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Première séance du mardi 15 février 2005

147e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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ÉVOLUTION DE LA FISCALITÉ LOCALE

Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Pierre Méhaignerie et M. Bernard Accoyer tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, de ses conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages et sur la vie des entreprises, ainsi que sur les conditions d'une responsabilité mieux assumée des décideurs (nos 2051, 2092).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Hervé Mariton, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à l'intérieur, mes chers collègues, la commission des finances a adopté à l'unanimité la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, déposée à l'initiative de membres du groupe UMP. L'explosion des taux des impôts régionaux dans de nombreuses collectivités régionales a agi comme un révélateur des divergences qui affectent le fonctionnement des finances locales, comme peut l'être celui des machines. Même si certains ont pu minorer l'importance des choix politiques et de leurs conséquences économiques et financières, l'ampleur des niveaux de fiscalité régionale constitue bien un message d'alerte qui a été entendu.

Chacun a pu constater, après que les taux de fiscalité régionale ont été votés, que d'aucuns essayaient d'en minorer l'impact en rapprochant les augmentations de 30 %, 50 % ou 70 % de tel impôt régional de celle du paquet de cigarettes ou d'autres biens. Avec 80 milliards d'euros, la fiscalité locale n'est pourtant pas une mince affaire et l'on ne peut pas balayer d'un revers de main les interrogations sur ses conditions d'évolution, parfois d'explosion, en considérant qu'elles n'ont que peu de conséquences sur la vie quotidienne de nos compatriotes. Curieusement, certains ont même avancé que la structure de l'impôt régional dans notre pays ne concernerait que les entreprises et les propriétaires. Merci pour eux !

Ce n'est donc pas un mince sujet que l'explosion de fiscalité régionale aura révélé. D'importance pour le pouvoir d'achat de nos compatriotes et pour la compétitivité des entreprises, il est aussi essentiel à la politique économique de notre pays.

Comme d'autres membres des commissions des finances et des affaires étrangères réunies, j'avais été frappé par la présentation faite il y a un peu plus d'un an par Francis Mer, alors ministre de l'économie et des finances, du programme de stabilité triennal que notre pays allait soumettre à la Commission européenne : s'il affichait à la fois une intention rigoureuse et ferme de stabilité, voire de réduction de l'impôt d'État, un effort difficile, mais louable et maîtrisé, sur l'évolution des prélèvements sociaux, il exprimait aussi une critique teintée de résignation de l'augmentation des dépenses et de la fiscalité locales.

Bien que destinée à Bruxelles, cette présentation était aussi intéressante pour nous. Ainsi, les enjeux nationaux seraient maîtrisables, les enjeux sociaux, grâce aux réformes que nous avons conduites, le seraient aussi, mais les enjeux locaux, en termes de finances publiques et de contribution des citoyens ne le seraient pas. Voilà qui est tout à fait incompatible avec une politique économique ferme, voire nuisible à certaines de ses orientations. Il est donc tout à fait opportun que la représentation nationale affirme aujourd'hui son souci que l'évolution des finances locales participe de la cohérence de notre politique économique et de la cohérence du programme de stabilité qui, non seulement nous engage envers Bruxelles, mais nous lie tous ensemble en France.

L'explosion de la fiscalité régionale a aussi soulevé une question naturelle sur la pertinence du choix d'une politique audacieuse de décentralisation. Le pari de la décentralisation est, pour nous, celui d'une meilleure gestion, plus efficace et au plus près du terrain. Nous ne pensons pas qu'une telle gestion est nécessairement plus coûteuse ! Nous voulons faire le pari que la décentralisation est porteuse d'une meilleure efficacité de la décision et d'une meilleure attention aux besoins des citoyens sans que ces deux démarches se traduisent nécessairement - voire quasi instinctivement dans certaines régions - par une augmentation de la fiscalité locale. Si nous voulons convaincre nos concitoyens qu'elle n'est pas un modèle théorique, qu'elle n'est pas éloignée de leurs préoccupations concrètes, en particulier en ce qui concerne leur pouvoir d'achat, ni contraire à la compétitivité des entreprises, nous devons leur démontrer qu'elle ne rime pas avec augmentation des impôts.

Avons-nous le droit de créer une commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale ? C'est la question que la commission des finances, et d'autres, se sont posée. La réponse est oui, parce que la déclaration des droits de l'homme et du citoyen - appréciez la référence ! - dit notre responsabilité de constater la nécessité de la contribution publique et d'en suivre l'emploi. La contribution publique connaît différents canaux mais, comme le dit très bien la sagesse populaire, tout sort de la même poche et, au bout du compte, c'est le contribuable qui paie. Il est bon que l'Assemblée nationale ne soit pas indifférente à ce débat, qu'elle dise à nos concitoyens qu'en plus de veiller à la maîtrise - à la baisse même - de l'impôt d'État, elle s'intéresse à la fiscalité régionale, qui s'inscrit dans une vision d'ensemble. Oui, nous devons constater la nécessité de la contribution publique et en suivre l'emploi. Ce sera l'objet, si vous le voulez bien, de notre commission d'enquête.

Celle-ci devra, en rassemblant sur tous les bancs de cette assemblée, dresser un constat, établir des causes et proposer des remèdes.

Un constat, d'abord, en toute transparence. Les Français doivent savoir de quoi est fait l'impôt local. Je n'en donnerai qu'un exemple, qui pourrait paraître vulgaire s'il n'était pas si fréquent. Nous avons tous entendu - et j'espère qu'aucun d'entre nous ici n'y a jamais recouru - comment, au sein d'une assemblée locale, on justifie l'augmentation des taux : l'inflation. Démonstration curieuse quand le Parlement lui-même s'assure que les bases évoluent en la prenant en compte. Cette facilité avec laquelle on arrive parfois à « embobiner » nos concitoyens doit être combattue. Nous voulons la transparence.

Nous devons, ensuite, analyser les causes. La décentralisation Raffarin, chacun, de droite comme de gauche, le reconnaît, n'aura, en 2005, encore que très peu d'impact, rien qui puisse justifier des augmentations aussi massives de la fiscalité régionale.

M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui le dites !

M. Hervé Mariton, rapporteur. En tout cas, rien qui puisse justifier que cette fiscalité n'augmente pas du tout ou augmente très peu en Corse ou en Alsace, régions à majorité UMP, et explose dans d'autres régions, dont l'honnêteté oblige à reconnaître qu'elles sont socialistes. La décentralisation est-elle la cause de l'explosion de la fiscalité locale régionale ? Manifestement non, ainsi que je viens d'en faire la démonstration, mais il conviendra de la parfaire et de la compléter.

Sans doute faudra-t-il aussi examiner la question de l'intrication des compétences. La multiplication des échelons de collectivité dans notre pays ne poserait sans doute pas de difficulté et serait simplement un fait d'histoire si les compétences des uns et des autres étaient clairement établies. Tel n'est pas le cas. Le complexe du ruban à couper conduit toutes les collectivités à vouloir être présentes sur tous les dossiers. La responsabilité est diffuse. De même, la construction volontariste, parfois peu attentive aux coûts, de l'intercommunalité est sans doute une des causes de l'aggravation de la fiscalité locale dans notre pays. La commission d'enquête gagnera à s'interroger sur cette question.

Un point encore : le premier contribuable de la fiscalité locale aujourd'hui, c'est l'État. Quand une collectivité territoriale augmente les impôts, elle peut donc se dire, à bon droit - de son point de vue en tout cas - que, au fond, les contribuables de cette collectivité - commune, département, communauté ou région - ne seront pas seuls à payer puisque l'État participera aussi. Mais n'oublions pas, écoutant à nouveau la sagesse populaire que j'ai déjà évoquée, que l'État, c'est nous tous et que, au bout du bout, ce sont toujours les contribuables qui paient. Ce point devra également être analysé.

Enfin, lorsque nous examinerons l'évolution de la fiscalité locale et en rechercherons les causes, nous devrons nous interroger sur notre propension nationale à augmenter la dépense publique. Ce n'est pas faire injure aux collectivités locales et minimiser leur autonomie de gestion de dire que, pour elles comme pour l'État, il faut toujours savoir raison garder. Mais, lorsque c'est l'autre qui paie, lorsqu'on ne sait pas trop qui doit porter la responsabilité ou lorsque l'on peut espérer confondre l'esprit du citoyen contribuable électeur, la tentation est grande de dépenser puisqu'il n'y a que des avantages électoraux à en retirer. Ce point méritera d'être regardé de près et d'être décrypté et la commission d'enquête devra rechercher quelques remèdes à cette situation.

Oui, nous croyons à la décentralisation. Oui, les collectivités locales, aux termes mêmes de la Constitution, s'administrent librement, dans des conditions fixées par la loi. Mais l'Assemblée nationale est également compétente pour regarder ce qui se passe, répondre à l'émotion forte de nos concitoyens et éviter qu'un beau projet comme la décentralisation ne soit abîmé par des décisions irresponsables prises à l'occasion d'un débat budgétaire. De telles décisions n'interviennent peut-être qu'une fois et ne concernent peut-être que des régions modestes, il n'en demeure pas moins qu'elles représentent 80 milliards pour l'ensemble des collectivités. De plus, à cause d'elles, s'installe dans l'esprit des Français l'idée que la décentralisation est un mauvais choix.

Nous croyons, quant à nous, que c'est un bon choix et ce n'est pas de notre part une simple pétition ou un acte de foi. Nous devons en faire la démonstration et c'est l'objet de la commission d'enquête proposée par nos collègues. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a donné un avis favorable à sa création. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai présenté, avec Bernard Accoyer, la proposition de résolution dont le groupe UMP a inscrit la discussion dans sa « niche parlementaire » ce matin. Cette proposition fait suite au souhait de nombreux parlementaires de voir constituer une commission d'enquête sur les évolutions de la fiscalité locale. Elle fait également écho aux déclarations du président de l'association des régions de France, M. Alain Rousset, qui appelait de ses vœux l'organisation d'un audit contradictoire.

Cette conjonction d'intérêts a conduit la commission des finances à adopter à l'unanimité cette proposition de résolution.

À son origine, une proposition étonnante, inquiétante, organisée de très forte hausse des taux d'imposition des régions. Pour les uns, cette hausse serait la conséquence de la décentralisation. Mais cette dernière ne fera sentir ses effets que plus tard. Pour d'autres, dont je suis, elle a pour objectif de constituer une cagnotte susceptible de financer des politiques tous azimuts tout en reportant la responsabilité de l'impopularité des taxes locales sur le Gouvernement. Je suis très inquiet face à l'évolution des dépenses de fonctionnement de nombreuses collectivités locales, essentiellement régionales, alors que tous nos voisins européens s'engagent dans une politique de maîtrise des dépenses publiques. Je pense, quant à moi, que cette stratégie a été pensée et organisée sur le plan national.

Les conséquences de telles opérations ne peuvent qu'être nuisibles : elles grèvent le pouvoir d'achat des familles et la compétitivité des entreprises et elles tendent à jeter le discrédit, d'une part, sur l'impôt et, d'autre part, sur la décentralisation.

En dépit des différences d'appréciation que cette demande de création d'une commission d'enquête peut susciter, trois objectifs essentiels doivent, à mon sens, être recherchés pour que la commission ait aussi une vertu pédagogique.

D'abord, la lutte contre l'ignorance, source de tous les fantasmes : il faut que l'on sache précisément, en rendant l'information publique, madame la ministre, qui paye quoi au niveau local et dans quelles proportions, quelle est la part du contribuable national et celle du contribuable local, quel est le taux réel de pression fiscale par collectivité et comment il a évolué sur une longue période, quel est aujourd'hui le potentiel financier de chaque collectivité et ce que l'État apporte à chacune d'entre elles. Le plus élémentaire souci de démocratie impose, en effet, de savoir qui contribue aux dépenses locales.

En mars 2004, j'ai essayé avec Jean-François Coppé d'expliquer les causes de l'augmentation des impôts départementaux. Nous avions fait une analyse scientifique d'où il ressortait qu'elle était due essentiellement au financement de l'APA, des SDIS et de l'application des 35 heures.

M. Charles de Courson. Exact !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous avons engagé une campagne d'explication qui se solda par un échec. Dans l'esprit de tous nos compatriotes, quand les impôts locaux augmentent, c'est toujours la faute du Gouvernement, ce dernier reprend toujours d'une main ce qu'il donne de l'autre et aggrave toujours les injustices. Voilà pourquoi une clarification me semble hautement nécessaire.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce peut être la faute des maires, et non pas du Gouvernement !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je vais même plus loin, et je l'avais déjà dit quand j'étais dans l'opposition :...

M. Jean-Pierre Balligand. Que n'avez-vous dit quand vous étiez dans l'opposition !

M. Augustin Bonrepaux. Que faisiez-vous dans les Côtes d'Armor ?

M. Bernard Derosier. En Ille-et-Vilaine !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cher monsieur Bonrepaux, il ne faudrait pas vous tromper de département. Si vous avez regardé l'évolution des impôts dans les Côtes d'Armor, je comprends votre réaction !

M. le président. Mais il avait oublié que c'était un ami à lui qui était président du conseil général des Côtes d'Armor ! Ce n'est jamais que le président de l'ADF !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si vous vouliez parler de l'évolution des impôts en Ille-et-Vilaine, vous vous trompez profondément. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le deuxième objectif de la commission d'enquête sera la recherche d'une plus grande transparence.

En effet, si vous expliquez à nos compatriotes que l'état des lycées et des collèges - et, demain, de la voirie - nécessite un important effort de remise en état, cela signifie pour eux que l'État n'a pas transmis les enveloppes nécessaires.

D'un autre côté, si vous prenez en compte les décisions législatives qui ont conduit l'État à prendre en charge une partie de plus en plus importante de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle, vous constatez que, au cours des quinze dernières années, les collectivités n'ont pas été perdantes.

M. Jean-Pierre Balligand. Et c'est très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La prise en charge de la taxe d'habitation par l'État est passée de 19 % en 1994 à 34 % en 2003.

M. Charles de Courson. Toujours plus !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Dans certaines collectivités, cette prise en charge atteint même 50 %.

M. Charles de Courson. À Rennes, par exemple !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Or personne ne le sait parce que l'origine des dégrèvements n'est jamais indiquée.

Quant à la taxe professionnelle, sa prise en charge par l'État est passée de 31 % en 1994 à 48 %. Les contribuables ne savent rien du poids des dégrèvements et des exonérations ni de leur évolution au cours des quinze dernières années. Si l'État avait seulement indexé l'évolution de ses dotations sur l'inflation, je puis vous assurer qu'il y aurait une révolte contre l'impôt local dans beaucoup de collectivités. D'ailleurs, nombre de collègues, dont M. Dosière, l'ont dit avec acuité dans de nombreux articles.

Quelle est la répartition aujourd'hui du montant de la taxe d'habitation entre l'État et les foyers imposables à la taxe d'habitation ? Je prendrai l'exemple de deux villes : Boulogne-Billancourt et Nîmes. J'aurais pu prendre Perpignan ou Montpellier. À Boulogne, 70 % des foyers sont totalement imposables, contre 25 % à Nîmes ou à Perpignan.

Plus les impôts sont élevés et plus grande est la part de taxe d'habitation prise en charge par l'État du fait des dégrèvements. Cela est contraire au principe de péréquation. Je cite souvent trois départements à ce sujet. Dans le département des Alpes-Maritimes, où le revenu moyen par habitant est supérieur à la moyenne nationale, la prise en charge de la taxe d'habitation par l'État est, par habitant et non pas par foyer fiscal, de 500 francs - dans l'enquête à laquelle je me réfère, les chiffres étaient encore donnés en francs ! En Haute-Saône et en Lozère, où l'on ne peut pas dire que le revenu par habitant soit supérieur à celui des Alpes-Maritimes, l'État ne prend plus en charge que 90 francs.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cette prise en charge va-t-elle dans le sens de la péréquation ? Certainement pas. Le principe en est plutôt : « Plus une collectivité impose ses contribuables, plus l'État l'aide. » Voilà pourquoi un effort de transparence s'impose.

Le troisième et dernier objectif que doit s'assigner la commission d'enquête, c'est l'identification des causes de l'évolution de la fiscalité locale, qui peuvent être multiples, endogènes comme exogènes. Il s'agit pour nous d'éviter la progression des impôts locaux et de permettre ainsi une baisse effective du taux de prélèvement obligatoire.

La maîtrise de la dépense publique est une des conditions de l'évolution favorable du pouvoir d'achat de nos compatriotes. La maîtrise des dépenses de l'État ne servirait à rien si, à cause de l'évolution des impôts locaux, le contribuable avait le sentiment que l'imposition est de plus en plus lourde, d'autant plus que, chacun le sait, il faut compter avec les dépenses de sécurité sociale.

Madame la ministre, si l'on veut mieux maîtriser les dépenses publiques et l'impôt local, il est indispensable de renverser la logique actuelle, selon laquelle plus une collectivité impose ses contribuables, plus elle est aidée par l'État et plus une collectivité est vertueuse, plus elle est sanctionnée.

M. Charles de Courson. Comme la Marne, par exemple !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il y a quinze jours, j'ai réuni l'ensemble des maires de ma communauté d'agglomération pour fixer les évolutions de taux. Comme notre taux global de taxe professionnelle, toutes collectivités confondues, est inférieur à la moyenne nationale - 20 points, contre 24,5 - toutes les entreprises du bassin d'emploi doivent payer au fonds national une taxe supplémentaire qui varie entre 1,6 % et 3,6 %. Face à une telle situation, quelle est, selon vous, la réaction des maires ? Tous me demandent d'augmenter le taux de la taxe professionnelle. Ils préfèrent que l'argent reste dans la communauté plutôt qu'il aille au niveau national !

Madame la ministre, si nous ne changeons pas la règle actuelle, la dépense publique locale continuera à augmenter fortement. Le système rend aujourd'hui la majorité électorale insensible à l'impôt des collectivités locales et donc à la dépense publique, si bien qu'elle n'exerce plus le contrôle démocratique, et les foyers pleinement imposés au titre de la taxe d'habitation, se trouvant en minorité électorale, ne peuvent se faire écouter.

À ces difficultés s'ajoute - cela a été dit tout à l'heure par le rapporteur et nous devrons l'étudier - le poids de l'intercommunalité.

M. Denis Merville. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Beaucoup d'entre nous la défendent. C'est une absolue nécessité. Mais elle conduit à des dépenses supplémentaires, sans que celles des collectivités locales de base soient limitées d'autant.

Quand nous voyons de nouveaux immeubles se construire, de nouveaux emplois se développer, nous pouvons ressentir des inquiétudes pour l'avenir.

Par passion pour son métier, pour sa ville et pour ses électeurs, un élu local a toujours le désir d'améliorer les services et l'équipement offerts à ses administrés. Je rends hommage à tous les élus de ce pays.

Mais, désormais, le problème est inversé. Où se situe le bon équilibre entre, d'une part, les dépenses collectives hors santé et, d'autre part, le pouvoir d'achat des familles, alors qu'une partie de celles-ci n'estiment pas, compte tenu de leurs revenus, appartenir à la classe moyenne ? La question est posée.

Le dynamisme des bases est du fait de la taxe professionnelle, supérieur d'environ 2 % à l'inflation. Cela ne devrait pas entraîner une augmentation de la pression fiscale. Or ce n'est pas le cas depuis plusieurs années. C'est la raison pour laquelle il nous faut sortir de l'ignorance, mettre les chiffres sur la table, assurer la transparence et remédier aux mécanismes qui conduisent à une forte augmentation de la pression fiscale.

Nous sommes nombreux à penser qu'un remède doit être trouvé. J'aimerais à cet égard citer les propos de l'un de nos collègues René Dosière - je le choisis à dessein en dehors de la majorité -, qui est un bon connaisseur de la fiscalité locale. René Dosière écrivait en 1995, dans un article : « En quatorze ans » - et cela s'est encore aggravé - « la fiscalité locale a été multipliée par 4,2, alors que l'impôt sur le revenu ne l'a été que par 2,2. » Il ajoutait « Les raisons de cette hausse sont multiples. Bien sûr, il y a des transferts de charges de l'État, mais il y a surtout un effort exceptionnel et soutenu en matière d'équipements collectifs et de financement des charges de personnels en très forte augmentation. » Ce qui était vrai en 1995 l'est hélas ! plus encore aujourd'hui

Il ajoutait : « Aujourd'hui, le budget de l'État supporte une part importante de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. On comprend pourquoi la révolte fiscale ne s'est pas encore produite. En multipliant les dégrèvements et les compensations, les gouvernements successifs ont voulu calmer les douleurs les plus vives, administrant ainsi des calmants aussi coûteux que sophistiqués pour l'État. »

Il soulignait que « cette prise en charge de l'État conduit à supprimer le lien fiscal entre la collectivité et ses habitants, ce qui est potentiellement dangereux pour la démocratie locale, qui doit reposer sur la citoyenneté active et non l'assistanat ».

C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais que notre discussion sur la création d'une commission d'enquête puisse, au-delà de nos oppositions sur l'évolution des budgets régionaux, nous permettre de nous rejoindre, afin de trouver les remèdes susceptibles de nous permettre d'aboutir demain à une meilleure maîtrise de la dépense publique locale. Sans une telle maîtrise, nous ne pourrons apporter de réponse positive au retour de l'emploi et à l'amélioration du pouvoir d'achat de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons d'entendre M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances nous inciter à être vertueux. Quels élus ne le sont pas ?

Tout à l'heure, j'ai effectivement commis un lapsus, mon cher collègue. J'ai cité les Côtes-d'Armor, alors que je voulais évidemment parler de l'Ille-et-Vilaine. En 2002, l'augmentation des impôts y a été de 8,87 % ; en 2003 de 9,87 %. Je démontrerai tout à l'heure que l'augmentation des impôts au niveau régional est d'environ cinq fois plus. Cela correspondrait à une augmentation de 50 % pour la région.

Je ne pense pas, monsieur Méhaignerie, que votre principe puisse être : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! » En effet, nous devons d'abord être vertueux dans notre comportement. Et je suis tout à fait prêt à comparer l'augmentation des taux de l'Ariège avec ceux de l'Ille-et-Vilaine à l'époque où vous déteniez la majorité dans cette région.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?

M. Augustin Bonrepaux. Oui monsieur Méhaignerie, mais à la condition monsieur le président, que vous me laissiez le temps suffisant pour m'exprimer.

M. le président. Bien entendu, monsieur Bonrepaux ! Les arrêts de jeux seront, comme toujours, décomptés. (Sourires.)

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur Bonrepaux, j'ai été pendant dix-neuf ans - jusqu'en 2001 - président du conseil général d'Ille-et-Vilaine. Regardez les chiffres : les impôts locaux n'ont jamais augmenté ; les taux ont même baissé.

Entre 2001 et 2004, mon successeur a dû faire face, comme beaucoup de présidents de conseils généraux, à l'APA et aux 35 heures. Il convient de s'interroger sur les effets de ces deux mesures sur les dépenses des collectivités locales.

Je tenais à répondre de façon objective à la leçon que vous vouliez me donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. C'est quand même l'UMP qui dirigeait votre département.

M. Charles de Courson. L'UDF !

M. Augustin Bonrepaux. Vous aviez, autrefois, saisi le prétexte de l'APA quand l'État opérait une compensation à hauteur de 50 %. Aujourd'hui, l'État ne compense qu'à 25 %. Ce n'est pas une raison pour que les départements n'essaient pas de pallier cette carence.

L'exposé des motifs de cette proposition de résolution voudrait être un réquisitoire, sans preuve, contre les régions. C'est finalement la mise en accusation de tous les élus qui augmentent leurs impôts. Et nous allons voir, qu'il y en a sur tous les bancs, en particulier dans le département de la Marne.

C'est aussi le désaveu du Premier ministre. Vous ne lui faites pas confiance dans la mesure où vous jugez utile de créer une commission d'enquête, alors qu'il nous assure que la commission consultative des charges constituerait une garantie et serait une sorte de « juge de paix » pour les collectivités locales. C'est dire que vous ne croyez pas à ses propos.

Si l'exposé des motifs nous rend circonspects et méfiants - car il s'agit d'un acte d'accusation -, le contenu de la proposition de résolution - si elle a bien comme objectif la transparence - nous conduiront à l'adopter, à condition que soient recherchées les véritables raisons qui obligent les élus à procéder à des augmentations d'impôts.

Il faudra d'abord revenir sur les années antérieures, pour examiner les politiques conduites et les conséquences qu'elles ont pu avoir sur l'année 2005 - par exemple, la baisse continue de la fiscalité, exigée par le Front national dans les régions qu'il cogérait avec la droite.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Vous parlez de Vauzelle ?

M. Jean-Pierre Balligand. La Picardie !

M. Augustin Bonrepaux. En Picardie, en Bourgogne, en Languedoc-Roussillon, ces politiques n'ont-elles pas conduit à des déséquilibres qu'il faut aujourd'hui résorber ?

Et les décisions prises au début de l'année 2004, n'ont-elles pas déséquilibré les comptes de certaines collectivités ?

Il faudra examiner toutes les causes et toutes les responsabilités des parties concernées - par exemple les conséquences des désengagements de l'État dans les contrats de plan ou l'utilisation qui est faite des crédits européens. Cela prive aujourd'hui les régions de moyens.

Dans ces conditions, une commission d'enquête peut avoir un réel intérêt et nous y participerons résolument.

Parmi les causes d'augmentation de la fiscalité, il y a bien sûr - il faut le reconnaître - pour partie la réalisation des programmes des collectivités locales, qui ont été approuvés par les citoyens. On note toujours, après chaque élection, une légère augmentation de la fiscalité locale, ce n'est pas un fait nouveau.

Les hausses de la fiscalité ne datent pas d'aujourd'hui. Après la période de désendettement et de stabilité de la fiscalité entre 1987 et 2001 - que l'on pourrait appeler les années Jospin -, il y a eu effectivement une hausse de la fiscalité pour les départements, surtout en 2003. J'ai cité l'Ille-et-Vilaine, mais je pourrais citer également le Lot-et-Garonne avec plus 28 % en 2002, les Pyrénées-Atlantiques avec plus 13,8 % en 2003, la Charente avec plus 13,94 %. Ces départements étaient bien dirigés par l'UMP - enfin le RPR ou l'UDF de l'époque.

Nous avons noté parallèlement - c'est incontestable - une augmentation à partir de 2003 de l'endettement des collectivités locales. Cette année, cette aggravation atteint aussi les régions.

M. Marc Laffineur. Parce qu'elles sont gérées par la gauche !

M. Augustin Bonrepaux. Celles-ci sont à leur tour frappées par le début de la décentralisation et par le désengagement de l'État, et vous ne me ferez pas croire qu'il n'y a pas une raison politique à ces désengagements.

L'expérience de la décentralisation du RMI montre tous les transferts auxquels les départements doivent faire face en 2005, alors que la décentralisation a été effectuée en 2004.

On nous avait assurés en 2003 que la TIPP était une recette évolutive. En 2004, nous constatons que les recettes sont inférieures de 848 millions aux prévisions, malgré l'augmentation du taux sur le gazole et que le nombre de RMIstes a augmenté de 10 %. Il reste, à la fin de 2004, 435 millions d'euros à la charge des départements. Ce déficit va être automatiquement reconduit en 2005. Il sera même aggravé par l'augmentation du RMI et peut-être par l'arrivée de nouveaux RMIstes.

Le Gouvernement ne cesse de nous dire dans cet hémicycle : « Nous compensons à l'euro près. » Les charges de l'ANPE pour l'intégration des RMIstes étaient financées, pour moitié par les départements et pour moitié par l'État. Où est l'« euro » pour cette compensation ? La participation de l'ANPE pour l'Ariège représente 260 000 euros, mais il n'y a pas un euro de l'État. Cela reste intégralement à la charge du département. Vous êtes pris en flagrant délit de mensonge quand vous dites que vous compensez à l'euro près. Il faudra bien que la commission d'enquête recherche les raisons pour lesquelles cette compensation n'a pas lieu.

Enfin, chaque RMA, chaque contrat d'avenir, coûtera 20 % de plus aux départements. Mme Boutin, alors rapporteure du projet de loi, indiquait que le coût serait beaucoup plus élevé pour les départements. Où est la compensation ?

Pour réussir les contrats d'avenir et le RMA, il faut organiser une formation. Or l'État n'assume plus la formation ; il a transféré cette responsabilité aux régions. N'est-ce pas là une charge nouvelle qu'on leur impose ?

Cet exemple montre combien une compétence nouvelle va aggraver la charge des collectivités locales. On peut imaginer ce que produiront, à l'avenir, le transfert de la voirie et celui des TOS. Pour ces derniers la charge sera plus lourde pour les régions que pour les départements, car le nombre de TOS y est plus important. De plus, les régions n'avaient pas, en 2004, de moyens administratifs pour préparer ces transferts. Elles sont donc obligées, en 2005, de recruter du personnel pour engager la discussion avec l'État, vérifier les charges auxquelles elles doivent faire face.

De plus, leurs charges de formation professionnelle augmentent et le plan de cohésion sociale alourdit leurs charges en matière d'apprentissage sans que l'État n'engage de moyens supplémentaires.

Enfin, les règles du jeu sont constamment modifiées : après avoir transféré la formation des infirmières aux régions, on leur dit maintenant qu'il faudra en former de plus en plus, mais sans compensation financière. Résultat : aggravation des charges et désengagement financier de l'État.

Celui-ci concerne d'abord le FNDAE, qui a été réduit de 50 % en 2004, et qui est désormais supprimé. Il en résulte une charge nouvelle incombant aux départements et aux régions.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Les crédits vont aux agences !

M. Augustin Bonrepaux. Il manquera toujours 50 %, et les agences de bassin des régions rurales seront défavorisées en matière de recettes. En outre, les agences de bassin ne financent pas les mêmes priorités que les départements.

L'augmentation des coûts de charges transférées, comme la majoration des coûts de péages ferroviaires liée aux dessertes mises en place en 2004 - plus 135 % de charges pour la région Midi-Pyrénées -...

M. Hervé Mariton, rapporteur. Les péages sont compensés !

M. Augustin Bonrepaux. ....traduit la volonté du Gouvernement de faire rééquilibrer Réseau ferré de France par les régions !

M. Hervé Mariton, rapporteur. L'augmentation des péages est compensée. Nous l'avons dit à la MEC.

M. Augustin Bonrepaux. Non, ce n'est pas compensé : rappelez-vous que Réseau ferré de France, lors des auditions de la mission d'évaluation et de contrôle, a demandé le concours de nouveaux contributeurs, à savoir les régions.

M. Hervé Mariton, rapporteur. C'est compensé !

M. Augustin Bonrepaux. Les péages ne sont pas compensés pour les dessertes mises en place en 2004. C'est bien là le problème.

Quant aux contrats de plan, ils accusent un retard de trois ans pour les travaux routiers, et de sept ans pour les travaux ferroviaires.

En Aquitaine, pour éviter les retards, voire l'arrêt pur et simple des travaux des travaux routiers, les collectivités locales ont consenti 26 millions d'euros d'avance de trésorerie, dont 13 millions pour la seule région.

En Île-de-France, l'État devrait, pour honorer sa part des opérations sur le point d'être engagées, budgéter 220 millions d'euros en matière de transports en commun. Or il n'a inscrit que 48 millions en loi de finances. L'État refuse de prendre sa part des surcoûts et sollicite les régions et les départements pour 87 millions d'euros.

En Pays de Loire, on atteint des sommets : pour les travaux ferroviaires, l'État n'a dégagé que 150 000 euros d'autorisations de programme sur un programme de 120 millions d'euros !

En 2004, le taux de programmation de l'État a été de 19 % et celui de la région de 89 %, ce qui entraîne inévitablement des coûts financiers élevés pour la région.

Enfin, l'assèchement des crédits européens, conséquence d'une gestion calamiteuse, aura forcément des conséquences sur l'ensemble des projets. Les départements et les régions seront de plus en plus mis à contribution pour faire face à la suppression de ces crédits et à la défaillance de l'État.

La commission d'enquête devra faire toute la lumière sur les conditions d'utilisation de ces crédits et sur les surprogrammations accumulées exagérément au prétexte du désengagement d'office, qui est un faux argument.

Pour masquer ses responsabilités et celles du Gouvernement, la majorité veut faire un coup politique en pointant les augmentations de taux des régions. Mais si notre commission fait un travail objectif, elle sera bien obligée de constater que sur 100 euros d'impôt payés par les contribuables locaux, 70 euros reviennent aux communes, 25 euros aux départements et 5 euros aux régions. Ce qui signifie que lorsqu'une collectivité demande un euro supplémentaire, cela représente 1,5 % de plus pour la commune, 4 % pour le département et 20 % pour la région. De ce fait, pour obtenir la même recette, les régions sont obligées d'augmenter leur taux cinq fois plus que les départements.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. J'ai été interrompu, monsieur le président.

M. le président. Vous en êtes à quatorze minutes, arrêts de jeu compris !

Je vous prie donc de conclure.

M. Richard Mallié. Mais il n'a pas encore parlé de l'Ariège ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Je vais conclure.

De ce fait, l'augmentation de 12,80 % dans le département de la Marne coûtera 26 euros supplémentaires au contribuable, alors que l'augmentation de 54 % décidée en Languedoc-Roussillon ne lui en coûtera que 17 euros.

Je pourrais faire d'autres comparaisons...

M. le président. Votre temps de parole est écoulé !

M. Augustin Bonrepaux. En Pays de Loire, 20 % d'augmentation se traduisent pour le contribuable par un prélèvement de 5,80 euros, tandis que dans le Maine-et-Loire, 8,4 % d'augmentation lui coûtera 22 euros de plus.

Lorsque nous connaîtrons officiellement tous les taux, nous poursuivrons les comparaisons, et nous identifierons les responsabilités. Mais au-delà des comparaisons, retenons l'essentiel : de 1997 à 2001, la fiscalité a été stabilisée, voire réduite ; le désendettement a été favorisé pour les collectivités locales. Mais depuis 2002, les impôts des collectivités locales augmentent, et cette augmentation risque de devenir insupportable, l'obsolescence des impôts locaux les rendant très injustes. Il faudra bien que le Gouvernement en tire les conséquences. Telle sera sans doute la conclusion de la commission d'enquête si celle-ci travaille avec objectivité et dans la transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous assistons, depuis plusieurs semaines, à un débat public sur la hausse de la fiscalité locale, déclenché par les augmentations importantes dans beaucoup de conseils régionaux de leur fiscalité pour l'année 2005. La proposition de résolution de M. Méhaignerie et de M. Accoyer de créer une commission d'enquête pour faire la lumière sur les causes de ces hausses et sur leurs conséquences semble, pour le groupe UDF, aller dans le bon sens, si elle permet de sortir d'un débat purement politicien, qui caricature la position des uns et des autres.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce sera dur !

M. Charles de Courson. C'est ce que vient de faire Augustin Bonrepaux en affirmant que les régions dirigées par les socialistes ont été obligées d'augmenter les impôts à cause de la décentralisation - décentralisation Raffarin - et à cause de l'héritage, avec le changement de majorité qui a eu lieu aux dernières élections - ce qui n'est pas le cas partout, car il n'y a pas eu de changement dans huit régions. Ces explications,...

M. Richard Mallié. Alambiquées !

M. Charles de Courson. ...tous les gens sérieux le savent, sont justifiées pour certaines d'entre elles, mais inexactes pour d'autres. Le vrai problème, cher collègue Bonrepaux, c'est d'aller au fond des choses, et hélas ! dans cette affaire, on reste à la surface.

Quant à mes collègues de l'UMP, qui essaient de faire croire que la droite a toujours été exemplaire, je leur dirai, que cela n'a, hélas ! pas toujours été le cas !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Le président Méhaignerie a rappelé qu'il n'a jamais, durant dix-neuf ans de présidence de conseil général, augmenté les impôts.

M. Augustin Bonrepaux. Cela reste à vérifier !

M. Charles de Courson. Le conseil général de la Marne auquel je participe depuis dix-neuf ans, non seulement, n'a jamais, en dix-sept ans, augmenté les impôts, mais il les a même baissés. Nous avons la fiscalité la plus basse de France, y compris après les hausses de 2004 et de 2005. Il n'y en aura d'ailleurs plus, car le groupe UDF ne votera plus aucune augmentation jusqu'à la fin du mandat. Mes chers collègues, il ne faut en effet pas seulement parler de la variation, mais aussi du niveau. C'est avec ces deux éléments que l'on disposera d'une appréciation sérieuse.

De ce point de vue, je pense que le Gouvernement ne peut pas se tirer de cette affaire en invoquant l'article 72-2. Celui-ci aurait empêché la gauche de faire ce qu'elle a fait sur l'APA, mais le problème est aussi de savoir si les crédits que consacrait l'État à la compétence qu'il transfère étaient suffisants. Ce niveau était-il satisfaisant ?

Je prendrai l'exemple des routes. Chacun sait que les crédits routiers d'entretien, et non d'investissement, sont insuffisants. Il suffit de se promener en France pour s'en rendre compte. Quant aux crédits d'investissement, tous les collègues, quelle que soit leur appartenance politique, savent que le niveau d'investissement consacré aux routes nationales est incompatible avec la modernisation du parc : ils ne permettent même pas d'exécuter les contrats de plan.

Sur ce sujet, cher collègue Bonrepaux, n'agressez pas trop l'actuel gouvernement sur la mauvaise exécution des contrats de plan, car leur taux d'exécution était à peu près le même du temps de la gauche. C'est cela la réalité, monsieur Bonrepaux, et vous avez du reste oublié de rappeler que le taux d'exécution moyen tournait autour de soixante-dix. Si nous y arrivons, cela ne sera pas si mal. Telle est la dure réalité.

La commission d'enquête ne doit pas être une nouvelle fois l'occasion pour l'UMP et les socialistes, dans un duo désormais célèbre, de se renvoyer la balle. Car si tel devait être le cas, cette commission n'aurait pas grand intérêt.

À l'UDF, nous souhaitons aller au fond des choses.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous aussi !

M. Charles de Courson. Et j'espère que tout le monde est dans cet état d'esprit.

Mais je vais dire un certain nombre de choses, pas forcément agréables, sur des propos qui ont été tenus.

Premièrement : quelle est la hausse réelle supportée par le contribuable local ? Et il ne s'agit pas de la falsification dans les comptes de la nation de la pression fiscale locale, car pendant des années, on a comptabilisé les compensations versées par l'État aux collectivités locales dans la pression fiscale locale. On doit donc s'attaquer aux vrais indicateurs : quel est le montant réel payé par les contribuables ?

Deuxièmement, quelles sont les conséquences - objectif de la commission que nous approuvons - de ces hausses et de leur niveau sur le pouvoir d'achat des ménages et sur la vie des entreprises ?

Cessons de calculer des taux de pression fiscale sur les ménages, en taux moyen. Pourquoi ? Si vous maintenez le taux des impôts locaux constant, les impôts augmentent du taux de réévaluation des bases, c'est-à-dire 1,8 % cette année. Mais tous nos concitoyens n'ont pas une augmentation de leur niveau de vie de 1,8 %.

Les retraités, qui représentent environ un tiers des ménages, ne verront leur retraite augmenter que de l'inflation moins 0,4 point, car le taux de la CSG a été augmenté, soit 1,4 %.

Si vous voulez maintenir la pression fiscale locale sur les personnes âgées, il faudrait baisser les taux de 0,4 %. Nous souhaitons que la commission d'enquête examine finement la réalité sociale et la réalité de la pression fiscale locale sur les ménages, en étant consciente de l'extrême diversité des situations.

Dans ma circonscription, qui contrairement à ce que certains pensent, est un secteur rural plutôt modeste, je constate que dès que l'on augmente les impôts locaux, les personnes âgées paniquent, car elles se demandent comment y faire face, dans la mesure où leurs retraites n'augmentent que de 1,4 % cette année, et que même sans augmenter les impôts, ils augmentent tout de même de 1,8 %.

Et il n'y a pas que les personnes âgées, il y a aussi les 10 % de Français qui sont au chômage, dont le niveau de vie baisse forcément.

Nous souhaitons donc un travail sérieux qui prendra en considération la diversité des situations, l'évolution et le niveau de la pression fiscale.

Nous souhaiterions également que cette commission évalue le poids des impôts sur les entreprises.

Il faudrait tout d'abord se pencher sur les entreprises agricoles. Le foncier non bâti est censé peser sur le propriétaire seul mais nous savons qu'il se répercute de plus en plus sur l'exploitant, sans compter le fait que le nombre des propriétaires-exploitants augmente. C'est une ineptie, je l'ai dit à plusieurs reprises ici et j'ai déposé un amendement à ce sujet, que vous n'avez d'ailleurs pas adopté, chers collègues. Étant donné la chute continue des revenus agricoles, si vous augmentez régulièrement cet impôt - pour cette année encore, de 1,8 % -, même à taux stabilisé, vous accroissez la pression fiscale sur les entreprises agricoles.

Pour les entreprises non-agricoles, c'est bien sûr au problème de la taxe professionnelle qu'il faudra se consacrer. Nous sommes tellement conservateurs dans ce pays que, depuis vingt ans, nous n'avons cessé de prendre en charge au niveau national le produit de cette taxe. Pour quoi ? Pour éviter d'examiner le fond du problème, c'est-à-dire la possibilité de créer un impôt local sur l'entreprise.

Enfin, le troisième objectif de la commission sera de définir les conditions de la responsabilisation des décideurs.

Le premier élément à examiner est l'incroyable enchevêtrement des compétences. La loi Raffarin de décentralisation a aggravé le mal, et c'est bien pour cela que l'UDF n'a pas voulu voter ce texte alors qu'elle est profondément favorable à la décentralisation et à son approfondissement. Mais ce n'est d'ailleurs pas le gouvernement Raffarin qui est en cause, ce sont tous les gouvernements successifs, qui se sont montrés incapables de définir négativement les compétences locales.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est juste !

M. Charles de Courson. En effet, il ne suffit pas de dire que les collectivités locales sont responsables de telle ou telle compétence, il faudrait préciser dans quels domaines elles ne sont pas compétentes. Alors les choses seraient claires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour prendre le cas extraordinaire du tourisme, comment voulez-vous que nos citoyens y comprennent quoi que ce soit, puisque tout le monde s'en occupe : l'État, les région, les départements, les intercommunalités et les communes ? En la matière, nous avons tous des responsabilités, ce gouvernement comme les gouvernements précédents : nous n'avons jamais clarifié les compétences locales, et la loi Raffarin les a obscurcies.

Le deuxième élément à prendre en compte est l'absence d'identification des responsables de la hausse ou de la baisse des impôts.

Ce qui est d'abord en cause, c'est l'absence de spécialisation des impôts. Les impôts spécialisés, déjà peu nombreux, tendent à disparaître. Il y a bien la vignette mais on est en train de la tuer : elle est quasiment morte. Comme la part des particuliers a été supprimée, ne reste que celle des entreprises, mais plus pour longtemps. C'est un impôt fraudé dans des proportions incroyables, à cause des trois vignettes gratuites. Cette exonération aboutit dans notre département à un taux de fraude de 20 % à 25 %. Il y a encore la carte grise, au niveau des régions, qui perdure tant bien que mal. Mais tous les autres impôts sont partagés, ce qui fait que personne n'y comprend rien. Quand vous interrogez le peuple sur les augmentations d'impôts, à qui en attribue-t-il la responsabilité ? Eh bien, au maire de Loches, au maire de Vitré, au maire de Vervins, monsieur Balligand. Vont-ils faire des reproches au président du conseil général ou du conseil régional ? Pas tellement ! La faute revient toujours au maire.

Ce qui me conduit à la question de l'intercommunalité. A-t-elle a été cause d'augmentations ?

M. Hervé Mariton, rapporteur. Oui !

M. Charles de Courson. Si oui, demandons-nous si notre système administratif et politique n'est pas responsable ? Je vais être clair : dans ma circonscription, certains maires répondent à leurs concitoyens qui se plaignent des augmentations d'impôt que ce n'est pas la commune mais l'intercommunalité qui est responsable ; et comme les administrés ne sont pas toujours bien au fait du fonctionnement de nos institutions, peu répondent à leur maire que ce n'est pas sérieux puisqu'il est membre de l'intercommunalité et qu'il vote les augmentations ou les baisses d'impôt. Il faudra donc bien voir si les communes qui font partie d'intercommunalités ont joué le jeu. Quand ma petite intercommunalité a été créée, les onze communes qui la composent ont baissé leurs impôts, à due concurrence du taux de ceux de l'intercommunalité, ce qui fait que nous avons une fiscalité peu élevée.

M. Jean-Pierre Balligand. Ils ont eu peur du procureur de Courson ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Nous nous sommes simplement mis d'accord.

M. le président. Il faut conclure, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Le troisième élément à prendre en compte est un problème fondamental, que Pierre Méhaignerie a déjà soulevé : les mécanismes mis en place, par la gauche comme par la droite, en matière de compensation de la nationalisation des impôts conduisent à une déresponsabilisation massive des collectivités territoriales. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ? Parce que les impôts sont compensés à partir du taux existant. On a donc vu un président de région - il se trouve qu'il était de gauche mais il aurait pu être de droite - augmenter sciemment et massivement, de l'ordre de 15 % à 20 %, la la vignette, pour obtenir une compensation élevée. Est-ce que ce sont des pratiques acceptables ? C'est à tout cela, mes chers collègues, qu'il faut s'attaquer.

Pour terminer, j'en viens à un thème cher à l'UDF : l'autonomie fiscale des collectivité locales. Augustin Bonrepaux l'a dit : le problème de fond est que nos impôts locaux sont totalement archaïques. Les gouvernements, depuis 1917, n'ont pas osé s'y attaquer. Ils se sont contentés de réformettes, sans jamais s'engager dans la voie que l'UDF a toujours appelée de ses vœux : une fiscalité moderne, avec des taux simples, à laquelle le maximum de personnes contribueraient. Nous avons fait des propositions en la matière, elles ont même fait hurler les ministres des finances successifs : donner une partie de la CSG aux départements, voire aux régions, en baissant le taux national de cet impôt impopulaire, à due concurrence, pour financer les transferts et réguler la dépense publique.

Au lieu de nous plaindre en chœur de l'archaïsme des impôts locaux, il faut maintenant dire par quoi ils doivent être remplacés et quelle évolution est souhaitable. Et là, ne comptons pas sur les gouvernements pour le faire : ils sont tous conservateurs ! Ils mènent la fiscalité locale à sa perte et si j'étais un peu vicieux, je dirais qu'ils sont hélas ! entre les mains de hauts fonctionnaires du ministère des finances dont la stratégie est thatchérienne. Ce qu'ils veulent - et ils ont réussi depuis quinze ans, gouvernement après gouvernement, à faire passer leurs idées -, c'est financer les collectivités locales par des dotations indexées. Voilà leur conception de la démocratie locale : « Nous vous donnons une somme donnée, et vous vous démerdez avec ! » Telle n'est pas la conception de l'UDF. Pour notre part, nous nous sommes battus bec et ongles, lors de la réforme constitutionnelle, pour qu'une réelle autonomie fiscale soit assurée aux collectivités locales. Nous voulons des impôts locaux, à base locale, avec des taux fixés par les assemblées locales, dans la perspective d'une responsabilité des élus face aux citoyens.

Si nous nous tenons à ces concepts, peut-être pourrons-nous faire œuvre utile dans cette commission d'enquête. Voilà dans quel esprit le groupe UDF votera en faveur de sa création. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour ma part, j'ai pour l'instant la lourde charge de lutter contre la hausse des temps de parole ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais essayer d'en rester à dix minutes, ce qui va trancher avec mes prédécesseurs.

Il est extrêmement difficile de faire plus politicien que cette commission d'enquête « règlement de comptes », dont on a peine à imaginer qu'elle puisse aboutir à une analyse sérieuse des dégâts provoqués par le désengagement de l'État - même s'il ne date pas d'aujourd'hui, il est vrai -, du problème des recettes fiscales des collectivités locales et territoriales, de leur autonomie, et des responsabilités de l'État dans les domaines que nos concitoyens jugent prioritaires aujourd'hui, à savoir l'emploi, la pauvreté, la santé, les salaires et les services publics. Ce n'est pas ainsi que vous redorerez votre blason, largement terni par vos échecs aux élections régionales et cantonales ainsi que par vos lois de régression sociale, que vous qualifiez abusivement de « réformes ».

Ne pensez-vous pas qu'il aurait été plus utile de créer des commissions d'enquête sur le rapport entre les cadeaux accordés au MEDEF et les créations d'emplois ; sur les moyens d'éradiquer la pauvreté et d'assurer le droit de chacun à l'emploi et au logement ; sur les moyens à mettre en œuvre pour soigner toutes les personnes qui devraient normalement accéder aux soins et qui ne le peuvent pas ; sur l'impact comparé des baisses d'impôt et des hausses de cotisations sociales, des prix et des taxes sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens ; ou encore sur le coût pour notre société de l'exigence d'un rendement des actions à 15 % ou 20 % quand la croissance et l'inflation se situent à 2 % ?

Mais plutôt que de vouloir améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens, vous préférez monter une petite opération pour tenter de faire oublier que vous venez d'enclencher le plus grand processus de désengagement de l'État, au détriment des collectivités locales et des contribuables locaux. En réalité, pour pouvoir baisser l'impôt sur le revenu, qui est l'impôt le plus juste, et privilégier les plus favorisés, vous transférez des charges aux collectivités locales, ce qui contribuera à augmenter les impôts locaux, qui sont les plus injustes, car ils ne dépendent pas des revenus.

Vous prétendez que tout cela est faux. Pourtant, vous ne cessez de répéter que l'État doit se recentrer sur ses missions dites « régaliennes », c'est-à-dire la défense, la police et la justice. Cela veut bien dire que vous voulez opérer un transfert massif des autres compétences vers les collectivités.

Vous compenseriez ces transferts « à l'euro près », dites-vous. La formule est certes alléchante, mais vide de sens.

D'abord, parce que l'État a effectué et effectue toujours des transferts hors du cadre des lois de décentralisation. S'agissant du RMI, la dotation de l'État pour le conseil général du Cher sera en 2005 inférieure de 2 millions d'euros à ce qu'elle devrait être, soit trois points d'impôt. La nouvelle prime pour la retraite des sapeurs-pompiers volontaires, décidée par le Gouvernement, ne sera pas compensée, ce qui représente 320 000 euros à combler. Pour la région Centre, les transferts dans le domaine sanitaire et social sont prévus pour 2005. Or, avec le financement de la formation et des bourses destinées aux professions sociales ainsi que de trois établissements sociaux, l'écart entre la dotation de l'État pour 2004 et la dotation effectivement transférée pour 2005 est de 14,3 millions d'euros. Nous sommes loin du transfert à l'euro près.

Pour les années à venir, les transferts sont encore plus aléatoires. L'État prendra-t-il à sa charge la part employeurs des cotisations de retraite des personnels TOS ? Quant aux routes nationales, les transferts « à l'euro près » n'ont aucun sens. Il est prévu qu'ils se fondent sur les trois ou quatre dernières années d'investissement. Or, pour la portion de route nationale qui traverse ma circonscription, ils équivaudront à zéro car il n'y a eu aucun investissement de l'État pendant cette période.

Je pourrais multiplier les exemples pour vous démontrer qu'il s'agit d'un marché de dupes. Qu'en sera-t-il de l'application de la loi sur le handicap ? Et je ne parle pas de la SNCF qui vient de frapper à la porte des régions et de RFF qui augmente ses tarifs : faute de compensation intégrale par l'État, cela se soldera par un coût de 1 million d'euros pour la région Centre. Et nous n'avons pas tout vu car le plus gros de cette fausse décentralisation interviendra entre 2006 et 2008.

La création de cette commission d'enquête a pour but de répandre un épais brouillard sur une politique où, pour les uns, vous multipliez les cadeaux fiscaux et les exonérations de charges sociales, sans aucune contrepartie en termes de création d'emplois, afin de permettre d'accroître les dividendes des actionnaires, et, pour les autres, vous augmentez les prélèvements sociaux, les impôts locaux, les prix et les taxes. Comme vous n'assumez pas vos choix, vous vous lancez dans une opération de diversion en faisant porter le débat sur une augmentation des impôts locaux de six à dix euros par habitant selon les régions.

Mais pour mener à bien cette opération, vous vous engouffrez dans une faille, dont mon groupe tient à souligner l'importance. Cette faille, c'est la nécessité de la transparence et, au-delà, d'un grand débat citoyen sur la gestion de l'État et des collectivités territoriales. Et ce n'est pas une commission d'enquête qui réglera le problème.

Oui, il y a des engagements passés à tenir. Oui, il y a des ardoises à assumer. Je pense, au-delà de l'irresponsabilité politique dénoncée à l'époque par le Président de la République, au comportement financier irresponsable consistant à réduire les impôts locaux de manière irréfléchie simplement pour obtenir le soutien du Front national, comme l'ont fait quelques présidents de région qui sont de vos amis.

Pour tenir leurs engagements électoraux, les régions ont ce souci, pas forcément illégitime, de compenser les politiques désastreuses du Gouvernement en matière d'emplois, d'action sociale, et de services publics. Or il y a forcément des limites à vouloir pallier localement le fonctionnement d'une société qui se délite et pour laquelle la question consiste à redéfinir globalement ses buts et ses moyens. Les collectivités locales ne pourront jouer indéfiniment les pompiers des feux sociaux allumés par un gouvernement accroché à l'avenir des dividendes de quelques-uns.

Enfin, se posait la question de l'anticipation des transferts devant intervenir. Le groupe des député-e-s communistes et républicains propose de régler ces questions directement avec nos concitoyens. Avant toute décision, il faut informer, débattre, écouter, prendre en compte ce que pensent les habitants de nos régions, départements et communes. Je ne parle pas ici du Gouvernement qui nous a déjà démontré, après les élections de l'an dernier, que cet exercice n'était pas une de ses préoccupations. La transparence, la vérité, l'écoute, le débat : telle doit être notre ligne de conduite en toutes choses. Toute la gauche doit s'y soumettre si elle veut, demain, prétendre de nouveau gouverner le pays et surtout d'une autre façon et avec d'autres objectifs que ceux de la majorité d'aujourd'hui.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera naturellement contre la création de cette commission d'enquête, alibi de la majorité qui veut cacher aux Françaises et aux Français les conséquences de ses choix politiques.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le Président, madame la ministre, mes chers collègues, on peut le dire d'emblée, l'initiative de nos éminents collègues Bernard Accoyer et Pierre Méhaignerie nous semble non seulement utile mais nécessaire.

D'abord, parce que nous sommes arrivés sans doute à un moment-clé de la décentralisation. Depuis les premières lois de 1982-1983, en effet, les questions de fiscalité locale n'ont cessé de ponctuer l'actualité, tandis que des mutations considérables ont modifié l'environnement juridique et financier des collectivités locales.

L'intercommunalité, sous forme de groupements à fiscalité propre, a connu un développement notable depuis la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, et peut-être plus encore depuis celle du 12 juillet 1999 sur le renforcement de la coopération intercommunale. La population regroupée dans ces structures est ainsi passée à 50,7 millions d'habitants en 2004, contre 16 millions en 1993. Près de la moitié du produit de la taxe professionnelle est désormais gérée par les groupements à taxe professionnelle unique, tandis que l'intégration fiscale des autres établissements publics de coopération intercommunale a fortement progressé. Leur coefficient d'intégration fiscale est passé, en effet, de 16,59 % en 1998 à 24,46 % en 2004 concomitamment aux transferts de compétences, donc de responsabilités des communes vers les communautés.

Parallèlement, l'imbrication des compétences des collectivités locales avec celles de l'État s'est souvent maintenue, voire accrue. Il suffit pour s'en convaincre d'évoquer les cas à venir de la gestion du logement social, des services départementaux d'incendie ou encore des réseaux de trains express régionaux.

L'essor des politiques contractuelles, c'est-à-dire la mise en œuvre des contrats de plan et des fonds structurels européens, a ainsi conduit à modifier de manière substantielle l'environnement juridique, administratif et financier des collectivités locales. Alors que le développement des actions d'expérimentation sur le fondement de la loi organique du 1er août 2003 pourrait accentuer un mouvement d'assouplissement du cadre d'intervention des acteurs locaux, des évolutions normatives plus générales contraignent davantage les collectivités locales et pèsent, parfois lourdement, sur l'évolution des prélèvements, comme la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Si l'évolution de leurs ressources à moyen terme a permis aux collectivités locales d'assurer sans dégradation de leur autofinancement et de leur ratio d'endettement les dépenses nécessaires à leurs missions de service public - elles contribuent pour les deux tiers à l'investissement public et la hausse des taux prévue en 2004 sera sans doute limitée globalement à 1 % - le débat sur la fiscalité locale a ressurgi avec une vigueur particulière à l'occasion de l'acte II de la décentralisation et à la suite des initiatives prises par nombre d'exécutifs locaux issus des élections régionales et cantonales de mars 2004. L'approfondissement du processus de décentralisation renvoie, en effet, avec plus d'acuité, à la question des ressources des collectivités territoriales et conséquemment à la fiscalité locale.

On cite à l'envi les « quatre vieilles » pour suggérer le manque de modernité des quatre principaux impôts locaux. On revêt même, ici ou là, le paysage local d'un pudique « manteau d'Arlequin » pour évoquer la complexité du paysage fiscal local. Il me semble que le recours répété à ces expressions imagées traduit d'abord l'incapacité à définir de manière relativement simple et complète la réalité de la fiscalité locale. Celle-ci constitue pourtant la majeure partie des ressources des collectivités. Pour 2003, la part des impôts et taxes est estimée à 51,7 % de leurs recettes totales. La fiscalité locale se trouve ainsi au cœur du débat sur l'autonomie financière des entités locales et, à travers la responsabilité des décideurs, de celui portant sur la démocratie locale.

C'est dire l'utilité d'une commission d'enquête et sa nécessité, tant le caractère obsolète de certaines bases, la multiplication des dégrèvements et des exonérations, le partage de certains impôts par un trop grand nombre de collectivités, l'organisation complexe de la péréquation, en résumé la complexité globale du système fiscal local, amènent à s'interroger sur sa structure comme sur son évolution, sans oublier leurs conséquences sur les redevables que sont les ménages et les entreprises.

La constitution progressive d'un tel système fiscal, marqué par la stratification des mesures sur des bases demeurées relativement figées, conduit trop souvent à fausser le débat, chaque fois que les collectivités territoriales voient leurs compétences modifiées et leur système de financement aménagé.

L'évolution constatée de la fiscalité locale, qui est certes la principale, mais pas l'unique source de financement des collectivités territoriales, devra retenir au premier chef l'attention de la commission d'enquête. Cette dernière pourra s'attacher à mesurer les conséquences des décisions prises ces dernières années et dans la période la plus récente sur les acteurs économiques ainsi que sur le contenu et l'étendue de la responsabilité des collectivités territoriales dans leurs choix fiscaux. Elle pourrait se pencher en particulier sur les moyens de préserver l'autonomie financière de ces collectivités, de maintenir un lien avec l'activité des territoires, d'éviter des transferts de charge insupportables entres catégories d'acteurs, entre ménages et entreprises, mais aussi entre différents secteurs de l'économie, et d'accompagner financièrement le développement de l'intercommunalité.

La fiscalité locale et son évolution compteront pour beaucoup dans la définition de l'équilibre territorial des pouvoirs qui se dessine entre les différentes catégories de collectivités et l'État.

De cet équilibre dépendent la crédibilité et la pérennité de la démarche décentralisatrice. La minorité peut donc accepter sans crainte cette commission d'enquête dont le but est bien de nous éclairer en écartant toute lecture partisane des faits. Qui souhaiterait, en effet, s'opposer à la volonté d'y voir plus clair et de répondre aux trois questions : qui décide quoi ? qui fait quoi ? qui assume quoi ?

Le sujet est complexe, et nos concitoyens méritent mieux que des échanges de communiqués caricaturaux émanant d'un côté comme de l'autre. Dans ces circonstances, ayons recours à la force du débat parlementaire, d'autant plus sérieux qu'il sera nourri d'éléments incontestables.

S'il n'est pas toujours facile de rattacher les bonnes causes aux bons effets, la formule de Spinoza pourra peut-être nous y aider : Non ridere, non lugere, neque detestari, sed intellegere, c'est-à-dire « ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre. » Comprendre ici pour mieux agir.

C'est dans cet esprit, mes chers collègues, que je vous invite à adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur Piron, j'aurais beaucoup aimé que vous rédigiez vous-même l'exposé des motifs de cette proposition de résolution ! En effet, la façon dont vous posez la question me paraît tout à fait pertinente. En revanche, l'exposé des motifs de ce texte relève plutôt du parti pris...

M. Hervé Mariton, rapporteur. Oh !

M. Didier Migaud. ...de la démarche partisane et du procès en accusation que souhaitait faire l'UMP à l'encontre de certaines réalités régionales.

Le texte a été modifié utilement par la commission des finances et nous acceptons de nous situer dans ce cadre dès lors que cela peut contribuer à remettre à plat certains sujets, à assurer une plus grande transparence et à éviter les faux procès ou l'hypocrisie.

Toute personne objective reconnaît que la politique de l'État et la décentralisation représentent un coût pour les collectivités locales. D'ailleurs, Adrien Zeller reconnaissait lui-même, lors d'un débat auquel je participais avec M. Mariton, que la décentralisation et la politique de l'État pouvaient représenter une charge supplémentaire de 2 à 6 % pour les collectivités locales. Personne ne peut nier que le mode de calcul des charges et des ressources, la remise en cause de politiques publiques, le désengagement de l'État, l'augmentation des charges décidées par l'État, comme la journée de solidarité, ou encore les modifications du régime des primes, l'augmentation des retraites de la CNRACL, pèsent sur le budget des collectivités locales. Il en est de même lorsque l'État ou l'Europe retirent certains de leurs crédits.

J'ai entendu l'appel de Pierre Méhaignerie. Oui, il faut éviter toute hypocrisie, tout faux procès et toute caricature. Pourtant, madame la ministre, la semaine dernière, lors des questions d'actualité, répondant à un collègue UMP qui mettait en cause l'augmentation de la taxe d'habitation, vous n'avez même pas eu la courtoisie de signaler que la part régionale de cette taxe avait été supprimée par le gouvernement de Lionel Jospin. Et vous en avez même un peu rajouté.

Alors, il faut en finir avec cette hypocrisie. Ainsi, je me suis intéressé au Poitou-Charentes et je me suis rendu compte qu'à une certaine époque, la fiscalité locale y a augmenté de 100 % sur un seul exercice budgétaire. Vous allez peut-être m'expliquer pourquoi, madame la ministre.

M. Augustin Bonrepaux. C'est exorbitant !

M. Bernard Derosier. Qui présidait la région ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Même si l'image en a changé depuis quelques mois, le passé de cette région reste associé à la personnalité de l'actuel Premier ministre. Évitons donc l'hypocrisie et les faux procès pour nous interroger sur la cause de telles augmentations qu'il faut analyser, non pas seulement en pourcentage - et notre collègue de Courson a eu raison de le dire - mais aussi en niveau, pour mesurer la réalité de la charge supplémentaire qui pèse sur les contribuables.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Ce sont des excuses, mais pas des explications.

M. Didier Migaud. Précisément.

Comme le temps m'est compté, je termine en vous enjoignant de ne pas vous tromper de sujet. Faisons en sorte d'aller au fond des choses car, en se limitant à l'évolution de la fiscalité locale, on risquerait de passer à côté de l'essentiel.

Profondément archaïques et injustes, les impôts locaux doivent surtout être remis à plat, ce que, à quelques rares occasions près, nous n'avons pas eu le courage de faire. Il faut aussi revoir de fond en comble les relations entre l'État et les collectivités locales qui restent marquées par trop de non-dits. Nous devons également nous interroger sur l'organisation administrative et sur la clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivité. À cet égard, la loi de 2004 a été un rendez-vous manqué. Trop souvent, les niveaux de compétences s'empilent et une nouvelle répartition est sûrement nécessaire.

Si la commission d'enquête peut traiter l'ensemble de ces sujets, nous sommes tout disposés à y participer, en faisant abstraction de l'exposé des motifs, qui reflète un état d'esprit très partisan,...

M. Hervé Mariton, rapporteur. Analytique !

M. Didier Migaud. ...qui ne me paraît pas de mise dans le cadre d'une commission d'enquête, laquelle n'était peut-être pas la forme la plus appropriée. On voit bien pourquoi vous avez choisi cette formule qui vous permet de mettre en accusation, surtout en limitant le champ d'investigation aux seules régions. Heureusement, la proposition de résolution a été modifiée, et nous souhaitons travailler dans la transparence, c'est une nécessité, et en faisant en sorte de traiter l'ensemble des questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la création d'une commission d'enquête sur la fiscalité locale. En effet, nous éprouvons tous les plus grandes difficultés à réduire le poids des prélèvements obligatoires.

Il importe tout d'abord de les distinguer. Au premier rang d'entre eux, se trouvent les prélèvements de l'État qui, grâce à la maîtrise des dépenses, tendent à diminuer. Viennent ensuite les prélèvements sociaux qui, eux, ne peuvent qu'augmenter plus vite que la croissance sous l'effet du vieillissement de la population et...

M. Jean-Pierre Balligand. Des réformes !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...de la hausse du coût de la santé. Reste la fiscalité locale. Même à structure constante, elle a tendance, depuis une vingtaine d'années, à progresser davantage que la croissance. Elle affiche une dynamique qu'il nous faut considérer de plus près. Or, nous avons été nombreux à le dire, elle est complexe, opaque, dissimulée, et devient ipso facto source d'irresponsabilité.

L'un des principaux objectifs de la commission d'enquête sera d'analyser les phénomènes, de rechercher des correctifs, et d'exiger une plus grande transparence dans les mécanismes, en particulier au moment où nous allons engager une nouvelle et profonde réforme de la taxe professionnelle.

Je ne souhaite pas du tout entrer dans des considérations polémiques - le sujet est trop sérieux - mais je voudrais que la commission d'enquête insiste notamment sur deux points : d'une part, le transfert, en général masqué, de la charge de l'impôt local sur le contribuable national par le biais des dégrèvements et des exonérations ; d'autre part, l'éclatement de l'impôt local entre de multiples niveaux de collectivité, qui provoque celui de la responsabilité du taux de l'impôt local, et qui est source d'opacité pour nos concitoyens.

L'impôt local, c'est vrai, et Didier Migaud vient de le dire, est ancien, passablement archaïque, injuste car mal réparti. On en dénonce les méfaits, mais on n'a jamais su le réformer, et je pense en particulier à la révision des valeurs locatives.

M. Charles de Courson. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On a vu un tiers, l'État, intervenir de plus en plus pour gommer tout ce que l'impôt local pouvait présenter comme aspérités ou comme injustices insupportables. Il faut savoir que, aujourd'hui, l'État paye plus de 30 % de la taxe d'habitation, 25 % de la taxe professionnelle - malgré la suppression de la part salaires - et environ 5 % de l'impôt foncier bâti, ce qui signifie que le contribuable national vole au secours du contribuable local à due concurrence. Les mécanismes qui existent sont pervers dans la mesure où ils aboutissent à une véritable irresponsabilité. En effet, les compensations sont calculées sur la base des taux décidés localement.

Prenons l'exemple de la taxe d'habitation. Dans certaines villes où le nombre d'habitants dégrevés est extrêmement important pour des raisons sociologiques, les élus ont intérêt à augmenter fortement le taux de la taxe puisque cela n'a aucune incidence. La collectivité n'a aucun intérêt à faire preuve de modération fiscale : le contribuable national se substitue à l'électeur local qui ne paye pas l'impôt.

S'agissant de la taxe professionnelle, le phénomène est le même. Nombreuses sont les villes où les bases par habitant et, paradoxalement, les taux aussi, sont très élevés. Pourquoi ? Par le biais du plafonnement par rapport à la valeur ajoutée, c'est en réalité le contribuable national qui paye. Pierre Méhaignerie a eu raison de souligner que le contribuable national contribue cinq ou six fois plus au paiement de la taxe d'habitation dans les Alpes-Maritimes que dans le centre de la France. Et le constat est le même s'agissant de la taxe professionnelle.

À ce propos, je voudrais appeler l'attention sur un autre effet pervers. C'est même Didier Migaud qui vient de m'y faire penser ! (Sourires.) Il nous a dit à juste titre que la part régionale de la taxe d'habitation a été supprimée et qu'il n'y a pas lieu d'en parler. Mais je me souviens que, au printemps 2000, dans le cadre de l'examen d'un collectif budgétaire, deux régions n'avaient pas encore voté leur budget : le Nord-Pas-de-Calais et le Limousin. Qu'ont-elles fait ensuite ? Elles ont majoré fortement la taxe d'habitation sachant qu'elle allait être supprimée. Commettant une sorte de délit d'initié, elles ont misé sur une compensation de l'État qui serait calculée à partir de 2001 sur une base très élevée. Il vaut mieux ne pas s'étendre davantage. Et je ne suis pas le seul à penser, monsieur le président, qu'au moment du vote des taux régionaux de la taxe professionnelle, cette année, certains nourrissaient la même arrière-pensée puisque, parmi les propositions de la commission Fouquet, figurait la suppression de la part régionale. Ils s'en sont donné à cœur joie, en faisant un pari analogue.

M. Jean-Pierre Balligand. On l'a tous fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mes chers collègues, le bon sens et l'équité commanderaient que, ce que nous avons tous exigé dans la prise en compte des dépenses, c'est-à-dire un calcul pluriannuel sur trois ou cinq ans, nous l'exigions maintenant pour calculer une éventuelle compensation de taxe professionnelle pour 2005, au titre de la réforme.

Je conclus sur ce que dénonçait excellemment Michel Piron, à savoir l'éclatement de l'impôt entre collectivités territoriales. Là encore, la taxe professionnelle en est l'illustration : elle est perçue par la commune, l'intercommunalité, le département, la région, l'État lui-même par le biais de la cotisation nationale de péréquation, et les chambres de commerce. Comment voulez-vous que le contribuable s'y retrouve ? Et comment éviter des raisonnements du type de celui développé par Didier Migaud : après tout, ce sont des sommes tellement faibles en valeur absolue qu'elles ne méritent pas qu'on s'y arrête ?

M. Didier Migaud. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En raisonnant ainsi, on pourrait les augmenter de 50 %, comme dans le Centre et en Languedoc-Roussillon, puisqu'il ne s'agit finalement que de quelques euros.

M. Didier Migaud. Je n'ai pas dit ça !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sachez, chers collègues, qu'en fiscalité comme ailleurs, les petits ruisseaux font les grandes rivières, et même les grands fleuves.

J'espère que, dans un souci d'objectivité et de transparence, grâce à un travail collégial, la commission d'enquête nous fera progresser vers une véritable et nécessaire réforme de la fiscalité locale, pour que le citoyen soit mis en relation directe avec ceux qui décident localement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Compte tenu de ce que je viens d'entendre, je vais m'efforcer de répondre à la fois comme député socialiste et comme co-président de l'Institut de la décentralisation. Je n'apprécie guère le procès d'intention qui est fait aux collectivités territoriales.

La première priorité n'est pas le respect de l'autonomie fiscale ou financière des collectivités, mais celui du suffrage universel. Que l'Assemblée nationale étudie l'évolution des finances locales, c'est son rôle. Mais les propos de M. le rapporteur, qui est en quelque sorte la version masculine de Mme Thatcher...

M. Hervé Mariton, rapporteur. C'est un compliment !

M. Jean-Pierre Balligand. ...ne m'étonnent guère. Il s'est toujours réclamé du libéralisme. Au moins avez-vous ce courage, monsieur Mariton. Dans vos propos, j'ai reconnu le thatcherisme, y compris dans vos conceptions sur les relations entre l'État et les collectivités. Dans ce domaine, on raconte souvent des balivernes sur la prétendue correspondance entre décentralisation, ou autonomie des collectivités, et libéralisme économique. Ce lien n'existe pas, en tout cas dans l'esprit de Mme Thatcher.

J'aborderai maintenant plusieurs points.

Le premier concerne l'évolution de la fiscalité départementale. Comme Didier Migaud et Augustin Bonrepaux l'ont rappelé, il convient de prendre en compte cette évolution dans la durée, par-delà tous les procès d'intention. Pour Adrien Zeller et moi-même, qui coprésidons depuis dix ans l'Institut de la décentralisation, l'inquiétude porte non sur les régions, madame la ministre, mais sur les départements, et elle concerne, non l'année 2005, mais les années 2006 et 2007.

M. Augustin Bonrepaux. Très juste !

M. Jean-Pierre Balligand. J'ai toujours tenu des propos d'une très grande clarté, y compris lorsque j'étais dans la majorité. Personne ne saurait me reprocher le contraire. Nous sommes inquiets en particulier du fait de la départementalisation de l'APA et des SDIS - l'attitude des ministères de l'intérieur, sous tous les gouvernements, a toujours consisté à répondre aux demandes des organisations de sapeurs-pompiers. Aujourd'hui, s'agissant des sapeurs-pompiers volontaires, personne dans ce pays ne proteste.

J'ai été président de conseil général et je sais que le montant des dépenses et leurs conséquences sur la pression fiscale doivent être examinés de près.

M. Charles de Courson. On en remet toujours une couche !

M. Jean-Pierre Balligand. Sinon, il faudra instaurer une taxe afin de rendre les dépenses lisibles par les citoyens.

M. Charles de Courson. C'est une question de responsabilisation !

M. Jean-Pierre Balligand. Il faut prendre garde aux transferts de charges qui s'effectuent actuellement vers les départements et qui ont été, pour certains, réclamés par les présidents de conseils généraux eux-mêmes.

Le transfert aux départements des routes nationales est-il une bonne chose ? En tant que président de l'Institut de la départementalisation, je n'en suis pas certain. Les routes nationales qui seront transférées aux départements ne seront pas les routes stratégiques. Ces dernières, qui ont généralement fait l'objet d'investissements au cours des années antérieures dans le cadre des contrats de plan, et ce afin de moderniser le réseau, seront conservées par l'État. En fait, je dirais de façon triviale que celui-ci refile aux collectivités les routes nationales qui sont en mauvais état.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Mais non !

M. Jean-Pierre Balligand. Et que dire du transfert des charges relatives à l'équipement qui relevaient jusqu'à présent de l'État ? Étant donné le taux d'occupation des postes dans les subdivisions de l'équipement sur l'ensemble du territoire français, un tel transfert ne peut que susciter une profonde inquiétude pour ce qui est de la fiscalité des départements.

Les départements devront par ailleurs prendre en charge les TOS.

Je ne fais pas de procès d'intention, mais il est un fait que les départements auront à assumer en 2006 et en 2007 de lourdes charges. Si une explosion fiscale est à prévoir, elle concernera la fiscalité départementale, quelle que soit, par ailleurs, la majorité politique qui dirige les départements - la moitié d'entre eux est dirigée par la gauche, l'autre par la droite. La base de la fiscalité départementale affecte en effet l'ensemble des ménages, lesquels paient la taxe d'habitation. De surcroît, l'ensemble des entreprises, des agriculteurs et des propriétaires est également assujetti à la fiscalité départementale, puisque cette collectivité perçoit les quatre taxes.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Il appartient aux départements d'être plus sages ! Les dépenses ne peuvent pas monter jusqu'au ciel !

M. Jean-Pierre Balligand. Or je crains que la fiscalité des départements n'augmente de 10 à 20 % en 2006 et en 2007, en raison des transferts qui seront effectués et des réalisations qui devront être opérées. Rappelons-nous ce qui s'est passé pour les collèges et les lycées. Je le répète : je ne fais aucun procès d'intention, mais les faits sont là. Le transfert de charges dans des domaines où l'État n'a pas investi depuis longtemps entraîne une hausse de la fiscalité locale, comme cela s'est déjà vérifié en 1982 et au cours des années suivantes.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Des choix de gestion doivent être opérés !

M. Jean-Pierre Balligand. J'y viendrai, monsieur le rapporteur, mais il s'agit là d'une autre question.

Le deuxième problème que je souhaite examiner a été abordé aussi bien par M. Mariton, que par MM. Méhaignerie, Migaud, Bonrepaux, Carrez ou de Courson. Il s'agit d'un problème de fond, puisqu'il a trait à la multiplicité des compétences, et vous l'avez tous dénoncé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La majorité - en tout cas l'UMP - a bien voté l'acte II de la décentralisation !

M. Charles de Courson. Pas l'UDF !

M. Jean-Pierre Balligand. Je ne vous intègre pas tout à fait dans la majorité, monsieur de Courson !

M. Richard Mallié. Vous nous avez empêchés de voter en faisant de l'obstruction !

M. Jean-Pierre Balligand. Chacun sait qu'il y avait le bazar chez vous à propos du texte sur la décentralisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. C'est vous qui avez mis le bazar !

M. Jean-Pierre Balligand. Vous avez fait le procès de l'acte II de la loi Raffarin ! Voilà la vérité ! Vous avez regretté que les compétences soient à ce point croisées qu'elles forment comme une sorte de mille-feuilles fiscal.

M. Hervé Mariton, rapporteur. La décentralisation, c'est un pari que l'on peut gagner, mais que vous pouvez faire échouer !

M. Jean-Pierre Balligand. En tant que président de l'Institut de la décentralisation, je m'interroge depuis longtemps sur ce texte, dont la conséquence est l'explosion fiscale.

Peut-être avez-vous fait voter ce texte pour désengager l'État et pour permettre la baisse de la fiscalité nationale, en opérant une sorte de tour de passe-passe au détriment des collectivités. Vous avez réclamé que les compétences soient clairement définies mais qu'en est-il en ce qui concerne la compétence économique, traitée à l'article 1er du projet de loi relatif aux responsabilités locales ? Alors que les régions ont toujours réclamé cette compétence et que M. Raffarin a toujours défendu cette position, elle leur a été retirée au dernier moment, c'est-à-dire en fait au lendemain des élections régionales. Vous avez préféré ne rien changer du tout, ce qui n'est pas un progrès ! Cette question devra évidemment être retravaillée.

M. Carrez connaît les thèses que quelques universitaires et moi-même défendons en ce qui concerne la compétence économique. Quelques députés de sensibilités politiques différentes ont en effet créé au sein de l'Institut de la décentralisation un groupe de travail sur le sujet. Une chose est sûre : dans un pays où il n'existe pas de compétences spécialisées et où toutes les collectivités veulent exercer toutes les compétences, il y a forcément un véritable imbroglio. Pour ma part, je continue de défendre l'idée qu'il faut mettre en place des couples : ainsi, en matière d'action économique, un couple pourrait être formé par la région et l'intercommunalité. Si l'on veut sauver la décentralisation, il est temps de spécialiser les compétences.

L'acte II de la décentralisation, façon Raffarin, peut tuer la décentralisation ! D'une certaine façon, vous avez fait le procès de cette décentralisation, même si vous avez soutenu le contraire. Si l'on veut que la commission d'enquête débouche sur des propositions concrètes, en dehors de tout procès d'intention lié à la couleur politique de telle ou telle collectivité, il lui faudra s'attaquer au cœur du sujet. Et ce dernier, ce peut être le social. Ainsi, puisque la question sociale concerne aussi bien les départements que les communes, la taxe d'habitation doit leur revenir. En revanche, en matière d'action économique, la taxe professionnelle doit aller à la région et à l'intercommunalité. Il conviendra, à un moment donné, que l'on simplifie l'attribution des compétences. Comment voulez-vous que les départements continuent à l'avenir à être chargés de l'action sociale, du transport, de la gestion des TOS, des collèges, du service départemental d'incendie et de secours et de l'APA, et interviennent, de surcroît, en matière économique, pour permettre l'ouverture d'un atelier, d'une usine ou d'un call center ?

Ayez le courage de remettre à plat toutes ces questions - nous voulons bien vous y aider - afin de formuler des propositions claires en la matière.

Je souhaite conclure sur une véritable interrogation. C'est dommage que M. Méhaignerie soit parti, car voilà plusieurs années que je siège à la commission des finances et je lui aurais rappelé le numéro que l'on nous avait joué à l'époque sur l'atteinte que porterait à l'autonomie fiscale la mise en place du dispositif Strauss-Kahn de suppression de la part salaire. Nous étions quelques uns, peu nombreux, - Didier Migaud et moi-même, et quelques autres sur d'autres bancs -, à appeler à la prudence.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Jean-Pierre Balligand. En tant que président de l'Institut de la décentralisation, j'avais défendu l'autonomie financière et non l'autonomie fiscale,...

M. Charles de Courson. Oui !

M. Jean-Pierre Balligand. ...parce que je pensais déjà à cette époque que l'autonomie fiscale était une question dépassée : en raison du niveau de compensation par l'État de la fiscalité locale, il n'existait déjà plus de véritable autonomie fiscale. J'avais alors souhaité que l'on puisse donner des garanties constitutionnelles, comme c'est le cas dans le cadre de la loi fondamentale allemande.

Toutefois, lors de la réforme constitutionnelle, l'UMP a opéré un véritable tour de passe-passe. Même M. de Courson a « canné » à la fin, et c'est dommage.

M. Charles de Courson. Non !

M. Jean-Pierre Balligand. L'UMP a inventé l'autonomie fiscale, qui s'est réduite à l'autonomie financière, c'est-à-dire à la garantie par l'État de dotations compensées à l'instant T, mais plus par la suite. C'est ce que nous nous sommes évertués à dire avec M. de Courson, même si celui-ci a cédé, au dernier moment.

M. Charles de Courson. Non ! J'ai parlé d'un Canada dry fiscal ! Et l'UDF a voté contre la loi organique !

M. Jean-Pierre Balligand. Vous avez voté contre la loi organique, mais si notre amendement avait été adopté, cela aurait permis de régler la question. Quant au Sénat, qui est chargé de défendre les collectivités locales, il ne s'est pas, lui non plus, bien conduit en la matière. Il faut cesser de raconter des histoires : seule subsiste aujourd'hui l'autonomie financière.

Il est fondamental de donner plus de cohérence à la fiscalité locale, afin de permettre une véritable lisibilité citoyenne.

M. Philippe Auberger. Une lisibilité citoyenne ?

M. Jean-Pierre Balligand. Oui, une lisibilité citoyenne !

Il est fondamental que le citoyen comprenne quelque chose à la décentralisation. Cessons de raconter, à l'Assemblée ou dans nos colloques, que la décentralisation coûte moins cher ! C'est un immense bobard ! D'ailleurs Adrien Zeller, qui appartient pourtant à la majorité, ne défend pas cette idée. Pour lui, la décentralisation permet une meilleure efficacité de l'action publique et il a raison. L'efficacité de l'action publique est en effet meilleure dans le cadre de la décentralisation. Mais n'allons pas dire qu'elle coûte moins cher ! Il suffit d'en dresser le bilan sur plusieurs années pour s'en convaincre. Telle est la vérité.

En tant que socialiste, mais également en tant que coprésident, avec Adrien Zeller, de l'Institut de la décentralisation, je ne crois pas à la baisse des impôts dans le cadre de la décentralisation. Ce que vous avez dit tout à l'heure sur le sujet, monsieur Mariton, est erroné. Au reste, vos collègues qui s'occupent depuis des années de la décentralisation ne partagent pas votre point de vue. La décentralisation ne coûte pas moins cher, mais elle permet d'être plus efficace. En outre, il convient de la rendre lisible par les citoyens. Telles sont les raisons pour lesquelles il faut simplifier la répartition des compétences.

Au-delà, peut-être conviendrait-il d'examiner la question de la spécialisation des compétences des collectivités. C'est une question qui doit être traitée en urgence. Il faut s'attaquer à la clause de compétence générale. Aujourd'hui, de nombreux départements craignent l'explosion de leur fiscalité, non pour 2005 - il n'y aura pas encore de transferts -, mais pour 2006 et 2007,...

M. Jean-Marc Nudant. C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Balligand. ...où l'on risque d'assister à de fortes augmentations. Comme la base de la fiscalité locale est large, les contribuables ressentiront davantage le poids de cette explosion. La question de la spécialisation des compétences et celle de la spécialisation, par couple, des impôts se posent de façon urgente.

Madame la ministre, il est encore temps, en dépit du rapport de la commission Fouquet sur la réforme de la taxe professionnelle, de ne pas supprimer cette taxe pour la région. Une telle suppression n'aurait aucun sens ! L'action économique concerne nécessairement l'intercommunalité et la région. La suppression de la taxe professionnelle pour les régions irait dans le sens contraire de ce qui doit être fait !

En revanche, la commune, l'intercommunalité par délégation et le département sont les niveaux pertinents pour l'action sociale : la taxe d'habitation doit donc leur revenir. Je serais heureux que cette commission d'enquête nous permette d'avancer sur ce point.

Cependant, je le répète, il faut éviter à tout prix de jouer sur la courte durée. Vous ne pouvez pas vous concentrer sur la fiscalité régionale car sinon, dans un an, inéluctablement, c'est celle des départements, de quelque bord que soit le conseil général, qui augmentera, à moins que l'on ne se conforme aux recommandations de M. Mariton et que l'on abaisse le financement de l'action publique locale - mais alors, mes chers collègues de la majorité, c'est au lien social que vous toucherez.

Aujourd'hui, les collectivités ont atteint un certain degré de compétence. Elles « savent faire ». La période 1982-1985, où l'on rêvait encore au tout-décentralisation, est révolue. On ne peut plus accuser les élus territoriaux de faire n'importe quoi.

Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mes chers collègues, mais je voulais traiter la question avec sérieux et sans sectarisme. Les travaux de cette commission doivent déboucher sur des propositions concrètes pour éclairer l'action publique.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous partageons cette analyse.

M. Jean-Pierre Balligand. Attention aux « effets boomerang ». Gardons-nous de faire le procès des 20 ou 30 % d'augmentation des impôts régionaux. Ce n'est pas rien, certes, mais quand on a un mandat de six ans pour diriger une collectivité, il peut arriver que l'on décide d'anticiper les transferts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Quel culot !

M. Jean-Pierre Balligand. Nous avons tous des responsabilités locales, mes chers collègues. Nous savons gérer une collectivité ! Alors, pas de langue de bois !

Mon inquiétude, je le répète, porte sur les ressources des départements ainsi que sur la multiplicité et l'entrecroisement des compétences des collectivités. Il convient donc de simplifier les dispositifs, de s'attaquer à la clause de compétence générale, de spécialiser les compétences et de spécialiser les impôts par couples. Si elle fait cela, on pourra dire que votre commission d'enquête aura obtenu des résultats concrets. C'est en tout cas ce que je souhaite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'apprécie et respecte beaucoup Jean-Pierre Balligand, mais j'ai pu mesurer en l'écoutant les différences fondamentales qui existent entre nous. Dire que le lien social, c'est la dépense, ce n'est évidemment pas notre conception !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Augustin Bonrepaux. Vous auriez mieux fait de l'écouter !

M. Marc Laffineur. Pour moi, ce sont avant tout les rapports humains qui permettent de résoudre les difficultés.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous avons bien compris : surtout pas d'argent !

M. Marc Laffineur. Je remercie Pierre Méhaignerie et Bernard Accoyer pour leur initiative salutaire. La création d'une commission d'enquête chargée d'apprécier l'évolution de la fiscalité locale permettra d'établir en toute objectivité l'origine de l'augmentation de la fiscalité locale et régionale.

Les collectivités locales doivent participer au même titre que l'État à l'effort national de maîtrise des dépenses publiques et de réduction du déficit public. C'est la raison pour laquelle j'ai adhéré, en tant que maire, au pacte de stabilité de la fiscalité locale qui a été lancé par notre collègue Hervé Mariton et dont les signataires s'engagent à ne pas augmenter les impôts locaux dans les trois années à venir - il est vrai que cela fait quinze que je n'ai pas augmenté ceux de ma commune ! Plus de cent cinquante élus locaux ont ratifié ce pacte à ce jour,...

M. Hervé Mariton, rapporteur. Deux cents !

M. Marc Laffineur. ...témoignant ainsi que l'augmentation de la fiscalité n'a rien d'inéluctable mais correspond le plus souvent à des promesses électorales ou à un certain laxisme.

Lors de la précédente législature, lorsque l'opposition actuelle était au pouvoir, dix-neuf impôts et taxes ont été créés. En 2000, la France a battu un record en matière de prélèvements obligatoires puisque ceux-ci ont atteint 45,5 % de la richesse nationale. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a donc dû faire face à une explosion des déficits budgétaires. De nombreux transferts de charges par l'État n'avaient pas été financés : ainsi, le gouvernement Jospin avait prévu de transférer 800 millions d'euros aux départements pour financer l'allocation personnalisée d'autonomie alors que cette compétence a coûté 2,5 milliards d'euros en 2003 ! En imposant les 35 heures sans concertation à la fonction publique territoriale, ce même gouvernement a fait exploser durablement les charges de personnel. Dans les départements et les régions, celles-ci ont augmenté de 8,9 % en 2002 et de 7,9 % en 2003. Depuis 1992, 200 000 postes ont été créés dans la fonction publique territoriale. Les 35 heures expliquent très largement l'accroissement de la contribution des communes, regroupements de communes et départements au financement des services départementaux d'incendie et de secours, qui a presque triplé sous le précédent gouvernement, passant de 1 à 2,7 milliards d'euros entre 1997 et 2002.

Qui plus est, la gauche au pouvoir a mis à mal l'autonomie financière des collectivités locales en transformant une grande part des recettes fiscales locales en dotations de l'État : suppression de la vignette, de la part régionale de la taxe d'habitation. Au total, ce sont plus de 14 milliards d'euros de recettes fiscales qui ont été retirés aux collectivités locales.

En 2003, les quatre régions où les impôts étaient les plus élevés étaient gérées par la gauche : Midi-Pyrénées, Limousin, Nord-Pas-de-Calais et Aquitaine. À la veille des dernières élections régionales, la fiscalité des régions de gauche était supérieure de 10 % à celle des régions de droite. Il en va de même pour les départements : le Gers, la Creuse, les Alpes-de-Haute-Provence et la Haute-Corse sont les quatre départements où la fiscalité a le plus augmenté ces dernières années.

Il est donc temps de mettre fin à ce faux procès que la gauche nous intente depuis la mise en œuvre de l'acte II de la décentralisation par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin : pour toutes les compétences qui seront transférées aux collectivités locales, l'État versera les sommes correspondantes, calculées à l'euro près. Cette compensation est désormais inscrite dans la Constitution et garantie par la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités locales. L'État ne pourra plus se dérober à ses responsabilités. En 2005, d'ailleurs, les compétences transférées ne concernent que 400 millions d'euros, soit à peine 2,85 % des dépenses des régions. En ce qui concerne les TOS, si la gestion de ces personnels est effectivement confiée aux collectivités locales, ils continueront à être payés par l'État jusqu'en 2008. À compter de 2006, ils disposeront de deux ans pour opter ou non pour leur intégration dans la fonction publique territoriale. Ce transfert était déjà préconisé par le rapport Mauroy remis à M. Jospin en 2000.

Dans ces conditions il est difficile, pour les présidents de région de gauche, de justifier de telles hausses, s'échelonnant de 15 à 30, voire 50 %, alors que dans les deux seules régions de droite, la Corse et l'Alsace, l'augmentation est de 0 et 2,5 % !

De plus, le Gouvernement transfère aux collectivités territoriales une fiscalité dynamique dont elles pourront de fixer les taux : une partie de la TIPP reviendra aux régions - 400 millions d'euros en 2005 - et la taxe sur les conventions d'assurance - 126 millions - sera perçue par les départements. Si le rendement de ces taxes venait à diminuer, l'État compenserait cette perte de ressources. L'effectivité de ce droit à compensation sera vérifiée par la toute nouvelle commission consultative d'évaluation des charges, émanation du comité des finances locales.

Aussi les hausses de la fiscalité régionale ne peuvent-elles s'expliquer que par les promesses électorales des nouveaux exécutifs régionaux : création d'« emplois tremplins », gratuité des livres scolaires, toutes mesures qui peuvent se justifier, mais qui ne sont en aucun cas du ressort des compétences de l'État.

M. Patrice Martin-Lalande. Eh oui !

M. Marc Laffineur. À moins que certaines régions ne cherchent à se constituer en première année de mandat une « cagnotte fiscale »...

M. Jean-Marc Nudant. Une spécialité des socialistes !

M. Marc Laffineur. Mentionnons également l'augmentation non négligeable des frais de fonctionnement de certains conseils régionaux.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument !

M. Marc Laffineur. Plutôt que d'imputer toute la faute à la décentralisation, mieux vaudrait que chacun assume ses responsabilités. C'est aussi le but de cette commission d'enquête qui, je l'espère, permettra de rétablir la vérité aux yeux des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Si nous avons voté la loi de décentralisation, c'est que nous avons parié sur l'efficacité. Ce pari, il est possible de le gagner ou de le perdre. On a cité M. Adrien Zeller, président du conseil régional d'Alsace, qui préconise un meilleur fonctionnement de la décentralisation plutôt que la réduction des coûts : voire ! La fiscalité locale de la région Alsace n'augmente que de 2,5 %, ce qui est tout de même « moins pire » que la hausse proposée par le président du conseil régional de Septimanie ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

S'il est permis de traduire le fonctionnement des collectivités locales en termes de coûts - ce sera d'ailleurs une des tâches de la commission d'enquête -, ce n'est pas ainsi que la plupart d'entre nous envisagent le problème. La commission d'enquête devra avant tout démontrer qu'il est possible de réussir le pari de la décentralisation et que celle-ci n'est pas seulement une source d'angoisse.

Quoi qu'il en soit, en matière de recettes et de dépenses, il arrive bien un moment où l'on doit prendre ses responsabilités : l'augmentation de la fiscalité locale que l'on constate dans les régions aujourd'hui n'est pas une fatalité. Il n'y a pas de réalité sans cause : d'où cette proposition de création d'une commission d'enquête. Nos concitoyens ne doivent pas croire que nous sommes soumis à une fatalité ou à un « sens de l'histoire » en vertu desquels l'augmentation de la fiscalité locale serait inéluctable. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'y a pas de fatalité : chacun doit pouvoir s'expliquer et assumer ses responsabilités. C'est une affaire de choix politique ! Accuser sans cesse les autres revient à dire que ce n'est la faute de personne. L'État étant le principal contributeur des finances des collectivités locales, on a parfois le sentiment, au niveau local, que c'est le roi de Prusse qui paie. De telles analyses sont profondément déresponsabilisantes.

J'espère aussi que les travaux de la commission d'enquête nous permettront d'être plus respectueux de l'intérêt conjoint de l'État et des collectivités locales au sein de la nation. M. Balligand a déjà, en tant que président de l'Institut de la décentralisation, fait valoir ce point de vue.

Pourquoi, et cela m'a toujours frappé, avons-nous tant de difficultés, dans cet hémicycle, à nous départir d'une attitude « syndicale » lorsque nous abordons le débat entre l'État et les collectivités locales ? Que les collectivités locales aient des revendications qui s'expriment dans un discours syndical, c'est tout à fait légitime. Mais ensuite, il convient de distinguer les choix de l'État, ceux des collectivités locales et, à partir de ces choix, d'apprécier l'intérêt de la nation.

La commission d'enquête créée par l'Assemblée nationale devrait être à même d'exprimer la position de la nation sans être prisonnière d'un débat de nature syndicale ou d'un affrontement comptable entre l'État et les collectivités locales. La comptabilité est tout à fait essentielle, mais elle ne peut pas résumer le débat.

Dans les mois qui viennent, nous aurons l'occasion de dresser un constat, d'analyser les causes et de proposer les remèdes s'agissant de l'évolution de la fiscalité locale.

Cela dit, je me bornerai à appeler l'attention de tous sur le fait que, malgré tout notre talent, la commission d'enquête ne sera peut-être pas à même de refaire l'édifice qui a été décrit tout au long de la matinée.

Elle devra rendre compte de l'évolution de la fiscalité locale, ce qui constitue un vaste sujet. Sachons mesurer l'ambition de la commission d'enquête. Un travail important nous attend, qui engage notre responsabilité envers les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le président, mesdames et messieurs le députés, permettez-moi tout d'abord de saluer cette initiative et de remercier tout particulièrement M. Bernard Accoyer, M. Pierre Méhaignerie, le président de la commission des finances, M. Hervé Mariton, qui en est le rapporteur, ainsi que l'ensemble des orateurs qui, sans esprit partisan, sont intervenus de manière constructive dans cet intéressant débat.

Comme l'a dit M. Méhaignerie, il s'agit d'abord de promouvoir une citoyenneté active, fondée sur la responsabilité, et d'abord celle des décideurs politiques.

La création de cette commission d'enquête répond à une double préoccupation : tout d'abord, disposer d'une information lisible, objective sur les conditions des choix effectués en matière de fiscalité locale, afin qu'ils puissent être assumés en toute transparence ; ensuite, identifier les diverses causes de l'évolution de cette fiscalité, à un moment où notre réflexion commune vise à renforcer le contrôle de la dépense publique.

Je désire faire une remarque s'agissant de la distinction entre les impositions nationales et les impositions locales. Comme l'ont dit le président de la commission et le rapporteur, le contribuable est toujours le même. Mais le développement significatif de la décentralisation implique que le contribuable local soit plus proche des décisions qui concernent son environnement immédiat. Cette distinction doit donc être lisible pour chacun.

Alors que, dans notre pays, s'ouvre un grand débat sur l'Europe, je voudrais rappeler un point trop souvent méconnu, tout au moins du grand public : pour se conformer aux exigences de transparence communautaire, la France a été amenée à préciser, au sein des comptes de la nation, la part des prélèvements obligatoires revenant aux administrations publiques locales. Celle-ci ne contient plus les transferts de l'État. La loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales est venue encore préciser ce qu'on entend par ressources propres des collectivités territoriales en apportant les moyens de les préserver. L'imposition locale est donc définie avec clarté et elle participe désormais au programme de stabilité que la France est tenue de présenter au Conseil européen en y joignant ses indicateurs de politique budgétaire et fiscale. Notre pays s'est engagé, à ce titre, pour la période 2006-2008, à stabiliser ses prélèvements obligatoires à 43,7 % du PIB. Les collectivités locales y comptent pour 5,1 %. Notre effort commun doit donc demeurer celui d'une maîtrise des prélèvements obligatoires qu'autorise une affectation plus efficace de la dépense publique. La clarification des compétences entre collectivités publiques, les nouveaux modes de gestion des services publics locaux et le développement de l'intercommunalité doivent concourir à cet objectif.

Je partage votre avis selon lequel l'évolution de la fiscalité locale ne saurait être appréhendée sur une trop courte période. Les cycles électoraux, les transferts des ressources fiscales entre l'État et les collectivités locales peuvent modifier ponctuellement une analyse qui, elle, doit reposer sur le long terme.

La pression fiscale locale s'était stabilisée pendant une longue période à partir de 1997, et les collectivités locales ont, depuis lors, privilégié leur désendettement et la préservation d'un autofinancement solide comme préalables à leurs projets d'investissement. Elles assument d'ailleurs, aujourd'hui, plus de 70 % de l'investissement public, et ce pourcentage augmentera encore avec les nouveaux transferts de compétences.

Or je suis inquiète de constater, comme l'a dit le président Méhaignerie, que la pression fiscale des régions connaît une hausse déraisonnable. Il faut que les citoyens sachent qui est responsable de quoi. C'est cela la démocratie. Elle ne peut reposer que sur la clarté.

Il faut s'inspirer de l'ensemble des données pour aborder le financement actuel des compétences décentralisées. L'État transférera en effet une partie de ses ressources fiscales pour accompagner cette mutation qui abondera les ressources propres des collectivités locales. Ces impositions constituent des ressources réellement dynamiques sur le long terme. Là encore, il ne faut pas se fixer ponctuellement sur l'analyse du dernier trimestre écoulé - analyse d'ailleurs contredite par la suite. Dans le même temps, le décroisement des financements publics, grâce à la décentralisation, permet une affectation plus efficace des ressources.

Je conclurai sur un point d'actualité, qui concerne l'année 2005. Votre proposition de résolution part d'un débat sur le financement de la décentralisation. Mais l'esprit de la commission d'enquête que vous avez souhaité créer est beaucoup plus large. Aussi faut-il bien la distinguer des instances de concertation, comme la commission consultative d'évaluation mise en place le 8 février 2005 et qui commence actuellement son travail d'évaluation.

Les questions qui ont conduit à la création d'une commission d'enquête sur la fiscalité locale doivent faire l'objet d'un large consensus car il s'agit de clarifier l'élément fiscal au sein des différents niveaux de collectivités, des EPCI, dont les compétentes ont pu paraître parfois enchevêtrées. Par ailleurs, il convient de préciser le rôle de l'État au sein de la fiscalité locale. Enfin, il faut distinguer de façon transparente les choix politiques propres à chaque exécutif.

L'État apportera tout le soutien nécessaire à l'information de votre assemblée, et toutes les précisions qui lui seront utiles dans les investigations de cette commission. Les conclusions de cette dernière permettront, je n'en doute pas, de replacer le débat de la fiscalité locale sur des bases objectives et contribueront à clarifier les décisions de chacun dans cette période importante de mise en œuvre de l'acte II de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Proposition de résolution tendant à la création
d'une commission d'enquête sur l'évolution
de la fiscalité locale, de ses conséquences
sur le pouvoir d'achat des ménages et sur la vie
des entreprises, ainsi que sur les conditions
d'une responsabilité mieux assumée
des décideurs.

Article unique

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, inscrit sur l'article unique.

M. Augustin Bonrepaux. Nous avions déposé des amendements en commission, qui ont été repris dans le texte de la proposition de résolution. Voilà pourquoi nous y sommes favorables.

Nous allons pouvoir remonter jusqu'en 2001, voire au-delà. Mais déjà, si on remonte en 2001, on risque d'être surpris. Quand on compare les augmentations d'imposition, on s'aperçoit que tous les départements qui ont procédé à des augmentations de plus de 8 % sont des départements de droite ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Laissez la commission travailler !

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi les uns auraient augmenté leur imposition, et pas les autres ?

M. Richard Mallié. Et l'Ariège ?

M. Augustin Bonrepaux. En Ariège, l'augmentation a été de 3 %.

Pourquoi l'augmentation a-t-elle été de 11 % dans le Jura, de 28 % dans le Lot-et-Garonne, de 12 % dans le Rhône et de 20 % en Haute-Savoie ? Pourquoi les départements les plus aisés ont-ils augmenté leurs impôts ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La commission le dira !

M. Marc Francina. À cause de l'APA !

M. Augustin Bonrepaux. Je suis prêt à accepter la comparaison avec tous les départements de gauche, qui sont, pour la plupart, restés en dessous de 5 %.

M. Alain Gest. Ils avaient augmenté leurs impôts les années précédentes !

M. Augustin Bonrepaux. Il y a certainement des raisons. Mais il faut les connaître. Je ne porte pas d'accusation. Pourquoi protestez-vous ? Il me semble en effet important de revenir sur ces années-là. Peut-être sera-t-il intéressant de remonter en 1990.

M. Richard Mallié. Pourquoi pas aux calendes grecques ?

M. Augustin Bonrepaux. Par exemple, en 1989-1990, la région Poitou-Charentes a augmenté ses impôts de 100 %. Mme la ministre n'a pas pu nous préciser quel en était alors le président. Il serait intéressant de le savoir et de savoir quelles étaient ses raisons.

L'autre objet de nos amendements était de déterminer les causes de ces augmentations. Tout à l'heure, le rapporteur a comparé l'Alsace et la Septimanie - le Langedoc-Roussillon. Je veux bien qu'on compare, mais comparons d'abord les bases, c'est-à-dire les ressources respectives de ces deux régions. Je veux bien aussi qu'on examine ce qui s'est passé lors des années précédentes, quand la co-gestion avec le Front national a contraint le Languedoc-Roussillon à baisser progressivement ses taux d'imposition. Je veux bien enfin qu'on étudie les conséquences des décisions prises au début de 2004 : on sait déjà qu'elles ont conduit à des difficultés financières.

L'objectif de la commission d'enquête est d'examiner tout cela et d'apprécier la part que représentent les engagements électoraux dans les augmentations d'impôts. Car si les régions ont pris des engagements et qu'elles augmentent en conséquence les impôts, elles doivent assumer.

Il faut aussi étudier quelle est la conséquence du désengagement de l'État dans les contrats de Plan.

M. Marc Laffineur. Ne faisons pas le débat avant le débat, la commission verra !

M. Augustin Bonrepaux. J'ai cité tout à l'heure l'exemple d'une région où l'engagement de l'État s'élève à moins de 20 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Nous aussi nous pouvons citer des micro-exemples pour appuyer une démonstration !

M. Augustin Bonrepaux. On dirait que vous ne voulez pas examiner toutes ces questions. Selon vous, la décentralisation n'aurait pas eu de conséquences ? Vous auriez été bien inspirés d'écouter tout à l'heure Jean-Pierre Balligand et de regarder le président de séance, qui, ne pouvant pas s'exprimer, hochait la tête en signe d'approbation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De fait, la situation des départements sera désastreuse en 2006 et en 2007. Elle l'est déjà cette année, puisqu'ils sont obligés d'augmenter peu ou prou leur fiscalité.

M. Jean-Michel Fourgous. Le transfert de l'APA a-t-il été financé ?

M. Augustin Bonrepaux. Sans compter l'augmentation de 1,8 % des bases, que nous avons votée avec vous.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Enfin, il faut apprécier - vous l'avez dit, madame la ministre - le prélèvement sur les contribuables et s'interroger. Par exemple, les Pays-de-Loire, avec une augmentation de 20 %, prélèvent 5,80 euros. Est-ce plus scandaleux que le département du Maine-et-Loire qui, avec une augmentation de 8 %, va demander au contribuable cinq fois plus ?

M. Marc Laffineur. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Jean-Michel Fourgous. M. Bonrepaux manipule les chiffres pour les besoins de sa démonstration !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Tout cela devra être apprécié. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Ne faisons pas à l'avance le travail de la commission !

M. Augustin Bonrepaux. Nous procéderons à ces comparaisons lorsque nous aurons connaissance de tous les taux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vois que vous commencez à vous inquiéter...

M. le président. Monsieur Bonrepaux, votre temps de parole est épuisé.

M. Jean-Michel Fourgous. M. Bonrepaux utilise des méthodes trotskistes !

M. Augustin Bonrepaux. ...car cette commission d'enquête, qui aurait pu n'être qu'une mission d'information, risque de se retourner contre vous.

M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux.

Pour ma part, je ne puis m'exprimer depuis ce siège, comme chacun peut le comprendre, mais j'aurai largement l'occasion de dire ce que je pense au sein de la commission d'enquête.

Sur l'article unique, je suis saisi d'un amendement n° 2.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. L'UDF, je le répète, est très attachée au principe de responsabilité, dont l'autonomie financière est une des contreparties. Quelle peut être, en effet, la responsabilité d'une collectivité territoriale si son budget n'est alimenté que par des dotations et qu'elle doit se contenter de les gérer pour le mieux ?

Nous souhaitons donc que le titre de la proposition de résolution, qui évoque déjà les conditions d'une responsabilité mieux assumée des décideurs, soit élargi au problème de l'évolution de l'autonomie financière et de son influence sur le comportement des assemblées locales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hervé Mariton, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis défavorable. Rien n'empêche la commission d'enquête d'examiner la question de l'autonomie financière des collectivités. Toutefois, son champ de compétences me paraît déjà extrêmement vaste. L'intérêt et l'efficacité de nos travaux commandent de se concentrer sur l'évolution de la fiscalité locale. Il faudra sans doute se poser la question évoquée par notre collègue, mais il ne me paraît pas utile de modifier l'article unique, sauf à alourdir un dispositif déjà complexe. Je proposerai d'ailleurs d'abréger le titre de la proposition.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Cet amendement nous paraît tout à fait acceptable, et nous le soutenons. La commission a déjà modifié le texte de la proposition initiale, je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas modifier encore l'article unique.

Il va de soi que la réalité - ou non - de l'autonomie financière a des conséquences sur l'évolution de la fiscalité. Le rejet de l'amendement irait donc, me semble-t-il, à l'encontre de l'exigence de lisibilité, de transparence et d'objectivité évoquée à l'instant par Pierre Méhaignerie. En ce qui nous concerne, nous ne craignons pas d'aborder ce débat.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, nous sommes d'accord sur l'objectif, mais il aurait été bon de poser le problème suivant : peut-on constater, sur une certaine période, que les collectivités dont l'autonomie financière est plus faible augmentent plus fortement leur fiscalité ?

Aujourd'hui, ce sont les régions qui ont le taux d'autonomie financière réelle - c'est-à-dire celui qui prend en compte les impôts dont la collectivité peut fixer le taux et/ou l'assiette - le plus faible : il est tombé à 34 % car, rappelons-le, la gauche l'a divisé par deux en cinq ans.

M. Alain Gest. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Ce phénomène explique-t-il, pour partie, la hausse de la fiscalité régionale ? Par exemple, si, autrefois, pour un million de dépenses, il fallait augmenter les impôts de 2 %, il paraît logique que cette augmentation atteigne désormais 4 %, le taux moyen d'autonomie financière ayant été réduit de moitié.

Or, contrairement à ce qu'on croit, ce taux varie fortement selon les collectivités territoriales. Il n'est, par exemple, pas du tout le même d'une commune à l'autre. Ainsi, dans les communes où l'impôt désormais nationalisé était très élevé, l'État attribue d'énormes dotations, mais la part de fiscalité autonome est faible. Au contraire, celles où la pression fiscale était modérée ont une autonomie financière plus importante.

M. Alain Gest. Nous sommes d'accord !

M. Charles de Courson. Il est donc fondamental de déterminer si le degré d'autonomie financière a une incidence sur l'évolution de la pression fiscale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

(L'article unique est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Titre

M. le président. Nous en venons aux amendements portant sur le titre de la proposition de résolution.

Je suis saisi de deux amendements, nos 3 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l'amendement n° 3.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Dans un souci de simplicité, je propose d'abréger le titre de la commission d'enquête et de l'appeler « commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale ». En effet, si les conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages, la vie des entreprises et les conditions d'une responsabilité mieux assumée des décideurs font bien partie de notre plan de route, nous gagnerions à adopter un titre plus synthétique.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour présenter l'amendement n° 1.

M. Augustin Bonrepaux. Nous souhaitions modifier le titre afin de préciser que tous les décideurs, sans exclusive, y compris l'État, sont concernés par la commission d'enquête. En effet, l'objectif de cette commission est de déterminer les responsabilités et de faire des propositions afin qu'à l'avenir, les collectivités ne soient pas contraintes d'augmenter la fiscalité, ce qui risque de se produire dans les départements si l'État ne compense pas réellement les transferts auxquels il procède.

Bien entendu, l'adoption de l'amendement n° 3 rendra le nôtre sans objet.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas d'accord avec l'amendement de M. Mariton. Le texte proposé pour le titre convenait parfaitement : il précisait les trois domaines que nous devons explorer. Contrairement à ce que prétend son exposé des motifs, cet amendement ne simplifie rien du tout ! Ce qui importe, c'est de se mettre d'accord sur le champ d'investigation de la commission. Or la proposition de M. Méhaignerie et M. Accoyer le détaillait parfaitement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ne nous disputons pas, car nous n'avons pas de divergences sur le fond. Ce sont bien toutes les causes de l'évolution de la fiscalité locale que nous allons examiner. Le rapporteur a voulu simplifier le titre, mais l'objectif de la commission d'enquête reste précisé dans l'exposé des motifs.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Mariton, rapporteur. L'objectif de la commission d'enquête est précisé non seulement dans l'exposé des motifs, mais aussi dans l'article unique. Par ailleurs, il est bien qu'un titre soit bref.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. C'est bien la résolution adoptée par notre assemblée qui va guider le travail de la commission d'enquête. Or cette résolution tient compte de nos amendements, et la simplification de son titre ne changera rien à nos travaux.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1 tombe, et le titre de la proposition de résolution est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.

(L'ensemble de la proposition de résolution est adopté.)

M. le président. je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Constitution de la commission d'enquête

M. le président. Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du règlement, avant le jeudi 17 février, à dix-sept heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

    2

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 mars 2005 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi, n° 2025, d'orientation pour l'avenir de l'école :

Rapport, n° 2085, de M. Frédéric Reiss, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures dix.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot