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Première séance du jeudi 18 novembre 2004

61e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT, SERVICES GÉNÉRAUX DU PREMIER MINISTRE, BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS, SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État, des services généraux du Premier ministre, du budget annexe des Journaux officiels, du secrétariat général de la défense nationale.

La parole est à M. Michel Bouvard, suppléant M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la fonction publique et la réforme de l'État.

M. Michel Bouvard, suppléant M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la fonction publique et la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, mes chers collègues, j'interviens ce matin en tant que vice-président de la commission des finances pour suppléer notre collègue et ami Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État. M. Tron a été appelé par le Premier ministre à participer à une mission au Mexique, ce qui explique son absence. Il m'a demandé de l'en excuser auprès de vous. On connaît son investissement personnel dans ce rapport et l'importance qu'il attache à ce budget qui, au-delà de la modestie des crédits, à travers la politique salariale et la gestion du devenir de la fonction publique comme de la réforme de l'État, concentre des enjeux centraux pour la totalité du budget de l'État.

Je vais vous lire l'intervention qu'il devait faire.

Les crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État passent de 223 millions d'euros en 2004 à 155 millions d'euros en 2005. Ce budget, mesuré mais important par la politique menée, présente cette année un effort certain de rationalisation.

La réforme du transfert aux caisses d'allocation familiales de la gestion des prestations familiales dues aux agents de l'État permettra d'économiser 55 millions d'euros et près de 600 emplois. Il y avait là une redondance absurde entre la CAF et les services de paie de l'État, qui aboutissait à d'importants surcoûts.

Une économie de 1,6 million sera réalisée grâce à une réforme de la politique interministérielle de réservation de logements pour les agents de l'État, qui sera reprise par les différents ministères et surtout par les préfectures dans le cadre de la déconcentration.

S'agissant des actions de formation, la subvention de l'ENA sera réduite de 755 000 euros en raison de la réduction du nombre de postes offerts au concours. Les surcoûts liés au transfert de l'école à Strasbourg seront couverts dans la prochaine loi de finances rectificative. Il serait alors logique que les locaux parisiens de l'ENA, une fois le transfert achevé, soient mis en vente afin de financer sa réimplantation. Permettez-moi de dire à titre personnel, monsieur le ministre, que cela suppose aussi que la vente ne soit pas réalisée au bénéfice d'un autre établissement dépendant de l'État.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Très juste !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. La commission des finances veillera à ce que, passés les inévitables coûts de transfert et de réforme, le budget de l'ENA soit ramené à un niveau de croisière raisonnable.

En matière de formation, la priorité est donnée à la formation aux questions communautaires. La réforme de l'ENA est maintenant engagée, et elle comporte plusieurs volets, parmi lesquels la limite d'âge à trente-cinq ans et l'augmentation du nombre de postes au concours externe.

Pour les opérations de réimplantation d'administrations, depuis 1991, 31 938 emplois sont transférés et 3 008 sont en cours de transfert.

La réforme du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État passe, comme pour les autres ministères, par la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Une mission unique « direction de l'action du Gouvernement » a été instituée au ministère, avec deux programmes : « coordination du travail gouvernemental » et « fonction publique, réforme de l'État et prospective ».

La maquette proposée pose un problème de cohérence dans le sens où les deux programmes retenus correspondent à une séparation entre moyens en personnel et moyens d'intervention. Cette présentation devra sans doute être revue, car elle est contraire aux objectifs de la LOLF qui consistent à suivre une politique publique à coût complet.

Neuf objectifs sont proposés. Il vaudrait mieux en resserrer le dispositif pour le recentrer sur les priorités. Les objectifs visant à soutenir la mise en œuvre des SMR et à connaître l'emploi public et promouvoir une gestion prévisionnelle des effectifs figurent parmi ces priorités. L'objectif visant à accroître le recours à l'administration électronique est également très utile. Il faudrait aller plus loin et mesurer les économies que l'utilisation des technologies de l'information permet de générer, à qualité de service égale ou supérieure.

Le ministère pourrait également réfléchir à la définition d'indicateurs relatifs à la mobilité des fonctionnaires, à la rémunération au mérite, au processus de déconcentration ou à la simplification administrative.

Comme dans d'autres pays qui nous ont précédés, la réforme de l'État est, en France, une impérieuse nécessité. Il faut sortir de la logique quantitative consistant à toujours demander plus de crédits et plus de fonctionnaires. Les trois fonctions publiques ont connu une grosse inflation de leurs effectifs de 23 % entre 1980 et 2001, et nous avons actuellement entre 5 et 5,7 millions d'agents publics, selon la définition que l'on prend. Quelque 45 % du budget de l'État sont affectés aux rémunérations des fonctionnaires. Nous sommes quasiment en 1'« An I » de la réforme de l'État. La situation démographique actuelle de la fonction publique, avec les prochains départs massifs à la retraite, constitue une opportunité unique de redéploiement pour repenser notre administration. Environ la moitié des économies ainsi réalisées pourrait concourir à la réduction du déficit de l'État ; l'autre moitié devrait cependant être affectée à l'augmentation des rémunérations des fonctionnaires, pour rendre les carrières plus attractives.

Le projet de budget pour 2005 prévoit un solde net de 7 188 suppressions d'emplois, ce qui représente un non renouvellement de 10 % des départs en retraite.

Nous vivons actuellement une véritable situation d'« urgence démographique », avec 76 000 départs par an en moyenne sur l'ensemble de la fonction publique d'État dans les dix années à venir. Cette situation impose une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences et pose un problème général d'attractivité. Le ministre se donne pour objectif ambitieux de limiter les flux de recrutement à 40 000 par an. Je l'en félicite, mais regrette qu'il ne soit pas en mesure de fournir une estimation du nombre de fonctionnaires qui ne sont touchés ni par des mesures de GVT ni par des mesures catégorielles. C'est un problème réel de transparence.

La LOLF permet l'introduction d'une culture de la performance et de la gestion par objectif et résultat. La mise en œuvre progressive de ses dispositions en matière de plafond d'emploi est le pendant d'une nouvelle politique de ressources humaines. Je m'interroge avec la commission des finances sur la possibilité de descendre le plafond d'emploi du niveau des ministères à celui des programmes et des établissements publics.

À la demande du Premier ministre, les stratégies ministérielles de réforme doivent procéder à un réexamen critique et systématique de toutes les missions des ministères. Le Gouvernement a transmis aux commissions des finances des assemblées ces SMR, mais les ministères jouent le jeu de façon plus ou moins appliquée. Ainsi les ministères sociaux, l'outre-mer, l'éducation nationale, l'agriculture, l'écologie ont-ils un effort à fournir pour rattraper le niveau des autres ministères, comme les finances ou la défense.

Les deux exercices de la LOLF et des SMR devraient être mieux coordonnés. Les SMR doivent servir de grille de lecture des demandes de crédits budgétaires lors de la discussion budgétaire. Si une SMR conclut à l'abandon d'une mission du ministère, il faudra veiller à ce que les crédits et les personnels correspondants ne soient pas reconduits.

La génération 2005 des SMR pourrait être établie selon la structure de la LOLF, par mission, programme et action, et non plus par ministère. Les indicateurs de la LOLF pourraient être articulés avec les objectifs des SMR, en choisissant par programme les deux ou trois indicateurs de performance les plus essentiels.

La rémunération au mérite des fonctionnaires est le pendant de l'exercice de recherche de performance au niveau de chaque fonctionnaire. Je me félicite de l'expérimentation qui a débuté en juin 2004 pour certains directeurs d'administration centrale, et j'attends que le bilan en soit tiré pour son extension.

Les mesures adoptées récemment pour favoriser la mobilité sont bénéfiques au fonctionnaire, à son administration et au corps social.

Le Gouvernement devrait déposer prochainement un projet de loi d'orientation de la fonction publique. Avec la revalorisation du statut, la question centrale est la transformation des quelque 1 000 corps différents pour en faire de véritables filières professionnelles.

La réforme de l'État passe aussi par une meilleure gestion du patrimoine de l'État, comme le montre le rapport de l'inspection générale des finances sur les logements de fonction des agents de l'État. Quelque 137 000 logements de fonction gérés par les ministères ont une valeur locative de 1,4 milliard d'euros, alors que le montant total des loyers perçus ne dépasse pas les 30 millions d'euros. Malheureusement, la gestion de ce patrimoine dépend de chaque ministère et ne fait l'objet d'aucune politique systématique de valorisation.

L'« Acte II » de la décentralisation constitué par loi du 13 août dernier sera l'occasion d'une réorganisation des processus au sein de l'administration centrale comme des administrations territoriales. Sur la période 1980-2001, la fonction publique d'État avait augmenté de 15 % et la fonction publique territoriale de 38 %, et il faudra éviter de renouveler cette dérive.

En conclusion, M. Tron exprime sa conviction que tous les outils de la réforme de l'État sont maintenant disponibles. La représentation nationale exercera son contrôle pour une meilleure gestion de la fonction publique, une administration plus efficace et un meilleur service, grâce à des fonctionnaires plus motivés, et nous vous recommandons, mes chers collègues, d'adopter ces crédits qui ont été votés par la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la fonction publique.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat budgétaire sur les crédits consacrés à la fonction publique est avant tout l'occasion de faire le point sur l'état de notre administration, tant pour l'État que pour les collectivités territoriales et le secteur de la santé publique.

La question qui continue de se poser depuis bientôt trois ans, c'est de savoir quel type de fonction publique nous voulons, pour quel type de services publics.

Dans un contexte marqué par une gestion de notre économie qui a pour conséquence un incontestable appauvrissement de l'État, une augmentation significative du chômage, un transfert des charges de l'État vers les collectivités territoriales, le traitement réservé à la fonction publique est effarant.

En raison de la massification des départs en retraite, de l'évolution des modalités d'intervention de l'État et des transferts de compétences aux collectivités territoriales, la fonction publique est à une période charnière de son évolution.

Pourtant, les crédits qui nous sont soumis révèlent l'immobilisme d'un gouvernement et d'une majorité dont la politique se résume à une approche essentiellement comptable de la fonction publique. Il faut, nous dit-on, réduire le ratio des dépenses de personnel rapportées aux dépenses totales de l'État. Cette étrange mesure de la productivité des dépenses de personnels est devenue l'alpha et l'oméga de la réforme, sans souci d'évaluation de la qualité du service public, sans réflexion préalable sur les besoins de nos concitoyens et en l'absence de tout dialogue réel avec les élus, les salariés ou les syndicats.

Cette approche est sensible non seulement dans la réduction des effectifs et la pression exercée sur les rémunérations mais aussi dans la réforme annoncée du statut.

L'accélération des départs en retraite des fonctionnaires devrait pourtant inspirer au Gouvernement une politique plus volontariste. En 2012, près de la moitié des fonctionnaires de l'État présents en 2000 seront partis à la retraite. En 2005, 57 500 départs en retraite sont prévus et plus de 60 000 en 2006. Mais, depuis trois ans, aucune mesure n'a concrètement été prise pour améliorer l'attractivité de la fonction publique, ni même pour parer à l'hémorragie que connaissent désormais l'ensemble des services de l'État.

Au contraire, le Gouvernement, au nom d'un libéralisme caricatural, a délibérément choisi d'imposer à l'État un traitement proche de l'anorexie : en 2003, 1 089 postes budgétaires ont été supprimés, 4 651 en 2004, 7 188 disparaîtront en 2005.

Le Gouvernement pourra donc s'enorgueillir d'avoir contribué à la disparition de près de 13 000 emplois de fonctionnaires. Cependant, ce chiffre ne reflète pas le poids réel qui pèsera sur les services. En effet, au regard de l'évolution de l'emploi aidé, près de 20 000 emplois seront, dans les faits, supprimés en 2005.

Le climat de suspicion à l'égard des fonctionnaires que révèle cette politique devient intolérable. Coupables d'être trop nombreux pour effectuer un service public qui n'en demande pas tant, leurs effectifs doivent baisser, ils doivent travailler plus et se soumettre à la loi de la concurrence et du mérite.

D'ailleurs, les ambitions du Gouvernement s'annoncent plus inquiétantes encore. Dans sa lettre de cadrage du printemps dernier, le Premier ministre a rappelé l'objectif fixé lors de son premier discours de politique générale de supprimer un poste sur deux laissés vacants par les départs à la retraite, ce qui aurait dû conduire à la disparition de 30 000 postes l'an prochain. Vous-même, monsieur le ministre, avez fixé comme objectif une réduction de 40 000 postes par an à moyen terme.

J'estime inquiétante cette politique de la hache qui taille dans les administrations, sans pour autant que soit menée au préalable une évaluation des besoins auxquels le service public de demain devra répondre, et qui se caractérise par une absence totale de concertation, de lisibilité et de cohérence.

En effet, à ce jour, les non-renouvellements de postes n'ont donné lieu à aucune concertation avec les organisations syndicales. Aucun débat parlementaire n'a été organisé à ce sujet, pourtant fondamental puisqu'il en va de l'avenir du service public.

Dès lors, quel est le sens de la création, au ministère de l'équipement, de 1 000 emplois quand elle s'accompagne de la suppression corrélative au ministère de l'éducation nationale de 3 186 emplois ? Quelle est la contrepartie ou le bénéfice attendu de la disparition de 2 100 postes au ministère de l'économie et des finances ? Quel sera l'impact des restrictions de personnels aux ministères des affaires sociales, de la culture et des affaires étrangères ? Ces mesures ne s'inspirent pas d'une réforme planifiée et raisonnable et lèsent ainsi l'ensemble des usagers.

En omettant de fixer de grandes orientations à la réforme de la fonction publique, comme à la réforme de l'État, c'est l'avenir même du service public que le Gouvernement hypothèque.

Un véritable débat d'orientation sur le devenir de la fonction publique et de son statut est donc plus que jamais nécessaire. Confronté aux nouveaux besoins sociaux et aux transferts de personnels prévus dans la loi du 13 août 2004, le statut de la fonction publique doit en effet être adapté. Je demande donc aujourd'hui au Gouvernement, comme je l'ai fait l'année dernière, de déposer dans les jours à venir un projet de loi d'orientation sur l'évolution de la fonction publique.

A ce jour, monsieur le ministre, vous avez écarté l'idée d'une grande loi et vous vous êtes contenté d'annoncer, le 4 novembre dernier, lors de l'assemblée générale de l'association des administrateurs territoriaux français, une loi concernant essentiellement la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, l'attractivité de la fonction publique devrait être le chantier prioritaire de tout ministre de la fonction publique ; or tel n'est pas le cas.

À ce jour, le Gouvernement s'est montré incapable de mener une politique salariale globale. Pire, la rémunération des fonctionnaires a connu une véritable dévaluation de son pouvoir d'achat. Dès lors, comment inciter à rejoindre la fonction publique ?

Car, cette année encore, aucune revalorisation n'est prévue. Le chapitre concernant les mesures générales intéressant les agents du secteur public ne sera pas doté en 2005. Par conséquent, en deux années, les fonctionnaires ne verraient leur traitement revalorisé qu'à une seule reprise, et de 0,5 % ! Je pense que même dans le secteur privé, dont vous prétendez vous inspirer, de telles pratiques n'ont pas cours. Le Gouvernement préfère multiplier les mesures indemnitaires catégorielles. Cette politique incohérente crée de très fortes distorsions entre les fonctionnaires, ainsi que l'a d'ailleurs souligné la Cour des comptes, et viole le principe d'égalité au sein de la fonction publique alors que, plus qu'ailleurs, il doit y être la règle.

Le traitement des fonctionnaires est d'autant plus affaibli que la réforme des retraites, instaurée par la loi du 21 août 2003, les incite à des cotisations supplémentaires afin de pallier la baisse annoncée du niveau de leurs retraites.

Enfin, la rémunération au mérite, annoncée avec force publicité à l'automne 2003, semble déjà un gadget à ranger au rayon des effets d'annonce du Gouvernement.

Le problème essentiel du recrutement n'est toujours pas réglé. Là encore, le défaut d'orientation globale sur l'avenir de la fonction publique se fait cruellement sentir.

Ainsi, le nombre de postes ouverts au concours interne est en baisse. Cette perspective d'évolution est pourtant une mesure fondamentale d'enrichissement de la fonction publique. Elle est également un élément de motivation des fonctionnaires et une mesure de justice sociale.

Le projet de PACTE - parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'État - « junior et senior » ne sera pas une réponse aux problèmes de recrutement de la fonction publique. Pour le moment, ce mécanisme est d'ailleurs trop flou pour se poser en solution concrète.

Enfin, je ne peux pas ne pas attirer l'attention de l'Assemblée nationale sur la baisse des crédits consacrés, d'une part, à l'action sociale en faveur des fonctionnaires et, d'autre part, au fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

En effet, les crédits consacrés à l'action sociale interministérielle diminueront, indépendamment de la prise en charge du service de la prestation crèche par la Caisse d'allocations familiales, de 10,8 millions d'euros.

Ces réductions remettent en cause la cohésion même de la fonction publique d'État. Faut-il donc que l'État devienne un des plus mauvais employeurs de France ? Cette incapacité gouvernementale à mener la fonction publique sur le chemin de la modernisation se retrouve lorsqu'il est question de réformer l'État. Là encore - et les crédits consacrés à la réforme de l'État sont révélateurs - l'obsession de la coupe claire domine, sans concertation et dans la plus parfaite opacité.

Alors que la réforme de l'État a été largement relancée par le Parlement lors de la précédente législature, le gouvernement actuel rechigne à associer les parlementaires à toute réflexion. La réforme de l'État n'est donc plus l'affaire du Parlement.

On assiste en effet à une prolifération des mesures prises par ordonnance, et donc soustraites au débat démocratique. Ainsi les administrations profitent-elles parfois des «lois habilitant le Gouvernement à prendre diverses dispositions d'ordre législatif» pour pousser des projets qu'il n'avait jamais eu l'occasion de présenter, voire pour imposer, contre la volonté du Parlement, des mesures que ce dernier avait pourtant rejetées dans un passé encore récent.

L'ensemble de cette démarche pourrait donc être qualifié de simple exercice de style si son but final n'était pas une réduction pure et simple du périmètre de l'État motivée par le seul souci de diminuer les charges budgétaires - l'objectif affiché étant d'économiser 1,5 milliard d'euros par an -, mais, là encore, sans réflexion préalable globale sur les missions du service public.

Plus que jamais, il est donc urgent de dénoncer une politique dont l'ambition est de réduire l'État, et non de le réformer, et qui, de manière dogmatique, détourne la fonction publique du service public en procédant à son démembrement systématique.

Vous comprendrez qu'une telle analyse m'a conduit à proposer à la commission des lois de rejeter votre budget. Malheureusement, la majorité ne m'a pas suivi et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous présente le dernier rapport spécial sur les crédits du SGDN, non pas parce que cette institution elle-même serait appelée à disparaître ; bien au contraire, son action s'élargit et s'intensifie. Mais la section budgétaire « SGDN », bien identifiée, va disparaître du fait de la mise en œuvre de la LOLF. Ces crédits figureront au sein de l'action «Coordination du travail gouvernemental» du programme « Direction de l'action du Gouvernement ».

Le projet de budget du SGDN pour 2005 s'élève à 56,67 millions d'euros, contre 50,2 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2004, soit une progression apparente de ses dotations de 12,9 %. Cependant, à périmètre constant, le budget ne progresse que de 5,1 %. En effet, le projet de loi de finances propose, conformément à la loi organique du 1er août 2001, le transfert de trente-six emplois au budget du SGDN et de quarante-trois emplois au budget de l'Institut des hautes études de la défense nationale.

Le SGDN connaît enfin un élargissement sensible de son champ d'action vers les enjeux de sécurité nationale, au sens le plus large. Cette évolution s'est manifestée en premier lieu par une forte mobilisation autour des fonctions de suivi des crises, nationales comme internationales. Une cellule de veille et d'alerte, fonctionnant sept jours sur sept, avec l'aide de réservistes, a été créée en septembre 2003. En outre, un Haut responsable pour l'intelligence économique, nommé conformément au vœu que j'avais exprimé dans un rapport à l'attention du Premier ministre, a été nommé par décret du Président de la République du 22 décembre 2003.

En raison du caractère interministériel de la politique d'intelligence économique, ce Haut responsable a été placé auprès du SGDN. Ce positionnement doit être considéré comme une étape insuffisante et pour partie inadéquate. Compte tenu de la complexité et de la transversalité des enjeux - énergie, réseaux, aéronautique civile, etc. -, j'estime que cette fonction ressortit plutôt, comme c'est d'ailleurs le cas dans la plupart des États occidentaux, à une structure interministérielle à caractère politico-administratif.

J'observe également que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a créé récemment une délégation générale de l'intelligence économique, confiée à un inspecteur général des finances.

Cette excellente initiative, qui permet d'élever le niveau de traitement de la politique publique d'intelligence économique, devrait être transposée dans les autres ministères, en particulier dans les ministères dits de souveraineté, à l'instar de l'intérieur, des affaires étrangères, de la défense, mais aussi de la recherche, de l'agriculture et de la culture.

Le projet de loi de finances propose la création d'un nouvel article au chapitre 57-03, intitulé « intelligence économique », qui serait doté de 250 000 euros en autorisations de programme - c'est très modeste, mais c'est une politique publique qui ne coûte pas d'argent - et de 125 000 euros en crédits de paiement. Ces crédits permettront au Haut responsable de financer des études touchant à son domaine d'activité. Il pourra également bénéficier des possibilités offertes par la création du titre VI au budget du SGDN.

Parmi les priorités de la politique d'intelligence économique figure la nécessité d'asseoir sa dimension territoriale sur les PME et les PMI. Les préfets de région, avec le concours d'un comité régional pour l'intelligence économique, seront avec les collectivités locales - et au premier chef les exécutifs régionaux - au cœur de cette action coordonnée.

Une expérimentation est actuellement menée dans neuf régions, conformément aux préconisations que j'avais adressées au Premier ministre. Elle devrait, selon l'engagement que le ministre de l'intérieur m'a lui-même confirmé, être élargie à tout le territoire national en 2005.

En outre, des fonds privés d'investissement sont en cours de constitution, avec l'encouragement de l'État, malgré quelques réserves du ministère de la défense, pour aider les PME des secteurs « stratégiques » à développer des technologies performantes.

