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Deuxième séance du jeudi 17 février 2005

154e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

AVENIR DE L'ÉCOLE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi d'orientation

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école (nos 2025, 2085).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 370 portant article additionnel après l'article 3.

Après l'article 3

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 3.

La parole est à Mme Martine David, pour soutenir l'amendement n° 370.

Mme Martine David. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Rejet.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 370.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l'amendement n° 371.

M. Jean-Pierre Blazy. Afin de favoriser la réussite des enfants, notre amendement tend à développer les liens entre l'éducation nationale et les collectivités locales. On nous opposera que le rapport annexé consacre un chapitre au partenariat avec les élus. Toutefois, nous nous interrogeons toujours sur sa signification profonde, puisqu'il n'aura pas la portée normative à nos yeux indispensable en la matière.

En effet, aujourd'hui, les maires, notamment, mais également les élus départementaux et régionaux, savent l'importance de l'engagement des collectivités locales dans la politique éducative à travers les dispositifs tels que les projets éducatifs locaux. Or les relations entre l'éducation nationale et les maires ne sont pas toujours faciles quand il s'agit, par exemple, d'obtenir des données statistiques afin d'établir des diagnostics permettant, en partenariat avec tous les acteurs, d'ajuster des politiques éducatives locales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Nous nous sommes déjà prononcés sur ce sujet à l'occasion de l'examen de précédents amendements. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cet amendement est satisfait par le code de l'éducation.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je crains que le ministre ne nous réponde sempiternellement que le code de l'éducation répond à nos demandes. On se demande bien pourquoi il fallait légiférer !

Il est nécessaire, nous l'avons souligné ce matin, de bâtir un véritable partenariat avec les collectivités territoriales, notamment avec les communes et avec les départements, s'agissant des collèges. Parce que les enfants passent moins de temps à l'école qu'à l'extérieur et parce qu'il convient de conduire une véritable politique éducative, l'ensemble des acteurs sociaux, particulièrement les collectivités territoriales, doivent se mobiliser autour de l'école. C'est ce à quoi nous nous sommes employés entre 1997 et 2002 avec les contrats éducatifs locaux.

M. Guy Geoffroy. Cela marche !

M. Jean-Pierre Blazy. Avec beaucoup d'argent !

M. Yves Durand. Merci ! C'était effectivement une très bonne idée. Ce dispositif a bien fonctionné jusqu'en 2002 parce qu'il y avait une volonté politique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Cela marche toujours très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Non, il faut beaucoup d'argent !

M. Yves Durand. Aujourd'hui, cette volonté politique n'existe plus et les moyens manquent. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est faux !

M. Jacques Remiller. Quel sectarisme !

M. Yves Durand. ...et les moyens manquent. Seule la forte implication des élus permet de réussir en ce domaine. Or toutes les communes ne le veulent pas ou ne le peuvent pas, compte tenu de leurs charges. Pour garantir l'égalité de tous en matière de contrats éducatifs locaux sur l'ensemble du territoire, il convient de réaffirmer dans la loi cette volonté politique de contractualiser l'action de l'école et des collectivités territoriales et de l'assortir de moyens.

Ce principe est, certes, inscrit dans la loi, monsieur le ministre, mais rien ne nous empêche de compléter le code de l'éducation.

M. Jean-Marc Nudant. On peut évidemment tout répéter !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Nous avons déjà eu ce débat ce matin et je suis surpris d'entendre à nouveau les mêmes arguments.

Je ne peux accepter que certains prétendent que l'État ne finance plus les contrats éducatifs locaux.

M. Jean-Pierre Blazy. Beaucoup moins !

M. Guy Geoffroy. Ceux qui, comme moi, veulent poursuivre cette politique partenariale, mais volontariste, le peuvent. Ces propos ne sont pas tolérables !

M. Jean-Pierre Blazy. C'est la vérité !

M. Pierre Cardo. Mais non !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 371.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Martine David, pour présenter l'amendement n° 298 rectifié.

Mme Martine David. L'enjeu de la formation théorique et pratique aux technologies de l'information et de la communication est fondamental. Je sais que cela est écrit dans le rapport annexé dont nous n'avons toutefois pas totalement saisi l'objectif, mais il nous semble indispensable de faire figurer dans le texte de loi cet apprentissage aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cela doit faire partie intégrante de la formation des élèves et des étudiants. Cette discipline doit désormais relever des missions de l'éducation nationale. Il faut donc qu'elle soit intégrée dans le code de l'éducation.

M. Pierre Cardo. Cela y figure déjà ! Il faut le lire !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Avis défavorable, puisque cela figure à l'article 6.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette disposition figure non seulement dans le rapport annexé, mais également à l'article 312-9 du code de l'éducation qui dispose : « Tous les élèves sont initiés à la technologie et à l'usage de l'informatique. »

M. Jean-Luc Warsmann. Ils ne connaissent pas ce code. Ils ne l'ont jamais lu !

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Il est vrai qu'il est fait référence à l'apprentissage aux nouvelles technologies dans le rapport annexé. Toutefois, même si cela témoigne de l'intention du Gouvernement, ce rapport n'a pas de valeur juridique.

Nous discutons d'un projet de loi d'orientation. Il nous paraît donc absolument indispensable d'intégrer les nouvelles technologies dans le corps de la loi puisque cela va concerner le socle commun.

M. Pierre Cardo. Non seulement vous n'avez pas lu le rapport annexé, mais vous n'avez pas lu le texte !

M. François Liberti. Cet amendement répond au souci commun que nous prétendons partager, les uns et les autres. Nous le soutenons donc avec force.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je suis vraiment désolé d'être obligé de faire un peu de lecture publique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. François Liberti. Quelle suffisance !

M. Guy Geoffroy. ...mais je dois montrer que la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication est évoquée non seulement dans le rapport annexé mais également à l'article 6, à propos du socle commun des connaissances et compétences. Cela figure déjà dans la partie normative de la loi. Je ne vois donc aucune raison de l'ajouter dans l'article 3.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 208.

La parole est à M. François Liberti, pour le soutenir.

M. François Liberti. La formule proposée pour l'éducation physique et sportive dans le rapport annexé mérite, après quelques modifications de forme, une inscription effective dans la loi. Nous proposons donc d'ajouter le caractère obligatoire de cette discipline aux examens.

Dans ce projet de loi, en effet, l'éducation physique et sportive n'apparaît pas dans le minimum obligatoire à garantir à tous les élèves. Elle n'est plus intégrée dans l'ensemble des connaissances et compétences indispensables, elle devient facultative aux examens, et rien ne dit qu'elle restera obligatoire pour tous. Il s'agit d'un cas sans précédent depuis que l'école de la République existe.

Cette mise à l'écart serait dramatique et incompréhensible alors que les bilans concernant la santé des jeunes, la progression de l'obésité, les inégalités d'accès à la culture corporelle, sportive et artistique, particulièrement pour les jeunes filles, sont alarmants.

Jusqu'à présent, tout le monde s'accordait à reconnaître à l'EPS et au sport scolaire un rôle spécifique et irremplaçable dans le développement des jeunes, dans l'apprentissage de la citoyenneté, de la responsabilité, de la solidarité et, plus généralement, dans l'équilibre des rythmes scolaires.

Cette formation est aujourd'hui contestée alors que l'année 2004 a été décrétée année européenne de l'éducation par le sport et que, à la demande de l'ONU, 2005 sera année internationale du sport et de l'éducation physique.

Comment comprendre alors que le Gouvernement marginalise l'EPS...

M. Pierre Cardo. Le PS se marginalise tout seul ! (Sourires.)

M. François Liberti. ...au moment même où il soutient la candidature de Paris pour les jeux Olympiques de 2012. Il y a là quelque chose qui n'est pas correct, qui n'est pas en adéquation avec les objectifs énoncés par les uns et par les autres.

Cet amendement permet tout simplement de considérer l'éducation physique et sportive comme un élément constitutif de la culture scolaire obligatoire, de la maternelle au lycée. Si tout le monde s'accorde sur cette position, inscrivons-le dans le socle commun des compétences. Il n'y aura plus de confusion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Rejet. On a bien compris que le sport était une matière essentielle à l'école,...

Mme Martine David et M. Jean-Pierre Blazy. Et alors ?

M. François Liberti. Démontrez-le !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. ...de la maternelle à l'université. Le corps n'est pas une option et l'éducation au respect de la règle est une éducation à la santé. Mais tout cela figure déjà dans le code de l'éducation.(« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'aime beaucoup M. Liberti et j'ai beaucoup de respect pour lui.

M. François Liberti. Merci !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis d'autant plus ennuyé de l'entendre tenir des propos aussi inexacts, auxquelles il ne croit sans doute pas un instant.

M. François Liberti. Oh !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il y a trente articles du code de l'éducation qui organisent l'enseignement de l'éducation physique. Je vais vous en citer quelques-uns, monsieur Liberti, pour que vous puissiez vous y reporter : l'article L. 121-1, l'article L. 121-5, l'article L. 312-1, l'article L. 312-2, l'article L. 312-3, l'article L. 312-4.

L'éducation physique est obligatoire, je l'ai répété à maintes reprises. Rien n'est remis en cause et, honnêtement, faire référence à l'année du sport est assez dérisoire compte tenu de notre volonté affirmée d'enseigner l'éducation physique sur la durée, génération après génération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous comprendrez rapidement pourquoi l'éducation physique ne figure pas dans le socle, monsieur Liberti, lorsque nous discuterons de l'utilité de ce socle et de sa place dans notre système éducatif, mais, de grâce, un homme aussi rigoureux que vous ne peut pas répéter inlassablement un bobard qui a été diffusé par des gens qui, sans doute, avaient quelques arrière-pensées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. C'est le mot « bobard » qui vous fait réagir ?

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne sais pas si, quand il parle de bobard, M. le ministre pense à la pétition du SNEP, avec 250 000 signataires.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Celle-ci traduit pour tant une inquiétude réelle. En effet, le rappel des trente articles du code de l'éducation sur l'éducation physique ne suffit pas à l'apaiser quand on lit la fiche n° 8 du beau dossier que vous nous avez fourni.

Dès mai 2006, le brevet sera obligatoire et national. Nous sommes d'accord. L'éducation physique restera en contrôle continu, mais en option. Nous sommes également d'accord pour le contrôle continu. D'ailleurs, les enseignants d'éducation physique ne demandent pas un contrôle terminal mais, à partir du moment où la matière devient une option, il y a un risque.

Quand on sait que, par ailleurs, vous cherchez à réduire le nombre de postes, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'il y aura inévitablement, sinon immédiatement, du moins plus tard, une volonté de réduire les heures, ce qui est d'ordre réglementaire. Mieux vaut donc que les choses soient clairement réaffirmées dans le code de l'éducation, comme le propose M. Liberti, à propos de cette discipline indispensable pour la formation des enfants et des jeunes.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Sur cette question, beaucoup de propos ont été tenus, et il ne faut pas mépriser les interrogations et les inquiétudes. Comme tout le monde ici, les élus du groupe UMP ont beaucoup dialogué avec les enseignants d'éducation physique, avec les représentants des parents et avec tous ceux qui sont venus discuter avec eux.

M. Yves Durand. On ne le dirait pas !

M. Guy Geoffroy. Ainsi que M. le ministre l'a rappelé, les choses sont claires : le code de l'éducation, dans de nombreux articles, parle du caractère obligatoire de l'EPS. Vous voulez en ajouter un de plus  alors que l'on peut lire, page 57 du fascicule qui comprend le rapport annexé : « L'éducation physique et sportive, dont l'enseignement est obligatoire à tous les niveaux, joue un rôle fondamental dans la formation de l'élève et son épanouissement personnel. »

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut aussi qu'elle soit obligatoire à l'examen !

Mme Martine David. Ce n'est pas dans le texte de la loi !

M. Guy Geoffroy. Cela vient tordre le cou à l'argument selon lequel le Gouvernement aurait eu l'intention, en douce, de récupérer des moyens sur le dos de l'éducation physique et sportive.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais c'est le risque !

M. Guy Geoffroy. Cela dit, pour compléter le dispositif, à mon initiative et à celle de certains d'entre nous, dont Jean-Marie Binetruy ici présent, le groupe UMP a proposé un amendement à l'article 18, qui a été adopté hier en commission Il prévoit que l'épreuve d'éducation physique et sportive est obligatoire au brevet. Le ministre a déjà eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet.

Cette mauvaise querelle n'a donc plus aucune raison d'exister. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous voulez la parole, monsieur Liberti ? À cause du bobard ? On se croirait à Sète (Sourires.)

M. François Liberti. À Sète, monsieur le président, on aurait parlé de couillonnade. (Rires.)

De manière systématique, M. le rapporteur nous renvoie au rapport annexé. Or, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, ce dernier n'a pas de valeur juridique. Il exprime des intentions, des objectifs, qui peuvent ou non être mis en oeuvre. Il ne fait pas partie du corps de la loi.

À partir du moment où vous parlez d'option, monsieur le ministre, à partir du moment où vous refusez d'intégrer l'éducation physique et sportive dans le socle commun, ne vous étonnez pas que cela fasse naître des inquiétudes et des interrogations et entraîne une mobilisation. Une pétition a été signée par 250 000 enseignants. Leur motivation n'est pas en doute. Il faut les entendre. Si nous ne prenons pas en compte les préoccupations qui s'expriment dans le pays, il ne faut pas s'étonner que la méfiance vis-à-vis du politique grandisse. Cela relève aussi de notre responsabilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l'amendement n° 304 rectifié.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous abordons un sujet essentiel :celui de la carte scolaire.

A cet égard nous estimons qu'il faut réaffirmer avec force que son établissement relève bien de la mission de l'État, d'autant que la loi du 13 août 2004 - et je crois que c'est une grave erreur - a décentralisé les procédures de sectorisation.

Aujourd'hui, la sectorisation ne favorise plus du tout la mixité sociale, bien au contraire. La ségrégation scolaire se superpose à la ségrégation urbaine et, si l'on abandonne la sectorisation, si l'État abandonne la mission qui était la sienne de définir les secteurs, nous allons aggraver la situation plutôt que d'apporter des réponses nécessaires à cette question extrêmement sensible.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Repoussé.

M. Jean-Pierre Blazy. Il faudrait tout de même une explication ! C'est un sujet important !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement n'imagine pas qu'à quelques semaines d'intervalle, le Parlement puisse changer d'opinion.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est toujours souhaitable de corriger une erreur !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Or le Parlement a confié la responsabilité de la carte scolaire aux collectivités locales.

M. Jean-Pierre Blazy. Imposé !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends bien que, quand on a les idées claires, on n'a pas besoin d'être long, mais vous reconnaîtrez, monsieur le rapporteur, que vous êtes plutôt du genre lapidaire.

Mme Martine David. Comme ce matin !

M. Jean-Pierre Blazy. Expéditif !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Je suis concis !

M. Jean-Pierre Brard. Derrière la concision, je vois de la densité de pensée. Or on ne peut tout de même pas considérer que, dans votre réponse, il y a beaucoup de pensée.

M. Yves Durand. Pas plus que de densité !

M. Jean-Pierre Brard. On pourrait effectivement parler longtemps de densité car c'est aussi un vaste sujet.

Vous dites, monsieur le ministre, que le Parlement ne peut pas se déjuger. D'abord, vous savez bien qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis mais, dans le champ politique, un autre élément doit intervenir : il faut écouter le peuple. De ce point de vue, force est de constater que nos collègues de droite sont autistes. Ils ne sont pas appareillés ; il leur manque l'appareil pour écouter la France profonde. Pourtant, cette dernière, dans une quasi-unanimité,...

M. Charles Cova. Selon Brard !

M. Jean-Pierre Brard. ...vous a transmis un message fort l'année dernière. Rappelez-vous le magistral coup de pied aux fesses que vous avez reçu au mois de mars. Pourtant vous n'avez pas écouté.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous récidivez !

M. Jean-Pierre Brard. Rappelez-vous aussi ce qui s'est passé il y a quinze jours dans le pays : Les manifestants sont descendus dans la rue,...

M. Charles Cova. Manipulés par les syndicats !

M. Jean-Pierre Brard. ...et vous ne les écoutez toujours pas.

Revenons-en à la sectorisation.

Vous évoquiez hier, monsieur le ministre, les valeurs de la République. Tant que l'on en reste à la formule, tout le monde est d'accord. En revanche dès que l'on fait l'inventaire de ce que sont ces valeurs et que l'on essaie de les traduire dans le concret, c'est bizarre, mais nous ne lisons pas les valeurs de la même manière.

Rappelez-vous la réaction de Mme Aurillac hier quand j'ai comparé Montreuil et le 7e arrondissement.(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour une majorité populaire.) Je ne mentionnerai pas Évreux, monsieur le président, parce que cette ville présente des caractéristiques communes avec Montreuil.

M. le président. Laissez-moi répondre pour Evreux si je le juge utile Je vous y invite d'ailleurs quand vous le voudrez, mais finissez votre propos !

M. Jean-Pierre Brard. Les valeurs de la République passent par l'égalité, la mixité et le refus des ghettos. Il s'agit de devoirs qui relèvent de la puissance régalienne. On ne peut pas - comme vous l'avez fait pour le logement,...

M. Jean-Pierre Blazy. Parlons-en en effet !

M. Jean-Pierre Brard.... en supprimant la part réservée aux préfets qui garantissait une certaine équité - renvoyer aux collectivités locales la définition de la carte scolaire, car il en est qui utilisent cet outil pour organiser la discrimination et constituer des ghettos de privilégiés, laissant aux autres le soin de gérer « le reste » ou, en tout cas, ce qu'ils perçoivent comme tel.

M. Charles Cova. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard . Cela vaut également pour Chelles, monsieur Cova, vous devriez y être plus attentif !

M. Charles Cova. Ah ? En tout cas merci : je figurerai ainsi dans le Journal Officiel !

M. le président. Monsieur Cova !

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. M. le ministre conteste la validité de cet amendement en se référant à la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. A cet égard il convient tout de même de rappeler comment cette dernière a été débattue et, surtout, imposée...

M. Jean-Pierre Brard. À la hussarde !

M. Yves Durand.... pendant la période estivale et grâce au recours à l'article 49-3.

Certes, quelle qu'ait été la méthode employée, elle n'en est pas moins la loi. Néanmoins rien ne nous oblige à accepter ce coup de force supplémentaire, même si, avec ce Gouvernement, nous commençons à y être habitués. Ainsi l'urgence qu'il vient de nous imposer sur ce projet de loi permet à l'État de se défausser de ses responsabilités.(Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Que représente donc la carte scolaire ?

Elle constitue d'abord le moyen de répartir les élèves à l'intérieur d'une académie. Elle est ainsi, par conséquent, le seul instrument de la mixité sociale. En abandonner reviendrait à abandonner toute volonté de mixité sociale. Je pense d'ailleurs que tel est le fond de votre politique.

Elle est également la base de l'attribution des moyens visant à rendre effective cette mixité, en donnant plus à ceux qui ont le moins, et en assurant à chaque établissement les moyens de fonctionner. Que l'on prenne alors en compte à cet égard l'avis des élus locaux, notamment des maires, nous en sommes d'accord. Tel était d'ailleurs l'un des buts des contrats éducatifs locaux que nous avons mis en place et dont je rappelle, en dépit de ce qu'affirme M. Geoffroy, qu'ils sont en voie d'extinction...

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai !

M. Yves Durand.... tant par absence de volonté politique que par absence de moyens.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est une peau de chagrin.

M. Guy Geoffroy. C'est un mensonge !

M. Yves Durand. En revanche ce que vous nous proposez est différent : il s'agit de donner à chaque département, à chaque commune, la responsabilité de cette mixité sociale et des moyens destinés à l'assurer. Or, à nos yeux, la mixité sociale passe par l'égalité entre les établissements et entre les académies : si cela ne relève pas de l'une des missions essentielles de l'État, qu'est-ce qui pourra en faire partie ?

Nous maintenons cet amendement pour rappeler qu'il est de la responsabilité de l'État de permettre cette égalité.

M. Guy Geoffroy. C'est déjà le cas pour les communes !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, si vous deviez refuser l'inscription de ce principe fondateur dans la loi d'orientation, ce serait un tournant, une rupture politique dans la conception de l'école.

Mme Martine David. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 304 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Martine David, pour soutenir l'amendement n° 299 rectifié.

Mme Martine David. Avec cet amendement, nous souhaitons évoquer avec force la médecine scolaire et la mise en œuvre de la protection de la santé de l'enfant. J'ai eu l'occasion hier, lors de la discussion générale, d'intervenir assez longuement à ce sujet.

Le rapport annexé prévoit certes que « chaque établissement du second degré bénéficiera des services d'une infirmière identifiée ». Sans vouloir soupçonner le ministre de ne pas penser ce qu'il dit, je constate que les trois derniers budgets n'ont pas permis la création de postes d'infirmière scolaire et de médecin scolaire dans les établissements. J'ai donc un sérieux doute sur la volonté réelle de ce Gouvernement de mettre en œuvre un service de santé scolaire digne de ce nom.

Je rappelle que, sous la précédente législature - et ces chiffres sont incontestables -, les lois de finances pour 1998, puis pour 1999 et 2000 ont créé 1 050 postes de médecin scolaire, d'infirmière scolaire et d'assistante sociale. La nation a ainsi consenti un effort pour les très nombreux enfants qui, à l'école élémentaire, ont besoin d'un dépistage précoce, d'un accompagnement que parfois ils ne trouvent pas dans leurs familles ; en effet, aujourd'hui encore, certaines d'entre elles ne sont pas suivies par un médecin.

Les maires sont parfois obligés de se substituer à l'éducation nationale, lorsqu'elle ne remplit pas cette fonction essentielle qu'est la protection de la santé de l'enfant, et de créer des postes d'infirmière scolaire, ce qui est tout à fait anormal. Une fois de plus des transferts de charges sont imposés aux collectivités territoriales.

On nous annonce maintenant que chaque collège aura une infirmière scolaire. À qui veut-on faire croire cela ? Vous n'allez pas créer 1 500 postes.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Si !

Mme Martine David. Où trouverez-vous les crédits ? Et pourquoi ne l'avez-vous pas fait précédemment ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et vous ?

Mme Martine David. Je viens de rappeler qu'en trois lois de finances, nous avions créé 1 050 postes : ce n'est pas rien et ce chiffre est incontestable.

M. Jean Marsaudon. Baratin !

M. Jean-Jacques Descamps. Nous le ferons sans déficit !

M. Guy Geoffroy. Et pas à crédit !

Mme Martine David. Cela a constitué un effort considérable.

Au-delà des mots, c'était un véritable engagement financier, une mission accomplie par des professionnels qui a permis un dépistage précoce des enfants des écoles, mais aussi, dans les collèges, un suivi, un accompagnement, une écoute des adolescents.

Le rapport annexé, comme l'a souligné hier à de nombreuses reprises M. Liberti, n'a aucune valeur normative. Pourquoi croirait-on les engagements qu'il contient ? Nous souhaitons donc que M. le ministre s'engage beaucoup plus qu'il ne l'a fait.

Et, puisque nous n'avons aucune raison de mettre en doute ses propos (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Guy Geoffroy. Vous progressez !

Mme Martine David.... nous demandons simplement qu'il accepte d'inscrire dans la loi cet engagement fondamental qu'est la protection sanitaire et sociale de nos enfants dans le système éducatif.

M. Yves Durand. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Les médecins de l'éducation nationale, qui exercent en priorité à l'école primaire et dans les zones d'éducation prioritaires, jouent un rôle essentiel dans le dépistage des troubles de l'apprentissage ou des cas de maltraitance.

La page 39 du fascicule qui comporte le rapport annexé, relative à la santé scolaire et au service social, est suffisamment explicite. C'est justement l'un des points forts de ce projet de loi que de prévoir une infirmière dans chacun des 7 800 établissements du secondaire.

M. Yves Durand. Où prenez-vous l'argent ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Il s'agit d'une avancée tout à fait remarquable.

Je rappelle par ailleurs que la loi sur la liberté et les responsabilités locales a maintenu la médecine scolaire dans les compétences de l'État.

Mme Martine David. C'est inexistant !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mme David a soulevé plusieurs questions.

La première concerne la mention dans la loi du rôle des personnels de santé. Sur ce point, l'article L.931-1 du code de l'éducation donne satisfaction à Mme David puisqu'il décrit le rôle des personnels de santé et l'importance de la politique de prévention. Si le groupe socialiste veut amender le code de l'éducation, rien ne l'en empêche, mais à condition de proposer une rédaction différente. Si ses propositions se bornent à reprendre ce qui existe déjà chacun comprendra que le Parlement ne puisse l'accepter.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est vous qui dites qu'il ne s'agit que de répéter !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sur le premier sujet, Mme David a donc parfaitement satisfaction.

Mme Martine David. C'est d'un engagement politique que je parle !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sur le deuxième sujet, nous sommes d'accord pour reconnaître qu'il y a un manque criant de personnel, notamment dans les établissements du second degré. Je ne conteste pas l'effort qui a été accompli entre 1998 et 2000, mais reconnaissez avec moi que si nous devons aujourd'hui consentir un effort aussi important que celui que je vous propose, c'est bien parce qu'il y a encore beaucoup de manques dans les établissements.

Mme Martine David. Parce que vous n'avez rien fait en trois ans ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faut aussi prendre en compte les années avant 1998, madame David.

M. Pierre-Louis Fagniez. Très juste !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vous propose donc, comme je m'y suis engagé vis-à-vis de la communauté éducative, de recruter 1 520 infirmières ou infirmiers en cinq ans, de sorte que chaque collège ait une infirmière ou un infirmier à temps complet.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cet engagement figure d'une part dans le rapport annexé, lequel a bien une valeur législative puisque vous allez l'approuver en votant l'article 8, et vous allez en outre vous prononcer, comme votre rapporteur l'a souhaité, sur un engagement de programme qui donnera force législative à cette programmation de 304 recrutements par an d'infirmières ou d'infirmiers scolaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Ghislain Bray. C'est cela qui les embête !

M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien : voilà qui est sérieux !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.


M. Yves Durand
. Si notre proposition est déjà inscrite dans le code de l'éducation, monsieur le ministre, je suis obligé de constater que, depuis 2002, vous ne le respectez pas.

Ayant eu l'honneur d'être le rapporteur du budget de l'enseignement scolaire entre 1997 et 2002, j'ai pu constater que, avant notre arrivée aux responsabilités, la majorité d'alors, qui était la même que celle d'aujourd'hui et qui gouvernait depuis un certain temps, avait mis fin de façon systématique au recrutement d'infirmières, d'assistantes sociales et de médecins scolaires. C'est pour pallier la pénurie criante dont souffraient ces métiers que nous avons dû mettre en œuvre le plan de rattrapage que Mme David vient de chiffrer précisément.

Il est vrai que les besoins étaient si considérables que, en dépit de ce plan, cinq ans n'ont pas suffi à rattraper le retard pris durant cette période où vous n'avez rien fait, je tiens à le souligner. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy et M. Jean Marsaudon. Et avant 1993 ?

M. Jean-Pierre Blazy. On ne va pas remonter à l'Antiquité !

M. Yves Durand. Pendant cinq ans nous avons procédé systématiquement, dans le cadre d'une programmation pluriannuelle, à des embauches d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales.

M. Jean-Jacques Descamps. À crédit !

M. Yves Durand. Cet effort considérable, bien qu'encore insuffisant, nous l'avions, nous, inscrit dans le budget de la nation.

M. Jean-Jacques Descamps. Vous avez inscrit des dépenses, mais pas les recettes qui étaient nécessaires !

M. Yves Durand. Vous, monsieur le ministre, vous nous assurez que vous allez inscrire 1 500 postes d'infirmière supplémentaires. D'ailleurs pourquoi 1 500 et non 2000 ou 3000, compte tenu de la pénurie ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Parce qu'on en a besoin de 1 500 !

M. Yves Durand. En ce cas expliquez-moi pourquoi, malgré les demandes que nous vous avons adressées en ce sens ici même, vous n'avez inscrit aucun poste, ni d'infirmière, ni de médecin scolaire, ni d'assistante sociale au budget de l'éducation nationale pour 2005.

M. François Liberti. Pas un seul !

Mme Martine David. Et cela fait trois ans que ça dure !

M. Yves Durand. De qui se moque-t-on ? Excusez-moi de reprendre le terme que j'ai employé hier à cette tribune, mais je suis obligé d'appeler cela une supercherie.

M. Jean-Pierre Blazy. Un double langage !

M. Yves Durand. Vous ne nous ferez pas croire, pas plus qu'à la communauté éducative, à la réalité de votre engagement sur ces 1 500 postes d'infirmière, alors qu'il n'y a rien, absolument rien, dans le budget de l'éducation nationale, seul acte qui compte sur le plan des moyens.

Je souhaiterais donc, tout autant que Mme David, croire à la réalité de votre engagement, mais il faudrait que vous nous indiquiez enfin, non seulement combien cela coûtera, mais surtout où vous comptez prendre les financements puisque vous n'avez rien inscrit dans votre budget et que vous n'avez eu de cesse pendant des mois, de « refiler » - excusez la trivialité du terme - cette charge aux collectivités territoriales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Jacques Descamps. Baratin !

M. Jean-Pierre Blazy. Non, c'est la réalité !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Ayant pour règle d'éviter toute forme de polémique, d'où qu'elle vienne, et pour coutume de faire confiance au Gouvernement, quel que soit le ministre en place d'ailleurs,...

M. Jean-Jacques Descamps. Le vrai centriste !

M. François Rochebloine.... je note avec satisfaction l'engagement du ministre concernant la création de 1 500 postes pour tous les établissements.

M. Guy Geoffroy. Absolument ! Les collèges et les lycées !

M. François Rochebloine. On pouvait en effet s'interroger sur la possibilité de garantir la présence d'un référent dans chaque collège, mais ce problème n'est pas nouveau : il est déjà arrivé, dans le passé, que l'infirmière doive se partager entre plusieurs établissements.

Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, il y aura, dans cinq ans, une infirmière dans chaque établissement scolaire. Je comprends certes les craintes...

M. Jean-Pierre Blazy. Justifiées !

M. François Rochebloine...exprimées par nos collègues socialistes en ce qui concerne l'aspect financier de votre engagement, mais ayant l'habitude de faire confiance, je suis persuadé que vous allez nous faire savoir à quelle ligne budgétaire vous allez inscrire cet engagement. Nos collègues socialistes pourront alors retirer leur amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle ingénuité !

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous débattons d'un sujet important. Sans m'attarder davantage sur la question des postes, je voudrais cependant me faire l'écho des inquiétudes de la communauté éducative. Nous aimerions en effet croire en vos assurances, mais la pénurie qui frappe certains postes, pour les infirmières en particulier, nous fait craindre que leur présence ne soit pas assurée dans tous les établissements.

Je tiens surtout à revenir sur la nécessité de garantir au niveau national la protection de la santé des jeunes dans tous les établissements scolaires. Plusieurs rapports - je pense notamment à ceux d'ATD Quart Monde, du Secours populaire ou du Secours catholique, que vous avez dû recevoir tout comme moi - attestent de la situation extrêmement préoccupante que connaissent certains départements.

À en croire ces études, plus d'un million d'enfants et de jeunes vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté.

M. Jean-Jacques Descamps. C'est le résultat de votre politique !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Dans bien des cas leurs familles ne peuvent pas assurer correctement la protection de leur santé. C'est donc à l'école qu'il revient, dans le cadre de sa mission de surveillance et de suivi sanitaire, de prodiguer à ces enfants toute l'attention, les conseils, l'accompagnement dont ils ont besoin.

Il est important que nous prenions ici conscience de la gravité de cette situation, et que nous inscrivions dans ce texte le principe de la protection de la santé de chaque enfant.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Nous traitons d'un sujet essentiel qui appelle de ma part quelques observations.

Chacun le sait ici, ces catégories de personnels ont été au centre d'un débat très passionné à l'occasion de la loi de décentralisation. Le Gouvernement et la majorité ont en effet tout mis en œuvre pour transférer la charge de ces personnels aux collectivités locales, et ce sujet a été un enjeu important du débat et de la mobilisation autour de ce texte.

M. Jean-Jacques Descamps. Cela aurait été bien pourtant !

M. François Liberti. Voilà ! On voit que, malgré la décision qui a découlé du rapport de forces apparu à cette occasion, vous n'hésitez pas à exprimer la rancœur que vous a laissée l'impossibilité d'aller jusqu'au bout de votre démarche.

M. Guy Geoffroy. Il n'y a aucune rancœur !

M. Jean-Jacques Descamps. C'est la démocratie !

M. François Liberti. Vous avez pourtant préservé l'essentiel, à savoir un formidable transfert de charges sur le dos des collectivités locales.

Derrière tout cela se dessine clairement l'externalisation des missions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est le fond du problème !

Je veux également souligner qu'il est toujours possible de s'accuser les uns les autres d'avoir fait ceci, ou de n'avoir pas fait cela, en remontant jusqu'à Mathusalem. En l'occurrence il suffit d'observer ce qui s'est passé au cours des dernières années. A cet égard nul ne peut pas nier les substantiels efforts consentis sous le Gouvernement Jospin, même si l'on peut en penser ce que l'on veut. Inversement, depuis trois ans, il n'y a plus rien !(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. On ne peut pas dire ça !

M. François Liberti. Cela est confirmé par le dernier budget que nous avons voté il y a quelques semaines, lequel ne prévoit aucune création de poste d'infirmière scolaire.

En réalité nous sommes entrés dans une crise de confiance.

M. Yves Durand. Absolument !

M. François Liberti. Peut-on se fier à ce que dit le projet de loi, à ce que dit le rapport annexé, à ce que vous nous dites vous-même, monsieur le ministre ? Puisque vous prenez des engagements, je vous dis « chiche » : promettez-nous aujourd'hui de saisir l'Assemblée, dans le cadre d'un collectif budgétaire, du financement de 300 postes d'infirmières en 2005. C'est le seul moyen de sortir de la crise de confiance provoquée par le texte qui nous est soumis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 299 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 300 rectifié.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est regrettable de voir que les amendements que nous proposons sur des sujets importants, tels la santé scolaire, que l'on vient d'aborder, ou la carte scolaire, et ici l'orientation scolaire, sont systématiquement rejetés par le rapporteur et par le ministre, sans qu'ils prennent la peine d'y opposer le moindre argument.

Le ministre se contente d'affirmer qu'ils sont déjà satisfaits par le code de l'éducation...

M. Guy Geoffroy. Si c'est le cas, il ne va pas dire le contraire !

M. Jean-Pierre Blazy.... ou par l'inconsistant article 8, que nous examinerons peut-être tout à l'heure, à moins que ce ne soit demain.

Nous avons bien compris que vous voulez aller vite, puisque vous avez déclaré l'urgence : il ne nous reste plus qu'à bâcler l'examen du texte.

M. Guy Geoffroy. On ne peut pas répéter toujours la même chose !

M. Jean-Pierre Blazy. Eh bien nous, nous le répéterons à chaque fois que nous serons obligés de le constater : nous prenons l'opinion à témoin de la façon dont ce projet de loi d'orientation, à la fois bâclé et dangereux, est examiné ici, dans le mépris le plus total du Parlement. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Sermier. Cinéma !

M. Jean-Jacques Descamps. Arrêtez de nous donner des leçons !

M. Jean-Pierre Blazy. L'orientation scolaire est aussi un sujet extrêmement sensible. Quand on prétend, comme vous le faites, vouloir la réussite de tous, il faut inscrire dans le code de l'éducation le principe que l'orientation scolaire relève de la mission éducative de l'État, afin de consacrer son caractère normatif. Il faut ensuite que cette ambition soit concrétisée par des moyens.

Or, monsieur le ministre, si je l'ai bien lu, le budget pour 2005 prévoit la suppression de cinquante postes de conseiller d'orientation. Vous pourrez toujours affirmer, comme vous allez sans doute le faire, que l'orientation est essentielle, que vous voulez la développer pour assurer la réussite de tous les élèves, mais il faudra alors expliquer cette réduction de cinquante postes budgétaires dans ce domaine.

Vous nous répondrez peut-être, comme vous l'avez fait à propos des infirmières, après avoir organisé la pénurie en ce domaine en ne recrutant pas alors que nous avions consenti des efforts importants à cet égard, que vous supprimez des postes en 2005, mais que vous recruterez en 2006.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. L'orientation est évidemment une étape cruciale pour les élèves de troisième, mais elle doit être préparée bien avant cette classe. Tout le monde convient que l'information des jeunes doit être la plus complète possible, et vous trouverez dans le rapport annexé plus d'une page qui démontre l'importance accordée à l'orientation par ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Blazy. Littérature !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. L'article 13 du projet de loi - et il s'agit bien là d'un article de la loi - affirme la nécessité que l'orientation tienne compte des aspirations et des aptitudes des élèves.

M. Jean-Pierre Brard. C'est bien le moins !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Vous voyez que ce projet développe largement tout ce qui touche à l'orientation. Voilà pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Comme beaucoup d'autres, cet amendement appelle une piqûre de rappel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est en effet deux éléments que vous ne voulez pas entendre, ou que vous ne voulez pas considérer comme vrais.

Tout d'abord, l'examen de la loi d'orientation de 1989 a suivi le même mode opératoire : les orientations figuraient dans un rapport annexé, qui a été adopté par un article de la loi. Il n'y a donc rien de nouveau sous le soleil ! Ne prétendez donc pas que le rapport annexé est insipide : vous condamneriez injustement, seize ans après, le rapport annexé de la loi de 1989, ce qui ne me semble pas être votre intention.

M. Jean Marsaudon. Il a raison !

M. Ghislain Bray. Quelle belle piqûre !

M. Guy Geoffroy. Ensuite, la loi de 1989 - qui est une loi de la République et qui n'est pas remise fondamentalement en cause par le texte en discussion, qui l'accompagne, la renouvelle et l'approfondit - ne comportait aucun élément de programmation. Or vous nous faites aujourd'hui un procès sous prétexte que nous voulons voter une loi qui contient des orientations, au même titre que celle que vous avez fait approuver il y a seize ans, alors même qu'elle contient les éléments de programmation qui manquaient à la vôtre !

Notre rapporteur a fait, avec la commission, un excellent travail, qui offre au Gouvernement une meilleure assise encore pour son action future. Non seulement vous n'avez pas la mémoire de ce que vous avez fait, mais vous ne voulez pas voir ce que nous allons faire.(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. On voit ce que vous avez fait !

Mme Martine David. On voit ce que vous allez supprimer !

M. Guy Geoffroy. Cet amendement est une occasion de vous rappeler vos mauvais souvenirs ; nous le ferons de temps à autre, s'il le faut. Vous faites mauvais procès sur mauvais procès : les Français apprécieront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Ils ont déjà apprécié votre politique !

M. le président. Madame David !

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Ce que l'on voit déjà, dans ce projet, ce sont les postes supprimés ! Il ne s'agit plus de savoir comment seront financés les postes promis, mais de constater la suppression de quarante-neuf postes et demi sur l'ensemble du territoire national - pour ne parler que des postes de conseiller d'orientation psychologue, car vous supprimez également dan les structures des postes administratifs affectés à l'accueil.

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut que le ministre réponde sur ce point !

Mme Martine Billard. La nécessité de l'orientation des jeunes est certes évoquée dans une page du rapport annexé et dans l'article 13, mais il n'en reste pas moins qu'il faut des adultes pour aider les jeunes dans les démarches indispensables pour s'orienter, pour avoir des idées sur les métiers qui peuvent leur permettre de se réaliser dans notre société. Si on supprime ces postes, comment les jeunes trouveront-ils les informations dont ils ont besoin ?

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur Geoffroy, il faut une réponse !

Mme Martine Billard. Sur les quarante-neuf postes et demi supprimés, sept le sont à Paris. En moyenne, à l'échelle nationale, un conseiller d'orientation psychologue suit 1 285 élèves, ce qui est déjà beaucoup trop, la norme se situant à un pour mille.

Nous avons donc l'impression que les affirmations de l'article 13 et du rapport ne servent qu'à vous faire plaisir. La situation est encore plus grave que pour les infirmières : vous ne vous contentez pas de ne pas recruter, vous réduisez les moyens !

Si autant de jeunes ont aujourd'hui du mal à trouver leur place dans le monde du travail à la sortie de leur orientation scolaire, c'est évidemment parce qu'il y a des problèmes d'emploi, mais aussi parfois parce qu'ils se sont mal orientés dès la quatrième ou la troisième. Alors qu'il faut renforcer l'aide dont ils ont besoin à ces moments décisifs de leur cursus scolaire, vous faites exactement le contraire, et les Français le voient.

Mme Martine David. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur Geoffroy, vous auriez dû comprendre que les Français ont déjà jugé, si l'on se fie au résultat des élections régionales et cantonales de l'année dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. Parlons-en ! Cela coûte assez cher aux Français !

M. Guy Geoffroy. Ils se souviendront des impôts régionaux !

M. Yves Durand. Il faudrait être un peu plus à l'écoute des Français.

M. Guy Geoffroy. Et c'est vous qui dites ça !

M. Yves Durand. Si la loi d'orientation de 1989 ne se doublait pas d'une loi de programmation, du moins avions-nous établi des budgets en cohérence parfaite avec les politiques exposées par cette loi d'orientation.

Votre texte, en revanche, même s'il doit être accompagné, comme on l'entend répéter depuis quelques jours, d'une loi de programmation dont on ne sait d'ailleurs pas d'où elle sortira,...

M. Guy Geoffroy. D'ici !

M. Yves Durand. ... témoigne, à en juger par les chiffres cités par M. le ministre, d'une contradiction parfaite entre vos budgets et les mesures que vous annoncez.

En effet le budget de l'enseignement scolaire voté voici quelques mois par notre assemblée a été marqué par des diminutions massives de postes d'enseignant et de conseiller d'orientation : cinquante postes en moins pour l'année prochaine !

Malgré vos promesses, on ne peut que douter que la situation s'améliorera au cours des prochaines années, surtout lorsque l'on entend le Premier ministre et le ministre des finances répéter à longueur d'émissions que les Français doivent se débarrasser de la dette publique et que le seul moyen de la réduire est la diminution massive du nombre des fonctionnaires.

Alors que le budget réduit le nombre de postes et que vous nous promettez, pour les années prochaines, la réduction du nombre de fonctionnaires, vous nous annoncez des postes supplémentaires sur des lignes budgétaires dont nous nous évertuons depuis deux jours à vous demander l'origine, avec, pour toute réponse de votre part, lorsque vous ne nous renvoyez pas au code de l'éducation, : « Même avis que le rapporteur » !

Je le répète : tant que nous n'aurons pas obtenu de précisions à cet égard, nous ne pourrons que considérer ces annonces comme de la supercherie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous apprécions toujours les interventions de notre collègue M. Geoffroy,...

M. Guy Geoffroy. Merci !

M. Jean-Pierre Brard. Attendez donc la suite !

M. Jean Marsaudon. Au moins, il sait de quoi il parle !

M. Jean-Pierre Brard. Ne craignez rien, monsieur Geoffroy, à force d'appeler les Français à la rescousse, ils ne tarderont pas à vous répondre ! Il semble que vous n'ayez pas bien compris qu'ils saisissent chaque occasion où ils ont un bulletin de vote en main pour dire au Gouvernement ce qu'ils pensent.

On ne vient jamais pour rien dans cet hémicycle lorsque M. Geoffroy s'y trouve. Nous venons ainsi d'apprendre de sa bouche que nous avons voté en 1989 une loi de la République. Je pensais, quant à moi, qu'on en votait déjà depuis 1792 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est petit !

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est consternant !

M. Jean-Pierre Brard. Puisque M. Geoffroy n'a pas d'arguments...

M. Guy Geoffroy. C'est un peu court !

M. Jean-Pierre Brard. Départissez-vous donc, monsieur Geoffroy, de cette délicate arrogance qui fait votre charme discret ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C'est vous qui dites ça ? C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. le président. Du calme, seul M. Brard a la parole.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Geoffroy, sachant bien que vos arguments sont faibles, vous vous lancez dans l'archéologie, en cherchant des alibis dans un passé plus ou moins lointain. En réalité vous souhaitez que les textes contiennent le moins possible d'éléments qui garantissent l'égalité entre les enfants sur l'ensemble du territoire national. Vous voulez y faire figurer le moins possible de précisions qui permettraient aux parents et aux enseignants de vous mettre vos engagements sous le nez lorsque vous les trahirez.

Pour vous en sortir, vous refusez les précisions que nos collègues socialistes et nous-mêmes nous efforçons d'apporter au texte.

C'est à sourire de tristesse que d'entendre M. Geoffroy proposer à M. le ministre de lui proposer une excellente assise. Monsieur le ministre, gardez-vous de cette assise : le naufrage est proche !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 300 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 301 rectifié.

La parole est à Mme Martine David, pour le présenter.

Mme Martine David. Cet amendement se situe dans le droit fil de celui que nous venons d'examiner longuement.

Si, à propos de l'information sur les métiers, absolument indispensable à tous les élèves de notre système éducatif, le rapport annexé évoque assez largement - notamment page 38 du fascicule - les mesures susceptibles de permettre très concrètement aux élèves d'être informés sur les différents débouchés, les carrières et les métiers, pourquoi n'exprimez-vous pas cette volonté dans la loi ? Vous donneriez ainsi à ce texte les moyens d'assurer un véritable accompagnement des élèves. Cela pourrait se faire, par exemple, sous la forme très abrégée que nous proposons dans cet amendement.

Je souhaiterais recevoir sur ce point une réponse très claire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Cet amendement me laisse quelque peu perplexe : alors que, hier, en présentant sa motion de renvoi en commission, M. Durand a démontré que les trois heures de découverte professionnelle prévues en troisième étaient une mauvaise idée, on nous propose aujourd'hui d'inscrire dans la loi l'information sur les métiers !

M. Yves Durand. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut une information pour tous !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a donc repoussé l'amendement n° 301 rectifié.

Mme Martine David. Ce n'est pas une réponse !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ferai la même réponse que précédemment : l'article 313-1 du code de l'éducation prévoit le droit au conseil en orientation et à l'information sur les professions, qui fait partie du droit à l'éducation.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je regrette de devoir reprendre la parole (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais M. le rapporteur m'y oblige en travestissant les propos que j'ai tenus hier.

En effet je n'ai jamais balayé d'un revers de main la nécessité pour les élèves de troisième de disposer d'une information sur les métiers. En revanche - et nous y reviendrons -, il est clair que les trois heures de découverte professionnelle prévues en option sont une orientation déguisée. Pour nous, la découverte professionnelle et la découverte des métiers, parce qu'elle doit être à la base d'une véritable orientation, doit être ouverte à tous et non pas réservée à ceux qui la choisiraient pour des raisons que l'on connaît trop bien.

Tel était le sens des propos que j'ai tenus. Je partage donc l'opinion exprimée par M. Blazy et il me semble que la réponse de M. le rapporteur est, comme on le dirait d'une copie, hors sujet !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 301 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour présenter l'amendement n° 302 rectifié.

M. Jean-Pierre Blazy. Par cet amendement relatif à l'assistance sociale des élèves, il s'agit encore de définir les principes, puis les moyens de la réussite pour tous. Notre système éducatif manque cruellement de postes d'assistante sociale, ainsi que d'emploi d'infirmière ou de conseiller d'orientation. Dans certains territoires, des enfants vivent dans des conditions difficiles - car tout le monde ne dispose pas de 20 m² par enfant ; j'ignore d'ailleurs si les règles fixées par le Premier ministre pour les ministres valent pour tous les enfants de la République !(Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plus sérieusement, des postes d'assistantes sociales sont nécessaires pour répondre aux difficultés que rencontrent de trop nombreuses familles sur de trop nombreux territoires de la République.

M. François Liberti. C'est très sérieux !

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut trouver des réponses en termes de prévention, qui permettront la réussite - ou, à tout le moins, un moindre échec - des jeunes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss,rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Si l'on reprend le miroir du débat - je ne parle pas du rapport Thélot -, c'est-à-dire ce qui a été l'expression de la majorité des Français lors de ce grand débat national que le Président de la République lui-même avait appelé de ses vœux et qui devait alimenter notre discussion, on constate que l'une des idées forces était qu'il devait y avoir toute une série de personnels pour aider les enseignants et pour accompagner les élèves, notamment les plus en difficulté : les infirmières, les médecins scolaires, les assistantes sociales.

Chacun reconnaît que l'on manque d'assistantes sociales, chacun le reconnaît. Pourtant, je n'ai entendu qu'une réponse uniforme à la proposition de M. Blazy : « rejet » de la part de la commission, « même avis » de la part du Gouvernement. Nous ne sommes pas collectivement à la hauteur de l'enjeu de ce débat.(Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Certes, on va nous répéter encore que le Gouvernement va créer je ne sais combien de postes d'assistante sociale dans les cinq ans, mais je réitère la même question : sur quelle ligne budgétaire ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sur la ligne budgétaire des assistantes sociales.

M. Yves Durand. Comme j'imagine la réponse puisqu'elle est toujours la même, ou plutôt la non réponse, je me permets de vous demander, monsieur le président, une suspension de séance pour réunir mon groupe afin d'étudier la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur le ministre, avez-vous quelque chose à ajouter ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faut que tous ceux qui nous écoutent sachent ce que le parti socialiste est en train d'essayer de faire.

D'abord, cet amendement ne programme évidemment rien du tout. Il ne prévoit même aucune espèce d'obligation de recruter du personnel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy et Mme Martine David. On n'a pas le droit !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ne nous dites pas que vous proposez au Parlement un texte qui permettrait de recruter des personnels.(« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous voulez inclure dans le code de l'éducation un texte qui s'y trouve déjà ! Vous voulez qu'on répète deux fois la même chose !

Mme Martine David. On attend des engagements politiques !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ne poursuivez pas dans cette direction. Cela ne sert à rien, sauf s'il s'agit simplement d'aborder les sujets en discussion, ce que je comprendrais naturellement.

Quant à la sempiternelle question que pose M. Durand pour savoir que quelle ligne budgétaire seront inscrits les engagements que nous prenons, je lui réponds qu'ils seront inscrits dans les budgets annuels, aux lignes budgétaires qui correspondent aux dépenses de personnel. C'est une question tellement absurde, tellement ridicule (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) que je n'avais pas cru nécessaire d'y répondre jusqu'à maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Comment allez-vous les financer tout en baissant les impôts ?

Mme Martine David. C'est absurde, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 302 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons à l'amendement n° 288 rectifié.

La parole est à M. Yves Durand, pour le soutenir.

M. Yves Durand. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour défendre l'amendement n° 289 rectifié.

M. Yves Durand. Nous arrivons au cœur du problème de la scolarité obligatoire.

Par cet amendement, nous voulons clairement affirmer que la scolarité obligatoire est un tout et que ne peut être instaurée, sous quelque forme que ce soit, une orientation précoce, c'est-à-dire avant la fin de la scolarité obligatoire.

Ainsi que je l'ai déjà indiqué ce matin en défendant un autre amendement, il y a, d'abord, la formation initiale que dispense la scolarité obligatoire, puis la formation tout au long de la vie. La scolarité obligatoire est le tremplin qui donne à tous les élèves des chances identiques de réussir la formation tout au long de la vie. Cela implique, évidemment, qu'il n'y ait, avant la fin de la scolarité obligatoire, ni orientation ni sélection : aucun enfant ne doit à ce stade être dirigé vers une filière ou une autre, ce qui le priverait des mêmes possibilités de choix, donc de chances de réussite après cette scolarité obligatoire.

Si le ministre n'acceptait pas notre amendement, il se mettrait en contradiction avec ses propres déclarations, selon lesquelles il veut donner d'égales chances de réussite à tous les élèves.

Or l'égalité, en l'occurrence, c'est le socle commun de connaissances - nous y reviendrons à l'article 6 - égal pour tous, qui ne peut pas exister - c'est pourquoi j'ai insisté si longuement, dans mon intervention d'hier, sur ce terme de « commun », qui traduit une notion fondatrice de l'école républicaine - si l'on autorise une orientation avant la fin de la scolarité obligatoire.

Voilà pourquoi cet amendement est indispensable, si l'on veut vraiment la réussite pour tous. Il est essentiel que, dans une loi d'orientation, cette idée soit réaffirmée. Je souhaite, par conséquent, que la commission et, surtout, le Gouvernement, l'acceptent. Nous sommes, en effet, à un véritable tournant du débat, car cet amendement est au cœur de la conception que nous nous faisons de l'école.

On ne saurait, sans se contredire, soutenir que l'on défend, maintient ou préserve - selon l'endroit où l'on s'exprime - le collège unique et, en même temps, refuser de le concrétiser par cet amendement qui redit que « l'orientation ne doit pas intervenir avant la fin du collège ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le processus d'orientation se construit tout au long de la scolarité au collège. Il doit permettre à tous les jeunes d'élaborer un projet personnel en préparant, avec les professeurs et les conseillers d'orientation, la poursuite de leur études et leur avenir professionnel. À l'issue de la classe de troisième, la décision d'orientation tient compte des aspirations des élèves, de leurs aptitudes, des perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société et de l'économie. Nous proposons un dispositif pour aider les élèves à préparer cette orientation.

Par conséquent, l'esprit de cet amendement est parfaitement satisfait par notre texte.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, je reste confondu par l'enthousiasme que vous avez montré en émettant l'avis du Gouvernement !

N'aurais-je pas réussi à me faire comprendre, sans doute sous l'effet de la fatigue ? Ou bien considérez-vous que cet amendement ne traite que d'un point de détail ?

Je suis d'accord avec vous : l'orientation se construit tout au long de la scolarité obligatoire.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est clair !

M. Yves Durand. Autant dire qu'il fait chaud l'été !

Mais là n'est pas la question : il s'agit de savoir si, avant la fin de la scolarité obligatoire, on dirige certains élèves vers certaines filières, ou si ce choix - peut-être devrons-nous, en effet, substituer un autre mot à celui d'orientation afin de préciser notre pensée - du parcours individuel ne se fait qu'après la fin de la scolarité obligatoire, après la troisième. Or - et j'ai l'impression qu'il faudra y revenir car les choses ne sont pas claires, en tout cas dans votre réponse - vous mettez en option la découverte professionnelle, non pas pour tout le monde, mais pour certains qui l'auraient « choisie » ; nous nous expliquerons sur ces guillemets ultérieurement. Ce faisant, il n'y a plus de bloc unique de la scolarité obligatoire, il n'y a pas égalité devant le choix à la fin de la troisième, puisque pour certains élèves, le choix sera fait avant cette classe.

C'est parce que votre texte comporte cette disposition que nous avons présenté cet amendement. Il n'est nullement question de la méthode de l'orientation. Il ne s'agit pas de savoir si le parcours individuel d'un élève se fait ou non tout au long de sa scolarité : c'est une évidence !

Vous avez botté en touche, monsieur le ministre, en nous lisant votre texte. Il s'agit de savoir si, oui ou non, on garde l'idée du collège pour tous, un véritable collège de la réussite pour tous, avec une véritable égalité des chances, en lui donnant des moyens ; même si c'est difficile, compte tenu de l'hétérogénéité croissante des classes, même si c'est un défi qui exige une forte ambition de la part de l'État. À moins que vous ne renonciez à cette ambition, mais alors, dites-le, clairement ! Assumez vos choix et dites que vous supprimez le collège unique, ce sera plus clair ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Nous reviendrons plus tard sur les questions d'orientation, mais j'ai voulu prendre la parole parce que c'est encore un faux procès qui nous est fait, et un mauvais procès.

Chers collègues socialistes, vous créez vous-mêmes les éléments qui vous permettent de nous mettre, du moins le croyez-vous, en difficulté.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais vous êtes réellement en difficulté !

Mme Martine David. Vous êtes paranoïaque, monsieur Geoffroy !

M. Guy Geoffroy. Qui a dit qu'il y aurait une orientation avant la classe de troisième ? Personne.

Vous parlez du collège unique. Mais à quoi correspond cette notion? Selon la loi Haby, c'est la fusion en un seul type d'établissement du collège d'enseignement secondaire et du collège d'enseignement général. De ce collège unique, vous avez fait, vous, un collège uniforme.

Mme Henriette Martinez. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Blazy. N'importe quoi !

M. Guy Geoffroy. Ce qui réunissait, dans un même établissement, des élèves qui, jusque-là, ne bénéficiaient pas tous des mêmes conditions de préparation au second cycle, vous l'avez transformé, rendant plus difficile la suite de la scolarité à beaucoup d'entre eux.

M. Ghislain Bray. Quel réquisitoire !

M. Jean-Pierre Blazy. Expliquez-vous !

M. Guy Geoffroy. Et vous prétendez aujourd'hui, que, au travers de l'option de découverte professionnelle, nous allons instituer une pré-orientation. De qui vous moquez-vous ?

M. Pierre-André Périssol. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. Depuis la réforme du collège et la loi de 1989, ont été menées de nombreuses expérimentations, pour la plupart heureuses : quatrièmes et troisièmes expérimentales, préparatoires ou technologiques ; plus récemment, alors que j'étais en fonction mais pas vous et vous ne pouvez donc pas le savoir, il y a eu les troisièmes professionnelles et les troisièmes d'insertion.

M. Ghislain Bray. Très juste !

M. Guy Geoffroy. Depuis plus de vingt ans, parce qu'elles étaient nécessaires, ont été engagées, au sein du premier cycle, des tentatives pour faire en sorte que tous les élèves parvenus à la fin du collège aient bénéficié de la meilleure prise en compte possible de leurs différences et de leurs difficultés.

Ce texte propose ni plus ni moins que de mettre un peu d'ordre dans tout cela (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean-Pierre Blazy. Illusion !

M. Guy Geoffroy... et de faire en sorte que ce que tout le monde souhaite, c'est-à-dire que les élèves qui en émettent le souhait - et pour certains ce sera un besoin - soient en mesure de mieux maîtriser les conditions dans lesquelles l'apprentissage éventuel d'un métier leur sera proposé. C'est de cela qu'il s'agit.

Vous évoquez des sujets qui ne sont pas traités par ce texte ! Relisez-le donc : on y parle bien de la décision d'orientation à l'issue de la classe de troisième. On y lit aussi que le recteur présentera un rapport annuel au conseil académique « sur les conditions d'orientation des élèves et les résultats effectifs de leur affectation à l'issue des classes de troisième, de seconde et de terminale » - les trois paliers d'orientation.

Vous inventez une chimère.

M. Ghislain Bray. Eh oui !

Mme Martine David. Mais non !

M. Guy Geoffroy. Il n'y aura pas d'orientation avant la sortie du collège ! Ceux qui prétendent le contraire n'ont pas lu le texte, ou bien ils mentent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. N'importe quoi ! (« Non ! Non ! »sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 289 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Aux termes de l'article 4, « l'objectif de l'école est la réussite de tous les élèves ». On ne peut qu'être d'accord avec cette assertion, mais que constate-t-on ?

Si 98 % des enfants sont scolarisés en maternelle dès l'âge de trois ans, seulement 28 % le sont entre deux ans et trois ans, contre 38 % en 1980. Cette réalité est à rapprocher de nos discussions sur l'importance de la maternelle.

D'une manière ou d'une autre, 85 % d'une classe d'âge est scolarisée jusqu'à dix-huit ans et l'âge moyen de sortie d'études, toutes catégories confondues, est de dix-neuf ans, mais 40 % d'une classe d'âge n'a pas le baccalauréat.

Il faut bien constater que notre système scolaire privilégie toujours un modèle qui apparaît évident pour les enfants ayant la chance d'être familiarisés avec les pratiques de langage et de connaître l'utilité à long terme des savoirs scolaires. De nombreux jeunes, notamment ceux qui sont issus des milieux populaires, se trouvent de ce fait mis en situation d'inadaptation, donc d'échec.

La solution libérale consiste à organiser une école à plusieurs vitesses, en créant des « sous-écoles » pour les élèves qui ne peuvent pas suivre, et les jeunes qui auront réussi leur scolarité se verront affecter des moyens. Compte tenu des orientations de votre texte, nous pensons que le système éducatif doit être repensé dans son ensemble.

L'appropriation d'une culture scolaire commune de haut niveau pour tous les jeunes est un objectif fondamental de l'école obligatoire. Il devrait inspirer tous les programmes, toutes les disciplines pour tous les élèves, de l'école maternelle au lycée, quels que soient le diplôme préparé et la filière choisie.

La scolarité obligatoire doit pouvoir donner à tous les élèves les moyens de s'approprier une formation permettant de réduire les inégalités et de répondre aux besoins sociaux, technologiques et scientifiques de la société du XXIe siècle. Il faut leur donner une formation initiale qui facilite la reprise éventuelle d'études en formation continue et la validation des acquis de l'expérience, et ce dans les meilleures conditions.

Cela suppose la prolongation de la durée de la scolarité obligatoire pour tous jusqu'au baccalauréat, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de dix-huit ans.

Telle est la proposition que nous vous faisons avant d'aborder l'examen des amendements.

M. le président. La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David. Permettez-moi d'associer à mon intervention Mme Hélène Mignon, qui ne peut malheureusement siéger parmi nous cet après-midi.

Ce projet de loi réaffirme la mission de l'école : faire réussir tous les élèves. Qui pourrait ne pas approuver un tel principe ? Personne, bien sûr, mais nous ne saurions nous contenter d'incantations : il est indispensable de se donner les moyens d'atteindre ses objectifs. Or, monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire part de mon inquiétude devant certaines évidences : suppressions de postes, non-remplacement des enseignants absents, heures supplémentaires imposées. L'inquiétude des chefs d'établissements pour assurer la prochaine rentrée scolaire est bien réelle.

Comment ne pas regretter que la dynamique « Grande pauvreté et réussite scolaire », développée depuis plusieurs années, soit supprimée, laissant de nombreux enseignants dans le désarroi ? C'est un problème crucial, soulevé par ATD Quart Monde, en particulier pour une majorité d'enfants vivant dans des familles d'origine modeste. Je vous rappelle qu'ils sont au nombre d'un million.

Le projet de contrat individuel de réussite éducative - qui porte désormais un autre nom -, s'il pourra parfois apporter à des élèves en grande difficulté un soutien indispensable, n'en est pas pour autant satisfaisant. N'est-ce pas une nouvelle appellation pour des moyens de soutien qui existent déjà en grande partie ? Par ailleurs, son individualité risque d'en faire un instrument de stigmatisation. Il ne prend pas en compte l'importance d'une mobilisation collective pour que la communauté scolaire porte dans son ensemble le projet de ne laisser personne de côté.

Rappelons que le Conseil économique et social a demandé dans deux rapports l'instauration de formations continues sur le thème « difficultés économiques, précarité, grande pauvreté et réussite scolaire » et l'introduction de ce thème dans la formation initiale de tous les enseignants.

Dans cet article 4, il est notifié que « la formation scolaire doit, sous l'autorité des enseignants et avec l'appui des parents, permettre à chaque élève de réaliser le travail nécessaire tant à la mise en valeur de ses qualités personnelles et de ses aptitudes... ». Malheureusement, monsieur le ministre, tous les parents ne sont pas égaux devant l'institution scolaire. Pensons à tous ceux qui, ayant personnellement connu l'échec, ont peur de la rencontre avec l'école et avec les enseignants. Pourtant, les associer, c'est les reconnaître comme acteurs, partenaires à part entière, partager leurs savoirs, les savoirs de la vie, moins académiques et moins scolaires.

Les enfants doivent pouvoir être fiers de leur famille. Alors qu'il est nécessaire pour cela de faciliter les relais, les passerelles pour créer des liens entre l'équipe éducative et les parents, ce volet est insuffisamment pris en compte dans ce texte et donne même l'impression d'un retour en arrière.

Or sans cette relation réciproque d'écoute et de partage de savoirs sur laquelle se crée la confiance, le monde de l'école restera étranger et même hostile, voire humiliant, au monde vécu de l'enfant et de ses parents. Face aux familles d'origine très modeste, l'école est encore aujourd'hui un lieu de souffrance : souffrance des élèves, souvent de leurs parents et, ne l'oublions pas, de nombreux enseignants. Ce texte, monsieur le ministre, n'apporte pas de réponses suffisantes pour que la réussite scolaire pour tous soit au rendez-vous.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Cet article, monsieur le ministre, me met particulièrement mal à l'aise. Pourtant, quand on le lit, on ne peut qu'être d'accord avec ses objectifs. Je reviendrai néanmoins sur la formation scolaire lors de l'examen des amendements, car je n'en comprends pas la véritable signification. Je préfère parler de la scolarité obligatoire dont vous affirmez qu'elle a pour but la réussite de tous les élèves. Il est clair, en effet, que telle est la mission de l'école de la République.

La lecture de la suite de votre argumentation nous conduit à vous demander au moins une explication voire davantage sur certains termes.

Ainsi vous affirmez vouloir réaffirmer « la place du travail conduit sous l'autorité des enseignants et avec l'appui des parents. » Je crains qu'il n'y ait là, monsieur le ministre, une démarche démagogique envers les enseignants et, surtout, dépassée au regard de la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Ainsi que j'ai essayé de vous le dire hier lorsque j'ai soutenu la motion de renvoi en commission, ce n'est pas tant d'autorité dont les enseignants ont besoin. Dans une classe, l'autorité ne provient pas de l'inscription de ce vocable dans la loi, mais d'un certain climat, d'un rapport, souvent affectif, entre le maître, ses élèves et son environnement. Ce n'est pas parce qu'un professeur pourra s'appuyer sur un texte de loi face à ses élèves qu'il aura la capacité d'établir le contact avec eux pour leur transmettre les connaissances et les valeurs qu'il est chargé de leur enseigner.

Plus que d'autorité et d'appui de la part des parents, je pense que notre école a besoin aujourd'hui de l'établissement d'une responsabilité partagée entre enseignants et parents. Si les enseignants ont pleinement conscience de leur responsabilité, ils ont également besoin d'appui. Il convient donc de les entourer en créant dans et autour de l'école un véritable climat de confiance. En effet l'enseignant ne pourra être vraiment lui-même dans sa classe s'il n'est pas formé au travail d'équipe et s'il n'est pas aidé par la direction de l'établissement, par une équipe éducative et par certains professionnels tels que les assistantes sociales, les infirmières et les médecins scolaires. Il doit y avoir un véritable partage établi, presque contractualisé, avec les parents afin qu'ils participent avec les personnels enseignants à la vie de l'école, chacun intervenant dans le cadre de ses responsabilités.

Chacun d'entre nous connaît bien, pour y avoir assisté - deux par an pour chaque classe -, les réunions entre parents d'élèves et professeurs. J'ai été professeur pendant trente ans et j'ai donc reçu - sans doute comme M. Geoffroy - notamment les parents dont les enfants ne posaient pas de problèmes. En revanche, nous ne voyions pas les parents d'enfants en difficulté, alors que nous avions tant de choses à leur dire. Ceux-ci ne viennent pas, non, comme on le dit trop souvent de manière méprisante, parce qu'ils ont démissionné ou parce qu'ils se moquent de l'avenir de leur enfant, mais parce qu'ils souffrent et qu'ils ressentent l'échec de leur enfant comme le leur : ils y voient une sorte de fatalité héréditaire.

Il est indispensable de sortir de cet état d'esprit qui érige en règle le fait qu'on a dix fois plus de chances d'obtenir le baccalauréat et d'entreprendre des études supérieures dans un milieu familial marqué par la réussite scolaire qu'avec des parents qui considèrent que l'école n'est pas faite pour leur milieu. L'école doit redevenir un lieu de rassemblement.

On va encore m'accuser de faire un procès d'intention, mais j'estime que parler d'autorité et d'appui est hors de propos. Une fois de plus, monsieur le ministre, cet article n'est pas à la hauteur du défi à relever pour l'école, qui consiste à rescolariser les enfants et, peut-être aussi, leur propre famille, car on ne résorbera pas la fracture scolaire si l'on n'associe pas l'ensemble de la société, et d'abord des parents, à la réussite de ce projet. Or l'article 4 est loin de répondre à cet objectif.

M. le président. Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 4.

Je suis d'abord saisi de deux amendements, nos 209 et 362, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Liberti, pour présenter l'amendement n° 209.

M. François Liberti. Cet amendement est lié à la préoccupation forte que vient d'exprimer M. Durand.

Le dernier alinéa de l'article 4 dénature le sens des objectifs généraux et des missions de l'enseignement scolaire, en ce qu'il ne place plus les élèves au centre du système éducatif.

Le service public de l'éducation doit être conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. L'enseignant est donc invité à adapter ses pratiques et ses méthodes aux élèves, en prenant en compte leurs différences sociales et psychologiques et leur diversité.

Pour appliquer ces principes, des outils étaient proposés : la création de cycles dans le primaire, l'adaptation des rythmes scolaires, des périodes de vacances en fonction de l'intérêt des élèves, la pédagogie différenciée, l'élaboration de programmes et d'une formation des enseignants adaptée à l'intégration.


La création du réseau d'éducation prioritaire en 1998 procédait de la même volonté et, même si les moyens n'ont pas toujours été à la hauteur de l'ambition, le système éducatif est resté organisé autour de ce concept : l'élève en est le centre. Y renoncer, mettre le savoir à la place de l'élève, c'est tirer un trait sur la vocation de l'école à jouer un rôle essentiel pour la réussite de tous. La conception portée par votre projet, selon laquelle le maître est au centre du système, conduit à déplacer les objectifs. Mettre au centre le savoir ou le maître, c'est vouloir restaurer une autorité indiscutable et incontestable ; c'est préférer le pouvoir technocratique à l'exercice d'une réelle démocratie. Nous y sommes opposés. L'amendement vise donc à rectifier le tir et à remettre l'élève au centre du système éducatif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 362.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne reprendrai pas les arguments de M. Liberti : nous partageons son point de vue.

L'amendement n° 362 propose une nouvelle rédaction de l'article 4. En particulier, là où vous parlez de « parcours professionnel », nous ajoutons le qualificatif « personnel », même si le rôle de l'école est aussi, bien sûr, de préparer un futur parcours professionnel. Nous précisons également que les parents doivent participer à la mission éducative de l'école.

Nous n'avons pas confiance en votre projet, c'est vrai. Nous craignons en effet - et les propos de M. Geoffroy n'ont rien pour nous rassurer - que l'orientation ne se fasse dès le collège. Bien sûr, on nous affirme qu'aucune orientation n'aura lieu avant la troisième, mais le collège est, au sein du système éducatif, le lieu où tout se joue, où tout se décide, où les difficultés sont les plus importantes. C'est donc justement pendant cette période qu'il faut favoriser la réussite des élèves, celle de leur parcours personnel comme celle de leur futur parcours professionnel.

A cet égard nous n'avons pas confiance dans votre proposition de créer, en troisième, une option de découverte professionnelle, qui risque de n'être qu'une pré-orientation. Selon le rapport annexé auquel renvoie le fameux article 8, en effet, cet enseignement se déroulerait dans des lycées professionnels. Ceux qui le choisiront seront donc ceux que l'on aura « pré-orienté » avant même la fin de la troisième.

Ainsi, votre volonté cachée, inavouée, n'est pas d'assurer la réussite de tous les élèves, mais de les pré-orienter, ceux qui éprouvent des difficultés étant dirigés, dans les plus mauvaises conditions, vers les voies professionnelles. Notre amendement précise bien, au contraire, qu'il faut rendre prioritaire la réussite du parcours personnel, sans occulter, bien entendu, la préparation au parcours professionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission les a repoussés et je souhaite donner à ce sujet quelques explications. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Blazy. Enfin !

M. Yves Durand. Incroyable : le rapporteur s'explique !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 209, je ne vois pas une grande différence entre « l'objectif de l'école est la réussite de tous les élèves » et « l'école doit permettre la réussite de tous les élèves ». Quant aux objectifs « qualitatifs » et « quantitatifs », ils sont déjà prévus par le projet de loi.

En revanche, l'idée selon laquelle les élèves doivent réaliser le travail nécessaire pour leur réussite n'y figure pas, non plus d'ailleurs que dans l'amendement n° 362.

La notion d'épanouissement a fait l'objet d'une discussion au sein de la commission. Certains voulaient promouvoir l'épanouissement par le sport, d'autres par une activité artistique, la liste des choix possibles étant longue. Quoi qu'il en soit, un amendement proposera d'ajouter ce terme au texte de l'article.

Vous avez affirmé, monsieur Durand, que l'expression « formation scolaire » ne vous parlait pas. Elle est pourtant reprise dans la rédaction de l'amendement n° 362.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela montre que M. Durand sait être positif !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. À l'autorité des enseignants, vous avez dit préférer la notion de responsabilité partagée, mais votre amendement n'évoque que la responsabilité des enseignants. Vous vouliez la « participation » des parents plutôt que leur « appui », mais je lis ici le mot « soutien ». Que d'incohérences !

L'idée de parcours personnel, en revanche, a été acceptée par la commission. Elle fait l'objet d'un amendement que nous examinerons plus tard.

M. Yves Durand. Pourquoi ne pas adopter celui-ci ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je souhaite également le rejet de ces amendements.

D'abord, la rédaction qu'ils proposent me semble moins précise, moins bonne que la nôtre.

M. Jean-Marie Le Guen. Ça, c'est votre jugement de valeur !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Surtout, ils traduisent de vraies différences entre nous. (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, l'amendement du groupe communiste fait disparaître la référence au travail, ...

M. Jean-Jacques Descamps. Normal !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...et celui du groupe socialiste la référence à l'autorité.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Personnellement, je souhaite que ces deux notions figurent dans l'article. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Au fur et à mesure de la progression du débat, les choses s'éclairent. Pour une fois, nous avons obtenu une réponse nette de M. le ministre.

Vous souhaitez faire référence à l'autorité et au travail...

M. Marc Le Fur. Il est temps d'y revenir !

M. Yves Durand....mais qui contesterait qu'il faut travailler à l'école ?

M. Jean-Jacques Descamps. Certains enseignants !

M. Yves Durand. Je vous en prie, ne les insultez pas !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais si, puisqu'ils sont là pour ça !

M. Yves Durand. De même, qui pourrait affirmer que l'autorité n'est pas nécessaire dans une classe ? Certainement pas nous.

Cela étant n'oublions pas que si ce projet de loi doit certes assigner des objectifs à l'école, il faut également qu'il adresse des signes forts à une communauté éducative désorientée par la politique menée depuis trois ans.

M. Jean Marsaudon. Comme par hasard !

M. Yves Durand. Certes, vous pouvez laisser les enseignants tous seuls, dans la situation où vous les avez mis, et leur dire : « Ne vous en faites pas, votre autorité est inscrite dans la loi ! »

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est mieux que de ne pas l'inscrire !

M. Yves Durand. Mais à quoi bon, si le reste de votre discours est marqué par une défiance à leur égard et, surtout, si vous leur retirez les moyens de travailler ?

M. Charles Cova. Et vous, que proposez-vous ? Tout ça, c'est du bla-bla !

M. Yves Durand. De même, vous pouvez toujours insister sur l'importance du travail, mais que signifie la notion de travail pour un élève qui, parce qu'il est issu d'un milieu défavorisé (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Charles Cova. Et voilà !

M. Yves Durand. Quand vous entendez parler de milieux défavorisés, vous levez les bras au ciel. Évidemment : vous ne savez pas ce que c'est ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Venez donc dans ma circonscription !

M. Charles Cova. Voilà la sensiblerie et le misérabilisme, typiques de la gauche !

M. Yves Durand. Cet élève sait très bien - parce que toutes les études le montrent - que, s'il vient d'un milieu défavorisé, ou s'il étudie dans une école de banlieue, il a dix fois moins de chances d'avoir son bac et d'atteindre l'enseignement supérieur. Qu'allez-vous lui dire ? « Ne t'inquiète pas, pour réussir, il suffit de travailler : c'est inscrit dans la loi ! » Vous êtes à côté de la plaque ! (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles Cova. C'est vous !

M. Yves Durand. Nous attachons aussi de l'importance aux valeurs de travail et d'autorité, mais nous souhaitons aller au-delà.

La mission que nous devons donner aux enseignants est celle de la responsabilité, d'une responsabilité qu'ils doivent assumer non pas seuls, mais avec toute une communauté qui les soutient. Voilà ce qu'ils demandent et c'est parce que vous n'accordez pas suffisamment d'importance à cette demande, monsieur le ministre, que toutes les fédérations de parents d'élèves ont rejeté votre texte.

M. Jean-Jacques Descamps. C'est faux !

M. Jean-Pierre Blazy. Si ! Même L'UNAPEL !

M. Yves Durand. Mais si ! Lisez leur lettre ouverte.

Les parents d'élèves désirent une responsabilité partagée ; ils ne veulent pas se contenter d'apporter un simple soutien lorsque les choses vont mal, ou être convoqués pour se voir annoncer que leur enfant a échoué et qu'il sera exclu, ou devra redoubler, comme le prévoit votre texte !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Quelle caricature !

M. Yves Durand. Oui, monsieur le ministre, il existe de vraies différences de fond entre nous, s'agissant de l'école, des enseignants et des objectifs qu'il faut leur assigner.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Les propos de M. Durand sont pathétiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrice Martin-Lalande. Outranciers !

Mme Martine David. Parlez pour vous !

M. Guy Geoffroy. Il est pathétique, en effet, d'entendre le parti socialiste se faire le défenseur des enseignants...

Mme Martine David. Ici c'est le groupe socialiste !

M. Guy Geoffroy. ...quand on se souvient de ce qui se disait dans les salles des professeurs entre 1997 et 2002.

M. Yves Durand. Essayez d'élever le débat !

M. Guy Geoffroy. On a pu voir, à cette époque, des choses étonnantes : par exemple, un ministre de gauche insultant le monde enseignant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ; ou des enseignants demander à un gouvernement qui se croyait proche d'eux la démission de ce ministre, et l'obtenir finalement.(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Marsaudon. Il a raison !

M. Guy Geoffroy. Ces mêmes enseignants ont cependant vite compris que le successeur de M. Allègre menait exactement la même politique, tout en leur passant un peu de pommade.

Je me souviens aussi des réunions précédant la rentrée de 2000 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. Nous sommes en 2005 !

M. Guy Geoffroy. Les enseignants étaient catastrophés à la lecture des circulaires concoctées par le ministre pendant l'été. Je vous invite à les lire, ou à les relire : il y était dit que les enseignants devraient dorénavant prouver à chaque instant ce qu'ils avaient à reprocher à un élève. On ne leur faisait plus confiance. Et aujourd'hui, vous prétendez, de cette manière pathétique et dérisoire, que vous défendez les enseignants ? Mais les enseignants ne croient plus en votre soutien. Ils vous l'ont d'ailleurs clairement fait comprendre le 21 avril 2002 !(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialistes.)

M. Jérôme Lambert. Ah oui ? Et comment croyez-vous que Chirac a été élu ?

M. Guy Geoffroy. Les enseignants n'appartiennent à personne.

Mme Martine David. En tout cas, vous n'avez aucune légitimité à leurs yeux !

M. le président. Monsieur Geoffroy !

Mme Martine David. Arrêtez-le !

M. le président. Madame David !

M. Guy Geoffroy. Ils veulent simplement exercer leur métier dans des conditions dignes et décentes. Ils demandent le respect de leur autorité et de leur dignité. Le projet de loi que nous défendons leur permettra de recouvrer l'une et l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Vous êtes pitoyable !

M. David Habib. Plus c'est gros, plus ça passe !

M. le président. Mes chers collègues, je ne veux pas entendre que je dois interrompre un orateur. Je laisse chacun s'exprimer raisonnablement et si j'avais dû arrêter des orateurs, je l'aurais fait bien avant l'intervention de M. Geoffroy.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Avant l'intervention de M. Geoffroy, ...

M. Pierre-Louis Fagniez. Intervention remarquable !

M. Jean-Marie Le Guen. ...M. le ministre a essayé de porter le débat sur les valeurs qui nous opposeraient. Il a eu raison de mettre en avant, comme nous l'avions fait dans nos amendements, la question de l'autorité et du travail. Ce ne sont en effet pas ces mots qui nous opposent, ...

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Si, apparemment, puisque vous les supprimez !

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais ce que nous mettons derrière.

Plutôt que de parler d'un monde, celui de l'école, sur lequel nous pourrions projeter nos fantasmes, abordons la question de l'autorité et du travail dans notre propre métier, celui de responsable politique, et, plus précisément, étudions la conception que s'en fait le ministre.

Mme Martine David. C'est une bonne question !

M. Jean-Marie Le Guen. Pense-t-il aujourd'hui affirmer son autorité en voulant faire adopter un texte sans concertation...

M. Guy Geoffroy. Oh !

M. Jean-Marie Le Guen. ...alors même qu'il obtiendra l'effet inverse puisque l'essentiel de sa loi va réunir contre elle dans la rue les jeunes, les enseignants, les parents d'élèves ?

M. Jean Marsaudon. La FCPE !

M. Jean-Marie Le Guen. Cette autorité est même remise en cause au sein des groupes majoritaires qui soutiennent le Gouvernement ; ils sont souvent les premiers à reprocher aux ministres de remettre en cause l'autorité du Gouvernement.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout !

M. Jean-Marie Le Guen. Pour ce qui est du travail, mes chers collègues, vous devriez en avoir une conception dynamique plus collective, et je ne parle même pas de ce que nous avons fait la semaine dernière sur les 35 heures.

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Je sens que vous m'incitez à conclure, monsieur le président.

M. le président. Tout à fait.

M. Jean-Marie Le Guen. Si je suis dans mon tort, je vais conclure. Js'aurai l'occasion de revenir sur le sujet à d'autres moments.

Notre vision du travail est sans doute, elle aussi, différente. Faut-il stimuler et intensifier le travail d'une petite minorité de Français lorsqu'on ne s'intéresse pas au travail de l'ensemble des Français ?

Derrière ces mots, c'est vrai, nous ne mettons pas tout à fait les mêmes enjeux ni les mêmes valeurs.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Notre collègue M. Geoffroy vient de nous démontrer d'une manière très claire que les enseignants sont capables d'avoir un jugement autonome et d'agir en conséquence, quel que soit le gouvernement. Ils le prouvent aujourd'hui, en défilant dans la rue pour contester votre projet. Ils ne sont pas manipulés.

M. Guy Geoffroy. Pas tous !

M. François Liberti. Ils ne l'étaient pas hier ; ils ne le sont pas aujourd'hui.

Quant à M. le ministre, il a fait un raccourci étonnant. Que dit notre amendement ? « L'enseignement scolaire doit permettre à chaque élève tant la mise en valeur de ses qualités personnelles, le développement de ses capacités et la préservation de sa santé, que l'acquisition de connaissances, de méthodes, de compétences et d'une culture générale et technique qui seront utiles à la construction de sa personnalité, à son épanouissement, à sa vie de citoyen, à la poursuite de sa formation initiale et continue et à la préparation de son parcours professionnel. »

M. Georges Colombier. Amen !

M. François Liberti. Je ne vois dans cette rédaction aucune négation ni du travail ni de l'autorité.

Ce qui nous sépare, monsieur le ministre, c'est que nous, nous mettons l'élève au centre du système éducatif, vous non. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 209.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 362.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol, pour soutenir l'amendement n° 450.

M. Pierre-André Périssol. L'objectif assigné à l'école de faire réussir tous les élèves serait, à entendre certains, banal. L'affirmer reviendrait à enfoncer une porte ouverte. Je suis persuadé du contraire.

Cet objectif, les Français l'ont réclamé pendant le grand débat sur l'école. En effet, si, a priori, tout le monde souhaite que les élèves réussissent, le système s'était mis à considérer, peu à peu, qu'il y avait une fatalité à ce qu'un certain pourcentage de nos enfants, 15 % à 20 %, reste sur le bord de la route. Je crois qu'il est très important de refuser cette fatalité de l'échec pour un certain nombre de nos enfants et d'assigner à l'école l'objectif clair de faire réussir tous les élèves.

Malheureusement, la formulation de cet objectif a suscité, les membres de la commission le savent, un malentendu et donné lieu par la suite à une de ces polémiques dont notre pays a le secret, surtout dans le monde éducatif. Un certain nombre de personnes, de bonne foi peut-être, ont déclaré que nous ne pouvions pas avancer un tel objectif parce que nous ne pouvions pas prétendre que tous les élèves allaient réussir de la même manière. C'est évident.

Je crois donc qu'il est indispensable - tel est l'objet de l'amendement n° 450 - d'expliciter la notion de réussite de tous les élèves. Cette réussite ne peut pas être la même pour tous. Elle doit comprendre une part effectivement commune, celle de la maîtrise par tous à l'issue de la scolarité obligatoire d'un certain nombre de fondamentaux - c'est la maîtrise par tous du socle qui doit être commun - mais également une part propre à chacun : la découverte de la voie d'excellence, celle dans laquelle l'élève va se sentir bien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Cet amendement fait référence au socle commun alors que celui-ci ne sera défini qu'à l'article 6, donc dans un article ultérieur. Par ailleurs, la formulation de « découverte de sa voie d'excellence » ne semble pas la meilleure. Toutefois, la commission a considéré que l'idée de faire apparaître, à côté du socle de base, d'autres centres d'intérêt était intéressante. C'est pourquoi elle a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je comprends l'objectif de cet amendement, mais je pense que l'affirmation de cet objectif aurait plus sa place à l'article 6.

Dans son amendement, M. Périssol définit la réussite comme la somme d'un socle commun et d'éléments propres à l'élève. C'est une conception très mathématique, ce qui n'est pas étonnant au regard des compétences dans ce domaine de Pierre-André Périssol, mais je me demande si elle n'est pas réductrice.

Pour moi, la réussite ne peut se définir, se mettre en formule. Je ne crois pas d'ailleurs que la formation scolaire dont il est question ici vise autre chose que la construction de la personnalité, un épanouissement et la préparation du parcours professionnel que l'élève choisit.

Je suis gêné par la rédaction qui nous est proposée, en ce qu'elle oblige chacun à la découverte d'une voie d'excellence. Cela me semble un peu artificiel. Chacun est libre d'avoir l'ambition qu'il veut et de la placer au niveau où il l'entend, même si le système scolaire se doit de révéler les aptitudes de chaque élève et de lui permettre de s'exprimer au plus haut niveau.

En outre, l'un des objectifs de la formation scolaire qu'explicite l'alinéa II de l'article 4 va bien au-delà d'une simple maîtrise scolaire puisqu'il s'agit de contribuer à l'accomplissement de la personnalité de chaque élève. Mme Boutin dirait de sa personne ; M. le rapporteur parle de son épanouissement ; je préférerais, pour ma part, me rallier à cette dernière suggestion, qui est bien dans l'esprit du texte. Toutefois, je rappelle que le contenu scolaire est traité à l'article 6.

M. Guy Geoffroy. En effet !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Si l'on veut mieux établir le lien entre le socle commun et les matières complémentaires, il vaudrait mieux en discuter à l'article 6.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Le problème que pose M. Périssol est au cœur, pour reprendre l'expression du ministre lui-même, du projet de loi et je pense, comme son auteur, que cet amendement a bien sa place à l'article 4, même si nous devrons aborder à nouveau ce sujet à l'article 6, quand il nous appartiendra de décider comment et par qui est constitué le socle commun, une des missions du haut conseil de l'éducation.

Nous adresserions un véritable message, nous manifesterions une véritable ambition à placer l'affirmation d'éléments communs ou du socle commun, peu importe les termes, à l'article 4 parce que nous introduirions ainsi ce socle commun dans les objectifs mêmes du système éducatif. Cela en ferait un élément de politique éducative, au sens propre du terme, et non pas uniquement de technique éducative, c'est-à-dire de ce qu'il y a dedans. Ce serait placer l'ambition avant le contenu. Nous ne pourrons véritablement débattre du contenu, et je pense que c'est un vrai sujet dont nous discuterons lorsque nous examinerons l'article 6, qu'après avoir montré cette ambition.

J'ai déploré moi-même hier l'absence dans le projet de loi de l'adjectif « commun », qui pouvait laisser place à toutes les interprétations quant à l'objectif même de rassemblement fixé à l'école. Cela rejoint le débat que nous avons eu sur l'orientation et sur la classe de troisième.

Ce qui est en jeu, c'est l'idée que l'on se fait non seulement de la réussite et de l'excellence, M. le ministre vient de donner un aperçu de la sienne, mais aussi de l'égalité ou de l'équité nécessaire pour mener à cette excellence. La mention ou non du qualificatif « commun » dès l'article 4, qui dicte les objectifs, est, de ce point de vue, lourde de sens.

Voilà pourquoi, même si la rédaction de l'amendement est imparfaite, M. Périssol m'en excusera, il m'apparaît essentiel de mentionner dès l'article 4 les « éléments communs à tous ». Nous voterons donc l'amendement n° 450.

M. le président. La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David. Je ne reviendrai pas sur la dimension du socle commun, partageant à cet égard les analyses de M. Périssol et de M. Durand, mais l'autre aspect de l'amendement de M. Périssol, à savoir la découverte de la voie d'excellence, me convient pareillement.

Un grand nombre d'élèves d'origine extrêmement modeste rencontrent des difficultés d'accompagnement, parce que les parents ne se sentent pas toujours à la hauteur ou ont le sentiment qu'ils ne sont pas eux-mêmes suffisamment écoutés, accompagnés, suivis. J'approuve tout à fait l'idée de mentionner dès cet article 4 à la fois le socle commun, sur lequel nous reviendrons très largement en examinant l'article 6, et, surtout, l'accompagnement de chaque élève pour la découverte, grâce au système éducatif, d'une voie d'aptitude particulière, privilégiée, qui lui donnera, en lui permettant de s'exprimer, des chances supplémentaires de parvenir à trouver sa place dans le système éducatif et, ensuite, dans sa vie d'adulte.

Ce point est extrêmement important et nous ne pouvons qu'être favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Il faut savoir gré à notre collègue Pierre-André Périssol de soulever, alors que nous nous approchons de l'examen du socle commun, la question de la réussite de chaque élève.

Cet amendement s'inscrit tout à fait dans l'esprit des travaux de la commission nationale du débat sur l'avenir de l'école. La réflexion que nous avons menée au sein de cette commission a permis en effet de faire naître l'idée d'un socle commun, idée qui est reprise dans le projet de loi, mais elle a aussi montré qu'il était illusoire, fallacieux, voire scandaleux de s'adresser à un élève et à sa famille pour lui parler de sa future réussite lorsqu'on n'a pas pris la peine de vérifier que, à chaque étape de la constitution des fondamentaux, l'ensemble des éléments qui constituent le socle était bien validé et bien maîtrisé par l'élève.

Il y a donc bien un socle, sans lequel rien n'est possible, puis les autres enseignements obligatoires et, enfin, tous les enseignements de diversification, à savoir les options qui précisent les éléments de la réussite de l'élève au fur et au mesure de son avancée dans la scolarité. Tout cela est extrêmement pertinent, mais, comme le disait tout à l'heure M. le ministre, aurait plutôt sa place à l'article 6 relatif au socle. Je suggère donc que nous ne renoncions pas à l'examen au fond de la proposition de Pierre-André Périssol, mais que nous y procédions plutôt à l'article 6.

M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Pierre-André Périssol. Monsieur le ministre, vous dites que la réussite ne se définit pas. Or j'ai salué le fait que soit inscrit dans la loi : « L'objectif de l'école est la réussite de tous les élèves », car cela ne va pas de soi. Donc, vos propos m'inquiètent. Je sais qu'il peut y avoir des confusions, des malentendus, des polémiques sur le sujet et je souhaite que l'on essaie de les limiter autant que possible en précisant ce que l'on entend par ce mot « réussite ».

Vous me dites que cet amendement aurait plutôt sa place à l'article 6, mais je ne vois pas très bien comment il sera possible de l'y insérer. C'est pourquoi j'avais saisi l'occasion qui se présentait à l'article 4.

M. Yves Durand. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 450.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 184.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Cet amendement de M. Fourgous vise à insérer, dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 122-1 du code de l'éducation, après les mots : « et de ses aptitudes », les mots : « aussi bien intellectuelles que manuelles ».

La réussite professionnelle des 160 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire en situation d'échec, sans diplôme ni qualification, serait mieux assurée si le système scolaire valorisait davantage l'habileté manuelle dans l'évaluation des élèves, et ce dès l'école primaire. Cela nous ramène à la dimension globale de la personne dont vous avez parlé, monsieur le ministre, et sur laquelle je reviendrai en défendant un amendement suivant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a bien compris qu'il s'agissait de revaloriser les sections professionnelles. Nous avons, en effet, les forts en thème, ceux qui ont la bosse des maths, les caïds en sport, mais il faut aussi penser à ceux qui sont habiles de leurs mains.

M. Yves Durand. « L'intelligence de la main » !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. C'est important. C'est pourquoi la commission a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement considérait que le mot « aptitudes » était suffisant et qu'il n'était pas nécessaire d'opposer aptitudes intellectuelles et aptitudes manuelles. Cela dit, il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 286.

La parole est à M. Jacques Remiller, pour le soutenir.

M. Jacques Remiller. Nous évoquons la réussite de tous les élèves. Il est précisé à l'article 4 que la « formation scolaire doit, sous l'autorité des enseignants et avec l'appui des parents, permettre à chaque élève de réaliser le travail nécessaire tant à la mise en valeur de ses qualités personnelles et de ses aptitudes qu'à l'acquisition des connaissances et de la culture générale et technique ». L'amendement n° 286, cosigné par Lionnel Luca et de nombreux collègues, vise à ajouter les mots : « ainsi qu'à la pratique d'activités sportives et artistiques ».

Nous sommes satisfaits des explications de M. le ministre. Nous ne proposons pas d'introduire l'éducation physique et les arts plastiques dans le socle - nous en reparlerons à l'article 6. Nous souhaitons simplement qu'ils soient considérés comme des enseignements fondamentaux puisqu'ils développent l'esprit d'équipe et le sens de l'effort pour l'un, la sensibilité esthétique pour l'autre. Ces pratiques participent donc pleinement à la formation des citoyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Je lui avais moi-même proposé d'inclure dans le texte l'épanouissement par le sport. Certains ont souhaité que soient aussi mentionnées les activités artistiques. La commission a retenu le seul terme d'épanouissement, considérant qu'il recouvrait les activités sportives et artistiques. A titre personnel, je suis donc favorable à l'amendement.

M. François Liberti. Il y a du flottement dans l'air !

M. Jean-Marie Le Guen. Ils ne savent plus quoi faire ! Manque d'autorité !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La rédaction que propose le Gouvernement englobe naturellement les formations artistiques et sportives, qui font partie de la culture générale. Néanmoins, si l'Assemblée nationale souhaite les mentionner, je n'y suis pas défavorable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Là on ne comprend plus !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je m'étonne que le ministre ne nous ait pas répondu que cela figurait dans le code de l'éducation, car c'est le cas.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Non, cela n'y est pas !

Mme Martine David. Mais si !

M. Yves Durand. Sans doute y a-t-il un code de l'éducation pour l'opposition et un autre pour la majorité !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il n'est pas inutile de réaffirmer l'importance de ces disciplines que l'enseignement a tendance à négliger. Du reste, ce n'est pas contradictoire avec le fait de les intégrer dans le socle.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Je partage cet avis et nous voterons cet amendement sur lequel la commission elle-même semble hésiter. Il a en effet au moins le mérite de reprendre ce que nous n'avons cessé de dire ici cet après-midi. Peu importe qu'il émane de l'UMP !

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.

M. Jacques Remiller. Nous serions heureux que cet amendement soit adopté à l'unanimité et je vous remercie d'ores et déjà de votre vote.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 286.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 406.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Cet important amendement vise à substituer au mot « personnalité » celui, bien moins restrictif, de « personne ». L'école a certes vocation à assurer la réussite de l'élève, mais elle doit appréhender celui-ci dans sa globalité. En outre, le mot « personne » affirme la dignité de chacun.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a préféré s'en tenir à la rédaction initiale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je comprends ce que veut dire Mme Boutin, mais elle fait là de la philosophie. Or, nous sommes en train d'écrire une loi sur l'école.

M. Jean-Marie Le Guen. La philosophie c'est le socle !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'école n'est qu'un des lieux de construction de la personne. Le mot « personnalité » me semble donc plus adapté au contexte.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Derrière les mots, il n'y a pas seulement les intentions ; il y a aussi les politiques qui se mettent en place. Mme Boutin a le mérite de le faire ressortir avec sa proposition. En écoutant les points de vue des uns et des autres j'avais le sentiment que nous avions des intentions communes jusqu'au moment où le ministre nous a dit que ce qui séparait la droite de la gauche de l'hémicycle, c'était les valeurs d'autorité et de travail, que l'on ne retrouvait pas à gauche. Si l'on considère que la solution passe par l'affirmation de l'autorité, dont personne ne conteste la nécessité, et par le travail de l'élève, on est bien dans un système qui valorise d'abord la réussite individuelle.

Nous ne partageons pas cette approche. À nos yeux, l'élève comme le maître doivent être considérés en fonction de leur environnement. C'est d'ailleurs ce qui crée à l'État une obligation de moyens, qui ne peut être dissociée de la notion de réussite et dont nous avons peu parlé.

Cela signifie que l'élève doit être considéré dans son environnement scolaire et social, et que l'on doit s'intéresser à sa personne et non pas simplement à sa personnalité. En effet, il faut prendre en considération non seulement la manière dont il réagit face à une situation donnée, donc son caractère, que l'école va d'ailleurs servir à former, mais aussi son environnement, qui n'est pas uniquement scolaire.

Mme Martine David. Eh oui !

M. Gaëtan Gorce. C'est donc bien la personne qu'il faut prendre en compte dans ce débat. Sur ce point, je suis d'accord avec Mme Boutin. Une fois n'est pas coutume.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est le cas depuis ce matin !

M. Gaëtan Gorce. Au reste, nous nous sommes rejoints récemment sur d'autres sujets importants, qui mettaient également en jeu des notions philosophiques. En l'occurrence, je pense comme elle que c'est la personne qui doit ici être prise en compte.

Cette question fait le lien avec les observations de M. Périssol. En effet, notre collègue juge insuffisante la définition de la réussite qui figure dans ce texte, parce qu'elle ne souligne pas suffisamment la diversité des situations des élèves en tant que personnes, compte tenu de leur histoire, de leur situation sociale et des préoccupations auxquelles ils peuvent être confrontés.

Par conséquent, j'ai le sentiment que la proposition de Mme Boutin est de nature à enrichir le texte et à le préciser, surtout en ce qui concerne la référence aux valeurs : l'autorité, le travail ou d'autres, qui viennent spontanément à l'esprit. Notre réflexion tend en effet à mettre en avant les personnes et les politiques, ce qui est le rôle de la République, au lieu de se référer à des conceptions qui me paraissent relativement en décalage par rapport à l'évolution de notre société.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Il s'agit peut-être de philosophie, monsieur le ministre, mais la politique n'en est jamais éloignée, surtout quand on parle de valeurs.

Pour en revenir à l'école, nous avons tous observé l'évolution d'un enfant. À un certain âge, il développe, du fait de sa personnalité, certains talents, par exemple un talent mathématique, et en laisse de côté d'autres, par exemple artistiques. Pourtant, quand il grandit, il peut arriver que ce soient finalement les talents artistiques qui se développent.

Mais si, dès le départ, on ne considère dans sa personnalité que ce talent mathématique, on risque de laisser en friche d'autres aspects, qui auraient pu être mis en valeur et qui font aussi partie de lui.

C'est pourquoi j'insiste sur la notion de personne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un souci de prudence m'incite à demander à Mme Boutin de ne pas utiliser le mot de personne, qui me semble trop global par rapport à la mission de l'école.

Voilà qui m'amène à citer une nouvelle fois la fameuse lettre de Jules Ferry : « Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée qu'est la conscience de l'enfant ».

À mes yeux, le mot « personne » englobe cette conscience de l'enfant. C'est la raison pour laquelle je préfère le mot « personnalité ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 406.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 432.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La première rédaction proposée pour cet amendement mentionnait l'« épanouissement physique par le sport ». Un amendement en ce sens ayant déjà été adopté, je propose de retenir simplement la notion d'épanouissement, comme l'avait suggéré M. Liberti dans un de ses amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Accord.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 432.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 178.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. La notion de développement de l'autonomie de l'enfant me paraît très importante.

Si nous voulons que l'école fasse des citoyens capables d'affronter la complexité de nos sociétés, il faut non seulement que les enfants acquièrent des valeurs, des connaissances scolaires et des méthodes, mais aussi que l'école les aide à construire leur autonomie, afin qu'ils ne soient pas des robots, mais des êtres capables de réfléchir par eux-mêmes dans une société complexe et de se faire leurs propres opinions. Il faut aussi qu'ils soient capables d'évoluer dans un cadre difficile : la société impose aujourd'hui de changer de parcours tout au long de sa vie, puisqu'il est de plus en plus rare de pratiquer le même métier pendant toute la période professionnelle.

À mes yeux, l'autonomie, qui n'est pas mentionnée dans ce texte, est une valeur fondamentale. Il me semble indispensable de la faire apparaître - à moins que l'on ne considère l'autonomie de l'être humain comme un détail anecdotique.

Ce serait paradoxal, alors même qu'on nous parle souvent de liberté, fût-ce pour nous expliquer, ce qui est évidemment discutable, que la liberté du travail, c'est la liberté de travailler sans fin.

Quoi qu'il en soit, pour qu'un être humain puisse exercer sa liberté, il faut justement qu'il ait construit son autonomie depuis le plus jeune âge.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, l'article 4 étant déjà bien chargé.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas un argument !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. J'ajoute que l'amendement n° 291 va dans le même sens en proposant de modifier l'expression « parcours professionnel » en « parcours personnel et professionnel ». Cet amendement recevra, lui, un avis favorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Il ne s'agit pas d'un amendement de détail, monsieur le ministre.

L'argument selon lequel l'article 4 serait trop chargé pour que l'on adopte cet amendement ne me semble pas relever de la haute philosophie, pour reprendre un terme déjà cité.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes plus à votre aise dans le galimatias que dans la philosophie !

M. Yves Durand. En outre, cet amendement est essentiel pour deux raisons, qui tiennent peut-être à une divergence entre la majorité et l'opposition sur la mission de l'école.

La première est que, pour nous, il est essentiel que l'école permette à chaque individu d'être libre et responsable, c'est-à-dire autonome. Il doit l'être par rapport à son milieu d'origine, par rapport à sa propre culture et par rapport à sa propre histoire. Or il ne peut y avoir de liberté ni de véritable esprit critique sans apprentissage de l'autonomie, qui n'est pas naturelle et doit être acquise.

Or qui, mieux que l'école, peut donner à l'enfant les moyens de devenir autonome ? Je crois que, si l'on se réfère à nouveau à la philosophie, comme Mme Boutin nous a invités à le faire, cette autonomie apparaît comme le fondement même de la notion de laïcité.

Vous voyez, madame, que, dès lors qu'on les approfondit un peu, nous pouvons nous rejoindre sur des sujets qui nous ont parfois opposés.

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. Yves Durand. Il est donc essentiel à mes yeux que cet amendement soit voté.

La seconde raison qui me pousse à le défendre tient à la notion de réussite scolaire. J'ai fait allusion hier à l'enquête PISA. Celle-ci souligne qu'il manque à nos élèves non un empilement de connaissances - en la matière, ils sont relativement performants -, mais la capacité de réfléchir d'une manière autonome sur celles-ci.

Ces deux raisons me semblent plaider en faveur de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 177.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement propose de substituer aux mots : « son parcours professionnel », les mots : « sa qualification professionnelle ». En effet, le rôle de l'école n'est pas seulement de donner à l'ensemble des enfants une culture et des valeurs communes, mais de leur permettre, même s'ils ne font pas d'études supérieures, d'acquérir une qualification.

N'est-ce pas une des critiques qu'on adresse aujourd'hui à notre système scolaire ? Trop d'élèves, qui en sortent sans diplôme ni bagage, connaîtront des difficultés pour s'insérer dans la vie sociale et professionnelle. Celles-ci risquent d'ailleurs de les poursuivre pendant de nombreuses années, surtout dans des périodes de difficultés économiques comme celles que nous connaissons depuis vingt ans. Des enquêtes démontrent en effet l'existence de liens étroits entre l'échec scolaire et les difficultés d'insertion professionnelle.

Ce n'est donc pas seulement la préparation du parcours professionnel en général qu'il faut viser car permettre que des jeunes sortent du système scolaire sans qualification, c'est leur préparer un parcours d'exclusion, sans aucun épanouissement, faute d'un travail qui leur offre des revenus suffisants pour construire une famille et un avenir.

D'où l'importance de préciser que l'un des buts de la formation scolaire est de préparer une qualification professionnelle, afin que tous les jeunes puissent construire, à partir de cette qualification, l'avenir qu'ils souhaitent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, préférant la formulation « parcours personnel et professionnel », proposée dans l'amendement n° 291, qui vient ensuite en discussion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 291.

La parole est à Mme Martine David, pour le soutenir.

Mme Martine David. Je m'étonne que M. le rapporteur ait opposé l'amendement de Mme Billard et le mien, qui, à mes yeux, se complètent.

L'amendement n° 291 est important et je me réjouis que la commission s'y soit montré favorable. S'il est indispensable que la préparation à une qualification et à un parcours professionnel soit offerte à l'élève dans toutes ses dimensions, il faut qu'elle se double d'une aide, que nous avons souvent invoquée en vain, lui permettant d'accomplir son parcours personnel.

Nous le constatons dans les établissements scolaires : trop d'élèves ne sont pas suffisamment accompagnés, suivis ou aidés à transcender leurs qualités personnelles. En ajoutant ces mots dans le projet de loi, nous insistons sur notre volonté de les aider à préparer leur avenir avec plus d'autonomie et de manière plus responsable, et à découvrir et façonner leur personnalité.

C'est une des missions qui se trouve au cœur du service éducatif. En adoptant cet amendement, nous permettrons à chaque enfant non seulement de trouver une voie professionnelle exigeante, mais aussi d'acquérir sa propre personnalité, ce qui l'aidera à affronter, pour lui ou pour son entourage, toutes les difficultés qu'il rencontrera dans sa vie d'adulte.

C'est sans doute pour ces raisons que la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le texte mentionne déjà la construction de la personnalité de l'élève, sa vie de citoyen et la préparation de son parcours professionnel. Vous reconnaîtrez donc qu'ajouter le mot « personnel » avant « professionnel » est quelque peu redondant. Mais comme je n'ai qu'une envie, celle de vous faire plaisir, madame David, je vous donne un avis favorable. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je suis triste que M. le ministre ait donné satisfaction à Mme David - même si je soutiens son amendement - alors qu'il n'a pas accepté le mien.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Votre tour viendra, madame Boutin.

M. le président. Ne soyez pas jalouse.

Je mets aux voix l'amendement n° 291.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 116.

La parole est à M. Ghislain Bray, pour le soutenir.

M. Ghislain Bray. Afin de souligner que l'un des objectifs du projet de loi est d'affirmer que l'école doit demeurer accessible à tous et permettre à tous les élèves de réussir, il convient de rappeler, après le vote par notre assemblée de la loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées - signe fort de la volonté du Gouvernement d'insérer les personnes handicapées dans la société - que la nation s'est fixé comme objectif de donner à notre école tous les moyens humains et matériels nécessaires pour insérer les enfants handicapés et leur permettre de poursuivre une scolarité classique en milieu ordinaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. On ne peut qu'être d'accord sur le fond, mais cet objectif figure déjà dans la loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement souhaiterait que vous retiriez cet amendement, monsieur Bray. Non seulement il est satisfait par l'article 19 de la loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, mais il ne peut pas être intégré à l'article 4, qui définit le rôle de l'école.

M. le président. Retirez-vous l'amendement, monsieur Bray ?

M. Ghislain Bray. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 116 est retiré.

L'amendement n° 183 de M. Fourgous n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 359.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. L'équipement en livres et en outils pédagogiques est très inégal d'un département à l'autre, ou d'une commune à l'autre. Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause les compétences exercées par les collectivités locales dans le cadre de la décentralisation, mais si l'on affiche l'ambition d'assurer la réussite de tous, on ne peut pas méconnaître la situation de certaines communes notamment, qui n'ont pas les moyens d'acheter des livres ou des équipements informatiques.

Il nous paraît donc important que chaque recteur d'académie veille à l'égalité d'équipement des élèves en livres et outils pédagogiques. Il incombe en effet à l'État d'assurer l'égalité républicaine devant l'éducation, que nous voulons voir affirmer dans le code de l'éducation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement bien qu'il pose le problème important de la place du livre à l'école. Du reste, au-delà de la question des crédits, se pose le problème de l'abus de photocopies. Par ailleurs, beaucoup de progrès ont été faits ces dernières années en matière d'équipement en outils pédagogiques. Dans les collèges notamment, des crédits sont affectés à l'achat de tels matériels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable, car cet amendement est satisfait par l'article L. 211-1 du code de l'éducation.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Une fois de plus, monsieur le ministre, vous nous répondez en invoquant les dispositions du code de l'éducation. Tout le monde s'accorde à reconnaître l'importance de l'apprentissage de la lecture. Or force est de constater que l'équipement en livres n'est pas le même pour tous. Selon des associations d'enseignants très actives - je pense notamment à « Savoir lire » ou à « Défendons la lecture » -, cet équipement varie entre les écoles élémentaires dans un rapport de un à quatorze.

Il y a là une véritable entorse à l'égalité des chances. C'est pourquoi nous proposons que le recteur d'académie puisse prendre des initiatives en concertation avec les communes. Il faudrait au moins que l'on affiche dans la loi la volonté de parvenir à l'égalité dans ce domaine. Sinon, à quoi bon proposer un projet de loi d'orientation pour l'école ? Le code de l'éducation suffit, en effet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 359.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vous propose de marquer une pause dans nos travaux.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 361.

Cet amendement est-il défendu ?

Mme Martine David. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 361.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 233 de Mme Bello n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 47.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Frédéric Reiss, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement n° 47.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 6.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin. Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je tiens à faire trois observations au sujet du socle de connaissances et de compétences.

La pratique d'au moins une langue vivante étrangère constitue à l'évidence un élément fondamental pour la réussite de nos enfants dans un monde où les échanges se développent considérablement, en particulier au sein de l'Union européenne, où de plus en plus de jeunes pourront poursuivre leurs études supérieures à l'étranger, notamment grâce au programme Erasmus.

Malheureusement, force est de constater que la France est l'un des pays qui obtient les moins bons résultats pour la maîtrise des langues. Je me permets donc de formuler deux suggestions en matière d'enseignement des langues étrangères. La première consisterait à faire plus largement appel à des professeurs et à des lecteurs étrangers pour venir enseigner leurs langues maternelles dans nos classes. À l'inverse, il me semblerait souhaitable d'envoyer des professeurs français enseigner notre langue dans des établissements étrangers. Le développement de ces échanges d'enseignants et leur facilitation sur le plan pratique et statutaire devraient être l'un des objectifs prioritaires de l'Union européenne dans ce domaine.

La seconde suggestion serait de favoriser dans les classes la diffusion de films ou d'émissions télévisées sous-titrés dans leur langue d'origine, notamment les émissions destinées aux malentendants, qui permettent d'améliorer la compréhension orale.

Deuxièmement, pour ce qui est de la culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté, je tiens à souligner l'intérêt de l'enseignement des langues anciennes. Périodiquement, des menaces pèsent sur l'avenir de cet enseignement. Il me semble devoir être maintenu pour trois séries de raisons.

D'abord, le rôle du grec et du latin est fondamental dans la formation de la langue française. L'initiation à ces deux langues ne peut que jouer un rôle positif pour la maîtrise du français, en particulier de son vocabulaire et de sa syntaxe, ainsi que d'autres langues d'origine latine.

Ensuite, l'étude du grec et du latin est essentielle pour la bonne compréhension de notre histoire, de notre culture et pour la découverte des valeurs qui fondent notre patrimoine européen, sans oublier les très nombreuses références à cet héritage commun qui sont faites dans plusieurs disciplines notamment juridiques, scientifiques et médicales.

Enfin, l'apprentissage de ces langues par le contact direct avec les textes peut contribuer efficacement au développement de l'agilité mentale et de la curiosité intellectuelle des élèves.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de me préciser les mesures que vous entendez prendre pour maintenir l'enseignement du grec et du latin dans nos établissements scolaires et pour en favoriser l'accès au plus grand nombre.

Troisièmement, dans le même esprit, il me semblerait utile d'inclure dans le socle une formation élémentaire au droit et à notre organisation judiciaire La plupart de nos concitoyens ont en effet dans leur vie quotidienne maintes occasions d'être confrontés à des problèmes juridiques ou d'avoir affaire avec les institutions judiciaires, en tout cas beaucoup plus souvent qu'ils n'ont à résoudre une équation du second degré.

C'est pourquoi une certaine culture juridique me semble indispensable pour la formation de citoyens responsables, et j'espère que cela sera bien précisé dans le décret d'application pris après avis du Haut conseil de l'éducation.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Avec cet article 6 et l'examen des dispositions relatives au « socle commun des indispensables », pour reprendre l'expression de la commission Thélot, nous abordons le centre des préoccupations qui sont les nôtres pour assurer la réussite de tous les élèves. À cet égard, deux chiffres sont particulièrement significatifs. D'une part, 80 000 élèves au moins quittent le CM2 tous les ans sans avoir acquis les bases de la maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul. D'autre part, 150 000 élèves, peut-être davantage, quittent le système scolaire à l'issue de la scolarité obligatoire sans avoir acquis les éléments qui vont fonder leur insertion, qu'elle soit personnelle ou professionnelle.

M. Ghislain Bray. C'est terrible !

M. Guy Geoffroy. Ainsi, entre l'entrée au collège et la sortie des élèves de leur scolarité obligatoire, le nombre des élèves en échec double quasiment. Comment juguler ce phénomène ? Pierre-André Périssol et moi-même, très assidus et actifs au sein de la commission Thélot, pouvons vous confirmer que le terme « indispensables » ne recouvre pas une notion réductrice de « savoir minimum pour solde de tout compte » mais bien « l'ensemble des compétences et des connaissances indispensables » à partir desquelles l'acquisition d'autres connaissances et compétences est possible. Les autres enseignements obligatoires et optionnels peuvent être représentés par une série de cercles concentriques s'inscrivant autour du socle.

Une fois qu'on a dit cela...

M. Jean-Pierre Blazy. On n'a pas dit grand-chose !

M. Guy Geoffroy. ...on peut considérer qu'on a tout dit ou, au contraire, qu'on n'a rien dit. En tout état de cause, il me semble nécessaire de préciser un certain nombre d'éléments.

Premièrement, le socle n'est pas un ensemble de disciplines. Le penser pourrait conduire à commettre l'erreur de vouloir inscrire d'autres disciplines en complément de ce socle. Je sais que certains souhaiteraient, en toute bonne foi, intégrer des disciplines telles que l'éducation physique et sportive (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui n'ont pas vocation à figurer en tant que disciplines dans ce socle commun des indispensables.

M. François Liberti. Pourquoi ?

M. Guy Geoffroy. Deuxièmement, je me permets d'insister auprès du Gouvernement pour rappeler que la définition du socle, qui va au-delà des grands principes retenus dans la loi...

Mme Muguette Jacquaint. Vous n'avez pas vocation à décider seul de cette définition !

M. Guy Geoffroy. ...doit être aussi fine et travaillée que possible. Les conclusions de la mission Périssol, dont je salue les travaux, devront constituer la base à partir de laquelle le Haut conseil pour l'éducation puis le ministère donneront une définition complète du socle commun des indispensables.

Avec cet article 6, qu'il convient à mon avis d'adopter en l'état, nous aurons avancé dans l'intérêt de l'ensemble des élèves. Nous aurons permis le retour de l'espoir pour qu'à la fin du collège, ceux-ci puissent envisager leur second cycle avec les meilleures chances et pour qu'une fois les bases acquises, ils puissent entreprendre la diversification de leurs connaissances, première étape vers l'excellence.

Mme Martine David. L'article 6, d'une importance déterminante, traite de la façon dont est conçu cet ensemble de connaissances et de compétences indispensables. Mais à la lecture du texte, les premières difficultés apparaissent : le mot « commun » a été soigneusement évité et le contenu proposé s'avère incomplet. Bien sûr, il ne s'agit pas de dresser une liste exhaustive des compétences constituant ce socle, mais le socle commun des connaissances doit permettre une véritable intégration professionnelle de chaque adolescent et l'exercice de sa citoyenneté.

(Mme Paulette Guinchard-Kunstler remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme Martine David. Prolongement de l'indispensable principe de la scolarité obligatoire, le socle commun des connaissances et des compétences à maîtriser par un élève à l'issue de sa formation scolaire doit permettre à la fois une véritable intégration professionnelle de chaque adolescent et l'exercice de sa citoyenneté. Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, ce socle doit incontestablement être commun à tous, afin de constituer une culture collective fondant le « vivre ensemble » et reléguant les différences au second plan au sein de notre République.

À cet égard, j'ai été particulièrement sensible à l'intervention d'Émile Zuccarelli, qui a insisté hier sur le fait que les valeurs de la culture collective de la République devaient être privilégiées.

S'agissant de l'article 6, notre approche est très différente de celle de M. le ministre. Nous reviendrons dans nos amendements sur les objectifs précis qui doivent permettre de définir ce socle commun. Il s'agit, en bref, de la linguistique, de la culture autour des savoirs littéraires, scientifiques, artistiques, des mathématiques, qui inclut la compréhension logique et technologique, de l'apprentissage de la citoyenneté, et, enfin, de la pratique physique et sportive car nous considérons, pour notre part, que l'apprentissage de l'effort et du travail d'équipe est extrêmement important et permet de discerner certaines qualités chez l'élève.

Ce socle, ainsi dessiné, nous paraît raisonnable. Ces objectifs sont de nature, en effet, à apporter à chaque élève une vraie base de connaissance, d'apprentissage et d'autonomie. Et c'est bien d'abord cela qui doit nous préoccuper.

Bien sûr, le niveau d'acquisition ne sera pas uniforme. Mais grâce à nos propositions qui constituent un socle plus complet, plus étoffé, plus diversifié que le socle initialement prévu, le risque de décrochage d'un élève devrait être sensiblement réduit. En effet, la complémentarité des apprentissages ainsi définie est plus valorisante et sera susceptible de donner de meilleurs résultats pour chaque élève.

Je souhaite donc que l'on discute au fond de la définition de ce socle commun afin que celui-ci soit, non pas réducteur, mais attrayant pour éveiller l'intérêt de l'élève.

Enfin, je précise que je n'ai pas la même lecture que M. Geoffroy de l'évolution des travaux de la mission que préside Pierre-André Périssol sur la définition des savoirs enseignés à l'école. Je crains, monsieur Geoffroy, que vous n'ayez une mauvaise approche du travail et des auditions effectuées jusqu'à présent. Il n'est donc pas étonnant que nous n'aboutissions pas aux mêmes conclusions. En tout état de cause, cette mission poursuivra ses travaux au-delà de la discussion de ce projet de loi. Nous verrons ce qu'il en est lorsqu'elle les achèvera. Il me semble cependant que ses conclusions seront plus proches de nos propositions que du socle présenté par M. le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. L'article 6 prévoit, à juste titre, que la scolarité obligatoire doit au moins garantir la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication. Heureusement qu'en la matière, nous avons beaucoup progressé récemment, comme en témoigne l'opération - très réussie d'ailleurs - « un micro pour un euro », ou le début de généralisation des « bureaux en ligne » pour tous les membres de la communauté éducative.

Bien sûr, les nouvelles technologies de l'information et de la communication ne sont pas la panacée. Mais elles apportent des éléments de réponse à des questions fondamentales. Elles favorisent ainsi le développement de parcours plus individualisé pour les élèves, les NTIC offrant des moyens sans précédent pour apprendre à son rythme, compléter son niveau de formation ou se remettre à niveau.

Les NTIC favorisent aussi l'égalité des chances puisqu'elles permettent à tous les élèves, quel que soit l'éloignement physique des centres de ressources ou les capacités personnelles à se déplacer, d'avoir accès à tout l'éventail des connaissances. Je pense ici plus particulièrement aux handicapés et aux étudiants malades ou hospitalisées.

Les NTIC permettent encore d'assurer l'accès à la culture universelle. Il faut donner à nos jeunes les clés d'accès au réseau et aux contenus de la société mondiale de l'information. Il nous faut réussir cette mondialisation en faisant en sorte que la France de demain puisse y jouer un rôle de référence.

Si les technologies de l'information et de la communication apportent des réponses très importantes en matière d'éducation, elles ouvrent aussi de nouvelles interrogations. En effet, les trois heures trente quotidiennes passées en moyenne devant la télévision, et les heures toujours plus nombreuses passées devant l'écran de l'ordinateur et, bientôt, du téléphone portable, soumettent nos jeunes à un flux sans précédent d'informations et d'images.

Pour que les jeunes sachent maîtriser leur consommation et garder leur liberté de jugement, il faut développer une véritable éducation au multimédia.

Mme Christine Boutin. Très juste !

M. Patrice Martin-Lalande. Autre préoccupation, Internet a ouvert un véritable marché mondial de la « téléformation ». Il faut absolument, et je sais que vous en êtes également convaincu, monsieur le ministre, que la France et les autres pays qui ont la langue française en partage, renforcent leur présence formatrice sur Internet. Il y va de l'avenir de la francophonie et du pluralisme culturel.

Je suis persuadé que ce projet de loi et l'action menée par le Gouvernement dans le domaine de l'Internet et des NTIC permettront de franchir une nouvelle étape importante, et elle peut être plus importante que nous ne le pensons les uns et les autres. C'est la société de demain qui est à notre portée.

Mme Christine Boutin et M. Loïc Bouvard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, le contenu de ce que vous avez défini comme « l'ensemble de connaissances et de compétences indispensables » pose plusieurs problèmes, qui ont suscité chez le corps enseignant de profondes inquiétudes, inquiétudes que nous pouvons partager.

Si l'on ne peut qu'être d'accord sur les termes de « culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté », j'aimerais cependant que vous précisiez exactement ce que signifient pour vous ces termes.

Ce socle doit, par ailleurs, comporter l'apprentissage d'une « langue vivante étrangère ». Certes, c'est une excellente chose. Mais nous le savons, c'est l'anglais qui sera le plus souvent choisi, au détriment des autres langues et notamment de l'allemand, pourtant également essentiel au moment où la France et l'Allemagne œuvrent pour le développement de l'enseignement de la langue du voisin. Monsieur le ministre, comment comptez-vous atteindre votre objectif d'augmenter de 20 % la proportion d'élèves germanistes alors qu'on assiste à la fermeture des classes d'allemand dans les collèges et les lycées faute d'élèves ? Je suis sûr que vous considérez comme nous que cette langue vivante étrangère ne doit pas être uniquement l'anglais.

Cet ensemble de connaissances et de compétences oublie, et c'est fort dommage, l'enseignement artistique. Je rappellerai que, déjà, l'année dernière, des réactions très vives ont accueilli la publication d'une circulaire qui prévoyait de rendre optionnels les enseignements artistiques et qui envisageait de supprimer l'obligation de ces enseignements artistiques fondamentaux que sont l'éducation musicale et les arts plastiques. Finalement, cette circulaire a heureusement été retirée. Monsieur le ministre, aurez-vous la même sagesse avec ce projet de loi ?

L'exclusion de l'enseignement artistique du socle des connaissances fondamentales semble remettre en cause la pertinence et la légitimité des enseignements artistiques à l'école. Elle s'inscrit même dans le cadre d'un désengagement progressif et visible de l'éducation nationale. Pourtant, l'éducation artistique et culturelle représente un apport essentiel à la construction de l'identité de nos enfants et à l'acquisition du goût pour la culture.

Vous ajoutez une nouveauté que vous définissez comme la maîtrise des techniques de l'information et de la communication, alors que vous refusez d'introduire le sport. Pourtant, c'est une question d'équilibre personnel de l'enfant - un esprit sain dans un corps sain - et une question de santé publique, en particulier dans le cadre de la lutte contre l'obésité. Nous aimerions d'ailleurs connaître l'avis du ministre de la jeunesse et des sports sur cette question. Les inquiétudes des enseignants sont fortes sur ce sujet : ne les décevons pas.

Nous nous félicitons, certes, que vous ayez annoncé que le sport serait bien une discipline obligatoire évaluée au brevet, ainsi que le groupe UDF - et il n'était pas le seul - l'avait demandé par un amendement. Ce n'est pas le moment de réduire la place du sport, alors que le budget de la jeunesse et des sports est l'un des plus petits - 0,14 % du budget de l'État ! - quels que soient les gouvernements en place, et alors que notre pays compte 26 millions de pratiquants et 14 millions de licenciés.

Enfin, je voudrais saluer le travail remarquable des associations sportives scolaires, que sont l'UNSS, l'USEP et l'UGSEL. N'oublions pas le nombre de jeunes qui pratiquent l'éducation sportive dans le cadre de l'EPS, et n'oublions pas surtout que l'EPS amène les jeunes vers les associations sportives et la pratique du sport.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Le socle des connaissances constitue le cœur de ce texte. Il est donc important de s'attarder sur l'article 6 car la réussite de la réforme et le sens qu'on veut lui donner en dépendent.

Vu la dérive du système scolaire, il importe aujourd'hui de revenir au bon sens et aux bases - lire, écrire et compter. Et je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point.

Mme Janine Jambu. Encore heureux !

M. Jacques Domergue. En revanche, et même si nous sommes tous d'accord sur l'acquisition de la citoyenneté, il est vrai que la notion de culture humaniste et scientifique est vague et que l'on peut tout y mettre.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Jacques Domergue. S'agissant de l'apprentissage des langues vivantes, il ne faut pas le confondre avec celui de l'anglais, qui est d'abord un moyen de s'ouvrir au reste du monde. Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'apprendre la langue de Shakespeare.

Mme Janine Jambu. On avait compris !

M. Jacques Domergue. L'anglais doit donc rester à part.

Les techniques de la communication ont évidemment leur place dans le socle commun.

Personnellement, je considère aussi, et je sais que tout le monde ne partage pas cet avis, que le développement physique de l'individu doit être également favorisé, non pour faire plaisir aux professeurs d'EPS mais dans un souci de santé publique.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Jacques Domergue. Nous devons être conscients, en effet - et j'insiste sur ce point en ma qualité de médecin - que nous sommes confrontés à un véritable problème de santé publique lié à l'évolution de la société et à la sédentarité croissante de la population et notamment des plus jeunes.

M. François Rochebloine. Bien sûr !

M. Jacques Domergue. Dans la mesure où nous souhaitons mettre dans la loi des éléments simples mais fondamentaux, il est important de faire figurer dans le socle la notion de développement physique, car il fait partie du développement de l'individu, sachant que cela n'a rien à voir avec l'éducation physique.

M. Jean-Pierre Blazy. Un peu quand même !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 6 est effectivement l'un des points centraux de ce projet de loi. Je ne parle pas de nœud gordien, car il faudrait le trancher...

Sur l'idée d'un socle commun, tout le monde est d'accord, sauf peut-être le ministre, car, après le grand débat national et le rapport Thélot qui l'un et l'autre validaient l'idée du socle commun, dans le projet de loi tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, le mot « commun » a disparu. En ce qui me concerne, je ne crois pas au hasard, notamment dans ce domaine-là, pas plus qu'à une faute d'inattention du ministre. Si après tant de réunions de commission et d'avis, ce terme a disparu, c'est qu'on a voulu qu'il en soit ainsi.

Or, si l'on veut véritablement parvenir à l'égalité des chances et à la réussite pour tous, le socle doit satisfaire deux conditions, que nous allons probablement développer à l'occasion de l'examen des articles.

La première condition, qui a été évoquée hier lors de la motion de renvoi en commission, est que ce socle soit commun à tous les élèves. Mais nous devons être très clairs sur ce que recouvre ce mot. Définir un socle commun à tous les élèves, ce n'est pas leur dire : « Voilà le minimum que vous devez avoir acquis avant la fin de la scolarité obligatoire ». Pour les meilleurs, ceux qui ont le talent, les dons, le mérite - je reprends les termes du projet de loi - il peut y avoir plus dans le socle. À la fin de la scolarité obligatoire, même si le socle est commun, même si le minimum est partagé par tous, vous comprenez bien, mes chers collègues, que certains iront beaucoup plus loin que ce qu'exigeait le socle commun, tandis que d'autres en resteront là. Il faut que nous ayons un véritable débat sur ce point, qui est au cœur de l'égalité des chances.

Certes, vous allez me dire : « Tout cela est utopique, vous n'arriverez jamais à amener tous les élèves au même niveau en fin de scolarité obligatoire ! »

Mme Muguette Jacquaint. C'est pourtant ce qu'il faut faire !

M. Yves Durand. Mais, mes chers collègues, monsieur le ministre, l'ambition de l'école républicaine, si elle est réellement démocratique, c'est justement celle-là, et c'est bien vers cette utopie qu'il faut tendre !

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Yves Durand. C'est le reproche que je faisais hier à votre projet de loi, monsieur le ministre, tel qu'il est rédigé. En supprimant le mot « commun », vous réduisez la portée du texte, vous renoncez à cette ambition, qui, je le reconnais, est extrêmement difficile à atteindre, et à l'utopie qui fut celle de tous ceux qui ont fondé l'école de la République.

Lorsque Jules Ferry, à l'époque, voulait que tous les enfants sachent lire, écrire et compter, n'était-ce pas une extraordinaire utopie ?

M. Jean-Pierre Blazy. Certainement !

M. Yves Durand. Or, il a donné à l'école de la République les moyens de réaliser cette utopie. C'est cette ambition que nous devons avoir pour l'école dans les quinze prochaines années.

La deuxième condition pour que ce socle soit pertinent, et ce sera ma conclusion, madame la présidente...

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Durand !

M. Yves Durand. La deuxième condition est de transformer l'extraordinaire hétérogénéité des élèves en égalité devant l'excellence. Pour cela, il faut faire évoluer les méthodes pédagogiques, qui ne sont pas abordées dans ce projet de loi, pour les adapter à chaque élève.

La commission présentée par Pierre-André Périssol y travaille, je m'en félicite. Elle doit poursuivre sa tâche.

Mme la présidente. Monsieur Durand !

M. Yves Durand. Je conclus ! Sa réflexion, qui devrait être prise en compte par le ministre, porte sur la nature des disciplines enseignées, leur cohérence, sur la nécessaire interdisciplinarité si l'on ne veut pas que ce socle ne soit qu'une liste de connaissances à acquérir...

Mme la présidente. Monsieur Durand, vous m'avez dit à deux reprises que vous alliez conclure !

M. Yves Durand. Cette fois, je vais le faire !... mais un véritable socle qui permette à chaque élève de se réaliser et de comprendre le monde dans lequel il vit.

M. Georges Colombier. Il faut lui couper la parole, madame la présidente !

Mme la présidente. S'il continue, c'est ce que je vais faire !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous n'accepterons pas qu'il y ait des pressions sur la présidence !

M. Yves Durand. Voilà, à mon avis, une piste de réflexion...

Mme la présidente. Vous avez réellement dépassé votre temps de parole !

M. Yves Durand. ...qui aurait mérité un peu plus d'attention de la part du ministre, notamment à partir des travaux de la commission présidée par Pierre-André Périssol.

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. La culture peut se définir comme l'acquisition de connaissances, mais aussi comme un ensemble d'outils pour comprendre, trier, synthétiser, cerner des problèmes et les résoudre. La simple restitution des connaissances n'est plus suffisante, mais elle peut toujours répondre à l'ambition de former des individus adaptables, peu réactifs et finalement asservis.

Notre objectif est au contraire de développer chez les jeunes de nombreuses capacités et le goût de l'initiative. En effet, les savoirs scolaires ne forment pas un tout homogène. Chaque discipline a des objectifs particuliers : ceux de la technologie, de l'éducation physique ne sont pas ceux des mathématiques ni du latin. Pourtant, ils concourent tous à faire grandir les élèves, à enrichir leur personnalité et leur vision du monde, à développer leur capacité de jugement, à les aider à porter sur le monde un regard critique à partir de connaissances socialement reconnues.

Une culture équilibrée permet d'entrer en contact avec les œuvres humaines dans toutes les disciplines, surtout celles qui donnent des clés pour accéder à toutes les autres. Elle donne accès à des valeurs universelles, car tout ne se vaut pas ; elle permet de comprendre le monde pour débattre, agir et s'exprimer grâce à de solides connaissances dans les domaines scientifique, littéraire, technique, artistique, physique et sportif, et dans celui des sciences humaines. Elle permet enfin de travailler le rapport de chaque élève à son corps et forme des citoyens responsables et éclairés.

Nous proposons de construire la culture commune jusqu'à la fin du lycée en même temps que l'accès à des spécialisations, de coordonner les programmes avec des parties interdisciplinaires identifiées, de construire des programmes moins chargés en connaissances à mémoriser mais plus exigeants sur le plan des notions, des pratiques et des raisonnements, enfin de lutter contre la hiérarchie des savoirs en revalorisant des enseignements dédaignés.

Non, monsieur le ministre, la culture commune ne s'arrête pas au collège et ne saurait être définie d'un point de vue strictement utilitariste. Tous les jeunes poursuivent leurs études après le collège, quelle que soit la voie qu'ils choisissent. Les jeunes ont le temps d'aller à l'essentiel. Au collège, il leur faut apprendre à réfléchir, à raisonner, à bien maîtriser tous les langages.

Pour éviter la sélection précoce, il faut de vrais moyens : groupes réduits, dédoublements de classes, vraies marges de manœuvre pédagogiques, tout en respectant des horaires, des programmes nationaux et des temps communs d'apprentissage, dans des classes moins chargées et avec des professeurs qui travaillent mieux ensemble. C'est tout l'inverse que vous proposez, bien que vous affirmiez vouloir développer la pédagogie différenciée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet article, nous en sommes tous conscients, est très important. Nous sommes tous d'accord avec l'idée d'un socle commun, même si nous divergeons sur son contenu. Une grande réforme de l'éducation nationale devrait s'attacher à trouver un consensus, et non diviser la Nation sur la nature de ce socle commun.

Or, les mouvements de ces derniers jours, et qui devraient se poursuivre au-delà de notre débat, témoignent de l'inquiétude des jeunes, qui se demandent ce que recouvre l'idée de socle commun car elle pose la question de l'égalité des élèves. Au-delà de tel ou tel aspect du projet de loi, nous avons perçu chez les jeunes une véritable angoisse par rapport au développement des inégalités dans notre pays. Les jeunes s'interrogent sur l'égalité de tous à l'école. Certes, l'école n'est pas le seul facteur de lutte contre les inégalités - ce serait la charger d'un fardeau beaucoup trop lourd - mais dans notre modèle républicain, elle joue un rôle essentiel dans la lutte contre les inégalités.

Je crois que l'inquiétude des lycéens vient du fait que l'école, et plus encore les propositions que vous faites, ne sont pas de nature à mettre en œuvre une véritable lutte contre les inégalités.

Au travers de l'idée d'un socle commun, nous voulons affirmer que l'école est émancipatrice, comme le disait tout à l'heure mon collègue Durand, et qu'elle a vocation à promouvoir ce socle commun.

Monsieur le ministre, si nous sommes d'accord sur l'idée de ce socle commun, nous divergeons totalement sur sa nature. C'est là que se situe notre interrogation.

Si j'en crois ce que j'ai lu et entendu sur le sujet, votre vision du socle commun est minimaliste - lire, écrire, compter - et elle est très utilitariste.

M. Guy Geoffroy. C'est faux ! Il n'y a pas que cela !

M. Jean-Marie Le Guen. On sent bien derrière tout cela une certaine vision de la société. Votre conception de l'école publique est utilitariste, en ce sens qu'elle doit donner aux meilleurs des élèves, à ceux qui sont « employables », les moyens d'être employés. Nous, nous pensons que l'école doit dépasser cette logique économique, utilitariste, et qu'elle a vocation, plus largement, à forger des citoyens et des citoyennes, mais aussi des personnes, comme le disait Mme Boutin.

C'est sur cette notion que nos points de vue divergent. Vous avez une vision utilitariste parce que fondamentalement, dans la société qui se développe aujourd'hui, vous trouvez les inégalités naturelles, vous pensez qu'elles appartiennent à l'ordre du monde. En outre, vous pensez que dans une société libérale comme la nôtre, une partie de la population a vocation à produire et à être pleinement utilisée. J'en veux pour preuve le slogan : « Travailler plus pour gagner plus ». Vous estimez que ceux qui peuvent travailler peuvent être surexploités, mais vous vous désintéressez de tous ceux qui ne trouvent pas leur place dans notre société. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)


Mme la présidente.
Sur l'article 6, je suis saisie d'un amendement n° 48, deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Cet amendement est beaucoup plus important qu'il n'y paraît. Il a pour objet de situer l'article 6, dont chacun a souligné qu'il était au cœur de la loi, non pas dans le chapitre « gratuité scolaire » mais dans le chapitre « Objectifs et missions de l'enseignement scolaire » où il a manifestement sa place. Il viendra donc immédiatement après l'article 4.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 211 et 360, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 211.

Mme Muguette Jacquaint. Les différentes interventions diffèrent beaucoup les unes des autres et celle de mon collègue Le Guen montre à quel point la notion de socle commun est importante. La grande question reste de savoir pour qui est ce socle commun et pour quoi faire.

Pour nous, la notion de « socle commun » ne peut être définie, comme cela a été dit, a minima et dans une vision purement utilitariste. Notre objectif demeure bien évidemment l'élévation du niveau de culture générale et des connaissances de toute la société. Et ce, dans un esprit de valorisation de l'individu et du collectif indissociablement mêlés, et donc d'une égalité des droits pour tous - droit d'accès à la maîtrise des savoirs, de l'information et des cultures du monde -, mais aussi d'une égalité entre les sexes. Seul le service public est en mesure de créer les conditions permettant d'assumer cette responsabilité.

Tous les champs de la connaissance et de l'expérience sont constitutifs de la culture et impliquent des valeurs permettant - ou non - le partage des valeurs communes d'une société. Nous définissons la culture comme le trésor accumulé des créations humaines. Nous avons pour ambition d'en ouvrir l'accès à tous.

Viser une culture effectivement partagée par tous présuppose qu'on se fonde sur le principe de l'éducabilité de tous. Condition nécessaire, mais pas suffisante : encore faut-il remettre en question les conceptions dominantes relatives à la culture.

Les enfants et les jeunes fréquentent de nombreux espaces de diffusion des connaissances, notamment les médias, la télévision étant l'un des plus puissants. Mais, avec ses missions originales, l'école reste un vecteur essentiel de construction, de diffusion et d'appropriation des valeurs d'émancipation humaine, des savoirs et de la culture.

À l'inverse des préconisations réductrices contenues dans ce projet de « socle commun de connaissances », une culture adaptée aux exigences posées par les évolutions rapides de la « société de la connaissance » qui se développe aujourd'hui sous nos yeux doit valoriser et permettre à tous de « mettre à distance » les techniques, les histoires, les cultures, les langues nationales et régionales, les valeurs dont les jeunes - tous les jeunes, quelles que soient leurs origines - sont porteurs, qui structurent et qui élargissent leur vision du monde.

Une culture enracinée dans le passé, mais ouverte sur l'avenir, articulée avec les pratiques sociales, le travail et la citoyenneté, qui intègre sans hiérarchie et sans discrimination toutes les formes de l'expérience et de la connaissance. Une culture scientifique et critique dans tous les domaines du savoir, qui permette d'anticiper sur les évolutions technologiques et professionnelles à venir.

Notre conception de la culture scolaire commune implique le principe de l'égale valeur formatrice des cultures des langues, des cultures physiques et sportives, artistiques, scientifiques et techniques, technologiques, professionnelles, philosophiques, toutes étant également fondamentales. Elle implique l'intégration dans les programmes scolaires de l'apprentissage et de la maîtrise des techniques modernes d'information et de communication.

Cette définition implique donc une réflexion nouvelle sur les contenus d'enseignement que l'école devrait permettre à tous les jeunes de partager, respectant tout à la fois la spécificité des disciplines scolaires historiquement constituées, favorisant la transdisciplinarité nécessaire au sens et à la qualité des contenus d'enseignement et permettant l'acquisition d'outils intellectuels transversaux.

Pour éviter l'écueil d'une liste trop précise et donc réductrice des savoirs - savoir faire et savoir être -, il convient de renvoyer sa définition aux instances compétentes. Tel est le sens de notre amendement n° 211.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 360.

M. Jean-Pierre Blazy. Les orateurs du groupe socialiste ont bien montré le sens profond que nous voulons donner au socle commun de connaissances et de compétences, qui doit être une exigence démocratique pour la Nation tout entière. Il faut donc définir ce socle, et c'est ce que propose cet amendement en fixant cinq séries d'objectifs. Il contient ce qui se trouve dans le projet de loi - mais en partie seulement.

D'abord, des objectifs linguistiques, qu'il s'agisse de la maîtrise de la langue française ou d'une langue étrangère.

Des objectifs culturels qui concernent l'ensemble des savoirs scientifiques, artistiques - et j'insiste sur les disciplines artistiques dont nous en avons beaucoup parlé -, littéraires et philosophiques.

Des objectifs de pratiques physiques et sportifs, axés sur la maîtrise du corps et l'apprentissage de la vie en collectivité. Eux aussi sont importants, nous y avons insisté sur tous ces bancs. Il est d'ailleurs intéressant que le rapporteur ait proposé de replacer l'article 6 à l'article 4. À l'article 4, de façon consensuelle, a été adopté un amendement portant notamment sur l'éducation physique. Selon moi, ne pas placer l'éducation physique ou les disciplines artistiques dans le socle commun serait une grave erreur car ce serait nier le fait qu'elles sont aujourd'hui au cœur du développement personnel et de la vie des jeunes, qu'elles constituent de véritables leviers d'éducation. Elles sont créatrices de lien social au sein de l'école, elles participent aussi à l'harmonie de la vie en cité, au « vivre ensemble » et contribuent donc à former le futur citoyen. Par conséquent, elles doivent faire partie du socle de connaissances.

Toujours dans ce socle commun de connaissances, doivent figurer des objectifs technologiques permettant de faire découvrir aux élèves la culture scientifique et technologique. Et l'on sait que cela est essentiel.

Enfin, des objectifs d'apprentissage pour construire la citoyenneté des élèves.

En précisant le socle commun de connaissances, nous pourrons contribuer à faire en sorte que la réussite pour tous ne soit pas simplement un slogan.

Mme la présidente. Sur le vote de l'amendement n° 360, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements, nos 211 et 360 ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. L'ensemble des connaissances et des compétences indispensables est communément appelé « socle » ou « socle commun » et, pour l'instant, je crois que tout le monde s'accorde sur ce point. Je ne vois donc pas en quoi l'expression « culture scolaire commune » peut apporter une nouveauté. La commission a donc repoussé l'amendement n° 211.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est regrettable !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Quant à l'amendement n° 360, il propose une tout autre conception du socle. Beaucoup d'éminents spécialistes ont stigmatisé le millefeuille indigeste qu'on propose souvent aujourd'hui à l'école dans la mesure où l'on superpose toutes les matières, et la plupart des gens s'accordent à dire qu'il est important de définir ce socle et de sortir des champs disciplinaires.

Or dans la définition proposée dans l'amendement, on retrouve - sans vouloir vexer personne - beaucoup de choses qui se trouvent déjà dans le socle proposé à l'article 6, notamment des savoirs scientifiques mentionnés deux fois - dans les deuxième et quatrième séries d'objectifs - et qui se superposent donc à une « culture scientifique » déjà contenue dans l'article 6. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. Quelle pauvreté !

M. Frédéric Reiss, rapporteur. Selon moi, les éléments proposés dans le texte de loi se suffisent donc à eux-mêmes. Lors de la présentation de mon rapport, j'avais d'ailleurs été suffisamment clair pour que la définition proposée dans l'article de loi soit bien celle qui soit proposée à l'Assemblée nationale.

La commission a donc également rejeté l'amendement n° 360.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames, messieurs les députés, comme chacun l'a noté, nous sommes, à ce stade du débat, au cœur de la réforme que nous vous proposons.

Je l'ai déjà dit, je reprendrais bien volontiers cette notion de « socle commun ». Nous avions abandonné ce vocable pour ne pas l'utiliser dans la loi car il ne nous paraissait pas revêtir un sens juridique. Nous avons donc utilisé une autre formulation, mais qui n'est absolument pas en contradiction avec celle de socle commun ; le Gouvernement se rangera donc volontiers à l'avis du Parlement sur ce sujet.

Cette notion de socle était au cœur de la réflexion engagée par la commission Thélot, et elle est au cœur des réflexions engagées dans tous les pays développés sur l'efficacité des différents systèmes éducatifs. On peut même remonter bien avant le rapport Thélot : depuis une trentaine d'années, chaque commission, chaque expert, chaque débat autour de l'avenir de l'école tourne, en fait, autour de cette idée de socle. Ainsi, le rapport du Collège de France, rédigé par Pierre Bourdieu en 1985 à la demande de François Mitterrand, indiquait : « Des programmes nationaux devraient définir le minimum culturel commun, c'est-à-dire le noyau de savoirs et de savoir-faire fondamentaux et obligatoires que tous les citoyens doivent posséder ». Le rapport du président du Conseil national des programmes, Luc Ferry, remis en 1994 au ministre de l'éducation national, indiquait : « Il est nécessaire de réactiver l'idéal républicain d'un socle commun cohérent de connaissances et de compétences ». Le rapport Dubet, dernier en date, ne déroge pas à la règle, en précisant : « Le collège doit mieux définir les savoirs et les compétences qu'il peut attendre de tous, afin de mieux identifier et hiérarchiser les priorités ».

Nous le constatons tous : une grande partie des élèves qui entrent dans notre système scolaire y perdent pied, justement parce qu'ils ne maîtrisent pas un ensemble de connaissances et de compétences absolument nécessaires pour poursuivre leur scolarité avec succès. Il existe donc au sein de la scolarité obligatoire, au sein des enseignements qui doivent être communs à tous les élèves, des éléments fondamentaux dont la maîtrise doit absolument être assurée - je pense à la langue.

Tout le monde répète cela depuis des années, mais, jusqu'à ce jour, aucune majorité ne s'était engagée dans une véritable réforme permettant de garantir la transmission de ce socle de connaissances et de compétences fondamentales.

Le rapport Thélot a proposé − ce que, je crois, tout le monde ne peut qu'approuver − de dégager, au sein des enseignements communs à tous, un socle commun des indispensables : ce sont deux piliers − les langues et les mathématiques − et deux compétences à valoriser − l'anglais de communication internationale et la maîtrise des technologies de l'information et de la communication. Nous proposons, quant à nous, d'enrichir ce socle en y ajoutant les éléments d'une culture humaniste et scientifique qui permettront aux élèves d'exercer leurs responsabilités de citoyens. On le voit, ajouter toute une liste de disciplines à ces cinq grandes connaissances et compétences fondamentales, c'est ruiner l'idée même de socle.

En même temps, c'est avoir une vision exclusive du socle. Dès lors que l'on accepte l'idée que tous les élèves devront, au cours de leur scolarité obligatoire, être confrontés à un ensemble commun, défini par les programmes et dans lequel figurent, par exemple, le sport ou la pratique des activités artistiques, la notion de socle n'apparaît plus comme alternative, mais comme un tremplin. Elle est au cœur de notre ambition pour l'école : l'État veut s'engager à ce que chacun des enfants qui entrent à l'école en sorte avec la maîtrise de ce socle.

Pour y parvenir, le Gouvernement vous propose un dispositif d'évaluation régulière et un dispositif de soutien. Il est évident que le dispositif de soutien sera lourd à mettre en œuvre, tant pour la nation que pour les élèves eux-mêmes, qui se verront ajouter des heures de cours : un tel soutien ne pourra s'organiser que pour le socle que nous proposons, pas pour toutes les matières. Imagine-t-on, par exemple, que, à la suite d'une évaluation réalisée à l'école primaire, on puisse être amené à proposer des heures de soutien à un élève qui n'aurait pas le niveau requis en sport ? Les heures de soutien ne peuvent concerner que le cœur des connaissances et des compétences.

Deux amendements vous sont soumis : le premier propose une définition minimale ; le second ajoute au socle tout un ensemble de disciplines. On le voit, ils ne correspondent pas à notre définition du socle et ruineraient, s'ils étaient adoptés, le cœur même de notre projet. C'est la raison pour laquelle je vous demande de les rejeter.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Masse.

M. Christophe Masse. Nous faisons, monsieur le ministre, le même constat que vous sur ces fondamentaux indispensables, mais nous nous fixons des objectifs peut-être un peu plus ambitieux. Le socle commun de connaissances n'est ni un outil ni un dispositif : c'est le cœur même − le cœur politique − de ce projet de loi et nous avons laissé passer, à l'article 4, l'occasion de le rappeler.

Le socle commun, qui doit garantir à tous les jeunes l'acquisition d'une qualification, est également lié à la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans.

La définition du contenu de ce socle est l'un des plus importants chantiers pour l'avenir de la nation. Ne soyez donc pas surpris, monsieur le ministre, que nous en ayons une vision largement plus exhaustive que la vôtre. Comment, en effet, refuser d'y inclure la citoyenneté, les nouvelles technologies, l'éducation physique ? Contrairement à ce que vous semblez penser, nous ne dressons pas un catalogue, mais fixons de véritables objectifs, clairs et précis. Il est indispensable d'ajouter ces matières au cœur du projet de loi.

Nous ne sommes pas dupes, monsieur le ministre, et nous savons très bien qu'un tel chantier ne s'achève pas en un jour. Mais, en manquant d'introduire ces objectifs dans l'article, nous commettrions une grave faute à l'égard de l'avenir et de l'éducation.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. On le voit, chacun témoigne ici de son souci de faire œuvre utile et bénéfique pour nos enfants. Mais, au-delà de cette volonté partagée...

M. François Liberti. Il a fait des progrès !

M. Guy Geoffroy. ...les deux amendements qui nous sont proposés vont, chacun à sa manière, à l'opposé de l'objectif que nous voulons atteindre.

L'amendement n° 211 reprend l'intention du texte initial en le privant toutefois des éléments qui ont été retenus − et qui ne l'ont pas été par hasard − pour constituer l'ensemble des connaissances et compétences constituant le socle. En ce sens, il est beaucoup trop vague et général. En tout cas, il propose une rédaction moins efficace que celle de l'article 6.

Quant à l'amendement n° 360 de nos collègues socialistes, il supprime la notion même de socle, puisqu'il ne parle que de scolarité obligatoire. Il considère donc que la scolarité obligatoire n'est rien de plus que l'ensemble des objectifs qui sont énumérés comme devant constituer le socle.

M. Jean-Pierre Blazy. Il n'a rien compris !

M. Guy Geoffroy. Or, ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. La scolarité obligatoire, c'est l'ensemble des enseignements au travers desquels sont acquises les connaissances et les compétences du socle commun, qui est donc transversal et englobe de nombreuses disciplines. Le texte de nos collègues socialistes est beaucoup trop complet et confus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Mme Martine David. Lisez l'amendement !

M. Jean-Marie Le Guen. Lire, écrire, compter ! Il faut commencer par lire ! M. Geoffroy n'a pas acquis le socle !

M. Guy Geoffroy. ...pour constituer un socle permettant la réussite de tous les élèves.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Fiat lux !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je fais observer à M. Geoffroy que l'expression « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » figure à la deuxième ligne de notre amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sont les méfaits de la méthode globale ! On perçoit un soupçon d'illettrisme chez M. Geoffroy ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. À propos d'illettrisme, il faudrait montrer votre amendement à la presse !

M. Éric Raoult. On y trouve au moins deux fautes !

M. Yves Durand. Je referme cette parenthèse amusante et quelque peu dérisoire.

Je suis tout à fait d'accord avec M. le ministre : depuis une trentaine d'années, la notion de socle commun fait l'unanimité. C'est une idée forte, qui a été avancée par nombre d'entre nous et qui s'est retrouvée au cœur des réflexions, y compris dans les pays étrangers qui ont essayé à la fois de construire l'égalité des chances et d'augmenter la qualification générale des citoyens.

Quels sont nos désaccords sur le sujet ? Nous ne partageons pas votre conception de la scolarité obligatoire. Pour vous, son objectif est de délivrer un socle commun qui se réduit − vous l'avez dit, et c'est d'ailleurs pour cela que vous rejetez notre amendement − à ce que vous appelez gentiment « les fondamentaux » : lire, écrire, compter. Jules Ferry ajoutait d'ailleurs : « et voter républicain ».

M. Jean-Marie Le Guen. Nous n'allons même pas jusque-là !

M. Yves Durand. Lire, écrire, compter : tel est votre objectif unique. Une fois ces compétences acquises, certains peuvent y ajouter d'autres connaissances, s'ils sont doués pour telle ou telle matière ou s'ils sont issus d'un milieu favorisé. Mais ce n'est pas votre objectif.

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas ce que dit l'article 6 !

M. Yves Durand. Vous avez accepté d'introduire la notion de socle commun dans le projet de loi, et nous nous en félicitons, car il vaut mieux l'écrire que le suggérer. Quant à nous, nous n'avons pas voulu dresser une liste de disciplines qui constitueraient le contenu du socle, mais fixer les objectifs, les grandes orientations, les grands axes que la commission nationale des programmes ou un futur office − par exemple ce Haut conseil de l'éducation dont vous allez nous proposer la création − aura à décliner sous forme de programmes. Nous avons simplement énuméré les grands pans de la connaissance pluridisciplinaire que tous les élèves doivent maîtriser pour atteindre ce socle et pour qu'il devienne un tremplin pour la formation tout au long de la vie et pour l'épanouissement professionnel et personnel.

Ne pas voter cet amendement, accepter votre conception du socle, cela revient à considérer que la culture artistique, les pratiques physiques et sportives, les apprentissages destinés à construire la citoyenneté ne font pas partie de l'obligation scolaire, qu'ils ne figurent plus dans le contrat que la nation passe avec son école.

M. Jean-Pierre Blazy. Ils n'en veulent pas !

M. Guy Geoffroy. Le texte dit exactement l'inverse !

M. Éric Raoult. Ils ne l'ont pas lu !

M. Yves Durand. Sans doute cette différence de fond entre nos conceptions sur la mission de l'école s'explique-t-elle par nos conceptions radicalement différentes de la société. Nous sommes bien, on le voit, au cœur du débat politique, au sens noble du terme. Nous ne pouvons pas disjoindre l'idée du socle commun, auquel nous sommes particulièrement attachés, de cette liste d'objectifs. (« On vote ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour nous, l'école a plusieurs missions.

Mme la présidente. Monsieur Durand, pouvez-vous conclure ?

M. Yves Durand. Elle doit, certes, faire acquérir les fondamentaux − lire, écrire, compter −, mais, au-delà, elle doit également enseigner des disciplines tout aussi importantes : la citoyenneté, la culture technologique, la culture artistique, tout ce qui, pour vous, est superflu, et, pour nous, essentiel.

Mme Martine David. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous assistons à une véritable opération de désinformation (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. − Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), à moins qu'il n'y ait une mauvaise compréhension du texte que nous présentons.

M. Guy Geoffroy. Ils ne l'ont pas lu !

M. Jean-Marie Le Guen. Ne nous parlez pas comme si nous étions des lycéens !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous pouvez ne pas être d'accord, mais vous n'avez pas le droit de travestir notre philosophie, comme vous venez de le faire, en prétendant que nous voudrions limiter la scolarité obligatoire au socle. C'est évidemment un mensonge : le texte dit le contraire.

M. Yves Durand. Oui, mais ce qui doit être acquis, c'est le socle !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La scolarité obligatoire, c'est l'ensemble de l'école, y compris les programmes qui sont aujourd'hui en option. Au sein de cette scolarité obligatoire, nous désignons certains éléments qu'il faut absolument transmettre à tous les élèves pour qu'ils puissent réussir.

Mme Martine David. Merci, on sait lire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Autrement dit, on ne peut, pour décrire le socle commun, procéder par soustraction en distinguant ce qui est obligatoire de ce qui serait facultatif. Cette option, nous ne l'avons pas choisie. Il est nécessaire de séparer plutôt le fondamental du dérivé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), non pour se priver de ce dernier...

M. Yves Durand et M. Jean-Pierre Blazy. C'est quoi le dérivé ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous, nous sommes pour l'intégrale !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pourrait-on, sur un sujet aussi fondamental, savoir s'écouter ?

M. Yves Durand. Nous vous écoutons, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il ne s'agit pas, disais-je, de se priver de ce dernier mais, au contraire, de lui donner du sens, ce que ne font pas les programmes actuels de l'école obligatoire qui ne hiérarchisent pas ce qui est enseigné.

L'identification du socle, par-delà la séparation des disciplines et la diversité des approches pédagogiques, permettrait aux élèves, ainsi qu'à leurs parents et à leurs enseignants, de découvrir ce qui justifie l'étude d'une matière ou l'acquisition d'une compétence et qui structure l'ensemble des apprentissages.

Le socle est aussi le moyen de passer ultérieurement de ce savoir commun à une culture commune, ce qui est la condition nécessaire d'une vie sociale réussie, objectif du texte que nous présentons.

Avec ce dernier, mesdames et messieurs les députés, aucune des matières qui constituent aujourd'hui la scolarité obligatoire n'est donc abandonnée.

Mme Martine David. Nous ne l'avons jamais dit !

M. Yves Durand. Vous travestissez nos propos !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Aucune de ces matières n'est optionnelle. Tout élève qui entrera à l'école se verra proposer les mêmes matières, les mêmes programmes, la même ambition scolaire.

Mme Martine David. C'est un minimum !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Simplement, nous allons nous battre pour que, à tout prix, les élèves maîtrisent...

M. Éric Raoult. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...la langue française, les principaux éléments de mathématiques, une culture humaniste et scientifique - vous parlez, vous, de lire, écrire et compter - qui dépasse les seuls programmes et disciplines, une langue vivante étrangère ainsi que les techniques usuelles de l'information et de la communication.

D'autres écoles, que l'on présente souvent comme les plus performantes du continent européen, procèdent d'ailleurs de même. La Norvège, par exemple,...

M. Jean-Marie Le Guen. La comparaison est glaçante !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...vient d'adopter un socle commun, composé de cinq éléments : savoir s'exprimer à l'oral,...

M. Jean-Marie Le Guen. Mais en norvégien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...savoir s'exprimer à l'écrit, savoir lire, savoir compter, savoir utiliser l'ordinateur, tous éléments qui, naturellement, se relient à l'ensemble des disciplines.

M. Jean-Marie Le Guen. On ne va pas ramener la culture française à la culture norvégienne !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sauf que l'école norvégienne...

M. Yves Durand. Les meilleurs résultats sont ceux de l'école finlandaise !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...est régulièrement présentée comme l'une des meilleures en Europe, ce qui n'est pas forcément à négliger.

Que nous soyons en désaccord sur cette question du socle n'est pas, après tout, impossible. En revanche, vous ne pouvez pas dire que nous proposons, à certains élèves, le socle et, à d'autres, les programmes de la scolarité obligatoire, car c'est faux ! Ces programmes, nous les proposons à tous les élèves, en nous faisant l'obligation de transmettre un socle.

Cette idée de socle est en débat depuis très longtemps, et j'ai cité quelques-uns de ceux qui ont proposé d'y recourir. Mais cette idée n'a jamais été mise en œuvre. Définir le socle comme vous le faites, refuser la hiérarchisation, serait la meilleure façon d'aboutir aux mêmes résultats que ceux que connaît aujourd'hui notre système scolaire, c'est-à-dire aux mêmes échecs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, je suis scandalisé par vos propos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

M. Éric Raoult. Ce sont les vôtres qui sont scandaleux !

M. Jean-Pierre Blazy. On ne peut qualifier de « dérivées » - au même titre qu'un produit dérivé - des disciplines qui, selon nous, doivent faire partie du socle commun de connaissances et de compétences. L'éducation physique, les disciplines artistiques, ce ne serait donc que du dérivé ?

M. Guy Geoffroy. Elles ne font pas partie du socle !

M. Jean-Pierre Blazy. S'il y a dérive, elle est plutôt à chercher du côté de la majorité qui veut réduire les ambitions de l'école de la République au détriment des jeunes aujourd'hui dans le système scolaire.

M. Éric Raoult. Blablazy !

M. Jean-Pierre Blazy. Employer le mot « dérivées » est grave et inacceptable, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est un terme que vous devriez retirer, à défaut de corriger votre vocabulaire !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 211.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 360.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 61

                    Nombre de suffrages exprimés 61

                    Majorité absolue 31

        Pour l'adoption 14

        Contre 47

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Nous en venons à l'amendement n° 451.

Demande de vérification du quorum

M. Bernard Accoyer. Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la présidente, compte tenu de l'importance de cet amendement de mon collègue et ami, M. Périssol, je demande que son vote donne lieu à un scrutin public. Toutefois, ne dénombrant à cette heure que trois députés communistes et cinq députés socialistes sur ces bancs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...

Mme Muguette Jacquaint. Vous vous dites la majorité, mais regardez combien vous êtes vous-mêmes !

M. Bernard Accoyer. ...je souhaite que l'on procède préalablement à la vérification du quorum.

Mme la présidente. Je suis saisie par le président du groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande faite en application de l'article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l'amendement n° 451.

Je constate que le quorum n'est pas atteint.

Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61 du règlement, le vote sur l'amendement est reporté au début de la prochaine séance, qui aura lieu à vingt et une heures trente.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 2025, d'orientation pour l'avenir de l'école :

Rapport, n° 2085, de M. Frédéric Reiss, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot