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Deuxième séance du mardi 9 novembre 2004

50e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

OUTRE-MER (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'outre-mer.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits.

La parole est à Mme Christiane Taubira, pour dix minutes.

Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, je tiens à ce que vous sachiez que, au cours de la précédente séance, la présidence a fait preuve d'une très grande tolérance !

M. le président. Rassurez-vous, j'entends en faire preuve également !

Mme Christiane Taubira. Je n'en doute pas !

Madame la ministre de l'outre-mer, la discussion budgétaire est habituellement un exercice sans mystère. Cette année, cependant, elle nous réserve une surprise : l'un des rapporteurs, et non des moindres, puisqu'il s'agit d'Alain Rodet, au nom de la commission des finances saisie sur le fond, a osé écrire que le budget accuse une baisse de 7,6 %, soit près de 86 millions d'euros.

Selon le rapport, cette baisse s'explique par deux ajustements aux besoins : l'un portant sur le Fonds pour l'emploi, l'autre sur la couverture maladie universelle complémentaire. Il est pour le moins bizarre d'entendre le Gouvernement proclamer que l'emploi outre-mer demeure une priorité pour lui alors qu'il diminue les crédits qui lui sont consacrés, tandis que le nombre de chômeurs reste orienté à la hausse. Sans compter le nombre de ceux qui, dans le cadre de l'économie dite informelle, inventent, tous les jours, des moyens de vivre sans le soutien de l'État, assumant, grâce à leur créativité, toutes leurs obligations familiales et sociales !

Je ne doute pas, madame la ministre, que vous nous fournirez la clef de cette énigme et que vous nous expliquerez les raisons de la baisse de 130 millions d'euros de la dotation du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Absolument !

Mme Christiane Taubira. Le rituel ne s'en accomplit pas moins et certains députés vous abreuvent de remerciements et de félicitations (Murmures), sans considération pour ceux qui sont broyés par un système éducatif inadapté, par un dispositif de santé public fortement dégradé et par une insuffisance chronique de logements, à quoi il faut ajouter, pour la Guyane, un territoire enclavé qui empêche le désengorgement des villes et favorise les multinationales pour l'accès aux ressources naturelles.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce budget.

S'agissant du passeport mobilité, il concerne 4 868 étudiants pour l'ensemble de l'outre-mer qui compte 1 800 000 personnes, dont 50 % ont moins de vingt ans ! Un des rapporteurs parvient au nombre de 10 600 passeports mobilité en ajoutant les jeunes partis en formation et ceux qui sont à la recherche d'un premier emploi. Pourquoi pas ? Mais même ce dernier chiffre reste dérisoire, et il y a quelque indécence à s'en vanter lorsqu'aucune disposition sérieuse n'est prise pour construire sur place un appareil productif performant et créateur d'emplois.

Quant à la dotation logement, qui n'avait pas cessé de progresser jusqu'en 2002, elle stagne en autorisations de programme et régresse en crédits de paiement. En 2004, 7 774 logements ont été construits alors que, en Guyane, le territoire le moins peuplé, il faudrait déjà 6 000 logements par an. Votre passeport logement, lancé à grands coups de déclarations publiques et de conférences de presse, ne comprendra que 800 places, via l'ANT, pour un coût total de 500 000 euros.

Pour ce qui est de la dotation de continuité territoriale, je trouve impudique de claironner le montant de 31 millions d'euros pour l'ensemble de l'outre-mer. Peut-être nous direz-vous aussi, madame la ministre, pourquoi le dispositif n'est pas encore en place en Guyane.

S'agissant de la lutte contre l'insécurité, vous avez essayé de nous éblouir avec les opérations « Anaconda », où tous les journalistes, d'ailleurs, n'étaient pas les bienvenus, comme si nous étions revenus aux temps d'un service public audiovisuel aux ordres !

Je pourrais poursuivre ainsi afin de montrer l'inconsistance des ambitions affichées pour le développement durable en zone intertropicale, l'indolence des intentions en matière de réforme du code forestier, réduite à un simple projet d'ordonnance, la baisse des crédits du FEOGA-orientation et l'arbitraire qui préside aux choix des équipements ruraux, mais les prochains débats autour de la Commission nationale d'orientation nous donneront l'occasion de revenir sur ces questions et sur les risques que comporte, pour l'outre-mer, le projet de traité constitutionnel de l'Union européenne élargie.

Aussi, je préfère saisir l'occasion que m'offre l'actualité pour tenter de décrypter la relation qu'entretient ce gouvernement avec l'outre-mer.

Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que, plus que des territoires, ce que vous appelez l'outre-mer ou « les outre-mer » sont, d'abord, des peuples, des cultures, des histoires, des environnements et des voisinages. Ces deux dernières années, nous vous avons vue parfois déconcertée, et ces dernières semaines, franchement exaspérée. Pourtant, tout avait bien commencé : au début de la législature, vous ne tarissiez pas d'éloges sur nous. Après d'autres, vous proclamiez que l'outre-mer était la chance de la France et ses ressortissants des Français « pour de vrai », et que ce gouvernement allait nous montrer comment il savait aimer et saurait développer l'outre-mer mieux que tout autre.

Manifestement, vous n'arrivez pas à admettre que nous puissions être impatients et que nous en avons assez des discriminations et des escroqueries d'État, qui durèrent longtemps sur la créance de proratisation et le salaire minimum, qui durent encore sur l'indemnité d'éloignement et les allocations familiales.

Le problème, c'est que nous, dans l'outre-mer, nous prenons les mots au sérieux.

Nous croyons à la liberté, parce que, depuis des générations, nous n'avons pas cessé de la conquérir contre la traite et l'esclavage, contre l'exil forcé et le déracinement, contre le mépris de nos cultures et de nos langues. Et nous l'avons conquise ici aussi, pour et sur le territoire français, avec des gens célèbres comme Félix Éboué, mais aussi avec des milliers d'anonymes.

Nous croyons à l'égalité parce que, passionnés de justice, nous refusons les discriminations et les inégalités pour les autres. Nous n'en voulons pas non plus pour nous !

Nous croyons à la fraternité, car notre histoire nous a préparés à l'altérité, à l'acceptation et à l'accueil de la différence et de l'autre.

Nous croyons à la citoyenneté et nous entendons exercer nos droits aussi pleinement que nous accomplissons nos devoirs.

Nous croyons à la démocratie, qui n'est pas la loi du plus fort mais le règne du droit, et nous sommes soucieux de protéger les plus vulnérables.

Nous croyons à la République parce que nous pensons que ce n'est pas l'individualisme mais le sens de l'intérêt général qui assure l'épanouissement d'une société et de chacun de ses citoyens.

En revanche, nous avons des préventions quasi ataviques contre la soumission, la docilité et la servilité. Nous avons confiance en nous parce que nous connaissons nos succès et nos talents.

À ce propos, je veux rendre hommage à Béatrice Vernaudon qui a fait preuve de courage moral et politique en sacrifiant ses intérêts partisans à l'intérêt supérieur de la Polynésie. Elle a fait la démonstration que nous avons de plus en plus besoin de femmes en politique. Nous sommes fiers de notre collègue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Formidable !

Mme Christiane Taubira. Ce gouvernement a choisi de jouer le pourrissement en Polynésie.

Vous prétendez, madame la ministre, que les institutions n'y sont pas bloquées alors que vous savez parfaitement que certains services sont occupés, que les autres ou bien sont désemparés par les ordres et contrordres, qui aboutissent forcément au désordre administratif, ou bien fonctionnent en duo.

En ce moment même - mardi matin en Polynésie - une grève générale vient d'être lancée. Deux mille salariés sont déjà mobilisés pour une marche pacifique dans les rues de Papeete.

Ne devriez-vous pas cesser de jouer avec le feu et de faire du juridisme face à une crise institutionnelle et politique qui menace la démocratie ? Toutes les formations de la majorité plurielle, renforcées par des forces politiques qui ne sont pas représentées à l'Assemblée territoriale et par des maires, ont signé un appel à la dissolution de l'Assemblée, adressé au Président de la République.

Vous savez très bien que cette dissolution et l'arbitrage par le suffrage universel sont la voie de la sagesse et de la justice. Il faut que vous compreniez que nous avons changé d'époque et de génération.

D'un outre-mer à l'autre, nous partageons mille et une choses. Nous n'avons pas besoin d'être aimé globalement. Il y a déjà plus de soixante ans, Frantz Fanon écrivait : « Ceux qui aiment les nègres sont aussi malades que ceux qui les détestent ». Par-dessus tout, nous partageons, dans l'outre-mer, une exigence commune : le respect. Nous ne le demandons pas, nous ne le quémandons pas, nous l'exigeons et nous l'imposerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'outre-mer pour 2005 est en baisse : nul ne saurait le nier, et tous ceux qui m'ont précédé à cette tribune l'ont dit. Je ne m'y attarderai donc pas. À périmètre constant, il est en baisse de plus de 8 %. Vous avez d'ailleurs vous-même reconnu, madame la ministre, le caractère artificiel de l'augmentation des crédits de l'outre-mer. Un budget doit être considéré comme un instrument de politique d'intervention publique. La bataille autour des chiffres, que je ne livrerai pas, n'a donc d'intérêt que si elle permet d'apporter à nos compatriotes les réponses aux problèmes qu'ils rencontrent dans leur vie quotidienne. J'aime à répéter que les chiffres sont comme les sacs : ils prennent la forme de ce que l'on y met.

Nos populations ultramarines, en dépit de leur éloignement de la France hexagonale, ont une lecture lucide des politiques de l'État. Avec leur simple bon sens, elles savent lorsqu'elles bénéficient ou non d'une politique volontariste et progressiste. Elles ne peuvent être trompées, ni par des effets d'annonces, ni par des artifices de présentation. Nos compatriotes ne sont donc pas dupes. Au-delà des chiffres dont ils sont abreuvés, ils se rendent bien compte que la réalité est tout autre. Leurs préoccupations s'orientent naturellement vers l'emploi, le logement, la sécurité, la santé et l'éducation et nos régions veulent une politique de développement répondant à leurs préoccupations.

Bien que votre projet de budget ne représente que 18 % de l'effort national en faveur de l'outre-mer, il devrait néanmoins refléter les priorités définies par le Gouvernement : l'emploi et le logement. Or il n'en est rien, puisque, depuis la mise en œuvre de la LOLF en 2001, votre méthode de gestion consiste à privilégier l'efficacité de la dépense aux dépens de l'interventionnisme.

Prenons l'exemple de l'emploi, première préoccupation des Domiens et, d'ailleurs, de tous les Français. Comment pouvez-vous arguer d'une politique en matière d'emploi lorsque le FEDOM, qui en est le moteur, accuse cette année une baisse historique de 32 % ? Cette restriction budgétaire intervient au moment où des milliers de travailleurs ont perdu leur emploi ou risquent de le perdre dans les secteurs tels que l'agriculture, touchée fortement par la crise de la banane, le tourisme, confronté à une conjoncture néfaste depuis deux ans. Quant aux travailleurs indépendants, ils sont assaillis de charges et menacés de disparaître. Que de personnes en situation dramatique ! Alors, bien sûr, vous justifiez la baisse du FEDOM par une sous-consommation des crédits. Mais, madame la ministre, c'est confondre l'effet et la cause. Nombreux, en effet, sont les demandeurs d'emplois souhaitant bénéficier d'une formation ou d'une aide à la création d'activité qui ont vu leur demande refusée par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et l'ANPE, faute de crédits suffisants. De plus, ne vaudrait-il pas mieux de réaffecter les crédits non utilisés du FEDOM à d'autres mesures en faveur de l'outre-mer afin de répondre justement aux attentes de nos compatriotes en grande difficulté ?

L'an dernier, lors de la discussion budgétaire, vous annonciez que vous alliez remplacer les emplois aidés par des emplois marchands. L'intention était louable. Nous avons bien assisté à la suppression des emplois-jeunes, mais les créations d'emplois marchands n'ont pas suivi. Les résultats en la matière sont sans commune mesure avec les 700 millions d'euros d'exonérations de cotisations sociales, qui profitent essentiellement aux entreprises. Vous me répondrez certainement, madame la ministre, que les crédits inscrits au budget de l'outre-mer ne sont pas les seuls que l'État consacre à l'emploi dans les DOM. Mais c'est bien ce qui m'inquiète car les crédits des ministères de l'emploi et de l'économie dans les DOM seront aussi en baisse significative en 2005. Les mesures en faveur de l'emploi que le Gouvernement a annoncées pour l'année prochaine ne changeront pas la triste réalité vécue par les chômeurs et les emplois précaires.

Le même constat s'impose pour la politique du logement. Vous avez fait, selon vos propres termes, du logement une priorité gouvernementale pour l'outre-mer, mais cette affirmation ne trouve pas de traduction dans le projet de budget, puisque vous inscrivez sur la ligne budgétaire unique la même somme qu'en 2004, soit 173 millions d'euros. Et nous ne savons que trop que les crédits pour le logement en outre-mer ont fait l'objet ces dernières années de gels et d'annulations successifs. Ainsi, en 2004, le montant des factures impayées s'élève, pour la seule Martinique, à 14 millions d'euros, correspondant aux chantiers de l'ensemble des opérateurs sociaux. Comment ne pas partager l'inquiétude de ces opérateurs qui font des efforts considérables pour se structurer, afin de satisfaire tant en qualité qu'en quantité une demande forte en matière de réhabilitation de l'habitat et de construction de logements sociaux pour les plus défavorisés ?

Mais le manque de crédits ne concerne pas seulement le logement et l'emploi. Il touche toutes les mesures de solidarité nationale envers l'outre-mer. On peut ainsi déplorer la baisse de 15 millions d'euros des fonds affectés à la CMU et la diminution de 24 % des crédits aux offices de l'eau au moment même où la Martinique et la Guadeloupe rencontrent de graves problèmes de pollution des eaux due aux pesticides.

Quant au passeport mobilité, reconnaissez-le, madame la ministre, les résultats sont mitigés. Trop peu de jeunes, au regard du potentiel, bénéficient à la Martinique d'une aide, qui s'avère très ciblée et si restrictive que nombre de familles, sachant l'issue aléatoire, hésitent à se lancer dans un véritable parcours du combattant. Les demandes de passeport logement sont d'ailleurs satisfaites tout aussi difficilement.

Je m'inquiète également des tentatives de remise en cause de certains droits acquis pour les DOM tels que le dispositif de la TVA non perçue récupérable, institué pour les entreprises, ou les congés bonifiés permettant d'assurer, en quelque sorte, la continuité territoriale pour nos compatriotes qui résident en métropole.

S'agissant de la continuité territoriale, la discussion budgétaire est l'occasion de rappeler, sans verser dans la polémique, la discrimination que pratique le Gouvernement en ce domaine. Si l'on ne peut que se féliciter de la mesure visant à assurer la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole, il convient de s'interroger sur les modalités de financement de cette mesure et de s'offusquer de son insuffisance. Madame la ministre, vous avez vous-même admis que le système n'était pas satisfaisant. Comment pourrait-il en être autrement ? Alors qu'en Corse, et dans les régions ultrapériphériques européennes, le principe de continuité territoriale se traduit naturellement par des moyens importants pour financer un véritable service public qui bénéficie à tous les voyageurs, résidents ou non, et au fret, l'outre-mer se voit, quant à lui, exclu de cette logique et reçoit à la place une dotation, destinée à financer une réduction de prix pour un seul billet d'avion par an et par personne résidant outre-mer. La seule hausse du pétrole que nous connaissons actuellement limite déjà considérablement cet avantage.

Une simple comparaison suffit pour démontrer que le Gouvernement applique en matière de continuité territoriale deux poids, deux mesures. En 2005, la Corse touchera à ce titre près de 174 millions d'euros pour 260 000 habitants alors que l'outre-mer, tout entier, ne percevra que 31 millions d'euros pour, Christiane Taubira l'a rappelé, près de 1,8 million d'habitants.

M. Christian Paul. C'est dérisoire !

Mme Christiane Taubira. Insultant !

Mme la ministre de l'outre-mer. De votre temps, c'était zéro !

M. Louis-Joseph Manscour. C'est insultant ! Nous le vivons très mal.

M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Avant, c'était zéro !Il n'y avait rien !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ils donnaient tout à la Corse !

M. le président. N'interrompez pas M. Manscour et laissez-le terminer son intervention.

M. Louis-Joseph Manscour. Mes chers collègues, on peut soutenir un gouvernement...

Mme Christiane Taubira. En restant lucide !

M. Louis-Joseph Manscour. Exactement. Il me paraît important de faire preuve d'un peu de clairvoyance, c'est une question de dignité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les chiffres que nous citons sont objectifs et incontestables.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Sous Jospin, c'était zéro ! Ça aussi, c'est incontestable. Et 31, c'est mieux que zéro !

M. Mansour Kamardine. C'est exact !

M. Louis-Joseph Manscour. La vérité fâche !

Si on ne peut que se féliciter de la mesure visant à assurer la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole, on ne peut, en revanche, que s'interroger sur les modalités de financement de cette mesure et s'offusquer de l'insuffisance des crédits qui lui sont consacrés.

Vous avez reconnu vous-même, madame la ministre, que le système devait changer. Mais pour combler le manque que je viens de souligner, le Gouvernement demande aux régions et à l'Union européenne de prendre en charge une partie de la continuité territoriale, ce qui n'est pourtant nullement demandé à la collectivité territoriale de Corse. Vous les obligez ainsi à créer de nouvelles charges que devront supporter les contribuables domiens. La situation est ubuesque ! Je comprends que les régions d'outre-mer se montrent réticentes à dégager un tel financement, et je prends à témoin les deux présidents de région qui sont parmi nous. L'accepter reviendrait à nous rendre complices de mesures discriminatoires à notre propre endroit.

Au vu de tous ces éléments - baisse des crédits, financement des programmes insuffisant, mesures discriminatoires -, je doute fort que le Gouvernement puisse ainsi respecter les engagements pris par le Président de la République en faveur du développement économique et social durable de l'outre-mer.

M. le président. Il faut penser à conclure, monsieur Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Les crédits accordés aux moyens de services de l'outre-mer ayant accusé une baisse de 23 % entre 2004 et 2005, on peut légitimement se demander si les personnels et les moyens de fonctionnement qui seront maintenus seront suffisants pour mener à bien les missions de votre ministère, madame la ministre.

Lors de vos auditions devant les parlementaires et au cours de conférences de presse, vous annonciez parmi les priorités du Gouvernement la logique de résultats. Il s'agit pour vous, madame la ministre, de votre troisième exercice budgétaire. J'ai toujours fait preuve dans mes propos, et personne ne peut le contester, de retenue et de sérénité, mais je suis au regret de vous dire que vos budgets reproduisent tous le même schéma : effets d'annonce et promesses à venir, gels et annulations de crédits, manque d'ambition. Vous semblez appliquer les maîtres mots du Premier ministre, M. Raffarin : « confiance et patience ». Mais, madame la ministre, en outre-mer, comme partout ailleurs, la confiance ne s'octroie pas, elle se mérite. Votre projet de budget ne mérite pas ma confiance. Souffrez que je vous dise que je ne le voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. Madame la ministre, je ne polémiquerai pas sur la question de savoir si le budget de votre ministère, selon que l'on se situe ou non à périmètre constant, est en augmentation ou en diminution. Je le ferai d'autant moins que, à ma connaissance, aucune règle en matière de finances publiques n'implique qu'un budget en baisse soit nécessairement mauvais. Ce projet de budget ne me permet pas non plus d'apprécier pleinement l'action du Gouvernement outre-mer, puisqu'il ne représente que 17 % des crédits que l'État consacre aux territoires ultramarins, sans compter les concours financiers que nous procure l'Union européenne.

M. Mansour Kamardine. Vous faites preuve de sagesse.

M. Éric Jalton. À cet égard, il nous appartiendra de veiller à ce que l'évolution des dispositifs de tous ordres de l'Union européenne n'entraîne à terme la paupérisation des aides légitimes et des accompagnements nécessaires dont bénéficient nos régions ultra-périphériques.

Madame le ministre, le niveau d'exécution de vos budgets précédents et, donc, de consommation des crédits afférents, étant ascendant, je ne peux que vous encourager à poursuivre dans cette voie. Cela dit, en matière d'emploi, objectif prioritaire de votre politique budgétaire, les indicateurs socio-économiques dont nous disposons actuellement sont très contrastés. Ils ne sauraient d'ores et déjà nous rassurer, puisque, en 2003, les économies des Antilles et de la Guyane n'ont pas été suffisamment créatrices d'emplois en dépit d'une légère progression de la population active.

