Accueil > Documents parlementaires > Projets de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif
Amendements  sur le projet ou la proposition

Document

mis en distribution

le 27 octobre 2006


N° 3391

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2006.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

relatif à la formation
et à la
responsabilité des magistrats,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. DOMINIQUE DE VILLEPIN,

Premier ministre,

PAR M. Pascal CLÉMENT,

garde des sceaux, ministre de la justice

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi organique modifie l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de l’adapter à l’exigence accrue de responsabilité que traduit notamment le rapport de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement.

Cette exigence renforcée se manifeste dès la phase de recrutement, qui doit permettre d’apprécier l’adaptation des candidats aux spécificités des fonctions de magistrats et se poursuivre tout au long de la carrière du magistrat, notamment par une réaction institutionnelle à d’éventuelles fautes disciplinaires ou comportements incompatibles avec l’exercice des fonctions.

La première voie d’accès au corps judiciaire, l’auditorat, comporte une période probatoire à l’issue de laquelle un jury se prononce sur l’aptitude des auditeurs de justice à exercer les fonctions judiciaires.

Parmi les voies de recrutement parallèles, seul le mécanisme de l’intégration directe prévoit que le candidat peut, éventuellement et sur décision de la commission d’avancement, être soumis à un stage probatoire en juridiction tandis que la formation suivie par les magistrats reçus au concours complémentaire ou nommés à titre temporaire n’a pas de caractère probatoire et n’intervient qu’après leur recrutement.

Le chapitre Ier du présent projet de loi organique a pour objet de créer une formation probatoire pour les principaux modes de recrutement parallèles, formation permettant d’apprécier les qualités du candidat, organisée par l’École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction avant qu’il ne soit statué définitivement sur leur recrutement.

Sont concernés les candidats reçus au concours complémentaire (article 1er), les candidats à l’intégration directe dans le corps judiciaire (article 2), ou les candidats à une nomination en tant que magistrats exerçant à titre temporaire (article 3).

La commission conserve toutefois la possibilité de dispenser un candidat à l’intégration directe ou aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire de la formation probatoire, à titre exceptionnel et au vu de son expérience professionnelle.

L’article 4 fait suite au rapport du groupe de travail mis en place en mars 2005 à la Chancellerie, afin de dresser un état de la mise en œuvre de la réforme créant une juridiction de proximité et d’engager une réflexion sur la formation des juges de proximité.

Il modifie l’article 41-19 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée pour rendre obligatoire, sauf dispense accordée par le Conseil supérieur de la magistrature, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat, la formation probatoire à laquelle sont soumis les juges de proximité.

Le chapitre II comporte diverses dispositions relatives à la discipline.

L’article 5 crée une nouvelle sanction disciplinaire, l’interdiction d’exercer des fonctions à juge unique pendant une durée maximale de cinq ans.

Cette nouvelle sanction complète utilement la sanction de retrait de certaines fonctions et celle de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d’un an, avec privation totale ou partielle du traitement, en permettant à l’organe disciplinaire d’interdire à un magistrat d’exercer des fonctions à juge unique (soit les fonctions spécialisées mais aussi les attributions à juge unique d’un magistrat du siège) pendant une durée déterminée.

L’article 6 augmente le nombre de sanctions disciplinaires pouvant être assorties du déplacement d’office et interdit à un magistrat mis à la retraite d’office de se prévaloir de l’honorariat des fonctions.

En effet, il ne peut être envisagé qu’un magistrat ayant commis des faits d’une gravité telle qu’il a été mis à la retraite d’office, puisse se prévaloir de l’honorariat de ses fonctions.

Or, en l’état des textes, le refus de l’honorariat ne peut être prononcé qu’après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

L’automaticité de l’interdiction faite à un magistrat mis à la retraite d’office de se prévaloir de l’honorariat de ses fonctions permettra d’éviter la lourdeur d’une telle procédure.

Le chapitre III comporte des dispositions diverses et transitoires.

L’article 7 prévoit des garanties quant à l’affectation future des procureurs généraux au terme des sept années d’exercice de leurs fonctions. Il s’agit d’établir un dispositif analogue à celui qui a été introduit par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature pour les premiers présidents des cours d’appel, nommés conseillers à la Cour de cassation pour exercer les fonctions de premier président. Selon un mécanisme différent, car ils sont nommés en Conseil des ministres, ce qui n’est pas le cas des premiers présidents, les procureurs généraux bénéficieront d’une priorité d’affectation, au besoin en surnombre, à des emplois hors hiérarchie du parquet général de la Cour de cassation.

L’article 8 instaure une mesure de suspension devant permettre d’écarter de ses fonctions un magistrat dont le comportement apparaît de nature à justifier la saisine du comité médical.

Cette disposition est inspirée des dispositions du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, avec les garanties attachées au statut de la magistrature.

L’article 9 est une mesure de coordination de l’article 6.

L’article 10 précise que les dispositions de l’article 38-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée sont applicables aux procureurs généraux déjà en fonctions à la date d’édiction de la règle fixant la durée maximale d’exercice de ces fonctions.

L’article 11 est relatif à l’entrée en vigueur des dispositions de la présente loi organique.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la formation

Article 1er

L’article 21-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 est ainsi modifié :

1° Le sixième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les candidats admis suivent une formation probatoire organisée par l’École nationale de la magistrature comportant notamment un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19. Ils sont rémunérés pendant cette période. » ;

2° Sont insérés, après le septième alinéa, deux alinéas ainsi rédigés :

« Le directeur de l’École nationale de la magistrature établit sous la forme d’un rapport un bilan de la formation probatoire de chaque candidat qu’il adresse au jury prévu à l’article 21.

« Après un entretien avec le candidat, le jury se prononce sur son aptitude à exercer des fonctions judiciaires. » ;

3° Au huitième alinéa, la première phrase est remplacée par les dispositions suivantes :

« Les candidats déclarés aptes suivent une formation complémentaire jusqu’à leur nomination, dans les formes prévues à l'article 28, aux emplois pour lesquels ils ont été recrutés. »

Article 2

L’article 25-3 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les candidats recrutés au titre des articles 22 et 23 suivent une formation probatoire organisée par l’École nationale de la magistrature comportant notamment un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19. » ;

2° Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« La commission prévue à l’article 34 peut, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat, le dispenser de la formation probatoire prévue à l’alinéa premier. » ;

3° Au deuxième alinéa devenu le troisième, les mots : « Le candidat admis en stage probatoire » sont remplacés par les mots : « Pendant la formation probatoire, le candidat » ;

4° Au troisième alinéa devenu le quatrième, les mots : « du stage » sont remplacés par les mots : « de la formation » ;

5° Au dernier alinéa, les mots : « un stage »  sont remplacés par les mots : « une formation ».

Article 3

L’article 41-12 de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 41-12. – La commission prévue à l’article 34 arrête la liste des candidats admis parmi ceux proposés par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d'appel.

« Les magistrats recrutés au titre de l’article 41-10 sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable dans les formes prévues pour les magistrats du siège après avoir suivi la formation probatoire prévue à l’article 21-1.

« Les deuxième et troisième alinéas de l’article 25-3 sont applicables aux magistrats mentionnés au deuxième alinéa du présent article.

« Le directeur de l’École nationale de la magistrature établit, sous la forme d’un rapport, le bilan de la formation probatoire de chaque candidat, qu’il adresse à la commission.

« Les nominations interviennent après avis conforme de la commission prévue à l’article 34. L’article 27-1 ne leur est pas applicable.

« Lors de leur installation, les magistrats prêtent serment dans les conditions prévues à l’article 6.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des candidats mentionnés au présent article. »

Article 4

L’article 41-19 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, les mots : « peut décider de soumettre » sont remplacés par le mot : « soumet » ;

2° Il est inséré, après le troisième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« La formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat, le dispenser de la formation probatoire prévue au troisième alinéa. »

Chapitre II

Dispositions relatives à la discipline

Article 5

À l’article 45 de la même ordonnance est inséré, après le 3° un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis. – L’interdiction d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans ; ».

Article 6

Le second alinéa de l'article 46 de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :

« Une faute disciplinaire ne pourra donner lieu qu'à une seule de ces peines. Toutefois, les sanctions prévues aux 3°, 3° bis, 4°, 4° bis et 5° de l'article 45, pourront être assorties du déplacement d'office. La mise à la retraite d’office emporte interdiction de se prévaloir de l’honorariat des fonctions prévu à l’article 77. »

Chapitre III

Dispositions diverses et transitoires

Article 7

Il est ajouté à l’article 38-1 de la même ordonnance un alinéa ainsi rédigé :

« À l’expiration de cette période, s’il n’a pas reçu une autre affectation, le procureur général est nommé de droit à un emploi hors hiérarchie du parquet de la Cour de cassation. Il en est de même dans le cas où il est déchargé de cette fonction avant ce terme. Cette nomination est prononcée, le cas échéant, en surnombre de l’effectif de la Cour de cassation. Ce surnombre est résorbé à la première vacance utile dans cette juridiction. »

Article 8

Après l'article 68 de la même ordonnance, il est rétabli un article 69 ainsi rédigé :

« Art. 69. – Lorsque l’état de santé d'un magistrat apparaît incompatible avec l'exercice de ses fonctions, le garde des sceaux, ministre de la justice, saisit le comité médical compétent en vue de l'octroi d'un congé de maladie. Dans l'attente de cet avis, il peut suspendre l’intéressé, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

« Le Conseil informe le magistrat de la date à laquelle la formation compétente du Conseil examinera son dossier, du droit à la communication de son dossier, de la possibilité d’être entendu par la formation compétente ainsi que de faire entendre le médecin et la personne de son choix.

« L'avis de la formation compétente du Conseil est transmis au magistrat.

« La décision de suspension, prise dans l'intérêt du service, n’est pas rendue publique.

« Le magistrat conserve l’intégralité de son traitement.

« Si, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la suspension, le comité médical ne s’est pas prononcé, cette mesure cesse de plein droit de produire ses effets. »

Article 9

À la première phrase du premier alinéa de l'article 77 de la même ordonnance, après les mots : « est autorisé », sont insérés les mots : « , sous réserve des dispositions de l’article 46, ».

Article 10

Les dispositions du second alinéa de l’article 38-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée sont applicables aux procureurs généraux nommés antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi organique.

Article 11

Les dispositions de la présente loi organique entreront en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la date de sa publication.

Fait à Paris, le 24 octobre 2006.

Signé : Dominique de VILLEPIN

Par le Premier ministre :
Le garde des sceaux, ministre de la justice


Signé :
Pascal CLÉMENT

Imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121527-9
ISSN : 1240 – 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
7, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 00 33


© Assemblée nationale