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Troisième séance du mardi 23 novembre 2004

69e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Michel Herbillon, député du Val-de-Marne, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O.144 du code électoral, auprès de M. le ministre des affaires étrangères et de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du mardi 23 novembre 2004.

    2

AIDE PUBLIQUE AUX PARTIS POLITIQUES
(Communication de M. le Premier ministre)

M. le président. Mes chers collègues, vous savez tous que c'est avant le 30 novembre que vous devez établir une déclaration de rattachement qui sert de base à la répartition de la seconde fraction de l'aide publique aux partis politiques.

M. le Premier ministre vient de me faire savoir que, contrairement à des indications antérieures, le parti progressiste martiniquais était susceptible de bénéficier de cette aide et qu'il vous était donc possible de vous y rattacher.

Acte est donné de cette communication.

    3

COHÉSION SOCIALE

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale (nos 1911, 1930).

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Monsieur le président, je ne vois pas M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. le président. Vous avez face à vous deux ministres, et non des moindres ! (Sourires.)

M. Patrick Roy. Ils sont certes très bien, mais il manque le meilleur.

Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, monsieur le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, j'aurais dit à M. Borloo, s'il avait été présent, que je l'ai écouté avec beaucoup d'attention aujourd'hui lors de la présentation du projet de loi, la semaine dernière lors de son audition par la commission, et ces derniers temps à chacune de ses multiples interventions dans les médias. Je l'ai également beaucoup lu, dans les documents ministériels et parlementaires ou dans la presse écrite. Chaque fois revenait avec force le message que, dans notre pays, jamais l'exclusion et la misère n'avaient été aussi dramatiques. Je le cite :

« La France doit en effet faire face à un chômage structurel et à l'exclusion qui l'accompagne, aux jeunes sans espoir, aux enfants défavorisés, aux logements insalubres, aux quartiers sans avenir, à une perte de sens de l'action collective et de la République, à l'intolérance et parfois au racisme ; le fossé se creuse entre les foyers dont les enfants ont un avenir et ceux dont la descendance est vouée à l'échec. Dès les premières années d'école, certains talents de demain seront gâchés, dilapidés dans des logements souvent indignes, dans des quartiers qui prennent la forme de ghettos. » Pour M. Borloo, 1,1 million d'allocataires du RMI, 1,5 million de familles surendettées, 50 % de chômage chez les jeunes entre seize ans et vingt-quatre ans dans les quartiers en zone urbaine sensible constituent une « situation qui n'est pas acceptable pour une société démocratique et avancée ».

Vous n'en serez pas surpris, je partage ce terrible constat. Je crains fort, cependant, que ce soit le seul point d'accord que nous puissions trouver. Car je ne suis pas aussi optimiste que lui sur l'efficacité du plan de cohésion sociale qu'il propose pour remédier à cette situation dramatique. J'ai même la conviction qu'il est dangereux pour la cohésion sociale.

Ce plan est une nouvelle déclinaison de la politique ultra-libérale du Gouvernement, qui, depuis deux ans et demi, a fait tant de mal aux Français. L'ampleur de la pauvreté dans ce pays, son explosion, prouve l'incapacité du libéralisme à libérer humainement le monde.

M. Guy Geoffroy. Vous faites dans la nuance !

M. Patrick Roy. Son aveuglement est tel, son idéologie si fermée, que le libéralisme ne voit ni la rue, ni la ville, ni la vraie vie. Il y a une grave dissonance entre l'ambition et la réalité. Pourtant, nous devrions faire bloc et construire ensemble un monde où « égalité », « justice », « respect » et « solidarité » ne seraient plus des gros mots. Face à la vision mercantile du monde, le libéralisme répond : « toujours plus pour quelques-uns et toujours moins pour tous les autres ». Il ressort d'ailleurs des travaux de la commission que le libéralisme, c'est toujours plus de souplesse pour les uns et toujours plus de contraintes pour tous les autres.

Pour reprendre et compléter les propos de mon ami Jean Le Garrec, dont vous connaissez les compétences et la sincérité dans ce domaine, je dirai que votre plan est un mélange complexe de mesures inachevées, de renvois à des décrets ultérieurs, de constructions virtuelles, de remises en cause du service public de l'emploi, de mise à l'index des chômeurs, de nouveaux cadeaux à vos amis du MEDEF.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Bravo ! Vous avez tenu cinq minutes avant de dire son nom !

M. Patrick Roy. Rassurez-vous, je le redirai.

Comment en est-on arrivé là ?

M. Guy Geoffroy et M. Christian Vanneste. Vingt ans de socialisme !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Deux ans et demi de Raffarin !

M. Patrick Roy. L'exposé des motifs du projet de loi, c'est d'abord l'incroyable constat de tout ce que vous avez détruit en trente mois.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Patrick Roy. Ce gouvernement idéologique, sourd à la souffrance des Français, vous avez, messieurs les ministres, accepté d'y participer, d'en être des membres influents. Vous devez aujourd'hui endosser solidairement la responsabilité de ce retour en arrière océanique : jamais la misère et l'exclusion n'ont été aussi fortes. Sur la scène du grand théâtre national se tient un gouvernement irresponsable, sourd au désespoir du pays.

Comment pouvez-vous décemment prétendre défendre la cohésion sociale après le travail de casse du Gouvernement ? Toutes les associations qui luttent contre la pauvreté nous ont dit combien les années 2002, 2003 et 2004 ont été effroyables. Aujourd'hui encore, elles continuent à dénoncer la misère. Jamais le Secours populaire ou les Restaurants du cœur n'ont accueilli autant de personnes. Le Secours catholique vous demande même en urgence « d'arrêter la spirale des emplois qui produisent de la pauvreté, conséquence d'une société de plus en plus libérale ». Depuis deux ans et demi, notre pays compte près de 300 000 chômeurs de plus et plus de 300 000 RMIstes supplémentaires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et voilà !

M. Patrick Roy. Au lieu de relancer la croissance, vous avez choisi de faire des cadeaux à ceux qui ont déjà beaucoup...

M. Dominique Dord, rapporteur. Au MEDEF !

M. Patrick Roy. ...en augmentant les impôts pour tout le pays, y compris pour les plus faibles. Et le pire est à venir avec la programmation de l'impôt Raffarin. Avec toutes ces mesures, vous contraignez les ménages, inquiets pour l'avenir de leur retraite et pour leur protection sociale, à une épargne supplémentaire de précaution, du moins ceux qui le peuvent, de moins en moins nombreux d'ailleurs.

Vous avez cassé les dispositifs qui fonctionnaient, en premier lieu, et par pure idéologie, les emplois-jeunes.

M. Guy Geoffroy. Non, c'est vous qui aviez prévu leur extinction au bout de cinq ans !

M. Patrick Roy. C'était pourtant un dispositif que nous aurions pu améliorer ensemble. Il avait été si utile pour notre école, aujourd'hui orpheline par votre décision. Grâce aux emplois-jeunes, des centaines de milliers de jeunes sont entrés dans la vie active dans le secteur des services à la collectivité. Médiateurs dans les quartiers et les transports urbains, aides-éducateurs dans les écoles, animateurs sportifs et culturels, intervenants auprès des personnes âgées ou dépendantes, acteurs pour la protection de l'environnement : tous ces métiers avaient une vraie utilité sociale. Ils correspondaient à des créations nettes d'emplois.

M. Guy Geoffroy. Pour cinq ans !

M. Patrick Roy. Vous avez encore cassé le programme TRACE, qui permettait d'accompagner 100 000 jeunes parmi les plus en difficulté. Mais vous avez cassé sans solution de rechange efficace et adaptée. Votre programme CIVIS, annoncé sous les acclamations de votre majorité, a fait « pschitt ! ». Appréciez mes références !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. C'est un discours abracadabrantesque ! (Sourires.)

M. Patrick Roy. Aux centaines de milliers d'emplois-jeunes supprimés, vous répondez par quelques centaines, quelques dizaines de CIVIS signés. Il y en a d'ailleurs si peu sur le territoire national que vous pourrez sans nul doute nous en donner le nombre, non pas à l'euro près, mais à l'unité près.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oh oui !

M. Patrick Roy. L'échec du CIVIS, nous vous l'avions annoncé ; vous auriez dû nous écouter.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est sûr !

M. Patrick Roy. Le RMA est un autre échec du Gouvernement. Nous nous étions battus contre ce contrat scélérat qui, comme votre projet de loi de cohésion sociale, n'a de sympathique que le nom. Passée la louable déclaration d'intention, ce RMA s'est révélé immédiatement comme un contrat scélérat, moralement indéfendable et très loin d'atteindre l'objectif affiché.

Mes collègues de gauche et moi-même vous l'avions dit ! Là encore, comme pour le CIVIS, c'est un échec complet à l'échelle du pays.

L'échec du RMA, nous vous l'avions annoncé. Vous auriez dû nous écouter !

Le CIVIS : pschit !

Le RMA : pschitt, volume II !

Et, je le crains, votre projet de loi : pschittt, le retour !

L'intérêt du « pschitt » c'est que chacun peut l'écrire comme il veut. On a là un consensus, une liberté, une souplesse qui vous plaît !

Cette montée de la misère est la conséquence directe de votre politique.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Parce que le dollar chute, peut-être !

M. Patrick Roy. Il y a les mots, les effets de manche lors des séances des questions d'actualité du mardi et du mercredi, les déclarations ronflantes, symphoniques face aux médias. Et puis, il y a la réalité : 440 000 entrées en CES et CEC en 2001 ; 185 000 inscrites dans la loi de finances pour 2004 ! En trois ans, une chute de 255 000 !

Dans les villes qui souffrent, comme celles du périmètre de Denain, que le Gouvernement a injustement écarté des zones franches urbaines, la disparition des contrats CEC-CES a été le déclencheur de nouveaux drames humains. Messieurs les ministres, pourquoi avez-vous supprimé tant de contrats aidés ? Pourquoi avez-vous laissé monter l'exclusion ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parce que c'est nous qui avions créé ces contrats ! C'est l'unique raison !

M. Patrick Roy. Certainement !

M. Guy Geoffroy. Très drôle !

M. Patrick Roy. Comment pensez-vous faire croire que vous allez protéger l'école alors que vous n'avez eu de cesse de lui retirer des moyens et de réduire le nombre des enseignants ?

Oui, messieurs les ministres, si la cohésion sociale, aujourd'hui, est gravement en danger dans notre pays, c'est du fait de la droite, du fait de votre gouvernement !

Toujours plus de chômeurs : c'est vous !

Toujours plus de RMIstes : c'est vous !

Toujours plus d'exclusion : c'est vous !

La disparition des emplois-jeunes : c'est vous !

La baisse drastique des CES et CEC : c'est vous !

La suppression de postes d'enseignants : c'est vous !

La hausse des impôts : c'est encore vous !

M. Guy Geoffroy. Et la démagogie, c'est vous !

M. Gaëtan Gorce. Nous pouvons vous retourner le compliment !

M. Patrick Roy. Ceux qui souffrent ne sont guère sensibles aux paroles de démagogie, cher collègue.

Aujourd'hui, messieurs les ministres, le coup de la compassion, du petit mouchoir et de la larmichette, ça ne marche pas !

M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Mais de quoi parlez-vous ?

M. Patrick Roy. Et ça marche encore moins que votre projet de loi, non seulement ne résoudra pas l'exclusion mais, au contraire, va l'aggraver.

Premier facteur d'aggravation : votre absence totale de politique de l'emploi.

Avant d'imposer de nouvelles contraintes aux chômeurs, comme vous proposez de le faire, il serait bon tout de même de vérifier que l'offre d'emplois est satisfaisante. C'est l'emploi qui crée la dignité de l'homme. Je pense sincèrement que c'est là l'objectif majeur que nous devons atteindre, que notre pays doit atteindre.

Nous devons clairement dire que l'emploi durable, rémunéré à un juste niveau est la condition obligatoire de l'insertion des femmes et des hommes.

Nous devons clairement dire que, pour un pays développé comme le nôtre, la question n'est pas de savoir comment notre pays pourra s'enrichir encore plus, mais bien comment cette richesse peut être répartie pour que chaque citoyen reçoive sa juste part.

Nous devons clairement dire que chacun a droit à un travail, condition essentielle de l'épanouissement individuel.

Nous devons clairement dire que l'un des objectifs majeurs de la formation initiale et tout au long de la vie doit être l'accès à l'emploi.

Messieurs les ministres, un vrai plan de cohésion sociale devrait reposer sur un plan ambitieux pour l'emploi. Vous le savez, la France ne parviendra pas spontanément à une croissance forte et au plein-emploi. Alors pourquoi un tel immobilisme, une telle paralysie du Gouvernement, qui attend sans agir que l'emploi en France reprenne des couleurs ?

Peut-être est-ce parce que ce pays n'est plus gouverné...

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Ah bon ?

M. Patrick Roy. ...et que les annonces triomphantes sont à chaque fois démenties par la réalité des faits. Le pays vous l'a dit, à trois reprises, clairement, massivement, sans ambiguïté, au-delà même de ce que les plus fins spécialistes électoraux avaient pu prévoir. Mais la politique de l'emploi est aujourd'hui victime de votre surdité et de votre obstination à poursuivre la régression sociale. Votre seule démarche, c'est toujours plus de libéralisme, et votre conception de la liberté, celle du loup dans le poulailler.

M. Dominique Dord, rapporteur. Du renard ! Le loup ne fréquente pas les poulaillers !

M. Patrick Roy. Votre seule démarche, c'est le marché comme l'a si bien dit votre ami PDG de TF 1 qui déclare, sans que le Gouvernement proteste, que son travail est de rendre les « cerveaux disponibles » pour les publicitaires.

Aujourd'hui, les salariés, les personnes en situation précaire, les chômeurs...

M. le ministre délégué au logement et à la ville. C'est du Dickens !

M. Gaëtan Gorce. Plutôt du Achille Talon sous ce gouvernement !

M. Patrick Roy. ...sont victimes de vos choix et de votre fatalisme face à la vénérée loi du marché.

Vous tenez aujourd'hui un discours de compassion dont on sent bien qu'il vous a été demandé. M. Borloo, chacun le reconnaît, est un excellent communicateur. (« Où est-il ? » sur les bancs du groupe socialiste.) Il va certainement arriver car il veut défendre sa grande loi ! Il est en chemin.

La mission qui lui a été confiée est claire : endormir les Français, lancer tout un nuage de petits pschitts sur les foyers des Français, avec le sourire et la main sur le cœur. Dormez en paix, faites de beaux rêves, bon papa s'occupe de vous, bon papa s'occupe de tout, bon papa sait tout, entend tout, agit sur tout.

D'ailleurs, dès l'annonce du plan, le talent du ministre a été exceptionnel et sa force de conviction a mobilisé caméras de télévision, micros de radio et plumes des journalistes. Notre pays, enfin, se voyait doté d'un vrai plan face à l'exclusion avec un argument massif : pour que ce plan réussisse, il suffit d'y croire.

Social une fois, social deux fois, social trois fois... C'est bien simple, il devait avoir une carte du parti socialiste cachée au fond de la poche ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Quelle horreur !

M. Patrick Roy. À Valenciennes, il a réussi, pendant un temps certain, à maintenir l'illusion, parce qu'il bénéficiait de financements favorables.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Et Denain ?

M. Patrick Roy. Mais Valenciennes n'est pas toute la France et le masque est tombé beaucoup plus vite.

Ce plan qui, rapidement, a fait pschitt...

M. Dominique Dord, rapporteur. Encore !

M. Patrick Roy. ...vient brusquement, juste avant qu'il ne soit examiné par le Parlement, de faire aïe !...Aïe, aïe, aïe, avec l'ajout d'un volet sur les licenciements, c'est-à-dire la mise en cause du code du travail !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Patrick Roy. Les choses sont claires : finie la compassion, ce projet de loi est une nouvelle offensive du libéralisme économique et social. Pour le Gouvernement, la cohésion sociale, c'est d'abord permettre au MEDEF de mieux licencier !

M. Dominique Dord, rapporteur. Ah ! Nous y revoilà !

M. Guy Geoffroy. C'est un peu court ; il faudrait vous renouveler un peu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est court mais pertinent !

M. Guy Geoffroy. Non, vieillot et poussiéreux !

M. Patrick Roy. Un des amis très proches de M. Borloo, prenant la défense du projet, faisait remarquer, pensant bien faire : « On critique beaucoup ce plan sur les fonds, mais pas sur le fond ! » Nous, à gauche, c'est d'abord sur le fond que nous nous opposons à votre plan. Mais rassurez vous - je le précise parce que je vous sens inquiets - nos critiques sur les fonds et les maquillages budgétaires, exceptionnels, vont venir.

Avant ces critiques, permettez-moi quelques observations sur la méthode de travail. Vous n'allez pas être déçus !

Vous avez bien appris de ce gouvernement et vous avez accepté sans peine de mettre du velours rosé sur le bâton.

Vous avez bien appris la méthode. Pour faire mal, faisons vite, faisons très vite, faisons le plus vite possible.

Il court, il court, le projet... Il est passé par ici... Il repassera par là... Et peut-être sera-t-il rattrapé par M. le ministre Borloo qui est sur la route et va bientôt arriver !

II est vrai que ce n'est pas la première fois que le Gouvernement, pour masquer son incohérence, le creux de ses idées et son absence d'ambition pour la France, pratique la technique du toujours plus vite.

Il est vrai que vos déroutes électorales du printemps, dont vous pensiez qu'elles ne seraient que de simples défaites, ont sonné l'alerte incendie. Il fallait très vite une réponse, du vocabulaire social et un metteur en scène efficace. Il est sur la route, laissez les portables branchés, il devrait bientôt nous téléphoner !

De l'urgence, encore de l'urgence, toujours de l'urgence.

De l'urgence sans l'audace du grand Georges.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. C'est du Grand Guignol !

M. Patrick Roy. L'urgence, alors que le drame est si vaste, si complexe, si français et si mondial en même temps, qu'il demande que tous les partenaires soient écoutés, entendus, associés. On ne peut pas sortir de ce drame par des mesurettes prises à la va-vite, à la hussarde, sans une prise en compte globale de la réalité, sans des actions efficaces à court terme et des investissements ambitieux à long terme.

L'urgence, comme pour mieux ne pas entendre, comme pour continuer à rester sourd, comme pour continuer à dire : « Dormez, braves gens, bon papa s'occupe de vous ! »

L'urgence, alors qu'on a assisté à des procédures incroyables : le Conseil économique et social a été saisi d'un texte non définitif, qui a connu trois versions au cours de son examen !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Patrick Roy. Le travail devait être bien léger, pour le moins léger, à moins que ce ne soit une manifestation de la cacophonie de votre gouvernement. En tout cas, il s'agit là d'une autre conséquence de votre politique du toujours et encore plus vite.

L'urgence, tel le pyromane qui crie au pompier !

L'urgence, pour ne pas entendre le Parlement !

Première idée : commencer l'étude du texte par le Sénat.

Pratique, alors que le Sénat est en période de renouvellement ! La nouvelle chambre devra traiter le texte au galop, et il sera même rajouté au texte quelques jours avant son examen les très libérales propositions du...

M. Dominique Dord, rapporteur. MEDEF !

M. Patrick Roy. ...ministre Larcher.

Seconde idée : organiser des auditions des commissions entre vous ; ça va plus vite et ça vous permet de dire que tout le monde trouve le projet extraordinaire.

Madame la rapporteure, je vous l'ai dit en commission, envoyer des invitations la veille pour le lendemain avec un programme aussi dense n'est pas satisfaisant. Même si je combats les actions politiques de la majorité et ses idées dangereuses pour la cohésion de notre pays, j'estime que nous nous devons un respect républicain. C'est souvent le cas et, à chaque fois je m'en félicite. Mais mes amis de la gauche et moi-même aurions aimé assister aux auditions de la commission en recevant, à temps, son programme complet.

Urgence, examen accéléré, alors que l'ampleur du sujet et ses aspects transversaux réclament un vrai travail de fond ! Ce n'est pas un cent mètres, mais un marathon !

M. Dominique Dord, rapporteur. Un semi-marathon !

M. Patrick Roy. L'examen du projet de loi contre les exclusions présenté par le gouvernement précédent avait duré près d'un an. Parlez-en à M. Le Garrec ou à M. Gorce. Je le réaffirme avec force : le drame est d'une telle ampleur, il est si complexe et si transversal qu'il faut apporter des réponses à la hauteur de la gravité de la situation.

Il est vrai que le Gouvernement, au cours du débat, nous a appris que nous pouvions faire vite puisque les réponses à la catastrophe pouvaient être virtuelles : le pschitt d'abord, le clic ensuite.

M. Dominique Dord, rapporteur. Vous êtes un maniaque de l'onomatopée !

M. Patrick Roy. Messieurs les ministres, puisque nous en sommes au virtuel, pourriez-vous demander au ministre des finances d'intervenir auprès des banques, avant qu'il ne parte, pour qu'elles considèrent comme virtuels les découverts bancaires des Français qui souffrent ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Très drôle !

M. Patrick Roy. Ce serait bien !

M. Dominique Dord, rapporteur. Génial ! Cette idée lumineuse restera dans l'histoire !

M. Patrick Roy. J'enregistre, monsieur le rapporteur, que vous trouvez cela génial. C'est une bonne nouvelle que nous pourrons communiquer à nos concitoyens.

Pour revenir au réel, vos amis, lors de la présentation du texte, ont applaudi l'ambition transversale du plan. J'entends encore leurs déclarations euphoriques : voilà un plan, un vaste plan, qui aborde le drame social par bien plus que la question de l'emploi !

Un concert de pouêt-pouêt de joie pour manifester l'universalité du plan ! L'emploi, le logement, l'égalité des chances !

Oui, c'est vrai, le drame national que nous vivons ne se résoudra pas par la seule entrée de l'emploi ; il doit avoir une réponse transversale.

L'emploi est bien évidemment l'objectif final majeur. Mais nous ne voulons pas qu'il soit l'horizon - cette ligne fictive, devrais-je dire virtuelle - car toujours l'horizon s'éloigne, car jamais l'horizon ne peut être atteint.

Nous voilà donc aujourd'hui avec ce vaste plan : emploi, logement, égalité des chances. À l'aube de l'été, vous nous le présentiez comme ambitieux, complet, largement transversal. Après les errements socialistes, le Gouvernement apportait enfin la solution. On allait voir ce qu'on allait voir ! Nous, nous avons d'abord vu tout ce qui avait été oublié !

Puis les beaux jours partis, le bel optimisme envolé, l'illusion effacée, vous avez eu le mérite, messieurs les ministres, et je vous en félicite, de reconnaître la minceur de cette transversalité. Maintenant, nous le savons, ce grand plan est un petit plan, petit, petit.

M. Borloo l'a d'ailleurs lui-même reconnu, en commission, il y a deux semaines, puisqu'il a commencé son audition en avouant que ce plan n'avait pas vocation à répondre à tout. Voilà un constat qui l'honore et qui prouve bien que l'illusion ne dure que l'espace des beaux jours.

L'emploi est donc l'axe majeur du texte. Enfin, devrais-je dire pour être plus exact, les pages liées à l'emploi sont l'axe majeur de votre texte. J'y reviendrai, car j'espérais, j'attendais de vraies mesures pour l'emploi,...

M. Dominique Dord, rapporteur. Pas des « mesurettes » ! ...

M. Patrick Roy. ...alors qu'on découvre surtout le recul de l'État sur le service public de l'emploi, des sanctions aggravées pour les chômeurs, des contrats aidés qui sont moins aidés, des formations qui ne sont pas rémunérées, des licenciements qui sont facilités - merci, monsieur Larcher - et aucune mesure pour le plein-emploi.

M. Dominique Dord, rapporteur. C'est la faute à Larcher ! ...

M. Patrick Roy. Le logement ensuite. Il connaît une crise sans précédent en France. Les réponses attendues dans le domaine du logement social ne sont pas apportées. Je comprends l'attention portée par M. le ministre à cette question quand on sait qu'à Valenciennes, la liste des demandes pour accéder à un logement social n'a jamais été aussi longue.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. C'est un peu court pour un argumentaire sur le logement !

M. Patrick Roy. Je vais y revenir. Je vous sens déçu, mais je vais y arriver, ne soyez pas impatient !

La troisième partie du plan concerne l'égalité des chances. Une partie recollée, sans consistance, cruellement pauvre, à l'image de la légèreté des propositions faites pour l'école.

Vaste plan annoncé, mais hélas ! petit plan proposé à notre assemblée à partir d'aujourd'hui. Bien sûr, la démocratie est ainsi faite que M. Borloo va, dès son arrivée, je l'imagine, tout faire pour nous convaincre du contraire et nous dire qu'il s'agit d'un grand plan. M. Borloo va rester avec nous, durant tout l'examen de ce projet de loi, pour le défendre, pour éclairer nos yeux égarés, pour nous expliquer pourquoi il rejette nos amendements, avec, à ses côtés, son équipe ministérielle. Mais si - comme je le pense - il s'agit d'une petite loi vite rédigée, vite votée et demain vite oubliée, je comprendrai sans peine que M. Borloo délègue tout à son équipe, afin de pouvoir se consacrer à des sujets plus importants. Son absence me laisse penser que nous serions plutôt dans l'hypothèse d'un petit plan, petit, petit !

M. Gaëtan Gorce. Il faut lutter contre l'absentéisme ministériel !

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Il faut bien dire que, pour l'instant, le ministre ne perd pas grand-chose !

M. Guy Geoffroy. Pas grand-chose, c'est encore trop dire !

M. Patrick Roy. On pourrait, durant son absence, se concentrer et réfléchir à tout ce qui manque à ce petit plan. Il convient déjà d'en revoir les trois parties. Vous pourriez d'ailleurs, messieurs les ministres, faire gagner beaucoup de temps et d'efficacité à M. Borloo en consultant les propositions de mes amis socialistes, mais aussi celles du groupe communiste qui sont, elles aussi, pleines de bon sens. Vous en jugerez tout à l'heure avec l'intervention, que je pressens très belle, de M. Gremetz.

Après cette première réflexion, vous pourriez vous pencher sur tous les manques majeurs du texte.

La santé d'abord. La grande oubliée du plan, alors que les mesures de santé publique décidées par votre gouvernement et votées par votre majorité ont aggravé encore un peu plus les difficultés de ceux qui souffrent. Vous nous direz certainement qu'un plan pour la santé est à l'étude, un grand plan certainement. Que dis-je ? Un très grand plan qui fera accourir tous les médias lorsqu'il sera présenté. Un très grand plan qui, petit message personnel, s'appliquera - je vous y incite - à apporter au drame de l'amiante une réponse à la hauteur de la catastrophe.

Ce message important ayant été passé, messieurs les ministres, il faut avouer que votre projet de loi, déjà pas très clair - beaucoup de points restent très mystérieux -, ne gagne pas en clarté avec d'autres textes annoncés, auxquels je reviendrai, qui traiteront l'un du logement, un autre de l'école, un autre peut-être de la santé, d'autres encore peut-être,... certainement même ! Avouez que tout cela fait fouillis !

Surtout si on y rajoute les autres oublis du texte : l'accès à la culture ou encore le problème si difficile et si particulier des travailleurs handicapés.

Ce texte ne répond pas à tout, et sur le peu de points auxquels il répond, il répond peu !

En clair, ce gouvernement fait ce qu'il peut. Mais il peut peu ! (Exclamations.)

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous, vous ne pouvez rien !

M. Patrick Roy. Quand on peut peu, quand on sent que le plancher s'écroule, quand on voit bien que la sanction électorale est sans appel...

Vous souriez, mais je vous rappelle que les Français ne sourient pas et vous ont sanctionnés.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous aussi !

M. Patrick Roy. C'est d'ailleurs peut-être parce que vous souriez de leurs difficultés qu'ils vous ont sanctionnés. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand on peut peu, on cherche le miracle. Le miracle, vous l'avez trouvé, il est sur la route, il arrive : c'est M. Borloo !

Vu de Paris, le miracle valenciennois laisse rêveur.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. C'est mieux qu'à Denain !

M. Patrick Roy. Vu de Paris, tout paraît soudain si simple ! M. le maire de Valenciennes a obtenu une telle réussite qu'il suffît de lui demander d'appliquer au ministère les mêmes recettes pour réussir au moins aussi bien !

En cette période de disette en matière de miracles, l'idée est lumineuse, superbe, et éclatante. Et voilà les médias qui s'affolent : il faut aller voir !

Et voilà même le Président de la République qui s'interroge : il faut aller voir !

Vous me permettrez d'être beaucoup moins enthousiaste que tous ces nobles visiteurs, et même de m'inquiéter pour la cohésion nationale, en cas d'application des méthodes valenciennoises à l'ensemble du territoire.

Je ne vais pas ici faire de mauvais procès ni entrer dans le détail de la vie municipale valenciennoise, ce qui serait certainement hors sujet dans ce débat parlementaire. Mais le mandat de M. Borloo, comme celui de tous les maires de France, connaît des réussites et des échecs. Mais, puisque miracle valenciennois il y a, vu de Paris, et que j'ai bien le sentiment qu'il contribue à la confiance que le Gouvernement accorde au ministre, il convient de regarder quelles ont été les réussites sociales valenciennoises.

Je ne conteste pas les réussites d'urbanisme. Valenciennes, qui était déjà une belle ville, ne s'est pas enlaidie, au contraire, et passés les travaux importants en cours, l'image de la ville n'en sera que plus séduisante.

Mais si vous le voulez bien, et je pense que M. Daubresse connaît bien Valenciennes,...

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Denain aussi, et j'ai pu voir la différence !

M. Patrick Roy. ...regardons les expériences réalisées dans le domaine qui nous réunit aujourd'hui : celui de la cohésion sociale.

Pour remédier au drame de l'exclusion, les résultats valenciennois ne sont pas encourageants. Lancées à grand renfort médiatique, un peu comme ce plan, les opérations de prestige locales n'ont pas abouti à ce qui devrait être la seule finalité, la vôtre encore aujourd'hui, du moins affichée : le retour à l'emploi. J'invite tous ceux qui s'interrogent sur le miracle valenciennois à aller regarder ce que sont devenus des plans lancés à grand renfort médiatique.

M. Denis Jacquat. Allons donc ! Il suffit d'aller sur place pour constater que votre diagnostic est faux.

M. Patrick Roy. On allait voir ce qu'on allait voir, des plans tels que Jéricho, raté, Plival, disparu, ou dans un autre domaine le SAVU, fini ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Leur lancement a été très médiatique. On allait voir ce qu'on allait voir ! Leur échec a été très discret, un peu comme pour le CIVIS et le RMA !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous dites n'importe quoi ! Allez voir Jéricho !

M. Patrick Roy. Je m'appuie sur les réalités.

Je m'interroge aussi sur le traitement du logement à Valenciennes. C'est bien de construire des logements de catégorie supérieure, de rénover et transformer des logements dégradés en logements de qualité. C'est certainement une belle contribution à l'amélioration de la qualité architecturale de la ville.

M. Dominique Dord, rapporteur. Il est très fort Borloo !

M. Patrick Roy. Mais est-ce une réponse à la demande croissante de logements sociaux ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bonne question !

M. Patrick Roy. Comme dans de nombreuses villes de France, et singulièrement depuis deux ans, les files d'attente à Valenciennes s'allongent et la casse sociale s'aggrave.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Moins qu'à Denain !

M. Patrick Roy. Denain ? Vous n'allez pas être déçu quand j'aborderai le sujet ! On constate donc un échec, à Valenciennes, en ce qui concerne les parties I et II de votre plan de cohésion sociale.

Reste la dernière partie. Voyons s'il a réussi sur le plan de l'égalité des chances, alors qu'il a échoué sur le volet social, l'emploi, le logement. Là encore, c'est une vraie désillusion !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous, c'est la méthode Coué !

M. Patrick Roy. Monsieur Daubresse, je citerai un seul exemple, celui du choix très partisan qui a été le vôtre pour la création des nouvelles zones franches urbaines. Votre décision de choisir pour l'arrondissement une zone incluant des quartiers de Valenciennes, en opposant une fin de non-recevoir à Denain, qui détient pourtant un record national en matière de souffrance sociale, ce choix délibéré montre bien que, pour ce gouvernement, l'égalité des chances, c'est d'abord l'inégalité des choix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, je vous rappelle que je ne suis pas le maire de Denain.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous en êtes le député ! Du temps des communistes, cela allait mieux ! En matière d'immobilisme, nul doute que Denain batte des records !

M. Patrick Roy. J'ai rapporté tout à l'heure les propos d'un des principaux collaborateurs de M. Borloo, qui déclarait : « On critique beaucoup le plan de cohésion sociale sur les fonds, mais pas sur le fond. »

Sur le fond, vous l'avez compris, ce plan est pour nous un plan d'éclatement social.

Sur les fonds, vous l'avez pressenti, ce plan est pour nous un modèle de mirage financier.

Vous nous expliquez qu'il y a urgence, tant la situation est grave. Je suis d'accord avec vous sur le diagnostic et je vous suis même reconnaissant d'admettre ainsi le terrible échec du Gouvernement depuis deux ans et demi.

Mais, s'il y a urgence, il ne faut pas se limiter à cisailler le travail parlementaire, il faut aussi des actes budgétaires à la hauteur de l'urgence.

Vous connaissez la première critique et vous l'esquivez ; il y a tellement urgence que vous décidez d'agir à petits pas : pas du tout l'an prochain, un petit peu, un tout petit peu dans deux ans, et de plus en plus dans un délai de cinq ans. Dans cinq ans, on verra ce qu'on verra !

En clair, ce financement est virtuel car, vous le savez bien, rien n'indique que les prochaines lois de finances maintiendront l'engagement que vous prenez aujourd'hui.

Notre inquiétude est grande. Que deviendront les 12 milliards -  au fait, combien sont-ils aujourd'hui : 13, 14, 15 et peut-être atteindrons-nous 20 en fin de semaine ? - que vous programmez dans ce plan ?

M. Gaëtan Gorce. Ils disparaîtront, comme le ministre !

M. Patrick Roy. Notre inquiétude est d'autant plus grande que nous connaissons vos pratiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous protestez, mais c'est la réalité : depuis deux ans et demi, les gels de crédits n'ont pas cessé de démentir les engagements de l'État.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Patrick Roy. L'État n'honore même plus sa signature. Il n'est qu'à regarder les contrats de plan.

M. Denis Jacquat. Vous feriez mieux de positiver !

M. Patrick Roy. Je vous trouve bien silencieux à propos de cette démission de l'État, messieurs les ministres. Bien silencieux, par exemple, lorsqu'il refuse l'ouverture des maisons de retraite, alors que tous les autres partenaires sont prêts. Bien silencieux quand il refuse d'honorer son engagement dans l'arrondissement même du ministre : pour la liaison des autoroutes A2 et A23, il ne manque que la signature de l'État.

M. Dominique Dord, rapporteur. C'était avant le plan de cohésion sociale, et non après !

M. Patrick Roy. Ce que nous craignons, c'est que, avec votre plan, l'État ne continue de faire ce qu'il fait depuis deux ans et demi : des promesses, des promesses...

M. Denis Jacquat. Et des réalisations !

M. Pierre Cohen. Vous n'avez pas lu le projet de loi, monsieur Jacquat ?

M. Patrick Roy. ...et puis - pschitt ! - plus rien !

Écoutez bien, mes chers collègues ! En 2003, le total des annulations de crédits pour les secteurs du travail, des affaires sociales et de la ville atteignait 296 millions d'euros, sur des budgets déjà en diminution dans la loi de finances initiale : 6,16 % de baisse, par exemple, pour le secteur du travail. En 2004, les annulations de crédit sur les secteurs sociaux atteignent 650 millions d'euros.

L'IGAS écrit : « Les gels budgétaires intervenus dès 2003, les réductions de crédits touchant les associations qui avaient engagé des dépenses pour réaliser leurs objectifs, les remises en question des modalités financières des conventions pluriannuelles traduisent un comportement socialement peu responsable de la puissance publique. Ces aléas ont engendré chez certaines associations des problèmes de trésorerie qui les ont conduites à cesser leur activité. »

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est arrivé, en effet.

Mme Patricia Adam. Souvent !

M. Patrick Roy. En audition, le représentant de l'UNIOPSS a même déclaré : « Nous venons de vivre deux années effrayantes. » Ce que je dirai à M. Borloo...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S'il arrive !

M. Patrick Roy. ...dès qu'il arrivera - mais il est déjà en route -,...

M. Denis Jacquat. C'est obsessionnel !

M. Patrick Roy. ...c'est que, avec ce plan, je crains que nous ne posions beaucoup de premières pierres, mais que nous coupions peu de rubans.

M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. À Denain ?

M. Patrick Roy. On nous annonce que le plan bénéficie pour 2005 d'une dotation de 1,12 milliard au titre des dispositifs d'insertion.

M. Gaëtan Gorce. Un si grand plan et toujours pas de ministre !

M. Patrick Roy. Comme je m'étonnais de cette rigueur budgétaire face à l'urgence de la situation et de son contraste avec la symphonie financière des chiffres annoncés pour dans cinq ans - 12, 13, 14 milliards - le ministre me répondait, avec le plus grand sérieux, il y a quinze jours, que cette critique était bien stérile et que d'ailleurs, s'il le fallait, il avait dans la poche l'accord du Premier ministre pour un deuxième milliard tout de suite.

Comme j'ai l'habitude de compter, j'ai été très étonné. Mais une autre réponse qui m'a été faite sur les maisons de l'emploi - j'y reviendrai - m'a permis de comprendre que ce milliard est très certainement virtuel.

D'ailleurs, je m'étonne que le Gouvernement se soit arrêté à un seul milliard supplémentaire. En matière de milliards virtuels, il faut être ambitieux et il aurait pu en annoncer tout de suite quelques-uns de plus ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Non, c'est M. Bartolone qui agissait ainsi !

M. Patrick Roy. Cela aurait permis, par exemple, de ne pas faire mentir M. Fillon qui, en réponse à une question que je lui posais, a prétendu sans rire que les aides-éducateurs avaient été remplacés poste pour poste et que les écoles n'avaient pas été sacrifiées. De tels dons de comédien sont vraiment extraordinaires !

Mme Patricia Adam. Oui !

M. Patrick Roy. Je reviens à 2005, pour retirer ce milliard virtuel de la poche du ministre - qui va arriver.

M. Denis Jacquat. Encore ! Il faut vous soigner !

M. Patrick Roy. On nous parle d'un vaste, d'un immense plan.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. D'un plan ambitieux ! (Sourires.)

M. Patrick Roy. On s'attendrait tout de même à ce que le ministre soit là pour le défendre.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Il a mieux à faire que d'écouter un discours virtuel !

M. Gaëtan Gorce. Oui, mieux que défendre son plan !

M. Patrick Roy. On nous annonce 1,12 milliard d'euros. Bigre ! Mais un examen attentif de ce financement révèle que cette dotation correspond essentiellement au redéploiement des crédits déjà destinés en 2004 aux dispositifs d'insertion, qui s'élèvent à 1,007 milliard d'euros.

Il y a dans cette salle beaucoup de députés très forts en calcul mental. Je vais leur proposer de résoudre une petite opération : de combien d'euros ce grand plan d'urgence bénéficie-t-il réellement pour les mesures nouvelles concernant les dispositifs d'insertion des publics en difficulté ? Je reprends : 1,120 milliard moins 1,007. Qui a la réponse ? Cela fait bien peu : seulement 113 millions ! Dix fois moins que le chiffre annoncé ! Quel effort massif ! ...

M. Gaëtan Gorce. C'est pour cela que le ministre n'est pas là : il n'assume pas la réalité !

M. Patrick Roy. Ce tout petit effort, ce n'est même pas celui du Gouvernement. En réalité, dans ce milliard initial qui a été gelé, il y a une enveloppe régionale de 438 millions d'euros. C'est vrai qu'il est si facile de faire payer les autres ! C'est vrai aussi que le Premier ministre vous a bien expliqué la technique !

Pour continuer ma démonstration, je vais à nouveau faire appel aux qualités de l'assemblée en matière de calcul mental : 1,120 milliard moins les 438 millions régionaux. Alors ? Je vous souffle le résultat : 682 millions !

En clair, si l'on exclut l'enveloppe régionale de 438 millions d'euros, l'action directe de l'État en direction des publics en difficulté est en chute libre. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, les actions de l'État ne recouvrent que 682 millions d'euros, soit - c'est vraiment fort de café - une réduction de 32 % des actions financées et réalisées par l'État au niveau national !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est exact !

M. Gaëtan Gorce. Les crédits ont disparu avec le ministre !

M. Patrick Roy. Alors, de qui se moque-t-on ? De qui se moque-t-on, une fois de plus ?

Ce que je crains, c'est que la légèreté du Gouvernement face au drame, ou son inconscience devrais-je dire, n'entraîne la France toujours plus bas.

Ah ! Mais n'est-ce pas là M. le ministre lui-même qui nous rejoint ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Le voici enfin !

M. Denis Jacquat. Monsieur Roy, vous allez être obligé de changer de discours !

M. Maxime Gremetz. D'accord, mais je dois alors le reprendre à zéro !

M. le président. Le temps de parole, hélas, sera le même...

M. Patrick Roy. La France, disais-je, risque d'être entraînée toujours plus bas. Et lorsque nous reviendrons aux affaires, ...

M. Guy Geoffroy. Faut pas rêver !

M. Patrick Roy. ...la situation sera encore plus dramatique ! Bien sûr, monsieur le ministre, vous me répondrez tout à l'heure que tout cela est faux, sous les acclamations de votre majorité. Mais, depuis deux ans et demi, les acclamations de la majorité n'ont jamais empêché le pays de souffrir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Denis Jacquat. Vous êtes atteint de troubles visuels et auditifs !

M. Patrick Roy. Si vous connaissiez le pays, monsieur Jacquat, vous sauriez combien il souffre !

M. Denis Jacquat. Je le connais, justement.

M. Guy Geoffroy. Je sors mon mouchoir !

M. Patrick Roy. Dès l'origine, monsieur le ministre, vous êtes entré dans cette logique gouvernementale de baisse des impôts, ceux des plus riches, votre aimable clientèle. Et, bien sûr, pour financer vos cadeaux, vous avez choisi - c'est l'origine de l'impôt Raffarin que les Français vont vivre difficilement - de transférer les compétences aux collectivités sans leur assurer les masses financières correspondantes.

M. Guy Geoffroy. Mensonge !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. « À l'euro près », qu'ils disaient !

M. Patrick Roy. Je vous rappelle, monsieur Geoffroy, que je suis conseiller général et que je gère à ce titre les enveloppes du RMI. Nous nous reverrons à la buvette et nous regarderons les chiffres, si vous voulez !

Votre plan obéit à la même logique en faisant appel au financement accru des collectivités. Les aides dégressives de l'État sur vos nouveaux contrats aidés apportent une nouvelle démonstration de la fuite en avant du Gouvernement.

Votre plan s'adresse à un public pauvre qui restera pauvre.

Votre plan oublie totalement l'indemnisation du chômage. Or, en France, seulement quatre chômeurs sur dix sont indemnisés.

Votre plan est dangereux car il installe la logique des emplois précaires.

M. Guy Geoffroy et M. Denis Jacquat. . Oh !

M. Patrick Roy. Votre plan ne met en place aucune politique de l'emploi.

Votre plan n'est pas un vrai plan transversal.

Votre plan transfère de nouvelles charges aux collectivités.

Son financement est mensonger.

Son titre l'est aussi. Il ne répond pas à la situation : ce n'est pas un plan de cohésion sociale, c'est un plan d'éclatement social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. On aura tout entendu !

M. Patrick Roy. Venons-en aux mesurettes.

Mais constatons d'abord la destruction du service public de l'emploi. Celui-ci, de l'avis des observateurs les plus éclairés, s'est plutôt amélioré, ces dernières années, malgré une mission de plus en plus difficile à assumer. La logique de votre texte, c'est pourtant l'ouverture au secteur privé. Vous comprendrez que, à mes yeux comme aux yeux de mes amis, le risque est grand de voir l'État continuer à se désengager d'un secteur aussi important. Or confier à des intérêts privés ce qui devrait rester du ressort de l'État risque fort de mener à une politique de l'emploi à deux vitesses.

L'une de vos mesures phares est la création des maisons de l'emploi. S'il s'agit de simplifier l'accès aux services pour les chômeurs, cela mérite certainement réflexion. Mais, comme je l'ai dit, cette mesure a contre elle son manque de préparation, son manque de clarté et son manque de financement.

Peut-être pourrez-vous tout à l'heure ou durant les prochaines journées de débat, nous expliquer enfin ce que sont les maisons de l'emploi. J'avoue n'avoir pas bien compris, ni à la lecture du texte ni en commission, à quoi elles ressembleraient. J'ai demandé à mes amis, j'ai écouté les vôtres en commission, mais j'ai obtenu autant de descriptions différentes que de questions posées. Votre propre audition ne m'a pas éclairé davantage. Je dois même avouer que la notion de maisons de l'emploi « virtuelles » - pour reprendre vos propres mots - n'a fait, en ce qui me concerne, qu'épaissir le brouillard.

On nous dit par exemple que ces maisons de l'emploi favoriseront les formalités et les recherches des chômeurs. Belle idée effectivement, qui peut être contre ? Puis, comme nous savons lire, nous apprenons qu'il y aura en France dans cinq ans - peut-être - de nombreuses maisons de l'emploi chargées d'anticiper les besoins, de détecter systématiquement les gisements d'emplois et d'orienter en conséquence les demandeurs d'emploi et les formations qui leur sont proposées. Sur le papier, pourquoi pas ?

Mais, comme pour mieux nous inquiéter, vous ajoutez tout de suite que ces maisons ne seront que 300. Chacun sait que la proximité est indispensable aux demandeurs d'emploi. Et la première mesure que vous proposez, c'est d'éloigner les services ! Quand je vous parlais d'éclatement social...

En affichant clairement votre volonté de voir s'éloigner les services, vous ne répondez pas aux besoins, monsieur le ministre. À moins que vous n'ayez, comme pour les zones franches, l'arrière-pensée partisane de privilégier certains pour mieux enfoncer les autres, grâce à un choix politiquement très orienté de l'implantation géographique. Trois cents maisons de l'emploi, voilà qui désespérera un peu plus nos demandeurs d'emploi, contraints de se déplacer davantage.

Par ailleurs, nous ne savons toujours pas la place qu'occuperont ces maisons au sein du service public de l'emploi. Nous pouvons craindre que ce ne soit qu'une structure supplémentaire, ce qui ne va rien simplifier. Les choses n'étaient déjà pas simples, vous en remettez une couche, comme pour mieux brouiller les pistes.

Continuons dans la logique libérale.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ultralibérale, voyons !

M. Patrick Roy. Vous donnez accès à ces maisons de l'emploi aux acteurs privés, mais vous le refusez aux associations de chômeurs. J'avoue que la logique sociale de votre plan m'échappe. À moins qu'il ne s'agisse d'une cohésion sociale virtuelle !

Quant au fonctionnement, sous forme de groupement, de ces maisons, il sera régi par une convention qui précisera les modalités de participation financière et de mise à disposition des personnels rémunérés par les membres du groupement. Or ces personnels viendraient essentiellement de l'ANPE. On peut donc craindre que l'Agence ne soit, à terme, démantelée et que l'État ne se déleste, une fois de plus, de la gestion de l'emploi sur les collectivités territoriales. Et je ne demande même pas qui présidera ou dirigera ces maisons, tant les choses restent floues.

Un autre grand thème de votre plan est la réforme des contrats aidés et l'aide directe aux victimes de l'exclusion. Eh bien là, les chômeurs vont être surpris ! Ceux qui auraient cru vos déclarations publicitaires vont déchanter. En effet, si le plan prévoit contraintes, surveillance, contrôles et renforcement des mesures de coercition contre les demandeurs d'emploi, il ne dit rien d'une offre d'emploi de qualité. C'est l'un des éléments les plus choquants du texte : pour le contrôle des chômeurs, tout est prévu précisément ; pour l'offre d'emploi, rien n'est écrit. C'est bien toujours la même logique libérale : pour l'entreprise, il faut de la souplesse ; pour le chômeur, de la rudesse.

J'en viens à une autre mesure phare de votre plan : le contrat d'avenir, initialement dénommé « contrat d'activité » et qui doit être, pour le secteur non marchand, le pendant du RMA.

Premièrement, compte tenu de l'échec retentissant du RMA, on peut être vraiment inquiet pour le contrat d'avenir. Deuxièmement, ce contrat est un contrat sous-payé s'adressant à un public pauvre qui restera pauvre. Troisièmement, ce contrat d'avenir n'offrira aucun avenir. Pire, il renforce l'emploi précaire, si cher au MEDEF. Car enfin, votre refus de proposer aux bénéficiaires du contrat d'avenir une vraie formation, rémunérée, qualifiante et obligatoire est en totale contradiction avec le titre du projet de loi ! Quand vos amis ont déclaré en commission, avec le plus grand sérieux, la main sur le cœur et le mouchoir sur la table, qu'il n'était pas possible de soumettre l'entreprise à un devoir de formation et qu'il fallait de la souplesse, les masques sont tombés : ce plan est bien un plan d'éclatement social.

Vous nous expliquerez, monsieur le ministre, comment on peut vivre, comment on peut espérer, avec un contrat d'avenir dont la formation ne sera ni rémunérée ni obligatoire ! Pourquoi l'État ne veut-il pas assumer sa mission de financement et demande-t-il une fois de plus aux collectivités de venir à son secours ? Pourquoi voulez-vous que les pauvres restent pauvres ? Est-ce parce que vous voulez avant tout que les riches restent riches ?

M. Denis Jacquat. N'importe quoi !

M. Patrick Roy. Un autre volet important de ce texte est consacré à l'apprentissage. Il est vrai que celui-ci n'a pas toujours été apprécié à sa juste valeur dans notre pays et je me réjouis de la présence de ces dispositions dans le projet de loi. Néanmoins, je m'interroge : pourquoi occupe-t-il une place si importante dans votre plan ? Est-ce parce que votre texte a été écrit dans la précipitation, à la hussarde, ou parce qu'il est dépourvu d'une approche réellement transversale, comme en témoigne la pauvreté des dispositions relatives à l'école contenues dans le volet consacré à l'égalité des chances ?

Au fond, cette partie consacrée à l'apprentissage est à l'image du texte lui-même : son contenu est en complet décalage avec le titre et avec l'exposé des motifs. La revalorisation de la rémunération des apprentis, par exemple, a disparu. Là encore, les mesures financières nouvelles se limittent essentiellement à des redéploiements. Ainsi, les crédits que vous allez affecter à l'apprentissage seront pris sur ceux des lycées professionnels. Comment applaudir un tel tour de passe-passe, qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul ?

Vous affichez la volonté de former 500 000 apprentis, soit 150 000 de plus qu'aujourd'hui. Pour cela, vous devrez recruter des jeunes qui s'orientaient plutôt vers l'enseignement professionnel ou technologique. Vous risquez ainsi de rompre l'équilibre national. Le Gouvernement a d'ailleurs commencé, puisque M. Fillon a fermé cette année un très grand nombre de sections professionnelles et réduit de 40 % le recrutement des enseignants.

Venons-en maintenant à la très difficile question du logement.

Première remarque, je vous trouve bien silencieux sur la flambée des prix que connaît actuellement notre pays.

M. Hervé Novelli. Il faut rétablir le contrôle des prix !...

M. Patrick Roy. Le phénomène a pris une telle ampleur qu'une immense partie de la population est privée de la possibilité d'acquérir son logement. Permettez-moi de vous rappeler que la loi du marché peut se révéler redoutable pour la cohésion sociale d'une nation.

Deuxième remarque, depuis deux ans et demi, les choses se sont aggravées : on finançait 44 000 logements neufs en 2001, mais seulement 43 000 en 2003 ;...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est exact !

M. Patrick Roy. ...122 000 logements ont obtenu une aide à la rénovation en 2000, contre seulement 80 000 en 2003.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Lisez le rapport Cacheux !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Et combien en 1999 ?

M. Patrick Roy. En outre - et c'est un comble pour le ministre de la cohésion sociale -, vous acceptez de supprimer l'aide au logement, l'APL, pour plus de 200 000 ménages ! (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, par l'arrêté du 30 avril 2004, vous supprimez le versement des APL inférieures à 24 euros mensuels et privez ainsi de nombreux ménages de 288 euros par an. Bel exemple de cohésion sociale ! II est vrai qu'il fallait bien trouver un peu d'argent pour diminuer l'impôt sur la fortune.

Autre scandale, et je m'autorise, ici, à citer mon ami Jean-Yves Le Bouillonnec : « Les locataires sont rançonnés pour remplir vos caisses. Vous exigez des bailleurs sociaux qu'ils avancent la trésorerie de l'État. Vous leur devez plus de 500 millions d'euros, soit l'équivalent d'une année des subventions que vous leur promettez dans votre plan ! Qui paye cette dette colossale ? Les locataires, qui subissent, depuis des mois, la hausse des loyers »

C'est le grand écart entre les discours et les faits !

Vous affichez dans votre plan l'objectif de 500 000 logements sociaux nouveaux, mais j'ai bien peur que beaucoup ne soient, à terme, que des logements virtuels.

M. Denis Jacquat. Encore !

M. Patrick Roy. Votre programme n'est en effet envisageable que si l'effort des collectivités locales est bien supérieur à celui que l'État consentira lui-même. Qu'est-ce donc qu'un plan d'urgence et de cohésion sociale pour lequel l'État mobilise ses partenaires mais ne se mobilise pas lui-même ?

Vous nous faites part également de votre volonté de tout faire pour éviter les expulsions. L'intention est louable mais, là encore, quel grand écart entre les discours et les faits ! En effet, vous portez l'effort sur les bailleurs publics, qui expulsent très peu,...

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Ah oui ?

M. Patrick Roy. ... sans dire un mot du secteur privé, où se concentre pourtant la plus grande partie des expulsions.

Par ailleurs, vous mobilisez le parc privé. L'idée est bonne, et certainement nouvelle pour ce gouvernement, puisque le budget de l'ANAH a récemment subi des restrictions supérieures à 100 millions d'euros. Mais une telle mobilisation du parc privé risque d'être un autre cuisant échec. En effet, vous ne garantissez pas le risque locatif. Les logements resteront donc vides.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous retardez ! Il faut mettre vos informations à jour !

M. Patrick Roy. Je ferai deux dernières remarques sur le volet logement. D'abord, je vous accorderai peut-être - les débats nous le diront - un bon point sur la réforme de la DSU, même si j'ai quelques craintes, puisqu'il semblerait que, dans l'arrondissement de Valenciennes, ce soient les villes les moins en difficulté qui bénéficient de la réforme : en clair, Valenciennes mais pas Denain. Ensuite, je vous attribue un mauvais point pour la politique de la ville, qui est en déshérence. Ce n'est pas très honnête de privilégier son territoire plutôt que ceux qui souffrent.

M. Denis Jacquat. Elle est excellente, la politique de la ville !

M. Pierre Cohen. Comment ? Elle a disparu !

M. le président. Monsieur Jacquat, n'interrompez pas constamment M. Roy.

M. Denis Jacquat. Il ment, monsieur le président !

M. Patrick Roy. J'en arrive à la cerise sur le gâteau.

M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Plutôt lourd à digérer !

M. Patrick Roy. Un gâteau sec, plutôt qu'un gâteau à la chantilly avec plein de bonnes choses dedans, et croyez-moi : mes amis comme mes adversaires vous diront que j'ai une compétence reconnue en la matière.

Il s'agit des articles de M. Larcher relatifs aux restructurations, qui portent un coup fatal à l'exposé des motifs de votre projet de loi. L'enjeu de ce volet n'est pas mince, puisqu'il s'agit de mesures qui touchent aux droits de l'ensemble des salariés, déjà mis à mal par la dureté du marché de l'emploi et la toute-puissance du libéralisme mondial. Or, curieusement, monsieur le ministre, vous vous êtes montré bien plus discret sur ces dispositions que sur le reste de votre plan. J'espère d'ailleurs que vous nous donnerez les raisons de ce rare silence.

Je dénonce la brutalité de votre méthode.

Brutalité à l'égard des partenaires sociaux, d'abord, puisque, après dix-huit mois de négociations, le Gouvernement a cru bon de ne retenir les revendications que d'un seul et unique syndicat, ...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Le MEDEF !

M. Patrick Roy. ...le MEDEF en effet. Voilà un bel exemple d'écoute et de respect du dialogue social !

Brutalité à l'égard du Parlement, ensuite, puisque les articles préparés par M. Larcher ont été ajoutés au projet de loi alors que les commissions du Sénat étaient saisies depuis plusieurs jours. Vous ne pouviez pas signifier plus explicitement le profond mépris de l'exécutif pour le travail parlementaire.

Précipitation, passage en force, provocation : votre méthode exprime un manque de sérénité troublant.

À votre décharge, je reconnais qu'un gouvernement se remet difficilement de quatre gifles électorales infligées en l'espace de six mois.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. À Bordeaux ?

M. Patrick Roy. Je vous sais assez fin analyste politique, monsieur le président, pour savoir que le score obtenu par la candidate socialiste à Bordeaux est exceptionnel.

M. Hervé Novelli. Mais vous avez perdu !

M. Guy Geoffroy. Qu'importe ! Ils savent même transformer une défaite en victoire !

M. Patrick Roy. Au-delà, c'est l'orientation générale de cette réforme qui est la plus effrayante. Votre projet de loi multiplie en effet les atteintes au droit du travail. Vous videz de son contenu la loi de modernisation sociale, un texte résolument progressiste et protecteur des salariés victimes de restructurations.

M. Hervé Novelli. Un texte trotskiste ! De régression sociale !

M. Christian Vanneste. Un texte archaïque et calamiteux !

M. Guy Geoffroy. Un retour au xixe siècle !

M. Patrick Roy. De nombreux articles du code du travail destinés à limiter efficacement les dégâts des licenciements économiques sont rétablis dans leur rédaction antérieure à celle de la loi de janvier 2002, voire abrogés !

Le droit des licenciements économiques enregistre donc un net recul, notamment en ce qui concerne les procédures de consultation du comité d'entreprise, l'étude d'impact social et territorial préalable à tout plan social, l'obligation d'informer les représentants des salariés et de négocier l'application collective des 35 heures avant la mise en œuvre de licenciements économiques.

M. Jean-Paul Anciaux. Parlons-en, des 35 heures !

M. Patrick Roy. En outre, en donnant de nouvelles bases légales au licenciement économique, comme le refus d'une modification du contrat de travail, vous fragilisez considérablement les droits des salariés.

En revenant sur la jurisprudence Framatome et Majorette, vous introduisez, via la notion floue « de modification d'un élément essentiel du contrat de travail », un peu plus d'insécurité juridique dans une matière qui n'en a pas besoin. Vous autorisez ainsi les chantages à l'emploi permettant une baisse des salaires ou une augmentation du temps de travail, si ce n'est des démissions forcées. Cette disposition ouvre la voie à toutes sortes de dérive, et l'exemple tristement célèbre de Bosch l'été dernier risque de se reproduire.

Comme si cela ne suffisait pas, vous réduisez également les délais permettant de contester la validité de la procédure de licenciement économique, vous diminuez la marge de manœuvre des comités d'entreprise et vous remettez donc en cause l'esprit de notre code du travail, pourtant régulièrement réaffirmé par la jurisprudence.

L'objectif de ces dispositions paraît clair. Pour répondre à l'impatience du patronat, vous faites dépendre le niveau de protection des salariés du rapport de force particulièrement déséquilibré qui existe au sein des entreprises entre les salariés et l'employeur.

M. Hervé Novelli. Caricature !

M. Patrick Roy. Vous faites ainsi sauter un à un les verrous empêchant les licenciements rapides, faciles et peu coûteux. L'effet prévisible est évident et désastreux : les délocalisations seront accélérées.

Mme Christine Boutin. Rien à voir !

M. Patrick Roy. On annonce même que, sous la pression du MEDEF...

M. Denis Jacquat. Obsession ! Paranoïa !

M. Patrick Roy. ...et de certains députés de votre majorité, l'obligation de réintégration des salariés dont le licenciement aurait été annulé par la justice va être remise en cause.

Je m'interroge sur la cohérence globale de votre plan, qui peut se résumer ainsi : abrogation des mesures de la loi de modernisation sociale, destruction des règles de protection des salariés en cas de procédure de licenciement économique, réduction des conditions de recours et d'intervention des organisations syndicales, bref précarisation du travail et organisation du moins-disant social.

M. Hervé Novelli. Rien que ça !

M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, ne trouvez-vous pas que toutes ces mesures que vous avez accepté de rajouter à votre texte s'accordent mal avec les belles idées de « cohésion sociale », de « mobilisation pour l'emploi » et de « préservation du pacte social » ?

Est-ce réellement la meilleure réponse à apporter au malaise social et à la rupture du lien social dans notre pays ? Comment pouvez-vous ainsi vous acharner sur la solidité de l'emploi des employés et des ouvriers, alors que vous prétendez assurer le retour à l'emploi des plus démunis ?

En réalité, vous dévoilez ici votre facette la moins consensuelle. Le docteur Jekyll cède sa place à Mister Hyde.

M. Guy Geoffroy. Quelle culture ! On va finir par l'almanach Vermot !

M. Patrick Roy. Le premier prescrivait un simple traitement homéopathique dit de cohésion sociale, le second dégaine une arme terrorisante, un instrument de casse sociale.

Je voudrais maintenant évoquer un dernier programme de votre plan, celui traitant de la réussite éducative.

J'ai la profonde conviction que notre pays ne pourra se sortir durablement de l'exclusion qu'avec un investissement massif sur l'école. C'est là que tout se joue, dès l'école primaire, parfois même dès l'école maternelle. La fracture sociale que nous connaissons trouve là son origine.

M. Jean-Paul Anciaux. Qu'avez-vous fait ?

M. Patrick Roy. Sans investissement massif pour l'école, nous continuerons à générer l'exclusion. Je me permets d'ailleurs d'insister : je n'ai toujours pas compris, comme l'immense majorité des enseignants et des parents d'élèves, pourquoi vous avez supprimé les aides-éducateurs, si utiles pour nos écoles.

M. Guy Geoffroy. Mensonge !

M. Patrick Roy. L'école doit être prioritaire. Il s'agit là de l'investissement majeur du pays, d'un véritable contrat d'avenir. Or, monsieur le ministre, le titre III du texte me réservait une nouvelle désillusion quant à l'ambition de votre projet. Ce titre est vraiment le parent pauvre d'un plan qui n'est lui-même pas très riche !

Ainsi, en ce qui concerne le financement immédiat, faiblesse générale du plan, vous écrivez vous-même qu'une équipe de réussite éducative est estimée à environ un million d'euros, et vous annoncez la constitution de 750 équipes. Comment se fait-il, dans ce cas, que vous ne prévoyiez que 62 millions d'euros pour 2005 ?

Je ne résiste pas au plaisir de citer Mme Valérie Létard, rapporteure du Sénat, qui écrit au sujet de ce financement : « Modeste en 2005 - 62 millions d'euros -, la dépense consacrée à ces dispositifs serait portée à 174 millions d'euros dès 2006. Elle s'établirait ensuite à 411 millions d'euros par an sur la période 2007-2009 . »

M. le ministre délégué au logement et à l'emploi. C'est dans la loi !

M. Patrick Roy. Vous avez certainement tous noté qu'après avoir reconnu l'aspect modeste du financement 2005, Mme Létard prenait la précaution d'utiliser le mode conditionnel dans la conjugaison des verbes « porter » et « s'établir ». Sage précaution d'une femme prudente et avertie ! Et précaution d'autant plus sage que, là encore, vous allez vous reposer sur les finances des collectivités locales en laissant la part de chacun dans le flou le plus complet.

Mais ces mesures souffrent avant tout de leur caractère improvisé : que sont ces 750 équipes ? Quelles sont ces 150 plates-formes de réussite éducative ? D'où viennent-elles ? Que vont-elles faire ? Comment seront-elles composées ?

Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, qu'il s'agira de moyens nouveaux et qu'un vaste plan de recrutement sera mis en œuvre pour faire fonctionner ces équipes et ces plates-formes ? Ou bien allez-vous avouer, comme Mme Létard, que ce programme pourrait bien être un pétard mouillé, voué à faire pschitt à son tour ? Notre collègue du Sénat écrit en effet que « les équipes de réussite éducative ou les plates-formes de réussite éducative, pour leur part, mutualiseront des moyens... »

J'arrête là ma citation afin de ménager le suspense, chacun s'attendant sans doute à ce que la phrase se termine par : « mutualiseront des moyens nouveaux »

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pitié ! La réponse ! Nous n'en pouvons plus !

M. Patrick Roy. Vous n'y êtes pas du tout, mes chers collègues ! Mme Létard termine sa phrase de la façon suivante : « mutualiseront des moyens déjà existants  » !

Vous opinez ? C'est donc que vous le saviez déjà, et ne l'avez pas dit !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. le président. Ce suspense insoutenable va bientôt devoir prendre fin, monsieur Roy, car votre temps de parole arrive à son terme !

M. Patrick Roy. J'en arrive justement à ma conclusion, monsieur le président. Vous voyez qu'à gauche nous sommes parfaitement organisés.

Le droit à un véritable emploi est un droit fondamental inscrit dans notre Constitution, auquel chaque Français devrait pouvoir accéder.

Ensemble, unissons nos efforts et nos talents.

M. Guy Geoffroy. Oh hisse !

M. Patrick Roy. Ensemble, remettons à plat ce projet pour faire du droit à l'emploi une réalité.

Ensemble, votons cette exception d'irrecevabilité !

M. Denis Jacquat. Vous pouvez toujours y croire !

M. Patrick Roy. Pour l'emploi, mes chers collègues, il nous faut de l'audace, toujours de l'audace, encore de l'audace ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Que maintenant chacun ose, que chacun écoute son cœur ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Vous, tout ce que vous savez faire, c'est créer de l'emploi public !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Denis Jacquat. Cela ne mérite même pas de réponse !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne vais pas répondre...

M. Maurice Giro. ...à une heure et demie d'absurdités !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...sur un mode aussi laborieux à une démonstration dont certains passages, monsieur Roy, ne vous honorent pas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Pas de provocation !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. J'ai même failli faire un rappel au règlement. En effet, je n'accepte pas que, dans cette enceinte, vous laissiez entendre que la réforme de la DSU, qui va permettre d'augmenter de 600 millions d'euros l'aide aux villes en grande difficulté, ne serait pas fondée sur des critères objectifs et pourrait obéir à des raisons d'opportunité n'obéissant pas aux valeurs républicaines. Comment osez-vous dire que la ville de Denain ne bénéficiera pas de cette réforme, alors que sa DSU va connaître une augmentation de 60 % ! C'est indigne !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne faut pas vous indigner, il faut arriver à l'heure !

M. Gaëtan Gorce. Un ministre, ça ne doit pas être en retard !

M. Hervé Novelli. Allons, messieurs les socialistes, il n'y a que la vérité qui fâche !

M. Denis Jacquat. Pour une fois qu'un ministre dit la vérité !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. En tout cas, je serai curieux de voir si vous voterez cette DSU qui se traduira par 60 % d'augmentation pour la ville de Denain !

M. Patrick Roy. J'espère pour ma part que Denain fait effectivement partie des villes qui en bénéficieront !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. De deux choses l'une, monsieur le député : ou vous ne connaissez pas le dossier, ce qui explique que vous ne sachiez pas que la ville de Denain y figure, ou vous le connaissez, et vous dites sciemment des choses inexactes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cessez de nous prendre pour des guignols ! Nous les connaissons, les chiffres ! Nous connaissons ce dossier aussi bien que vous et vos insinuations sont insupportables !

M. le président. Vous aurez amplement l'occasion de nous le montrer, monsieur Le Bouillonnec !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Pour le reste, je suis un peu surpris par cette succession d'arguments qui a commencé par une interrogation au sujet d'un autre programme, celui des zones franches urbaines, lancé il y a dix-huit mois. Vous avez fait part de votre étonnement que la circonscription de Denain ne fasse pas partie des nouvelles zones franches urbaines. Les modalités de ce dispositif ont pourtant été arrêtées selon des critères fixés par le Parlement et parfaitement connus de tous. En outre, dois-je vous rappeler que vous et vos amis êtes intervenus dans cette assemblée pour expliquer tout le mal que vous pensiez des zones franches urbaines ? Cela étant, je suis favorable à l'extension de cette zone franche à Denain.

En fait, ce plan de cohésion sociale vous pose un vrai problème : il va vous être difficile en effet, compte tenu des propos que vous tenez dans cette enceinte, d'aller expliquer dans vos circonscriptions que vous ne voulez pas des équipes de réussite éducative ni des financements destinés à l'Agence de rénovation urbaine - rappelons au passage que Douchy a bénécifié à cet égard de 10 millions d'euros !

M. Jean-Paul Anciaux. Cela ne les gênera pas ! Ils ne sont pas à une contradiction près !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. De même, vous aurez des difficultés à expliquer que les contrats d'avenir ne sont pas accompagnés d'une formation alors que celle-ci est bel et bien obligatoire. À l'inverse, tous les anciens contrats aidés, promus par les uns ou les autres, ne prévoyaient aucune formation ou attestation de compétence. Alors, reconnaissez au moins que ces contrats d'avenir constituent une avancée !

M. Gilbert Biessy. Ces contrats ont surtout peu d'avenir !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Nous pourrons discuter de leur chance de réussite, mais vous ne pouvez nier qu'ils seront associés à une formation.

Sur le logement conventionné, comment pouvez-vous tenir de tels propos alors que, pendant cinq ans, ont été ponctionnés sur le 1 % social, pour le budget de l'État, entre 300 et 700 millions d'euros ? Aujourd'hui, tout est affecté au logement social. Alors qu'on prévoit un financement du triplement de la production, une augmentation de 40 % des financements de l'ANAH, une multiplication par 2,6 pour l'accession à la propriété sociale et familiale, votre attitude n'est vraiment pas raisonnable. Comptez-vous expliquer aux Français que c'était bien de produire seulement 39 000 logements sociaux nouveaux par an ? Certes, il est des sujets sur lesquels vous pouvez vous opposer à ce plan. Mais ne travestissez pas la réalité sur ces points-là. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

S'agissant de la « rançon » sur les organismes sociaux, nul n'ignore quel était le mode de fonctionnement jusqu'à une période récente : 100 % d'AP déclenchaient 8 % de CP. On finançait des autorisations de programme dans le budget, mais on ne pouvait disposer que de 8 % de crédits de paiement la première année. Aujourd'hui, on est revenu à une clé de répartition de un pour un, pour résorber précisément l'encours de la dette de l'État à l'égard des organismes sociaux. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous savez bien aussi qu'une convention complémentaire de 210 millions d'euros par an destinée à financer le logement social et conventionné a été signée il y a quinze jours. Vous n'ignorez rien du programme de rénovation urbaine qui a été engagé dans votre circonscription. Allez donc voir les travaux de l'avenue de la Liberté, à Douchy ! Vous ne pouvez contester qu'il s'agit là d'un beau programme. Je vois d'ailleurs que vous avez retrouvé le sourire... Nous sommes loin de Docteur Jekyll et mister Hyde !

Quant aux textes complémentaires de ce projet de loi que vous avez baptisés les « textes Larcher », je les assume complètement. Et comment pouvez-vous parler de brutalité à ce sujet ? Entendons-nous sur les mots, monsieur le député ! Dois-je rappeler les dix-huit mois de négociation, le report de six mois, alors que la loi dite Guigou avait été passée en période électorale sous la forme d'un simple amendement, sans aucun débat, sans même qu'ait été saisi le Conseil d'État ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Eh oui !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Comment pouvez-vous parler de brutalité après dix-huit mois de négociation, après que le tableau de convergence des accords principaux entre les uns et les autres eut été retenu - il n'y avait qu'un ou deux points de désaccord ? Puis, les partenaires ont été à nouveau réunis. Le Conseil supérieur de l'emploi a été réuni le vendredi suivant. Une lettre rectificative a été adressée au Conseil d'État pour permettre à celui-ci de se prononcer et aux commissions d'être saisies. Le respect dont nous avons fait preuve à l'égard du Parlement ne tolère pas la moindre leçon de votre part dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En fait, vous êtes confrontés à un problème redoutable. Dans un premier temps, lorsque le plan a été annoncé, vous avez imaginé, connaissant la complexité de la machine d'État, qu'il se perdrait dans les sables. Un des porte-parole de votre groupe avait déclaré que je n'aurais évidemment pas les moyens de mettre en œuvre ce plan qu'il jugeait par ailleurs excellent. « La montagne accouchera d'une souris » avait-il déclaré. « Et, comme c'est Borloo, ce sera une grosse souris » avait-il même précisé. (Sourires.)

Vous espériez donc que ce plan de cohésion sociale, que vous savez indispensable et que vous auriez aimé mettre en œuvre, se perdrait dans les limbes. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Pire encore pour vous, ce plan a quatre mois d'avance. Il est même d'ores et déjà en partie opérationnel. Il en est ainsi par exemple de la rénovation urbaine de Douchy. Nous avons également augmenté de 50 % cette année la production de logements sociaux.

Eh oui, ce plan se concrétise ! Il est bel et bien financé, et même mieux financé que nous ne l'avions annoncé le 30 juin 2004. Aujourd'hui, le parti socialiste ne sait plus quelle position adopter face à ce plan. Localement et pratiquement, vous allez, et c'est normal, l'utiliser à mort au profit des populations. Mais, à l'échelon national, vous le condamnez et la posture n'est pas facile à tenir à l'égard d'un plan que vous savez, au fond de vous, tout à fait indispensable pour notre pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. Tous ceux qui, comme moi, se sont efforcés d'écouter attentivement les propos de notre collègue, que l'on pourrait prénommer Maxime, car le nombre de ses références au MEDEF dénote un net virage à gauche - M. Roy est d'habitude plus mesuré -, auront été saisis par les difficultés qu'il a rencontrées pour démontrer ce qui justifiait sa présence à la tribune. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Étant novice dans cette maison, j'ai relu l'article 91 du règlement pour ne pas commettre d'erreur sur le contenu présumé d'une exception d'irrecevabilité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons droit au même couplet à chaque fois !

M. Guy Geoffroy. Cela correspond à une réalité, mon cher collègue !

J'ai pu vérifier que l'objectif est de s'appuyer sur un ou plusieurs éléments de nature à prouver de manière irréfutable que le projet de loi soumis à notre examen est contraire à la Constitution. Or nous avons entendu un discours d'une heure et vingt-cinq minutes, que j'attribuerai au prince de l'onomatopée et du MEDEF réunis (Sourires), dans lequel il n'a été question de Constitution qu'à la fin sans qu'il ne soit rien prouvé. Je pourrais donc arrêter là mon propos (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), notre groupe refusant d'entrer dans le jeu d'une exception d'irrecevabilité virtuelle. Mais, eu égard à l'importance du sujet, je veux revenir à certains des points évoqués par notre collègue et qu'il s'est contenté de traiter avec beaucoup de « légèreté », pour reprendre l'un de ses termes.

Je commencerai par les emplois-jeunes. À cet égard, je vais devoir, une fois de plus, rappeler qui est l'auteur de la suppression des emplois-jeunes. Vous le connaissez, il a siégé sur ces bancs :...

M. Pierre Cohen. On connaît surtout votre antienne !

M. Guy Geoffroy. ...c'est M. Jospin qui, pour créer de l'emploi pérenne, a décidé de mettre en place dans la fonction publique des emplois précaires de droit privé.

M. Pierre Cohen. C'est nul de revenir là-dessus, des années après !

M. Guy Geoffroy. Dans son programme électoral de 2002, il n'avait cependant consacré qu'une demi-phrase aux emplois-jeunes, dont il parlait non pas au futur, comme vous le prétendez, mais au passé. Ces emplois étaient bel et bien, vous devez en convenir, un outil de préparation à la campagne électorale du Premier ministre de l'époque.

À preuve, vous n'aviez pas prévu le prolongement jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours des fameux aides-éducateurs, dont vous nous vantez aujourd'hui les mérites mais qui ont été contestés dès le début au sein de l'éducation nationale, et par tout le monde - FSU en tête et FCPE comprise. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est nous qui avons dû le faire, alors même que vous n'aviez pas inscrit au budget les crédits nécessaires pour payer aux jeunes qui sortiraient du dispositif sans emploi les indemnités de chômage que l'État leur devait. Voilà la vérité sur les emplois-jeunes que vous - et non pas nous - avez supprimés le jour où vous les avez créés ! Il faut le dire et le répéter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dominique Dord, rapporteur. Remarquable !

M. Guy Geoffroy. J'en viens à présent à ce que vous avez appelé de manière fallacieuse, et cela va se retourner contre vous, « l'impôt Raffarin ». Il s'agit en fait de l'impôt socialo-communiste que vous vous apprêtez à mettre en place dans les départements et les régions que vous administrez ( Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), sous le prétexte scandaleux que la décentralisation et les transferts de compétences se feraient sans que les moyens correspondants soient attribués. Or vous ne pouvez ignorer que c'est exactement l'inverse qui va se produire. En effet, pour la première fois dans notre pays, grâce à ce gouvernement et à la majorité qui le soutient, les collectivités locales auront la garantie absolue qu'aucun transfert de compétences n'interviendra sans le transfert pérenne et évolutif des ressources correspondantes.

M. Gaëtan Gorce. Vous êtes bien le seul à y croire !

M. Guy Geoffroy. Je terminerai mon intervention en évoquant la question de l'école, qui ne laissera personne indifférent. Monsieur Roy, et je m'adresse ici plus particulièrement à l'enseignant, après avoir entendu votre couplet sur l'école et compte tenu de l'inanité de vos propos en la matière, je ne cache pas mon inquiétude pour l'avenir.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Geoffroy !

M. Guy Geoffroy. J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président.

La gauche, j'en fais le constat attristé, a perdu la main dans ce dossier au point de refuser de siéger au sein de la commission du débat sur l'avenir de l'école. L'école de demain sera celle de l'audace et du renouveau mais ce ne sera pas de votre fait.

Il en ira de même pour l'emploi. Vous nous invitez à faire preuve d'audace. Mais là encore, celle-ci sera de notre côté. Vos propos, un peu vieillots et poussiéreux, monsieur Roy, demandent à être rafraîchis.

M. Maxime Gremetz. Vous vous croyez moderne, vous ?

M. Guy Geoffroy. Ce projet de loi, cohérent et de cohésion, ne mérite absolument pas l'opprobre dont vous avez cru bon de le couvrir dans votre exception d'irrecevabilité virtuelle que nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'exception d'irrecevabilité présentée par notre collègue Patrick Roy a au moins eu le mérite de mettre en lumière l'état d'esprit dans lequel le groupe socialiste aborde ce débat.

M. Yves Nicolin. Les faux-semblants !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas parce que ce texte nous arrive après avoir été examiné au Sénat, après déclaration d'urgence, que nous allons renoncer à ce débat, compte tenu de son importance et de l'intérêt qu'il présente.

M. Yves Nicolin. Vous avez raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous le confirme, monsieur le président, et à travers vous je le dis au président de l'Assemblée, qui nous honore de sa présence : nous entendons assumer notre rôle dans ce débat d'une extrême importance.

M. Guy Geoffroy. Ah !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et si le Gouvernement espérait que cet hémicycle ne servirait qu'aux oraisons laudatrices, il s'est trompé ! Nous parlons de cohésion sociale ? Eh bien, nous voulons embrasser le sujet, convaincus que tout le monde en comprend comme nous la gravité.

Notre collègue a eu le mérite d'aborder ce débat sans complaisance. Je vous le dis à vous, monsieur Borloo, qui nous avez fait le plaisir de nous rejoindre au milieu de son intervention.

M. Gilbert Meyer. Hors sujet !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Patrick Roy a dressé un constat sans complaisance, en s'appuyant sur un certain nombre d'éléments qui démontrent que le débat sur la cohésion sociale n'a été engagé par le Gouvernement qu'après quatre échecs électoraux et dans l'improvisation alors que, pendant deux ans et demi, dans les secteurs de l'emploi, du logement, de l'égalité des chances, il s'était ingénié à compromettre les dispositifs législatifs dont bénéficiaient nos concitoyens. Lorsque nous nous interrogeons sur la crédibilité de votre plan, monsieur le ministre, au-delà de vos convictions et de ce que vous souhaitez atteindre, nous constatons que, depuis deux ans et demi, il est clair que le Gouvernement fait tout pour que la cohésion sociale disparaisse.

La véritable interrogation est celle-là. Et essayez de ne pas prendre nos arguments comme une attaque personnelle, remettant en cause votre personnalité. Nous ne contestons aucune de vos qualités, ni votre compétence, ...

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...mais nous vous demandons d'accepter le fait que nous sommes, nous aussi, des artisans de la cohésion sociale et qu'en cet instant précis, nous avons autant de talent et de qualités que vous pour la défendre et pour vous dire, éventuellement, que vous vous êtes trompé dans vos choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Nicolin. Baissez le ton !Vous êtes ridicule !

M. Denis Jacquat. Où sont vos arguments ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, monsieur le ministre, en ce qui concerne l'emploi, le débat ne s'est pas déroulé comme vous le décrivez. Non, monsieur le ministre, vous n'avez pas finalisé, en dix-huit mois, un projet abouti après un débat et un dialogue social. Ce n'est pas vrai ! Le texte que vous nous proposez est, en matière de droit du travail, une réforme a minima.

Mme Christine Boutin. Calmez-vous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ensuite, moi qui plus que vous tous ici, ai fréquenté les conseils de prud'hommes, je peux vous dire que ce texte porte atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Meyer. Vous parlez dans le vide !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Concernant le logement, permettez-moi de contester, encore une fois, les chiffres que vous avez cités. Nous aurons l'occasion de revenir, dans le cours du débat, sur la réalité de ces chiffres. Nous refusons votre analyse de ce qu'a été la politique de Lionel Jospin, et nous contestons le résultat de ces deux années et demie durant lesquelles vous avez pris des décisions. Concernant l'aide à la personne, l'accompagnement social, vous faites une erreur de fond, que vous allez peut-être pouvoir corriger.

M. Hervé Novelli. Débranchez-le !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Certes, monsieur le ministre, les 500 000 logements sociaux, nous les prenons ! Mais le reproche que nous vous faisons, c'est que l'État ne se donnera pas les moyens de mener à bien ce travail. Je ne parle pas des autres partenaires que sont les contributeurs sociaux, mais de l'État.

M. Yves Nicolin. Vous, qu'avez-vous fait ?

M. Francis Vercamer. Rien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, en matière d'égalité des chances, je vais vous dire une chose : avez-vous une seule fois compris le sens des échecs électoraux de ces deux dernières années ? Si vous l'aviez compris, vous sauriez que le nombre de Français qui pensent que vous ne leur donnez pas leur chance et que l'égalité des chances n'existe plus est plus élevé qu'il y a deux ans et demi !

M. Bernard Perrut. C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Alors, même si l'on peut considérer que l'argumentation de notre collègue ne justifie pas l'irrecevabilité constitutionnelle (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je vous le dis, mes chers collègues, quand un texte est irrecevable socialement, il l'est aussi constitutionnellement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Vous ressemblez à Saint-Just ! Vous êtes prêt à faire marcher la guillotine ?

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur la forme d'une exception d'irrecevabilité dont Guy Geoffroy a mis en évidence qu'elle ne cherchait même pas à démontrer l'inconstitutionnalité. Sur le fond, j'ai écouté notre collègue Patrick Roy avec beaucoup d'attention, et quelquefois avec un peu de satisfaction. Certains de ses arguments auraient même pu recueillir notre adhésion, en tout cas notre compréhension, ...

M. Augustin Bonrepaux. Il faut les reprendre !

M. Francis Vercamer. ...s'ils n'avaient pas été marqués, comme les propos que nous venons d'entendre, par l'exagération et la caricature.

M. Guy Geoffroy. À peine !

M. Francis Vercamer. Sur le fait que l'exclusion existe toujours dans notre pays, on ne peut qu'être d'accord.

M. Daniel Paul. C'est certain !

M. Francis Vercamer. D'ailleurs, le ministre lui-même l'a reconnu à la tribune. Le seul problème, c'est que la fracture sociale et le phénomène de l'exclusion datent de plus de vingt ans.

Je vous rappelle que le parti socialiste a gouverné notre pays durant 75 % de ces vingt ans. Alors, quand on l'entend critiquer les mesures que le Gouvernement veut prendre pour réduire la fracture sociale, on a un peu envie de sourire. Entendre celui qui a causé cette fracture sociale donner des leçons à celui qui veut la corriger pourrait même faire rire, si le sujet n'était pas aussi grave...

M. Jean-Paul Anciaux. Cela ferait plutôt pleurer !

M. Francis Vercamer. Le groupe UDF, naturellement, ne votera pas cette exception d'irrecevabilité. Étant de nature plutôt optimiste, nous avons tendance à croire celui qui veut faire quelque chose plutôt que celui qui dit qu'il aurait pu le faire mais ne l'a pas fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Maxime Gremetz. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le Président de la République, dans un entretien télévisé au lendemain de la cuisante défaite de son parti aux élections régionales, déclarait : « La loi de mobilisation pour l'emploi que prépare actuellement le ministre de la cohésion sociale, M. Jean-Louis Borloo, doit permettre de reprendre les choses dans une logique d'ensemble. Et cela avec un objectif principal qui est de mieux aider, de mieux accompagner les chômeurs, les gens qui sont au chômage, dans le retour à l'emploi, pour retrouver un emploi, une activité. »

Quel programme ! Le décor était planté. La France avait besoin de justice sociale. Elle avait connu la fracture sociale, devenue besoin de cohésion sociale. Et chemin faisant, du projet de loi de mobilisation pour l'emploi est né celui-ci, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

M. Hervé Novelli. C'est un bon début !

M. Maxime Gremetz. Ce projet de loi, je vous l'affirme sans détour, est loin de faire l'unanimité, c'est le moins que l'on puisse dire.

M. Hervé Novelli. Une majorité suffit !

M. Maxime Gremetz. Je pensais au moins que Mme Boutin serait l'un des rapporteurs de ce texte, parce qu'elle connaît parfaitement ces sujets et que nous en avons beaucoup discuté ensemble dans cet hémicycle. Elle aurait certainement contribué à enrichir ce débat.

Mme Christine Boutin. Merci, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Ce texte, monsieur le ministre, malgré un battage médiatique impressionnant, cherche à faire du neuf avec du vieux. Et ce qu'il a de nouveau aggrave la régression sociale, déjà bien engagée par ce gouvernement.

Lorsqu'on examine ce texte dans le détail, on constate qu'il souffre d'un nombre incalculable d'incohérences, tout particulièrement dans sa partie relative à la mobilisation pour l'emploi, que je m'attacherai principalement à commenter. Je vous indique que Mme Jambu interviendra sur les dispositions en faveur du logement et Mme Jacquaint sur celles relatives à la promotion de l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations. Comme vous le voyez, notre groupe a procédé à une répartition normale : deux femmes pour un homme...

Mme Christine Boutin. Il faut cela à M. Gremetz ! (Rires.)

M. Maxime Gremetz. Ce n'est plus la parité, c'est un début de domination ! (Sourires.)

Alors qu'il convient de moderniser et de réformer le service public du placement dans le domaine de l'emploi, vous le dynamitez.

M. Hervé Novelli. Non : dynamisez !

M. Maxime Gremetz. Après toutes ces affirmations, mes chers collègues, je procéderai aux démonstrations. N'étant pas enseignant, j'ai pour principe pédagogique d'affirmer d'abord et de démontrer ensuite.

M. le ministre délégué au logement et à la ville. On vous fait confiance !

M. Maxime Gremetz. Mais je poursuis. Alors qu'il est impératif de résorber la précarité de l'emploi, vous l'aggravez.

Enfin, alors que vous avez effectué des coupes sombres dans les budgets consacrés aux contrats aidés, vous les redécouvrez pour les « toiletter », en changer l'appellation et la présentation. Mais en grattant un peu, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de grands changements par rapport à ce qui existait et que vous avez décidé de supprimer.

Pour parfaire cette contradiction explosive, vous introduisez à la hussarde, dans un texte censé incarner le virage social du Gouvernement, une série de mesures sur les licenciements économiques. Oh, on ne les doit pas au patronat, mais au MEDEF. Ce n'est pas la même chose. Les entreprises ne sont pas uniquement représentées par le MEDEF, loin s'en faut et heureusement ! La CGPME devrait avoir sa place et être représentée, car elle n'a pas toujours la même position que le MEDEF. En ce qui me concerne, je fais toujours la différence entre les uns et les autres. Ce que le MEDEF tente et ce qu'il veut à tout prix obtenir est très clair. Il en a déjà obtenu un peu, mais il n'en a jamais assez. Et subitement, à propos de ce texte, il déclare que la cohésion sociale, c'est formidable !

Du point de vue du constat, des objectifs affirmés, on peut être d'accord sur les mots de « cohésion sociale ». Mais ensuite, il faut se poser la question de savoir ce que cela recouvre et quelles propositions novatrices nous préconisons. Je le répète, dans ce domaine, nous n'avons pas l'habitude de critiquer sans formuler des propositions. Nous en avons fait la preuve pour ce qui est de la réforme des retraites, mais aussi de l'assurance maladie. On peut ne pas être d'accord avec nos propositions mais, au moins, c'est projet contre projet, proposition contre proposition.

Vous introduisez à la hussarde dans un texte censé incarner le virage social du Gouvernement une série de mesures sur les licenciements économiques qui visent à remette en cause près de quinze ans de législation et de jurisprudence jusque-là favorables aux salariés de ce pays !

Décidément, le Gouvernement n'a pas pris la mesure du carton rouge qui lui a été infligé au printemps dernier. Vous n'avez rien entendu du signal des Françaises et des Français. Ou plutôt si, vous l'avez entendu puisque vous parlez de « cohésion sociale », mais vous faites simplement semblant d'y répondre, et vous le démontrez avec les mesures contenues dans ce texte. C'est pourquoi il ne faut pas en discuter, mais examiner toutes les autres propositions.

Je ne vous infligerai pas, pour défendre cette question préalable, une série de références constitutionnelles ou de textes de loi. Si j'interviens, c'est pour vous dire ce que nous pensons de ce texte et vous demander de revoir votre copie.

Alors qu'il convient, par exemple, de moderniser et de réformer le service public du placement dans l'emploi, vous le dynamitez.

Depuis 2002, ce gouvernement multiplie les attaques en règles contre le monde du travail. Je vais le démontrer.

Vous avez commencé par la mise en cause des trente-cinq heures, contre lesquelles est annoncée une étape supplémentaire. Les mesures d'assouplissement devaient pourtant permettre de relancer l'emploi. Résultat : le chômage a augmenté. Il s'élève à près de 10 %. Dans ma région, nous en sommes à 11, 6 % !

Vous avez supprimé les emplois-jeunes. Vous leur avez attribué des lacunes. C'est vrai : il faut reconnaître que nous n'avions pas pris les dispositions visant à pérenniser les emplois-jeunes...

M. Pierre Cardo. Ç'est le moins qu'on puisse dire !

M. Maxime Gremetz. ... ni celles consistant à leur assurer une formation.

M. Dominique Dord, rapporteur. C'est honnête de l'admettre !

M. Maxime Gremetz. Cela dit, étaient-ils ou non appréciés ? Ces jeunes n'ont-ils pas eu, pendant cinq ans, la garantie de l'emploi ? N'ont-ils pas été utiles ? Un certain nombre d'entre eux se sont formés et ont trouvé un emploi. On peut trouver des défauts aux emplois-jeunes, mais au lieu de les supprimer, vous pouviez les améliorer.

Vous avez amputé les budgets destinés à favoriser l'insertion et la formation des travailleurs les plus en difficulté, notamment les jeunes. Ces mesures d'économies budgétaires devaient permettre la création d'emplois dans le secteur marchand. Résultat : le chômage des jeunes a augmenté de façon effrayante. Le Nord-Pas-de-Calais reflète parfaitement cette tendance : le chômage des jeunes a fait un bon considérable !

En revanche, pendant ce temps-là, en l'espace d'un an, l'indice CAC 40 a progressé de 14 %. L'indice de l'industrie automobile a, pour sa part, progressé de 31 %. Celui des industries diversifiées a augmenté de 35 %. Quant à l'indice du bâtiment et de la construction, il a enregistré un gain de 26,6 %.

Au chapitre des plus fortes hausses figurent le titre PSA Peugeot Citroën : plus 41 % ;...

M. Hervé Novelli. Parce que c'est bien géré !

M. Maxime Gremetz. ...l'action Arcelor : plus 40 % ! Arcelor qui, après avoir perçu beaucoup de fonds publics, notamment dans l'Oise - des centaines de millions que je vais lui faire rembourser, parce que, maintenant, on a au moins ce pouvoir dans les régions ! -, présente un plan de licenciement pour liquider pratiquement toute son activité à Montataire !

Michelin : plus 29 % ! Ce même Michelin qui, après avoir fermé en 1999 l'usine Wolber dans l'Aisne, à Soissons, vient d'être condamné, après cinq ans de combat, à réintégrer les salariés, le juge ayant estimé que son plan de licenciements prétendument économiques n'avait aucune justification.

M. Hervé Novelli. Cinq ans après ! Il n'y a plus d'usine !

M. Maxime Gremetz. Michelin réalise des profits !

En définitive vous avez peur des juges, des jurisprudences, parce qu'aujourd'hui les problèmes sociaux sont mieux pris en compte qu'ils ne l'étaient. Je comprends pourquoi on dit souvent de ce côté-là de l'hémicycle, mais on le disait aussi ailleurs, qu'on veut éviter le recours aux juridictions en votant des lois ! Vous avez compris qu'il était dangereux d'avoir affaire aux juridictions !

Enfin, Renault : plus 28 %.

Le niveau des exonérations de cotisations sociales patronales s'est envolé pour atteindre plus de 20 milliards d'euros cette année : 21,5 milliards exactement !

Le carnet de commandes du MEDEF était cependant davantage garni ; ce gouvernement a continué à l'exécuter avec un zèle remarquable.

Monsieur Larcher, vous aviez une mission difficile. Vous l'avez remplie avec plaisir. Mais le jour où on vous a commissionné - non pas commissionné financièrement mais missionné -, pour aller parler au Sénat, alors que M. Borloo prétendait qu'il s'agissait là du plus beau texte social qui soit, manifestement, vos annonces ont fait l'effet d'une bombe ! Après tout le battage, ceux qui pensaient que ce texte marquait une volonté sociale, un virage social, ont entendu la bombe résonner, c'est le moins qu'on puisse dire. Et chacun a pris davantage conscience de la réalité de ce projet.

Le Gouvernement a revu les règles de la négociation collective avec, comme objectif central, de rendre la législation du travail supplétive, en permettant davantage aux accords de branches ou d'entreprises de déroger aux lois qui protègent les salariés face à l'arbitraire patronal. M. Novelli approuve : c'est la vérité, et il en est tout à fait satisfait.

M. Dominique Dord, rapporteur. Non !

M. Maxime Gremetz. Je crois même qu'il en est un des promoteurs, étant le plus proches des positions du MEDEF ! Mais au moins il a le mérite d'assumer !

Vous avez aussi remis en cause notre régime de retraites sous prétexte d'égalité de traitement entre le secteur public et le secteur privé. En fait, poursuivant l'œuvre de M. Balladur, vous avez aligné tout le monde sur le plus mauvais régime au lieu de faire bénéficier chacun du meilleur.

Puis ce fut au tour de la sécurité sociale d'être la cible des volontés libérales pour faire entrer le champ assurantiel dans celui de la solidarité.

Je n'invente rien : c'est bien ainsi que cela s'est passé !

Mais ce n'est pas tout : dans un élan sans précédent, vous bradez à la loi du marché tout le capital industriel, technologique et de recherche de la France : EDF, SNECMA, AREVA, pour ne citer que ces exemples.

Bien sûr, toute cette politique n'est pas sans faire des dégâts. C'est ainsi qu'on découvre que notre pays a besoin de cohésion sociale, que des gens souffrent de la précarité et de l'incertitude des lendemains.

Et le constat est accablant. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui serait, selon le ministre de l'emploi et de la cohésion sociale, la réponse aux 1 300 000 allocataires du RMI qui ont dramatiquement augmenté de 10,5 % en 1 an !

Je vais répéter les chiffres...

M. Pierre Goldberg. Maxime, arrête ! Regarde les deux ministres discuter ensemble : la précarité, ils s'en foutent comme de leur première chemise ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Je répète donc ces chiffres précis : le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui serait, selon le ministre, la réponse aux 1 300 000 allocataires du RMI qui ont dramatiquement augmenté de 10,5 % en un an.

Il serait aussi la réponse aux 365 000 titulaires de l'ASS, aux 2,5 millions de chômeurs, aux 885 000 personnes qui cherchent un CDD ou un temps partiel, aux 392 000 personnes âgées dispensées de recherche d'emploi. Soit près de 5 millions de personnes en marge du marché de l'emploi.

Il serait aussi la réponse, encore selon vous, monsieur le ministre, au million et demi de nos concitoyens qui vivent avec moins de 400 euros par mois !

En vérité, au lieu d'apporter des réponses concrètes et efficaces, vous accumulez les contradictions : vous faites voler en éclats le service public de l'emploi, vous réformez des contrats pour lesquels vous aviez supprimé les crédits dès votre arrivée. Par ailleurs, vous vous appliquez, pour sécuriser le patronat, à faciliter les procédures de licenciement, à altérer les garanties collectives et à neutraliser les représentants des salariés.

En ce qui concerne le service public de l'emploi, la signature d'une convention pluriannuelle tripartite entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC, déclinant les objectifs nationaux fixés par le comité supérieur de l'emploi, n'est pas sans susciter quelques inquiétudes. Certes, une coordination est nécessaire, mais les textes manquent de clarté et peuvent cacher des transformations plus profondes.

Il importe que la coordination et la modernisation du service public de l'emploi s'accompagnent réellement d'une amélioration de la qualité du service aux usagers. Cela exige qu'on se donne les moyens de recueillir leur point de vue et de connaître leurs idées.

L'ANPE doit préserver son monopole de prescription dans le recours aux dispositifs d'accompagnement, de formation ou de reclassement des intéressés. En effet, en matière de service public de l'emploi, l'appel à des opérateurs privés − des expérimentations ont déjà été menées en France − est inquiétant à plus d'un titre. Seuls les critères de rentabilité risquent d'être pris en compte, ce qui provoquerait des phénomènes de sélection tendant à éloigner plus encore de l'emploi ceux qui sont les plus difficiles à reclasser.

Ainsi, les personnes les plus faciles à placer deviendront l'apanage des opérateurs privés − qui se feront grassement payer −, tandis que l'ANPE se chargera de celles qui sont les plus éloignées de l'emploi, les plus déstructurées.

À propos de l'obligation de recherche active d'emploi, le renforcement des sanctions à l'égard des chômeurs est inacceptable. Il est en tout cas contradictoire avec la volonté affichée de mieux traiter l'exclusion. Plus les gens sont en difficulté, moins les contraintes et les sanctions ont d'effet. Il faut au contraire tout mettre en œuvre pour leur offrir la possibilité de se faire assister dans les procédures contradictoires prévues et essayer de comprendre les raisons des blocages. Ceux-ci peuvent provenir du manque de ressources pour la recherche d'un emploi ou pour l'assiduité en formation. Il ne faut pas briser un peu plus des personnes déjà meurtries au plus profond d'elles-mêmes.

Le plan de cohésion sociale, qui devrait apporter davantage de compréhension et d'humanité, va, dans ce domaine, à l'inverse de ce qu'il faudrait faire. Forcer la main aux gens pour les contraindre à prendre un emploi risque par ailleurs de conduire à une déqualification et à une baisse des rémunérations généralisée.

En outre, on est en droit de s'interroger sur la future création d'un dossier unique du demandeur d'emploi. Quelles garanties de confidentialité prendra-t-on pour que la mise en place d'un dossier unique du demandeur d'emploi, accessible aux différents réseaux, n'aboutisse pas à un fichage des personnes, qui jouerait en leur défaveur ?

Les personnes démunies n'en font que trop souvent l'expérience : on les renvoie à leur passé, à leurs échecs, ce qui empêche leurs interlocuteurs de poser sur elles un regard positif et de croire en leurs capacités. En ce sens, s'il peut simplifier les choses, le dossier unique risque aussi de devenir un frein à l'insertion professionnelle. Sans avoir de solution toute faite à proposer, je demande qu'on réfléchisse à cette question. Pour réduire ce risque, seules des informations objectives, limitées et validées par l'intéressé, devraient figurer dans le dossier. Nous défendrons d'ailleurs un amendement allant dans ce sens.

En ce qui concerne les contrats aidés, votre projet de loi vise à créer l'illusion du neuf. Or ce n'est pas à la dénomination qu'on reconnaît la nouveauté : c'est au contenu, et aux moyens qu'on se donne. Alors que toutes les associations souhaitaient une remise à plat au profit d'un contrat unique d'insertion, vous procédez à des ajustements qui ne sont pas toujours judicieux et qui, de surcroît, sont en complète opposition avec les choix passés de votre gouvernement.

Pour mieux comprendre, il faut remonter quelque temps en arrière, en juin 2002. L'une des premières mesures après la nomination du gouvernement Raffarin fut de supprimer les emplois-jeunes − le Journal officiel en fait foi. Ces contrats, créés sous la précédente législature, permettaient aux jeunes d'occuper un emploi socialement utile et, surtout, leur ouvraient les voies de l'insertion professionnelle. Au lieu de supprimer ces emplois, vous auriez mieux fait de rechercher les conditions de leur pérennisation.

Ce ne fut pas le chemin emprunté par M. Fillon qui, si je ne m'abuse, a préféré créer les contrats jeunes en entreprise. En application de ce dispositif, les employeurs peuvent percevoir, pour une durée de trois ans au plus, une aide financière de l'État en cas d'embauche, en contrat à durée indéterminée, d'un jeune âgé de seize à vingt-deux ans dont le niveau de qualification est inférieur au baccalauréat. Le montant de l'aide, fixé à 225 euros par mois pour l'embauche d'un salarié à plein temps rémunéré au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance, est modulé lorsque le salaire versé est supérieur à ce seuil ou lorsque le salarié travaille à temps partiel. Or, parmi les 150 000 jeunes qui ont bénéficié du dispositif entre juillet 2002 et mars 2004, seuls 20 % n'avaient véritablement aucune qualification. En conséquence, 80 % ne devaient pas rentrer dans le dispositif, sinon au risque de produire un effet d'aubaine considérable. Mme Boutin pourrait en témoigner, nous avons beaucoup discuté de cette question à l'époque : quoique siégeant sur des bancs différents des nôtres, elle avait le même souci que nous. On n'avait jamais vu cela en France : ces gens allaient occuper un emploi mais n'auraient ni statut, ni protection sociale, ni formation. Je ne rappelle pas cela par plaisir de regarder dans le rétroviseur, mais parce qu'il est bon de tirer les enseignements de ce qui n'est pas si vieux.

Ainsi, les CES et les CEC, quasiment identiques, sont fusionnés en un seul nouveau contrat dans le secteur non marchand, le « contrat d'accompagnement dans l'emploi ». Il s'agit d'un contrat à durée déterminée de vingt heures minimum par semaine, qui vise, selon vous, à faciliter l'insertion professionnelle des chômeurs non-allocataires des minima sociaux. Il peut être conclu avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public. Il est financé par une aide modulable de l'État et par une exonération de cotisations sociales. Je cite cette définition pour qu'on ne m'accuse pas de ne pas savoir de quoi je parle.

Le Gouvernement espère que 115 000 contrats d'accompagnement seront conclus, contre 180 000 CES et CEC aujourd'hui, sachant que, parmi les bénéficiaires de CES et de CEC, les titulaires de RMI seront redirigés vers les contrats d'avenir.

N'est-ce pas une incohérence ? On a supprimé, il y a deux ans, des crédits budgétaires pour des contrats qu'on veut à présent remettre au goût du jour sous un autre nom. Qu'on m'explique si j'ai mal compris ! Il me semble que tout cela n'a rien de neuf. Mais peut-être s'agissait-il simplement de donner du sens aux propos que vous avez tenus, monsieur le ministre, lors de votre audition en commission, quand vous avez reconnu que « les arbitrages ont toujours été défavorables à la cohésion sociale au cours des dernières années » et ajouté : « Il s'agit de réparer les blessures sociales. »

Mais, à l'occasion de cette fusion, vous apportez des modifications qui sont loin d'être anodines. Ainsi, le public visé par ces nouveaux contrats est extrêmement vaste. Au regard de la loi, chaque personne qui se retrouve sans emploi est éligible à un contrat aidé. En conséquence, si le ciblage n'est pas plus précis, si tout le monde peut y prétendre, ce genre de contrat pourrait devenir la norme et se multiplier. Ce sera le retour à l'activité, mais pas à l'emploi. On remettra un peu plus en cause les emplois stables, durables, les CDI, qui ne cessent de diminuer. Aujourd'hui, 75 à 80 % des embauches se font déjà en emplois précaires, CDD ou intérim. Le développement de cette précarité est d'ailleurs l'un des plus grands drames de notre pays et je ne sais pas si l'on en mesure bien les conséquences sur l'ensemble de la société. Sait-on seulement ce que cela implique ?

M. Pierre Cardo. Député : cinq ans !

M. Maxime Gremetz. On n'a plus aucune garantie pour l'avenir : comment envisager le futur quand on ne sait pas si, dans six mois, le contrat sera renouvelé ? On ne peut pas avoir de logement, car on n'a pas de quoi payer de loyer. On ne peut pas contracter d'emprunts. Les conséquences morales et psychologiques sont énormes. On peut dire que, avec la multiplication de ces contrats, on va caser des jeunes, ce qui est mieux que rien. Mais que vont-ils devenir ? Tout cela aura un coût humain et moral. Et explique d'ailleurs aussi en grande partie ce qui se passe dans certains grands quartiers.

Pour d'autres contrats, la formation devient aléatoire. C'est pourtant hypothéquer une chance supplémentaire de réinsertion durable que de ne pas la prévoir. Il en est ainsi avec le CIE rénové. Ce contrat initiative emploi dans le privé, qui répondait à une demande pressante du Président de la République, comportait certains avantages, notamment sa durée plus longue, fixée à cinq ans. Il était donc meilleur que d'autres, sauf qu'il présente le grave défaut de ne pas prévoir de formation obligatoire.

M. Pierre Cardo. Comme les emplois-jeunes !

M. Maxime Gremetz. La rémunération du CIE devient le SMIC horaire alors que, pour le précédent contrat, la rémunération correspondait à la catégorie professionnelle de l'emploi occupé : dans certains cas, la rémunération pourrait devenir inférieure à celle des anciens CIE.

Enfin, certains contrats destinés au secteur non marchand risquent de concurrencer les emplois statutaires de la fonction publique territoriale, dans la mesure où rien n'est fait pour éviter le recours à des contrats aidés sur des emplois statutaires, plus onéreux pour la collectivité.

M. Pierre Cardo. Le problème était le même pour les emplois-jeunes et les CES !

M. Maxime Gremetz. En réalité, ces modifications permettront seulement au Premier Ministre de confirmer sa prévision d'une chute sensible du chômage : en ouvrant les vannes de l'embauche au rabais et de la précarité généralisée, beaucoup de personnes pourront en effet être embauchées dans ces conditions.

Vous nous objectez, monsieur le ministre, qu'après les avoir critiqués, nous utiliserions ces contrats : il n'y a là aucune contradiction. Sans doute, ces contrats soulèvent toute une série de problèmes. Mais une fois que le Parlement a tranché, que peuvent faire les collectivités locales sinon utiliser au maximum les moyens mis à leur disposition, même s'ils ne sont pas les plus efficaces ? Le Parlement est dans son rôle lorsqu'il critique ou fait des propositions. Et quand la majorité a décidé, il faut faire avec.

M. Dominique Dord, rapporteur. C'est cela, la République !

M. Maxime Gremetz. La généralisation de tous ces contrats ne pourra qu'aboutir à une multiplication de rapports identiques à celui du Secours catholique, paru la semaine dernière, selon lequel l'emploi aujourd'hui ne met pas à l'abri de la misère. Rester éloigné de l'emploi c'est, dit-on, devenir un miséreux vivant dans les difficultés. C'est oublier que le bas niveau des salaires et la multiplication des emplois précaires et à temps partiel non choisis ont fait qu'en dépit d'un parent au travail, on compte, selon le rapport annuel du Secours catholique établi sur la base des normes européennes, deux millions d'enfants pauvres dans notre pays.

Je sais bien qu'en France, on est anti ou pro-européen selon que telle ou telle norme nous arrange ou pas, et je ne fais bien sûr pas allusion ici à la Constitution européenne. Mais on est, me semble-t-il, en Europe, et la norme européenne du seuil de pauvreté fait que l'on compte deux millions d'enfants pauvres dans ce pays. On nous dira que notre propre norme retient un seuil un peu moins élevé, et qu'en fait ce nombre est seulement d'un million. Il n'empêche que, même si l'on travaille, le niveau des salaires est si bas que l'on n'est pas à l'abri de la pauvreté.

Aujourd'hui, toujours selon le rapport annuel du Secours catholique, un tiers des adultes rencontrés ont un emploi, mais il s'agit pour 74 % de boulots précaires : intérim, CDD, emplois aidés, temps partiel... « Ces sous-contrats entraînent une succession de ruptures dans les ressources et donc une vie en pointillés », note le rapport, qui poursuit : « Ils ne se traduisent pas, dans la durée, par une amélioration de la situation des personnes employées ». Au vu des parcours des familles en difficulté, le Secours catholique remarque qu'« aucun de ces emplois précaires n'assure en moyenne un niveau de vie qui permettrait de se situer au-dessus du seuil de pauvreté ».

Parmi les personnes accueillies l'an dernier par l'association, ce sont « les femmes et les jeunes qui sont le plus touchés par la pauvreté », parce qu'ils sont en première ligne sujets à l'emploi précaire : 29 % des femmes reçues ont un travail à temps partiel contre 11 % des hommes ; les mères seules avec un enfant ont un revenu moyen de 670 euros lorsqu'elles ne travaillent pas, et de 715 euros lorsqu'elles ont un emploi précaire : 45 euros de plus pour une vie qui n'est pas vraiment meilleure.

Pour Gilbert Lagouanelle, le directeur du pôle action institutionnelle de l'association, « il est essentiel d'arrêter la spirale des emplois précaires, qui produisent de la pauvreté ». Il critique une société « de plus en plus libérale et américanisée ». Quelle serait votre réaction si c'était moi qui tenais de tels propos ! Comme aurait dit quelqu'un, vous sauteriez sur vos bancs comme des cabris en criant : « L'Europe ! L'Europe ! ».

C'est sur la base de ces remarques que nous avons déposé une série d'amendements qui viennent limiter l'éventail des personnes susceptibles de bénéficier des contrats aidés et précaires. Il est impératif, dans un souci d'efficacité, de les réserver aux publics les plus éloignés de l'emploi, tout en agissant pour diriger le plus grand nombre vers des emplois stables et correctement rémunérés. Il importe aussi de limiter les moyens offerts aux entreprises de recourir de façon systématique et durable aux bénéficiaires de ces contrats aidés, ce qui est d'ailleurs contraire à la législation.

Des garanties s'imposent face au risque de voir des emplois déjà précaires remplacés par des emplois plus précaires encore et largement subventionnés, qui auront du mal à rejoindre le droit commun, compte tenu de l'écart considérable qui existe entre les coûts de ces deux types d'emplois.

Les entreprises susceptibles de recruter les personnes les plus éloignées de l'emploi sont en effet celles qui recourent déjà massivement aux emplois à bas salaires, par le biais de contrats à temps partiel ou de courte durée. C'est le cas notamment de l'hôtellerie et de la restauration, des services à la personne, d'une partie de la grande distribution. Les autres entreprises, qui misent sur des relations durables avec leurs salariés et recrutent sur des critères d'expérience et de qualification, ne changeront pas leurs pratiques.

La surprime que le Gouvernement compte verser avec le RMA par exemple, c'est-à-dire l'équivalent de l'allocation versée à un allocataire vivant seul, ne servira donc qu'à encourager les entreprises, alléchées par l'aubaine financière, à recruter des RMIstes à la place de ceux qu'elles embauchaient sur des contrats de droit commun à temps partiel, en intérim ou saisonniers.

On risque donc de voir les entreprises attendre que les salariés déjà en contrat précaire, type CDD ou intérim, basculent dans le contrat aidé pour mieux les rattraper en CI-RMA ou en contrat initiative emploi afin qu'ils coûtent moins chers. C'est une nouvelle trappe à bas salaires et à précarité généralisée.

Dans les faits, cette réforme ne fait qu'aggraver la situation des catégories déjà les plus précarisées : les travailleurs faiblement diplômés, percevant des bas salaires. Mais surtout, vous entérinez une logique bien dangereuse, qui tend à dédouaner l'employeur de toute responsabilité en matière d'emploi. On peut finalement se demander qui est le plus assisté : l'employeur, qui en demande toujours plus et qui voudrait se faire payer le maximum de ses emplois sinon la totalité, ou le demandeur d'emploi qui bénéficie d'un soutien de la solidarité nationale ? Avec votre projet de loi, même si vous n'en êtes pas conscient, monsieur le ministre, vous favorisez l'assistanat non pas des plus faibles mais des employeurs ! Le MEDEF est un assisté en puissance.

Quant au contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, l'histoire est tout aussi triste. Voté à la hâte, au détour d'un amendement gouvernemental à la loi de finances de l'an passé, ce nouveau contrat devait succéder aux emplois-jeunes. Le CIVIS comprend trois volets :

Le premier, ou volet « associations », permet à l'État de subventionner l'embauche, par des associations, de jeunes porteurs d'un projet personnel ayant une vocation sociale ou humanitaire ;

Le deuxième, ou volet « accompagnement » reconnaît aux régions une compétence générale d'accompagnement personnalisé des jeunes les plus éloignés de l'emploi. Elles se substituent ainsi à l'État qui exerçait autrefois cette compétence dans le cadre du programme TRACE - trajet d'accès à l'emploi - lancé en 1998. La signature d'un CIVIS est alors un des moyens par lequel les régions peuvent exercer cette compétence auprès des jeunes peu qualifiés ;

Enfin, le troisième volet, ou volet « accompagnement vers la création ou la reprise d'entreprise », ouvre la possibilité, lors de la signature d'un CIVIS entre le jeune et la région, d'une assistance à la réalisation d'un projet de création ou de reprise d'une activité non salariée.

Ce dispositif était censé incarner un engagement électoral du chef de l'État. Qu'en est-il au bout d'un an ? Les deux derniers volets du CIVIS ne sont jamais véritablement entrés en application, faute de parution des décrets d'application ! Avouez que c'est un peu fort, quand on veut de la cohésion sociale. Je croyais pourtant qu'il y avait urgence à régler le problème avec efficacité ! C'est un comble, quand il s'agit d'une priorité gouvernementale, que de ne pas se donner les moyens de l'appliquer.

Les décrets d'application du CIVIS ne sont même pas sortis, et déjà vous envisagez autre chose ! À agir ainsi, ce n'est pas demain que l'on aura quelque chose à appliquer sur le terrain. En effet, le projet de loi de cohésion sociale ambitionne déjà de modifier le régime du CIVIS « accompagnement » pour mieux le faire correspondre aux besoins des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle.

Après tout cela, comment croire un gouvernement qui ne cultive que l'échec ? On compte en effet 400 000 chômeurs supplémentaires et, pour la première fois depuis 1993, 70 000 emplois en moins en un an. Comment faire confiance à un gouvernement qui a annoncé la création de contrats d'insertion dans la vie sociale qui n'ont jamais vu le jour ? Comment faire confiance à un gouvernement qui a lancé à grand renfort de publicité le revenu minimum d'activité, lequel, un an après son entrée en vigueur, est, avec 150 titulaires au plus sur le plan national, un échec cuisant ? Vous comprendrez notre scepticisme, pour ne pas dire notre méfiance, sur l'opportunité et l'efficacité des mesures proposées.

Ce sentiment a été renforcé, je dois le dire, par l'attitude de la majorité, qui a rejeté nos propositions successives pour lutter contre les délocalisations et pour résorber l'emploi précaire.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. Ensuite, j'ai entendu avec stupeur M. Sarkozy prétendre que les délocalisations n'étaient pas tolérables et qu'il allait agir. Là, il vous a piégé. Et c'est à vous de reprendre le flambeau.

Je ne sais toujours pas quelles vont être les propositions. On nous avait dit, lors de la discussion de la loi relative aux délocalisations, que c'était un grand sujet, que nos propositions étaient bonnes, mais, aujourd'hui, on nous dit qu'elles ne sont pas assez modernes, qu'il faut faire autre chose. Bref, on décide, au nom de la modernité, de ne rien faire. Comme ça, on est tranquille et le MEDEF est content. Je ne raconte pas d'histoires : c'est bien ce qui est en train de se passer.

J'en viens maintenant au dernier paradoxe dans ce contexte de paupérisation galopante et d'exclusion sociale durable.

Plutôt que d'actionner efficacement les leviers de l'insertion, de la formation et de la sécurisation des parcours professionnels, vous n'avez d'autre idée lumineuse que d'introduire à la hussarde des mesures relatives aux licenciements économiques au sein de ce projet de loi de cohésion sociale, mesures que tout le monde appelle dorénavant les mesures Seillière-Larcher. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ai lu la presse, j'ai vu les syndicats, ils parlent de mesures Seillière-Larcher, ou Larcher-Seillière, comme on veut.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je n'en suis pas sûr, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je raccourcis, pour ne pas prendre trop de temps. Mais j'y reviendrai car je ne saurais me contenter d'un slogan, et je vous démontrerai combien ces mesures sont dangereuses.

Les articles sur les licenciements économiques, introduits, je le rappelle, par lettre rectificative dans le projet de loi de cohésion sociale, ne sont ni une simple réforme cosmétique ni un ensemble équilibré, comme tente de l'accréditer le ministre du travail.

Les déclarations de dépit du MEDEF et de son président, le baron Ernest-Antoine Seillière, ne doivent pas faire illusion : les mesures tendent à revenir sur quinze ans d'élaboration de droits protecteurs pour les salariés.

J'avoue que la mise en musique de l'opération était bien préparée. On commence par proposer des mesures volontairement excessives, en sachant qu'on les retirera. Le MEDEF est très content. Les syndicats ne sont pas d'accord. Après, on enlève ce dont on ne voulait pas, et qui ne servait qu'à provoquer des hurlements. Le MEDEF joue sa partition et crie au scandale - « le Gouvernement a reculé » - alors que, pour l'essentiel, les mesures graves demeurent. En réalité, seul le MEDEF est content mais il ne veut pas l'avouer. Et il continue à critiquer le Gouvernement parce qu'il n'en a pas assez. C'est un jeu remarquable sur le plan de la stratégie et de la communication : on place l'un et l'autre et on joue au centre.

M. Patrick Roy. C'est bien démontré.

M. Maxime Gremetz. Mais il n'était pas prévu que l'attention serait particulièrement portée sur les dangers de ces mesures-là. En fait, monsieur Larcher, en allant défendre la lettre rectificative au Sénat, vous avez mis le feu aux poudres. J'ai lu un article excellent dans la presse, cela arrive, qui disait que, dans les médias, l'idée que le Gouvernement manifestait quand même une certaine volonté sociale prenait : on reviendrait à la période de la fracture sociale. Mais M. Larcher est arrivé, avec ses gros sabots, et finalement, le social n'est pas très visible, il n'est même pas visible du tout.

M. Gilles Cocquempot. Vous avez fait fuir M. Borloo, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous avons déposé des amendements sur ces mesures, des amendements non pas idéologiques mais qui donnent des droits aux représentants des salariés et aux salariés eux-mêmes, qui renforcent le dialogue social, la démocratie sociale, et qui préservent les intérêts des salariés. Vous savez fort bien qu'avec les mesures dangereuses qu'il propose, le Gouvernement n'est pas du tout en phase avec toutes les jurisprudences qui tombent sur le code du travail et le respect des législations sociales aujourd'hui.

Bien plus que de revenir sur la loi de modernisation sociale, l'objectif principal de plusieurs articles est d'offrir des solutions aux employeurs des grosses PME et des grandes entreprises pour contourner les obligations liées au plan de sauvegarde de l'emploi introduite par la loi de 1989. Je disais quinze ans : cela fait bien quinze ans.

L'objectif est d'échapper, je vais le démontrer, aux recours en annulation de l'ensemble de la procédure de licenciement qui se sont développés depuis l'adoption d'un amendement efficace du groupe communiste dans la loi de 1993 portant sur la nullité du licenciement en cas d'insuffisance du plan de sauvegarde.

Mais ce n'est pas tout : il est également prévu de neutraliser les capacités d'initiative dont peuvent user les élus des comités d'entreprise pour retarder le cours trop rapide de la restructuration et pour en contester le bien-fondé.

Quant aux dispositions sur le reclassement et la responsabilisation des entreprises dans la revitalisation des bassins d'emploi, elles ne sont pas, loin s'en faut, à la hauteur des enjeux, elles servent surtout de paravent.

Le second objectif est effectivement de revenir sur les dispositions de la loi de modernisation sociale.

Souvenons-nous : en 1999, le groupe communiste à l'Assemblée nationale élaborait une proposition de loi pour offrir de très sérieuses garanties contre les licenciements économiques, notamment les licenciements ayant pour seul but l'augmentation des profits, appelés aussi « les licenciements boursiers ».

Après une âpre bataille, une partie importante de nos propositions était retenue sous forme d'amendements à la loi de modernisation sociale. Je crois d'ailleurs que c'est ce que nous reprochait le ministre tout à l'heure, que ce soit arrivé comme ça, par voie d'amendements. À tel point que le volet licenciements de cette loi en devenait la dimension principale.

Tout d'abord, une nouvelle définition du licenciement économique permettait de circonscrire les possibilités de licenciements aux seules situations où cette mesure s'avérait indispensable. Le licenciement était ainsi conçu comme la mesure ultime. Le Conseil constitutionnel a alors décidé, je le rappelle, de censurer cette définition.

La loi de modernisation contenait également un certain nombre de dispositions qui offraient des garanties contre les abus, en limitant les capacités de nuire des groupes financiers, en les responsabilisant, et en donnant la parole aux salariés par l'intermédiaire de leurs élus.

La loi organisait, avec les articles 97 et 98 - je veux vous montrer ce que vous supprimez -, la responsabilité des représentants des actionnaires et leurs échanges avec le comité d'entreprise. L'entreprise était tenue d'établir une étude sur les conséquences territoriales de ses décisions préalables de suppression d'emplois, selon le principe que l'entreprise ne pouvait plus se désintéresser du résultat de son action. Cette mesure permettait aussi aux élus locaux de jouer un rôle plus important en faveur des populations de leur commune ou de leur département.

Vous voulez supprimer définitivement cette avancée de la démocratie sociale et locale, qui offrait de nouveaux droits aux salariés et à leurs représentants.

L'honnêteté intellectuelle commandait pourtant de rétablir la loi puisqu'aucun accord n'avait pu intervenir pendant le délai de suspension imparti.

Je rappelle que vous n'avez pas osé la mettre en cause tout de suite, vous l'avez suspendue, en demandant aux acteurs sociaux de se mettre d'accord. Bien évidemment, il n'y a pas eu d'accord.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Maxime Gremetz. On vous l'avait prédit. Le gros entrepreneur veut toujours plus de souplesse, toujours plus de flexibilité, pour pouvoir licencier quand il veut, embaucher des salariés aidés, des intérimaires précaires. Comment voulez-vous qu'il puisse être d'accord avec une loi qui donne des droits nouveaux aux salariés, aux comités d'entreprise et aux représentants syndicaux pour sécuriser l'emploi ? C'était évident qu'il n'y aurait pas d'accord. Il ne fallait pas être grand clerc pour le deviner. Et vous avez pris ce prétexte pour suspendre la loi et bloquer les décrets. La loi n'a aucun effet puisque les décrets ne sont pas parus.

Pourtant, j'ai entendu, dans cet hémicycle, certains de nos collègues dire que les licenciements, le chômage, etc. c'était la faute à la loi de modernisation sociale - cela me rappelle le slogan « c'est la faute aux 35 heures ! ». Ils ne le savaient même pas que la loi de modernisation sociale n'était pas appliquée. Il y a trop de contraintes sur les entreprises, il faut de la souplesse, de la flexibilité, et beaucoup d'intérimaires, répétaient-ils.

Quel enseignement pouvons-nous tirer de cette affaire ? On a prétendu que la loi de modernisation sociale allait aggraver le chômage. Or elle n'est pas appliquée, et le chômage a fortement augmenté depuis. Ce n'est donc pas la faute à la loi de modernisation sociale. Il faut trouver une autre cause. J'en connais quelques-unes, mais ce n'est pas tout à fait l'objet de mon propos.

M. Gilbert Biessy. Vous pouvez développer un peu !

M. Maxime Gremetz. Je peux, j'ai encore le temps.

M. Dominique Dord, rapporteur. Ça commence à être juste !

M. Rodolphe Thomas. Vous n'avez plus le temps !

M. Maxime Gremetz. Qu'en dites-vous, monsieur le président ?

M. le président. Tout va bien.

M. Maxime Gremetz. Vous savez bien que je ne sais pas refuser quand on me demande de développer un point.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il vous reste trois minutes !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On a tout compris !

M. Maxime Gremetz. C'est un compliment.

M. Pierre Cardo. Grâce à la vertu pédagogique qui vous anime.

M. le président. Merci pour cet interlude, mes chers collègues. M. Gremetz va pouvoir poursuivre.

M. Dominique Dord, rapporteur. Il va surtout pouvoir conclure.

M. Maxime Gremetz. L'honnêteté intellectuelle commandait pourtant de rétablir la loi puisque aucun accord n'avait pu intervenir. On ne peut pas s'amuser en permanence. Quand ça ne va pas du côté de la loi, on se tourne vers les acteurs sociaux, on leur demande de se débrouiller, de dialoguer, en sachant que, de toute façon, ça ne va pas aboutir. On fait semblant de lancer la concertation, la discussion, puis on constate que les partenaires n'y arrivent pas, et on rédige une loi, en partant toujours de la même idée de départ.

De toute façon, on ne tient pas compte de ceux qui ont négocié, discuté, avancé des propositions.

Avec les articles 99 et 101, monsieur le ministre délégué - je vous le rappelle, car vous étiez alors au Sénat, où le débat a été moins nourri qu'ici -, le comité d'entreprise était en situation de mieux appréhender les données économiques de l'entreprise, de faire valoir son point de vue, de faire des propositions, puisqu'il fallait que les procédures de consultation sur toutes les questions de sa compétence en matière économique soient achevées avant d'envisager le dépôt d'un projet de licenciement. Ces procédures étaient organisées. Vous vous dîtes partisan de l'amélioration du dialogue social et vous le torpillez en supprimant définitivement ce progrès dans la prise en compte de l'avis des représentants du personnel et leurs propositions alternatives.

M. Patrick Roy. C'est tellement vrai qu'ils ne disent plus rien !

M. le président. Si vous pouviez faire de même, ce serait formidable !

M. Maxime Gremetz. L'article 106 renforçait d'une autre manière les pouvoirs du comité d'entreprise en cas de cessation totale ou partielle d'activité conduisant à plus de 100 suppressions d'emplois, en reconnaissant un droit d'opposition qui débouchait sur le recours à un médiateur indépendant, extérieur à l'entreprise.

M. Gilbert Biessy. Il y a eu à ce propos un article intéressant dans le Figaro économique !

M. le président. C'était sans doute très intéressant, mais je vous serais reconnaissant de ne pas interrompre M. Gremetz, d'autant que vous appartenez au même groupe et que cela n'est pas très courtois !

M. Maxime Gremetz. Ce médiateur pouvait examiner la réalité du motif économique du licenciement ou des délocalisations, et étudier les propositions des salariés en vue de faire des recommandations. Cette autorité était chargée, après un examen de la situation de l'entreprise, de tenter de rapprocher les points de vue et de faire des recommandations.

Le MEDEF se prétend lui aussi partisan du dialogue, mais à une condition : que le premier partenaire soit le patron et que le deuxième partenaire soit le patron !

M. Patrick Roy. Tout à fait ! Belle démonstration !

M. Maxime Gremetz. Comme vous partagez cette conception, vous voulez supprimer définitivement l'article 106.

L'article 109, enfin, donnait du sens à la possibilité pour l'autorité administrative de constater la carence de plan social à tout moment de la procédure. Jusqu'alors l'autorité administrative devait intervenir dans les huit jours de la première réunion, autrement dit dans des délais intenables qui ne permettaient pas une étude sérieuse et sans avoir connaissance des débats entre les élus du comité d'entreprise et l'employeur. En voulant abroger définitivement l'article 109, vous voulez priver les décisions de l'autorité administrative de toute efficacité et du sérieux nécessaire.

Franchement, ces articles n'étaient vraiment pas révolutionnaires : le droit d'opposition existe en Allemagne, par exemple, et c'est parce que de telles mesures sont appliquées qu'il y a obligation d'un vrai dialogue social. Le seul argument que vous avancez pour abroger ces textes protecteurs est que, face à ces contraintes insupportables, les entreprises seraient conduites inexorablement à déposer leur bilan parce qu'elles ne pourraient licencier à temps. On connaît le refrain : ce sont les contraintes de toutes sortes - salaires, cotisations sociales, droits des travailleurs, législation - qui brident les entreprises et qui causent le chômage. Si c'était vrai, ça se saurait ! Mais les salaires ont baissé, les contraintes ont été largement atténuées, les exonérations de cotisations patronales se montent chaque année à 21 milliards d'euros et les limitations aux licenciements ne concernent que les entreprises dotées d'un comité d'entreprise.

Dans le même esprit, je fais observer que vous accusez de tous les maux la loi de modernisation sociale alors que, je le répète, elle n'était même pas entièrement appliquée sur des points majeurs ; si vous commenciez par l'appliquer, même limitée comme elle l'est, vous verriez bien son efficacité sur le terrain pour satisfaire l'exigence de revitalisation des territoires ! C'est notamment le cas de l'article 118, sur lequel nous avons déposé un amendement qui dispose, en son paragraphe II, que les entreprises occupant au moins mille salariés ainsi que celles disposant d'un comité de groupe ou d'un comité d'entreprise européen seront tenues d'apporter une contribution à la création d'activités et au développement des emplois dans un bassin d'emploi affecté par la fermeture partielle ou totale de sites,

Cette contribution s'apprécie au regard du volume d'emplois supprimés par l'entreprise et de la situation économique du bassin, et tient compte des moyens de l'entreprise ; ça, c'est une mesure efficace et dissuasive ! Elle prend la forme d'actions propres de l'entreprise ou d'une participation financière auprès d'organismes habilités.

Ce même paragraphe II précise enfin que les conditions de mise en oeuvre de cet article sont fixées par décret en Conseil d'État. Or ce décret n'est toujours pas paru. On ne peut que le regretter, car cette disposition est importante et mérite une application pleine et entière.

L'article 37-1 entérine l'abrogation des articles de la loi de modernisation sociale. Quant à l'article 37-2, il institue dans sa première partie, pour les entreprises de plus de 300 salariés, une obligation trisannuelle de négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il faut anticiper, nous martèle-t-on aujourd'hui, mais tout cela était déjà dans la loi de modernisation sociale ! Vous inventez le fil à couper le beurre tout en vous enfermant dans la contradiction, puisque vous supprimez cette loi de modernisation. Je sais que, pour Marx, les contradictions font avancer, mais ce n'est certainement pas le cas des vôtres !

En clair, c'est un moyen d'associer les organisations syndicales à l'anticipation des restructurations. Bien souvent, comme dans l'affaire qui vient d'opposer la CGT à la direction de Perrier-Nestlé, cela se traduit par une acceptation d'un programme d'accompagnement de suppressions d'emplois. L'instauration du principe de l'accord majoritaire permettrait de limiter ce risque de dérive, mais, en l'état de la législation, la direction peut contractualiser avec une ou plusieurs organisations minoritaires.

Dans la seconde partie de l'article 37-2, vous introduisez les accords de méthode prévus à titre expérimental par la loi Fillon du 3 janvier 2003. Ils permettent de déroger aux dispositions des livres III et IV relatives à la consultation des représentants du personnel, au recours à l'expert et à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Il est à noter que le texte, renforcé par les sénateurs, a élargi le champ dérogatoire au contenu même du plan de sauvegarde de l'emploi et limite à un an, au lieu de cinq, le délai pour engager une action en contestation de l'accord.

En fait, il s'agit ni plus ni moins de s'assurer à l'égard de tout recours en justice contre la procédure et le plan de sauvegarde de l'emploi. L'objectif visé à travers ce type d'accord est de mettre fin à la situation actuelle qui permet à un syndicat minoritaire ou à un salarié d'agir en nullité du licenciement en raison de l'insuffisance du plan social, même lorsque le comité d'entreprise a émis un avis favorable au plan de sauvegarde de l'emploi. C'est là revenir sur un des acquis que le groupe communiste avait obtenu en 1993 et qui permettait de qualifier la procédure de licenciement de « nulle et de nul effet ». Une telle mesure vient de profiter aux salariés de Wolber : comme quoi les juges ne sont pas toujours du côté où on les attend ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il y a certes eu appel, mais la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé que le licenciement était de nul effet !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Maxime Gremetz. Si la société d'origine n'existe plus, les salariés doivent être réintégrés dans d'autres entreprises du groupe Michelin.

La portée de l'article L. 37-3 est double. Il tend d'une part à assimiler le refus de modification du contrat de travail par le salarié à une cause de licenciement. Il s'agit d'un retournement brutal de la jurisprudence en vigueur. À ce jour, les juges, s'appuyant sur l'article L. 122-14-3 du code du travail, ont régulièrement estimé que le refus étant un droit pour le salarié, il ne peut constituer une cause de licenciement et qu'il appartient à l'employeur d'assurer le choix entre la poursuite du contrat de travail ou sa rupture. Dans cette dernière hypothèse, l'employeur doit motiver les raisons du licenciement sans pouvoir se prévaloir du seul refus du salarié.

Un tel revirement ne peut qu'accroître la pression sur le salarié, lequel risque de se trouver davantage soumis au chantage d'un patron qui, sous la menace du licenciement, cherche à obtenir une révision à la baisse du contrat de travail. On imagine aisément les conséquences terribles sur les salariés : pressions sur la rémunération, les horaires ou les classifications, par exemple.

D'autre part, l'article L.37-3 va permettre aux entreprises de contourner l'obligation de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, qui s'impose, par la loi, aux entreprises de plus de cinquante salariés, à partir de dix licenciements sur une période de trente jours.

Conformément à la jurisprudence Framatome-Majorette, toute proposition de modifier le contrat de travail faite par l'employeur doit être prise en compte comme un licenciement, qu'elle soit acceptée ou non par le salarié. Le projet de loi revient sur cette lecture et permet de nouveau aux employeurs d'établir un plan social quand au moins dix salariés auront refusé la modification de leur contrat de travail. Ainsi sont de nouveau permises toutes les manœuvres pour s'affranchir d'un plan de sauvegarde de l'emploi, de ses contraintes en matière de reclassement, du contrôle du comité d'entreprise et des risques d'annulation par le juge.

L'article L. 37-4 porte sur la création d'un dispositif de convention de reclassement personnalisée dans les entreprises de moins de mille salariés. Cependant, ce n'est pas un système de reclassement sécurisé puisque le salarié, s'il est placé sous le statut de stagiaire de la formation pour une durée de quatre à neuf mois seulement, voit son contrat de travail rompu sans indemnité de préavis. Le financement pose également problème : il peut ouvrir la voie à l'amputation des droits à l'assurance chômage du salarié, l'entreprise s'exonérant de ses responsabilités à peu de frais. La définition des moyens à mettre en œuvre est renvoyée à la négociation et aucune obligation de résultat n'est posée.

On ne peut donc pas considérer qu'il s'agisse d'une contrepartie équitable par rapport aux nombreuses dispositions favorables au patronat.

Avec l'article L. 37-5, le Gouvernement prétend remédier à l'insécurité juridique dont souffriraient les entreprises lorsqu'elles licencient. Deux niveaux sont touchés.

Dans la première partie, le délai de recours en référé pour contester la régularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise est limité à quinze jours.

M. Gilbert Biessy. Il ne faut pas s'endormir !

M. Maxime Gremetz. En effet, et il faut être entouré de juristes très compétents ! On dirait que tout est fait pour empêcher le recours.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument !

M. Maxime Gremetz. C'est un laps de temps dérisoire et intenable pour les élus du personnel, et si parmi vous certains l'ont été, ils savent de quoi je parle. Cela revient donc à dénier le droit aux représentants des salariés de s'assurer de la qualité du dialogue social, de faire contrôler par le juge si les conditions de la discussion sont loyales, et si l'employeur délivre de bonne foi une information suffisante et fiable, ce qui, malheureusement, n'est pas souvent le cas.

En outre, au mépris du droit commun dont bénéficie tout citoyen qui agit au civil, le texte réduit de cinq à un an les délais de contestation de la procédure de licenciement. De nouveau, il s'agit de neutraliser l'amendement que le groupe communiste a fait adopter en 1993 en réduisant la possibilité d'ester en justice pour obtenir la condamnation du « plan social » - comme s'il était social de multiplier les licenciements ! - et donc, la nullité des licenciements. Désormais, on parle de « plan de sauvegarde de l'emploi », mais cette terminologie recouvre, hélas, la même réalité !

M. le président. Veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz. L'article L. 37-6 vise à encadrer la participation des entreprises au traitement social de la restructuration dans le bassin d'emploi. Cet article alibi est notoirement insuffisant et d'inspiration très étatique : les salariés, les syndicats et les élus locaux sont tenus à l'écart. Ce dispositif est en retrait par rapport aux mesures prévues par l'article 118 de la loi de modernisation sociale, qu'il conviendrait d'appliquer.

L'article L. 37-7 vise à réduire les délais de consultation en cas de suppressions d'emplois. Le calendrier de la consultation sera désormais établi d'office, privant le secrétaire du comité d'entreprise de la faculté de refuser de signer les convocations et de différer la tenue d'une réunion, tant que l'employeur n'a pas saisi le juge des référés ; c'est étonnant tout ce qu'on débusque dans ce texte dès qu'on creuse un tant soit peu ! Les salariés perdent ainsi une possibilité de gagner du temps pour peser sur les discussions et la négociation.

La deuxième partie de l'article concerne les cas d'OPA et d'OPE. Elle ouvre la possibilité à l'employeur, en dérogation aux principes posés à l'article L. 431-5 du code du travail, de ne pas consulter préalablement les instances représentatives du personnel pour se contenter d'une simple information après l'annonce publique. Quel progrès !

M. Gilbert Biessy. C'est comme pour le traitement des fonctionnaires !

M. Maxime Gremetz. Ce mépris pour les élus des salariés s'inscrit dans le droit-fil de la directive européenne du 11 mars 2002 qui permet aux dirigeants d'entreprise d'éviter les consultations « lorsque leur nature est telle que, selon des critères objectifs, elles entraveraient gravement le fonctionnement de l'entreprise ou de l'établissement ou lui porteraient préjudice ».

Monsieur le ministre, les dispositions relatives aux licenciements économiques sonnent vraiment faux dans un texte censé incarner le visage social du Gouvernement.

M. Gilbert Biessy. Elles n'ont rien à voir avec la cohésion sociale !

M. Maxime Gremetz. Mais cela aurait pu être pire ! Initialement, le Gouvernement avait l'intention de déposer un article ajoutant la « sauvegarde de la compétitivité » parmi les motifs de licenciement économique inscrits dans la loi. Cet épouvantail a été agité, puis retiré devant la colère de certains syndicats. Depuis, le MEDEF ne désarme pas et revient régulièrement à la charge pour focaliser l'attention sur ce sujet.

M. le président. Il faut conclure. Vous parlez depuis une heure et demie.

M. Gilbert Biessy. Une heure vingt-cinq, monsieur le président.

M. le président. Je préside de manière impartiale, monsieur Biessy, et j'ai tenu compte des interruptions.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes un bon président !

Depuis l'arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995 de la Cour de Cassation, la jurisprudence s'appuie sur cette notion de « sauvegarde de la compétitivité » pour contrôler la justification du motif invoqué par l'employeur, ce dernier devant prouver que la compétitivité de son entreprise est menacée.

L'introduction éventuelle d'une telle notion dans le code du travail présente donc peu d'intérêt, à moins de croire que les débats en séance puissent modifier l'appréciation des termes « sauvegarde » et « compétitivité ». En réalité, la publicité sur cette question permet au Gouvernement de se présenter en rempart contre les excès d'un MEDEF trop véhément, et de mieux vendre un projet prétendument équilibré.

Mais cela peut encore changer si le Gouvernement et sa majorité se laissent séduire par le doux chant des sirènes. Je pense aux vingt-deux commandements du MEDEF, c'est-à-dire aux amendements livrés tout faits, clé en main, pour aggraver ce texte.

C'est pourquoi nous avons, nous aussi, déposé plusieurs amendements pour contrer cette offensive.

Pour ne pas continuer à fabriquer des exclus, il est impératif de s'attaquer aux causes du chômage, des inégalités, de l'exclusion. Cela passe par la création d'emplois, la sauvegarde des emplois existants, le soutien à l'investissement en France, par des mesures pour dynamiser une politique industrielle qui en a bien besoin.

La cohésion sociale est urgente et nécessaire. Elle est un appui indispensable à une relance pérenne des activités économiques et de l'emploi. Encore faut-il peser sur des leviers forts : agir sur la consommation des ménages et sécuriser les parcours professionnels.

Or l'absence de mesures innovantes pour sécuriser les parcours professionnels de tous les salariés précaires ou licenciés réduit les chances de la cohésion sociale. Cela conduit vers l'exclusion et la pauvreté. C'est une des grandes lacunes du projet de loi.

Nous avons environ cent amendements à défendre. Nous prenons ce débat très au sérieux. Qui dit cohésion sociale, dit emploi, formation, logement, culture...

Je vous remercie en tout cas d'avoir écouté la défense de cette question préalable que je vous propose bien évidemment d'adopter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Gremetz, lors de l'examen du budget de mon ministère, il y a quelques jours, vous avez déjà développé l'essentiel de ces arguments, cohérents du reste, et je vous ai répondu. Je ne me répéterai donc pas, préférant concentrer mon propos sur quelques points évoqués.

Pour ce qui concerne le pouvoir d'achat des salariés, vous oubliez que, lors de la mise en place des 35 heures, il a fait l'objet d'un accord politique conjuguant modération salariale, effort des entreprises et contribution de l'État. Pendant des années, les salariés ont ainsi dû consentir des efforts importants du fait d'une très lourde modération salariale. C'est pourquoi, nous avons soutenu la progression du SMIC, la convergence des différents SMIC, ce qui a abouti au versement de l'équivalent d'un treizième mois. D'où la progression des contreparties financières que l'État verse aux entreprises.

M. Gilbert Biessy. Les patrons n'ont pas besoin de ça !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Le SMIC a considérablement augmenté depuis deux ans et demi, ce qui n'a pas été le cas avec la précédente majorité ! Il n'était pas tolérable de laisser s'éroder le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes.

S'agissant du dossier unique, vous avez soulevé le problème de la confidentialité. Sachez que nous avons adopté le point de vue du demandeur d'emploi, trop souvent confronté à la complexité des démarches administratives, à leur caractère répétitif, voire contradictoire. Nous avons voulu placer toutes nos forces dans l'accompagnement, la mise en rapport, la découverte de nouveaux métiers, la formation ou les bilans de compétences. Aussi nous a-t-il paru indispensable de mettre en place des outils informatiques communs en vue de simplifier et d'alléger ces démarches, bref de les rendre plus humaines. Vous savez bien en effet que dans une société aussi administrée que la nôtre, il est difficile à certains de nos concitoyens de remplir indéfiniment des formulaires de demandes. Une menace pèse-t-elle sur la confidentialité des données personnelles ? Même si je comprends vos craintes, je ne le pense pas, d'autant qu'il s'agit de deux institutions distinctes, l'une gérée par les partenaires sociaux, l'autre appartenant au service public.

En revanche, je vous rejoins sur le problème du ciblage, qui n'est pas nouveau. Rappelons que les emplois-jeunes étaient supposés être destinés à des jeunes non qualifiés, appelés à être formés à des métiers nouveaux. Et c'est d'ailleurs ce qui m'a conduit à voter ce dispositif. J'ai donc été déçu quand j'ai constaté que finalement, ce sont plutôt des jeunes qualifiés qui en ont bénéficié, sans qu'on leur ait apporté une formation complémentaire. Indiscutablement, il faudra être attentif à l'évolution des emplois aidés du secteur marchand, notamment ceux qui sont réservés à certaines catégories, qualifiées et non-qualifiées. Pour les contrats non-marchands, il faudra même aller chercher certaines populations, tant elles sont éloignées de nos corps institutionnels. À cet égard, nous donnerons des instructions très précises pour que ces dispositifs s'adressent bien aux publics concernés. Le contrat non-marchand unique devra en outre s'adapter aux réalités du terrain. Une règle nationale unique n'est pas forcément la meilleure solution. Vous-même, monsieur Gremetz, avez indiqué dans un rapport qu'elle avait pu être assez facilement contournée.

Enfin, pour ce qui concerne les congés de reclassement, vous ne pouvez pas dire qu'en faire bénéficier pendant huit mois les employés d'entreprises de moins de mille salariés constitue un recul alors que ces derniers se retrouvent la plupart du temps sans rien. Certes, il faudra veiller à leur qualité. Avec Gérard Larcher, nous soumettrons d'ailleurs aux partenaires sociaux une procédure d'encadrement, probablement sous la forme d'un véritable contrat de transition. Il ne peut s'agir simplement d'un droit ouvert. Cette procédure doit garantir que les moyens de reconversion, de reclassement et de formation sont bien là. Nous sommes absolument convaincus que les formations évolutives sont l'une des principales armes pour lutter contre les conséquences des mutations économiques.

M. Dominique Dord, rapporteur. Très juste !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Finalement, une divergence politique de fond nous sépare. Pour nous, les mutations économiques et sociales sont le fruit de l'évolution des sociétés alors que, pour vous, elles sont liées à un modèle économique.

M. Gilbert Biessy. Tiens donc !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je suis élu d'une région qui a connu le plus grand désastre industriel de notre pays. Vous connaissez le bassin minier aussi bien que moi, monsieur Gremetz, et, depuis plus longtemps, vous savez que ce sont à des entreprises publiques que les mutations se sont imposées. Vous savez aussi que le redressement de bien des secteurs se fait grâce à des entreprises privées, à caractère national ou international.

Il nous importe de préparer l'avenir, de mener des actions de formation, de recherche et développement, de faire travailler tout le monde ensemble et, dans le même temps, de soutenir certaines personnes. Car, c'est vrai, il y a des gagnants et des perdants de la mondialisation.

M. Pierre Goldberg. Un gagnant pour cent perdants, oui !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Écoutez : dans le Valenciennois, il y a eu 44 000 perdants, et c'étaient des salariés d'entreprises publiques françaises.

M. Pierre Goldberg. Pour combien de gagnants ?

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Les gagnants sont ceux qui ont été recrutés par des groupes canadiens, allemands, français et japonais.

Monsieur Gremetz, vous avez exprimé votre scepticisme quant aux moyens et aux mesures. C'est vrai que nous ne devons pas nous contenter de faire signer des contrats d'avenir, il s'agit de mettre en place un ensemble de moyens pour construire des itinéraires vers l'emploi. C'est grâce à la coordination de tous que nous gagnerons cette difficile bataille.

Après dix-huit mois de concertation, nous avons retenu les principaux points d'accord de la négociation. Je crois que nous avons abouti à un texte équilibré, préventif, à même de soutenir les mutations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, poser la question préalable, c'est estimer qu'il n'y a pas d'intérêt à débattre du projet de loi. Je connais trop Maxime Gremetz pour croire un seul instant que telle soit sa façon de penser. La façon dont il a étudié, critiqué, disséqué ce texte montre au contraire quelle importance il revêt à ses yeux. Sur le fond, qui peut sérieusement envisager qu'un projet de loi traitant de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances ne mérite pas d'être débattu ? Personne, sauf s'il était contraire à l'intérêt des populations qu'il est censé aider.

Ce projet de loi tend à améliorer le service public de l'emploi ainsi que les outils mis à disposition des usagers, des acteurs. Sans entrer dans le détail des dispositions, je citerai la création des maisons de l'emploi, la remise en cause du monopole de l'ANPE, la rationalisation des emplois aidés, la revalorisation de l'apprentissage, le soutien à la création d'activités économiques et le développement de nouvelles formes d'emploi, avec un effort marqué en direction des entreprises d'insertion.

M. Pierre Goldberg. La précarité !

M. Pierre Cardo. La précarité a parfois bien des avantages pour ceux qui en bénéficient ! Il suffit de les entendre.

M. Pierre Goldberg. Quoi : « bénéficier » de la précarité ?

M. Gilbert Biessy. Quel aveu !

M. Patrick Roy. Il a osé le dire !

M. Pierre Cardo. Remettez donc en cause les entreprises d'insertion, les filiales d'Emmaüs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous les combattez peut-être alors qu'elle se développent sur vos territoires, en créant des emplois pour bien des populations qui ne sont pas encore adaptées à l'emploi dans l'entreprise. Vous devriez les féliciter et les soutenir au lieu de critiquer. Et n'oubliez pas que vous avez été de ceux qui ont contribué à créer des emplois précaires. Les CES en font partie, me semble-t-il.

Ce texte devrait contribuer à créer plus de cohérence au service des publics en recherche d'emploi. Cela mérite non pas une question préalable mais un débat ; la preuve : vous avez envie de débattre. D'autant qu'il est enfin question de mettre en place un meilleur accompagnement des mutations économiques avec une extension des congés de reclassement aux entreprises de moins de mille salariés, dont les licenciements économiques donnent lieu aujourd'hui à 80 % de cas non traités.

Le logement, quant à lui, va bénéficier d'un important effort qui permettra de passer de 80 000 à 100 000 constructions de logements locatifs sociaux par an. À cela s'ajoute une mobilisation du parc privé, grâce à des mesures innovantes. Le renforcement de l'accueil et de l'hébergement d'urgence permettra d'atteindre 100 000 places en deux ans, alors que nous devons faire face à une demande toujours croissante. Nous pourrons enfin construire de véritables itinéraires résidentiels pour les populations en situation de précarité.

Créer les conditions d'une véritable égalité des chances à l'école par la mise en place de dispositifs de réussite éducative devrait autoriser les réseaux des acteurs locaux à mener une action préventive auprès des enfants.

M. Patrick Roy. Rien de nouveau !

M. Pierre Cardo. Enfin, cerise sur le gâteau, le Gouvernement a le courage de reconnaître l'inégalité financière entre les communes et l'insuffisance des dotations de péréquation. En conséquence, il réforme et augmente la dotation de solidarité urbaine.

Ce texte s'attaque donc aux vrais problèmes et j'ai du mal à comprendre qu'on puisse tenter d'affirmer qu'il soit inutile ou dangereux.

Maxime Gremetz, dans son for intérieur, le sait, cette loi est une étape nécessaire pour apporter des réponses plus appropriées aux problèmes de notre société. Son discours traduisait-il alors le mouvement d'humeur d'un parlementaire regrettant l'inefficacité du gouvernement précédent dans le domaine de prédilection de la gauche ? Je ne le pense pas. Il témoignait plutôt de l'excès d'exigence et du souci d'efficacité d'un député qui voudrait sincèrement améliorer le texte pour réussir enfin ce qui nous tient tous à cœur : la cohésion sociale. Mes chers collègues, afin d'étancher la soif intense de justice sociale qu'éprouve Maxime Gremetz, je vous demande donc d'ouvrir le débat et de rejeter la question préalable qui l'interdirait. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Messieurs les ministres, nous assistons à un théâtre d'ombres et de faux-semblants. Le Gouvernement a pour mission de répondre aux attentes du MEDEF(« Encore ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), lesquelles ne se confondent pas avec les besoins des entreprises. Pour cela, vous remettez en cause des pans entiers de notre système économique et social. Le chômage provoque dans notre pays un profond désarroi, tant il est massif et durable. Aussi en profitez-vous pour ouvrir la voie à une précarisation accrue de notre société, en jouant à la fois sur le maintien de salaires nominaux bas et sur le développement du travail à temps partiel contraint. Vous vous attaquez au code du travail en prétextant une rigidité des règles car le MEDEF veut tout simplement pouvoir licencier comme bon lui semble. Vous vous livrez à une attaque en règle contre le monde du travail sous couvert d'aider les victimes de votre politique. En fait, vous précarisez tout le monde et vous appauvrissez les salariés. Et votre offensive systématique vient après la mise à mal des services et des entreprises publics, où règne désormais la précarité. Il suffit de voir ce qui se passe à France Télécom et à La Poste. Vous restez prudents, pourtant, en raison de l'attachement de notre peuple à ces spécificités qui sont le fruit de son histoire, des luttes qu'il a menées, le fruit aussi d'une conception de la place de l'homme dans la société.

Votre projet opère une saignée. Autrefois, les médecins la pratiquaient croyant guérir les malades et, par méconnaissance, ils les tuaient. Vous, ce ne sera pas par ignorance, monsieur le ministre. Si vous prétendez résorber le chômage, c'est pour mieux enfoncer notre pays dans la flexibilité et la précarité. Votre projet ne répond pas aux enjeux. Maxime Gremetz a détaillé pendant une heure et demie tout ce qu'il comportait de dangereux, et, contrairement à ce que vous avez, dit, ce n'était pas du scepticisme de sa part. Votre texte ne parle pas de cohésion sociale, il met en œuvre un projet de société de précarité.

Nous voterons donc la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste..)

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Nous pouvons sans doute regretter que le texte relatif à la cohésion sociale comporte un volet sur le licenciement économique, chacun des deux sujets méritant à lui seul un projet de loi spécifique. Il aurait donc sans doute fallu les dissocier pour mener un débat en profondeur. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais nous aurons l'occasion d'en discuter.

Cela étant, je tiens tout particulièrement à féliciter M. Borloo pour son plan de cohésion sociale. Voilà enfin un projet qui traite globalement de tous les stigmates que présentent les quartiers les plus défavorisés. L'action se déploie sur tous les plans : emploi, logement, apprentissage ; il faut le souligner car, depuis des années, personne n'a été capable de réformer un système qui est si important pour la formation et l'orientation des jeunes. Rien que pour cela, ce projet en valait la peine.

Nous faisons confiance à M. Borloo. Nous avons débattu en 2003 du projet de loi sur la rénovation urbaine, et nous en voyons maintenant les résultats. Toutes les communes qui ont participé à la mise en œuvre du projet de loi commencent à ressentir les effets très positifs d'un travail accompli au cœur même des quartiers. Je souhaite que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale apporte autant de chances et d'espoir dans les quartiers défavorisés.

C'est pourquoi le groupe UDF ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, lorsque je vous entends tenter un rapprochement avec les positions de M. Gremetz, je m'interroge. Ou bien mon collègue, et ce serait mal le connaître, a manqué de pugnacité ou de clarté, ou bien vous cherchez à brouiller les cartes. Et je crois sincèrement que c'est bien l'exercice auquel vous vous livrez avec ce texte. Vous cherchez à faire oublier le bilan du Gouvernement depuis deux ans et demi - c'est-à-dire une cohésion sociale qui a été affaiblie -, en présentant un plan destiné à faire croire aux Français qu'il apportera des solutions à leurs difficultés.

De toute façon, quelles que soient vos intentions, dont je doute qu'elles soient bonnes, vous n'avez pas les moyens d'agir. Aussi tenons-nous en aux faits et aux actions que vous allez engager. Nous cherchons désespérément une politique économique de soutien à la croissance et de création d'emplois qui ne fasse pas des emplois aidés des voies sans issue. De même, nous cherchons désespérément une politique locale de l'emploi qui mobilise concrètement les acteurs et ne se contente pas de gadgets tels que les maisons pour l'emploi. Elles peuvent certes fonctionner, là où les acteurs sont mobilisés, mais elles ne constituent pas une recette applicable à l'ensemble des bassins d'emploi. Elles ne peuvent pas se substituer à des politiques cohérentes menées notamment par un service public de l'emploi. Je ne prends pas d'autre exemple pour ne pas allonger le débat, nous aurons l'occasion d'y revenir. En tout cas, il est clair que, dans sa démarche, le Gouvernement ne fait preuve ni de la volonté de dégager les moyens, ni de celle de conduire une politique qui renforce la cohésion sociale de notre pays.

En matière de licenciements, il en est de même et notre collègue Gremetz en a fait la démonstration. S'agit-il de lutter contre la précarité du travail ? Pourtant, aucune mesure ne figure dans le texte. Veut-on faciliter le reclassement des salariés dans le cadre des procédures de licenciement ? Il faudrait alors des mesures de prévention en amont pour éviter de remettre sans autre forme de procès sur le marché du travail des centaines de milliers de salariés en permettant aux partenaires sociaux et aux instances représentatives du personnel de jouer leur rôle. Aucune disposition du texte ne va dans ce sens.

Vous avez comparé la progression des salaires depuis 2002 et celle constatée entre 1997 et 2002. C'est de bonne guerre, mais mettez donc en parallèle les courbes d'évolution du pouvoir d'achat, y compris pour le salaire minimum. On verra alors qui défend l'emploi et les salariés et qui, au contraire, se contente de paroles pleines de considération, certes, mais sans apporter d'amélioration concrète à leur situation.

Le groupe socialiste votera donc la question préalable défendue par notre collègue Maxime Gremetz. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne sais pas si, à cette heure tardive, je saurai être aussi royal que Patrick Roy quand il a défendu l'exception d'irrecevabilité (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et aussi bouillant que Jean-Yves Le Bouillonnec dans ses explications de vote.

Dans l'est de la France, nous sommes habitués aux grands froids, surtout à cette période. Pourtant, en dépit des discours sociaux aussi récurrents qu'épisodiques du Président de la République, nous supportons mal l'ère de glaciation sociale que nous imposent les gouvernements de sa majorité, d'Alain Juppé à Jean-Pierre Raffarin. Vous avez raison, monsieur le ministre, de vous indigner de la situation sociale de notre pays : un chômage en hausse continuelle, une pauvreté qui gagne chaque jour du terrain, l'absence de véritable perspective de changement. Il n'en faut pas plus pour ébranler les piliers du pacte social républicain, et de quelle manière !

Deux points me tiennent tout particulièrement à cœur, qui sont symboliques de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Lors de la discussion du budget de l'emploi, il y a quelques jours, monsieur le ministre, vous avez déclaré ne pas vous reconnaître dans ma présentation où je dénonçais l'illusion que vous entretenez quelquefois en faisant croire que vous faites du social, comme d'autres de la prose. L'exemple des adultes relais illustre bien les effets d'annonce d'un discours social de façade, tandis que se développent des méthodes libérales évidentes. Nous en verrons l'apothéose le week-end prochain, avec la nomination de M. Sarkozy à la tête de l'UMP. Les adultes relais témoignent, sinon de votre double visage - nous n'avons pas forcément affaire au docteur Jekyll et à Mr Hyde - mais de la bonne vieille méthode tayloriste, qui repose sur une stricte répartition des tâches entre ceux qui essaient de faire le bien pendant que d'autres s'acharnent sur les plus défavorisés. Vous m'avez affirmé ne pas avoir supprimé les adultes relais. Le préfet de Lorraine m'a pourtant écrit hier que certaines conventions, qui n'entraient pas dans les critères que vous avez définis, n'ont pu être reconduites. Il précise que « la notification des postes d'adultes relais attribués à la Moselle pour l'année 2004 ainsi que la dotation budgétaire correspondant à ces postes sont arrivées tardivement » - c'est de votre faute, monsieur le ministre. « De plus, les instructions ministérielles parvenues en avril 2004 demandaient de resserrer le ciblage du dispositif en faveur de publics vulnérables, et dans les domaines de l'accès aux soins et de l'accompagnement logement. » Sur le terrain, les adultes relais ont bel et bien été licenciés, les associations n'ayant pas eu d'autre choix. La vérité éclate au grand jour.

Nous ne doutons pas de votre bonne volonté. Mais la politique du Gouvernement nous paraît incompatible avec les objectifs que vous annoncez. On a le sentiment que vous jouez souvent au pompier pyromane et, malheureusement, votre « pool » a beaucoup de travail devant lui. À cette heure tardive, tandis que certains cherchent désespérément le sommeil, angoissés par la peur du lendemain, les bénéficiaires des largesses du Gouvernement dorment tranquillement pendant que leurs économies prospèrent, car l'argent qui dort rapporte aujourd'hui plus que le travail, quoi qu'en pensent ceux qui militent contre les 35 heures ! Exonération de charges sociales, baisses de l'impôt sur les grandes fortunes et sur le revenu, voilà ce qui nous indigne, tout comme ces chiffres qui sonnent comme une sentence depuis deux ans et demi : moins 400 000 emplois, alors que de 1997 à 2002, rappelez-vous, plus d'un million d'emplois avaient été créés.

M'inspirant de Gramsci, avec mes amis socialistes ici présents, je reste animé par l'optimisme de l'action. C'est la raison pour laquelle nous demanderons, en dépit de l'écrasante majorité politique qui, il est vrai, n'est plus très visible à cette heure avancée de la nuit - il ne reste qu'un député de l'UMP - la suppression de certaines dispositions ou leur modification - je pense notamment à celles relatives au licenciement qui ont été ajoutées en dernière minute. Nous proposerons également, sur d'autres mesures, de sérieuses inflexions, car nous voulons être constructifs. Nous savons cependant qu'il n'est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Mais pouvez-vous nous entendre puisque nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde ? Nos collègues des départements et des régions ont pu le vérifier comme nous : inquiets, ils attendent la facture qui leur sera adressée après l'adoption de votre projet de loi.

Notre regret c'est que, dans le droit fil des politiques inégalitaires que le Gouvernement conduit avec la complicité de sa majorité, il appartiendra au contribuable local de payer la réduction des inégalités territoriales, laquelle s'avère aussi urgente qu'indispensable ! Les dépenses sociales des départements représentent déjà, chaque année, l'engagement financier que vous nous proposez pour l'ensemble du territoire sur cinq ans. Les Françaises et les Français l'ont d'ailleurs compris, puisqu'ils ont confié au printemps dernier la majorité des départements et des régions à des équipes radicalement de gauche - n'est-ce pas, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, nous commençons aujourd'hui l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, qui se veut un plan global de lutte contre l'exclusion puisqu'il recouvre à la fois l'emploi, le logement et l'égalité des chances.

Soulignons d'emblée à quel point la lutte, non pas contre l'exclusion, mais contre toutes les formes d'exclusion, est une priorité nationale qui dépasse les clivages politiques et à laquelle l'UDF adhère évidemment.

Elle est un impératif pour ce gouvernement qui a vu, depuis 2002, comme le souligne l'Observatoire national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la pauvreté augmenter dans notre pays.

Au préalable, permettez-moi de regretter que ce débat se télescope avec celui lié aux licenciements économiques, et Michel Liebgott l'a souligné à l'instant.

Le Gouvernement propose aujourd'hui de légiférer en catastrophe sur un sujet qui a fait l'objet, durant dix-huit mois, de négociations entre partenaires sociaux qui n'ont pas abouti. Dès le mois d'octobre 2002, j'avais, au nom de l'UDF, mis en garde le Gouvernement contre la méthode qu'il avait choisie, et qui ne pouvait conduire qu'à l'impasse issue de l'échec de la négociation collective. De reculades en hésitations, le Gouvernement propose aujourd'hui un texte qui ne satisfait au fond personne. Nous vous laisserons donc assumer la responsabilité d'une situation que vous avez créée, faute d'avoir tenu compte de nos mises en garde.

La question du licenciement économique est, selon nous, un des piliers du droit du travail : c'est pourquoi elle aurait mérité un débat à part entière, alors qu'elle ne constitue qu'un avenant adossé dans la précipitation à un projet de loi avec lequel, en réalité, elle n'a que très peu à voir.

Le groupe UDF aborde donc le projet dans un sentiment mêlé de satisfaction et de perplexité : satisfaction devant un plan pragmatique, qui ne comporte certes aucune innovation majeure, puisqu'on y retrouve ce qui a déjà fonctionné dans le passé ou ce qui a déjà donné des résultats ailleurs en Europe, mais qui constitue un ensemble de mesures souvent frappées au coin du bon sens ; perplexité néanmoins, face à un plan qui ne manque pas de soulever trois interrogations majeures.

Notre première interrogation porte sur la pérennité des financements prévus par le texte. Chacun sait, et vous le premier, monsieur le ministre, que la réussite du plan de cohésion sociale dépendra, d'abord et avant tout, d'une sanctuarisation de ses financements, de manière à éviter tout gel de crédits.

L'argument - je le sais - vous a souvent été opposé : chaque fois, vous avez renouvelé votre confiance dans le caractère proprement intouchable des crédits consacrés à la solidarité. Toutefois, au regard des gels, des menaces ou des remises en cause qui ont pu marquer, ces dernières années, d'autres dispositifs de solidarité - programmes TRACE, contrats aidés dans le secteur marchand, ou ASS -, vous comprendrez que la représentation nationale soit particulièrement sourcilleuse en la matière. Les derniers aléas concernant la réduction du financement de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, réduction à laquelle je me suis personnellement opposé, sont, sur ce point, de mauvais augure.

Vous n'ignorez pas qu'il est parfois bien difficile de voir rapidement affecter aux opérations pour lesquelles ils sont prévus les crédits nécessaires à leur réalisation. Cette difficulté se double souvent de la lourdeur et de la complexité des procédures. C'est notamment vrai pour les opérations de construction de logements sociaux neufs.

Je me souviens, monsieur le ministre, d'un homme en colère qui expliquait dans son livre comment « le mode d'organisation du système peut détourner une mission de ses objectifs ». Le groupe UDF attend donc des garanties sur ces points.

Nos interrogations portent également sur les résultats attendus de certaines dispositions du texte. Je me contenterai de deux exemples.

D'une part, si les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement vers l'emploi symbolisent le retour aux contrats aidés du secteur non marchand, envisagés comme de réels tremplins vers l'insertion professionnelle des publics en difficulté, prenons garde à ne pas confondre l'outil et l'objectif ! Ne tombons pas dans le travers qui consiste à faire du chiffre. À l'heure où nous entendons d'éminents responsables politiques faire des paris audacieux sur la baisse du chômage en 2005, le groupe UDF tient à rappeler que 250 000 contrats d'avenir ne font pas 250 000 emplois !

Ce n'est pas le nombre d'entrées effectives en contrats aidés qui fait la réussite du dispositif : c'est sa capacité à conduire le demandeur d'emploi en parcours d'insertion vers l'emploi pérenne et à ajuster la demande d'emploi aux besoins de l'offre locale.

Certains d'amendements présentés par l'UDF, s'ils franchissent l'obstacle de l'article 40, s'appliqueront donc à créer, par des incitations fiscales ou des aides forfaitaires, des passerelles permettant aux demandeurs d'emploi de passer du parcours d'insertion à l'emploi durable.

D'autre part, l'affirmation d'un renforcement du contrôle de la recherche d'emploi qu'illustre la modulation des sanctions en fonction de la gravité de la faute commise, va dans le bon sens. Il s'agit en effet de lutter contre des abus flagrants, qui jettent le discrédit sur celles et ceux qui, en dépit de leurs efforts, ne trouvent pas d'emplois. Ne nous faisons cependant pas d'illusions sur l'influence de telles dispositions sur la baisse effective des chiffres du chômage : elles n'auront pas d'influence significative. Le meilleur contrôle, c'est encore celui qu'effectue un référent, en accompagnant au plus près le demandeur d'emploi dans les différentes étapes de son parcours d'insertion.

Là encore, le groupe UDF a besoin de garanties sur le nombre de personnes qui seront effectivement recrutées et formées, pour mener correctement cette mission à haute valeur sociale ajoutée.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, afin de m'étonner de l'absence, dans ce texte, de dispositions concernant la lutte contre les discriminations à l'embauche. Ce phénomène constitue un véritable fléau, puisqu'il casse littéralement notre pacte social et remet en cause notre modèle républicain.

À l'heure où la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations fait débat, je souhaite rappeler combien il est urgent de lutter contre toutes les formes de discriminations, quel qu'en soit le motif - handicap, apparence, sexe ou origine. L'UDF a proposé en commission des amendements en ce sens qu'elle reprendra en séance.

Nos dernières interrogations concernent la démarche que le Gouvernement entreprend au travers du texte. Le projet de loi s'attaque aux dynamiques d'exclusion sociale à l'œuvre dans notre société. Dont acte. Il regroupe un ensemble de dispositifs qui mettent en œuvre la solidarité nationale mais il ne constitue pas la loi de mobilisation pour l'emploi que nous avait annoncée le Président de la République. Or si l'emploi ne règle pas tout, le chômage lui, dérègle tout. De fait, ce projet n'a de sens que s'il est la première pierre d'une véritable mobilisation collective pour l'emploi.

Comment celle-ci pourrait-elle se concrétiser ?

Elle pourrait tout d'abord passer par de nouvelles initiatives de l'État en faveur de l'attractivité de notre pays et de la compétitivité de nos entreprises. Nous souhaitons ainsi que l'étude annoncée sur la TVA sociale puisse être rapidement menée. Elle nous permettra d'apprécier dans quelle mesure cette taxe pourrait autoriser le déplacement du financement des droits sociaux, du travail vers la consommation, en allégeant d'autant les charges sociales des entreprises.

Vous connaissez aussi les propositions de l'UDF et de Christian Blanc pour l'émergence de véritables pôles de compétitivité.

L'État pourrait également être à l'origine d'initiatives d'ordre plus social, voire sociétal. Le travail des seniors reste un sujet en friche, je l'ai souligné lors de l'examen du budget. Or il sera bientôt d'une actualité criante en raison de l'évolution de la pyramide des âges. Il nous reste peu de temps pour en anticiper les effets.

La sécurisation du parcours du salarié dans la vie professionnelle est un autre chantier à aborder avec les partenaires sociaux : il s'agit de concilier, dans le cadre d'un statut du travail, la nécessité d'une plus grande flexibilité pour l'entreprise avec l'exigence d'une nouvelle sécurité du salarié.

Mais bien d'autres thèmes restent encore à travailler et bien d'autres pistes attendent une concrétisation. Ainsi, est-il inimaginable que les cotisations des entreprises à l'assurance chômage soient modulées en fonction des efforts qu'elles accomplissent pour le retour à l'emploi des personnes en parcours d'insertion, dans les bassins d'emplois en difficulté ? Ou que les clauses d'insertion sociale prévues à l'article 14 du code des marchés publics soient un jour effectivement appliquées ? Ne pourrait-on également expérimenter, dans les bassins d'emploi en grande difficulté, le versement d'une prime significative au salaire de tout demandeur d'emploi qui retrouve un travail en moins d'un an ?

En matière de lutte contre l'exclusion, le Gouvernement se crée, avec ce projet de loi, une obligation de résultats, mais il lui reste, en matière de mobilisation pour l'emploi, à remplir une obligation d'imaginer, de tenter et de créer.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que notre vote sur le projet de loi dépendra des réponses que vous apporterez à nos questions et du sort que vous réserverez à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis très honoré d'être le porte-parole de mon groupe sur un volet crucial et très attendu du texte qui nous réunit ce soir.

Je souhaite à cet égard saluer la démarche du Gouvernement, qui a pris toute la mesure de l'importance capitale que revêt la cohésion sociale, tant elle conditionne aussi bien le lien social au sens large que la croissance durable à laquelle nous aspirons tous.

Le logement, qui est non seulement le premier poste de dépense des ménages, mais surtout un droit auquel nos concitoyens sont légitimement attachés, en constitue l'un des piliers fondamentaux.

Or, depuis de nombreuses années, nous sommes confrontés, notamment en matière de logement social, à une situation de crise aiguë de l'offre qui s'est particulièrement accentuée de 1997 à 2002, période durant laquelle la production globale annuelle - limitée à 40 000 unités - était en panne. Il fallait impérativement sortir de l'ornière en prenant un nouvel élan, ce qui supposait - nul ne l'ignore - de mener une nouvelle politique.

La démarche volontaire et ambitieuse entreprise par le Gouvernement en vue de rétablir un rythme annuel de construction de 80 000 à 120 000 nouveaux logements sociaux, afin d'en livrer 500 000 d'ici cinq ans pour combler le retard, prouve qu'une nouvelle politique est effectivement en marche, celle de l'action, en lieu et place de celle de l'incantation, qui a prévalu pendant trop longtemps.

Ce plan sans précédent en faveur du logement mérite également d'être salué en ce qu'il illustre parfaitement le souci d'une approche transversale et cohérente qui émaille toute la philosophie du texte.

Il couvre ainsi l'ensemble du secteur de l'habitat, depuis l'hébergement, qui se voit octroyer 9 800 places supplémentaires, dont 1 800 en CHRS, 4 000 en CADA et 4 000 en maisons-relais, jusqu'au parc locatif privé, auquel de nouveaux moyens sont accordés via l'ANAH pour améliorer l'habitat ancien et porter à 40 000 par an le nombre de logements privés à loyers maîtrisés conventionnés.

Les propriétaires privés bénéficient en outre de nouveaux gages en matière de sécurisation de la créance locative, tendant à favoriser la reconquête d'environ 100 000 logements privés vacants.

Quant aux organismes HLM, ils obtiennent la mise en place d'une programmation pluriannuelle qui, au-delà de l'augmentation sensible de la production de l'offre de logements sociaux qu'elle induit, comporte diverses dispositions en faveur de l'accès ou du maintien dans le logement des ménages fragiles. Tel est le cas notamment du principe du maintien ou du rétablissement des aides personnelles au logement en cas de difficultés.

En optant pour la programmation pluriannuelle, ce plan répond à une demande formulée par de nombreux acteurs du logement, convaincus qu'en matière de logements sociaux une telle programmation est nécessaire dans la mesure où elle permet une contractualisation inscrite dans la durée.

La prolongation de quinze à vingt-cinq ans de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements locatifs sociaux construits dans le cadre du programme de cohésion sociale est également une excellente mesure qui aura un impact positif évident sur l'équilibre des opérations.

Une réserve avait néanmoins été fort justement exprimée à propos de la compensation intégrale de cette perte de recettes pour les collectivités territoriales concernées, et l'on ne peut que se féliciter qu'un amendement gouvernemental qui la prévoit désormais expressément ait été adopté lors de l'examen de ce texte au Sénat.

Il en va de même pour un amendement, également adopté par nos collègues du Sénat, qui prévoit, dans les mêmes conditions de compensation, un report de 2006 à 2009 de la durée de validité du dispositif d'abattement de 30 % sur la TFPB des logements locatifs sociaux situés en ZUS et appartenant à un organisme HLM ou à une SEM. Cette reconduction du dégrèvement de la TFPB en ZUS paraît indispensable, comme n'ont pas manqué de le rappeler les organismes HLM, pour soutenir l'effort de relance des organismes en difficulté et pour maintenir l'effort portant sur la qualité des services dans ces quartiers.

Car si la réflexion sur le bâti est essentielle et nécessite, ainsi que ce texte s'emploie à y parvenir, une prise en compte des problèmes fonciers et du financement du logement vacant diffus, en particulier pour les offices en difficulté, il est indéniablement indispensable, notamment dans les secteurs dits sensibles, d'éviter de s'y limiter. Il faut en effet mettre un accent tout particulier sur la mixité sociale d'une part, et d'autre part sur le volet social d'accompagnement des habitants à travers un maillage humain fort visant tant à assurer leur quiétude qu'à répondre à leur besoin légitime de vivre dans un environnement adéquat. Cela implique une gestion urbaine de proximité effective et efficiente grâce, notamment, à un renforcement des dispositifs de gardiennage, à une présence accrue de travailleurs sociaux et à des actions de soutien à la parentalité.

C'est, nous en sommes convaincus, grâce à une conjonction de toutes ces données essentielles que ce plan d'envergure, auquel nous adhérons pleinement, permettra de répondre efficacement et durablement à la problématique du logement dans notre pays. Le groupe de l'UMP votera donc ce texte.

Merci, et bonne nuit !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 1911, de programmation pour la cohésion sociale :

Rapport, n° 1930, de Mme Françoise de Panafieu et M. Dominique Dord, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 1920, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;

Avis, n° 1928, de M. Georges Mothron, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 24 novembre 2004, à une heure cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot