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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 13 septembre 2006

13e séance de la session extraordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

énergie

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie (nos 3201, 3278).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements nos 2859 à 2891, portant article additionnel avant l’article 1er.

Rappels au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Nous venons d’apprendre que M. le Premier ministre comptait lancer aux socialistes, dans un article à paraître demain, un appel à la raison dans le cadre de ce débat.

Je veux donc lui dire, en toute sérénité, que celui qui a perdu la raison dans cette affaire, c’est lui. En effet, six mois à peine après avoir fait voter, ici même, un texte qui affirme que ce sont les entreprises publiques nationales de l’énergie, EDF et Gaz de France, qui garantissent le service public de l’énergie, il a décidé, un beau matin, de privatiser, pour ne pas dire brader, Gaz de France, ses infrastructures, ses actifs, son personnel, afin de permettre sa fusion avec Suez.

Grâce notamment au débat que nous menons depuis l’ouverture de la session extraordinaire, nous savons maintenant que cette fusion n’aurait pas l’aval de la Commission européenne et qu’il faudrait procéder à de lourdes cessions d’actifs pour qu’elle puisse avoir lieu. Voilà probablement pourquoi le Gouvernement prétend aujourd’hui que le texte ne porte que sur la privatisation de Gaz de France : on voit bien que cette affaire est loin d’être faite.

De plus cette fusion, je le répète – ne vous en déplaise, monsieur le rapporteur –, n’améliorera en rien notre approvisionnement en gaz : ajouter 4 % à 16 % ne suffira pas pour que l’entité résultant de la fusion pèse sur le prix du gaz. En tout état de cause, ce prix est fixé en fonction du cours du pétrole, ce que M. Cirelli lui-même reconnaît.

En outre cette fusion, si elle va rapporter beaucoup aux actionnaires de Suez, va coûter extrêmement cher à Gaz de France et à l’État. Ces actionnaires ne sont pourtant pas encore satisfaits, puisqu’ils s’estiment lésés par la parité du prix d’échange des actions des deux entreprises. À cet égard je vous renvoie aux déclarations de M. Cirelli dans le Financial Times de ce matin.

Cette fusion va de plus fragiliser Électricité de France.

Enfin cette fusion – il faut que les Français le sachent – va provoquer une flambée des tarifs, car il faudra que la nouvelle entreprise, non seulement assume les charges déjà existantes d’approvisionnement, de transport, de distribution, mais encore distribue des dividendes à des actionnaires dont chacun a pu constater l’avidité, puisqu’elle s’exprime actuellement à pleins poumons, dans la presse et ailleurs.

Le débat s’est déroulé dans des conditions qui ont permis de clarifier ces points, grâce notamment à l’engagement d’une quarantaine de députés socialistes. Cela nous a en effet permis de percer à jour vos incertitudes, vos incohérences, votre improvisation et vos contradictions.

Je comprends le malaise qui pousse le Premier ministre à intervenir demain, quand on entend les propos d’hommes qui occupent ou ont occupé des fonctions éminentes dans l’État : M. Sarkozy trahit son engagement ; M. Fillon renonce à l’engagement de M. Sarkozy en matière de retraites : M. Devedjian affirme que Gaz de France reste à 100 % publique en ce qui concerne ses infrastructures. On voit bien que la majorité est dans le brouillard et dans l’improvisation la plus totale.

M. le président et M. le président de la commission des affaires économiques, dont je reconnais qu’ils ont beaucoup travaillé sur ce dossier, ont préféré crier toute la journée à l’obstruction plutôt que de répondre à nos arguments.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Vous ne pouvez pas dire ça !

M. François Brottes. Apparemment ils n’ont pas beaucoup d’autres arguments.

Nous sentons bien, surtout depuis les déclarations de M. Debré ce matin à la radio, qu’un 49-3 est « dans les tuyaux ». Il aura l’avantage de dissimuler les divisions de la majorité.

Nous continuons à répéter ce que nous disions avant d’avoir connaissance de cette annonce : nous ne donnerons pas au Gouvernement l’occasion d’utiliser le 49-3 et de s’en tirer à si bon compte. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est la raison pour laquelle nous avons indiqué tout à l’heure selon quelles modalités nous souhaitions que le débat se poursuive.

Nous demandons donc expressément au Premier ministre de retrouver la raison et de retirer l’article 10 de ce texte…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Laissez-nous y arriver !

M. François Brottes. …car nous ne contestons pas l’ensemble de ce projet de loi : les dispositions qui assurent la transposition de la directive sont utiles. Elles auraient d’ailleurs dû être votées dès 2004, et M. Breton a raison de parler d’urgence : l’inaction de M. Sarkozy en la matière a coûté cher à l’industrie française, qui a subi une augmentation considérable du prix de l’énergie.

S’il refuse de retirer cet article, nous persisterons à exposer, article après article, les conséquences d’une décision qui serait désastreuse pour le secteur de l’énergie dans notre pays. En effet ce dernier n’est en rien comparable à celui des transports aériens, ou de la microélectronique, ou à d’autres domaines d’activité, qui ont été évoqués par vous, monsieur le rapporteur, et par d’autres orateurs.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. François Brottes. L’énergie est nécessaire à tout un chacun, entreprise ou particulier, le jour et la nuit.

C’est donc bien M. le Premier ministre qui doit retrouver la raison et retirer l’article 10 du texte dont nous débattons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je veux moi aussi, après notre collègue, évoquer un exemple de déraison, voire d’abandon. En effet nous en avons appris de belles en lisant la presse du soir, et cela peut avoir des conséquences sur le déroulement de notre débat.

Chacun sait comment Gaspard, Melchior et Balthazar ont suivi l’étoile jusqu’à la grotte où était né celui que certains ont appelé le divin enfant.

M. Richard Cazenave. J’ai l’impression qu’on est loin du gaz !

M. Jean-Pierre Brard. De même, Nicolas Sarkozy poursuit l’étoile, mais des esprits malintentionnés pourraient dire qu’il confond la crèche avec le palais de l’Élysée, puisqu’il pense que cette étoile doit le conduire jusqu’à la rue du Faubourg Saint-Honoré.

M. Michel Piron. Il y est déjà !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’a qu’à traverser la rue !

M. Jean-Pierre Brard. Ce serait se tromper sur Nicolas Sarkozy, dont chacun connaît l’humilité, l’altruisme et le désintéressement. On sait bien qu’il ne pense qu’aux Français et qu’il n’a pas d’ambition personnelle.

En réalité, l’étoile que poursuit Nicolas Sarkozy rejoindra la bannière étoilée. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Gorges. On est loin du gaz !

M. Jean-Pierre Brard. Lisez ses propres déclarations ! Il est vrai qu’à chaque fois qu’il s’agit de l’intérêt national, vous protestez !

M. Jean-Pierre Gorges. Quel rapport avec le gaz ?

M. Jean-Pierre Brard. J’y viens, et vous allez voir comment.

Depuis 2004 de telles génuflexions devant le fondé de pouvoir de l’Oncle Sam deviennent une habitude pour le ministre d’État. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Comme c’est plat !

M. Jean-Pierre Gorges. Marchais allait à Moscou !

M. Jean-Pierre Brard. Tel le féal, il a fait allégeance à son maître, dans le bureau d’un obscur conseiller.

Un député du groupe socialiste. C’est le Bush trou !

M. Jean-Pierre Brard. Là il a pu dire à son gourou tout le plaisir qu’il avait à le rencontrer. (« À Moscou ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Entre deux portes !

M. Jean-Pierre Brard. Effectivement !

M. Jean-Pierre Gorges. Et qu’allait faire Marchais à Moscou ?

M. Jean-Pierre Brard. Il semble d’ailleurs que le président Bush en soit sorti plus rapidement que son invité. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ça n’a rien à voir avec le règlement !

M. Jean-Pierre Brard. Attendez la suite, monsieur Ollier : vous allez comprendre immédiatement le rapport !

Mme la présidente. Allez droit au but, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. J’y arrive, madame la présidente ! Suivez bien l’étoile !

Trouvez-vous donc normal, monsieur le président de la commission, que le ministre d’État critique la politique de la France à l’étranger ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Gorges. Et que faisait Marchais à Moscou ?

M. Daniel Paul. Il n’était pas ministre d’État !

M. Jean-Pierre Brard. Trouvez-vous normal qu’il bavarde avec le président d’un État étranger à propos de l’Iran, d’Israël, de la Russie, du Darfour, en prenant bien soin d’oublier le sujet essentiel de l’Irak, de crainte de mécontenter le maître ?

Une telle soumission à l’étranger, l’abandon de l’intérêt national, c’était donc ça la rupture tant prônée : la rupture avec les valeurs nationales, celles que défendait le général de Gaulle, même face aux Américains ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Voilà qu’ils découvrent de Gaulle !

M. Jean-Pierre Brard. De même que vous bradez ces valeurs, vous bradez Gaz de France ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Finalement M. Sarkozy ne fait que manifester franchement l’esprit qui est celui de ce texte relatif au gaz.

M. Richard Cazenave. Il a perdu la tête !

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. J’ai terminé, madame la présidente.

J’ajoute simplement que, malgré cette nouvelle manifestation de l’exhibitionnisme bien connu du ministre d’État, je ne suis pas sûr qu’il ait beaucoup plus de succès aujourd’hui avec le président Bush qu’il n’en a eu hier avec Tom Cruise. Son prochain rendez-vous sera peut-être avec M. Poutine en Tchétchénie, à moins qu’il ne préfère le rencontrer sur la Côte d’Azur, où la maffia russe prospère sans que le ministre de l’intérieur n’y trouve à redire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

Avant l’article 1er (suite)

Mme la présidente. Nous en venons donc à la série d’amendements identiques, nos 2859 à 2891.

La parole est à M. Gilles Cocquempot.

M. Gilles Cocquempot. Cet amendement pose le principe du caractère public de l’entreprise GDF. Je note que les déclarations de Dominique Paillé, délégué général de l’UMP chargé des débats, à propos du projet de fusion de Suez et de GDF, vont dans le même sens. Il va jusqu’à utiliser le terme de « spoliation », ou de « non-respect de la parole donnée ». Il reste donc « vent debout » contre cette fusion, qui, dit-il, ne mettra même pas cette nouvelle entité à l’abri d’une OPA hostile. « Si nous avons voté une loi en nous engageant à ce que l’État ne descende pas en dessous des 70 % du capital, dit-il, c’était pour que nous puissions contrôler toute envolée des tarifs, la part de l’énergie constituant en effet 15 % du budget des ménages, et elle ne cesse de croître. ». Voilà pourquoi il ne cesse de répéter que « GDF doit rester publique ».

Il ajoute que le réseau d’acheminement du gaz a souvent été réalisé avec le concours des collectivités locales et s’étonne que les citoyens doivent aujourd’hui assister au départ de cette entreprise vers le privé.

Cet amendement s’appuie, je le répète, sur les prises de position du ministre d’État, qui affirme que l’État doit rester majoritaire dans le capital de GDF et qu’il s’agit d’une garantie d’indépendance énergétique pour la France. Il peut également aider M. Sarkozy, car j’ai cru entendre dire qu’il envisageait même d’exhumer la proposition de loi de M. Gonnot prévoyant la création d’un grand service public de l’énergie, dans lequel se retrouveraient EDF et GDF.

Cet amendement a donc toute sa valeur et pourrait aider M. Sarkozy qui était initialement hostile au projet et a finalement cédé dans le courant du mois d’août pour, selon certains de ses proches, ne pas faire éclater la majorité ou, plus crûment, selon d’autres, pour enterrer la hache de guerre avec Dominique de Villepin –, à ne pas renier les engagements qu’il avait pris en 2004.

Enfin, cet amendement correspond aussi à l’attente des personnels de GDF et, si j’en crois le sondage paru dans Les Échos, de l’ensemble des Français, qui souhaitent que GDF reste une grande entreprise nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pour donner l'avis de la commission.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie pour donner l'avis du Gouvernement.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. On peut très bien mener une politique de l’environnement sans que les sociétés concernées soient publiques. C’est ce que nous faisons avec la politique des installations classées et pour les gaz à effet de serre, à propos desquels nous sommes amenés à intervenir sur l’ensemble du secteur industriel, privé ou public. Il n’est pas nécessaire que GDF ait un statut public pour que nous puissions mener une politique de préservation de l’environnement.

Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2859 à 2891.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 2892 à 2924.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il s’agit d’un amendement important, visant à préciser que la préservation de la santé humaine nécessite qu’Électricité de France demeure une entreprise publique nationale.

M. Richard Cazenave. C’est un diagnostic ?

M. Jean-Pierre Brard. Parole de médecin !

M. Gérard Bapt. Et cardiologue !

M. Michel Piron. Il faut déjà poser le postulat !

Mme la présidente. Monsieur Bapt, veuillez poursuivre.

M. Gérard Bapt. L’électrophysiologie amène à considérer qu’il est très important pour toutes les installations sanitaires que la sécurité de l’approvisionnement en énergie électrique soit assurée. Les grandes pannes survenues dans les pays où les entreprises fournissant l’électricité ont été privatisées, comme en Italie, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, ont bien montré qu’en France le service public a mieux protégé la sécurité de l’approvisionnement,…

M. Jean Leonetti. Tchernobyl, c’était privé ?

M. Gérard Bapt. …notamment pour les installations sensibles, comme les services d’urgence et de soins intensifs des hôpitaux, qui doivent être protégés.

Un autre aspect de la question est le prix de l’énergie fournie aux installations sanitaires. Quand on voit les difficultés que rencontrent aujourd’hui les hôpitaux, qui doivent sans cesse reporter des charges sur les années suivantes pour équilibrer leurs comptes ou achèvent l’année en déficit, comme c’est le cas cette année pour la plupart des grands centres hospitalo-universitaires ; quand on voit que la variable d’ajustement budgétaire des établissements hospitaliers est l’emploi, on se dit que la libéralisation du secteur et l’envolée des prix – notamment ceux de l’électricité – qu’entraînerait votre réforme funeste si elle arrivait à son terme, obéreraient gravement, et plus encore qu’à l’heure actuelle, le fonctionnement de nos hôpitaux.

M. Richard Cazenave. Vous devriez aller faire un stage de libéralisme en Chine !

M. Gérard Bapt. Il s’agit également de la protection des installations sensibles, comme les centrales nucléaires,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Tchernobyl !

M. Gérard Bapt. …dans un contexte géopolitique qui doit, à en croire le ministre de l’intérieur, être considéré dans le cadre de la grande lutte contre le terrorisme que mène le président Bush, son modèle.

Il s’agit enfin de la protection et de la maintenance des installations de transport de l’électricité, notamment des lignes à haute tension et des transformateurs.

La préservation de la santé dépend donc elle aussi de la sécurité de l’approvisionnement et des installations.

Telle est la justification de cet amendement visant à affirmer qu’Électricité de France doit demeurer une entreprise publique nationale. Cette proposition répond d’ailleurs au vœu exprimé ici même le 15 juin 2004 par M. le ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)...

M. Richard Cazenave. Il y avait longtemps !

M. Gérard Bapt. …qui affirmait solennellement l’engagement du Gouvernement : « EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous venons d’entendre un exposé assez général, qui débordait largement les limites fixées par l’amendement que nous examinons. Je répondrai sur deux points.

Monsieur Bapt, vous avez évoqué la sécurité d’approvisionnement des hôpitaux et les mouvements de prix susceptibles d’affecter les résultats économiques de ces derniers. Je rappelle donc, car vous n’étiez peut-être pas en séance hier, que nous sommes en train de régler un problème qui s’est posé au CHU de Besançon, dont le conseil d’administration – présidé par quelqu’un que vous connaissez sans doute assez bien – a commis l’imprudence de quitter le tarif au profit de prix du marché négociés, ce qui se solde par une augmentation de 300 000 euros de la facture d’électricité, qui obère gravement les comptes de l’hôpital.

M. Richard Cazenave. C’était donc possible sous Jospin ? Je n’en crois pas mes oreilles !

M. Gérard Bapt. Il faut tenir compte de ses erreurs !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je veux donc vous rassurer : j’ai déposé un amendement qui, étendant le bénéfice du tarif aux établissements publics, réglera ce problème.

Vous avez par ailleurs évoqué le problème des champs magnétiques qui se créent à proximité des transformateurs et des réseaux. Si vous avez, en tant que médecin, des informations à nous fournir sur les dangers que représentent les lignes à haute tension et les transformateurs, de grâce, communiquez-les nous tout de suite. Je ne crois pas que le débat qui s’est engagé sur cette question dans certains pays ait atteint beaucoup de monde en France, mais, je le répète, si vous estimez que la proximité d’une ligne à haute tension est dangereuse pour la santé humaine, voire pour celle du bétail, merci de nous livrer vos observations qualifiées.

M. Jean-Pierre Brard. Si vous le branchez sur le sujet, il est intarissable ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis : défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le rapporteur, en évoquant la sécurité des installations, je pensais aux risques d’électrocution. Je vous rappelle en effet que des événements dramatiques et funestes dans nos banlieues sont nés du risque d’électrocution que présentait un transformateur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. On peut s’électrocuter avec le gaz ?

M. Jean Leonetti. Qu’est-ce que les électrocutions dans les banlieues ont à voir avec la privatisation du gaz ? Arrêtez !

M. Gérard Bapt. Je ne pensais pas aux dangers liés aux champs électromagnétiques lesquels, je vous le confirme si besoin était, ne sont attestés par aucune des données scientifiques connues aujourd’hui. Ainsi, les risques de leucémie qui ont pu être évoqués pour les personnes résidant sous les lignes à très haute tension n’ont, à ce jour, été confirmés par aucune des études menées dans le monde.

Je le répète : il n’était question que des risques liés au contact avec des installations électriques défectueuses.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il s’agit d’une précision importante, qui lève le malentendu causé par l’amendement de M. Bapt. L’exemple qu’il a cité ne se rattache, en effet, que d’assez loin à la préservation de la santé humaine.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je tiens à réagir à la mise en cause par le rapporteur de la décision prise par le conseil d’administration de certains hôpitaux – de quelque bord qu’ils soient – de sortir du tarif en pensant que le marché leur permettrait de gagner quelques subsides pour mieux gérer leurs hôpitaux.

M. Gérard Bapt. Ils avaient été attirés par le chant des sirènes !

M. Richard Cazenave. C’était sous Jospin !

M. François Brottes. En effet, monsieur Cazenave. Mais attendez un peu : j’ai quelque chose à vous dire.

M. Jean Leonetti. Il est terrifié !

M. François Brottes. Il se trouve que l’aventure a échoué et que ceux qui sont sortis du tarif l’ont rapidement regretté. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle M. Jospin avait pris la précaution de dire à Barcelone que toute nouvelle ouverture du marché devrait être précédée d’une étude d’impact, ce dont tous les pays avaient convenu. Il fallait, en effet, mesurer les conséquences de cette première ouverture, lesquelles se sont révélées néfastes.

Quelques mois après Barcelone, la majorité actuelle a gagné les élections et a préféré, plutôt que de réaliser une étude d’impact dont elle savait qu’elle serait négative, dire qu’il fallait continuer tête baissée et appliquer aux ménages les mesures mises en place pour les entreprises. Cette décision a été prise le 25 novembre 2002 par Mme Fontaine et M. Raffarin.

Des erreurs ont certes été commises de part et d’autre en la matière, mais, au lieu de les corriger rapidement et avant qu’il ne soit trop tard, vous avez préféré continuer.

M. Cazenave a évoqué Tchernobyl. C’est un sujet sérieux, et il est mieux placé que beaucoup d’autres ici pour savoir par qui et comment a été faite dans notre pays la communication relative à ce drame. Peut-être est-ce précisément une parole d’expert qui lui a permis de formuler, sur ce dossier, quelques remarques acerbes. (Murmures.)

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2892 à 2924.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. J’en viens à une série d’amendements identiques, nos 2925 à 2957.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je vais présenter deux observations.

La première m’évitera de faire un rappel au règlement : l’Assemblée nationale ne peut pas passer sous silence l’information publiée par la presse de cet après-midi, qui fait état des initiatives du Gouvernement à propos du contrat nouvelles embauches. Cette manœuvre dépasse toutes celles que nous avions vues jusqu’à présent (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Hors sujet !

M. Alain Vidalies. Je ne suis pas hors sujet.

M. Philippe Vitel. C’est un rappel au règlement !

M. Alain Vidalies. Je pensais vous faire gagner du temps, mes chers collègues, mais si vous y tenez, je peux demander la parole pour un rappel au règlement.

M. Jean Leonetti. Vous êtes hors sujet !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas la peine. Poursuivez donc, monsieur Vidalies.

Mme la présidente. Je vous invite également à poursuivre, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. J’accède donc à la demande de M. Ollier et je poursuis.

Le sujet est grave. Comme vous le savez en effet, nous nous interrogeons sur la légalité du contrat nouvelles embauches, qui a été décidé par ordonnances et dont il n’a jamais été débattu dans cet hémicycle.

Plusieurs décisions ont été rendues à cet égard, en particulier celle dans laquelle le conseil des prud’hommes de Longjumeau a considéré que ce texte était contraire aux engagements internationaux de la France, notamment à la convention de l’OIT.

Alors que la Cour d’appel a été saisie et que sa décision est attendue, le Gouvernement, conscient qu’il est quasi-certain que le jugement sera confirmé et soucieux d’éviter que la juridiction judiciaire ne se prononce, annonce qu’il saisit le tribunal des conflits, renvoyant l’appréciation non au juge judiciaire, mais au juge administratif, au seul motif que le texte était une ordonnance et non une loi.

Non seulement, donc, notre assemblée n’a jamais délibéré sur cette disposition très importante, mais le Gouvernement va user d’une circonstance qu’il a lui-même organisée pour empêcher le juge judiciaire, c’est-à-dire le juge du droit commun, de se prononcer sur la légalité de cette mesure.

Si l’information publiée cet après-midi dans Le Monde était confirmée, cela signifierait que nous aurions été confrontés à un procédé parfaitement scandaleux. Je tenais à dire, au nom du groupe socialiste, que nous serons d’une extrême vigilance, dans les prochaines semaines, sur l’évolution de ce dossier.

Mme la présidente. Monsieur Vidalies, veuillez en revenir aux amendements, je vous prie.

M. Alain Vidalies. Tout à fait, madame la présidente, mais je pense que cette intervention était utile. De plus elle m’a permis de faire l’économie d’un rappel au règlement.

Mon argumentation sur ces amendements essentiels, qui précisent que « la préservation de la santé humaine nécessite que Gaz de France demeure une entreprise publique nationale », rejoint évidemment ce qui vient d’être dit pour Électricité de France. Il en va sur cette question comme sur les autres : ce qui est vrai pour l’électricité est vrai pour le gaz.

Nous tenons simplement à apporter la démonstration que, sur l’ensemble de ces points, c’est-à-dire sur la santé et l’environnement, il y a évidemment deux logiques et deux gestions, qui ne sont pas à apprécier sur le plan des valeurs, mais qui obéissent à des règles tout à fait différentes.

À partir du moment où des secteurs ou des activités sont privatisés, nous savons tous parfaitement que si les règles de sécurité seront probablement respectées, ce ne sera malgré tout pas avec la même détermination. Il est donc indispensable de prévoir un organisme de contrôle public qui vienne s’assurer que les intérêts des actionnaires ne l’emportent pas sur tout le reste, que l’arbitrage, toujours difficile à faire dans la gestion de ces entreprises entre le court terme et le moyen terme, notamment pour les questions de sécurité, ne se fasse pas au profit d’une amélioration de la rentabilité à court terme et au détriment du respect des règles.

Il s’agit d’un vrai débat de fond, et tous ces arguments s’inscrivent dans une logique que vous ne voulez pas entendre mais qui fait toute la différence entre nous et rend particulièrement grave la décision que vous essayez de nous imposer de force et très rapidement, c’est-à-dire la privatisation de Gaz de France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. François Brottes. C’est un peu court !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. François Brottes. C’est également un peu court !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2925 à 2957.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie des amendements identiques nos 5601 à 5633.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Après avoir parlé d’environnement et de santé, il faut évoquer le droit à l’électricité pour tous. C’est pourquoi nous voulons réaffirmer, avec ces amendements, qu’aucun changement de statut au sein du capital d’Électricité de France et de Gaz de France ne saurait remettre en cause le droit à l’électricité pour tous.

En effet qui ne peut comprendre qu’à l’évidence le changement de statut risque de détourner EDF et GDF de leur mission de service public, au bénéfice de la recherche de rentabilité à court terme sous la pression d’actionnaires privés ?

M. Maurice Giro. Pas EDF ! Cela n’a rien à voir !

M. Richard Cazenave. On ne va pas s’électrocuter au gaz !

M. Jean-Pierre Blazy. À l’évidence, ce risque de détournement n’échappe pas à la majorité UMP puisque c’est ce qu’elle veut. Néanmoins elle ne veut pas le reconnaître dans l’hémicycle et elle s’efforce de faire illusion en essayant de faire croire à nos concitoyens que tout sera comme avant, qu’ils doivent se rassurer, que cette évolution ne remettra pas en cause les missions de service public.

Dans ces missions de service public, il y avait jusqu’alors – c’était évidemment tout le sens de ce qui avait été décidé avec le statut d’EDF et de GDF au lendemain de la guerre – la distribution de l’énergie. Eh oui, il faut parler du général de Gaulle. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Que ne l’avez-vous soutenu !

M. Jean-Pierre Blazy. En effet le général de Gaulle, c’était l’union nationale, mais aussi la reconstruction économique du pays, la reconstruction de la cohésion sociale, de la cohésion nationale. À travers cette question de l’électricité et du gaz, a été affirmé pour chaque Français, pour chaque famille française le droit à l’électricité pour tous.

Si le groupe socialiste n’est pas opposé à des évolutions, qui, soixante après, paraissent évidemment nécessaires, évolution ne veut pas dire remise en cause de ce qui fait partie du modèle français que, depuis quatre ans et demi – heureusement il ne vous reste plus que quelques mois –, vous vous êtes ingénié à remettre en cause sur tous les plans : la casse sociale, la remise en cause de la protection sociale, la remise en cause des fondements de notre assurance maladie (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), tout cela revient finalement à défaire le modèle social, le lien social, à défaire la France.

Avec ce projet, vous êtes dans la même lignée, et vous avez la même volonté, en libéralisant, de remettre en cause des droits fondamentaux.

M. Jean-Pierre Soisson. Mais lesquels ?

M. Jean-Pierre Blazy. Nous voulons réaffirmer très solennellement qu’il doit y avoir dans ce pays un droit à l’électricité pour tous. Tel est le sens de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Le droit à l’électricité pour tous existe puisqu’il y a un réseau national qui couvre l’ensemble des communes et des habitations.

Pour ce qui est des aspects sociaux de l’accessibilité, je rappelle que le gouvernement Raffarin a pris un décret, en application d’une loi votée en 2000, qui permet de faire bénéficier du tarif social des personnes démunies. Du reste nous allons améliorer encore ce dispositif et nous allons l’étendre au gaz.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Monsieur Blazy, ce que vous demandez – le droit à l’électricité pour tous – est prévu mot pour mot dans l’article 1er de la loi du 10 février 2000. Je ne vois donc pas pourquoi ces amendements seraient votés.

M. Michel Piron. Ça a dû leur échapper !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un peu court, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Ces amendements sont totalement légitimes, tout à fait nécessaires et obligatoires, car, malgré la loi que vous venez d’évoquer, monsieur le ministre, et malgré la loi du 15 juin 2004, il faut constater que l’application de tarifs spéciaux pour les personnes en difficulté et en situation de grande précarité ne résout pas tous les problèmes.

Je peux témoigner de situations qui se sont fréquemment produites dans les circonscriptions du Nord-Pas-de-Calais – et sans doute aussi dans bien d’autres endroits – où des personnes qui étaient dans le dénuement le plus total ont eu l’électricité et le gaz coupés parce qu’elles ne pouvaient pas payer leurs factures, et ont été prises dans un processus infernal puisque, à partir d’une facture de faible niveau, elles se retrouvaient, compte tenu des amendes qui s’accumulaient, être redevables de sommes exorbitantes à payer à EDF et à Gaz de France.

Cela a conduit l’ensemble du groupe socialiste, soutenu par nos collègues du groupe communiste, à faire en sorte que des négociations avec EDF soient conduites. Notre collègue Jean-Pierre Kucheida a très largement participé à ces négociations avec le ministre de l’époque, Patrick Devedjian, pour que des améliorations soient apportées et qu’il ne puisse plus y avoir de coupures de courant sans que le maire de la commune en soit averti et sans que les services sociaux soient mis en éveil, afin que de telles situations ne se produisent plus.

Je pense que, malgré les réponses que nous ont faites M. le rapporteur et M. le ministre, ces amendements ont toute leur nécessité. Il est très important qu’ils soient votés.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ma chère collègue, comme vous, nous sommes particulièrement sensibles aux situations que vous avez décrites. Pour la plupart élus locaux, nous connaissons des familles ou des individus qui ont des problèmes et qui se voient privés d’électricité ou du gaz. Je me permets tout de même de vous rappeler, puisque vous avez cru devoir insister sur cette question, que si ces situations vous préoccupaient tant, il fallait faire en sorte que la loi de 2000 ait rapidement un décret d’application. Or il aura fallu attendre plusieurs années, qu’une nouvelle majorité s’installe, qu’un nouveau gouvernement soit mis en place, pour que soit pris un décret d’application qui a permis de faire bénéficier les plus démunis des dispositions qui étaient en principe prévues par la loi de 2000.

Par ailleurs, il ne faut pas limiter au tarif social les dispositions en faveur des personnes démunies. Il y a également un autre dispositif, adossé au FSL, qui permet d’apporter, avec une contribution d’Électricité de France, un secours qui réduit le montant de la dette et de la facture. Une autre disposition évite les coupures pendant les périodes d’hiver.

Certes, nul ne peut contester que cet ensemble de mesures peut être insuffisant pour régler certaines situations, mais, de grâce, ne venez pas maintenant vous plaindre de situations qui ont été largement créées par l’incurie des pouvoirs publics à un moment où ils pouvaient prendre les mesures nécessaires.

Mme Catherine Génisson. Ça ne peut se régler que quand l’État est majoritaire à plus de 70 % !

M. Richard Cazenave. Nos collègues de l’opposition nous reprochent tout ce qu’ils n’ont pas fait !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il est logique que, dans un débat qui s’étend sur plusieurs jours, le rapporteur soit amené à répéter des arguments qu’il a déjà développés. Comme il y a toujours parmi nous des nouveaux arrivants, c’est vrai que, chaque fois, cela peut faire son effet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je dois donc rappeler, une fois de plus, que la loi de 2000 n’a été votée par aucun député de droite, à part le rapporteur auquel, une fois n’est pas coutume, je rends hommage en cette occasion, Aucun de ceux qui sont ici et qui siégeaient lors de la législature précédente n’a voté le tarif social de l’électricité. Alors de grâce, ne nous donnez pas de leçon sur ce sujet.

M. Robert Lecou. Ce n’est pas une leçon, c’est un rappel !

M. François Brottes. En effet, monsieur Lecou, il est exact que le décret en question a mis un peu de temps à sortir, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y avait aucun dispositif jusqu’alors. Il en existait bien un, mais il n’était pas exactement celui que préconisait la loi. Le temps que les différents opérateurs se mettent d’accord, le décret a fini par sortir. Cela étant, il y avait déjà un tarif social.

Lorsque l’on va privatiser Gaz de France, et demain certainement EDF tel que vous êtes partis, on va avoir la même évolution que dans les télécommunications parce que ce sont les mêmes phénomènes qui jouent. Un fonds de compensation a été instauré dans ce secteur pour financer notamment le tarif social ou les cabines téléphoniques. Or, lorsque tous les opérateurs sont privés, ils n’ont de cesse d’expliquer au régulateur, qui va, lui, l’expliquer au Gouvernement, qu’il faut diminuer ce fonds de compensation parce qu’il coûte trop cher aux opérateurs.

De la même façon les opérateurs de l’énergie, vont exiger demain du régulateur et du Gouvernement que les charges de service public qui sont adossées aux tarifs soient diminuées parce que cela ne leur permettra pas de faire assez de bénéfices.

Le vrai risque, lorsqu’on a affaire à des acteurs privés, c’est que, petit à petit, dans un délai de quatre ou cinq ans, disparaisse tout ce qui est compensation pour charges sociales, pour charges de service public.

Si nous appelons votre attention sur ces exigences de service public et que nous souhaitons les inscrire dans le texte, c’est parce que nous savons bien que la dérive dans laquelle vous nous faites glisser et nous enfermez va effectivement aboutir à supprimer ces dispositifs de financement du tarif social.

M. Daniel Paul. C’est très clair !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il est très important de préciser le droit à l’électricité dans le texte. Nos collègues en ont parlé fort légitimement.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le droit de s’éclairer n’est-il pas un droit fondamental ? Le droit de faire sa cuisine au gaz quand on a que ça pour cuisiner, le droit d’avoir l’eau courante chez soi, n’est-ce pas un droit fondamental ? Et le droit pour les personnes âgées de communiquer avec leurs enfants ? Ce sont des droits fondamentaux. Vous qui n’avez que le mot de liberté à la bouche (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais qui la réservez aux privilégiés et aux puissants pour plumer les plus modestes,…

M. Jean-Pierre Soisson. Arrêtez de dire n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. …sachez que ce sont des libertés fondamentales !

Il est vrai, mes chers collègues de droite, qu’à part quelques exceptions, mais qui n’osent pas s’exprimer ici parce qu’ils n’ont pas la liberté de parole (Mêmes mouvements) car, comme le dit mon collègue Daniel Paul, ils sont bâillonnés, la plupart d’entre vous ont un coffre-fort à la place du cœur. (Rires et protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pourquoi faut-il inscrire dans le texte ce que nos collègues proposent ? Parce que nous vous connaissons : vous n’êtes habités par aucune conviction, aucune fidélité à vos engagements, aucune crédibilité.

M. André Schneider. C’est Au théâtre ce soir !

M. Jean-Pierre Brard. Je vais d’ailleurs vous donner la preuve de ce que je viens d’affirmer, au risque de vous agacer.

Qu’a dit notre collègue Patrick Devedjian, le 15 avril 2004 – il était à l’époque ministre, mais peut-être qu’il est maintenant député a-t-il plus de liberté – ? Il disait : « Il n’est en tout cas pas question de sacrifier le long terme. » Voilà des propos virils ! Il poursuivait : « Nous l’avons dit et nous le répétons : la volonté du Gouvernement est qu’EDF et GDF restent publiques. Il n’est donc pas exact de prétendre que nous souhaitons privatiser. »

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il parlait seulement d’EDF !

M. Jean-Pierre Brard. Non, il parlait aussi de GDF. Monsieur Ollier, branchez vos deux oreilles en même temps ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je poursuis.

Monsieur Ollier, voilà pour vous : le 15 avril 2004, vous avez déclaré ici : « Ni la propriété publique de ces entreprises ni le statut de leurs personnels ne doivent être remis en cause, et je me félicite de la position prise par le Gouvernement contre la privatisation et pour l’actionnariat. » À l’époque, vous aviez la fibre nationale !

Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin : « Je vous confirme que ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées, compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts vitaux de la France. »
Cela prouve que l’intéressé avait, au moins pendant ces quelques instants, la fibre nationale !

Je poursuis : « En termes de sécurité d’approvisionnement et de sûreté des activités nucléaires, l’État conservera en effet une part majoritaire du capital de seize entreprises et continuera de définir conjointement, avec leurs présidents » – qui aujourd’hui s’expriment dans la presse étrangère, comme M. Cirelli – « leurs orientations stratégiques. Le niveau du seuil de détention minimum par l’État d’EDF et de Gaz de France est aujourd’hui fixé par le projet de loi à plus de 50 %. » Écoutez bien ce qui suit : « Je ne verrais pas d’obstacle à ce que ce seuil soit sensiblement relevé lors de la discussion au Parlement. »

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Vous voulez dire abaissé !

M. Jean-Pierre Brard. Qui donc a signé ce brûlot gauchiste ? Un certain Nicolas Sarkozy, dans la lettre qu’il adressa le 29 avril 2004 à Frédéric Imbrecht, secrétaire général de la fédération nationale CGT des mines et de l’énergie !

Comment vous faire confiance ? Vous changez d’avis comme de chemise. Je dirais même que vous changez d’avis plus souvent que de chemise ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Mais non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cette lettre est un faux !

M. Jean-Pierre Brard. Si la majorité ne veut pas se dédire et trahir ses anciens engagements, il est donc essentiel qu’elle vote les amendements de nos collègues socialistes ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Soisson. Applaudissez donc, chers collègues de l’opposition !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5601 à 5633.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. Jean-Pierre Blazy. C’est scandaleux !

M. Jean-Pierre Brard. Le peuple français vous jugera !

M. Jacques Briat. Pour vous, c’est déjà fait !

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au Règlement.

M. François Brottes. Cela fait plusieurs fois que le président Ollier nous affirme que M. Sarkozy n’a parlé que d’EDF. Je tiens à la disposition de chacun l’enregistrement des propos qu’il a tenus dans cet hémicycle : M. Sarkozy a bien mentionné EDF et GDF ! Assumez ces propos, et cessez de prétendre le contraire !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Nous reprenons l’examen des amendements avec les amendements identiques nos 1614 à 1646.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Avant de défendre ces amendements, je tiens à saluer la pertinence du rappel de M. Brard. Une lettre lue in extenso, cela nous change d’un texte caviardé !

Quant aux amendements que nous proposons, ils sont simples et clairs.

EDF et GDF sont aujourd’hui concessionnaires de service public, personne ne peut le nier. Les collectivités publiques ont traité ce dossier de concession et, par là même, sont partenaires. Or le changement dans le capital de GDF aura inévitablement des conséquences néfastes. Par ces amendements nous proposons donc que tout changement dans le capital de GDF ne puisse intervenir qu’après consultation des autorités concédantes du service public du gaz. À ma connaissance, celle-ci n’a toujours pas été organisée.

Cela pose un double problème, juridique et politique.

Un problème juridique d’abord, car les collectivités publiques et le concédant actuel ont signé l’acte de concession sur la base d’un cahier des charges précis, d’engagements qui ne le sont pas moins, et selon des responsabilités bien définies. J’en prends pour exemple la propriété des réseaux.

À l’heure actuelle, la question n’est pas clairement abordée. Le président de Gaz de France déclarait avant l’été qu’il souhaitait que ces réseaux restent la propriété de GDF à 100 %. En août, il ne parlait plus que du contrôle de ces réseaux – sous-entendu : une propriété d’au moins 50 %. Or les traités de concession signés prévoyaient explicitement que les réseaux resteraient l’entière propriété de GDF. C’est sur cette base que les collectivités publiques se sont engagées. Il y a donc, au sens strict, une rupture de contrat. Il convient de clarifier ce point sur le plan juridique, car il expose à des recours.

Le second problème est politique. Chacun connaît l’importance de l’entreprise GDF pour la nation et pour les usagers. Sa privatisation va modifier en profondeur ses orientations prioritaires. On peut en effet craindre que la recherche de rentabilité à court terme, que l’on constate dans les pays qui ont opté pour la privatisation – États-Unis et Angleterre, par exemple –, avec la règle des 15 % de rémunération des actionnaires, n’entraîne une diminution des investissements, au détriment de la modernisation et, plus grave encore, de la sécurité.

Si l’on considère l’ensemble des ces arguments juridiques et politiques, on ne peut que souscrire à ces amendements, et faire de la consultation des collectivités publiques, autorités concédantes, un préalable à toute modification du capital de GDF.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Juste avant le dîner, j’avais invité les députés de l’opposition à se concerter pour envisager l’éventuel retrait de certains de leurs amendements. Je pensais notamment aux amendements identiques qui viennent d’être présentés. Ceux-ci proposent en effet que tout changement dans le capital de Gaz de France entraîne une consultation des autorités concédantes, c’est-à-dire de toutes les communes.

Or qu’est un changement dans le capital d’une société ? Cela peut se résumer à la vente d’une action. Admettons que Mme Michu soit détentrice d’une action GDF. Pour offrir un cadeau à sa petite-fille, elle vend cette action. Il faudrait alors consulter toutes les autorités concédantes. Vous concevez que l’on puisse avoir sur ces amendements une appréciation mitigée, pour ne pas utiliser un terme plus blessant.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. On frôle le ridicule !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’invite donc l’Assemblée à écarter résolument cette série d’amendements.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je pourrais reprendre l’argument du rapporteur, mais, pour rassurer les auteurs de ces amendements, je veux souligner que les réseaux de distribution restent la propriété des communes, et les réseaux de transport, celle de GDF. Les choses sont donc simples, et en aucun cas modifiées par le projet de loi.

Avis défavorable, donc, aux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. L’argument de M. le rapporteur est un peu juste.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Il est juste, en effet !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est le mot qui convient !

M. Jean-Pierre Dufau. Il ne s’agit pas d’une action, mais d’une mauvaise action !

Mettre sur un même pied l’exemple que vous avez pris et un changement réellement significatif, par lequel l’État devient minoritaire et la nation perd la propriété de GDF, c’est faire preuve d’une singulière mauvaise foi.

Pour en revenir au fond de ces amendements, lorsque l’État n’est plus majoritaire dans le capital, cela ne signifie-t-il pas que les conditions des contrats de concession sont profondément modifiées ?

Quant à la propriété des réseaux, monsieur le ministre, je n’ai fait que reprendre les propos du président de GDF qui hésite entre deux voies : soit l’entreprise conserve l’entière propriété de ces réseaux, soit elle n’en conserve que 50 %. Cette dernière hypothèse constituerait, là encore, une rupture des contrats de concession signés.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Pierre Brard. M. Ollier va pouvoir nous expliquer ses déclarations de 2004 !

Mme la présidente. Monsieur Brard, laissez M. Ollier s’exprimer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne voudrais pas paraître provocateur,…

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne l’êtes jamais !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …mais je ne comprends pas.

M. Jean-Pierre Brard. C’est normal !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On nous a expliqué tout à l’heure, sur les bancs de l’opposition, qu’il n’était pas question de faire de l’obstruction. J’en prends acte, mais nous sommes en train de débattre d’amendements qui, s’agissant du capital, se rapportent en principe à l’article 10. Sur ce dernier, 30 000 amendements ont été déposés.

Monsieur Dufau, il me semble qu’il avait été convenu que les amendements identiques seraient défendus par un seul orateur,…

M. Jean-Pierre Dufau. C’est le cas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …promesse que vous respectez en effet.

Le rapporteur avait aussi demandé que les amendements touchant au contenu d’articles du projet de loi soient débattus lors de l’examen de ces derniers. J’avais cru comprendre que nous en étions également d’accord.

Les 30 000 amendements déposés à l’article 10 vous donneront 30 000 occasions de poser la question que vous venez d’aborder. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or nous n’avons toujours pas commencé l’examen de l’article 1er. Comment pouvez-vous, dans ces conditions, prendre deux fois la parole pour poser une question qui, je le répète, pourra être posée 30 000 fois ?

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons plus d’imagination que vous ne le pensez !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Brard, vous êtes là pour le spectacle, nous en avons l’habitude ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je termine en m’adressant à M. Brottes, avec lequel nous avons eu tout à l’heure un dialogue sérieux et constructif : puisqu’il n’y a pas de volonté d’obstruction, avançons pour examiner l’article 1er !

M. André Schneider. Oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous rappelle, sans aucun esprit polémique, que 30 000 amendements nous en séparent encore. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Vous avez constaté, monsieur le président de la commission, que, depuis mon intervention de tout à l’heure, beaucoup d’amendements ont défilé, preuve que nous souhaitons voir notre assemblée aborder l’article 1er assez prochainement.

M. Jean-Pierre Brard. L’allure s’est en effet accélérée : vous allez vous faire flasher !

M. François Brottes. En revanche, nous restons méfiants sur vos intentions : si, d’aventure, vous décidiez de réécrire un article, les amendements prévus sur l’ancienne version de cet article disparaîtraient. Pardon de ce procès d’intention, mais la ficelle est connue : d’autres majorités l’ont utilisée.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est vous qui me l’avez apprise !

M. François Brottes. Mais vous êtes devenu un expert en la matière !

Sur les questions essentielles, il est donc important que, avant l’article 1er, nous puissions, à la faveur de ces amendements, obtenir des précisions ; c’est autant d’engrangé pour éclairer le débat.

M. Michel Piron. Éclairer, c’est beaucoup dire !

M. François Brottes. Je tiens également à indiquer à M. le rapporteur que, contrairement à lui, j’ai beaucoup de respect pour Mme Michu. La manière dont vous traitez les usagers, même s’ils ne détiennent qu’une seule action, montre bien que le sort qui leur est réservé à travers la tarification vous importe peu. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Schreiner. C’est un procès d’intention !

M. François Brottes. Méfiez-vous, monsieur le rapporteur : M. Giacobbi vous a fait tout à l’heure une démonstration essentielle. Compte tenu de l’accord, réel ou supposé, passé, d’après le Financial times, entre M. Cirelli et M. Mestrallet, il suffit que le détenteur d’une seule action – Mme Michu, peut-être ! – fasse valoir le non-respect de certaines dispositions, et c’est tout l’édifice qui vacille. Ne serait-il pas normal, en ce cas, que les collectivités concédantes soient informées ? Elles n’en savent d’ailleurs pas plus que nous, qui savons si peu de choses.

En tout état de cause, dès l’instant où l’on change d’esprit, où l’on change de régime – parce que qu’il s’agit bien de cela – il est important que les modalités de transition du régime public au régime privé soient connues des autorités concédantes, acteurs partenaires majeurs du secteur de l’énergie. C’est cela que nous revendiquons, et nous attendons, monsieur le rapporteur, des réponses plus argumentées et moins méprisantes à l’égard de nos concitoyens. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous avions cru comprendre que, peut-être à l’initiative de M. Brottes mais, plus probablement, malgré lui, le groupe socialiste voulait changer de ton. Après avoir été aux avant-gardes pour bloquer la machine parlementaire, M. Brottes s’en prend de plus en plus souvent à nous. Je comprends qu’il soit un peu fatigué, car c’est l’un des députés socialistes les plus présents et il porte un poids assez lourd sur ses épaules pourtant larges. Cependant je l’invite à éviter ce genre de commentaires.

J’ai expliqué, sans être cruel, le sort que vous avez réservé au tarif social ; comment, sous l’ancienne législature, ces dames et messieurs de la gauche pleuraient des larmes de crocodile sur le sort de plus démunis et votaient avec des sons d’airain, des banderoles et des calicots, des dispositions généreuses qui ne sont jamais entrées en application du fait de l’incurie du Gouvernement.

M. François Brottes. Je vous ai expliqué que c’était faux.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C’est le Gouvernement que nous soutenons qui l’a fait et c’est encore nous qui proposons d’étendre ce dispositif en améliorant le dispositif électricité et en le créant pour le gaz, ce que vous n’aviez pas fait.

M. Brottes est un député présent, actif.

M. Jean-Pierre Brard. Vous donnez des bons points maintenant ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il voudrait aujourd’hui donner des leçons au rapporteur. Il m’a personnellement mis en cause d’une façon qui m’a blessé. Je l’invite à faire preuve de modération et à changer de discours, faute de quoi je serai amené à citer d’autres exemples qui enfoncerons un peu plus le clou – j’en ai pas mal dans ma besace.

M. Alain Vidalies. Ces propos sont inadmissibles ! Nous n’acceptons pas ces menaces !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1614 à 1646.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements identiques nos 1797 à 1829.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il s’agit de prévoir que tout changement dans le capital d’Électricité de France – et nous n’en sommes qu’au début, puisque l’ouverture du capital qui a été décidée peut aller plus loin, y compris dans le cadre législatif d’aujourd’hui – ne sera possible qu’après consultation des autorités concédantes.

Notre inquiétude est en effet que, avec cette mise en concurrence effrénée entre Gaz de France et EDF, vous soyez rapidement amenés à nous expliquer que l’on ne peut pas faire autrement que de privatiser EDF. Nous souhaitons donc, là encore, que vous acceptiez que les autorités concédantes que sont les collectivités locales soient d’ores et déjà informées de l’évolution de l’ouverture du capital.

Je veux bien admettre, monsieur le rapporteur, pour vous être agréable, que votre intention n’était ni mauvaise ni maligne concernant l’exemple de Mme Michu. Je suis prêt sur ce point à reconnaître qu’il n’y avait pas de votre part de dérision ou de mépris. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Léonce Deprez. Dont acte.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Merci.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous acceptons vos excuses.

M. François Brottes. Pour autant, je ne retire rien au fait que même une action, c’est important. Sur la première partie de mon propos je prends donc acte des remarques que vous m’avez faites ; pour le reste je n’enlève rien à mon argumentation.

Concernant EDF, vous me direz que ce n’est pas le sujet puisque la privatisation n’est pas à l’ordre du jour. Toutefois nous entrons dans un univers extrêmement complexe.

Jusqu’à présent, c’était très clair : EDF, c’était l’électricité, GDF, c’était le gaz. Des contrats liaient les collectivités à l’une et à l’autre. Demain – et c’est déjà un peu le cas aujourd’hui – EDF va aussi vendre du gaz et Gaz de France va vendre de l’électricité, ce qui induira une certaine confusion.

Les collectivités et les entreprises ne sont pas les seules concernées. Au 1er juillet 2007, puisque vous insistez sur ce point, l’ensemble des habitants des communes seront confrontés à ce dispositif. Or il suffit d’observer ce qui se passe avec la dérégulation du secteur des communications pour être inquiet. Dans ma commune, par exemple, le dégroupage cher à M. Dionis du Séjour est en place, mais il n’y a strictement aucun concurrent de France Télécom qui veuille venir se bagarrer sur ce terrain-là car ce n’est pas une commune qui compte plusieurs millions d’habitants.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela va venir !

M. François Brottes. J’ai beau expliquer que les opérateurs privés considèrent qu’il y a des endroits où il n’ont pas suffisamment de bénéfices à faire, bien que France Télécom ait fait ce qu’il fallait pour que le dégroupage puisse avoir lieu, on accuse le maire de ne pas permettre aux concurrents de venir présenter d’autres propositions que celle de l’opérateur public.

Le phénomène va être identique avec l’énergie. Et vers qui vont se retourner nos concitoyens ? Vers les maires ! Si les collectivités locales concédantes aujourd’hui ne sont pas totalement au fait de ce que cache cette confusion des genres, on aura beaucoup de difficultés demain à gérer cette situation. Il est donc de votre devoir de faire en sorte que ces collectivités soient totalement averties de ce qui est en train de se passer. Cet amendement n’a pas d’autre but.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements, mais je veux répondre à M. Brottes sur le point précis qu’il a évoqué.

Les charges du service public de l’électricité pèsent sur l’ensemble des usagers, quel que soit l’opérateur, qu’il soit public ou privé. Dans tous les cas, le client aura à payer, au prorata de sa consommation d’électricité, une charge qui viendra abonder un fonds destiné à assurer, entre autres, le financement du tarif social ou de la compensation de la continuité territoriale pour les îles, notamment pour la Corse et l’outre-mer. Sur ce point vous pouvez être complètement rassuré. Je ne fais d’ailleurs que décrire un mécanisme que vous avez vous-mêmes instauré par la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1797 à 1829.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie des amendements identiques nos 6546 à 6578.

La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Ces amendements visent à inscrire, avant l’article 1er : « Aucun changement dans la composition du capital d’Électricité de France ne peut se faire au détriment des principes fondamentaux du service public ».

Ces grands principes, nous les connaissons tous – il s’agit des principes d’égalité, de continuité et de mutabilité – et ils restent d’actualité. On a dit parfois que la modernisation du service public ou l’enjeu communautaire les remettaient en cause. En réalité, il n’en est rien, car ils touchent à l’essentiel de la vie en société : ils concernent la cohésion sociale et ils assurent la continuité même de la vie sociale.

Nous avons longuement parlé du principe d’égalité à l’occasion de l’examen d’autres amendements. Il concerne en particulier l’égalité d’accès des usagers au service public, le principe de non-discrimination. Or nous avons du mal à imaginer que, dans un secteur aussi important que celui de l’énergie et dès l’instant où des sociétés privées seront amenées à distribuer des dividendes, ce principe d’égalité puisse partout être respecté.

Quant au principe de continuité, vous nous en parlez souvent lorsqu’il s’agit de remettre en cause le droit de grève. Permettez-moi de vous rappeler que, s’il est une contrainte pour le service public, il doit également être une contrainte pour tous ceux qui, demain, seront malheureusement amenés à gérer Électricité de France, puisque nous savons bien que la privatisation de Gaz de France est le prélude à un sort tout aussi funeste pour EDF.

Le principe de mutabilité – ou principe d’adaptabilité –impose que le service public puisse s’adapter en fonction des circonstances nouvelles et des progrès technologiques, aux besoins des usagers. Là aussi il faudra nous expliquer comment une société privée pourra consentir les efforts de recherche indispensables, lui permettant de s’adapter à la fois aux nouveaux besoins des usagers et aux besoins considérables d’économies qu’impliquent la limitation des ressources et l’après-pétrole qui se profile d’ores et déjà.

Ces principes d’égalité, de continuité et de mutabilité sont les principes initiaux, mais d’autres principes se sont rajoutés depuis, auxquels nous sommes tout autant attachés. Il s’agit des principes d’accessibilité, de transparence, de participation, mais aussi du principe de qualité, inscrit dans les chartes du service public. Nous restons attentifs au respect de ces principes, et c’est la raison pour laquelle il convient de les insérer dans cette loi.

En vérité, derrière ces principes que je viens d’évoquer, c’est une véritable école de pensée qui se dresse, bâtie par les plus grands juristes du droit administratif de notre pays tout au long du XXe siècle – je pense notamment au professeur Duguit – auxquels nous devons une véritable théorie de l’action de l’État, fondée sur la notion même de service public. Or, pour des raisons purement idéologiques, vous allez mettre à bas aujourd’hui, en attaquant les services publics, cette construction juridique que beaucoup nous envient et qui a fait ses preuves.

Ces grands principes que nous espérons voir consacrés par le vote de ces amendements sont essentiels au projet collectif, aujourd’hui que l’égalité révèle l’universalité du service public et que la continuité et la mutabilité en révèlent l’indispensabilité. Universalité et indispensabilité, c’est ce que nous vous demandons de préserver dans la loi que vous vous apprêtez malheureusement à voter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. L’Assemblée a déjà eu à connaître d’un amendement quasiment identique à celui qui vient d’être défendu. Le thème se répète : belle marquise, d’amour vos beaux yeux, etc. L’Assemblée en a délibéré, l’a rejeté et j’invite à faire de même avec celui-ci.

M. Jean-Pierre Brard. Vous fréquentez trop les aristocrates.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis. Je rappelle en outre qu’EDF a un contrat de service public dans lequel toutes ces conditions sont inscrites.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6546 à 6578.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle les amendements identiques nos 6579 à 6611.

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Ces amendements présentent quelques ressemblances avec le précédent. Ils évoquent la stabilité du capital de Gaz de France dont ils souhaitent qu’il ne puisse évoluer au détriment des principes fondamentaux du service public.

Avant d’en venir au fond, je veux indiquer au Gouvernement, au rapporteur et au président de la commission que le mépris de l’actionnaire individuel, nommé tout à l’heure Mme Michu, est peut-être maladroit politiquement, mais qu’il est de plus juridiquement inexact. Ce n’est pas parce que Mme Michu ne détient qu’une action qu’elle ne détient pas de droit. Et si Mme Michu, actionnaire individuel, est lésée, même si sa lésion est infinitésimale au regard des sommes en cause, elle détient néanmoins autant de leviers juridiques pour agir qu’un actionnaire de référence. Elle peut dénoncer un abus de biens sociaux, faire annuler une assemblée générale ou contester par la voie des tribunaux n’importe quelle décision.

Mes chers collègues, quand l’actionnaire individuel ou minoritaire est un fonds de pension et qu’il a de bons avocats, vous n’êtes pas au bout de vos peines. Vous devriez donc mesurer vos paroles et les faire surtout mesurer aux personnes que vous avez désignées à la tête de certaines sociétés.

Pour en revenir à l’amendement, je souligne que les engagements du Gouvernement – pris par la voix de plus en plus discordante de son ministre, sinon le plus actif puisqu’il ne s’occupe plus beaucoup de son ministère, du moins le plus en vue – ne suffisent pas à garantir la stabilité du capital de GDF. Je rappelle que, la main sur le cœur, Nicolas Sarkozy avait déclaré ici : « EDF et GDF » – j’insiste sur GDF, parce que cela a été contesté tout à l’heure – « resteront des sociétés détenues à 100 % par l’État. Je l’affirme, parce que c’est un engagement du Gouvernement : elles ne seront pas privatisées. » À cette époque, il avait même fait référence à l’engagement solennel du Président de la République, ce qu’il ne ferait sans doute plus aujourd’hui.

Hégéliens sans le savoir, vous prétendez que, si contradiction il y a, elle est féconde et qu’il faut plutôt la considérer comme une adaptation à des circonstances nouvelles. Vos engagements solennels, la main sur le cœur, n’ont, à cet égard comme à d’autres, aucune valeur et n’apportent aucune garantie ; cela a été largement démontré dans les faits et au cours de ce débat. Après avoir mis à mal le principe que vous aviez vous-mêmes posé, votre texte nous propose, en guise de contreparties, des garanties juridiques.

Il est certes exact que vous avez fait un effort en ce sens. Je ne parle pas des garanties s’agissant d’EDF, puisqu’on nous a dit qu’elles valaient seulement pour GDF, même si on nous dira ensuite qu’elles ne valent pas pour EDF parce que les circonstances ont changé ! Quoi qu’il en soit, s’agissant de GDF, vous nous proposez certaines dispositions qui tendent, du moins en apparence, à garantir le respect de la stratégie et la stabilité du capital de GDF au regard des intérêts nationaux.

Il y a d’abord la fameuse golden share, une action spécifique qui donne certains droits. Néanmoins, à y regarder d’un peu plus près, c’est une sorte d’auberge espagnole. Il s’agit d’une simple formalité pour le détenteur, auquel tout reste permis : bloquer le Gouvernement ou laisser faire par exemple. Aucune règle de fond n’existe pour encadrer cette procédure, qui est juridiquement contestable. Les autorités européennes ont déjà indiqué qu’elle ne valait rien comme seul outil de maintien du service public.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Paul Giacobbi. Quant au commissaire du Gouvernement, il ne faudra pas en attendre grand-chose.

Nous proposons donc, par ces amendements, d’introduire dans le texte non un encadrement de forme, comme vous le faites, mais des règles de fond, celles du service public, dont Maxime Bono a rappelé l’importance qu’elles ont dans le droit français.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

J’espère que M. Giacobbi pourra assister à notre débat sur l’article 10, car c’est à ce moment-là que cette belle leçon de droit aurait dû être administrée à l’Assemblée.

M. Paul Giacobbi. Je ne suis pas sûr que les amendements gouvernementaux permettront d’en parler !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable, mais je vous rassure, monsieur Giacobbi : les obligations de service public sont rappelées dans les lois de 2003, 2004 et 2005. Ces lois ont fait la somme de toutes les obligations de service public qui s’imposent à Gaz de France et elles sont transcrites dans un contrat de service public qui les détaille explicitement et qui a été approuvé par le conseil d’administration et le comité d’entreprise de Gaz de France. Elles couvrent l’ensemble des secteurs que vous avez cités.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6579 à 6611.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie des amendements identiques, nos 6612 à 6644.

Monsieur Brottes, puis-je considérer que ces amendements ont été défendus en même temps que les précédents ?

M. François Brottes. J’aimerais, madame la présidente, accéder à votre requête, mais nous devons nous expliquer longuement sur la composition du capital d’EDF.

Pour ce qui est de la composition du capital de GDF, elle est précisée à l’article 10. Celle d’EDF n’apparaît nulle part.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous le reconnaissez donc, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Ce n’est que provisoire. Nous craignons en effet que vous ne continuiez dans la voie de la privatisation des entreprises publiques.

Monsieur Ollier, vous savez que l’ouverture du capital d’EDF n’est pas terminée et qu’il y a encore matière à débattre : je pense notamment à la filialisation de RTE…

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est fait !

M. François Brottes. …et à l’ouverture du capital. À cet égard je parle sous le contrôle de M. le ministre délégué à l’industrie.

N’étant pas un spécialiste de la question, comme nombre d’entre vous ici, notamment M. le rapporteur pour lequel – il le sait – j’ai beaucoup de respect, j’essaierai de faire simple.

Il y a trois espèces d’actionnariat : l’actionnariat public – on peut en effet imaginer qu’une entreprise publique ouvre son capital à des actionnaires publics – l’actionnariat privé et l’actionnariat salarié. Et, selon les cas, les conséquences sur les missions de service public et sur le regard porté sur les usagers ne sont pas les mêmes.

Au sein de l’actionnariat privé se côtoient plusieurs familles – au sens mathématique, et non sentimental du terme – : les actionnaires en bourse qui jouent sans états d’âme sur leur ordinateur et ne se préoccupent pas des entreprises ; les fonds de pensions à la recherche du plus grand profit – 15 % à 20 % chaque année – et sans égard pour les salariés ; et des capitaines d’industrie tels qu’ils étaient il y a plusieurs dizaines d’années, soucieux de l’entreprise, de la qualité des produits et de la formation des personnels, lesquels constituent malheureusement une espèce en voie de disparition, mis au ban du capitalisme mondial d’aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Brard. Des rastaquouères et des Rastignac !

M. François Brottes. Ainsi va l’économie et je le déplore.

Aujourd’hui, les dirigeants de groupes sont obsédés par les stock-options. Certains, que nous avons auditionnés récemment, expriment même de manière éhontée le peu d’égards qu’ils ont pour les entreprises, les salariés et les clients, au point que plusieurs d’entre eux ont fini par partir. Telle est l’attitude qui est aux commandes aujourd’hui.

Dans ce contexte d’ouverture du capital, où vous proposez de baisser la part de l’État en dessous de 50 %, tout changement se fait au détriment des usagers du service public. Selon le ministre, quels que soient les actionnaires et leurs mauvaises intentions, les contrats sont une garantie de sécurité.

Comme nous l’avons dit à M. Sarkozy lors du débat sur la loi de 2004, nous souhaitons que les contrats entre l’État et les entreprises publiques, voire les entreprises privées – comme le nouveau groupe Gaz de France-Suez – soient rédigés dans les mêmes termes et avec les mêmes contraintes, ce que vous ne nous avez pas confirmé. Nous vous interrogerons plus tard sur ce sujet, mais nous considérons qu’il faut inscrire ces contrats dans la loi, non que la loi rende tout immuable – à preuve, nous avons voté en 2004 et en 2005 un dispositif qui garantissait la pérennisation de nos entreprises publiques de l’énergie ! – mais elle est publiée au grand jour, dans la transparence de nos débats.

Pour l’heure, c’est dans un bureau, attablé avec quelques collaborateurs et le président de l’entreprise affirmant qu’il ne pourra souscrire à toutes les exigences, que vous pourriez modifier le contrat de service public, et le Parlement n’en serait pas informé.

Voilà pourquoi nous proposons ces amendements génériques en début de texte, d’autant que ce qui vaut pour GDF aujourd’hui vaudra demain pour d’autres entreprises publiques – comme La Banque Postale –, sur lesquelles nous comptons pour remplir les missions de service public.

Je voulais seulement démontrer, monsieur le rapporteur, que, dans le contexte actuel, les garanties que vous nous proposez sont insuffisantes. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Nous aurons l’occasion de reparler de ces questions plus tard.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6212 à 6644.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle les amendements identiques, nos 6645 à 6677

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Je m’étonne de ne pas avoir eu de réponse à mes questions sur le capital.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous y répondrons lors du débat sur l’article 10, et pas avant !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. Giacobbi anticipe !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. À mon avis, M. Giacobbi fait de l’obstruction !

M. Paul Giacobbi. Certainement pas ! Ce n’est pas mon objectif, je vous l’ai déjà dit !

Je ne vous fais pas un procès d’intention, mais je redoute que le jeu des amendements gouvernementaux nous empêche de beaucoup débattre à l’article 10. Il s’agit pourtant d’un sujet essentiel que de récentes déclarations insensées imposent de traiter au plus vite : nous pourrions ainsi gagner du temps et épargner des arbres.

Je réitère donc mes questions sur le respect des actionnaires et sur les déclarations de M. Cirelli dont je m’étonne qu’elles n’aient pas encore suscité de la part du Gouvernement une réaction claire et ferme indiquant sa position à cet égard. Ces déclarations ont en effet suscité des interrogations à l’échelle internationale, car si le droit des affaires et le droit des sociétés n’est pas un domaine très prisée par le Gouvernement, ailleurs, il est observé minutieusement.

Pour ce qui est de l’amendement n° 6645, je n’insisterai pas sur la nécessité de la stabilité de la composition du capital de Gaz de France. Je veux toutefois souligner que, s’agissant de l’usager, qui est au cœur du dispositif, les garanties que vous donnez sont de pure forme : la golden share, qui n’est en réalité guère contraignante pour le Gouvernement, ne sera qu’une sorte d’auberge espagnole : elle sera ce qu’on en fera, et l’on peut très bien ne rien en faire ; s’agissant du commissaire du Gouvernement, on peut formuler la même remarque.

Nous proposons quant à nous de placer l’usager au cœur du dispositif. Il semble logique que les usagers du service public de l’énergie puissent y être représentés. Vous nous répondez que les dispositions relatives aux tarifs sont des garanties suffisantes : nous sommes convaincus du contraire. À un commissaire du Gouvernement, nous préférerions un commissaire des usagers. Je ne parle pas, naturellement, d’un commissaire du peuple !

M. Jean-Pierre Brard. Il en fut de bons ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

Ce texte ne fait pas que maintenir le contrat de service public : il apporte en outre une amélioration pour les usagers en introduisant le tarif social du gaz.

M. Jean-Pierre Brard. Les clous du cercueil sont dorés !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6645 à 6677.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements identiques, nos 5634 à 5666.

M. François Brottes. Des amendements très importants !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou. Nous proposons que Électricité de France et Gaz de France soient fusionnés au sein d’un établissement dénommé Énergie de France. L’ensemble des biens, droits et obligations, contrats et autorisations de toute nature de ces établissements serait attribué de plein droit à Énergie de France.

Lors du débat sur le projet de loi d’orientation sur l’énergie, le ministre des finances a déclaré que l’option de la fusion EDF – GDF était ouverte. Cet amendement s’inscrit donc dans cette démarche.

EDF et Gaz de France ont plus que jamais vocation à exercer, dans le respect de l’intérêt général, des missions essentielles de service public. Elles sont à même de garantir l’égalité des territoires et des citoyens dans l’accès à l’énergie, la sécurité de l’approvisionnement, l’indépendance énergétique, la lutte contre l’effet de serre, la maîtrise des technologies d’avenir et celle de la demande.

Les deux entreprises sont, de ce fait, des acteurs essentiels de la politique énergétique française. Or, dans un contexte libéralisé, la logique d’une entreprise privée est d’abandonner toute action qui ne concourt pas immédiatement à sa rentabilité, et, plus largement, de chercher à se constituer des rentes par la formation d’oligopoles.

Il est absolument nécessaire d’expertiser l’ensemble des montages possibles pour préserver ces entreprises. Il en va de notre indépendance énergétique, de la maîtrise publique de la politique énergétique et du maintien d’un niveau élevé de sûreté ; ce qui conduit naturellement à exclure toute privatisation du secteur nucléaire.

Dans l’esprit des Français, et de par leur culture et leur histoire, EDF et GDF sont intimement liées, même si la quasi-totalité de nos concitoyens sont usagers d’EDF alors que beaucoup moins le sont de Gaz de France. Or la lecture de votre projet montre qu’une de ses finalités est la séparation des deux entreprises. Celle-ci a d’ailleurs commencé et est d’ores et déjà lisible par les usagers : nous avons tous remarqué que les factures du gaz et celles de l’électricité nous étaient désormais adressées séparément. Dans les faits, le service commun est donc déjà remis en cause, comme le sera à terme – et probablement à court terme – le travail commun des personnels des deux entreprises, dont les rôles s’avéraient pourtant complémentaires.

Ce n’est pas tout : non seulement ces entreprises vont être séparées, mais elles vont entrer en concurrence, dans la mesure où, comme nous l’avons déjà souligné à de nombreuses reprises au cours du débat, le groupe GDF – Suez serait distributeur d’électricité. Seraient donc concurrentes, sur le marché national, deux entreprises qui avaient vocation à remplir une mission commune auprès des usagers. Cette situation nous paraît grave, et elle ne sera sans doute pas sans dommage pour EDF comme pour GDF.

Nous avons proposé, au nom du groupe socialiste, que soient renforcées les complémentarités entre ces deux entreprises françaises par excellence. Une réelle expertise permettrait de savoir quelles seront les conséquences de la dislocation du pôle énergétique français organisée par ce projet de loi.

On nous dit que le rapprochement entre EDF et GDF pose des problèmes au regard de la réglementation européenne. Cependant il est tout aussi évident que la fusion entre Suez et GDF ne serait pas non plus exempte de difficultés. Personne ne sait quelles décisions seront finalement prises.

C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. J’attendais avec gourmandise la discussion de cet amendement. Lorsque le projet de fusion entre Suez et Gaz de France a été annoncé, le Parti socialiste a en effet prévenu qu’il proposerait, dans le cadre de cette discussion, un projet concurrent qui tiendrait la route, ses fondements ayant été soigneusement étudiés. L’initiative apparaît finalement réduite à des dimensions modestes, même si M. Gouriou l’a défendue avec beaucoup de conviction.

Quoi qu’il en soit, j’insiste auprès de mes collègues sur le fait que nous nous trouvons avec ces amendements au cœur du projet socialiste. Nous devons donc bien étudier la proposition.

M. Philippe Martin. Je ne suis pas sûr que vous soyez le mieux qualifié pour juger de notre projet !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je répondrai d’abord à la remarque concernant la séparation des factures de l’électricité et du gaz. Permettez-moi de vous rappeler que cela découle de l’application de la loi de 2000, que vous avez vous-même votée et qui implique la séparation comptable des opérations selon qu’elles concernent l’électricité ou le gaz.

En ce qui concerne la fusion entre Électricité de France et Gaz de France, vous savez, puisque cet argument est régulièrement opposé, qu’un tel projet serait soumis à la Commission européenne en vertu du principe selon lequel tout projet de dimension communautaire doit recueillir l’aval de la commission.

Notons qu’une opération de fusion n’est pas considérée comme étant de dimension communautaire lorsque chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté à l’intérieur d’un seul et même État membre. Or le chiffre d’affaires semestriel d’EDF est légèrement supérieur à 30 milliards d’euros, soit un peu plus de 60 milliards sur une année, et l’entreprise en réalise 54 % en France. Quant à GDF, son chiffre d’affaires annuel est d’un peu plus de 30 milliards, dont 62 % réalisés sur le territoire national. Dans les deux cas, la part du chiffre d’affaires réalisé en France est inférieure à deux tiers. Leur fusion entraînerait donc un examen par la Commission européenne.

Que dirait Bruxelles si le projet lui était présenté ? Par définition, nous n’en savons rien, puisque la question ne lui a pas été posée.

M. Paul Giacobbi. C’est d’ailleurs la même chose pour la fusion entre GDF et Suez.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous en avons néanmoins une idée puisque, à l’occasion de l’ouverture du capital d’EDF en 2004, le Gouvernement avait nommé une commission, présidée par M. Roulet, qui réunissait un certain nombre de personnalités qualifiées : plusieurs parlementaires – dont moi-même –, ainsi que des représentants d’organisations syndicales et des spécialistes du secteur énergétique. Une discussion ayant eu lieu sur la question de savoir si une fusion entre EDF et GDF ne serait pas la meilleure solution, la commission, à l’initiative de son président, avait demandé à un cabinet dont la compétence est reconnue, Bredin-Prat, d’en étudier la faisabilité.

Je ne vais pas vous lire l’intégralité de cette étude,…

M. Patrick Braouezec. Pourquoi pas ? C’est intéressant !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur …même si je la tiens à votre disposition. En voici la conclusion : « L’opération engendrerait en France de nombreux effets anticoncurrentiels – horizontaux, verticaux et congloméraux –, et soulèverait certaines questions à l’international qui empêcheraient certainement la Commission européenne de l’autoriser en l’état. »

Plus loin : « L’opération n’engendrerait pas de gain d’efficacité proconcurrentielle qui pourrait compenser ses effets négatifs. »

« En conséquence, l’importance des entraves significatives à une concurrence effective imposerait la présentation de mesures correctives lourdes, radicales et de nature structurelle, qui impliqueraient nécessairement des cessions d’actifs dans les deux entreprises concernées, à tous les niveaux de la filière énergétique ».

M. Paul Giacobbi. C’est exactement le problème qui se pose pour GDF – Suez !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Une fois cette discussion achevée, le projet de loi adopté et le processus de fusion engagé, nous connaîtrons l’opinion de la Commission, mais, en tout état de cause, nous savons ce qu’il serait advenu en cas de fusion entre EDF et GDF : nous aurions assisté à un véritable démantèlement de ces deux entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Pas du tout !

M. Paul Giacobbi. Ce ne sont que des hypothèses !

M. Alain Vidalies. C’est de la politique-fiction !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux arguments de M. le rapporteur. Je note simplement que les cessions concerneraient le parc nucléaire d’EDF…

M. François Brottes. Pas nécessairement !

M. Christian Bataille. Qu’en savez-vous ? Cela n’est écrit nulle part !

M. le ministre délégué à l’industrie. …qu’il ne nous paraît pas imaginable de découper en morceaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nous sommes quelques-uns, ici, à avoir participé aux travaux de la commission Roulet.

M. Christian Bataille. En effet.

M. Daniel Paul. Je me souviens de cette discussion. La question est d’importance et nous devons être parfaitement clairs. Je vais donc vous lire des extraits du rapport.

« Étant toutefois acquis qu’EDF et GDF réalisent actuellement [en 2004] plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires en France, au sens des articles 1 et 5 du règlement de la Communauté économique européenne du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la procédure prévue par ce règlement ne serait pas applicable à une fusion des deux entreprises publiques.

« N’étant pas de dimension communautaire, l’opération échapperait donc à un contrôle des autorités communautaires de la concurrence, lesquelles ne pourraient par conséquent soumettre la fusion à aucune contrepartie.

« Cela dément donc directement la position des directions d’EDF et de GDF. »

M. François Brottes. Exact !

M. Daniel Paul. L’étude démontre aussi que, dans le cas d’un contrôle de la Commission européenne, les contreparties ne seraient pas disproportionnées.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Nous ne parlons pas du même document !

M. Daniel Paul. Je cite à nouveau : « En définitive, la fusion d’EDF et de GDF, si elle était toutefois soumise au contrôle de la Commission européenne en matière de concentrations, devrait assurément s’accompagner d’ajustements correctifs dans certains États membres où les deux entreprises sont présentes sur les mêmes marchés et de certaines cessions d’actifs en France.

« Ces mesures devraient être déterminées préalablement, en conformité avec la stratégie industrielle de l’entreprise fusionnée, qui ne pourrait être une simple addition des stratégies actuelles d’EDF et de GDF.

« En revanche, l’opération ne donnerait manifestement pas lieu de la part des autorités communautaires de la concurrence à l’exigence des contreparties disproportionnées et incompatibles avec la viabilité de l’entreprise fusionnée. » Il en est fait état dans deux autres études.

Enfin, l’étude démontre la possibilité d’une fusion au regard du droit français de la concurrence : « Dans la mesure où la fusion d’EDF et de GDF ne pourrait être réalisée que par une loi, les règles nationales de la concurrence, qui ne sont pas de niveau supra-législatif, ne pourraient faire échec à une telle opération ou en modifier les termes.

« À l’instar de la Commission européenne, les autorités françaises de la concurrence seraient donc nécessairement amenées à prendre en considération l’environnement de plus en plus concurrentiel dans lequel évoluent EDF et GDF, ainsi que le fait que les deux établissements agissent sur des marchés distincts pour constater qu’en définitive une fusion des deux entreprises publiques n’aurait pas d’incidence significative quant à leurs positions actuelles sur les marchés français du gaz et de l’électricité, et ce d’autant moins que les deux entreprises publiques bénéficient déjà, depuis leur création, de structures communes.

« Cela étant, il n’est pas impossible que, comme le relève le rapport de la commission Roulet, l’issue d’un contrôle réalisé par les autorités nationales de la concurrence ne soit pas plus défavorable que celle d’un contrôle réalisé par la Commission européenne, dès lors que les autorités nationales ne pourraient, en principe, prendre en considération d’éventuels effets restrictifs de concurrence qu’envers le seul marché national sur lequel EDF et GDF continuent de bénéficier de positions prépondérantes liées à leur statut d’opérateur historique. »

Au vu de tous ces éléments, il me semble justifié que nous demandions qu’on étudie sérieusement la faisabilité d’une fusion des établissements publics EDF et GDF et que le rapport à ce sujet, contrairement aux rapports dont il a été question ici – je pense évidemment à la lettre de griefs –, soit totalement public.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je veux reprendre la parole quelques instants pour qu’il n’y ait pas de malentendu. M. Paul n’a pas lu le même rapport que celui que j’ai entre les mains. Le sien, commandé sans doute par des organisations syndicales, donne des conclusions exactement inverses à celles que j’ai citées et qui n’ont absolument pas été contestées par les membres de la commission Roulet, où ne siégeaient pourtant pas que des députés de la majorité !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement est important et mérite que chacun de nous se positionne.

Dans toutes les familles politiques : l’UMP, l’UDF, le Parti socialiste et le Parti communiste, des voix se sont élevées pour dire qu’il fallait aller dans la direction que propose le groupe socialiste. Nous avons probablement raté cette occasion historique, puisque les positions de la Commission ont été à un moment donné beaucoup plus souples qu’elles ne le sont actuellement. La preuve en est donnée par le fait que les Allemands ont réussi à fusionner Ruhrgas et EON.

En revanche, il est à peu près certain qu’aujourd’hui, la Commission ne laisserait pas passer une telle détérioration de la concurrence. Elle a ainsi bloqué au Portugal le projet de fusion entre Électricité du Portugal et Gaz du Portugal et elle a fait en sorte que le même projet entre Verbund, l’électricien historique, et OMV, le gazier historique, soit abandonné par les Autrichiens.

Nous devons garder les yeux ouverts : la position de la Commission s’est durcie. Elle imposerait un niveau de cession important dans le secteur du gaz et dans celui de l’électricité. Contrairement au discours tenu sur la lettre de griefs de la Commission, le nôtre doit être responsable et tirer les conséquences d’un tel rapprochement.

Notre vision ne doit pas être nostalgique. Le train est passé, mes amis, et il faut regarder dans d’autres directions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Vive le renoncement !

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Jusqu’à aujourd’hui, grâce à la qualité de leur gestion, Gaz de France et Électricité de France ont effectivement su consolider leurs positions sur le marché français et sur le marché international. La stratégie suivie était donc la bonne.

Ce n’est pas parce que M. Lenoir est contre tout pacs – cinq heures d’obstruction à lui tout seul ! –,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. François Brottes. …que l’on ne peut imaginer une alliance entre Gaz de France et Électricité de France.

M. Dionis du Séjour vient de nous dire que la détérioration de la concurrence ne serait pas acceptée. Or chacun observe que, dans ce pays, ce n’est pas la concurrence qui se détériore, mais les tarifs et la simplicité donc la qualité du service proposé aux usagers du fait de cette double facturation.

Dans le prolongement des propos tenus par mon collègue Daniel Paul, j’ajoute qu’on ne sait pas ce que dirait la Commission sur une alliance Gaz de France-EDF, puisqu’elle n’a pas été sollicitée. Malgré tout, par principe, on ne veut pas étudier cette hypothèse et on avance quand même, à l’aveugle, alors que la lettre de griefs, malgré les 64 % de pages noircies, énonce clairement les difficultés pour un rapprochement entre GDF et Suez.

J’ai le plus grand respect pour M. Roulet…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Moi aussi !

M. Christian Bataille. C’est quelqu’un de très bien !

M. François Brottes. …non pas parce qu’il habite dans ma circonscription, mais parce qu’il est un grand capitaine d’industrie publique. Son parcours professionnel a été remarquable dans beaucoup de domaines. Même si je n’en ai jamais été membre, je crois savoir que la commission qu’il présidait, mise en place par M. Sarkozy, était chargée d’évaluer les actifs d’EDF pour fixer le prix de l’action. Il ne me semble pas, contrairement à ce soutient le rapporteur, qu’elle ait eu pour mission d’étudier la fusion entre Gaz de France et EDF. Si tel avait été le cas, cela se saurait.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il y a un rapport !

M. François Brottes. Le rapporteur fait état d’un rapport d’experts, M. Paul en cite un autre, mais, tant qu’on n’aura pas travaillé sérieusement et sollicité la Commission, on n’aura pas la version définitive et officielle.

M. Dionis du Séjour, qui m’écoute toujours avec attention, connaît ces questions. La lettre de griefs le souligne également : la concurrence peut être verticale ou horizontale. Cela peut paraître compliqué. Elle est horizontale lorsqu’elle se situe sur un même marché. Elle est verticale lorsqu’elle prend en compte, par exemple pour l’électricité, les différentes activités de l’entreprise telles que la production, le transport, la distribution, la commercialisation et le service.

Pour le gaz, par exemple – et M. Devedjian s’est d’ailleurs nettement prononcé –, il y a une volonté, bien que rien n’ait encore été décidé en ce sens, de maintenir publique la gestion des infrastructures de transport qui pèsent très lourd dans les actifs des deux entreprises. Ce qui nous importe, c’est que l’ensemble reste public et que l’on étudie les différentes strates horizontales pour pouvoir, le cas échéant, répondre à la Commission et faire en sorte que ce soit parfaitement admissible, ce à quoi je crois.

Arrêtons de nous faire peur et ne nous focalisons pas sur le seul sujet des centrales nucléaires ; il en existe d’autres ! On constate, dans la lettre de griefs, qu’au niveau de Gaz de France toutes les strates sont concernées. Le ministre est incapable de nous préciser, parce qu’il ne le sait pas lui-même, quels actifs devront être définitivement cédés par Gaz de France. Les dégâts collatéraux de cette fusion seront peut-être effectivement très importants.

Nous le rappellerons tout au long du débat : nous souhaitons approfondir l’hypothèse d’une alliance forte entre Gaz de France et Électricité de France. Ce que nous voulons, sans démagogie et en toute responsabilité, c’est analyser tous les aspects de cette hypothèse.

Puisque certains d’entre nous ont souhaité s’attarder plus de cinq minutes sur ce sujet, je tenais à vous faire part de notre position.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le sujet mérite que l’on s’attarde. Je ne détaillerai pas pour autant l’ensemble des problèmes.

Si l’on exclut Total et la CNR, EDF-GDF assurent la vente de 90 % du gaz et de 94 % de l’électricité. Qui peut penser qu’avec un tel niveau de concentration, la Commission n’imposera pas des cessions d’actifs très importantes ? Ouvrons les yeux : c’est une évidence !

M. Richard Cazenave. Bien sûr !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5634 à 5666.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Sur les amendements identiques n°s 5667 à 5699, la parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. L’amendement n° 5667 est assez long et précise les missions d’Énergie de France qui regrouperait EDF et GDF. Avant de le défendre je veux formuler un commentaire.

Si l’on imagine un rapprochement d’entreprises dans le paysage énergétique français, il tombe sous le sens que cela concerne EDF et GDF ; GDF et Suez sont une construction postérieure tardive. Est-il possible de revenir sur une telle démarche ? Oui ! M. Dionis du Séjour rend continuellement, depuis l’ouverture de ce débat, les plus mauvais services à la cause européenne. En effet, il présente une vision policière du rôle de la Commission qui peut largement expliquer que notre électorat ait pu refuser les décisions de Bruxelles. Il est l’expression parfaite de ce qu’est la vision bureaucratique des Bruxellois. Il présente la Commission comme l’alpha et l’oméga, la loi et les prophètes, comme si l’Assemblée nationale n’avait plus rien à dire sur la question de l’énergie, sauf à entériner les propositions de M. McGreevy, entre autres.

Monsieur le ministre, nous attendons de notre gouvernement qu’il défende avec énergie, ce qui est la logique même, le rapprochement d’Électricité de France et de Gaz de France qui a toujours été possible dans notre pays – cela a été souligné – et que rien n’interdit. Énergie de France, en dehors de sa mission de fourniture d’énergie, et les filiales que cet établissement contrôlerait directement ou indirectement pourraient jouer tout leur rôle.

Notre paysage énergétique est façonné par l’histoire. On insiste beaucoup sur la loi de 1946, mais le rôle que l’État a joué en matière d’électricité et de gaz est plus ancien. Tous les pays d’Europe n’ont pas la même histoire. Nous demandons à ce que notre particularité soit traduite dans les faits et qu’EDF-GDF qui représentent d’abord des salariés, mais aussi les intérêts des consommateurs, et qui, dans l’esprit citoyen de notre peuple, ont des objectifs communs, doivent être regroupés au sein d’une même entreprise : Énergie de France dont le présent amendement précise les missions.

Nous espérons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous approfondirez cette discussion et que vous ne vous contenterez pas des sempiternelles allusions au rapport Roulet, qui n’est qu’un rapport parmi d’autres. À aucun moment il n’y a eu de sanction officielle.

Vous aimez à dire que la commission Roulet rassemblait des parlementaires, des membres d’organisations syndicales, des voix autorisées, des techniciens. Il y avait un nombre très restreint de parlementaires de l’opposition. À aucun moment, nous n’avons donné notre bénédiction au rapport rédigé par un cabinet spécialisé qui nous a été transmis. Notre avis était censé éclairer le débat, personne n’a jamais dit que le rapport concluait définitivement ce débat. Je joins ma voix à celle de François Brottes pour saluer la personnalité de Marcel Roulet, mais, à aucun moment, ce dernier ne nous a dit que ce rapport avait force de loi ou devait inspirer le Gouvernement.

Si M. Sarkozy et votre majorité y ont ensuite trouvé des arguments pour justifier votre programme politique, cela vous regarde. En aucun cas, le groupe socialiste ne peut considérer que ces propositions sont crédibles, et nous vous proposons de revenir au fond du sujet et d’examiner sérieusement la fusion entre EDF et GDF que nous vous proposons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il sont très voisins de ceux que nous avons rejetés il y a un instant. J’exprime donc les mêmes observations et j’invite l’Assemblée à les repousser.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. C’est évidemment un débat extrêmement important, et tous les arguments sont légitimes.

Pour refuser de discuter de notre proposition de rapprocher GDF et EDF, la majorité s’arc-boute sur l’idée que, de toute façon, c’est impossible. Un certain nombre d’arguments ont déjà été utilisés, je voudrais en ajouter un autre. Un hebdomadaire qui n’est pas forcément le plus gauchiste que l’on connaisse, La Vie financière, a abordé les sujets que nous examinons aujourd’hui de façon très précise et sous forme de question : est-ce vrai ou faux ?

Faisant référence aux prises de position du président Ollier, il était ainsi demandé si une fusion EDF-GDF était susceptible d’être contestée par Bruxelles.

Réponse du journal : « Faux. Les députés socialistes ainsi que ceux de l’UMP opposés au projet GDF-Suez demandent qu’une fusion GDF-EDF soit étudiée comme une autre solution. Le Gouvernement a repoussé l’idée, arguant d’un refus de la Commission européenne. En l’état actuel du droit européen, celle-ci aurait certes son mot à dire, car plus de 52 % du chiffre d’affaires d’EDF-GDF sont réalisés hors de France, mais l’argument est faible. Il suffirait en effet de céder quelques actifs à l’étranger pour qu’une telle fusion échappe à la sentence des autorités européennes. En outre, un projet de directive à l’étude pourrait bientôt permettre au secteur des services d’intérêt économique général de se situer en dehors du champ de compétence de Bruxelles et de se placer sous la seule autorité des États membres. »

Voilà une appréciation portée par des gens qui ne sont pas en général en phase avec les seules idées de la gauche et qui sont parfaitement objectifs.

Par ailleurs, il est extrêmement difficile de discuter de ces questions, sachant que, outre que nous attendons une réponse de la Commission européenne sur la fusion que vous envisagez entre GDF et Suez, il doit y avoir le 12 décembre un débat sur ce sujet. En statuant aujourd’hui, on se prive donc d’une évolution qui aurait pu apparaître au cours du débat européen. Comme cela a été dit, y compris sur d’autres bancs, d’autres pays ont naturellement été confrontés à la même problématique que nous, et je ne crois pas qu’on puisse dire que le train est déjà passé, que c’est trop tard, que la Commission aurait une position totalement figée. Il y a les règles, mais l’Europe est aussi l’émanation des États membres, et une volonté politique doit s’exprimer. En outre, on en reparlera, on attend la directive sur les services d’intérêt général.

Vous pouvez ne pas être d’accord sur notre proposition mais vous ne pouvez pas, de manière aussi déterminée, nous répondre que ce n’est pas possible parce qu’il y aurait une difficulté juridique majeure. Pas plus en tout cas que dans la fusion que vous nous proposez,…

M. François Brottes. Peut-être moins !

M. Alain Vidalies. …et probablement moins.

Les expertises objectives ou les appréciations portées par des gens qui ne sont pas susceptibles de venir politiquement à notre secours mettent à néant cette argumentation qui vous permet simplement d’écarter le débat. On entend sans cesse répéter que nous ne serions là que pour nous opposer. Vous avez bien compris que, non seulement nous nous opposons, mais que nous avons un projet différent pour assurer l’indépendance énergétique de la France.

M. Christian Bataille. Bien entendu, et ils n’en veulent pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. À l’époque de la commission Roulet, EDF avait une vocation « internationale ». L’entreprise était positionnée en Amérique du Sud, en Europe, partout, et on sait que certaines de ses implantations, en Amérique du Sud en particulier, connaissaient quelques difficultés.

M. Christian Bataille. C’était un désastre !

M. Daniel Paul. Il y avait alors trois possibilités : EDF devait-elle être une entreprise internationale, européenne ou française ? À la très grande majorité, sinon l’unanimité, c’est la deuxième qui fut retenue. Cela semblait tomber sous le sens. Personne n’a dit ensuite qu’il fallait que EDF soit présente partout.

Pour que la Commission européenne se déclare « incompétente », il faudrait que le groupe issu de la fusion entre EDF et GDF réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires dans un seul pays. Il y a une première solution, c’est celle qu’a proposée François Brottes. Je le dis en toute amitié, ce n’est pas celle que je préfère. Il y en a une autre, dont vient de parler M. Vidalies. Il faut voir du côté des acquisitions dans d’autres pays européens s’il n’est pas possible de réduire un peu la voilure. C’est un simple problème mathématique. À partir du moment où l’on réduit le périmètre global, le périmètre particulier dans un pays pèse plus. C’est en tout cas une solution qui mérite d’être examinée, d’autant qu’il y a un autre aspect qui me paraît tout aussi important.

Il y a quelques mois, il y a eu un certain 29 mai en France, et la politique européenne à l’égard des services publics, des entreprises publiques en particulier, a sans doute pesé lourd dans le choix des Français pour le « non » au référendum.

Cela justifie qu’on réexamine la façon dont s’est faite la construction européenne depuis quelques années, à la hussarde, sur un certain nombre de questions, dont celle de l’énergie, comme si l’énergie, l’électricité et le gaz étaient des produits comme les autres, ordinaires. On sait tous aujourd’hui que ce ne sont pas des produits comme les autres et que, sur ces questions, il est sans doute nécessaire de remettre l’ouvrage sur le métier, de rediscuter. Dans la suite du débat, nous proposerons de réexaminer un certain nombre de directives qui, à l’évidence, ne collent pas bien aux besoins de notre pays et ne sont probablement pas bien adaptées non plus au développement d’une construction européenne.

C’est le cas pour l’énergie, et demander au gouvernement français de faire réaliser une étude sérieuse, qui soit mise sur la place publique, de façon que, sur une question aussi importante, nul n’en ignore, cela me paraît légitime et cela répondrait sans aucun doute aux inquiétudes de nos compatriotes qui se sont exprimées dans différents sondages.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’industrie. Tout est dans tout et réciproquement. Cela fait trois quarts d’heure qu’on parle de ce sujet.

M. Daniel Paul. Et on en reparlera !

M. le ministre délégué à l’industrie. Un débat a été organisé il y a deux ans à la demande de Nicolas Sarkozy. La commission Roulet a rendu des conclusions. Vous pouvez considérer qu’on aurait pu en faire d’autres, mais ce sont des conclusions.

Le problème que nous essayons de traiter, c’est la difficulté d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en gaz, et c’est de ça que nous nous occupons. C’est l’objet du texte. Revenons donc au principe de réalité.

Le rapprochement entre EDF et GDF a déjà été traité, et nous avons fait un choix. Ce n’est pas la solution que nous vous proposons. Vous avez le droit de penser que c’est ce qu’il faut faire, mais ce n’est pas notre option.

Mme Muguette Jacquaint. Ça, on a compris !

M. le ministre délégué à l’industrie. Il est donc inutile de s’éterniser sur le sujet !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Le ministre vient d’évoquer le principe de réalité. Je vous écoute avec le plus grand intérêt, messieurs de l’opposition, car nous sommes sans doute au cœur du débat sur l’énergie, et il y a à l’évidence des différences très sensibles entre les positions du groupe socialiste et celles du groupe communiste.

Le président de la Commission européenne vient à nouveau de prendre position sur ce sujet en indiquant que les directives actuelles ne lui semblaient pas assez libérales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Daniel Paul. Merci, monsieur Soisson !

M. Jean-Pierre Soisson. …que, sans doute, il faudrait demain séparer davantage les activités de production d’électricité et de gaz et de transport, et qu’il demanderait à la Commission d’aller plus loin pour une révision des directives actuellement soumises aux différents parlements.

M. Christian Bataille. Ce n’est pas fait !

M. Jean-Pierre Soisson. Je reviens au principe de réalité. « Énergie de France », c’est un beau nom et la chose aurait dû être réalisée. Nous ne sommes plus en état de le faire, ni les uns ni les autres.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai.

M. Jean-Pierre Soisson. Que le groupe communiste le regrette, qu’il souhaite, comme l’a dit monsieur Paul, revenir, après des résultats du référendum, dans un sens qui soit plus national, c’est tout l’objectif du combat que, depuis plusieurs jours, vous menez. Je ne suis pas de ce côté…

M. Daniel Paul. On ne sait jamais !

M. Jean-Pierre Soisson. …mais je le comprends. Quant à vous, les députés socialistes, votre situation est beaucoup plus difficile. Je l’ai compris lorsque M. Hollande exprimé l’autre jour, en de beaux termes, le souhait que se reconstitue l’ensemble Électricité de France et Gaz de France. Vous vous trouvez embarrassés pour défendre vos amendements sur ce thème car vous ne voulez pas vous couper, à la différence des communistes, de l’Union européenne. Vous ne pouvez pas aller au bout de ce chemin. Et c’est là que les propos du ministre, nous rappelant à près de minuit au principe de réalité, prennent une valeur considérable. Nous sommes dans une situation où l’Europe ayant décidé, nous devons aller de l’avant et nous ne pourrons pas réaliser le projet que vous évoquez ; il appartient au passé.

M. Breton a rappelé à de nombreuses reprises ces derniers jours qu’il nous fallait transcrire les directives européennes, en limitant les dégâts pour les consommateurs français, mais le chemin est tracé, la voie est étroite. La nuit peut prêter aux regrets, mais ne les faites pas trop jolis pour les songes que vous pourriez avoir... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il m’est difficile d’intervenir après cette envolée lyrique. Mais il est vrai que M. Soisson vient de l’UDF et il y puise une inspiration, un souffle européen fondateur !

« Énergie de France », nous y avons tous rêvé, mais le magnifique projet est devenu une occasion ratée.

La Commission européenne, depuis le traité de Rome, peut intervenir quand elle le veut dès lors qu’il y a détérioration de la concurrence. C’est au cœur du pacte européen. Vos problèmes de seuil ne tiendront pas. La concurrence est évaluée au niveau européen, État membre par État membre.

M. Jean-Pierre Soisson. Vous avez raison.

M. Jean Dionis du Séjour. Donc la Commission s’en saisira. Et avec 90 % pour le gaz EDF-GDF et 94 % pour l’électricité EDF-GDF, vous iriez vers de sérieuses difficultés.

François Brottes a dit quelque chose de très important : la Commission européenne veut imposer la séparation entre la production, le transport, la distribution et la vente — c’est le modèle européen, que nous allons peut-être transposer dans quelques jours. On peut réfléchir, à l’intérieur de chacun de ces métiers, à la possibilité d’un rapprochement entre EDF et de GDF. D’ailleurs, notre projet ne fait pas autre chose…

M. Daniel Paul. C’est votre projet maintenant ?

M. Jean Dionis du Séjour. Le projet de loi ! Celui de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) En général vous faites preuve d’une certaine élévation de pensée, monsieur Paul !

Mme la présidente. Ce sont les rêves de M. Soisson qui se profilent !

Veuillez poursuivre, s’il vous plaît.

M. Jean Dionis du Séjour. Le projet de loi ne fait pas autre chose en son article 7 relatif au GIE de distribution EDF – GDF. À l’intérieur d’un des quatre métiers reconnus par la Commission, il peut y avoir des rapprochements. Quant au reste, j’ai peur que ce soit de beaux rêves, comme ceux évoqués avec brio par M. Soisson.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Au principe de réalité que vient d’exposer avec talent M. Soisson, je voudrais opposer le principe de volonté. Le principe de réalité, lorsqu’il se transforme en soumission, ne peut pas nous convenir, quels que soient les bancs auxquels on appartienne. Nous sommes là pour faire évoluer les choses, agir et non pour nous résoudre à une situation donnée au prétexte que des dispositions encore plus contraignantes pourraient être adoptées demain.

M. Soisson a eu raison de rapporter les propos de M. Barroso : l’un des motifs pour lesquelles nous vous disons qu’il est totalement prématuré de délibérer sur ce texte c’est que la Commission européenne va changer les règles du jeu en décembre ou en janvier.

Je demande à M. Dionis du Séjour d’être très attentif puisque cette question lui tient à cœur. M. Barroso a dit qu’il faudrait un régulateur au niveau européen ; la notion de régulation, État membre par État membre, risque d’exploser – et tant mieux. Mais de ce fait, les comptes que l’on évoque vont eux aussi bouger puisque les lignes vont bouger. Mais si le raisonnement porte sur un ensemble plus grand, une autre hypothèse peut être étudiée.

Monsieur le ministre, vous dites que ce texte ne concerne que le gaz. Or vous nous avez déclaré – vous ou M. Breton – qu’il fallait donner à Gaz de France la possibilité de produire de l’électricité, que l’une des raisons de la fusion avec Suez, c’était qu’il fallait un mariage gazier-électricien. On ne s’occupe donc pas que de gaz dans ce texte !

Par ailleurs, je veux dire à mon ami Daniel Paul que j’ai évoqué une hypothèse – je n’ai pas dit que c’était une proposition. Il en avait lui-même évoqué une autre. L’intérêt d’évoquer des hypothèses, c’est de faire la démonstration que la seule question qui ait été semble-t-il étudiée ou qui est sans cesse mise en avant, est celle du nucléaire qu’il faudrait céder. C’est un abus de raisonnement. Il existe bien d’autres hypothèses à étudier qui ne l’ont pas été, et c’est bien là le problème. Au lieu de balayer d’un revers de manche le projet « Énergie de France » au motif qu’il faudrait brader nos centrales nucléaires, nous devrions examiner d’autres hypothèses.

Au demeurant, s’agissant des cessions d’actifs dans le nucléaire à votre initiative, vous n’avez pas forcément beaucoup de considération pour nos amis belges.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je reprends la parole – je m’en excuse – mais je crois que le vrai débat est en train de s’esquisser. Il y a le principe de réalité et il y a, on vient de le rappeler, le principe de volonté. Encore faut-il que cette volonté s’inscrive dans un cadre européen que, ni le Parti socialiste, ni l’UDF, ni l’UMP ne récusent. Et toute la difficulté réside à inscrire notre volonté dans un cadre européen que d’une certaine façon, dans ses conséquences, nous récusons.

Je vous ai écouté toute la journée et hier aussi, monsieur Brottes : c’est cela que vous n’admettez pas parce que les conséquences ultimes peuvent être difficiles pour le consommateur. C’est là où vous vous séparez du groupe communiste qui considère qu’il faut rejeter ce cadre tout entier parce que tel qu’il est défini, il ne permet pas de trouver une solution.

Les citations que vous venez de faire prouvent que vous avez, comme nous, parfaitement conscience du danger plus important qui menace demain le secteur de l’énergie. Nous devons donc, dans ce cadre-là, en dépit de cette évolution, bâtir un dispositif qui permette à Gaz de France d’aller de l’avant.

Mme la présidente. Monsieur Soisson, il faut conclure.

M. Jean-Pierre Soisson. Oui, madame la présidente.

J’avoue avoir été réservé sur la privatisation de Gaz de France, je l’ai dit à certains, je vous le dis ce soir, mais je crois, après ce que M. Brottes vient de déclarer, qu’il faut mettre Gaz de France à l’abri…

M. Daniel Paul. À l’abri de quoi ?

M. Jean-Pierre Soisson. …en lui permettant de nouer certaines alliances sans aller jusqu’à « Énergie de France » qui, je le répète, est une très belle idée, mais qui vient malheureusement cinq ans trop tard.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5667 à 5699.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nos collègues de l’opposition ont pu constater que nous avons laissé aller le débat au fond, mais plus qu’il n’est de raison. Les amendements nos 5634 à 5666 visant à créer « Énergie de France » ont été rejetés après un très long et très fructueux débat, au cours duquel des arguments très forts ont été échangés de part et d’autre. Nous aurions donc pu nous abstenir de débattre pendant plus d’une heure des amendements nos 5667 à 5699 qui étaient des amendements de conséquence puisque leur objet portait sur l’organisation d’Énergie de France. Dès lors que les amendements fondateurs avaient été rejetés ceux-là n’auraient pas dû être mis en discussion. C’est en tout cas mon sentiment.

Si la commission a laissé le débat se développer pendant une heure, c’est que nous souhaitons que les questions soient approfondies, que les argumentations soient développées, mais je tiens à faire observer que nous avons encore plus de 2 000 amendements à examiner avant d’aborder l’article 1er. J’aimerais donc, madame la présidente, que nous poursuivions nos travaux jusqu’à minuit et demi.

Mme la présidente. Monsieur Ollier, aux termes du règlement – je me réfère notamment à l’article 100 alinéa 6 – les amendements ne tombent que lorsqu’ils sont exclusifs, ce qui n’était pas le cas.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il s’agissait d’amendements de conséquence !

Mme la présidente. C’est pourquoi j’ai jugé nécessaire de mettre ceux-ci en discussion, permettant d’engager un débat qui a intéressé tous nos collègues.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Jeudi 14 septembre 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3201, relatif au secteur de l’énergie :

Rapport, n° 3278, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3277, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)