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Deuxième séance du mercredi 23 juin 2004

269e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

DÉCLARATION DE L'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement (n° 1676).

Acte est donné de cette communication.

    2

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (nos 1613, 1659).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant dans la discussion de l'amendement n° 1535 à l'article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. J'indique d'ores et déjà que, sur l'amendement n° 1535, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour faire le point des débats sur cet amendement.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Le débat a été nourri, chacun est instruit des tenants et des aboutissants, et la commission a approuvé cet amendement auquel le Gouvernement a donné un avis favorable.

Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, pourriez-vous rappeler à nos collègues qui étaient absents en fin d'après-midi la position du Gouvernement sur l'amendement n° 1535 ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Volontiers, madame la présidente, même si j'étais moi-même absent : le Gouvernement a émis un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. À la levée de la séance précédente, nos questions sont restées sans réponse. Il est donc utile de revenir sur ce qui a été dit. M. le ministre nous a manqué et je suis heureux de le retrouver.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est gentil ! Je n'ai pas toujours ce sentiment ! (Sourires.)

M. François Brottes. C'est un tort, monsieur le ministre.

Notre collègue Gonnot avait demandé une suspension de séance compte tenu de la tournure prise par la discussion, y compris au sein de la majorité. Après que nous avons consacré une heure et demie à cet amendement, le président a jugé bon de lever la séance. Entendre le rapporteur dire qu'il n'y avait pas de débat sur cette question ne manque pas de sel !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le débat est clos.

M. François Brottes. L'amendement en question instaure la banalisation des missions de service public : tous les opérateurs, y compris ceux qui n'existent pas encore, pourront, si l'État le décide, se voir confier une mission de service public.

Sans reprendre l'argumentation que nous avons développée, et que les collaborateurs de M. le ministre ont dû lui résumer, nous sommes inquiets des conséquences de cet amendement qui place EDF au même rang que les autres opérateurs. C'est sans doute ce que souhaitent ceux qui appellent la dérégulation de leurs vœux. Monsieur le rapporteur, qu'en sera-t-il, dans ces conditions, du statut des personnels ? Actuellement, le personnel de l'opérateur historique est rattaché au statut des industries électriques et gazières, comme doit l'être, si j'ai bien compris, celui de l'ensemble des opérateurs qui exercent majoritairement une mission de même nature. Mais, si l'État peut confier à des missions de service public à des opérateurs qui exercent une activité, même minoritaire, dans l'énergie, leur personnel ne bénéficiera pas du même statut. Ainsi, le statut des personnels pourrait être menacé par cette banalisation. Cette question extrêmement grave, madame la présidente, justifie nos nombreuses interrogations.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Leonetti. Ça suffit !

M. le ministre délégué à l'industrie. On passe au vote maintenant !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je me réjouis que le groupe socialiste ait demandé un scrutin public car les résultats de ce vote vont se retourner contre lui.

Mon amendement prévoit, en application de la loi de 2000 que vous avez votée, messieurs de l'opposition, que l'État puisse conclure des contrats de missions de service public avec des opérateurs du secteur électrique et gazier. Le statut n'a rien à voir avec le sujet : toute personne travaillant dans le secteur des industries électriques et gazières peut revendiquer le bénéfice du statut.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Guillet.

M. Jean-Jacques Guillet. Je comprends très bien les intentions du rapporteur mais il faut veiller aux effets pervers. Il faut éviter - c'était d'ailleurs l'objet de l'amendement n° 1183 de François-Michel Gonnot, qui l'a retiré - la recentralisation des compétences et leur superposition entre les collectivités locales d'un côté et l'État de l'autre. Si l'on considère les contrats précisant les missions de service public entre l'État et les entreprises du secteur de l'électricité et du gaz, les distributeurs non nationalisés sont concernés, les régies aussi. C'est pourquoi je demande au rapporteur d'accepter un sous-amendement, pour préciser que les missions de service public ne relèvent pas de l'article 2234-31 du CGCT, ce qui mettrait tout le monde d'accord.

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur ce sous-amendement ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. À titre personnel, j'y suis favorable.

Mme la présidente. En l'absence de texte rédigé, nous allons passer directement au vote de l'amendement.

M. le ministre délégué à l'industrie. On y a déjà passé beaucoup de temps avant le dîner ! Ah, les lobbies !

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'amendement n° 1535.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 39

              Nombre de suffrages exprimés 39

              Majorité absolue 20

        Pour l'adoption 29

        Contre 10

L'Assemblée nationale a adopté.

Je suis saisie d'un amendement, n° 1554.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement propose d'ajouter un alinéa à l'article 1er pour préciser les obligations de service public compte tenu de l'ouverture du marché. La question est différente de celle qui vient d'être débattue et qui portait sur les missions proprement dites.

M. François-Michel Gonnot. C'est exactement la même chose !

M. André Chassaigne. Ce projet de loi de libéralisation et de déréglementation menace fortement notre service public du gaz, lequel répond à des exigences essentielles, telles que l'égalité de traitement des usagers, la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel, la continuité de notre fourniture et sa qualité, les prix, la protection de l'environnement, la sûreté des installations et des infrastructures.

M. François-Michel Gonnot. C'est ce qu'on vient de voter !

M. André Chassaigne. Notre sous-sol est parcouru de canalisations qui transportent du gaz, notamment près des lieux publics. Il est donc primordial de veiller à l'entretien et de procéder aux investissements nécessaires à la sûreté des installations. Ces missions nécessitent un personnel qualifié, formé à ce type de travaux. Jusqu'à maintenant, c'était Gaz de France qui en était chargé et qui se fixait un haut niveau d'exigence.

Comment ne pas souligner une nouvelle fois que le monopole d'importation de GDF a permis de garantir la sécurité de notre approvisionnement ? Aujourd'hui, l'ouverture à la concurrence compromet le haut degré d'exigence du service public et on ne peut imposer au seul opérateur historique, GDF, des obligations de service public que la contribution financière que les différents opérateurs verseront au fonds créé par la loi de 2003 sur les marchés énergétiques ne suffira pas à compenser. Le maintien d'un service public de qualité sur notre territoire suppose que l'ensemble des fournisseurs de gaz naturel assume les obligations de service public, notamment en matière de sécurité d'approvisionnement.

S'agissant des prix, de telles obligations sont aussi nécessaires. Depuis deux ans, les usagers du gaz ont été fortement pénalisés par une augmentation répétée des tarifs - 3 % au 1er novembre 2002, 4 % au 1er mai 2003 -, alors que les prix d'importation du gaz avaient diminué en 2002 de 16 %. Malgré un bénéfice net de 731 millions d'euros dégagé par GDF en 2003, l'usager a fait face à la diminution des lieux d'accueil de proximité, tandis que la question de sécurité des installations se posait, le renouvellement des réseaux vétustes et dangereux ayant été repoussé de 2006 à 2009. Telles sont les implications de la politique libérale de réduction et de rationalisation des coûts qui conduit à repousser des investissements dont la nécessité est avérée.

De la même façon, on constate que les coûts d'achat du gaz ont augmenté de l'ordre de 400 millions d'euros, alors que, paradoxalement, le prix du baril en euros a diminué entre 2002 et 2003. De tels surcoûts sont la conséquence de la nouvelle politique d'approvisionnement sur le marché à court terme, auprès de sociétés de négoce, et au détriment des traditionnels contrats à long terme. L'emprise du court terme est une source d'instabilité et de surcoût pour le consommateur final et les clients éligibles finiront, eux aussi, par pâtir de ce changement.

L'ouverture à la concurrence est responsable d'une telle dérive comportementale de l'entreprise publique qui doit s'aligner sur les critères de gestion des firmes privées. C'est le résultat d'un choix impulsé par la déréglementation et la libéralisation européennes, choix que nous contestons au nom de nos concitoyens et de l'ensemble des citoyens européens. Une telle orientation compromet les investissements nécessaires pour développer l'accès au gaz, pour renouveler les réseaux vétustes et améliorer le service de proximité.

Ce sont autant de considérations qui nous invitent à la vigilance face aux probables conséquences de l'ouverture à la concurrence. Nous souhaitons donc que tout fournisseur de gaz naturel sur le territoire français soit, au même titre que Gaz de France, soumis à des obligations de service public, afin d'assurer « notamment l'égalité de traitement, la sécurité d'approvisionnement, au travers notamment de la programmation pluriannuelle des approvisionnements, la continuité de la fourniture, la régularité, la qualité et le prix, la protection de l'environnement et le développement équilibré des territoires ». Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable. Le présent amendement est satisfait par l'amendement n° 1535 que nous venons d'adopter.

M. André Chassaigne et M. Daniel Paul. Pas du tout !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Avis défavorable, que cet amendement ait été ou non déjà satisfait.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Le terme « obligations », qui figure dans l'amendement présenté par nos collègues du groupe communiste, vise à opérer la même clarification que les « missions » de service public inscrites dans l'article 2 de la loi du 10 février 2000, qui les détaille fort bien - le rapporteur de l'époque, Christian Bataille, le rappellerait mieux que moi. Le I de l'article 2 indique que tous les producteurs, et pas seulement EDF, GDF ou d'autres distributeurs, ont l'obligation de répondre à « la mission de développement équilibrée de l'approvisionnement en électricité », ou en gaz, comme l'indique un autre article.

M. Christian Bataille. Tout à fait !

M. Pierre Ducout. Le II et le III du même article indiquent clairement que EDF, les distributeurs non nationalisés, les régies ou les autorités concédantes sont chargés de « la mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité », ainsi que de la mission de fourniture d'électricité, qui « consiste à assurer sur l'ensemble du territoire », notamment dans le cadre de la péréquation géographique nationale, « la fourniture électrique à tout client éligible lorsque ce dernier ne trouve aucun fournisseur ».

M. Christian Bataille. Exact !

M. Pierre Ducout. Or, de telles dispositions ne figurent absolument pas dans l'amendement n° 1535 de M. Lenoir, qui vient d'être adopté, et dont la rédaction et l'exposé sommaire donnent l'impression qu'il étend à l'ensemble des opérateurs, en les banalisant, toutes les missions de service public, ce qui change du tout au tout la manière dont elles pourront être assurées. En effet, l'amendement n° 1535 ne précise pas les missions obligatoires des fournisseurs.

M. André Chassaigne. Très juste !

M. Christian Bataille. Cet amendement n'est qu'une caricature.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1554.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1555.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Cet amendement a le même objet que le précédent, s'agissant cette fois de l'électricité, sur laquelle il y a débat.

M. le ministre délégué à l'industrie. Là aussi ?

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre m'interrompt sans cesse.

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur le député.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vous en prie, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. En effet, la discussion porte, d'une part, sur les notions de missions de service public et d'obligations de service public et, d'autre part, sur les objectifs que le Gouvernement entend poursuivre au travers de ce texte - je m'en suis déjà inquiété hier soir. Il ne faut pas se cacher les termes d'un débat difficile.

C'est le sommet de Lisbonne de mars 2000 qui décida l'accélération de la libéralisation des secteurs du gaz, de l'électricité, de l'eau, des services postaux ou des transports, en vue d'achever la réalisation d'un marché intérieur des services.

Cette ouverture à la concurrence a été justifiée par l'efficacité économique qu'elle était censée offrir, alors même que les dimensions sociales et les questions relatives aux missions de service public étaient complètement marginalisées, voire exclues du cadre européen.

Dans le domaine énergétique qui nous occupe actuellement, les risques de disparition des normes et des règles fondatrices du service public de l'électricité sont complètement avérés. Or ces règles et ces normes ont permis d'assurer, notamment, notre indépendance énergétique par le biais d'une politique énergétique visant le long terme et se traduisant par une programmation pluriannuelle des investissements. C'est précisément dans le cadre de l'organisation du service public que la continuité de fourniture a pu être assurée et que les exigences en matière de qualité et de prix, de protection de l'environnement et de développement équilibré de notre territoire ont pu être satisfaites.

En raison de l'ouverture à 70 % du marché de l'électricité à la concurrence en juillet 2004, puis à 100 % à partir de 2007, les risques de perte d'efficacité économique, sociale et environnementale sont avérés. Les effets pervers se font déjà sentir, notamment en ce qui concerne les prix. Nous avons déjà insisté sur le sujet, nous y reviendrons tout au long du débat, puisque la baisse des prix est une des principales justifications de la réalisation d'un marché intérieur de l'électricité. Les clients éligibles en premier lieu, puis les consommateurs dans leur ensemble devaient bénéficier de baisses importantes des prix. Force est de constater que tel n'a pas été le cas, pour les gros clients industriels du moins, si bien qu'une hausse des tarifs de l'électricité jamais égalée en France pénalise aujourd'hui nos industries. En mars dernier, la SNCF s'est plainte de subir une hausse de sa facture d'électricité de l'ordre de 40 %, soit une augmentation de 120 millions d'euros pour 2004.

Lorsque le marché sera complètement ouvert à la concurrence, que restera-t-il des exigences en matière de péréquation tarifaire de l'électricité ? Chaque consommateur, petit ou gros, pourra-t-il choisir librement son fournisseur d'électricité ? De quelles garanties en matière de service public disposeront les consommateurs ? Quelles seront les garanties en matière de prix ? Les petits consommateurs ne seront-ils pas, eux aussi, pénalisés, lorsque des monopoles privés ou des oligopoles se seront constitués ? Sur un marché complètement dérégulé, quel sens pourrait alors conserver la notion d'égalité d'accès à ce bien de première nécessité qu'est l'électricité ?

En Grande-Bretagne, où le marché de l'électricité est complètement ouvert à la concurrence, 6 millions de personnes ont des difficultés à accéder à une électricité devenue trop chère pour eux. Autrement dit, la libéralisation et la déréglementation sont facteurs d'exclusion sociale. Mais elles sont également facteurs de rupture de l'alimentation en électricité et donc de rupture de continuité du service public. En septembre 2003, la Suède et le Danemark ont été privés d'électricité sur une partie de leur territoire tandis que l'Italie subissait l'effondrement de son réseau électrique. Il existe d'autres exemples de défaillances des réseaux d'électricité. N'est-ce pas parce que les missions et les obligations de service public ont été considérablement affaiblies dans le contexte d'ouverture à la concurrence que de tels désastres ont pu se produire ?

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'il est impératif de conforter notre service public et de le moderniser. Tel est le sens de la plupart des amendements que nous avons déposés. Mais le respect d'un tel impératif ne saurait suffire si, parallèlement, nous ne renforcions pas les obligations de service public pour l'ensemble des nouveaux opérateurs concurrents d'EDF. Tel est le sens de notre amendement.

J'ajoute qu'il existe d'ores et déjà sur le réseau plusieurs opérateurs. Notre collègue Chassaigne l'a rappelé à propos du gaz. En matière d'électricité, il en va de même : il existe, entre autres opérateurs, la CNR - Compagnie nationale du Rhône. Il convient de contraindre ces opérateurs à suivre les mêmes règles en matière de service public.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable. Cet amendement est déjà satisfait.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1555.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1556.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai simultanément les amendements nos 1556 et 1557. Ils ont le même objet, l'un s'agissant du gaz, l'autre de l'électricité.

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Soumettre l'ensemble des acteurs du marché de l'électricité à certaines obligations de service public est un impératif, si nous ne voulons pas être confrontés à des dysfonctionnements aussi graves que ceux qu'a connus la Californie. La sécurité et la continuité de l'alimentation de l'ensemble de notre territoire en dépendent.

Qui pourrait autrement contraindre Electrabel ou tout autre nouvel opérateur pénétrant sur le marché français à fournir en priorité notre territoire national dans des situations de pointe subite de la demande et ce, à un prix garanti ? Les contributions financières des opérateurs pour compenser les missions de service public qui demeureront à la charge d'EDF ne suffiront pas à maintenir les exigences du service public, lequel risque, dès lors, de se réduire comme peau de chagrin.

Telles sont les raisons pour lesquelles il nous paraît nécessaire de soumettre tous les nouveaux opérateurs concurrents d'EDF à des obligations de service public. Devons-nous rappeler que la Compagnie nationale du Rhône a participé à l'aménagement du Rhône, à la construction d'écluses à grand gabarit et à de nombreux barrages hydroélectriques, dans le cadre du développement du service et de l'aménagement de notre territoire ? Cette société possède par ailleurs dix-neuf centrales électriques et une trentaine de sites industriels et portuaires. Qu'en sera-t-il maintenant que cette société est détenue à près de 50 % par le groupe Suez via Electrabel ? Qu'en sera-t-il si les collectivités locales encore présentes pour 20 % dans le capital de la Compagnie nationale du Rhône cèdent leurs parts ?

Les efforts en matière d'infrastructures - entretien des berges, des centrales et des barrages - et l'aménagement des territoires seront-ils poursuivis ? De telles interrogations militent en faveur de l'amendement que nous avons déposé.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable. L'amendement est déjà satisfait.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le rapporteur, en silence, nous fait des signes à propos des contradictions qui seraient celles de la gauche sur la question. Les socialistes seraient isolés, car ils n'auraient pas la même appréciation que le groupe communiste. Je dis tout haut ce qu'il pense tout bas, ce qui permet d'éclairer le débat sur un vrai sujet.

Nos collègues communistes, en déposant de tels amendements, poursuivent le même objectif que le nôtre : garantir à l'ensemble des usagers français que les missions de service public seront pérennisées. Un deuxième objectif nous est, semble-t-il, commun : il est de maintenir le statut public d'EDF et de GDF, car nous estimons que c'est la meilleure garantie qui puisse être donnée à la poursuite des missions de service public.

En revanche, des divergences sur la méthode peuvent susciter un débat. M. Gonnot l'a fait remarquer, les syndicats eux-mêmes ne sont pas nécessairement d'accord entre eux. Nous pensons qu'il convient de déterminer avec certitude et de façon définitive le périmètre des missions de service public de l'énergie dans notre pays et donc assurer les moyens qui doivent être les siens, autrement dit les financements des charges de service public. Nous sommes, sur tous les bancs, me semble-t-il, d'accord pour reconnaître que c'est à l'ensemble des opérateurs, anciens, nouveaux et futurs, qu'il appartient de contribuer aux charges de service public, ce que prévoient les textes.

Cependant, un danger existe : lorsque tous les opérateurs auront les mêmes obligations en matière de service public, le club interprofessionnel des marchands d'énergie en France, se réunira et décidera de rencontrer le ministre - M. Devedjian ou son successeur, je l'ignore -...

M. le ministre délégué à l'industrie. Je l'ignore également. Il s'agira peut-être de vous.

M. François Brottes. ...pour se plaindre du poids insupportable des charges pesant sur les comptes de leurs compagnies. Ils se seront entendus pour exiger la réduction du périmètre des missions de service public. Que restera-t-il alors des garanties données ?

Un scénario identique s'est produit dans le secteur des télécommunications, dont l'expérience révèle combien le risque induit par la banalisation est grand ! Il engendre des menaces sur le statut public d'EDF et un risque de réduction du périmètre des missions de service public - qui se réalisera à terme. Si, en revanche, la loi indique clairement que ce sont les opérateurs existant - les régies, EDF et GDF - qui sont chargés des obligations de service public, une telle précision permettra à chacun de savoir ce qu'il aura à faire et combien cela lui coûtera. Les autres opérateurs ne seront pas dispensés de tout effort, puisqu'ils contribueront à l'accomplissement des missions de service public, mais ils le feront en dehors de toute banalisation.

Les amendements défendus par M. Chassaigne prêtent à une telle démonstration. Il s'agit d'un vrai sujet de préoccupation. L'objectif est commun, même si nous pensons que la plus grande prudence s'impose sur la méthode.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1556.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1557.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable. L'amendement est déjà satisfait.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1557.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1558.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Sur la base de la loi du 8 avril 1946, Gaz de France a développé un réseau de distribution de gaz. Mais avant la loi de 1946, certaines communes disposaient déjà de leur propre réseau de distribution, parfois exploité en régie, parfois sous d'autres formes. Il en ressort que des distributeurs non nationalisés ont été maintenus.

Vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nos prédécesseurs, Marcel Paul et Paul Ramadier, en 1946,...

M. le ministre délégué à l'industrie. Ah, les Paul ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. ...ne proposaient pas à notre pays de s'inspirer du Gosplan. Ils n'ont pas imposé de monopole de distribution, même s'il est vrai que les distributeurs non nationalisés, les DNN, ont été tenus d'exercer leurs activités dans le cadre de certaines limites géographiques.

Malgré tout, il s'avère que le système reposant sur GDF et sur les DNN ne permet pas, pour l'instant, de répondre aux demandes de toutes les communes désireuses d'être raccordées au réseau de distribution de gaz.

En 2000, pour remédier à cet état de fait, a été discuté un plan de desserte gazière. Sous l'égide de l'autorité publique, les demandes de raccordement des communes ont été examinées.

Ce plan, opérationnel en 2001, 2002 et 2003 n'a toutefois pas permis de répondre favorablement à toutes les requêtes. La direction de GDF, dans le cadre d'une stratégie de pré-privatisation, a estimé que l'équipement de certaines communes n'était guère rentable ou pas suffisamment rentable. Celle-ci tend en effet à se dégager un peu trop librement des missions de service public qui sont imposées à l'EPIC. Or ce ne serait pas possible si l'État assurait un contrôle effectif de la mise en œuvre de ces missions.

Il faut toutefois avoir à l'esprit que GDF doit faire face à des contraintes économiques et ne peut pas se permettre de faire fi de tout critère de retour sur investissements.

C'est sur la base de ces considérations que les projets avancés par ces communes, étudiés un par un, avaient pu être rejetés. Cependant, n'est-on pas en droit d'envisager que ces communes, dans le cadre de l'intercommunalité, seraient en mesure de reformuler un nouveau projet qui, cette fois, pourrait recevoir un accueil favorable de Gaz de France ?

Pour savoir si ces projets intercommunaux sont effectivement susceptibles d'être réalisés, il convient, de notre point de vue, parallèlement à la discussion du prochain contrat de groupe liant l'État à Gaz de France, de prévoir l'élaboration, dans les mêmes conditions qu'en 2000, d'un nouveau plan de desserte gazière. Tel est l'objet de notre amendement.

Un tel plan permettrait à certaines communes d'être raccordées. Ce serait particulièrement intéressant dans le cadre d'une politique d'aménagement ambitieuse du territoire, la présence d'un réseau de distribution de gaz pouvant renforcer l'attractivité du territoire concerné et susciter l'intérêt de nouveaux industriels - « espèce » actuellement très recherchée.

Il conduirait, plan de desserte oblige, à ce que les demandes des groupements de communes, insérées dans le cadre de débats locaux, fassent l'objet, éventuellement, d'un refus motivé de GDF.

Il obligerait l'État à rappeler GDF à ses missions et à ses obligations de service public. On comprend bien que l'entreprise nationale ne puisse pas se permettre d'assurer l'installation en gaz totalement à perte. En revanche, on ne saurait accepter qu'elle pousse à la privatisation en omettant ses missions de service public, c'est-à-dire en hiérarchisant les projets qui lui sont soumis, selon des critères basés exclusivement sur la rentabilité.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Gaz de France a remarquablement participé, au cours de ces dernières années, à l'aménagement du territoire, dans les zones rurales mais aussi dans des communes et des quartiers. Sans l'existence d'une entreprise publique, on peut se demander si cela aurait été possible. Je soupçonne que non.

J'ai le sentiment que ce qu'a fait Gaz de France, pour desservir des communes isolées, des quartiers périphériques de grandes villes, n'était pas d'une rentabilité démontrée. Par conséquent, sa transformation en société anonyme, sa privatisation, risque de freiner ce processus de desserte. Le dialogue que les maires des petites communes ont pu engager avec GDF va se trouver remis en cause.

L'amendement de Daniel Paul vient donc rappeler très utilement quelles sont les obligations de service public de Gaz de France.

Pour autant, je ne voudrais pas que, par le vote d'un tel amendement, on oublie les partenaires privés qui peuvent participer au service public du gaz et donc aux obligations qui incombent à chacun.

Il est utile d'indiquer les contraintes qui s'imposeront à GDF, dans le cadre d'un dialogue avec les services publics. Mais il faudra aussi réfléchir à ce que seront les obligations des autres partenaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous évoquons là un problème important, celui de la desserte du territoire en matière de gaz. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai eu l'occasion d'avancer cet après-midi, notamment sur le fait que l'entreprise serait déjà tentée de ne pas étendre cette desserte. Mais j'aimerais qu'on s'arrête quelques instants sur l'exemple de France Télécom.

Il y a huit ans, en 1996, le capital de cette entreprise a été ouvert et son statut modifié. Depuis, celle-ci a complètement changé sa méthode de fonctionnement. Et cela ne date pas des difficultés financières qu'elle a rencontrées.

Dès que les impératifs de rentabilité se sont imposées à elle, c'est-à-dire dès l'ouverture de son capital, France Télécom a commencé, bien légitimement, à réfléchir au rapport qualité-prix de chacun de ses investissements.

Les élus ruraux le savent. Aujourd'hui, négocier avec France Télécom l'enfouissement des réseaux dans nos bourgs et dans nos villages est bien difficile. Au point que le législateur a voté un amendement, dans le cadre de la dernière loi sur l'économie numérique, obligeant France Télécom à se plier aux vœux des collectivités locales.

Un réseau aérien ou souterrain ne rapporte rien de plus à France Télécom. A partir du moment où les impératifs de rentabilité dirigent seuls l'entreprise, cette façon de faire n'a rien d'étonnant.

On peut imaginer que dans quelques années, si certaines obligations ne sont pas précisées, GDF préférera renforcer un feeder à tel ou tel endroit pour faire passer davantage de gaz, plutôt que d'étendre son réseau dans d'autres secteurs moins rentables. D'où l'importance qu'il y aurait à indiquer qu'il faudra s'engager dans un nouveau plan de desserte gazière.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1558.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Tout arrive : je mets aux voix l'article 1er ! (Sourires .)

(L'article 1er est adopté.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Quel bonheur !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Quel soulagement !

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 1er.

Après l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1656.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. L'article additionnel que cet amendement tend à insérer après l'article 1er est ainsi rédigé : « Le ministre en charge de l'énergie prend les mesures appropriées pour garantir l'accès au réseau et la continuité de la distribution en gaz naturel et en électricité pour l'ensemble des usagers et, en particulier, ceux des régions les plus reculées. »

Certes, ces dispositions sont prévues par l'article 3.5 de la directive 2003/54/CE sur le marché de l'électricité et l'article 3.3 de la directive 2003/55/CE sur le marché du gaz naturel. Elles visent à assurer une réelle égalité de traitement des usagers sur tout le territoire national. Mais on connaît les actuelles difficultés pour maintenir certains services publics. Voyez ce qui se passe avec La Poste ou avec les opérateurs de télécommunications. En milieu rural, notamment, il faut se battre et payer deux fois : payer les impôts comme tout habitant de ce pays et remettre la main à la poche si l'on veut être desservi !

Or l'accès au réseau et la continuité de la distribution du gaz naturel et de l'électricité doivent être garantis à tous les habitants de ce pays, quel que soit le territoire où ils demeurent. Le vote de cet amendement constituerait une garantie supplémentaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, je trouve dommage de ne pas obtenir d'explications !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1656.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements identiques, nos 377 rectifié à 387 rectifié. L'amendement n° 387 rectifié fait l'objet de trois sous-amendements, nos 1242 rectifié à 1 244 rectifié.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. L'amendement n° 377 rectifié vise à renforcer le rôle du maire ou du président d'un établissement public de coopération intercommunal en s'inspirant, pour le service public de l'électricité, de ce que l'on fait déjà pour celui de l'eau potable ou de l'assainissement.

On présenterait chaque année un rapport sur le prix et la qualité du service public de l'électricité, destiné à informer les conseils municipaux et, à travers eux, les usagers.

Il serait présenté dans les six mois suivant la clôture de l'exercice concerné et devrait comporter certains indicateurs techniques et financiers. Il permettrait surtout d'avoir des informations précises sur les incidences du changement d'EDF sur le tarif de l'électricité et sur sa gestion.

Cet amendement a suscité l'intérêt du rapporteur ; on le verra au moment de l'examen des sous-amendements qu'il a déposés. Je crois, monsieur le ministre, qu'il mérite votre intérêt. Il vise à enrichir le texte et à faciliter la circulation de l'information en direction des conseils municipaux et des établissements intercommunaux. Il constituerait une sorte de tableau de bord permanent des conséquences du changement de statut d'EDF.

Mme la présidente. Avant de passer la parole au rapporteur, nous allons aborder les autres amendements.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Mais ils sont identiques !

Mme la présidente. Certes, monsieur le rapporteur. Mais je vous donnerai la parole lorsque ces autres amendements auront été défendus - s'ils sont défendus.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. De toute façon, nous allons les accepter !

Mme la présidente. Monsieur Ollier, vous m'avez opposé hier soir le règlement. Je le brandis à mon tour et je vais donner la parole à M. Brottes.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Eh bien, dans ces conditions, nous n'accepterons pas ces amendements ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur Ollier, pas de menaces ! Ce serait dommage...

M. François-Michel Gonnot. On va vous les prendre, ces amendements...

M. François Brottes. Nous ne sommes pas là pour faire du marchandage ! M. Ollier a fait de grandes déclarations cet après-midi pour décrédibiliser l'action de l'opposition, en tendant à faire croire que nous répétions systématiquement les mêmes arguments lorsque nous défendons des amendements identiques.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il n'a pas été gentil, alors ?

M. François Brottes. En quelque sorte...

Je rappelle que M. Lenoir, dans une longue intervention, a déclaré : « Peut-on dénier le droit d'ouvrir la bouche à tous ceux qui osent faire valoir un point de vue différent de celui de la majorité ? » C'était un reproche qu'il formulait à l'égard de la majorité de l'époque. Je note que l'histoire bégaie, mais pas forcément du même côté...

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous avez réussi à vous exprimer !

M. François Brottes. Bien sûr, et je veux ajouter un argument à ceux qu'a développés Christian Bataille. J'insiste sur ce point car que c'est toujours ainsi que cela se passe : quand plusieurs orateurs défendent un amendement identique, le temps de parole étant limité, chacun d'entre eux essaie de développer une argumentation complémentaire.

Pourquoi souhaitons-nous que le maire présente ce rapport au conseil municipal ? Parce que dans une commune, le CCAS s'occupe de la distribution d'énergie. Dans ma commune, par exemple, le CCAS reçoit des crédits pour aider ceux qui n'ont plus de chauffage, faute de pouvoir payer. C'est ce qu'on appelait autrefois le « ticket charbon ».

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cela n'a rien à voir !

M. François Brottes. Le conseil municipal est en droit de connaître l'évolution des tarifs et des prix. Quand le prix de l'énergie subira une augmentation considérable, qui est probable et que l'on observe déjà, que feront ceux qui ne pourront plus se chauffer faute de pouvoir payer l'électricité ? Ils se retourneront vers la collectivité.

Il est important, compte tenu des sommes que représentent les modifications tarifaires sur une population communale, que le maire puisse prévoir annuellement leur impact.

Voilà un argument qui s'ajoute à ceux développés par M. Bataille. Je vous remercie, madame la présidente, de permettre à chacun d'entre nous de défendre son amendement. Il ne s'agit pas de marchander un temps de parole contre l'acceptation d'un amendement, mais d'expliquer pourquoi nous souhaitons qu'il soit accepté.

Mme la présidente. La parole est à M. François Dosé, pour soutenir l'amendement n° 381 rectifié.

M. François Dosé. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l'amendement n° 382 rectifié.

M. Pierre Ducout. Il est normal que même si, pour respecter l'ordre alphabétique, M. Bataille a parlé le premier, suivi de M. Brottes, nous puissions nous exprimer également.

Je vous rappelle que ce sont nos gouvernements qui, en instaurant la remise de rapports devant les assemblées délibérantes, ont apporté de la transparence dans la vie publique, en matière de gestion de l'eau et des problèmes d'assainissement ou pour surveiller la qualité de certains services ou les provisions pour renouvellement.

Quelque chose a donc été fait en ce sens. EDF remet à l'autorité concédante, c'est-à-dire au maire, un rapport qui rend compte de la qualité du service, indique le nombre de coupures ou de micro-coupures et la régularité de la tension. L'information des usagers est ainsi assurée.

C'est encore un gouvernement de gauche qui a mis en place les commissions consultatives des services publiques. Je pense que la défense de notre démocratie, qui repose sur les services publics, en particulier pour l'électricité et le gaz, justifie amplement l'adoption de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l'amendement n° 383 rectifié.

M. Jean Gaubert. Madame la présidente, nous ne prenons pas la parole pour le plaisir de nous écouter. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Il était bon de le préciser !

M. Jean Gaubert. Si c'était pour le plaisir, je parlerais moins vite, car j'attendrais, comme le font certains, que l'écho revienne. Si j'interviens, c'est que je dois apporter certaines précisions.

Mme la présidente. Ne perdez pas de temps, monsieur Gaubert !

M. Jean Gaubert. Je voudrais dire à M. Ollier que je ne crois pas que nous soyons ici dans une salle de classe, amenés à gérer la relation affective entre l'enseignant et les élèves. J'ose espérer que si vous acceptez un amendement de l'opposition, ce n'est pas simplement pour nous faire plaisir, mais parce qu'il est bon ou parce qu'il est utile, le reste ayant peu d'importance. J'ai été très choqué par la réaction que vous avez eue tout à l'heure : « Si vous n'êtes pas sages, nous n'accepterons pas vos amendements ». C'est une drôle de façon de faire la loi !

M. le ministre délégué à l'industrie. S'il y a une drôle de façon de faire la loi, ce sont vos amendements !

M. Jean Gaubert. Je voudrais insister sur un point que mes collègues n'ont pas eu le temps de développer : l'information des consommateurs.

Le service public, parce qu'il est public, a une lacune : il délaisse un peu l'information des consommateurs. Un débat public au sein du conseil municipal autour de ce rapport annuel informera les consommateurs des conditions dans lesquelles le service de distribution de l'électricité et du gaz est assuré dans la commune, dans la communauté de communes ou, plus généralement, dans un syndicat.

Comme mes collègues, je dirai que cet amendement est utile en ce sens qu'il renforce les textes qui régissent l'eau, l'assainissement ou les ordures ménagères.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission avait émis un avis favorable sous réserve de l'adoption de trois sous-amendements nos 1242 rectifié, 1243 rectifié et 1244 rectifié que j'avais moi-même déposés.

Je retire ces trois sous-amendements, madame la présidente, et à titre personnel, j'émets un avis défavorable sur les amendements.

Mme la présidente. Les sous-amendements nos 1242 rectifié, 1243 rectifié et 1244 rectifié sont retirés.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Également défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous assistons à une démonstration très infantile, digne d'une cour de récréation. Nous n'avons pas été sages, donc vous n'acceptez pas nos amendements, qui pourtant l'ont été en commission !

M. François-Michel Gonnot. Et nous, on vous regarde ? Qui est infantile ?

M. François Brottes. Vous retirez vos sous-amendements et vous êtes défavorables à nos amendements. Je trouve cela totalement puéril, je le dis comme je le pense. Nous prenons acte de cette attitude.

Je vous fais observer, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, que les orateurs qui ont défendu le même amendement n'ont pas du tout développé la même argumentation. Seuls les sourds pourraient prétendre le contraire. Votre comportement n'est pas correct. Cela dit, c'est votre droit et nous le respectons, comme j'entends que vous respectiez le nôtre.

Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance.

Mme la présidente. La suspension de séance est de droit. Je vous accorde cinq minutes.


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je rappelle que les sous-amendements nos 1242 rectifié, 1243 rectifié et 1244 rectifié ont été retirés ; je vais donc mettre aux voix par un seul vote les amendements nos 377 rectifié à 387 rectifiés.

M. François Brottes. On aimerait avoir l'avis de la commission !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Mais je l'ai donné !

Mme la présidente. Je voulais simplement rappeler, monsieur Brottes, que les sous-amendements avaient été retirés.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 377 rectifié à 387 rectifié ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je répète qu'il est défavorable.

Mme la présidente. M. Brottes l'avait oublié apparemment.

L'avis du Gouvernement était également défavorable, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Oui.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Pardonnez-moi, madame la présidente, mais il me semblait que la commission les avait acceptés, et dans cette assemblée le rapporteur est censé donné le point de vue de la commission. Que son point de vue personnel soit différent, ou qu'il en change, c'est son droit le plus absolu, mais j'aurais souhaité qu'il soit objectivement fidèle au vote de la commission. Je voulais simplement souligner que tel n'était pas le cas, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J'ai dit tout à l'heure que la commission avait donné un avis favorable sous réserve, et j'ai précisé qu'à titre personnel j'étais défavorable à l'amendement, ce que je confirme.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je voudrais répéter ce qui a été dit en commission : il s'agit objectivement d'un bon amendement. Aujourd'hui les conseils municipaux sont totalement écartés du débat sur l'électricité, qui est confisqué par les syndicats. Je ne nie pas l'intérêt de ces instances, mais cela ne justifie pas que les instances municipales ou intercommunales soient totalement absentes du débat sur le service public de l'électricité. Voilà un point sur lequel nous étions tombés d'accord en commission.

Il est temps de revenir quelque peu à la raison. Nous serions heureux, nous, députés de l'UDF, qui n'avons pas pris souvent la parole, d'apporter un peu de sagesse et de décrispation à ce stade du débat.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 377 rectifié à 387 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements identiques, nos 388 rectifié à 398 rectifié.

Sur l'amendement n° 398 rectifié, je suis saisie de trois sous-amendements, nos 1245 rectifié à 1247 rectifié.

La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l'amendement n° 388 rectifié.

M. Christian Bataille. Ces amendements sont fort semblables aux précédents : nous proposons que la loi prévoie que l'autorité concédante du service public du gaz présente un rapport annuel sur le prix et la qualité du gaz, comme nous venons de le proposer pour l'électricité, qu'il s'agisse des conseils municipaux ou des établissements publics de coopération intercommunale. Cette mesure assurerait une meilleure participation des assemblées territoriales délibérantes.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 390 rectifié.

M. François Brottes. Étant donné que cet amendement est effectivement identique aux amendements de la série précédente, sinon qu'il concerne le gaz, et non plus l'électricité, je ne vais pas répéter ma précédente argumentation. J'exprimerai simplement le souhait que le rapporteur retrouve un esprit, sinon conciliant, du moins serein, comme le demandait notre collègue de l'UDF. La commission a en effet adopté nos propositions sur cette question, et il semblerait judicieux qu'on retrouve un peu de bon sens, et qu'en tout état de cause nos propositions puissent être acceptées par l'Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l'amendement n° 393.

M. Pierre Ducout. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l'amendement n° 394 rectifié.

M. Jean Gaubert. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les sous-amendements nos 1245 rectifié à 1247 rectifié.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission avait présenté l'amendement n° 398 rectifié sous réserve de l'adoption de ces trois sous-amendements, que j'avais moi-même déposés. Je les retire, et j'émets à titre personnel un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Les sous-amendements nos 1245 rectifié à 1247 rectifié sont retirés.

M. Jean Gaubert. Je les reprends, madame la présidente.

Mme la présidente. J'en prends acte.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Avant que le Gouvernement ne s'exprime, il souhaiterait entendre ce qu'ont à dire les orateurs socialistes.

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Ça va être très bref : puisque vous voulez jouer à ce petit jeu, monsieur le rapporteur, nous reprenons les sous-amendements nos 1245 rectifié à 1247 rectifié.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il me semble que l'on ne peut pas reprendre un sous-amendement à son propre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Sans prétendre connaître parfaitement le règlement de l'Assemblée nationale, je ne vois pas où est le problème, puisque je ne reprends pas un sous-amendement à mon amendement, mais à l'amendement n° 398 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois sous-amendements ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1245 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1246 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1247 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 388 rectifié à 398 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 2

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. L'article 2 traite de la possibilité pour EDF et GDF de créer des services communs.

Comme le rappelle l'exposé des motifs de votre projet de loi, monsieur le ministre, en application de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, les deux établissements publics ont déjà développé un service commun, dénommé « EDF- GDF services », comptant près de 60 000 agents, qui assurent efficacement la gestion des réseaux de distribution et un service public de qualité au plus près du terrain. Il indique clairement que ce service fonctionne très bien. L'exposé des motifs ajoute qu'« il est souhaitable que ce service soit pérennisé afin de continuer à tirer profit des synergies existantes entre les deux entreprises ». On peut se demander si vous y croyez, car si tel était le cas vous auriez dû écrire qu'il fallait que ce service soit pérennisé.

Mais comment envisager la pérennité de ce service commun si EDF et GDF, alliés à Suez et à Électrabel par exemple, doivent demain s'affronter dans une concurrence sauvage sur le marché conjoint de l'électricité et du gaz, le principe de spécialité devant disparaître ?

Il faut donc se poser la question du rapprochement ou de la fusion des deux sociétés. Sur ce point, le rapport demandé aux deux présidents aurait dû être communiqué à l'Assemblée avant l'examen de ce projet.

On a entendu le président de Gaz de France. Sur l'opportunité et la faisabilité d'une fusion, il faudrait aussi se demander quel est l'intérêt pour la France et, puisque c'est votre argument principal, quelles contreparties seraient exigées par les autorités européennes. La Commission européenne a demandé la constitution d'une commission d'enquête approfondie sur l'accord de coopération entre Areva et Urenco, considérés comme des géants du nucléaire et qui sont, pour moi, des champions européens en matière d'enrichissement de l'uranium par centrifugation.

Cette enquête approfondie aboutira peut-être à la conclusion que cet accord est conforme à l'intérêt général de l'Europe, mais encore faudrait-il savoir si les commissaires cherchent aujourd'hui l'intérêt général de l'Europe pour une politique énergétique européenne, ou uniquement la mise en œuvre des positions ultra-libérales de Loyola de Palacio...

Aujourd'hui, j'ai entendu avec plaisir la même Loyola de Palacio s'exprimer sur l'avancement du projet européen Galileo et sur sa compatibilité avec le système GPS, rappelant que c'est une action européenne importante, volontariste, lancée par la France avec le général de Gaulle et devenue un moteur de la politique spatiale européenne. Ne faut-il donc pas faire preuve aujourd'hui, au niveau européen, de la nécessité d'une réelle politique industrielle de l'énergie européenne, en particulier en matière nucléaire ?

Voilà ce que je tenais à dire. Il y aura certainement d'autres arguments sur ce sujet important.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Les établissements publics EDF et GDF ont la possibilité d'établir entre eux des conventions pour organiser des services communs aux deux établissements.

Notre groupe l'a déjà dit : nous sommes favorables au maintien du service commun, garant du service public et de l'aménagement du territoire. Nous sommes partisans d'une politique de rapprochement et non d'éclatement ou de filialisation.

Au travers de cet article, il faut se demander s'il s'agit de rapprocher les deux entreprises et d'en faire des services communs dans l'intérêt des citoyens et de la clientèle, ou d'accréditer l'idée d'une filialisation, d'une division par appartements d'EDF et de GDF qui aboutirait, au fond, par paliers, par filialisations successives, à passer du statut d'EPIC au statut de SA, et qui risquerait de faire d'EDF-GDF dans quelques années, séparément ou ensemble, une coquille vide, devenant ainsi une entreprise démantelée, alors que nous voulons défendre une entreprise intégrée.

Par conséquent, monsieur le ministre, nous écouterons avec intérêt vos commentaires sur l'ensemble de l'article 2 et sur le rapprochement d'EDF et de GDF. EDF et GDF se rapprochent à travers les services, mais entendez-vous aller plus loin ? Êtes-vous partisan de l'unité du service public ou de sa filialisation et, par conséquent, de sa division par appartements ?

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, en bas de la page 5, là où est présenté l'objet de l'article 2, il est écrit : « En application de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, EDF et Gaz de France ont développé un service commun, dénommé « EDF-GDF services », et chargé d'assurer la gestion réseaux de distribution et un service public de qualité au plus près du terrain. Il est souhaitable que ce service soit pérennisé afin de continuer à tirer profit des synergies existantes entre les deux entreprises. ».

Le problème, monsieur le ministre, c'est qu'il y a un écart considérable entre le texte de l'exposé des motifs et la lettre de l'article 2.

En fait, loin de pérenniser les services communs à EDF et GDF - sachant qu'«EDF-GDF services » n'est pas le seul service commun aux deux EPIC -, l'article 2 du projet de loi fait peser de lourdes menaces sur leur existence à moyen terme. La disparition de ces services est à craindre. La réduction de leur champ d'activité et l'appauvrissement de leurs missions sont certains.

Il convient de mettre en évidence quelques éléments à même d'appuyer cette affirmation.

Premier élément : l'article 2 du projet de loi n'évoque absolument pas les activités de commercialisation et de fourniture, que les directions projettent de regrouper avec les activités commerciales déjà extraites de la distribution « électricité-gaz services ».

Deuxième élément : l'article 2 tel qu'il nous est proposé est en deçà du texte de l'avant-projet de loi, puisqu'il ne reprend pas l'alinéa selon lequel l'opérateur commun, je cite l'avant-projet de loi, « contribue à assurer une présence efficace sur le territoire national et facilite l'accès des citoyens au service public de l'énergie. » Ce retrait est particulièrement préoccupant dans la mesure où le service commun ne se voit attribuer aucune mission de service public en propre.

Troisième élément : l'article 2 ne mentionne plus la possibilité de créer des structures communes entre EDF et GDF ou entre leurs services communs et les distributeurs non nationalisés. Cela est susceptible de menacer le développement de synergies fructueuses. Mais un tel parti pris ne saurait surprendre, puisque l'article 27 du projet de loi vise justement à créer les conditions pour que les DNN deviennent des concurrents d'EDF et de GDF.

Quatrième et dernier élément : l'article 2 précise que les services communs, et donc « EDF-GDF services », pourront être « dotés ou non de la personnalité morale ». Rien n'exclut donc que les services puissent, dès la promulgation de la loi, être constitués sous la forme de sociétés filiales ou encore de groupements d'intérêt économique. Il faut bien avoir à l'esprit que la création d'une personne morale par convention exclut par elle-même que cette personne morale puisse être un établissement public.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, on mesure donc tout le danger que représente l'article 2.

Nous aurons l'occasion par nos amendements de mettre en évidence l'ensemble des problèmes soulevés par ce deuxième article d'un titre Ier qui, malgré son intitulé, n'a vraiment rien à voir avec ce que nos concitoyennes et concitoyens sont en droit d'attendre du service public.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. La fusion des deux EPIC est une nécessité.

Aujourd'hui, la direction EDF-GDF services, commune aux deux établissements, est composée de 102 centres de distribution. 65 000 agents y travaillent.

C'est un exemple unique de synergie et d'économies d'échelle. Le choix de la séparation aboutirait à casser cette synergie. Du point de vue commercial, les entreprises compétitives doivent mettre en évidence l'importance de l'offre multi-énergies. Cette force serait cassée s'il n'y avait pas fusion.

Du point de vue financier, si la fusion était abandonnée, chacun irait de son côté chercher un gazier et un électricien. Aller chercher loin ce qu'on a à portée de la main représenterait un gâchis incontestable et une atteinte à la qualité du service.

Y a-t-il une opposition, au niveau européen, sur la fusion ?

Au plan européen, rien ne semble s'opposer à la fusion, sinon la direction d'EDF qui prétend que les entreprises ne réalisent plus les deux tiers de leurs chiffres d'affaires à l'intérieur d'un seul et même État, ce qui reste à démontrer.

Quel objectif recherchons-nous quand nous affirmons très nettement et avec force la nécessité de cette fusion ?

Fusionnés, les moyens d'EDF et de GDF pourraient être mis au service d'une politique énergétique française de grande valeur à court et à long termes. Sans fusion, les entreprises se mettraient en danger en se lançant dans un Monopoly risqué. On voit d'ailleurs les effets au niveau industriel des oppositions entre des groupes proches.

Le Gouvernement a soutenu Alstom et encouragé la fusion Sanofi-Aventis. Il devrait aujourd'hui faire de même pour EDF et GDF.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements de suppression de l'article, nos 1130 et 1503.

L'amendement n° 1130 de M. Yves Cochet n'est pas défendu.

La parole est à M. André Chassaigne, pour défendre l'amendement n° 1503.

M. André Chassaigne. Sous prétexte de pérenniser le service commun « EDF-GDF services », l'article 2 jette en fait les bases de son démantèlement. Aussi, il convient d'exiger sa suppression. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter quelques témoignages d'agents.

«Le problème, ce ne sont pas mes acquis sociaux, c'est l'avenir de l'entreprise ».

Voilà ce que déclarait à la presse en mai dernier un des 64 000 agents de « EDF-GDF services », animateur « clientèle » à Périgueux, inquiet des évolutions impulsées par des directions plus soucieuses d'inoculer le virus de la culture d'entreprise que de pérenniser et moderniser les modalités de mise en œuvre des missions de service public.

Dans ce cadre, la direction a décidé de fermer de nombreuses agences de proximité. Par exemple, dans les Hauts-de-Seine, celles de Suresnes, de Rueil-Malmaison, de Levallois-Perret ont été supprimées.

Une inquiétude très forte s'exprime en milieu rural : les élus locaux ont bien compris que faire primer le droit de la concurrence sur les missions de service public, c'est se résigner à la disparition des agences.

Pour pallier la fermeture des caisses, les directions locales signent des conventions avec La Poste, qui accueille des points services.

Le problème, c'est que La Poste, dont la direction est elle aussi en train de privilégier la rentabilité financière au détriment de l'aménagement du territoire et de la cohésion sociale, ferme de nombreux guichets, parfois remplacés par des points postaux chez les commerçants, par exemple les buralistes.

Si l'on comprend bien, EDF et GDF, avec la fermeture de ses agences, délèguent à La Poste, par convention, qui elle-même délègue à des commerçants, alors que ceux-ci, malgré toute leur bonne volonté, ne sont ni postiers ni conseillers financiers et encore moins électriciens ou gaziers.

Nous sommes dans une situation ubuesque !

Dans ces conditions, comment ne pas voir que les agents d'EDF et de GDF sont confrontés à une véritable crise, sommés d'abandonner une culture de service public patiemment acquise.

« On nous parle de plus en plus d'objectifs individuels », déplore ainsi un conseiller « clientèle » à Quimper.

La question circule dans les services aux usagers : « Tu choisiras le gaz ou l'électricité ? ». Elle demeure sans réponse puisque les agents, ne connaissant pas l'échéance, savent encore moins s'il sera réellement possible de choisir.

Avant de conclure, je vous livre une citation d'un agent, d'un homme de terrain, lui aussi attaché au service public, chargé de la relève, à Perpignan :

« On sait qu'on va être concurrents, et on aurait préféré rester ensemble, avec nos véhicules EDF-GDF ».


Avec lui, nous affirmons avec force et détermination que la séparation de la distribution du gaz et de l'électricité nous semble illogique et totalement antiéconomique.

Si les deux entreprises se lancent dans une concurrence fratricide, le service commun pourra-t-il perdurer ? Qui peut le croire ? En tout cas, l'article 2 du projet de loi laisse la porte ouverte à toutes les possibilités.

C'est à la lumière de cette analyse que nous proposons de fusionner les deux EPIC, au côté de nombreuses organisations syndicales, qui représentent près de 80 % du personnel si l'on se fie aux résultats des élections des administrateurs salariés qui ont eu lieu le 6 mai.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous tenons à notre texte !

M. Daniel Paul. Et nous à nos amendements !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J'adhère à la proposition de nos collègues communistes. J'aurais pu prendre la parole sur l'article, afin de développer les arguments que je vais exposer à présent, mais, soucieux d'être constructif et pour ne pas me répéter, j'ai préféré attendre ce moment.

L'article 2 est un rideau de fumée, et c'est pourquoi il faut le supprimer. L'article 1er était celui de la bonne conscience pour le service public. Mais il s'agit à présent de masquer l'accélération prochaine du démantèlement. En d'autres termes, on nous dit ici : dormez tranquilles, il y a obligation de pérenniser un service commun ; circulez, il n'y a rien à voir, et on passe à l'article suivant.

En réalité, si l'exposé des motifs prévoit de pérenniser les activités actuelles de distribution à travers un service commun, le projet lui-même n'évoque absolument pas les activités de commercialisation et de fourniture, que la direction veut regrouper avec les activités commerciales.

En outre, le texte prévoit l'obligation de créer un service commun pour différentes activités, mais il ne reprend pas l'alinéa selon lequel cet opérateur commun contribue à assurer une présence efficace sur le territoire national et facilite l'accès des citoyens au service public de l'énergie. Ce retrait est gênant, dans la mesure où, bien qu'il soit rendu obligatoire, le service commun ne se voit pas attribuer de missions de service public en propre.

Le nouveau projet précise désormais que les services communs, et donc EDF-GDF Services, pourront être dotés de la personnalité juridique. Mais, comme vient de le dire André Chassaigne, rien n'exclut que les services puissent, dès la promulgation de la loi, c'est-à-dire sans attendre, être constitués sous la forme de sociétés filiales, voire de groupements d'intérêt économique. En effet, la création d'une personne morale par convention exclut de facto qu'elle puisse être un établissement public. Chacun doit bien prendre conscience des conséquences de cet article.

Enfin, le Gouvernement et les directions se sont engagés à créer EDF-GDF Services Distribution, un service commun regroupant environ 60 000 personnes et s'appuyant sur le maillage territorial des actuels centres de distribution. Toutefois, cette promesse n'est pas reprise dans la loi. J'aimerais donc savoir si, sur ce point, les engagements seront tenus. Je conçois qu'ils ne soient pas de nature législative, mais, en tout état de cause, comme cela concerne de nombreux salariés et l'ensemble du territoire, il est important que nous puissions avoir des précisions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1503.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1524.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Vous l'avez compris, nous sommes attachés à la préservation des services communs EDF-GDF, qui constituent une sorte de socle sur lequel il est possible de bâtir un nouveau projet industriel au moyen de la fusion des deux EPIC. Notre position de principe est très simple : il est vain de vouloir dissocier les deux catégories de personnels, d'un côté les électriciens, de l'autre les gaziers. Certes, les métiers sont différents, mais il y a quelque chose qui assure la cohésion de ces agents et permet d'expliquer pourquoi des retraités ont spontanément repris du service lors de la tempête de 1999 - les habitants et les maires des régions traversées par la tempête savent ce qu'ils doivent à cette mobilisation. Contrairement à ce que l'on entend ici ou là, ce quelque chose n'a rien à voir avec de prétendus privilèges : c'est tout simplement la culture de service public à laquelle ces salariés sont attachés. Cette culture est le fruit d'une histoire qui se conjugue au passé, au présent, et - ils l'espèrent - au futur.

Certes, une approche comptable ne peut tenir compte de cette particularité. L'esprit de service public est un lien, dont la solidité n'est plus à démontrer, qui unit les agents d'EDF et de GDF, et tout particulièrement les 64 000 hommes et femmes qui font vivre EDF-GDF Services.

Tout cela serait affaibli par le projet du Gouvernement, qui prévoit que les services communs créés adopteront une comptabilité analytique permettant d'identifier les coûts afférents à chacune des deux entreprises. Ces dispositions banalisent l'existence des services communs en portant atteinte à leur spécificité. Nous le répétons depuis le début de nos débats : c'est autour de ces services que se renforceront les synergies économiques utiles, hier comme demain, à notre pays.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1524.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1526.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1526.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1525.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1525.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi d'un amendement n° 1650.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir. Monsieur Chassaigne, peut-être pouvez-vous présenter en même temps l'amendement de repli n° 1648.

M. André Chassaigne. L'amendement n° 1650 vise à élargir le bénéfice du fonctionnement commun des services aux filiales de transport. Nous avons dit les raisons pour lesquelles nous souhaitions le maintien des services communs à EDF et à GDF, maintien qui n'est absolument pas garanti par cet article 2. Nous avons évoqué celles pour lesquelles nous étions opposés à la filialisation des activités de transport d'EDF et de GDF. Une telle orientation contribue nécessairement à la désintégration des entreprises et aux ruptures des synergies internes.

Selon nous, le maintien des missions de service public en matière, par exemple, de sécurité d'approvisionnement pour le gaz, de continuité d'alimentation et de fourniture d'électricité, de qualité et de prix, de péréquation des tarifs d'électricité, d'égalité d'accès, et la préservation des synergies industrielles militent en faveur d'entreprises intégrées.

A contrario, rien - et certainement pas des dysfonctionnements - ne justifie la séparation des différentes activités de production, de transport et de distribution pour EDF, d'importation, de transport et de distribution pour GDF. Nous avons de bonnes raisons de croire que, a priori, qu'un groupe intégré sur ces différents segments peut davantage faire jouer les synergies et sera mieux à même d'affronter la concurrence.

Pour Gaz de France, la perte des activités de transport, segment qui dégage la marge la plus importante, serait fatale. Peut-on décemment envisager qu'une telle entreprise, garante de notre service public, qui a permis d'assurer sur le long terme nos approvisionnements en gaz et de desservir de nombreuses communes de France, puisse être vouée à devenir une simple société de négoce ?

Aucune raison économique ne justifie la filialisation des réseaux de transport. Cette démarche relève en réalité d'une volonté politique européenne, davantage inspirée par des choix idéologiques libéraux que par le réel souci d'accroître l'efficacité du système d'organisation énergétique.

Qui plus est, le processus de déréglementation est mené dans la précipitation. Les premières directives de 1996 pour l'électricité, de 1998 pour le gaz, ont été transposées respectivement en 2000 et en 2003. Aucun bilan n'a vraiment été dressé depuis, malgré les crises récurrentes qu'ont connues de nombreux pays ayant complètement libéralisé ce secteur.

On entame aujourd'hui une nouvelle étape consistant à séparer juridiquement la gestion du réseau de transport de celle de la production ou de fourniture d'électricité ou de gaz.

Ce sont les vertus de la concurrence, censées se traduire par d'importantes baisses de prix, par la relance des innovations et de l'initiative économique privée, qui sont mises en avant sur fond de démantèlement des anciens monopoles publics, taxés, sans aucune preuve, d'inefficacité.

De toute évidence, il apparaît que de tels gains en efficacité n'ont pas été au rendez-vous. A contrario, ce sont même de grandes pertes en efficacité que l'on observe aujourd'hui et qui conduisent certains pays, telle l'Angleterre, à renationaliser, à se réapproprier ce secteur abandonné à la régulation marchande.

Malgré cela, et bien que de multiples organisations syndicales et politiques, mais aussi des associations et divers mouvements sociaux, aient maintes fois réclamé un moratoire sur le processus de libéralisation, le mouvement de destruction se poursuit, avec toutes les incohérences, tous les dysfonctionnements qui compromettent à terme la viabilité même de notre système énergétique.

Il serait suicidaire de s'entêter dans cette voie : nous ne cassons pas seulement nos services publics, mais aussi les grandes entreprises qui assuraient notre indépendance énergétique tout en garantissant des services publics de qualité et en jouant un rôle de correcteur des inégalités sociales et territoriales.

Notre amendement vise donc à apporter quelques garanties face à l'éventualité de la filialisation des activités de transport, par l'intermédiaire des services communs à EDF et à GDF mentionnés dans cet article. Il propose en effet d'élargir aux filiales de transport le bénéfice du fonctionnement commun de ces services. Il s'agit ici de faire en sorte que soient renforcées à travers des services communs les synergies et complémentarités entre les deux entreprises. Car tout nous porte à croire que l'on cherche en réalité à mettre en concurrence les deux opérateurs historiques, EDF et GDF, plutôt qu'à valoriser les coopérations à même de conforter notre système énergétique national.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 1650 et 1648 ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1650.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1648.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 1647.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Notre amendement tend à éviter la filialisation des services communs à EDF et GDF.

Sous le titre « Les agents d'EDF-GDF Services s'inquiètent du redécoupage annoncé de leur activité », un article fort intéressant, signé Lætitia Clavreul, est paru dans le journal Le Monde daté du 11 mai dernier.

Relayant les réformes adoptées à Bruxelles, et notamment la distinction, très contestable, entre distribution et fourniture, vous entendez, monsieur le ministre, faire en sorte que la distribution d'électricité et celle de gaz soient séparées des autres activités commerciales.

Un tel choix, qui sera source de dégradation de la qualité du service et de gâchis économique, devrait conduire EDF et GDF à modifier en profondeur le fonctionnement de leur principal service commun, qui ne concerne pas moins de 64 000 agents.

La journaliste est allée à la rencontre des agents de ce service commun. Elle a ainsi pu rapporter des informations et des témoignages de première importance, tel celui de cette assistante « clientèle » travaillant sur un plateau téléphonique dans le Val d'Oise, qui déclare : « On est dans le flou. Personne n 'est en mesure de nous dire où nous serons dans trois ans. Nos collègues techniciens vont devenir des étrangers pour nous. On n'aura plus le droit de leur demander un service... Avant, on disait "abonnés", aujourd'hui on dit "clients". On nous demandait de gérer des dossiers, à la rigueur de proposer des services, maintenant c'est l'inverse, on doit vendre en priorité des services ».

Ces regrets en disent long sur la dégradation de la qualité de service inhérente à l'ouverture à la concurrence à laquelle les directions des deux EPIC essaient de préparer le personnel, à marche forcée et au mépris le plus total de leur attachement au service public !

La journaliste constate également que le mot « éclatement » revient systématiquement dans la bouche des agents. On envisage en effet de séparer les services à la clientèle. À terme, l'agent qui fait un branchement chez un client, ne saura pas pour quel fournisseur il le fait. À ce niveau, les agents ne comprennent pas plus que les parlementaires que nous sommes, l'apport de la concurrence.

À côté du mot « éclatement », les mots « externalisation » et « précarisation » figurent en bonne place. J'en veux pour preuve que, dans le cadre de l'ouverture du marché, EDF-GDF Services a déjà perdu 5 000 emplois en trois ans. Et cette situation s'accompagne d'un recours de plus en plus courant aux emplois précaires. À Nanterre, la relève des compteurs est ainsi confiée au privé pour 60 %.

La journaliste en déduit que « si, à l'avenir l'opérateur commun est soumis à la pression des fournisseurs de gaz et d'électricité pour faire baisser les coûts d'approvisionnement, le recours à l'externalisation pourrait aussi se généraliser. » Ce constat devrait nous interpeller tous.

En tout cas, si vous entendez, monsieur le ministre, rassurer les 64 000 agents d'EDF-GDF Services au moyen de l'article 2 du projet de loi, vous faites fausse route. Au contraire, la lecture du projet de loi et le compte rendu de nos débats devraient aviver leurs craintes.

C'est pourquoi, en supprimant la possibilité de doter les services communs de la personnalité morale, vous les rassureriez et montreriez votre volonté de refuser cette dégradation progressive, pour ne pas dire programmée, de la qualité du service public.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1647.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1561.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il est défendu ! C'est le même !

M. André Chassaigne. Dans sa rédaction actuelle, l'article 5 de la loi du 8 avril 1946 se borne à prévoir la possibilité pour les deux établissements publics de passer des conventions particulières pour l'organisation de services communs.

C'est sur le fondement de ce texte que, le 15 décembre 1951, les établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial EDF et GDF ont conclu entre eux une convention au titre de laquelle les deux entreprises sont convenues d'organiser et d'exploiter en commun certains services.

L'article 4 de cette convention mérite d'être rappelé, à l'heure où la majorité se prépare à lancer une concurrence fratricide et stérile contre laquelle nos prédécesseurs de 1946 avaient eu le courage de légiférer.

Dans cet article, EDF et GDF « reconnaissent l'intérêt d'instituer sous l'autorité d'un service central de la distribution, des services mixtes pour la distribution d'électricité et de gaz dans la mesure où il en résulte une meilleure utilisation du personnel et du matériel et une amélioration du service à la clientèle. »

Dans l'intérêt de la mixité des services aux usagers, les deux EPIC ont ainsi institué un service commun, aujourd'hui dénommé EDF-GDF Services, qui exerce l'ensemble des activités liées à la distribution, y compris l'entretien et l'exploitation des réseaux de distribution d'électricité et de gaz concédés ou appartenant à EDF-GDF, mais également la commercialisation et la fourniture aux clients domestiques et industriels.

Selon l'exposé des motifs, le projet de loi estime « souhaitable que ce service soit pérennisé afin de continuer à tirer profit des synergies existantes entre les deux entreprises. » L'article 2 réécrit ainsi l'article 5 de la loi du 8 avril 1946 et maintient la possibilité d'organiser des services communs.

Pourtant, ce nouvel article 5 de la loi de 1946 n'est pas exempt de reproche. Ainsi, la faculté actuelle de confier certains services d'EDF à GDF, ou vice versa, disparaît. La portée de la loi de 1946 se trouve donc incontestablement réduite. Mais, ce n'est là que la partie immergée de l'iceberg. En effet, l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi laissait déjà entendre que la sauvegarde d'EDF-GDF Services était « souhaitable », ce qui n'obligeait en rien au maintien d'un service commun de distribution.

La réécriture a minima qui nous est proposée aujourd'hui n'a manifestement évoluée que dans la forme, bien plus rassurante, mais le fond demeure inchangé. Bien que soit écrit noir sur blanc que EDF et GDF ont l'obligation de créer un service commun de distribution, il n'en reste pas moins que ce dernier pourra être doté de la personnalité morale.

Si effectivement ce service commun de distribution devient une personne juridique à part entière, il prendra, de façon mécanique, la forme d'une société filiale, ce qui remettrait en cause de fait le fondement du service public pour la distribution ainsi que le statut du personnel.

C'est pourquoi, notre amendement entend assurer la rupture avec la sinistre ambition gouvernementale, qui n'a pas varié en dépit de ce que pourraient laisser croire les différences formelles entre les moutures successives du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

Il convient d'inscrire dans la loi que les services communs, dans le secteur de la distribution comme dans d'autres, ne seront pas dotés de la personnalité juridique.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1561.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1653.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le défendre.

M. Daniel Paul. Cet amendement tend à insérer, après la première phrase du premier alinéa de l'article 2, la phrase suivante : « Le service commun de distribution contribue à assurer une présence efficace sur le territoire national et facilite l'accès des citoyens au service public de l'énergie. »

En lisant les amendements déposés sur d'autres articles, je suis tombé sur l'amendement suivant à l'article 13 : « En cas de création de sociétés gestionnaires de réseaux de distribution, l'ensemble des contrats relatifs à l'activité de gestionnaire de réseau de distribution peut être transféré à la société nouvellement créée, sans que ce transfert n'emporte aucune modification des contrats en cours d'exécution, quelle que soit leur qualification juridique, et ne soit de nature à justifier ni la résiliation ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en résultent. Ces transferts, apports partiels ou cessions d'actifs ne donnent lieu au paiement d'aucun impôt, droit taxe, redevance, rémunération au profit de l'État, de ses agents ou de toute personne publique. »

Cet alinéa, qu'il sera ainsi proposé d'ajouter à l'article 13, heurte de front notre discussion sur l'article 2.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous, il ne nous heurte pas !

M. Daniel Paul. Il permettra dans les trois ans la filialisation du ou des gestionnaires de réseau de distribution, les GRD, et leur transformation en sociétés anonymes.

Tel qu'il est rédigé, cet amendement s'applique aussi bien aux GRD EDF et GDF qu'aux entreprises non nationalisées. De fait, transformer les GRD en sociétés anonymes, filiales des établissements EDF et GDF, revient à créer deux nouvelles sociétés, et pourra se faire sans modifier la loi et sans nouveau débat législatif.

Ainsi, la séparation du domaine régulé et du domaine non régulé sera renforcée, compromettant les synergies et la complémentarité indispensables entre l'évolution des moyens de production et celle du réseau. Pourtant, l'un ne va pas sans l'autre. Le risque est donc grand de déséquilibrer l'ensemble et de porter atteinte à la continuité de service.

Par ailleurs, le risque existe de séparer les activités au sein de la distribution, entre le gestionnaire de réseau, d'une part, qui deviendrait une société anonyme, et l'activité d'exploitation, d'autre part, qui pourrait rester à EDF. Ainsi les agents de la distribution deviendraient-ils de simples prestataires de service d'une société anonyme qui gérerait le réseau public de distribution.

La création de sociétés gestionnaires concerne également les distributeurs non nationalisés. Cet amendement à l'article 13 remettrait en cause l'article 23 de la loi de 1946, qui précise les conditions nécessaires au maintien des distributeurs non nationalisés et fixe leur territoire d'intervention. Il permettrait l'introduction d'entreprises totalement privées dans la gestion des réseaux et la mise en concurrence des concessions, EDF et GDF n'étant plus concessionnaires uniques.

Le tarif d'acheminement défini par la CRE garantit une péréquation nationale. Toutefois, l'existence de plusieurs gestionnaires à capitaux privés, concurrents et portés à rechercher des gains financiers, conduira immanquablement à des disparités dans la qualité du réseau et dans la fourniture, dans la mesure où les recettes sont prédéfinies.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1653.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons à un amendement n° 1654.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. André Chassaigne. Notre amendement tend à contrecarrer la perversité de la réécriture proposée de l'article 5 de la loi du 8 avril 1946.

En effet, le texte qui nous est soumis prévoit que les services communs à EDF et à GDF peuvent réaliser des « prestations » pour le compte des distributeurs non nationalisés et des collectivités locales et de leurs groupements, en qualité d'autorités concédantes des réseaux locaux de distribution. Ces fameux distributeurs non nationalisés, les DNN, sont divers : il peut s'agir de régies communales ou intercommunales, de sociétés d'économie mixte locale, de coopératives d'usagers, ou encore de sociétés d'intérêt collectif agricole d'électricité - les SICAE.

La possibilité pour un service commun, comme l'actuel EDF-GDF Services, de réaliser de telles prestations pour les DNN, existe dans le dispositif de la loi de 1946 et résulte des stipulations des cahiers des charges des concessions. Cependant, l'article 2 du projet de loi ne mentionne plus expressément la possibilité de créer des structures communes entre EDF et GDF ou leurs services communs et les DNN. Il s'agit désormais de « réaliser des prestations pour le compte de », ce qui n'est assurément pas la même chose que « réaliser des prestations en commun », comme le prévoyait le texte de 1946. Un tel glissement n'est pas anodin.

Encore une fois, le Gouvernement a sa cohérence. Son objectif est de créer de manière totalement artificielle des concurrents à EDF et GDF dotés d'une envergure nationale. Il suffit, pour s'en rendre compte, de se reporter à la page 23 de l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'article 27, où le Gouvernement souhaite « atténuer les contraintes juridiques de territorialité et de domaine d'activité pesant sur les distributeurs non nationalisés. »

Plutôt que de renforcer les synergies déjà existantes entre les DNN et les deux entreprises nationales, il s'agit de les mettre en concurrence ! Un tel choix sera encore source de gâchis et risque de compromettre l'avenir des actuels centres de distribution mixtes.

En conséquence, nous proposons, par l'amendement n° 1654 que, par convention, Électricité de France, Gaz de France et les distributeurs non nationalisés créent des services communs de distribution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1654.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1649.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1649.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1652.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à préciser que le service de facturation est commun.

L'article 2 du projet de loi dispose certes, dans la deuxième phrase de son deuxième alinéa, que la création d'un service commun est obligatoire dans le secteur de la distribution - EDF-GDF services survivrait donc à la dénationalisation des deux entreprises - mais nous avons quelques craintes. La possibilité pour ces services d'être dotés de la personnalité morale laisse en effet entrevoir une filialisation des activités de distribution qui, pour l'heure, ne sont soumises qu'à une obligation d'indépendance et non de séparation juridique aux termes des directives européennes. Le Gouvernement semble donc résolu à aller au-delà des obligations communautaires.

Quoi qu'il en soit, il importe de se pencher sur le champ d'activité du service commun de distribution. La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 2 précise que le service commun est obligatoire pour « la construction des ouvrages, la maîtrise d'œuvre de travaux, l'exploitation et la maintenance des réseaux, les opérations de comptage ainsi que d'autres missions afférentes à ces activités ». Il manque, dans cet inventaire, un élément essentiel qui pourtant à l'heure actuelle entre pleinement dans le cadre des compétences d'EDF-GDF Services. Cet élément essentiel, c'est le service de facturation du gaz et de l'électricité aux consommateurs domestiques. Ces derniers reçoivent en effet aujourd'hui une facture commune correspondant à leur consommation d'électricité et de gaz.

Cette activité commune de quittancement doit être préservée pour plusieurs raisons. La plus évidente, ce sont les économies d'échelle qu'elle permet. Il serait absurde que se multiplient demain sur tout le territoire des agences en doublon, d'un côté des agences EDF, de l'autre des agences GDF, situées à quelques centaines de mètres les unes des autres. Cela n'aurait aucun sens. Malheureusement, dans le cadre de la mise en concurrence des deux grandes entreprises de service public, il est plus qu'envisageable que la déraison économique que vous nourrissez reprendra du service. Avec, pour conséquence, la disparition d'agences, notamment en milieu rural.

Dans le contexte d'incertitude que vous entretenez à loisir, monsieur le ministre, l'adoption de cet amendement serait fort précieuse pour le personnel, les usagers mais également pour les élus locaux.

M. Pierre Cohen. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1652.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1562.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1562.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 1560 et 1559, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

M. André Chassaigne. L'amendement n° 1560 est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 1559.

M. Daniel Paul. L'institution de services communs a été rendue possible par la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. En application de l'article 5 de cette loi, ont été mis en place non seulement EDG-GDF services mais également deux autres services mixtes, à savoir le service de la formation professionnelle et le service de la direction du personnel.

Il semblerait toutefois que seule serait assurée la pérennisation d'EDF-GDF Services, et même cela n'est pas si évident. Une lecture attentive du texte laisse en effet penser que EDF-GDF Services pourrait rapidement passer à la trappe. En tout cas, ce qui est certain, c'est que les autres services mixtes précédemment mentionnés sont les grands oubliés de l'article 2 du projet de loi.

À ce propos, nous préférerions que le texte stipule que EDF et GDF « créent » des services communs plutôt que « peuvent créer » comme il est écrit dans le projet de loi. Rappelez-vous ce que disait le général de Gaulle : l'indicatif est souvent un impératif. D'autant que, au regard de votre volonté d'impulser une concurrence fratricide entre EDF et GDF, on doute fort de la possibilité de voir les deux directions exprimer le souhait de multiplier les services communs. Tout porte à croire au contraire qu'elles s'en tiendront au strict respect des obligations que vous leur imposerez.

Assurer leur survie suppose qu'il soit fait obligation à EDF et GDF de créer des services communs dans ces deux secteurs de la formation professionnelle et de la direction du personnel. Bien entendu, les deux entreprises conserveraient la faculté de créer d'autres services communs au-delà de ceux existants. C'est le sens de l'amendement n° 1559.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements nos 1560 et 1559 ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1560.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1559.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1655.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1655.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Selon l'amendement n° 5 « chacune des sociétés assume les conséquences de ses activités propres dans le cadre des services communs ». J'aimerais préciser que sont concernés les services communs « non dotés de la personnalité morale ».

Le projet de loi pérennise les services communs en les rendant obligatoires. Il convient de préciser que, dans le cadre de la mixité, chaque entreprise est individuellement responsable pour ses propres activités.

Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié est donc ainsi rédigé : « Chacune des sociétés assume les conséquences de ses activités propres dans le cadre des services communs non dotés de la personnalité morale. »

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1270.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 5 rectifié.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 2.

Après l'article 2

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cet amendement a été évoqué à plusieurs reprises. Il s'agit d'étendre le périmètre de la tarification sociale de façon à prendre en compte le coût des services liés à la fourniture et donc rendre plus efficace le dispositif de la loi de 2000 sur lequel le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a pris le décret d'application.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cela fait déjà plusieurs jours que M. le rapporteur nous annonçait cet amendement, le voilà enfin. Je voudrais simplement demander au rapporteur de préciser ce que recouvre l'expression « services liés à la fourniture » ? Peut-il nous donner une petite liste, même non exhaustive, pour illustrer son propos ? C'est important.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je prendrai peut-être l'exemple le plus parlant : le rétablissement du service de fourniture à un client qui s'est vu couper le courant pour non-paiement représente un coût élevé. Ce coût sera intégré dans la tarification sociale.

Mme la présidente.  la parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Ce coût fera-t-il l'objet d'une compensation dans le cadre de la tarification sociale ou bien sera-t-il facturé à l'abonné en question ? Je n'ai pas bien compris.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Pourquoi aurai-je déposé cet amendement s'il laissait le coût à la charge du client ? Ces frais feront bien entendu l'objet de la compensation.

M. François-Michel Gonnot. Par l'intermédiaire de la CSPE, la contribution au service public de l'électricité.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oui.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisie d'un amendement n° 7.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cet amendement a également été annoncé dès le début du débat. Le vote qui sera émis sera d'ailleurs intéressant, il permettra de vérifier que l'ensemble des parlementaires soutiennent l'idée que, en cas de crise, le gestionnaire du réseau de transport peut solliciter l'ensemble des producteurs pour participer à l'effort de fourniture d'électricité.

M. Pierre Cohen. Nous sommes en désaccord.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Actuellement, seule EDF est obligée, compte tenu de ses missions de service public, de fournir l'électricité. Certains, dans cet hémicycle, souhaitaient que EDF reste seule responsable de cet effort.

M. Pierre Cohen. C'est la seule façon de maintenir le service public.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J'ai proposé que l'ensemble des producteurs puissent être sollicités.

M. Pierre Cohen. On sait ce qu'il y a derrière !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je rappelle que, lors de la canicule, il en a coûté 300 millions d'euros à EDF pour assurer la continuité du service public en France. Il est normal, et d'ailleurs c'est une revendication qui a été exprimée directement auprès de votre rapporteur par des représentants d'organisations syndicales, que d'autres fournisseurs soient également sollicités en cas de nécessité, notamment crise, canicule ou grand froid. Tel est l'objet de l'amendement n° 7.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous avions un système qui marchait bien. On le remet en cause et puis, après, je n'en veux pas au rapporteur mais on essaie de rebâtir un système le moins mauvais possible. Voilà la réalité.

Certes, cet amendement, dans le contexte, constitue un progrès mais c'est un progrès par rapport à un démantèlement, pas par rapport à la situation normale que nous connaissions jusqu'à présent dans laquelle EDF était le principal producteur. Il empêchera sans doute certains de jouer la spéculation, en arrêtant des installations pour faire monter les prix alors qu'ils pourraient les faire fonctionner, mais il ne garantit pas que des prétextes ne pourront pas être trouvés pour congestionner quand même le réseau, comme cela s'est produit aux États-Unis ou dans certains pays de l'Union européenne.

Cet amendement est certainement nécessaire de votre point de vue, monsieur le rapporteur, mais il n'est pas suffisant pour nous garantir contre le risque évoqué dans les mois ou les années qui viennent.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. C'est un point extrêmement important, le rapporteur a eu raison de le souligner. C'est l'aveu d'un danger latent, Jean Gaubert vient de l'indiquer.

En outre, monsieur le ministre, comment la contrainte du Gouvernement s'exercera-t-elle sur les opérateurs récalcitrants et dans quel délai l'injonction pourra-t-elle être mise en œuvre ? Si on attend je ne sais quel délai administratif pour mettre en demeure les opérateurs, celle-ci risque d'arriver trop tard, et le réseau peut être par terre. Enfin, quelles seront les sanctions si un opérateur ne veut pas obtempérer et fiche en l'air l'équilibre général du réseau ? C'est un problème. Nous sommes au cœur du sujet parce que ce texte fragilise la pérennité de la sécurité du réseau.

Cette disposition va dans le bon sens compte tenu de l'insécurité latente, mais nous devons être assurés que cela sera une garantie et pas seulement un nouvel amendement de bonne conscience.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. J'admets qu'un travail de mise au point est nécessaire, mais il existe une possibilité de réquisition en cas de difficulté réelle et, par ailleurs, toutes les installations disponibles doivent être déclarées.

M. Pierre Ducout. Tout cela était déjà dans la loi de 2000 !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Si l'on a pu réquisitionner après la tempête, c'est parce que les retraités d'EDF, qui se sont d'ailleurs mobilisés spontanément, sont, aux termes de leur statut, des « salariés inactifs » et, à ce titre, restent à la disposition de l'entreprise publique. Or vous ne pouvez imposer le même statut dans les entreprises de droit commun.

Par ailleurs, la notion de service public nécessite un « plus » en matière de capacités de production qu'une entreprise obéissant à la règle du profit ne pourra pas fournir. Soit vous êtes sincère et vous vous trompez, mais je ne le crois pas car vous connaissez trop bien le sujet pour cela, soit vous abandonnez la notion de service public à la française pour celle de service d'intérêt général, au mieux, voire d'un service a minima.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. La loi du 10 février 2000 imposait à tous les producteurs des missions de service public, dont celle d'assurer un développement équilibré de l'approvisionnement, mais on voit bien depuis quelques années qu'il peut y avoir des manipulations sur le marché pour faire monter les prix, des rétentions de capacités de production. Il faut donc aller un peu plus loin. L'amendement du rapporteur démontre d'ailleurs que l'on est en droit de s'interroger sur le caractère vertueux du marché.

M. Pierre Cohen. Cet amendement est un leurre !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1153.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à réguler l'accès des tiers aux stockages dont nous connaissons l'importance dans le fonctionnement du marché du gaz naturel. En cela, il ne fait d'ailleurs que transposer une directive européenne.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C'est une question très complexe qui exigerait un examen plus approfondi. Je crois savoir que le Gouvernement est en train d'élaborer un texte. Donc, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous soulevez un vrai problème, monsieur Bouvard. Il faut transposer la directive, c'est incontestable. Cela dit, c'est complexe et le Gouvernement s'emploie précisément à le faire dans un texte qui, en l'état actuel, occupe deux pages et demie ! Le vôtre ne fait que trois lignes et demie. Vous devez avoir un secret ou une capacité de synthèse remarquable pour régler en si peu d'espace un problème aussi complexe !

M. Michel Bouvard. Je m'entraîne pour réaliser la synthèse entre les diverses sensibilités de l'UMP ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'industrie. Je pense que vous avez de l'avenir ! Cela dit, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je vais retirer l'amendement, mais je voudrais insister sur un point de méthode, monsieur le ministre. Nous avons beaucoup de retard dans la transposition de certaines directives européennes.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Michel Bouvard. Alors que l'on pourrait assurer cette transposition par la voie législative normale, une partie de celle-ci est opérée par voie d'ordonnances et échappe de ce fait au contrôle du Parlement. Je ne sais pas de quelle façon vous avez l'intention de procéder en l'espèce - si vous envisagiez d'utiliser pour cela un projet de loi, je serais rassuré -, mais puisque vous en appelez à la simplification, nous aurions intérêt à mettre à profit les textes déjà soumis à notre examen. Nous allons attendre celui que vous nous annoncez, mais cela va encore surcharger notre ordre du jour.

M. Christian Bataille. Il a raison !

Mme la présidente. L'amendement n ° 1 153 est retiré.

La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Cet amendement est important. Monsieur le ministre, lors de la transposition de la directive « gaz » en décembre 2002, texte qui a été promulgué en janvier 2003, le Gouvernement avait jugé prématuré de traiter cette question de l'accès de tiers aux stockages. Il en a été de même lorsque certains d'entre nous ont fait une autre tentative lors de la discussion du projet de loi d'orientation : on nous a demandé d'attendre la loi sur le statut. Or la directive doit être transposée avant le 1er juillet prochain. ! Je comprends donc l'impatience de Michel Bouvard et celle de tous les professionnels quand vous nous dites que c'est compliqué, un peu long et que vous demandez encore un peu de temps. J'aimerais savoir quand se fera cette transposition. Je ne pense pas que ce soit dans le cadre de la première lecture de ce texte au Sénat. Ce sera peut-être à l'automne, lors de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation, mais dans ce cas la promulgation n'interviendra qu'à l'automne et nous aurons six mois de retard !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vous remercie pour votre soutien !

M. François-Michel Gonnot. L'amendement a été retiré,...

M. le ministre délégué à l'industrie. Eh bien alors, de quoi parle-t-on ?

M. François-Michel Gonnot.... mais je voudrais que vous répondiez à ma question. Les professionnels ont besoin de savoir.

Mme la présidente. Je suis saisie de treize amendements identiques, nos 594 à 606.

La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l'amendement n° 594.

M. Christian Bataille. Par cet amendement, qui relève du principe de prévention, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport « sur les mesures prises pour éviter et faire face aux ruptures de fournitures d'électricité ».

Au risque de me répéter, je vous rappellerai certains événements funestes qui sont intervenus de l'autre côté de l'Atlantique. A l'été 2000, la crise de l'électricité en Californie a été révélatrice des dysfonctionnements dus à la libéralisation. Le système libéral, focalisé par nature sur le court terme, a entraîné un effondrement du réseau, les investissements de production ayant été très insuffisants ce qui a mis en danger l'équilibre entre l'offre et la demande. Le réseau de transport qui reliait le nord et le sud de la Californie est d'ailleurs toujours largement sous-dimensionné faute d'investissements et je veux vous rappeler le sinistre nom du spéculateur, Enron, qui a mis à genoux le système électrique américain et, par la même occasion, des dizaines de milliers de retraités.

Trois ans plus tard, en août 2003, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous avons assisté à un effondrement du réseau dans huit États du nord-est des États -Unis, pays qui est pourtant à la pointe du progrès mondial, ainsi qu'en Ontario. Malgré des marchés dits organisés, cinquante millions de personnes ont été privées d'électricité pendant plusieurs jours, voire une semaine. L'autorité fédérale de régulation américaine - la FERC - a indiqué que cela était dû à des pannes d'investissement dans des réseaux, notamment de la part du principal opérateur, First Energy.

Vous voulez abandonner le statut d'établissement public pour celui de société anonyme et aller vers la libéralisation. Nous avons des raisons légitimes d'être inquiets, car cela nous fera courir des risques d'effondrement du réseau. Nous demandons donc au Gouvernement de prendre des mesures de précaution et de nous remettre un rapport sur les mesures prises pour être sûrs que ce genre d'incidents ne se produira pas sur le réseau français.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. M. le ministre n'ayant pas pris son micro à pleines mains pour adhérer à cette proposition, c'est sans doute qu'il va la rejeter.

M. le ministre délégué à l'industrie. De demande de rapport en demande de rapport, je suis devenu un protecteur des forêts !

M. François Brottes. Pourtant, cette question préoccupe tous les Français.

Aux Etats-Unis, l'État a dû mettre la main au porte-monnaie en achetant très cher de l'électricité, parce que certains opérateurs ne jouaient plus le jeu ou se trouvaient en faillite - cela doit d'ailleurs faire plaisir à Mme de Palacio, puisque, selon elle, quand on fait faillite c'est que l'on est un bon opérateur... Il est important que vous nous disiez, monsieur le ministre, quels moyens vous mettrez en œuvre pour éviter une telle situation.

Vous nous avez répondu fort honnêtement que vous prendriez des mesures, mais que les choses étaient compliquées et qu'il serait difficile de procéder à une réquisition face à des gens qui ne sont pas toujours de bonne foi. J'admets que vous n'ayez pas encore toutes les réponses, mais le moyen légal que M. le rapporteur vous a soumis dans l'urgence ne saurait suffire. En effet, dans cette affaire, vous êtes à la fois le médecin et le policier : celui qui rédige l'ordonnance et celui qui va contraindre les récalcitrants à alimenter le réseau.

S'il faut, pour que le réseau continue à fonctionner, importer de l'électricité et la payer plus cher, avez-vous prévu des provisions financières ou cette obligation incombe-t-elle au gestionnaire du réseau ? La question est d'importance. Au-delà des moyens coercitifs prévus par la loi, le règlement ou les circulaires, il faut savoir si, instruits par l'exemple des États-Unis, nous aurons les moyens de faire face.

À l'évidence, monsieur le ministre, ce sera un rapport de plus. Mais il ne sera sûrement pas rédigé pour rien. Le sujet est extrêmement grave et les parlementaires doivent pouvoir examiner ensemble, en toute transparence, les mesures - dont, d'ailleurs, vous ne nous avez pas encore précisé les contours - qui seront mises en œuvre en cas de besoin. Loin de moi tout alarmisme. Je ne souhaite pas que nous ayons à recourir à ce dispositif et je préférerais évidemment que tout se passe bien. Mais, aujourd'hui, le démantèlement auquel vous procédez justifie toutes les inquiétudes. Il sera trop tard pour réfléchir, une fois la catastrophe arrivée.

Le rapport nous permettra peut-être d'apporter quelques améliorations - comme autant de cautères sur une jambe de bois ? - à un dispositif dont nous aurons dénoncé très tôt la fragilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Le ministre ironise parce que nous réclamons un rapport.

M. le ministre délégué à l'industrie. Oui !

M. Pierre Cohen. D'ordinaire, nous n'en sommes pourtant pas particulièrement friands. Mais sans doute le ministre a-t-il perçu que, depuis le début du débat, ses propositions nous inquiètent.

M. le ministre délégué à l'industrie. En effet !

M. Pierre Cohen. C'est ce qui justifie notre intérêt pour un rapport ou un débat. Au reste, on ne peut porter qu'un regard critique sur ce qui s'est passé quand EDF et GDF constituaient encore des EPIC.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est toujours le cas !

M. Pierre Cohen. La commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques, créée par la majorité actuelle, l'a bien montré : que le gouvernement soit de gauche ou de droite, l'État n'a pas toujours joué son rôle à l'égard de ces entreprises. N'est-ce pas la preuve que leurs relations sont encore à améliorer ?

La transformation d'EDF en SA nous inspire les plus grandes craintes, car nous sommes persuadés qu'elle prélude à l'ouverture de son capital et à sa privatisation. C'est pourquoi nous demandons un rapport afin d'obtenir davantage d'information et de savoir ce que l'État a prévu.

Jusqu'à l'été dernier, les Français ont été confiants en la capacité d'EDF de répondre à la demande d'énergie. Nous étions même dans une configuration qui nous permettait d'en fournir à l'Allemagne ou à l'Espagne. La canicule a révélé qu'il y avait quelques raisons d'être inquiet. Ainsi, même dans un établissement public, avec le surdimensionnement, la surcapacité, la vigilance et les moyens appropriés que cela implique, on peut se trouver, lors de configurations climatiques particulières ou en cas d'accident, en situation de rupture.

Qu'en sera-t-il demain avec une SA ? La logique du court terme et l'incapacité de stocker ou de surproduire au-delà d'un certain coût rendront la situation plus fragile encore.

Nous voulons savoir comment le Gouvernement entend obliger les opérateurs à prévenir les risques de ruptures. Je ne détaillerai pas ces risques - il faudrait trop de temps -, mais nous avons tous ici présentes à l'esprit les conséquences dramatiques des ruptures d'énergie dans certains pays, et ce dans tous les secteurs de la vie quotidienne, à commencer par celui des soins hospitaliers.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l'amendement n° 600.

M. Pierre Ducout. Cet amendement nous renvoie à des événements que nous avons encore tous en tête. L'été dernier, sur la côte est des États-Unis, dans le sud du Canada ou en Italie, on a pu mesurer les risques liés à la canicule. En France, pendant une semaine, les responsables de RTE et d'EDF ont annoncé à nos concitoyens que l'on risquait de manquer d'électricité à partir du 15 août, lors de la reprise des activités.

Au-delà de la programmation sur le moyen terme inscrite dans la loi de 2000, qui prévoit la programmation pluriannuelle des investissements de production, ces événements ont montré combien il est important que le Parlement soit informé dans les meilleurs délais.

Des études ont certainement été réalisées, qui doivent donner lieu à un débat devant notre assemblée. Il convient notamment de préciser les mesures de délestage ou l'ordre des délestages qui pourraient être rendus obligatoires si la situation que nous avons connue durant l'été 2003 venait à se renouveler.

D'autres questions restent en suspens. Comment le prix du mégawatheure a-t-il pu atteindre mille euros en août dernier ? Quelles sont les conditions requises pour le refroidissement des réacteurs nucléaires et quel est leur impact sur les fleuves ? À cet égard, des autorisations ont-elles été données par le Gouvernement, non sans raison d'ailleurs ? Comment prévenir le risque de rupture d'approvisionnement dans certaines régions de France, comme la Bretagne ou la Côte d'Azur, qui, faute de moyens de transport et d'interconnexions suffisantes, sont gravement menacées en cas de défaillance d'un de leurs moyens de production ?

Enfin, où en sont les interconnexions entre pays européens ? J'ai rappelé les conditions dans lesquelles avait été suspendue la liaison entre la France et l'Espagne par le Val-Louron. Il semble qu'il soit toujours aussi difficile de passer les Pyrénées au niveau de Perpignan.

Autant d'interrogations qui justifient amplement notre demande d'un rapport avant la fin de l'année. Il faut en effet que le Parlement soit en mesure de jouer pleinement son rôle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert, pour présenter son amendement n° 602.

M. Jean Gaubert. La nouvelle donne comporte au moins deux risques majeurs.

Le premier est la congestion du réseau. Mes collègues l'ont signalé : on peut parfois disposer de suffisamment d'électricité sans être à même de la transporter. Les États-Unis en fait l'expérience, il y a quelques années, du fait de l'insuffisance des investissements effectués sur le réseau.

C'est un des problèmes que nous devons examiner prochainement. Un rapport devrait nous permettre d'en savoir plus. Quels moyens l'État donnera-t-il à RTE ou à EDF Transport pour investir ?

On peut également s'inquiéter des bruits qui circulent. La CRE préconiserait une diminution de 3 % par an en euros constants des investissements sur le réseau français. Le Parlement a tout lieu de craindre les mesures que pourraient prendre ceux qu'il faut bien appeler des technocrates, qui sont par définition éloignés des réalités.

Le second risque lié à la nouvelle donne est l'insuffisance de la production, quelle que soit la qualité du réseau. Certes, le rapporteur a déposé un amendement à ce sujet. Nous avons indiqué qu'il ne nous semble pas suffisant. Il ne concerne en effet que les situations de crise, sans prévoir l'hypothèse d'un déficit chronique de la production sur le territoire. On nous dit que, dans ce cas, le Gouvernement lancera un appel d'offres. Mais celui-ci peut toujours rester infructueux. On n'est jamais assuré de trouver un opérateur, ce qui soulève encore d'autres questions sans réponse.

M. Claude Gatignol. Restons dans le sujet !

M. Jean Gaubert. De plus, bien que nul n'ait encore analysé ce risque, n'est-il pas dangereux de devenir le grenier de l'Europe, en matière d'électricité ? Si nous sommes les seuls à effectuer les investissements suffisants dans nos moyens de production électrique, devrons-nous, grâce aux interconnexions que nous aurons mises en place - et Pierre Ducout a montré à quel point elles sont nécessaires -, exporter notre électricité...

M. Claude Gatignol. Il est évident que nous devons exporter !

M. Jean Gaubert. ...avant de fournir le marché national ? Une clause de sauvegarde est-elle prévue ? Nous n'avons pas à pourvoir aux besoins que nos partenaires n'auront pas cherché à satisfaire par eux-mêmes !

À ce sujet, Mme de Palacio, qui est en passe de devenir la femme de la semaine à l'Assemblée nationale (Sourires), est intervenue ces derniers jours comme si elle était le commissaire européen à la concurrence. Peut-être ferait-elle mieux d'assumer ses responsabilités de commissaire à l'énergie et de veiller à ce qu'on apporte à toutes ces questions une réponse au niveau européen.

J'abrège, monsieur le ministre, car je pourrais évoquer encore bien d'autres problèmes.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je n'en doute pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Heureusement que vous avez à cœur de rester concis ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib, pour soutenir l'amendement n° 604.

M. David Habib. « Encore un rapport ! », s'exclamait tout à l'heure M. le ministre, comme s'il pensait que notre volonté était de ralentir le rythme des travaux parlementaires ou d'alourdir la tâche du Gouvernement. Mais la maintenance du réseau et l'approvisionnement appellent tout de même une réflexion de notre part !

Nous savons pertinemment que nous serons confrontés un jour aux difficultés qu'ont connues tous les pays, souvent cités en exemple, qui ont ouvert le capital de leurs entreprises dans le domaine énergétique ou totalement dérégulé le marché de l'électricité.

J'ai fait à ce sujet une recherche sur Internet, en consultant le site d'Enerpresse, journal spécialisé dans les problèmes de l'énergie. Des dizaines et des dizaines de cas peuvent être rapportés. À quoi bon, alors, se voiler la face et prétendre que la France ne connaîtra pas les mêmes problèmes ? M. Berlusconi n'assurait-il pas, à la mi-août 2003, qu'une panne comme celle qui venait d'avoir lieu aux États-Unis ou au Canada ne pouvait pas arriver en Italie ? On a vu ce qu'il en était un mois plus tard...

Mieux vaut examiner ces questions en amont et les appréhender sans inquiétude excessive, mais avec lucidité, pour prendre les mesures qui s'imposent.

Au reste, la demande que nous formulons aujourd'hui s'est exprimée dans d'autres pays. En Angleterre, on dénonce le « black-out sur les black-out ». Un groupement officiel de consommateurs, Energy watch, demande au gouvernement de Tony Blair de faire la lumière - si je puis dire - sur les difficultés de fonctionnement du réseau électrique anglais. Mais ce désir d'information n'émane pas seulement des consommateurs. Il se manifeste également chez les industriels. Le premier syndicat des industriels britannique, Amicus, souhaite lui aussi qu'il y ait davantage de transparence au sein de l'industrie énergétique.

En demandant qu'un rapport soit présenté au Parlement sur les mesures prises en amont pour éviter les ruptures d'approvisionnement, nous ne faisons que jouer notre rôle. Le Gouvernement doit être rappelé à ses responsabilités et alerté sur l'attente des Français, qui souhaitent tous davantage de transparence et attendent qu'on prenne des mesures pour éviter les pannes électriques.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces treize amendements identiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

Qu'il me soit permis à ce sujet de rafraîchir la mémoire de nos collègues socialistes.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bonne idée ! J'espère qu'ils vont être attentifs à votre démonstration.

M. Pierre Ducout. Notre mémoire est excellente !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J'ai été frappé, tout comme le ministre, par le fait qu'ils remettaient en cause les dispositions de la loi de 2000, notamment sur les missions de service public. Cette fois, ils oublient un dispositif qu'ils avaient eux-mêmes voté.

M. Pierre Cohen. En aucune manière !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ils nous demandent en effet un rapport dans le but de compenser les baisses de charges et les ruptures éventuelles d'alimentation électrique.

M. Pierre Ducout. Nous prenons acte d'une demande qui s'exprime dans l'opinion.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L'efficacité d'un rapport, en la matière, me paraît douteuse. Mais qu'avez-vous voté ou plutôt qu'avons-nous voté dans la loi de 2000 ? Comme j'y étais, moi aussi, favorable, je l'ai fort bien étudiée et je m'en souviens parfaitement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous pouvons même la réciter par cœur !

M. Pierre Ducout. C'est votre bible !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L'article 6 prévoit que le ministre établit une programmation prévisionnelle des investissements, sur la base d'un rapport qui lui est fourni par le gestionnaire du réseau de transport...

M. Jean-Louis Dumont. À l'époque, il était indépendant !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il l'est encore !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. ...qui lui-même établit les besoins sur le long terme, c'est-à-dire sur dix ans.

Quant à l'article 8, il dispose que le ministre en charge de l'énergie détermine, sur la base de ce rapport et par appel d'offres, les investissements qu'il faut réaliser pour faire face à une demande qui ne serait pas satisfaite et, je le rappelle en passant, pour tenir compte des choix opérés dans le cadre d'une politique énergétique compatible avec les décisions européennes. Le dispositif visant à adapter les capacités de production aux besoins existe donc déjà. Il a, en outre, été conforté par un amendement de la commission relatif à l'alimentation en cas de crise grave qui vient d'être adopté.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. M. Lenoir a excellemment rappelé les moyens existants, lesquels sont d'ailleurs complétés par un amendement de la commission relatif au délestage. S'agissant de l'information du Parlement, je rappelle qu'un rapport sera remis en 2006 qui fera la synthèse de tous ces problèmes. Ce rapport est indispensable, mais suffisant.

M. Daniel Paul. Et s'il est défavorable, on reviendra en arrière ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je veux bien admettre qu'à cette heure tardive, M. Lenoir, par ailleurs fort brillant, ne nous ait pas écoutés avec toute l'attention nécessaire. Aussi, je lui rappelle que la loi du 10 février 2000, à laquelle il nous renvoie sans cesse et qu'il qualifie lui-même d'excellente, a été votée dans un contexte différent, puisque l'on considérait, à l'époque, que le statut des entreprises publiques EDF et GDF ne serait pas modifié.

M. le ministre délégué à l'industrie. Elle anticipait ce qui est arrivé !

M. Jean Gaubert. Peut-être l'avez-vous votée parce que vous le pensiez, mais ce n'était pas notre cas.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est vous qui avez ouvert le marché à la concurrence en 2001 !

M. Jean Gaubert. Il est inhabituel que le représentant du Gouvernement rallume la polémique. Vous m'obligez, monsieur le ministre, à rappeler une fois de plus que la loi de 2000 a transposé en droit français la directive de 1996, laquelle avait été approuvée par le gouvernement Juppé, notamment par le ministre Borotra. Je pensais que ce débat était derrière nous, mais si vous le souhaitez, nous pouvons y revenir.

Mme la présidente. Je ne pense pas que ce soit utile, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Lorsque nous avons voté cette loi, disais-je, il n'était pas question de changer le statut des entreprises. L'État jouait un rôle déterminant dans leur pilotage et pouvait, à tout moment, les solliciter pour qu'elles répondent aux besoins qu'il identifiait. Or, je le répète, ce ne sera plus le cas. En effet, non seulement le capital des sociétés sera ouvert - peut-être, un jour, à hauteur de 50 % -, mais d'autres dispositions du projet de loi précisent que leurs investissements devront être décidés à la majorité des actionnaires, ce qui change considérablement la donne.

Enfin, monsieur Lenoir, vous n'avez pas répondu à notre question concernant les risques d'assèchement du réseau en cas de non-participation à l'effort commun des autres pays de l'Union européenne.

Mme la présidente. Je vous informe que, sur les amendements identiques n°s 594 à 606, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, un article additionnel s'impose, d'autant plus que vous semblez déterminé à aller jusqu'au bout, suivi en cela par votre majorité. Il faut, en effet, prendre les mesures nécessaires pour éviter de futures ruptures de fourniture d'électricité. Ces mesures peuvent être relatives soit à la production d'électricité, soit à la qualité de son transport.

Lors de la discussion générale, j'ai souligné combien le réseau de transport d'électricité était un élément déterminant non seulement pour notre pays, mais aussi pour le système interconnecté européen. Si l'on n'y prend garde, un mauvais entretien du réseau ou un maillage insuffisant pour répondre aux exigences des consommateurs, qui seront tous éligibles, risquent de provoquer des ruptures de charge. Il convient donc d'investir en prévision de ces nouvelles consommations. En tant que ministre de l'industrie, vous savez mieux que quiconque que nous avons déjà frôlé la catastrophe et que le château de cartes a failli s'écrouler. Grâce au talent de nos techniciens, le pire a été évité. Depuis plus de quatre ans, le réseau de transport est complètement indépendant de la production. Il est donc à même de prendre les mesures nécessaires à son bon fonctionnement, et ce, je le répète, dans le contexte européen.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela n'a aucun rapport avec l'amendement !

M. le ministre délégué à l'industrie. Aucun, en effet !

M. Jean-Louis Dumont. Vous ne permettez pas d'anticiper ces problèmes.

M. le ministre délégué à l'industrie. Lisez l'amendement !

M. Jean-Louis Dumont. La loi du 10 février 2000 comporte un certain nombre de mesures visant à prévenir la rupture de la fourniture d'électricité, mais vous la détricotez. Or il faut bien que l'on prenne les mesures de prudence nécessaires au bon fonctionnement du réseau, afin que tous les clients puissent obtenir l'électricité qu'ils demandent. Mais, manifestement, vous ne le souhaitez pas.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. On ne peut pas dire des choses pareilles !

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vais mettre aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 594 à 606.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 57

              Nombre de suffrages exprimés 57

              Majorité absolue 29

        Pour l'adoption 18

        Contre 39

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Article 3

Mme la présidente. Sur l'article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. L'article 3 est court, mais il sera lourd de conséquences et je voudrais interroger, à son sujet, le Gouvernement et le président de la commission des finances.

Monsieur le ministre, Mme de Palacio, interpellée sur le projet de loi, a déclaré que l'indépendance du gestionnaire du réseau de transport d'électricité par rapport à EDF est essentielle et qu'elle suit avec attention l'évolution du texte, car elle craint, sur ce point, un retour en arrière. Nous, qui défendons le statut d'établissement public d'EDF et l'entreprise intégrée, nous considérons que les injonctions de Mme de Palacio - dont vous vous réjouissiez hier - sont de nature à désintégrer l'entreprise intégrée. Il est vrai que vous faites preuve d'une certaine schizophrénie dans ce débat,...

M. le ministre délégué à l'industrie. Je me soigne à votre contact !

M. François Brottes. ...mais l'on peut se demander comment vous allez pouvoir à la fois faire allégeance à Mme de Palacio, dont vous êtes politiquement proche, et continuer de jurer, la main sur le cœur, comme le fait le ministre de l'économie, que vous ne toucherez pas à l'entreprise intégrée. Le flou de la rédaction que vous nous proposez ne permet pas de trancher.

Je veux maintenant poser une question au président de la commission des finances. Nous nous sommes vu opposer les articles 92 et 98 du règlement, eux-mêmes issus de l'article 40 de la Constitution, à propos d'un amendement portant article additionnel avant l'article 3 qui disposait : « La gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz doit être assurée par des entreprises ou des organismes à capitaux totalement publics ». Or j'aimerais que le président de la commission des finances nous dise en quoi cet amendement est irrecevable. En effet, il ne crée ni n'aggrave une charge publique : il ne fait que rappeler le dispositif actuel. Nous sommes donc très inquiets, car cela signifierait que l'opposition ne peut plus défendre le service public, celui-ci faisant peser, par nature, une charge sur l'État. Je demande donc solennellement au président de la commission des finances de nous expliquer pourquoi cet amendement a été déclaré irrecevable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. L'article 3 semble avoir été rédigé pour amuser la galerie. La question n'est pas de savoir si les réseaux, d'un côté, et les activités de production et de fourniture d'électricité et de gaz, de l'autre, seront gérés par des personnes distinctes, mais comment ces entreprises seront juridiquement, institutionnellement et fonctionnel-lement indépendantes l'une de l'autre afin que l'obligation de confidentialité - sur laquelle nous reviendrons - soit respectée.

C'est là que réside le véritable enjeu car, franchement, celui qui gère le réseau a déjà assez de travail, et je ne pense pas que l'on songe à lui confier en plus des responsabilités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz.

Comme le disait François Brottes, la vraie question, c'est de savoir ce qui se cache là-dessous. En effet, lorsque nous présentons un amendement visant à assurer la pérennité de la situation actuelle, et à faire en sorte que les déclarations de M. le ministre soient suivies d'effet, à savoir que le réseau sera constitué à 100 % de capitaux publics, nous ne pouvons qu'être étonnés de voir cet amendement déclaré irrecevable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. En indiquant, à l'article 3, que la gestion des réseaux de transport d'électricité ou de gaz doit être assurée par des personnes distinctes de celles qui exercent des activités de production et de fourniture d'électricité ou de gaz, vous répondez à l'obligation édictée par la directive européenne sur la séparation juridique du gestionnaire de réseau de transport et des entreprises exerçant des activités de production.

Depuis quatre ans, le réseau de transport d'électricité mis en place en France, constitué par un service indépendant à l'intérieur d'EDF, a particulièrement bien fonctionné en assurant l'ensemble des missions de service public, d'une manière non discriminatoire, en toute transparence par rapport aux fournisseurs qui voulaient rentrer dans le marché ouvert à la concurrence, et en étant doté d'un directeur nommé pour six ans par le ministre. Il convient de souligner que la France est une bonne élève, sinon la meilleure de l'Europe, pour ce qui est de répondre à l'ouverture aux gros consommateurs, c'est-à-dire 37 % du marché de l'énergie, ce qui répond à la réalité de l'économie.

Dans ces conditions, l'exigence de cette séparation juridique, à laquelle les uns et les autres ont dû se plier, pourrait aujourd'hui être remise en cause. Les dysfonctionnements du marché européen auxquels on a assisté, et l'augmentation des prix pour les industriels, justifieraient que la France demande un moratoire et l'établissement d'un rapport sur l'effectivité de l'ouverture du marché chez nos voisins européens, et sur les freins existant en réalité à la pénétration de ces marchés.

Nous avons assisté ce matin, au sein de la commission des affaires économiques, à une réunion avec des parlementaires du Bundestag, et nous savons très bien que la spécificité de certains États, tels l'Allemagne et l'Espagne, d'être des États fédéraux, leur permet d'opposer une certaine résistance, ou en tout cas d'appliquer avec un empressement pour le moins limité, les directives européennes relatives à l'évolution du marché. Si, en théorie, le marché est censé être ouvert à 100 %, dans ces États - non dotés d'une autorité de régulation - il ne l'est en réalité quasiment pas.

C'est pourquoi il nous semble qu'il aurait été bon et sage de demander un rapport et un moratoire avant l'application de cette séparation juridique, qui risque de se traduire par un éclatement de notre entreprise intégrée.

Par ailleurs, vous avez voulu, pour des motifs que chacun connaît, changer le nom du réseau de transport d'électricité qui avait pourtant su convaincre nos partenaires européens, et même la Commission - le directeur de RTE exerçant d'ailleurs des responsabilités au niveau européen - que nous appliquions bien les directives.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Pierre Ducout. Cette question est très importante. Vouloir aujourd'hui, pour des motifs sur lesquels on peut s'interroger, changer le nom de RTE pour celui d'EDF-Transport, peut faire plaisir à certains, mais cela revient surtout à agiter un chiffon rouge devant la Commission européenne, ce qui n'est pas indispensable et peut même se révéler contraire à l'objectif poursuivi, dans une période où au contraire, il est bon de souligner la qualité du fonctionnement du service public, assuré par des entreprises publiques, en France.

À de nombreuses reprises, M. le rapporteur - qui n'est parmi nous en ce moment...

Mme la présidente. Il va falloir conclure, monsieur Ducout !

M. Pierre Ducout. ...a martelé en commission que le gestionnaire du réseau de transport, quel que soit son nom, resterait public à 100 %. C'est absolument impossible, à partir du moment où son actionnaire de base est EDF, dont le capital va être ouvert dans des proportions que l'on ignore pour l'instant.

Enfin, on parle beaucoup actuellement de la valorisation des réseaux, et des conditions dans lesquelles ceux-ci pourraient faire l'objet d'une reprise par la Caisse des dépôts et consignations. D'aucuns voudraient que EDF puisse faire faillite, mais en réalité la situation financière d'EDF ne justifie absolument pas que l'on se pose cette question. Comme je l'ai indiqué la semaine dernière en défendant la motion de renvoi en commission, il a d'ailleurs été proposé la notation « AA- » pour EDF - sans la garantie du Gouvernement -, une très bonne notation qui peut lui permettre de poursuivre son action dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Actuellement, RTE est doté d'une direction indépendante à l'intérieur d'EDF. La loi de 2000, par un savant dosage, était conforme à la directive européenne tout en préservant l'unité de l'entreprise publique. Ce dosage, qui a montré son efficacité, aurait pu être maintenu sous une forme ou sous une autre.

Si EDF-Transport devient une société anonyme à l'intérieur d'EDF, comment le Gouvernement entend-il assurer l'indépendance et la préservation des intérêts de la nation en ce qui concerne le réseau de transport ? On ne saurait imaginer que le fonctionnement du réseau de transport soit soumis aux caprices de tel ou tel actionnaire dépendant de EDF-SA.

Si EDF devient une société anonyme, comment entendez-vous exercer vos prérogatives, monsieur le ministre, pour procéder à la nomination des dirigeants de RTE - ou EDF-Transport-SA - de façon indépendante et dans l'intérêt de la nation ? Doit-on craindre que les dirigeants d'EDF-Transport dépendent de la société anonyme, c'est-à-dire en quelque sorte d'intérêts privés ? C'est de l'indépendance des dirigeants de notre futur réseau de transport qu'il s'agit, donc d'une question très importante.

Je veux terminer mon intervention sur l'article 3 en apportant mon soutien à la demande formulée par M. Brottes. Je ne vois pas pourquoi l'amendement déposé par plusieurs parlementaires, dont moi-même, a été jugé irrecevable. Cet amendement visait à assurer le maintien du principe selon lequel la gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz doit être assurée par des entreprises ou des organismes à capitaux totalement publics, et en tout état de cause à marquer notre attachement à ce principe. Nous sommes curieux de prendre connaissance des explications de M. le président de la commission des finances sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le titre II du projet de loi joue un rôle clé dans celui-ci.

Il s'agit en effet de préserver le caractère intégré au sein des entreprises EDF et GDF des activités de production, de transport, de distribution et de vente d'électricité et de gaz. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles 5 et 10.

Le groupe UDF approuve ce choix stratégique de l'électricien intégré que permet clairement la directive, cette filialisation permettant de garantir l'efficacité optimale consolidée en matière de desserte territoriale et de dimensionnement des réseaux de gaz et d'électricité. Cependant, ce choix fait d'EDF l'actionnaire unique de RTE, ce qui entraîne plusieurs interrogations.

Premièrement, comment garantir l'indépendance de la filiale par rapport à la maison mère ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bonne question ! N'est-ce pas, monsieur Bataille ? (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Le montage sophistiqué mis en place par la loi de 2000 ne peut être maintenu, la directive imposant l'indépendance juridique de la filiale, donc la filialisation.

M. Daniel Paul et M. André Chassaigne. Non, pas forcément !

M. Jean Dionis du Séjour. C'est pourtant ce qui ressort de la lecture de la directive.

Nous devons résoudre le problème crucial du libre accès de la concurrence aux réseaux. Certaines dispositions du projet de loi peuvent faire craindre que EDF, actionnaire unique, donc « patron » de RTE, puisse faire obstacle à certaines décisions susceptibles de nuire à ses propres intérêts de producteur. En ce qui concerne les lignes d'interconnexion avec nos voisins, par exemple, EDF pourrait être tentée de rendre prohibitif l'accès au réseau national.

Par ailleurs, comme notre collègue Ducout, j'estime que le choix du nom d'EDF-Transport pour la filiale, s'il est symbolique, affiche de manière visible pour tous nos concurrents le lien de subordination entre le producteur et le distributeur.

M. André Chassaigne. Pourquoi de subordination ?

M. Jean Dionis du Séjour. Parce qu'il y a un lien capitalistique entre le transporteur, et le producteur qui en sera l'actionnaire unique.

C'est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à clarifier le dispositif en appliquant plus rigoureusement les dispositions prévues par la directive, notamment en son article 10, alinéa c.

M. François Brottes. Sous l'influence de Mme Loyola de Palacio !

Mme la présidente. Allons, monsieur Brottes ! Poursuivez, monsieur Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le deuxième problème est celui du rôle du régulateur. Il nous semble en effet que la CRE, qui a parfaitement joué son rôle depuis quatre ans, est singulièrement absente de ce texte. Cela pose le problème de la régulation du marché et de la vigilance quant aux conditions de l'ouverture à la concurrence.

Il faut donc préciser que la CRE doit être le contre-pouvoir du choix de l'intégration et que son rôle d'arbitre doit être renforcé. Cela a fonctionné sans problème jusqu'à présent : pendant quatre ans la CRE n'a été saisie d'aucun recours par les clients éligibles.

J'interroge en conséquence le ministre sur ce qui nous paraît être une lacune du texte concernant la transposition de la directive. Certains de nos collègues ont d'ailleurs souligné que celle-ci était parfois transposée de manière incomplète. J'attire particulièrement votre attention sur l'article 23 de cette directive qui prévoit une série de contrôles de l'autorité de régulation qui ne figure pas dans la loi de 2000. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles 4 et 5.

Nous sommes convaincus que, si l'on avait transposé intégralement ces dispositions, nous ne serions pas obligés de tordre le droit commun en vigueur dans les SA pour garantir l'indépendance de la filiale par rapport aux intérêts légitimes d'EDF et de GDF. Qu'on le veuille ou non, la CRE va devenir incontournable dans un marché ouvert à 70 % - à 100 %, en 2007. C'est pourquoi nous devons - aujourd'hui ou demain, comme l'a proposé le ministre - conforter ses missions. Pour l'heure et compte tenu du choix opérés par le Gouvernement, nous serons ouverts aux amendements de nos collègues qui permettront de prévenir les risques d'ingérence d'EDF dans la vie quotidienne du GRT, donc de RTE.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet article 3 est important. Il est en cohérence avec l'ensemble du projet visant à ouvrir le marché de l'énergie à la concurrence, et à changer le statut des entreprises publiques en ouvrant notamment leur capital. Il instaure le principe de séparation juridique de la gestion des réseaux de transport tant de l'électricité que du gaz.

Le Gouvernement affirme qu'il s'agit de transcrire les deux directives européennes du 26 juin 2003 relatives aux règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel en matière d'indépendance de gestion des réseaux de distribution et de séparation juridique des réseaux de transport.

Chacun reconnaît là l'air connu du « c'est pas moi, c'est Bruxelles », cher aux gouvernements courageux qui n'assument pas leurs choix ultra-libéraux, régulièrement désavoués par notre peuple.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce n'est pas comme le Parti communiste !

M. André Chassaigne. L'Europe est un alibi bien commode, mais qui, à la longue, devient dangereux pour la démocratie. La préoccupante abstention de plus de la moitié de nos concitoyens aux élections du 9 juin en est un nouveau et triste témoignage.

Mais cet alibi de l'Europe ne trompe plus grand monde, d'autant que Mario Monti, commissaire européen à la concurrence, non soupçonnable d'étatisme, a clairement indiqué qu'aucune directive européenne ne contraignait le Gouvernement à transformer EDF et GDF en sociétés anonymes et à ouvrir leur capital.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il y a longtemps qu'on n'avait pas parlé de Mario Monti !

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, je vous donne l'occasion de vous livrer à votre activité préférée : interrompre les intervenants et mordre si vous le pouvez. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les directives européennes ne tombent pas du ciel. Le gouvernement français y prend toute sa part. Mieux, avec ce projet, il fait une fois de plus le choix politique d'aller au-delà de ce qu'elles prévoient. Nous préconisons pour notre part une renégociation des traités européens, comme celui de Barcelone. C'est possible. Ne dit-on pas ici - c'est un autre air très connu dans cette enceinte - que l'impuissance publique n'est que le fruit de renoncements successifs ? Cherchez l'auteur.

M. François-Michel Gonnot. Jospin ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. M. Romano Prodi, président de la Commission a ainsi qualifié de « stupide » le pacte de stabilité.

M. le ministre délégué à l'industrie. Lui aussi !

M. André Chassaigne. De plus, des membres du Gouvernement - peut-être d'ailleurs vous-même, monsieur le ministre - ont émis des réserves et sollicité des accommodements au critère jusqu'ici intangible et impératif de limitation du déficit budgétaire à 3 %. Il est vrai que c'est pour financer entre autres la baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune ou celle sur les plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes loin du sujet !

M. André Chassaigne. C'est la démonstration que le Gouvernement peut parfois aménager les dogmes libéraux.

Une fois encore nous vous demandons de surseoir à votre projet. Les enjeux énergétiques sont énormes en termes sociaux, économiques et écologiques. Ils méritent la renégociation que nous préconisons.

La préservation de notre pays et de l'Europe des dysfonctionnements constatés partout dans le monde, à la suite de la déréglementation, la priorité de la lutte contre l'effet de serre nécessitent de reposer la question énergétique à l'échelle européenne et de privilégier les coopérations et non les affrontements concurrentiels.

Rien n'est écrit. C'est précisément pourquoi ce projet est si urgent dans le cadre de la politique libérale du Gouvernement. Il s'agit d'aller vite, d'aller le plus loin possible dans la libéralisation et d'engager un processus de libéralisation que vous souhaitez irréversible. Le temps presse en effet. La conscience progresse partout que l'énergie, au même titre que l'eau, l'éducation, la santé, les transports, le logement ou la culture ne sont pas des marchandises et doivent donc être préservés de la course aux profits. La connaissance des gâchis, voire des scandales financiers, liés à la libéralisation ou à la privatisation, se généralise tant en France qu'à l'étranger.

C'est sans doute l'une des raisons pour laquelle ce projet de loi est discuté selon la procédure d'urgence alors que toute une série de questions restent en suspens.

Il conviendrait notamment d'examiner sérieusement les propositions faites par les organisations syndicales. Elles visent non pas l'immobilisme, mais à préserver l'espace européen et à travailler à une politique commune profitable à l'ensemble de l'Europe.

Autre question, autre incertitude, l'option d'une fusion d'EDF et de GDF, dont le Gouvernement répète qu'elle est ouverte. Or cette option changerait toute l'architecture du projet.

Au-delà, la représentation nationale et nos concitoyens ignorent toujours les vraies raisons du changement de statut d'établissement public en société anonyme et de l'ouverture du capital.

À la faveur de l'examen de cet article 3 nous réitérons donc notre demande de retrait de ce projet alors que le Gouvernement a annoncé qu'un rapport lui serait remis en septembre prochain sur l'opportunité d'ouvrir le capital ou de regrouper EDF et GDF en une seule entité.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. L'efficacité économique et technique du système électrique français réside dans le choix fait, il y a bientôt soixante ans, d'une intégration maximale de l'ensemble des activités nécessaires au fonctionnement et aux investissements de service public.

Le réseau de transport d'électricité est une activité essentielle de cette intégration. Le statut social du personnel et les dispositions appliquées aujourd'hui aux agents d'EDF, quel que soit leur secteur d'activité, sont une des garanties de cette intégration. Cette unicité de traitement entre les agents d'EDF maison mère et ceux de la filiale de transport qui doit être créée demain n'est pas aujourd'hui garantie par le projet de loi.

Les grands incidents qui ont eu lieu en 2003 dans le nord des États-Unis et en Italie ont eu pour causes l'insuffisance des investissements et la séparation du transport d'avec la production.

En France, à l'été 2003, pendant la canicule, dans la situation extrêmement tendue de la production électrique, une deuxième catastrophe sanitaire a été évitée parce que les personnels d'EDF ont su travailler, dans une configuration et avec des réflexes professionnels issus de cinquante ans d'histoire commune entre la production et le transport dans un objectif unique : celui de la sécurité du système électrique dans son ensemble. C'est-à-dire la priorité du service public avant l'intérêt de l'entreprise.

La séparation juridique du transport conduira nécessairement à la poursuite d'objectifs d'entreprises qui, à un moment donné, pourront s'avérer divergents entre la production et la gestion du système électrique assurée par RTE. Par exemple, EDF en tant que producteur, pourra considérer dans son intérêt financier d'arrêter l'exploitation de centrales de production « non rentables » de son point de vue alors que celles-ci sont indispensables à la gestion de l'équilibre du réseau électrique. L'intérêt d'EDF, entreprise de production et de commercialisation d'électricité, sera la tension entre la production et la consommation pour faire monter les prix. Celui de RTE est la sécurité du système qui nécessite de disposer de surcapacités de production à la fois en temps réel et dans les prévisions d'investissement.

La solution pour maintenir l'équilibre du système sera pour RTE de rémunérer la disponibilité de la production nécessaire à la sécurité du système au prix fort, celui du marché.

Les risques sont donc doubles : il y a les risques techniques de défaillance du système global et ceux d'un renchérissement du coût de l'électricité.

RTE devenant société anonyme s'alignera nécessairement sur les critères de rentabilité financière propres aux entreprises privées et pourra donc être dans la situation, bien qu'étant explicitement une activité régulée, de limiter les investissements pour augmenter la rémunération du capital.

Ainsi, avec la séparation juridique de RTE et sa transformation en SA, la désoptimisation technique et économique du système électrique français est d'ores et déjà en route.

La directive européenne sur le marché de l'électricité définit dans son article 10 quatre critères minimaux à respecter pour le gestionnaire du réseau de transport : son indépendance managériale vis-à-vis de l'entreprise intégrée ; des mesures protégeant l'indépendance des dirigeants du GRT vis-à-vis de la maison mère ; des pouvoirs complets de décision du GRT pour exploiter le réseau et investir ; enfin, des règles strictes permettant au GRT d'assurer un accès non discriminatoire au réseau.

Ces quatre critères sont largement assurés par l'organisation actuelle du RTE au sein d'EDF. Les attendus de la directive prévoient dans le paragraphe 8 que la Commission pourra évaluer les mesures d'effets équivalents à la séparation juridique du transport élaborées par les États pour réaliser cet objectif.

Le gouvernement français peut donc proposer à la Commission ces mesures d'effet équivalents sans séparer juridiquement le transport de la maison mère.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis heureux que Michel Bouvard soit arrivé. Il pourra lui aussi répondre à M. Brottes sur la question de l'irrecevabilité.

Non, messieurs Bataille et Brottes, le transport de l'électricité et du gaz n'est pas actuellement public à 100 %, comme vous l'affirmez. Il existe trois sociétés en partie privées, filiales de Total : Gaz du Sud-Ouest, Compagnie française de méthane et SEAR.

M. François Brottes. Vous ne répondez pas à notre question !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J'y viens ! Et je vous rappelle que c'est le gouvernement que vous souteniez qui a vendu les réseaux de transport à ces sociétés par l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001.

M. le ministre délégué à l'industrie. Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à l'heure, vous aviez oublié la loi de 2000. Vous oubliez à présent la loi de finances pour 2001.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce n'est pas de la schizophrénie, c'est de l'Alzheimer !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Votre amendement, monsieur Brottes, tend en fait à nationaliser ces sociétés. Comme l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme impose une juste indemnisation, cette nationalisation a un coût qui représente une charge supplémentaire pour l'État. C'est cela qui a conduit à opposer l'article 40 de la Constitution à votre amendement.

En définitive, vous voulez racheter aujourd'hui ce que vous avez vendu vous-mêmes en 2001. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est pour le moins surprenant.

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Comme l'a indiqué Patrick Ollier, l'article 40 s'applique, puisque l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 a assuré le transfert de la société en question dans le domaine privé. La faire rebasculer dans le domaine public impliquerait une indemnisation, donc une création de charges pour l'État. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. De quoi parlez-vous, au juste ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. L'article 40 s'applique donc bel et bien et c'est en toute logique que l'amendement a été déclaré irrecevable.

Il n'y a ici que des parlementaires chevronnés. Ils connaissent bien la portée de cet article et savent qu'il n'est pas raisonnable d'en contester l'interprétation en la matière.

M. François Brottes. Je souhaite répondre, madame la présidente !

Mme la présidente. La discussion ne peut continuer indéfiniment, monsieur Brottes.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En effet, monsieur Brottes, vous avez demandé une explication et vous l'avez obtenue !

M. François Brottes. Étant donné la réponse qui nous est faite, je ne vois pas pourquoi nos amendements nos 633 à 645 ont été déclarés, eux, recevables, alors qu'ils demandent que la gestion d'un réseau ou de transport d'électricité ou de gaz soit assurée par une personne publique.

Je remercie la commission des finances et la commission des affaires économiques de m'avoir répondu, mais elles auraient dû, en toute logique, les déclarer également irrecevables.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il est encore temps !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pour l'article 40, c'est la commission des finances qui est compétente !

M. Christian Bataille. C'est l'impérialisme des finances !

M. François Brottes. Toujours est-il qu'il y a là, selon moi, deux poids deux mesures.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement, n° 1271, visant à supprimer l'article 3.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1271.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1563.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement tend à maintenir à l'intérieur d'EDF-GDF les gestionnaires de réseaux de transport.

Les articles 3 et suivants du projet de loi transposent les directives européennes du 26 juin 2003 fixant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel. Cependant, il y a un monde entre l'exposé des motifs de l'article 3 et la lettre dudit article.

Dans l'exposé des motifs, en effet, il est affirmé que l'article 3 « fixe le principe de l'exercice des activités de gestion des réseaux de transport [...] par des entreprises juridiquement distinctes de celles qui exercent des activités de nature concurrentielle, à savoir la production et la fourniture d'électricité ou de gaz ».

Permettez-moi de citer maintenant le texte de l'article 3 : « La gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz doit être assurée par des personnes distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz. »

L'exposé des motifs parle donc d'activités exercées par des entreprises distinctes, tandis que l'article 3 parle d'activités exercées par des personnes distinctes : ce n'est pas la même chose !

En droit, la personnalité juridique est confiée à des réalités qui nécessitent d'être protégées, qu'il s'agisse d'êtres humains - personnes physiques - ou de groupements d'individus auxquels la loi attribue la personnalité juridique - personnes morales. Une entreprise est une personne morale de droit privé. Donc, écrire que l'activité de transport doit être exercée par une entreprise juridiquement distincte de celle qui exerce des activités de production ou de fourniture, c'est considérer que cette activité doit être confiée à une personne morale séparée. Or si l'on dit, comme on le fait dans l'article 3, que l'activité de transport doit être exercée par des personnes distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fourniture, on ne tranche pas la question de savoir si ces personnes distinctes sont des personnes morales ou des personnes physiques.

On le voit, la rédaction de la directive, transposée dans l'article 3, tend à laisser aux États membres le choix de décider quelle sera la séparation juridique mise en œuvre.

Aujourd'hui, l'activité de transport est exercée par un service séparé du point de vue managérial et comptable au sein d'EDF : RTE, qui est géré par des personnes physiques distinctes de celles qui exercent les activités de production et de fourniture. En ce sens, la séparation juridique existe déjà,...

M. Jean Dionis du Séjour. Mais non !

M. André Chassaigne. ...et il n'est nul besoin, de notre point de vue, de créer une société chargée du réseau de transport d'électricité. En le faisant, le Gouvernement va au-delà des obligations que lui impose le droit communautaire et procède à un choix lourd de conséquences, qui sonne le glas du modèle d'intégration horizontale et verticale d'EDF tel qu'il a été bâti à la Libération.

Aussi, de même que nous nous opposons aux articles 3 et 4, nous demanderons la suppression de l'article 5 du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. André Chassaigne. Nous n'obtiendrons donc jamais de réponse sur le fond !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1563.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1695.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Cet amendement a pour seul objet de remplacer le mot : « doit » par le mot : « peut », pour les raisons que vient d'exposer André Chassaigne.

Pour nous, la gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz peut être assurée par des personnes distinctes du producteur ou du fournisseur : ce n'est pas une obligation. En ce domaine, il faut laisser le choix. Dans la mesure où la France satisfait déjà aux dispositions de l'article 10 de la directive, c'est-à-dire aux quatre critères que j'ai déjà mentionnés, il suffit de changer le verbe, puis d'inviter sans crainte la Commission à vérifier l'efficacité du système mis en place par notre pays.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Elle a repoussé cet amendement.

M. Daniel Paul. Vous êtes désespérant, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission. La directive impose la distinction, monsieur Paul.

M. Jean Dionis du Séjour. Le ministre a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Vous faites une lecture intégriste de la directive, monsieur le ministre. Reportez-vous au paragraphe 8 de ses attendus, où il est prévu que la Commission pourra « évaluer les mesures d'effet équivalent » à la séparation juridique du transport « élaborées par les États pour réaliser cet objectif ». Le gouvernement français est donc tout à fait habilité à proposer à la Commission de telles mesures, sans séparer juridiquement le transport de la maison mère.

Ne faisons pas de cette séparation une obligation ou un devoir : laissons cela au niveau de la possibilité.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce serait contraire au c) du 2 de l'article 10 de la directive. Je vous l'ai répété dix fois !

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Daniel Paul. C'est votre interprétation, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1695.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements, nos 1696, 1131 et 633 à 645, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 633 à 645 sont identiques.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 1696.

M. Daniel Paul. Cet amendement vise à prendre à contre-pied l'objectif de démantèlement de l'entreprise intégrée EDF-GDF. L'efficacité économique et technique du système électrique français réside dans le choix de l'intégration maximale des diverses activités nécessaires au fonctionnement et aux investissements.

Cette intégration est indispensable pour des raisons d'ordre social et pour des raisons d'efficacité économique et de sûreté d'approvisionnement. Les soixante dernières années ont prouvé, pour le moins, la pertinence du choix effectué en 1946, qui assure la cohérence de la politique énergétique de la France. Et si nous avons refusé votre loi d'orientation sur l'énergie, monsieur le ministre, c'est précisément parce que les outils que vous proposiez de mettre en place ne permettaient pas de maintenir cette cohérence.

Le réseau de transport d'électricité est un élément essentiel de l'intégration. C'est lui qui détermine un maillage équilibré du territoire et permet que l'usager du fin fond de la Creuse soit relié et servi avec la même qualité que celui de la capitale. Le transport est de plus une composante essentielle du prix final.

Aujourd'hui, RTE, le transporteur, est un service d'EDF avec séparation comptable. Le séparer juridiquement tout en le soumettant aux exigences du marché va évidemment pousser chacun des opérateurs du secteur à tirer la marge à lui, au risque de léser le consommateur.

Au transporteur qui veut augmenter ses marges, il suffira d'économiser sur les investissements d'équipement. Prenons de nouveau l'exemple de la Creuse : il suffira de réduire les investissements sur l'entretien des réseaux, et tant pis pour les pannes éventuelles ! Cela revient à accorder bien moins de considération à un Creusois qu'à un Parisien ou à un Lillois, tout en faisant reculer l'aménagement du territoire.

Il serait conforme à votre pensée décentralisatrice de transférer à terme sur les collectivités locales les coûts que vous ne voulez pas laisser à la charge de RTE privatisé. En ces temps d'ouverture au marché, les collectivités locales peuvent avoir le bon goût d'assumer des charges dont vous voulez délester non seulement l'État, mais également les entreprises qui ont hérité de ses missions.

Le statut social du personnel et les dispositions appliquées aujourd'hui aux agents d'EDF, quel que soit leur secteur d'activité, sont une garantie de cette intégration. Durant la canicule de l'été 2003, c'est grâce à ces agents, je le rappelle, que la France a évité de justesse une deuxième catastrophe.

Notre opposition à l'évolution que vous voulez imprimer au réseau de transport vise à préserver l'esprit qui a permis à EDF et à GDF de développer depuis 1946 une efficacité que nul ne conteste.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille, pour soutenir l'amendement n° 633.

M. Christian Bataille. Je remercie notre rapporteur, Jean-Claude Lenoir, pour les références constantes et élogieuses qu'il fait à la loi de 2000. Je me rappelle avec émotion qu'il fut le seul de son groupe à voter avec la gauche, ce qui nous fut d'une aide précieuse, ce texte ayant été adopté à quelques voix près. Personne à droite hormis vous, monsieur le rapporteur, ne peut revendiquer la loi de 2000. (Rires.)

M. Claude Gatignol. Mais si !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous êtes injuste, monsieur Bataille !

M. Christian Bataille. C'est à votre tour d'être rapporteur, mais je crains de ne pouvoir vous rendre la politesse - à regret, mais la discipline de groupe l'exige.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Vous êtes un sophiste, monsieur Bataille !

M. Christian Bataille. Des raisons profondes s'y opposent. Ainsi, je n'admets toujours pas l'explication que l'on nous a donnée quant à l'irrecevabilité de nos amendements.

Plutôt que d'écarter cet amendement avec des explications aussi sommaires que confuses, il aurait mieux valu le laisser venir en discussion.

Avec celui-ci, nous vous proposons de préciser que les intervenants seront des personnes publiques, car l'article 3 ne saurait être compréhensible ou politiquement lisible si l'on se contentait de sa formulation initiale. Nombreux sont ceux qui pensent important de la revoir, car il s'agit de se conformer à la directive européenne pour la gestion du réseau. C'est pourquoi il faut être précis à cet endroit de la loi.

Je crois que l'amendement que nous vous proposons complétera et précisera utilement le texte.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je reviens à la charge avec Mme de Palacio (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car M. le ministre élude mes questions.

Si je me réfère à ses déclarations, je pense que Mme de Palacio aurait souhaité qu'on écrive : « La gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz doit être assurée par des personnes morales totalement distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz ». Or ce n'est pas ce que propose le Gouvernement. J'espère vous entendre, monsieur le ministre, nous expliquer comment vous répondrez à ces attentes, que le texte, lui, ne satisfait pas.

Par ailleurs, allez-vous appeler RTE EDF-Transport ? Là aussi, Mme de Palacio considère que c'est une atteinte à la directive, que vous avez brandie devant nos collègues communistes. Vous la connaissez par cœur désormais, mais, visiblement, vous en avez une lecture sélective.

Sur cette question du gestionnaire de réseau, on peut se demander si les personnes impliquées seront physiques ou morales. C'est le flou absolu : on parle de personnes sans plus de précision. Or cette terminologie, sur le plan juridique notamment, est largement sujette à interprétation.

Nous nous réjouissons que la commission des finances n'ait pas frappé d'irrecevabilité cet amendement qui, pourtant, est presque identique à celui qui a été déclaré irrecevable. Le vice-président de cette commission nous a aimablement expliqué pourquoi et je l'en remercie. Je ne peux pas croire que cet amendement ne soit pas accepté. M. Sarkozy nous dit depuis des semaines : « Ne vous inquiétez pas, ce sera 100 % public ». Cet amendement lui donne l'occasion de confirmer cette annonce. Si, aujourd'hui, la majorité n'acceptait pas la précision « personnes publiques », cela voudrait dire que le ministre a fait une fausse affirmation et que nous avons démasqué la supercherie.

J'attends avec impatience de connaître la position du ministre, puisque nous avons déjà entendu celle du rapporteur en commission et qu'elle n'est pas de nature à créer l'événement. D'ailleurs, même quand il est pour en commission, il a tendance à être contre dans l'hémicycle. J'espère, monsieur le ministre, qu'au-delà de votre avis, favorable ou défavorable, sur cet amendement, vous pourrez nous dire au moins quelle réponse vous donnerez à Mme de Palacio.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vous ai déjà répondu hier !

Mme la présidente. Sur le vote des amendements identiques, n°s 633 à 645, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l'amendement n° 637.

M. Pierre Cohen. Je suis tout à fait d'accord sur ce que vient de dire François Brottes. Le ministre a souvent dit que des amendements avaient été préparés dans la précipitation, allant même jusqu'à parler de bricolage. J'attends avec impatience de savoir comment il justifiera juridiquement l'article 3. Le caractère moral des personnes y est-il sous-entendu ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Oui !

M. Pierre Cohen. Je voudrais revenir sur un débat que nous avons eu en commission, au cours duquel nous nous sommes heurtés à une incompréhension totale sur un point qui nous semblait évident. M. Sarkozy, que nous n'avons pas beaucoup vu au cours du débat, a fait évoluer la loi indépendamment du texte en discussion. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec une version initiale qui prévoit une gestion du réseau de transport à 50 % publique, un amendement qui propose de la porter à 70 % et une déclaration de M. Sarkozy qui la laisse à 100 %, en attendant.

Avec les quelques notions de mathématiques qui me restent, je crois pouvoir dire qu'une structure mère à 50 % ou 70 % publique - car on sait très bien que les 100 % ne sont destinés qu'à faire passer la loi et qu'ils ne perdureront pas - ne peut être publique à 100 % même si elle a une filiale dépendante d'elle à 100 %. M. Lenoir, qui est extrêmement compétent et dont le sens logique devrait le conduire à être d'accord avec nous, s'est entêté, en commission, et le président de la commission avec lui, à penser qu'on resterait à 100 % de public avec une structure mère à 70 % publique. Ce n'est pas possible !

M. le ministre délégué à l'industrie. Si, c'est possible !

M. Pierre Cohen. Vous ne nous avez pas expliqué comment en commission ; peut-être pourrez-vous nous le dire maintenant. C'est une simple question mathématique, pas juridique. Quand une structure mère est publique à 70 %, cela veut dire que 30 % du capital sont privés.

M. le ministre délégué à l'industrie. Je vais vous expliquer !

M. Pierre Cohen. Ce n'est peut-être pas un hasard si M. Sarkozy a annoncé tardivement que la structure mère serait publique à 100 %.

Si vous nous expliquez, vous me permettrez de remettre à jour certaines de mes connaissances. Mais plusieurs hochements de tête de collègues de la majorité, dont on ne peut mettre en cause la logique, me confortent dans l'idée que nous ne nous trompons pas.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce n'est pas une démarche scientifique de penser qu'on est infaillible !

M. Pierre Cohen. Quand je doute, je regarde autour de moi : je vois des gens, qui me paraissent doués de logique, penser comme moi et cela me rassure.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Regardez-moi ! (Sourires.)

M. Pierre Cohen. S'agissant de ce texte, je vous sais capable d'une mauvaise foi qui me rend très méfiant ! (Sourires.) En revanche, je suis prêt à entendre les explications du ministre. Mais s'il n'arrive pas à nous convaincre, je pense que toutes les personnes ici présentes auront à cœur de s'assurer du caractère public du gestionnaire de réseau en précisant qu'il s'agit bien de « personnes publiques ».

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l'amendement n° 639.

M. Pierre Ducout. J'ajouterai, pour la défense de cet amendement, que le marché, en particulier aux États-unis, a montré clairement son incapacité à assurer correctement l'entretien, le renouvellement, le renforcement des réseaux de transports. C'est pourtant un point capital pour le bon fonctionnement d'un service public de l'énergie. Nombre de nos collègues sur les bancs de la majorité s'inquiètent, à juste titre, de ce que le gestionnaire du réseau de transport puisse ne pas être public. Vous allez, monsieur le ministre, nous expliquer comment il pourra l'être à 100 %. C'est un point sur lequel il faut être extrêmement vigilant.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Il y a quelques jours, devant la commission des finances, interrogé sur son éventuelle entrée au capital du gestionnaire du réseau de transport d'électricité, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations indiquait que son ambition, voire sa mission, quant à la valorisation des capitaux dont il avait la charge était d'obtenir rien moins qu'une rentabilité à deux chiffres, le premier n'étant pas zéro. Même si ce sont des personnes publiques qui entrent dans le capital, elles sont susceptibles d'introduire une notion de rentabilité financière ! Cela peut apparaître en contradiction totale avec la mission qu'est supposé remplir le gestionnaire du réseau de transport, à savoir lutter efficacement contre les ruptures d'approvisionnement.

La première directive fixait le cadre juridique dans lequel l'ensemble des réseaux de transport interconnectés en Europe devait pouvoir fonctionner, mais visait surtout à garantir à tout fournisseur d'électricité la possibilité de les utiliser. Aujourd'hui, le projet de loi opère un retour en arrière. En voulant maintenir le gestionnaire de réseau au sein d'EDF, on handicape doublement ses conditions d'exercice : on touche à son indépendance et on ouvre son capital à des capitaux, qui, même publics, ont pour seul objectif une forte rentabilité. Vous arguerez, monsieur le ministre, que cette rentabilité bénéficiera, peut-être, au logement social. Mais on voit bien les dérives que cela prépare.

C'est pourquoi les articles relatifs au gestionnaire du réseau de transport devraient être amendés. C'est pourquoi surtout il faut conserver et sauvegarder ce qui, depuis quatre ans, est une formidable réussite. RTE est non seulement accepté par les instances politiques et administratives de Bruxelles, mais il est reconnu par tous les fournisseurs d'électricité. Il y va de l'avenir de notre système d'électricité.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Je rappelle qu'en ce qui concerne le gaz, on ne peut pas parler de gestionnaires de réseaux de transport public puisque certains d'entre eux relèvent du droit privé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Mon avis est défavorable sur tous ces amendements...

M. Jean-Louis Dumont. Ce n'est pas une surprise !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...mais je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Vous admettrez avec moi que, en droit, une société est dite publique dès lors que son capital est détenu à au moins 50 % par l'État. Or, pour RTE - EDF Transport, M. Sarkozy a voulu aller plus loin en décidant que le capital sera détenu à 100 % par l'État. Il est donc plus exigeant.

Cela sera possible avec la société mère, EDF, détenue à au moins 50 % par l'État...

M. Pierre Cohen. Les intérêts privés y sont déjà présents pour 15 % !

M. le ministre délégué à l'industrie. EDF est bien une société publique puisqu'il suffit pour cela que l'État en soit actionnaire à 50 % !

M. Jean-Louis Dumont. C'est un habillage habile !

M. le ministre délégué à l'industrie. Pour que son capital soit détenu à 100 % par l'État, RTE peut être détenu en partie par EDF, qui est une société publique, en partie par l'État et, en partie, également, par d'autres sociétés publiques.

M. Pierre Ducout. La démonstration n'est pas probante. Vous employez d'autres termes !

M. le ministre délégué à l'industrie. Mais c'est du droit et de l'arithmétique : pour que RTE soit une société à 100 % publique, il faut que 100 % de son capital soit détenu par des acteurs publics, et un acteur est public dès lors que 50 % de son capital est propriété de l'État ! C'est aussi simple que cela !

M. Jean-Louis Dumont. On appréciera l'habileté de la démonstration !

M. le ministre délégué à l'industrie. Il suffit d'un peu de jugeote !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1696.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 633 à 645. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 48

              Nombre de suffrages exprimés 48

              Majorité absolue 25

        Pour l'adoption 17

        Contre 31

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Déclaration du Gouvernement et débat d'orientation budgétaire pour 2005.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1676, pour le soutien à la consommation et à l'investissement ;

Rapport, n° 1682, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 24 juin 2004, à une heure trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot