en lui des germes de recentralisation et les élus locaux ne s'y sont d'ailleurs pas trompés puisque toutes les associations d'élus locaux - l'association des maires de France, l'association des départements de France, l'association des régions de France - s'y sont opposées.

Lors du débat, l'UDF vous a proposé un sous-amendement qui aurait permis d'affirmer pleinement notre attachement aux libertés locales tout en garantissant réellement l'autonomie financière des collectivités locales. Il s'agissait simplement de disposer que les recettes fiscales des collectivités locales ne sont constituées que des impôts et taxes sur le taux et/ou l'assiette desquels les élus locaux peuvent agir.

Le Gouvernement nous a alors expliqué qu'il donnerait une possibilité de modulation des taux, aux départements pour les conventions d'assurance relatives aux automobiles et aux régions pour la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Hélas, l'assiette de ces deux impôts est difficilement localisable, et une certaine liberté de modulation des taux poserait de très délicats problèmes d'eurocompatibilité.

Puisque ce projet sera voté par une partie du seul groupe UMP, nous plaçons désormais nos espoirs dans le Sénat, représentant des collectivités locales, dont la majorité avait voté sous la précédente mandature une proposition de loi organique, déposée le 22 juin 2000 et signée par le président Poncelet et l'actuel Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, proposition qui correspondait exactement aux thèses toujours défendues par l'UDF.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Charles de Courson. En effet, le premier alinéa de l'article 1er de cette proposition de loi organique disposait que «la libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de ressources fiscales dont elle vote le taux dans les conditions prévues par la loi. »

Puisse le Sénat, traditionnel défenseur des libertés locales, faire preuve de sagesse et de liberté. En attendant le vote des sénateurs, le groupe UDF votera contre ce projet de loi organique en l'état, dans l'espoir qu'en deuxième lecture le Gouvernement et la majorité de l'UMP entendront ses propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de passer au vote, la parole est M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Julien Dray. Pas maintenant !

M. Jean Glavany. Respectez les traditions de cette maison !

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, (Vives exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste) au moment où notre assemblée va se prononcer sur ce projet de loi organique, je voudrais souligner en quelques mots son importance. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le rapporteur a la possibilité de s'exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)...

M. Jean-Pierre Balligand. Oui, mais avant les explications de vote !

M. Julien Dray et M. Alain Bocquet. Scandaleux ! Pas juste avant le vote !

M. le président. M. Geoffroy a demandé la parole tardivement. Qu'il s'exprime avant ou après le vote ne me paraît pas changer quoi que ce soit. (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le rapporteur, si vous le voulez bien, nous allons procéder au vote et vous vous exprimerez ensuite. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer et M. Philippe Briand. Pas du tout ! Laissez le rapporteur s'exprimer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, je demande la parole. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue. (« Debré ! Debré ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 532

              Nombre de suffrages exprimés 518

              Majorité absolue 260

        Pour l'adoption 322

        Contre 196

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Jean-Louis Debré.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est reprise.

    3

ÉNERGIE

Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation sur l'énergie (nos 1586, 1597).

La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, le fait que vous présidiez vous-même cette séance montre que vous attachez, à juste titre je crois, beaucoup d'importance à la question de l'énergie. Comme vous pouvez l'imaginer, le Gouvernement y est extrêmement sensible.

Mesdames, messieurs les députés, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, monsieur le rapporteur, j'ai l'honneur, avec Patrick Devedjian, de vous présenter aujourd'hui, comme nous l'avions annoncé tous les deux le 15 avril, le projet de loi d'orientation sur l'énergie. Cette première discussion parlementaire vient clore un très long processus : six mois de débat national au premier semestre 2003, sept rencontres nationales en régions , plus de 300 000 consultations du site internet du débat, une concertation de quatre mois sur la base du Livre blanc sur les énergies, soixante contributions écrites avec des propositions concrètes. Le débat a été fructueux et il est maintenant temps d'en tirer toutes les conséquences. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Nous n'avons eu que huit jours pour travailler sur le texte ! C'est ça la réalité ! Et, en plus, l'urgence est déclarée ! Ce n'est pas une méthode !

M. le président. Vous aurez tout loisir de vous exprimer tout à l'heure !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le texte qui vous est présenté étant, je le pense, consensuel sur le fond, il n'est pas anormal qu'il y ait des polémiques sur la forme. Nous verrons comment trouver, sur celle-ci aussi, la meilleure position pour que chacun puisse se faire entendre, ce qui est bien naturel.

Ce projet de loi fixe donc le cadre dans lequel les entreprises du secteur de l'énergie, et notamment EDF et GDF, vont agir. Pourquoi fallait-il intervenir maintenant ? Parce qu'une date, que nous n'avons pas fixée , s'impose à nous : le 1er juillet 2004. Ce jour-là, que nous le voulions ou non, quelle que soit notre sensibilité politique, 70 % du marché seront ouverts à la concurrence pour l'électricité et pour le gaz . C'est une contrainte et si nous voulons que ces champions nationaux que sont EDF et GDF puissent devenir des champions européens, il faut que nous leur donnions les moyens d'être prêts pour le 1er juillet 2004.

De nombreux amendements ont été déposés. Ils sont intéressants. M. Devedjian et moi-même y serons très attentifs et nous avons prévu d'en accepter beaucoup, qu'ils viennent de la majorité ou de l'opposition, ...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est vrai !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...car ce sujet de l'énergie et de l'indépendance énergétique va bien au-delà du seul clivage politique gauche-droite.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une chose est certaine : notre pays ne peut plus attendre pour arrêter ses choix en matière d'énergie. Les données de base sont connues. Nous n'avons pas de pétrole, pas de gaz, nous n'avons plus de charbon ; nous avons eu des idées. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela ne veut pas dire que nous n'en avons plus, mais rendons à César ce qui est à César ! Ceux qui ont eu des idées appartenaient à la génération politique des responsables des années soixante-dix , qui ont fait un choix dans lequel nous ne sommes pour rien et dont nous profitons aujourd'hui, celui du nucléaire.

M. Yves Cochet. Nous n'avons pas d'uranium non plus !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La grande question qui se pose à nous en matière de politique de l'énergie est la suivante : serons-nous à la hauteur de ceux qui, il y a trente-cinq ans, ont su prévoir l'avenir de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce sont très exactement les données du débat qui nous intéresse aujourd'hui.

Trois problèmes majeurs se posent néanmoins à nous et nous obligent à réexaminer notre politique. Nous serons tous d'accord, je pense, sur leur définition. Il s'agit du réchauffement climatique - dont nul ne prétendra que c'est un problème de gauche ou de droite (Sourires.) -, de l'augmentation vraisemblablement durable du prix du pétrole et du gaz, et du renouvellement de notre parc nucléaire en vue des trente à cinquante prochaines années.

Pour lutter efficacement contre l'effet de serre, une véritable rupture est nécessaire dans nos comportements. La France n'est pourtant pas mal placée en ce qui concerne les émissions de gaz, et ce grâce à l'importance de notre parc nucléaire. Il faut le rappeler, car c'est un élément majeur de l'attractivité et du rôle de notre pays. La France émet 40 % de moins de CO2 que l'Allemagne, qui utilise fortement le charbon, et 35 % de moins que l'Angleterre, qui se sert plutôt du gaz. A cet égard, la France est un pays vertueux, qui fait preuve d'une certaine avance. Mieux encore, le Président de la République s'est engagé à stabiliser nos émissions de CO2 d'ici à 2010 à leur niveau de 1990. Nous tiendrons cet objectif.

Mais, pour donner une idée du défi qui nous attend, je précise que, même si tous les pays respectaient scrupuleusement les engagements qu'ils ont pris à Kyoto, nous n'arriverions encore qu'à ralentir l'effet de serre, c'est-à-dire à limiter le réchauffement de la planète. Or chacun sait que ces engagements ne seront pas tenus. Le Gouvernement souhaite donc que nous changions véritablement de braquet, pour nous attaquer à cette question universelle avec une ambition qui soit à la hauteur du problème. Premier symptôme de ce réchauffement, la canicule de l'été 2003 doit nous inciter encore davantage à prendre une décision sereine et forte sur une question qui nous concerne tous.

La deuxième contrainte que nous devons prendre en compte est l'augmentation inévitable des prix du pétrole et du gaz. M. Cochet a eu raison de le préciser lors de notre débat du 15 avril dernier : la production de pétrole va plafonner dans les quinze à trente années à venir. Il est évident que, quand l'offre stagne et que la demande explose - en l'occurrence, du fait des pays en développement comme la Chine, devenue en l'espace de quelques années le deuxième importateur de pétrole -, les prix montent.

M. Yves Cochet. Exactement !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'énergie sera donc rare et chère, alors qu'elle était jadis abondante et quasiment gratuite. Tous les gouvernements à venir, qu'ils soient de droite ou de gauche,...

M. Bernard Accoyer. J'aimerais autant qu'ils soient de droite !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... devront affronter cette réalité. La planète se réchauffe et le coût de l'énergie augmentera.

En revanche, je comprends moins M. Cochet quand, après avoir rappelé que l'effet de serre était un problème majeur et que le pétrole et le gaz allaient se tarir dans vingt ou trente ans, ce dont on ne peut douter, il propose que la France sorte du nucléaire. Sur ce point, il me permettra de lui dire qu'il a fortement tort. Sortir du nucléaire, ce serait augmenter de 30 % nos émissions de CO2 et de 50 % notre facture énergétique. Actuellement, le parc nucléaire français permet d'éviter des émissions de gaz à effet de serre équivalentes à celles de tout le parc automobile européen.

M. Jean-Claude Lenoir. Oui !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il serait donc irresponsable de proposer de sortir du nucléaire et la politique du Gouvernement vise au contraire à pérenniser cette filière.

M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La troisième contrainte qui pèse sur notre politique est donc le renouvellement de notre parc nucléaire. La moitié de ce parc aura plus de trente ans en 2011, ce qui représente la durée de vie initialement prévue pour les centrales. Heureusement, dans l'état actuel de nos connaissances, une durée de quarante années semble pouvoir être atteinte, soit à peine dix ans de plus que celle initialement prévue. Dans ces conditions, même en supposant que les centrales les plus anciennes atteignent bien quarante ans, c'est à l'horizon de 2 020 que nous devrons être prêts à remplacer notre parc.

Face à ces trois contraintes, il n'est plus temps de tergiverser. Il faut décider maintenant. D'autant qu'un choix que nous prendrions aujourd'hui à propos de l'EPR ne permettrait pas que le chantier du prototype démarre avant sept ans - ce qui montre non seulement l'importance mais la lourdeur des décisions que nous prenons aujourd'hui, et l'importance d'avoir une vision claire de l'avenir.

Le projet de loi propose de définir les grandes orientations qui vont guider l'action de la France et organiser sa politique énergétique.

Notre premier objectif est la maîtrise de l'énergie. En effet, ce n'est pas parce que nous avons, grâce à notre parc nucléaire, une énergie moins chère, qu'il faut la gâcher. La maîtrise de l'énergie est l'objet de l'article 1er du texte.

A cet égard, je voudrais lever tout de suite une ambiguïté. Cet article est présenté sous forme d'annexe au projet de loi pour une raison de lisibilité, mais il a bien sûr la même valeur législative que n'importe quel autre article. Si votre Assemblée souhaitait en réintégrer le contenu sous forme d'un titre Ier, le Gouvernement y serait tout à fait favorable.

Sans paraphraser le contenu de l'article, je rappellerai seulement les choix qui sont les nôtres. Dans le domaine de l'énergie, il importe d'abord de distinguer les objectifs des moyens : les économies d'énergie par exemple, constituent un moyen, et non un objectif en soi.

Nous nous sommes fixé quatre objectifs qui répondent à deux contraintes et à deux nécessités : la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement, la modération des prix et l'accès de tous à l'énergie.

La première contrainte est liée à la géologie de notre pays. Malgré le développement du nucléaire, la France est dépendante à 50 % en matière d'énergie. Il est donc essentiel pour notre pays de garantir un niveau suffisant de sécurité d'approvisionnement, si nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation de l'Italie ou de l'Espagne qui dépendent à 80 % des importations. Pour cela, il faut utiliser tous les moyens à notre disposition : économies d'énergie, diversification des sources d'approvi-sionnement, développement des capacités de stockage, maintien d'une production nationale...

La deuxième contrainte que j'annonçais est l'environnement, qui ne peut plus représenter la variable d'ajustement de nos politiques.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'environnement, c'est la planète, c'est-à-dire l'avenir de l'humanité. Nous ne pouvons plus nous en servir pour éviter de prendre des décisions lourdes. Ce patrimoine nous est commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous nous inscrivons dans une chaîne. La planète que nos prédécesseurs nous ont laissée, il faut savoir dans quel état nous allons la rendre. Or le choix du nucléaire est un choix en faveur de l'environnement.

M. Yves Cochet. Ah non ! Tout mais pas ça ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Mais si ! C'est un constat scientifique !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est absolument incontestable : le nucléaire produit moins de gaz carbonique que le charbon, le gaz ou le pétrole. Ce débat, chacun le sait, a été tranché.

M. Bernard Accoyer. Eh oui !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre politique énergétique doit ensuite tenir compte de deux nécessités.

La première est de faire de l'énergie un facteur de compétitivité de notre territoire. Je sais que de nombreux élus sont préoccupés aujourd'hui par l'augmentation de la facture de l'électricité ou du pétrole pour les usines ou les entreprises. Par ailleurs, c'est un sujet majeur pour les Français eux-mêmes, puisque l'électricité représente 8 % du budget des ménages.

La seconde nécessité est de garantir à tous l'accès à une électricité de qualité.

Ces éléments étant posés, nous avons défini des objectifs chiffrés.

D'abord, nous voulons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, ce qui représente une réduction moyenne de 3 % par an.

Nous entendons par ailleurs relancer la maîtrise de l'énergie. Dans ce domaine, le malheur est que la « chasse au gaspi », qui, dans les années soixante-dix, avait permis des résultats spectaculaires, s'est relâchée, du fait du contre-choc pétrolier, au milieu des années quatre-vingt.

M. Yves Cochet. En effet !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais, si la baisse du prix du pétrole a fait oublier la « chasse au gaspi », il faut revenir à une consommation d'énergie maîtrisée et raisonnable.

Enfin, nous devons développer de façon ambitieuse toutes les énergies renouvelables. Mais il faut rester raisonnable : quelques éoliennes ne suffiront pas à prendre le relais de cinquante-huit centrales nucléaires. (« Eh non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'autant que, dès qu'un élu veut installer un champ d'éoliennes, des membres d'une association de protection de l'environnement viennent aussitôt lui reprocher d'abîmer le paysage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Cochet. On ne peut tout de même pas leur en vouloir !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Prétendre que les éoliennes sont l'alpha et l'oméga de toute politique énergétique relève donc de l'illusion. A mes yeux, elles ne peuvent apporter qu'un élément de solution, même si je suis très favorable à leur installation en pleine mer, ce qui évite les effets nocifs de leur présence en site terrestre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il n'en reste pas moins qu'il ne peut y avoir de production d'énergie sans gêne pour l'environnement immédiat, et que la mobilisation est généralement plus forte pour empêcher la création d'un champ d'éoliennes que celle d'une centrale nucléaire.

M. Yves Cochet. Nous en reparlerons dans quelque temps.

M. Christian Estrosi. C'est ridicule, monsieur Cochet ! Pendant que vous y êtes, pourquoi ne venez-vous pas à l'Assemblée nationale vêtu de peaux de bête ?

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne fais pas de provocation ; je constate seulement une réalité.

Nous nous fixons pour objectif d'accroître la production d'énergies renouvelables thermiques de 50 % d'ici à 2015, celle d'énergies renouvelables électriques de 25 %, enfin de porter la part des biocarburants de 1 % à un taux compris entre 3 % et 6 %, en fonction des progrès technologiques de la filière. Ainsi, notre première priorité concerne la maîtrise de l'énergie, avant même le maintien de l'option nucléaire.

Parallèlement, il faut mieux informer les Français, parce que le choix du nucléaire impose des engagements démocratiques. Vous le voyez : même si je soutiens le choix du nucléaire, je ne considère pas pour autant qu'il ne faut fixer aucune obligation à cette filière. De ce point de vue, une certaine arrogance technologique et technocratique...

M. Yves Cochet. C'est le mot juste !

M. Patrice Martin-Lalande. C'est vrai !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ....a malheureusement nui à une filière qui a fait beaucoup de bien à l'économie française. Il serait contradictoire de choisir sans ambiguïté le nucléaire, comme nous le faisons, sans assurer en la matière une totale transparence. Chaque fois qu'on refuse de donner toute l'information, on affaiblit une filière. A nos yeux, il est capital de créer, avec plus de volontarisme que par le passé, une obligation de transparence.

M. Charles Cova. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il nous faudra également exploiter certains gisements potentiels d'économies d'énergie dans l'habitat. Trois mesures vous sont présentées à cet effet. Un certificat de performance énergétique du logement pourra être demandé par tout acquéreur ou nouveau locataire d'un logement. Le niveau de réglementation thermique sera abaissé dans les constructions neuves. Enfin, un système de certificats d'économie d'énergie sera institué pour obliger les fournisseurs à financer des investissements de maîtrise de l'énergie chez leurs clients. Je n'insiste pas sur ces mesures. Elles figurent dans le projet de loi, que vous avez tous étudié.

Il nous faut mettre en œuvre une politique des transports plus respectueuse de l'environnement. A cet égard, il y a bien un « double dividende » à la limitation de la vitesse : la baisse du nombre des morts et des blessés et celle de la consommation de carburants qui, en 2003 et pour la première fois depuis dix ans, a baissé de 1,8 %. La politique de sécurité routière peut donc avoir également d'heureuses conséquences en matière d'économie d'énergie.

Le second axe de notre politique, c'est la préparation du renouvellement du parc nucléaire, dont j'ai rappelé la raison. Cette préparation est le cœur du projet industriel d'EDF, qui doit construire un réacteur de nouvelle génération : le réacteur européen à eau pressurisée, plus connu sous le nom d'EPR. Sa construction est indispensable pour assurer la disponibilité, à l'horizon 2020, d'une technologie qui sera dix fois plus sûre, 10 % moins chère et 30 % plus propre que celle que nous connaissons aujourd'hui. Pourquoi s'en priver ?

Je le sais - et ce débat est légitime -, certains auraient préféré que nous passions directement au réacteur de la quatrième génération. J'aurais souhaité, avec M. Devedjian, pouvoir vous le proposer, mais c'est une utopie de croire que cette génération de réacteurs pourrait être prête à court terme pour un déploiement industriel. L'ensemble des spécialistes que nous avons interrogés affirme en effet qu'elle ne pourrait l'être qu'en 2045.

M. Yves Cochet. Ils vous mentent !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Peut-on attendre aussi longtemps et faire l'économie de la génération EPR ? J'ajoute qu'il serait difficile de commercialiser ce réacteur dans d'autres pays si nous ne voulions pas nous en équiper nous-mêmes. De ce point de vue, le choix de la France a été capital dans la décision de la Finlande.

Telles sont les raisons pour lesquelles le choix de l'EPR est incontournable. Avec Patrick Devedjian, nous avons demandé à EDF de réunir, dès le lendemain de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, un conseil d'administration pour préparer le dossier qui sera soumis à la concertation au second semestre 2004 sous l'égide de la commission nationale du débat public et pour proposer un premier site au Gouvernement avant l'été. Comme vous pouvez le constater, le calendrier est extrêmement serré.

Troisièmement, nous voulons développer les énergies renouvelables. L'article 1er propose ainsi de pérenniser pour trois ans les systèmes de soutien actuellement en place, afin de donner une visibilité suffisante aux filières industrielles concernées.

Enfin, nous devons accroître notre effort de recherche, parce que celle-ci est la chance des pays qui ne disposent pas de matières premières. Saint-Exupéry disait : « Nous n'héritons pas la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants. » Existe-t-il une formule mieux adaptée à notre débat ?

Vous l'avez compris, la stratégie du Gouvernement consiste à développer la recherche pour conserver notre avance, à pérenniser la filière nucléaire pour maintenir notre indépendance, à développer les énergies renouvelables, parce que nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'ignorer quelque piste que ce soit, et à favoriser les économies d'énergie parce que c'est un crime de gaspiller ce qui, par définition, est rare.

Telle est la politique qui vous est proposée par le Gouvernement. Je ne doute pas que ces objectifs et ces décisions recueilleront un très large consensus pour permettre à EDF et à GDF de porter un projet industriel qui assurera la puissance de l'économie française et l'indépendance de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Mon rappel au règlement concerne le déroulement de nos travaux. Avant de donner la parole à M. le ministre, vous nous avez annoncé, monsieur le président, que ce texte faisait l'objet d'une déclaration d'urgence. Le groupe socialiste considère qu'ajouter l'urgence à la précipitation qui caractérise l'examen du projet de loi pose un problème. Bien entendu, c'est le droit du Gouvernement de déclarer l'urgence sur un texte, mais nous considérons qu'en l'espèce, cette procédure tronque le débat parlementaire.

S'agirait-il de légiférer sur l'EPR avant d'intégrer le principe de précaution dans la Constitution ? Je laisse aux observateurs le soin d'en juger. Toujours est-il que nous avons eu huit jours pour examiner et amender ce texte, alors qu'il s'agit de définir la stratégie énergétique de notre pays pour les trente ans qui viennent !

M. Pierre Cohen. Cela ne s'est jamais vu !

M. François Brottes. Et l'on sait bien que l'urgence étant déclarée, le texte ne fera sans doute pas l'objet d'une deuxième lecture. Nous ne pouvons pas travailler sérieusement dans de telles conditions. Je souhaite, au nom de mon groupe, que le Gouvernement redonne du sens au travail parlementaire, car il n'est ni sérieux ni démocratique de procéder ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Briand. Le gouvernement Jospin n'a jamais déclaré l'urgence, sans doute ?

M. le président. Monsieur Brottes, je vous rappelle que depuis 1958, la procédure n'a pas varié : la présidence de l'Assemblée, informée par le Premier ministre qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence, en prend acte et organise les travaux de l'Assemblée en conséquence.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, par un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Huit cents amendements ont été déposés sur ce texte et la commission en a examiné quatre cent cinquante ce matin. Après les avoir lui-même étudiés, le Gouvernement nous a signalé - et il le démontrera - qu'il était prêt à en accepter plusieurs, de tous les groupes. Ainsi, ce matin, nous avons pu adopter plusieurs dizaines d'amendements du groupe socialiste, du groupe UMP ou du groupe UDF.

Le débat s'est déroulé de manière sereine et constructive et, je leur en donne acte, tous les groupes y ont participé. C'est donc avec une certaine surprise que nous avons appris, à la fin de la réunion de la commission de ce matin, que l'urgence était demandée. Dès lors que nos débats seront sans doute aussi constructifs dans l'hémicycle qu'ils l'ont été en commission, je souhaiterais que le Gouvernement n'utilise pas la faculté que lui donne l'article 45 de la Constitution de convoquer la réunion d'une CMP, afin que nos travaux puissent se poursuivre sereinement dans cet hémicycle, au Sénat et, si nécessaire, au cours de la navette. Aussi, je souhaiterais que le ministre, qui est très objectif et a été très compréhensif à ce sujet, nous confirme son intention.

M. le président. Monsieur Ollier, j'ai pris acte de votre rappel au règlement. Ce problème doit se régler entre la majorité et le Gouvernement. Pour ma part, j'ai été saisi par le Premier ministre d'une déclaration d'urgence et je dois faire respecter la Constitution. La procédure a été appliquée de la même manière depuis 1958 et ce n'est pas aujourd'hui que cela va changer.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout d'abord, le président a parfaitement raison : une demande d'urgence a bien été déposée et il ne peut que la porter à la connaissance de l'Assemblée.

Par ailleurs, je ne crois pas qu'un ministre ait le pouvoir de retirer cette demande. En revanche, il lui est tout à fait loisible de dire que si le débat est aussi riche, approfondi et sérieux qu'il promet de l'être, le Gouvernement ne demandera pas l'application de la procédure prévue, après déclaration d'urgence, à l'article 45 de la Constitution. Le débat peut donc se dérouler dans la sérénité. Chacun disposera du temps nécessaire pour s'exprimer. Ce qui compte, c'est que nous ne nous opposions pas, les uns et les autres, sur un texte d'une grande importance dont les effets profiteront, en 2050, à ceux qui nous auront succédé, quels qu'ils soient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement poulaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française)

M. le président. Je précise que le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, ne demande pas, mais déclare l'urgence. Nous allons donc respecter la Constitution.

(M. Rudy Salles remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, la représentation nationale examine pour la première fois un projet de loi d'orientation sur l'énergie. Ce texte est important, chacun en conviendra. Peu de secteurs sont aussi stratégiques pour l'économie nationale que celui de l'énergie, car la disponibilité et la compétitivité de la fourniture d'énergie conditionnent le développement de notre pays. La conciliation de ces impératifs avec celui de la protection de l'environnement est, en outre, essentielle à un développement durable. Les pouvoirs publics ne peuvent donc se désintéresser du secteur énergétique.

Or, avec l'ouverture à la concurrence des marchés gaziers et électriques - qui concernera, dès cet été, les deux tiers de ces marchés - et compte tenu de l'organisation déjà concurrentielle des marchés des autres combustibles, notamment des carburants, c'est désormais, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le ministre, le jeu du marché qui commandera l'évolution d'une très large part de notre secteur énergétique. Il est donc essentiel d'encadrer, dans ce secteur, le fonctionnement du marché, afin de mettre en œuvre une politique énergétique résolument orientée vers le développement durable. C'est pourquoi il faut, d'une part, définir clairement les objectifs de notre politique énergétique et, d'autre part, développer les instruments juridiques garantissant sa mise en œuvre. Nous devons donc légiférer.

M. le ministre d'Etat nous ayant présenté le projet de loi, je consacrerai mon intervention à l'exposé des enrichissements du texte proposés par la commission. Ceux-ci concernent, en premier lieu, les dispositions qui figurent, dans la rédaction initiale du projet de loi, dans son annexe approuvée par l'article 1er. Sur ce point, la commission a souhaité, comme le président Ollier l'indiquera, lever toute ambiguïté sur la valeur juridique de ces dispositions. C'est pourquoi elle vous propose de reprendre, sous des articles numérotés, les éléments qui figurent dans l'annexe du projet de loi, à l'exception de ceux qui ont un caractère purement factuel.

Ainsi, l'article 1er reprend, sur la base de la rédaction de l'annexe initiale, les objectifs de la politique énergétique française, plusieurs amendements étant consacrés aux différents axes de cette politique. En ma qualité de rapporteur de la commission des affaires économiques, je vous remercie, monsieur le ministre, d'accepter cette nouvelle rédaction, très largement souhaitée par la commission et son président, Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur le rapporteur !

M. Serge Poignant, rapporteur. Figureront donc dans la loi les objectifs de la politique énergétique française : garantir la sécurité d'approvisionnement, mieux préserver l'environnement et lutter davantage contre l'effet de serre, garantir un prix compétitif de l'énergie et l'accès de tous les Français à l'énergie. Un article additionnel définira les axes stratégiques, qui seront précisés dans quatre autres articles. Le premier concerne la politique de maîtrise de l'énergie, politique qui est clairement affichée. Le deuxième s'attache à la diversification du panier énergétique, cet axe étant décliné pour l'électricité, la production de chaleur, les transports et les zones non interconnectées. Le troisième a trait au développement de la recherche. Le quatrième vise à assurer un transport de l'énergie efficace et des capacités de stockage suffisantes. Enfin, un dernier article additionnel dispose que la politique énergétique française prend en compte le rôle des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

Ces différents articles font l'objet des amendements 4 à 9 de la commission, laquelle s'est largement accordée sur la double nécessité de maintenir l'énergie nucléaire ouverte à l'horizon 2020 et de développer parallèlement les énergies renouvelables.

Je précise que l'amendement n° 6, qui concerne la politique de diversification de nos approvisionnements énergétiques, apporte, en outre, deux modifications de fond par rapport à la rédaction initiale du Gouvernement.

Il s'agit, en premier lieu, de souligner la priorité absolue qui doit être donnée à la promotion des énergies renouvelables thermiques, conformément aux recommandations formulées tant par MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut dans un rapport de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques que par votre rapporteur dans un rapport d'information de la commission des affaires économiques.

La seconde modification de fond concerne les biocarburants. Cette filière présente à nos yeux un grand intérêt, à la fois parce qu'elle constitue, à l'heure actuelle, la seule solution pour réduire le contenu en CO2 des carburants utilisés dans les transports et parce qu'elle substitue une production de notre agriculture à des combustibles importés, ce qui a pour effet de réduire notre dépendance et de créer des emplois.

Il est donc apparu nécessaire à la commission, comme je le propose dans son rapport, que soit affirmé clairement dans la loi l'engagement de l'Etat à atteindre les objectifs fixés par une directive de porter à 2 % puis, à la fin de 2010, à 5,75 % la part des biocarburants dans les carburants vendus sur notre territoire.

La commission propose également d'enrichir significativement le titre Ier du projet de loi consacré à la maîtrise de la demande d'énergie.

En ce qui concerne le dispositif des certificats d'économie d'énergie, outre des modifications de portée technique, la proposition la plus importante de la commission vise à donner ces certificats aux personnes installant des équipements de production d'énergie thermique d'origine renouvelable en substitution de sources non renouvelables. Cette proposition fait partie d'un ensemble d'amendements relatifs aux énergies renouvelables thermiques visant à mettre en œuvre la priorité que nous souhaitons voir donner à leur soutien.

Deux amendements importants aux articles relatifs à la maîtrise de l'énergie dans les bâtiments ont été adoptés par la commission. Le premier, déposé par notre collègue Jean Dionis du Séjour, tend à la création de certificats évaluant la performance énergétique des bâtiments, afin de compléter l'information de leurs futurs occupants et de les sensibiliser à l'intérêt de réaliser des travaux d'efficacité énergétique. Le second vise à donner une plus grande efficacité à l'obligation de réaliser une étude de faisabilité du recours aux énergies renouvelables en prévoyant d'annexer cette étude aux demandes de permis de construire.

Le titre II du projet de loi, consacré aux énergies renouvelables, fait également l'objet d'un certain nombre d'amendements de notre commission.

La commission a tout d'abord adopté, à l'initiative de MM. Gonnot et Christ, un amendement définissant la notion d'énergie renouvelable et un amendement tendant à créer un Conseil supérieur des énergies renouvelables.

Elle a ensuite amélioré sur deux points les dispositions relatives à l'urbanisme en mettant l'accent sur la responsabilisation des acteurs locaux. Il s'agit d'abord de donner aux collectivités locales qui disposent d'un plan local d'urbanisme la possibilité de délimiter des zones où l'utilisation d'énergies renouvelables sera obligatoire, dans des conditions définies par celui-ci. Un second amendement concerne les modalités de délivrance des permis de construire pour l'implantation d'éoliennes. Là aussi, il s'agit de faire confiance aux acteurs locaux et d'alléger les procédures en transférant du préfet au maire la délivrance de ce permis.

Afin de créer les conditions d'un développement apaisé de l'éolien, qui ne pourra se poursuivre durablement sans l'association des citoyens et, dans certains cas, au mépris de la préservation des paysages, il est proposé de soumettre la délivrance de ces permis de construire à l'avis des maires des communes limitrophes et à l'avis conforme de la commission départementale des sites.

Enfin, la commission vous propose de compléter le projet de loi par un titre IV regroupant un ensemble de dispositions fiscales. Nous ne pourrons, en effet, promouvoir réellement la maîtrise de l'énergie et les énergies renouvelables sans nous en donner les moyens. C'est pourquoi la Commission vous propose trois mesures fortes.

La première, la plus importante, vise à porter de 15 à 50 % le taux du crédit d'impôt sur le revenu pour l'acquisition d'équipements de production d'énergie renouvelable ou la réalisation d'actions d'efficacité énergétique. Il est également proposé de pérenniser jusqu'à fin 2009 ce crédit d'impôt et d'en étendre le champ aux dépenses concernant toutes les résidences principales.

La commission vous propose, en second lieu, à l'initiative de nos collègues MM. Gonnot et Christ, de créer un crédit d'impôt sur les sociétés pour l'acquisition d'équipements de production d'énergie renouvelable.

Enfin, elle vous suggère d'abaisser à 5,5 % le taux de la TVA sur les abonnements aux réseaux de chaleur approvisionnés par les énergies renouvelables.

Deux autres propositions correspondant à des amendements portant articles additionnels après l'article 13 sont particulièrement importantes.

La première est la création d'une annexe à la loi de finances, c'est-à-dire un « jaune » budgétaire, consacrée à la politique énergétique, comme il en existe déjà en ce qui concerne la recherche, l'aménagement du territoire, la politique de la ville ou encore la formation professionnelle. Il nous semble en effet nécessaire de compléter l'information du Parlement dans ce domaine.

La seconde proposition, et c'est la dernière que j'évoquerai dans mon intervention générale, prévoit la publication, par les ministres chargés de l'énergie et de la recherche, d'une stratégie pluriannuelle de recherche en matière énergétique. Sur ce seul point, j'avoue un regret. Le projet de loi reste, à mes yeux, trop prudent sur la question de la recherche qui est pourtant, vous en conviendrez, mes chers collègues, d'une importance majeure. Mais j'ai bien entendu votre souhait, monsieur le ministre, de développer les moyens de ce secteur.

L'annualité budgétaire et, surtout, l'article 40 de la Constitution font obstacle à des propositions parlementaires ambitieuses sur ce sujet. Je suis donc persuadé que vous aurez à cœur de nous rassurer, lors de l'examen de ce chapitre, en vous engageant, au nom du Gouvernement, à renforcer notre effort public de recherche en matière énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de loi d'orientation sur l'énergie est l'aboutissement d'un large débat public lancé il y a plus d'un an, en mars 2003. Au terme de ce débat, le Gouvernement a consulté toutes les formations politiques représentées au Parlement puis a fait connaître ses positions dans un Livre blanc sur l'énergie publié le 7 novembre 2003. Nous en avons à nouveau débattu en séance publique le 15 avril dernier.

Il s'agit d'une loi d'orientation. Chacun a donc pu longuement mûrir sa réflexion et préparer des propositions constructives. Le grand nombre d'amendements - plus de huit cents - que nous allons examiner atteste du fait que tous les groupes étaient prêts à engager cette discussion. Ils l'ont très bien fait en déposant autant d'amendements, dont une grande partie a été acceptée en commission.

Notre commission s'est réunie pour examiner ces amendements à deux reprises : mercredi dernier et, à nouveau, aujourd'hui. Elle se réunira encore demain, en début d'après-midi.

Je suis particulièrement heureux du travail important et constructif réalisé à cette occasion. Les commissaires de tous les groupes, de l'opposition comme de la majorité, y ont sereinement participé dans la volonté commune d'améliorer le texte autour d'objectifs que je crois largement partagés sur ces bancs. J'espère que nous aurons en séance publique un travail de la même qualité.

M. François Brottes. Cela commence mal !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Un texte d'une telle importance mérite un débat serein, monsieur Brottes.

L'énergie n'est pas un bien comme un autre. Comme le disait, en 1971, le Président Pompidou, l'énergie répond « l'eau mise à part, au besoin le plus fondamental et le plus étendu de la société moderne. Qu'il s'agisse de l'industrie ou des transports, quand elle se tarit, tout ou presque s'arrête. ». Vous avez fait allusion, monsieur le ministre, à ceux qui, dans les années soixante-dix, ont pris des initiatives courageuses et audacieuses. Vous proposez aujourd'hui, avec M. Devedjian, un texte qui s'inscrit dans cette ligne et qui permettra à la France de fixer un cap pour les vingt années à venir. Nous vous en sommes reconnaissants.

L'énergie, disais-je, est un besoin fondamental. C'est pourquoi la majorité refuse de la laisser au seul jeu du marché. C'est pourquoi nous avons besoin d'une politique énergétique solide.

Celle-ci doit continuer à poursuivre trois grands objectifs : faire face à nos besoins d'énergie c'est-à-dire garantir notre sécurité d'approvisionnement ; préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises en assurant la fourniture d'une énergie bon marché ; garantir l'accès de tous les Français, notamment des plus modestes, à l'énergie.

À ces objectifs, il convient aujourd'hui d'ajouter la préoccupation du développement durable. Elle est primordiale car nous devons être conscients que l'accroissement de l'effet de serre, qui résulte pour l'essentiel des émissions de carbone liées à la consommation d'énergie, constitue aujourd'hui une menace mortelle pour notre planète. Je suis heureux qu'un membre du Gouvernement l'ait démontré avec autant d'autorité.

Nous ne pouvons donc laisser le simple jeu du marché déterminer la part respective des différentes énergies dans notre approvisionnement. C'est pourquoi nous avons besoin d'une loi d'orientation. C'est le travail que nous réaliserons dans les jours qui suivent.

Les combustibles fossiles constituent aujourd'hui encore notre première source d'énergie, puisqu'ils représentent 50 % de notre consommation. Ils sont importés de régions du monde dont la stabilité géopolitique n'est pas assurée, leurs prix varient fortement au fil du temps et ils contribuent au réchauffement de la planète. Notre politique énergétique doit, d'abord, viser à en limiter, autant que faire se peut, la consommation.

De ce point de vue, la situation des différents secteurs de consommation est évidemment différenciée.

En matière de transports, tout d'abord, secteur responsable d'un tiers de notre consommation énergétique, force est de constater qu'il existe encore peu d'alternatives aux combustibles fossiles. Je dis bien « peu » et non aucune, car trois pistes peuvent et doivent être explorées.

La première relève de la politique des transports. Transports collectifs urbains et développement du fret ferroviaire sont des sources d'économie de consommation de combustibles fossiles.

M. François Brottes. Il ne faut pas, alors, réduire les budgets !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il nous faut les exploiter. Notre commission, compétente dans ces domaines, a des propositions à faire.

La deuxième piste est le développement des modes de propulsion alternatifs, utilisant notamment la technologie de la pile à combustible.

La troisième est la promotion des biocarburants, filière dont l'intérêt environnemental est aujourd'hui établi et qui offre, en outre, des débouchés utiles à notre agriculture. Notre commission a adopté un amendement rappelant la nécessité de tenir au moins les engagements européens en la matière, c'est-à-dire de porter à 5,75 % la part des biocarburants dans notre consommation de carburants d'ici à fin 2010. Cette ambition est une réelle volonté de notre commission. M. le rapporteur en fait état tout à l'heure.

Mais les combustibles fossiles participent également à la satisfaction de nos besoins de chauffage. En la matière, il existe une double alternative.

Son premier terme est la production directe de chaleur par les énergies renouvelables, au moyen, par exemple, des chauffe-eau solaires. Comme l'a récemment établi un rapport réalisé à l'initiative de notre commission par M. Serge Poignant, c'est là où elles se substituent à des combustibles fossiles, notamment en matière de production directe de chaleur, qu'il faut promouvoir en priorité les énergies renouvelables.

En conséquence, monsieur le ministre, notre commission a adopté plusieurs amendements importants, que notre rapporteur a présentés. Je tiens à insister sur celui qui vise à porter de 15 à 50 % le taux du crédit d'impôt, ce qui représente un progrès considérable. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes favorable à cette mesure.

La seconde énergie de remplacement des combustibles fossiles pour le chauffage est l'électricité. De ce point de vue, la chance de notre pays est la part importante du chauffage électrique, monsieur Cochet, grâce auquel, selon une étude du ministère de l'industrie, plus de 7 millions de tonnes de CO2 ont été économisés en 2001.

M. Yves Cochet. Pour combien de déchets nucléaires ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il convient, en effet, de rappeler que la politique énergétique conduite dans notre pays depuis le premier choc pétrolier, aussi bien par des gouvernements de droite que par des gouvernements de gauche, a permis, en matière d'énergie électrique, d'obtenir de très beaux succès.

Grâce à l'énergie nucléaire, monsieur Cochet, et grâce à notre important parc hydraulique, la production d'électricité n'émet qu'environ 5 % du volume total de CO2 relâché dans l'atmosphère de notre pays. En outre, cette politique a permis de réduire d'un tiers notre dépendance énergétique vis-à-vis des combustibles fossiles importés et de mettre nos consommateurs d'électricité à l'abri des variations de prix, ce qui est considérable. À l'heure où le prix du baril de pétrole atteint 40 dollars, soit un doublement depuis le début 2002, le bien-fondé de cette politique me paraît conforté. Ce que vous vous avez dit à ce sujet, monsieur le ministre, est de nature à nous rassurer.

Toutefois, cette situation ne pourra être préservée et ne sera supportable par les ménages que si le prix de l'électricité reste compétitif. C'est pourquoi je m'interroge sur la pertinence de la politique de financement de certaines charges de service public, notamment celles liées au développement des sources d'énergie renouvelable. C'est une question importante, monsieur le ministre, que nous souhaitons voir abordée dans le débat.

M. François Brottes. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce financement repose, en effet, sur les consommateurs d'électricité.

M. Yves Cochet. Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission. En conséquence, plus l'électricité sera « propre », plus elle sera chère et plus les consommateurs choisiront d'autres sources d'énergie. Là réside le danger. Si nous voulons vraiment défendre les énergies renouvelables, nous devons avoir le courage d'affronter cette contradiction et de trouver une solution à ce problème. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que ce débat nous permette de le faire.

Ce mécanisme de financement pervers doit être réétudié.

Nous sommes tous ici d'accord pour favoriser les énergies renouvelables. Mais il nous faut plus généralement nous interroger avec sérénité et sans a priori sur l'orientation générale de notre politique de soutien aux énergies renouvelables qui privilégie trop le secteur électrique et qui, parmi les filières renouvelables de production d'électricité, promeut la filière éolienne malgré les conséquences que peut avoir son développement sur nos paysages.

Monsieur Cochet, il n'est pas contradictoire de défendre à la fois les énergies renouvelables et la préservation de nos espaces naturels, deux principes éminemment écologiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Cochet. Je suis d'accord !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Voilà un sujet que nous devons aborder sereinement.

M. Yves Cochet. On pourrait ajouter les climatiseurs ! Mais alors on ne s'en sort plus !

M. Patrick Ollier, président de la commission. On ne peut, en effet, traiter à l'identique la France - et je revendique, au nom de la commission, la spécificité française -, dont l'électricité est produite à plus de 90 % sans émissions de CO2, et le Danemark, où, à l'inverse, c'est plus de 82 % de l'électricité qui est produite à partir d'énergies fossiles. Il ne faut pas méconnaître cette spécificité française et, dès lors qu'elle est réelle et constatée, nous devons avoir une politique adaptée. Je souhaite que cette spécificité soit reconnue et que, dès lors, nous abordions la question des énergies renouvelables et de leur promotion, secteur par secteur : les transports, la chaleur et l'électricité.

D'ailleurs, même parmi les Etats européens où les énergies renouvelables jouent un rôle très important, il existe des situations très contrastées. Ainsi, la Finlande nous offre l'exemple d'un pays produisant 30 % de son électricité par des sources renouvelables, et ce sans presque faire appel aux éoliennes mais en valorisant ses ressources propres et notamment le bois, filière que notre pays gagnerait également à soutenir davantage.

M. François Brottes et M. Yves Cochet. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je parle à un spécialiste, monsieur Brottes !

C'est dans ce contexte que la commission vous proposera un amendement important visant à créer les conditions d'un développement serein de l'énergie éolienne, d'une part en transférant la délivrance des permis de construire correspondants aux maires, ce qui permettra, en les rapprochant des citoyens, d'alléger les procédures et de responsabiliser les acteurs locaux et, d'autre part, en subordonnant cette délivrance à l'avis de la commission des sites.

M. Yves Cochet. A l'avis conforme ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Cochet, nous aurons l'occasion d'en débattre.

Je le dis tout net : les éoliennes pourraient parfaitement trouver leur source de développement dans des parcs offshore en mer ou encore dans des parcs industriels dévolus à cet effet. Les éoliennes peuvent contribuer, d'une manière sérieuse, à l'agriculture et à son développement, mais leur prolifération en dehors de ces parcs doit être réglementée sur le plan de l'urbanisme notamment, afin de concilier le soutien à l'énergie renouvelable et la préservation des paysages. La commission a déposé des amendements en ce sens.

Chacun est conscient, en effet, que nos paysages constituent l'une de nos principales richesses naturelles. Nous ne les avons peut-être pas suffisamment respectés en implantant les lignes électriques aériennes et chacun sait les efforts considérables que les collectivités locales sont obligées de fournir en matière d'enfouissement. Il ne faut pas reproduire cette erreur et c'est pourquoi il nous faut veiller en amont à la protection de nos paysages dans le souci du respect des équilibres, sans a priori et sans sectarisme.

M. Alain Cousin. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il me paraît également nécessaire de promouvoir le développement de l'énergie hydraulique, filière à la fois respectueuse de l'environnement et compétitive. Malheureusement, la production de cette filière est aujourd'hui entravée pour des raisons de protection de l'environnement local, et ce au détriment de l'environnement global puisqu'il faut alors recourir davantage à d'autres sources d'énergie libérant des gaz à effet de serre, ce qui est paradoxal.

Au-delà de ces filières renouvelables utiles, il va de soi que notre approvisionnement demeurera et doit demeurer dominé par la production d'origine nucléaire. C'est une filière d'avenir, comme l'illustre de manière éclatante la récente décision de la Finlande et de nombreuses évolutions en cours, aussi bien aux Etats-Unis qu'en Chine. Nous devons donc conserver notre avance dans ce secteur et c'est pourquoi j'estime qu'une tête de série du réacteur EPR doit maintenant être construite en France. Là aussi, monsieur le ministre d'Etat, votre discours nous a pleinement rassurés. Notre commission vous suit et l'Assemblée nationale démontrera, pendant le débat, qu'elle est derrière vous s'agissant de cette grande ambition.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci, monsieur le président de la commission !

M. François Brottes et M. Yves Cochet. Pas tout le monde !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Enfin, je suis également convaincu de la nécessité d'une action résolue pour maîtriser notre demande d'énergie, et notamment de combustibles fossiles. Vous avez eu raison, monsieur le ministre d'Etat, d'insister sur le fait que la « chasse au gaspi » avait été quelque peu abandonnée par nos politiques. Des gains importants sont possibles et nous ferons des propositions dans ce sens. A cet égard, je partage les analyses de la Commission européenne.

Dans notre pays, hélas ! la politique de maîtrise de la demande d'énergie a été largement mise en sommeil après les chocs pétroliers, ce que je peux comprendre...

M. Yves Cochet. Et d'Alain Madelin !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...et de la diminution des coûts. Aujourd'hui, elle doit être relancée et je me félicite des mesures fortes proposées par votre projet de loi en la matière, monsieur le ministre d'Etat.

D'une manière générale, il est clair que ce texte marque de nombreuses avancées importantes, en particulier sur la maîtrise de la demande d'énergie. Nous avons, en outre, beaucoup travaillé en commission pour l'enrichir. Je remercie donc à nouveau les commissaires de l'ensemble des groupes qui ont participé à ce travail constructif sans esprit polémique.

Notre rapporteur vous a présenté en détail les propositions de notre commission. Pour ma part, j'évoquerai, en conclusion, la question particulière de l'annexe.

En commission, plusieurs de nos collègues se sont interrogés sur sa valeur juridique. On sait, en effet, que le Conseil constitutionnel, dans deux décisions de 2002, avait estimé que les orientations annexées à la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure et à la loi d'orientation et de programmation pour la justice n'étaient pas « revêtues de la valeur normative qui s'attache à la loi ». Pour éviter toute discussion, nous vous avons sollicité sur la manière dont on pouvait reconstruire le texte à partir de l'introduction des éléments de l'annexe dans le texte principal. Le Gouvernement l'a accepté et je tiens à vous dire, monsieur le ministre d'Etat, que la commission vous en est très reconnaissante car cela va nous permettre d'avoir un débat encore plus constructif dès lors que la sécurité juridique des dispositions est garantie dès à présent par leur insertion dans le texte.

Je crois m'exprimer au nom de l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques en disant qu'il nous aurait été difficile d'accepter que la même analyse puisse être faite par le Conseil constitutionnel pour la présente loi. Votre accord résout le problème et nous en sommes très heureux.

La commission vous a donc proposé de dissiper toute ambiguïté sur l'annexe. Les amendements nos 4 à 9 ont permis de réécrire le texte et de nombreux amendements ont ainsi pu être déposés sur ces dispositions de manière tout à fait normale et étudiés, pour certains ce matin, pour d'autres demain. Là encore, je pense que le travail de la commission, dans toutes ses composantes, aura largement participé à l'enrichissement et à la clarification du texte.

Monsieur le ministre d'Etat, vos ambitions pour la France sont fortes en matière de politique énergétique. Notre commission s'est inscrite dans cette perspective. Elle vous remercie pour l'accueil que vous avez réservé à ses amendements, de quelques bancs qu'ils viennent. Je souhaite que, lors de la discussion des articles, nous puissions continuer à faire en sorte que ce texte soit la grande loi d'orientation pour l'énergie que nous attendons depuis longtemps et que vous nous donnez l'occasion d'élaborer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Claude Birraux, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier la conférence des présidents de m'avoir autorisé à m'exprimer ès qualités. Je rappellerai, en m'appuyant sur les travaux de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, quelques données que nous devons garder à l'esprit.

Premier point, l'effet de serre.

Comme cela a encore été rappelé mardi dernier lors de la conférence marquant le xxe anniversaire de l'Office, l'augmentation de la température moyenne de la terre ne fait plus de doute. Les gaz à effet de serre - CO2, méthane, oxyde nitreux, hydrofluorocarbone ou halocarbures - et les aérosols s'accumulent, certains comme le gaz carbonique pour une centaine d'années au moins, d'autres comme les halocarbures pour plusieurs milliers d'années. En conséquence de cette modification de l'atmosphère par les activités humaines, il est probable, selon le GIEC, que la température moyenne à la surface de la terre augmentera de 1,4 à 5,8 degrés entre 1990 à 2100. Ce réchauffement prévisible est beaucoup plus important que celui observé durant tout le xxe siècle et dépasse même en ampleur les évolutions intervenues pendant le dernier millénaire. La lutte contre l'effet de serre doit donc être le fil conducteur d'une politique énergétique, ce qui suppose de réduire au maximum l'usage de combustibles fossiles.

Deuxième point, les coûts de production de l'électricité.

Aujourd'hui le prix du baril de pétrole est de 40 dollars ; tôt ou tard, le prix du gaz devrait, lui aussi, augmenter.

Dans un rapport que nous avons récemment rendu avec Christian Bataille, nous avons présenté quelques éléments sur les coûts de production de l'électricité.

Il ressort d'une étude finlandaise - Tarjanne et Rissanen, université de technologie Lappeenranta - que pour une production en base de 8 000 heures par an, le nucléaire revient à 22,30 euros par mégawatt/heure, le charbon à 24,4, le gaz naturel à 26,3 et la tourbe à 31,3.

Si le coût d'investissement est élevé pour le nucléaire - près de 1 750 euros par kilowatt/heure électrique - le coût unitaire du combustible est faible puisqu'il est de 2,86 euros, au contraire du gaz naturel dont le prix du kilowatt/heure est fortement dépendant du coût unitaire du combustible.

Enfin, un réacteur de 1 250 mégawatts électriques produisant 10 térawatts/heure permet d'économiser 8,3 millions de tonnes de CO2 par rapport à une centrale à charbon, 3,7 millions de tonnes par rapport à un cycle combiné gaz.

La direction générale de l'énergie et des matières premières a publié, en novembre 2003, une nouvelle version de son étude sur les coûts de référence de la production électrique. Cette étude, conformément aux recommandations du rapport de Robert Galley et Christian Bataille, inclut aussi bien les coûts de production internes à l'entreprise que les coûts externes environnementaux et présente plusieurs niveaux de taux d'actualisation, avec des estimations correspondant aux critères utilisés par les entreprises et à ceux de l'économie publique. Même avec un taux d'actualisation de 8 %, ce qui est très pénalisant, les ordres de grandeur de l'étude finlandaise sont confirmés, avec avantage au nucléaire.

Troisième point, la construction d'un démonstrateur EPR.

Comme je l'ai déjà dit il y a trois semaines lors du débat sur l'énergie, décider d'autoriser EDF à déposer une demande pour la construction d'un EPR ne signifie pas relancer le nucléaire, mais se préparer à la relève du parc existant. Il s'agit d'avoir, compte tenu des délais de construction, un modèle industriellement éprouvé en 2015-2020, au moment où se posera la question du taux de remplacement de la filière actuelle et de sa capacité de production. Avec Christian Bataille, nous n'avons pas dit autre chose dans notre rapport publié l'an dernier.

La politique énergétique est une politique de long terme, et il y aura au moins deux élections présidentielles (Sourires) avant de faire ce choix de la structure de notre production nucléaire, de la puissance installée, de la production et du nombre de centrales qui devront être remplacées.

Je rappelle enfin que si la durée de vie des centrales ne dépassait pas quarante ans, treize réacteurs seraient arrêtés d'ici à 2020, vingt-quatre supplémentaires entre 2020 et 2025, soit 63 % du total. Les réacteurs de génération IV ne seront pas prêts. C'est donc le gaz et l'effet de serre généré qui serait l'issue.

Quatrième point, les énergies renouvelables.

Je rappelle les axes forts du rapport que j'ai présenté avec Jean-Yves Le Déaut en 2001 sur les énergies renouvelables.

Nous avons appelé le premier axe « Plan Face-Sud ». Il fixe comme objectif l'installation de 200 000 chauffe-eau solaires par an pour 2010 et de 50 000 toits thermiques photovoltaïques également par an pour 2010.

Le deuxième axe, que nous avons appelé plan mobilisateur « Terre-énergie pour des biocarburants indépendants », a pour objectif d'économiser 20 millions de tonnes de pétrole en 2010 grâce à la mobilisation de 4 millions d'hectares pour les cultures énergétiques, à l'amélioration des rendements agricoles et des techniques industrielles de conversion et à une baisse accélérée de la consommation des véhicules automobiles. Avec Jean-Yves Le Déaut, nous avons déposé des amendements qui reprennent certaines des recommandations adoptées par l'Office parlementaire à l'unanimité.

Cinquième point, l'énergie dans les pays en développement.

En corollaire de l'axe « Face-Sud photovoltaïque », nous souhaitons que la France joue un rôle moteur dans un programme de développement de l'électricité solaire dans les pays du Sud. Deux milliards de personnes n'ont pas encore accès à l'électricité. Le solaire photovoltaïque apporte une réponse aux besoins en électricité des sites isolés et peut contribuer au bien-être et au développement économique local... durables ! Le micro-crédit permettrait à ce programme de se développer : un seul prêt de 10 millions d'euros sur deux ans permettrait d'équiper 80 000 foyers.

Sixième et dernier point : il faut développer la recherche sur l'énergie dans tous les domaines, en particulier, et c'est une évidence, pour tout ce qui concerne l' « efficacité énergétique » - terme que nous préférons à l'Office à celui d'« économie d'énergie » parce qu'il est plus valorisant - mais je ne développerai pas ce sujet car l'Office n'a pas produit d'étude spécifique.

Le fil conducteur entre les différents axes des plans mobilisateurs « Face-Sud » et « Terre-Energie pour des biocarburants » proposés par l'Office, c'est de stimuler la recherche pour améliorer les performances ou pour affiner des technologies naissantes, par exemple la fermentation alcoolique des ligno-celluloses par des enzymes.

A la suite de la publication de notre rapport, le CNRS a élaboré en 2002 un nouveau programme interdisciplinaire de trois ans consacré aux recherches sur les énergies, centré sur les nouvelles technologies de production de chaleur, les carburants pour les transports et l'électricité. Le ministère de la recherche et la DGA le soutiennent. Ne faudrait-il pas poursuivre au-delà de 2005 et créer un véritable institut de recherche sur les énergies renouvelables, quitte à ce qu'il n'ait pas de locaux au démarrage, pour donner un coup d'accélérateur à la recherche en fédérant les compétences ?

Le nucléaire ne doit pas échapper à l'effort général. La sûreté se nourrit des apports de la recherche, y compris dans le domaine du vieillissement. J'ai été surpris et inquiet de l'attitude de l'autorité de sûreté allemande qui se contente d'une distante veille technologique. Elle se comporte comme si elle s'intéressait davantage à l'approvisionnement de sa cave pour pouvoir fêter l'arrêt des centrales nucléaires. (Sourires.) Et ce n'est pas Christian Bataille qui me démentira. Je rappelle aussi que la recherche sur la séparation poussée et la transmutation était inscrite dans la loi Bataille de 1991.

M. Yves Cochet. C'est un rêve d'alchimiste !

M. Claude Birraux, président de l'Office. Sans lever prématurément le voile sur l'évaluation de cette loi que nous conduisons avec Christian Bataille, je peux dire combien nous avons été frappés par l'intense effort de recherche mené aux Etats-Unis, lié à l'initiative pour le cycle avancé du combustible. Il s'agit de prouver la faisabilité de la séparation des éléments du combustible usagé en veillant à ne pas isoler le plutonium seul et en ne parlant surtout pas de retraitement ; de chercher à les brûler soit dans des réacteurs rapides de génération IV, soit dans des réacteurs pilotés par accélérateur, soit dans des réacteurs à eau, sous forme de nouveaux combustibles - les actinides mineurs et le plutonium. Le but est de réduire le volume des déchets mis en stockage géologique et la durée de vie des radioéléments les plus « longs ». Le professeur Richter, prix Nobel de physique 1976, a calculé qu'en 2100, si les Etats-Unis ne retraitent pas et conservent l'équivalent de leurs 104 centrales en activité, ils auraient besoin de vingt et un sites de stockage comme Yucca Mountain. Grâce au retraitement, une extension de Yucca Mountain serait suffisante.

La recherche au sein de Génération IV est très active, et la coopération internationale doit se développer pour partager les études, les connaissances et les retombées. Les laboratoires nationaux et les universités - Oak Ridge, Argonne, Los Alamos, Livermore, Berkeley, Stanford - sont très engagés dans ces recherches. Nous devons y participer.

Ces éléments, qui vont parfois à l'encontre d'idées simplistes que l'on essaie de répandre sous couvert d'expertise scientifique, méritent d'être rappelés et gardés en mémoire avant la discussion de ce projet de loi. En tant que président de l'Office parlementaire, je me suis efforcé d'être fidèle au contenu des rapports adoptés à l'unanimité et à l'esprit de notre démarche qui se veut cohérente et scientifique. Ce qui est vérité à l'Office demeure vérité au-delà, en particulier dans l'hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si je voulais résumer ma position d'une seule phrase, je dirais que le projet de loi d'orientation énergétique n'est pas à la hauteur des enjeux énergétiques, technologiques et environnementaux que nous devons relever. Il montre que le Gouvernement n'a manifestement pas pris la mesure des décisions qui s'imposent en matière énergétique. Le débat national avait pourtant souligné avec force la nécessité de ruptures avec une politique énergétique dispendieuse. A la fin de mon intervention, j'expliquerai pourquoi il m'apparaît nécessaire de voter l'exception d'irrecevabilité.

Le groupe socialiste, et François Brottes vient de le dire, tient à exprimer son opposition aux conditions d'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, malgré la bonne volonté du président de la commission. Présenté en conseil des ministres le 5 mai dernier, après un an de discussion et de débat national, il a été examiné en commission après la nomination de son rapporteur, et partiellement ce matin. Ledit rapporteur a rendu son rapport aujourd'hui, et je suis sûr que pas un parlementaire dans cette enceinte ne l'a lu...

M. Claude Birraux, président de l'Office, et M. François-Michel Gonnot. Si ! Nous !

M. Jean-Yves Le Déaut. Rapidement alors !

Cet examen marathon, précédé de la déclaration que vous venez de faire, monsieur le ministre, sur le caractère hypothétique d'une deuxième lecture, est indigne du rôle du Parlement, sauf à admettre qu'il n'est qu'une chambre d'enregistrement. Telle n'est pourtant pas votre conception de l'institution parlementaire, du moins d'après vos propos. Nous espérons encore avoir la possibilité de discuter au fond les amendements. C'est la raison pour laquelle mon collègue François Dosé demandera le renvoi du texte en commission.

Monsieur le ministre, vous avez laissé entendre que nous serions tous d'accord. Je doute pourtant - ne vous en déplaise - qu'il puisse y avoir un consensus sur les problèmes énergétiques,...

M. Yves Cochet. Moi aussi !

M. Jean-Yves Le Déaut. ...même s'il existe quelques points d'accord.

Les mesurettes préconisées dans le projet de loi sont en décalage flagrant avec les décisions courageuses qu'il aurait fallu prendre. Nous regrettons notamment que ce texte ne fixe pas d'orientations en matière de recherche, sauf dans l'annexe. Mais, contrairement à ce vous avez dit, monsieur le ministre, elle n'a pas valeur législative, comme en témoigne la jurisprudence. Encore faut-il se réjouir que notre rapporteur ait intégré certains éléments de l'annexe dans le corps du texte. Par conséquent, dans 1e domaine énergétique et celui du développement durable, le texte n'impose aucune obligation pour une mise en œuvre ultérieure. C'est dire le décalage entre le discours et les faits, à savoir la politique gouvernementale actuelle !

Le débat sur la politique énergétique mérite mieux qu'un « zoom » sur la seule question de l'EPR et le gouvernement aurait dû proposer de vraies ruptures avec la politique actuelle. Je ferai des propositions en ce sens.

Les choix énergétiques ne constituent pas un simple enjeu technique. Il s'agit, vous l'avez dit, et un début de prise de conscience est en train de se produire dans notre pays, d'un des enjeux majeurs du xxie siècle. Les conditions de vie et de travail ont changé, en particulier des besoins aussi essentiels que le chauffage et les transports. Si les grands pays émergents, comme l'Inde et la Chine, adoptaient le même modèle de consommation et de développement industriel que nous, il faudrait trois planètes comme la terre pour absorber les pollutions qu'ils provoqueraient.

M. Yves Cochet. C'est vrai !

M. Jean-Yves Le Déaut. Les risques auxquels sont soumis nos concitoyens, tant au plan sanitaire - pollution de l'air, grandes canicules, accidents - qu'au plan environnemental - effet de serre, déchets et prolifération - constituent également un sujet essentiel.

D'ailleurs, à l'Office parlementaire que j'ai présidé avant Claude Birraux, nous avons très souvent insisté sur la nécessité d'établir une échelle des risques, car nos concitoyens ont du mal à les hiérarchiser alors que certains sont plus graves que d'autres.

A cet égard, l'effet de serre constitue un défi majeur pour l'avenir de notre planète et les générations futures. Sur le plan sociétal, il nécessite des changements dans les modes de consommation et de vie. La consommation énergétique augmente aujourd'hui non plus à cause de l'industrie, mais sous l'effet de la demande des transports et des secteurs tertiaire et résidentiel, c'est-à-dire nous tous. L'urbanisation est aussi en cause.

Le deuxième défi est technologique. Il sera relevé en innovant, en développant la recherche-développement, et les filières industrielles, domaine dans lequel nous n'avons pas été très bons, à l'exception du nucléaire. Les éoliennes en sont l'illustration. Quand on suit ces questions, comme nous le faisons avec Claude Birraux, et qu'on va à l'étranger, on observe que de véritables filières industrielles se sont développées, ce qui n'est pas le cas chez nous. Il est donc essentiel que ce sujet fasse l'objet d'un véritable débat démocratique, transparent et pluraliste.

L'ampleur des défis et des enjeux exige une prise de conscience et des politiques volontaristes, non seulement en France, mais aussi en Europe et surtout au plan international. Or, de ce point de vue, les efforts ne sont pas à la hauteur, vous l'avez vous-même laissé entendre, monsieur le ministre. Le protocole de Kyoto n'est toujours pas entré en vigueur, notamment en raison de l'opposition des Etats-Unis et de la Russie. Une vraie politique européenne de l'énergie reste à construire à ce jour. Et les mécanismes de transfert des technologies propres des pays riches, gros consommateurs d'énergie, vers les pays en développement, sont extrêmement insuffisants.

J'ai commencé, comme vous, monsieur le ministre, par l'effet de serre parce c'est le grand sujet politique des prochaines années.

M. Yves Cochet. Après la déplétion pétrolière !

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur Cochet, vous aurez vous aussi l'occasion de vous exprimer. En ce qui me concerne, je pense que c'est l'effet de serre.

La terrible canicule de l'été dernier et ses milliers de morts sont gravés à jamais dans notre mémoire collective. De nombreuses leçons : de santé publique, de vigilance, de prévention et de réactivité politique, doivent être tirées de ce drame. En effet, il a démontré une fois de plus la vulnérabilité douloureuse et inquiétante de nos sociétés aux chocs climatiques, en dépit de leur haut niveau de développement technique et économique. Et l'épisode extrême que nous venons de vivre s'inscrit dans une tendance à la multiplication des anomalies climatiques - tempêtes de 1999, inondations à répétition depuis 2001 en Picardie ou en Languedoc-Roussillon, incendies dramatiques cet été qui ont dévasté plus de 50 000 hectares de zone boisée, fonte des glaciers dans les Alpes ou dans les Pyrénées.

Bien sûr, de tout temps, les épisodes climatiques extrêmes ont existé. Ainsi la France a connu des étés torrides, comme en 1947, et des inondations importantes en 1940, en 1992 à Vaison-la-Romaine ou en 1998 à Nîmes. Mais les accidents se répètent de plus en plus souvent et gagnent en intensité.

De plus, la crise sanitaire a failli être amplifiée par le développement parallèle d'une crise énergétique. Nous avons, au cours de l'été dernier, échappé de peu à la catastrophe. Nous ne sommes pas passés loin du délestage, c'est-à-dire de coupures tournantes de courant électrique, notamment dans des régions fragiles comme la Bretagne, l'Ile-de-France ou la Provence-Côte-d'Azur.

La température de l'eau des rivières a remonté du fait des rejets d'eau de refroidissement des centrales nucléaires. Sans l'obtention de dérogations permettant des rejets à 1 ° Celsius plus élevé et sans le civisme des Français, la situation serait devenue impossible. L'été 2003 a prouvé que la prétendue surcapacité de la France a, en réalité, permis de résister à ce que New-York, la Californie ou Rome ont connu au cours des dernières années.

Les organisations syndicales d'EDF nous ont déclaré que si 15 000 mégawatts avaient été mis hors service, soit l'équivalent de douze à quinze tranches nucléaires selon le nombre de mégawatts produits, la France aurait connu la crise.

Le grand public a, pour première la fois, pris conscience que la politique de gaspillage des énergies fossiles - charbon, pétrole, gaz - dans les pays industrialisés avait eu une conséquence sur le réchauffement de la planète.

De plus - je tiens à vous le répéter, monsieur le ministre - la canicule a servi de révélateur : elle a démontré les méfaits que pourrait entraîner une libéralisation à outrance. Le paysage énergétique français a changé depuis la loi du 10 février 2000. La Compagnie nationale du Rhône, via Electrabel, fait partie du groupe Suez et la Société nationale de l'énergie thermique - SNET - fait partie du groupe Endesa. Or, la loi fait obligation à EDF de fournir l'électricité en cas de crise. C'est ce qu'a fait la compagnie nationale, alors que la CNR et la SNET ont contribué à alimenter leurs clients sans se sentir concernées par les effets de la canicule.

M. François Brottes. Voilà le service public !

M. Jean-Yves Le Déaut. De plus, Electrabel a profité de la demande afin de produire un maximum d'électricité avec ses centrales hydrauliques, mettant de ce fait en danger le refroidissement des centrales nucléaires situées en aval. La crise a démontré que la commission de régulation n'a pas géré l'optimisation de la production. Des responsables du management nous ont même déclaré qu'une telle évolution nous conduisait « droit dans le mur ». Ce constat doit nous amener à reconsidérer le dogme dominant du tout-libéral, qui autorise la libre concurrence sans fixer un cahier des charges précis à des sociétés qui ne respectent pas l'obligation de service public. Les questions énergétiques ne sauraient être dissociées des politiques de lutte contre le changement climatique.

Mais la situation d'aujourd'hui est radicalement nouvelle : la preuve est faite que le changement climatique est engagé. Pourquoi un tel réchauffement qui renforce les contrastes climatiques, c'est-à-dire les tempêtes, les orages, les pluies, le froid ou la chaleur ? Entre la responsabilité de la nature et celle de l'homme, les scientifiques ont tranché : il est très probable, voire démontré ou sur le point de l'être, que la responsabilité incombe aux activités humaines. L'illusion de l'abondance énergétique nous a conduits à pratiquer la politique de l'autruche. En six générations, les pays développés auront dilapidé la moitié des réserves d'énergies fossiles de la terre.

M. Yves Cochet. Oui.

M. Jean-Yves Le Déaut. En raison de nos activités industrielles, de nos besoins de transport et de nos consommations d'énergie domestique, nous avons - c'est un fait inouï dans l'histoire de l'humanité - modifié la composition de l'atmosphère, en y injectant des quantités énormes et toujours croissantes de gaz carbonique et d'autres gaz qui renforcent l'effet de serre. En extrayant à partir du charbon, du pétrole ou du gaz naturel d'énormes quantités de carbone, piégées dans les profondeurs de la terre, et en brûlant tous ces combustibles, l'homme a libéré des masses énormes de gaz carbonique.

L'atmosphère terrestre comprend à l'heure actuelle 3 000 milliards de tonnes de gaz carbonique. Chaque année, l'ensemble des pays du monde projette dans l'atmosphère près de 19 milliards de tonnes supplémentaires. Certes, la moitié environ est absorbée par les sols, les cultures et les forêts, ainsi que par les océans. Mais le gaz carbonique est déjà deux fois plus concentré dans notre atmosphère qu'il ne l'était il y a deux siècles et demi. Les chiffres suivants paraîtront abstraits à certains, mais chacun doit savoir que la teneur en gaz carbonique a atteint 370 parties par million en 2003, alors que les données des carottes glacières révèlent que jamais, au cours des 400 000 dernières années, elle n'avait dépassé 300 parties par million et la teneur en méthane 0,8 partie par million.

M. Yves Cochet. Vous avez raison.

M. Jean-Yves Le Déaut. Certes, l'effet de serre est nécessaire. Sans lui, la température moyenne de la terre serait à moins 18 ° Celsius. Mais ces gaz, dispersés en trop grande densité dans l'atmosphère, piègent la chaleur dans notre espace vital, terrestre ou aérien, comme les vitres d'une gigantesque serre, au lieu de la laisser rayonner et s'évanouir dans l'espace.

J'ai été un peu long, mes chers collègues, mais il était important de rappeler ces données. Pour autant, il ne suffit pas de partager le même constat. Si nous ne prenons pas aujourd'hui les mesures appropriées, dans cent ans, les températures seront devenues extrêmes.

M. Henri Nayrou. Plus 5 ° !

M. Jean-Yves Le Déaut. Jamais dans l'histoire des réchauffements et des glaciations, l'atmosphère terrestre n'a connu, sur une période aussi brève, des modifications d'une telle ampleur.

Or la demande mondiale d'énergie augmente. Trois facteurs l'expliquent.

La démographie, en premier lieu : on prévoit, en fonction de la croissance continue moyenne de la population mondiale, que la planète comptera entre 8 à 10 milliards d'habitants en 2100, même si, il est vrai, le chiffre dépendra en grande partie de la politique de régulation des naissances qui sera pratiquée dans certains pays.

Le deuxième facteur consiste dans la demande accrue des pays en voie de développement ou des pays émergents, qui doubleront leur consommation de 2000 à 2020.

Quant au troisième facteur, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous ne pouvez faire autrement que de vous y intéresser : en effet, bien que l'efficacité énergétique se soit améliorée, la croissance du produit intérieur brut des pays développés implique une plus grande consommation d'énergie.

Le réchauffement planétaire, provoqué par les activités humaines, se fait déjà sentir et doit susciter toute notre inquiétude.

La décennie allant de 1990 à 2000 a été la plus chaude connue et l'augmentation de la température au XXe siècle a été en moyenne de 0,6 ou 0,7 ° Celsius.

M. Yves Cochet. 0,9 !

M. Jean-Yves Le Déaut. Des scientifiques de très haut niveau ont été reçus mardi dernier à l'Assemblée à l'occasion du vingtième anniversaire de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Certains d'entre vous, ainsi que Claude Birreaux et moi-même étions présents. Selon Jean Jouzel, directeur de recherches au CNRS et médaille d'or du CNRS, l'expert français international du GIEC, l'augmentation de la température au XXIe siècle, compte tenu des modèles suivis et des simulations effectuées, sera comprise entre 1,4 et 6 ° Celsius. Il pensait, à titre personnel, qu'un pays comme la France, situé en zone tempérée, connaîtrait une augmentation comprise entre 3 et 5.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai.

M. Jean-Yves Le Déaut. Si ce dernier chiffre était exact, les changements seraient considérables.

M. Yves Cochet. Nous le disons depuis longtemps.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous devons nous préoccuper au plan politique d'une telle élévation de la température et d'une telle rapidité du phénomène, qui ont provoqué en moins d'un siècle des modifications que la terre n'avait encore jamais connues.

Dans les pays développés, depuis le début de la première révolution industrielle, c'est-à-dire depuis le milieu du XVIIIe siècle, nos usines crachent du gaz carbonique. L'accélération du développement économique en Asie aboutira demain au même résultat. Des solutions devront être trouvées au plan international. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, en dépit des protocoles signés, qui ont accompagné un début de prise de conscience internationale - je pense notamment au sommet de la terre de Rio de Janeiro et au protocole de Kyoto - l'ensemble des responsables internationaux n'ont pas encore pris la mesure du défi qui attend l'humanité.

Les énergies fossiles ne seront pas facilement remplaçables.

M. Yves Cochet. Effectivement.

M. Jean-Yves Le Déaut. Depuis trente ans - c'est un facteur essentiel - toutes les sources d'énergie ont vu leur consommation croître. Le charbon, le pétrole et le gaz ont été les moteurs de nos sociétés industrielles. Il faut se rendre à l'évidence : les énergies fossiles constituent des réserves suffisantes pour une consommation énergétique en hausse, puis en plateau au XXIe siècle. Elles ont, malgré les prix qui augmenteront - vous l'avez signalé - « un bel avenir », en dépit de leur impact sur le climat, car elles représentent la réserve principale non seulement des pays du Moyen-Orient, de certains pays d'Afrique et de la Russie, mais aussi et surtout de la Chine.

A la fin des années 70 et au début des années 80, un avertissement avait été lancé : le renchérissement des prix de l'énergie consécutif aux chocs pétroliers avait conduit à la mise en place de politiques actives d'économie d'énergie. Le contre-choc pétrolier de 1985 et la longue période de bas prix des énergies qui a suivi ont conduit à un relâchement de l'effort, nous donnant l'illusion que le pire était passé.

Force est de constater qu'il n'en est rien. Le problème de l'énergie est à nouveau sur le devant de la scène économique et politique. Les conséquences d'une augmentation des prix des énergies liée aux effets conjugués de leur raréfaction future et de l'introduction d'une contrainte sur le carbone auront des conséquences très importantes pour les Etats comme pour les entreprises.

Sans doute, grâce au nucléaire, l'indépendance énergétique de la France persiste-t-elle pour la plus grande part de la consommation électrique.

M. Yves Cochet. Mais non, puisque nous n'avons pas d'uranium !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ne vous divisez pas !

M. Serge Poignant, rapporteur. M. Le Déaut a raison.

M. Yves Cochet. Nous n'avons pas plus d'uranium que de pétrole.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les débats sont vifs !

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Cochet et moi sommes habitués, lors des débats auxquels nous participons, à échanger d'aimables propos. Je vous ferai lire les rapports sur les réserves d'uranium, et les éventuelles possibilités de recyclage, monsieur Cochet.

Les possibilités de fabriquer de l'énergie sont plus grandes avec le nucléaire qu'avec d'autres sources énergétiques.

M. Yves Cochet. Et les déchets nucléaires ?

M. Jean-Yves Le Déaut. J'y reviendrai lorsque je détaillerai nos propositions. Le gaz et le charbon rejettent des gaz à effets de serre. Notre indépendance énergétique, c'est un fait, est due au nucléaire.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Le Déaut a raison.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cela étant dit, il convient de préciser que le nucléaire assure 75 % de notre production électrique.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela fait beaucoup.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. La part de l'énergie hydraulique augmente.

M. Jean-Yves Le Déaut. La contribution de l'énergie hydraulique atteint presque 15 % et celle des autres sources d'énergie, thermique à flamme comprise, 10 %.

Un tel déséquilibre n'est pas satisfaisant.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout de même !

M. Jean-Yves Le Déaut. En effet, un nouvel accident nucléaire, frappant notre pays ou un autre pays dans le monde, entamerait fortement la crédibilité de cette filière. C'est pourquoi, si le parti socialiste est favorable au nucléaire, il n'est pas favorable au tout-nucléaire.

M. Yves Cochet. Et quelle est sa position sur les EPR ?

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je crois que le parti socialiste y est favorable.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous pourriez me laisser répondre le moment venu, monsieur le ministre. Je risque sinon de dépasser l'heure et demie qui m'est impartie.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je cherche à vous aider, monsieur Le Déaut.

M. Alain Cousin. M. Cochet était impatient de connaître la réponse.

M. Jean-Yves Le Déaut. En dépit d'efforts continus en matière d'efficacité énergétique, la consommation énergétique s'accroît.

Si l'on ajoute à cet accroissement les problèmes géopolitiques et de sécurité que provoque notre dépendance énergétique, notamment en ce qui concerne le gaz et le pétrole, chacun peut mesurer la nécessité et l'urgence de mettre en œuvre une politique ambitieuse en matière d'énergie, que ce soit en termes de sobriété - ou d'économie -, d'efficacité ou d'innovation technologique.

En France, le système électrique est efficace mais fragile. Je le répète, après l'avoir démontré à propos de la canicule de l'été dernier, il est menacé par la libéralisation.

Les épisodes de décembre 1999 et de l'été 2003 ont révélé combien notre système de production électrique était fragile. Certes, il l'est encore plus dans d'autres pays : Rome a été plongée dans le noir. J'ai déjà eu l'occasion, à cette tribune, de rappeler également que l'équation californienne P + E = PE révélait les limites d'une certaine politique : « P + E », à savoir « privatisation plus éoliennes » égale « PE », c'est-à-dire « pénurie d'électricité », les éoliennes étant de mauvaise qualité en Californie.

M. Yves Cochet. Quelle basse attaque ! On croirait du Ollier. (Rires.)

M. Claude Gatignol. Excellent constat !

M. Jean-Yves Le Déaut. Je développerai ce point, car je suis favorable aux éoliennes.

Le fait que nous ayons évité des catastrophes doit être directement mis au crédit de la qualité de l'organisation du service public, notamment à EDF et à GDF, et nous pouvons remercier leurs agents qui, actifs comme retraités, ont eu, lors de ces crises, le sens de l'intérêt général.

M. François Brottes. Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce sont eux qui ont construit ce grand système énergétique français.

M. Léonce Deprez. C'est tout à fait vrai.

M. François Brottes. C'est pourquoi il doit rester public.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous entamez le prochain débat.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il faut savoir préparer les débats.

En dépit de ce constat, le Gouvernement souhaite poursuivre à marches forcées la libéralisation totale des marchés du gaz et de l'électricité, qui nous exposera - nous pouvons malheureusement prendre date dès ce soir - au même genre de déconvenues.

La nécessaire prise en compte des besoins des pays en développement constitue également un aspect majeur : nous devons bien entendu nous préoccuper de nos problèmes énergétiques, mais si, dans le même temps, nous ne transférons pas les technologies vers les pays du Sud, ceux-ci continueront à utiliser les ressources sans se soucier des désordres planétaires occasionnés par les rejets de gaz à effet de serre.

Le protocole de Kyoto, qui constitue un grand pas en avant malgré ses lacunes, a permis de montrer que la consommation d'énergie dans le monde est le domaine où les inégalités sont les plus criantes : un Chinois ou un Indien consomme dix fois moins d'énergie qu'un Américain et cinq fois moins qu'un Français.

M. Léonce Deprez. Cela changera !

M. Jean-Yves Le Déaut. Certes ! Espérons toutefois que ce ne sera pas sur le modèle occidental !

Deux milliards et demi d'individus dans le monde n'ont pas encore accès à l'électricité. Il est donc inévitable et souhaitable que la consommation d'énergie augmente rapidement dans le monde en développement, alors même qu'elle va continuer de le faire dans les pays industrialisés. Tous les experts s'accordent pour prévoir un doublement de la consommation mondiale d'énergie d'ici à 2050. Au rythme actuel, les émissions mondiales de gaz à effet de serre augmenteront de 50 % en 50 ans, dépassant en 2050 les 35 milliards de tonnes de gaz carbonique rejetées par an dans l'atmosphère. Or, pour stabiliser la teneur en gaz carbonique de notre atmosphère à son niveau actuel, il eût fallu, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, diviser dès maintenant par deux le niveau de nos émissions.

L'avenir de notre climat dépend très largement de notre capacité à transférer des technologies propres vers les pays en développement, afin de leur offrir un accès légitime à l'énergie tout en minimisant les rejets de gaz à effet de serre.

Il va donc falloir changer de mode de consommation et, je le répète, ce texte ne va pas assez loin. J'espère que ce débat permettra de l'améliorer. Il convient en effet de procéder à des ruptures : si les pays émergents adoptaient les modèles de gaspillage américains, il faudrait, comme je l'ai dit, beaucoup de planètes Terre pour « éponger » les activités humaines. Il est à la fois nécessaire et urgent que ces pays bénéficient du niveau de vie décent auquel ils aspirent : à nous de les aider à concilier le développement économique et social et la protection de leur environnement.

Je voudrais maintenant mettre en évidence l'écart qui existe entre le discours quelque peu utopique que vous avez prononcé, monsieur le ministre d'Etat,...

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n'est pourtant pas son genre ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. ...discours sur certaines parties duquel nous pouvons au demeurant nous retrouver, et la réalité de la politique menée. A moins qu'on n'envisage une rupture dans cette politique, auquel cas il faudra nous le dire...

Les choses s'annoncent mal au plan national. Le marché partout et pour tout le monde : tel est l'effet de la mise en concurrence. Or le secteur de l'énergie ne saurait être un véritable marché. Les caractéristiques physiques de l'électron et de l'électricité font que l'on ne peut traiter ce produit comme une vulgaire marchandise.

Les gouvernements successifs ont tous affirmé leur attachement à un service public de l'électricité. On reproche souvent à ceux qui, dans une période de cohabitation, représentaient la France au sommet de Barcelone, d'avoir accepté l'ouverture à la concurrence - argument que vous avez souvent utilisé ici même pour répondre à des questions d'actualité mais on oublie d'ajouter que l'on était également convenu, lors de ce sommet, d'engager les discussions pour une directive européenne sur les services publics. Où en est ce projet ? Que fait le gouvernement français pour le faire progresser ?

M. François Brottes. C'est en effet très important !

M. Jean-Yves Le Déaut. Quant aux transports collectifs, ils sont aujourd'hui à l'abandon.

M. Yves Cochet. En effet !

M. Jean-Yves Le Déaut. Dans le budget du ministère des transports pour 2004, les crédits prévus par l'Etat pour financer les transports collectifs en site propre ont été réduits de façon importante, ce qui affectera le développement des réseaux de transports en commun dans des villes comme Clermont-Ferrand, Strasbourg, Saint-Etienne, Lyon, Grenoble, Marseille ou Montpellier. Mais je pourrais également citer le système mis en place à Nancy, qui, lui, marche mal...

M. François Dosé. Oui : il déraille !

M. François Brottes. C'est l'héritage... (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Toujours plus de routes, en revanche : il ressort en effet des comités interministériels successifs que la priorité, dans les choix d'infrastructures, est donnée aux investissements routiers, au détriment des transports en commun et du ferroutage. Cette politique est en contradiction totale avec l'ambition affichée par le Premier Ministre et par vous-même, monsieur le ministre, qui avez eu tout à l'heure cette belle formule : diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. Je ne demande qu'à vous croire, mais il faut en trouver les moyens et s'y mettre tout de suite.

En traitant mieux la recherche, par exemple : on s'était fixé pour objectif 3 % du PIB en 2010, mais, au vu des deux dernières années, c'est mal parti ! J'espère donc que l'on donnera un coup d'accélérateur.

De même, si l'objectif de 2050 peut paraître éloigné, il ne sera pourtant atteint que si l'on met en place des politiques ambitieuses en matière de ferroutage.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - ADEME - a également été sacrifiée.

M. Yves Cochet. C'est vrai !

M. Jean-Yves Le Déaut. Les crédits de son budget pour 2003 ont été amputés d'un tiers. Cela n'est d'ailleurs pas sans rapport avec le projet de loi que l'Assemblée vient de voter, monsieur le ministre d'Etat : de manière assez maligne, le ministre de l'économie a rapatrié des crédits déconcentrés des DRIRE qui venaient compléter les crédits de l'ADEME, afin de développer les politiques d'économie d'énergie dans les régions, la perspective étant de récupérer de l'argent en cas de transfert de certaines compétences. Ainsi, d'une part on diminue les crédits de l'agence, d'autre part on charge sa barque. Nous savons lire les budgets, monsieur le ministre d'Etat, et nous voyons bien, au niveau des DRIRE, que l'évolution n'est pas conforme à ce que vous nous avez indiqué. Or, si l'on veut soutenir la recherche dans le domaine de l'environnement et développer les énergies renouvelables, comme le souhaitent les vingt-deux régions métropolitaines, il faut donner à l'ADEME les moyens de sa politique.

Car le développement des énergies renouvelables est lui aussi entravé. Il nous appartient, en tant que groupe politique, nous seulement d'indiquer les orientations que nous souhaitons mais aussi d'être constructifs. Nous avons donc déposé, sur ce sujet, plusieurs amendements, dont certains ne sont pas très éloignés de ceux que la majorité a elle-même présentés. Ce sera l'occasion de mesurer votre volonté de dialogue, monsieur le ministre.

Au total, ce projet de loi est inadapté, car il ne propose aucune rupture avec les politiques actuelles. Les choix que la gauche avait faits en son temps - promotion des énergies renouvelables, politique active de maîtrise de la demande - sont aujourd'hui enterrés. Après avoir promis une consultation de l'ensemble des acteurs pour débattre des choix et stratégies possibles en toute transparence, le Gouvernement présente un projet de loi minimaliste, sans grande vision d'ensemble, alors qu'il était au contraire nécessaire de prendre des mesures courageuses.

Nous réaffirmons notre choix en faveur de l'écologie solidaire et du développement durable dans les faits et dans les actes, pas seulement dans les discours. Cela suppose une réorientation profonde des modes de production et de consommation afin de concilier trois impératifs : améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, notamment les plus démunis ; préserver la planète et l'environnement ; assurer le développement des pays les plus pauvres. Il faut combiner le progrès technologique, l'évolution des comportements et 1es modifications dans l'organisation de la société. On doit comprendre qu'il y a urgence, si l'on ne veut pas s'exposer à de graves déconvenues.

Bien que M. Dionis du Séjour ait indiqué que ce n'était pas l'objet du débat d'aujourd'hui, il est nécessaire, à nos yeux, de constituer un pôle public de l'électricité et du gaz associant EDF et GDF.

M. François Brottes. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Déaut. Ayant lu une déclaration qui laissait supposer que vous alliez également dans ce sens, monsieur le ministre, j'espère que vous nous répondrez sur ce point.

Les caractéristiques physiques du transport d'électricité ne peuvent s'inscrire dans un champ concurrentiel. On mesure bien, à cet égard, l'importance des missions essentielles de service public que sont l'égalité des territoires et des citoyens dans l'accès à l'énergie, la sécurité d'approvisionnement, l'indépendance énergétique, la lutte contre l'effet de serre, la maîtrise des technologies d'avenir, la maîtrise de la demande.

Nous entendons promouvoir un service public dont le contrôle démocratique associerait usagers, élus, collectivités locales et personnels. Les missions de service public doivent être définies dans le cadre de la loi. Au plan européen, nous attendons toujours la directive consacrée à ce sujet.

La recherche de la sobriété et de l'efficacité énergétique est pour nous une priorité absolue. Nos choix de vie, la distance entre nos lieux de résidence et nos lieux de travail, de loisirs ou de consommation, l'arrivée de nouveaux biens de consommation, influent sur la consommation d'énergie. C'est ainsi que l'on assiste à l'explosion de la demande énergétique dans le résidentiel-tertiaire et dans les transports.

Pour affronter les contraintes futures - émissions de gaz à effet de serre, épuisement des ressources fossiles -, nous devons impérativement modifier nos modes de consommation et de production. C'est sur le secteur des transports et du résidentiel-tertiaire que doivent porter nos efforts. Hélas ! le texte qui nous est soumis ne contient pas grand-chose à ce sujet. Il est même squelettique sur la question des transports.

M. Yves Cochet. Il n'en parle pas du tout !

M. Jean-Yves Le Déaut. Les certificats d'économie d'énergie ne concernent qu'une minorité d'opérateurs et pas les vendeurs de carburant. Ce texte n'est vraiment pas à la hauteur des ambitions que nous avions. Il manque de souffle, il n'impose aucune rupture avec les modes de croissance actuels. Où sont vos objectifs précis en matière de développement du fret et de ferroutage ? Que proposez-vous pour développer le transport fluvial ? Comment pouvez-vous espérer nous convaincre quand disparaissent une à une les plateformes d'expédition des conteneurs utilisées par les transporteurs routiers, qui vont de ce fait concentrer encore plus de trafic sur les autoroutes ? Une de ces plateformes, permettant d'expédier les conteneurs par le rail, a ainsi récemment disparu à Nancy.

On a vraiment l'impression, à la lecture de l'annexe réintroduite dans le corps du texte, d'être devant un catalogue de vœux pieux !

Nous proposons donc de lancer un débat sur les dispositifs qui dissuadent d'utiliser les véhicules personnels, notamment en ville, d'encourager les modes de transport collectif par des incitations financières et fiscales pour les utilisateurs et d'engager l'Europe à mener une politique ambitieuse en matière de transports de marchandises : ferroutage, transport multimodal, plateformes multimodales. Un plan « ferroutage » européen doit devenir la priorité de la politique européenne des transports.

Nous proposons également d'intégrer la desserte par un réseau de transports en commun dans les critères requis pour la construction de logements neufs : aujourd'hui, on fait des logements neufs n'importe où, sans aucune contrainte quant à l'existence de transports en commun.

Autres propositions : la mise en œuvre d'un programme « biocarburant » - j'espère que cet amendement, cosigné par beaucoup d'entre nous, toutes tendances confondues, sera retenu -, l'amélioration de l'efficacité de la combustion dans les moteurs, le développement des véhicules hybrides. Nous avons, en la matière, quelque retard sur le cleaner act américain, voté il y a une vingtaine d'années, mais mieux vaut tard que jamais !

M. Yves Cochet. Il faut surtout plafonner la cylindrée des véhicules !

M. Jean-Yves Le Déaut. Je n'ignore pas, d'ailleurs, que notre collègue Claude Gatignol a travaillé sur ces questions.

Nous proposons en outre de favoriser la baisse des charges dans les logements sociaux et dans tous les logements anciens en encourageant 1e renforcement de la performance énergétique des bâtiments. C'est là, sans doute, la meilleure mesure que contient ce texte. Le ministre en charge du logement devra en être saisi.

Nous proposons encore de revoir les règles d'urbanisme afin de les rendre compatibles avec l'utilisation des nouvelles techniques et des nouveaux matériaux performants sur le plan énergétique ; de renforcer les incitations fiscales à l'utilisation de ces techniques ; d'améliorer l'aide au diagnostic des performances énergétiques des bâtiments dans le logement social, neuf et ancien.

Il conviendrait d'afficher dans tous les bâtiments publics et sociaux le coût énergétique au mètre carré, et de mentionner ce dernier dans toutes les transactions immobilières.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut. Une telle mesure ne coûterait rien. Nous l'avons proposée sous forme d'amendement, j'espère qu'elle sera reprise.

Nous suggérons l'institution d'un plafond de charges locales relatives au chauffage et à l'eau chaude et sanitaire dans les logements neufs.

Cette politique nécessite de mobiliser les architectes et les bureaux d'étude, afin de parvenir à une utilisation généralisée du concept de l'habitat bioclimatique ou de haute qualité environnementale - HQE.

Cela m'amène à une petite digression.

A l'occasion du rapport que j'avais fait, il y a trois ans, avec Claude Birraux, j'avais dit combien il me semblait important de développer les économies d'énergie, surtout dans le logement social. Et de fait, la quasi totalité des opérations que j'ai menées en tant que président de l'OPAC de Meurthe-et-Moselle étaient des opérations HQE. Pour le chauffage, nous avons eu recours au solaire thermique sur les toits et à la géothermie. Vous pourrez venir inaugurer ces maisons à Auboué, monsieur le ministre.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avec plaisir !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il y a quelques années, en raison d'affaissements miniers, certaines maisons avaient été détruites. On en a donc reconstruit d'autres, modernes, où les locataires bénéficient des meilleures normes de confort tout en payant des charges moindres. Cela a été possible parce qu'en amont de la construction, on avait pris en compte l'orientation de la maison, utilisé certains matériaux, ceux d'ailleurs que vous préconisez dans le texte. Reste que c'est l'OPAC qui a dû supporter le surcoût...

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quand était-ce ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous avons monté le dossier il y a dix-huit mois. Il a été transmis au ministre du logement...

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le gouvernement précédent n'y avait-il pas pensé ?

M. François Brottes. Le gouvernement Raffarin II, sans doute ?

M. Jean-Yves Le Déaut. C'est vrai qu'il reste encore beaucoup à faire, et qu'il faut avancer...

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Alors, avançons ensemble !

M. Jean-Yves Le Déaut. A partir du moment où l'on mène une politique nouvelle et originale, qui va dans le sens de ce que vous nous demandez, on peut légitimement penser qu'elle n'a pas à être supportée par les locataires les plus pauvres. Or c'est bien de cela qu'il s'agit, dès lors que c'est l'OPAC qui assume les surcoûts.

Je reviendrai donc vers vous, monsieur le ministre, pour discuter du financement de cette opération.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce que M. Jospin vous a refusé, on peut peut-être vous l'accorder...

M. Jean-Yves Le Déaut. Il ne me l'a pas refusé : l'opération n'avait pas commencé. Il aurait accepté, sans aucun doute.

M. François Brottes. Vous feriez un bon ministre, monsieur Le Déaut !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pas dans le même gouvernement que M. Cochet, alors ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Il faut voir...

M. Jean-Yves Le Déaut. Venons-en au nucléaire.

Nous l'avons dit, le nucléaire a joué un rôle très important à un moment où il nous fallait conserver notre indépendance énergétique. Aujourd'hui, le parc nous paraît suffisant. La filière mérite d'être préservée. C'est un atout pour la France, dans le respect des engagements pris à Kyoto. Cependant, compte tenu des capacités de production existantes et des échéances prévues pour le renouvellement des centrales - 2020 ou 2030 selon les experts, l'Autorité de sûreté nucléaire associée à l'IRSN -, il n'y a pas d'urgence à décider précipitamment la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, comme vous le proposez sans avoir mené de débats préalables sur le sujet, ni avec le Parlement, ni avec la société.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pas d'EPR pour EDF ?... Les électriciens vont être tristes et la CGT ne sera pas contente ! Heureusement que les communistes sont là !

M. Jean-Yves Le Déaut. Les incertitudes sont de deux ordres. La première concerne nos besoins énergétiques. J'ai cru entendre que vous alliez faire baisser la demande énergétique. Nos besoins énergétiques seraient donc moins importants demain.

Autre incertitude : quand faudra-t-il renouveler le parc ? On ne connaît pas la durée de vie des centrales actuelles. Il est possible que la centrale de Fessenheim, la plus ancienne, puisse durer quarante ans, mais certains en demandent déjà la fermeture. Cela provoquerait, je crois, quelques difficultés.

M. Yves Cochet. Mieux vaut la fermer maintenant !

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur Cochet, on ne peut pas demander la fermeture des centrales et refuser l'EPR !

On ne sait pas non plus de quelle puissance installée on aura besoin dans quelques années. Le débat n'a pas eu lieu et c'est la première fois qu'on en parle dans l'hémicycle.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Non ! Et le débat du 15 avril ?

M. Jean-Yves Le Déaut. On ne l'a eu qu'en commission.

Dans ces conditions, pourquoi l'EPR ? On n'a pas besoin aujourd'hui de capacités supplémentaires. On a juste besoin d'être en mesure de tester demain un nouveau réacteur éventuel. Un réacteur expérimental a été construit en Finlande. Nous nous opposons donc à la décision de construire aujourd'hui un EPR en France.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'était pas la peine de dire qu'il n'y avait pas d'électricité pendant la canicule !

M. Claude Gatignol. C'est le grand écart !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Où est Christian Bataille ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Cela ne correspond pas, en l'état actuel du parc nucléaire, à un vrai besoin. Autant utiliser le peu de crédits disponibles pour porter nos efforts sur le développement du nucléaire du futur, la génération IV, et du cycle de combustible associé, qui nous paraît un sujet majeur.

Nous soutenons également le projet ITER sur la fusion. Nous n'avons donc pas de désaccord à ce sujet.

La recherche sur les trois voies de traitement des déchets - entreposage, stockage en grande profondeur, transmutation - doit être poursuivie et amplifiée. Le rendez-vous prévu par la loi Bataille...

M. Claude Gatignol. Qui a fait fermer Superphénix !

M. Jean-Yves Le Déaut. ...en 2006 doit être respecté, les décisions pouvant ou non être prises en fonction des résultats des recherches. Il est en tout cas essentiel de garantir le principe de réversibilité sur le long terme.

Des efforts de transparence et d'information sur ce sujet hautement sensible pour nos concitoyens doivent impérativement être faits, notamment au travers d'un contrôle parlementaire réel sur la sûreté et la radioprotection ; je le dis à l'adresse du ministre de l'industrie. Nous souhaitons qu'une loi fondatrice garantisse la transparence de la filière nucléaire. Un texte est « dans les tuyaux », nous dit-on depuis quelques années. Nous souhaitons que le Parlement ait à en connaître.

Dernier point : la production électrique.

Il convient d'assurer sa nécessaire diversification. Il n'est pas sain, selon nous, que le nucléaire représente 78 % de la production d'électricité. Cette absence de diversification, unique au monde, présente des risques spécifiques, engendre une utilisation du parc de production qui n'est pas optimale et présente un manque de souplesse pour couvrir les périodes de pointe. Je n'ai pas entendu dans votre discours, monsieur le ministre, la position du Gouvernement en la matière. Même si on conserve une part de nucléaire et si on la complète par une part d'énergies renouvelables, comment va-t-on traiter la demande énergétique pendant ces périodes de pointe, notamment les périodes de froid anticycloniques, quand il n'y a pas de vent ?

M. Yves Cochet. Par les énergies fossiles !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vive le CO2 !

M. Jean-Yves Le Déaut. Cette absence de diversification entraîne également une exportation massive d'électricité à l'étranger, au prix d'un accroissement des déchets à gérer, logique dont la compatibilité avec notre conception du service public est à l'évidence discutable.

Il est donc indispensable de diversifier nos modes de production électrique pour parvenir à un bouquet énergétique qui soit souple et ouvert, avec une production d'électricité centralisée, mais également en partie décentralisée ; diversifiée, c'est-à-dire combinant énergie hydraulique, gaz et charbon propre, dans les usages où ils sont performants, éolien et solaire photovoltaïque ; capable, enfin, d'intégrer les évolutions technologiques, dont seul un important effort de recherche et de développement peut préparer les conditions. Il faut rendre plus propre l'énergie consommée, quelle que soit son origine.

Deux autres points restent à développer, et je suis encore très largement dans les temps...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais c'est très intéressant !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas trop long !

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le ministre, vous avez été, dans l'opposition, un redoutable bretteur parlementaire. Vous savez donc comment cela se passe.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'apprécie !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il ne s'agit pas de « monter aux arbres », mais de discourir sur la filière énergétique.

Je pense que les certificats d'économie d'énergie ne suffisent pas, en tant que tels, à déterminer une politique, même s'ils viennent la compléter. Or la grande nouveauté de ce texte, ce sont les certificats d'économie d'énergie.

Un de nos défis est de répondre à la croissance des besoins en énergie dans les pays du Sud et des pays développés tout en corrigeant la trajectoire des émissions de CO2, dont l'augmentation fait peser un danger potentiel sur la planète. Mais la France ne peut pas se focaliser sur l'électricité renouvelable, et encore moins sur une monospécialisation dans l'éolien. Elle doit accélérer en priorité ses efforts de recherche, notamment sur les nombreuses formes d'énergie renouvelable, disponibles aujourd'hui pour certaines et disponibles demain pour d'autres, qu'il s'agisse du solaire thermique dans les bâtiments ou des biocarburants. Il faut cultiver tout l'éventail des énergies renouvelables.

Il convient de passer d'une stratégie de suivisme à une stratégie d'anticipation.

Les énergies renouvelables ne traiteront pas au fond et de manière définitive le problème que pose la tendance à l'augmentation de la demande d'électricité. Elles ne permettront que de traiter la demande énergétique supplémentaire.

Pour autant, je pense qu'on n'a pas suffisamment insisté sur cet aspect. Le parti socialiste considère qu'il y a une complémentarité très forte entre le nucléaire, qui représente un atout de notre système énergétique, et les énergies renouvelables, qui ne sont pas encore suffisamment développées dans notre pays.

Je préconiserai certaines mesures, tout en gardant à l'esprit que, s'il faut développer l'éolien, comme nous l'avons dit sous le précédent gouvernement, il faut aussi admettre que l'éolien ne résoudra pas l'ensemble des problèmes des énergies renouvelables.

L'éolien, en effet, est une énergie intermittente.

M. Yves Cochet. Toujours le problème des intermittents ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Tant qu'on n'aura pas résolu le problème du stockage de l'électricité en prévision des périodes sans vent, qui correspondent souvent à des périodes très froides, on ne pourra pas compter sur cette énergie.

En même temps que l'éolien, il faut développer des sources d'énergie complémentaires. On sera obligé d'y penser. Je ne pense pas souhaitable de supprimer la totalité des centrales thermiques à charbon ; il est nécessaire d'en conserver un petit nombre.

L'Etat doit parallèlement prendre l'initiative de schémas départementaux d'implantation de l'éolien, en concertation avec les collectivités locales.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il conviendrait de chiffrer les coûts de développement du réseau et d'évaluer le coût de l'éolien offshore.

Il conviendrait de créer une filière industrielle, qui n'existe pas dans notre pays, si l'on excepte les petites éoliennes de M. Vergnet, tout en réfléchissant au problème posé par les contraintes et les servitudes aériennes. De nombreux maires de Lorraine souhaiteraient en effet construire des éoliennes, mais il y a de nombreux aéroports militaires dans la région et les lois françaises sont très contraignantes en matière de servitudes militaires. Il n'est pas possible de construire d'éoliennes dans un rayon de 24 kilomètres et au-delà d'une certaine hauteur, alors qu'en Allemagne, on n'est limité que par l'axe des pistes. Il y a donc une réflexion à mener, si on veut permettre le développement de l'éolien au niveau régional.

Après l'éolien, le solaire.

En me promenant dans l'Allemagne voisine, j'ai constaté qu'on avait mis en place un grand plan de développement, notamment du solaire thermique. On peut, et il faut, développer en France le solaire thermodynamique. Notre pays dispose de belles vitrines en Guadeloupe et, plus généralement, dans les départements d'outre-mer. Cela nous permettra de vendre cette technique dans un certain nombre de pays du Sud. Le CNRS a de bon spécialistes en la matière.

En revanche, s'agissant du solaire photovoltaïque, nous avons encore des sauts technologiques à franchir.

Développer l'énergie solaire thermique serait pourtant simple. Un toit peut avoir trois fonctions : couvrir une maison, fabriquer de l'électricité et fournir du chauffage par le biais de tuyaux placés sous des capteurs. C'est la moitié du chauffage d'une maison qui peut être ainsi fournie.

M. Yves Cochet. C'est énorme !

M. Jean-Yves Le Déaut. Les Allemands, eux, ont installé des millions de mètres carrés de capteurs solaires, mettant ainsi en œuvre un grand plan voté par le Parlement. Je regrette que ce texte n'affiche pas une telle ambition. Nous avons présenté, avec François Dosé et Claude Birraux, un amendement dans ce sens : reprenez-le ! Donnez à notre pays un grand plan de développement du solaire thermique, qui permettra d'économiser, dans un premier temps, l'énergie nécessaire à la moitié des besoins de chauffage.

Ne croyez pas - c'est une idée fausse - que l'énergie solaire ne fonctionnerait pas dans le nord de la France. Sur un panneau bien orienté, au sud, la différence d'énergie captée entre Nancy et Toulouse est de 20 %. Autrement dit, pour une maison de cent vingt mètres carrés à Nancy, il suffit de disposer sur le toit cinq mètres carrés de panneaux solaires au lieu de quatre mètres carrés à Toulouse, pour avoir autant de chauffage. Le surcoût serait minime.

M. Yves Cochet. Augmenter la surface n'augmente pas la température !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ne vous moquez pas !

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Cochet veut simplement des précisions, il ne se moque pas.

M. Yves Cochet. Tout à fait, je suis d'accord avec vous et je vous soutiens !

M. Jean-Yves Le Déaut. On peut donc utiliser l'énergie solaire dans le nord de la France. Il suffit d'un mètre carré supplémentaire de capteurs pour récupérer la même quantité d'énergie, avoir les mêmes températures et couvrir la moitié des besoins de chauffage. Mais nous sommes là dans un débat politique, je ne vais pas entrer dans les détails mathématiques.

Le troisième point qui m'apparaît important et qui a été insuffisamment traité est celui de la biomasse. Son apport peut être important, notamment avec le bois-énergie. Nous avons, en France, des forêts qui procurent des millions de tonnes équivalent pétrole. Mais les volumes sont en diminution : de 10 millions de TEP, ils sont descendus à 9 millions. Et la tendance se poursuivra, car, de la coupe à la chaudière, l'utilisation du bois de chauffage est compliquée.

M. François Brottes. Il faut organiser la filière !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il faut donc organiser la filière pour développer le bois-énergie. Surtout, il faut débloquer les verrous technologiques qui freinent l'exploitation de la biomasse, laquelle ne se limite pas aux biocarburants. La France compte 30 millions d'hectares de surfaces agricoles utiles, forêts comprises, dont 9 millions d'hectares de céréales cultivées. En portant à une surface comprise entre 3 et 4 millions d'hectares les surfaces consacrées aux cultures énergétiques - je n'entre pas dans le détail des cultures pour ne fâcher personne - on pourrait fournir 10 millions de TEP, ce qui n'est pas négligeable. Il existe, en outre, des filières de gazéification ou de transformation enzymatique que l'ADEME ou le CNRS pourraient aider avec un peu d'argent. Le CNRS a déjà commencé, suivant les prescriptions de l'office parlementaire. Voilà des pistes qui permettraient d'élaborer des plans mobilisateurs, comme certains pays en ont déjà développé, et qui viendraient compléter l'existant.

Je dirai quelques mots sur la pile à combustible qui, bien que considérée comme le grand horizon, est un principe ancien. Le schéma de fonctionnement est le suivant : ravitaillement en hydrocarbure dans une station-service - normale pour la première génération, puis, comme pour les réacteurs nucléaires, évoluée ; fabrication à bord du véhicule, grâce au réformeur embarqué, de l'hydrogène par craquage des molécules organiques ; production de courant électrique par la pile à combustible ; traction par un moteur électrique central ou plusieurs moteurs reliés chacun à une roue au train avant ou au train arrière ; rejets de gaz carbonique et de vapeur d'eau provenant du réformeur, mais avec des rendements bien supérieurs au moteur classique.

M. Yves Cochet. Le bilan énergétique global est négatif !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous allons vous laisser entre vous !

M. Jean-Yves Le Déaut. Si M. Cochet avait vécu au XVIIIe siècle, jamais la machine à vapeur n'aurait été inventée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Cochet. Fait personnel, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Je plaisantais, bien sûr, et je retire ce que j'ai dit.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dommage, c'était bien vu ! (Sourires.)

M. le président. La plaisanterie est retirée, monsieur Cochet.

M. Jean-Yves Le Déaut. Mais vous m'obligez, monsieur Cochet, à m'appesantir sans cesse sur des détails techniques. Nous ne sommes pas ici pour cela.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce serait gai si vous deviez gouverner ensemble !

M. Yves Cochet. Nous nous arrangerions !

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous sommes là pour dire que nous devons développer la recherche dans des domaines nouveaux, même si, au départ, cela revient plus cher.

M. Yves Cochet. On est bien parti avec vous !

M. Jean-Yves Le Déaut. Aujourd'hui, nous n'avons ni la fission ni les réacteurs de quatrième génération. Si l'on n'y consacre pas d'argent, on ne les aura pas. Vous ne souhaitez certes pas les voir se développer, mais d'autres voies sont possibles, sur lesquelles il faut travailler. La pile à combustible est, à cet égard, majeure. La deuxième génération d'automobiles électriques équipées de piles à combustible correspondra à l'achat direct d'hydrogène à la pompe. Nous n'y sommes pas encore mais c'est important.

Seules la multiplication des ruptures d'approvisionnement ou de considérables hausses de prix des hydrocarbures - c'est la théorie de M. Cochet et nous en avons discuté ensemble -...

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il n'y a pas que M. Cochet, parlez-nous un peu aussi !

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le ministre, si je connais vos théories en matière de sécurité, je ne connais pas encore celles que vous soutenez en matière énergétique.

Seules la multiplication des ruptures d'approvisionnement, disais-je, ou de considérables hausses de prix des hydrocarbures pourraient accélérer l'introduction des moteurs thermiques à haut rendement et des piles à combustible. C'est un point qui nous apparaît important.

Pour conclure sur les énergies nouvelles, je résume nos positions.

Nous sommes favorables à la discussion de schémas régionaux de l'utilisation de l'énergie éolienne ; à l'assouplissement des contraintes administratives et au réaménagement des procédures pour accélérer l'instruction des dossiers ; à la simplification et au regroupement des aides dans un outil fiscal approprié.

S'agissant de l'énergie solaire thermique, nous proposons un programme mobilisateur et ambitieux - avec une croissance progressive de la production pour atteindre un million de mètres carrés de capteurs solaires par an en 2010, contre deux millions de mètres carrés installés pour les Allemands - ainsi qu'un subventionnement des surcoûts à l'investissement.

Nous proposons encore un plan mobilisateur « Face Sud pour des bio-toits intelligents » qui, dans une première partie climatique, prévoit le développement de la recherche théorique et pratique sur l'habitat bioclimatique, la reprise des études sur la modélisation thermique des bâtiments, l'augmentation des moyens de test des matériaux et le renforcement des actions de normalisation.

Un deuxième axe porte sur la mobilisation des architectes et des bureaux d'étude afin de parvenir à une utilisation généralisée des concepts de l'habitat bioclimatique. A cette fin, il convient de multiplier les enseignements dans les formations d'architecte et les formations techniques et d'ingénieurs, les concours d'architecture et de réalisations, la mise à disposition de logiciels techniques.

Un troisième axe réglementaire comporte, d'une part, une mise à plat des règles d'urbanisme afin de les rendre compatibles avec l'utilisation de nouvelles techniques et de nouveaux matériaux performants sur le plan énergétique ; d'autre part, le renforcement des incitations fiscales à l'utilisation de ces nouvelles techniques.

Un quatrième axe inclut les actions indispensables de soutien spécifique aux industries du solaire thermique, de la climatisation solaire, de la géothermie, du stockage de la chaleur et du froid et du solaire photovoltaïque.

Voilà ce qui nous apparaît comme un plan ambitieux de développement des énergies renouvelables, en complément du plan déjà développé, sur lequel je ne reviens pas, « Terres-énergie pour des biocarburants indépendants », et du développement de la filière biocarburants et biomasse.

M. François Brottes. C'est un vrai programme alternatif !

M. Jean-Yves Le Déaut. S'agissant de la recherche, nous sommes partisans d'une hausse conséquente et immédiate - puisque vous avez promis des crédits, monsieur le ministre - dans le domaine de l'environnement. Un effort particulier, à court et à moyen terme, doit être consenti sur les énergies renouvelables et le développement durable, en triplant, sur quelques années, les crédits de recherche et développement dans des secteurs tels que le stockage de l'électricité, le transport et le stockage de la chaleur et du froid - M. Spinner nous a dit qu'il était possible de transporter la chaleur sur plusieurs dizaines de kilomètres -, la production et le stockage de l'hydrogène, à propos desquels je consulterai mes collègues pour élaborer un plan,...

M. Yves Cochet. C'est un dossier explosif, l'hydrogène !

M. Jean-Yves Le Déaut. ...le développement de la pile à combustible, les réseaux électriques intelligents et la valorisation de la biomasse.

Le développement de la recherche dans ces secteurs, avec des crédits spécifiques pour l'ADEME, ne peut se faire que dans le cadre d'une coopération Nord-Sud en matière énergétique, qui fait actuellement défaut. C'est un domaine important, car la dépense d'énergie est beaucoup plus forte avec des piles ou de mauvais générateurs très gourmands en pétrole que ce qu'elle serait si une filière solaire était mise en place dans les pays aidés. La France doit avoir l'ambition, dans le cadre de l'Union européenne, de développer ces secteurs. J'espère qu'à l'issue de la discussion de ce texte, c'est un objectif que nous aurons défini. En tout cas, le parti socialiste le rappellera.

Face à ces enjeux majeurs, il nous revient de lancer le débat démocratique dans la plus grande transparence. Nous voterons l'exception d'irrecevabilité,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous ne pouvez pas faire moins ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. ... car le texte se contente d'afficher des ambitions sans proposer de véritables ruptures dans le comportement des consommateurs. Vous nous avez demandé de ne pas nous attacher à la forme : vous convenez donc qu'elle n'est pas bonne.

Irrecevable sur la forme, en effet, pour cause d'organisation trop rapide du débat, votre texte l'est aussi sur le fond. A l'origine, une annexe y était adossée. Elle définissait les objectifs majeurs de la politique énergétique française, des axes pour les atteindre, et appelait à la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés. Louables intentions, mais qui restent du domaine incantatoire, ainsi qu'en a jugé le Conseil constitutionnel dans deux décisions de 2002, l'une relative à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, l'autre à la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Dans ces décisions, le Conseil dénie toute portée normative aux orientations contenues dans les rapports annexés aux lois déférées à son contrôle.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous êtes un scientifique, pas un juriste !

M. Jean-Yves Le Déaut. Je peux être les deux, monsieur le ministre.

Le Conseil constitutionnel retient que le rapport d'orientation annexé au texte ne fixe que des objectifs sans en imposer la mise en œuvre, quand bien même le législateur les aurait approuvés. Ainsi, le Conseil refuse toute valeur normative aux dispositions programmatiques autres que celles expressément prévues par la Constitution, à savoir les lois de programme.

S'il n'est pas précurseur en la matière - confer la pratique du gouvernement Balladur -, votre gouvernement a pris la fâcheuse habitude d'annexer des rapports aux textes qu'il propose au Parlement. Il en a été ainsi des lois sur la sécurité intérieure et sur la justice, mais également de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Et cela continue aujourd'hui avec ce projet de loi d'orientation sur l'énergie, dans lequel l'annexe fait figure de principal.

M. François Brottes. Dans ce gouvernement, on ne sait pas où est l'annexe !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est, en effet, plus aisé de multiplier les déclarations d'intention à peu de frais que de mettre en place un dispositif réellement opératoire.

Afin d'éviter que le Conseil ne relève une nouvelle fois le caractère purement déclaratoire de cette annexe, et sous la pression des députés de l'opposition, appuyés même par certains membres de la majorité,...

M. François Brottes. Absolument !

M. Jean-Yves Le Déaut. ...son contenu a été introduit en commission par voie d'amendement à l'article 1er du texte soumis à notre examen.

Cependant, cela ne résout pas réellement le problème. En effet, si le juge a retenu un critère formel, à savoir que ces dispositions ne se trouvaient pas dans le corps du texte de loi, son appréciation a certainement reposé aussi sur un critère matériel : le fait que l'annexe ne donne que des orientations a évidemment joué dans le fait qu'il n'était reconnu à celle-ci aucune portée juridique.

Soyons sérieux ! Quelle est la normativité des dispositions de l'article 1er du texte que vous nous proposez ? Faut-il la chercher dans les objectifs principaux de la politique énergétique française, dans ses axes ? Comment ce qui s'appelait annexe la semaine dernière pourrait-il être maintenant un dispositif opérationnel ? Aucun objectif n'est fixé dans le projet de loi d'orientation pour le développement du solaire thermique, par exemple !

Si on peut raisonnablement imaginer que le Conseil aurait disqualifié le contenu des présentes dispositions si elles avaient figuré en annexe, n'en ferait-il pas autant pour les articles reprenant celles-ci ?

Il y a quelque risque pour un parlementaire à privilégier le critère matériel de la loi plutôt que le critère formel, mais le risque est encore plus grand pour lui de voir son pouvoir amoindri s'il accepte des normes molles, trop floues et inopérantes. Son rôle se limite-t-il à acter de grandes orientations, laissant ensuite toute latitude au pouvoir réglementaire pour leur mise en œuvre ? Non ! On est bien loin ici de l'article 34 de la Constitution - dont nous discuterons la semaine prochaine - qui fait de la fixation des règles et des principes fondamentaux la compétence du législateur.

Pour toutes ses raisons, le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. André Gerin, pour le groupe des députés communistes et républicains.

M. André Gerin. Le groupe communiste exprimera son point de vue en défendant la question préalable. Il ne prendra pas part au vote sur cette première motion.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le groupe socialiste.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Jean-Yves Le Déaut a défendu l'exception d'irrecevabilité au nom de l'ensemble du groupe socialiste. J'attire d'ailleurs l'attention de la représentation nationale sur l'intérêt avec lequel il a été écouté et le sérieux accordé à son argumentaire.

Le projet de loi d'orientation sur l'énergie méritait assurément mieux qu'un débat à la hussarde en une semaine. En l'espace de huit jours, nous allons devoir nous prononcer sur un texte qui engage notre pays en matière de politique énergétique pour les trente années à venir. Jean-Yves Le Déaut a bien montré que, sur la forme - eu égard également au problème de l'annexe - ce texte était irrecevable.

Sur le fond, il a insisté sur l'inadéquation entre les propos des membres de la majorité et du Gouvernement et le contenu de ce texte d'orientation. Des propos tenus il ressort que nous sommes tous favorables à la maîtrise de la consommation d'énergie et au développement des énergies renouvelables, mais le choix retenu est de construire l'EPR en « squeezant » un débat de fond qui intéresse tous nos concitoyens. Ces derniers ne supportent plus d'être pris en otages sur des problèmes de cette nature.

Jean-Yves Le Déaut a également souligné l'inadéquation entre les budgets qui nous ont été présentés et les orientations du texte. Qu'il s'agisse de la recherche, des transports, de l'environnement...

M. François Brottes. Du logement !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ...ou du logement, tous les budgets pour 2004 ont été amputés et ne permettent pas la mise en place des beaux projets dont on nous parle aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol, pour le groupe de l'UMP.

M. Claude Gatignol. J'ai dû me pincer à plusieurs reprises, en écoutant M. Le Déaut, pour me convaincre qu'il défendait véritablement une exception d'irrecevabilité et pour essayé de trouver dans ses propos des arguments propres à nous convaincre de l'inconstitutionnalité du texte.

M. François Brottes. Il fallait être plus attentif !

M. Claude Gatignol. Son intervention a été, au demeurant, fort intéressante. Cet hémicycle a pris quelque temps l'aspect d'un amphithéâtre, le professeur d'université et le scientifique qu'est M. Le Déaut, emporté par son enthousiasme, nous décrivant les solutions qu'il envisageait de mettre en œuvre s'il avait un jour quelque responsabilité en la matière.

M. Augustin Bonrepaux. C'est prévu ! (Sourires.)

M. Claude Gatignol. Il y a non seulement nécessité de débattre, mais même urgence à le faire, tant le retard pris est grand. La densité des travaux menés par la commission sous l'autorité de son président, M. Ollier, et de son rapporteur, M. Poignant, a démontré le bien-fondé de l'examen d'un tel texte. Le nombre d'amendements témoigne également du fait que ce texte était attendu puisqu'il a reçu, au quart de tour, de nombreuses propositions d'enrichissement.

M. Le Déaut a abordé de nombreux sujets. Je ne reviendrai pas sur tous, tellement son intervention était riche.

L'intégration proposée par le rapporteur des dispositions de l'annexe à l'article 1er et dans les articles additionnels après l'article 1er permet de préciser les objectifs de la politique énergétique, dont nous aurons une vision beaucoup plus claire grâce à l'information sur la programmation pluriannuelle de recherche et la publication annuelle d'un « jaune » sur la politique énergétique.

Oui, tout le monde le sait, l'énergie est, pour le XXIè siècle encore plus que pour le précédent, un enjeu politique et environnemental majeur.

Je ne peux souscrire aux propos de M. Le Déaut concernant le nucléaire. Il sait comme nous que, l'électricité issue du nucléaire ne représentant que 75 % de notre production d'électricité, laquelle ne représente que 50 % de nos sources d'énergie, elle ne représente que 37 % de la production totale d'énergie dans notre pays. Or nous sommes nombreux à avoir des contacts avec des responsables politiques dans des pays de même développement que le nôtre et savons que l'objectif recherché par tous est d'assurer une production d'électricité d'origine nucléaire de plus du tiers afin d'assurer l'autonomie du pays et de respecter les normes en matière d'émission de gaz à effet de serre.

Quant au manque de consultation reproché par M. Le Déaut, je lui rappellerai que 2 003 n'a pas été seulement l'année de l'organisation d'un débat public sur l'énergie, mais également celle de la publication du rapport de l'office parlementaire signé par Claude Birraux et Christian Bataille. Lui-même a cosigné avec Claude Birraux un rapport sur les énergies renouvelables, paru après celui de Serge Poignant pour la commission des affaires économiques. Nous avons d'ailleurs bien compris que le solaire pouvait avoir une place importante comme énergie thermique.

Oui, il y a lieu de débattre. Nous devons prendre le texte qui nous est soumis à bras-le-corps.

Si un doute subsistait, il suffirait de se rappeler les propos tenus il y a un instant par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : la présentation réaliste de notre situation énergétique, les rappels historiques, le poids des choix antérieurs, les orientations contenues dans le présent projet de loi, les contraintes fortes imposées par le respect de l'environnement sur le plan planétaire.

Les réformes proposées dans le projet de loi vont tout à fait dans le bon sens. Oui donc à ce texte d'orientation et de proposition, oui à cette façon volontariste d'envisager l'avenir et de construire une politique énergétique favorable à la France. C'est ce que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe UDF.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour l'UDF, ce texte est tout sauf irrecevable. Je n'y vois aucun motif d'inconstitutionnalité. S'il est un domaine où existe une « ardente obligation » du plan - je le dis à mes collègues socialistes comme à mes collègues gaullistes - (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. François Dosé. Il n'y a plus de gaullistes ! Ils sont libéraux !

M. Jean Dionis du Séjour. ...c'est bien celui de l'énergie, compte tenu des enjeux et de la durée à prendre en compte.

Ce texte constitue à la fois une première - et je regrette que des gouvernements à l'écologisme plus démonstratif n'en aient pas eu l'idée - et une bonne nouvelle.

L'UDF s'emploiera à améliorer la notion de loi d'orientation. Il nous semble, en effet, qu'il manque à ce texte un schéma national directeur quantifié et qu'il reste à mettre au point une véritable gouvernance énergétique. C'est bien de faire des plans sur quarante ans. C'est mieux de les décliner annuellement.

Le groupe UDF considère qu'une consultation a eu lieu. Elle n'a pas été parfaite mais rien ne l'est. Des débats régionaux ont été organisés, un Livre blanc est paru. Même si - et l'on s'en expliquera lors du vote sur la motion de renvoi en commission - le calendrier parlementaire a été un peu « écrabouillé » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Jean-Yves Le Déaut. Tout de même ! Il avoue !

M. Jean Dionis du Séjour. ...l'UDF n'a aucun état d'âme quant à la constitutionnalité du projet de loi d'orientation et à son impérieuse nécessité. Il votera donc contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Lefranc. Nous sommes de la même église mais n'avons pas le même dieu !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Quelques brèves observations.

J'ai écouté attentivement M. Le Déaut. Son intervention était très intéressante et je lui donne volontiers acte qu'il ne s'agissait pas de « remplissage ». Il a utilisé l'heure et demie dont il disposait pour essayer de faire partager ses convictions et je dois dire que nous étions d'accord sur beaucoup de sujets. Pas sur tout, malheureusement, et c'est sur nos points de désaccord que je vais revenir.

Premièrement, monsieur le député, défendre une exception d'irrecevabilité consiste à démontrer que le texte présenté n'est pas constitutionnel. Vous n'avez même pas essayé de soutenir cette thèse. Vous avez simplement mis en avant le fait que le Conseil constitutionnel avait jugé qu'une annexe d'un texte de loi n'avait pas de valeur normative. J'en conviens volontiers...

M. François Brottes. Ah ! Ah !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...mais elle n'en est pas inconstitutionnelle pour autant ! Votre rigueur scientifique, monsieur Le Déaut, doit vous permettre de comprendre cette rigueur juridique.

M. François Brottes. C'est quand même une faiblesse !

M. le ministre délégué à l'industrie. Mme Perrin-Gaillard a reproché au débat d'être conduit à la hussarde.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. C'est vrai !

M. François Brottes. M. Dionis du Séjour l'a dit aussi !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Il a même parlé de calendrier « écrabouillé » !

M. le ministre délégué à l'industrie. Il n'exprimait qu'un sentiment, que je vais essayer de dissiper par mes explications.

Cela fait un an que le débat dure : depuis le Livre blanc.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Pas au sein du Parlement !

M. le ministre délégué à l'industrie. Il est temps de faire aboutir ces discussions.

Je répondrai à M. le Déaut sur deux points.

Le premier concerne l'ADEME. S'il est exact que les crédits globaux de l'agence ont diminué, la part concernant l'énergie n'a pas varié depuis deux ans. La réduction ne concerne que les crédits destinés au traitement des déchets. Votre argument, monsieur Le Déaut, était donc quelque peu abusif.

Concernant l'EPR, vos propos nous ont beaucoup surpris, mais ils traduisent sans doute certaines contradictions qui existent au sein du groupe socialiste. S'il y avait beaucoup de conviction dans votre intervention, sur le point précis de l'EPR je ne vous ai senti ni convaincu, ni a fortiori convaincant. En effet, il faut être soi-même convaincu pour pouvoir être convaincant, et vous ne l'étiez pas ! (Exlamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. C'est un procès d'intention !

M. le ministre délégué à l'industrie. Et que direz-vous aux salariés d'EDF ? Que nous n'avons pas de projet industriel pour eux pendant vingt ou trente ans ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En refusant l'EPR, vous leur offrez une solution pour l'année 2045. En attendant, que devient l'entreprise ?

M. Philippe Tourtelier. Elle se lance dans le développement des énergies renouvelables !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous en êtes convenu vous-même, étant d'une grande probité : ce ne sont ni les énergies renouvelables ni la biomasse qui pourront compenser l'extinction progressive du parc nucléaire.

M. Philippe Tourtelier. Mais ce sera un projet industriel !

M. le ministre délégué à l'industrie. Il faut remplacer notre parc nucléaire et vous le savez bien, monsieur Le Déaut, c'est la faille de votre raisonnement. Mais vous avez été obligé de sacrifier aux exigences partisanes et vous devrez l'expliquer aux salariés, aux cadres et aux syndicats d'EDF.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Vous ne voulez pas comprendre !

M. le ministre délégué à l'industrie. Pour notre part, nous offrons à EDF un véritable projet d'entreprise en soutenant l'EPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1586, d'orientation sur l'énergie :

Rapport, n° 1597, de M. Serge Poignant, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot