République Française

 

 

OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

 

 

Déchets radioactifs : des recherches en cours pour une loi avant la fin 2006

 par Christian BATAILLE, Député du Nord
et Claude BIRRAUX, Député de la Haute-Savoie

 

Le Parlement sera saisi, avant la fin 2005, d’un rapport et d’un projet de loi sur les recherches relatives à la gestion des déchets radioactifs. C’est la loi du 30 décembre 1991 qui, avant toute décision sur la ou les méthodes retenues pour gérer dans notre pays les déchets radioactifs  de haute activité, a fixé ce rendez-vous à la fin d’une période de quinze années entièrement dévolue à la recherche.

Un suivi régulier des études réalisées en application de la loi de 1991 a été effectué par différentes instances, et, en particulier, par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Saisi en juin 2003 par le Bureau de l’Assemblée nationale, à l’initiative des présidents des quatre groupes politiques de l’Assemblée nationale, l’Office a nommé rapporteurs MM. Christian Bataille, Député du Nord, et Claude Birraux, Député de la Haute-Savoie, qui présentent, ci-après, le processus en cours.

 

Comme toute activité industrielle, l’industrie nucléaire produit des déchets. Des précautions considérables sont prises pour gérer les déchets radioactifs, quels qu’ils soient, ceux-ci étant, bien entendu, soumis à une réglementation très précise et à des contrôles fréquents et approfondis.

Un inventaire national des déchets radioactifs est réalisé chaque année, sa nouvelle version étant remise à jour et publiée par l’ANDRA (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs).

Ainsi, la composition et la localisation des déchets radioactifs sont aujourd’hui parfaitement identifiées et accessibles à tous.

Alors que les centrales nucléaires assurent 75 à 80 % de la production électrique française totale, les déchets issus de ce secteur, sont chaque année d’un volume cent fois inférieur à celui des déchets industriels finaux – les quantités de déchets produites en France, par an et par habitant, sont de 2500 kg de déchets totaux, dont 100 kg  de déchets industriels finaux et 1 kg de déchets radioactifs –.

 Outre leurs faibles volumes, les déchets radioactifs présentent une toxicité qui décroît au fur et à mesure des années, - même si ce rythme peut être, selon les cas, très lent - contrairement aux déchets industriels finaux dont les propriétés restent identiques quelle que soit l’échelle de temps considérée.

D’ores et déjà, chaque type de déchets radioactifs reçoit un conditionnement qui constitue une barrière à la radioactivité et, par son étanchéité, prévient tout transfert dans l’environnement.

Une fois conditionnés, les déchets radioactifs sont entreposés dans des installations spéciales, qui ont été construites dans chaque centrale nucléaire et dans chaque centre de recherche, ainsi qu’à l’usine de retraitement de La Hague.

La qualité et l’épaisseur des métaux ou des bétons utilisés pour fabriquer les conteneurs sont dimensionnées pour que leur intégrité soit assurée sur très longue période.

 

Par ailleurs, du fait de leur robustesse, de leurs marges de sécurité et de leur surveillance, les installations d’entreposage actuellement en service dans notre pays ont une durée de vie de plusieurs décennies.

Pour leur part, les déchets de faible activité ont reçu une solution sûre et définitive avec un stockage en surface dans des casemates en béton.

Le problème à résoudre dans les prochaines années est donc de mettre au point des solutions pour la gestion des déchets de haute activité, qui soient encore meilleures que les solutions actuelles et, surtout, valables à très long terme.

Il convient en effet d’alléger le plus possible la tâche de surveillance des générations futures et, en tout cas, de ne pas leur transférer la charge de trouver des solutions définitives.

 

La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs

En 1991, la France a décidé d’intensifier ses recherches dans le domaine  de la gestion des déchets radioactifs à haute activité, préalablement au choix de sa stratégie.

Une loi a été adoptée à cette fin : la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi Bataille,  votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Cette loi a décidé, au premier chef, qu’une période de 15 ans devait être consacrée, avant toute décision, à la recherche de solutions optimales à très long terme.

Pour mieux expliquer l’étendue des solutions techniques qui peuvent être imaginées pour une gestion à très long terme des déchets, la loi de 1991 a présenté les investigations à réaliser, selon trois grands domaines souvent dénommés « axes de la loi de 1991 », aucune solution n’étant privilégiée a priori et aucune solution n’excluant a priori les autres.

 

1er axe : l’étude de la séparation et de la transmutation

La première voie de recherche est celle de la séparation et de la transmutation.

Les combustibles irradiés présentant une radioactivité importante et de longue durée, l’objectif est de transformer les éléments radioactifs dont la durée de vie est la plus longue en d’autres éléments dont l’activité diminuerait plus rapidement dans le temps – c’est-à-dire de les transmuter selon le vocabulaire technique – .

Cette opération nécessite une irradiation dans des réacteurs nucléaires spécialisés.

Mais pour espérer parvenir à ce résultat, il est nécessaire, au préalable, de séparer les uns des autres les différents éléments radiochimiques présents dans les combustibles irradiés extraits des réacteurs nucléaires.

Dès lors, un traitement différencié peut leur être appliqué, d’où la nécessité de mettre au point des méthodes de séparation.

 

2ème axe : l’étude du stockage géologique

Le deuxième grand domaine de recherche visé par la loi de 1991 est celui du stockage géologique des déchets radioactifs.

Cette idée est simple à la base. La matrice emprisonnant les radioéléments ainsi que le conteneur constituent deux premières barrières très efficaces à la diffusion des déchets radioactifs dans l’environnement.

Mais la mise en place de barrières supplémentaires qui viendraient compléter ces premières barrières et s’opposeraient donc à la diffusion des radioéléments en cas de corrosion éventuelle du conteneur, renforcerait encore la sûreté globale du stockage.

D’où l’idée de placer les conteneurs de déchets dans le sous-sol, à grande profondeur, de façon que, dans l’hypothèse où les radioéléments parviendraient à franchir toutes les barrières, artificielles ou naturelles, le chemin à parcourir vers la biosphère soit le plus long possible et donc prenne le plus de temps possible.

On imagine sans peine que des milieux géologiques ne recélant pas d’eau, imperméables ou dépourvus de toute circulation d’eau souterraine présenteraient un intérêt particulier, les mécanismes de corrosion des conteneurs et de transport des radioéléments étant alors bloqués, ou au moins très fortement ralentis.

On peut enfin penser qu’un degré supplémentaire de sécurité pourrait être apporté, sous certaines conditions, par la réversibilité, c’est-à-dire la possibilité de reprendre les colis de déchets en cas de problème ou de nouvelles possibilités techniques.

3ème axe : le conditionnement et l’entreposage de longue durée

La troisième piste de solutions, dont la loi de 1991 a prévu l’étude détaillée, est celle du conditionnement et de l’entreposage à très long terme.

Les techniques envisagées ne sont pas fondamentalement différentes de celles actuellement utilisées, aussi bien pour les conteneurs que pour les bâtiments.

Il s’agit d’examiner si les dispositifs pratiques déjà utilisés pourraient avoir une durée de vie supérieure aux prévisions ou dans quelle mesure ils pourraient être extrapolés afin d’être opérationnels à plus long terme. Des solutions nouvelles, comme des cavernes à faible profondeur ou à flanc de colline, pourraient également présenter un intérêt en termes de sûreté.

 

Technicité et transparence

Outre l’obligation faite de procéder à des recherches dans les trois directions précitées, la loi du 30 décembre 1991 a également introduit un ensemble de dispositions pour assurer une implication réelle de tous les acteurs et la transparence du processus, non seulement pendant la période de 15 ans consacrée à la recherche, mais aussi lors la conclusion de cette période.

Non seulement l’obligation est faite à l’État, c’est-à-dire au ministère de la recherche et aux organismes publics de recherche, de conduire les études nécessaires. Mais il leur est aussi imposé de rendre compte chaque année au Parlement de leur état d’avancement.

 

En outre, afin de favoriser le bon déroulement des travaux et la transparence du processus, la loi du 30 décembre 1991 a institué la Commission nationale d’évaluation qui a reçu la responsabilité d’analyser les résultats obtenus, de mettre en lumière les avancées ou les lacunes et d’établir, chaque année, un rapport pour le Gouvernement, qui le transmet au Parlement.

Constituée de spécialistes des différentes disciplines scientifiques concernées par les recherches – chimie, physique nucléaire, géochimie, géologie, médecine, ingénierie, sûreté - la Commission nationale d’évaluation a procédé, année après année, à des auditions, à des visites de sites, à l’analyse des résultats obtenus et a transmis, comme il lui incombait de le faire, à dix occasions, son rapport annuel au Gouvernement et au Parlement.

De son côté, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont le rapport de décembre 1990, signé de Christian Bataille, a largement inspiré la loi de 1991, s’est attaché à suivre le bon déroulement des recherches, avec ses propres moyens et ses méthodes spécifiques, tout en élargissant le champ de ses réflexions à des questions connexes, six rapports supplémentaires ayant été publiés.

Enfin, l’Office parlementaire d’évaluation prépare actuellement un rapport sur « l’état d’avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs », suite à la saisine en date de juin 2003, transmise par le Bureau de l’Assemblée nationale, à l’initiative des présidents des quatre groupes politiques de l’Assemblée nationale.

Dans le cadre de ce travail, les rapporteurs ont en premier lieu focalisé leur attention sur l’étude des procédures mises en place en Europe et aux États-Unis pour la gestion des déchets radioactifs. Sur la base de visites et de rencontres sur place, ont été examinés en détail les travaux de recherche fondamentale ou appliquée, et les opérations de caractérisation ou de construction de sites de stockage qui se multiplient dans ces mêmes pays.

Tout en analysant les moyens et l’organisation de la recherche nationale dans ce domaine depuis 1992 et pour les années à venir, les Rapporteurs examinent actuellement l’état d’avancement, en France, des recherches et des réalisations pratiques ainsi que leurs perspectives dans les prochains mois.

En tout état de cause, ce rapport sera soumis à l’Office parlementaire d’évaluation en mars 2005 et mis à la disposition des parlementaires immédiatement après.

 

Le calendrier jusqu’en 2006

La principale échéance de la loi se profilant à l’horizon, avec la fin en 2006 de la période exclusivement dévolue à la recherche, il convient de préciser le calendrier des prochains mois, qui verra de nouveau le Parlement jouer un rôle clé dans les décisions sur la gestion des déchets radioactifs.

Selon les termes de la loi, le Gouvernement est appelé à transmettre au plus tard en 2006 au Parlement un rapport sur les résultats de la recherche, accompagné d’un projet de loi. Compte tenu du calendrier des élections l’année suivante – élections présidentielles, élections législatives –, on s’attend que le rapport et le projet de loi précités soient transmis fin 2005, afin d’être examinés et adoptés en temps utile.

La question des déchets, quels qu’ils soient, est l’une des plus délicates qu’une société ait à régler. Le rêve est, en effet, ancien et tenace que les activités humaines laissent intacte la nature et n’entachent pas l’avenir des générations futures.

Si le développement industriel et l’accroissement du niveau de vie ont pour conséquence la croissance du volume des déchets par habitant, les techniques de traitement des déchets offrent aussi, de nos jours, la possibilité de réduire les quantités de déchets ultimes et d’en assurer le confinement, dès lors qu’elles sont mises en œuvre au meilleur niveau technique.                                                                                                                                                                                                            Novembre  2004

 

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