La Guadeloupe est le département français d'Amérique qui souffre du plus fort taux de chômage et le département de France qui connaît la plus forte proportion d'emplois non déclarés. Dans de trop nombreux secteurs économiques, dont le BTP et, plus particulièrement, les travaux publics, les effets de la loi de programme pour l'outre-mer tardent à se faire sentir. Nous attendons donc avec impatience - et espoir - le premier rapport triennal d'évaluation de l'impact des exonérations de cotisations de sécurité sociale sur la création d'emplois outre-mer. Ce rapport, prévu par la loi de programme, nous donnera, sans aucun doute, un éclairage intéressant sur la situation.

En attendant, est-il judicieux de se désengager brutalement de la politique d'emplois aidés dans le secteur non marchand, alors que la baisse des contrats aidés s'est traduite par un impact négatif sur l'emploi dans les quatre DOM, notamment sur les secteurs de l'administration, de l'éducation, de la santé et de l'action sociale ?

Outre son aspect massif, le chômage en Guadeloupe revêt une caractéristique structurelle. Plus de la moitié des chômeurs guadeloupéens, qui sont très souvent faiblement diplômés, s'enlisent dans un chômage de longue durée - de plus d'un an pour 80 % d'entre eux. Ils se découragent et s'inscrivent de moins en moins à l'ANPE. Dans ce contexte, madame la ministre, permettez-moi de vous demander quel a été l'impact en Guadeloupe du dispositif des contrats jeunes en entreprise adopté en 2002. Ne peut-on inciter davantage les entreprises à jouer le jeu des contrats aidés en alternance ? Quelles mesures peut-on prendre pour inciter les demandeurs d'emploi à s'inscrire à 1'ANPE, afin notamment de faciliter l'accès des chômeurs de longue durée à une formation professionnelle, dont le financement leur est réservé ? Enfin, pouvez-vous nous assurer que les nouvelles dispositions en faveur de l'emploi, prises dans le cadre du plan national de cohésion sociale, seront largement mises en œuvre outre-mer, et singulièrement en Guadeloupe ?

En matière de logement social - deuxième axe prioritaire de votre budget -, j'aimerais en savoir davantage sur le dispositif des prêts sociaux location-accession, qui sera mis en place en 2005. Je suis pour ma part, vous ne l'ignorez pas, madame la ministre, très attaché à l'accession sociale à la propriété. Je crois savoir que vous l'êtes également.

En ce qui concerne la continuité territoriale, les populations d'outre-mer prennent acte que le dispositif, qui a été initié, est d'ores et déjà opérationnel en Guadeloupe, notamment au niveau du conseil régional. Mais, à défaut d'un dispositif plus performant, nous attendons évidemment une révision régulière, à la hausse, des dotations ad hoc.

Nous nous réjouissons du fait que, comme nous l'avions demandé, le passeport mobilité ait été élargi à l'Union européenne et à certains déplacements à caractère sportif, et que l'avance des frais ait été, en principe, supprimée. Nous devons veiller à rendre ce dispositif de plus en plus opérationnel.

Nous saluons également, dans le prolongement du passeport mobilité, le nouveau « passeport logement » dont nous avions fortement désiré la mise en place. Nous souhaiterions en savoir plus sur ce dispositif encore expérimental, et être plus impliqués dans sa mise en œuvre.

Après la sauvegarde de l'octroi de mer et la révision, positive, du FRDE, les communes de la Guadeloupe attendent avec impatience la révision des modes de calcul et de répartition des dotations de l'État aux collectivités territoriales d'outre-mer. À ce titre, la dotation spécifique de l'outre-mer, envisagée par le Gouvernement sur votre initiative, sera, si elle devait se concrétiser, la bienvenue.

Je vous prie également de ne pas oublier, madame la ministre, les engagements que vous avez pris, ici, devant la représentation nationale, le 4 juin 2004, sur la nécessité de décider, au-delà des dispositifs généraux, de solutions d'accompagnement et de mesures spécifiques et ciblées, entrant dans le cadre d'une stratégie de développement, pour compenser les handicaps des îles du sud de la Guadeloupe. Les élus et les socioprofessionnels concernés sont prêts à vous faire des propositions pertinentes.

Nous comptons également sur vous pour continuer à défendre auprès des autorités nationales, européennes et internationales nos économies agricoles, qui demeurent fragiles. À cet égard, la loi de modernisation agricole nous donnera de nouveau l'occasion de jauger la volonté du Gouvernement de défendre réellement ce secteur de notre économie locale.

Enfin, permettez-moi, madame la ministre, de vous solliciter solennellement pour qu'ensemble et sans a priori, nous nous intéressions de plus près aux conditions de fonctionnement de la police, de la gendarmerie et de la justice en Guadeloupe. Il y va du crédit de la démocratie et de la République à laquelle nous sommes, vous et moi, comme l'immense majorité des Guadeloupéens, attachés. Trop d'affaires, plus ou moins récentes, accompagnées du silence ou de l'inertie de certaines autorités, poussent de trop nombreux Guadeloupéens à s'interroger, à tort ou à raison, sur ces trois rouages fondamentaux d'un État de droit. Le sentiment désagréable qui, par-delà les passions politiciennes et partisanes, prévaut depuis trop longtemps, est celui d'un État de droit à plusieurs vitesses, ce qui ne peut que faire le lit des extrémismes et des égarements de toutes sortes.

Faute de temps, je n'en dirai pas davantage aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici venu moment de faire le bilan de la politique conduite outre-mer.

Depuis la publication du projet de loi de finances pour 2005, force est de constater - de nombreux orateurs l'ont fait avant moi - que le budget de l'outre-mer, loin d'être en hausse, connaît une forte diminution. Vous nous avez dit et répété, madame la ministre, que l'important, ce n'était pas la constance du périmètre, mais d'avoir les moyens de l'action politique et de garantir sa parfaite exécution.

Pourquoi, alors, s'agissant des deux mesures phares de vos budgets de 2003 et de 2004, toujours prioritaires pour 2005 - l'emploi et le logement -, cette parfaite exécution doit-elle souffrir de gels, voire d'annulations de crédits ?

En matière d'emploi, les statistiques peuvent se révéler des artifices habiles visant à colorer la réalité. S'il est vrai que le chômage a reculé, tous les acteurs du service public de l'emploi - il convient de saluer au passage le travail qu'ils font outre-mer, singulièrement à la Martinique - s'accordent à souligner que le nombre d'inscrits à l'ANPE ne correspond pas aux réalités locales, notamment en ce qui concerne les RMIstes.

De plus, le chômage outre-mer - notre collègue Jalton l'a rappelé à l'instant - frappe singulièrement les plus jeunes et sa durée s'avère particulièrement longue. Pourquoi alors réduire de 90 millions d'euros le FEDOM ?

Il nous faudra, nous, élus de l'outre-mer, nous battre pour prendre toute notre part du plan de cohésion sociale et obtenir, notamment, la mise en place des maisons de l'emploi et la création de plates-formes « vocationnelles », afin que les DOM ne soient plus, comme au moment de la création de quarante et une nouvelles zones prioritaires de M. Borloo, les oubliés de la République.

Mme Christiane Taubira. Exactement !

M. Philippe Edmond-Mariette. En ce qui concerne le logement, certes nous constatons des efforts. Mais, madame la ministre, qu'en est-il du gel de la LBU, particulièrement important à la Martinique, laquelle enregistre pourtant le plus faible taux de LBU par habitant depuis cinq ans ? Déjà, en 2003, nos amis de la Réunion avaient signalé des gels et des annulations. Ces gels sont aujourd'hui si importants à la Martinique que la crise est ouverte, prête à se répercuter sur les plans économique et social, notamment sur l'emploi. Si les crédits de paiement ne sont pas débloqués dans les tout prochains jours, c'est l'une de vos priorités pour 2005, madame la ministre, qui disparaîtra, car les entreprises, les constructeurs et les promoteurs auront entre-temps déposé le bilan.

L'inquiétude grandit avec l'élargissement de l'Europe. La loi relative à la modification de l'octroi de mer est excellente, car elle apporte des garanties. Toutefois, sur la scène européenne, il appartient au Premier ministre de défendre à vos côtés les régions ultrapériphériques et d'obtenir les dérogations rendues nécessaires par les handicaps découlant de la géographie et de l'étroitesse du marché. Il s'agit là, pour le Gouvernement, d'une obligation morale, et son soutien est indispensable à l'agriculture, notamment pour la banane et pour la filière rhum-sucre-canne.

De plus, la Martinique doit être maintenue en objectif 1 et, à ce titre, être éligible encore pour longtemps aux fonds structurels. Le calcul du PIB national fausse l'analyse - je pense au taux de 75 % - et impose ou de retenir le PIB régional ou d'obtenir qu'en dépit de l'éligibilité en objectif 1 de l'ensemble des DOM, compte tenu de la géographie, la Martinique bénéficie des aides d'État à finalité régionale, prévues à l'article 87-3 du traité sur l'Union européenne. Cet objectif répond à une obligation morale, car la France des trois océans enrichit l'Europe et permet son rayonnement aux portes de l'Amérique.

La situation géographique impose, à plus d'un titre, le désenclavement de l'outre-mer, notamment par le biais d'un transport aérien digne de ce nom et par la mise en place d'obligations de service public. Les avantages réels dont les compagnies bénéficient en raison des compensations prévues dans votre loi de programme, je pense à l'exonération des charges sociales, leur permettent de supporter de telles obligations.

Le désenclavement est également nécessaire pour réduire la fracture numérique : les prix des abonnements Internet sont prohibitifs outre-mer. Madame la ministre, quelles suites ont été données à l'engagement interministériel relatif au projet d'extension du câble Americas ?

Enfin, le désengagement à l'échelle locale impose la mise en place d'une autorité régulatrice du transport maritime.

Madame la ministre, je ne peux achever mon propos sans évoquer deux séries de menaces qui pèsent lourdement sur les ultramarins. La première concerne l'exonération de TVA, le refus de verser aux fonctionnaires les indemnités d'éloignement et la remise en cause des points de bonification dans l'éducation nationale. Le barbarisme affreux de « surrémunération » ne fait que recouvrir une mesure de justice sociale.

La seconde concerne le trafic de drogue, dont chacun connaît l'importance dans les départements français d'Amérique. Pouvons-nous admettre que les dispositifs existant, alors même qu'ils sont situés outre-mer, soient davantage tournés vers la protection des côtes européennes que vers celle des rivages des départements français d'Amérique ?

L'an dernier déjà, madame la ministre, je disais « non » au poker budgétaire au détriment des ultramarins. Votre audition en commission des finances du Sénat a jeté le trouble sur la volonté gouvernementale. Votre détermination est honorable et témoigne de l'engagement du chef de l'État. Mais votre majorité semble choisir l'outre mer pour faire preuve d'indépendance et attaquer, sans concertation préalable ni véritables débats, les dispositifs spécifiques qui permettent d'assurer outre-mer le lien social, le niveau de vie et la maîtrise de l'inflation.

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Edmond-Mariette. Nous sommes mardi, mais non Mardi gras ! Alors faisons tomber les masques. Madame la ministre, pouvez-vous assurer devant la représentation nationale qu'il n'est plus question de remettre le couvert, que nous n'aurons pas une TVA sucrée, une surrémunération à ce point recuite qu'elle pourrait disparaître et des discriminations financières montées en neige qu'aucun élu de votre majorité n'accepterait pour sa région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M.Michel Buillard.

M. Michel Buillard. Malgré un contexte budgétaire difficile, madame la ministre, vous avez obtenu du Premier ministre que la Polynésie bénéficie, dans le cadre du budget pour 2005, d'un soutien continu et renforcé. Nous vous sommes reconnaissants de ce résultat. En dépit des rumeurs sur un désengagement de l'État colportées par les indépendantistes,...

M. Christian Paul. Et par l'UDF !

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est surtout Flosse qui a raconté ça !

M. Michel Buillard. ...la Polynésie française continue à bénéficier des dotations du FIDES et du FIP.

De plus, le Gouvernement s'emploie à rattraper les retards de paiement au titre de l'ancien Fonds de reconversion, devenu la DGDE, et au titre du RST.

Je rappelle que vous vous y étiez déjà engagée auprès de l'ancien gouvernement d'Oscar Temaru. C'est pourquoi le procès d'intention que d'aucuns ont tenté de vous faire sur votre volonté supposée de diminuer les crédits de l'État est injuste.

Mme Christiane Taubira. Il y a pourtant eu rétention de crédits !

M. Michel Buillard. Bien au contraire, madame la ministre, vous essayez par tous les moyens de combler les retards accumulés par les différents gouvernements socialistes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Exactement !

M. Michel Buillard. Mieux encore, d'année en année, les engagements pris par le Président de la République sont tenus et concrétisés : la DGDE en 2002, le passeport mobilité pour les jeunes en 2003 - 650 de nos jeunes peuvent enfin bénéficier de cette mesure -,...

Mme Christiane Taubira. Mais combien le veulent vraiment ?

M. Michel Buillard. Madame, ce n'est pas votre collègue Christian Paul qui aurait pris une telle initiative !

M. Victorin Lurel. En effet, car c'est une mesure bureaucratique !

M. Michel Buillard. En 2004, enfin, la continuité territoriale est établie grâce, une fois de plus, au Président de la République et à Brigitte Girardin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christiane Taubira. 31 millions, et aucun dispositif prévu !

M. Michel Buillard. Un autre procès d'intention met en cause les élus que nous sommes au sujet de l'utilisation des fonds publics.

Mme Christiane Taubira. Eh oui ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Calmez-vous, madame Taubira !

M. le président. Poursuivez, monsieur Buillard.

Mme Christiane Taubira. Je vois que M. Raoult a donné ses ordres !

M. le président. Vous avez déjà eu la parole, madame Taubira !

M. Michel Buillard. Laissez-moi parler, madame Taubira ! Je suis un élu de l'outre-mer comme vous !

La Polynésie française est une collectivité décentralisée de la République. Elle est assujettie aux mêmes contrôles administratifs, juridictionnels et de gestion que toutes les autres collectivités.

Permettez-moi de m'écarter du texte de mon intervention pour vous dire le sentiment de révolte que j'éprouve face aux accusations qui ont été proférées à cette tribune contre le gouvernement Flosse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Victorin Lurel. Il est pourtant indéfendable !

M. Michel Buillard. Je vous invite à consulter le document établi par un expert indépendant sur le bilan économique de notre action de 1992 à 2002. Il y est fait état d'un taux de croissance de 4 % par an...

M. Christian Paul. Eh bien, acceptez la création d'une commission d'enquête !

M. Michel Buillard. ...et d'un taux de chômage à 12 %.

M. Victorin Lurel. Commission d'enquête !

M. Michel Buillard. Je suis sûr que ce taux est envié dans tout l'outre-mer !

M. Mansour Kamardine. Absolument !

M. Louis-Joseph Manscour. Et les comptes en banque ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Votre interruption est insultante, monsieur Manscour !

M. Michel Buillard. Vraiment, je vous invite à prendre connaissance de ce document, car nous avons obtenu des résultats très intéressants.

Pardonnez-moi si mes propos sont quelque peu excessifs, mais la révolte gronde en moi. Je ne peux laisser passer les accusations proférées contre la Polynésie à travers la personnalité de M. Flosse. Je trouve révoltante l'accusation selon laquelle il aurait fomenté un assassinat. Où en est-on arrivé ?

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements et régions d'outre-mer. Très juste !

M. Louis-Joseph Manscour. Allons donc ! M. Flosse est un saint !

M. Christian Paul. Ces accusations proviennent de la presse indépendante !

M. Michel Buillard. La violence verbale, passe encore ! Mais, par petits crans, nous en arrivons aux voies de fait. Que fait aujourd'hui monsieur Temaru ? Je vous invite, mes chers collègues de l'opposition, à prendre vos distances avec ce monsieur : interrogez donc Hiro Tefaarere et Ronald Terorotua sur les événements de 1995 ! Vous savez que c'est par ces deux messieurs que le scandale est arrivé : ce sont eux qui ont fait chuter le gouvernement Temaru, pas nous !

M. Éric Raoult. Exactement !

M. Louis-Joseph Manscour. Ils ont été achetés !

M. Michel Buillard. Non, ils n'ont pas été achetés ! Ce sont des élus d'outre-mer comme vous : je vous en prie, ne les insultez pas !

M. Victor Brial, rapporteur spécial. M. Buillard a raison : arrêtez ces accusations !

M. Michel Buillard. Ces messieurs, disais-je, ont joué un rôle très actif dans les événements de 1995 :...

Mme Christiane Taubira. Et alors ? Nous sommes en 2004 !

M. Michel Buillard. ...incendie de l'aéroport, incendie de Papeete. En tant que maire de cette ville, je puis témoigner combien la reconstruction de quartiers entiers a été difficile. Voilà ce qu'ont produit les manœuvres de déstabilisations menées par l'« ami » avec qui vous dînez ce soir !

M. Éric Raoult. Avec une grande cuillère, j'espère !

M. Michel Buillard. M. Temaru a une grande part de responsabilité dans les événements de 1987, 1991 et 1995. Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour essayer de rétablir la vérité...

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Christiane Taubira. Votre vérité !

M. Michel Buillard. ...et de contribuer ainsi à l'équilibre de l'information de l'Assemblée et du peuple français qui nous écoute.

Merci, madame la ministre, pour tout le travail que vous accomplissez en faveur de la Polynésie française. Maruru ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Il a touché là où ça fait mal !

Mme Huguette Bello. Et les essais nucléaires, monsieur Raoult ?

M. Éric Raoult. Il n'y en a pas eu beaucoup à la Réunion, ma chère collègue !

Mme Christiane Taubira. Mais nous sommes solidaires, monsieur Raoult !

M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît !

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier. En montant à cette tribune, je pensais, mes chers collègues - car cela ne s'oublie pas -, que vous avez depuis de longues années accompagné la Nouvelle-Calédonie dans la conciliation de ses antagonismes, dans son pari sur l'intelligence, dans ses challenges institutionnels et économiques, dans tous ces défis qu'elle a dû relever, des accords de Matignon à l'accord de Nouméa et jusqu'à aujourd'hui. Dans cette assemblée, ensemble, nous avons su, comme l'a écrit Jacques Lafleur, « faire les bons choix pour la Nouvelle-Calédonie dans la bonne politique pour la France ».

Madame la ministre, je tiens tout d'abord à saluer la continuité, la justesse, la sincérité de votre action en faveur de l'outre-mer français. Ce projet de budget en porte une nouvelle fois la marque, dans un contexte, on le sait, pourtant très difficile.

Vous savez l'attention que je porte à l'enseignement privé en Nouvelle-Calédonie. Je me réjouis, à cet égard, qu'aujourd'hui même une réunion interministérielle ait pu se tenir sur la question des retraites et des validations de service : j'y vois l'aboutissement de démarches engagées depuis plus de deux ans.

Je tiens aussi à vous remercier d'avoir accepté de pérenniser, avec M. Jean-François Lamour, l'aide spécifique à la mobilité des sportifs, en application du protocole d'accord sur le développement du sport que nous avons signé il y a un an à Nouméa.

Mais d'autres dossiers attendent encore des réponses : ainsi le financement de la construction des collèges, préoccupation essentielle sur laquelle nous devons trouver ensemble une solution, ou la transition entre la génération de contrats de plan qui s'achève et la prochaine, qui ne débutera qu'en 2006.

Je sais combien vous vous investissez pour résoudre ces problèmes. Je suis conscient aussi, comme mes compatriotes, des efforts considérables que la métropole consent déjà en faveur de la Nouvelle-Calédonie, malgré les difficultés budgétaires majeures que rencontre l'État.

Mais votre action et celle du Gouvernement ne se résument pas à ce projet de budget. J'ai relevé ces dernières semaines l'adoption de plusieurs mesures que nous appelions de nos vœux : je pense, par exemple, au traitement des situations de surendettement des ménages dans nos collectivités ou à l'adoption du projet de loi autorisant l'adhésion à la convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central. Ce texte nous permettra d'être pleinement associés à cet enjeu économique essentiel pour la région.

Je relève également que la société INCO a décidé de reprendre, après vingt-deux mois de suspension, la construction de son usine métallurgique de nickel et de cobalt dans le sud de la Grande Terre. Cette décision est capitale pour toute la Nouvelle-Calédonie. Goro Nickel est un chantier exceptionnel, gigantesque, de dimension mondiale. D'un montant de près de 2 milliards d'euros, il va permettre de créer des milliers d'emplois et représente un formidable espoir pour notre jeunesse.

La concrétisation de ce fabuleux projet vient récompenser les efforts inlassables de Jacques Lafleur, pendant ces dix dernières années, pour créer les conditions favorables à sa réalisation. Mais nous sommes conscients que l'usine du Sud n'aurait pu voir le jour sans l'aide décisive de l'État et la généreuse défiscalisation décidée par le Président de la République à l'occasion de sa visite en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. Pierre Frogier. Le chef de l'État apporte également son soutien à l'usine du Nord, autre projet métallurgique dont nous espérons qu'il pourra se concrétiser dans les prochains mois.

Du point de vue institutionnel, la Nouvelle-Calédonie est entrée depuis le 9 mai dans une période d'instabilité. Les élections aux assemblées de province et au Congrès l'ont privée d'unité et d'une majorité politique cohérente et stable. Cette situation suscite interrogations et inquiétudes chez nos compatriotes. Elle fragilise les équilibres issus de l'accord de Nouméa et remet en cause les conditions du développement.

Bien que le Rassemblement, signataire de l'accord de Nouméa, demeure, au sortir de ces élections provinciales, le premier parti de Nouvelle-Calédonie, il a été exclu systématiquement de toutes les responsabilités par une coalition hétéroclite qui va du Front national aux indépendantistes les plus dogmatiques, et cela à l'initiative d'un mouvement monté de toutes pièces par des dissidents du Rassemblement et par le représentant local de l'UDF. À ce sujet, je remercie Jérôme Bignon pour les conclusions de son rapport.

Prise dans ses contradictions et ses incohérences, cette coalition contre-nature s'efforce de construire une unité factice sur l'exclusion et l'éloignement de la France. Ainsi, nos compatriotes métropolitains résidant depuis moins de dix ans en Calédonie seront exclus de l'aide à la continuité territoriale financée par le contribuable français.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ils sont déjà exclus du vote !

M. Pierre Frogier. Nous sommes bien loin de l'esprit qui avait présidé à la création de cette mesure dans votre loi de programme pour l'outre-mer, madame la ministre.

Et cette politique d'exclusion ne s'arrête pas là ! Dans le même esprit, on nous annonce maintenant, au nom de la protection de l'emploi local, des mesures draconiennes et discriminatoires pour l'entrée dans la fonction publique territoriale. Et je ne parle pas de la mise en place d'une « carte d'identité du citoyen calédonien ». Cette politique est en totale rupture avec l'esprit de l'accord de Nouméa !

C'est dans ce contexte que la visite à Nouméa du ministre délégué au tourisme a suscité de vives réactions parmi les parlementaires calédoniens. Il nous semble en effet qu'il aurait dû être plus attentif à nos préoccupations plutôt que de répondre de manière précipitée à une invitation inopportune.

Mes chers collègues, l'accord de Nouméa, que vous avez soutenu de façon quasi unanime, est innovant, exemplaire, mais il est aussi fait d'équilibres fragiles et de concessions réciproques. Je compte donc sur votre vigilance et votre soutien. En attendant, et pour les mêmes raisons, je voterai votre budget, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon. Dans le contexte budgétaire national difficile qui est le nôtre, vous nous proposez pour l'outre-mer, madame la ministre, une enveloppe de 1,71 milliard d'euros dont l'essentiel, 1,15 milliard, est consacré à la politique de l'emploi.

Cette enveloppe, du fait du transfert des crédits du ministère du travail, permettra de répondre aux objectifs de la loi-programme dans le cadre d'un budget plus clair, mieux exécuté et donc plus efficace. Il me semble donc inutile de polémiquer. Dans la conjoncture budgétaire actuelle, le budget que vous nous proposez est un bon budget, d'autant qu'il ne représente que 15 % de l'ensemble des interventions de l'État en outre-mer.

Je consacrerai donc, madame la ministre, le très court temps de parole dont je dispose à rappeler certains sujets que je considère essentiels pour Saint-Pierre et Miquelon et sur lesquels je vous interrogerai.

Tout d'abord, je voudrais appeler votre attention sur les difficultés budgétaires des collectivités locales. Le nouveau sénateur-maire de Miquelon ne manquera pas de vous faire part de ses préoccupations, et j'ai, pour ma part, déjà évoqué avec vous celles de la commune de Saint-Pierre et de la collectivité territoriale.

Différentes réunions se sont tenues début et courant 2004 au ministère de l'outre-mer à ce sujet, ainsi que sur le financement de divers gros chantiers dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics. Des engagements ont été pris. Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez faire un point sur la concrétisation de ces engagements pris par l'État à l'égard des collectivités locales, les appréciations des responsables locaux et du représentant de l'État n'étant pas toujours en parfaite harmonie.

Les collectivités locales ne pourront pas s'en sortir budgétairement sans un réajustement notable des diverses dotations de décentralisation et sans que le compteur de la dette de l'archipel ne soit remis à zéro. Rappelons qu'il fut nécessaire d'emprunter, à la suite de l'échec subi par la France devant le tribunal arbitral sur les frontières maritimes, à New York en 1992, et après qu'eut été décidé un moratoire sur la pêche à la morue en 1993.

Les discussions sur le projet de la loi organique relatif à l'harmonisation des divers statuts de l'outre-mer avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 ainsi que l'examen de la proposition de loi que j'ai déposée sur le bureau de notre Assemblée devraient être l'occasion de discuter de ces questions et d'y apporter les solutions qui conviennent.

Ces solutions donneraient l'oxygène indispensable à une nouvelle équipe innovante et dynamique, décidée à prendre en charge l'avenir de l'archipel. Car le moral n'est pas bon à Saint-Pierre-et-Miquelon : le secteur du BTP se porte mal, celui des commerçants et des artisans également. Du reste, ceux-ci s'inquiétaient hier soir, en réunion publique, « des licenciements économiques, des fermetures d'établissements commerciaux, des baisses considérables du chiffre d'affaires, des coûts trop élevés du transport, de la chute des recettes douanières et fiscales, des difficultés avec les banques, secteur dans lequel toute concurrence est paralysée, le même actionnaire étant omniprésent dans les deux banques locales, des maisons qui se vendent, signe d'une émigration de plus en plus importante, etc ».

Certes, tout cela tient pour beaucoup à la politique, ou plutôt à l'absence de politique de développement menée localement. Mais je suis convaincu que les dispositions budgétaires précitées seront indispensables à toute équipe nouvelle qui aura le courage de prendre en charge les destinées de l'archipel dans des conditions budgétaires, économiques et sociales aussi dégradées, afin de rendre à la population l'espoir et l'optimisme et, surtout, de construire un avenir collectif sur des bases de développement et de diversification économique créatrices d'emplois.

S'agissant d'avenir, madame la ministre, les dispositions d'ordre budgétaire que je viens de demander seraient insuffisantes si elles n'étaient complétées par une volonté politique ferme et clairement affichée du Gouvernement de résoudre certaines questions qui relèvent de la politique étrangère de la France.

Chacun sait combien la stratégie des grandes compagnies pétrolières pèse actuellement sur l'économie mondiale et risque de mettre à mal et d'étrangler les politiques budgétaires, fussent-elles les plus consensuelles et les plus adaptées.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, les victimes de cette stratégie seront d'abord les familles à faible revenu, mais aussi les personnes seules dont les retraites, trop faibles, vont être très fortement ponctionnées par le budget chauffage, suite à l'augmentation du prix du fuel domestique, dans un contexte climatique particulièrement rigoureux. Le budget de toutes ces personnes, déjà maigre, sera mis à mal par cette stratégie.

Toutefois, la stratégie des grandes compagnies pétrolières aboutira aussi à l'étranglement géographique méthodique de la zone économique exclusive française autour de l'archipel, comme le démontre la carte des récents permis attribués pour l'exploitation off-shore d'hydrocarbures. Les gouvernements de la Nouvelle Écosse et de Terre-Neuve viennent en effet d'accorder un permis d'exploitation pétrolière à la société ConocoPhilipps sur 7 millions d'acres, répartis en dix secteurs, prenant presque totalement en tenaille l'étroit couloir de la zone économique exclusive française. Cette même société nord-américaine, ConocoPhilipps, dont j'ai longuement rencontré les responsables, s'est vu reconduire dans la ZEE française son permis d'exploration sans obligation de forage, avec seulement quelques obligations de dépenses, qui semblent floues.

A cet égard, j'aurai plusieurs séries de questions à vous poser, madame la ministre, d'autant que le Premier ministre canadien, Paul Martin, lors de sa récente visite à Paris, a dû aborder ces dossiers : le Gouvernement dispose-t-il d'un minimum d'influence sur les grandes compagnies pétrolières ? S'agissant de ConocoPhillips, et dans le cadre de la reconduction de son permis d'exploration, pouvez-vous nous dire quelles sont ses obligations à l'égard de notre pays, et quels moyens de contrôle et garde-fous sont prévus ? Est-il envisageable de pouvoir inciter une compagnie pétrolière française à s'intéresser aux intérêts pétroliers et gaziers évidents de la France dans cette partie du monde ? A quel stade en sont les négociations de l'accord entre la France et le Canada sur l'exploration et l'exploitation des ressources d'hydrocarbures transfrontalières dans la ZEE française au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ? Où en est le cahier des charges qui devait être adopté par décret en Conseil d'État et transférer les compétences en matière de gestion des ressources du sous-sol marin au conseil général ? Fondamentalement, dans un tel contexte, la France a-t-elle fermement décidé, comme le Canada l'a fait, de revendiquer sa juridiction sur le plateau continental au-delà des 200 milles marins ?

J'ai l'impression d'être un peu seul dans la défense de ce dossier, tant localement qu'au plan national. Personne ne semble vraiment y croire. Pourtant, chacun peut constater que les provinces de Terre-Neuve et de Nouvelle Écosse font déjà de la recherche et de l'exploitation pétrolière off-shore un axe majeur de leur développement économique.

Vous comprendrez également, madame la ministre, que dans l'actuel climat économique et social de l'archipel, l'avenir de la protection sociale intéresse la population, car, dans ce domaine, notre législation accuse un très fort retard. C'est dans ce cadre que j'ai, dans le courant de l'année, rencontré vos collègues du Gouvernement chargés de la sécurité sociale, de la famille et des personnes handicapées. Nous avons évoqué la parution du décret établissant le régime invalidité à Saint-Pierre-et-Miquelon ; le décret coordonnant les régimes de protection sociale locale et métropolitaine ; l'extension dans l'archipel de certaines dispositions de la loi portant réforme des retraites - calcul de la retraite sur la base des vingt-cinq meilleures années au lieu de l'intégralité de la carrière, possibilité de départ à la retraite anticipée pour les personnes qui ont commencé à travailler tôt ; les décrets relatifs à l'amélioration de la situation des personnes handicapées ; la réforme du régime des prestations familiales à Saint-Pierre-et-Miquelon, dont j'ai remis le projet d'ordonnance à Marie-Josée Roig.

J'avoue qu'il est irritant, pour un parlementaire, de devoir inlassablement revenir sur des problèmes non résolus, du fait des inacceptables lenteurs, voire de la mauvaise volonté des administrations centrales à l'égard de l'outre-mer.

Sans doute, madame la ministre, est-ce aussi pour vous un handicap structurel, mais je souhaite néanmoins, du fait du rôle coordonnateur de votre ministère, que vous puissiez me faire savoir à quel état d'avancement sont ces dossiers.

Un dernier mot, monsieur le président, sur la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon et l'affaire du Shamrock.

Le responsable de l'armement de ce navire a de longues années bénéficié du monopole de la desserte maritime de l'archipel et, à ce titre, perçu les subventions de l'État relatives à la continuité territoriale. Aujourd'hui, ses diverses sociétés sont en dépôt de bilan, son navire est saisi depuis le 21 juillet par la justice américaine et immobilisé avec son équipage dans le port de Portland.

Les premières victimes sont les marins français de l'archipel, dont une partie avait été scandaleusement licenciée en mai 2002, les autres n'ayant eu d'autre recours que d'être secourus par l'association de gestion des institutions sociales maritimes, l'armateur tournant le dos à son personnel. Mais les victimes sont aussi les contribuables, madame la ministre.

Que ce soit en matière de desserte aérienne ou en matière de transport maritime, les subventions de l'État ne sont pas des rentes de situation attribuées au profit des responsables des sociétés concernées, mais l'argent des contribuables, qui doit être utilisé dans le cadre de la continuité territoriale et dans l'intérêt général.

Je souhaite donc, madame la ministre, qu'un audit soit diligenté sur la réelle utilisation des subventions publiques versées par l'État dans le cadre du transport maritime au cours des dernières années, qu'un contrôle plus rigoureux soit mis en place dès la prochaine délégation de service public relative à la desserte maritime de l'archipel et, enfin, que la plus grande attention soit apportée en priorité à l'emploi des marins victimes de cette lamentable affaire.

Cela dit, madame la ministre, j'apprécie votre ténacité à défendre l'outre-mer et je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de saluer la présence, à cette heure assez tardive, de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, qui, comme chaque année, tient à assister à nos débats sur l'outre-mer. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Madame la ministre, l'examen de votre projet de budget pour 2005 m'offre l'occasion de dresser un premier bilan d'étape de votre action à la tête de l'outre- mer, à mi-parcours de la présente législature. Ce sera surtout l'occasion de vérifier l'adéquation des mesures que vous proposez avec les orientations définies par le chef de l'État et les objectifs fixés par le Gouvernement à travers la loi de programme pour l'outre- mer de juillet 2003.

S'agissant du budget proprement dit, les collègues qui m'ont précédé en ont déjà salué les orientations et les priorités que sont l'emploi et le logement. Je n'insisterai pas davantage et je consacrerai l'essentiel de mon propos à la collectivité départementale de Mayotte, la circonscription que j'ai l'honneur de représenter ici et que, sans nul doute, je connais la mieux.

A votre arrivée aux affaires, Mayotte était un territoire presque en déshérence : pas de sécurité sociale ; des hôpitaux et des dispensaires saturés ; un taux de chômage culminant à près de 50 % ; un salaire minimum plafonné à 430 euros par mois ; des allocations familiales fixées à un niveau dérisoire et plafonnées à trois enfants ; une situation d'échec scolaire record ; pas de mobilité pour les jeunes désireux de poursuivre des études hors de Mayotte ; une immigration clandestine défiant toutes les prévisions ; une fonction publique à la base juridique des plus aléatoires.

Face à ce chaos, vous avez sans hésitation ouvert des chantiers importants au plan institutionnel comme aux plans social et économique. En deux ans et demi seulement, vous avez façonné le paysage de cette collectivité qui, jusqu'à présent, était la plus oubliée de la République.

Aujourd'hui, les résultats sont là. Mayotte est dans la Constitution française et son appartenance à la République ne fait plus débat. Grâce à l'action inlassable du chef de l'État, la conférence européenne intergouvernementale du 29 juin 2004 a reconnu la vocation de Mayotte à intégrer les RUP : c'était une vieille revendication mahoraise.

Le projet de Constitution européenne soumis à référendum l'année prochaine sera, je l'espère, l'occasion de réaffirmer, en disant « oui », notre attachement à la cause européenne dont nous sommes si proches par le cœur.

L'acte I de la décentralisation vient de connaître ses premières heures. Désormais, l'exécutif de la collectivité départementale de Mayotte est transféré au président du conseil général. La répartition des services entre l'État et la collectivité se fait dans les meilleures conditions. L'État a pris progressivement en charge ses missions régaliennes.

Au plan économique, la piste d'aviation actuelle a été mise aux normes internationales, le deuxième quai de Longoni est en chantier et les études de conception du marché de Mamoudzou sont en cours grâce à un financement de la convention de développement du 12 décembre 2002, que vous avez signé à Paris, en décembre 2002, avec le président Bamana.

Au plan social enfin, les dispositifs d'allocation et d'épargne logement sont mis en place ; les textes sur la sécurité sociale sont publiés ; l'immense chantier de la fonction publique avec sa vingtaine de décrets en cours d'élaboration devrait conforter la situation juridique de près de 8 000 agents qui attendent cette réforme depuis 1992 . La revalorisation du SMIG à hauteur de 20 % sur deux ans participe de cette même volonté de rattrapage au plan social.

La lutte contre l'immigration clandestine a été votre priorité durant ces deux ans et demi. Le renforcement des effectifs a permis de poursuivre de manière soutenue la politique des reconduites à la frontière.

L'alignement progressif du prix de l'électricité sur celui de la métropole est engagé, avec une première baisse en janvier 2003, et une seconde depuis le 1er juillet de cette année.

J'appelle de mes vœux la poursuite de ces chantiers dont certains méritent d'être améliorés. Je pense notamment au dispositif d'aide au logement ou de sécurité sociale pour instituer la fin du tri infirmier, la réorganisation de la dispensation des médicaments dans les hôpitaux et dans les dispensaires par des professionnels formés à cet effet. L'ordonnance de juillet dernier prévoit l'intervention d'une convention conclue avec les professions libérales. Cette convention est la clé de la réussite de cette réforme. A défaut d'une intervention rapide de celle-ci, les heureuses initiatives prises localement pour créer le premier laboratoire d'analyse médicale et le premier cabinet de radiologie seront vaines. La priorité ne doit pas être à «l'étouffement » de ces professions mais à leur encouragement pour qu'elles se disséminent sur l'ensemble du territoire - je pense notamment aux médecins libéraux.

L'habitat insalubre est une préoccupation majeure dans l'île. Il faudra construire 15 000 logements dans les dix prochaines années, soit un rythme de 2000 par an pour tenir compte de l'évolution démographique.

J'ai indiqué précédemment, madame la ministre, combien les services de l'État s'étaient mobilisés localement dans la lutte contre l'immigration clandestine. Pour qu'elle soit plus efficace, cette mission doit être renforcée par la mise en place du plan Radar et de nouvelles vedettes qui sont attendues depuis l'année 2003. Ce retard dommageable est inacceptable. Je souhaite que l'année 2005 soit celle du couronnement de ce dispositif.

L'année 2005 devra aussi être l'année des autres chantiers en attente. Je pense au déplafonnement des allocations familiales après la réforme historique de la polygamie, à l'aide aux parents isolés ou encore à la réduction de la fracture numérique. Sur ce dernier point, l'accord du 27 janvier 2000, signé par les principaux acteurs de la vie politique mahoraise, a fait du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication une priorité de l'action de l'État dans le développement durable de ce territoire. Nous ne pouvons plus longtemps rester en dehors de ces évolutions qui ont été initiées à la fin du XXe siècle. Sans nul doute Internet sera-t-il le socle des connaissances du XXIe siècle. C'est désormais une question d'égalité des chances à l'échelle de la planète. Sur ce point comme sur le précédent, les Mahorais ont besoin d'être intégrés dans le mouvement. C'est aussi le préalable à un développement durable.

Votre budget ambitieux est de nature à initier, à encourager les réformes à venir ou en cours. À travers mon vote favorable, je tiens à vous exprimer, madame la ministre, la gratitude des Mahorais et ma foi en votre action. Mayotte, désormais inscrite dans la Constitution nationale, le sera probablement très prochainement dans celle de l'Europe. Ce sont des choix majeurs auxquels je suis profondément attaché. Fort du soutien de nombreux collègues, que je remercie ici publiquement, j'ai déposé sur le bureau de l'Assemblée une proposition de loi organique portant actualisation et mise en conformité avec la Constitution du statut de Mayotte. Cette proposition vise à étendre à Mayotte les dernières évolutions législatives : droit de pétition des électeurs, référendum local, consultation des électeurs. Elle pose très clairement le problème de l'identité législative, ultime étape à l'accession de Mayotte au statut départemental. Nous aurons l'occasion d'en reparler très prochainement.

La tâche que vous a assignée le Premier ministre pour nos départements et collectivités d'outre-mer est exaltante. Vous l'accomplissez, madame la ministre, avec passion, je le sais. C'est pourquoi nombre d'entre nous se sentent blessés par les attaques particulièrement viles et injustes dont vous êtes l'objet de la part de l'opposition. Que ce soit sur les consultations aux Antilles ou sur les évolutions au sein de l'Assemblée polynésienne, vous avez su rester digne de la charge que vous exercez au nom de la République.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis, et M. Michel Buillard. Très bien !

M. Mansour Kamardine. Tous les procès que les socialistes ont instruits à charge contre vous à la tribune de cette assemblée ont été sanctionnés par le Conseil d'État : c'est la meilleure réponse. Pour nous, sur ce point, le doute n'était pas permis.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Mansour Kamardine. Nous savons que vos fidèles compagnons ont pour noms : transparence, légalité républicaine et fidélité aux engagements de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Écoutez plutôt le président de l'Assemblée nationale !

M. Mansour Kamardine. C'est votre force, c'est votre fierté. C'est aussi la nôtre, pour que vive la France éternelle sur tous les océans et que vive la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce troisième budget de l'outre-mer du Gouvernement permet à la représentation nationale, et tout particulièrement aux députés de l'outre-mer, d'examiner la pertinence des choix budgétaires de celui-ci. Ce budget est-il en hausse ou en baisse hors périmètre constant ? Cette question, madame la ministre, vous est posée, et même opposée par certains, chaque année pour juger de la crédibilité de l'effort budgétaire de l'État en faveur de nos compatriotes.

Peut-on mesurer le sérieux et l'efficacité d'un budget uniquement à l'aune des sommes qui y sont inscrites ? Non ! La gestion du précédent gouvernement nous l'a prouvé. Depuis 1998, l'affichage politique était de mise : on annonçait des progressions spectaculaires de crédits pour un catalogue de dispositifs qui se sont avérés inadaptés aux spécificités locales de l'outre-mer. La sous-consommation des budgets successifs de l'outre-mer témoignait du manque d'ambition d'une politique qui, en ne dépassant jamais le stade de l'intention, a faussé le pouvoir de contrôle de la représentation nationale.

Ces formidables effets d'annonce ont révélé leurs limites au regard du développement durable. C'est pourquoi vous avez décidé, comme le Président de la République s'y était engagé, d'impulser une politique qui s'efforcerait de s'adapter aux besoins réels de nos compatriotes de l'outre-mer. La rengaine de la hausse ou de la baisse des crédits d'une année sur l'autre ne saurait rendre compte de votre politique de courage, madame la ministre. À mon sens, le développement durable de la Guadeloupe ne dépend pas uniquement d'une perpétuelle hausse des crédits, mais de la gestion d'un budget constant, au service d'un contrat d'objectifs. Les moyens qui y sont alloués doivent être capitalisés pour le réaliser. Je m'attarderai sur les priorités du contrat que vous nous proposez pour la troisième année consécutive : l'emploi et le logement.

Auparavant, je voudrais évoquer la dotation de continuité territoriale inscrite dans la loi-programme, loi qui a été votée par des députés responsables, à l'écoute des besoins de leurs compatriotes. En établissant ce dispositif, nous avons permis au conseil régional de la Guadeloupe de rendre opérationnelle la continuité territoriale, en finançant avec l'aide de l'État la prise en charge d'une partie du billet d'avion pour certains passagers. Cette mesure complète le passeport mobilité, mis en place par vos soins dès votre arrivée au Gouvernement, en faveur de nos jeunes soucieux de se préparer un avenir professionnel. À cet égard, je précise à mon collègue député de la Guadeloupe et président de région que, contrairement à ce qu'il a dit sur Canal 10, l'étudiant n'avance plus le prix du billet « passeport mobilité ». La formule de l'avance pénalisait trop les étudiants issus de milieux modestes. C'est pourquoi, depuis la rentrée universitaire 2003, le billet est remis par le CROUS.

Madame la ministre, la priorité que vous accordez à l'emploi et au logement, hissées au rang de grandes causes nationales, est tout à votre honneur. La logique d'égalité économique sur le long terme que vous développez depuis votre prise de fonction, en dépit d'un contexte budgétaire tendu, se confirme avec l'évolution de la situation de l'emploi.

Mme Huguette Bello. Paroles, paroles !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. À la fin du mois de juillet 2004, le taux de chômage global a diminué de 5,6 % par rapport à l'année précédente. C'est sur ce type de comparaison qu'il faut juger de l'efficacité de vos choix budgétaires. Une politique soutenue et constante en faveur de l'emploi en outre-mer doit être menée. En l'inscrivant dans le cadre de la politique nationale de l'emploi, vous confortez la solidarité budgétaire de l'État.

Par ailleurs, le transfert de 678 millions d'euros de crédits du ministère de l'emploi au ministère de l'outre-mer renforce les dispositifs de la loi-programme, qui visent le développement de l'emploi dans le secteur marchand. Les moyens sont ainsi concentrés en faveur d'une politique qui met en avant l'initiative privée de nos compatriotes.

Si l'augmentation des possibilités d'emploi durable pour les jeunes et les femmes, particulièrement touchés par le chômage, est un objectif louable, elle passe aussi par des mesures d'insertion concentrées sur la formation professionnelle. Aussi, serait-il intéressant de connaître les efforts consentis en ce sens, notamment en matière de tourisme, ainsi que leurs effets.

Parler de l'emploi, c'est aussi évoquer les grèves qui paralysent constamment la Guadeloupe. Je souhaiterais qu'y soit constituée une instance qui permette de restaurer le dialogue social trop souvent rompu. Elle participerait à l'apaisement des conflits et à la prise de conscience de leurs conséquences économiques dans notre région.

La seconde priorité de votre budget, le logement, vise à améliorer les conditions de vie des populations de l'outre-mer. La politique de promotion de l'habitat, avec la construction de logements neufs et la résorption de l'habitat insalubre, est essentielle, car elle est vecteur de cohésion et de solidarité sociales. Il est important de soutenir l'aide à l'accession sociale en faveur des plus défavorisés : les Guadeloupéens sont particulièrement sensibles à l'accession à la propriété.

L'aide apportée par votre budget aux communes dans leurs missions d'éradication du logement insalubre et de développement du foncier équipé doit être soulignée. Par ailleurs, je note que la contribution à l'amélioration de l'habitat passe par la réhabilitation du parc locatif social, par une utilisation optimale de la LBU, qui revêt une importance réelle pour nos régions.

Les efforts engagés par votre ministère sont louables : ils posent des bases solides pour le développement pérenne de l'économie de la Guadeloupe. Certains membres de l'opposition ont eu l'audace - le culot même - de m'écrire pour me demander de voter contre le budget de l'outre-mer.

Mme Christiane Taubira. Qui a fait cela ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. J'ai en main le courrier qui atteste de cette tentative de manipulation : il est signé par trois élus de l'opposition.

M. Louis-Joseph Manscour. Donnez leurs noms !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Députée de la majorité, responsable des intérêts de mes compatriotes, j'ai voté la loi-programme en 2003. Vous non ! J'ai voté la continuité territoriale. Vous non ! Aujourd'hui, en Guadeloupe, certains au conseil régional tirent fierté de sa mise en œuvre. À ceux-là, je dis : avant de m'appeler à un sursaut de dignité, comme nous y exhortait, dans cet hémicycle, le président du conseil régional, avant de m'inviter à voter contre le budget de Mme Girardin, harmonisez votre discours !

Mme Christiane Taubira. Je le trouve très harmonieux !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Arrêtons la gesticulation partisane et travaillons dans l'intérêt de nos populations. Madame la ministre, je voterai votre budget, car j'ai confiance en votre action et en votre courage. Nous tiendrons le cap et vous donnerons le courage d'aller toujours de l'avant. Ensemble, nous ferons progresser le développement de la Guadeloupe.

Pour terminer mon propos, je tiens à vous faire part, madame la ministre, d'un sujet qui me tient à cœur et qui me préoccupe s'agissant des jeunes Guadeloupéens : celui de la drogue et de l'alcool. Aujourd'hui, je demande solennellement qu'une mission sur les ravages liés à la consommation de drogue et d'alcool en outre-mer soit confiée à un parlementaire. Le Gouvernement se doit d'accompagner cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Madame la ministre, votre budget pour l'exercice 2005 est en forte augmentation. Celle-ci tient essentiellement au transfert sur votre budget des crédits du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale destinés à compenser les exonérations de cotisations sociales dans les DOM prévues par la loi de programme pour l'outre-mer. Le regroupement au sein du ministère de l'outre-mer des financements des actions spécifiques menées par l'État en faveur de l'emploi et de l'insertion est source de plus d'efficacité et de plus de lisibilité. Ces mesures ont montré leur pertinence, puisque, dans tous les départements ultramarins, le chômage est en baisse, même si, en Guyane, les effets sont moins flagrants en raison de la crise du secteur spatial. Il reste, toutefois, à un taux deux fois plus élevé que celui enregistré en métropole.

Cette situation s'explique en partie par la faiblesse des tissus économiques locaux et par une croissance démographique encore très soutenue. Il convient donc aujourd'hui de faire porter les efforts sur ces deux points. D'une part, il faut restructurer et moderniser les secteurs d'activité, notamment la pêche et l'agriculture en Guyane, et inciter les entreprises à venir s'établir outre-mer. À ce propos, force est de reconnaître que la défiscalisation n'a pas tenu toutes ses promesses. D'autre part, il faut améliorer et adapter la formation des jeunes aux besoins locaux et poursuivre la lutte contre l'immigration clandestine, qui participe à la croissance démographique non maîtrisée, en particulier en Guyane.

L'emploi et le logement, les deux défis majeurs à relever outre-mer, sont facteurs de cohésion sociale. La programmation de la ligne budgétaire unique a permis sans conteste d'augmenter significativement le volume du parc de logement social et de réduire celui de l'habitat dégradé et insalubre. La baisse des autorisations de programme de la LBU est donc d'autant plus regrettable que, comme vient de le souligner très justement Mme Djibaou dans son récent rapport au Conseil économique et social, les besoins restent élevés.

En Guyane, le nombre de logements à construire chaque année jusqu'en 2006 est estimé à 2 500, dont 1 500 logements sociaux. Or, au cours des dernières années, les autorisations constatées oscillent autour de 1 000 logements, en prenant en compte les opérations d'amélioration et de réhabilitation. Quant à l'état de l'existant, les chiffres sont tout à fait parlants : 14,3 % des logements n'ont pas l'eau courante, 10 % sont privés d'électricité, 20 % ne sont pas pourvus des éléments de confort, 13 % sont insalubres.

Si le développement des logements sociaux est nécessaire, le renforcement des aides en direction des logements intermédiaires est tout aussi indispensable. Je souhaite que, dans son plan de cohésion sociale, votre collègue Jean-Louis Borloo s'attache à porter dans ce domaine une attention toute particulière à la situation alarmante dans les collectivités d'outre-mer.

Madame la ministre, l'action du Gouvernement en faveur de l'outre-mer a donné des résultats probants. Les chiffres du chômage, comme je viens de l'indiquer, ont baissé, grâce notamment à l'effet produit par la loi de programme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) L'insécurité a également reculé, en particulier en Guyane, grâce aux nouveaux moyens mis en place en matière de forces de police et de gendarmerie. L'accès aux soins des plus démunis s'est amélioré, grâce au rehaussement du plafond d'éligibilité à la couverture maladie universelle pour tous ceux qui se trouvent sur le sol ultramarin.

Mme Christiane Taubira. Ce n'est pas vrai !

Mme Juliana Rimane. Vous aurez beau dire que ce n'est pas vrai, c'est la réalité ! (« Très juste! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Beaucoup cependant reste encore à faire. En ce qui concerne la Guyane, les difficultés financières des collectivités locales, principalement des communes, sont récurrentes. La forte croissance démographique de ce département, qui tient en partie à une immigration massive, pèse lourdement sur les budgets communaux. Or les communes de Guyane connaissent depuis longtemps un retard important en matière d'infrastructures et de superstructures. Elles doivent consentir un effort financier sans commune mesure avec leurs possibilités pour assurer la construction des voiries et réseaux divers, mais surtout des écoles, des équipements sociaux, sanitaires et culturels.

Je me réjouis que l'amendement, déposé par plusieurs de mes collègues et moi-même, tendant à verser 80 % de l'enveloppe du Fonds régional de développement économique aux communes, ait été adopté lors de l'examen du projet de loi relatif à l'octroi de mer. Je regrette toutefois qu'une solution n'ait pas pu être trouvée à cette occasion pour régler définitivement le problème du prélèvement des 35 % des produits de l'octroi de mer au bénéfice du conseil général de la Guyane.

En tout état de cause, le projet de réforme du mode de calcul de la dotation globale de fonctionnement, qui prend en compte la superficie du territoire communal, est très encourageant, mais il faudrait également envisager la mise en place de moyens appropriés pour compenser le retard d'équipement, la faiblesse des ressources fiscales et les nouveaux besoins créés par l'augmentation rapide de la population.

Quant au principe de continuité territoriale, il est loin d'être assuré, autant à l'intérieur du territoire que vers l'extérieur. Le manque d'infrastructures routières, l'inadaptation des équipements portuaires et aéroportuaires, l'insuffisance et la cherté des transports aériens ont pour effet de maintenir l'enclavement de certaines communes et les empêchent donc de se développer.

S'agissant de la desserte aérienne entre la Guyane et la métropole, l'arrivée d'Air Caraïbes, qui dessert la Guyane via les Antilles, crée une concurrence - qui reste très limitée - avec Air France. Vous avez heureusement mis en place la dotation de continuité territoriale. Or, en ne délibérant pas sur les critères d'attribution, le conseil régional de la Guyane, chargé de gérer ce fonds, prive de nombreux Guyanais de cette aide au voyage. Qu'entendez-vous décider, madame la ministre, pour que ceux-ci ne soient pas pénalisés ?

Néanmoins, si ces avancées doivent être saluées, elles restent encore bien insuffisantes pour rendre le transport aérien réellement accessible à tous. De nombreuses familles guyanaises ne peuvent toujours pas prendre l'avion, notamment en haute saison, à cause du coût prohibitif des titres de transport.

La persistance des blocages au développement de la Guyane, en dépit d'importants moyens financiers provenant de l'Union européenne et de l'État, soulève des interrogations quant aux méthodes de gouvernance. Il est donc aussi souhaitable qu'urgent de mener une réflexion de fond pour déterminer la localisation des points de blocage et de dysfonctionnement. Sont-ils liés à l'organisation de l'État, aux rapports entre l'État, les collectivités locales et les élus, ou à la circulation des informations ? À l'heure de la modernisation de l'État, la Guyane se doit prendre part au débat et de trouver des solutions adaptées à ses spécificités.

Il est vrai que beaucoup reste à faire. Les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l'outre-mer ont permis cependant de l'engager plus favorablement dans la voie du développement. Votre budget, madame la ministre, en dépit des contraintes liées à la conjoncture économique et à la nécessité de réduire la dette publique, participe à ce vaste chantier: je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Thien Ah Koon.

M. André Thien Ah Koon. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, chers collègues, en période de redressement budgétaire, un bon budget est celui qui permet de financer les besoins les plus urgents tout en réalisant des économies, pour sauver la France d'une déroute bancaire qui n'est pas le fait de notre majorité.

Si la situation budgétaire de la France est fragile, les priorités doivent être clairement affichées et notre action orientée vers les familles qui connaissent des conditions de vie difficile.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, permettez-moi, madame la ministre, d'attirer votre action sur les points suivants.

Le premier concerne l'accès aux soins des plus démunis. L'augmentation, à l'initiative de M. le Premier ministre, du plafond d'éligibilité à la CMU complémentaire dans les DOM avait permis de réintégrer environ 11 000 personnes de plus dans le dispositif à la Réunion, des personnes que le gouvernement précédent avait abandonnées sans couverture complémentaire.

À la Réunion, plus de 20 000 personnes âgées et handicapées se trouvent encore exclues du dispositif. En raison d'un coût de la vie plus élevé qu'en métropole, il ne leur est pas possible d'adhérer à une mutuelle. Cette situation fragilise encore un peu plus leurs conditions de vie. Aussi le plafond de la CMU complémentaire doit-il être indexé sur le coût de la vie dans les DOM. En tout état de cause, une solution doit être trouvée car c'est la couche la plus malheureuse de notre société qui est concernée.

Le deuxième point sur lequel je veux intervenir est l'accession à la propriété des logements sociaux par leurs occupants. Elle devient une priorité sociale et politique. Les familles les plus modestes aspirent, elles aussi, à constituer et à transmettre un patrimoine à leurs enfants. Cette ambition est légitime, et nous devons les aider à la satisfaire.

L'argent public ne peut continuer à être confisquée par les SEM et autres organismes HLM, au détriment de la cohésion sociale. Cette situation génère des classes sociales sans perspectives d'avenir qu'elle confine dans le désœuvrement et l'exclusion, quand ce n'est pas la contestation, qui conduisent droit à l'insécurité.

Notre pays n'est pas un modèle du genre en matière d'accession à la propriété. Nous sommes même plutôt à la traîne en comparaison des autres pays européens. Plus de quatre millions de familles vivent dans des HLM. Je suis moi-même président d'une SEM et je trouve anormal qu'une telle société puisse s'enrichir sur le dos des pauvres.

J'ai interpellé en ce sens M. le ministre délégué au logement et je vous demande, madame la ministre de relayer auprès de votre collègue cette attente de près de 60 000 familles réunionnaises qui louent encore le logement qu'elles occupent depuis quatre ou cinq décennies.

Les autres points sur lesquels je veux insister concernent l'emploi en outre-mer, qui reste notre première préoccupation.

Grâce à vous, madame la ministre, la loi de programme met en place un dispositif conséquent en faveur du développement de nos territoires : Ce texte est le détonateur économique tant attendu car il se fonde, dans le temps, sur une logique d'activité et de responsabilité sans égale. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir engagé cette démarche qui nous permettra de combler notre retard. Je ne reviendrai pas sur l'attitude de ceux qui ont écourté le dispositif précédent et vidé la loi Pons de son contenu.

Mais, à la Réunion, la mobilité et la capacité à créer des emplois ne suffisent pas, dans l'immédiat, à compenser totalement l'augmentation de la population active. Dans cette période transitoire, madame la ministre, nous vous demandons d'agir sur deux plans.

Nous vous demandons, tout d'abord, de maintenir les emplois aidés - CES-CEC - à leur niveau précédent dans les DOM, tout au moins le quota de l'année 2003-2004, tant que le chômage n'aura pas décru de manière significative. Ces contrats sont adaptés à la situation spécifique de l'emploi dans les DOM. Couplés avec les futurs contrats d'avenir et d'insertion RMA, ils permettront de répondre aux attentes des populations ultramarines.

Nous vous demandons, ensuite, de favoriser une plus grande ouverture de nos régions aux économies voisines. la Réunion doit profiter davantage de sa situation géographique, à mi-chemin entre l'Asie et l'Europe, pour devenir un pôle industriel où seront achevés des biens semi-finis en provenance de ces pays, en vue d'une réexportation vers le marché européen. Dans cette perspective, des relations de co-développement avec les pays de l'océan Indien doivent être initiées. Les mesures de protection du marché CEE - lois anti-dumping, quotas - constituent un autre levier à sauvegarder.

Enfin, en complément de ce qui a été entrepris en matière de continuité territoriale, le Gouvernement doit engager une réflexion sur les prix des transports aériens en outre-mer. Non seulement leur niveau élevé ne facilite pas le rapprochement des familles, mais, surtout, il plombe l'activité touristique, créatrice d'emplois. Or la qualité et la compétitivité des lignes aériennes sont indispensables au développement du tourisme et donc à la croissance économique.

II faut faire preuve de vigilance sur les tarifs de dumping encore pratiqués par Air France, dont le but inavoué est d'éliminer la concurrence des petites compagnies régionales et de faire payer aux Réunionnais le billet trois fois plus cher, comme cela se pratiquait encore récemment.

Air France doit, par sa taille et sa stratégie commerciale, accompagner le développement de l'outre-mer et non contribuer au pillage de son économie. Cette forme de politique coloniale doit cesser.

Je connais, madame la ministre, votre détermination à faire progresser l'outre-mer. Tout le monde ici sait que vous êtes une travailleuse infatigable et passionnée par l'outre-mer. Je ne doute pas que vous continuerez à vous battre pour que nous préparions ensemble l'avenir de l'outremer, facteur indéniable de rayonnement économique et culturel de notre pays dans le monde.

Je vous remercie encore pour la loi de programme. Vous avez défendu la reconduction de l'octroi de mer, dispositif auquel nous sommes très attachés, l'OCM sucre et bien d'autres points déjà évoqués par mes collègues. C'est grâce à vous que nous avons obtenu tout cela. Ne vous laissez pas impressionner ni décourager par des attaques injustes. Dans la vie, tout n'est pas parfait. Nous nous réjouissons d'avoir un ministre qui fait son travail et en qui nous avons confiance. Je voterai évidemment le budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la crise politique ouverte depuis un mois en Polynésie menace aujourd'hui la paix sociale. Dans ce contexte troublé, les montants significatifs des transferts de l'État doivent contribuer à rassurer la population sur son avenir.

Les montants cumulés des sommes inscrites au budget de l'outre-mer en faveur de la Polynésie peuvent paraître modestes, puisqu'ils représentent 45 millions d'euros sur un budget de 1,7 milliard, soit 2,6 %. Ils sont pourtant en augmentation de plus de 11 % entre 2004 et 2005.

Ils financent les trois grands programmes que développe votre ministère.

Sur le premier, l'emploi outre-mer, la Polynésie bénéficie d'une somme de 2 millions d'euros consacrée aux chantiers de développement et d'une enveloppe d'un million destinée au passeport mobilité pour les jeunes en formation, qu'ils soient étudiants ou en formation professionnelle. Comme tous mes collègues, je tiens, madame la ministre, à saluer cette initiative, qui vous revient.

Sur le second programme, relatif à l'amélioration des conditions de vie, une somme de près de 4 millions d'euros est consacrée au dispositif de continuité territoriale, dont je tiens aussi à vous remercier publiquement, madame la ministre, au nom des Polynésiens tant il est essentiel au développement des liens entre la Polynésie et la France. Comme l'ont dit mes collègues, ce dispositif est novateur, et nous devons veiller à le faire connaître et à le rendre plus opérationnel.

Enfin, sur le dernier programme, de soutien aux collectivités territoriales, je salue encore, madame la ministre, votre intervention décisive pour faire réinscrire les crédits du Fonds intercommunal de péréquation - le FIP -, supprimés depuis 2001. Ces crédits représentent une enveloppe de près de 32 millions d'euros : 8 millions au titre de la dotation pour 2005 et 24 millions au titre du rattrapage progressif des trois années « oubliées » entre 2001 et 2003. Ils serviront l'ambitieux projet de réforme communale - tant attendu - qui permet de mettre en œuvre les nouvelles compétences dévolues aux communes en donnant un nouvel élan au développement local. À mes yeux, cette réforme représente le pilier de la construction de la Polynésie de demain. Elle impose l'adhésion et l'effort conjugué de l'État et du pays.

Les 45 millions d'euros destinés à la Polynésie qui figurent dans le budget du ministère de l'outre-mer masquent en fait la réalité du milliard d'euros supplémentaire en provenance des autres ministères, dont vous assurez également la gestion et le contrôle pour le compte de l'État.

Ces crédits supplémentaires, qui représentent très exactement 1,028 milliard d'euros, en augmentation de 2,5 % entre 2004 et 2005, proviennent essentiellement du budget de l'éducation et du budget des charges communes, pour respectivement 394 et 340 millions d'euros, soit 71 % de l'ensemble.

Au chapitre des charges communes, la dotation globale de développement économique - DGDE - constitue une « rente » de 151 millions d'euros, qui permet à la Polynésie d'envisager sereinement le financement de ses grands travaux d'aménagement et d'équipement, particulièrement onéreux du fait de l'étendue et de la dispersion géographique de notre pays.

Vous nous invitez à considérer que le « rattrapage » de 189 millions d'euros étalé jusqu'en 2010 est de nature à compenser en partie l'absence de renouvellement du contrat de développement, du moins pour les deux années à venir, qui finançait notamment le logement social. Pourtant, je souhaite insister sur la nécessité de contractualiser à nouveau la politique en faveur du logement pour répondre à la demande de logements en zone urbaine. Nos lotissements sociaux se ghéttoïsent, du fait de la cohabitation et de la promiscuité de plusieurs générations. Les politiques qui visent à promouvoir les enfants, les familles, ne « prennent » malheureusement pas dans ces cas-là.

Outre cette préoccupation fondamentale de donner un toit à toutes les familles polynésiennes, le financement de notre système de protection sociale est également un sujet de préoccupation faute de renouvellement de la convention relative aux actions de solidarité et de santé publique.

Comme vous le savez, cette convention finance essentiellement le régime de solidarité territoriale qui offre une couverture sociale complète aux plus démunis, lesquels représentent aujourd'hui 20 % de la population. Elle finance également les actions de santé publique : lutte contre l'obésité, le diabète, l'insécurité routière, les maladies respiratoires, ainsi que les actions de formation des personnels médicaux et sociaux indispensables à la construction de demain.

À ce sujet, je tiens à saluer l'initiative du ministre de la santé et de la protection sociale, qui, malgré l'absence de cadre réglementaire, a prévu des lignes de crédits de près de 20 millions d'euros en 2004 et en 2005 pour sauvegarder une partie des financements de l'État, se basant sur le rapport favorable d'une mission de l'IGAS.

Pour terminer, et s'il faut distinguer entre les diverses interventions de l'État, permettez-moi de plaider une nouvelle fois pour la reconduction du contrat de ville : il constitue un puissant levier de développement des politiques d'insertion et de proximité en zone urbaine. Le renouvellement de ce dispositif traduira la volonté d'étendre à la Polynésie les effets attendus du plan de cohésion sociale, dont l'examen par notre assemblée est imminent.

Quoi qu'il en soit de ces modifications budgétaires, qui imposent de poursuivre le dialogue, je me dois, madame la ministre, de saluer ici l'effort global de l'État en faveur de la Polynésie.

En conclusion, je souhaite que ce projet de budget traduise la volonté de la nation de réconcilier les Polynésiens avec eux-mêmes et avec la République, après qu'ensemble et rapidement ils aient été, à nouveau, invités à s'exprimer, condition incontournable pour que la paix sociale revienne, ...

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

Mme Béatrice Vernaudon. ...pour que la Polynésie retrouve confiance en elle et poursuive son développement harmonieux au sein de la République. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

Mme Christiane Taubira. Honneur et respect à Mme Vernaudon !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, dernier orateur inscrit.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes le 9 novembre. Il y a trente-quatre ans, le général de Gaulle nous quittait. Lors de cette discussion budgétaire, je garderai à l'esprit sa vision du débat politique, lorsqu'il déclarait qu'en notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l'homme. C'est l'homme qu'il s'agit de sauver, de faire vivre et de développer.

Le budget de l'outre-mer que vous nous proposez, madame la ministre, consacre 69 % de ses crédits à l'emploi. Aussi, au risque de répéter ce qu'un grand nombre de mes collègues ont dit avant moi, je souhaite rappeler la situation économique et sociale préoccupante de la Réunion.

En 2004, comme depuis plusieurs années, 10 000 jeunes sont sortis du cursus scolaire et plus de la moitié d'entre eux ont quitté le collège ou le lycée sans formation, voire, malheureusement, pour certains d'entre eux, illettrés. Certes, cette situation n'est pas unique dans notre pays, mais à la Réunion, où la croissance démographique se situe encore nettement au-dessus de la moyenne nationale, elle est beaucoup plus alarmante. Ainsi, d'année en année, on accumule des strates d'un chômage structurel qui pèse lourdement sur notre cohésion sociale. Le département de la Réunion est la région française qui enregistre le plus fort taux de chômage - trois fois plus élevé qu'en métropole -, et cela touche de plein fouet nos jeunes.

Par ailleurs, le secteur du logement n'est pas épargné. D'une part, près de 23 % des ménages vivent en état de surpeuplement, et la chute de la ligne budgétaire unique a essentiellement affecté les logements locatifs très sociaux. D'autre part, la Réunion ne dispose que de très peu de places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale et de 81 places d'hébergement d'urgence, soit un sixième des moyens d'un département métropolitain identique.

Le logement étant de la compétence de l'État, je propose que les SIDOM soient désignés comme opérateurs pour la construction des logements d'urgence.

Pourtant, malgré les difficultés structurelles, l'économie réunionnaise se dynamise : les créations d'entreprise sont en augmentation et nos activités se diversifient, se modernisent et gagnent petit à petit des parts de marché chez nos voisins immédiats, ou encore sur le marché hexagonal, voire européen.

Dès lors les moyens dont disposeront les départements et territoires d'outre-mer pour l'année 2005 seront-ils à la hauteur de nos espérances ?

J'articulerai mon propos autour de trois thèmes : l'emploi, la prévention sanitaire et sociale, la mobilité et la continuité territoriale

Vous faites le pari, madame la ministre, de jouer la carte de l'emploi durable, en privilégiant la stratégie des exonérations de charges fiscales et sociales.

Les premiers résultats de la loi-programme pour l'outre-mer sont encourageants. Le chômage a quelque peu reculé et les créations d'entreprises et d'emplois sont en progression. Ainsi, en 2004, pour la première fois, le rythme de progression des effectifs employés dans le secteur du BTP a progressé de 2 % en moyenne par mois. Toutefois, des ajustements sont nécessaires, afin que l'effet de seuil à cinquante salariés permettant de bénéficier des exonérations de charges conforte cette évolution positive. Néanmoins, nous devons demeurer vigilants. Je souhaiterais qu'un bilan d'étape soit réalisé, afin d'analyser l'évolution entre le volume des exonérations accordées et le nombre effectif de créations d'emplois.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. René-Paul Victoria. Par ailleurs, la diminution des crédits du FEDOM est inquiétante. En effet, comme vous le savez, malgré le recul du chômage, la Réunion a besoin d'un plus large éventail de solutions d'insertion pour nos jeunes, orientées vers la formation et la qualification.

Vous avez évoqué la nécessité d'aboutir à une meilleure fongibilité du FEDOM pour plus d'efficacité. C'est une sage décision, que j'approuve. Cependant, je souhaiterais qu'elle soit étendue à l'ensemble des actions tournées vers le soutien à l'emploi. Il s'agit ainsi de faciliter l'insertion sur le marché du travail des actifs qui rencontrent des difficultés particulières, notamment les jeunes, les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires du RMI et les femmes.

De même, nous attendons énormément du plan de cohésion sociale, qui sera applicable outre-mer en même temps qu'en métropole, afin qu'il réponde au contexte particulier de la Réunion par un effort spécifique de solidarité, notamment dans le domaine de l'emploi et du logement.

En second lieu, je tenais à évoquer la prévention sanitaire et sociale. Comme vous le savez, en créant la CMU et en liquidant l'aide médicale gratuite dans nos départements, le gouvernement Jospin a plongé des dizaines de milliers de personnes dans la détresse à la Réunion.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les départements et régions d'outre-mer. Il ne faut pas exagérer !

M. René-Paul Victoria. C'est là, parmi d'autres, un malheureux exemple de la « casse sociale » qu'ils prétendent dénoncer aujourd'hui.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial. La casse sociale, c'est vous !

M. Victorin Lurel. C'est Raffarin !

M. René-Paul Victoria. Compte tenu de la structure du marché de l'emploi outre-mer, et plus spécifiquement réunionnais, un grand nombre de personnes âgées ou handicapées n'ont jamais travaillé et n'ont, malheureusement, comme seules ressources que le minimum vieillesse. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a déjà réparé une partie de la casse du gouvernement socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Rodet, rapporteur spécial. L'année prochaine, il ne sera plus là, le gouvernement Raffarin !

M. René-Paul Victoria. Aujourd'hui, un effort supplémentaire est nécessaire pour permettre un accès plus large à la CMU pour ces personnes fragiles, conformément aux engagements du Président de la République.

Enfin, j'aborderai le thème de la mobilité et de la continuité territoriale. Grâce à votre action, madame la ministre, le passeport mobilité a apporté une réponse pertinente aux attentes de beaucoup de nos jeunes. Malheureusement, encore trop d'entre eux se voient aujourd'hui opposer une réglementation tatillonne et sont freinés dans leur volonté de mobilité.

M. Louis-Joseph Manscour. Cela ne marche pas !

M. René-Paul Victoria. Nous recevons quotidiennement des lettres de parents ou de jeunes qui se plaignent d'être « hors critères » pour bénéficier du passeport mobilité. Il ne s'agit pas, bien évidemment, d'ouvrir le robinet à tout-va. Mais nous voulons être sûrs que tout projet de mobilité, justifié, puisse être légitimement accompagné.

Quant à la continuité territoriale, les avancées obtenues, grâce au Gouvernement, doivent être confirmées.

Enfin, mes chers collègues, vous me permettrez de saluer le président de notre assemblée, M. Jean-Louis Debré, qui, une nouvelle fois, a fait le nécessaire pour que ce budget de l'outre-mer soit débattu dans les meilleures conditions possibles, et d'avoir une pensée pour celui qui fut le premier Premier ministre du Général de Gaulle, qui est cher au cœur des Réunionnais, et qui estimait que « sans l'outre-mer, la France ne serait pas la France ».

Madame la ministre, après avoir écouté l'ancien ministre des départements et territoires d'outre-mer, qui vous a précédée, employer les mots : « trahison », « ingérence », « pressions », « incendie », « impunité », « forfaiture », « abandon », « largage », « drame », « oppression»,...

M. Éric Raoult. C'est indigne d'un ancien ministre !

M. René-Paul Victoria. ...appuyé en cela par Victorin Lurel - qui, lui, a utilisé les mots : « drame », « désastre » et « cruel » -, j'ai envie de dire que l'outre-mer n'a jamais été habitué à ce genre de vocabulaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Victoria.

M. René-Paul Victoria. Les populations d'outre-mer font partie intégrante du peuple français.

Ce soir, je dois dire du haut de cette tribune que je ne peux pas, en tant qu'élu de la nation, accepter de tels propos, venant d'un ancien ministre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Huguette Bello. C'est pourtant la vérité !

M. René-Paul Victoria. Soyez assurée, madame la ministre, de mon soutien et de ma confiance. Je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, au moment où nous examinons l'effort financier de la nation pour l'outre-mer, je voudrais rappeler la contribution, qui n'a pas de prix, apportée par nos compatriotes d'outre-mer à la République. J'ai une pensée très forte en ces instants pour Patelisé Falevalu, originaire de Futuna, qui a donné sa vie pour la paix. Je tiens à saluer certains des membres de sa famille qui sont ici ce soir, avec nous (Applaudissements sur tous les bancs), et à les assurer de mon soutien, de ma solidarité et de ma sympathie dans ces moments si douloureux. L'ensemble de l'Assemblée peut, me semble-t-il, s'associer à mes paroles.

Je voudrais tout abord remercier le président Debré d'avoir maintenu l'examen du budget de l'outre-mer à un jour et à une heure qui conviennent aux députés d'outre-mer. C'est devenu désormais une tradition, qu'il s'attache à défendre et qui, au-delà de son sens pratique et de sa connaissance des contingences ultramarines, témoigne de son profond respect des élus de l'outre-mer et des populations qu'ils représentent.

Je remercie également les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis d'avoir permis d'enrichir nos débats, par la qualité de leurs travaux et la pertinence de leurs interrogations.

Si le budget du ministère de l'outre-mer pour 2005 s'élève à 1,710 milliard d'euros, soit une progression de 52 % par rapport au projet de budget que je vous ai présenté l'an dernier, je m'empresse de vous dire que je ne suis jamais disconvenue du caractère quelque peu artificiel de cette progression. Cette hausse très importante est en effet liée au transfert sur mon budget de 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, qui étaient jusque-là inscrits sur le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Ce n'est donc pas une dépense nouvelle. Mais j'ai souhaité qu'elle figure dès 2005 dans mon budget, comme vous l'avez souligné monsieur Rodet, par anticipation de la réforme de la gestion publique introduite par la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

En effet, dans le cadre de la nouvelle présentation de la loi de finances au sens de la LOLF, l'abaissement du coût du travail sera un axe fort dans l'action « abaissement du coût du travail et dialogue social » du programme 1 « emploi outre-mer ». Il m'est apparu cohérent, dans la politique de l'emploi que je conduis, de voir figurer dans mon budget l'ensemble des dispositifs spécifiques à l'outre-mer dont les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale de la loi de programme font partie.

Car l'esprit de la LOLF, messieurs Lurel, Manscour et Payet, ce n'est pas le périmètre constant que vous érigez en dogme de la sincérité budgétaire.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Victorin Lurel. On va parler de poules et de vaches ! Il faut comparer ce qui est comparable !

Mme la ministre de l'outre-mer. Avec la LOLF, cette question de périmètre constant n'aura plus aucun sens. Vous ne vous intéresserez plus désormais au taux d'évolution de mes crédits, mais bien aux résultats que j'aurai obtenus au regard des moyens mobilisés et par rapport aux objectifs fixés.

Mais si vous souhaitez rester dans ce schéma qui demain sera suranné, il faut le faire avec rigueur et honnêteté.

M. Éric Raoult. Ils ne savent pas !

Mme la ministre de l'outre-mer. En effet, et vous serez d'accord avec moi, si l'on retranche le transfert des crédits destinés à la compensation des exonérations sociales, il faudrait rajouter les transferts effectués à partir de mon budget.

Ainsi, en 2005, nous poursuivrons la globalisation de tous les moyens affectés au fonctionnement des préfectures d'outremer, par le transfert des crédits de personnel et de fonctionnement des préfectures au ministère de l'intérieur, qui gère déjà les crédits d'équipement. Après la préfecture de la Martinique l'an dernier, ce sont les préfectures de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Réunion et de Saint-Pierre-et-Miquelon qui entreront en 2005 dans ce processus. Pour ce faire, 37,7 millions d'euros et 969 emplois sont transférés à partir du budget de l'outre-mer sur le budget de l'intérieur.

M. Victorin Lurel. Nous l'avons évoqué !

Mme la ministre de l'outre-mer. Mais comme vous n'avez pas tout évoqué, je vais refaire toute la liste !

Par ailleurs, le budget de l'outre-mer a également transféré 1,9 million d'euros au budget de la santé au titre de sa contribution au budget de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

M. Victorin Lurel. Nous l'avons également évoqué !

Mme la ministre de l'outre-mer. Mais ce que vous oubliez de prendre en compte, monsieur Lurel, ce sont les dotations qui sont réduites sans que la mission assurée par le ministère soit elle-même remise en cause. Ainsi, la participation de l'assurance maladie et l'affectation de droits sur les alcools forts au financement de la couverture maladie universelle complémentaire auront un impact sur les dépenses effectuées à ce titre sur le budget de l'outre-mer. Celui-ci a été chiffré à 15 millions d'euros. Mon budget a donc été ajusté à due concurrence ; mais il ne s'agit pas d'une économie au détriment des bénéficiaires de la CMU. Le niveau de prestations en 2005 sera exactement le même qu'en 2004, le périmètre d'intervention sera constant, bien que la dotation soit diminuée puisque bénéficiant d'autres ressources.

M. Victorin Lurel. Cela aura échappé à la sagacité de tous les analystes !

M. Louis-Joseph Manscour. Le solde reste négatif !

Mme la ministre de l'outre-mer. De la même façon, la réforme du prêt à taux zéro va générer une économie structurelle sur notre dotation d'aides au logement, la LBU, qui permettra de dégager de fait des moyens nouveaux qui n'apparaissent pas en tant que tels sur mon budget. Cet impact, estimé à 12 millions d'euros, doit donc être rajouté au budget 2005 de l'outre-mer.

M. Victorin Lurel. C'est compliqué, la gymnastique !

Mme la ministre de l'outre-mer. Il convient donc, si l'on entre dans votre logique étroite, de retrancher de mon budget 2005 le transfert reçu du budget du travail et rajouter les prélèvements au profit d'autres ministères ainsi que l'ajustement du financement de la CMU complémentaire et l'impact de la réforme du prêt à taux zéro.

M. Louis-Joseph Manscour. Le solde est négatif !

M. Éric Raoult. Écoutez un peu !

Mme la ministre de l'outre-mer. En revanche, je ne comprends pas, monsieur Lurel, que vous retranchiez également les mesures nouvelles : ce sont bien elles qui participent à l'évolution du budget d'une année sur l'autre, ce sont elles que vous votez.

M. Victorin Lurel. Commencez par parler des crédits reportés !

Mme la ministre de l'outre-mer. Si mon budget n'était composé que de mesures acquises, vous n'auriez même pas eu besoin de vous déplacer aujourd'hui. De surcroît, ces mesures nouvelles interviennent dans le périmètre d'intervention du ministère de l'outre-mer. La dotation de continuité territoriale, que je sache, a bien été mise en place en 2004 même si je n'avais pas de crédits inscrits à ce titre dans le PLF 2004.

C'est donc une somme ramenée à 611,4 millions d'euros qu'il conviendrait, dans votre logique, de retirer du PLF 2005 pour le comparer, à périmètre constant, au PLF 2004. Le budget 2005 serait donc en toute rigueur, à périmètre constant, en baisse de 27 millions d'euros par rapport à 2004, soit une diminution de 2,4 %, bien loin, vous le voyez, de votre chiffre de 8,3 % !

M. Victorin Lurel. C'est bien plus que cela !

M. Louis-Joseph Manscour. Bien sûr ! Aucun rapporteur n'a osé avancer de tels chiffres !

M. Éric Raoult. Mais laissez-la parler !

Mme la ministre de l'outre-mer. Mais une fois revu la base 2005, la comparaison serait-elle pour autant exacte ? Peut-on considérer la LFI 2004 comme le socle de ce que vous appelez le périmètre constant ? Je ne le crois pas. Pour comparer le budget d'une année sur l'autre à périmètre constant, il faut raisonner toutes choses égales par ailleurs.

M. Victorin Lurel. C'est de la magie budgétaire !

M. Éric Raoult. Mais vous n'êtes pas Harry Potter !

Mme la ministre de l'outre-mer. Or en matière budgétaire, aujourd'hui plus qu'hier, rien n'est rigoureusement semblable d'un exercice sur l'autre et il apparaît difficile de limiter l'examen du budget à la seule variabilité des crédits.

M. Christian Paul. Prenez l'exercice 2002 comme base !

Mme la ministre de l'outre-mer. À cet égard, non, messieurs Paul et Lurel, on ne peut pas parler de baisse historique.

M. Victorin Lurel. Si ! Historique ! Abyssale !

Mme la ministre de l'outre-mer. Le chiffre que vous annoncez de 94 millions d'euros - et que je conteste - ne représente d'ailleurs même pas la moitié des crédits que vos amis...

M. Éric Raoult. Il n'a plus d'amis !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...n'éprouvaient pas le besoin d'utiliser pour l'outre-mer, de 1997 à 2002, et qu'ils laissaient sans emploi en fin d'année : 188 millions d'euros non consommés en 1999, 222 millions d'euros non consommés en 2000, ils sont là, les chiffres historiques ! Rappelons que le taux d'exécution du budget de l'outre-mer, qui était de 81 % en 1999, est passé à près de 92 % un an après mon arrivée rue Oudinot, et ce malgré des régulations budgétaires plus contraignantes.

Je n'ai pas non plus à rougir d'une baisse qui représenterait la participation de mon ministère à l'effort national de maîtrise de la dépense publique. Elle me permet au contraire de recentrer les interventions du ministère de l'outre-mer sur ses deux priorités que constituent l'emploi et le logement, qui représentent plus des trois quarts de mon budget.

L'esprit de la LOLF, le passage d'une logique de moyens à une culture du résultat préside la gestion de ces deux priorités de mon action politique.

La politique pour l'emploi, tout abord, mobilise près de 67 % des crédits. Avec les crédits du FEDOM qui participent directement à la création d'emplois et à l'insertion sociale par l'activité, avec les exonérations de cotisations sociales qui permettent de faire diminuer le chômage outre-mer et de faire progresser l'emploi salarié, avec la formation professionnelle des jeunes débouchant directement sur le secteur marchand dispensée par les unités du service militaire adapté, c'est un total de 1,150 milliard d'euros que je vais pouvoir pleinement consacrer à l'emploi.

Sur le FEDOM, la fongibilité complète des crédits me permettra d'assurer avec plus de souplesse et plus d'efficacité le financement des mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion des publics les plus démunis.

M. Victorin Lurel. Il est temps !

Mme la ministre de l'outre-mer. Aussi, monsieur Rodet, la diminution des crédits ouverts pour 2005 au titre du FEDOM n'implique-t-elle aucunement un recul de l'action de mon ministère en matière d'emploi, mais traduit la prise en compte de différents facteurs parmi lesquels l'ouverture outre-mer de contrats d'avenir, conformément aux dispositions prévues par le plan national de cohésion sociale, financés par le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, la diminution constante du coût des emplois-jeunes, et enfin, sur un plan techniue, le transfert des compensations d'exonération des cotisations de sécurité sociale de l'article 10 vers l'article 51.

M. Victorin Lurel. Surréaliste !

Mme la ministre de l'outre-mer. Est par ailleurs prévu le transfert sur mon budget, en cours de gestion 2005, des crédits destinés au financement des mesures « stages d'insertion et de formation à l'emploi » et « stages d'accès à l'entreprise » gérés jusqu'alors par le ministère de l'emploi.

L'expérimentation effectuée à la Martinique en 2004, qui consiste à globaliser - et donc à rendre fongible - les crédits des différentes mesures en faveur de l'emploi sera poursuivie en 2005 et préfigure ce que la LOLF nous apportera en 2006.

Ma priorité demeure le développement de l'emploi dans le secteur marchand, sans lequel il n'y a pas de développement durable possible. Par conséquent, outre l'allégement des charges sociales, je privilégie les dispositifs qui me permettront de mener une politique de l'emploi dynamique en faveur du secteur marchand. Il s'agit notamment des contrats d'accès à l'emploi et des dispositifs créés par la loi de programme du 21 juillet 2003 en faveur des jeunes diplômés très fortement confrontés au chômage et en faveur des jeunes à Mayotte et à Wallis-et-Futuna.

Vous avez évoqué, monsieur Brial, la question du niveau de la prime à la création d'emploi instituée à Wallis-et-Futuna par la loi de programme. Cette prime est calculée en pourcentage du SMIG et elle est versée pendant trois ans maximum. Son montant est de 20 % du SMIG pour les deux premières années et de 10 % pour la troisième année, comme vous l'avez rappelé. Ces niveaux sont équivalents à ceux des autres contrats dont bénéficient actuellement les jeunes. C'est pourquoi, avant d'envisager une modification de ces taux, il me paraît souhaitable de procéder à une première évaluation de cette mesure pour laquelle on enregistre déjà une vingtaine de bénéficiaires.

Participent également à cette politique de formation et d'insertion des jeunes les unités du SMA que nous avons maintenues outre-mer. Les mesures de redéploiement de l'encadrement des unités du service militaire adapté financées au budget 2005 du ministère de l'outre-mer permettront d'améliorer encore la formation des jeunes ultramarins effectuée au travers de ce dispositif dont la qualité et l'efficacité sont unanimement reconnues.

Ainsi, près de 2 000 jeunes qui auront été formés en 2004 par le SMA avec un taux d'insertion professionnelle supérieur à 71 %. Ce taux atteint 83 % à la Martinique, et même 94 % en Guadeloupe.

Je voudrais ici répondre, monsieur Brial, à votre question sur les dispositifs destinés aux élèves en grande difficulté scolaire. L'accompagnement de ces élèves en rupture avec le système scolaire peut se faire dans le cadre d'un dispositif d'accompagnement spécifique, sur la base d'un « projet d'établissement » construit en partenariat avec les autorités académiques et les responsables des collèges et du lycée de Wallis-et-Futuna.

Vous m'interrogez par ailleurs sur le partage des compétences entre la collectivité et l'État en matière d'enseignement. Je vais bien évidemment soumettre cette question à mon collègue François Fillon et je vous suggère d'en faire de même, afin qu'une réponse adaptée vous soit apportée. Mais, en première analyse, il m'apparaît qu'une discussion associant les élus et les représentants de l'enseignement à Wallis-et-Futuna devrait se tenir pour mettre à plat l'ensemble de ce dossier.

Monsieur Frogier, en parfait accord avec François Fillon, je ne suis pas opposée, comme vous le savez, au principe d'ouvrir une nouvelle discussion sur les modalités d'établissement de la dotation générale pour l'équipement des collèges, à la condition qu'elle résulte d'un diagnostic partagé de la situation locale entre les services de l'État et ceux de la Province Sud. Ce diagnostic devra porter sur l'évolution des effectifs jusqu'en 2010 et le coût de la construction scolaire. À cet effet, une mission d'appui technique se rendra avant la fin de l'année 2004 en Nouvelle-Calédonie pour apporter son concours à la réalisation de ce diagnostic.

Enfin, les nouvelles mesures en faveur de l'emploi prévues par le plan national de cohésion sociale de mon collègue Jean-Louis Borloo seront bien entendu mises en oeuvre outre-mer, n'en doutez pas Madame Bello. Il s'agit notamment de la mise en place des maisons de l'emploi, de la modernisation et du développement de l'apprentissage, et du contrat d'avenir destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique. Je tiens aussi à vous rassurer, monsieur Thien Ah Koon, les CES et les CEC seront maintenus dans les DOM, comme mon collègue Gérard Larcher a eu l'occasion de le dire au Sénat, la semaine dernière.

M. Victorin Lurel et M. Louis-Joseph Manscour. C'est une bonne nouvelle !

Mme la ministre de l'outre-mer. De même, l'accompagnement renforcé de chaque jeune en difficulté d'insertion sera mis en place et constituera naturellement pour ces jeunes, monsieur Jalton, une réelle incitation à utiliser les services de l'ANPE. Je vous précise par ailleurs que le dispositif des contrats jeunes, dit Fillon, a bénéficié à 380 jeunes dans les départements d'outre-mer.

M. Victorin Lurel. Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'outre-mer. S'agissant de cohésion sociale, je voudrais saluer ici l'initiative prise, à la Réunion, par la présidente du conseil général, Mme Nassimah Dindar, d'associer toutes les forces vives à l'élaboration d'un plan local de cohésion sociale prenant en compte toutes les spécificités de cette collectivité. J'apporte mon plein soutien à cette démarche qui, je le sais, monsieur Audifax, vous tient également particulièrement à cœur.

J'observe que les résultats de la politique que nous menons, en matière d'emploi notamment, sont encourageants, comme vous avez bien voulu le rappeler monsieur Quentin. Ainsi, depuis la mise en œuvre de la loi de programme, l'emploi salarié dans le secteur marchand a augmenté de 2,2 % dans les départements d'outre-mer, alors qu'il a diminué de 0,3 % en métropole.

M. Victorin Lurel. Ce ne sont pas les bons chiffres !

Mme la ministre de l'outre-mer. En Guadeloupe, monsieur Jalton, l'emploi salarié a augmenté de 5,20 % en un an, soit 3 526 emplois supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le rythme de création d'entreprises s'accélère dans les quatre départements d'outre-mer, notamment dans les secteurs des services, du commerce et des réparations. Ainsi, en Guadeloupe, et en Guyane, les créations d'entreprises ont augmenté de 24,5 % au premier trimestre 2004 par rapport au 1er trimestre 2003.

M. Victorin Lurel et Mme Christiane Taubira. Ce n'est pas suffisant !

Mme la ministre de l'outre-mer. À la Réunion, les créations d'entreprises ont augmenté de près de 15 % sur la même période, et de plus de 5 % en Martinique.

Au-delà de ces chiffres, les résultats de la politique que je mène en matière d'emploi, d'insertion et de formation professionnelle sont clairement mesurables par la diminution du chômage :

À la fin septembre 2004, le taux global de chômage dans les départements d'outre-mer était en recul de 4,2 % par rapport à l'année précédente, alors qu'il a augmenté de 0,5% en métropole.

Le chômage de longue durée a fortement baissé, de 10,4%, alors qu'il augmentait de 3,9 % en métropole.

Le chômage des jeunes a également diminué : 0,1 % contre une hausse de 1,8 % en métropole.

En outre, la défiscalisation constitue un puissant levier pour le développement économique de l'outre-mer, vous l'avez rappelé monsieur Quentin. Au 30 septembre dernier, 257 dossiers avaient été déposés auprès de Bercy, soit l'équivalent du nombre de dossiers déposés sur l'ensemble de l'année 2003. Ces dossiers représentent un total d'investissements de plus de 1,3 milliard d'euros, et je vois là l'amorce franche d'une reprise de l'investissement outre-mer en 2004. Je précise que ce chiffre n'intègre pas l'aide considérable de l'État pour défiscaliser les deux projets d'usine de nickel en Nouvelle-Calédonie dont M. Frogier a rappelé l'importance pour cette collectivité d'outre-mer.

M. Pierre Frogier. En effet.

Mme la ministre de l'outre-mer. J'ai d'ailleurs encouragé les monteurs de projets en défiscalisation à mettre en place une charte de qualité afin de renforcer l'éthique et le professionnalisme de ce type d'activité. Cette charte, signée en ma présence il y a quelques jours, vise à améliorer l'image et l'efficacité de la défiscalisation.

En améliorant l'image de la défiscalisation, qui trop souvent encore fait l'objet de critiques injustes, nous améliorons aussi celle de l'outre-mer. En renforçant l'efficacité de la défiscalisation, nous optimisons l'effort de l'État.

Je comprends bien, monsieur Victoria, votre souci de mesurer les effets de la politique que je mène, visant à créer des emplois durables dans le secteur marchand et à développer l'économie pour lutter contre le chômage. Il est encore trop tôt pour tirer un bilan précis de la loi de programme, même si les indicateurs que je viens de citer vont dans le bon sens. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Jalton, la loi de programme a prévu qu'un bilan des exonérations de charges sociales sur la création d'emplois devait être fait en 2006. Monsieur Lagarde, je vous invite à relire la loi de programme et à vous y conformer. Je vous rappelle qu'elle fixe l'évaluation, non pas tous les ans, mais tous les trois ans. J'ai toujours indiqué que cette évaluation permettra d'ajuster ces mesures pour leur donner leur pleine efficacité. Il serait sûrement utile cependant de tenir, ici même, dès 2005 - et c'est une proposition que je vous fais - un symposium sur le développement économique de l'outre-mer qui réunirait les parlementaires et les forces vives de chaque région et de chaque collectivité d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Victorin Lurel. Voilà une bonne proposition !

Mme la ministre de l'outre-mer. Nous pourrons ainsi confronter ensemble les premiers résultats de la loi de programme en matière de développement économique sans lequel il n'y a pas de développement social, sauf à entrer dans une logique d'assistanat que nous réprouvons tous.

Mme Huguette Bello. Il faut cesser d'injurier l'outre-mer ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christiane Taubira. Bâillonnez-nous, tant que vous y êtes ! Nous aussi, nous représentons nos populations !

Mme la ministre de l'outre-mer. Mais au-delà des crédits directement consacrés à l'emploi et à l'insertion sociale, deux dispositifs où nous intervenons en partenariat avec les collectivités locales contribuent à répondre aux enjeux spécifiques de l'outre-mer en matière de formation et de mobilité professionnelle : il s'agit de la dotation de continuité territoriale et du passeport mobilité.

La dotation de continuité territoriale sur laquelle vous m'interrogez, madame Carabin, constitue une véritable mesure nouvelle de ce budget 2005. Elle permettra, comme le souligne monsieur Buillard, de compléter les aides du ministère de l'outre-mer destinées à pallier les handicaps structurels des collectivités d'outre-mer.

D'un montant initial fixé cette année à 30 millions d'euros, cette dotation est indexée sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement, soit une augmentation de 3,29 %. C'est donc un montant de 31 millions d'euros qui est inscrit dans le projet de budget 2005 du ministère de l'outre-mer.

Cette dotation sera gérée de façon décentralisée et permettra la prise en charge de tout ou partie du coût d'un billet d'avion entre les collectivités territoriales d'outre-mer et la métropole. Je me réjouis que sept collectivités sur neuf aient délibéré à ce jour et je regrette avec vous, madame Rimane, que le conseil régional de Guyane n'ait pas voulu définir de critères d'attribution. Mais je suis respectueuse du principe d'autonomie des collectivités locales, et vous comprendrez que je ne puis me substituer à lui. Je considère pourtant que les critères sociaux pris en compte par les collectivités qui ont délibéré permettront de répondre aux attentes des publics prioritaires, notamment les personnes à revenus modestes, les jeunes, les personnes âgées, ou encore les handicapés.

Les premières aides sont délivrées depuis quelques semaines dans les trois collectivités du Pacifique, à Mayotte et, désormais, en Guadeloupe puisque la commission européenne a validé le dispositif guadeloupéen le 20 octobre dernier. Pour la Martinique et la Réunion, la notification est en cours.

Mon objectif est d'aider environ 200 000 passages par an entre la métropole et l'outre-mer, et je pense que l'on pourra valablement tirer un premier bilan à la fin de l'année prochaine.

Vous avez exprimé le souhait, monsieur Brial, que les nouveaux chiffres de la population issus du recensement de 2003 puissent être pris en compte dans le calcul de la dotation de continuité territoriale pour Wallis et Futuna. Je vous indique que tel sera le cas pour 2005.

En revanche, je vous rappelle que l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 précise que la dotation de continuité territoriale est destinée à faciliter les déplacements des résidents des collectivités d'outre-mer entre celles-ci et le territoire métropolitain. La dotation de continuité territoriale ne peut, par conséquent, bénéficier aux passages aériens entre Wallis et Nouméa, qui ne sont pas à destination du territoire métropolitain.

L'année 2004 a permis la mise en œuvre progressive des dispositifs de continuité territoriale. C'est au vu des bilans de l'année 2005, qui devront être transmis par chaque collectivité concernée au cours du premier trimestre 2006, que le Gouvernement examinera les évolutions à apporter au cadre des dispositifs de continuité territoriale.

Le financement du passeport mobilité, qui permet la prise en charge de billets d'avion vers la métropole, au bénéfice d'étudiants poursuivant leur cursus universitaire en métropole, mais également au profit de stagiaires de formation professionnelle, sera assuré par le budget 2005 au même niveau qu'en 2004.

Vous regrettez, monsieur Victoria, que certains jeunes soient freinés dans leur volonté de mobilité par une réglementation que vous jugez parfois trop contraignante. Je puis vous assurer que, depuis sa mise en œuvre, un certain nombre d'assouplissements ont été apportés comme les déplacements intercollectivités d'outre-mer en 2002, le bénéfice pour les étudiants, anciens élèves des lycées militaires ou du prytanée ou ceux de sections sport-études qui n'ont pas suivi leur scolarité de première ou de terminale sur place, la suppression de l'avance du billet d'avion en octobre 2003 et, enfin, l'extension aux étudiants qui suivent des programmes européens.

Le passeport mobilité rencontre un incontestable succès et je m'en félicite. On peut estimer à plus de 12 000 le nombre de passeports qui auront été délivrés au 31 décembre 2004.

Il est un autre aspect de la continuité territoriale qui, je le sais monsieur Kamardine, vous importe beaucoup : la réduction de la fracture numérique. Sur ce point, je suis consciente des difficultés qui existent à Mayotte. C'est la raison pour laquelle je viens de prendre l'initiative d'engager une réflexion avec le ministère des affaires étrangères, France Télécom, SRR, la filiale de SFR et l'AFD, réflexion à laquelle seront, bien évidemment, associés les élus mahorais. La politique tendant à réduire la fracture numérique devra être conduite en maîtrise d'ouvrage par le conseil général de Mayotte avec l'appui financier de l'État et de l'Europe, dès que Mayotte deviendra une région ultrapériphérique.

S'agissant des mesures d'ordre social, monsieur Grignon, vous avez évoqué les questions relatives à l'amélioration de la protection sociale à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je veux rappeler que des dispositions importantes ont été prises récemment ou sont sur le point de l'être.

Ainsi, le décret du 29 juillet dernier met en place l'assurance invalidité. De nouveaux droits sont définis et notamment la possibilité de cumuler les prestations avec une activité professionnelle, un droit d'option restant maintenu pour les personnes invalides.

Par ailleurs, s'agissant du handicap, comme vous le savez, la récente loi sur le droit des personnes handicapées est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon dans le respect des spécificités législatives de votre collectivité, notamment en matière de protection sociale, de sécurité sociale, d'urbanisme et de logement.

En outre, pour ce qui concerne l'amélioration du régime local des prestations familiales, un projet d'ordonnance est en cours d'élaboration avec le ministère de la protection sociale et celui de la famille. Il convient en effet d'examiner la possibilité d'intégrer de nouvelles prestations comme l'allocation de parent isolé et l'allocation de logement social.

Enfin, pour ce qui concerne la question de l'extension de la retraite anticipée « longue carrière » à Saint-Pierre-et-Miquelon, je partage votre avis, monsieur le député. Les assurés sociaux de Saint-Pierre-et-Miquelon doivent pouvoir obtenir une pension de vieillesse dans les mêmes conditions que les assurés de métropole.

Pour ce faire, une mesure législative est nécessaire, car il convient de modifier l'article 6 de la loi du 27 juillet 1987 qui a créé le régime d'assurance vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le ministère de la santé vient de me confirmer son accord pour la mise en œuvre de cette mesure à Saint-Pierre-et-Miquelon, et je m'attache à mobiliser, dans les meilleurs délais, le support juridique le plus adapté.

Vous avez évoqué, monsieur Brial, la situation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna. Concernant cette agence, je veux d'abord rappeler que nous avons re-basé son budget : de 10,2 millions d'euros en 2002, il passera à 16 millions d'euros en 2005. De plus, nous avons réglé la question ancienne de la dette de l'agence qui était, je vous le rappelle, de 11,5 millions d'euros.

Les évacuations sanitaires dont vous déplorez l'accroissement sont malheureusement dues, le plus souvent, à la hausse constante, en fréquence et en gravité, des accidents de la circulation. Je crois que dans le domaine de la sécurité routière, il y a de grands progrès à faire à Wallis-et-Futuna.

Enfin, pour ce qui concerne le recours à des personnels intérimaires, le recrutement de médecins a été stabilisé et le détachement de praticiens hospitaliers ainsi que la passation d'une convention avec le centre hospitalier Gaston Bourret de Nouméa doit permettre de limiter le recours à l'intérim.

Au-delà des questions que je viens d'évoquer, je voudrais souligner combien mon action outre-mer serait vaine si elle n'était pas accompagnée, sur le terrain, par l'action fondamentale des collectivités locales.

Vous avez bien voulu rappeler, monsieur Quentin, que le Gouvernement a mené à bien l'importante réforme de l'octroi de mer, confortant ainsi un régime gravement menacé de disparaître. Par cette réforme, la part essentielle des ressources des collectivités locales issues de l'octroi de mer est préservée. En outre, avec la réforme du Fonds régionale de développement économique, les communes recevront de nouvelles ressources d'investissement.

À cet égard, comme vous le soulignez, monsieur Beaugendre, mon soutien en faveur des collectivités locales ne se limite pas aux crédits inscrits sur le budget outre-mer. Je sais, monsieur Almont, monsieur Brial, monsieur Jalton et monsieur Grignon, que vous attendez tous avec impatience la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Pour répondre à votre souhait, j'ai demandé et obtenu, à ce stade du débat budgétaire, que l'on prenne en compte, dans ce cadre, la spécificité des communes d'outre-mer, conformément à l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 qui dispose que « les dotations de l'État aux collectivités territoriales de l'outre-mer font l'objet de dispositions particulières qui tiennent compte de leurs caractères spécifiques ».

Ainsi, dans le PLF 2005, pour le calcul de la DGF des communes, le critère de la superficie est pris en compte. J'ai souhaité qu'il soit introduit pour régler les problèmes particuliers des communes de Guyane. J'espère, madame Rimane, que cette mesure contribuera à répondre à votre préoccupation.

Par ailleurs, le coefficient de majoration du ratio démographique permettant de calculer la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été majoré. Cette augmentation, grâce à un amendement que vous avez voté et qui a été soutenu par le Gouvernement, passe de 10 % à 33 %.

Enfin, la dotation nationale de péréquation dans le calcul de la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été étendue aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie qui n'en bénéficiaient pas.

J'espère ainsi que les communes d'outre-mer pourront bénéficier globalement d'un rattrapage qui avait été estimé à environ 30 millions d'euros par le comité des finances locales. Ce montant s'ajoute bien entendu aux mesures liées à l'indexation de la DGF, en augmentation de 3,29 %.

M. Victorin Lurel. C'est simplement pour compenser les trois dernières années ! Rembourserez-vous les trois années de DGF ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Et pour répondre à votre question, monsieur Brial, je tiens à préciser que cette réforme de la dotation globale de fonctionnement est une réforme nationale, dans laquelle les circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna sont assimilées à des communes. Cette assimilation leur permet de bénéficier du dynamisme de l'enveloppe de la DGF.

Soyez également rassuré, monsieur Grignon : les communes de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficieront de la hausse de la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement attribuée à l'ensemble des communes d'outre-mer.

Grâce à la hausse de cette quote-part outre-mer, j'envisage de créer une quote-part « ultrapériphéricité » afin de compenser une partie des handicaps structurels des communes d'outre-mer. Les trois circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna et les deux communes de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficieront ainsi d'un abondement supplémentaire, tenant compte de leur spécificité, notamment de leur éloignement géographique de la métropole et de leur insularité.

Vous avez évoqué, monsieur Kamardine, rappelant notre préoccupation commune pour la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte, le nécessaire redéploiement des moyens en radars destinés à l'amélioration de la surveillance de l'île. Je puis vous apporter les précisions suivantes : le marché négocié lancé en début d'année 2004 a été attribué le 28 juin 2004. Il vient d'être notifié à la société SOFRELOG qui a mis en place le système du CROSS de la Manche et le système espagnol SIVE de lutte contre l'immigration clandestine dans le détroit de Gibraltar. Les travaux de viabilisation, les délais de construction et d'acheminement des deux radars ainsi que les essais sur place nous conduisent à une mise en œuvre opérationnelle du premier équipement de surveillance à la fin de l'été prochain et du second, au dernier trimestre 2005.

Monsieur Grignon, pour répondre à vos interrogations concernant la situation financière des différentes collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, je vais solliciter une mission de l'inspection générale des finances pour analyser les finances de la collectivité territoriale et des communes de l'archipel. Cette mission devra déterminer dans quelle mesure les difficultés de ces collectivités sont structurelles et quelles sont les solutions qui seraient de nature à y remédier.

Lors de ma dernière visite dans l'archipel, j'ai pris des engagements financiers : ils ont tous été tenus. Comme prévu, les crédits ont été mis en place au cours de l'année 2003 afin d'aider la commune de Saint-Pierre, dans l'attente d'une réforme des dotations aux collectivités. J'avais indiqué qu'elle bénéficierait d'une subvention exceptionnelle d'équilibre d'un montant équivalent à la dette pour les travaux d'eau et d'assainissement qu'elle supporte. Cette aide, d'un montant de 450 000 euros, a été effectivement déléguée en 2003. Enfin, je vous précise que j'avais réservé une ligne de crédits de 200 000 euros sur le chapitre 67-51 pour financer des travaux d'intérêt général qu'il paraissait urgent de réaliser. Je constate que cette dotation n'est pas totalement utilisée à ce jour.

En outre, en ce qui concerne le financement des investissements en 2003 et 2004, le ministère de l'outre-mer a continué ses efforts en faveur des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon : 7,202 millions d'euros d'autorisations de programme au titre du FIDOM ; 61 000 euros de subventions pour Miquelon et 56 000 euros pour Saint-Pierre, au titre du chapitre 67-51. J'ajoute que j'ai demandé une subvention exceptionnelle d'équilibre de 100 000 euros dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2004 afin de régler les difficultés financières du syndicat mixte eau et assainissement de Miquelon.

Après l'emploi, le deuxième axe du développement économique et social que je veux promouvoir outre-mer est le logement, qui constitue une priorité essentielle de mon action.

J'ai veillé à ce que le haut niveau d'effort de 2002 et 2003 en faveur de la construction de logements sociaux et de la résorption de l'habitat insalubre soit maintenu, avec 270 millions d'euros d'autorisations de programme et 173 millions d'euros de crédits de paiements. Oui, madame Rimane, ces moyens peuvent toujours paraître insuffisants au regard des besoins. Mais je peux vous garantir que l'intégralité des crédits dont je dispose est consommée. La ligne budgétaire unique, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, subit un gel budgétaire cette année encore. Sachez que le Premier ministre est saisi des conséquences dommageables de cette situation. J'espère qu'une décision favorable à l'outre-mer sera prise très rapidement. En tout cas, je peux vous assure, monsieur Edmond-Mariette, qu'aucune annulation de crédits n'affectera la LBU en 2004.

Mais plus que les moyens qui me sont attribués, mon véritable objectif est, là aussi, le résultat.

Avec les mesures du plan national de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, notamment l'exonération de taxe foncière portée de quinze à vingt-cinq ans pour la construction de logements sociaux, je souhaite que nous parvenions, avec les collectivités locales et les organismes du logement social, à un objectif de 1 000 réalisations supplémentaires en 2005.

S'agissant de la réhabilitation de l'habitat insalubre qui vous tient à cœur, madame Rimane, j'ai souhaité que les crédits du dispositif de résorption de l'habitat insalubre soient déconcentrés au niveau du préfet. Cette déconcentration est effective depuis cette année. Le préfet est désormais responsable de la programmation et du suivi des opérations de RHI en s'appuyant sur un comité technique local et sur l'avis du conseil départemental de l'habitat.

Il est un peu tôt pour tirer des enseignements de cette déconcentration. Les premiers échos sont particulièrement favorables et je suis satisfaite de ce que, sur un sujet aussi sensible et aussi important pour la vie quotidienne de nos compatriotes, la décision soit redonnée au terrain et non laissée à Paris.

Je compte beaucoup sur la LOLF qui devrait permettre au préfet de disposer d'une réelle fongibilité des crédits et donc de traiter l'habitat insalubre en fonction de l'urgence des situations.

Monsieur Audifax, vous avez souligné avec raison l'importance du Fonds régional d'aménagement foncier et urbain dans l'aménagement foncier. L'État a tenu ses engagements et a financé seul la totalité des 19 millions d'euros inscrits au contrat de plan de la Réunion, et qui ont d'ores et déjà été programmés. La présidente du conseil général de la Réunion a annoncé qu'elle inscrirait une participation de 10 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du plan départemental de cohésion sociale, que j'ai mentionné tout à l'heure, et qu'elle a présenté à la fin du mois d'octobre. Ceci contribuera à débloquer la situation.

L'effort budgétaire de l'État en faveur de la construction de logements sociaux en accession à la propriété et en locatif sera renforcé en 2005 par la montée en puissance des dispositions fiscales de la loi de programme pour l'outre-mer. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a évalué à 35 millions la dépense fiscale qui sera ainsi injectée dans le BTP outre-mer.

Au total, je tiens à vous rassurer, monsieur Thien Ah Koon les moyens fiscaux et budgétaires pour répondre aux enjeux spécifiques du logement outre-mer seront en augmentation de 6 %.

Vous avez posé, monsieur Beaugendre, deux questions spécifiques sur la banane et l'OCM sucre, évoqué également par M. Thien Ah Koon.

S'agissant de la banane, la prise en compte de l'augmentation du SMIC dans les coûts de production ne peut se faire qu'à travers une revalorisation de la recette forfaitaire de référence utilisée actuellement dans le cadre du volet interne de l'organisation commune du marché de la banane. Dans le contexte de la réforme de cette OCM, cette revalorisation souhaitée par les producteurs et demandée par la France sera, il ne faut pas se le cacher, difficile à obtenir. C'est la raison pour laquelle, il convient de travailler activement auprès de la Commission européenne pour réformer le volet interne de l'OCM afin de le rendre plus conforme aux besoins des planteurs. Le Gouvernement salue l'initiative des planteurs communautaires signataires de l'accord de Madère et confirme qu'il fondera sa position de négociation à Bruxelles sur cet accord.

S'agissant de l'OCM sucre, suivi de très près par nos amis réunionnais, le Gouvernement veillera auprès des différentes instances communautaires, et durant toute la durée des négociations, à ce que le règlement de la future OCM prenne pleinement en compte la situation et les besoins de la filière « canne sucre » des DOM, afin d'assurer son maintien et sa consolidation. L'obtention d'une compensation maximale de la baisse du prix du sucre constituera l'objectif prioritaire de la délégation française.

Je voudrais maintenant, s'agissant de la Polynésie française, remercier MM. Buillard et Kamardine pour leurs encouragements et leur soutien dans ma mission.

Vous m'avez interrogé, madame Vernaudon, sur le coût financier pour les communes de la modernisation du régime communal et de la création d'une fonction publique communale prévue par la loi du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française. Vous avez aussi évoqué fort justement ce dossier, monsieur Bignon.

Afin de limiter l'impact financier pour les communes de la mise en place d'une fonction publique communale, il est prévu d'intégrer les agents à rémunération égale à leur situation antérieure et selon un calendrier arrêté par la commune, à compter de l'élaboration des cadres d'emploi par le Haut-commissaire.

Vous m'avez également interrogée, madame Vernaudon, sur la question de la prolongation du contrat de développement en Polynésie française. Comme vous le savez, ce contrat s'achève à la fin de cette année. Aujourd'hui, il n'est pas prévu de conclure un nouveau contrat de développement. En revanche, il est envisagé, en tant que de besoin, que puissent être conclues des conventions particulières entre l'État et la Polynésie française pour contribuer au développement de cette collectivité dans tous les domaines où l'aide de l'État sera indispensable.

Vous avez souhaité savoir, monsieur Brial, si l'État avait respecté ses engagements financiers vis-à-vis de Wallis-et-Futuna. Je vous rappelle que cette collectivité dispose d'un double dispositif contractuel avec un contrat de développement conclu entre 2000 et 2004 et une convention spécifique conclue pour la période 2003-2007.

Concernant le contrat de développement, je vous rappelle que l'État s'est engagé à hauteur de 37,167 millions d'euros pour la période. Au 31 décembre 2003, 28,928 millions d'euros d'autorisations de programme avaient été délégués par l'ensemble des ministères contributeurs, soit 78 % de ce qui était prévu. En 2004, le ministère de l'outre-mer a délégué 1,4 million d'euros d'autorisations de programme supplémentaires au titre du FIDES, portant sa contribution depuis le début du contrat à 8,569 millions d'euros, soit 81,8 % au 31 décembre 2004. C'est pourquoi, afin de permettre une meilleure exécution du contrat, il a été décidé de le proroger d'une année supplémentaire, en 2005. L'année 2005 permettra également de préparer un nouveau contrat pour les années 2006 et suivantes.

Quant à la convention de développement, elle est d'un montant de 25 millions d'euros, financée pour moitié par le ministère de l'outre-mer, l'autre moitié étant abondée par divers départements ministériels. Cette convention spécifique vient compléter le contrat de développement.

Je vous précise que le ministère de l'outre-mer a respecté strictement ses engagements et a mis à disposition du préfet deux tranches de 2,5 millions d'euros d'autorisations de programme, en 2003 et en 2004, portant ainsi sa contribution à 5 millions d'euros.

Vous m'interrogez, monsieur Grignon, sur les négociations de l'accord entre la France et le Canada sur l'exploration et l'exploitation des ressources d'hydrocarbures transfrontalières dans la ZEE française au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. Comme je vous en ai informé personnellement par courrier le 20 juillet 2004, et après consultation du ministère des affaires étrangères, les négociations avec le Canada sont aujourd'hui considérées comme achevées. Ce qui ne veut pas dire que nous ne restons pas vigilants sur ce dossier.

S'agissant de la revendication de la juridiction de la France sur le plateau continental au-delà des 200 miles marins, à la demande du ministère de l'outre-mer, puisque c'est essentiellement notre outre-mer qui offre ces possibilités à notre pays, le secrétariat général de la mer a récemment référencé les possibles prétentions de la France à une extension de son plateau continental. Concernant le dossier de Saint-Pierre-et-Miquelon, et comme je m'y étais engagée le 11 février 2004, devant cette assemblée, les autorités françaises ont décidé de déposer un dossier auprès de la Commission des limites du plateau continental. À cette fin, les expertises bathymétriques au large de Saint-Pierre-et-Miquelon seront inscrites au programme dit « Extraplac », dès 2006. Le ministère des affaires étrangères avisera le Canada de cette décision.

Monsieur Beaugendre, vous m'avez alertée sur les délais d'indemnisation des dommages causés par les catastrophes naturelles. Tout est mis en œuvre pour indemniser les victimes dans les meilleurs délais. Cela dit, un délai minimal est nécessaire pour garantir la qualité et le niveau de l'indemnisation.

S'agissant de l'indemnisation des conséquences de la tempête tropicale Jeanne qui a frappé la Guadeloupe le 13 septembre dernier, le ministère de l'intérieur examinera le 18 novembre prochain les dossiers de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour neuf communes. Le comité interministériel du fonds de secours se réunira, pour sa part, le 10 novembre pour examiner les dossiers d'indemnisation des dégâts causés aux équipements publics des communes concernées.

Je veux répondre maintenant à ce que j'ai pu entendre dire, une fois de plus, sur la situation politique en Polynésie française.

On n'a cessé de nous présenter le scrutin du 23 mai comme l'horizon indispensable de l'expression démocratique, au motif que les alliés locaux du parti socialiste l'avaient emporté dans les îles du Vent - avec seulement 0,4 % d'avance sur la liste conduite par M. Flosse dans le cadre d'un scrutin à un seul tour !

Que constate-t-on aujourd'hui ? Que le commissaire du Gouvernement devant le Conseil d'État, magistrat impartial chargé de dire le droit, propose l'annulation de ce scrutin en raison de graves irrégularités commises dans des bureaux de vote tenus par des élus indépendantistes alliés de M. Temaru.

M. Éric Raoult. Eh oui !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je ne commenterai pas davantage ces conclusions, dans l'attente de la décision définitive du Conseil d'État. Je constate simplement que, si celui-ci suit le commissaire du Gouvernement, on aura désormais du mal, sur certains bancs, à parler de « légitimité » et de « valeurs » de la République pour les opposer au simple respect de la loi qui est, depuis le début, la stricte ligne de conduite du Gouvernement dans cette affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Si seulement c'était vrai !

M. Éric Raoult. C'est vrai !

Mme la ministre de l'outre-mer. Où est la légitimité d'un gouvernement local arrivé au pouvoir sans majorité, au terme d'un scrutin populaire gravement vicié...

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Tricherie !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...et qui prétend se maintenir malgré le vote d'une motion de censure parfaitement régulière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Où sont les valeurs de la République quand un gouvernement renversé par la voie légale occupe illégalement les bâtiments publics transformés en salles de prières ?

Je suis surprise, monsieur Lagarde, que vous vous opposiez désormais à la modification d'un mode de scrutin que vous dénonciez avec force il y a peu.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous voulez encore magouiller ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Pour ma part, je ne me prononcerais que sur des propositions parlementaires, s'il devait y en avoir.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est cela la magouille !

Mme la ministre de l'outre-mer. Pas plus aujourd'hui qu'hier, le Gouvernement n'a la volonté de prendre la moindre initiative relative au mode de scrutin.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pas plus qu'il n'en avait il y a quelques mois !

Mme la ministre de l'outre-mer. Ce sont vos amis, M. Temaru, M. Schyle et Mme Bouteau qui critiquent en permanence la situation actuelle et souhaitent le changement.

M. Victorin Lurel. On aura décidément tout entendu !

M. Éric Raoult. Taisez-vous !

Mme la ministre de l'outre-mer. D'ailleurs, relisez l'interview de M. Temaru d'il y a deux jours. Il a même demandé, outre la suppression de la prime majoritaire, la création d'une circonscription unique.

M. Jean-Christophe Lagarde. Voilà l'aveu !

Mme la ministre de l'outre-mer. Voilà qui va rappeler de biens mauvais souvenirs aux Polynésiens, lorsque le parti socialiste avait tenté de faire passer en force cette réforme, ce qui avait fait dire aux regrettés Boris Léontieff et Lucien Kimitete que les socialistes assassinaient les archipels.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Victorin Lurel. Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez fait une loi sur mesure pour M. Flosse et vous voulez encore magouiller ? C'est lamentable !

Mme la ministre de l'outre-mer. En conclusion, mesdames, messieurs les députés, en examinant ce budget sans parti pris et en toute objectivité, élaboré certes dans un contexte budgétaire contraint, vous constaterez que le ministère de l'outre-mer s'inscrit résolument dans la politique de modernisation de l'État décidée par le Premier ministre en anticipant la réforme de la gestion publique mise en œuvre par la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. J'ai souhaité que cette préparation active aux nouvelles expérimentations de la LOLF soit appuyée par un cabinet d'audit et des contrôleurs de gestion que nous sommes en train de recruter.

Soyez persuadés que je consacrerai, en 2005, tous mes efforts pour que mon ministère s'engage dans cette réforme en profondeur de la gestion publique, avec volonté et dynamisme, dans le respect des engagements du Président de la République et de la loi de programme, gage d'un développement social et économique durable de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de suspendre nos travaux pendant cinq minutes avant d'en venir aux questions.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 10 novembre à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Cette question devait être posée par mon ami Jacques Brunhes. Empêché ce soir, il m'a prié de le suppléer, et je le fais d'autant plus volontiers que je partage sa préoccupation.

Madame la ministre, lors de la réunion du Comité des signataires de l'accord de Nouméa le 17 juin 2003, à Koné, en Nouvelle-Calédonie, vous avez indiqué que, pour l'État, la question du corps électoral, disposition clé de cet accord, était réglée puisque les blocages empêchant son établissement avaient été levés.

En juillet 2003 le Président de la République, lors de sa visite dans ce territoire, a confirmé l'engagement de l'État de rétablir cette clause essentielle en précisant que cela se ferait après les élections provinciales du 9 mai 2004 et avant la fin de son mandat en 2007.

Le FLNKS, tout en prenant acte de cette promesse, a souhaité sa mise en application rapide après les élections de mai.

Par ailleurs, les dirigeants de la nouvelle majorité, « Avenir ensemble », issue de ces élections, actuellement à la tête du Congrès et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, ont précisé au FLNKS qu'ils étaient favorables au rétablissement du corps électoral tel que les signataires en étaient convenus lors du Comité des signataires de Koné. Rien d'étonnant à cela puisqu'ils étaient membres du RPCR au moment de la signature de l'accord de Nouméa en 1998. Le président actuel du Congrès, Harold Martin, en était même le cosignataire.

Dans ces conditions, rien n'empêche désormais l'État de tenir parole sur cette question primordiale qui avait fait, je le rappelle, l'objet de longues et difficiles négociations entre les parties signataires et qui constitue le point d'équilibre de l'accord dont dépend la réussite du processus de Nouméa.

Allez-vous, madame la ministre, proposer de mettre ce sujet à l'ordre du jour de la prochaine révision constitutionnelle ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, ce sujet sensible a fait l'objet d'un engagement très clair du Président de la République en 2003, lors de son voyage en Nouvelle-Calédonie. Il a indiqué que la question du corps électoral serait réglée avant la fin de son quinquennat, et je ne peux que confirmer que cet engagement sera tenu, conformément à l'esprit de l'accord de Nouméa.

Vous avez évoqué un changement d'interlocuteurs en Nouvelle-Calédonie. Il conviendra de faire certaines vérifications sur le consensus obtenu lors de la réunion - que j'avais moi-même organisée - du Comité des signataires à Koné. Je rappelle qu'il s'agit d'une question trop importante pour n'être pas réglée de façon consensuelle. C'est, je le répète, l'esprit de l'accord de Nouméa. Il est d'autant plus nécessaire que cette question soit réglée dans le cadre d'un consensus local qu'elle est intimement liée à celle de la citoyenneté en Nouvelle-Calédonie.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Avant de poser ma question qui sera essentiellement consacrée aux problèmes de santé publique en Guyane, je dirai qu'en entendant tout à l'heure Mme la ministre s'attribuer tant de satisfecit sur tous les sujets et dans tous les domaines, j'hésitais entre l'attendrissement et la compassion. Car des situations humaines et sociales aussi écorchées que le sont parfois les nôtres s'affadissent considérablement lorsqu'elles se traduisent en phrases et en chiffres.

La situation aux plans humain et social de la santé publique en Guyane est grave. L'hôpital de Cayenne est classé maternité de niveau 3 et centre de référence. Quand le Gouvernement se décidera-t-il à construire le pôle femme-enfant qui permettra de rassembler les services de maternité, de pédiatrie et de néonatologie ? La réponse invoquant le programme Hôpital 2007 n'est pas satisfaisante, car 2007 est l'échéance du programme. Or fin 2004, nous en sommes seulement aux études.

Les indicateurs sanitaires sont extrêmement inquiétants. L'espérance de vie est de quatre ans inférieure à la moyenne nationale, les taux de mortalité infantile et périnatale trois fois supérieurs, le sida et la toxicomanie font des ravages, les maladies infectieuses et endémiques telles que le paludisme, la dengue et la tuberculose provoquent une forte morbidité, et le mercure reste une préoccupation essentielle de santé publique.

Par ailleurs, nous constatons empiriquement une prévalence des cancers, probablement liée à certaines activités industrielles telles que les activités spatiales. Il serait temps de mettre en place des registres permettant de mesurer le phénomène.

Enfin, sur les médicaments antipaludéens, le processus législatif et réglementaire est bouclé et le déclenchement du mécanisme de remboursement des médicaments antipaludéens dépend des fabricants. S'ils n'en font pas la demande, elle relève des industriels et des commerçants, peu intéressés par des maladies endémiques et infectieuses qui concernent souvent des régions pauvres. Le Gouvernement est-il décidé à ne plus laisser traiter ce dossier comme une affaire commerciale et à le prendre en charge comme une question de santé publique ?

Dernier point : le déficit de l'hôpital de Cayenne est structurel, essentiellement lié à certaines catégories de patients, à l'enclavement du territoire, au sous-équipement et, parfois, à l'inexistence de certaines spécialités qui génèrent des évacuations sanitaires coûteuses. Quelles dispositions efficaces et pérennes le Gouvernement est-il disposé à prendre pour remédier à ces problèmes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. Madame la députée, vous avez évoqué de multiples sujets et je vais essayer de vous répondre aussi précisément que possible. Tous ces problèmes de santé publique sont effectivement préoccupants et particulièrement difficiles à régler en Guyane.

La situation financière du centre hospitalier de Cayenne est en effet très dégradée. C'est pourquoi le ministère de la santé a décidé de notifier en juin dernier à l'Agence régionale d'hospitalisation une dotation complémentaire de 7,5 millions d'euros. Dans le même temps, la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins a, dès le début de l'été, organisé une mission d'appui et de réalisation d'un audit de la situation budgétaire et comptable de l'établissement. Les conclusions de cette mission permettront de définir les conditions du redressement. Mais sans attendre davantage, je peux vous dire qu'une autorisation d'emprunt de 20 millions d'euros a été accordée au centre hospitalier de Cayenne.

Un sujet connexe est celui du recrutement des médecins. S'agissant du bon fonctionnement de ce centre et des améliorations qu'il conviendrait de lui apporter, j'ai conscience des difficultés rencontrées en Guyane pour maintenir en permanence un effectif suffisant de médecins et de personnels hospitaliers. Il n'existe malheureusement pas de solution miracle pour faire face à cette situation. Outre le concours de personnels intérimaires et la coopération avec les établissements hospitaliers métropolitains auxquels on a déjà recours, nous examinerons les conditions dans lesquelles nous pourrions autoriser, à titre exceptionnel, des médecins titulaires de diplômes étrangers à exercer en Guyane.

Vous avez également évoqué deux fléaux qui frappent la Guyane : le sida et le mercure.

Bien que des progrès aient été enregistrés en Guyane en matière de lutte contre le sida, ils sont encore insuffisants. C'est pourquoi le plan national de lutte contre le VIH comporte un volet particulier pour les départements français d'Amérique. En Guyane, ce plan se décline sous la forme d'un programme régional pour la période 2003-2005, combinant prévention, formation des personnels et prise en charge des malades.

Quant au problème du mercure, j'ai obtenu que la prévention et la réduction des risques sanitaires liés à une exposition prolongée au mercure fassent partie des objectifs du plan national santé-environnement adopté par le Gouvernement en juin 2004 pour la période 2004-2008.

En outre, des arrêtés du préfet de Guyane ont désormais limité le recours au mercure avant de l'interdire complètement dès que nous aurons techniquement la possibilité de nous en passer dans les opérations d'orpaillage. Le mercure sera donc totalement interdit à compter du 1er janvier 2006. Nous nous efforçons ainsi de supprimer tout ce qui est lié à l'utilisation du mercure et qui pose un problème de santé publique. L'orpaillage légal n'utilisera plus le mercure, mais, pour régler cette question, nous devrons aussi éradiquer l'orpaillage clandestin.

Quoi qu'il en soit, c'est un sujet sur lequel je suis déterminée à mettre en œuvre tous les moyens dont nous disposons. La Guyane est sans doute le seul département français à rencontrer de tels problèmes de santé publique liés au mercure. Nous faisons tout pour que ce fléau disparaisse. Les populations, notamment celles des fleuves, doivent avoir une alimentation sécurisée et ne plus être exposées à ce risque inadmissible à notre époque.

Sur les autres points, je vais réfléchir, avec le ministre de la santé, à la meilleure façon de répondre aux préoccupations spécifiques à la Guyane dans le cadre de notre politique de santé.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. J'ai, madame la ministre, trois brèves questions à vous poser.

La première concerne vos déclarations devant la commission des finances du Sénat, lors de votre audition relative au budget de l'outre-mer, le 27 octobre. Vous vous êtes déclarée prête à étudier la suppression du système de TVA non perçue récupérable, « susceptible de susciter d'importants effets d'aubaine ». Vous avez également souhaité le remplacement rapide du système de congés bonifiés. La commission des finances du Sénat a donc votre feu vert pour proposer des amendements en ce sens. Son président annonce d'ores et déjà une réforme des compléments de rémunérations dans les DOM.

Dois-je rappeler qu'après l'examen par le Sénat de la loi de finances, nous serons, nous autres députés, mis devant le fait accompli ? Saisis uniquement des conclusions non amendables de la commission mixte paritaire, nous ne pourrons plus exprimer notre position sur de tels sujets.

Vous affirmiez, il n'y a pas si longtemps, que la politique du Gouvernement concernant l'outre-mer ne se ferait pas par voie d'amendement. Êtes-vous prête à confirmer solennellement ces propos, et vous opposerez-vous à l'adoption des amendements annoncés ?

Ensuite, les planteurs de Guadeloupe n'ont pu récolter toute la canne à sucre, et 70 000 tonnes sont restées sur pied. Comptez-vous indemniser ces pertes de revenus ? La région ne restera pas inerte, mais elle ne peut tout assumer à elle seule. Or, M. Gaymard, que j'ai interrogé hier sur ce sujet, n'a pu me répondre.

Enfin, respecterez-vous les engagements pris par vous-même et par M. Devedjian aux assises des libertés locales de rembourser la DGF amputée dans les communes de Guadeloupe - et ailleurs, j'imagine - en 2000, 2001 et 2002 ? J'espère que vous ne vous en tiendrez pas à la réponse que vous avez récemment donnée à Joël Beaugendre, à savoir que vous ne rembourserez que les communes ayant engagé un contentieux contre l'État. Beaucoup de communes, dont la mienne, n'ont pas porté plainte, car elles se sont fiées à la parole d'un ministre. Nous estimons que vous devez rembourser cette somme. C'est ce qu'a fait, je le rappelle, le conseil général de Guadeloupe, qui s'était trompé. Or 160 millions de francs lui sont encore dus.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, vous avez évoqué les problèmes bien connus de la sur-rémunération, des congés bonifiés ou du remboursement de la TVA non perçue. À ce sujet, ma position reste inchangée : l'outre-mer ne doit pas donner l'impression qu'il reste figé dans un statu quo et refuse, par principe, toute réforme. Un tel message ne peut pas être donné, car cela ne correspond pas à la réalité. Je considère par ailleurs qu'il n'y a pas de sujet tabou.

En revanche, je l'ai toujours dit, et je le confirme une nouvelle fois : pour engager des réformes sur des sujets aussi compliqués et difficiles à saisir, trois conditions doivent être réunies.

Premièrement, d'éventuelles réformes doivent être impérativement préparées sur le terrain, et non à Paris. Une concertation doit réunir tous les élus et toutes les forces vives, c'est-à-dire les milieux économiques et les organisations syndicales.

Deuxièmement, avant de s'engager dans cette voie, il est pour le moins nécessaire de disposer d'un diagnostic exhaustif sur le plan économique et financier. Or, sur ces sujets, les nombreux rapports qui ont été rédigés au fil des ans détaillent tous les effets pervers des différents dispositifs, mais ils ne nous disent jamais ce qu'ils apportent de positif. Un diagnostic complet ferait apparaître non seulement les inconvénients, mais aussi les avantages de ces systèmes, tels que leur impact sur la consommation des ménages ou la vie économique de certaines entreprises. Nous devons disposer d'une analyse étayée pour savoir si une réforme est possible et dans quelles conditions, et pour en déterminer l'ampleur.

Si ces deux conditions sont réunies, j'en ajouterai une troisième : les économies budgétaires générées par d'éventuelles réformes doivent être reversées à l'outre-mer et bénéficier à son développement économique et social.

Par ailleurs, je me suis effectivement opposée l'an dernier à ce que l'on procède à des réformes par voie d'amendements, et je n'ai pas changé d'avis depuis.

J'ai commandé un certain nombre d'études et j'ai demandé au Conseil économique et social, notamment, de réfléchir sur certains sujets. Parmi tous ceux que vous avez mentionnés, je ferai un sort particulier aux congés bonifiés. De nombreux compatriotes originaires de l'outre-mer mais vivant en métropole m'invitent en effet à réformer ce système qui n'est plus adapté aux besoins et a des effets pervers sous la forme de discriminations à l'emploi. Les bénéficiaires eux-mêmes affirment préférer retourner chez eux chaque année, mais moins longtemps, plutôt que tous les trois ans et pour une durée de deux mois.

Je travaille avec les associations concernées. L'AMEDOM, notamment, m'a déjà fait part de ses propositions. Je les réunirai prochainement afin d'en parler à nouveau. Je souhaite que nous parvenions, sur ce dossier, à améliorer un système devenu inadapté. Cela représenterait un grand progrès pour tous nos compatriotes.

Le problème de la dotation globale de fonctionnement du conseil général fait partie des ardoises léguées par mes prédécesseurs et qu'il me faut assumer.

M. Victorin Lurel. C'est également mon cas !

Mme la ministre de l'outre-mer. Nous essayons de le régler comme nous le pouvons. Sur ce dossier, je n'ai rien d'autre à ajouter.

En ce qui concerne le sucre, le comité du fonds de secours s'est réuni en octobre, et a décidé l'indemnisation des planteurs à hauteur de 260 000 euros. Si d'autres difficultés se présentent, n'hésitez pas à m'en faire part. Nous sommes prêts à réexaminer la situation si ces mesures ne devaient pas suffire.

M. le président. Nous en venons aux députés n'appartenant à aucun groupe.

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Il n'existe pas, en Martinique, de liaison maritime régulière organisée dans le cadre du service public. Or, dans un espace aussi circonscrit, le transport maritime constitue, par complémentarité intermodale, un moyen de pallier la saturation grandissante du réseau routier et ses incidences néfastes sur l'économie, la santé et l'organisation sociale.

Ni la loi sur l'organisation des transports intérieurs, ni l'article L. 4 433-21 du code général des collectivités territoriales, ni l'article 104 de la loi sur la démocratie de proximité n'offrent de conditions suffisantes en termes de sécurité juridique, économique et budgétaire à la mise en place d'un système organisé de transport maritime dans l'intérêt public.

N'est-il pas urgent, madame la ministre, de mettre en place un dispositif législatif nouveau, en désignant une collectivité publique bien déterminée comme autorité organisatrice de transport aussi bien maritime que terrestre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. Vous avez raison, monsieur le député : l'organisation de transports maritimes en Martinique est sans doute une réponse adaptée à la saturation du réseau routier. Il me paraît nécessaire que les collectivités de Martinique présentent la ou les collectivités qui devront assurer l'organisation de ce service public.

La loi d'orientation sur les transports intérieurs permet déjà de créer un syndicat mixte regroupant les collectivités locales concernées. Mais, si la concertation locale conduisait à un autre choix, le Gouvernement pourrait proposer une modification législative dans le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles que je présenterai au Parlement en 2005. La question que vous évoquez pourrait aussi être résolue grâce aux pouvoirs normatifs que l'article 73 de la Constitution reconnaît aux départements et aux régions d'outre-mer, et dont ce projet de loi déterminera les modalités d'application.

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. Le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer une des priorités de son action. Dans le cadre du plan cancer, il a par ailleurs indiqué son souhait de voir les femmes de plus de cinquante ans automatiquement dépistées. Le programme de dépistage du cancer du sein a débuté le mois dernier en Guadeloupe. Il s'adresse à toutes les femmes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans. Or les 2 000 Marie-Galantaises concernées par ce dispositif sont contraintes, compte tenu de leur double insularité, de se rendre en Guadeloupe continentale, car le matériel de mammographie de Marie-Galante est obsolète et donc inutilisable.

Le 28 avril dernier, le ministère de la santé et de la protection sociale avait affirmé, lors de la réunion des médecins coordonnateurs des programmes de dépistage, que dans le cas où, dans un secteur isolé, le service public hospitalier était la seule ressource pour la mammographie, et que des investissements s'avéraient nécessaires - ce qui est le cas à Marie-Galante -, des fonds exceptionnels seraient rapidement débloqués.

Fort de cette promesse, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation de Guadeloupe a aussitôt adressé au ministère une demande de subvention exceptionnelle. Or, jusqu'à présent, cette demande est malheureusement restée sans suite. Sollicité par l'Association guadeloupéenne pour le dépistage des cancers, qui doit financer sur son budget de fonctionnement les frais afférents au transport en bateau des quelque 2 000 femmes concernées par le dispositif, je souhaiterais que vous interveniez auprès du ministère de la santé et de la protection sociale afin que les engagements pris soient tenus ou, à défaut, que votre ministère contribue à boucler ce budget en finançant la moitié du prix de l'appareil de mammographie, l'autre moitié étant d'ores et déjà prise en charge par l'agence régionale de l'hospitalisation de Guadeloupe.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, vous posez à juste titre la question du financement d'un mammographe au centre hospitalier de Marie-Galante. Comme vous l'avez rappelé, l'appareil actuel est obsolète, et les femmes de l'île doivent se déplacer jusqu'à Pointe-à-Pitre pour subir un examen radiologique. J'ai le plaisir de vous confirmer le principe d'un cofinancement avec l'Agence régionale de l'hospitalisation pour l'achat de l'appareil. Cette situation particulièrement injuste pour les femmes de Marie-Galante devrait donc rapidement prendre fin.

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. Je vous remercie pour ce geste, madame la ministre. La population de Marie-Galante saura l'apprécier en attendant qu'une continuité territoriale digne de ce nom soit mise en place à Marie-Galante et aux îles du sud de la Guadeloupe.

M. le président. Nous revenons au groupe socialiste.

La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Mme la ministre a déjà répondu aux deux questions que je voulais poser, l'une sur les congés bonifiés et l'autre sur la TVA non récupérable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, toujours dans un souci de clarification, j'aimerais que vous nous expliquiez votre position sur l'évolution statutaire des îles du nord, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Selon vos déclarations à la commission des finances du Sénat, c'est à budget constant qu'elle devra se faire, par redéploiement des crédits de la région Guadeloupe.

Le déficit de la commune de Saint-Martin s'élève à 16 millions d'euros, les besoins en infrastructures et en personnels sont nombreux. Il semblerait que l'évolution statutaire des îles du nord se fasse par une amputation des dotations destinées à la région Guadeloupe. J'ai peut-être mauvais esprit, mais vous allez sans doute me rassurer. Confirmez-vous ces propos ? Sinon, indiquez-nous précisément, autant que cela est possible, comment seront financées les nouvelles compétences confiées à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ?

Par ailleurs, j'aimerais que vous nous livriez la position juridique officielle du Gouvernement sur les conséquences de cette future évolution statutaire sur le statut européen de ces îles. En sortant du droit commun européen, pourront-elles concilier leur statut dérogatoire, leurs compétences en matière fiscale et douanière, en matière d'immigration, de préférence locale pour l'emploi, de libre circulation des capitaux, des biens et des services, de sortie du territoire douanier européen, avec le bénéfice des fonds structurels, donc le statut de RUP ? J'ai été incapable de répondre à cette question vendredi dernier au conseil municipal de Saint-Martin. Les inquiétudes sont fortes, et je vous demande de nous rassurer. Ce n'est pas très clair, en effet, y compris dans le nouveau libellé de l'article 299 § 2 du traité CE codifié à l'article III-424 du projet de traité constitutionnel. Pouvez-vous éclairer non pas simplement le député des îles du nord que je suis, mais celles et ceux qui, probablement, nous écoutent ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, je vais vous faire une réponse très claire et, je l'espère, rassurante sur le financement de l'évolution statutaire des îles du nord de la Guadeloupe.

Ce que j'ai dit au Sénat, de façon peut-être insuffisamment précise, c'est tout simplement que la part des dotations de l'État qui est actuellement attribuée au département et à la région de Guadeloupe et qui correspond à la population des deux îles du nord sera désormais versée aux deux nouvelles collectivités selon les critères habituellement retenus pour le calcul de ces dotations. C'est logique. La région et le département de la Guadeloupe ne vont pas continuer à percevoir des dotations correspondant à la population des deux îles qui vont se détacher de ces deux collectivités. Par ailleurs, les deux collectivités étant dotées de l'autonomie fiscale, elles devront dégager des ressources nécessaires à leur fonctionnement. Quant à l'État, il adaptera naturellement l'organisation de ses services à la création de ces deux nouvelles collectivités.

Depuis 2002, un gros effort a déjà été réalisé pour renforcer l'action de l'État dans ces îles, en particulier pour lutter contre la délinquance et l'immigration clandestine à Saint-Martin. Le changement de statut de Saint-Martin ne signifie sûrement pas que l'État va réduire ces moyens, notamment dans la lutte contre les trafics en tous genres que nous connaissons. Je dois dire que la situation dont j'ai hérité n'était pas excellente en ce domaine.

La question du statut de région ultrapériphérique de l'Europe est vraiment un faux débat. Si Saint-Martin et Saint-Barthélemy souhaitent conserver ce statut, elles le garderont. Je crois qu'il n'y a pas d'état d'âme particulier à Saint-Martin. À Saint-Barthélemy, la population et les élus se sont posé la question de savoir si c'était dans leur intérêt de rester dans le territoire communautaire. À ce stade, ils optent plutôt pour le statu quo. Dans le cadre du nouveau traité européen, vous le savez, nous avons non seulement confirmé le statut de RUP de nos quatre DOM et clarifié les choses pour qu'il n'y ait plus d'ambiguïté puisque nos départements d'outre-mer seront cités nominativement, mais aussi introduit de la souplesse pour permettre éventuellement un changement de statut vis-à-vis de l'Europe. Nous avions évidemment pensé notamment à Mayotte. Nous ne voulions pas être obligés de changer le traité communautaire et de recueillir l'avis de tout le monde en cas de passage du statut de RUP à un statut de PTOM ou l'inverse. Nous aurons donc un texte qui, s'il est ratifié, permettra d'envisager éventuellement une sortie du statut de RUP. Je pense plutôt à Saint-Barthélemy puisque, quand je me suis rendue récemment à Saint-Martin, j'ai senti une volonté de rester dans le cadre d'une région ultrapériphérique de l'Europe. Encore une fois, c'est une affaire franco-française, et il n'y a aucune raison et en tout cas aucun obstacle juridique pour que le changement de statut de ces deux îles implique nécessairement un changement de leur statut vis-à-vis de l'Europe.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Outre-mer » :

Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre IV de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre IV de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'outre-mer.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

À dix-sept heures :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Santé, famille, personnes âgées et personnes handicapées ; articles 77 à 79 :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 37, de M. Gérard Bapt, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Santé :

Avis, n° 1864 tome 11, de Mme Bérengère Poletti, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Personnes handicapées :

Avis, n° 1864 tome 12, de Mme Geneviève Levy, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure dix.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot