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Troisième séance du mardi 18 mai 2004 

223e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Mme la présidente. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

    2

ÉNERGIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation sur l'énergie (nos 1586, 1597).

Question préalable

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, le groupe communiste a toujours été favorable à une politique prospective de l'énergie, mais je tiens à exprimer notre déception à la lecture de ce projet de loi d'orientation.

Au lieu de fixer le cadre de la politique énergétique hexagonale pour plusieurs décennies, il privilégie le raisonnement à court terme, dans l'optique d'une libéralisation des marchés, d'une déréglementation de l'énergie et de la privatisation des entreprises publiques.

Le court terme amène le Gouvernement à un recours accru au nucléaire. Cela ne nous choque pas, car il est impossible d'envisager l'abandon du nucléaire ; mais les énergies propres et, surtout, les économies d'énergie sont relativement négligées. Nous sommes pour le lancement de l'EPR, mais la question se pose : pourquoi ne pas engager un effort financier équivalent pour les énergies nouvelles ? C'est peut-être là que le bât blesse.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, laisse curieusement de côté des secteurs entiers qui consomment du pétrole, polluent et contribuent au réchauffement climatique. Il ne comporte aucun programme ambitieux de rénovation thermique de l'habitat ancien, rien de conséquent sur les transports, aucune mesure précise pour la mise en place du ferroutage. Vous n'envisagez nullement de mettre un frein aux transports aériens à bas prix, alors même que vous en connaissez les conséquences grandissantes en termes de pollution.

La politique énergétique de la France apparaît totalement déphasée par rapport aux enjeux. Où sont nos engagements envers les peuples du Sud ? N'y a-t-il pas là une énorme contradiction ?

Le débat qui nous occupe ce soir a été préparé en amont par le Livre blanc sur les énergies, le rapport Besson et les rapports des trois sages, Pierre Castillon, Marc Lesggy et Edgar Morin. Il n'a donné lieu - ou alors, de manière très insuffisante - à aucune réelle participation de la population ni des spécialistes de cette question cruciale.

Par ailleurs le constat des inégalités planétaires n'a pas été pris en compte. Or l'orientation de ces travaux peut se traduire par des restrictions accentuant encore les inégalités. Les échéances fixées sont parfois en décalage avec les faits, notamment pour ce qui est du renouvellement du parc nucléaire.

D'autres thèmes sont ignorés : ainsi en est-il des répercussions sur la santé, sur la démocratie. Et si certains sujets tels que l'épuisement du pétrole et le réchauffement de la planète sont évoqués, nulle part ils ne donnent lieu à propositions.

La coopération mondiale doit désormais être une priorité pour tous les problèmes fondamentaux, à commencer, bien évidemment, par les problèmes énergétiques. Or, si les d'intentions affichées à cet égard ne manquent pas, aucune stratégie à long terme n'a jamais été élaborée.

Nous savons le caractère aléatoire de l'environnement planétaire. A un contexte écologique déréglé s'ajoutent un contexte économique problématique et un contexte géopolitique dangereux, incertain où s'exaspèrent les antagonismes, les nouveaux besoins de civilisation et la croissance démographique.

La planète voit s'amplifier les menaces sur la biosphère qui sont autant de menaces sur l'humanité elle-même. Les conférences de Rio, de Kyoto, de Johannesburg ont confirmé des diagnostics alarmants.

Au niveau européen, où en sont les confrontations et échanges d'expériences qui, tout en définissant une politique européenne commune, assureraient l'indépendance et l'identité de la France ?

La politique énergétique pour les années à venir doit impérativement être accompagnée d'une démarche prospective à plus longue échéance envisageant les grands progrès possibles en même temps que les grands dangers éventuels.

Il faut combiner le principe de précaution dans la sécurité et celui de l'autonomie dans la recherche et l'innovation. Des investissements massifs sont nécessaires pour progresser dans des secteurs jusqu'alors peu développés ou négligés. Or, loin d'agir dans ce sens, vous escamotez jusqu'au problème des déchets. C'est tout de même un comble !

Indirectement, le problème de l'énergie concerne l'habitat, la production, les conditions de vie, les transports et les communications dans les villes. C'est bien de la modification de nos comportements énergétiques qu'il s'agit, ce qui devrait nous conduire à changer nos genres et modes de vie.

Il est dommageable que l'on ne s'oriente pas vers une politique de société et de civilisation. Donner un réel sens politique à la qualité de la vie, en mettant l'épanouissement humain au centre des préoccupations, ouvrirait une espérance à une société aujourd'hui privée de perspectives.

Utilisons ce qu'il y a de meilleur dans notre civilisation pour réduire les maux, les dérives, pour combattre les barbaries et le terrorisme. Orientons-nous vers une culture de qualité avec, au premier chef, la qualité de la vie. Reconquérons les valeurs civiques et morales. Le recul des solidarités, l'égoïsme, l'individualisation, le déchaînement de la logique du profit nourrissent une surconsommation, une mal-consommation ainsi que le gaspillage, et contribuent, nous le savons tous, à la dégradation de la civilité et du civisme.

Au bout du bout, la conception d'un épanouissement humain, seule à même de contribuer à l'indispensable prise de conscience, apparaît bien comme le défi du xxie siècle, car tout montre que la voie suivie jusqu'à maintenant ne peut que conduire à l'aggravation des périls.

Toutes les études démographiques montrent que la terre comptera, avant 2050, environ trois milliards d'habitants supplémentaires. Pour l'essentiel, cette population se situera dans le tiers-monde et les pays du Sud. Le xxie siècle verra une explosion de la demande en énergie, surtout dans ces pays, d'autant que le niveau de consommation est actuellement disparate et très inégalitaire. En tout état de cause, les besoins en énergie du Sud iront grandissants.

Ce contexte mondial ne doit pas nous faire oublier la situation française. La consommation d'énergie est aussi le reflet des inégalités. On peut même parler de fracture énergétique.

L'augmentation de notre population, la croissance économique et la réduction des inégalités indispensables à la construction d'une société solidaire, auront assurément des répercussions sur la consommation.

Le 8 janvier 2004, le Haut commissariat à l'énergie atomique notait : « Il est hautement probable que les conditions de production et de consommation d'énergie vont connaître, au cours de cette première moitié de siècle, des bouleversements majeurs, induits par des contraintes environnementales, géopolitiques et physiques nouvelles, telles que, par exemple, l'épuisement progressif des réserves d'hydrocarbures ou les effets du doublement du taux de dioxine de carbone dans l'atmosphère. »

La vraie question est la suivante : comment répondre à cette demande dans le cadre du développement durable, qui préserve les équilibres environnementaux et instaure un véritable droit à l'énergie pour tous les habitants ? L'énergie ne doit-elle pas devenir un bien public universel, au bénéfice de l'épanouissement humain ?

Aujourd'hui, la consommation d'énergie est assurée à 80 % par des ressources fossiles en voie d'épuisement. En l'état actuel des connaissances, les experts situent l'épuisement du pétrole d'ici à quarante ans. Nous consommons rapidement des matières énergétiques qui se sont constituées pendant des milliards d'années. Désormais, nous devons anticiper la fin du pétrole et bousculer nos comportements, d'autant que les zones de production ou de réserves pétrolifères sont situées dans des régions souvent instables du point de vue politique, soit du fait d'institutions très éloignées de la démocratie, soit par des situations de guerre. N'oublions pas que l'attitude impérialiste des dirigeants américains en Irak a été fortement influencée par l'odeur du pétrole et la maîtrise de la production.

Un autre élément primordial est le risque environnemental. Le charbon, le pétrole, le gaz sont des producteurs de gaz à effet de serre. Le charbon sera, selon les experts, l'énergie la plus utilisée à court terme dans le monde. Or il est très polluant. En dépit des accords de Kyoto, les émissions de gaz à effet de serre risquent donc de croître.

Pour les députés communistes, une politique énergétique doit tenir compte du contexte mondial, de la spécificité et des atouts de notre pays et s'appuyer sur plusieurs critères.

Le premier est la maîtrise de la diversification des sources d'énergie. Dans le cadre de la diversification, trois orientations sont à approfondir : les énergies dites renouvelables, l'atome, et l'efficacité énergétique.

Actuellement en France, près de 76 % de l'énergie produite est d'origine nucléaire, contre près de 14 % pour l'hydraulique, et environ 0,7 % d'origine solaire et éolienne.

L'eau et l'atome permettent à la France d'avoir une indépendance énergétique proche de 50 %. Grâce à l'atome, les émissions de gaz carbonique seront moins élevées que dans de très nombreux pays comme l'Allemagne par exemple. Pour maintenir ces atouts, la France doit accentuer sa recherche en direction des réacteurs de quatrième génération et maintenir son potentiel industriel nucléaire. Elle doit, dès maintenant, travailler au renouvellement de son parc nucléaire et à la réalisation d'un prototype EPR. A cet égard, je veux souligner que la fermeture de Superphénix, pour la région Rhône-Alpes notamment, a été un contresens économique et écologique.

Le développement du service public de l'énergie nucléaire ne peut s'élaborer sans de véritables droits des salariés et de la population. Ces droits ne peuvent être étouffés par le principe de sécurité. Au contraire, l'extension des droits et pouvoirs des salariés est nécessaire et elle doit être liée à une véritable démocratisation du savoir sur le nucléaire civil et la sûreté nucléaire en direction de la population. Le secret est le principal obstacle au développement de cette énergie. La transparence, l'information, la maîtrise démocratique sont des exigences sociales majeures. Sur les grands choix stratégiques, les ingénieurs, cadres, techniciens doivent avoir voix au chapitre.

La sécurité nucléaire civile ne peut être liée aux notions de rentabilité à tout prix. De même, la sous-traitance et ses graves lacunes dans le domaine du savoir-faire de la sûreté et de la culture industrielle doivent être étrangères à ce secteur d'activité.

Au-delà du nucléaire, une nouvelle génération de centrale thermique au charbon est à lancer. La fermeture définitive du site de Loire-sur-Rhône dans le Rhône est aberrante. Elle porte atteinte au développement de la vallée du Gier, pôle industriel historique. Cette fermeture n'était pourtant pas inéluctable. Le projet de développement d'une centrale à charbon propre était envisageable avec les technologies d'aujourd'hui. Dans le même esprit, la fermeture du site de Gardanne est une mauvaise chose.

Parmi les autres sources envisageables, les énergies renouvelables ne sont pas inexistantes en France. Elles représentent actuellement 16 % de l'énergie produite. Le développement de l'énergie hydraulique est possible notamment à partir des marées et du petit hydraulique.

Dans ce domaine, l'énergie éolienne paraît séduisante, mais elle ne peut, actuellement, répondre de manière satisfaisante aux besoins. La directive qui préconise que 22,1 % de l'électricité consommée en Europe en 2010 soit produite par des énergies renouvelables est fortement orientée vers l'électricité d'origine éolienne. Or cette forme d'énergie est peu efficace en période anticyclonique, période de forte demande. En outre, son coût de rachat prévu par la loi est élevé, plus élevé que la production classique. C'est une charge pour EDF. Selon le Livre vert de la Commission européenne, l'énergie éolienne est « un combustible de substitution » permettant d'économiser le combustible utilisé dans des installations hydrauliques ou thermiques. Pour ces raisons, nous proposons qu'elle soit implantée à proximité de ces équipements.

La filière biomasse est aussi à développer. Aujourd'hui, les technologies permettant de produire la biomasse, sont fiables et, notamment en Rhône-Alpes, les potentialités de développement sont grandes.

La maîtrise de la demande d'énergie est un autre aspect tout aussi fondamental. Des progrès dans l'efficacité énergétique peuvent être effectués dans l'industrie, dans les transports et dans l'habitat.

Le projet de loi d'orientation est largement déséquilibré. Si plusieurs articles concernent des aspects liés à l'habitat, ils restent cependant très marginaux.

Une réglementation portant sur la réduction de consommation des appareils ménagers, sur l'amélioration thermique des logements, sur la consommation en combustible des véhicules collectifs est nécessaire. Or la politique gouvernementale ne dégage pas de moyens en faveur de nouvelles infrastructures. Le budget de l'Etat a même réduit les crédits pour certains investissements essentiels comme les transports collectifs, le tramway notamment.

Le réseau ferroviaire, au-delà des lignes à très grande vitesse, devrait être une priorité. Les lignes régionales comme le développement du fret ferroviaire sont à promouvoir. Les faits infirment les bonnes intentions annoncées. En effet, l'abandon du fret ferroviaire est programmé ; le récent mouvement social à la SNCF l'a montré.

L'offre de transport ferroviaire est trop faible par rapport à celle de transport routier. Dans ce dernier secteur, la flexibilité du travail porte atteinte aux droits des travailleurs. Elle est contraire au développement durable. Le Gouvernement doit s'attacher à en améliorer les normes sociales.

L'actualité des derniers mois montre l'importance stratégique du pétrole pour un pays. Depuis les privatisations, le champ est libre pour les majors du pétrole, pour les pays de l'OPEP, pour l'Arabie Saoudite, qui joue avec le feu. En dehors de la maîtrise de l'approvisionnement, ne devrait-on pas travailler à la constitution d'un pôle public du pétrole afin de maîtriser réellement l'approvisionnement, les coûts et la recherche dans ce domaine ?

En complément, il conviendrait également de bâtir un pôle minier national.

En 1946, la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation d'électricité et de gaz étaient nationalisés. Un établissement public, service national, était créé.

Ce processus, inscrit dans le programme du Conseil national de la Résistance, était l'un des éléments de redressement de notre pays et du développement social. Il répondait à la faillite des trusts électriques.

Marcel Paul, ministre de la production, dans un discours à l'Assemblée nationale constituante déclarait : « II faut créer les conditions d'un équipement énergétique du pays conforme aux besoins de la nation, adapté à ses besoins tant dans le domaine de l'industrie que dans celui des usages domestiques. Il s'agit, je veux le dire avec beaucoup de force, d'un problème de vie pour le pays. »

Cette orientation sociale et économique a été un fil conducteur pendant toute la dernière partie du xxe siècle. Elle a été associée à une véritable politique de recherche, notamment dans le domaine nucléaire, et à une filière industrielle. La synergie de la filière énergétique a été l'un des atouts de la croissance économique, de l'épanouissement humain et du rayonnement de la France.

On ne peut débattre de la politique énergétique sans parler de service public, d'entreprise publique, de bien universel. En effet le service public permet à tous d'avoir accès à une énergie bon marché et contribue à un aménagement équilibré du territoire. Il assure la continuité de l'approvisionnement. L'intérêt général est clair. L'absence de recherche du profit financier à tout prix permet un développement durable.

L'une des réussites économiques du service public français électrique et gazier fut et demeure à ce jour l'utilisation des moyens pour une maîtrise du processus industriel et commercial, dans son ensemble. Cette structuration intégrée a permis une stabilité indispensable dans ce secteur où les projections à long terme sont obligatoires, les investissements colossaux.

Ce potentiel de recherche et d'ingénierie, que seuls des établissements publics peuvent posséder et maîtriser, a été mobilisé au profit exclusif du service public et de l'intérêt général.

Les exigences de cette intégration sont incompatibles avec une libéralisation du secteur que renforce votre gouvernement. Les promoteurs de la déréglementation ont tenté de démontrer que la grande coupure californienne de 2001 était d'origine locale et que l'écroulement de ENRON, premier courtier mondial en énergie, fut possible par un manque de contrôle.

Les mêmes écartaient ses conséquences pour l'ouverture du marché énergétique dans l'Union européenne. La faillite de British Energy, les coupures en Espagne, en Suède, en Italie ne peuvent plus cacher les conséquences de la libéralisation, du sous-investissement, de la sous-traitance, du manque de maintenance. La privatisation et la séparation des entreprises intégrées ont sacrifié la synergie énergétique sur l'autel de l'optimisation de la rentabilité financière. 

Pourquoi vouloir casser ce qui marche ? EDF fait la fierté et la force de la France dans le monde. Ne vaudrait-il pas mieux encourager une nouvelle génération de nationalisation pour EDF-GDF et d'autres secteurs d'activités, et une démocratisation de la gestion pour combattre l'étatisme, la technocratie, le corporatisme et s'ouvrir à la cogestion et l'autogestion ?

Vous avez beau faire patte de velours pour faire avaliser un processus de privatisation qui ne dit pas son nom, vous ne trompez personne. C'est votre logique politique. Nous combattons l'intégrisme de la privatisation comme nous combattons le collectivisme. Faisons de l'énergie un bien universel au service de l'épanouissement humain. Disposer d'un grand pôle industriel public avec un secteur diversifié de PME-PMI, c'est cela la chance de la France, le pari de la mixité économique tout en garantissant le caractère national de notre patrimoine.

Pour notre pays, l'introduction de la concurrence dans la production d'électricité est un contresens économique, social et national.

En revanche, un rapprochement d'EDF-GDF permettrait une optimisation des moyens et de la consommation énergétique, faciliterait un cycle plus économe de l'énergie, à l'opposé des démarches purement capitalistiques.

Les contrats à long terme, la coopération et la recherche sont des atouts indéniables d'une politique énergétique efficace, nationale, européenne, mondiale. C'est cet atout que la Commission européenne veut, sous prétexte de concurrence, casser.

EDF et GDF doivent rester publics, sans changement de statut. En effet, leur statut permet la réduction des inégalités sociales et territoriales par péréquation. Il garantit l'égalité dans l'accès à l'énergie pour tous les citoyens, ce qui constitue un trait fondamental de l'identité de la France.

L'exemple du pétrole en Arabie Saoudite est caricatural. Le pétrole est saoudien par accident...

M. Yves Cochet. Comment ça ?

M. André Gerin. ...et l'usage de ce pactole se fait de manière contraire au bien public que la communauté internationale se doit de maîtriser. Or, comme chacun le sait, l'Arabie Saoudite est un foyer de prosélytisme islamiste, d'antisémitisme, et elle constitue une tirelire énorme pour le terrorisme.

La maîtrise de l'énergie dans les années à venir nécessite que l'on s'interroge dès maintenant sur nos rapports avec la Moyen-Orient. Il nous semble que la question d'une coopération arabo-occidentale est tout à fait essentielle au regard des enjeux qu'elle comporte, notamment en termes de sécurité.

Mme Janine Jambu. Très juste !

M. André Gerin. Il est crucial que l'énergie, sa nature et son utilisation constituent un bien public, une denrée universelle comme l'eau, l'air, le soleil.

En conclusion, une politique d'orientation énergétique est indispensable. Préserver l'établissement public EDF-GDF serait un gage d'avenir, mais ce n'est pas votre choix. A cet égard, nous voyons dans la discussion qui se tiendra demain, mercredi 19 mai, en conseil des ministres, une coïncidence qui en dit long.

Votre choix de modifier le statut d'EDF après la mise en place des directives européennes des dernières années revient à soumettre notre politique énergétique aux aléas du profit financier, dans un contexte international incertain. Comme le déclarent, sous le pseudonyme collectif de Jean Marcel Moulin, plusieurs hauts cadres d'EDF, nous assistons à l'annonce d'une privatisation larvée, qui masque une spoliation à venir de la collectivité nationale.

De plus, la France se refuse à apporter une contribution significative au combat contre la fracture énergétique et contre les inégalités planétaires qui deviennent une menace. Votre vision à court terme prive la France d'atouts dans la coopération mondiale qui devrait être une priorité au XXIe siècle.

De nouvelles directives européennes en cours d'élaboration par la commission européenne confirment cette orientation : en dehors du capitalisme, du marché, du libéralisme, point de salut !

Etant favorable à une loi sur l'énergie dans une approche prospective pour 2050, soutenant des orientations qui nous paraissent aller dans le bon sens, telles que l'EPR, et regrettant que pour l'essentiel, vous gâchiez les atouts et les originalités hérités du Conseil national de la Résistance, je demande à l'Assemblée de voter cette question préalable.

Mme la présidente. La commission souhaite-t-elle intervenir ?

M. Serge Poignant, rapporteur. Non, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est reconnaissant à M. Gerin d'avoir compris l'essentiel, c'est-à-dire la nécessité de conserver la filière nucléaire et de développer l'EPR. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il tient à lui confirmer que la privatisation Ne figure pas parmi ses objectifs.

M. André Gerin. C'est sur cette subtilité que nos opinions divergent !

M. le ministre délégué à l'industrie. Bien que sachant à l'avance que je vais me heurter à votre scepticisme, monsieur Gerin, je veux tout de même vous assurer que notre souhait est de faire d'EDF un grand champion européen, et, pour cela, de lui donner toutes ses chances. En raison de la concurrence, son périmètre va forcément rétrécir sur le marché français, sans doute de manière significative. EDF ne peut donc gagner des parts de marché qu'à l'étranger, principalement en Europe. Pour cela, comme l'expérience italienne de l'ENEL nous l'a montré, il faut qu'EDF-GDF devienne une entreprise de droit commun, qui puisse faire appel au marché pour ses financements par voie d'augmentation de capital, et qui puisse échanger des participations avec des sociétés nationales afin d'acquérir des parts de marché.

Pour le reste, le Gouvernement est disposé à donner des garanties au Parlement - tel sera l'objet d'un projet de loi qui viendra ultérieurement en discussion - que l'Etat conservera une majorité significative du capital. La question de la privatisation n'est donc pas de mise aujourd'hui.

M. André Gerin. Aujourd'hui !

M. le ministre délégué à l'industrie. Ni aujourd'hui ni demain, quand viendra le projet de loi sur EDF-GDF !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Après-demain, alors !

M. le ministre délégué à l'industrie. En France, le Parlement est souverain et libre de légiférer à tout moment, sur n'importe quel sujet. Le peuple français peut même décider de modifier la Constitution, s'il le souhaite. Je ne peux donc pas vous donner de garanties sur ce que fera un jour le Parlement au nom du peuple français. En revanche, je vous confirme que la volonté du Gouvernement n'est pas de privatiser EDF.

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Claude Darciaux, pour le groupe socialiste.

Mme Claude Darciaux. Le débat sur l'avenir énergétique de la France et sur les choix stratégiques qui doivent être faits pour garantir l'autonomie de notre pays en matière énergétique nécessitent un débat plus approfondi que celui que vous nous avez proposé.

Ce débat aux enjeux considérables pour notre société mérite davantage d'explications sur le contenu de cette loi qui doit structurer la politique énergétique de la France pour les prochaines décennies. En ce qui nous concerne, si nous estimons nécessaire de réfléchir à une diversification de notre politique énergétique, nous nous distinguons en revanche de la position du groupe communiste et républicain au sujet de l'EPR.

En effet, nous ne pouvons pas être favorables à la discussion qui a été introduite sur l'EPR...

M. Thierry Mariani. Vous ne savez plus où vous en êtes, finalement !

Mme la présidente. Monsieur Mariani, tout se passait très bien avant votre arrivée !

M. Thierry Mariani. Et tout va continuer à bien se passer, madame la présidente !

Mme Claude Darciaux. ...dans la mesure où nous refusons de débattre sur ce point dans l'urgence. Il convient d'y réfléchir de manière beaucoup plus approfondie dans les années qui viennent ; il n'y a pas lieu de prendre une décision dès maintenant, dans le cadre de ce débat sur l'énergie. Nous souhaitons également que ce débat s'inscrive dans un contexte international et européen, car nous ne devons pas oublier les engagements de Kyoto, que nous sommes loin de respecter aujourd'hui.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est le nucléaire qui permettra de les respecter !

M. Yves Cochet. Pas du tout !

Mme Claude Darciaux. Non, il y a d'autres façons de respecter les engagements de Kyoto...

M. Thierry Mariani. Lesquels ?

Mme Claude Darciaux. ...comme M. Le Déaut l'a exposé dans sa précédente intervention.

En revanche, nous rejoignons M. Gerin dans son opposition à la privatisation du grand service public d'EDF. Nous nous opposerons à la privatisation d'EDF-GDF et au démantèlement de ce service public. En conséquence, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, mes chers collègues, j'ai quelques scrupules à intervenir en cet instant ...

M. François Brottes. J'en doute !

M. Jean-Claude Lenoir. ...car si l'on s'attend à ce que je m'oppose formellement aux propos de M. Gerin, il n'en est rien. Ce qu'il a dit nous a touchés, je dois l'avouer. Nous l'avons entendu défendre, avec le souci de cohérence que nous lui connaissons, des acquis auxquels nous croyons, notamment la place du nucléaire dans notre pays. Permettez-moi donc de vous dire que ce n'est pas contre vous que je me prononce, mon cher collègue, mais contre l'explication de vote que vient d'exprimer le groupe socialiste.

M. François Brottes. Ce n'est pas le débat ! Nous en sommes à la question préalable !

Mme la présidente. Allons, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Ne changez pas de sujet, c'est d'une motion communiste qu'il est question !

M. Jean-Claude Lenoir. Nous assistons à un spectacle fascinant, celui que nous offrent les socialistes perdus dans leurs contradictions. Différents courants s'affrontent dans ce débat : ceux qui sont pour le nucléaire, ceux qui s'y opposent, ceux qui essaient de glaner des voix auprès des Verts - qui n'en demandent pas tant -, ou auprès de ceux qui ne pensent rien. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nathalie Gautier. Nous les gagnons seuls, nos voix !

M. Jean-Claude Lenoir. Dans ce galimatias, des voix se font tout de même entendre, pour avancer des solutions qui font sourire. Ainsi, certains voudraient qu'entre 2015 et 2040, nous nous tournions vers les énergies renouvelables, vers la biomasse, l'énergie éolienne (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Yves Cochet. C'est ce qu'il faut faire !

Mme Claude Darciaux. Cela vous paraît archaïque ?

M. Jean-Claude Lenoir. ...pour combler l'absence de production d'électricité à partir du socle que constitue l'industrie électronucléaire française.

Mon cher collègue, vous avez utilisé les ressources offertes par le règlement, en l'occurrence la question préalable, pour disposer d'un temps supérieur à celui que l'importance numérique de votre groupe devrait vous conférer...

M. François Brottes. Vous êtes un expert en la matière !

M. Jean-Claude Lenoir. ...mais nous ne vous en tenons pas rigueur, car nous nous sommes finalement réjouis de vous entendre. Vous vous êtes prononcé en faveur du nucléaire et vous avez eu raison de le faire. Il y a sur ce point une forte identité de vue entre nous.

Le vote de la question préalable auquel vous appelez irait en fait au-delà de ce que vous souhaitez réellement, car vous ne désirez évidemment pas que le débat s'arrête à cet instant.

M. François Brottes. Mais que dit-il ?

Mme Claude Darciaux. Ce n'est pas très clair !

M. Jean-Claude Lenoir. En ce qui nous concerne, nous allons voter contre la question préalable, ce qui sera pour nous l'occasion à la fois de soutenir une partie de ce que vous avez exprimé et de nous opposer avec véhémence, clarté et cohérence aux propos qui ont été tenus par la représentante du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Janine Jambu. Le principal mérite de cette loi d'orientation est d'exister.

M. Thierry Mariani. Ah !

Mme Janine Jambu. Cela est nécessaire, mais toutefois pas suffisant au regard du contenu du texte et, surtout, au regard du contexte, celui de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie à l'échelon européen, mais aussi celui de l'ouverture du capital d'EDF-GDF.

Prendre en compte le besoin de lutter contre l'effet de serre, l'épuisement des ressources fossiles, ou encore l'objectif essentiel d'une sécurité d'approvisionnement, est assurément une bonne chose. Cependant, entre omissions particulièrement significatives et objectifs chiffrés fantaisistes, c'est une collection de déclarations d'intention qui nous est soumise.

La valeur et la portée juridique de ces déclarations d'intention posent d'ailleurs de sérieux problèmes à plusieurs niveaux.

Dans le cas des annexes, cette portée s'est avérée tellement sujette à caution que le rapporteur a cru bon de les réintégrer, en supprimant au passage le préambule et la référence à la péréquation tarifaire dans le corps du texte. Toutefois cela suffit-il à jeter les bases d'une politique énergétique digne de ce nom, dans un contexte de libéralisation accrue, où le démantèlement des formidables outils que sont EDF et GDF, est programmé ? Nous sommes en droit d'en douter, et force est de constater que nous ne sommes pas les seuls, comme en témoigne la mobilisation des agents d'EDF et GDF qui se traduira, demain 19 mai, par de nombreuses manifestations sur l'ensemble du territoire.

M. Claude Gatignol. Organisées !

Mme Janine Jambu. Selon sa rhétorique habituelle, le Gouvernement ne manquera pas de stigmatiser le corporatisme de fonctionnaires attachés à leurs prétendus privilèges.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je n'ai jamais dit cela !

Mme Janine Jambu. Pour notre part, nous y voyons le souci de défendre l'une des plus grandes conquêtes sociales et démocratiques de ces soixante dernières années, à savoir rien de moins que le service public du gaz et de l'électricité.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je n'ai pas dit le contraire !

Mme Janine Jambu. En conclusion, sur la forme comme sur le fond, nombre d'arguments de poids évoqués par André Gerin nous conduisent à voter cette question préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe UDF.

M. Jean Dionis du Séjour. Cette question préalable porte en elle deux débats.

A notre avis, le problème du statut d'EDF-GDF ne relève pas de la discussion de ce soir.

M. André Gerin. La question n'est pas neutre, vous le savez bien !

M. Jean Dionis du Séjour. En revanche, le débat sur le bouquet énergétique, notamment le débat sur le nucléaire, est tout à fait opportun. En effet, puisque les centrales ont été construites dans les années 80 et arriveront en fin de vie vers 2010, la date nous semble bien choisie pour un débat sur cette question.

La position de l'UDF n'est ni de surestimer ni de diaboliser une filière à laquelle le pays doit beaucoup. Les avantages du nucléaire sont connus : le prix, la stabilité, l'indépendance et l'effet de serre. Les inconvénients le sont également : la filière des déchets, le risque terroriste...

M. Jacques Myard. Ne sortons pas, de crainte que le ciel ne nous tombe sur la tête !

M. Jean Dionis du Séjour. On peut également reprocher au nucléaire de n'être pas une énergie adaptée aux variations, particulièrement aux pointes, que peuvent connaître nos besoins énergétiques. Il y a là, en tout cas, un débat opportun et nécessaire. Pour cette raison, nous ne voterons pas la question préalable.

Mme Janine Jambu. Dommage !

Mme la présidente. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Gatignol, premier orateur inscrit.

Mes chers collègues, je vous demande de respecter autant que possible le temps qui vous est imparti afin que nous puissions terminer cette nuit la discussion générale à une heure raisonnable.

M. Claude Gatignol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation de la politique énergétique est enfin inscrit à l'ordre du jour et, au nom du groupe UMP, je félicite le Gouvernement de cette initiative tant ce texte était nécessaire et donc attendu. C'est l'aboutissement d'un long processus engagé dès le début de 2003 et je tiens à souligner ici le travail remarquable du Gouvernement et de Nicole Fontaine en particulier qui, malgré des critiques totalement infondées, s'est impliquée courageusement et fermement à plusieurs reprises sur ce sujet essentiel pour notre pays.

Oui, l'énergie, terme générique - les énergies devrait-on dire -, est au centre des évolutions économiques, sociales, politiques et environnementales. Le rapport des sages, celui de notre collègue Jean Besson, le Livre blanc, toutes les réactions après ces parutions, ont enrichi notre réflexion parlementaire, mais elles ont aussi beaucoup associé les Français, au moins ceux qui ont voulu s'informer.

Le 15 avril, ici même, le Gouvernement, par la voix du ministre de l'économie, Nicolas Sarkozy, a clairement défini les choix énergétiques et le calendrier des textes législatifs. A cette occasion, le ministre nous a rappelé un excellent principe de gouvernance : « Dire ce que je fais et faire ce que je dis ». Eh bien, le premier texte est là ! Cette méthode accélérée nous change de l'immobilisme du précédent gouvernement et de ses atermoiements avec les Verts, avec toutes leurs fâcheuses conséquences.(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Gaillard. Il fallait le rappeler !

M. Claude Gatignol. Le présent projet de loi donne l'orientation pour une politique ambitieuse et cohérente, favorable et réaliste pour les décennies à venir.

Il tient compte en premier lieu des contraintes identifiées qui s'imposent à nous. Il y a d'abord l'ouverture à la concurrence des marchés européens : 70 % au 1er juillet 2004 - c'est demain - et la totalité en 2007. Il y a également la hausse inéluctable des prix mondiaux du pétrole et du gaz et la hausse du prix de l'électricité en Europe. Le pétrole vaut aujourd'hui plus de 42 dollars le baril. Comme le titrait récemment un journal, à quand le baril à 50 dollars ? Il y a enfin la réalité confirmée de l'effet de serre produit par l'émission des gaz de combustion.

Il énonce en second lieu les quatre objectifs à atteindre : Premièrement, garantir la sécurité d'approvisionnement, c'est-à-dire l'autonomie la plus large.

Il vise ensuite à mieux préserver l'environnement en diminuant l'effet de serre.

Il tend par ailleurs à assurer la compétitivité des prix ; l'économie du pays l'exige. Je suis sensible à cette inscription dans le texte qui évitera que ne se développent un quiproquo et une erreur facile à faire : l'augmentation des prix déjà constatée est liée, non pas à l'ouverture du marché, mais à l'offre par rapport à la demande donc à la production et à la mise sur le marché pour le pétrole comme pour l'électricité. Le ministre l'a d'ailleurs rappelé il y a un instant.

Il s'agit aussi de permettre l'accès de tous les Français à l'énergie. Celle-ci fait en effet partie des biens citoyens dont doit disposer chaque foyer. Pour cela, le projet de loi propose des moyens : maîtriser la dépense en évitant des gaspillages - on avait un peu oublié cet aspect ; diversifier les sources énergétiques - toutes sont nécessaires ; développer la recherche pour de nouvelles technologies - c'est l'avenir qui est en jeu.

Enfin, le projet confirme la filière nucléaire française, enviée du monde entier. Cette référence internationale permet à la France de moins subir les variations du prix du pétrole et lui donne le prix d'excellence en matière de diminution d'émissions de gaz carbonique. Sur ce point, il est bon de renvoyer les donneurs de leçons à leurs études. La France est en avance. La France est un exemple à suivre. Je souscris tout à fait au constat dressé par le ministre d'Etat, cet après midi.

Le travail en commission, sous l'autorité du président Ollier et du rapporteur Serge Poignant, a permis d'apporter au texte initial une configuration plus claire, d'enrichir divers articles, et d'aller souvent vers un consensus. Cela témoigne de la responsabilité de chacun des intervenants sur ces bancs.

L'article 1er et ses articles additionnels réintègrent dans le texte des mesures innovantes concernant les objectifs souhaités. Et nous apportons notre soutien, avec des amendements examinés en commission, à cette présentation faite par le rapporteur. C'est plus clair et les quatre axes proposés sont bien identifiés et développés. Il faut savoir dire sans détour de quelle énergie la France a besoin, à quelles conditions elle peut être produite, transportée et mise à disposition, mais aussi quels efforts sont souhaitables pour éviter le gaspillage et des factures trop élevées ou inutiles, et pour être respectueux de l'environnement.

La place des collectivités locales et du niveau européen est soulignée ce qui permettra la transcription des directives européennes en instance.

Une nouvelle approche de la maîtrise de la consommation d'énergie est dessinée : elle doit conduire, non à une connotation négative de restriction contre laquelle je m'élève, mais à une dynamique positive d'efficacité énergétique, acceptée et partagée par le consommateur. Le projet est ambitieux et novateur, fondé sur le dispositif des certificats d'économie d'énergie, développé dans les articles 2 à 5 du texte. Ce mécanisme, en usage dans les pays anglo-saxons, vise à mobiliser et à responsabiliser tous les acteurs, conservant un versement libératoire en dernier recours.

Nous soutiendrons les amendements du rapporteur et ceux qui vont dans le même sens. Dans ce domaine très vaste, je suis favorable à un urbanisme audacieux, respectueux du paysage, certes, mais aussi soucieux d'intégrer les attentes de l'habitant à l'égard des technologies nouvelles certifiées efficaces en matière énergétiques. Quant à la place de l'ADEME dans ce dispositif, je m'interroge sur les missions de cet organisme qui me paraissent devoir être redéfinies et précisées. A mon sens son rôle est à revoir.

L'article 6 permet de rappeler l'importance des caractéristiques techniques des bâtiments, axe d'intervention très opportun puisque 25 % des émissions de gaz à effet de serre en proviennent.

Des actions volontaristes et soutenues sont possibles tant pour l'ancien que le neuf. Cela correspond à  la directive européenne du 16 décembre 2002.

Quant à l'information du consommateur, elle est ciblée dans l'article 7 traitant de l'affichage des consommations.

Un deuxième axe d'action est détaillé pour affirmer que nous avons en fait besoin de toutes les sources disponibles d'énergie, à condition évidemment qu'elles respectent les contraintes économiques et techniques. Il n'est nullement question d'opposer l'une à l'autre : la production en base n'est pas la réponse à la pointe de consommation, le résidentiel n'est pas le véhicule, l'industrie n'est pas le particulier.

Je ne reviendrai pas sur la place du nucléaire, filière que les ministres ont décrite avec force détails, en rappelant son historique, son importance, ses immenses avantages économiques et écologiques. Le kilowatt français est en effet le moins cher d'Europe et produit le moins de gaz carbonique. Les sites industriels de cette filière, dite à combustible en cycle fermé, sont tous pourvus de l'agrément ISO 14 001 certifiant le fonctionnement respectueux de l'environnement. Le choix de l'EPR va plus encore dans cette bonne direction : sûreté, sécurité, compétitivité.

Cependant, la directive du 27 septembre 2001 préconise d'atteindre 21 % de part d'électricité à partir de sources dites renouvelables. C'est là que trouve place ce qui peut provenir de l'hydroélectricité - énergie véritablement très renouvelable pour laquelle il faut rechercher tout le développement possible -, du bois et de la biomasse pour la chaleur, des biocarburants issus du végétal, du solaire, de la géothermie et, lorsque cela est accepté, de l'éolien.

Les articles 8, 9 et 10 apportent des réponses, et les amendements ont été nombreux concernant la garantie d'énergie, le bénéficiaire du certificat, le crédit d'impôt, qui passera de 15 % à 50 % pour l'acquisition d'équipements de production renouvelable ou la recherche d'actions d'efficacité énergétique, l'abaissement à 5,5 % du taux de TVA sur les réseaux de chaleur approvisionnés par les énergies renouvelables. Le rapporteur, Serge Poignant, y a fait allusion dans son propos.

Revenons à présent sur la garantie de fourniture d'énergie que j'ai évoquée au début de mon intervention.

Les dispositions des articles 12 et 13 visent à répondre aux exigences de qualité et de quantité demandées au gestionnaire du réseau. Le nécessaire équilibre entre l'offre et la demande, difficile à atteindre, est soumis à l'évaluation du gestionnaire dont les missions sont essentielles et doivent assurer la cohérence avec les dispositions de la loi du 10 février 2000.

Nous avons en France un opérateur dont les qualités sont impressionnantes et font l'objet d'une comparaison flatteuse avec les dispositifs étrangers. Il s'agit de RTE, le réseau de transport d'électricité, dont le rôle doit être conforté, de même qu'il faut souligner la place importante que tient la commission de régulation de l'énergie par son contrôle, d'une part, et par ses avis, d'autre part, dont il est toujours bon de s'inspirer.

Ainsi une réflexion doit être menée sur le poids constaté aujourd'hui de ce qui est regroupé sous l'appellation « charges du service public de l'électricité ». Nous devons nous poser la question sur ce qui est supportable, ce qui est juste, ce qui peut être réparti, ce qui génère ces charges. Le système d'obligation d'achat sans discernement me paraît avoir trouvé des limites. Nous souhaitons que le Gouvernement donne un signe, une orientation - avec ce texte, c'est précisément le moment - pour aller vers une limitation de ces dépenses supportées par l'ensemble des consommateurs. En quelque sorte, l'exemple vertueux viendra de vous, monsieur le ministre.

Par ailleurs, je tiens à souligner, avant de conclure, toute l'importance que j'attache aux efforts de recherche dans le domaine énergétique. La France a bénéficié, depuis plus de quarante ans, de l'excellence du CEA, du CNRS, de l'IFP et de la recherche fondamentale, mais aussi de toute la recherche appliquée développée par les entreprises dont certaines se sont hissées au premier rang international.

Un tournant semble se dessiner : avec plus d'acuité, apparaît le potentiel de l'hydrogène, du photovoltaïque, de la géothermie, des biocarburants ou encore la nécessité de savoir maîtriser le carbone non évitable issu de la combustion au sens large. On retrouve là, en effet, les grandes possibilités d'un combustible, certes fossile, le charbon, dont on sait bien maîtriser aujourd'hui l'usage, par exemple dans les centrales à lit fluidisé. Reste, cependant, le problème de la production de carbone.

Alors, monsieur le ministre, donnons-nous les moyens de la recherche, publique et privée ; concluons des partenariats avec d'autres pays. Nous libérerons ainsi les initiatives et l'enthousiasme des scientifiques. Nous ferons œuvre utile et, de plus, cela favorisera grandement la réconciliation de la culture scientifique avec le grand public. Il y a vraiment un ciblage à provoquer sur l'hydrogène et ses dérivés - c'est la solution pile à combustible -, et sur le photovoltaïque dont les progrès récents sont encourageants.

A cet égard, le soutien aux équipements que vous proposez est une bonne action. Je vous propose néanmoins d'aller plus loin en mettant en place un support identifié spécialisé que j'ai appelé agence nationale de l'hydrogène, laquelle pourrait également être un observatoire ou un institut, mais à une condition : être efficace pour rassembler, fédérer et stimuler tout ce qui peut favoriser la recherche fondamentale et la recherche apppliquée. Il doit en être de même pour le photovoltaïque.

Les amendements portant sur la publication d'une stratégie pluriannuelle de recherche et sur la publication annuelle d'un "jaune" sur la politique énergétique me paraissent particulièrement judicieux.

Le projet de loi, présenté aujourd'hui par le Gouvernement, est, dans son ensemble, cohérent et dense, quant à son contenu. Il a d'ores et déjà été étoffé en commission - il le sera encore demain au cours de la dernière réunion prévue - avec des exemples nombreux de consensus sur tous les bancs. Je ne doute pas que son examen en séance permettra de l'enrichir encore. Pour la suite, monsieur le ministre, nous serons attentifs à la mise en œuvre des mesures ne relevant pas du domaine législatif mais qui concourent, en la précisant, à l'élaboration de la politique énergétique de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. On sent la méfiance !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation de ce projet de loi sur les orientations énergétiques de la France pour les trente ans à venir, dans les conditions dans lesquelles nous vivons aujourd'hui, est un véritable déni de démocratie.

Après un an de débat public biaisé par les déclarations préalables des ministres alors en charge des dossiers, on nous propose, aujourd'hui, un vote bâclé. Pourtant, malgré ce débat biaisé, des attentes fortes en matière d'efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables ont été exprimées.

Vous avez su les reprendre, monsieur le ministre, dans vos objectifs, mais le laps de temps concédé pour étudier votre projet de loi ne vous permet pas de donner une quelconque crédibilité à vos déclarations de principe, compte tenu aussi de votre réponse à M. Gerin qui prouve que, finalement, il avait très bien compris : l'essentiel est la filière nucléaire et l'EPR.

Cela explique votre précipitation, voire votre désinvolture, qui vous a conduit à une première mouture du texte qui renvoyait - quel symbole ! - le débat de fond en annexe.

Nous n'avons pas pu véritablement travailler en commission, en particulier auditionner les ministres concernés. A propos, où est le ministre de l'écologie et du développement durable ? N'est-il plus concerné ?

Mme Claude Darciaux. Très bien !

M. Philippe Tourtelier. Nos centrales nucléaires ne produisent-elles plus de déchets ?

Cette précipitation et ce mépris du Parlement, alourdis encore aujourd'hui par la déclaration d'urgence, ne nous permettent pas d'approfondir le débat. Pourtant de nombreuses questions restent sans réponse.

Ainsi, alors que les chiffres du Livre blanc étaient déjà peu ambitieux, on constate que les objectifs chiffrés cités ne sont que la reprise d'engagements au niveau européen, et seulement à l'horizon 2010-2015, c'est-à-dire demain. Aucune ambition nouvelle à moyen et long terme ! Ce n'est que dans le domaine du nucléaire, comme par hasard, que l'on se projette à 2045 pour justifier la construction, dès maintenant, d'un deuxième EPR en France, alors que celui construit en Finlande suffit comme démonstrateur pour assurer la sécurité de la filière.

Alors prenons le temps de nous projeter sinon en 2045, du moins en 2020-2030, pour réexaminer quelques-unes des directions proposées aujourd'hui.

Votre troisième objectif est d'avoir un prix compétitif de l'énergie. Considérons, en particulier, les prix de l'électricité dans vingt ans. Nous serons alors dans un marché intégré européen. Quel sera le prix du baril de pétrole ? On sait que, à 40 dollars le baril, ce qui risque d'arriver,...

M. François Brottes. Nous y sommes !

M. Philippe Tourtelier. ...toute autre énergie devient compétitive.

M. Jacques Masdeu-Arus. On y est déjà !

M. Philippe Tourtelier. Oui, et ce sera certainement encore le cas à cette époque-là.

Le chiffrage précis du démantèlement d'une première centrale nucléaire pourra être réalisé, des décisions auront été prises sur les déchets et il sera possible d'intégrer ces coûts. Ceux liés aux énergies renouvelables, avec l'arrivée à maturité des filières, auront baissé et les prix de production des différentes filières seront alors comparables. De plus, les réseaux transfrontaliers ayant été développés, la question de l'intermittence des énergies renouvelables se posera alors différemment, à condition que notre réseau de distribution de l'électricité ait été adapté à la collecte de la production d'énergie décentralisée.

La question de la part des énergies renouvelables dans le panier énergétique se posera de façon nouvelle. Encore faut-il que, d'ici là, nous ayons une réelle volonté de promotion des énergies renouvelables et d'adaptation de notre réseau électrique.

De même, dans vingt ou trente ans, vos deux objectifs que sont la lutte contre l'effet de serre et la sécurité d'approvisionnement seront toujours d'actualité. Dans ces deux domaines, les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables sont essentielles et au moins aussi efficaces que le développement du nucléaire, mais sans déchets.

En ce qui concerne d'abord les économies d'énergie nous n'avons pas, au-delà des affirmations de volonté de mobilisation sur ce thème, d'objectifs chiffrés, de moyens définis ; en particulier on ne sent aucune volonté d'associer les principaux acteurs et nos concitoyens à ce défi essentiel pour l'avenir de notre planète.

Pour réussir, il faut pourtant une approche démocratique de ces questions énergétiques : assurer plus de transparence ; aider les associations mobilisées sur ce thème ; soutenir les agences de conseil en efficacité énergétique ; analyser localement les évolutions de consommation et diffuser ces informations ; renforcer le rôle des collectivités territoriales, ces dernières étant à la fois des acteurs dans ce domaine par leur propre consommation et par les consommations induites par leurs choix dans le domaine des transports et de l'habitat, deux secteurs importants pour l'effet de serre.

Elles sont aussi certainement autant que les administrations publiques de l'État, monsieur le rapporteur, des exemples et peuvent mobiliser efficacement leurs populations. C'est la raison pour laquelle nous avions proposé, lors de l'examen du projet de loi sur les responsabilités locales, un chapitre sur l'énergie et l'effet de serre. Vous l'avez refusé, en renvoyant cela à la discussion de la loi sur l'énergie. Et aujourd'hui nous n'avons pas le temps d'en discuter !

Mme Claude Darciaux. Très juste !

M. Philippe Tourtelier. Que restera-t-il dans vingt ans de votre grande déclaration d'aujourd'hui sur la maîtrise de l'énergie, alors que vous ne prenez aucun des moyens pour mobiliser nos concitoyens ?

M. Jean Dionis du Séjour. Exactement !

M. Philippe Tourtelier. Enfin, toujours en termes de démocratie, il faut un rapport annuel sur l'énergie au Parlement. Vous prévoyez un jaune budgétaire. Il convient pourtant, à cette occasion, d'ouvrir une vraie discussion, pas un débat bâclé comme aujourd'hui.

A côté de la maîtrise de l'énergie, pour atteindre vos objectifs de lutte contre l'effet de serre et de sécurité d'approvisionnement, vous indiquez qu'il est indispensable de développer les énergies renouvelables. Très bien ! Mais quelles mesures proposez-vous dans le domaine de la production d'électricité à partir des énergies renouvelables ?

Notre production hydraulique nous permet de figurer honorablement dans les ratios. Cependant elle cache notre indigence dans les autres domaines.

Alors que nous avons le plus fort potentiel éolien d'Europe, nous produisons quelques centaines de mégawatts, lorsque l'Espagne ou le Danemark en sont à plusieurs milliers et ont su développer des filières industrielles créatrices d'emplois. La sensibilité de M. Ollier aux paysages l'honore. Mais sait-il qu'à côté des 10 000, voire 20 000 éoliennes, au maximum, nous avons 50 000 châteaux d'eau et 100 000 pylônes à haute tension ?

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très juste !

M. Philippe Tourtelier. Pour ce qui est du photovoltaïque, nous étions dans les premiers dans les années quatre-vingt ; actuellement cette filière, qui ne bénéficie pas de l'obligation d'achat, ne peut se développer comme dans d'autres pays voisins. Ces obligations d'achat sont essentielles pour que les filières industrielles arrivent à maturité ; d'autres pays l'ont montré. Sans une politique volontariste aujourd'hui, dans vingt ans nous n'aurons plus d'entreprises dans ces filières créatrices d'emplois. Comme dans l'éolien actuellement, ce sont les autres pays qui répondront chez nous à cette demande croissante.

Mme la présidente. Monsieur Tourtelier, je vous prie de bien vouloir conclure. 

M. Philippe Tourtelier. Je termine, madame la présidente.

Nous serons également absents du marché mondial émergent des pays en voie de développement, pour lesquels la production d'énergie décentralisée, en particulier à partir du solaire photovoltaïque, est incontournable.

Enfin, dernier point, la recherche est essentielle dans ce domaine. Quelle part de cette recherche allez-vous donc affecter aux énergies renouvelables par rapport au nucléaire ?

La canicule nous a rappelé nos contradictions : les centrales nucléaires ont fonctionné dans des conditions limites par rapport au débit des cours d'eau et nous avons dû avoir recours à d'autres sources, y compris renouvelables. Pourquoi, depuis vingt ans, n'avons-nous pas su développer des climatiseurs photovoltaïques, particulièrement adaptés en cas de grosses chaleurs ?

Le montant des crédits de recherche affectés aux énergies renouvelables sera le véritable indicateur de la réalité de votre volonté politique.

En conclusion, le choix du nucléaire opéré il y a trente ans, s'il a répondu, pendant un temps, à des problèmes précis d'indépendance énergétique, a stoppé la lutte pour les économies d'énergies et a phagocyté la recherche au détriment des autres énergies, y compris thermiques. Actuellement, nous n'avons plus le choix, car nous dépendons trop du nucléaire.

Pour rétablir en 2020-2030 les conditions d'un véritable choix, dans un cadre qui sera européen, nous devons engager, d'ici là, d'une part, une politique très volontariste en faveur des énergies renouvelables, en particulier dans le domaine de la recherche, et, d'autre part, une réelle approche démocratique de ce sujet. Nous ne trouvons ni l'un ni l'autre dans votre projet de loi et dans le débat tronqué d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est une première et une vraie bonne nouvelle : enfin le Parlement est saisi de la question des choix énergétiques de la nation sur le long terme. Jamais une telle démarche n'avait été engagée auparavant, même sous des gouvernements précédents à l'écologisme plus démonstratif.

Soyez-en donc remerciés, monsieur le ministre, vous et Mme Fontaine qui avait pris l'initiative et le risque politique d'ouvrir ce débat devant la nation et devant le Parlement.

M. Yves Cochet. C'est vrai !

M. François Brottes. Mme Fontaine en a été bien remerciée !

M. Jean Dionis du Séjour. Il nous faut aussi saluer la concertation menée en amont de ce débat, dans les principales villes de ce pays et la publication du Livre blanc qui en a été la suite.

Les choses, pour l'UDF, ont commencé à se gâter lorsque Mme Fontaine prit, dès le mois de septembre, une position, que nous avons estimé prématurée en faveur de l'EPR (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) alors que le débat sur la politique énergétique ne faisait que s'amorcer.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Vous avez changé d'avis !

M. Jean Dionis du Séjour. Cette affaire de l'EPR aura pesé sur l'ensemble des débats liés à ce projet de loi, puisque la volonté du Gouvernement - on peut la comprendre, elle n'a rien de scandaleuse - de donner des assurances aux partisans de l'EPR avant la discussion du projet de loi sur le statut d'EDF-GDF a bousculé le calendrier normal de travail de ce texte.

En effet, avec ce projet, le Parlement commence l'examen d'une série de trois textes environnementaux majeurs : la loi d'orientation sur l'énergie, la Charte de l'environnement et le changement de statut d'EDF-GDF.

Ce projet de loi se situe à la croisée des problématiques liées à l'environnement, avec des objectifs précis concernant notamment la réduction de notre consommation d'énergie et, par conséquent, de nos émissions de gaz à effet de serre, ainsi que des problématiques liées à notre stratégie industrielle avec la question spécifique du programme nucléaire EPR et le maintien de la compétitivité du prix de l'électricité.

Durant la phase préparatoire de ces travaux, l'UDF a toujours rappelé qu'il ne fallait pas sacrifier la question environnementale à des choix industriels qui ont, bien sûr, leur importance mais qui doivent rester conformes aux grandes orientations énergétiques de notre nation. C'est pourquoi il aurait été préférable, si l'on avait été dans une société parfaite, de commencer par l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement, dont les principes auront un impact direct sur notre manière de concevoir notre rapport à l'énergie, que ce soit en termes de production ou en termes de consommation.

Ces questions auraient dû être éclaircies lors de la discussion parlementaire sur la Charte, qui, sans porter de jugement sur son contenu, nous aurait donné une grille de lecture incontournable pour éclairer nos choix énergétiques sur le long terme.

En revanche, le groupe UDF approuve votre volonté de discuter la loi d'orientation sur l'énergie avant le projet de loi relatif au changement de statut d'EDF et de GDF. En effet, le projet industriel de nos entreprises électriques et gazières sera mieux identifiable après que nous aurons inscrit dans la loi les orientations politiques de la France en matière énergétique pour les quarante années à venir.

Enfin, nous ne pouvons que déplorer les conditions de travail dans lesquelles ce projet de loi a été discuté par notre assemblée. Il n'a été déposé que six jours seulement avant l'examen en commission et cette dernière n'a pu organiser aucune audition.

Alors que le texte est déjà inscrit à l'ordre du jour du Sénat les 9 et 10 juin, nous avons demandé solennellement au Gouvernement qu'il nous rassure et s'engage à renoncer à déclarer l'urgence sur ce projet de loi, afin de ne pas nous priver d'une seconde lecture indispensable pour parfaire des travaux rendus très difficiles par le calendrier choisi par le Gouvernement.

M. François Brottes. Très juste !

M. Jean Dionis du Séjour. Vous nous avez, monsieur le ministre, rassurés sur le maintien d'une vraie navette parlementaire...

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Oh ça !

M. Yves Cochet. Pas sûr !

M. Jean Dionis du Séjour. ...et vous avez répondu à la majorité de mes collègues de la commission - c'est en tout cas ce que j'ai compris - qui partagent le sentiment que nous n'avons pas pu conduire sereinement, en première lecture, les travaux nécessaires sur un texte engageant la politique énergétique de la France pour quelques décennies. Cela rend démocratiquement indispensable une deuxième lecture à l'Assemblée et au Sénat. M. le ministre d'Etat et vous-même vous y êtes engagés devant nous. Je vous en remercie.

La discussion de ce soir et de demain prouvera d'ailleurs la nécessité de donner du temps à ce débat. Je crains que celles-ci ne soient très lentes et ressemblent davantage à du travail de commission, dans la mesure où aucun amendement n'a pu être examiné sur le fond. Nous allons donc amender ou sous-amender, au coup par coup, un texte clé, s'il en est, qui touche à tous les grands secteurs économiques de notre pays et qui concerne le quotidien et l'avenir de nos concitoyens sans beaucoup de visibilité, puisque la commission, je le répète, n'a pas vraiment débattu des quelques centaines d'amendements déposés.

On connaît l'attachement du président de la commission des affaires économiques à la belle œuvre législative. Il n'a pas été habitué à travailler dans ces conditions. Mais, comme à l'UDF, nous sommes des optimistes, nous voulons bien croire que les choses iront en s'améliorant au Sénat et en deuxième lecture.

Sur le fond, le groupe UDF est heureux que soit désormais prévu le basculement de l'annexe dans le corps de la loi, comme l'ont demandé les commissaires de la majorité et de l'opposition de la commission des affaires économiques. Cela a, au moins, le mérite de mettre un terme aux controverses juridiques sur la valeur normative d'une annexe dans le projet de loi. Je tiens à en remercier tout spécialement notre rapporteur.

Pour l'UDF, cette annexe est tout sauf de la littérature. C'est pourquoi nous déposerons un nombre d'amendements certes limités, mais qui nous semblent importants.

Ce texte est, pour l'UDF, le moyen de faire entendre clairement une position raisonnable sur la filière nucléaire, à laquelle la nation doit beaucoup, notamment le fait d'avoir traversé correctement la période difficile des années soixante-dix à quatre-vingt-dix. Ayant volontairement dépassé l'antagonisme archaïque de cette période entre les pro-nucléaires et leurs opposants, nous pensons qu'il ne faut ni surestimer ni diaboliser la filière nucléaire.

Les avantages de la filière nucléaire sont maintenant connus : indépendance énergétique,...

M. Yves Cochet - Mais non ! C'est faux !

M. Jean Dionis du Séjour. ...stabilité des prix, énergie propre au niveau de l'effet de serre, prix compétitifs

Ses inconvénients sont aussi bien connus : filière de déchets coûteuse et durablement problématique, ...

M. Yves Cochet. Eh oui !

M. Jean Dionis du Séjour. Vous pouvez approuver, monsieur Cochet.

... cible potentielle pour des agressions terroristes, énergie adaptée à la base de nos besoins énergétiques mais certainement pas aux pointes et semi-pointes de ces besoins.

La position de l'UDF sera donc de recentrer l'énergie nucléaire là où elle est incontestable, à savoir la satisfaction des besoins permanents de notre demande énergétique.

C'est dans cette perspective que doit être appréciée la décision de construire un démonstrateur EPR, avec l'intention implicite de le fabriquer en série.

Afin de lever cette incohérence, nous proposons de préciser les orientations concernant le nucléaire : oui à la construction d'un démonstrateur EPR qui servira de solution de remplacement en cas de dysfonctionnement structurel des centrales les plus anciennes (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) ; non à un renouvellement à l'identique de notre parc nucléaire, qui assure aujourd'hui 78,2 % de la production brute totale d'électricité. Pour obtenir une réelle diversification du panier énergétique électrique français, il faut se fixer une règle simple : la quantité de production nucléaire doit être adaptée en base ; le gaz naturel et les énergies renouvelables doivent monter en puissance en semi-base et en pointe.

Toujours en ce qui concerne les objectifs, l'UDF regrette que la dimension de santé publique ne figure d'aucune façon dans les orientations de notre politique énergétique, et nous formulerons des propositions dans ce sens.

D'une manière générale, ce texte est rédigé en ignorant la Charte de l'environnement, qui a pourtant déjà fait couler beaucoup d'encre, notamment son projet d'article 1er, selon lequel « chacun a le droit de vivre dans un environnement sain et favorable à sa santé ». Il s'agit d'une affirmation centrale que le projet de loi d'orientation sur l'énergie devrait reprendre à son compte, dans la mesure, notamment, où la pollution atmosphérique trouve ses causes profondes dans nos habitudes de consommation d'énergie.

Nous proposons donc d'assigner un cinquième objectif à notre politique énergétique, celui de la compatibilité de nos choix énergétiques avec la préservation de la santé, objectif qui devrait nous pousser à beaucoup plus d'audace dans le secteur des transports, car ce dernier représente un tiers de notre consommation énergétique finale. Pourtant, cela a été dit, le projet de loi est très discret sur ce sujet,...

M. François Brottes. Le budget aussi !

M. Jean Dionis du Séjour. ...ce qui a poussé l'UDF à remettre sur le métier l'idée, récemment discutée dans cette assemblée, d'un péage urbain pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

Cette initiative, qui serait laissée à la délibération des conseils de ces agglomérations, est, à terme, l'un des moyens forts de maîtriser et de contenir l'augmentation du trafic urbain dans les grandes agglomérations, dont l'impact sur la santé, notamment en raison de son rôle en matière d'accroissement des cancers du poumon, a été démontré dans un rapport récent de l'AFSSE. Nous avons l'intime conviction que nous nous rendrions coupables auprès des générations futures si nous n'agissions pas sur ce dossier, alors que nos voisins européens, les Britanniques notamment, tentent avec succès l'expérience depuis un an.

Un autre levier nous paraît sous-employé pour atteindre nos ambitions légitimes en matière de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre : l'outil fiscal. Si nous voulons diviser par quatre notre consommation d'énergies fossiles en cinquante ans, ce qui est l'objectif annoncé, ...

M. Yves Cochet. Non, les émissions qu'elle provoque !

M. Jean Dionis du Séjour. ...pour remédier au risque de changement de climat, à l'épuisement des énergies non renouvelables et à la vulnérabilité géopolitique de celle qui est la moins abondante et la plus difficilement remplaçable, à savoir le pétrole, il nous faut définir, dès à présent, à côté de mesures incitatives qu'il convient de renforcer, une stratégie d'augmentation progressive de la tarification et de la fiscalité des énergies fossiles, en application du principe  pollueur-payeur. C'est la seule manière d'agir avec efficacité et pédagogie sur les comportements de millions de consommateurs, et la meilleure façon d'anticiper l'augmentation des prix de l'énergie qui résultera nécessairement de la réduction des réserves de pétrole disponibles et des coûts du changement de climat.

Enfin, pour conclure sur le chapitre des orientations, nous souhaiterions que ce texte soit l'occasion de doter la France de véritables outils de gouvernance énergétique.

La préoccupation croissante des Français en matière d'environnement, que le Président de la République a bien identifiée, devrait pouvoir être satisfaite par l'organisation de débats démocratiques dont le Parlement serait le lieu privilégié ; certains collègues l'ont déjà évoqué. De même que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte un objectif annuel de dépenses de l'assurance maladie, nous proposons que le Parlement vote tous les ans une loi de politique énergétique qui tire le bilan énergétique de l'année écoulée et qui propose des mesures adaptées à chaque situation et filière, afin d'atteindre les objectifs de la loi d'orientation.

M. Yves Cochet. Voilà qui est plutôt une bonne idée !

M. Jean Dionis du Séjour. Je vous remercie, monsieur Cochet !

Ainsi l'Etat ou les parlementaires ne pourront plus regarder ailleurs et auront l'ardente obligation d'éteindre l'incendie - selon les termes d'un discours désormais fameux - qui menace aussi la maison France.

Nous voulons ensuite faire quelques remarques sur les moyens concrets proposés dans ce texte pour réaliser les objectifs de la politique énergétique française.

Les mesures concernant l'habitat sont intéressantes, mais il convient, à notre avis, de les muscler. La commission a adopté notre amendement sur les certificats de performance énergétique, qui permettra à chaque propriétaire et à chaque locataire de faire des coûts énergétiques de son logement une donnée à part entière de son budget et les incitera à tout essayer pour les réduire.

Nous nous réjouissons que, grâce à l'action déterminée du groupe d'études sur les biocarburants, présidé par le député UDF de la Somme Stéphane Demilly, la place des biocarburants ait été renforcée dans le panier énergétique des transports par rapport au texte initial.

M. Philippe Folliot. C'est un signe très positif !

M. Jean Dionis du Séjour. Ainsi la part des biocarburants dans la teneur énergétique de la quantité totale d'essence et de gazole mis en vente devrait passer de 2 % en 2005 à 5,75 % en 2010, conformément à nos engagements européens. Le Gouvernement - et je l'en remercie - semble avoir pris la mesure des enjeux du recours aux biocarburants : un enjeu en matière d'indépendance énergétique, alors que la France dépend à 98 % des approvisionnements externes en matière de pétrole ; un enjeu économique pour nos agriculteurs et pour le monde rural ; un enjeu environnemental, enfin, si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre et respecter les engagements du protocole de Kyoto.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF proposera, sur la base de ces engagements, des mesures fiscales dans le cadre des lois de finances pour atteindre ces objectifs dans le domaine des biocarburants.

Plusieurs dispositions d'ordre fiscal, type crédits d'impôt, que nous avions également proposées, ont été adoptées par la commission à l'initiative du rapporteur, et nous nous en réjouissons.

M. Stéphane Demilly. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Je terminerai mon propos par quelques interrogations sur les certificats d'économie d'énergie.

Ce dispositif apparemment vertueux a pour but d'inciter les grands producteurs d'énergie - EDF, GDF, pétroliers - à réduire une demande dont ils bénéficient, puisque leur métier est de vendre de l'énergie. Il aurait sans doute été préférable de favoriser le développement des professionnels dont la vocation est de vendre des économies d'énergie, tels les ingénieurs conseils thermiciens ou les producteurs et installateurs d'équipements énergétiquement performants.

Nous nous interrogeons aussi sur la forme de ces certificats, qui peuvent être assimilés à un prélèvement obligatoire affecté, et qui seront distribués, sous forme d'aides à l'investissement, par les grands offreurs d'énergie. Ce dispositif administré pourra encourager certains investissements, mais, à notre avis, il sera incapable d'induire des comportements qui seraient des gisements d'économies considérables à coût faible, voire nul.

Nous nous interrogeons enfin sur certaines initiatives que nous avons observées en commission, tendant à introduire des modifications profondes, par exemple concernant la contribution au service public de l'électricité, la CSPE.

M. François Brottes. C'est de l'improvisation !

M. Jean Dionis du Séjour. Si nous reconnaissons la réalité du problème soulevé, nous sommes défavorables à un transfert de la moitié de la charge de la CSPE sur le seul gaz. Nous essaierons de convaincre l'Assemblée d'adopter des amendements répartissant équitablement cette charge entre l'électricité, le fioul et le gaz.

Mettre en place une véritable gouvernance stratégique, comportant un schéma directeur national énergétique quantifié, et une loi de politique énergétique annuelle ; affirmer la santé publique comme un objectif majeur de notre politique énergétique, en n'hésitant pas à énoncer une parole forte sur la pollution de l'air et les affections qu'elle provoque - il faut notamment lever le non-dit sur les cancers du poumon - ; en conséquence poser enfin sérieusement le problème de la voiture dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants ; refonder raisonnablement notre politique nucléaire, en la recentrant sur la satisfaction de nos besoins permanents et en faisant la part belle au gaz et aux énergies renouvelables pour la satisfaction de nos besoins ponctuels ; continuer à faire évoluer fortement nos tarifs publics et notre système fiscal vers le respect du principe pollueur-payeur ; développer vigoureusement les biocarburants : voilà les contributions que l'UDF veut apporter, à l'occasion de la première lecture, à ce grand débat national.

Mes chers collègues, monsieur le ministre nous sommes sûrs que vous en ferez le meilleur usage.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Pas nous !

M. Jean Dionis du Séjour. L'UDF, quant à elle, qui a salué cette initiative politique forte, tout en émettant de fortes réserves, aussi bien sur les conditions du débat que sur l'état actuel du projet de loi, participera activement à l'amélioration de ce texte et se déterminera, pour son vote final, en fonction des résultats obtenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une politique de l'énergie digne de ce nom doit se montrer à la hauteur d'enjeux sociaux, économiques et environnementaux qui dépassent les frontières nationales. A nos yeux une telle politique se doit de satisfaire les objectifs d'aménagement du territoire, de sécurité d'approvisionnement, d'indépendance énergétique et de péréquation tarifaire. On ne saurait atteindre ces objectifs si l'on se prive des outils de service public dont notre pays s'est doté à la Libération.

La France, à l'unisson du reste du monde, est à la croisée des chemins puisqu'elle devra désormais évoluer au centre de contraintes accrues et parfois contradictoires. Entre l'impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre, l'obligation de faire face à une consommation d'énergie dont tout porte à croire qu'elle demeurera globalement croissante, ou encore la nécessité de diversifier et garantir nos approvisionnements dans un contexte de tensions géopolitiques et d'épuisement des ressources fossiles, on mesure l'ampleur de ces contraintes.

Certes, ces questions sont abordées par le présent projet de loi. Cependant, les réponses envisagées ne s'accompagnent manifestement pas d'une obligation de moyens. Les trop rares objectifs chiffrés apparaissent fantaisistes au regard de l'action politique menée par le Gouvernement.

Comment est-il possible, par exemple, de tabler sur un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 3 % par an alors qu'absolument rien n'est mis en œuvre concrètement, en matière de transport, pour rompre avec la priorité accordée à la route ? C'est un comble lorsque l'on sait que le transport est responsable du tiers des émissions de CO2, et que toutes les prévisions tablent sur un accroissement du trafic routier. Par exemple, l'augmentation du prix de gazole s'est accompagnée de mesures de remboursement accordées aux transporteurs routiers.

M. Yves Cochet. Eh oui !

Mme Janine Jambu. Quid de la protection de l'environnement dans ces conditions ?

Un si grand écart entre le discours et la pratique n'a pas échappé aux agents de la SNCF qui, le 13 mai dernier, se sont opposés au plan « fret » qui symbolise le renoncement à l'ambition de rééquilibrer le transport de marchandises au profit du rail.

De toute évidence, la réalisation, financée par un grand emprunt européen, d'un maillage des pays de l'Union visant à favoriser le transport combiné, proposition phare du rapport d'information sur les transports en France et en Europe présenté par André Lajoinie sous la précédente législature, n'est plus à l'ordre du jour.

En revanche, convaincus que l'indépendance énergétique demeure une condition essentielle de la maîtrise par les peuples de leur développement, nous apprécions les intentions affichées par le Gouvernement dans ce domaine.

En Europe, où les besoins augmentent au rythme d'environ 2 % par an faute d'une utilisation raisonnable des gains en matière d'efficacité énergétique, nous estimons que le bouquet énergétique doit intégrer toutes les options. Misant sur le développement des énergies renouvelables, mais aussi sur le maintien et le renouvellement des centrales thermiques et nucléaires, la politique industrielle qui nous est présentée cadre avec cette exigence.

Chaque source d'énergie présente des avantages et des inconvénients.

M. Yves Cochet. Non ! On ne peut pas dire cela ainsi !

Mme Janine Jambu. En l'état actuel, aucune d'entre elles n'est la panacée. C'est pourquoi la diversité du panier énergétique demeure essentielle.

Le pétrole et le gaz sont indispensables aux pays industrialisés, qui en sont quasiment dépourvus. Néanmoins ils présentent de sérieux inconvénients au regard de l'ambition de jeter les bases d'un développement durable respectueux de l'environnement.

Il en est de même pour le charbon, même si les pays en voie de développement n'ont bien souvent pas d'autre choix que d'y recourir. La diffusion des progrès réalisés en termes de rendement et de dépollution est capitale. C'est dire que la coopération internationale est incontournable.

Ainsi, les pays industrialisés doivent utiliser au maximum les formes d'énergie non productrices de gaz à effet de serre, tout en veillant à renforcer l'efficacité énergétique. A court terme, les énergies renouvelables - et ce malgré les bons résultats obtenus par la France, notamment en matière hydraulique - ne sont pas en mesure de répondre à tous les enjeux précédemment énumérés. Prétendre le contraire serait irresponsable, tout comme il serait irresponsable de ne pas engager un effort soutenu, notamment en matière de recherche, en vue d'assurer leur développement.

C'est pourquoi, sous réserve d'obtenir les contreparties nécessaires, nous considérons que l'option nucléaire doit demeurer ouverte et accueillons favorablement la réalisation du réacteur EPR, susceptible d'assurer la continuité de la production.

Cependant, le hiatus entre la nature des projets formulés et la réalité des moyens débloqués est préoccupant. Il l'est d'autant plus que de nombreuses études pointent les difficultés de fourniture d'électricité pour les périodes de pointe à partir de 2005 et un déficit de production à l'horizon 2009-2010 chiffré entre 4 000 et 8 000 mégawatts.

La construction de nouveaux moyens de production s'avère donc urgente. Or il faut de dix à douze ans entre la décision de construire une centrale nucléaire et la disponibilité de l'énergie produite sur le réseau. La mise en service de l'EPR aurait donc lieu au mieux en 2014 et non pas, comme on le prétend, en 2010 ou en 2012. D'ici là, les tranches nucléaires mises en service avant 1984 vont dépasser trente ans. L'éventualité d'imposition d'arrêt de ces installations mériterait d'être prise au sérieux d'autant que, d'ici là la consommation va croître. Quelles sont donc les décisions d'investissements que compte prendre le Gouvernement dès demain matin, si j'ose dire, pour que des mises en service aient lieu avant 2010 ?

Aucune réponse à cette question n'est fournie par votre texte. Cette lacune, véritablement alarmante, n'est pas le fruit du hasard puisque, en l'état actuel des choses, les technologies susceptibles de nous permettre d'éviter la pénurie annoncée ne peuvent être que des centrales à gaz ou des centrales à charbon. Vous ne pouviez pas reconnaître la nécessité de telles installations immanquablement contributrices à l'augmentation des gaz à effet de serre, compte tenu de vos objectifs de réduction des émissions. Alors que vous vous inclinez devant le poids du lobby pétrolier, faut-il en conclure que ces objectifs irréalistes visent, en définitive, uniquement à rassurer à bon compte la population ?

Nous vous invitons à lancer la construction de l'EPR et à nous éclairer sur les moyens de faire face à la pénurie annoncée dans l'attente de sa mise en service. Nous ne méconnaissons pas les difficultés inhérentes au nucléaire.

M. Yves Cochet. Ah !

Mme Janine Jambu. La production de déchets radioactifs n'est pas la moindre. C'est pourquoi l'effort en matière de recherche, aussi bien fondamentale qu'appliquée, mérite non seulement d'être poursuivi, mais encore d'être accru. C'est à ce prix que le développement de nouvelles formes d'énergie pourra se poursuivre. C'est pourquoi la transparence la plus totale doit être de mise. Les citoyens doivent être au cœur du processus de prise de décision.

Néanmoins, et c'est à ce niveau que nos divergences de vue sont les plus patentes, la poursuite d'une politique énergétique à la hauteur des multiples défis auxquels notre pays doit faire face requiert une rupture avec un mouvement de déréglementation et d'ouverture à la concurrence qui n'aura pour autre conséquence que la soumission aux règles du marché.

Dans une interview donnée au quotidien l'Humanité daté du 11 mai, François Roussely a déclaré : « Le projet de loi comporte quatre principes qui sont quasiment ceux du service public : l'indépendance énergétique, la protection de l'environnement, l'égal accès de tous à l'énergie et les prix les plus bas. ». Néanmoins, il a oublié de dire que ce texte en cache un autre, à savoir celui relatif au service public de l'électricité et du gaz, ayant principalement pour objet le changement de statut d'EDF et de GDF. L'ouverture de leur capital et, à terme, leur privatisation ne cadrent assurément pas avec la volonté de préserver les principes fondamentaux du service public qui vous animerait, aux dires du président d'EDF. La déréglementation, combinée à un sous-investissement chronique, a déjà eu de funestes conséquences aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en Suède, etc.

Ces contre-exemples prouvent que les services publics ne peuvent répondre aux besoins actuels et futurs des populations dans le cadre de la concurrence.

Cependant, votre stratégie est habile puisque vous avez pris le soin de distinguer l'examen des deux textes. Le projet de loi d'orientation pour l'énergie est ainsi présenté comme l'aboutissement d'un grand débat ouvert il y a plus d'un an et ayant donné lieu à de nombreuses consultations et négociations. Si la forme est volontiers consensuelle, on dit souvent que le diable est dans le détail, et ce sont effectivement certains détails qui trahissent la cohérence de vos desseins ultra-libéraux.

Je prendrai deux exemples tirés du projet de loi.

Premier exemple : il est écrit dans l'annexe que «l'Etat appuiera la demande d'EDF de construire un réacteur européen à eau pressurisée : l'EPR ». On s'aperçoit que cette rédaction garantit uniquement le fait qu'EDF sera constructeur. En revanche, pour ce qui est de la conception et de l'exploitation, rien n'assure qu'EDF en aura la responsabilité. Ce silence est lourd de signification. Le Gouvernement fait montre de sa piètre conception de ce que devrait être une véritable maîtrise publique de la politique énergétique. Pourtant, quand on parle de nucléaire, la perspective d'une gestion confiée au secteur privé et, partant, pénétrée par une logique de rentabilité à court terme suscite de vives inquiétudes.

La sûreté, pré-requis indispensable, est déjà mise en doute avec le développement du recours aux nomades du nucléaire et l'accroissement des menaces pesant sur le statut des agents publics. Qu'en sera-t-il, demain, si toute idée de maîtrise publique est abandonnée ?

Le deuxième exemple, à savoir la création d'un marché des certificats d'économie d'énergie aux termes du titre Ier du projet de loi, est symbolique du caractère typiquement libéral de la démarche gouvernementale. Celui qui aura les moyens financiers d'acquérir ces certificats pourra se dispenser de participer effectivement à l'effort d'économies d'énergie. Sans parler de morale, on est en droit de douter de l'efficience de ces mécanismes qui renvoient expressément au mythe du marché autorégulateur. Ces doutes sont d'autant plus fondés que le secteur des transports, celui qui recourt le plus aux énergies fossiles et contribue le plus à l'effet de serre, n'est pas concerné.

Sur ces deux points, notre désaccord est total. Nous aurons encore l'occasion de le faire valoir lors de l'examen du projet relatif au service public de l'électricité et du gaz : les critères économiques du marché dans lequel évoluent les entreprises privées sont incompatibles avec la réalisation des missions de service public et leur financement.

En attendant, si nous apprécions la présentation d'un projet de loi d'orientation sur l'énergie, il n'en demeure pas moins imprégné d'une vision étroitement libérale que nous rejetons. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Claude Gatignol a brillamment présenté la position du groupe UMP. Je n'y reviendrai donc pas ; nous y adhérons tous. Je souhaite néanmoins formuler quelques remarques supplémentaires.

D'abord, nous devons, ce soir et dans les jours qui viennent, éviter un écueil, celui de tout mélanger, comme la tentation s'en est fait sentir, ici même, sur un certain nombre de bancs. Nous n'examinons pas un projet de loi sur le réacteur à eau pressurisée. Nous n'examinons pas - cela viendra, semble-t-il, dans quelques semaines - le projet de loi sur le changement de statut d'EDF-GDF. Nous avons, comme l'a rappelé cet après-midi le ministre d'Etat, à nous poser une question, d'ailleurs considérée comme préalable par l'ensemble des partenaires sociaux : quel projet industriel faut-il donner aux deux entreprises, EDF et GDF, qui, aujourd'hui, portent l'intérêt général de la France en matière énergétique ? Comment concevons-nous le bouquet énergétique français dans les trente ans qui viennent ?

Je regrette personnellement que, dans ce débat, nous ne nous soyons pas suffisamment attachés à fixer un horizon concernant la production d'énergie française, notamment électrique, pour les trente années à venir. Nous allons débattre de l'avenir de notre bouquet énergétique, dont je regretterais, pour ma part, qu'il devienne un panier.

Dans une Europe déficitaire en matière énergétique et en électricité et dans laquelle nous souhaitons que nos deux entreprises, EDF et GDF, figurent, demain, parmi les champions, nous devons nous poser en préalable la question de savoir ce que nous voulons pour la France : voulons-nous simplement faire des prévisions sur l'évolution de notre production électrique et de notre consommation énergétique pour les trente ans qui viennent, ou voulons-nous essayer de nous placer dans une perspective plus dynamique pour déterminer la place que la France souhaite occuper, demain, dans trente ans, en matière d'activité gazière et de production d'électricité dans l'Europe des vingt-cinq ?

Cette question importante est à la base des débats, que nous continuerons à avoir prochainement, sur le devenir des deux entreprises.

Un autre écueil à éviter, dans lequel certains sont déjà tombés, est d'opposer le nucléaire aux énergies renouvelables.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est vrai !

M. François-Michel Gonnot. La question ne se pose d'ailleurs pas. A partir du moment où nous désirons maintenir notre indépendance et nos capacités d'exportation dans les trente ans qui viennent - rappelons qu'en matière électrique, deux pays, la France et l'Allemagne, ont à la fois une capacité d'autosuffisance et des possibilités d'exportation -, la France doit développer un bouquet énergétique qui devienne non pas un panier, mais une vraie gerbe énergétique.

Il faut conserver le nucléaire. Dans dix ans, dans vingt ans, peut-être nous demanderons-nous même s'il faut augmenter ou non notre production d'origine nucléaire en matière d'électricité.

Nous devons aussi développer de façon dynamique, cela a été souligné par plusieurs d'entre nous, les autres sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Dans cet ensemble, les énergies renouvelables ont un rôle tout particulier à jouer.

Sur le nucléaire, tout a été dit, me semble-t-il. Malgré quelques divergences, il existe un large consensus dans notre assemblée pour garder ouverte une option, pour ne pas fermer la porte de l'avenir nucléaire de la France, dont nous sommes, à la quasi-unanimité sur ces bancs, fiers. Le ministre d'Etat l'a d'ailleurs très bien précisé.

M. Yves Cochet. Pas moi !

M. François-Michel Gonnot. Oui, vous êtes le seul.

Le nucléaire a garanti notre indépendance électrique. Il est compatible avec l'avenir environnemental de la planète. Surtout, la France a la chance de posséder la seule filière nucléaire et industrielle qui ait encore une capacité d'exportation. Les Américains n'ont plus vendu une centrale électronucléaire depuis trente ans ; les Russes n'en ont plus fourni depuis Tchernobyl. Il ne reste plus que la France, qui doit avoir l'ambition de maintenir ce potentiel industriel et de recherche.

L'EPR - qui devrait d'ailleurs être rebaptisé REP, réacteur à eau pressurisée, pour ne pas le faire entrer sous son sigle anglo-saxon dans notre droit français - est-il la solution ? Aujourd'hui, il s'agit simplement d'en garder la possibilité et d'essayer de voir de quelle façon il peut nous permettre de conserver l'avance acquise ces dernières décennies.

Concernant les énergies renouvelables, monsieur le ministre, nous avons eu en commission - et ce sera sans doute encore le cas en séance - un débat, y compris au sein de la majorité comme il en existe déjà un, nous l'avons constaté tout à l'heure, au sein de l'opposition.

La production électrique française étant destinée à croître dans les trente ans qui viennent...

M. Yves Cochet. Pourquoi ?

M. François-Michel Gonnot. ...nous devons, malgré notre capacité à maîtriser notre propre consommation intérieure, avoir une ambition sur les énergies renouvelables, comme nous l'avons eue, et comme nous l'avons toujours, sur le nucléaire. Au-delà des clivages politiques, il faut parvenir à élaborer une législation, une réglementation, bâties autour d'une volonté, et imposer l'ensemble des énergies renouvelables. Or des divergences s'expriment dans cette assemblée, il faut le reconnaître à propos de l'éolien. Certains collègues, qui sont les premiers à cette tribune à crier « Vive le vent ! », combattent, parfois farouchement, l'éolien dans leur mairie ou dans les commissions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous commettrions pourtant une grave erreur vis-à-vis de l'opinion et de la jeunesse en barrant l'avenir de l'éolien.

Il faut parfois arbitrer des divergences, et ce débat permettra sans doute de les atténuer. Nous devons également être conscients que si nous voulons continuer dans la voie du nucléaire pour les trente années à venir, nous serons contraints, vis-à-vis de l'opinion, de nous montrer généreux en faveur de l'ensemble des énergies renouvelables, notamment l'éolien.

Ma dernière réflexion, monsieur le ministre, porte sur un problème sur lequel le Gouvernement a gardé jusqu'à maintenant un silence prudent et qui a déjà été évoqué par plusieurs d'entre nous, celui de la contribution aux charges du service public de l'électricité.

Le système a été mis en place en 2000 par la loi Electricité des socialistes. À l'époque, les charges devaient être de quelques centaines de millions d'euros. Le système ayant considérablement dérivé, nous en sommes aujourd'hui à 1,8 milliard d'euros, et tout le monde se gratte la tête en se demandant comment sortir de ce dispositif. En 2003, nous avons bricolé le transfert de ces charges de service public des comptes d'EDF à une contribution qui s'est ajoutée à la facture d'électricité. Nous apprêterions-nous à bricoler dans les mêmes conditions...

M. Jean-Yves Le Déaut. Avec ce Gouvernement, c'est toujours du bricolage !

M. François-Michel Gonnot. ...un nouveau dispositif visant à transférer sur le gaz une partie de l'obligation d'achat des énergies renouvelables, soit 600 millions sur 1,2 milliard d'euros, sans qu'aucune étude d'impact, sans qu'aucune évaluation n'ait été réalisée, sans même que nous l'ayons souhaité ? Et devrons-nous, dans quelques jours, à l'issue de nos débats, annoncer aux Français que leur facture de gaz va augmenter de 8 % ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est très critique !

M. François-Michel Gonnot. Il faut prendre son temps. Nous sommes face à un vrai problème. Plusieurs orateurs l'ont dit, sur tous les bancs ; le Gouvernement en est conscient ; la représentation nationale en est inquiète. Il faut éviter la dérive d'un système qui commence à nous échapper, remettre à plat, comme l'a souhaité Claude Gatignol, l'assiette de cette contribution, plutôt que d'essayer de bricoler une solution qui, certes, permettra d'alléger les comptes d'EDF de 600 millions d'euros, mais alourdira les factures de gaz de façon significative et de manière improvisée.

Ce texte est-il le bon support pour mener à bien cette réflexion et engager la réforme de la contribution aux charges du service public ? Je n'en suis pas sûr, d'autant que, le Gouvernement ayant déclaré l'urgence, ce texte ne reviendra pas devant nous.

M. François Brottes. Eh oui !

M. François-Michel Gonnot. Le Gouvernement doit prendre le temps de la réflexion, y associer tous les professionnels concernés et le Parlement, pour, peut-être, à l'occasion d'une prochaine loi, qui devrait arriver en juillet, ou à l'occasion de la loi de finances, nous proposer un dispositif qui réponde aux reproches que chacun adresse au système actuel, sans pour autant nous entraîner dans une autre aventure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Gautier.

Mme Nathalie Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir organisé un débat national sur l'énergie sans réussir à y intéresser le grand public et sans gagner la confiance des associations, le Gouvernement nous propose aujourd'hui d'examiner − dans la précipitation, alors qu'il s'agit d'une réflexion essentielle pour l'avenir de notre pays − un projet de loi d'orientation sur l'énergie. Ce devrait être l'occasion de remettre à plat notre politique énergétique et de faire des choix fondamentaux.

Parmi les controverses sur l'avenir énergétique du monde, relatives à l'importance des réserves fossiles, à la place du nucléaire, à la crédibilité du stockage du CO2, à l'ampleur des actions de maîtrise de la demande, je voudrais évoquer plus spécifiquement les sources d'énergie renouvelables. Elles constituent en effet un volet significatif dans tous les scénarios d'avenir. Même si leur contribution à l'approvisionnement énergétique est encore marginale, il importe de fixer des objectifs ambitieux à leur promotion. À la différence de l'Allemagne ou de l'Espagne − pour ne citer que ces deux pays −, la France a pris bien du retard dans la mise en place d'une politique nationale en faveur des énergies renouvelables, exception faite de l'énergie hydraulique.

Les énergies renouvelables méritaient un projet fondé sur des prévisions financières et prospectives. Le rapport présenté par M. Poignant est d'ailleurs sans concessions à ce sujet.

M. Bernard Accoyer. C'est un rapport de qualité !

M. François Brottes. C'est vrai !

Mme Nathalie Gautier. Deux secteurs − les transports routiers et le résidentiel ou les bureaux − sont responsables de l'essentiel des émissions de CO2 dans l'atmosphère. Il y a donc lieu d'agir en priorité pour une politique de soutien aux énergies renouvelables et à la production renouvelable de chaleur dans ces deux secteurs.

Le rapporteur note que le degré d'utilisation actuelle du solaire thermique dans notre pays est ridicule. De même, pour répondre au défi du transport, le fort potentiel que présentent les biocarburants reste sous-utilisé.

Les moyens de production d'électricité renouvelable, dont l'éolien, nécessitent un soutien public vigoureux. Sans les aides européennes, les opérateurs de terrain, dotés de peu de moyens propres, doivent faire preuve de beaucoup de volontarisme pour faire aboutir leurs projets. C'est essentiellement grâce aux programmes financés par la Commission européenne qu'un minimum de compétences et d'expériences dans ces domaines a pu être maintenu en France. Or c'est dans ce contexte que, l'année dernière, vous avez réduit de manière drastique les crédits de l'ADEME.

M. Yves Cochet. Eh oui !

Mme Nathalie Gautier. Pour ne parler que de la recherche énergétique, la répartition actuelle des crédits de la recherche publique est profondément déséquilibrée : à peine 7 % sont consacrés à l'ensemble que constituent maîtrise de l'énergie et énergies renouvelables. Il est urgent d'imposer, éventuellement par la loi, une réorientation des crédits de recherche en faveur de ces deux structures.

Celui des énergies renouvelables ne représente que 5 000 emplois en France, contre 70 000 en Allemagne et 200 000 dans toute l'Europe. En 2010, on table sur 800 000 emplois en Europe. Or votre projet n'aborde pas le gisement d'emplois que pourraient créer la valorisation de la recherche et le développement des technologies liées aux énergies renouvelables.

Dans son dernier bilan sectoriel consacré au sujet, l'agence française de l'innovation, l'ANVAR, montre à quel point ce thème, pourtant lourd d'enjeux, suscite peu de vocations dans les PME innovantes. L'agence peine à mobiliser les chercheurs et le nombre de projets qu'elle soutient est en baisse. L'année dernière, vingt-quatre projets seulement ont été consacrés aux énergies renouvelables. Il est temps de sortir de l'attentisme.

Quels moyens l'État peut-il et veut-il donner aux entreprises pour que leur capacité de production réponde aux objectifs envisagés pour le développement des énergies renouvelables ? Quels moyens souhaitons-nous mettre en place pour favoriser l'emploi dans ce secteur ? Il y a urgence à fixer des orientations chiffrées en la matière. Nos entreprises doivent pouvoir profiter des occasions offertes par ces filières renouvelables. Des politiques nationales volontaires doivent les y aider.

Trop de questions restent sans réponse. Cette loi d'orientation peu ambitieuse manque de conviction. D'ailleurs, la presse ne s'y est pas trompée et, à l'automne dernier, un quotidien national en faisait son gros titre : « Énergies renouvelables : la panne d'idées. La loi d'orientation ne suscite plus d'espoir. » On ne peut que le déplorer.

Monsieur le ministre, nous vous proposons près de 500 amendements afin d'enrichir votre texte...

M. le ministre délégué à l'industrie. Il y a des idées !

Mme Nathalie Gautier. ...et de bâtir un projet de société innovant en matière énergétique. Adoptez-les...

M. le ministre délégué à l'industrie. Les 500 ? (Sourires.)

Mme Nathalie Gautier. ...et nous pourrons peut-être alors voter votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Masdeu-Arus.

M. Jacques Masdeu-Arus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui vise principalement à définir les objectifs et les orientations de la politique énergétique de la France, qui, tirant les conséquences de l'ouverture des marchés, doit s'inscrire dans un contexte européen et mondial.

En matière d'énergie, nous avons deux défis majeurs à relever : nous devons maîtriser, d'une part, notre production et, d'autre part, notre consommation. De la réalisation de ces deux défis dépendra le respect des objectifs fixés par le présent projet de loi : sécurité de l'approvisionnement, préservation de l'environnement − notamment par la lutte contre l'effet de serre −, compétitivité du prix de l'énergie et garantie que tous auront accès à l'énergie.

Le premier défi est donc la maîtrise de la production.

La France ne dispose ni de pétrole ni de gaz sur son territoire,...

M. Yves Cochet. Ni d'uranium !

M. Jacques Masdeu-Arus. ...la fin de la production de charbon sur son sol est prévue pour 2005, et une grande part de ses besoins énergétiques, notamment électriques, est assurée par l'industrie nucléaire.

Le choix du nucléaire, qui a été fait à la suite du choc pétrolier de 1973, s'est révélé décisif, tant sur le plan tant de notre indépendance énergétique que du coût de l'énergie produite et de la protection de l'environnement, puisque, à la différence des combustibles fossiles, le nucléaire n'émet pas de gaz à effet de serre.

M. Yves Cochet. Mais il est radioactif !

M. Jacques Masdeu-Arus. Je me félicite donc que ce choix se trouve confirmé par ce projet de loi, qui maintient l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2020, date des premières mises à l'arrêt définitif des centrales nucléaires françaises.

En effet, les cinquante-neuf réacteurs actuels devront être remplacés au plus tard en 2025. Or il apparaît que les réacteurs nucléaires de quatrième génération, qui auront l'avantage de ne pas produire de déchets nucléaires, ne pourront être industrialisables avant 2050. Pour assurer la continuité du parc nucléaire français, le choix se porte donc logiquement sur le réacteur de troisième génération, l'EPR, beaucoup plus moderne et deux fois plus sûr que les centrales actuelles. Il a une productivité de 10 % supérieure, ce qui permettra de diminuer le prix de l'électricité. Enfin, sa production de déchets est réduite de 15 à 30 %.

Il n'existe pas d'alternative : affirmer le contraire relève au mieux du mensonge, au pire de l'irresponsabilité.

Ainsi, en continuant de produire elle-même, grâce à son parc nucléaire, 75 % de son énergie et les quatre cinquièmes du courant électrique qu'elle consomme, la France assure son indépendance et se met à l'abri d'une fluctuation des prix, voire d'une pénurie des autres énergies combustibles, qu'elle est dans l'obligation d'importer. C'est grâce à cette prééminence du nucléaire que l'on pourra continuer à garantir aux Français un prix compétitif de l'énergie.

Pour autant, la France ne peut faire le choix du tout nucléaire. Il lui faut diversifier son bouquet énergétique, d'une part parce que le nucléaire ne sait pas répondre à tous les besoins en énergie, comme ceux des différents modes de transport qui sont de gros consommateurs, et, d'autre part, pour la préservation de notre environnement.

Aussi, devons-nous doter notre pays des moyens législatifs nécessaires pour favoriser la production d'énergies primaires, notamment des énergies renouvelables, et maîtriser au mieux notre consommation d'énergie. C'est ce double objectif que visent les titres Ier et II du présent projet de loi.

Le deuxième défi est la maîtrise de notre consommation d'énergie.

Maîtriser sa consommation d'énergie, c'est avant tout assurer la sécurité de son approvisionnement. La canicule qui a frappé une partie de l'Europe au cours de l'été 2003 doit nous faire prendre conscience de la nécessité d'une plus grande efficacité énergétique.

La coupure d'électricité qu'a connue l'Italie en septembre 2003 a révélé que, sans une interconnexion continue des réseaux européens, permettant un échange d'informations et une réactivité immédiate, un territoire pouvait brusquement connaître une pénurie d'électricité. En ce domaine, la France doit être une force de proposition, car elle possède, avec RTE, un gestionnaire indépendant qui remplit parfaitement ses missions de transport et de distribution de l'électricité, tout en assurant l'équilibre des flux sur le réseau. Il convient donc de construire un grand réseau interconnecté moderne qui relie l'ensemble des pays européens. Ce sera un facteur d'efficacité et de compétitivité en Europe, et la garantie d'un accès à tous les consommateurs français et européens.

De ce point de vue, l'objectif d'une garantie d'un niveau minimal de sécurité d'approvisionnement, formulé par l'article 12 du présent texte, est un préalable nécessaire mais insuffisant. RTE doit avoir les moyens de remplir les missions qu'on lui octroie ; il conviendra donc d'assurer un investissement pérenne, en s'interrogeant notamment sur l'évolution du capital de RTE.

Maîtriser la consommation d'énergie, c'est aussi faire des économies d'énergie. Or, aujourd'hui, nous sommes tous responsables de la situation énergétique de notre pays : l'État, les collectivités territoriales et les entreprises, comme chacun d'entre nous, dans sa vie quotidienne. Il s'agit donc, pour rechercher l'efficacité, de faire porter l'effort sur la demande en énergie. C'est l'objet du dispositif des certificats d'économie d'énergie qui vise à accroître l'investissement des acteurs économiques dans ce domaine.

C'est aussi renforcer la performance énergétique de nos bâtiments par l'emploi d'énergies renouvelables, par l'approvisionnement en énergie, par l'exigence plus élevée des caractéristiques thermiques.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Masdeu-Arus.

M. Bernard Accoyer. C'est intéressant !

M. Jacques Masdeu-Arus. Mais cette maîtrise des énergies n'apparaîtra réalisable que si la France et l'Europe conduisent une véritable politique en recherche et développement.

Afin de développer des nouvelles technologies de l'énergie, l'effort de recherche doit être à la fois national et européen.

La croissance des budgets de recherche publics et privés pour les objectifs prioritaires ainsi fixés doit être prévue, au plus vite, dans nos lois de finances. Car dans des domaines comme celui des transports, des évolutions technologiques ne pourront intervenir qu'en fonction des résultats des recherches sur l'hydrogène, les véhicules électriques, la pile à combustible, les biocarburants.

Le développement des biocarburants répond prioritairement aux exigences de protection environnementale car c'est le seul moyen d'améliorer rapidement la qualité de l'air.

Aujourd'hui, la production française d'éthanol-carburant plafonne à 1,1 million d'hectolitres depuis 1998. L'Allemagne produit deux fois plus de biodiesel que la France, pourtant pionnière dans ce domaine.

Il convient de mettre en place un véritable plan stratégique qui trouvera ses ressources dans des mesures de défiscalisation et d'aide à la recherche et au développement.

C'est en accompagnant nos déclarations d'intention et les objectifs que nous nous sommes fixés, de financements pérennes, que nous donnerons à notre politique énergétique les moyens véritables de son ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour présenter les choses différemment, je dirai qu'il existe des sources d'énergie à contraintes faibles et des systèmes énergétiques à contraintes fortes. Une bonne politique de l'énergie à long terme consiste à promouvoir les premières et à réduire, pour finalement les abandonner, les seconds.

Les sources d'énergie à contraintes faibles...

M. Bernard Accoyer. Le soleil !

M. Yves Cochet. ...se résument en trois mots : sobriété, efficacité, renouvelabilité.

La sobriété conduit à réorganiser notre système énergétique pour éviter les gaspillages et adopter les comportements les plus vertueux possibles, au niveau tant collectif qu'individuel.

L'efficacité consiste à organiser des services énergétiques identiques. Nous savons déjà le faire et la recherche continue de progresser.

Les énergies renouvelables sont à la fois dispersées, ce qui est une grande force, partout présentes, innombrables, très décentralisées, complémentaires et bien entendu presque éternelles puisqu'elles viennent du soleil.

Certains proposent de faire tout à la fois, de diversifier notre bouquet énergétique. Mais ce n'est pas possible.

M. Bernard Accoyer. Quelle résignation ! Quel manque d'ambition !

M. Yves Cochet. On le sait bien à Bercy : pour des raisons économiques et budgétaires, vous ne pourrez pas à la fois renouveler le parc nucléaire, faire des économies d'énergie et développer les énergies renouvelables.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. En effet !

M. Yves Cochet. Cela demanderait des investissements industriels considérables sur une longue durée. Il n'est pas aussi facile de modifier une répartition de sources d'énergie, cela se fait sur des décennies. Il faut donc engager un effort industriel considérable, comme celui mis en œuvre, à partir de 1974, par le gouvernement Messmer, à mon grand dam. A cette époque déjà, il fallait faire autre chose et surtout pas du nucléaire.

Le potentiel d'économies d'énergie de notre pays est supérieur à 50 % et davantage encore dans le secteur électrique. Il n'est donc nullement besoin de renouveler un parc nucléaire qui est, par ailleurs, un système énergétique à très fortes contraintes, dépendant beaucoup des transports. Il est faux de dire que le nucléaire nous apporte une indépendance. Nous n'avons pas de gisement d'uranium et les déchets comme les combustibles se promènent sur les routes de France (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) en raison du choix du retraitement concentré à La Hague.

Le nucléaire est une industrie nationaliste, une industrie pour la guerre, une industrie pour la prolifération, une industrie qui incite au terrorisme, comme Greenpeace l'a démontré en février 2003. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. C'est vous le terroriste !

M. Yves Cochet. Monsieur Myard, ne riez pas ! C'est extrêmement sérieux !

C'est sur ce potentiel de 50 % d'économies d'énergie - thermique, de transport, de force électromotrice ou d'électricité spécifique - qu'il faut faire porter l'effort. Vous ne pourrez pas le faire avec le nucléaire.

M. Jacques Myard. Le nucléaire, c'est l'avenir !

M. Yves Cochet. J'ai remarqué cet après-midi une certaine évolution dans la rhétorique de M. Sarkozy. Il a en effet employé des mots qu'il n'avait pas prononcés voilà trois semaines lors du débat sans vote sur la politique énergétique de la France. Il a tout d'abord déclaré qu'il fallait lutter contre le réchauffement climatique. Nous le disons depuis trente ans, certains l'ont découvert l'an dernier avec la canicule. Mieux vaut tard que jamais !

Il a dit ensuite qu'il fallait développer la filière nucléaire qui garantit notre indépendance. C'est une impasse stratégique, que nous payerons très cher. Regardez les projections de la plus grande institution mondiale en ce qui concerne les demandes sectorielles d'énergie, l'AIE : elle prévoit une réduction de la part du nucléaire dans le monde ; le Conseil mondial de l'énergie également.

M. Jean-Claude Lenoir. Mais non !

M. Yves Cochet. Si, monsieur Lenoir.

Mais M. Sarkozy ajoute, et c'est très intéressant, qu'il faut également observer l'évolution actuelle du prix des hydrocarbures et craindre à terme - là, il a eu le tort de donner des chiffres - la perte ou le déclin de la production mondiale de pétrole. Sur ce point, M. Sarkozy a tout à fait raison.

Quand on regarde ce que j'appelle les énergies à contraintes, c'est-à-dire les hydrocarbures ou bien le nucléaire, le problème que nous aurons bientôt à résoudre ne sera pas de savoir s'il faut ou non construire un EPR - il ne le faut pas ! - mais d'affronter le choc provoqué par le niveau de plus en plus élevé du prix des matières premières fossiles, notamment le pétrole et le gaz.

M. Jacques Myard. La réponse est donc dans le nucléaire !

M. Yves Cochet. Ce n'est pas pour 2030, c'est pour bientôt. Le choc ne sera pas analogue à ceux de 1973 et de 1979.

M. Jacques Myard. Raison de plus pour rester indépendants !

M. Yves Cochet. Il sera structurel, pour des raisons à la fois économiques - la demande est structurellement excessive par rapport à l'offre -, et géologiques , la déplétion de la matière elle-même.

Or pour amortir ce choc, vous ne faites rien, en particulier dans le domaine crucial des transports. Pourtant ce matin, Air France a augmenté de trois euros le prix du billet simplement parce que le baril est à quarante dollars. Le prix du baril va continuer à monter pour des raisons structurelles et définitives. On ne pourra pas acheter davantage de pétrole, il y en aura moins ! Ce n'est pas seulement le prix qui monte, c'est la source qui se tarit !

M. Jacques Myard. Donc il faut faire du nucléaire !

M. Yves Cochet. Or sur ce point, votre loi ne prévoit rien. Le premier impératif est de réduire la consommation, et non pas l'intensité énergétique.

Réduire l'intensité énergétique, signifie que l'on devient un peu plus efficace. Bien sûr, il faut le faire, mais pourquoi ne pas fixer l'objectif d'une diminution de 1 % par an de la consommation réelle de l'énergie en France, ou de 2 % par an de la consommation réelle d'hydrocarbures ? Voilà de vrais objectifs.

Malheureusement, vous ne les avez pas inscrits dans la loi. Heureusement, nous défendrons demain plusieurs dizaines d'amendements pour sauver notre pays de vos inconséquences ou votre aveuglement en matière énergétique. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si gouverner c'est anticiper, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin mérite notre considération.

En effet, il nous propose un choix clair. C'est la première fois que le Parlement est invité à se prononcer.

La logique a conduit le Gouvernement à engager d'abord un débat national auquel beaucoup ont participé, à le poursuivre ici même et au Sénat, à nous soumettre aujourd'hui un projet de loi d'orientation sur l'énergie et enfin, dans quelques semaines, à nous faire légiférer sur le changement de statut d'EDF et de GDF.

J'ai recherché les dates auxquelles nous avons débattu des choix énergétiques. J'ai trouvé un premier débat en 1974, mais il s'agissait d'une loi sur les économies d'énergie. Puis il a fallu attendre 1989. La gauche est au pouvoir...

M. Christian Bataille. Ah !

M. Jean-Claude Lenoir. ...et l'idée lui vient l'idée d'organiser un débat. Elle le place un vendredi matin, de neuf heures à treize heures et ce débat n'est sanctionné par aucun vote.

M. François-Michel Gonnot. Ridicule !

M. Christian Bataille. C'était mieux que vous !

M. Jean-Claude Lenoir. Il est clair que si les gouvernements de gauche successifs n'ont jamais osé demander un vote, ce n'est pas parce qu'ils doutaient du résultat, mais parce qu'ils savaient leur majorité profondément divisée.

M. Christian Bataille. Il y a eu d'autres débats, vous les avez oubliés ! La mémoire vous manque !

M. Jean-Claude Lenoir. Aujourd'hui, le Gouvernement nous invite à clarifier les positions des représentants du peuple. Voilà quelques semaines, et tout à l'heure encore, nous avons entendu nombre de billevesées sur ce sujet, comme si certains de nos collègues pensaient édifier une politique énergétique sérieuse et cohérente en se contentant de regarder voler les coquecigrues ! Ce débat mérite davantage de sérieux.

Vous nous fixez, monsieur le ministre, des choix cohérents. Soyons clairs : il n'y a pas de solution alternative au nucléaire.

M. Jacques Myard. Bien entendu !

M. Claude Gatignol. C'est exact !

M. Jean-Claude Lenoir. Dans quelques minutes nous serons le 19 mai. Or c'est le 19 mai 1974, que fut élu Valéry Giscard d'Estaing ...

M. Jean-Yves Le Déaut. Ce n'est pas ce qui a été fait de mieux !

M. Jean-Claude Lenoir. ...qui a donné une impulsion décisive aux choix du gouvernement de Pierre Messmer en faveur du nucléaire.

M. Yves Cochet. Et de Superphénix !

M. Jean-Claude Lenoir. Où en serions-nous si ce gouvernement n'avait pas fait un choix courageux ?

Aujourd'hui nous sommes également invités à faire preuve de courage en nous prononçant très clairement sur la place que le nucléaire doit occuper dans le paysage énergétique français et en choisissant le nouveau réacteur démonstrateur européen qui va être installé en Finlande et que nous appelons de nos vœux pour notre pays.

Au sujet du nucléaire, j'aurais souhaité qu'intervienne avant moi à cette tribune, quelqu'un qui aurait exercé des responsabilités dans le précédent gouvernement de gauche, qui aurait, par exemple, été ministre de l'environnement. J'aurais souhaité l'entendre rappeler ce qu'il avait proposé quand il était aux affaires, la politique qu'il se proposait de conduire.

Malheureusement, ce souhait n'aura pas été exaucé. Je cherche encore à entendre la voix de quelqu'un qui avait la possibilité, parce qu'il était responsable et qu'il était au gouvernement,...

M. Jean-Yves Le Déaut. C'est une attaque injuste contre mon ami Cochet !

M. Jean-Claude Lenoir.... de mettre en œuvre une politique, mais qui voudrait aujourd'hui nous nous faire passer pour des défenseurs frileux de la filière électronucléaire. Sur ce sujet, nous ne sommes pas des peccamineux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. C'est beau !

M. Jean-Claude Lenoir. Nous affirmons avec clarté et conviction que le nucléaire permettra à la France de franchir les caps difficiles des années qui nous conduiront jusqu'en 2040.

Enfin, monsieur le ministre, les propositions que vous nous faites tracent des perspectives encourageantes pas seulement pour nous, mais aussi pour l'Europe et le reste du monde. J'appelle de mes vœux une vraie politique européenne dans le domaine de l'énergie, parce que l'interconnexion est nécessaire et que les choix industriels doivent être faits en commun au sein de l'Europe. Ils doivent être suffisamment exemplaires pour que les pays en voie de développement puissent se doter d'une industrie qui les mette à l'abri à la fois du besoin en énergie, notamment en électricité, et des conséquences catastrophiques pour l'environnement du développement du thermique classique. Je pense notamment aux grands pays émergents - ils ont émergé depuis si longtemps qu'ils ont effectivement une place importante - : la Chine, l'Inde, l'Indonésie, et d'autres encore

. Ces pays n'auront d'autre solution, selon les prédictions faites par un orateur qui m'a précédé s'agissant du pétrole, que de se tourner rapidement vers le nucléaire,...

M. Yves Cochet. Cela m'étonnerait !

M. Jean-Claude Lenoir. ...et nous pouvons les y aider.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Lenoir !

M. Jean-Claude Lenoir. Le mot « vertueux » a souvent été utilisé par un orateur de l'opposition. Mon cher collègue, en latin, la vertu c'est le courage. Je vous invite à être suffisamment courageux pour permettre à notre pays d'avoir les moyens d'assumer les choix de vie qui sont les siens et le choix de société auquel nous nous rallions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux.

Mme Claude Darciaux. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le débat promis sur l'avenir énergétique de la France et sur les choix stratégiques qui doivent être faits pour garantir l'autonomie énergétique de notre pays, protéger l'environnement et répondre aux engagements pris à Kyoto arrive enfin au Parlement et, surtout, se terminera par un vote. Nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur, que vous ayez accepté que les orientations prévues initialement en annexe dans le projet de loi soient désormais réintégrées dans l'article 1er, comme nous l'avions demandé en commission.

Ce débat sur la politique énergétique de la France, et non sur l'électricité - ne nous trompons pas ! -, a eu le mérite de faire apparaître l'importance des problèmes liés au changement climatique et à l'énergie nucléaire, et la priorité qui doit être donnée à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et aux économies d'énergie.

Ces questions, évoquées dans une perspective nationale, doivent être aujourd'hui débattues dans un contexte européen et international, car le sentiment qui prévaut, c'est qu'il faut agir vite et fort pour pouvoir respecter les engagements de Kyoto.

Du fait de son statut de projet de loi d'orientation et de son importance, ce texte aurait mérité davantage de concertation, de débats et de transparence. Nous en sommes aujourd'hui réduits à l'examiner dans l'urgence sans une appropriation citoyenne qui me semble indispensable à la réussite des enjeux que constituent la maîtrise des économies d'énergie et la diversification des sources d'énergie avec le développement des énergies renouvelables et la lutte contre les gaz à effet de serre.

Il aurait fallu intégrer ces problématiques dans le débat citoyen avec les Français. Jean-Pierre Raffarin ne déclarait-il pas, le 18 mars dernier, « je veux savoir ce que les Français pensent, connaître leurs attentes ou tout simplement leurs interrogations » ? En effet, définir une politique énergétique, c'est d'abord intégrer les besoins à satisfaire et, ensuite, déterminer le type d'énergie appropriée.

Vous annoncez comme priorité numéro un la maîtrise de la demande en énergie. Or force est de constater que la consommation d'énergie continuera d'augmenter de façon considérable au cours des prochaines décennies, sous la double pression de la démographie et du besoin en Asie. Et le besoin de ressources énergétiques étant une nécessité à satisfaire, nous pressentons que les années futures seront difficiles pour la sécurité d'approvisionnement et l'évolution du prix du pétrole.

Rien dans ce projet de loi ne permet d'envisager une politique ambitieuse et volontariste en matière d'économies d'énergie. Les enjeux de service public d'aménagement du territoire tels que le droit à l'énergie en tant que bien de première nécessité, la péréquation tarifaire, les différents rôles joués par les collectivités territoriales, ne sont nullement évoqués. Ce texte n'apporte pas de solution à la dépendance au pétrole dans l'habitat et les transports. L'économie de l'après-pétrole devrait pourtant être prise en compte rapidement. Malgré l'importance de l'énergie nucléaire, la consommation pétrolière reste particulièrement forte non seulement pour les transports, qui dépendent à 95 % du pétrole, mais aussi pour l'industrie et l'agriculture.

Dans le secteur des transports, dont la consommation énergétique représente un tiers de la consommation finale et qui est largement responsable des émissions de gaz à effet de serre dont les conséquences sur la santé publique suscitent de nombreuses craintes, vous ne proposez ni une stratégie visant à réduire la dépendance pétrolière de la France et de l'Europe...

M. Yves Cochet. Très juste !

Mme Claude Darciaux. ...ni une réorientation de la politique des transports dans le sens d'une moindre dépendance routière. Aucun plan ambitieux pour des biocarburants indépendants n'est prévu, pas plus que le développement de l'intermodalité ou la mise en place de lignes de ferroutage pour les camions en transit. Où sont vos objectifs en matière de développement du fret ? Pis, vous avez supprimé les aides aux collectivités locales pour les transports en site propre et le développement des transports en commun !

M. Yves Cochet. Eh oui !

Mme Claude Darciaux. S'agissant du parc de bâtiments - secteur qui représente à lui seul plus d'un quart de la consommation finale d'énergie en France -, ce projet ne prévoit ni d'imposer ni de financer des mesures d'économie d'énergie lors de la réhabilitation, qui devrait être assez massive, de logements sociaux.

Peu d'incitations sont prévues pour l'isolation thermique dans la réhabilitation des logements anciens. Rien n'est prévu concernant les baisses de charges dans l'habitat grâce à l'utilisation de la géothermie et de l'énergie solaire : 600 000 chauffe-eau solaires ont été installés en 2003, soit huit fois moins qu'en Allemagne !

M. Jean-Yves Le Déaut. Très mal !

Mme Claude Darciaux. Enfin, votre politique de recherche, appropriée pour chaque filière d'énergie renouvelable qui peut apporter une contribution importante pour ce qui est de la consommation d'énergie dans l'habitat et les transports, n'est malheureusement pas financièrement à la hauteur. Vous avez même réduit de façon drastique les budgets de l'ADEME concernant la biomasse, diminué les subventions aux collectivités locales pour les transports en site propre. Quant aux objectifs inscrits au contrat de plan Etat-ADEME, ils vont être revus à la baisse. Il est urgent...

Mme la présidente. De conclure, madame la députée !

Mme Claude Darciaux. ...aujourd'hui de prendre des mesures concrètes qui engagent notre société dans la voie d'une réduction importante des gaz à effet de serre. Les économies d'énergie ne doivent pas rester un simple slogan. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec une loi d'orientation sur l'énergie nous nous lançons à nous-mêmes deux défis.

D'abord, moderniser notre politique de l'énergie, l'adapter aux exigences de notre temps. Cela s'impose, puisque les textes et les politiques en la matière ont été créés il y a bien longtemps et que certaines lois importantes n'ont jamais été écrites, en tout cas jamais votées.

Ensuite, donner plus de sens à cette politique de l'énergie, l'ordonner au service de ce que doivent être ses grands objectifs : l'intérêt supérieur du pays - en particulier l'indépendance énergétique -, la préservation de la qualité de l'environnement local et global, la compétitivité économique, l'aménagement équilibré du territoire.

Ces deux objectifs - moderniser notre politique énergétique et lui donner plus de sens - sont pour l'essentiel atteints grâce à ce projet.

M. Yves Cochet. Vous n'êtes pas très exigeante !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je commencerai par le second.

M. le ministre d'Etat le rappelait ici cet après-midi , le projet de loi sur l'énergie repose sur quatre piliers : la lutte contre l'effet de serre, la confirmation de l'option nucléaire avec le lancement de l'EPR, le développement des énergies renouvelables et le renouvellement de notre politique de maîtrise de l'énergie.

Je veux plus particulièrement saluer les mesures prévues pour les économies d'énergie dans les bâtiments, sources majeures de progrès. Il nous faut, sur ce sujet, être extrêmement ambitieux. Permettez-moi seulement de regretter que ce texte - mais je comprends que son format s'y prête mal - n'aille pas plus loin en matière d'économies d'énergie dans les transports.

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

M. Yves Cochet. C'est le moins que l'on puisse dire !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il s'agit d'une source majeure de pollution non seulement globale en termes d'effet de serre, mais aussi locale comme le montre un récent rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire et environnementale , qui évalue à plusieurs milliers le nombre annuel de décès dus aux particules fines.

M. Yves Cochet. Eh oui ! C'est le diesel !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il s'agit aussi d'un secteur fortement exposé aux variations du prix des hydrocarbures et à leur augmentation inéluctable à plus ou moins moyen terme.

Permettez-moi aussi de regretter avec le rapporteur, Serge Poignant, que ce projet ne soit pas plus ambitieux en matière de recherche. J'y ajouterai une touche plus personnelle. Je fais partie de ceux, nombreux, qui croient à la nécessité, compte tenu des délais et du besoin de renouveler prochainement notre parc nucléaire, de disposer d'un réacteur de transition, l'EPR. Mais il doit bien s'agir d'un réacteur de transition. Les exigences environnementales, économiques, technologiques rendent en effet souhaitable de passer dès que possible à la quatrième génération.

Notre effort de recherche ne doit donc pas se relâcher, bien au contraire. Le choix de l'EPR ne doit pas non plus nous conduire à envisager d'emblée le renouvellement de l'ensemble du parc actuel en EPR. Encore une fois, il s'agit d'une transition dont la brièveté témoignera de la vitalité et de l'excellence de notre recherche et de notre industrie qui nous auront amenés plus rapidement à la quatrième génération.

Donner plus de sens à notre politique de l'énergie, c'est aussi tirer tous les avantages économiques du choix nucléaire. L'électricité nucléaire est moins coûteuse en moyenne que l'électricité thermique. Cet avantage comparatif est le fruit d'efforts consentis par la nation depuis le début du programme nucléaire. Il serait légitime que la France en tire aujourd'hui avantage au travers de gains de productivité. Dans cet esprit, j'ai déposé un amendement afin d'inviter l'opérateur des centrales nucléaires à offrir aux entreprises intéressées des contrats de fourniture de long terme. Je pense en particulier aux industries très intensives en consommation énergétique, qui doivent trouver ainsi une incitation à développer leurs installations en France.

Pour finir, je reviendrai sur l'objectif de modernisation de notre politique de l'énergie dont les grandes lignes ont été tracées dans le texte de loi. Certains vestiges persistent, dont la mise à jour revêtirait un caractère hautement symbolique. Je pense, par exemple, au nom du CEA - le Commissariat à l'énergie atomique - qui travaille depuis longtemps non seulement sur l'énergie nucléaire, en particulier sur les réacteurs de nouvelle génération, mais aussi sur les énergie alternatives. Différents programmes extrêmement prometteurs y sont développés. Il me semblerait logique, pour prendre acte de cette évolution et l'accompagner, de renommer le CEA en l'appelant Commissariat aux énergies de l'avenir ou Commissariat aux énergies et technologies de l'avenir.

M. Jean-Yves Le Déaut. C'est un grand projet !(Sourires .)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette formulation permettrait de prendre mieux en compte les travaux réalisés sur les sciences du vivant.

Permettez-moi, pour conclure, de dire combien, à mon sens, le projet de charte constitutionnelle de l'environnement, que nous examinerons à partir de mardi prochain, vient en écho à nombre de préoccupations que nous avons évoquées ce soir. Ces projets ne sont pas sans cohérence, ce dont, je crois, nous devons tous nous réjouir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on l'a dit et répété à cette tribune, aussi n'y reviendrai-je que par allusion : notre avenir énergétique est conditionné par l'énorme problème du réchauffement climatique.

Je ne rappellerai pas des constats, qui, récemment encore, n'étaient pas avérés, puisque, il y a dix ans, les scientifiques doutaient encore du réchauffement de la planète.

Aujourd'hui, le protocole de Kyoto nous oblige à réfléchir. Ce texte, qui fait l'unanimité en Europe, connaît des difficultés d'application dans le monde. Or les efforts accomplis en France et en Europe ne peuvent avoir leur pleine efficacité tant que les principaux émetteurs de gaz à effet de serre - je pense en particulier aux Américains - n'y participent pas. Renonçons donc aux déclarations incantatoires et demandons plutôt à nos diplomates de convaincre les Américains de se rasseoir autour de la table et de reprendre les négociations en vue de limiter le rejet de gaz à effet de serre ! Au cours d'un déplacement récent aux Etats-Unis pour le compte de notre assemblée, j'ai pu mesurer combien les Américains étaient loin de l'état d'esprit qui prévaut aujourd'hui en Europe et quels efforts de persuasion nous devions encore déployer en direction de ce grand partenaire économique que sont pour nous les Etats-Unis.

Si l'on veut éviter le rejet de gaz à effet de serre, il faut une politique énergétique qui s'appuie simultanément - cela a été dit à plusieurs reprises - sur les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire.

Pour ce qui est des premières, il faut amplifier, en les maîtrisant mieux, les schémas régionaux d'énergie éolienne, développer les recherches sur le photovoltaïque, le solaire thermique et la géothermie. Enfin, pourquoi avoir renoncé à un effort en matière d'hydroélectricité et ne pas avoir développé les microcentrales hydrauliques ? Il reste là d'importantes réserves d'énergie renouvelable.

M. Claude Gaillard. C'est vrai !

M. Yves Cochet. Non, cela joue sur des quantités minimes.

M. Christian Bataille. En ce qui concerne le nucléaire, je veux m'associer clairement aux propos tenus par Claude Birraux sur la concrétisation de l'EPR et la nécessité de le mettre en œuvre dans un futur proche.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Christian Bataille. L'an dernier, j'ai mené avec lui une mission de plusieurs mois, au terme de laquelle nous avons cosigné un rapport de 350 pages, à l'époque où l'Assemblée n'était pas saisie des débats qui nous occupent aujourd'hui. Nos conclusions avaient été entérinées à l'unanimité par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La première était que la durée de vie des centrales peut être portée à quarante, voire à cinquante ans. Les Américains les prolongent même jusqu'à soixante ans.

M. Yves Cochet. Oh ! là ! là !

M. Christian Bataille. N'oublions pas que de telles décisions sont prises sous l'égide de l'autorité de sûreté, qui doit émettre un avis tous les dix ans.

M. Claude Gatignol. En effet.

M. Christian Bataille. Notre deuxième conclusion était que la génération IV se révélait très prometteuse. Je comprends bien la raison de certaines déclarations de sympathie en faveur de cette génération, d'autant plus attirante pour ceux qui sont réservés à l'égard du nucléaire qu'elle est lointaine.

M. Claude Gatignol. Oui !

M. Christian Bataille. Mais je le rappelle : la génération IV, si séduisante pour ceux qui veulent repousser les décisions à plus tard, c'est encore du nucléaire.

M. Yves Cochet. Hélas !

M. Christian Bataille. Le principal axe de recherche français en la matière, ce sont les neutrons rapides.

M. Yves Cochet. M. Bataille veut refaire Superphénix !

M. Christian Bataille. Il s'agit même de notre spécialité mondiale, celle des Américains étant l'hydrogène, et celle des Japonais étant encore différente. En somme, en France, nous préparons, avec cette génération IV, un super-Superphénix pour 2045.

M. Yves Cochet. Je l'avais bien dit ! (Rires.)

M. Christian Bataille. Entre les deux - M. le ministre l'a parfaitement indiqué tout à l'heure -, il faut combler un décalage d'une vingtaine d'années et, pour cela, l'EPR possède des atouts incontestables. Sa technicité est incontestée sur le plan mondial. De plus, c'est une industrie. Moi qui suis à une dizaine de kilomètres de la Somanu, à Maubeuge, je rappelle à mes collègues proches de Chalon-sur-Saône, en Bourgogne, ou de Belfort, où se trouve Alstom, que le nucléaire représente des milliers d'emplois en perspective, ce qui devient exceptionnel dans l'industrie.

M. Yves Cochet. Le nucléaire représente beaucoup moins d'emplois que vous ne le pensez.

M. Christian Bataille. En tenant ces propos, je me sens en parfaite cohérence avec les divers gouvernements de gauche qui se sont succédé, y compris celui de Lionel Jospin, qui avait achevé la construction du M4 de Civaux et encouragé les recherches sur l'EPR qui débouchent aujourd'hui.

Je terminerai, mes chers collègues - tout en regrettant que le temps de cinq minutes qui m'a été imparti passe si vite -, par une remarque sur les déchets nucléaires. Il faut cesser d'affirmer que le nucléaire serait parfait si nous ne buttions pas sans cesse sur ce problème. C'est faux. Cela relève même de l'intoxication. Le Parlement s'est penché sur ce dossier en 1991. Nous avions alors fait des propositions qui sont à l'œuvre aujourd'hui.

Certes, il faut le reconnaître : le problème des déchets hautement radioactifs reste à résoudre. (« Ah ! tout de même ! » sur divers bancs du groupe socialiste.) Mais nous avons un calendrier de quinze ans.

M. Yves Cochet. Vous pensez que dans quinze ans, ces déchets auront cessé d'être radioactifs ?

M. Christian Bataille. Une loi a été votée. Des recherches fondamentales sont conduites par le CEA. Elles doivent se prolonger, parallèlement à celles qui sont conduites sur le stockage profond de déchets radioactifs. C'est là un autre axe dont nous aurons l'occasion de reparler dans quelques années. Monsieur le ministre, vous êtes aujourd'hui aux affaires. J'espère que le Gouvernement saura honorer ce rendez-vous. En 1991, c'était François Mitterrand qui était au pouvoir, aujourd'hui, c'est Jacques Chirac. Mais ce qui caractérise le problème du nucléaire est justement sa durée.

M. Yves Cochet. Oui, il dure des milliers d'années !

M. Christian Bataille. Même si, reconnaissons-le, nous sommes souvent confrontés à l'évanescence ou du moins à l'extrême réactivité des mandats de cinq ans, en ce qui concerne le nucléaire, la période à considérer représente vingt-cinq ou cinquante ans.

M. Yves Cochet. Les déchets nucléaires restent dangereux beaucoup plus longtemps !

M. Christian Bataille. Il faut considérer ces échéances, en sachant que la gauche et la droite alternent au Gouvernement. Ce qui fait aujourd'hui la force de la France, c'est l'existence d'une sorte de consensus qui a duré plusieurs décennies et permis une succession de décisions. J'ai moi-même été rapporteur de la loi du 30 décembre 1991.

M. Claude Gaillard. La fameuse loi Bataille !

M. Christian Bataille. Il m'était impossible alors de prévoir si le rendez-vous que cette loi fixait, quinze ans plus tard, se ferait sous un gouvernement de droite ou de gauche. Il se trouve, monsieur le ministre, que c'est vous qui serez à ce rendez-vous. Je souhaite que, sur le long terme, notre pays, qui a toujours triomphé des obstacles, soit à même de l'honorer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir. Voilà quelqu'un de courageux et de vertueux !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer, je voudrais rendre hommage au travail accompli depuis fort longtemps par Christian Bataille, à la conviction dont il fait preuve quel que soit le gouvernement en place et à la responsabilité qui caractérise sa réflexion sur l'énergie.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Claude Gaillard. Comme l'a rappelé Jean-Claude Lenoir, nous avons connu bien des débats. Je n'ai pas assisté à ceux de 1974, mais - privilège de l'âge - j'ai participé à tous ceux qui se sont tenus depuis 1989. Le plus souvent, ils n'étaient pas suivis d'une décision. Or ce soir, grâce à vous, monsieur le ministre, nous allons délibérer, conclure et construire.

Avant tout, je souhaiterais rappeler l'enjeu économique de ce dossier. En matière d'indépendance, la France, qui est de plus en plus solidaire de l'Europe, a des devoirs particuliers. En effet, chacun doit avoir la responsabilité de ses atouts, notamment en matière de diversification de ses outils industriels. Nous devons faire profiter nos partenaires européens de notre savoir-faire.

J'en viens à ce que je pourrais appeler, non sans exagération, les insuffisances, non du projet de loi, mais de l'état des lieux qui a été dressé en ce qui concerne la maîtrise de la demande d'énergie. A en croire une étude des services de la direction générale de l'énergie, la consommation augmente de 1,4 % par an. Si l'on s'en tient à ce chiffre - qui ne doit pas être nécessairement considéré comme définitif -, les perspectives de consommation sont alarmantes et l'on voit mal comment nous pourrions tenir nos engagements de Kyoto à l'horizon de 2020 ou de 2030. Cette évolution pose problème.

Peut-être, monsieur le ministre, reviendrez-vous sur le cas de l'industrie. Parmi toutes les économies réalisées dans ce domaine, j'aimerais savoir ce qui relève de ce qu'on pourrait appeler les efforts propres et ce qui provient de la délocalisation ou de la désindustrialisation.

M. Michel Bouvard. Excellente question !

M. Claude Gaillard. Nous pourrons ainsi mesurer le véritable bénéfice de ces économies.

S'agissant du ferroutage, je n'ai perçu aucune amélioration, sinon que le transfert modal est passé à moins de 10 % pour le ferroviaire et que le procédé Modalor sur la ligne Lyon-Turin tente - seulement pour la première fois et de manière expérimentale - de développer une technologie qui va de l'avant.

M. Michel Bouvard. Très bien.

M. Claude Gaillard. J'insiste sur l'éducation des jeunes en matière de maîtrise de l'énergie. A titre de comparaison, je signale que leur sensibilisation au problème de l'eau rencontre un grand succès. Il n'y a donc aucune raison de ne pas faire l'effort de les former à la maîtrise de l'énergie.

En matière de pédagogie, les collectivités locales et l'Etat doivent montrer l'exemple. La flotte des transports en commun étant vieille et fortement polluante, chacun devrait faire des efforts.

Je crois également que nous avons beaucoup à faire en matière de recherche sur le développement du partenariat entre public et privé.

Les orateurs qui m'ont précédé ont bien parlé du mix énergétique et du nucléaire, notamment Christian Bataille. Je reprends par ailleurs à mon compte les remarques de Nathalie Kosciusko-Morizet. Je rappelle également, comme cela a été dit, que quinze ans après la loi Bataille, c'est-à-dire en 2006, nous devrons nous prononcer sur la filière technologique du combustible usé. Il faut l'intégrer dans le calendrier de notre réflexion, car c'est un atout psychologique et technologique important pour que nous puissions continuer à évoluer dans ce secteur.

Pour ce qui des énergies renouvelables, je voudrais dire un mot de l'hydraulique, car nous n'allons pas toujours au bout de notre réflexion. Je me suis laissé dire - est-ce vrai ? - que l'hydraulique était très taxé.

M. Michel Bouvard. C'est le cas !

M. Claude Gaillard. Quand le débit d'un cours d'eau est faible, on n'utiliserait plus ce procédé pour produire de l'électricité parce que son coût, toutes taxes confondues, est supérieur aux recettes. Il faudrait revoir ces dispositions fiscales de telle façon que l'hydraulique puisse reprendre la place qui lui revient.

J'insiste également sur les recherches à entreprendre en matière d'énergies fossiles, de telle façon que la pollution soit la plus faible possible. Je lisais à ce propos que la SNET venait de conclure avec Alstom - ce qui est bon pour l'emploi - un contrat global de 160 millions d'euros pour dépolluer deux tranches de 600 mégawatts à Carling, en Moselle, et à Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, et installer un système catalytique sur la chaudière de chacun des deux sites, ce qui suppose, sur ces filières classiques, de continuer les efforts de recherche.

Il faut également tenter une évolution en matière de cogénération, notamment avec le bois. Ce sujet a été peu abordé, mais il représente un gisement d'énergies renouvelables important. Dans ce domaine, on peut certainement agir plus fortement.

Pour terminer, puisque mon temps de parole est épuisé, je veux me réjouir à nouveau que cette discussion aboutisse au vote d'une loi d'orientation.

Pour être deux secondes polémique avec l'opposition, je dirai que, au cours de la législature précédente, quelques débats ont bien été organisés. Hélas ! j'ai constaté que la stabilité de la majorité plurielle primait sur l'évolution de nos réflexions et sur les décisions à prendre en matière de politique énergétique. Aussi, je me réjouis, monsieur le ministre, du travail que vous avez personnellement accompli pour rendre plus opérationnelles un certain nombre de notions, de façon que nos outils énergétiques puissent continuer d'évoluer de manière cohérente, conformément aux grandes orientations qui sont les nôtres. Nous vous soutiendrons, car notre pays en a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues du groupe socialiste. Je n'y reviendrai donc pas, même si j'aurais aimé évoquer les insuffisances de la recherche amont dans le domaine des énergies renouvelables - qui relève notamment du CEA et de l'IFP - qui auraient dû, selon moi, être davantage soulignées, ainsi que la quasi-ignorance des initiatives décentralisées, la cogénération, le rôle des collectivités locales, voire le problème de l'harmonisation des politiques énergétiques au plan européen.

Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, je me contenterai d'aborder un seul point, celui des transports. Il y a un mois, j'avais souhaité que des initiatives ambitieuses puissent être prises dans le cadre de ce projet de loi. Or, il ne comporte rien à ce sujet, ou presque. Je le regrette vivement, même si je me faisais peu d'illusions depuis le désengagement quasi total de l'Etat du financement des transports collectifs urbains validé par la loi de finances pour 2004.

Comment peut-on imaginer, monsieur le ministre, qu'une loi d'orientation sur l'énergie ne dise rien ou presque des transports, alors que les consommations de ce secteur sont celles qui croissent le plus vite ? En outre, la principale énergie consommée par les transports est le pétrole. Or, la hausse du prix de cette énergie est inéluctable, pour des raisons géologiques, économiques - je pense au développement rapide des économies asiatiques, au premier rang desquelles figure la Chine - et géostratégiques, compte tenu de la situation au Moyen-Orient. Par ailleurs, je rappelle qu'en subventionnant la mobilité, les politiques d'aménagement urbain encouragent une dissémination urbaine irréversible à l'échelle du siècle et sont responsables de la vive croissance de nos consommations de carburant. En effet, un urbanisme dont la densité de population est de vingt-cinq habitants par hectare entraîne une consommation de carburant trois à quatre fois supérieure à celle que l'on constate dans des villes traditionnelles où vivent deux cents habitants par hectare.

Comment une loi d'orientation sur l'énergie peut-elle encore ignorer le secteur des transports, alors qu'il représente, avec la production de l'électricité, 52 % des émissions de CO? De 1990 à 1996, celles-ci ont augmenté de 12 % pour les transports et de 14 % pour l'électricité, alors qu'elles étaient quasiment stables - plus 1 % - pour les autres usages.

A cet égard, on peut regretter que certains pays se soient attachés à réduire leurs émissions de CO2 liées à la production d'électricité sans prendre à bras-le-corps le problème des transports. En outre, face à la menace de l'effet de serre, les pays de l'OCDE qui se sont engagés à réduire leurs émissions de CO2 choisissent la facilité en misant sur le simple passage du charbon au gaz pour produire leur électricité, ce qui permet de diviser par deux le CO2 émis par kilowattheure produit, alors que le passage du charbon au nucléaire permet d'obtenir une réduction de ces émissions deux fois plus importante. Ces pays évitent ainsi, jusqu'en 2010, d'avoir à prendre parti sur l'énergie nucléaire et d'indisposer leurs habitants en amorçant, dans le domaine des transports, une évolution lourde pourtant inévitable.

En tant que maire d'une grande ville et président du Groupement des autorités responsables de transports - le GART -, je suis, quant à moi, convaincu que ne pas prendre, dès aujourd'hui, les mesures courageuses qui sont nécessaires pour réduire nos besoins de déplacement sera, à terme, très coûteux. De 1980 à 2000, notre pays a pu, grâce au nucléaire en particulier, diminuer de 18 % ses émissions totales de CO2, mais, dans le même temps, celles qui sont imputables aux transports ont augmenté de 53 % et représentent aujourd'hui 40 % de l'ensemble.

Dès lors, il ne faudrait pas que le débat sur le nucléaire occulte complètement celui, autrement plus difficile, qui doit s'ouvrir sur les transports.

Au-delà des coûts payés directement par l'utilisateur, les transports, principalement les transports routiers, nécessitent ou provoquent des dépenses pour la collectivité. Je pense non seulement aux atteintes à l'environnement, mais aussi et surtout à la ségrégation sociale et territoriale à l'œuvre dans les agglomérations. En outre, la préférence donnée, dans les choix d'infrastructures, aux investissements routiers plutôt qu'aux transports en commun et au ferroutage crée un déséquilibre qui est en contradiction totale avec l'ambition affichée par le Premier ministre de placer la France sur le chemin d'une division par quatre de ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. Un tel déséquilibre devient aujourd'hui socialement, financièrement et écologiquement insupportable. Je rappelle, à titre d'exemple, que la part de marché du fret ferroviaire est tombée de 57,6 % en 1960 à 22 % aujourd'hui, alors que les avantages qu'offre le rail sont bien connus.

Monsieur le ministre, nous partageons l'objectif de diviser par quatre nos consommations d'énergies fossiles en cinquante ans, mais l'ampleur de ce défi est considérable. Pour atteindre cet objectif à un coût acceptable, nous devons mobiliser les initiatives décentralisées de chacun des 60 millions de consommateurs finaux et des entreprises et mener une politique ambitieuse, afin de réduire la place de la voiture et du camion. Cela suppose que la politique de l'énergie change de nature. En effet, il ne s'agit plus pour l'Etat d'agir en concertation avec une dizaine de grands offreurs d'énergie, mais de guider tous les consommateurs sur le chemin des économies d'énergie. En d'autres termes, il nous faut inverser la logique qui est la nôtre depuis très longtemps et préférer à une politique de l'offre une véritable politique de la demande sociale et sociétale. Or, je crains à la lecture de votre projet de loi, monsieur le ministre, que le Gouvernement n'ait pas encore pris la mesure de ce changement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une politique énergétique est plus que jamais indispensable. On pourrait croire que le phénomène mondial de déréglementation rend la définition d'une politique énergétique inutile ou aléatoire et que le marché, et lui seul, devrait faire émerger de grands axes de développement. Or il n'en est rien, car l'énergie n'est pas un bien comme les autres, tant par ses implications sociales, économiques et environnementales que par son impact sur les modes de vie et l'aménagement du territoire - sans oublier l'importance du « facteur temps » dans la mise au point des technologies et la construction des équipements, dont les conséquences sur les bilans énergétiques apparaissent très lentement et progressivement.

Dans ces conditions, la déréglementation du secteur de l'énergie ne doit pas avoir pour conséquence un effacement de l'action de l'Etat, mais, au contraire, l'affichage d'une volonté. Celui-ci doit tracer le chemin et intervenir dans le cadre d'une réglementation élaborée et complexe...

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Jean-Pierre Nicolas. ...pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixés : la sécurité d'approvisionnement, la préservation de l'environnement, la garantie de prix compétitifs de 1'énergie et la garantie de l'accès de tous nos concitoyens à l'énergie dans un objectif de cohésion sociale.

Concernant la sécurité, l'approvisionnement et les prix, il est un fait qui me semble devoir être pris particulièrement en considération, tant ses conséquences peuvent être lourdes pour notre avenir et notre niveau de vie, voire notre style de vie. Je veux parler du fameux « peack oil », c'est-à-dire le moment où l'on aura atteint le point culminant de l'extraction des produits pétroliers. Tous les experts commencent à s'inquiéter de ce phénomène qui serait proche. Déjà, certaines compagnies pétrolières - je pense à Shell - sont contraintes de revoir à la baisse leurs réserves pétrolières. Parallèlement, certains pays émergents, comme la Chine et l'Inde, consomment de plus en plus d'hydrocarbures, notamment pour leurs transports. Ainsi, sur les deux premiers mois de l'année, la seule demande chinoise a crû de 17 %, tandis que l'OPEP produit quasiment au maximum de ses capacités et que l'outil mondial de raffinage arrive presque à saturation. Cet effet de ciseau est de nature à précipiter les choses dans un laps de temps que l'on peut craindre assez bref.

Quant aux problèmes d'environnement, ils prennent une importance croissante dans le domaine énergétique. Toute politique énergétique doit désormais être fondée sur le principe de précaution, que nous allons inscrire dans notre constitution. A cet égard, les contraintes ne manquent pas et concernent toutes les formes d'énergie : déchets radioactifs à durée de vie longue pour l'énergie nucléaire, émissions de gaz à effet de serre pour les hydrocarbures, pollutions spatiales, esthétiques ou sonores pour certaines énergies renouvelables. Rien n'est sans effet sur l'environnement, et le rôle de l'Etat est de définir les contraintes que l'on peut accepter, les difficultés qu'il faut affronter, ce qui est acceptable si l'on veut sauvegarder l'essentiel de nos modes de vie et ce qui pose trop de problèmes pour l'avenir et qu'il faut exclure. Dans ce débat, le rôle de l'Etat est, certes, d'écouter ce que veulent nos concitoyens, mais aussi d'éclairer les choix, de tracer les voies possibles de l'avenir, de s'engager, de convaincre.

Aussi, monsieur le ministre, je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de doter la France d'une véritable stratégie énergétique. Il s'agit là d'un acte responsable, qui tranche avec les atermoiements du gouvernement précédent. Globalement, ce projet de loi éclaire le chemin de façon équilibrée en évitant, oserai-je dire, de mettre tous nos œufs dans le même panier énergétique.

En effet, trois axes essentiels sont proposés.

Le premier est la maîtrise de l'énergie. Chacun le sait, l'énergie la plus abondante est d'abord celle que l'on ne consomme pas. Un très gros effort d'économies a été consenti par l'industrie à la suite du choc pétrolier de 1974. A l'heure actuelle, c'est dans les transports et le logement que doivent porter nos efforts. Ce projet de loi comporte à cet effet des pistes tout à fait intéressantes et innovantes,...

M. Michel Destot. Ah bon ?

M. François Brottes. Bel acte de foi !

M. Jean-Pierre Nicolas. ...qu'il s'agisse des certificats d'énergie, des objectifs d'émission de CO2 dans les transports ou du développement des biocarburants.

Le deuxième axe concerne les énergies renouvelables, qu'il faut développer partout où cela est possible. La photovoltaïque est prometteuse, mais, là encore, « l'épaisseur » du temps exige de la patience. L'éolien est sympathique, mais lui aussi est polluant et il reste somme toute marginal.

M. Michel Bouvard. Il faut faire de l'hydraulique !

M. Jean-Pierre Nicolas. Toutefois, soyons conscients que tout effort dans ces domaines peut être payant et que les avancées technologiques réalisées aujourd'hui permettront des actions de plus grande envergure, pourvu que ces énergies renouvelables - je pense notamment au rapport de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, sur l'éolien - ne conduisent pas à un renchérissement du coût de l'électricité,...

M. Michel Bouvard. Absolument !

M. Jean-Pierre Nicolas. ...qui pénaliserait les ménages et notre industrie et conduirait alors les consommateurs à choisir des solutions à base d'hydrocarbures, génératrices d'émission de gaz à effet de serre.

La promotion des énergies renouvelables dans le secteur électrique répond à des objectifs d'intérêt général et ne doit pas être financée par les seuls consommateurs d'électricité, car cette assiette n'est ni socialement ni économiquement la plus judicieuse. L'obligation d'achat participe sensiblement à l'augmentation des charges de contribution au service public de l'électricité, dont la répercussion sur le prix du kilowattheure facturé au client peut devenir dissuasive. Certes, les amendements proposés en commission constituent des pistes de réflexion intéressantes pour élargir l'assiette, mais le plus simple ne serait-il pas de diminuer considérablement ces charges ?

M. Claude Gatignol. Très juste !

M. Jean-Pierre Nicolas. Quant au troisième axe - le nucléaire, bien sûr - il faut être lucide : il est inéluctable non seulement en France, mais également dans l'ensemble du monde développé, en Chine et en Inde, si l'on veut faire la soudure avec les énergies abondantes mais encore lointaines que sont la fusion ou l'hydrogène. Nous n'avons pas d'autre solution énergétique pour faire fonctionner en base nos centrales électriques.

Certes, le nucléaire ne règle pas tous les problèmes de notre bilan énergétique et la part du gaz naturel, compte tenu des réserves mondiales, de leur diversification géopolitique et de la dimension de l'opérateur national, ira grandissant. Mais partout dans le monde et en Europe - je pense à la Finlande et à la Suisse -, des frémissements pour intégrer une vraie réflexion sur le nucléaire se font jour, car celui-ci semble le mieux à même de préserver notre niveau de vie.

Avec l'ouverture d'esprit qui vous anime, monsieur le ministre, et votre farouche volonté de doter la France d'un secteur énergétique performant, je suis persuadé que ce débat parlementaire enrichira ce projet de loi pour lui donner toute sa force, par-delà les clivages politiques, afin qu'il réponde aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux qui conditionnent le devenir de notre société. Vous avez toute ma confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais en préambule déplorer, après certains des collègues qui m'ont précédé à cette tribune, les conditions d'examen de ce projet de loi. L'esprit de notre institution a été malmené. La représentation nationale a subi, à la hussarde, une politique à l'emporte-pièce. Elle a été « écrabouillée », comme le disait tout à l'heure M. Dionis du Séjour.

M. François Brottes. Le mot est juste !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Nous sommes donc en présence d'une copie bâclée. Nous nous sommes royalement donné deux semaines pour élaborer notre politique énergétique pour trente ans et plus. Cette précipitation est pour le moins paradoxale et irresponsable.

M. Claude Gaillard. C'est excessif !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Ce n'est pas le fait d'avoir finalement consenti à réintégrer son annexe dans le projet qui lui donnera la rigueur minimale qu'exige le travail parlementaire.

Quant au fond, et il ne pouvait guère en être autrement, il pêche par un manque de prise de conscience, une absence d'objectifs et un défaut d'ambition qui sont patents lorsqu'on voit les moyens qui sont débloqués. Ce ne sont pas les gels budgétaires qui enrayeront le réchauffement climatique !

Et si ce projet ne manque pas de réacteurs, il manque singulièrement de réactivité. En effet, le constat du réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre aurait dû mener à des mesures d'urgence.

De l'an mil à 1800, la concentration de CO2 est restée stable, Après la Révolution, elle a augmenté de 1 % par an. La température moyenne a augmenté parallèlement. Restée stable jusqu'aux années 1900, elle a crû de 0,8 degré en un siècle et demi. Si aucune décision draconienne n'est prise prochainement, la température moyenne augmentera de quatre degrés d'ici à 2100. Pour mesurer la gravité de cette menace, rappelons que sous l'ère glaciaire, la température moyenne était de dix degrés. Elle est aujourd'hui de quinze degrés et elle pourrait atteindre demain dix-neuf degrés. Les bouleversements de la vie sur terre seront extrêmes.

Nous avons été sensibles à l'initiative du ministre de l'écologie, qui est malheureusement absent pour ce débat, de créer une fondation « climat », mais elle reste anecdotique, tant la volonté manque par ailleurs. Ce texte n'en est sûrement pas le gage. Nous allons droit dans le mur. Au lieu d'un changement brutal de cap, on se berce de l'idée d'envisager de tenter d'infléchir notre vitesse, comme le disait un ancien ministre de l'intérieur.

Le fait que les stocks de pétrole s'épuisent, d'après les estimations des grands groupes pétroliers eux-mêmes, et que la situation géopolitique aggrave la précarité de l'approvisionnement, pousse-t-il les auteurs du projet à l'innovation et au volontarisme, au choix de faire feu de tout bois ? Même pas ! La lecture du projet affirme le monothéisme énergétique, et ce prosélytisme législatif sacrifie tout développement des alternatives de production énergétique à l'option unique du tout-nucléaire, au moment précis, pour l'anecdote, où deux incidents sérieux viennent de se produire...

M. le ministre délégué à l'industrie. De niveau 1 !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ...et où la COGEMA doit répondre d'une pollution radioactive après le rejet d'effluents dans différents cours d'eau. Tout cela nous rappelle avec acuité la notion de risque d'exploitation du nucléaire.

Faut-il, outre les risques qu'il comporte, rappeler que le bilan du nucléaire français dégage des aspects négatifs importants, du fait de la surnucléarisation de la France ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Vous passez le mur du çon !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur Myard, je ne vous ai pas interrompu.

M. Jacques Myard. Parce que je n'ai pas encore parlé !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Notre pays est aussi le seul à exporter un volume d'électricité équivalent à la production de dix centrales. Cette surcapacité présente des inconvénients peu visibles, mais potentiellement redoutables : risques d'accidents, bien sûr, mais aussi augmentation de la part des déchets correspondant à une électricité vendue à l'étranger.

À six ans de l'objectif des 21 % d'énergies renouvelables sur notre production totale, on prétend favoriser l'essor des énergies renouvelables. Comment vous y prendrez-vous ? Il est vrai que lors du sommet de Johannesburg sous une forte pression, le nucléaire a failli acquérir le statut d'énergie renouvelable !

C'est un Français, M. Becquerel, qui, en 1839, a découvert la conversion photovoltaïque de la lumière solaire. Il faudrait que le Gouvernement en comprenne enfin l'intérêt.

M. Jacques Myard. À l'évidence, cela répondra à tous nos besoins !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. On sait depuis longtemps que l'énergie solaire peut être captée pour produire directement de la chaleur. Selon que l'on habite au nord ou au sud du territoire, l'économie atteint 30 à 70 % de la facture de chauffage et d'eau chaude sanitaire.

L'éolien est presque absent d'un projet qui manque de priorités. Il aurait fallu donner toutes les conditions d'installation d'un parc éolien significatif. Nos voisins danois ont démontré la grande efficacité de cette production, face à une dimension paysagère très subjective. Quand exploiterons-nous les atouts de l'éolien ?

J'ai parlé de nos émissions de gaz à effet de serre. La deuxième source après les transports sont les bâtiments. Comme on l'a dit avant moi, le projet est quasiment muet en ces deux domaines. On sait que le maintien dans les logements sociaux de leurs locataires est souvent hypothéqué par les factures d'électricité. Il faut donc en priorité et par exemplarité en faire des habitats durables, utilisant des systèmes de chauffage et d'éclairage économiques et écologiques. De nombreux logements sont vacants en France pour cause d'insalubrité. La politique énergétique de la France sur trente ans aurait dû programmer la réhabilitation de plusieurs centaines de milliers d'entre eux, avec des exigences normatives et des régimes fiscaux alignés sur le régime des bâtiments neufs. Rien de tout cela ne figure dans votre projet.

M. Claude Gaillard. Cela n'a rien à voir !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Pour toutes ces raisons, ce texte appelle un jugement sévère de ma part. Je crains que les améliorations indispensables ne soient malheureusement pas apportées au cours de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a presque un mois, se tenait ici le débat sur la politique énergétique de notre pays. Je disais qu'il était attendu depuis plusieurs législatures, ce qui a d'ailleurs laissé à chacun le temps de se préparer.

Au moment où nous discutons de la loi d'orientation sur l'énergie, je souhaite, monsieur le ministre, mes chers collègues, et vous m'en excuserez, reprendre une partie de ma précédente intervention restée sans réponse de la part du Gouvernement.

M. Jacques Myard. Ah !

M. le ministre délégué à l'industrie. Il a raison !

M. Michel Bouvard. Je rappelais en effet que grâce, notamment, au choix de l'électricité et du nucléaire, notre pays assurait 50 % de son indépendance énergétique, contre seulement 15 à 20 % pour ses voisins européens. Elle dispose ainsi d'une électricité très compétitive - 10 % moins chère que la moyenne européenne - qu'elle est amenée à exporter. Malheureusement, cet avantage compétitif, dont bénéficiaient et bénéficient encore certaines de nos industries grosses consommatrices d'énergie, est remis en cause par la nouvelle organisation du marché de l'énergie. L'ouverture voulue par Bruxelles conduit à une hausse des prix, le marché étant globalement déficitaire au niveau européen.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Michel Bouvard. Il peut aussi être remis en question si nous tardons à renouveler notre parc électronucléaire, indispensable au maintien d'une fabrication d'électricité à des prix compatibles avec le maintien de la grande industrie.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, j'ai eu à me battre, en son temps, contre le projet de création, par le gouvernement Jospin, d'une TGAP-énergie qui condamnait des pans entiers de l'industrie française, par la taxation record des secteurs les plus consommateurs, qui avaient d'ailleurs fait de gros efforts pour réduire leur consommation compte tenu de la part de l'électricité dans le prix de revient : l'électrométallurgie, la fabrication d'aluminium et d'aciers spéciaux, la chimie, les industries cartonnières et papetières et celles des fibres de renforcement. Des centaines de milliers d'emplois étaient menacées. Après la saisine du groupe RPR, le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition contre laquelle je m'honore d'avoir rédigé le recours.

Aujourd'hui, ces mêmes emplois sont menacés de délocalisation par la flambée des prix de l'électricité. Mes chers collègues, on ne peut se contenter de faire des colloques, au niveau national ou européen, sur la désindustrialisation sans prendre en compte ses facteurs. C'est pourquoi après m'être adressé à Mme Fontaine, sans réponse, à vous-même, monsieur le ministre, il y a un mois, sans réponse, j'appelle de nouveau solennellement l'attention du Gouvernement sur ce grave problème. Ces industries sont confrontées à une concurrence étrangère très vive, notamment de la part des pays asiatiques et d'Europe centrale. Elles travaillent sur des cycles économiques longs, avec des investissements très capitalistiques. Elles ont donc besoin d'une vision à long terme des politiques engagées.

Alors qu'en 2001, la facture électrique globale des industriels baissait encore de 3 %, que le prix moyen se situait à 39 euros par megawattheure, de fortes hausses ont été enregistrées depuis. Vous le savez, les principaux consommateurs industriels reprochent au système d'avoir évolué d'un monopole de droit, agissant dans un cadre figé, vers un oligopole de fait avec des perspectives illisibles.

Au déficit de la production électrique au niveau européen s'ajoute le problème de l'organisation du marché qui bénéficie principalement, voire exclusivement, aux électriciens. C'est notamment le problème du marché de gros et du commerce de blocs en matière d'électricité. Le marché a vu l'arrivée de « producteurs-traders » : ces pseudo-commerçants ont contribué à une hausse des prix pour partie artificielle de plus de 40 % par bloc en deux ans. Les tableaux dont je dispose, et que vous connaissez, sont là pour le démontrer. Cette incertitude sur les prix entraîne un doute quant aux marges futures de chaque site industriel, donc sur les investissements à réaliser.

Il y a là une situation d'extrême urgence, avec un risque d'accélération de la désindustrialisation, puisque ces hausses touchent les industriels au fur et à mesure du renouvellement de leurs contrats. J'ai pu le vérifier dans ma propre circonscription, lorsque la société Metaltemple, groupe textile sis à Saint-Michel-de-Maurienne, qui représente 400 emplois, a vu sa facture d'électricité s'accroître de 25 % après avoir traité avec la Compagnie nationale du Rhône, la proposition d'EDF étant supérieure de 27 %. Les négociateurs ont clairement évoqué l'intérêt de vendre à l'étranger et à meilleur prix.

Pour ma part, monsieur le ministre, je ne peux me résoudre à ce que l'exportation d'énergie, sans doute profitable étant donné les mauvais choix en matière d'investissements faits par nos voisins, se traduise demain par une importation du chômage dans le secteur industriel.

Le même problème se pose pour la SNCF. Je suis un ardent et ancien défenseur du ferroutage. Mais lorsque la facture d'électricité de la SNCF s'accroît de plus de 25 %, comment maintenir des tarifs compétitifs pour le transport du fret ? Des amendements ont été proposés par la commission. Je serai attentif à ce que le Gouvernement en retiendra puisqu'ils permettraient une économie de 40 millions d'euros sur les comptes de la SNCF, ce qui est loin d'être négligeable lorsqu'on sait que c'est le contribuable qui comble ses déficits. Il serait donc judicieux de ne pas aggraver la situation.

Au-delà du problème des contrats industriels et de l'organisation du marché il faut, bien évidemment, et ce n'est pas contradictoire avec le développement des énergies renouvelables, notamment en matière d'usage domestique et public, prendre des décisions concernant le renouvellement du parc électronucléaire qui conditionne le maintien de prix compétitifs, et donc lancer l'EPR.

Je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement fixe dans ce texte un cadre adapté au maintien de la capacité industrielle de notre pays dans ces secteurs irremplaçables qui représentent des centaines de milliers d'emplois et qui contribuent largement aux capacités exportatrices de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Armand Jung.

M. Armand Jung. Monsieur le ministre, il est difficile d'être original dans un débat où tout a été dit et analysé, et souvent de manière très intelligente et intéressante.

Pour éviter d'être redondant, j'évoquerai deux sujets qui n'ont été abordés qu'à la marge et qui a priori n'ont aucun rapport entre eux.

J'insisterai d'abord sur l'avenir des centrales nucléaires vieillissantes et, pour ce faire, je prendrai l'exemple de la plus vieille centrale nucléaire de France, implantée en Alsace à Fessenheim. J'interviendrai ensuite sur la place de la bicyclette dans notre politique des transports, sujet qui est en panne à l'heure actuelle. Ces deux thèmes montrent les limites de votre projet de loi qui n'est pas à la hauteur des enjeux, en tout cas sur ces points.

Comme nombre d'Alsaciens, j'ai été le témoin de la mise en fonctionnement de la centrale de Fessenheim, en 1977, mais aujourd'hui j'en perçois surtout ses limites et ses dangers. Au-delà de ses vices de fabrication et de son implantation en dessous du grand canal d'Alsace et dans une zone à forte sismicité, cette centrale est désormais manifestement obsolète et les incidents s'y multiplient. Depuis le début de l'année, douze agents ont été contaminés, certes à des degrés divers, du fait d'erreurs de procédure ou d'analyse ou encore d'une mauvaise exécution des travaux.

Chacun a aussi en mémoire les images dramatiques des arrosages de cette centrale l'été dernier, en raison du fort risque de surchauffe lié à la canicule. Ces risques ne sauraient être balayés par un seul effet brumisateur. Ces images ont marqué l'ensemble de nos concitoyens. Depuis cet événement, largement médiatisé, j'ai consulté des spécialistes, des scientifiques, des élus locaux et des agents du site de Fessenheim. Personne n'ayant pu me garantir que la survenance d'un accident majeur était à exclure, j'en déduis que cette centrale nucléaire est bien plus utile à l'arrêt qu'en fonctionnement, sa reconversion à des fins de recherche et de formation étant tout à fait possible.

Le Gouvernement a prolongé artificiellement sa durée de vie jusqu'à quarante ans - un collègue a même dit qu'une centrale pouvait vivre pendant soixante ans -, mais je suis persuadé pour ma part que la décision de l'arrêter doit être prise sans tarder. Cette décision, qui ne remettrait pas en cause l'économie générale du texte, serait un signe fort à la veille du débat sur la charte de l'environnement qui donne au principe de précaution une valeur constitutionnelle.

Pour la centrale de Fessenheim, la question n'est plus de savoir si un incident majeur est susceptible de se produire, mais quand.

Monsieur le ministre, j'ai tenu à tirer la sonnette d'alarme sur ce point.

Ma seconde remarque a trait à la place du vélo dans la politique des transports, dont M. Destot a parlé mais qui n'est pas souvent abordée dans cet hémicycle. Pourtant, il s'agit d'un mode de transport non polluant et non consommateur d'énergie, si ce n'est d'énergie humaine. A l'heure où l'on parle beaucoup de lutte contre l'effet de serre, d'économies d'énergie, de diminution des énergies d'origine fossile, le vélo est un mode de déplacement alternatif qui ne demande qu'à être considéré et respecté comme tel.

J'ai eu l'occasion, en 2002, de faire des propositions précises à M. Cochet, alors ministre de l'environnement, dans un rapport intitulé « Propositions pour une nouvelle politique de promotion du « vélo en France » que je tiens à votre disposition. De même, Mme Le Brethon, député du Calvados, a fait un très bon rapport intitulé « Propositions pour encourager le développement de la bicyclette en France », et je l'avais autorisée à reprendre les idées qui figuraient dans mon rapport.

Monsieur le ministre, vous nous avez demandé de réfléchir à des solutions peu coûteuses, consensuelles et susceptibles d'être mises en œuvre rapidement. En voilà une !

M. Jacques Myard. Pour remplacer les 40 tonnes !

M. Armand Jung. J'avais proposé notamment, comme Mme Le Brethon, de créer une mission interministérielle « vélo », mais jusqu'à présent cette proposition, comme les autres, est restée lettre morte.

Monsieur le ministre, je présenterai plusieurs amendements sur ce thème, comme sur celui de la centrale de Fessenheim. Sur ces deux sujets, je vous invite à prendre au plus vite les mesures qui s'imposent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis une vingtaine d'années, la France a réussi, grâce à une politique industrielle volontaire et d'avant-garde, à assurer à travers la production d'énergie nucléaire son indépendance énergétique. On estime aujourd'hui, en effet, que l'indépendance énergétique de la France atteint, grâce à ce choix vieux de plus de trente ans, près de 50 % de ses besoins, alors que jadis elle était totalement dépendante de ses approvisionnements pétroliers.

Certains, et on l'a entendu dans cet hémicycle, voudraient remettre en cause ce choix, au nom d'un romantisme écologique qui mélange tout à la fois l'utopie du retour pour tous à la bicyclette et les craintes que suscite le spectre nucléaire. Soyons sérieux, les besoins iront croissants, même si je suis certain, comme vous monsieur le ministre, que des économies sont possibles et que les gaspillages doivent être combattus. A ce titre, les certificats d'économie d'énergie que vous proposez de créer constituent une disposition très innovante, car ils apparaissent comme des éléments stimulants qui pousseront les entreprises qui commercialisent l'énergie à tout mettre en œuvre pour diminuer la consommation de leurs clients.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jacques Myard. Mais c'est surtout sur la consommation de pétrole - donc de l'essence et du gaz - qu'il faut agir, car c'est bien dans ce domaine que notre dépendance est la plus sensible et totale. En conséquence, les certificats d'économie d'énergie ne pourraient-ils pas être étendus aux constructeurs automobiles et aux transporteurs routiers ? Voilà une question que je livre à votre sagacité.

Au-delà des nécessaires économies, existe-t-il un substitut réel à la production d'énergie nucléaire ? Certains voient dans les énergies renouvelables une solution alternative au nucléaire. Mais le vertige nous gagne lorsqu'on les entend se faire plaisir avec des idées à la mode qui ne résistent pas à la réalité des faits. Soyons sérieux, les énergies renouvelables sont une idée d'avenir qui le restera longtemps ! (Sourires.)

Aujourd'hui, toutes les sources d'énergie renouvelables dans la consommation française - hydraulique, bois, déchets - représentent 7 % de nos besoins, contre 38 % pour le nucléaire. Les énergies renouvelables ne sont donc pas à la hauteur de l'enjeu et de nos besoins et ne le seront pas plus demain qu'après-demain, même si certains rêvent qu'on pourra, un jour, capter l'énergie des éclairs qui jaillissent sur nos têtes ! Il paraît que les Américains font des recherches en ce sens. Je veux bien, mais je ne pense pas que ce soit pour demain matin ou même après-demain matin !

Il faut se rendre à l'évidence : il n'y a pas de salut en dehors de la production d'électricité d'origine nucléaire, le reste n'est que littérature pour adolescents attardés ! (Sourires.)

M. François Brottes. Voilà un argument bien léger !

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, même si le texte mentionne dans son annexe les avantages de l'énergie nucléaire non polluante qui nous préserve de l'effet de serre, je le trouve un peu trop pusillanime. Il faut, dites-vous, diversifier la production d'électricité. Peut-être, mais seulement à la marge, pas pour faire face à nos besoins qui resteront croissants malgré les économies que vous envisagez.

Libérez-vous du terrorisme intellectuel des écolos attardés de 68...

M. Pierre Cohen. Qui est le plus attardé dans cet hémicycle ?

M. Jacques Myard. ...qui appartiennent déjà à l'histoire, libérez-vous aussi de la Commission de Bruxelles dont les textes sur l'obligation d'acheter une part croissante d'électricité venant de ces fameuses énergies renouvelables n'auront qu'une seule conséquence : vous faire payer l'électricité plus chère. Voilà un progrès qui va dans le sens de l'histoire !

Oui, la loi doit mentionner clairement que la France doit développer sa production d'électricité d'origine nucléaire, afin de garantir son indépendance énergétique. C'est le sens d'un amendement que je défendrai.

J'ajoute, monsieur le ministre, que la France doit conserver la maîtrise publique des outils des entreprises qui lui ont donné la capacité nucléaire que le monde nous envie...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jacques Myard. ...et que les idéologies bruxelloises doivent céder devant l'intérêt national. Il n'y a pas photo ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet après-midi le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a présenté nombre d'objectifs sur l'indépendance énergétique - la limitation des gaz à effet de serre, la diversification des sources de production d'énergie, la nécessité de préparer le remplacement de nos centrales nucléaires actuelles - ou sur les économies d'énergie, objectifs sur lesquels nous pourrions tous nous retrouver. C'est sans doute ce qui rend notre débat d'aujourd'hui en partie dépassionné, du moins jusqu'à l'intervention de M. Myard, même si plusieurs d'entre nous seront sans doute déçus par le hiatus qui existe entre l'ambition qu'on pouvait prêter à une vraie loi d'orientation sur l'énergie et son manque de souffle.

Je ne m'attarderai pas sur les conditions invraisemblables et choquantes de son examen, sur l'aveu du manque d'ambition que constitue le projet de localisation en annexe de la définition de vos objectifs, monsieur le ministre, sur les lacunes évidentes de ce texte ou sur son incompatibilité avec d'autres pans de l'action du gouvernement Raffarin, sur le peu de mesures en faveur de l'isolation des logements sociaux, sur la contradiction entre les déclarations sur les transports collectifs et les choix budgétaires, sur les certificats blancs sans aucune garantie quant à leur efficacité.

Je limiterai mon propos à deux considérations, sur le nucléaire et sur l'éolien.

En ce qui concerne le nucléaire, nous aurions mauvaise grâce à vous reprocher, monsieur le ministre, de continuer à en faire une priorité alors que la doctrine « Jospin-Pierret » l'avait érigé en « clef de voûte » de notre politique énergétique en l'accompagnant d'un programme ambitieux de diversification de nos sources d'énergie et de lutte contre les gaspillages. Nous aurions d'autant plus de mal à le faire que, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, le Parti socialiste continue de considérer que la filière nucléaire est un atout pour la France, ne serait-ce que pour assurer son indépendance énergétique, respecter les engagements pris à Kyoto et permettre une politique de croissance forte au service de l'emploi.

Nous ne contestons pas non plus la nécessité de préparer le renouvellement des centrales même si l'allongement prévisible de leur durée de vie, et ce qu'a dit Christian Bataille sur ce point était intéressant, et un effort accru en faveur de la recherche auraient pu nous permettre de réaliser un saut qualitatif majeur en développant les réacteurs dits de quatrième génération.

Maintenant que vous avez fait le choix de l'EPR, nous vous demandons, monsieur le ministre, de poursuivre et d'amplifier la recherche sur les trois voies de traitement des déchets - entreposage, stockage en grande profondeur, transmutation - afin que nous puissions, comme le prévoit la loi Bataille, en débattre ici dès 2006.

Sur l'éolien, M. Sarkozy a par deux fois, en avril et aujourd'hui, tenu un discours ambigu. Il affirme à la fois vouloir poursuivre et développer le programme éolien, pour respecter nos engagements internationaux, tout en ironisant sur les réactions provoquées par les projets d'implantation d'éoliennes - je les connais, j'observe les mêmes dans mon département, la Drôme, - et en suggérant qu'à titre personnel, il est plutôt favorable à l'éolien dit offshore . Ces propos ne sauraient nous suffire et il vous faut aujourd'hui, monsieur le ministre, sortir de l'ambiguïté. Que doivent dire les parlementaires, les préfets aux maires démarchés par des producteurs potentiels ? Dans mon département, les projets se multiplient et les élus ne savent plus ce que veut le Gouvernement.

Si vous pensez, monsieur le ministre, que l'éolien est une erreur ou porte atteinte à nos paysages, dites-le, assumez-le ! Sinon, rédigez une circulaire claire sur les conditions dans lesquelles peuvent être implantées des éoliennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Rouault.

M. Philippe Rouault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre politique énergétique qui porte en germe les moyens d'un progrès durable pour l'humanité tout entière, doit avoir pour ambition de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, autrement dit de préserver notre planète, et de garantir à tous l'accès à l'énergie tout en maîtrisant les ressources planétaires. Ces deux grands objectifs, synonymes d'un développement énergétique durable, se déclinent autour de trois axes essentiels.

En premier lieu, l'indépendance énergétique doit être au cœur de nos préoccupations. Notre pays ne dispose ni de réserves de pétrole, ni de réserves de gaz sur son territoire. Le taux d'indépendance énergétique de la France est aujourd'hui supérieur à 50 %, contre 23,9 % en 1973. Aussi l'option nucléaire ne peut-elle être balayée d'un revers de main, bien au contraire. Elle est, qu'on le veuille ou non, incontournable, même si elle ne peut constituer la seule réponse, tant en termes d'approvisionnement que de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. La production d'électricité à partir du nucléaire a donné à notre pays une indépendance enviée et nous permet de produire 80 % de notre consommation.

Le maintien de cette filière doit s'accompagner d'une sécurisation accrue des installations et d'un stockage sécurisé des déchets radioactifs pour les générations actuelles et futures.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Philippe Rouault. En second lieu, l'utilisation rationnelle de l'énergie doit être intensifiée. A cet égard, on ne peut que se féliciter de l'affichage conventionnel des dépenses d'énergie des bâtiments, bientôt obligatoire lors de toute transaction : achat, vente ou location. Il nous faut absolument continuer dans cette voie en prodiguant sans cesse des conseils tant aux particuliers qu'aux entreprises.

Pour l'industrie, il est nécessaire de favoriser les entreprises souhaitant engager une réflexion sur la performance énergétique de leurs installations et de leur démontrer que la chasse aux pertes d'énergie n'est pas toujours synonyme d'investissements lourds et de mise en œuvre de technologies complexes ou mal maîtrisées. Au contraire, l'amélioration de l'outil de production et la maîtrise des coûts sont indissociables.

En troisième lieu, il faut développer les énergies renouvelables qui représentent aujourd'hui environ 10 % de la consommation d'énergie finale en France. Les problématiques d'environnement et d'indépendance énergétique, la perspective d'épuisement des réserves fossiles et enfin les progrès technologiques considérables qui ont été accomplis dans ce domaine au cours des deux dernières décennies nous incitent à accroître rapidement leur part relative. Les filières sont diverses et doivent toutes être développées : hydraulique, éolienne, photovoltaïque, biomasse et biocarburants.

Je m'attacherai d'abord à l'hydroélectricité. Elle doit prendre toute sa place...

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Philippe Rouault. ...car elle est la plus importante des énergies renouvelables que l'on peut mobiliser à moindre coût. Elle constitue la seconde source de production d'électricité en France, avec près de 15 % de la production totale, soit une capacité de 70 térawattheures en année moyenne. Cela signifie l'augmentation des capacités de production sur les centrales hydroélectriques existantes, l'équipement des barrages existants et la conception de nouveaux projets. De telles ambitions nécessitent de vaincre les préjugés à l'encontre de la prétendue nocivité de l'hydroélectricité sur l'environnement.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Philippe Rouault. Cette filière, je le rappelle, a les plus faibles impacts, comparée à d'autres systèmes de production électrique, notamment ceux utilisant des énergies fossiles ou fissiles. L'impact des ouvrages sur l'environnement local n'est pas irréversible et il est limité à la période d'exploitation.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Philippe Rouault. L'autre voie à explorer et à privilégier en matière d'énergies renouvelables, ce sont bien entendu les biocarburants. A la lumière du plan stratégique pour le développement des bio-industries du Conseil économique et social, il nous faut mobiliser les différents acteurs des filiales agro-industrielles pour permettre à la France de rattraper son retard dans ce secteur. Parmi les carburants utilisés pour les transports, les biocarburants sont le seul recours possible pour limiter les importations de pétrole ou de gaz. Aussi est-il est impératif de rendre obligatoire, à l'échéance du 31 décembre 2010, l'incorporation minimale de 5,75 % d'éthanol dans les essences et d'ester d'huile végétale dans le gazole.

Les avantages des biocarburants sont considérables. Tout d'abord, d'un point de vue strictement écologique, leur utilisation devrait permettre d'éviter en 2010 d'émettre 7 millions de tonnes de gaz carbonique. Sur le plan économique ensuite, le nombre d'emplois créés grâce à eux à l'horizon 2010 serait, selon le rapport Lévy, de l'ordre de 30 000.

En outre, les surfaces consacrées aux biocarburants en 2003 couvraient près de 350 000 hectares. Il s'agissait pour l'essentiel d'oléagineux répartis sur une large zone de production. L'impact sur l'aménagement du territoire est positif puisque les biocarburants contribuent au maintien des activités agricoles, ainsi qu'au développement des activités en aval et en amont - création de plusieurs unités industrielles de transformation - qui sont, pour la plupart, localisées en zones rurales. Leur développement est donc cohérent avec les objectifs de la politique agricole commune.

« A force de sacrifier l'essentiel pour l'urgent, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel » écrit Edgar Morin. Alors, réfléchissons dès aujourd'hui à l'énergie de demain sans attendre trente ans. Le projet de loi d'orientation sur l'énergie nous en offre l'occasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de la gravité des problèmes posés par l'évolution des pollutions et le réchauffement de la planète, il était temps que nous débattions sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie. C'est sans doute ce qui explique la déclaration d'urgence de M. le Premier ministre. (Sourires.)

En ce début de siècle, il y a en effet urgence à donner des ambitions à la France en matière d'énergies renouvelables. Nous ne parlons pas tous, vous pouvez le constater, chers collègues, le même langage que M. Myard !

Cosignataire des amendements qui concernent le développement des biocarburants, je suis heureux de souligner l'importance de l'étape que constitue l'engagement de l'Etat à respecter les objectifs d'incorporation de biocarburants dans l'essence et le gazole fixés par la directive européenne de mai 2003. Il faut inscrire dans le corps d'une loi cette chance nouvelle que représente, pour assurer des énergies renouvelables, la production d'éthanol à partir de nos productions agricoles.

Même si elle ne représente que 2 % de part de marché en 2005, et de 5,75 % des carburants en 2010, la production de cette énergie verte sera une victoire sur les émissions polluantes et de gaz à effet de serre. Elle offrira aussi une nouvelle activité pour nos campagnes françaises et elle ouvrira des perspectives à la recherche sur la production de futurs biocarburants de synthèse, notamment par la gazéification de la biomasse ligno-cellulosique. De même devons-nous soutenir avec ce projet de loi d'orientation de la politique énergétique la recherche sur les véhicules hybrides, l'utilisation de la pile à combustible et sur la ressource d'avenir que représente l'hydrogène.

Ayant personnellement vécu intensément le combat pour sa conversion économique de mon département minier du Pas-de-Calais, dont le charbon contribua à assurer pendant un siècle l'énergie nécessaire au pays, je considère que le combat pour les énergies nouvelles doit nous rassembler au lieu de nous diviser. C'est un langage que je ne cesse de tenir, surtout à une heure du matin en ce printemps 2004.

En me rendant aux Etats-Unis avec André Lajoinie, alors président de la commission de la production, devenue commission des affaires économiques,...

M. François Brottes et M. Pierre Ducout. Très bon président !

M. Léonce Deprez. ...et certains de mes collègues ici présents pour visiter des centrales nucléaires et évaluer l'efficacité des technologies françaises de traitement des déchets nucléaires, j'éprouvais déjà le sentiment d'un combat commun pour assurer l'avenir énergétique de notre pays.

Je voudrais insister à l'occasion de ce débat, monsieur le ministre, sur l'importance qu'il y a pour le Gouvernement, s'il veut faire entrer la France dans le nouveau siècle, à faire sortir les Français du conflit déjà passéiste entre les partisans et les adversaires de l'énergie nucléaire.

Nous avons tous apprécié l'intervention de Christian Bataille, que je connais bien puisqu'il est nordiste, et nous avons pu constater en écoutant d'autres orateurs qu'il n'y avait pas seulement un langage commun mais un programme commun (Sourires), ce qui est réconfortant devant la gravité des problèmes que pose l'énergie. Le bon sens l'emporte et c'est la victoire du juste milieu. On ne pense pas plus aujourd'hui à défendre le tout-nucléaire qu'à s'opposer au recours aux éoliennes, là où elles peuvent se justifier. Comme l'a fait comprendre à juste titre Dominique Maillard, directeur général de l'énergie, les joutes verbales à ce propos ne sont plus de mise. L'énergie, grand sujet du nouveau siècle, semble être appelée à réconcilier les peuples de plus en plus conscients de leur interdépendance et de leur devoir de rendre notre planète viable pour les générations futures. A fortiori, cette question doit-elle rassembler les Français. Au-delà des motions de procédure, le débat d'aujourd'hui apparaît plus comme un débat d'experts recherchant des solutions communes que comme un affrontement entre adversaires.

Je ferai à cette tribune, où il n'est pas possible de tricher avec la vérité, une autre observation. Il y a urgence à expliquer aux Français ce que sont et ce que doivent être les sources d'énergie, et de leur faire comprendre la nécessité de concilier économie et écologie en matière de politique énergétique et d'aménagement du territoire. Il faut faire comprendre aux Français que la France, depuis plusieurs septennats, assure grâce à ses centrales nucléaires 75 % à 80 % de sa consommation électrique. Ils doivent apprendre dès l'école et le collège que le coût de l'énergie a été longtemps moins élevé en France qu'en Allemagne et que la compétition se gagne aussi par la recherche du kilowattheure le moins cher. Nous devons rappeler qu'en 1989, notre pays offrait le kilowattheure le moins cher d'Europe, de 35 % inférieur au prix pratiqué en Allemagne. Les Français doivent savoir que, de 1989 à 2004, EDF était très heureuse que les Allemands soient obligés de relever leur prix à la production, ce qui lui a permis d'augmenter le sien.

Il nous faut dire encore, parce que c'est la vérité, que c'est grâce aux profits tirés de la vente de l'énergie nucléaire qu'EDF a pu financer ses dépenses sociales généreuses, n'est-ce pas, monsieur Bouvard ? - vous qui êtes à la commission des finances, vous l'avez constaté -, et acheter à un prix obligé des kilowattheures éoliens, tout en sachant qu'une tranche nucléaire, elles sont au nombre de cinquante-six, produit une puissance électrique équivalente à celle de 10 000 éoliennes de 135 kilowatts.

Enfin, il nous faut affirmer clairement que si nous devons développer la source d'énergie éolienne et verte, le maintien des capacités d'investissement d'EDF dépend désormais de l'ouverture, dans des proportions limitées, du capital d'EDF et de la décision gouvernementale de prolonger de trente à quarante ans nos centrales nucléaires - certains collègues l'ont rappelé lors de leurs interventions. Les réacteurs de nouvelle génération, plus efficaces, n'apparaîtront en effet que dans les années 2045 à 2050. D'ici là, il convient de mobiliser nos forces, pour qu'à côté de l'uranium, le vent, le soleil, l'eau et les végétaux deviennent chaque jour davantage de l'énergie. Nous aurons besoin de ce tout énergétique pour donner à notre pays les chances d'un développement durable. C'est parce que vous donnez, monsieur le ministre, à notre pays de telles chances que nous devons être très nombreux à approuver le projet de loi d'orientation sur l'énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, au risque de répéter les propos de certains de mes collègues, je tiens, à mon tour, à vous faire part de mon indignation face à une pratique que je considère comme la plus méprisante vis-à-vis de notre assemblée depuis que j'ai l'honneur d'y siéger.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il n'y a pas longtemps sans doute...

M. Pierre Cohen. Depuis 1997, monsieur le ministre, ce qui me donne une certaine expérience et me permet de comparer les situations faites au Parlement d'une législature à l'autre.

L'Assemblée nationale doit régulièrement faire face, il est vrai, à des obligations et à des pressions de la part des gouvernements en place pour accélérer la procédure d'examen d'un texte législatif.

Mais aujourd'hui, monsieur le ministre, j'ai le sentiment que tous les records de mépris vis-à-vis de notre assemblée sont battus. Nous ne pouvons pas accepter que nous soient opposées de longues phases de grand-messe en région sur le thème de l'énergie ou qu'un débat soit préparé à la va-vite à l'Assemblée, le tout pour déboucher sur la discussion d'un projet de loi dans l'hémicycle quinze jours seulement après son adoption en conseil des ministres.

Nombreux d'ailleurs sont ceux qui se plaignent ici de telles pratiques. Le climat qui régnait à la commission des affaires économiques la semaine dernière est à ce sujet significatif. Les députés du groupe UMP peuvent eux-mêmes en témoigner : ce que vous nous imposez, monsieur le ministre, est inacceptable aux yeux de tous !

M. Philippe Rouault. C'est vous qui le dites !

M. Pierre Cohen. Mes critiques, cependant, ne visent pas seulement une telle précipitation.

II convient également de noter l'impréparation d'une loi qui se résume essentiellement à un article premier, qui renvoie à une annexe fixant les grandes lignes du projet de loi.

Le rapporteur lui-même, peu satisfait, a préparé une nouvelle version sous la forme d'un amendement.

Le comble a été atteint lorsqu'après une séance en commission, qui nous a conduits à suspecter la valeur normative de cette annexe, on nous a proposé, sous la forme d'amendements, en article 88, le redécoupage de l'annexe en articles additionnels réincorporés dans le corps même du texte.

M. Serge Poignant, rapporteur. Il ne s'agit pas de l'article 88 !

M. Pierre Cohen. Pour couronner le tout, l'urgence nous est aujourd'hui annoncée : il n'y aura donc pas de navette ! Je ne suis pas un très ancien député, monsieur le ministre, mais je ne connais pas de précédent. L'amateurisme auquel nous sommes confrontés n'a d'égal que la gravité des enjeux dont ce texte est porteur pour l'avenir de notre pays. La question de l'énergie et ses implications pour les trente ou quarante années à venir méritaient autre chose !

M. Philippe Rouault. On en débat depuis longtemps !

M. Pierre Cohen. Si j'insiste sur la forme et la gravité de la situation, c'est que je pense qu'une telle démarche n'est pas le fruit du hasard et que, sur le fond, elle traduit une logique.

Certes, vous utilisez des idées largement répandues et partagées, sans toutefois vous donner les moyens d'atteindre les objectifs que vous vous fixez.

On peut faire des déclarations d'intention sur la maîtrise de l'énergie : non seulement vous ne formulez aucune proposition concrète, mais de plus vous diminuez tous les budgets qui devraient aller dans le sens annoncé. Je me contenterai d'un seul exemple, déjà largement développé : l'abandon des aides aux transports en commun.

Comment peut-on parler d'environnement et d'héritage pour nos enfants - M. Sarkozy a largement évoqué cette question cet après-midi - lorsque la seule réponse qui est donnée, circonscrite au nucléaire, entraîne de lourdes conséquences sur le plan des déchets ?

Comment afficher son ambition de diversifier les sources d'énergie lorsque l'objectif pour 2010 est de porter la production intérieure d'électricité d'origine renouvelable de 16 % à 21 % seulement, et qu'aucun engagement n'est pris pour 2020 ?

Enfin, quel crédit peut-on apporter à vos déclarations, lorsque vous évoquez les efforts de recherche dans le domaine de l'énergie, alors que depuis deux ans la politique de votre gouvernement se caractérise par une régression sans précédent dans le secteur de la recherche - je pense notamment aux coupes claires pratiquées dans le dernier budget du CEA ?

Mais toutes ces carences que je viens de relever ne sont pas le plus inquiétant : en réalité, votre texte prépare à couvert la remise en cause de la puissance publique et la libéralisation de l'énergie.

Le projet de loi entérine le démantèlement du service public alors que l'énergie est un élément vital pour l'être humain : y avoir accès est un droit fondamental pour tous les citoyens. Or EDF est en voie de privatisation et l'ouverture totale du marché en 2007 fait planer de gros risques pour les usagers.

Comment préserver l'intérêt général dans la sphère marchande et les valeurs fondatrices du service public, c'est-à-dire l'obligation de desserte, la péréquation tarifaire nationale, l'égalité de traitement, la continuité du service ou encore la sécurité de l'approvisionnement ?

Le service public à la française a fait ses preuves et les événements récents - la canicule, la panne du Nord-Est américain ou celle qui a frappé l'Italie - doivent nous conforter dans une telle voie.

L'entreprise publique réalise régulièrement des investissements pour l'entretien et le développement des réseaux ou dans le domaine de la recherche : il s'agit là d'une activité régalienne qui lui est confiée.

Comment les opérateurs s'acquitteront-ils de la mission de service public si elle n'est pas inscrite dans le projet de loi ?

Ce texte était particulièrement attendu au regard des enjeux dont il est porteur mais, force est de le constater, il manque d'ambition, compte tenu des ressources dont bénéficie la France et du manque de crédibilité de votre politique. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous vous demandons de revoir votre copie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Rouault. Que des interrogations ! Aucune proposition !

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays doit faire face à de nouveaux défis qui sont majeurs. Une telle situation résulte non seulement de données objectives - réchauffement de la planète ou hausse du coût de certaines énergies - mais également de données plus subjectives, notamment la volonté de développer des énergies plus respectueuses de notre environnement.

Notre débat est primordial : il doit nous permettre, en effet, de définir notre politique énergétique pour les dix ou quinze prochaines années. À ce titre, il sera suivi avec une très grande attention par nombre de nos concitoyens, agriculteurs et industriels notamment, qui attendent la validation de choix clairs et définitifs.

Telles sont, aujourd'hui, nos responsabilités.

Trouver des solutions alternatives aux matières fossiles est, depuis plus de trente ans, une préoccupation constante aussi bien dans notre pays qu'à l'étranger. Ainsi, depuis les années 60, la France a su investir massivement dans l'énergie nucléaire. Un tel investissement nous garantit aujourd'hui une électricité non polluante et à un coût faible. Nous devons évidemment poursuivre dans cette voie.

A côté du nucléaire, la valorisation des productions agricoles à des fins non alimentaires, autre source sérieuse d'énergie, doit également être encouragée.

Les perspectives de consommation et d'extraction de matières fossiles, de pétrole notamment, nous incitent à développer rapidement des énergies alternatives.

Or il est possible de remplacer dès maintenant une partie de notre consommation de matières fossiles par celle d'autres sources d'énergie, notamment des denrées issues de notre agriculture.

Il en est ainsi dans le domaine des transports comme l'a justement rappelé le président Ollier lors de son intervention.

Au regard des objectifs que se fixe le projet de loi, les biocarburants - diester et éthanol - présentent des atouts indéniables par rapport aux carburants issus de matières fossiles.

Un premier avantage est d'ordre écologique : alors qu'un récent rapport met gravement en cause la pollution automobile, les biocarburants peuvent nous permettre d'atteindre les objectifs de Kyoto. Le principal intérêt environnemental de l'éthanol est ainsi de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Un deuxième avantage est d'ordre stratégique : le pétrole que nous consommons est importé à hauteur de 98 %. La réduction de notre dépendance énergétique et la sécurité de notre approvisionnement sont des objectifs prioritaires. Aussi, sachons garantir une certaine indépendance pour nos carburants routiers.

Un troisième avantage est d'ordre économique et social : l'impact des biocarburants sur l'emploi a été quantifié dans plusieurs études. Pour l'éthanol de betterave, une étude révèle que la production de 1 000 tonnes d'éthanol représente 6,2 emplois en France contre 0,01 emploi pour 1 000 tonnes d'essence : le rapport est impressionnant !

Le développement des biocarburants donnera par ailleurs des débouchés nouveaux à notre agriculture.

Mais l'impact d'un développement des biocarburants sera surtout industriel. Ainsi, l'objectif fixé par la directive européenne de mai 2003 impliquera une production de 14 millions d'hectolitres d'éthanol en 2010 contre 1,1 million aujourd'hui. À cette fin, de nouvelles distilleries devront être construites, ce qui pourrait représenter un investissement de plusieurs centaines de millions d'euros ! La concrétisation de ces projets ne dépend plus que d'un engagement ferme et rapide de notre part.

Ne tardons pas car, en la matière, la France prend actuellement un retard que notre agriculture et notre industrie auront du mal à rattraper.

Hors d'Europe, des géants agricoles et industriels soutiennent déjà fortement les biocarburants, notamment l'éthanol, comme les Etats-Unis ou le Brésil.

Mais nous accumulons également un retard inquiétant vis-à-vis de nos partenaires européens alors que nous étions les premiers en la matière.

Partout, la production de biocarburants - diester et éthanol - explose. La plupart des pays industriels s'engagent résolument dans le développement de cette source d'énergie qui est, je le répète, crédible.

Sachons, à notre tour, soutenir nos agriculteurs. Donnons un signe fort à notre industrie qui attend, de notre part, une attitude responsable.

L'amendement de la commission des affaires économiques, que plusieurs d'entre nous soutiennent, et qui fait clairement référence à l'incorporation de biocarburants, va dans le bon sens.

On peut certes regretter qu'il n'aille pas plus loin - ce sera peut-être pour bientôt. Mais il représente un pas supplémentaire, après les amendements qui ont été présentés par Xavier Bertrand et de nombreux autres parlementaires, et adoptés lors du projet de loi de finances rectificative pour 2003.

Ce pas, il nous faut impérativement le franchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi d'orientation sur l'énergie pour notre pays. Il affirme s'inscrire dans une perspective de plusieurs décennies afin d'assurer un développement durable alliant progrès social, développement économique et qualité de l'environnement.

Après un débat national qui a servi de prétexte, puisque l'on retrouvait pratiquement les mêmes dans chaque réunion, et une présentation pour le moins cavalière de votre projet de loi, monsieur le ministre, les derniers événements internationaux nous obligent à nous situer tous dans une démarche responsable.

Suivant ces questions de près, notamment dans le cadre du groupe parlementaire sur l'énergie, je tiens aujourd'hui à affirmer en premier lieu le droit au développement et à l'énergie de tous les citoyens du monde, tout en gardant à l'esprit non seulement les taux de croissance de pays comme l'Inde et la Chine, mais également les perspectives crédibles d'une population humaine s'élevant à 9 milliards d'habitants vers 2050.

Deuxièmement, le changement climatique est aujourd'hui une réalité, la responsabilité de ce changement incombant d'une manière pratiquement certaine à l'activité humaine et au gaz à effet de serre - principalement le CO2. Ainsi, le secrétaire au Trésor de la Californie a récemment déclaré que George Bush est probablement l'unique individu qui, aux Etats-Unis, ignore que l'effet de serre est une menace pour l'environnement. L'application stricte du protocole de Kyoto est une ardente obligation pour notre monde.

Troisièmement, le marché et le libéralisme ne fonctionnent pas bien en matière d'énergie. Le prix actuel du baril - près de 38 dollars - est la conséquence de la situation très difficile au Moyen-Orient, mais aussi de spéculations, de sous-investissements aux Etats-Unis, ou encore de l'augmentation de la consommation de la Chine. Les problèmes rencontrés en Californie, la faillite d'Enron, le black-out dans le nord-est des Etats-Unis comme en Italie, correspondent à des sous-investissements en matière de production et de transport.

Quatrièmement, l'ouverture au marché de 70 % de la consommation en Europe et en France sera effective en juillet. La remise en cause du service public que constitue l'ouverture du capital d'EDF-GDF, dans un projet de loi présenté cet après-midi en Conseil des ministres, est lourde de risques et ne va pas dans le bon sens.

Ces constats étant faits, je voudrais insister sur plusieurs points qui sont insuffisamment soulignés dans votre texte : la dimension européenne et le rôle de l'Union européenne ; l'insuffisance des mesures de réduction de l'effet de serre ; le bouquet, ou mix, énergétique, avec le rôle du gaz ; enfin, un véritable service public européen de l'énergie.

L'ouverture du marché de l'énergie a, pour le moment, provoqué une forte augmentation des prix, ce qui met en évidence la nécessité d'une Europe-puissance ayant une véritable politique industrielle, une politique de recherche, et qui édicte des normes pour la maîtrise de l'énergie.

Un grand plan de recherche européen doit être lancé, même si, naturellement, une telle initiative ne correspond pas aux exigences du pacte de stabilité. Il devrait apporter un appui aux sociétés pétrolières pour récupérer un maximum de pétrole ou de gaz, pour développer les technologies de production de carburant GTL - gas to liquids - ou coal to liquids, par exemple, pour accélérer les progrès en matière de moteurs propres et réduire la consommation, ou encore pour assurer le suivi des études sur la capture et la séquestration du CO2, lesquelles disposent d'un début de financement dans le cadre de sixième PCRD. Citons à cet égard le programme AFTUR, visant à l'utilisation de la biomasse pour les turbines à gaz, ou la mise au point, aujourd'hui pratiquement opérationnelle, de la gazéification des déchets ménagers.

En matière de maîtrise de l'énergie, la France doit appuyer la mise en place de normes européennes elles-mêmes inspirées de notre politique nationale.

Ces normes devraient concerner en particulier la réduction du transport de fret routier, avec un plan européen pour le ferroutage et le cabotage et, par exemple, l'interdiction progressive faite eux poids lourds de circuler sur des parcours de plus de 600 kilomètres. Contre la pollution urbaine, il conviendra d'accélérer la recherche sur les piles à combustible, mais aussi d'instaurer une fiscalité incitant à l'utilisation de véhicules consommant peu et au recours maximal aux transports en commun, ce que permettent ces bons outils que sont les PDU et les SCOT. La maîtrise de l'étalement urbain n'implique nullement que l'on ne puisse pas vivre sur l'ensemble de notre territoire national de manière équilibrée.

Pour l'habitat, déjà grand consommateur d'énergie et qui le sera certainement davantage avec le recours croissant à la climatisation, la recherche d'efficacité énergétique doit également être menée au niveau européen, avec des incitations à utiliser le thermique solaire et des mesures plus poussées en faveur de l'habitat ancien, où l'on pourrait généraliser les diagnostics thermiques en les rendant obligatoires lors des ventes et des successions, tout en accordant de fortes subventions pour améliorer l'isolation.

La lutte contre l'effet de serre passe aussi par la recherche et la promotion des énergies renouvelables, comme l'éolien, la biomasse ou l'énergie photovoltaïque.

En ce qui concerne le bouquet, ou plutôt, pour employer un terme plus parlant, le mix énergétique, la gravité de la situation doit inciter à aller vers la mobilisation de toutes les énergies, dans un esprit de complémentarité et non de concurrence. Ainsi, le gaz doit constituer un complément à l'éolien et permettre de la mise en place d'un parc thermique renouvelé et compétitif pour l'électricité en semi-base. Dans ce cadre, il faut faire le maximum pour les énergies renouvelables en estimant correctement leur potentiel.

Il faut également prendre en compte sérieusement les nuisances et les risques que comportent toutes les énergies, dans une transparence absolue vis-à-vis de nos concitoyens. Si nous estimons que la filière nucléaire est un atout pour la France et a permis, pour une part, notre indépendance énergétique à des prix compétitifs, la réalisation d'un EPR, que je n'exclus pas a priori, nécessite un débat très large. La Commission nationale du débat public devrait au préalable établir un dossier très complet, en particulier en matière de sécurité et de prix, tandis que le Parlement formulerait un avis à l'issue de ce débat.

La résolution du problème grave de la gestion des déchets est un préalable à la poursuite du programme nucléaire, étant entendu que plusieurs pays, dont la Chine, le Japon et les Etats-Unis, continuent d'avoir recours au nucléaire, quoique cette énergie représente une part plus faible de leur production globale.

Nous devons en outre garder à l'esprit que, parallèlement à la capture et à la séquestration du CO2, l'utilisation des schistes bitumineux ou des sables asphaltiques devrait permettre, à terme, de fabriquer des carburants à un prix compétitif par rapport à un baril de pétrole vendu au-dessus de 35 dollars. Il en va de même pour les biocarburants.

Il faut enfin aller plus loin pour convaincre l'Europe de mettre en place un véritable service public de l'énergie, assurant la continuité du service, l'égalité entre les citoyens et les territoires, la péréquation tarifaire et la fourniture aux plus démunis. La France doit en être le moteur. Parallèlement à un plan français prévisionnel des investissements, un plan européen doit être réalisé, en particulier pour les interconnexions ou les transports d'énergie et pour des investissements de production équilibrés dans chaque pays.

Permettez-moi d'insister, pour conclure, sur une question à laquelle j'attache beaucoup d'importance, monsieur le ministre : les nuisances engendrées par les grands équipements et leur acceptation par les riverains. Il faut prévoir pour ceux-ci une large indemnisation, comme le font les grands aéroports, qui prennent en compte à des distances de près de 1 kilomètre les pertes de valeur du patrimoine liées au bruit ou à la dégradation du paysage. Ces mesures devraient concerner tant les grandes infrastructures ferroviaires et routières que les éoliennes et les lignes à haute tension.

Nous pourrions nous inspirer des accords dans le cadre desquels l'ensemble des collectivités locales avaient obtenu, en 1996, de justes compensations pour le passage de l'interconnexion France-Espagne au val Louron. Le processus avait ensuite été bloqué, pour des raisons politiciennes, par M. Juppé et Mme Lepage - décision très lourde de conséquences en termes financiers et pour le soutien que l'Espagne aurait pu apporter à la France pour la mise en place d'un service public européen de l'énergie.

Nous suivrons les éventuelles avancées qui pourront être faites dans cette direction durant le débat, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1586, d'orientation sur l'énergie :

Rapport, n° 1597, de M. Serge Poignant, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 19 mai 2004, à une heure trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot