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mis en distribution
le 24 décembre 2004
No  1984
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2003.
D É C L A R A T I O N
D U G O U V E R N E M E N T
sur le spectacle vivant,
par M. Renaud DONNEDIEU de VABRES,
ministre de la culture et de la communication.

    

Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres
Ministre de la culture et de la communication

                    Monsieur le président,
                    Mesdames et Messieurs les députés,
        J’ai ardemment souhaité le débat d’aujourd’hui. J’en avais pris l’engagement : il est tenu. Ce jeudi 9 décembre 2004, la culture a droit de cité, non seulement au cœur des Français, mais aussi au cœur de la représentation nationale. Représentation : c’est un même mot que la démocratie et la culture ont en partage. Un même bien commun, enraciné dans une longue histoire. Un même lieu aussi. Depuis la Grèce, l’hémicycle est commun au théâtre et à l’assemblée des citoyens.
        Aujourd’hui, je suis d’abord venu vous dire que ce débat fera date, parce que vous avez la parole. Trop souvent, il ne fut question ici de culture que lorsqu’il fut question de budget de la culture. Il est vrai qu’André Malraux prononça ici, sur son budget, ses plus beaux discours, par exemple cette métaphore inoubliable de la maison de la culture-cathédrale ou son vœu de faire pour la culture ce que Jules Ferry, quatre-vingts ans avant lui, avait fait pour l’éducation.
        Un budget est l’expression d’une politique. Et, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire il y a quelques semaines, les crédits que vous avez votés expriment ma priorité pour le spectacle vivant. Mais un budget ne fait pas une politique à lui seul. C’est pourquoi je suis venu vous parler des fins autant que des moyens.
        Qui ne voit dans le monde de violences, de rupture et, parfois, de négation de l’identité, de la racine, du patrimoine culturel et spirituel, à quel point la culture est le cœur même de notre rayonnement, de notre fierté, de notre influence, de notre attractivité, voire de nos emplois ? Ne la réduisons pas au loisir intelligent, au supplément d’âme.
        Elle est l’essence même de l’avenir et de la force de notre peuple, de nos convictions, de notre message humaniste.
        Si je suis venu vous parler des moyens de sortir d’une crise qui nous a tous marqués et des perspectives qui sont ouvertes devant nous, c’est parce que je crois que cette réconciliation est attendue.
        Nous ne pourrons assurer l’égalité des Français dans l’accès à la culture, ni défendre et favoriser la diversité culturelle en France, en Europe et dans le monde, que si nous reconnaissons aux artistes la place qui est la leur, au cœur de notre société.
        Le remarquable travail mené par votre assemblée, sous l’égide de votre commission des affaires culturelles – je vous remercie de votre présence, monsieur le président –, par la mission d’information sur les métiers artistiques, y contribue déjà. Et je tiens à féliciter son président, Dominique Paillé, son rapporteur, Christian Kert, et tous ses membres, qui n’ont pas ménagé leur temps, ni leur peine, depuis un an, pour aboutir à ce rapport d’information qui va nous être présenté dans quelques instants.
        Je remercie aussi les uns et les autres, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, d’avoir, dans les moments chauds, participé à un certain nombre de débats sur tous les lieux de festival et de spectacle. C’était nécessaire et c’était utile. Je tiens aussi à saluer l’initiative originale conduite par votre collègue Étienne Pinte, qui a mobilisé, aux côtés d’associations et de partenaires sociaux du secteur, des parlementaires de tous horizons.
        J’en vois un second témoignage dans la présence, ce matin, de M. le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, de M. le président de la commission des affaires étrangères, Édouard Balladur – qui nous rejoindra –, de M. le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, et des présidents des groupes politiques, ainsi que d’un grand nombre de parlementaires. J’associe tout naturellement à ces remerciements les ministres qui sont venus manifester, par leur présence à mes côtés, que cette déclaration et l’engagement de ce débat sont le fruit de l’action collective et solidaire du Gouvernement tout entier. Sans cette synergie, sans cette belle complicité opérationnelle entre Gérard Larcher, Laurent Hénart et moi-même, sans l’ouverture mutuelle et la démarginalisation du ministère de la culture, il n’y aurait pas d’issue possible ni d’avenir pour l’activité des artistes et des techniciens de notre pays. Et je vois donc dans la présence de ces différents présidents de commission parlementaire le symbole de cette lucidité et de cette volonté. Je remercie chaleureusement votre président Jean-Louis Debré, dont la présence a valeur à mes yeux, comme aux yeux de nos concitoyens, d’un symbole fort vis-à-vis des artistes et des techniciens de notre pays.
        Le premier regard que je vous propose de porter sur les artistes est proprement culturel. Je me souviens de ce jour où une artiste, alors que j’inaugurais la maison de la culture de Grenoble, est venue à ma rencontre, pour d’abord me parler de la joie que les artistes ont à faire ce qu’ils font et de « l’écart ». Oui, de cet écart, qu’elle a qualifié de « tout petit », avant de me lire un texte extrait de Tout n’est pas dit de Philippe Jaccottet – auteur et texte qui vont droit au cœur d’un éminent parlementaire, quant à lui sénateur : Jack Ralite, qui nous fait aujourd’hui, dans les tribunes, l’amitié de sa présence.
        Être artiste, c’est d’abord croire, vivre, et faire partager cette conviction que « tout n’est pas dit », que le monde en dehors de nous, comme celui que nous contenons, est loin d’avoir épuisé toute possibilité de surprise. Oui, être artiste, c’est toujours provoquer une rencontre. C’est en ce sens que l’artiste est créateur de liens. Je crois profondément, comme l’a exprimé Fernando Pessoa, que « l’art est la communication aux autres de notre identité profonde avec eux ». L’art, et singulièrement l’art vivant, est ce qui relie, au cœur de la culture. C’est fondamentalement pourquoi les artistes et les techniciens représentent un atout et un enjeu considérables pour notre société.
        Dans le monde complexe et violent d’aujourd’hui, l’artiste est, comme l’a écrit Le Clézio, « celui qui nous montre du doigt une parcelle du monde ». Et j’ajouterai : une part de vérité, avec ce que cela implique de conflit, mais aussi d’humanité et d’universalité, avec la rupture, avec parfois la provocation, mais avec la redécouverte du réel, de la réalité.
        C’est pourquoi je souhaite que notre société, où les risques de fractures, la perte des repères, le sentiment d’un effritement de l’identité affectent nos concitoyens, fasse résolument le pari de la culture, pour replacer l’artiste au cœur de la cité, abolir la distance entre l’œuvre d’art et son public, investir de nouveaux territoires, instituer un rapport au temps différent et toucher le plus grand nombre de nos concitoyens – je pense notamment à tous ceux qui n’ont jamais franchi le seuil d’un théâtre, d’un musée, d’un chapiteau, d’une salle de cinéma.
        Telle est la voie que je vous propose et qui est au centre de la politique culturelle du Gouvernement. Une politique qui s’appuie sur la très rapide évolution qui a vu se multiplier les lieux de création et de diffusion du spectacle vivant sur le territoire français. Cette croissance a été accompagnée, depuis une quinzaine d’années, par une montée en puissance des collectivités territoriales dans le champ culturel. Il ne se passe pas un jour sans que des élus prennent l’initiative, et je les en remercie, de créer une salle de spectacle, des studios de danse, des locaux de répétition, et demandent au ministère de la culture de soutenir leurs initiatives. L’État est un partenaire solide, d’autant que vous votez de bons budgets, toujours perfectibles, certes, mais qui contredisent, avec éclat, le spectre du désengagement Les quelque mille festivals qui se sont déroulés cet été sur l’ensemble de notre territoire témoignent de la vitalité, du rayonnement et de l’attractivité de ces initiatives.
        L’importance sociale du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma, comme l’a montré le remarquable rapport que m’a remis Jean-Paul Guillot, peut être mesurée par le temps que les Français consacrent chaque année pour aller au cinéma, pour assister à du spectacle vivant, pour écouter la radio, pour regarder la télévision ou différents supports audiovisuels : 63 milliards d’heures. Ce chiffre peut être comparé aux quelque 34 milliards d’heures qu’ils passent à travailler. L’augmentation constatée du nombre des artistes en France, qu’ils soient permanents ou intermittents, en découle très logiquement : je rappelle qu’ils sont aujourd’hui 280 000 salariés, soit 1,3 % de l’emploi total. Certes, cette augmentation de leur nombre s’est accompagnée d’une aggravation de leur précarité. Et, là aussi, les chiffres du rapport Guillot permettent d’appréhender la réalité dans sa crudité : 80 % de ces salariés perçoivent, comme revenu de leur travail, moins de 1,1 SMIC, et 54 % effectuent moins de 600 heures par an. Leur revenu annuel n’a pu se maintenir que grâce à l’assurance chômage : telle est la réalité, sans fard, de la plupart des métiers de la culture.
        Vous pouvez comprendre, dans ces conditions, mesdames, messieurs les députés, l’ampleur de l’émotion provoquée par la conclusion d’un nouveau protocole sur l’assurance chômage des artistes et techniciens. Vous pouvez comprendre aussi pourquoi le Gouvernement a jugé indispensable d’intervenir, en la matière comme dans d’autres, en prenant toutes ses responsabilités.
        Dès ma prise de fonction, je me suis employé à créer les conditions de sortie d’une crise qui avait tourné à une véritable guerre de tranchées, menaçant en permanence l’activité culturelle de notre pays, et la paralysant parfois. Le dialogue indispensable a été rétabli, et nous avons compris que seule une initiative du Gouvernement était de nature à aider – je dis bien aider – les partenaires sociaux à rechercher et à trouver des solutions à la crise endémique du régime d’assurance chômage des artistes et techniciens.
        Un fonds spécifique provisoire a été créé, financé par l’État, dont l’organisation a été définie, avec beaucoup de talent, par Michel Lagrave, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes et ancien directeur de la sécurité sociale. Géré par l’UNEDIC, pour rester dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, ce fonds a pris en charge l’indemnisation des artistes et techniciens qui effectuent leurs 507 heures en douze mois, mais n’y parviennent pas dans les onze mois prévus pour 2004 par le nouveau protocole. Ce fonds a pris également en charge l’indemnisation des personnes en congé de maladie pour une durée supérieure à trois mois. Il est opérationnel depuis le 1er juillet 2004. Peut-être parce que je ne voulais pas de manière prématurée faire d’autosatisfaction, avons-nous pêché par l’insuffisance de notoriété de ces dispositifs nouveaux. Nous avons veillé, en tout cas, à ce que dans chaque département, dans chaque ASSEDIC, artistes et techniciens soient informés de leurs droits pour qu’ils puissent les utiliser.
        Dans le même temps, l’UNEDIC a accepté, pour les années 2004 et 2005, un retour à la situation antérieure pour les congés de maternité.
        Mais il est clair que, au-delà des mesures immédiates et d’apaisement nécessaires, la question de l’assurance chômage des artistes et techniciens méritait le traitement déterminé des problèmes de fond, auquel le Gouvernement s’est attaché : renforcement de la lutte contre les abus, engagement d’une réflexion sur le périmètre légitime du recours à l’intermittence, sortie des textes juridiques permettant le croisement des fichiers. Grâce à la coopération entre mon ministère et l’autre ministère compétent, deux textes attendus depuis dix ans sont sortis en six mois ; le dernier a été publié hier au Journal officiel.
        Une mission d’expertise indépendante, confiée à Jean-Paul Guillot, a permis de poser sur la situation de l’emploi dans le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel, et sur la place du régime d’assurance chômage, un diagnostic objectif et assez largement partagé. Les pistes de travail qu’il propose sont claires : quelles que soient les mesures qui seront prises pour améliorer le régime d’assurance chômage des artistes et des techniciens, elles ne pourront produire d’effets que si elles accompagnent une politique ambitieuse de l’emploi culturel au service de la création et de la diffusion dans le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel. L’articulation entre les deux est essentielle.
        Cette politique doit mobiliser l’État, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux du secteur et les confédérations, chacun devant prendre les engagements correspondant à ses responsabilités ; elle doit ainsi permettre de ramener l’assurance chômage à son vrai rôle et montrer que l’on cesse de faire reposer sur elle seule toute la structuration de l’emploi dans le secteur.
        Les conditions seront ainsi créées pour la négociation plus sereine et constructive d’un nouveau protocole d’assurance chômage des artistes et des techniciens. Il est essentiel que les partenaires sociaux, garants de la solidarité interprofessionnelle, soient pleinement rassurés sur l’esprit de responsabilité qui doit prévaloir chez les pouvoirs publics et les partenaires sociaux du secteur. C’est cet engagement que le Gouvernement prend devant vous, mesdames et messieurs les députés, et pour lequel j’ai besoin de votre appui.
        Dès le 1er janvier 2005 – et je souhaite évidemment que cela se sache au-delà de cette enceinte –, comme je m’y étais engagé, un nouveau système sera en place. Il ne s’agit pas, à ce stade, d’un système définitif, ni d’un nouveau protocole renégocié. En attendant ce nouveau protocole, j’ai indiqué qu’il n’y aurait pas d’espace vide et que l’État prendrait ses responsabilités. Le Gouvernement a donc décidé de mettre en place, jusqu’à la conclusion d’un nouveau protocole, un fonds transitoire qui s’inspire des principaux axes proposés par Michel Lagrave.
        La sémantique, en politique, a beaucoup d’importance.
        « S’inspire » signifie qu’il ne s’agit pas de la reproduction à l’identique des dispositions de 2004.
        Ce fonds permet de définir une période de référence de douze mois pour l’ouverture des droits, au lieu des dix et demi ou dix mois, qui correspondent à la durée définie pour 2005 par le protocole de 2003, avec date anniversaire. En retenant cette modalité, pour la deuxième année consécutive, l’orientation pour un système pérenne est claire : cette durée d’un an correspond au rythme annuel de l’activité du secteur et permet aux salariés comme aux employeurs de mieux programmer leur travail.
        J’ai bien noté – et je comprends – les autres demandes qui se sont exprimées pour qu’un nouveau système, en 2005, préfigure davantage les éléments nécessaires d’un système pérenne, destinés à encourager un allongement de la durée du travail et à réduire les situations de précarité.
        Certains de ces éléments peuvent relever d’ajustements techniques de la part de l’UNEDIC, d’autres pourront être pris en compte dans le fonds transitoire de 2005 : après concertation avec les partenaires sociaux – mais je voulais vous avoir entendus au préalable –, je préciserai ces points lors de la réunion du Conseil national des professions du spectacle qui se tiendra la semaine prochaine, le 17 décembre. Ce sera la quatrième réunion du CNPS en 2004, et cela ne fait qu’annoncer toute une série d’autres en 2005, avec, à chaque fois, un calendrier et un ordre du jour précis, de façon à avancer.
        Je détaillerai également, devant ce même Conseil national des professions du spectacle, les mesures dont j’ai présenté les grands axes devant votre mission d’information, la semaine dernière. La politique de l’emploi que j’entends conduire a pour objectifs de relever la part des emplois permanents et des structures pérennes, d’accroître la durée moyenne de travail annuel rémunéré et des contrats des intermittents.
        Ces mesures sont destinées, je vous le rappelle, à améliorer la connaissance précise de l’emploi dans le secteur, avec la responsabilité accrue de tous les organismes qui y concourent, et à renforcer l’efficacité des contrôles. Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, le décret offrant l’arsenal juridique nécessaire à ces contrôles est publié.
        Le deuxième objectif est d’orienter progressivement les financements publics qui dépendent de mon ministère vers l’emploi. Le souci de majorer la permanence de l’emploi ne signifie d’aucune manière la suppression de l’intermittence, système nécessaire à la création culturelle. Il ne doit y avoir, sur ce point, aucune ambiguïté : même s’il faut, partout où c’est possible, s’orienter vers la transformation d’un certain nombre d’emplois, il n’en demeure pas moins que la création culturelle et artistique repose largement, dans notre pays, sur la spécificité de l’intermittence du spectacle, que régissent les annexes 8 et 10. Je le répète, je n’ai pas pour objectif politique de la supprimer mais de la rendre juste et équitable.
        Troisième objectif, il faut inciter les partenaires sociaux du secteur à accélérer et systématiser la conclusion de conventions collectives.
        Enfin, il convient d’accompagner les efforts de professionnalisation des employeurs comme des salariés.
        D’ores et déjà, je puis vous dire que j’attends des partenaires sociaux du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, et singulièrement des employeurs, qu’ils manifestent, dans des délais très rapprochés, leur sens des responsabilités pour compléter la couverture du champ conventionnel. Dans cet esprit, j’ai réuni, le 8 novembre dernier, les représentants des diffuseurs afin qu’ils engagent et qu’ils concrétisent diverses actions communes permettant d’établir de bonnes pratiques d’emploi et de réfléchir à de nouvelles formes contractuelles dans le secteur. J’observe, à cet égard, que les diffuseurs privés viennent de s’associer dans un syndicat des télévisions privées pour mieux aborder ces sujets de réflexion.
        Nous avons besoin, pour que la négociation progresse, non seulement de salariés mais aussi de responsables d’entreprise organisés, car c’est ainsi que les tables rondes permettront de vraies négociations aboutissant à des résultats.
        La négociation des conventions collectives du secteur constitue à mes yeux l’urgence et la priorité. Je sais pouvoir compter sur le concours actif de Gérard Larcher et de ses services pour accompagner les partenaires sociaux dans leur démarche et les aider à l’accélérer.
        La synergie entre le ministère des affaires sociales et le ministère de la culture et de la communication est perçue, au-delà de cet hémicycle, comme un signe non seulement d’espoir, mais aussi de progrès possible.
        Par ailleurs, parce que le secteur public audiovisuel se doit d’être exemplaire, j’ai demandé, dès le printemps, au président de France Télévisions, comme aux autres présidents de sociétés de l’audiovisuel public, d’établir des plans pluriannuels de réduction progressive de recours à l’intermittence. Je me réjouis que France Télévisions ait engagé un tel plan sur quatre ans.
        Rendons à César ce qui est à César et remercions le Premier ministre, qui, vendredi dernier, a rendu possible une dépense supplémentaire de 20 millions d’euros pour l’audiovisuel public. Ce ne sera pas sans conséquence positive pour le soutien à toutes les formes de spectacles, pour leur diffusion, la conquête de nouveaux publics et l’entrée en action de la télévision numérique terrestre. Tout est perfectible, mais lorsque les choses avancent, il faut savoir le dire, non pas pour se livrer à l’autosatisfaction mais pour pouvoir continuer dans le même sens.
        La requalification des emplois et leur développement passent aussi par une politique volontariste. C’est tout le sens de l’extension du crédit d’impôt cinéma au secteur de la production audiovisuelle et du rehaussement de son plafond d’éligibilité, qui seront soumis à votre vote ce soir dans le cadre de l’examen de la loi de finances rectificative.
        On ne peut pas demander, d’un côté – ce qui est normal –, de soutenir, par tous les moyens possibles, la création française et, d’un autre côté, regarder de manière lointaine la problématique de la délocalisation des tournages, par exemple. Le Gouvernement agit concrètement pour faire en sorte que l’emploi culturel soit soutenu.
        L’octroi de ces deux mécanismes d’aide – je le dis haut et fort pour que ce soit compris hors de nos murs – est conditionné à l’emploi permanent. C’est aussi tout le sens des autres mesures que j’ai fait adopter au service d’un plus grand dynamisme de la production audiovisuelle et de la création : la création du fonds pour l’innovation audiovisuelle, qui vise aussi les nouveaux talents, l’extension des fonds des collectivités territoriales à l’audiovisuel. Voilà l’exemple d’un partenariat réussi entre les régions et l’État. La ressource publique additionnelle de 20 millions d’euros pour 2005 a le même objet, je l’ai déjà évoquée.
        Cette politique de l’emploi est de la même façon au service de mon plan pour le spectacle vivant. Le budget que vous avez adopté pour mon ministère traduit clairement la priorité qui lui est réservée : avec 753 millions d’euros, il s’agit de la dotation la plus importante pour le ministère de la culture ; cette enveloppe comprend 23 millions d’euros de mesures nouvelles, dont 18 millions pour accompagner le développement de l’emploi. Loin de toute incantation, nous essayons d’agir méthodiquement.
        Dans chaque région, j’y travaille en ce moment même avec les directeurs régionaux des affaires culturelles, il y aura, en 2005, un plan pour l’emploi dans le spectacle vivant.
        Je souhaite vous en donner, brièvement, les principaux axes.
        Priorité sera donnée à la diffusion, avec l’aide à la constitution dans les théâtres de « pôles de diffusion », composés de personnels formés, dotés d’outils techniques de recensement et de connaissance des réseaux. Expérimentale en 2005, cette aide sera progressivement étendue à partir de 2006 et devra prendre en considération la création d’un fonds spécifique d’aide à la diffusion en milieu rural.
        Le deuxième axe est l’appui aux compagnies et aux ensembles indépendants, qui doivent bénéficier d’aides incitatives à la reprise et d’un encouragement, par des moyens spécifiques, à développer des résidences de longue durée.
        Il convient, en troisième lieu, de rendre aux auteurs et compositeurs, qui sont la force vive de la création, la place éminente qui leur revient, en améliorant la rémunération et la situation des auteurs, en renforçant leur présence, par la généralisation des résidences de longue durée d’auteurs et de compositeurs, dans les établissements subventionnés.
        Il faut aussi redéfinir et relégitimer une politique de développement de la pratique amateur, qui n’est ni une étape vers la professionnalisation, ni un substitut à la pratique professionnelle. Ciment du lien social, remarquable outil d’intégration et de dialogue entre les cultures et les générations, elle doit être encouragée par la formation, le rapport direct à la création, les rencontres entre artistes amateurs et professionnels.
        Il convient encore d’encourager la circulation internationale de l’art vivant, par la mise en réseau des institutions et des projets sur le plan européen : institutions de recherche dans le domaine musical, académies européennes de jeunes artistes, jumelages entre théâtres français et européens.
        Cette politique, ces orientations, je ne peux pas les conduire seul. J’ai besoin d’entendre la représentation nationale me dire si elle partage ces ambitions, si elle est prête à unir sa voix à la mienne pour en appeler à la responsabilité partagée, aux côtés de l’État, des collectivités territoriales, des partenaires sociaux du secteur, des confédérations, du public lui-même, afin que, au sortir d’une crise qui a douloureusement éprouvé le monde de la culture – mais qui a aussi permis une formidable réflexion collective –, nous nous tournions ensemble vers l’avenir, pour que l’art et la culture, redeviennent ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : le ferment de notre unité et de notre identité commune.

N° 1984 – Déclaration du Gouvernement sur le spectacle vivant