L'innovation technologique est, en effet, largement favorisée par la vigueur du tissu des PME innovantes. Mais le saupoudrage des crédits, aussi bien publics que privés, constitue, malheureusement, aujourd'hui la règle. L'État et les acteurs économiques doivent donc concentrer leur attention sur quelques PME, en pointe sur des technologies dont la maîtrise relève de la protection de la souveraineté.

Comme je le soulignais en juin dernier dans le rapport que j'ai rédigé pour la commission des finances, la prise en compte par l'État d'une définition large de la sécurité nationale - qui inclut la sécurité économique nationale - doit résulter d'une impulsion politique forte, donnée par un conseil de sécurité économique placé auprès du chef de l'État - ou inclus dans le conseil de sécurité intérieur - et s'appuyant sur une structure permettant la déclinaison des orientations et la mutualisation des ressources publiques.

Un fonds d'investissement à capitaux mixtes public-privé en constituerait l'outil opérationnel. Je plaide donc pour la création d'un Commissariat aux technologies de l'information, de la communication et de la sécurité, qui ressemblerait davantage à une mutualisation de crédits publics et privés qu'à une institution et qui s'inspirerait du CEA créé par le général de Gaulle en 1945 et dont l'impulsion politique est la mobilisation des équipes de chercheurs.

J'en viens à une autre grande mission du SGDN : la sécurité des systèmes d'information de l'administration et des services publics, qui relève de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, la DCSSI.

Le développement de la société de l'information s'accompagne d'un accroissement tangible des menaces contre lesquelles les États sont le plus souvent désarmés, et les parades entre les mains d'acteurs privés.

Je tiens, une fois de plus, à insister sur l'utilité de la fonction d'audit de cette direction. Cette cellule est composée de six ingénieurs, recrutés parmi les meilleurs spécialistes informatiques. Son effectif sera porté à huit personnes en 2005, ce qui reste dérisoire au regard de la tâche qui incombe à cette cellule, compétente pour l'ensemble des systèmes d'information de l'État !

Par ailleurs, je me félicite de la création d'un « centre opérationnel de la sécurité des systèmes d'information », le COSSI, qui est chargé d'assurer une veille et une alerte en matière d'attaques informatiques sur les réseaux de l'État.

Par une lettre du 4 avril 2003, le directeur de cabinet du Premier ministre attirait l'attention des directeurs de cabinet de l'ensemble des ministres sur cet enjeu. Cette démarche s'inscrit dans le prolongement des préconisations que je formulais dans mon rapport au Premier ministre, consistant à créer une mission interministérielle d'expertise technique et industrielle des systèmes d'information des administrations publiques dont le SGDN assurerait l'exécution. Je tiens à souligner que la sécurité des systèmes d'information doit être une priorité absolue pour l'État. À l'échelle communautaire, l'Union européenne - qui, pourtant, n'est pas le cœur de la réflexion en matière de sécurité - s'est dotée, en mars 2004, d'une agence européenne pour la sécurité des réseaux et de l'information.

En ce qui concerne la prévention des crises et l'élévation du niveau de sécurité de la population sur le territoire national, la direction de la protection et de la sécurité de l'État - qui sera dotée de cinq postes supplémentaires en 2005 - assure la veille opérationnelle dans ses domaines de compétence et anime les travaux interministériels relatifs aux équipements et aux moyens de lutte contre le terrorisme nucléaire, radiologique, biologique et chimique et ceux relatifs à la prévention et au traitement d'attaques informatiques majeures sur les infrastructures vitales. Avec la création du comité interministériel aux crises nucléaires et radiologiques, par décret du 8 septembre 2003, le SGDN, qui en assure le secrétariat, est désormais chargé également de la mise en cohérence des mesures planifiées en cas d'accidents ou d'attentats et de veiller à la planification d'exercices dans ces domaines.

L'IHEDN, placé sous la tutelle du SGDN, doit résolument s'internationaliser, sans frilosité, en renforçant ses liens avec les instituts étrangers. Les perspectives de création du futur collège européen de sécurité et de défense, auquel l'IHEDN sera appelé, le moment venu, à contribuer - je souhaite même qu'il en devienne le pivot - illustre la nécessité de l'ouvrir plus encore sur l'étranger, dans un contexte de mondialisation croissante des questions de défense et de sécurité. Cette démarche est déjà engagée : des contacts ont été institués avec les instituts étrangers, des sessions internationales sont organisées, des intervenants étrangers sont invités et des auditeurs étrangers participent aux sessions nationales et régionales.

Bien évidemment, une ouverture internationale croissante de l'Institut représente un surcoût. C'est pourquoi j'ai proposé l'an dernier à cette même tribune qu'une fondation soit mise en place afin de drainer des financements permettant d'assurer ce développement opportun.

Je me félicite que toutes ces propositions aient fait l'objet d'une réflexion de la part du SGDN, même si elle est encore modeste.

Je vous invite, mes chers collègues, à adopter, à l'instar de la commission des finances, le budget du SGDN pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le savez, le budget des services du Premier ministre recouvre cinq fascicules distincts dont le seul point commun est de bénéficier de crédits relevant de l'autorité du Premier ministre : les Services généraux du Premier ministre, le Conseil économique et social, le Plan, le budget annexe des Journaux officiels et le compte de commerce de la Documentation française.

Les Services généraux du Premier ministre représentent près de 90 % de l'ensemble des crédits que je suis chargé de rapporter. Les crédits demandés pour 2005 s'élèvent à 829,8 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 326,9 millions d'euros, qui s'explique pour l'essentiel par le transfert sur le budget des charges communes des crédits d'exonération de la redevance audiovisuelle.

Je tiens à signaler avant tout l'existence d'une pléthore de structures rattachées au Premier ministre.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Très bien !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. On observe en effet, à coté des services administratifs et sans compter les instances concernant spécifiquement la fonction publique et la réforme de l'État, une nébuleuse d'organismes rattachés, qui devraient faire l'objet d'un réexamen systématique pour assurer une cohérence à l'ensemble des actions.

La commission des finances a d'ailleurs décidé, sur ma proposition, de supprimer les 150 000 euros de crédits destinés au Conseil d'analyse de la société créé en juillet 2004, car elle est opposée à la création d'un nouvel organisme supplémentaire dont l'utilité ne lui a pas semblé évidente.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Tout à fait !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Ce rôle devrait plutôt être assumé par le Plan. Au lieu d'ajouter encore, il faut donner plus de cohérence à l'existant.

Dans ce budget des Services généraux du Premier ministre, les crédits alloués à l'administration générale et aux autorités administratives indépendantes représentent 425,8 millions d'euros, soit une augmentation de 55,8 millions d'euros par rapport à 2004.

Les dépenses ordinaires concernant l'administration générale augmentent de 17 %, du fait de l'abondement des crédits d'indemnisation des victimes des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation et des actes de barbarie commis pendant la Seconde Guerre mondiale, au titre du décret du 27 juillet 2004.

Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre du programme «Administration électronique 2004-2007 » - ou ADELE -, des transferts de crédits et d'emplois en provenance de différents ministères sont réalisés au bénéfice de l'Agence pour le développement de l'administration électronique, à hauteur de 13,8 millions d'euros de crédits de fonctionnement supplémentaires.

Quant aux crédits destinés aux autorités administratives indépendantes, notamment au Médiateur de la République, ils diminuent de 1,4 % grâce à des ajustements et à des efforts de gestion. La démarche du Médiateur de la République, qui estime que le traitement de la réclamation d'un citoyen par la médiature ne doit plus être soumis à la saisine préalable par un parlementaire, propose un progrès de la démocratie directe qui mettrait enfin la France à l'unisson de la plupart des autres démocraties.

Dans le prochain projet de loi de finances initiale, avec l'entrée en vigueur de la LOLF, l'ensemble de ces crédits relèvera du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement ». Le Gouvernement a suivi en partie les propositions de la commission des finances quant à la maquette, mais il subsiste encore des problèmes de cohérence interne entre les deux programmes finalement retenus.

En effet, les programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Fonction publique, réforme de l'État et prospective » recoupent assez largement les agrégats budgétaires actuels, ce qui aboutit de fait à une séparation entre, respectivement, crédits de fonctionnement et crédits d'intervention. Cette logique de moyens devra être revue car, contrairement aux objectifs de la LOLF, elle ne permettra pas de connaître le coût complet d'une politique publique déterminée. Elle ne permet pas non plus de disposer d'indicateurs de performance pertinents. C'est pourquoi la commission des finances souhaite que les moyens administratifs de soutien du programme « Fonction publique, réforme de l'État et prospective » soient rattachés à ce programme.

Par ailleurs, en tant que véritable politique publique ayant du sens pour nos concitoyens et une réelle portée politique, l'identification d'un programme consacré aux relations avec les citoyens serait plus pertinente et éviterait de « noyer » les moyens correspondants dans un programme « Coordination du travail gouvernemental » encore plus vaste. L'autonomie du Médiateur, qui jouerait un rôle central au sein de ce programme, serait préservée par l'intermédiaire d'une action, d'une conférence budgétaire et d'une évaluation spécifiques. Cette institution cohabiterait, comme dans le programme « Coordination du travail gouvernemental », avec d'autres services administratifs et d'autres instances indépendantes.

Pour conclure sur la nomenclature budgétaire, j'estime que la logique de mutualisation des moyens, favorable à l'exécutif car elle favorise la gestion courante par la fongibilité des crédits, ne doit pas remettre en cause la pertinence de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement, qui a accepté, avec la LOLF, une diminution de ses prérogatives au regard du principe de spécialité des crédits. L'équilibre n'est pas encore atteint en ce qui concerne les services du Premier ministre.

J'en viens aux crédits demandés pour le Conseil économique et social, qui s'élèvent à 32,9 millions d'euros, soit une augmentation de 0,46 %. Malgré mon attachement à cette institution qui permet d'associer les forces vives de la nation à l'élaboration de la politique économique et sociale du Gouvernement, je regrette que, dans la future nomenclature budgétaire, le Conseil demeure une mission mono-programme, en dépit des demandes répétées de notre commission au Gouvernement à cet égard. Une mission ne saurait comporter un seul programme, encore moins une seule action. Si cette orientation mono-programme était maintenue, la mission devrait être découpée en deux ou trois programmes au moins, quels que soient les montants financiers en jeu.

Le projet de budget du Commissariat général au Plan et des organismes rattachés s'élève à 18,5 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 6,2 millions d'euros, en raison essentiellement du transfert vers d'autres sections budgétaires du CREDOC, du CEPREMAP et de l'OFCE.

Sans répéter les développements que j'ai consacrés dans mon rapport de l'an dernier à l'avenir de cette institution, j'observe à nouveau qu'aucune suite n'a encore été donnée aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle de notre commission des finances sur les organismes publics d'évaluation et de prospective économique et sociale, qui préconisait en mai 2003 la création d'une instance indépendante d'évaluation des politiques publiques.

À l'heure où le Plan ne fait plus d'évaluation, sur quels fondements, analyses ou états des lieux peuvent bien se baser ses travaux sur la « prospective de l'État stratège » ? Cette manière de procéder ne peut conduire qu'à des dérives.

Enfin, il est étonnant de voir inscrits dans ce budget des crédits d'évaluation à hauteur de 1,1 million d'euros alors que l'action d'évaluation, notamment des contrats de plan État-régions, n'est plus assurée. Cela est d'autant plus regrettable que le taux de réalisation de ces contrats de plan est particulièrement faible.

Il serait donc bien venu de mettre désormais en conformité la situation budgétaire de l'institution avec la réalité de son travail. Tel est l'objet d'un autre amendement que la commission des finances a adopté à mon initiative. Ce sera l'occasion pour vous, messieurs les ministres, de nous annoncer enfin à quelle instance le Premier ministre souhaite confier la mission d'évaluation des politiques publiques et quel rôle il entend conférer à la DATAR en la matière.

Dans ce contexte général, l'avenir du Plan demeure donc plus qu'incertain et il est grand temps que le Premier ministre décide de la recomposition de l'ensemble du dispositif français d'évaluation et de prospective. Il ne semble pas, hélas, que l'opportunité offerte par la construction de la nouvelle nomenclature budgétaire ait été saisie. Il n'est nullement rationnel que l'action prospective ne soit pas rattachée au programme « Coordination du travail gouvernemental » et que le Plan reste séparé du Conseil d'analyse économique.

J'en viens maintenant à la situation des Journaux officiels, dont le mode d'édition et de diffusion connaît une profonde mutation. Le projet de budget annexe des Journaux officiels pour 2005 s'élève pour les services votés à 158,7 millions d'euros, en diminution de 11,2 millions d'euros par rapport à 2004 et de 6,7 millions d'euros en autorisations de programmes.

La poursuite de la dématérialisation électronique des principales publications des Journaux officiels a des conséquences importantes sur le budget annexe, compte tenu de l'accélération de la baisse concomitante des travaux d'impression sur support papier au profit d'Internet et de celle de la saisie à la source des données.

Elle pose également des problèmes certains d'accès au droit, avec la disparition d'un nombre important de textes du Journal Officiel Lois et décrets en version papier, comme les nominations ou la régulation budgétaire, sans oublier ses répercussions sur le fonctionnement des services et de l'imprimerie.

Je me suis rendu au siège des Journaux officiels, où j'ai rencontré une direction responsable, bien évidemment désireuse de tirer profit de la dématérialisation des éditions, mais pas en mesure de dresser des perspectives pour l'organisation future des JO, une société de production - la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels, la SACI-JO - soucieuse de s'adapter aux nouvelles technologies et des salariés motivés, prêts à s'engager à nouveau pour garantir l'excellence de leur institution mais très inquiets pour leur avenir.

Les Journaux officiels éditent plus de quarante éditions périodiques et les nouvelles technologies de la communication et de l'information ont induit une évolution considérable de leurs modes de diffusion. On ne peut que se réjouir que, depuis le 2 juin 2004, la diffusion du Journal officiel électronique soit authentifiée, ce qui élargit la portée auprès du public des textes législatifs et réglementaires. Parallèlement à cette diffusion électronique, le volume de l'édition papier diminue, réduisant d'autant l'activité d'impression.

Enfin, la saisie à la source du JO des débats parlementaires en améliore les délais de publication et a permis de mettre fin à l'utilisation du dernier tube pneumatique qui fonctionnait encore en France. Cette suppression, qui représente certes une forme de coupure du cordon ombilical qui reliait les assemblées parlementaires aux JO, se traduit aussi pour le Parlement par une économie de 80 000 euros de frais annuels, et je tiens à en féliciter en particulier les services de notre assemblée, moteurs en cette affaire.

Tout cela n'est pas sans incidence sur le travail des salariés des Journaux officiels et sur leur avenir. Je souhaite donc que l'État s'engage rapidement pour donner des perspectives d'avenir à ces personnels, en leur confiant des travaux relevant de leur mission de service public - par exemple des publications des différents ministères et de la Documentation française. J'observe qu'à cet égard aucune perspective de rapprochement entre les deux institutions n'a encore été tracée, alors qu'une mission d'étude a été lancée par le Premier ministre depuis le mois de février dernier. Où en est-on ?

La direction des Journaux officiels et ses salariés doivent être confortés dans leur mission de service public qui consiste à assurer à tous nos concitoyens un accès égal au droit et au plus haut niveau de qualité qu'exige la norme juridique de référence. Un engagement ferme doit donc être pris par le Premier ministre de garantir l'avenir de cette institution plus que centenaire.

Telles sont, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les remarques et les questions que je souhaitais vous faire partager. Contrairement à mon avis, la commission de finances a cependant adopté les crédits des Services généraux du Premier ministre, du Conseil économique et social, des Journaux officiels et du Plan.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Elle a aussi adopté vos amendements !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le Plan.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le Plan. Monsieur le président, qui êtes, je le sais, très sensible aux questions relatives au Plan, auquel vous vous êtes intéressé lorsque vous étiez au Gouvernement, messieurs les ministres, mes chers collègues, en commentant le projet de loi de finances pour 2004, j'avais déjà le regret de vous dire que les crédits du Plan traduisaient la renonciation du Gouvernement à une vraie politique de planification. Le budget du Plan pour 2005 confirme cette tendance.

Il m'inspire trois commentaires. D'abord, c'est un budget d'abandon. Ensuite, le contexte économique ne justifie pas cet abandon - bien au contraire ! Enfin, il y a une alternative à l'abandon du Plan : la rénovation de la planification.

Budget d'abandon : ce budget du Plan pour 2005 en est un, car ses crédits baissent de 25 % et son réseau scientifique est en partie démantelé - trois des centres de recherche qui travaillent avec le Plan étant, comme je l'indique en détail dans mon rapport, transférés à d'autres budgets.

Vous me direz, monsieur le ministre, que cette mesure de périmètre est purement technique, qu'elle n'empêchera pas ces centres de fonctionner. Je vous réponds que non parce que la pluridisciplinarité et la confrontation des points de vue font que, dans ce réseau, le tout vaut plus que la somme des parties.

Globalement, d'ailleurs, les crédits baissent de 25,16 %. À 18,48 millions d'euros, ils perdent 6,21 millions d'euros, répartis sur toutes les lignes budgétaires ou presque.

La baisse touche les moyens de fonctionnement : moins 5 % pour les crédits,...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Très bien !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le Plan. ...moins 3 % pour les effectifs.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Très bien !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le Plan. Je note au passage, comme l'an dernier, que la gestion du personnel laisse à désirer : elle privilégie l'emploi de contractuels au détriment des titulaires,...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Très bien !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le Plan. ...ce qui manque de transparence, nuit à la culture propre du Plan et me semble contraire à la loi du 3 janvier 2001, relative à la résorption de l'emploi public précaire.

En ce qui concerne les crédits d'intervention, ils sont, eux aussi, en baisse, et de 65 % ! On ne manquera pas de me dire : mesure de périmètre. Et ce sera inexact : même à périmètre constant, ces crédits baissent de 8 % !

Il en va de même des crédits de subvention : ils devraient permettre au Plan de collaborer ponctuellement avec des universitaires ou des chercheurs étrangers, s'ils n'étaient pas en baisse de 29 % en autorisations de programme et de 17,2 % en crédits de paiement.

Pour justifier les baisses continues de ces crédits, au fil des projets de lois de finances, le Gouvernement invoque deux arguments.

Le premier, c'est que ces baisses de crédits inciteraient le Plan à rationaliser sa gestion courante. Cet argument rituel est désormais trompeur : après des années de coupes budgétaires successives, il n'y a plus de marges d'économies au Plan !

Le second, c'est la nécessité du recentrage du Plan sur la « prospective de l'État stratège ». Je ne commenterai pas la profondeur, que je qualifierai de sibylline, de ce concept. Je me contente de noter que la prospective n'est crédible que si elle s'adosse sur des travaux de recherche pertinents, et donc bien financés.

Des crédits en baisse, une gestion intérimaire du personnel, un réseau démantelé : voilà ce que j'appelle un budget d'abandon.

Cet abandon est regrettable, parce que les mutations rapides de nos économies mondialisées rendent plus nécessaire que jamais un effort de prévision et d'anticipation, c'est-à-dire de planification.

En effet, la politique économique a aujourd'hui tendance à subir les crises, non à les prévenir. Je citerai deux exemples.

S'agissant des restructurations industrielles, la politique économique les traite au cas par cas, une fois que la crise est avérée. C'est la logique des contrats de site, des contrats de territoire. L'État intervient alors « en pompier » quand il y a un problème.

Quant au plan fret de la SNCF, qui prétend sauver notre fret, il s'analyse surtout comme une restructuration dans la précipitation : pour solvabiliser ce qu'il reste du fret, on en sacrifie les axes secondaires, ceux-là mêmes qui nous éviteraient, à moyen terme, de congestionner nos grands axes.

Dans ces deux cas, la politique économique a renoncé à la détection, à l'anticipation, à la concertation, à la prévention. C'est l'abandon de quatre concepts clefs, donc d'une politique de planification industrielle à la française.

Au vu de ces enjeux, le Gouvernement n'utilise pas le Plan comme il le pourrait. C'est un fait : le Plan de Monnet et de De Gaulle était l'inspirateur des grandes politiques structurelles d'État. À quoi servent aujourd'hui ses études prospectives, certes fort intéressantes, mais cantonnées à un rôle incantatoire ? Le Plan n'intervient plus en amont de l'action de l'État ; et en aval non plus : le budget 2005 du Plan achève l'abandon de l'évaluation des politiques publiques, réduisant ses crédits au minimum nécessaire à l'expédition des affaires courantes et à l'évaluation des contrats de plan État-région.

Le sort fait au Plan me semble révéler toute la réalité du discours de la « bonne gouvernance ». Dans ce discours, tout est évaluation, programmation, concertation, mais, au lieu de saisir le Plan de cette mission de bonne gouvernance, dont il est l'instrument naturel, le Gouvernement se contente de pétitions de principe plus incantatoires qu'opérationnelles.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Vos propos sont très injustes !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le Plan. Pour résumer, je ne peux me placer sous de meilleurs auspices que ceux du Président de la République, qui nous disait, en 1996 : « Dans un univers bouleversé par la mondialisation et la montée de l'exclusion, l'existence de lieux de concertation et d'évaluation des choix publics est indispensable. Le Plan doit être un de ces lieux privilégiés. »

Il existe donc une alternative à l'abandon du Plan : la mise en œuvre d'une planification rénovée. Mon rapport contient un certain nombre de propositions en ce sens.

A cet égard, j'ai trouvé l'examen du budget en commission particulièrement intéressant. Bien entendu, le fait majoritaire a joué et la majorité a soutenu son gouvernement. Mais j'ai l'impression - largement partagée -, qu'elle ne l'a pas fait sans regret. M. Patrick Ollier, président de commission des affaires économiques et mon prédécesseur dans ces fonctions de rapporteur budgétaire, l'ont bien relevé : il y a un consensus, au-delà des fractures partisanes, sur la nécessité de donner un sens à l'action de l'État et d'en passer par le Plan.

Certes, la planification doit évoluer, et le Plan quinquennal, « l'ardente obligation » de la Libération, n'est plus de mise. Je le reconnais volontiers. Bien sûr, les contrats de Plan État-région, les plans sectoriels, ce qu'il reste des schémas de services collectifs, tout cela, c'est déjà de la planification.

Mais je relève que ce système de planification diffuse présente deux défauts. D'une part, il peut manquer de cohérence : les plans divers peuvent se contredire, comme c'est le cas du schéma de services collectifs des transports et du plan de développement des transports à l'horizon 2025. D'autre part, il peut aussi manquer de lisibilité : le sens que l'État entend donner à son action n'est pas toujours clair.

C'est pourquoi je propose de remettre le Commissariat général du Plan au cœur de l'élaboration de toutes les politiques planifiées, pour assurer leur cohérence, pour qu'elles puissent s'enrichir des réflexions prospectives du Plan et pour que le sens de l'action de l'État s'y lise plus clairement.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que je conclue en disant que ce budget d'abandon ne me paraît pas mériter d'être adopté par notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en venons à la discussion.

La parole est M. François Asensi.

M. François Asensi. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, dans le budget 2005, s'il est question de priorité donnée à la réduction des déficits, il semble bien qu'il faille également entendre par là la réduction des effectifs.

Lorsqu'on s'attarde sur les termes utilisés dans le projet de loi de finances 2005 en ce qui concerne les effectifs de la fonction publique, on ne peut être que surpris, voire choqué, comme c'est mon cas, par leur teneur. Le Gouvernement gère-t-il une entreprise à la mode libérale, ou un État, une puissance publique, donc nécessairement un agent économique différent des autres ? C'est à se le demander.

Il y est tout d'abord question de « la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux » ; une règle sacro-sainte, érigée comme un modèle de politique si arbitraire et si systématique qu'il en devient tout à fait dogmatique. Je lis ensuite « économie importante », mise en parallèle avec « 600 suppressions de postes », puis « rémunération au mérite », ou encore « rémunération à la performance ».

Pour la troisième année consécutive, le Gouvernement va diminuer le nombre des fonctionnaires. Mieux, si je puis dire : ce mouvement s'accélère. Les effectifs globaux seront grevés par la suppression nette de 4 460 postes, dont 800 postes administratifs, et 5 510 postes d'enseignements du secondaire. Je note bien que 1 000 emplois de professeurs des écoles et 800 postes d'assistants d'éducation seront créés, mais, en chiffres nets, le nombre de postes supprimés l'an prochain atteindra 7 188.

Que dire de la rémunération des salariés de la fonction publique ? J'hésite à utiliser le terme de « fonctionnaire », que votre discours politique a tellement dévalorisé, l'assimilant à un privilège, qui plus est immérité, alors que ce terme devrait être associé à la noble notion de service public.

Seule une augmentation de 0,5 % des salaires des cinq millions de fonctionnaires des trois fonctions publiques a été accordée pour 2004, après une année blanche en 2003, c'est-à-dire sans revalorisations. Tous les syndicats de la fonction publique s'entendent aujourd'hui pour estimer à 5 % la perte de pouvoir d'achat depuis janvier 2000. Le Gouvernement estime le contraire puisqu'il établit une moyenne à partir des primes et des avancements personnels de certains. Mais, à aucun moment, il ne prend en compte la valeur du point indiciaire. Or, que représente une moyenne pour des hommes et des femmes pris dans leur individualité ? Et faut-il rappeler ici que les primes ne sont pas prises en compte pour le calcul de la retraite ? Ce système de primes, j'y reviendrai plus tard au cours du débat, est profondément inégalitaire et crée entre les collectivités locales des concurrences qui n'ont pas lieu d'être.

Que faut-il penser aussi du chantage que vous faites, monsieur le ministre, en indiquant aux syndicats qu'il ne saurait y avoir de hausse des salaires sans effort parallèle de l'administration pour se moderniser ? Par modernisation, faut-il entendre un meilleur service aux usagers ou toujours moins de service public et de fonctionnaires ?

Que dire aussi de la rémunération à la performance, si ce n'est qu'elle peut conduire aux pires excès, entre autres aux manipulations des statistiques ?

Le Gouvernement ne manquera de faire miroiter tous les bienfaits de l'actionnariat salarié aux salariés des entreprises publiques soumises à une ouverture de capital. Il n'est pas question d'en douter puisque M. Raffarin a repris ce même thème pour l'étendre au secteur privé. Cette « cinquième réforme », comme l'appelle le Premier ministre, sera liée notamment à tout ce qui est participation, intéressement, pouvoir d'achat. Il estime très important de récompenser ceux qui travaillent. Je suis d'accord avec lui sur ce point, mais il précise que cette récompense doit se traduire « notamment par un accès plus important au capital des PME, à la participation dans les PME ». Faut-il rappeler ici les affres de l'actionnariat salarié ? Les salariés de France Télécom qui avaient eu la naïveté d'y croire ont vu leur portefeuille moyen être divisé par dix. Il est passé en deux ans de 24 472 euros à 2 237 euros. Sur la même période, le portefeuille moyen des salariés actionnaires a été divisé par deux en deux ans.

Venons-en maintenant à l'Éducation nationale. Permettez-moi de citer M. Fillon : « Ce gouvernement a fait le choix de fixer le nombre d'enseignants en tenant compte de la démographie. [...] Il s'agit d'un choix raisonnable qui permet d'adapter l'école aux besoins de la société. » Le rôle du Gouvernement et du ministre de l'éducation nationale est-il d'adapter l'école aux besoins de la société sans tenir compte des inégalités qui se creusent dans ce pays ? Tous les clignotants sociaux sont alarmants : la presse, les associations caritatives en ont témoigné ces derniers temps. Tout le monde s'inquiète aujourd'hui de la recrudescence des actes de violence dans les établissements scolaires, et le Gouvernement ne trouve rien de mieux que de vouloir y faire entrer la police nationale, alors que la place de celle-ci est sur le terrain, aux côtés des citoyens. Et, dans le même temps, le Gouvernement supprime les emplois-jeunes, c'est-à-dire la présence d'adultes dans les établissements scolaires.

Comme pour les entreprises de taille conséquente, la réduction d'effectifs s'accompagne d'une cession d'actifs, laquelle sert à renflouer les caisses. Ainsi, la réduction du déficit, cette année, sera facilitée par le versement exceptionnel de 7 milliards d'euros par EDF au titre de la prise en charge par l'État du régime de retraite de ses agents. L'année dernière, c'était Air France qui était privatisé ; l'année prochaine, ce sera au tour des Aéroports de Paris.

La fuite en avant continue, tout comme la politique du court terme au détriment de la continuité de l'État. Pour masquer les effets d'une politique qui, en continuant de mépriser la demande, peine à relancer l'économie de la France, le Gouvernement brade les outils de la puissance publique qui assurent la solidarité entre les territoires et les hommes et les femmes de ce pays.

Que reste-t-il dès lors de la chose publique, la res publica ? Bien peu de chose en définitive. Lorsqu'il se déleste de ses entreprises publiques, de ses services publics, le Gouvernement ne manque pas de se cacher derrière le masque de la fausse vertu.

Au niveau du capital, dans un premier temps, en s'engageant à ce que l'État reste majoritaire, mais de cela plus personne n'est dupe. Au niveau des salariés, ensuite, dont le statut, d'après les textes, ne serait pas concerné par le changement de statut de l'entreprise. Même si, pour Air France, le maintien du statut du personnel est explicitement provisoire, pour Aéroports de Paris, le texte est explicitement hypocrite puisqu'aucune modification du statut du personnel n'est prévue. Or, et vous le savez, aucune garantie n'existe, serait-elle législative, pour préserver le statut d'un personnel dont la structure capitalistique de la société est amenée à être modifiée.

Derrière ces chiffres, ces suppressions de postes et ces restructurations, c'est toute une cohésion du territoire et des services publics accessibles à tous qui est menacée.

En matière d'aménagement du territoire, la politique du Gouvernement se caractérise plus volontiers, comme cela a déjà été dit, par un déménagement du territoire.

En effet, à travers la décentralisation, même si elle est nécessaire afin de rapprocher les centres de décision et de mise en œuvre des politiques au plus proche des citoyens et de leurs préoccupations, le Gouvernement entend renoncer aux prérogatives et au rôle de l'État, puissance publique. Des menaces pèsent sur la République une et indivisible, et derrière l'autonomie croissante laissée aux collectivités locales, c'est la concurrence des territoires qui se profile.

Particulièrement touchés par la fuite en avant en matière de libéralisation, les services publics, comme EDF-GDF et La Poste, jouent un rôle majeur en matière de maillage et de développement harmonieux du territoire.

À travers le projet « Cap qualité courrier », l'objectif de La Poste est de concentrer le tri près de ses grands clients. Pour garder un portefeuille de grands comptes, elle leur dédie des moyens de production quasi spécifiques et des offres commerciales sur mesure. D'autre part, La Poste réduit le maillage départemental des 130 centres de tri « courrier » existants à un maillage beaucoup plus concentré autour de plates-formes dites d'intérêt national, régional et local.

Sur les 130 centres de tri, environ soixante-dix à quatre-vingts pourraient être fermés. Selon les syndicats, 4 000 à 7 500 emplois seraient menacés par cette réorganisation.

Le président de La Poste cherche vainement à rassurer les usagers et les maires des communes, notamment rurales, où les guichets de poste représentent bien souvent la dernière manifestation physique des services publics, en arguant de la multiplication de points Poste tenus par des commerçants. C'est faire bien peu de cas des bureaux de Poste, qui ne sont pas que des lieux d'affranchissement du courrier, loin de là. Le formidable mouvement initié à Guéret, dans la Creuse, témoigne de l'attachement des élus et des citoyens aux services publics.

Après l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, il est aussi à craindre que l'offre d'électricité se tourne en priorité vers les secteurs les plus rentables et que la péréquation tarifaire garantissant un égal accès pour tous aux services publics soit menacée.

Cette remise en cause des services publics par le Gouvernement s'inscrit pleinement dans cette logique ultralibérale dont l'OMC et l'Union Européenne se font les chantres, la première à travers l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services, et la seconde à travers son projet de Constitution, qui revoit de manière très restrictive la définition des services d'intérêt économique général. La Commission européenne limite sa définition des services non économiques aux services rendus par l'État « sans contrepartie économique » : concrètement, seules la police, la justice et l'armée restent à l'abri de la logique marchande, ce qui n'est pas le cas de la santé, de l'éducation ou encore de la culture. Le projet de directive Bolkestein visant à une libéralisation élargie des services au niveau intra-communautaire est des plus inquiétantes à cet égard.

Enfin, pour conclure cette intervention sur la fonction publique, intrinsèquement liée aux services publics, je ne peux que déplorer le spectacle pathétique que nous offrent les entreprises publiques nouvellement privatisées ou en voie de l'être. Spectacle dont le Gouvernement a été le chef d'orchestre : comment ne pas regarder aujourd'hui avec dépit les invectives de M. Spinetta, président d'Air France, contre la SNCF ? Et que dire du fait que, devant l'échec d'une fusion entre EDF et GDF, EDF va devoir produire du gaz et GDF de l'électricité ? Où sont la cohésion et la solidarité nationales dans tout cela ? Sont-ce là les vertus de la concurrence ?

Pour toutes ces raisons, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous ne pouvons que sanctionner la politique du Gouvernement en matière de fonction publique et nous opposer à ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget de la fonction publique et de la réforme de l'État qui nous est présenté aujourd'hui est aux yeux du groupe UMP un budget positif et cohérent avec les réformes souhaitées et engagées par le Gouvernement.

Ce budget, qui concerne pas moins de cinq millions de nos concitoyens, est à cet égard considéré avec beaucoup d'intérêt par le groupe UMP. Cette année encore, il présente des avancées notables, qui vont dans le bon sens, et, en cela, je ne peux que soutenir la position que vous a présentée mon collègue Michel Bouvard.

Tout d'abord, ce budget est marqué par la mise en place de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, à titre expérimental avant son entrée en vigueur officielle l'an prochain. Ce budget est ainsi présenté, non plus sous forme d'agrégats, mais par missions avec pour chacune, des programmes et des objectifs quantifiables grâce à des outils de mesure de la performance que nous attendions depuis si longtemps. Il est également recentré sur des actions régaliennes de l'État, de simplification des processus administratifs et d'amélioration des services rendus à nos concitoyens, dans une culture nouvelle d'engagement et de performance de nos administrations.

Et pour répondre à mes collègues Chassaigne et Asensi, je dirai qu'il s'agit d'un budget équilibré et responsable, qui répond au besoin de rationalisation des dépenses publiques dans un contexte marqué, mais je pense que cela ne leur aura pas échappé, par une dette publique sans précédent, de plus de 1 000 milliards d'euros.

C'est également un budget visionnaire, qui anticipe et prépare l'avenir en saisissant l'opportunité des départs massifs en retraite, qui interviendront à partir de l'an prochain, pour opérer véritablement une réforme opportune de notre administration et de la gestion de ses fonctionnaires. Là aussi, il faut savoir lire un budget : s'il y a bien un retrait par rapport au budget 2004, cela s'explique essentiellement par le transfert des prestations familiales dues aux agents de l'État vers les caisses d'allocations familiales.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Très juste !

M. Jacques-Alain Bénisti. Par contre, les crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État mettent enfin l'accent sur des missions sociales, de formation et d'insertion, que les fonctionnaires attendent vraiment depuis plus de vingt ans.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Oui !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Tout à fait !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous saluons les réformes de l'État mises en œuvre par Éric Woerth et Renaud Dutreil. Loin de démanteler, comme il a été dit, ou de vouloir transférer des charges, elles ont bien pour objectif de moderniser et d'améliorer la qualité des prestations de service public.

Avec ce budget, le rythme de ces réformes sera amplifié, faisant du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication une des priorités, avec les stratégies ministérielles de réformes : dématérialisation des formulaires ; simplification du vocabulaire administratif ; décloisonnement des administrations ; accès facilité aux informations administratives et simplification des démarches de la vie quotidienne.

Le budget de la fonction publique, quant à lui, est cohérent, dans la mesure où il fait la part belle à une gestion prévisionnelle des effectifs optimisée et renforce la formation.

En effet, avec près de 45 % du budget de l'État alloué directement ou indirectement aux traitements des fonctionnaires, dont les effectifs, je vous le rappelle, ont augmenté de 23 % depuis 1980, il est aujourd'hui indispensable de connaître précisément les évolutions à venir des emplois, avec notamment les départs en retraite.

Sans subordonner l'amélioration du service public à une diminution constante du nombre d'emplois publics, tout le monde - et quand je dis tout le monde, c'est également l'ensemble des syndicats - s'accorde à dire, et la Cour des comptes en tête, qu'il faut saisir « les opportunités offertes par les flux massifs de départs » pour engager une « réduction du format global de la fonction publique » afin d'optimiser la productivité par un redéploiement adapté des effectifs pour assurer, bien sûr, un service public de qualité tout aussi performant.

Au-delà des questions de gestion d'effectifs et de masse salariale, nos ministres ont évoqué, lors de leur audition devant la commission des lois, plusieurs projets de réformes forts intéressants, tels que la modernisation du cadre législatif et réglementaire, laquelle passerait par une refonte des corps statutaires de la fonction publique. Il serait ainsi possible de clarifier et d'assouplir les possibilités d'évolutions de carrière et d'engager la refonte des grilles indiciaires, la diversification des voies d'accès à la fonction publique pour permettre aux jeunes sans formation ou aux personnes au chômage de longue durée d'accéder à la fonction publique, la réforme de la formation continue tout au long de la vie.

Ces projets de réforme, nous ne pouvons que les soutenir...

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Très bien !

M. Jacques-Alain Bénisti. ...et inciter le gouvernement à aller encore plus rapidement dans ce sens.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. C'est ce que nous souhaitons.

M. Jacques-Alain Bénisti. Toutefois, les ministres ne nous ont malheureusement pas apporté de réponses suffisamment claires et précises sur certains points essentiels pour l'ensemble des acteurs de notre fonction publique. J'aimerais, monsieur le ministre, et vous le savez, que vous puissiez vous engager aujourd'hui, devant la représentation nationale, sur un calendrier précis. Je veux parler, bien évidemment, de la réforme tant attendue des trois fonctions publiques.

Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que l'ensemble des acteurs de la fonction publique territoriale ont beaucoup travaillé depuis plus de deux ans à l'élaboration d'un projet novateur de modernisation de la fonction publique territoriale. Nous vous avons présenté, à plusieurs reprises, des propositions concrètes et consensuelles de réformes, sollicitées non seulement par les fonctionnaires, mais aussi par leurs syndicats représentatifs, les collectivités locales employeurs, les associations d'élus, et l'ensemble des institutions qui régissent la fonction publique. De nombreux rapports ont également nourri les réflexions et mis en lumière cette nécessité urgente de réforme. Le rapporteur spécial pour la fonction publique et la réforme de l'État l'a d'ailleurs appelée de ses vœux dans son rapport.

Il existe une forte attente de modernisation rapide et efficace de la fonction publique territoriale. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais à cette tribune vous faire part, de nouveau, de plusieurs propositions qui, je l'espère, recevront de votre part des réponses à la hauteur des attentes qu'elles suscitent.

Tout d'abord, le point essentiel sur lequel nous souhaiterions avoir un engagement du Gouvernement concerne le calendrier de réforme, qui pourrait - et il semble que vous n'y soyez pas défavorable - se décomposer en plusieurs textes et commencer par la réforme la plus aboutie à ce jour : je veux parler du volet concernant la fonction publique territoriale.

Suite à de longs débats, tout le monde s'est largement accordé sur la validité du constat et préconisé des évolutions des règles statutaires des personnels et l'adaptation des organes de pilotage de la fonction publique territoriale.

Pour ce qui est des évolutions d'ordre statutaire, vous avez d'ores et déjà, dans le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis, amorcé plusieurs d'entre elles, comme l'évolution des modalités de recrutement, le développement de formations initiales et continues, et bien sûr l'introduction de la notion de mérite, à laquelle, vous le savez, le groupe UMP est tant attaché.

Mais nous vous proposons d'aller plus loin et d'engager des réformes sur : la validation des acquis et de l'expérience, pour créer des passerelles entre les emplois privés et publics et favoriser ainsi l'entrée des meilleurs éléments dans notre fonction publique ; l'assouplissement des règles de seuils et l'élargissement des quotas, qui sont autant de freins à la mobilité et entravent la libre administration des collectivités ; le développement des concours sur titres ; l'accentuation de la mobilité entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale ; la possibilité de recruter des agents contractuels remplaçant dans tous les cas d'absence un agent titulaire ; le régime spécial des fonctionnaires, afin de l'ajuster sur le régime général, plus avantageux pour les mères de familles, notamment pour la prise en compte des enfants en ce qui concerne le décompte des droits dans la liquidation de la pension de retraite.

L'autre point essentiel sur lequel je souhaiterais connaître votre position concerne les organes de pilotage de la fonction publique territoriale. Un accord sans précédent a été conclu entre le Centre national de la fonction publique territoriale - CNFPT - et la Fédération nationale des centres de gestion - FNCDG - pour clarifier les missions de gestion et de formation, unifier la gestion des personnels et aménager les structures existantes pour assurer un meilleur service public. En effet, l'empilement successif des textes et les contraintes liées à l'histoire du CNFPT et des centres de gestion ont engendré un certain nombre de lourdeurs et d'opacités, en particulier s'agissant des missions réparties progressivement entre ces différents partenaires. Dans cette perspective, les centres de gestion se sont regroupés pour coordonner leur action tant au niveau local que national dans le cadre de l'union devenue une fédération des centres de gestion. Aujourd'hui, cette fédération, qui regroupe quatre-vingt-seize établissements publics au niveau national, est constituée juridiquement en association, alors que les missions qui lui sont dévolues relèvent à proprement parler de missions de service public, missions qui seront, et vous le savez, développées et accentuées dans les prochains mois. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons, dans le projet de réforme, de doter cet organisme de la personnalité morale de droit public au travers de prérogatives spécifiques à compétence nationale, afin qu'il puisse favoriser et encourager l'ensemble des missions exercées par tous les centres de gestion de France.

J'ajoute que, loin de vouloir paraître alarmistes ou défaitistes, mes collègues du groupe UMP et moi-même tenons à saluer ici les efforts sans précédent engagés par le Gouvernement pour moderniser la fonction publique d'État. Mais nous souhaitons également avec force que d'autres réformes, telles que celle de la fonction publique territoriale, soient menées avec la conviction et le courage politique que nous vous connaissons et dont, nous n'en doutons pas, vous saurez faire preuve.

Mes chers collègues, je vous invite à soutenir l'action gouvernementale et à voter ce budget qui donnera au ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État des moyens à la hauteur de ses ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, en guise de prologue à mon intervention qui porte sur le budget de la fonction publique et de la réforme de l'État, de vous féliciter pour votre courage qui confine à la témérité. En effet, pour présenter un budget aussi destructeur que le vôtre, il faut être courageux.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Merci !

M. Jean-Pierre Dufau. Je sais que vous assumez totalement la ligne idéologique libérale du Gouvernement auquel vous appartenez, puisque vous en êtes des thuriféraires. Je vous reconnais, à l'étude du projet de budget de la fonction publique et de la réforme de l'État que vous soumettez à la représentation nationale, constance dans votre obsession à tailler dans les effectifs de la fonction publique, en cohérence avec les budgets précédents de ce gouvernement. Campé sur vos certitudes et coupé des attentes des usagers du service public et des agents qui l'assurent, il n'y avait aucune raison que cela change avec vous. Pire, cela s'aggrave cette année, mes chers collègues ! Ainsi, après avoir supprimé 1089 emplois budgétaires civils en 2003 et 4651 en 2004, vous en ferez disparaître 7188 l'année prochaine, soit le solde des 10 211 suppressions d'emplois et des 3 023 créations dont plus de la moitié bénéficie aux seuls ministères de la justice et de l'intérieur. À l'aune du XXIe siècle, le Gouvernement de la France semble revenu plus d'un siècle en arrière, quand les classiques du libéralisme défendaient un État concentré sur ses fonctions régaliennes.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Quelle caricature !

M. Jean-Pierre Dufau. Vous avez tort. Sachez que nos compatriotes sont attachés au service public.

Pour le traitement des fonctionnaires, mes chers collègues, c'est à Napoléon que vous revenez, qui, déjà, voulait rémunérer les fonctionnaires au mérite ! Toutes les expériences en la matière se sont soldées par de cuisants échecs. Mais votre gouvernement et vous-mêmes persistez dans cette voie profondément réactionnaire et inefficace, au nom de la défense de la « productivité » du service public. Mais pouvez-vous la définir ?

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Les justes moyens affectés à des missions !

M. Jean-Pierre Dufau. Quelle signification donner à ce terme emprunté au vocabulaire de l'entreprise privée dont l'objet est de générer des profits, alors que celui de l'administration n'est pas de gagner de l'argent, mais, au contraire, de mieux le dépenser pour le service de tous les citoyens ? Je sais déjà que vous me ferez dire ce que je n'ai pas dit. Car dépenser n'est pas gaspiller. C'est vous, chers collègues de la majorité, qui faites cet amalgame, pas nous ! En termes de gaspillage, au vu de votre gestion des finances publiques, je vous invite à faire preuve d'humilité ! En effet, cette approche dogmatique vous conduit, dans un objectif de réduction du déficit budgétaire, à aller vers un système de rémunération des agents publics au mérite et de manière individualisée pour refuser toute mesure de revalorisation globale des traitements et salaires. Ainsi, lors de la réunion du 8 novembre dernier, comme lors de celle du 27 novembre 2003, les discussions entre le ministre de la fonction publique et l'ensemble des fédérations syndicales, portant sur le problème de la rémunération dans la fonction publique, ont échoué. Selon le Gouvernement, la rémunération moyenne des personnes en place - RMPP - augmentant de 3 % en 2004 et de 2,6 % en 2005 - 4 % en 2002 et 2003 - le pouvoir d'achat, après avoir progressé de 2,2 % en 2002 et de 2,1 % en 2003, devrait augmenter de 1,3 % en 2004 et de 0, 8 % en 2005. Les syndicats, unanimes, considérant que cette progression ne concerne que les personnels bénéficiant du glissement vieillesse technicité - le GVT - et de mesures catégorielles et constatant la baisse de leur pouvoir d'achat depuis 2000 avec une inflation autour de 2 % l'an, demandent une revalorisation générale du point d'indice. Votre marge d'action, monsieur le ministre, est d'autant plus étroite que le chapitre 31-94 - charges communes - destiné à financer les dépenses résultant d'une augmentation des rémunérations, doté en 2004 de 200 millions d'euros, n'est pas abondé pour 2005. Les seules enveloppes budgétaires existantes sont destinées à financer des primes individuelles et à préparer le salaire au mérite - 438,8 millions d'euros, dont 81 pour la défense, 50 pour la justice et l'intérieur, 181 pour l'éducation nationale, 40 pour les finances. Il est vrai qu'une augmentation du point d'indice de 1 % appliquée aux agents de l'État coûte 820 millions d'euros, 1,5 milliard au total pour l'ensemble des fonctions publiques. Ce n'est pas neutre, je vous l'accorde.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Merci !

M. Jean-Pierre Dufau. Mais, monsieur le ministre, « gouverner c'est choisir », et l'on connaît vos choix.

La deuxième partie de mon intervention - à tout seigneur tout honneur - concerne le budget proprement dit. Si l'on fait abstraction des nombreux redéploiements de crédits entre les différents ministères, redéploiements qui traduisent un effritement sensible de l'action interministérielle, donc du rôle de votre ministère, vos crédits, à périmètre constant, sont amputés de quelque 20 millions d'euros. Là encore, c'est l'éclatement des crédits interministériels.

L'action sociale interministérielle est principalement amputée des 55 millions correspondant au transfert du service de la prestation crèches à la CNAF, ce qui conduira à des centaines de suppressions d'emplois dans les services déconcentrés, principalement les rectorats. Pour les retraités, l'aide à l'amélioration de l'habitat est supprimée, l'aide ménagère à domicile est réduite de 3,5 millions, l'aide à l'installation est amputée de plus du tiers, les chèques vacances baissent de 14 %. Ces amputations de crédits - ne parlons pas de baisse - s'effectueront, en outre, au détriment des plus humbles de nos fonctionnaires, ceux qui auparavant en bénéficiaient...

Quant aux investissements sociaux, ils diminuent de moitié.

M. Jacques-Alain Bénisti. C'est faux !

M. Jean-Pierre Dufau. Il n'y aura plus aucun crédit pour lancer des réservations de logements sociaux et de places de crèches ; il en ira de même pour les restaurants collectifs...

La logique de ce budget, que je n'hésiterai pas à qualifier de budget de rupture, pourrait être respectée, si elle n'était qu'apparente. En effet, vous êtes de droite, vous considérez donc que le nombre de fonctionnaires est, en soi, trop élevé. C'est une des principales lignes de partage entre la droite et la gauche, vous en conviendrez. En coupant à la hache dans les crédits sociaux interministériels, vous ne faites que respecter votre funeste logique, monsieur le ministre. Lorsque l'on sait la priorité affichée par le Gouvernement et, en premier lieu, le Président de la République lui-même de la lutte contre les discriminations à l'encontre des handicapés, la baisse - légère - des crédits d'intervention du Fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées s'explique mal et souligne le fossé entre le discours et les actes.

Que dire du financement interministériel de la réforme de l'État, alors que vous n'avez que ce mot à la bouche et que vous nous resservez ce plat à la saveur incertaine à chacune de vos interviews médiatiques ? Les crédits passent de 22,9 à 23,5 millions d'euros. Ces 600 000 euros supplémentaires sont néanmoins à rapprocher du transfert de crédits à hauteur de 5,2 millions d'euros en provenance des budgets de l'enseignement scolaire, de l'enseignement supérieur et de la culture, au titre du renforcement de la sécurité des systèmes d'information et de l'aide à la mutualisation. Donc, à périmètre constant, vos crédits diminuent ! Le seul poste en augmentation - et cela ne vous surprendra pas, mes chers collègues, - est le chapitre 37-04, « Études et communication sur la gestion publique », qui, en augmentation de 29,2 %, atteint 3 millions d'euros, y compris 400 000 euros faisant partie d'un transfert du ministère de la culture. Vos priorités vous appartiennent, monsieur le ministre.

Les crédits du Fonds pour la réforme de l'État, votre grande œuvre, monsieur le ministre, ont pâti, comme pour beaucoup de postes de dépenses de votre budget, des «mises en réserve » décidées par le ministre de l'économie et des finances en 2004. Sur une dotation de 19,9 millions d'euros, 6,7 millions ont été « gelés ». En 2005, les crédits de fonctionnement du Fonds pour la réforme de l'État baisseront de 29,4 %, ceux destinés aux opérations à caractère local diminuant de près de moitié. Quid de cette fameuse « réforme de l'État » ?

Devant cette avalanche de mauvais chiffres, monsieur le ministre, l'accueil glacial des organisations syndicales de la fonction publique n'a pas dû vous étonner. Votre conception du dialogue social semble être à des années lumière de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes. De plus, l'adoption de l'article 73 du présent projet de loi de finances pour 2005 relatif aux « carrières longues », qui transpose aux fonctionnaires le dispositif ouvrant droit à un départ anticipé en retraite aux agents ayant débuté leur activité professionnelle très jeune, porte en germe de nouvelles inégalités pesant sur les agents qui auraient commencé à travailler très tôt.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Dufau. Autant vous dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que votre projet de budget ne nous convainc pas. C'est un euphémisme ! Non seulement le groupe socialiste votera contre, mais il n'aura de cesse d'en dénoncer les effets pervers, inégalitaires et destructeurs.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Jean Louis Borloo avait raison de dénoncer hier soir à cette tribune « une certaine schizophrénie française qui consiste, pour justifier un discours compassionnel, à critiquer systématiquement les forces actives de ce pays ». Je suis d'accord avec lui pour dire qu'il faut vanter les mérites de ce qui se fait et qui réussit. C'est le cas de la mise en place des trois fonctions publiques à Mayotte décidée le 6 juin 2003 ici même, au petit matin, quand, sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu à Mayotte en quelques secondes les quatre principales lois relatives à la fonction publique. Depuis la publication de la loi du 21 juillet 2003, le Gouvernement s'est mobilisé : quarante réunions interministérielles ont été nécessaires à l'élaboration de vingt-cinq décrets, dont une quinzaine sont en cours de signature pour une publication avant la fin de l'année. Quinze ministères sont engagés dans la rédaction et la mise en œuvre de cette loi. Dans le même temps, près de 550 postes ont été créés, notamment au ministère de l'éducation nationale, dans la perspective de l'intégration des instituteurs mahorais au titre des exercices 2004 et 2005. C'est une véritable révolution qui s'opère sous nos yeux pour organiser l'avenir professionnel de quelque 8000 agents dont la gestion s'effectuait, depuis trente ans, par des arrêtés préfectoraux d'une légalité douteuse. Votre ministère y a pris une grande part. Qu'il me soit permis de vous exprimer, ainsi qu'à l'ensemble des ministères engagés, ma profonde gratitude et mon souhait que les décrets soient publiés avant la fin de l'année.

Or, vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre, une réforme en appelle toujours une autre. Dans le cas présent, c'est le chantier des retraites de ces agents qu'il convient d'ouvrir sans tarder pour organiser au mieux le départ de ceux d'entre eux qui sont appelés à faire prévaloir leurs droits.

Un de vos lointains prédécesseurs des années soixante en charge de l'outre mer disait que, souvent, l'habitude était prise de répondre avec retard aux préoccupations de l'outre mer. La fonction publique à Mayotte n'a que trop tardé. Aujourd'hui, elle est là, et nous nous en félicitons.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Merci de le dire !

M. Mansour Kamardine. C'est le mérite du gouvernement Raffarin. Je vous demande d'entreprendre sans tarder la réforme des retraites.

Pour revenir plus directement à votre projet de budget, monsieur le ministre, je souhaiterais saluer votre action en faveur des jeunes sans qualification. J'y suis particulièrement sensible, étant confronté, dans ma circonscription, au désespoir de personnes sans emploi faute de qualification.

À travers le PACTE, vous souhaitez offrir à des jeunes mais aussi à des seniors la possibilité d'intégrer la fonction publique. Si votre dispositif est satisfaisant, c'est que vous offrez à la clef des vrais emplois de fonctionnaires titulaires, sur des postes existants et renouvelés, sans augmentation des effectifs.

Le marché de l'emploi est devenu tel que la fonction publique n'assure plus toujours son rôle d'intégration sociale. Les conditions de diplôme constituent un premier barrage et les moins diplômés se trouvent souvent en concurrence avec des personnes surdiplômées.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. C'est vrai !

M. Mansour Kamardine. En conséquence, les publics initialement intéressés par les postes de catégorie C, à savoir les moins diplômés, se trouvent de facto exclus de toute chance d'intégration dans la fonction publique. Avec le PACTE, vous offrez une formation alternée et l'obtention d'un titre ou diplôme qui permettra à la fonction publique d'assurer de nouveau son rôle d'ascenseur social.

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Exactement !

M. Mansour Kamardine. Outre la formation et la validation d'acquis, je me permets d'insister sur la pérennité de ces emplois, qui tranche singulièrement avec ce que nous avons connu sous la précédente législature, avec des emplois-jeunes sans lendemain.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Très bien !

M. Mansour Kamardine. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je voterai avec enthousiasme votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Très bien !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de budget du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État.

Notre fonction publique a besoin de se moderniser sur trois points.

Il faut, d'abord, une modernisation de la gestion des ressources humaines car, au fil des temps, « l'esprit du statut » initial s'est perdu, ce statut qui était l'œuvre des dirigeants politiques au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le statut Thorez, voulu par le général de Gaulle. Tout ce que le système a perdu en souplesse, les agents l'ont perdu en épanouissement professionnel.

Il faut, ensuite, moderniser le recrutement car la fonction publique a progressivement cessé de ressembler à la société française ; son rôle d'insertion et de promotion sociale s'est, petit à petit, émoussé. Il faut le restaurer.

Enfin, une modernisation du dialogue social est nécessaire car il faut - c'est le ministre de la fonction publique, donc le « DRH des fonctionnaires », qui parle - revivifier ce dialogue dans la sphère publique, notamment en tenant compte de cette règle, évidente, du donnant-donnant avec les partenaires sociaux.

Sur ces trois sujets, je tiens à vous apporter, ici, quelques précisions.

Mais, auparavant, il faut resituer le cadre dans lequel nous sommes. La situation de l'État est celle d'une pièce dont les murs se resserreraient !

Le premier mur, c'est la dette dont la charge pèse à hauteur de 14 % dans le budget de l'État en 2004, contre 10 % en 1990, et cette tendance se poursuit. Le deuxième mur, ce sont les pensions des fonctionnaires, car on oublie souvent que, lorsqu'un fonctionnaire part à la retraite, il continue à être payé sur le budget de l'État. Or ces dépenses s'accroissent de 5 % par an. Le troisième mur, c'est la maîtrise des impôts d'État ; les prélèvements obligatoires augmentent, notamment sous l'effet des dépenses sociales et l'État, en contrepartie, doit être extrêmement rigoureux. Le quatrième mur, ce sont les priorités politiques données à la cohésion sociale - un milliard d'euros de plus en 2005 -, à la société de l'intelligence - mille emplois créés en 2005 dans l'enseignement supérieur, et non pas à l'équipement, monsieur le rapporteur - et au rétablissement du carré régalien : justice, police, diplomatie et défense - un milliard d'euros supplémentaires en 2005 liés aux lois de programmation. Il faut donc faire des choix. Et ce n'est pas se laisser emporter par une idéologie ultralibérale, comme on l'entend trop souvent du côté gauche de l'hémicycle, que de faire des choix en fonction d'objectifs de bon sens ! Nous devons donc choisir entre la défense du pouvoir d'achat des fonctionnaires, qui est pour moi une priorité, et la question des effectifs.

Pour faire face à l'ensemble de ces contraintes, dans les dix ans à venir, sans que cet espace que j'ai décrit n'implose, il n'y a pas d'autre choix que de stabiliser la masse salariale de l'État. C'est possible, tout en maintenant le pouvoir d'achat des fonctionnaires, à condition de limiter les flux de recrutement à 40 000 agents par an jusqu'en 2015. Le flux massif de départs en retraite dans les prochaines années - 77 000 en moyenne par an - nous donne l'occasion historique d'atteindre cet objectif.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Très bien !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. À missions inchangées et sans laisser se dégrader la qualité du service public - nous sommes attachés à ce qu'elle reste identique, voire à ce qu'elle s'améliore - et les conditions de travail des fonctionnaires, cette réduction des effectifs de l'État revient à réaliser des gains de productivité - le terme fait peur à certains mais certaines organisations syndicales, elles, ont accepté de tenir compte de cette exigence - de 2 % par an. Tel est, en tout cas, l'objectif que nous nous sommes fixé.

Cela ne se fera pas en un jour. C'est un long processus, car les habitudes anciennes nous ont écartés de cette exigence d'un État qui se réforme en permanence. Il faut donc changer les habitudes, et le faire aussi vite que possible, dans la concertation et le dialogue social.

J'en viens à présent aux réformes en cours.

La première concerne la modernisation de la fonction publique de l'État. Plusieurs rapports, notamment l'étude du Conseil d'État - lequel n'est pas, que je sache, une officine ultralibérale...

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Ça se saurait !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. ...mais une institution dont les magistrats se penchent sur le fonctionnement de l'État pour lui apporter des améliorations -, étude dite « rapport Pochard », ont mis en lumière les graves insuffisances de la gestion actuelle de la fonction publique. La gestion des 900 « corps », à peu près étanches les uns par rapport aux autres, est à la fois très coûteuse et peu efficace.

En effet, cette multiplicité des corps induit une microgestion administrative permanente, nécessaire à l'élaboration de textes de plus en plus complexes, lourds et détaillés, et de faible portée, et au suivi d'un nombre excessif de commissions, les commissions administratives paritaires en particulier.

Conséquence mécanique de cette organisation verticale, les coûts de gestion sont très lourds : le ratio entre « personnes gérantes » et « personnes gérées » est de 4 %, contre 2 % en moyenne dans les entreprises publiques.

J'ajoute que le cloisonnement en corps entrave l'évolution professionnelle des fonctionnaires : ainsi est-il extrêmement difficile de passer d'un ministère à un autre, ou d'un emploi à un autre, alors même qu'on y exercerait le même métier. Or nos jeunes fonctionnaires en particulier ont vocation à disposer d'espaces professionnels plus ouverts.

Enfin, la durée des carrières indiciaires est aujourd'hui trop brève. Comment motiver des agents qui vont accomplir plus de quarante ans dans la fonction publique si, au-delà de vingt-cinq ans de carrière, leur rémunération ne progresse plus ? Il faut donc libérer les administrations de ce carcan, ce qui nécessite une réforme en profondeur. Il convient de regrouper les corps dans de vastes espaces statutaires, correspondant à des métiers et à des filières professionnelles, de revoir les déroulements des carrières indiciaires, de manière qu'elles suivent l'évolution de la carrière effective, et de favoriser toutes les mobilités entre filières, niveaux et ministères, entre fonctions publiques également. Il faut aussi mieux distinguer le grade de la fonction, en donnant à chaque ministère plus de latitude pour recruter sur des emplois fixes et définir des profils de carrière.

L'idée est que chaque ministère, soulagé de nombreuses tâches inutiles de gestion statutaire, puisse se comporter en véritable employeur, capable de motiver ses agents. Des travaux interministériels sont en cours sur ce projet. Dès qu'ils seront suffisamment avancés, j'entamerai des concertations avec les représentants des personnels. Mon objectif est de soumettre au Parlement le volet législatif du projet dès 2005.

Sur cette question des ressources humaines, je dois dire que la fonction publique territoriale, qui met le métier au cœur de sa gestion, fait figure d' « avant-garde », et il n'y a pas de honte à le reconnaître. Elle prouve que la structure que je projette pour la fonction publique d'État est viable et efficace. Elle demeure, sur bien des aspects, une source d'inspiration pour tout ministre de la fonction publique. J'ajoute que la grande qualité des réflexions qui ont été menées depuis plusieurs mois sur l'évolution de la fonction publique territoriale révèle l'importance que les acteurs territoriaux attachent à cette question. Je sais que les attentes sont fortes et que le sujet est cher en particulier à M. Bénisti, qui s'est exprimé il y a un instant sur le sujet.

Aussi avons-nous travaillé sur un projet que j'espère soumettre à la concertation d'ici trois semaines ou un mois. Je peux, dès à présent, vous indiquer que je ne retarderai pas la présentation au Parlement du projet de réforme de la fonction publique territoriale si celui intéressant la fonction publique de l'État n'est pas finalisé dans les mêmes délais. Dans cette hypothèse, deux textes distincts seront examinés par le Parlement. Le premier sera probablement celui qui concerne la fonction publique territoriale, qui devrait être discuté au cours du premier semestre de 2005 - du moins, je le souhaite.

J'en viens à mon deuxième point : la refondation du rôle social de la fonction publique. Je crois, en effet, que la fonction publique ne joue plus suffisamment son rôle d'intégrateur social et de promoteur des compétences. Elle a fermé son accès à un certain nombre de catégories sociales, qui en sont exclues, et ce n'est pas juste. M. Kamardine a, d'ailleurs, insisté sur ce point, et je l'en remercie.

Les chiffres sont très parlants. Alors que près de 40 % des jeunes gens qui sortent du système scolaire sans le bac pourraient passer des concours de la fonction publique, on s'aperçoit que 33 % des emplois de catégorie C, c'est-à-dire des emplois d'exécution qui pourraient convenir à ces jeunes, sont occupés par des titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur ! Ce n'est bon ni pour ces derniers, qui sont surqualifiés, ni pour ceux qui sont, de ce fait, exclus de ces emplois.

C'est la raison pour laquelle nous avons exploré une nouvelle voie de recrutement, le « PACTE », un terme qui montre bien que nous voulons réconcilier les catégories populaires avec la fonction publique, à laquelle nous voulons leur ouvrir un véritable accès. Le PACTE, parcours d'accès aux carrières de la territoriale, de l'hospitalière et de l'État, permettra à des jeunes sans qualification d'intégrer la fonction publique.

Le PACTE junior sera ouvert aux jeunes de seize à vingt-six ans sortis sans diplôme du système scolaire et universitaire, ou sans qualification professionnelle reconnue, ou chômeurs de longue durée.

Seront également prévus des PACTE seniors, car il est important que l'État joue également son rôle d'intégration dans le travail pour ceux qui ont plus de cinquante ans et qui sont, eux aussi, bien souvent exclus de tout accès à la fonction publique - ce qui est injuste quand on sait que l'État demande aux entreprises de limiter les licenciements de ces travailleurs. C'est la raison d'être des PACTE seniors, ouverts aux personnes âgées de plus de cinquante ans, en chômage de longue durée.

Les juniors suivront une formation en alternance, à l'issue de laquelle ils pourront obtenir un diplôme, tandis que les seniors suivront une formation d'adaptation à l'emploi prenant en compte leur expérience professionnelle, leurs qualifications et leurs diplômes. En fin de parcours, le jeune et le senior passeront un examen professionnel en vue d'accéder au « corps » ou « cadre d'emplois » de fonctionnaires correspondant. Bien entendu, le PACTE concernera les trois fonctions publiques. Nous prévoyons, à terme, 20 000 personnes recrutées de cette manière, chaque année.

J'en arrive à un point très important : les négociations salariales. Elles ont été évoquées par certains orateurs. Ma conviction est que, si nous voulons conserver une fonction publique de qualité, nous devons absolument préserver le pouvoir d'achat des fonctionnaires. C'est animé par cette conviction que j'ai décidé de rencontrer les organisations syndicales. Je l'ai fait à plusieurs reprises, en particulier le lundi 8 novembre pour ouvrir un rendez-vous - que je souhaite désormais annuel - de discussion sur les salaires. Je leur proposerai dès le 8 décembre prochain des mesures concrètes.

Sur ce sujet, quelques précisions ne seront pas inutiles. D'abord, j'ai constaté - ou plutôt les services de l'État, qui sont impartiaux, ont constaté - que la fiche de paye moyenne - et c'est elle qu'il faut considérer quand on veut savoir si le pouvoir d'achat s'est amélioré ou non - des fonctionnaires progresse en règle générale de 3 à 4 % par an, soit plus que l'inflation moyenne. Pour bien saisir la question, il faut rappeler que la fiche de paye moyenne des fonctionnaires évolue sous l'effet de trois facteurs : les mesures d'avancement individuel - tous les trois ans, chaque fonctionnaire en bénéficie de façon quasi automatique et sa rémunération progresse alors de 6 % en moyenne ; les mesures catégorielles, qui ne sont pas négligeables, puisque près de 450 millions d'euros y sont consacrés dans le projet de loi de finances pour 2005 ; enfin, les mesures générales, notamment la revalorisation du point de la fonction publique.

Par conséquent, pour évaluer la progression de la rémunération des fonctionnaires, il faut considérer ces trois facteurs pour suivre l'évolution des feuilles de paye.

Malheureusement, les organisations syndicales refusent de rentrer dans cette logique pour ne regarder qu'un seul des éléments constitutifs de la feuille de paye, dont elles disent parfois, et à juste titre, qu'elle n'est qu'une moyenne dissimulant des situations contrastées. Je suis prêt à prendre en considération les plus mal lotis : il me semble en effet conforme à la justice et au bon sens de prêter attention aux fonctionnaires dont l'évolution de la feuille de paye se situe en dessous de la moyenne depuis plusieurs années.

Mais doit-on pour autant augmenter massivement l'ensemble des fonctionnaires, même ceux dont le pouvoir d'achat n'est nullement menacé ? Doit-on faire fi des différences de situation entre les agents publics ? Et accorder une augmentation à l'ensemble de la hiérarchie pour corriger la perte de pouvoir d'achat d'une secrétaire ou d'un fonctionnaire situé au bas de la grille ?

Pratiquer une hausse aveugle au lieu d'une revalorisation lucide ne relève certainement pas d'une gestion moderne des rémunérations. Pourtant, c'est ce que l'on me demande aujourd'hui ! Il faut donc poursuivre la discussion afin que les esprits évoluent peu à peu vers un réalisme pragmatique.

Pour accéder à la revendication des syndicats sur la valeur du point - soit 5 % de revalorisation du point indiciaire pour le passé, et 1,8 % pour 2005 -, il faudrait trouver dans les finances publiques 10 milliards d'euros pour les trois fonctions publiques. Cela représenterait une augmentation de 7 % des recettes de TVA, une augmentation de 20 % de celles de l'impôt sur le revenu ou une augmentation de 50 % des taxes sur l'essence. Tout cela n'est pas réaliste ! Un gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche, ne peut pas décider aujourd'hui une telle augmentation des prélèvements fiscaux.

C'est pourquoi j'ai tenu à inviter les organisations syndicales le 23 novembre prochain, pour échanger sur le constat et confronter nos points de vue. Je leur ai simultanément annoncé mon intention d'engager une véritable phase de négociation à partir du 8 décembre.

J'en viens maintenant à la présentation du projet de budget de la fonction publique et de la réforme de l'État. Je laisserai à mon collègue Éric Woerth le soin de présenter les autres dotations budgétaires des services du Premier ministre, du Commissariat général du Plan notamment.

Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État sont inscrits à la section « services généraux » du budget des services du Premier ministre et sont rassemblés dans l'agrégat « Fonction publique ».

Comme vous le savez, c'est la dernière fois qu'ils sont présentés dans cette nomenclature. L'an prochain, à l'occasion de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances - la LOLF -, ils figureront dans un programme « Fonction publique, réforme de l'État et prospective » avec les crédits de fonctionnement de l'agence pour le développement de l'administration électronique - l'ADAE - et ceux du Commissariat général du Plan.

Les autres crédits des services du Premier ministre seront inscrits dans un programme « Coordination du travail gouvernemental », et la réunion de ce programme avec le programme « Fonction publique, réforme de l'État et prospective » constituera une mission intitulée « Direction de l'action du Gouvernement ».

J'ai noté les observations de MM. Bourguignon, Bouvard et Derosier sur la cohérence du découpage proposé par le Gouvernement. Découpage qui, s'agissant de la fonction publique et de la réforme de l'État, aboutit à une séparation entre les moyens en personnels et les moyens généraux d'une part, et les moyens d'intervention d'autre part.

Je comprends l'insatisfaction exprimée par les rapporteurs, mais je voudrais apporter quelques précisions.

Initialement, dans l'architecture du budget de l'État que le Gouvernement vous avait présentée au début de cette année, les crédits dédiés à la direction de l'action du Gouvernement devaient constituer un programme unique.

Le Parlement a exprimé le souhait que ce programme soit séparé en deux, avec, d'un côté, les crédits dédiés à la coordination du travail gouvernemental et à la prospective, et, de l'autre, les crédits dédiés à la fonction publique, à la réforme de l'État et aux relations avec les citoyens. Le Gouvernement a repris cette proposition.

Le parti que nous avons pris de regrouper dans le programme « Coordination du travail gouvernemental » la quasi-totalité des moyens en personnel et des fonctions support de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » correspond à notre souci d'optimiser la gestion des dépenses de personnel et de fonctionnement des services du Premier ministre. S'agissant d'un ensemble de services de petite dimension, ce regroupement permet d'atteindre la « taille critique » nécessaire pour bénéficier des marges de manœuvre offertes par la mise en œuvre de la LOLF. Il vient un moment où l'on perd en efficacité ce que l'on gagne en cohérence de principe.

M. Derosier a exprimé des critiques sévères sur les indicateurs de résultats présentés dans l'avant-projet annuel de performance - le PAP - relatif au programme « fonction publique, réforme de l'État et prospective ». Je sais gré à M. le rapporteur de ses critiques qui ne sont jamais inutiles. Il ne lui a cependant pas échappé qu'il ne s'agissait que d'un avant-projet. Nous avons devant nous une petite année pour l'améliorer, et j'ai l'intention de m'y impliquer personnellement.

Je reviens donc à la présentation des crédits de l'agrégat « Fonction publique ». Dans le projet de budget qui vous est proposé, ces crédits s'élèvent à 154,87 millions d'euros pour 2005. Les rapporteurs ont noté, certains pour le déplorer, les autres pour s'en féliciter, qu'ils diminuent de 30,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004.

À structure constante, c'est-à-dire abstraction faite des changements de périmètre, notamment la suppression de la prestation service crèches, pour 55,09 millions d'euros, et du transfert au bénéfice du fonds interministériel de mutualisation, pour 5,18 millions d'euros, les crédits de l'agrégat « Fonction publique » diminuent de 8,2 %.

La diminution que nous vous proposons pour 2005 correspond à deux orientations.

D'abord, une réforme exemplaire : le transfert aux caisses d'allocations familiales de la gestion des prestations familiales dues aux agents de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Il s'agit d'une réforme de l'État « gagnant-gagnant ». Personne n'y perd et nous faisons des économies qui sont loin d'être négligeables.

Puis, une maîtrise globale de la dépense qui, à service quasiment inchangé - ne caricaturons pas des modifications qui ne changent en rien ni la qualité du service rendu ni celle des prestations -, participe à l'effort général de rigueur budgétaire.

Le transfert aux caisses d'allocations familiales de la gestion des prestations familiales permet de dégager une économie de 600 emplois, et de 55 millions d'euros sur le budget de mon ministère. Quant aux parts de réduction des effectifs, de notre point de vue, il ne s'agit pas de supprimer des fonctionnaires utiles et indispensables à la qualité de l'État, mais de supprimer des postes qui peuvent l'être sans que la qualité du service rendu à l'usager s'en ressente.

M. Jean-Pierre Gorges. Et ce n'est qu'un début !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Tout à fait !

La réforme que nous mettons en œuvre est inscrite dans la stratégie de réforme de mon ministère. Elle supprime une redondance absurde qui consistait à faire gérer les prestations dues aux agents de l'État par deux instances différentes : d'une part, les services gestionnaires de personnel et les services de paie pour les allocations familiales ou l'allocation de rentrée scolaire ; d'autre part, les caisses d'allocations familiales pour la prestation d'accueil du jeune enfant - la PAJE - ou l'aide au logement. Cette situation engendrait d'importants surcoûts.

Le transfert se fera progressivement pour quelque 350 000 agents allocataires. Il sera effectif le 1er janvier prochain pour l'ensemble des ministères, à l'exception de celui de l'éducation nationale qui aura lieu le 1er juillet 2005.

La seconde orientation de ce projet de budget est la maîtrise globale de la dépense. Ainsi, s'agissant de l'action sociale interministérielle, le projet de budget de mon ministère comporte deux mesures d'économie.

La première - 1 300 000 euros - est liée à la suppression de l'aide à l'amélioration de l'habitat des retraités. J'entends d'ici les cris d'orfraie que le seul énoncé de cette mesure pourrait susciter, mais je vais tenter d'apaiser les inquiétudes. En réalité, cette prestation spécifique à la fonction publique fait double emploi avec les aides de droit commun apportées par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. De surcroît, elle ne correspond que de façon marginale aux besoins des retraités de la fonction publique. Depuis dix ans en effet, la demande d'allocations n'a cessé de diminuer. En 2003, seuls 800 agents retraités en ont bénéficié, contre 1 742 en 1995. L'examen a permis de constater qu'il s'agissait d'une prestation très émiettée, sans vrai rôle social. Il est nécessaire de concentrer les moyens sur l'essentiel et d'éviter l'éparpillement de ces petites lignes de crédits qui, bien souvent, n'ont pas une réelle efficacité.

La seconde mesure d'économie - 1,6 million d'euros - est liée à la réservation de logements pour les agents de l'État. La raison en est simple : la réforme récente du code de la construction permet désormais à tous les ministères de réserver des logements pour leurs fonctionnaires. Jusqu'à présent, seuls les ministères de la défense, de l'équipement, des finances et de l'intérieur disposaient de cette faculté. Cette réforme rend donc moins prioritaire la mise en œuvre d'une politique de réservation de logements à caractère interministériel.

Outre ces mesures d'économie, une réduction des crédits dédiés aux aides à l'installation, à l'aide ménagère à domicile et aux chèques vacances, est prévue à hauteur de 9,5 millions d'euros.

Mais je veux ici rassurer les esprits chagrins. Cette réduction n'a qu'un caractère technique. Il s'agit simplement de réduire l'important fonds de roulement qui existe dans les comptes de la Mutualité fonction publique - l'organisme qui gère ces prestations. Cela n'induit donc aucune conséquence sur le montant des prestations versées aux agents.

S'agissant des crédits destinés à la formation, une réduction de 755 000 euros de la subvention versée à l'École nationale d'administration est prévue. Elle correspond pour l'essentiel à la diminution, ces deux dernières années, du nombre de postes offerts au concours d'entrée à l'ENA.

À la suite du rapport de M. Yves-Thibault de Silguy, nous avons décidé de mettre en œuvre une réforme importante répondant à trois objectifs.

Le premier objectif est de recentrer l'ENA sur sa vocation première d'école d'application et, pour ce faire, de définir une nouvelle scolarité articulant mieux la formation théorique et la formation pratique. Cette nouvelle scolarité s'appliquera à compter du 1er janvier 2006, c'est-à-dire à celles et ceux qui auront réussi le concours d'entrée en 2005.

Le deuxième objectif consiste à ouvrir l'école - qui est un atout pour la France - sur l'Europe et sur l'administration des territoires, pour que les énarques aient le pied ancré sur les territoires et les populations qui vivent dans notre pays. En outre, nous adosserons l'ENA au centre d'études européennes de Strasbourg, qui sera un outil important de recherche, de réflexion et de prospective. Nous rapprochons également l'ENA de l'Institut national des études territoriales, afin de resserrer le lien entre la fonction publique territoriale et la fonction publique de l'État.

M. Louis Giscard d'Estaing. Très bien !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Le troisième objectif vise à regrouper les activités de formation de l'ENA à Strasbourg, où seront transférés, à compter du 1er janvier 2005, tous les cursus de l'École. Ne resteront à Paris que les activités de formation permanente de courte durée - inférieure à un mois. Le transfert à Strasbourg doit être terminé l'été prochain. Après quoi, l'immeuble de la rue de l'Université, actuellement occupé par l'ENA, sera mis en vente dans des conditions de transparence et d'équité entre les différents demandeurs.

Je vous dois une explication sur le montant de la subvention inscrite dans ce projet de budget, qui, je le sais, a retenu l'attention de la commission des finances, et en particulier celle de M. Louis Giscard d'Estaing.

La commission des finances a exprimé le souhait que la subvention soit sensiblement diminuée, afin de tenir compte des économies réalisées en réduisant le nombre d'élèves par promotion et en regroupant la scolarité à Strasbourg.

Concernant la baisse des effectifs, je vais vous satisfaire, monsieur le député, puisque nous avons récemment décidé de fixer à 95 le nombre de places offertes au concours d'entrée à l'ENA, contre 100 en 2003, 117 en 2002 et 137 en 2001.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. C'est une victoire pour la commission des finances !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. La réduction des effectifs est justifiée par les besoins de recrutement de l'État et elle touche tous les fonctionnaires.

Cette nouvelle diminution du nombre de places offertes au concours d'entrée permet de réduire de 350 000 euros supplémentaires le montant de la subvention. Le Gouvernement est également disposé à accepter un éventuel amendement dans ce sens. La subvention de l'ENA serait ainsi ramenée à 30 900 000 euros, soit à un niveau proche de celui de 2003, comme le souhaite la commission des finances.

Naturellement, le transfert à Strasbourg dégagera des économies de frais de fonctionnement. Mais il va aussi entraîner des surcoûts. C'est inévitable : toute réforme en génère. Il faudra, par exemple, construire un nouveau bâtiment pour accueillir les cycles de formation et les services administratifs après leur transfert, ou financer le reclassement des personnels parisiens de l'ENA qui ne souhaitent pas partir à Strasbourg. Ces économies et ces surcoûts ne sont pas prévus dans ce projet de budget, car leur évaluation demande encore du temps. Ils seront donc intégrés au prochain collectif budgétaire.

Éric Woerth va vous présenter nos principaux chantiers concernant la réforme de l'État ainsi que les autres dotations budgétaires des services du Premier ministre. Mais, avant de lui laisser la parole, je veux insister sur trois objectifs qui me paraissent essentiels en matière de réforme de l'État.

D'abord, nous voulons conduire un examen sans concession des missions de l'État. En effet, aucune mission n'est sacrée dès lors qu'elle n'est pas justifiée par l'intérêt général. Il convient donc de s'assurer régulièrement qu'elles restent nécessaires au développement de notre société.

Ensuite, il faut améliorer l'efficacité de l'action administrative. Oui, il est possible de réaliser des gains de productivité au sein de l'État. Bien évidemment, cela n'est pas vrai partout : dans certains services, une telle notion n'a pas sa place. Mais, pour de nombreux services situés dans les coulisses de l'État, et qui exercent ce que l'on appelle des fonctions de back office, pareille ambition ne saurait être écartée. Notre objectif, je le rappelle, est de faire gagner 2 % de productivité par an aux administrations.

Enfin, nous devons repenser l'organisation des services de l'État au niveau départemental, là où se fait le contact avec les citoyens, ...

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial pour le Secrétariat général de la défense nationale, le renseignement, l'environnement et la prospective de la défense. Très bien !

M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. ...en privilégiant les regroupements de services et la mutualisation des fonctions. Le Premier ministre a d'ailleurs confirmé cette orientation devant les maires il y a à peine quarante-huit heures.

Telles sont les conditions essentielles d'une véritable réforme de l'Etat, que nous souhaitons conduire en étroite relation avec l'Assemblée nationale. En effet, mesdames et messieurs les députés, non seulement vous constituez une source de propositions en la matière, mais vous êtes également les mieux à même de contrôler une telle politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la présentation de ce budget doit être replacée très brièvement dans le cadre de la politique de réforme de l'État. En effet, à la différence des réformes ponctuelles comme celles des retraites ou de l'assurance maladie, une telle entreprise ne peut faire l'objet d'un seul et unique projet de loi, aussi ample et ambitieux fût-il.

Pas de « grand soir » à attendre, donc, mais une multitude de petits matins au service de trois grands objectifs : participer au rétablissement des comptes publics et redonner de la plasticité au budget de l'État ; réconcilier les Français avec leur administration et leur simplifier la vie ; s'assurer que l'administration est suffisamment organisée pour s'engager dans un processus permanent de changement.

Nous devons d'abord redonner de la plasticité au budget de l'État. Vous connaissez la situation financière de notre pays. Renaud Dutreil l'a plusieurs fois évoquée. Inutile d'y revenir ! Elle nous impose, pour retrouver des marges de manœuvre, de réaliser des gains de productivité - un terme qui n'est évidemment pas tabou. À cette fin, nous avons relancé en 2004, sous une forme profondément renouvelée, clarifiée et amplifiée, les SMR, ou stratégies ministérielles de réforme, évoquées par Michel Bouvard. Cet exercice nous a permis d'identifier 230 mesures efficaces qui dégageront, à l'horizon 2007, des gains de productivité de 1,5 milliard d'euros par an et 10 000 équivalents d'emploi à temps plein.

Pour 2005, les axes d'effort sont clairs : nous allons pérenniser les stratégies ministérielles de réforme qui vont devenir des plans de réforme « glissants », au contenu enrichi et actualisé au fur et à mesure des exercices ; synchroniser ce processus avec le processus budgétaire - la commission des finances y est attentive - pour créer un chaînage vertueux et l'adapter à la nouvelle architecture du budget de l'État ; et enfin réexaminer sans concession le périmètre d'action de ce dernier pour identifier les missions qu'il convient d'abandonner ou de déléguer. Mais si certaines peuvent être abandonnées, d'autres peuvent être créées pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.

Par ailleurs, un objectif de productivité de 2 % par an dès 2006, beaucoup plus ambitieux que celui que nous avions retenu l'année dernière, sera fixé a priori à chaque ministère.

Deuxième ambition de la réforme de l'État : réconcilier les Français avec leur administration. Les actions de réforme doivent donc être conduites dans l'intérêt des usagers ou des contribuables, et non pas seulement dans celui des administrations. Or, ce que veulent nos concitoyens, c'est la simplicité. La complexité, en effet, nuit à l'intelligibilité des décisions gouvernementales et parlementaires ; en outre, elle porte atteinte à l'égalité de tous devant la loi en créant une sorte d'avantage indu au profit de ceux qui peuvent accéder aisément à l'information ; enfin, elle constitue un surcoût très important pour la société en général et pour les entreprises en particulier.

Nous avons donc engagé un mouvement sans précédent de simplification du droit en présentant devant le Parlement, à un rythme désormais annuel, des projets de loi de simplification du droit. Le deuxième a été examiné par la commission mixte paritaire et devrait être adopté par le Sénat cet après-midi. Il contient des avancées importantes dont je voudrais donner ici quelques exemples.

D'abord, le régime des autorisations administratives sur les entreprises est allégé et fait l'objet d'une nouvelle approche, fondée notamment sur une appréciation économique du rapport coût/intérêt de ces autorisations.

Ensuite, nous procédons à une simplification des procédures d'urbanisme, auxquelles, à part les spécialistes, plus personne, à commencer par les maires, ne comprend plus rien, ou de celles des enquêtes publiques, qui sont souvent inutilement lourdes.

Un autre élément très important est l'institution d'un rescrit dans le domaine social, comme cela se fait déjà dans le domaine fiscal. Il s'agit d'une vraie avancée pour les entreprises, qui leur évitera de se voir opposer par l'URSSAF une interprétation du droit différente d'un département à l'autre. Il faut stabiliser les règles de droit pour permettre aux entreprises de prendre des initiatives dans un climat de sécurité juridique.

L'harmonisation des règles de retrait des actes administratifs est aussi contenue dans ce projet de loi d'habilitation. Celles-ci, notamment s'agissant des actes d'urbanisme, diffèrent selon qu'il y a accord tacite ou pas de l'administration, affichage public ou pas, contentieux engagé ou pas....

Nous avons par ailleurs décidé d'évaluer le coût économique des régimes d'autorisation pour les entreprises. Nous utiliserons ces résultats pour déterminer celles des autorisations qu'il faut simplifier, transformer en déclarations, voire supprimer purement et simplement.

Certains voient dans ce texte un vrai patchwork, une sorte d'habit d'Arlequin. C'est en partie vrai, nous ne nous en cachons pas, mais il est surtout à l'image de notre droit. C'est ainsi que la colombophilie côtoie le droit de l'urbanisme ! Le PLH 3 - le troisième projet de loi d'habilitation - sera « construit » par catégorie d'usagers - familles, associations, entreprises, maires de communes rurales, investisseurs internationaux - pour en accroître l'efficacité et la clarté. Nous travaillons intensivement afin de présenter au Parlement à la fin du premier semestre 2005 ce nouveau projet de simplification.

Troisième objectif : s'assurer que l'administration s'organise pour s'engager dans un processus permanent de changement.

Les fonctionnaires sont évidemment tous désireux de bien faire. Mais ils doivent retrouver le goût de l'engagement et de la prise de risque.

Nous avons d'abord agi en direction des plus hauts fonctionnaires, parce que nous avons besoin de créer des « champions de la réforme », capables d'amplifier et de relayer le mouvement porté par les politiques. Un secrétaire général, primus inter pares, sera créé dans chaque grand ministère - équipement, secteur social, agriculture, justice, éducation nationale - et se substituera au haut fonctionnaire de modernisation et de déconcentration qui existe actuellement. Il sera directement responsable des moyens, de la continuité et de la réussite des actions de réforme de son ministère.

La rémunération au mérite a été instaurée pour cinquante directeurs d'administration centrale. Ils seront désormais évalués sur des objectifs et des résultats. Notez que la démarche est aussi importante pour le fonctionnaire que pour son employeur puisque chaque ministre doit formaliser ce qu'il attend de ses directeurs. Une telle mesure est donc doublement vertueuse.

Simplicité, productivité, qualité du service public, contrôle : tels sont donc les maîtres mots de notre action de réforme.

J'en viens à présent au budget proprement dit. Il comporte, outre les budgets des services généraux du Premier ministre, les budgets du SGDN, du Conseil économique et social, du Commissariat général du Plan et des journaux officiels.

Hors fonction publique, le projet de budget des services généraux du Premier ministre pour 2005 s'établit à 674,9 millions d'euros, contre 931,3 millions d'euros en 2004. Cette diminution résulte pour l'essentiel d'une mesure de transfert vers le budget des charges communes des crédits destinés à la compensation par l'État des exonérations de redevance audiovisuelle.

Au sein du budget des services généraux, nous avons déterminé trois priorités. La première est le développement de l'administration électronique - sujet cher à Renaud Dutreil et à moi-même -, grâce à la mise en œuvre du plan Adèle, lancé par le Premier ministre le 9 février 2004. D'ici 2007, ce programme doit conduire à la réalisation de 140 projets, créateurs de 300 nouveaux services destinés à faciliter la vie de nos concitoyens et l'accès aux services publics.

Je précise que les moyens humains et financiers supplémentaires dont disposera l'Agence de développement de l'administration électronique en 2005 n'ont pas constitué une dépense nouvelle pour l'État puisqu'ils résultent tous du transfert, par ponction, de crédits et de postes budgétaires provenant d'autres ministères, ce qui correspond à une volonté du Gouvernement de mutualiser l'effort des différents ministères plutôt que de laisser perdurer un « chacun chez soi » particulièrement coûteux.

Deuxième priorité : l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. À la suite des engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a mis en place, par décret du 27 juillet 2004, un régime d'indemnisation en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins des victimes de ces actes. Il est d'ores et déjà applicable, et de nombreux dossiers sont en cours d'instruction, qui donneront lieu à indemnisation à partir des prochaines semaines. Une dotation de 20 millions d'euros est inscrite, pour 2005, au budget des SGPM pour l'application de ce régime.

Troisième priorité : les expérimentations au titre de la préparation de la mise en œuvre de la LOLF. Plusieurs d'entre elles sont envisagées en 2005. La principale prend la forme de la création d'un chapitre expérimental - globalisant - en 39-01, qui regroupe les crédits rattachés à l'action « Soutien » du futur programme « Coordination du travail gouvernemental ». Ce chapitre s'élève à 43,6 millions d'euros.

Le budget traduit également la création, par décret du 8 juillet 2004, du Conseil d'analyse de la société, qui sera la vigie « sociétale » du Gouvernement. Ses attributions n'empiètent ni sur celles du Gouvernement, ni sur celles du Parlement. Ce conseil repose sur la réunion de personnalités choisies en raison de leurs compétences mais ne dispose pas d'organe permanent ni de fonction significative de soutien. Une telle organisation, inspirée par celle du Conseil d'analyse économique, a fait la preuve de sa souplesse, de son efficacité et de son utilité.

J'en viens maintenant au budget du Secrétariat général de la défense nationale. Ce projet de budget pour 2005 traduit le nouvel élan impulsé par le Premier ministre dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale. Le nombre des missions du SGDN s'est en effet accru en 2004, ce qui justifie l'augmentation des crédits de fonctionnement de 8 %. Parmi ces missions nouvelles, je citerai le renforcement du dispositif de veille et d'alerte au profit des plus hautes autorités de l'État, qui fonctionnera désormais sept jours sur sept ; le développement de la capacité d'anticipation des crises de toutes natures, ainsi que la réalisation de plusieurs exercices interministériels ; la coordination des actions d'intelligence économique, par l'institution d'un haut responsable spécialement chargé de ces questions - je salue au passage la qualité des propositions de M. le député Bernard Carayon, à qui nous devons cette idée - ; enfin l'animation du secrétariat du comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques.

Le budget du Conseil économique et social reste stable, puisqu'il s'établit pour 2005 à 32,93 millions d'euros, contre 32,78 millions d'euros en 2004.

En ce qui concerne le Commissariat général du Plan, les rapporteurs de votre assemblée ont souligné la forte diminution des crédits du budget du Plan : 18,48 millions d'euros sont prévus pour 2005, contre 24,69 millions d'euros en 2004. Cette diminution est liée à une modification de son périmètre.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le Plan. Seulement en partie !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Le Premier ministre, reprenant une proposition formulée par le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle de votre assemblée, a en effet décidé le transfert vers d'autres budgets de la subvention de l'État en faveur de trois organismes : l'OFCE est rattaché au budget de l'enseignement supérieur, le CEPREMAP au budget de la recherche et le CREDOC au budget de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Les moyens du Commissariat général du Plan stricto sensu concourent, comme il est naturel, à l'effort général de rigueur des finances publiques, puisque six emplois sont supprimés. L'objectif d'une diminution annuelle des effectifs au moins égale à celle des départs en retraite sera poursuivi au cours des années prochaines.

L'activité du Commissariat général du Plan se concentre désormais sur les travaux de prospective. Le commissariat fait part régulièrement et dans la plus grande transparence de l'état d'avancement de ses travaux puisqu'ils sont mis à la disposition de tous sur son site internet.

De plus, le Commissariat exerce des missions d'expertise ponctuelles à la demande du Gouvernement. J'en citerai deux exemples, parmi d'autres : le commissariat a apporté son concours à l'élaboration du plan Borloo et effectué des études sur le taux d'actualisation des infrastructures à la demande du ministère de l'équipement.

En 2004, le Plan s'est doté d'une nouvelle organisation, à la fois plus souple et plus efficace, autour d'une trentaine de groupes de projet. Ces groupes ne sont pas des structures pérennes et sont évalués trois fois par an par un comité composé de personnalités indépendantes.

Votre commission a proposé de supprimer les 300 000 euros encore inscrits au budget du Plan au titre de l'évaluation des politiques publiques. Le Plan n'assurant plus de mission d'évaluation, cette suppression peut paraître logique. Vous savez cependant que nous avons engagé une réflexion sur l'organisation administrative de l'évaluation des politiques publiques. Le Gouvernement prend ici l'engagement par ma voix de vous proposer avant la fin de la discussion budgétaire un dispositif d'organisation de l'évaluation des politiques publiques, à laquelle le Parlement sera étroitement associé. Cette réflexion n'étant pas encore achevée, nous vous proposons de maintenir à titre conservatoire l'inscription de cette somme au budget du Plan. Nous pourrons ainsi la déléguer ultérieurement à l'organisme qui aura été choisi pour remplir cette mission d'évaluation des politiques publiques, qui est, je le répète, une nécessité. On ne peut pas en effet se fixer des objectifs de productivité sans évaluation préalable. Aussi devons-nous ménager les moyens de la rendre possible.

La commission des finances s'est également interrogée sur l'opportunité de maintenir les crédits délégués en région pour l'évaluation des contrats de plan État-régions. Je rappelle que ces crédits font l'objet depuis dix ans d'un engagement, constamment réaffirmé par les Premiers ministres successifs, de consacrer six dix millièmes de la participation de l'État au financement des CPER à leur évaluation. Il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de revenir sur cet engagement. En revanche, la question de savoir quelle administration doit déléguer ces crédits en région peut se poser. Or il semble que les 800 000 euros inscrits à ce titre au budget du Plan pourraient fort bien être transférés au budget du ministère de l'intérieur. Le Gouvernement est donc tout disposé à accepter un amendement allant dans ce sens, voire à le déposer lui-même.

S'agissant de la direction des Journaux officiels, l'année 2004 a été placée sous le signe de la progression très rapide de la communication électronique, aussi bien pour la saisie à la source que pour la diffusion. La saisie électronique en ligne des avis publics à la concurrence et des avis d'attribution publiés au bulletin officiel d'annonces des marchés publics, le BOAMP, qui concernait moins de 20 % des annonces de marchés publics à la fin 2003, en concerne maintenant 78 %.

De plus, les deux assemblées parlementaires ont engagé depuis le début de l'année les travaux nécessaires pour permettre une saisie à la source quasi totale de vos débats.

Enfin, la principale nouveauté a consisté en la mise en place, au 1er juin 2004, du Journal officiel authentifié, qui garantit l'inviolabilité de la version électronique du « Lois et Décrets », ce qui lui donne donc la même valeur juridique que la version papier. Notre pays est l'un des tout premiers au monde à avoir franchi cette étape de modernisation, et nous pouvons nous en féliciter.

L'objectif 2005 est placé dans la perspective de la poursuite de ce mouvement de dématérialisation de la production et de la diffusion de l'information. C'est pourquoi ce budget prévoit une diminution de 5 % des dépenses de fonctionnement et de la masse salariale de la direction des journaux officiels.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales orientations du budget des services du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux questions.

Je demande à chacun, y compris au Gouvernement, de respecter son temps de parole, afin que cette séance ne se prolonge pas à l'excès.

Nous commençons par le groupe UDF.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais attirer votre attention sur les dysfonctionnements dont souffre le système d'attribution des indemnités de résidence.

Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il est urgent de rendre notre État plus efficace et plus efficient. Compléments indispensables des réflexions menées sur les modes de gestion prévisionnelle de l'emploi public, les conditions de redéploiement des effectifs et les efforts à réaliser pour renforcer l'attractivité méritent toute notre attention. La rémunération des fonctionnaires en constitue un élément clef. Si vous proposez des gains en pouvoir d'achat grâce à la suppression naturelle de postes, je regrette que vous n'évoquiez pas le nécessaire réajustement des systèmes de rémunérations complémentaires, en particulier celui des indemnités de résidence.

Destiné à compenser les différences de coût de la vie d'une zone géographique à une autre, il repose sur un classement des communes en trois zones. Le taux d'indemnité est de 3 % du traitement brut en zone 1, de 1 % en zone 2 et de 0 % en zone 3. Or le classement d'une grande partie des communes françaises obéit à des critères qui n'ont pas été renouvelés depuis 1945. Certes, l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 et la circulaire du 12 mars 2001 ont fixé de nouvelles modalités d'attribution et introduit quelques modifications. Malgré tout, ces règlements ne tiennent pas compte du développement démographique et économique de nos agglomérations. Il en découle de graves disparités, qui génèrent des effets inquiétants. Sources d'inégalités, elles sont difficilement justifiables. Ainsi, les communes du département des Alpes-Maritimes sont classées en zone 2, alors que le coût de la vie y est plus élevé que dans le Var, département voisin, classé pourtant en zone 1. À l'heure où vous exprimez le souhait d'« un État plus réactif en phase avec les attentes des Français », on ne saurait tolérer cette situation, que je déplore depuis de nombreuses années, et ses regrettables conséquences. De nombreux fonctionnaires refusent leur affectation à Nice en raison du prix élevé des logements. Le taux de refus est conséquent dans la police nationale et atteint 80 % pour les services de La Poste. En effet, les loyers y sont beaucoup plus élevés qu'à Toulon ou à Marseille puisqu'ils sont d'un montant équivalent à ceux pratiqués en région parisienne : un fonctionnaire de catégorie C qui loue un deux-pièces se voit contraint de consacrer en moyenne plus de 35 % de son traitement net à son logement. Je vous indique pour votre information le coût d'une telle location dans des agglomérations comparables à Nice par le nombre de leurs habitants et classées en zone 2 : cela représenterait à Lyon 32 % du traitement net de ce fonctionnaire, 28 % à Montpellier, 27 % à Strasbourg, 21 % à Rouen et 20 % à Nantes.

L'engagement de remédier à ces inégalités a été déjà maintes fois pris, sans qu'il se soit pour l'instant traduit dans les faits. Jean-Paul Delevoye, précédent ministre en charge de la fonction publique, avait demandé à M. Gilles de Robien, actuel ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, de diligenter une étude approfondie afin de disposer de données objectives susceptibles de servir de bases à une éventuelle modification du régime de l'indemnité de résidence. Je regrette que nous soyons si peu informés de l'état d'avancement de cette enquête.

Je souhaite, au nom de l'unité de la fonction publique, que vos propositions en matière de redéploiement et d'attractivité intègrent une révision globale ou partielle, notamment en ce qui concerne les Alpes-Maritimes, du classement des communes. En conséquence, je souhaiterais connaître les mesures que vous comptez réellement prendre pour rétablir l'égalité de traitement entre fonctionnaires, ce qui favoriserait leur mobilité et redynamiserait les territoires les plus concernés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, comme vous le savez, le cadre réglementaire actuel ne permet pas de réviser le classement d'une commune du point de vue de l'indemnité de résidence en dehors des recensements de population réalisés par l'INSEE. Or la ville de Nice n'a pas connu de recensement depuis le recensement général de 1999, qui a conduit à classer la ville de Nice en zone 2.

À ce jour, aucun nouveau recensement de la population n'est prévu pour Nice. Il n'y a donc pas de possibilité légale de classer Nice en zone 1 de l'indemnité de résidence à court terme. La disparition des recensements généraux au profit de recensements partiels pose une réelle difficulté quant à la révision des barèmes de l'indemnité de résidence. Certaines communes devront en effet attendre longtemps une éventuelle modification de leur classement.

M. Rudy Salles. C'est grotesque !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. On constate d'ores et déjà un décalage entre les zones 1 de l'indemnité de résidence et les régions éligibles à l'aide au logement, c'est-à-dire celles où le coût de l'immobilier, et souvent de la vie, est le plus cher. Ces éléments démontrent la nécessité de réfléchir à une évolution du dispositif. Cette réflexion est engagée. Toutefois, je veux souligner l'extrême diversité et complexité des situations que nous rencontrons dans cet exercice. Elles rendent très délicate la définition de critères objectifs permettant un traitement global de cette question.

De surcroît, les enjeux financiers d'une réforme de l'indemnité de résidence sont considérables. Il me semble donc difficile de m'engager aujourd'hui sur un délai de court terme pour la mise en œuvre de ces évolutions.

M. Rudy Salles. Ça fait quinze ans que je pose la même question !

M. le président. Nous passons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne la situation des agents de développement.

Le développement local s'appuie, notamment en zone rurale, sur des hommes et des femmes capables de tirer le meilleur parti des ressources disponibles, de lancer des initiatives, de contribuer par leurs efforts à la croissance économique. Ces missions impliquent des hommes et des femmes qualifiés. Dans le cadre de communautés de communes, ils interviennent aux côtés des élus, des associations, des acteurs économiques locaux.

Les élus locaux, pour qui les agents de développement sont absolument indispensables, sont aujourd'hui confrontés à de graves difficultés de recrutement. Cette fonction ne relevant d'aucun cadre d'emploi et d'aucun métier du statut de la fonction publique territoriale, ces agents de développement sont pour la plupart des contractuels de droit privé. Le renouvellement de leurs contrats est donc entravé aujourd'hui par le contrôle de légalité des préfectures, ce qui est normal. Les élus doivent aussi subir une forte rotation, voire une pénurie de ces « développeurs ».

Certains salariés se voient donc contraints de quitter le territoire sur lequel ils ont agi. Pour les retenir, il conviendrait d'offrir des emplois fonctionnels correspondant à ce type d'activité.

À de multiples reprises, je suis intervenu pour demander au Gouvernement la reconnaissance, par le statut de la fonction publique territoriale, de ce métier de développement. Il m'a toujours été donné la même réponse : « Ne vous inquiétez pas, le Gouvernement travaille à la résolution de ce problème. » Nous attendons toujours ! Et la situation continue de s'aggraver sur le terrain.

Monsieur le secrétaire d'État, mes questions sont simples. Pouvez-vous dire à la représentation nationale où en est, précisément, ce dossier ? Pouvez-vous donner un calendrier précis de résolution de ce problème à tous les élus locaux ? Quelles orientations précises privilégiez-vous aujourd'hui sur cette question ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, je suis sensible à la préoccupation exprimée par de nombreux élus qui éprouvent des difficultés à recruter des agents de développement local, une profession que je connais bien.

Le CSFPT a examiné, le 7 juillet dernier, une note de problématique élaborée par la direction générale des collectivités locales sur la situation de ces agents. Je me contenterai d'évoquer ici les conclusions de cette note qui préconise la création d'une spécialité « développement local » dans le statut des attachés territoriaux, permettant ainsi le recrutement comme titulaire de ces agents. Cela me semble répondre à une partie de vos questions.

Il est également rappelé que ces agents remplissent les conditions d'ancienneté requises pour accéder, par la voie du concours interne, au cadre d'emploi des attachés territoriaux. Une fois la spécialité « développement local » créée, les épreuves qu'ils pourront être amenés à passer seront adaptées à leur profil.

J'indique enfin que ces agents pourront prétendre, au même titre que les personnels ayant bénéficié de CDD successifs, au bénéfice des dispositions qui seront introduites dans le statut général de la fonction publique dans le cadre de la transposition de la directive sur la précarité, à savoir la transformation, au bout de six ans, du CDD en CDI.

La concertation sur ce sujet doit se poursuivre et devrait aboutir, je l'espère dans le courant du premier semestre 2005, à la modification du décret portant statut des attachés territoriaux.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Monsieur le secrétaire d'État, lorsque le Gouvernement privatise et restructure les services publics, chaque fois qu'une poste, une gare, une école, un service hospitalier ferment, les collectivités se retrouvent en première ligne pour tenter d'en atténuer les effets sociaux. On leur demande de suppléer au recul de la puissance publique, d'assurer la continuité du service public local, mais toutes ne disposent pas des mêmes ressources pour répondre aux besoins de leur population.

Dans une logique de concurrence entre territoires, l'écart entre les collectivités les plus dotées et les collectivités les plus démunies va s'accroître inéluctablement.

À Sevran - ville de 50 000 habitants, dans ma circonscription -, le revenu par habitant est de 6 651 euros ; celui de Neuilly-sur-Seine s'élève à 35 780 euros. La fracture budgétaire se convertit inéluctablement en fracture territoriale.

Par le recul des politiques publiques, les communes en difficulté se retrouvent doublement pénalisées, car, en plus de l'incapacité d'investir directement, elles n'ont plus les moyens de recruter l'encadrement et la compétence dont elles auraient besoin pour faire face aux difficultés qui sont plus importantes que dans les villes riches.

L'incapacité de certaines villes, par manque de ressources, à offrir des primes, des avantages et à recruter des cadres de bon niveau accélère et aggrave la fracture territoriale.

En matière de primes, le montant annuel de référence fixé par l'État peut être multiplié par huit selon les ressources de la collectivité. Comment les collectivités déjà faiblement dotées pourront-elles s'aligner sur ces coefficients multiplicateurs ? Les cadres vont aller au plus offrant et accentuer la logique de concurrence entre les collectivités.

L'inégalité territoriale se développe doublement, par le haut et par le bas, par manque de ressources et manque d'encadrement, phénomènes qui se renforcent mutuellement dans un engrenage inexorable.

Monsieur le secrétaire d'État, comment l'État compte-t-il assurer la cohésion sociale et l'égalité entre les collectivités locales devant les besoins d'encadrement des villes en difficulté ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, en confiant aux conseillers régionaux, généraux et municipaux la responsabilité d'un certain nombre de services qui étaient assurés jusqu'alors par l'État, le Gouvernement a poursuivi un objectif simple : assurer, grâce à une gestion de proximité, un service public de meilleure qualité, plus réactif et moins coûteux. D'ailleurs, ça marche !

Pour éviter que des dérives effectivement constatées par le passé ne se reproduisent, un verrou constitutionnel empêche dorénavant que tout transfert de charges soit effectué sans compensation financière équivalente. Cessons donc de faire des procès d'intention. Si un déséquilibre budgétaire ou financier existe, il pourra être constaté et sanctionné par le juge. Jusqu'à présent d'ailleurs, jamais les élus n'avaient bénéficié d'une telle garantie.

Le nouvel élan donné à la décentralisation s'accompagne enfin d'une réforme de l'administration territoriale de l'État. Le rôle du préfet en tant que représentant territorial de l'État est réaffirmé. Un pouvoir général de coordination des services est ainsi confié au préfet de région. Et les préfets de département vont bientôt pouvoir bénéficier d'une certaine liberté dans l'organisation de leurs propres services. De même, la qualité du contrôle de légalité sera améliorée avec la possibilité de recourir à la télétransmission et par l'institution d'un pouvoir d'évocation.

Ces efforts de rationalisation permettront aux préfets d'accroître leurs missions de conseil juridique auprès des collectivités. L'État sera donc bien présent sur les territoires - sur tout le territoire.

M. François Asensi. Je suis désolé, mais cette réponse est hors sujet ! J'espère donc que j'aurai une réponse par écrit sur cette question !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour poser sa seconde question.

M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne le statut des ouvriers des parcs et ateliers de l'équipement.

Vous le savez, la décentralisation forcée de l'essentiel des routes nationales aux départements n'est pas sans conséquence pour les parcs de l'équipement et les missions de service public assurées au quotidien par les 8 500 ouvriers de l'État de ces parcs.

Que pourront, par exemple, devenir ces parcs dans les départements où l'État n'aura plus la responsabilité des routes nationales ? Cette situation obligera l'État et les départements à renforcer leurs partenariats pour maintenir leur organisation actuelle. Or, nous n'ignorons pas que les contrats entre personnes publiques sont aujourd'hui soumis au respect du droit de la concurrence et donc du code des marchés publics. Ce qui pose la question des rapports entre les parcs, l'État et les conseils généraux.

Dans cet environnement réglementaire particulièrement funeste, les ouvriers des parcs et ateliers ont de bonnes raisons d'être inquiets. Ils le sont d'autant plus qu'ils ne comprennent pas l'obstination des pouvoirs publics à casser un outil de travail, leur outil de travail, dont la qualité est pourtant unanimement reconnue.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'État, il est difficilement compréhensible que vous fassiez le choix d'obérer le potentiel d'activité des parcs, en supprimant 471 emplois d'OPA sur la seule année 2005 !

Il existe pourtant aujourd'hui différents scénarios d'évolution de ces parcs et ateliers. Quel que soit le scénario retenu, les ouvriers ont une exigence : que la mission de service public qu'ils assument perdure. Et donc que leur statut, d'ouvrier de l'État, reste le même.

C'est pourquoi je vous demande quels sont vos projets pour les ouvriers des parcs et ateliers. Envisagez-vous une refonte de leur statut ? Si oui, quelles garanties pouvez-vous leur donner que cette réforme n'altérera ni la mission de service public qu'ils assument, ni les protections que leur assure aujourd'hui leur statut d'ouvrier de l'État ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, à question précise, réponse précise.

Les parcs de l'équipement font partie intégrante des services de l'État. Ils assurent des missions de service public essentielles, et nous y sommes attachés, pour l'entretien du réseau routier. En leur sein, les ouvriers des parcs et ateliers exercent des métiers à forte qualification, fondés sur la capacité professionnelle - reconnue - de chacun.

Leur statut d'ouvrier d'État permet le recrutement de compétences spécifiques et nécessaires. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui fixe une nouvelle répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales, en particulier dans le domaine routier, n'a prévu, compte tenu des spécificités de leur statut, ni leur détachement auprès des collectivités locales, ni une quelconque intégration dans un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale.

Il n'en reste pas moins que l'activité des parcs, déjà majoritairement dédiée aux départements, va se trouver modifiée. Il importe donc de définir le nouveau positionnement de ces structures d'intervention, mais aussi les éventuelles évolutions des métiers de leurs personnels.

C'est pour cette raison que la loi du 13 août dernier prévoit, dans les trois ans à venir, la présentation devant le Parlement d'un rapport spécifique. Cette démarche est entreprise de la façon la plus transparente et la plus concertée possible. Mon collègue Gilles de Robien, chargé de l'équipement, a confié à M. Jean Courtial, maître des requêtes au Conseil d'État, une mission de réflexion sur les parcs de l'équipement, qui devra associer l'ensemble des partenaires concernés, les représentants des personnels et des collectivités territoriales, principalement des conseils généraux.

Cette mission devra permettre de dégager les éléments du diagnostic et de formuler des propositions adaptées à l'exécution du service public routier par l'État et les départements sur leur réseau respectif. Elle devra également s'articuler avec une approche prévisionnelle et prospective sur les compétences, l'emploi et les métiers des ouvriers des parcs et ateliers, tout en préservant leurs droits et l'attrait de leur statut.

Les principales orientations, monsieur le député, devront être déterminées pour le milieu de l'année 2005.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne la proposition de loi que j'ai présentée tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique.

Cette proposition a été discutée, ici même, le 15 avril dernier et n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour du Sénat, alors qu'elle devait entrer en application le 1er janvier 2005. Depuis cette discussion à l'Assemblée, j'ai reçu de nombreuses lettres ou courriels me demandant quand elle serait définitivement adoptée.

Monsieur le secrétaire d'État, vous-même et M. Renaud Dutreil connaissez mon attachement à cette proposition. Nous avions d'ailleurs rencontré conjointement les représentants syndicaux. Et vous m'aviez dit tous deux que cette proposition pourrait être intégrée au projet de loi sur la modernisation de la fonction publique.

Renaud Dutreil a dit tout à l'heure que le projet de loi allait venir en discussion, mais qu'il avait pris du retard. La fonction publique territoriale sera réformée, probablement, dans une première étape ; la fonction publique d'État le sera ensuite. Mais cela retardera encore certainement les choses dans l'application de la proposition.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont vos intentions à ce sujet ? Ne serait-il pas sage d'accepter la proposition au moment de son passage au Sénat, quitte à ce qu'un amendement gouvernemental complète, si besoin, le dispositif ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, sur le fond, vous le savez, et Renaud Dutreil s'est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, cette mesure va dans un très bon sens. Elle fait un pas de plus vers l'égalité de tous les citoyens pour l'accès aux emplois publics. Elle constitue un élément de réponse à la problématique de l'emploi des seniors.

Il s'agit d'un enjeu fondamental pour notre société sur lequel la France a un retard considérable, toutes les statistiques le démontrent. Il faut lever les barrières qui interdisent à des personnes qui ont travaillé dans le privé pendant une partie de leur vie d'accéder à la fonction publique et faire en sorte que la fonction publique puisse bénéficier de leur expérience.

Cette mesure se situe dans une logique de mobilité. La fonction publique doit s'adapter à une société plus mobile, plus rapide, où les gens n'envisagent plus de se contenter d'un métier unique tout au long de leur vie. Il faut permettre aux fonctionnaires de changer d'emploi, mais aussi faciliter les échanges, les passerelles entre les fonctions publiques et le secteur privé.

Une concertation a été organisée avec les syndicats le 25 mai dernier ; vous y avez participé, monsieur Poignant. Les partenaires sociaux n'ont pas remis en cause le bien-fondé de votre proposition ni le principe de la suppression des limites d'âge, mais ils ont souhaité que l'adoption d'une disposition sur ce sujet ne soit pas déconnectée des projets de modernisation de la fonction publique en cours de préparation. En effet, la question des limites d'âge est l'une des composantes de la politique de recrutement dans la fonction publique.

Nous pouvons prendre l'engagement que la proposition que vous avez formulée sera rattachée à l'évolution de la fonction publique territoriale,ainsi que Renaud Dutreil l'a annoncé, pour le premier semestre 2005. Si ce n'était pas le cas, elle ferait l'objet d'un texte autonome.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais attirer votre attention sur la situation statutaire discriminatoire dans laquelle sont confinés les quelque 150 fonctionnaires d'État originaires de Mayotte qui sont affectés en métropole ou dans les DOM.

Les agents de l'État affectés en outre-mer et ceux originaires des DOM bénéficient d'un régime spécifique : indemnités d'éloignement, primes d'installation, congés bonifiés ou prise en charge des frais de transport de leurs familles lorsqu'elles rejoignent leur île d'origine. Les agents mahorais ne bénéficient pas des mêmes compensations, car, s'ils sont affectés à Mayotte, on leur dit qu'ils y ont leurs intérêts matériels et moraux, et, s'ils sont affectés en métropole, on leur dit que, étant français, ils y sont chez eux. Depuis 1996, ces fonctionnaires dénoncent, avec raison mais sans succès, une situation qu'ils jugent discriminatoire.

Les prestations familiales sont également symptomatiques de ces inégalités. Un fonctionnaire mahorais perçoit des allocations familiales en sa qualité de fonctionnaire en exercice dans les territoires métropolitains, mais il ne bénéficie plus de ce régime lorsqu'il est affecté à Mayotte, fût-ce dans un corps et à un grade similaires, alors que les allocations sont maintenues pour les agents d'origine différente. Ainsi, deux collègues travaillant à Mayotte − un Mahorais et un métropolitain − ne bénéficient pas des mêmes prestations. Je ne suis pas sûr que ce soit là le régime habituellement appliqué aux agents de l'État : en règle générale, lorsqu'elle recrute ses agents, la fonction publique ne tient pas compte de leurs origines, de leur race ou de leur religion − c'est même l'un des grands principes de notre République.

Mayotte est désormais inscrite dans la Constitution et nombre de textes réglementaires l'assimilent à un DOM. Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'État, que vous précisiez les modifications que vous entendez apporter à la réglementation en vigueur afin de mettre un terme à cette discrimination d'un autre âge et de faire bénéficier les fonctionnaires d'État originaires de Mayotte en poste en métropole du même statut que les autres agents originaires des DOM. Je souhaiterais également que vous nous indiquiez dans quels délais vous entendez mettre ces modifications en œuvre. Il y a urgence, car tout ce qui est injuste est choquant.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. En effet, monsieur le député, les fonctionnaires mahorais affectés en métropole ne bénéficient pas du congé bonifié, car le dispositif est réservé aux DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon en bénéficiant toujours en tant qu'ancien DOM.

Mme Girardin, ministre de l'outre-mer, souhaite engager avec mon ministère une réflexion d'ensemble sur la modernisation du régime des congés bonifiés, qui ne correspondent plus à la réalité de notre siècle. Les longues traversées en bateau, d'une durée de quinze jours ou plus, ont été remplacées par des voyages en avion, permettant de rejoindre les collectivités d'outre-mer en moins d'une journée - ce qui n'est pas forcément plus qu'un trajet en voiture de Brest à Nice.

De façon générale, un examen des avantages accordés en outre-mer, qu'ils le soient au titre d'une affectation ou pour les fonctionnaires originaires du lieu, révèle des disparités qui ne sont pas toujours justifiées. Ces situations sont le fruit de l'histoire et il n'est pas aisé de faire évoluer ces règles. Cela implique de poursuivre une étroite concertation avec les acteurs territoriaux et de réaliser les analyses économiques qui permettront d'apprécier l'impact de telle ou telle réforme. Renaud Dutreil et moi ne sommes pas hostiles au réexamen de la question dans le cadre d'une réflexion globale. Mais, dans le contexte budgétaire, il me semblerait plus raisonnable que les efforts financiers devant porter sur Mayotte soient en premier lieu consacrés à l'intégration de ces agents publics dans la fonction publique. Cette intégration implique notamment de former les personnels et d'adapter progressivement leurs rémunérations, toutes actions qui ont un coût important. Ce doit être notre première priorité.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur la nouvelle politique publique d'intelligence économique qui s'appuie sur les préconisations que j'ai faites, l'an dernier, dans un rapport au Premier ministre. Nouvelle, comme le furent en leur temps les politiques d'écologie ou de développement durable, cette démarche trouve sa traduction dans des politiques de sécurité, de compétitivité et de mutualisation des moyens publics et privés pour conquérir les marchés extérieurs, en particulier les marchés stratégiques, dans une politique d'influence, notamment auprès des organisations internationales où s'élaborent aujourd'hui les règles juridiques et les normes professionnelles, et dans une politique de formation.

Je me réjouis que le Gouvernement se soit engagé de manière audacieuse sur un chemin qui était peu connu des Français et où excellent nos grands concurrents, surtout anglo-saxons. Toutefois, je me pose quelques questions. Le haut responsable chargé de l'intelligence économique a été institué auprès du secrétaire général de la défense nationale, mais ce n'est pas, à mon avis, l'institution administrative la plus adéquate pour traiter de ces questions.

D'autre part, des expérimentations de dispositifs d'intelligence économique à caractère territorial ont été lancées par le ministère de l'intérieur dans neuf régions, dont la mienne, Midi-Pyrénées. Je m'en réjouis, mais elles semblent toutefois avoir pris quelque retard.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient de créer une délégation générale à l'intelligence économique, ce qui a pour effet de hausser le niveau de traitement administratif de ces questions. Dès lors, le HRIE sera-t-il appelé à jouer un rôle de coordinateur ? D'autres ministères vont-ils, à l'instar de ceux de la défense, de l'intérieur ou des affaires étrangères, créer une délégation de ce type ?

Je me réjouis que le Premier ministre ait décidé de faire le maximum pour la sécurité des réseaux publics d'information, mais je ne suis pas certain que les moyens humains et techniques dont dispose l'État permettent d'aller aussi loin qu'il le faudrait. La Direction centrale de la sécurité des systèmes d'information du SGDN n'emploie que huit ingénieurs pour auditer l'ensemble des problèmes de sécurité des réseaux publics : c'est dramatiquement insuffisant.

Enfin, le ministère des affaires étrangères a également engagé une réflexion sur ce sujet et je me réjouis que deux télégrammes diplomatiques aient été adressés à nos postes.

Devant un tel foisonnement d'expériences ou d'initiatives administratives, je souhaiterais connaître votre sentiment sur l'évolution de cette politique publique et sur la façon dont le Gouvernement entend la mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, l'excellent rapport que vous avez remis au Premier ministre en juin 2003 a fourni aux autorités de l'État un diagnostic sans complaisance et a contribué, grâce à une médiatisation importante, à une prise de conscience collective des enjeux de la politique publique d'intelligence économique. Les nombreuses propositions et réflexions de ce rapport ont conduit le Gouvernement à donner une nouvelle impulsion dans ce domaine.

Ainsi, vous l'avez rappelé, un décret du 22 décembre 2003 a institué un haut responsable pour l'intelligence économique. En raison du caractère interministériel de la politique d'intelligence économique, que vous avez souligné dans votre rapport, le HRIE a été placé auprès du secrétaire général de la défense nationale. S'inspirant notamment de vos recommandations, le HRIE a mis en œuvre un plan d'action gouvernementale de trois ans dont les premiers résultats peuvent d'ores et déjà être recensés. Les secteurs stratégiques dans lesquels doit s'exercer la mission de veille, tant en France qu'à l'étranger, ont été identifiés et validés. Le concept même d'intelligence économique, qui pouvait prêter à confusion, a été clairement défini. Cette définition et la clarification du rôle de l'État étaient d'ailleurs indispensables. Elles ont été explicitées dans un document de référence, réalisé à l'issue d'une large concertation et après consultation d'un groupe d'experts reconnus.

Enfin, un dispositif interministériel de veille et d'alerte a été mis en place. L'action repose sur une connaissance fine des entreprises françaises relevant des secteurs stratégiques précités. Pour permettre au Gouvernement de suivre les dossiers sensibles et d'anticiper les menaces, le suivi est assuré à travers les travaux du groupe permanent.

Le soutien aux entreprises des secteurs stratégiques a été organisé autour de trois volets principaux qui mobilisent particulièrement les ministères concernés.

Il s'agit en premier lieu de favoriser la sensibilisation et la formation à l'intelligence économique. Un travail de fond a été entrepris, visant à définir un corpus commun pour donner plus de cohérence et de lisibilité aux formations actuelles.

D'autre part, la dimension territoriale de l'intelligence économique, plus spécifiquement axée sur le réseau des PME-PMI, est prise en compte : les préfets de région, aidés par un comité régional pour l'intelligence économique, seront, avec les collectivités locales, au cœur de cette action coordonnée au niveau national. Neuf régions, dont la vôtre, sont actuellement en phase d'expérimentation.

Enfin, des fonds privés d'investissement sont en cours de constitution avec l'encouragement de l'État pour aider les PME-PMI des secteurs stratégiques à développer des technologies performantes.

Une modernisation du cadre juridique est également en cours. Après analyse de la situation actuelle, il a paru nécessaire d'adapter et de moderniser le cadre juridique dans le domaine du contrôle des investissements étrangers, qui est extrêmement sensible. Le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, qui a été adopté par le Sénat le 12 novembre dernier − les conclusions de la CMP devant y être examinées cet après-midi −, contient des mesures à cet égard et votre assemblée aura prochainement l'occasion d'en débattre.

L'année 2005 sera principalement consacrée à la pérennisation des nombreuses actions qui viennent d'être décrites et qui étaient toutes contenues dans le rapport que vous avez présenté au Premier ministre.

Un mécanisme de protection visant à réduire les risques de récupération ou de détournement des données sensibles sera par ailleurs mis à l'étude.

Vous le voyez, monsieur le député, votre rapport a été particulièrement utile.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant pour poser sa seconde question.

M. Serge Poignant. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur les quotas en matière de promotion interne dans la fonction territoriale. Ceux-ci déterminent le nombre de fonctionnaires territoriaux inscrits sur une liste d'aptitude à la suite d'un examen professionnel et pouvant être recrutés pour un emploi supérieur au leur.

Pour les agents administratifs souhaitant être promus au grade d'adjoint administratif, le décret du 26 juin 2003 instituant un système dérogatoire à l'accès au grade d'adjoint administratif a fixé un quota de un pour trois au lieu de un pour cinq, ce qui a suscité beaucoup d'espoirs. Toutefois, compte tenu du nombre d'inscriptions sur la liste d'aptitude, ces espoirs se sont transformés en grande déception lorsque les agents ont appris qu'ils ne pourraient être nommés.

Dans mon département de Loire-Atlantique, 562 agents administratifs ayant réussi l'examen en juin dernier ne peuvent être nommés adjoints administratifs. Compte tenu du quota réglementaire, il faudrait créer près de 2000 postes. D'après certaines informations, le Conseil supérieur de la fonction publique aurait donné son accord à un texte réglementaire assouplissant les conditions de promotion interne et de quota au titre de l'agrément professionnel. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, éclairer les parlementaires qui, souvent, sont aussi des élus locaux et qui ont été interrogés par leurs agents ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, il n'est pas souhaitable d'abandonner les mécanismes de régulation en matière de déroulement des carrières dans l'une des trois fonctions publiques s'ils restent en vigueur dans les deux autres. Imaginons une région touchée par la pénurie de personnel hospitalier, par exemple : certaines collectivités pourraient être tentées d'y attirer des infirmières en pratiquant une sorte de « dumping statutaire ». Comment les hôpitaux pourraient-ils retenir les infirmières qui les quitteraient pour des carrières plus rapides non régulées dans la collectivité voisine ? Cela n'entraînerait-il pas une distorsion de concurrence ?

Organiser la mobilité entre les trois fonctions publiques implique que l'on respecte une certaine dose de parité, laquelle n'empêche pas d'adapter les règles aux situations spécifiques, comme vous le souhaitez. Il en est ainsi de la fonction publique territoriale, dont la gestion, éclatée entre de nombreux employeurs, ne permettrait pas d'organiser des déroulements de carrière satisfaisants en l'absence de règles comme celles prévoyant au moins une nomination tous les trois ans. Je ne suis pas favorable à la suppression de tous les quotas. Le recours à un dispositif de type « promu-promouvable » permet de réguler le déroulement de la carrière des agents de façon fluide, en évitant les à-coups liés aux phénomènes démographiques.

Avec un tel système, les perspectives de promotion restent constantes dans la mesure où elles sont calculées en fonction du nombre d'agents promouvables au sein de la fonction publique d'État et dans le cadre de l'adaptation à la LOLF de la gestion de la ressource humaine dans la fonction publique d'État. C'est ce mécanisme que nous souhaitons substituer à l'actuel pyramidage statutaire.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre : I.- Services généraux ».

SERVICES GÉNÉRAUX

M. le président. Sur le titre III de l'état B, je suis saisi d'un amendement n° 115 rectifié.

La parole est à M. Michel Bouvard, suppléant M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la fonction publique et la réforme de l' État, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard, suppléant M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la fonction publique et la réforme de l'État. Monsieur le président, la commission des finances a adopté cet amendement contre l'avis du rapporteur spécial. Dans ces conditions, je laisse son auteur, M. Louis Giscard d'Estaing, le défendre.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet amendement fait suite à ceux qui avaient été également adoptés par la même commission sur les budgets 2003 et 2004. Il s'inscrit pleinement dans la réforme de l'État et correspond de notre part à l'exercice de notre fonction de contrôle de la dépense publique.

Il tend à augmenter la réduction de crédits prévue pour les mesures nouvelles, afin que les services votés relatifs à la subventionnement de fonctionnement attribuée à l'École nationale d'administration soient ramenés à 30 900 456 euros, niveau auquel ils se trouvaient dans le projet de loi de finances pour 2003. Ce montant correspond à une réduction de 1 106 321 euros par rapport à 2004 mais à une augmentation de 4 576 000 euros par rapport à 2002, année où les crédits s'étaient élevés à 26,3 millions d'euros avant d'être portés à 30,9 millions en 2003 et à 32 millions en 2004.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, le ministre de la fonction publique s'était engagé à réduire le nombre d'élèves par promotion afin de tenir compte des remarques de notre assemblée et du rapport de la commission Silguy. Il s'agissait, d'abord, d'adapter l'ENA aux besoins futurs d'encadrement dans la haute fonction publique afin d'offrir une carrière digne des aspirations des anciens élèves et de valoriser l'investissement réalisé par la nation pour leur formation. Il s'agissait, ensuite, d'accroître la motivation des agents de la fonction publique qui ne sont pas passés par l'ENA, car il n'y a pas toujours adéquation entre la taille des promotions et les besoins.

Il faut également tenir compte des économies de fonctionnement qui résultent des décisions prises d'abord par le gouvernement Cresson, ensuite par le gouvernement actuel, de regrouper la scolarité à Strasbourg. C'est ainsi que le ministre a annoncé tout à l'heure la mise en vente, programmée pour 2005, de l'un des deux sites parisiens de l'ENA, ainsi qu'un projet de rapprochement, que je salue, de l'ENA et de l'INET sur le site de Strasbourg.

Les arguments qui justifiaient l'augmentation du budget de l'ENA en 2003 et 2004 ne valent plus désormais. Aussi vous est-il proposé par cet amendement, afin de tenir compte des engagements pris devant la représentation nationale par le Gouvernement, de revenir tout simplement au niveau du budget de 2003.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur Giscard d'Estaing, la commission des finances exprime le souhait que la subvention de l'École nationale d'administration soit diminuée, afin qu'il soit tenu compte des économies réalisées en réduisant le nombre d'élèves par promotion et en regroupant la scolarité à Strasbourg.

La subvention de l'ENA inscrite dans ce projet de budget tient déjà compte de la diminution du nombre de places offertes au concours d'entrée de la fin de l'année 2003. Ce nombre est en effet alors passé de 116 à 100 - je rappelle que le chiffre de 95 a été donné tout à l'heure. C'est principalement pour cette raison que la subvention de l'ENA, qui s'élève à 31,25 millions d'euros, est en diminution de 755 000 euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2004.

Ainsi que Renaud Dutreil vous l'a également indiqué, le Gouvernement a récemment décidé de poursuivre le mouvement de baisse. La nouvelle diminution du nombre de places offertes au concours d'entrée permet ainsi de réduire de 350 000 euros supplémentaires le montant de la subvention, et donc d'abaisser cette subvention à 30 900 000 euros, c'est-à-dire à un niveau égal à celui de 2003, comme le souhaite la commission des finances.

Le Gouvernement, monsieur le député, est donc favorable à votre amendement.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la fonction publique. Le chiffre n'est pas le même ! C'est à n'y rien comprendre !

M. le président. J'ai bien noté, monsieur Derosier, que M. le secrétaire d'État proposait de réduire les crédits de 351 879 euros, et non de 351 423 comme il est prévu dans l'amendement de M. Giscard d'Estaing.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l' État. Monsieur le président, le plus simple serait de considérer que l'amendement de M. Giscard d'Estaing rectifié fait l'objet d'une rectification et devient l'amendement n° 115 deuxième rectification.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument !

M. le président. L'important était d'être d'accord sur le montant de la réduction.

Sur l'amendement n° 115 deuxième rectification, qui vise donc à réduire de 351 879 euros les crédits du titre III, la parole est à M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la fonction publique.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la fonction publique. La commission des lois n'a pas eu à connaître de cet amendement, et c'est dommage. Il aurait été une fois de plus l'occasion pour le rapporteur pour avis de la commission des lois de montrer que la majorité n'a de cesse de s'en prendre à la fonction publique, y compris à son plus haut niveau ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je ne partage pas la volonté de mon voisin, Louis Giscard d'Estaing,...

M. Louis Giscard d'Estaing. Voisin géographique, uniquement !

M. André Chassaigne. ...de porter un nouveau coup à l'ENA. Un petit rappel historique aura valeur d'explication.

L'École nationale d'administration est le fruit d'une décision prise à la Libération. Elle s'inscrivait dans la politique voulue par le Conseil national de la Résistance de conduire, dans le cadre de la reconstruction du pays et du développement des valeurs républicaines, des politiques publiques avec des agents de haut niveau, souvent appelés « commis de l'État », terme qui, dans ma bouche, n'est en rien péjoratif.

Porter des coups, exercice après exercice, à ce grand corps de notre République, est une action symbolique qui vient en accompagnement de décisions récentes - je veux notamment parler, monsieur le secrétaire d'État, monsieur Giscard d'Estaing, des lois de décentralisation, qui démantèlent notre République.

En définitive, toute la politique qui est conduite tend à moins de politiques publiques et à moins d'État. Elle aboutit à abandonner, dans le cadre d'un processus libéral très marqué, ce qui fait la force de notre République pour laisser libre cours au marché.

M. François Asensi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Je constate tout d'abord que le Gouvernement prend acte du transfert de l'ENA à Strasbourg et n'y trouve rien à redire.

J'observe ensuite qu'il a une vision comptable de cette école puisque l'on justifie la diminution de crédits par une baisse du recrutement.

Finalement, la question est celle de savoir quelle place on accorde à la haute fonction publique dans notre pays. C'est un débat que nous avons déjà eu dans cette enceinte, et nous avons donc déjà eu l'occasion de dire combien nous ne partagions déjà pas les orientations actuelles.

Encore une fois, porter atteinte à l'ENA, c'est porter atteinte à la fonction publique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°115 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Sur le titre III de l'état B, je suis saisi d'un amendement n° 16.

La parole est à M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des finances et ses rapporteurs successifs ont toujours mis l'accent - sa mission d'évaluation et de contrôle a encore insisté sur ce point - sur la nécessité d'être cohérent quant à la création de différents organismes. C'est dans cet esprit qu'elle s'est penchée sur le décret du 8 juillet 2004 portant création du Conseil d'analyse de la société, dont vous avez, monsieur le secrétaire d'État, rappelé tout à l'heure le rôle.

La commission, unanime, a jugé inutile de créer une instance spécifique dans la mesure où ce rôle relève du travail normal du Gouvernement. C'est une affaire d'appréciation politique et ce dernier peut, pour élargir sa réflexion, s'appuyer sur les travaux du Conseil économique et social et du Commissariat général du Plan. La commission estime donc que, si le Gouvernement souhaite maintenir cette instance, il lui revient d'en prendre la responsabilité.

M. le ministre a, semble-t-il, répondu par avance à notre suggestion, mais il y a moyen de renforcer le rôle du Commissariat général du Plan - j'y reviendrai avec l'amendement suivant.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Le souci d'économies de notre collègue est sans doute admirable. Je crois savoir tout de même qu'il existe, en matière de fonctionnement de l'État et des pouvoirs publics en général, des gisements d'économies plus importants que ces 150 000 euros sur lesquels porte cet amendement : de minimis non curat praetor !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Je présidais la commission des finances lorsque cet amendement, avec lequel j'étais en accord, a été adopté. Je m'inscrirai à cet égard dans la suite du débat que nous avons eu hier soir à propos des crédits d'un autre ministère.

Au-delà de son montant somme toute modeste au regard du budget de l'État - notre collègue M. Carayon a eu raison de souligner qu'il existait sans doute des gisements d'économies plus importants -, cet amendement a une vocation pédagogique.

Alors que le Gouvernement s'efforce de réduire le nombre des instances consultatives - hauts comités et autres observatoires -, judicieusement rappelées dans le jaune figurant en annexe aux lois de finances, nous voyons fleurir de nouvelles instances, dont on découvre le coût dans le budget. Et que ces instances soient créées par voie législative, comme on l'a encore constaté hier soir avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations, ou par voie réglementaire, la logique est la même - encore que les 150 000 euros en cause aujourd'hui représentent un montant beaucoup plus modeste que les 10,7 millions qui étaient en question avec cette Haute autorité : le débat se déroule dans l'hémicycle sans qu'il soit jamais question de leur coût et des personnels nécessaires à leur fonctionnement.

Vouloir « éclairer les choix politiques du Gouvernement, par l'analyse et la confrontation des points de vue, lorsque les décisions à prendre présentent des enjeux liés à des faits de société » est tout à fait estimable et même nécessaire - personne dans cet hémicycle ne le contestera.

La vraie question est de savoir si nous avons besoin de créer une structure particulière et si celle-ci, ou son président, a besoin d'un crédit précis. Pour ma part, je pense que cette mission pouvait être hébergée par une structure existante.

Tout à l'heure, dans votre intervention, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait valoir que cette structure avait son utilité dans la mesure où le Commissariat général du Plan allait peut-être lui-même évoluer, voire disparaître. Pourquoi pas ?

Ce que je veux dire très solennellement, au nom de la commission des finances, c'est que nous serons de plus en plus attentifs au coût de création de toute structure nouvelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous ne pouvons pas, d'un côté, soutenir le Gouvernement dans la réduction des instances et, de l'autre côté, laisser se créer de nouvelles instances sans disposer au préalable d'une évaluation de leurs dépenses de fonctionnement.

M. Louis Giscard d'Estaing et M. Jean-Pierre Gorges. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Le Conseil d'analyse de la société n'est pas une structure nouvelle.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Vraiment ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. En effet, elle ne sera pas permanente. C'est une mission qui est confiée à des personnalités, au même titre qu'ont été confiées des missions au Conseil d'analyse économique. Il s'agit donc d'un outil extrêmement souple, non d'une administration nouvelle dont on pourrait redouter la pérennité et le coût en termes de fonctionnement.

Je ne suis pas moi-même un militant du développement des structures. Nous l'avons prouvé en supprimant un certain nombre de commissions et en renouvelant, dans le PLH2, le mandat d'analyse de l'ensemble des structures.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. C'est vrai. Ce sont des décisions remarquables. Mais vous êtes un peu seuls dans ce combat.

M. Bernard Carayon. C'est estimable, en effet.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Le jaune est d'ailleurs établi par une direction qui dépend de nos propres services. C'est un outil très utile.

M. Bernard Carayon. Mais vox clamans in deserto !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. En même temps, nous l'avons vu dans d'autres pays, l'État doit pouvoir disposer d'organismes qui répondent à des missions précises et qui durent juste le temps nécessaire. Le Gouvernement considère que la mission du Conseil d'analyse de la société est utile et nécessaire et qu'il doit avoir les moyens de travailler. Je n'irai pas jusqu'à considérer que 150 000 euros, c'est trop peu. Un euro, c'est toujours trop s'il est mal utilisé. Il n'y a pas des enjeux forts, d'un côté, et des enjeux pas forts, de l'autre. Et, pour les contribuables, 150 000 euros représentent une somme importante. Il n'en demeure pas moins que ces 150 000 euros seront bien employés dans cette structure, qui n'est pas une structure pérenne, je le répète, mais simplement une mission confiée à un certain nombre de personnalités.

Je vous serais donc très reconnaissant de ne pas adopter cet amendement, et de permettre au Conseil d'analyse de la société de remplir sa mission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Peut-être pourrait-on parler de redéploiements de crédits.

M. Jean-Pierre Gorges. Non !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Si tel était le cas, M. Bourguignon devrait en tenir compte.

Je voudrais simplement répondre à une observation faite tout à l'heure par notre collègue de la commission des lois. Les amendements de la commission des finances, c'est-à-dire de la commission saisie au fond, ne peuvent pas être soumis aux commissions saisies pour avis.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la fonction publique. Je n'ai pas posé de problème de forme !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Je suis désolé, les crédits figurent dans le bleu, au chapitre 37-30, il ne s'agit pas d'un redéploiement. Et si j'ai utilisé cette technique, pour cet amendement comme pour l'amendement suivant, c'est que, cette année encore, l'article 40 de la Constitution nous est opposable. Ce sera différent l'année prochaine, même si, en fait, nous n'avons pas fini de nous occuper de ce genre de choses.

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Je suis désolé pour mon collègue Carayon, qui est intervenu avec vivacité, mais je tiens à souligner que cet amendement a été adopté par la commission des finances à l'unanimité. Je renvoie la majorité à ses contradictions internes.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. Oh !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Au débat, pas aux contradictions !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Non, ce n'est pas un détail.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je n'ai pas parlé de détail, j'ai parlé de débat.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial suppléant pour la fonction publique et la réforme de l'État. C'est comme le débat sur l'Europe au PS !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Non, ça, ce n'est pas un débat !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. Le débat était ouvert sur es perspectives. La seule réponse que j'aie obtenue à la question que pose mon amendement, c'est que, de toute façon, cet argent va rester et que, même s'il avait bougé, il n'aurait pas été attribué au Commissariat général du Plan, dont on se préoccupe de l'avenir par ailleurs, ce qui m'inquiète beaucoup - mais nous allons en reparler dans quelques instants.

Bien évidemment, je maintiens l'amendement de la commission des finances.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B, modifiée par les amendements adoptés.

(La réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B, ainsi modifiée, est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre V de l'état C.

(Les crédits inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre VI de l'état C.

(Les crédits inscris au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Services du Premier ministre : III.- Conseil économique et social ».

CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre V de l'état C.

(Les crédits inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Services du Premier ministre : IV.- Plan ».

PLAN

M. le président. Sur le titre III de l'état B, je suis saisi de deux amendements, nos 17 et 205, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels, pour défendre l'amendement n° 17.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. L'amendement n° 17 propose de réduire de 950 000 euros les moyens budgétaires accordés au Commissariat général du Plan pour l'évaluation des politiques publiques et des contrats de plan État-régions.

Je suis très clair : j'ai utilisé, avec l'aval de la commission des finances, cette technique pour poser un certain nombre de questions, et j'ai beaucoup insisté, dans le rapport écrit et dans la présentation orale que j'ai faite tout à l'heure, sur cette dimension.

Nous voulons savoir ce que le Gouvernement entend faire très précisément du travail complet du Commissariat général du Plan, et s'il compte lancer une véritable évaluation des politiques publiques. Ces questions ont été posées et reposées, sans jamais obtenir de réponse. L'amendement n° 17 a pour objet de provoquer cette réponse.

Vous avez donné un début de réponse dans votre intervention tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, en disant que vous réfléchissiez encore s'agissant du problème global de l'évaluation des politiques publiques, et que vous nous donneriez des précisions ultérieurement. Je veux bien. Mais, en attendant, vous avez déposé un amendement qui propose de réduire, non plus de 950 000 euros mais de 800 000 euros, les crédits consacrés à la seule évaluation des contrats de plan.

Nous sommes sur un vrai débat de fond. Qui doit faire les évaluations ? Sûrement pas les parties prenantes. Nous voulons avoir une réponse précise.

Si le Gouvernement souhaite que le Commissariat général du Plan ne s'occupe plus d'évaluations, il faut qu'il le dise et qu'il précise qui doit s'en occuper. Pour l'instant, il répond qu'on verra plus tard.

S'agissant particulièrement de l'évaluation des contrats de plan, on nous dit qu'elle relèvera du ministère de l'intérieur, puisque c'est lui qui s'occupe des contrats de plan. Mais on ne peut pas être juge et partie et la question importante de l'évaluation des politiques publiques n'est toujours pas réglée. Sans compter que l'avenir du Commissariat général du Plan n'est pas du tout assuré.

Tel était le sens de notre démarche. Si le Gouvernement persiste dans son attitude, qui ne correspond pas au souhait de la commission des finances, je me verrai dans l'obligation de retirer l'amendement n° 17. J'attends votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 205 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 17.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je commenterai d'abord et je proposerai ensuite, si vous le permettez, monsieur le président.

L'amendement présenté par M. Bourguignon vise en réalité le rattachement du Conseil d'analyse de la société au Commissariat du Plan. Il concerne l'évaluation des politiques publiques au sens large du terme et le rôle joué par le Commissariat général du Plan en matière d'évaluation des contrats de plan État-régions.

Sur le Commissariat et sur le Conseil d'analyse de la société, vous venez de voter un amendement. Je n'y reviens pas. Je répète simplement que nous ne sommes pas favorables au rattachement de 150 000 euros, prévus pour le Conseil d'analyse de la société, au Commissariat général du Plan.

En ce qui concerne l'évaluation des politiques publiques, c'est un sujet important, qui fait l'objet depuis vingt ans de nombreux colloques. Nous manquons dans ce domaine d'efficacité. Nous devons mieux évaluer nos politiques publiques, non pas pour stigmatiser nos politiques publiques, mais pour les faire progresser. Il ne s'agit pas de dramatiser. L'évaluation n'est pas une sanction. Son objet est de permettre d'améliorer le fonctionnement du dispositif évalué.

Le Gouvernement prendra position avant la fin de la discussion budgétaire, je l'ai indiqué tout à l'heure.

En attendant, nous demandons le maintien des crédits d'évaluation des politiques publiques dans les crédits du Commissariat général du Plan, sachant que ces crédits seront transférés à l'organisme ou à l'institution qui aura pour vocation de s'occuper de l'évaluation des politiques publiques, le Plan lui-même ne s'occupant plus d'évaluation des politiques publiques.

En ce qui concerne les contrats de plan État-régions, je l'ai dit tout à l'heure, nous pouvons transférer les crédits. C'est l'objet de l'amendement n° 205, qui propose de transférer 800 000 euros des crédits du Commissariat du Plan vers le ministère de l'intérieur, responsable du suivi de l'évaluation des contrats de plan.

En conclusion, le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 17 au bénéfice de l'amendement de suppression de crédits présenté par le Gouvernement sur le titre III du budget du Plan à hauteur de 800 000 euros, cette somme étant rétablie ultérieurement sur le budget du ministère de l'intérieur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement ?

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. S'agissant de l'amendement voté à l'unanimité par la commission des finances, j'ai la réponse du Gouvernement, sous forme d'une autre proposition d'amendement et des commentaires que vous venez de faire, monsieur le secrétaire d'État. Elle confirme nos craintes. Dans ces conditions, je retire l'amendement déposé au nom de la commission des finances, car nous ne sommes plus du tout dans le même cas de figure.

S'agissant de l'amendement du Gouvernement, il n'a pas été examiné en commission, je ne peux pas donner d'avis en tant que rapporteur. À titre personnel, j'y suis bien évidement très défavorable parce qu'il ne répond pas à notre attente.

L'évaluation des contrats de plan ne peut pas être réalisée au niveau du ministère de l'intérieur. Le ministère de l'intérieur ne peut pas être juge et partie. Nous ne sommes pas du tout dans une bonne organisation du travail.

Les préfets, les régions, ont certes beaucoup de choses à dire sur l'application des contrats, mais nous ne comprenons pas pourquoi ce n'est pas la DATAR qui évalue.

En outre, rien n'est dit, si ce n'est la perspective, sur l'ensemble des politiques publiques. Si une instance était utile, c'était bien dans ce domaine de l'évaluation des politiques publiques.

S'agissant de ces malheureux 800 000 euros qui disparaîtraient du Plan sans que leur soit donnée une réelle affectation, on peut craindre, connaissant le poids financier du ministère de l'intérieur, que les crédits transférés ne soient, avec la fongibilité des crédits, utilisés à une tout autre fin - on trouvera sûrement plus urgent d'agir dans d'autres directions. Cela dit, la règle du débat budgétaire va bientôt changer. Je ne peux pas en dire plus aujourd'hui.

Nous en revenons là aux problèmes de fond que j'ai signalés dans mon rapport. Il ne faut pas oublier que la LOLF facilitera à la fois la fongibilité et le travail du Parlement. Mais en l'espèce, l'obscurité serait renforcée.

M. le président. Donc, si j'ai bien compris, monsieur le rapporteur spécial, vous retirez l'amendement n° 17, mais, à titre personnel, vous émettez des réserves - c'est le moins que l'on puisse dire - sur l'amendement n° 205 du Gouvernement...

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels. En effet !

M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.

La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Cet amendement a au moins le mérite d'engager un débat sur l'évolution du Commissariat général du Plan. Nous avons entendu tout à l'heure, par la voix de M. Chassaigne, un grand éloge de ce Commissariat général du Plan, qui ne ressemble plus au plan Massé ou à celui que nous avons connu à l'époque où devait s'opérer la reconstruction de notre pays. Les organismes d'évaluation des politiques publiques se sont considérablement multipliés.

Georges Tron a recensé 630 ou 640 organismes placés auprès du Premier ministre, chargés précisément de ces missions. La MEC elle-même s'est interrogée sur la coexistence entre la DATAR et le Commissariat général du Plan. Ne faudrait-il pas les fusionner ? C'est une question légitime. À la différence des entreprises, l'État a une capacité de synthèse, au sens intérêt général du terme. Il serait donc temps, monsieur le secrétaire d'État, qu'il regroupe, fusionne les instances, au lieu de les multiplier.

Nous devrions avoir un outil de mutualisation de tous les documents publics sous la forme d'un intranet, voire d'un extranet, pour que soient mis en ligne tous ces rapports, toutes ces productions administratives parfois de bonne qualité. J'ai le souvenir, en particulier, d'un rapport sur la nationalité de l'entreprise publié par le Commissariat général du Plan en 1999, qui n'était pas inintéressant, même si les critères utilisés n'étaient pas aussi subjectifs que l'aurait mérité une telle étude. Donc, de grâce, rassemblons, fusionnons, mutualisons et, surtout, utilisons les moyens de communication modernes pour traiter ces importantes questions !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.. L'amendement du Gouvernement va dans le bon sens, car il rattache les crédits au ministère qui a la charge d'effectuer ce travail de suivi des contrats de Plan. On peut espérer que les crédits ne seront pas pérennisés dans la logique de réduction des dépenses qui est la nôtre.

J'ai cru comprendre que M. Bourguignon souhaitait qu'il y ait une instance nationale d'évaluation des politiques publiques, mais cette instance c'est le Parlement !

M. Bernard Carayon. Absolument, et en particulier la commission des finances !

M. Michel Bouvard.. Avec les projets et les rapports annuels de performance, ainsi qu'avec les indicateurs, nous avons les moyens d'évaluer les politiques publiques. Il n'y a donc pas lieu de créer de nouvelles structures pour cela, d'autant que chaque ministère devra évaluer en interne l'efficacité de sa politique et que nous devrons ensuite en être juges.

M. le président. Mes chers collègues, j'ai encore plusieurs demandes d'intervention. Je vous demande donc d'être brefs, car la séance doit reprendre à quinze heures pour l'examen du budget des anciens combattants et, vous le comprenez, ce serait une erreur politique que de la retarder !

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Chacun a souligné l'importance de l'évaluation des politiques publiques. Il est inacceptable que les préfets de région soient responsables de l'évaluation des contrats de plan. Pourquoi ne serait-elle pas confiée, par exemple, aux présidents de région ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De plus, c'est vous qui avez choisi de dessaisir le Commissariat du Plan de cette évaluation. Nous voterons donc contre la suppression de crédits.

M. Bernard Derosier. Très bien ! L'État jacobin est de retour !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le Plan.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le Plan. Je voudrais rappeler quelques chiffres. S'agissant du budget du Commissariat général du Plan, la mécanique dont vous parlez, monsieur Bouvard, est déjà engagée, puisque les crédits de fonctionnement baissent déjà de 5 %.

M. Michel Bouvard. C'est très bien !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le Plan. Si l'on y ajoute la baisse que vous proposez, ils diminueront de 25 % ! Vous me direz que c'est pour des missions qui ne sont pas remplies, mais, même si ces missions, qui n'étaient pas remplies en 2004, ne le sont pas en 2005, c'est un nouveau coup porté aux moyens actuels du Commissariat général du Plan, et c'est dramatique !

Ensuite, qui sera responsable de l'évaluation ? Mes collègues Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay, dans leur excellent rapport effectué dans le cadre de la commission à l'aménagement et au développement durable du territoire, ont constaté que l'évaluation des contrats de plan État-régions n'était pas faite par la DATAR et qu'il y avait là un véritable problème. Il faut donc redonner au Commissariat général du Plan sa fonction d'évaluation, ne serait-ce que pour le pilotage des contrats de plan État-régions et pour la péréquation entre les régions. Sinon, les différences entre régions riches et régions pauvres seront accrues.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Il est exact que jusqu'à présent le suivi des contrats de plan État-régions était assuré par le Commissariat général du Plan, mais ce n'est plus le cas. Le suivi et l'évaluation de ces contrats pourraient parfaitement être assurés par la DATAR. Cela rejoint d'ailleurs une préoccupation de la Mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances.

Enfin, ce type de mission relève-t-il du ministère de l'intérieur ou de celui de l'aménagement du territoire ? Je pose la question au Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Il serait inacceptable, monsieur Dufau, que les exécutifs régionaux évaluent les contrats de plan État-régions. Seul l'État est responsable de l'intérêt général national, les exécutifs régionaux n'exprimant que des volontés éclatées,...

M. Jean-Pierre Dufau. C'était un trait d'humour qui vous a échappé !

M. Bernard Carayon. ...des points de vue particuliers, quelle que soit leur légitimité. On a entendu sur ces bancs, monsieur Dufau, des propos plus jacobins et moins girondins !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 205.

(L'amendement est adopté.)

M. Bernard Derosier.. Pour une fois, le Sénat va servir à quelque chose ! Il va vous retoquer ça !

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B, modifiée par l'amendement n° 205.

(La réduction de crédits inscrite au titre III de l'état B, ainsi modifiée, est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix la réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B.

(La réduction de crédits inscrite au titre IV de l'état B est adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre VI de l'état C.

(Les crédits inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. J'appelle les crédits du budget annexe des Journaux officiels.

BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS

M. le président. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 50 au titre des services votés du budget annexe des Journaux officiels.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 51 au titre des mesures nouvelles du budget annexe des Journaux officiels.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne : « Services du Premier ministre : II.-Secrétariat général de la défense nationale ».

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre III de l'état B.

(Les crédits inscrits au titre III de l'état B sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre V de l'état C.

(Les crédits inscrits au titre V de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits inscrits au titre VI de l'état C.

(Les crédits inscrits au titre VI de l'état C sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État, ainsi que de ceux des services généraux du Premier ministre, du budget annexe des Journaux officiels et du SGDN.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de finances est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Anciens combattants :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 11, de M. Jean-Claude Mathis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis, n° 1864 tome 5, de M. Céleste Lett, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Économie, finances et industrie : services financiers, budget annexe des monnaies et médailles, Trésor, commerce extérieur, charges communes ; article 73.

Charges communes :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 12, de M. Daniel Garrigue, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Commerce extérieur :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 16, de M. Camille de Rocca Serra, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Avis, n° 1866 tome 6, de M. Jean-Paul Bacquet, au nom de la commission des affaires étrangères.

Avis, n° 1865 tome 6, de M. Jean Gaubert, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Trésor et entreprises publiques :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 41, de M. Michel Diefenbacher, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Services financiers, monnaies et médailles :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 20, de M. Thierry Carcenac, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot