ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

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COMPTE RENDU DES DÉBATS DE LA DEUXIÈME RÉUNION DES PRÉSIDENTS
D'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DES PAYS DU G8
(1)

9 septembre 2003

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(1) Ont participé à cette réunion : M. Wolfgang Thierse, Président du Bundestag (Allemagne), M. Peter Milliken, Président de la Chambre des Communes (Canada), M. Dennis Hastert, Président de la Chambre des Représentants (Etats-Unis), M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale (France), M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des Députés (Italie) M. Tamisuke Watanuki, Président de la Chambre des Représentants (Japon) Sir Alan Haselhurst, Vice-président de la Chambre des Communes (Royaume-Uni), M. Vladimir Loukine, Vice-président de la Douma d'Etat (Russie)

SOMMAIRE

LISTE DES PARTICIPANTS 6

INTERVENTION DES PARTICIPANTS 8

PREMIER THÈME : LES FONCTIONS DE CONTRÔLE DU PARLEMENT 10

DEUXIEME THEME : LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE 34

CONTRIBUTIONS SUR LES THÈMES DE DISCUSSION 56

PREMIER THÈME : LES FONCTIONS DE CONTRÔLE DU PARLEMENT 58

Contribution de M. Wolfgang THIERSE 60

Contribution de M. Peter MILLIKEN 65

Contribution de M. Dennis HASTERT 68

Contribution de M. Jean-Louis DEBRÉ 69

Contribution de M. Pier Ferdinando CASINI 80

Contribution de M. Tamisuke WATANUKI 87

Contribution de Sir Alan HASELHURST 91

DEUXIEME THEME : LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE 99

Contribution de M. Wolfgang THIERSE 101

Contribution de M. Peter MILLIKEN 107

Contribution de M. Dennis HASTERT 113

Contribution de M. Jean-Louis DEBRÉ 115

Contribution de M. Pier Ferdinando CASINI 124

Contribution de M. Tamisuke WATANUKI 132

Contribution de Sir Alan HASELHURST 138

LISTE DES PARTICIPANTS

· Allemagne : M. Wolfgang Thierse, Président du Bundestag

· Canada : M. Peter Milliken, Président de la Chambre des Communes

· Etats-Unis : M. Dennis Hastert, Président de la Chambre des Représentants

· France : M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

· Italie : M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des Députés

· Japon : M. Tamisuke Watanuki, Président de la Chambre des Représentants

· Royaume-Uni : Sir Alan Haselhurst, Vice-président de la Chambre des Communes

· Russie : Vladimir Loukine, Vice-président de la Douma d'Etat

INTERVENTION DES PARTICIPANTS

PREMIER THÈME : LES FONCTIONS DE
CONTRÔLE DU PARLEMENT

M. Jean-Louis DEBRÉ : Je suis heureux de vous accueillir à Paris pour cette deuxième réunion des présidents des assemblées des pays membres du G 8. Nous gardons tous un excellent souvenir de l'accueil chaleureux et amical que notre ami le président Milliken nous avait réservé l'an dernier à Kingston. Nos débats avaient porté alors sur un sujet, hélas d'actualité, et difficile à aborder, « démocratie et terrorisme ». Les travaux, d'un grand intérêt, avaient montré qu'il fallait renforcer la légitimité de nos démocraties pour lutter contre le terrorisme. Cette année, forts de cette première expérience, et convaincus que nous avons tous beaucoup à gagner de ces échanges, nous avons retenu deux thèmes, qui sont aussi au cœur de la démocratie parlementaire et sur lesquels nous avons des approches différentes qui peuvent nous enrichir mutuellement.

Nous évoquerons ce matin les moyens de contrôle du Parlement, sujet qui nous préoccupe tous. Quelle que soit la forme du régime - parlementaire ou présidentielle - il est nécessaire de faire en sorte que le contrôle que les représentants du peuple exercent sur l'administration ou sur le Gouvernement soit le plus efficace possible. Cet après-midi nous aborderons un sujet également central dans bien des pays, le financement de la vie politique. Je tiens à saluer Wolfgang Thierse, président du Bundestag, Peter Milliken, président de la chambre des communes du Canada, Dennis Hastert, président de la Chambre des représentants des Etats-Unis, notre voisin et ami italien, Pier Ferdinando Casini, notre collègue Tamisuke Watanuki du Japon, sir Alan Haselhurst, vice-président de la Chambre des communes, et Vladimir Loukine, vice-président de la Douma d'Etat.

Je donne d'abord la parole à M. Casini qui a bien voulu introduire le premier thème, qui porte sur les moyens de contrôle du Parlement.

M. Pier Ferdinando CASINI : Merci, cher Président, pour votre hospitalité.

Le contrôle parlementaire pose un défi important pour la représentation politique au vingt-et-unième siècle. Permettez-moi de présenter quelques réflexions préliminaires, avant d'en venir au contenu effectif de ce contrôle.

La responsabilité du Gouvernement devant le Parlement, quelle que soit l'organisation constitutionnelle du pays, est depuis toujours un des piliers de la vie démocratique. Ce contrôle, exercé entre deux élections, au nom du corps électoral ne relève pas seulement de l'équilibre des pouvoirs. C'est aussi une garantie d'alternance entre majorité et opposition. C'est enfin un des moyens pour assurer la transparence dans les relations entre l'Etat et les citoyens.

Aujourd'hui, cette fonction semble plus difficile à exercer, alors qu'elle est plus que jamais décisive. En effet, la capacité d'intervention directe des assemblées parlementaires s'est nettement réduite, compte tenu de la complexité et du niveau technologique de la société contemporaine, comme de l'importance du marché. Le plus difficile désormais est d'accéder à l'information, de la choisir, de l'évaluer, Les activités publiques se multiplient, s'internationalisent. Pourtant, il faut être éclairé pour délibérer, et aussi pour contrôler. Dans le contexte actuel de redistribution des pouvoirs, entre législatif et exécutif, mais également entre différents niveaux d'administration territoriale, une fonction de contrôle plus affirmée renforcerait le rôle des assemblées et, en dernière analyse, constituerait un facteur de sauvegarde de la démocratie parlementaire.

Mais pour rendre au Parlement son rôle essentiel de contrôle, il faut dissiper une équivoque et se libérer de certains lieux communs. L'équivoque serait d'attribuer au Parlement comme fonction essentielle celle d'enquêter. Dans ce cas, il empiéterait sur le rôle d'autres pouvoirs, au risque de sacrifier une certaine autonomie politique. Pour ce qui est des lieux communs, évitons surtout de nous enfermer dans une logique de conflit entre Parlement et Gouvernement, la force de l'un signifiant forcément la faiblesse de l'autre. Alors que la politique doit relever le défi de la mondialisation, Gouvernement et Parlement doivent travailler de concert. L'un doit assurer l'efficacité, l'autre le consensus. En second lieu, si le contrôle parlementaire est essentiel pour garantir les droits de l'opposition, cette fonction concerne le Parlement dans son ensemble et les parlementaires de la majorité doivent y être attentifs, sans que cela mette en cause la solidarité avec le Gouvernement. Ne confondons pas les relations entre majorité et opposition et les relations entre le Gouvernement et le Parlement, comme c'est souvent le cas en Italie.

D'autre part, ne dissocions pas à l'excès les différents rôles du Parlement. En fait, la fonction législative et fonction de contrôle sont liées. Aujourd'hui on a trop tendance à assimiler le contrôle parlementaire à une vérification des résultats de la mise en œuvre des textes législatifs.

Quant aux moyens du contrôle parlementaire, ils sont multiples : interpellations en séance publique ; commissions permanentes qui procèdent à des auditions, produisent des rapports, émettent des avis ; enquêtes parlementaires ; organismes spécialisés de surveillance, suivi et évaluation de problèmes spécifiques.

Les questions et interpellations, en raison même de leur fréquence, ont un impact limité. Mais leur utilité est réelle, car elles obligent les Gouvernements à répondre, parfois dans un délai donné. Ainsi au Japon, le Gouvernement doit répondre dans un délai d'une semaine. Il s'agirait plutôt de rendre ce moyen d'action plus dynamique. Pour ce faire, un certain nombre de pays se sont inspirés de la « question time » britannique, qui est retransmise en direct à la télévision. C'est aussi le cas en Italie. Certes les résultats sont parfois discutables et pas toujours positifs. Une réflexion est en cours pour donner à ces séances plus de force. A l'évidence, le Premier ministre doit être présent. Il semble également indispensable de pouvoir poser des questions qui n'ont pas fait l'objet d'un accord préalable afin de susciter une confrontation politique intéressante pour les citoyens. Dans cet esprit, au Canada c'est toujours le chef de l'opposition qui pose la première question. En Italie on connaît les questions à l'avance, ce qui transforme l'exercice en une sorte de rituel bureaucratique.

Toutefois, tous les Parlements reconnaissent que c'est dans les commissions permanentes que l'on travaille de la façon la plus efficace. En effet, c'est dans ce cadre que les parlementaires utilisent le mieux leurs compétences et qu'on est le plus proche de la fonction législative. Pour que le contrôle soit efficace, il faut que les commissions disposent d'informations appropriées. Il est donc essentiel de favoriser les contacts avec l'administration, les universités, les organismes indépendants, les experts. A cet égard, l'Assemblée nationale française a mis au point un modèle intéressant, celui des missions d'information. Il s'agit de confier à des parlementaires la tâche d'approfondir des questions spécifiques qui ne sont pas forcément liées à la procédure législative pour ensuite faire un rapport et mettre en lumière une éventuelle responsabilité du Gouvernement. Ce modèle français me semble propre à écarter le risque que l'on courrait en concentrant toute l'activité de contrôle dans les commissions, ce qui risquerait de l'y enfermer au détriment d'une diffusion externe. Les résultats de la mission sont exposés à l'opinion publique.

L'enquête parlementaire est peut-être l'instrument de contrôle le plus incisif. Les commissions ad hoc ont des pouvoirs du même ordre que les autorités judiciaires. Grâce à cet instrument, le contrôle parlementaire acquiert une perspective très vaste. On se situe ainsi bien au-delà de la fonction de contrôle du Parlement sur l'exécutif. Il est vrai que la proposition de créer une commission d'enquête parlementaire s'inscrit en général dans la logique des rapports entre majorité et opposition et, d'une manière générale, c'est l'opposition qui demande des enquêtes parlementaires. En Allemagne, le pouvoir qu'a le Bundestag de créer une commission d'enquête est facile à mettre en œuvre pour l'opposition, puisqu'il suffit d'un quart des députés pour la demander. Le pouvoir qu'ont ainsi les Parlements, qui touche au judiciaire, impose de réserver cet instrument aux questions d'intérêt général et toutes les forces politiques devraient parvenir à un consensus à cet égard.

C'est pourquoi, en Italie, je souhaite que l'on agisse d'une manière équilibrée et prudente car il faut bien savoir que ces enquêtes sont et restent de nature politique. A cette condition, il est possible de conjurer tout risque de déséquilibre constitutionnel. Au cours de ces dernières années, on a créé de plus en plus d'organismes spécialisés. Le Parlement assure le suivi d'un certain nombre de questions particulièrement délicates : information et sécurité, moyens de communications, etc. Il est absolument indispensable qu'il y ait une compétence transversale. C'est le cas pour les affaires communautaires dans les Parlements nationaux des pays de l'Union européenne. D'autre part, certains d'entre eux ont créé des instruments de contrôle liés directement à l'initiative des citoyens. Je pense notamment à l'ombudsman, le médiateur parlementaire qui approfondit différentes questions et présente un rapport au Parlement. Ce modèle a été transposé en Russie pour ce qui est de la protection des droits de l'homme. Il s'agit d'un domaine où les technologies modernes pourraient favoriser le dialogue entre citoyens et institutions.

J'en viens au contenu de cette fonction de contrôle. Le problème essentiel est la relation entre la qualité et la quantité. S'il n'est pas possible que les Parlements contrôlent tous les actes du Gouvernement, il est souhaitable que ce contrôle soit efficace et ait des résultats concrets, qui puissent être repris pour l'exercice des autres fonctions parlementaires qui sont de faire la loi et de donner des orientations politiques. En particulier, un certain nombre de domaines transversaux me semblent essentiels pour un fonctionnement correct de ce circuit institutionnel qui va du Parlement au Gouvernement. Je pense notamment au contrôle de la dépense publique. La référence dans ce domaine est souvent le Congrès des Etats-Unis, où le General Accounting office et le Budget office jouent un grand rôle. En matière de finances publiques en effet, il ne suffit pas de définir les grandes lignes des dépenses et des recettes et une évaluation a posteriori ne suffit pas non plus. Il est bon de surveiller systématiquement les flux financiers et, en particulier, d'évaluer l'efficacité des dépenses en fonction des objectifs fixés. Il ne s'agit donc pas d'une approche comptable mais d'une action très fortement politique. Notre Chambre des députés, pour ce qui est du suivi de la législation, a œuvré pour une rationalisation et a créé un comité législatif composé de façon paritaire de députés de l'opposition et de la majorité. Ce comité examine toutes les projets de lois et exprime des avis sur leur qualité. Par exemple, sont-ils compréhensibles pour le citoyen ? Enfin, à mes yeux il faudrait renforcer le contrôle parlementaire sur la politique étrangère et de défense. C'est particulièrement vrai pour les pays qui adhèrent à une organisation supranationale, telle l'Union européenne, à laquelle on délègue une partie toujours plus importante de la souveraineté nationale. Le contrôle parlementaire de la politique nationale de sécurité et de défense doit être renforcé, en particulier pour ce qui concerne les interventions militaires internationales, de plus en plus fréquentes. Dans certains pays, ce sont les Gouvernements qui prennent les décisions. Mais il est impensable que les Parlements ne participent pas à ces choix qui ont des conséquences politiques, économiques et humaines si grandes.

Je voudrais enfin souligner l'importance cruciale de la coopération entre Parlements pour le renforcement du contrôle parlementaire. Par exemple, je pense à des échanges d'expériences qui permettent de mieux connaître certains problèmes internationaux et à la promotion de la dimension parlementaire d'organisations internationales qui ont un rôle important à jouer. Chaque Parlement doit construire un réseau lui permettant d'intégrer les contributions de la société civile, par souci d'efficacité. C'est ainsi que l'on pourra adapter la fonction de représentation du Parlement à la complexité de notre époque et préserver son rôle démocratique.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Merci de cet intéressant exposé, riche d'enseignements pour le Parlement français, dans lequel vous avez d'abord traité des principes du contrôle parlementaire, mettant en garde contre le danger qu'il y aurait à entrer dans une logique de conflit avec l'exécutif : de fait, la recherche de l'efficacité, qui s'impose au Gouvernement et la recherche du consensus, mission du Parlement, sont complémentaires et le contrôle effectué par la majorité parlementaire ne saurait être regardé comme une atteinte au pacte majoritaire.

Rappelant ensuite les outils dont nous disposons
- commissions permanentes et commissions ad hoc, interpellations et questions au Gouvernement-, vous avez mentionné à ce dernier propos la pratique canadienne qui consiste à réserver la première question à l'opposition.

S'agissant enfin du contenu du contrôle, vous avez souligné qu'il ne saurait porter sur tout. Mais, s'il n'est pas sans limites, il a aussi des objets privilégiés, au premier rang desquels les finances publiques. Vous avez évoqué l'expérience américaine en ce domaine et souligné que, pour être efficace, ce contrôle ne devait pas être seulement comptable : l'approche de la dépense publique doit être politique aussi.

Vous avez relaté l'expérience italienne du comité pour la législation, composé à parité de membres de la majorité et de membres de l'opposition et qui donne son avis, non sur l'opportunité, mais sur la qualité des projets de loi. Je dois dire que, si un tel comité existait en France, il aurait bien du travail à abattre !

Vous avez enfin posé la question délicate entre toutes du contrôle de la politique internationale et de la politique de défense : y a-t-il place pour une diplomatie parlementaire ou tout doit-il rester sous la responsabilité du Gouvernement  ? Il me semble en tout cas que nos assemblées gagneraient en efficacité si elles s'engageaient résolument dans la voie de la coopération interparlementaire.

La parole est maintenant à M. Thierse, pour nous présenter l'expérience allemande.

M. Wolfgang THIERSE : Je tiens d'abord à remercier M. Casini pour l'excellente façon dont il a introduit notre débat. De fait, le contrôle parlementaire n'est pas un exercice aisé, compte tenu de la complexité de nos sociétés, de l'imbrication des problèmes, mais aussi des relations entre Etats et de la mondialisation, tous éléments qui limitent l'autonomie de décision des Gouvernements et donc nos capacités d'intervention.

A ces difficultés s'en ajoute une autre, particulière à l'Allemagne d'aujourd'hui et dont je n'ai pas fait état dans ma contribution écrite : la multiplication des commissions extraparlementaires. Le Gouvernement en a notamment créé récemment pour étudier la réforme de la Bundeswehr, les problèmes de l'immigration, les problèmes de bioéthique et pour préparer la réforme des retraites et certains se demandent si cette prolifération ne risque pas d'entraîner un affaiblissement du Parlement. Pour ma part, j'observe d'abord que ces commissions nous permettent de recueillir l'avis d'experts ainsi que de représentants de la société civile sur des questions complexes et, à ce titre, ils aident le Parlement et le Gouvernement dans leurs décisions. Elles contribuent ensuite à susciter un débat dans la société, débat d'autant plus utile que le Gouvernement actuel ne dispose que d'une majorité étroite et ne peut donc espérer imposer ses projets de réforme qu'en s'appuyant sur un consensus aussi large que possible.

En tout état de cause, comme je le fais remarquer à ceux qui m'interrogent à ce sujet, ces commissions ne font que soumettre des propositions et c'est le Parlement qui décide.

Pour exercer son contrôle, le Parlement allemand dispose, à côté des instruments classiques, d'un autre pouvoir qu'on ne retrouve peut-être pas sous cette forme dans tous les autres Parlements : je veux parler de nos commissions d'enquête, auxquelles M. Casini a d'ailleurs déjà fait allusion. Elles disposent de pouvoirs quasi judiciaires et, surtout, des droits très étendus sont reconnus à l'opposition dans ce cadre. Telle ou telle minorité parlementaire peut ainsi demander des investigations sur ce qu'elle estime être une erreur de gestion, sur les effets d'une décision qu'elle juge malvenue ou sur une affaire de confusion entre argent public et argent privé. Par exemple, une de ces commissions a été ainsi créée l'an dernier, pour examiner de prétendues contrevérités proférées par le Gouvernement, à l'occasion de la campagne électorale, sur l'état des finances publiques. En bref, c'est une épée de Damoclès qui peut être suspendue à tout moment au-dessus du Gouvernement mais c'est aussi une garantie importante pour les droits de l'opposition et donc du Parlement tout entier.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Le recours croissant aux commissions extraparlementaires, évoqué par M. Casini aussi, pose également problème en France... Mais il semble en effet que l'Allemagne se soit dotée de moyens de contrôle parlementaire assez originaux. A la lecture de votre contribution écrite, je relève ainsi que la présence d'un membre du Gouvernement peut être requise par un groupe ou par 5  % au moins des députés et que la constitution d'une commission d'enquête est obligatoire dès lors qu'elle est demandée par un quart des membres du Bundestag. Voilà des dispositions auxquelles nous pourrions réfléchir dans notre Parlement. En revanche, si je proposais que, comme votre commission du budget, notre commission des finances puisse être présidée par un député de l'opposition, je pense que mon groupe ne tarderait pas à s'interroger sur mon appartenance à la majorité !

Enfin, vous avez pris des dispositions pour contrôler les services de renseignement, mais nous avons commencé à faire de même... et il est nous est apparu que les députés chargés de ce contrôle devaient être habités par le sens de l'Etat et par la vertu de discrétion.

Sir Alan Haselhurst va maintenant nous présenter le système anglais et je lui saurais particulièrement gré de nous éclairer sur le « question time ». Beaucoup de nos collègues en parlent, et en parlent comme d'un modèle à suivre, mais je ne suis pas très sûr qu'ils le fassent en toute connaissance de cause. Si Sir Alan voulait bien nous apporter des précisions, je pourrais au moins leur rétorquer que je sais, moi, de quoi il s'agit ! Quel est donc le nombre de questions par séance ? Le temps en est-il limité ou non ? Les ministres en ont-ils connaissance par avance ? Les groupes opèrent-ils un filtrage ? Est-il vrai que, comme on le dit, les ministres peuvent ne pas répondre, s'ils estiment que la question est indiscrète ou sort de la compétence du Parlement, ou ne peuvent-ils répondre que par oui ou par non ? J'avoue que, si l'on permettait aux ministres français de répondre aux questions en deux mots seulement, nos séances de questions gagneraient beaucoup en vivacité et en intérêt !

Sir Alan HASELHURST : Je serai très heureux de répondre à toutes ces questions, mais je tiens avant tout à vous remercier pour l'organisation de cette conférence et pour votre hospitalité. Il est bien agréable de se retrouver ainsi entre amis de longue date, pour de nouveaux débats que j'espère aussi fructueux que les précédents. Pour ma part, je ne puis m'exprimer au nom de mon Parlement tout entier en raison de la nature politique de ma fonction, mais j'essaierai de vous fournir le maximum d'informations utiles.

Nos modèles parlementaires diffèrent à l'évidence même si, partout, les deux problèmes essentiels sont de concilier séparation et collaboration de l'exécutif et du législatif. Le système britannique se distingue par la part qu'il fait au conflit. La façon même dont nous sommes disposés dans notre salle - l'opposition faisant face à la majorité - incite au débat, sinon à l'affrontement ! De jeunes députés ont commencé à contester cette tradition. Nous avons donc expérimenté ce que nous appelons quelque peu improprement les séances « de Westminster Hall » : là, il n'y a pas de vote et l'aménagement de la salle est propice à une audition plus attentive des rapports - de ceux des commissions d'enquête notamment - et à une discussion consensuelle. Ces réunions offrent en outre des occasions supplémentaires d'entendre les ministres.

En Grande-Bretagne, on a eu de tout temps le sentiment que le Parlement représentait une gêne pour le Gouvernement, qui cherche perpétuellement à le contourner. Ainsi, certains ministres réservent l'annonce de leurs décisions aux médias, se comportant comme s'ils refusaient le débat parlementaire ! Notre président reçoit de nombreuses plaintes à ce propos et il nous faut donc réagir. D'autre part, la politique d'une majorité disposant d'une marge confortable est rarement remise en cause - or, la majorité actuelle est confortable - et le contrôle parlementaire est d'autant plus facile que la majorité est étroite. L'enjeu est particulièrement important pour l'efficacité de la dépense publique, ainsi que l'a souligné M. Casini, et, si nous avons une commission des comptes publics chargée de ce suivi financier, il faut bien constater que, faute d'informations disponibles à temps, nous ne pouvons souvent nous saisir des difficultés que des mois après qu'elles sont apparues.

Le contrôle du budget par le Parlement est également entravé par le manque d'expertise des députés. Pour bien des raisons, nos députés ont moins de connaissances que leurs prédécesseurs en ce domaine : on élit de moins en moins de gens ayant fait une carrière professionnelle, d'universitaires ou d'avocats, et de plus en plus de militants qui ont surtout l'expérience du porte-à-porte et des réunions politiques. D'autre part, si je puis faire allusion à ma propre carrière, un jeune député ne pourrait plus, s'il s'intéressait comme moi à l'aéronautique, visiter Boeing, McDouglas ou Lockheed. Le budget de nos assemblées ne permet plus de telles missions d'information. Notre chambre perd, là encore, beaucoup en efficacité, faute d'ouverture sur l'extérieur.

Il n'en va pas de même à la Chambre des Lords. Je sais quelle est votre curiosité à l'égard de cette institution que nous nous acharnons à réformer depuis plus de cent ans, sans résultats bien probants : toutes les propositions faites par le Gouvernement actuel ont ainsi été repoussées. Nous continuons donc d'avoir une deuxième chambre dont la majorité des membres sont nommés. On pourrait préférer qu'ils soient élus ou, à tout le moins, s'orienter vers un système mixte... Reste que cette chambre compte d'anciens Premiers ministres, d'anciens syndicalistes, des représentants du monde des arts et du monde des affaires, de sorte que la qualité des débats y est très élevée - ce qui ne serait sans doute plus le cas si ces membres étaient élus - et qu'elle apporte au Parlement des compétences qu'on ne trouve plus aux Communes.

Le « question time » fait actuellement l'objet d'intenses débats. Auparavant, les questions devaient être soumises quinze jours à l'avance. On a réduit le délai pour donner plus de vivacité au débat et, si la teneur des questions continue d'être communiquée au Gouvernement, les parlementaires peuvent maintenant poser une question supplémentaire dont le ministre interrogé n'aura pas forcément eu connaissance. Naturellement, et surtout si l'auteur de la question est membre de la majorité, ce ministre aura essayé de savoir de quoi il retournera. Si c'est le Premier ministre, Downing Street vous aura appelé et aura tenté de vous convaincre qu'en donnant cette information, vous obtiendrez une réponse plus précise. A vous de savoir comment réagir... Mais il est évident aussi que les ministres se préparent en essayant de deviner quelles questions supplémentaires l'opposition va bien pouvoir leur poser ! Le Premier ministre en particulier se livre à cet exercice, afin de disposer de réponses incisives propres à embarrasser son interlocuteur.

Une question efficace est une question brève et directe. Malheureusement, les parlementaires d'aujourd'hui ne savent plus surprendre le Gouvernement et ils embrassent un champ trop vaste, de sorte que le ministre peut choisir de répondre sur les points les plus faciles à traiter, en oubliant le reste, et tant pis pour le contrôle parlementaire !

La durée des réponses aussi tend à s'allonger, ce qui peut être une bonne chose à certains égards, mais il en résulte que, sur la trentaine de questions enregistrées, 14 ou 15 seulement peuvent recevoir réponse, en moyenne, au cours d'une séance d'une heure, malgré toutes les incitations à la concision venant du président.

D'autre part, la messagerie électronique est de plus en plus utilisée : une centaine de députés y ont déjà recours.

Les groupes politiques n'opèrent pas de filtrage, mais il arrive que les groupes d'études incitent leurs collègues à poser des questions sur le sujet qui les intéresse, pour accroître leurs chances d'obtenir une réponse.

Ayant répondu à M. Debré, je voudrais à mon tour interroger l'assistance : tout d'abord, selon vous, qui est le plus efficace, d'un député élu d'une circonscription et qui se doit à ses électeurs, ou d'un député élu à la proportionnelle et ayant donc des attaches plus lâches avec un territoire donné ? Il me semble que, soucieux de leur réélection, nos collègues passent de plus en plus de temps dans leur circonscription, ce qui les détourne de leur mission de contrôle.

D'autre part, avec la mondialisation mais aussi avec la nouvelle répartition des pouvoirs induite par l'influence grandissante de l'Union européenne, des décisions sont prises qui affectent nos circonscriptions sans que nous puissions dire notre mot. Est-ce à dire qu'il faut laisser les Gouvernements traiter entre eux et se résigner à ce que les Parlements soient évincés ?

M. Jean-Louis DEBRÉ : Merci de vos précisions sur le « question time », mais je renvoie aussi nos collègues à votre contribution écrite : ils y trouveront des idées utiles à un renforcement du contrôle parlementaire. Pour ma part, j'y ai relevé que, depuis 1979, chaque ministère britannique est contrôlé par une commission d'enquête qui en examine le fonctionnement et les dépenses. Ces commissions sont composées à égalité de membres de la majorité et de membres de l'opposition et les présidences sont réparties de même. De plus, au début de leurs travaux, ces commissions publient un appel dans la presse, demandant à tous ceux qui détiendraient des informations utiles de les leur communiquer par écrit : la France est encore loin d'une telle pratique... Enfin, les ministres doivent répondre au rapport de ces commissions dans un délai de deux mois.

D'autres commissions participent à ce contrôle : commission des comptes de l'Etat, commission de l'administration publique, commission d'audit environnemental, commission des droits de l'homme composée de membres des deux chambres. Cependant, j'aimerais demander à M. Hastert de revenir à son tour sur les commissions d'enquête en nous présentant le système américain, dont nous sommes tous de grands admirateurs sans toujours bien le connaître. Qui peut décider la création de ces commissions : la majorité seule, ou l'opposition aussi, de son propre chef ? Quelle est la durée de vie de ces commissions ? Peuvent-elle procéder à des auditions publiques ? D'autre part, les moyens dont elles disposent nous font tous rêver, mais pourriez-vous quand même les préciser ? Y a-t-il des sujets ou des matières qui leur sont interdits ? Enfin peut-on constituer une commission d'enquête lorsque existe une procédure judiciaire parallèle ?

M. Dennis HASTERT : Je vous remercie de votre invitation et de votre hospitalité.

La Constitution américaine a érigé la séparation des pouvoirs en principe absolu. Je rappellerai que nous n'avons que deux partis et que celui qui est au Gouvernement peut ne pas avoir la majorité au Parlement. Quant aux 435 membres de la Chambre des Représentants, ils sont élus au scrutin uninominal, chacun par 630 000 électeurs en moyenne, et doivent en principe répondre devant ceux-ci de leurs votes. Quels sont les pouvoirs du Congrès ? Il affecte les crédits. Il conçoit les lois - l'initiative n'appartient pas au Gouvernement, chez nous -, il les rédige et les promulgue. Enfin, il contrôle l'affectation des crédits et l'application des lois, c'est-à-dire qu'il vérifie que, sur ces deux points, les « bureaucrates » - ces fonctionnaires restent souvent en place pendant de longues années - ont bien respecté notre volonté à la lettre.

Notre chambre compte 19 commissions permanentes : pour la fiscalité, pour l'affectation des crédits, pour la santé, pour l'énergie... Chacune a ses missions propres et il n'est pas aisé de constituer une commission ad hoc sans empiéter sur le domaine réservé de telle ou telle. Il est encore plus difficile de réorganiser les compétences, comme nous avons essayé de le faire, pour la première fois dans l'histoire du Congrès, après le 11 septembre : nous avons créé une commission de la sécurité nationale chargée de veiller à la sécurité des ports et aéroports, ainsi qu'aux habilitations indispensables. Pour y parvenir, nous avons dû mordre sur les prérogatives d'autres commissions - et même parfois débaucher leur président !

S'agissant de la seule affectation des crédits, nous avons quelque 14 commissions ou sous-commissions compétentes, chacune dans un domaine particulier. C'est bien sûr le Président qui présente un projet de budget, mais c'est le Congrès qui décide où iront les fonds ; si l'exécutif veut imprimer une orientation particulière à ce budget, le Président doit venir devant nous pour défendre cette ligne.

Tenant les cordons de la bourse, le Congrès contrôle par là même une bonne part des politiques menées aux Etats-Unis. Mais il arrive parfois que les fonctionnaires ou les ministères n'appliquent pas comme nous le souhaitions les lois que nous avons votées. Nous avons alors la possibilité de les faire comparaître devant nous - et le Président lui-même peut se retrouver sur la sellette ! La procédure est d'un usage fréquent, surtout lorsque la majorité parlementaire ne coïncide pas avec la majorité au Gouvernement. Tel était précisément le cas, lors de mon premier mandat. J'appartenais alors à la commission chargée de contrôler le ministère de l'agriculture et je me souviens que, pour organiser jour après jour l'audition du Gouvernement, nous devions expliquer à nos collègues que rien ne servait de voter des lois et un budget si nous ne contrôlions pas l'action du Gouvernement ensuite. Bien sûr, cette situation est plus rare en Europe, où le parti au pouvoir contrôle en général le Parlement, mais chaque Représentant, chez nous, a le pouvoir de proposer des lois. En outre, nous pouvons mettre sur pied des commissions spéciales quand éclatent, par exemple, des « affaires » qui ne relèvent de la compétence d'aucune commission permanente. Ces commissions, dotées d'un budget propre et de moyens en personnel, sont constituées sur la base d'une législation également spécifique, promulguée par le Congrès pour une durée limitée et pour un objet clairement précisé. Cette loi doit être signée par le Président, de sorte qu'il y a équilibre entre les deux pouvoirs, conformément au système des « checks-and-balances », mais, en vertu de notre pouvoir d'assignation - subpœna -, les personnes que nous convoquons ont l'obligation de comparaître, qu'elles soient ministres ou simples particuliers, et elles doivent déposer sous serment. Mais, naturellement, la menace est si puissante qu'il n'est pas nécessaire, ni opportun, de la brandir à tout moment.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Je donne maintenant la parole à M. Watanuki qui, dans sa contribution écrite, nous a fourni des exemples à méditer, s'agissant du contrôle que le Parlement doit exercer sur l'administration.

M. Tamisuke WATANUKI : En fonction depuis 2000, je suis le seul d'entre nous, je crois, à avoir participé aux réunions qui ont préparé la rencontre de Kingston et c'est donc en cette qualité de doyen de la Conférence que je saluerai le succès de notre entreprise commune.

Le travail d'investigation administrative de notre Diète consiste à collecter informations et analyses et à vérifier le bon fonctionnement des administrations. Ce contrôle, qui répond au désir de transparence des citoyens, nous permet de traiter de matières qui ne peuvent être abordées dans le cours de l'activité législative ordinaire : législation déléguée et décrets, activité diplomatique ne conduisant pas à la signature de traités, aide au développement... il nous confronte donc directement aux effets de la mondialisation !

Les instruments de cette investigation sont les séances de questions-réponses, l'audition de ministres par les commissions, la citation de témoins... Nous pouvons également demander au Gouvernement de produire des documents ou envoyer des missions d'information, y compris à l'étranger.

Il est fréquent que des enquêtes importantes se déroulent en même temps que la discussion de projets de premier plan, et il arrive que majorité et opposition se battent sur le calendrier des travaux. Souvent, la participation d'un ministre à une commission chargée d'une mission d'investigation administrative ou la comparution d'un témoin deviennent des éléments de négociation. Lorsque la commission du budget se réunit, il est d'usage de débattre de l'ensemble des sujets concernant l'administration nationale et il n'est pas rare qu'au cours de cette discussion essentielle, on traite, pour des raisons de tactique politique, de sujets aussi secondaires qu'un scandale financier impliquant tel ou tel parlementaire, et ce malgré l'existence d'une commission d'éthique politique. La majorité et le Gouvernement souhaitent que la discussion budgétaire avance ; l'opposition, elle, entend demander des comptes à l'exécutif et cet affrontement perturbe l'ensemble des débats.

Cependant, la Diète a entrepris des réformes. En 1997, la Chambre des Représentants s'est dotée d'une commission « d'audit et de supervision de l'administration » et la Chambre des Conseillers d'une commission de « supervision de l'administration ». Nous recueillons maintenant les plaintes des citoyens et nous lançons des enquêtes. Nous avons établi une commission « des politiques fondamentales de la Nation » et introduit un « question time » à l'anglaise de sorte que, sur l'ensemble des affaires de l'Etat, le Premier ministre et les chefs de l'opposition peuvent dialoguer directement.

Le système parlementaire japonais était autrefois imité du système britannique, avec une chambre haute dont les membres étaient désignés. Aujourd'hui, Représentants et Conseillers sont élus. Et non seulement ils sont élus de la même façon, mais leurs délibérations se redoublent parfois. Pour réagir, on a décidé une nouvelle répartition des rôles : la Chambre basse, la Chambre des Représentants, vote le budget tandis que la Chambre haute veille à son suivi et à son règlement. Cette dernière se soucie par conséquent d'améliorer son contrôle sur toute une série de questions, telle l'aide au développement. C'est ainsi que nos deux assemblées marchent d'un même pas tout en affirmant leur spécificité.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Le Parlement canadien ne manque pas de traits originaux ! De la contribution écrite de M. Milliken, j'ai par exemple appris que des hauts fonctionnaires y étaient chargés de fournir des conseils et des analyses indépendantes de celles du Gouvernement. J'ai découvert que le comité des comptes publics 
- présidé par un député de l'opposition ! - devait examiner le rapport d'un personnage dont nous ignorons tout en France mais qui semble pourtant jouer un rôle non négligeable dans le contrôle parlementaire : le Vérificateur général. On trouve aussi dans ce Parlement un commissaire à la protection de la vie privée, un directeur général des élections et un commissaire aux langues officielles ! Nous attendons avec intérêt des précisions sur ces fonctions et organes...

M. Peter MILLIKEN : Je vous remercie, au nom de la délégation canadienne et, j'en suis sûr, de toutes les autres, pour l'organisation de cette conférence et pour votre magnifique hospitalité.

Le Vérificateur général est en effet un personnage important, pour notre Parlement comme pour notre Gouvernement. Sa mission est de vérifier les comptes de tous les ministères et c'est sur son travail que se fondent les rapporteurs parlementaires. Il dispose d'un budget et d'un personnel propres. Il remet chaque trimestre un rapport qui est transmis à la Chambre des Communes par son président - moi, en l'occurrence. Un parlementaire fait immédiatement rapport à la commission permanente des comptes publics, qui peut faire comparaître devant elle le Vérificateur ainsi que les responsables sur les comptes desquels il s'est penché, cela afin d'élucider les éventuels manquements. Le Vérificateur met régulièrement ses rapports à jour, examinant en particulier les améliorations qui auront pu être apportées en réponse à ses observations. Tout cela est à nouveau discuté en commission et en séance plénière.

La commission du budget peut indiquer au Vérificateur les questions à examiner de plus près et peut convoquer les responsables des ministères pour leur demander d'expliciter leur méthode d'affectation des crédits.

Au fil des ans - car il n'est pas d'institution récente -, le Vérificateur a su insuffler à l'administration le sens d'un usage responsable des deniers publics. Il arrivait autrefois qu'on reproche à nos Gouvernements de jeter l'argent par les fenêtres, de ne pas affecter les crédits conformément à la volonté du Parlement ou d'organiser de façon inéquitable les appels d'offres. Grâce au Vérificateur, ces abus grossiers ont disparu et tout donne à croire que les crédits sont maintenant affectés conformément aux lois et règlements.

Les autres fonctionnaires que vous avez mentionnés, Monsieur le Président, et notamment le commissaire de la vie privée, sont nommés par le Premier ministre, en général après consultation des responsables de l'opposition.

Le commissaire aux élections est indépendant : il n'est responsable que devant notre commission de la procédure et du règlement. Pour ce qui est du commissaire à la protection de la vie privée, le dernier a dû se démettre : certains lui reprochaient un excès de zèle, puis on l'a accusé d'avoir mal dépensé. C'est donc un commissaire intérimaire qui est actuellement en place et qui s'emploie à nettoyer les écuries d'Augias... Quant à la mission de ce fonctionnaire, c'est de s'assurer que le Gouvernement a respecté la loi en collectant des informations sur les particuliers et les a gardées confidentielles. Il fait ensuite rapport devant la commission compétente.

Les fonctionnaires dont je viens d'évoquer la mission sont très indépendants vis-à-vis du Parlement : ils peuvent mener les enquêtes qu'ils souhaitent dans les secteurs où ils veulent. Ils disposent pour cela de moyens propres, distincts de ceux des commissions. Ces « responsables parlementaires » sont très importants dans notre dispositif dans la mesure où ils fournissent des avis indépendants au Parlement et peuvent suggérer des améliorations quant à son fonctionnement. Ils apportent également une aide précieuse aux membres du Parlement. Je ne suis pas le plus compétent pour parler de leurs pouvoirs exacts mais d'une manière générale, ces pouvoirs sont assez larges, garantis d'ailleurs par le Règlement.

Je suis d'accord avec ce qu'a dit M Haselhurst sur les questions orales : si les questions sont trop longues, le ministre peut esquiver le point essentiel et se concentrer sur des aspects annexes. Nous avons donc limité la durée des questions à trente-cinq secondes et aucun préavis n'est nécessaire pour en poser. Si au bout de trente-cinq secondes, la question n'a pas été posée, je coupe le micro. Et de même pour la réponse. Ce règlement, que nous avons adopté il y a six ans, nous donne des séances extrêmement animées, au cours desquelles sont bien sûr posées beaucoup plus de questions qu'avant : nous en avons souvent une quarantaine. Pour des questions plus importantes, je prolonge le temps de parole. Cela dit, il ne m'est arrivé qu'une seule fois d'autoriser un intervenant à poser sa question en plus d'une minute. Les applaudissements sont autorisés mais s'ils proviennent du parti de l'orateur qui pose la question, je les décompte de son temps de parole. De toute façon, si l'orateur a vraiment quelque chose à dire, il continue de parler pendant les applaudissements.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Vous écoutant, je me suis pris à rêver. Si j'ai bien compris, vous interrompez l'orateur qui pose sa question au bout de trente-cinq secondes. En France, trente-cinq secondes, c'est déjà le temps que met le député pour se lever et s'approcher du micro ! Et lorsque je lui coupe la parole au bout de deux minutes et demie, c'est un drame ! Comme vous l'avez dit, plus la question est courte et incisive, moins le ministre peut l'esquiver. Plus elle est longue et comporte de digressions, plus le ministre a le temps de réfléchir à la bonne réponse...ou à la façon de ne pas répondre ! Pour avoir été à la fois ministre et député, je le sais d'expérience.

Je m'efforce, pour l'instant en vain, de l'expliquer à mes collègues députés, tant de la majorité que de l'opposition. Beaucoup d'entre eux voient dans les séances de questions au Gouvernement, plutôt que l'occasion d'interroger le Gouvernement, celle d'exposer leur opinion sur un sujet donné et transforment ainsi ce qui devrait être une question en un discours. Je vais m'efforcer, lors de notre prochaine session, d'obtenir des questions plus courtes et si, lorsque je coupe la parole à un orateur, cela suscite trop de chahut dans l'hémicycle, j'expliquerai que c'est vous qui me l'avez conseillé ! Le Président Loukine peut-il nous donner son point de vue sur le contrôle que doit exercer le Parlement sur le Gouvernement  ?

M. LOUKINE : J'interviens en dernier, mais ce n'est pas anormal, la Russie étant ici la démocratie la plus jeune. Nous avons encore beaucoup à apprendre, même si nous avons déjà beaucoup appris. Je vous transmets les salutations du Président de la Douma, qui vous prie d'excuser son absence. Mais il n'a pu se libérer, notre session parlementaire débutant aujourd'hui même.

Lorsque je préside la Douma, je demande toujours à mes collègues de veiller à ce que leurs questions soient bien des questions... c'est-à-dire aient une forme interrogative ! Nous avons déjà une certaine expérience du contrôle parlementaire, dont les règles sont fixées par la Constitution. Hélas, celle-ci n'en définit pas assez bien le cadre. L'article 101, relatif au contrôle du budget fédéral par les deux Chambres, dispose que ce contrôle est exercé par la Chambre des comptes.

L'article 114 traite, quant à lui, du rôle du Gouvernement, ainsi que des lois fédérales. L'article 102 dit que le Conseil de la Fédération doit approuver les décrets présidentiels pris dans des circonstances exceptionnelles, ainsi que l'engagement des forces armées. Le Conseil de la Fédération nomme également le Procureur général, choisit le vice-président de la Chambre des comptes, dont le Président est nommé par la Douma. L'article 103 dispose que les deux chambres se réunissent conjointement pour entendre le message du Président de la Fédération. Relève de la compétence d'Etat la ratification de la nomination du Président de la Fédération. Si la Douma refuse par trois fois les propositions du Président, celui-ci peut la dissoudre et de nouvelles élections ont lieu. L'équilibre, on le voit, penche plutôt du côté de l'exécutif. La Douma peut poser la question de confiance : il suffit que 90 députés en fassent la demande. La Douma nomme aussi le président de la Banque centrale de Russie, le président et la moitié des auditeurs de la Chambre des comptes - le vice-président et l'autre moitié sont nommés par le Conseil de la Fédération. Elle nomme également le commissaire aux droits de l'homme qui exerce son activité conformément à la loi constitutionnelle fédérale.

La Douma est aussi la seule à pouvoir proclamer l'amnistie ou mettre en accusation le Président de la Fédération de Russie en vue de sa destitution. Une telle procédure avait été mise en œuvre contre le Président Eltsine, mais elle n'a pas abouti.

Tels sont les pouvoirs de contrôle du Parlement sur le Gouvernement. Le problème est que les candidatures sont présentées par le Président. De même, le président du Parlement peut ou non présenter son programme. A mon sens, il serait plus judicieux que le Gouvernement présente son programme et qu'en fonction de celui-ci, le Parlement puisse assurer un contrôle efficace de l'action Gouvernementale. C'est sur le budget que le contrôle est le plus efficace et le plus concret. La Chambre des comptes a été créée par une loi fédérale spéciale de 1995, aux termes de laquelle le Parlement contrôle les dépenses du pouvoir exécutif. Un contrôle peut être effectué si un cinquième des députés le demande. La Chambre des comptes contrôle l'utilisation des sommes inscrites au budget et des dépenses extra-budgétaires. Elle en évalue également l'efficacité. L'an passé, 419 contrôles budgétaires ont été effectués, à l'issue desquels le budget de l'Etat s'est vu réaffecter un milliard de roubles. La Chambre des comptes est présidée par M. Stepachine, ex-Premier Ministre, dont l'autorité est incontestable en Russie.

Des commissions ad hoc temporaires, mises en place sur la base de l'article 101 de la Constitution, exercent également un contrôle, lequel est très variable.

Comme vous le voyez, le pouvoir est fortement présidentiel en Russie. En réalité, notre système s'inspire à la fois des systèmes européen et américain. Il existe incontestablement un problème d'indépendance des diverses branches du pouvoir. Le contrôle se développe, mais il reste, à mon avis, insuffisant. La majorité est hostile à la modification de notre Constitution, estimant qu'il faut laisser à cette première Constitution démocratique en Russie le temps de fonctionner avant de songer à l'amender.

Notre point fort en matière de contrôle parlementaire, c'est le budget ; notre point faible, la politique étrangère et le maintien de l'ordre. En fait, les forces de l'ordre s'opposent à ce que leur action soit contrôlée.

Pour toutes ces raisons, votre longue expérience nous est très précieuse. Je terminerai par un souhait. Le groupe que nous formons n'est pas encore assez connu des médias d'une façon générale. Nous devrions formuler des recommandations générales car les problèmes que nous rencontrons, comme ceux relatifs aux relations entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif, se posent dans tous les pays. Pourquoi ne pas définir certaines normes, souples bien sûr, puis les publier ? D'une manière générale, nos travaux gagneraient à être mieux connus et leurs résultats plus largement diffusés.

M. Jean-Louis Debré : Avant que nous n'interrompions nos travaux, je souhaiterais vous poser deux questions.

Pour que les Parlements puissent exercer leur contrôle sur les Gouvernements, ils doivent disposer des moyens matériels et humains nécessaires. Vos assemblées ont-elles une autonomie pour recruter leurs collaborateurs ? Peuvent-elles constituer une administration parlementaire autonome, indépendante de l'administration d'Etat ? De même, ont-elles ou non une autonomie financière ? Sont-elles libres d'affecter leurs crédits comme elles le souhaitent ? Comment ces crédits sont-ils déterminés ? Leur montant est-il fixé après concertation avec le Gouvernement  ?

Seconde question : qui, dans vos Parlements, fixe l'ordre du jour des débats ? L'opposition peut-elle faire inscrire certaines questions à l'ordre du jour ? En Grande-Bretagne, elle dispose, je crois, de vingt jours par an où elle peut demander à débattre des sujets qui l'intéressent.

M. Dennis HASTERT : Nous déterminons nous-mêmes notre propre budget ; en théorie, les ressources sont illimitées, mais nous devons prendre garde à l'opinion publique. S'agissant du personnel, nous bénéficions de crédits importants qui nous permettent de recruter les meilleurs, souvent issus du secteur privé.

Enfin, notre Parlement a une activité essentiellement législative et n'accorde que peu de place aux débats généraux.

M. Pier Ferdinando CASINI : Les budgets de la Chambre et du Sénat sont fixés lors de l'approbation annuelle de la loi de finances. La Chambre des députés, qui compte 630 parlementaires, reçoit 900 millions d'euros par an. Le Parlement procède lui-même au recrutement de son personnel. Quant à l'ordre du jour, il relève de la conférence des présidents de groupe. Le règlement prévoit qu'un quart du temps est consacré aux questions et textes de l'opposition.

Sir Alan HASELHURST : C'est vrai, l'opposition dispose de vingt jours, au cours desquels elle fixe elle-même l'ordre du jour. La commission de la Chambre des Communes, où le Gouvernement est minoritaire, détermine le budget, sous le seul contrôle, comme aux Etats-Unis, de l'opinion publique. Nous avons, nous aussi, entière liberté dans le choix du personnel de cette commission. Cette année, il a été dépensé, pour des raisons électorales, beaucoup plus d'argent dans les circonscriptions que pour le contrôle budgétaire. Cela étant, nous sommes toujours circonspects en matière de dépenses.

M. Jean-Louis DEBRÉ : II faut toujours utiliser l'argent public à bon escient. L'important est d'être autonome dans la consommation des crédits.

M. Wolfgang THIERSE : En Allemagne, la séparation est très claire entre le Parlement et le Gouvernement ; si le Gouvernement peut nous demander de faire des économies, il n'a pas de droit de regard sur notre budget. De même, nous sommes indépendants dans le recrutement du personnel, qu'il soit attaché aux députés, ou au fonctionnement du Parlement. Quant à l'ordre du jour, il relève d'une concertation entre les présidents de groupe du Parlement et, en cas de désaccord, du comité des Doyens. Notre règlement est très précis et prend en compte les droits de l'opposition. Le Chancelier et les membres du Gouvernement peuvent intervenir à chaque instant au Parlement, mais l'opposition a alors le droit de leur répondre.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Quel est le rôle et la composition du comité des Doyens ?

M. Wolfgang THIERSE : Le comité des Doyens est composé du Président et du vice-président du Parlement, des présidents de groupes, et d'un membre de la commission budgétaire. Il se réunit chaque jeudi après-midi pour traiter des questions litigieuses de la semaine, que l'on n'a pas intérêt à porter sur la place publique. Il fixe également l'ordre du jour de la session suivante, et traite de toutes les questions importantes relatives au fonctionnement du Parlement Fédéral, son budget par exemple. Je joue un rôle modérateur afin qu'un consensus puisse être trouvé.

M.Vladimir LOUKINE : Le fonctionnement de la Douma est assuré, pour les deux tiers, par une administration centrale et, pour le reste, par la Douma elle-même. La Douma compte six partis politiques, et trois associations de partis qui se répartissent les postes au sein des commissions. Les présidents de commission jouent un rôle essentiel dans le choix du personnel, pour lequel la douma est libre. La Douma est également indépendante dans l'établissement de son budget.

Concernant l'ordre du jour, un conseil regroupant les leaders des différents partis se réunit deux fois par semaine pour le fixer à la majorité des voix. Si le président du Parlement assiste aux séances, il n'a pas le droit de participer au vote. Tous les députés de la Douma peuvent, au début de la séance, porter une question à l'ordre du jour.

M.Peter MILLIKEN : Le budget de la Chambre des Communes est décidé par le « bureau de régie interne », que je préside et qui est composé de tous les partis de la Chambre, ainsi que de deux ministres. Le budget est ensuite soumis au Parlement et est voté en l'état. Concernant les droits de l'opposition, une partie du temps consacré aux questions lui est réservé ; en outre elle dispose, comme en Grande-Bretagne, de 21 jours pendant lesquels elle peut décider de l'ordre du jour.

M.Tamisuke WATANUKI : Un bureau des enquêtes, composé de 250 personnes, peut mener des enquêtes publiques, notamment dans le cadre de la commission sur le règlement comptable.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Chers collègues, je vous remercie. Ces très intéressants échanges de vues alimenteront nos réflexions respectives et celles de nos parlementaires, puisqu'un compte rendu de nos travaux vous sera transmis.

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DEUXIEME THEME : LE FINANCEMENT
DE LA VIE POLITIQUE

M. Jean-Louis DEBRÉ : Nous allons reprendre nos travaux mais auparavant, je vais donner la parole à M. Dennis Hastert qui a une communication à nous faire.

M. Dennis HASTERT : Je suis très heureux de vous inviter l'année prochaine aux Etats-Unis. Je sais qu'il sera difficile d'être à la hauteur de la merveilleuse hospitalité de nos hôtes français et, l'année dernière, de celle de nos hôtes canadiens. Je prendrai contact avec chacun d'entre vous pour déterminer une date, mais début septembre serait certainement le plus approprié. La réunion ne se tiendra peut-être pas à Washington : j'aimerais, en effet, vous faire connaître ma propre circonscription, Chicago. L'ordre du jour détaillé n'est pas encore fixé et je vous invite à entrer en contact avec nous si vous avez des sujets d'intérêt particuliers. Nous pourrons peut-être évoquer la technologie et l'influence qu'elle peut avoir sur nos travaux. Les Parlements bénéficient des technologies les plus modernes, et il faut s'interroger sur l'impact qu'elles ont sur notre travail et les relations entre parlementaires. En attendant, nous sommes très impatients d'organiser cette réunion et de vous voir en septembre prochain.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Merci de votre invitation, à laquelle nous sommes très sensibles. Beaucoup de sujets peuvent retenir notre attention. Peut-être devrons-nous nous interroger, par exemple, dans les années à venir, sur la place des Parlements nationaux dans le cadre de la mondialisation. Je pense que cette question appelle une contribution des présidents des assemblées du G8. Nous sommes tous confrontés à la mondialisation. Les Parlements nationaux ont-ils un rôle à tenir et lequel ? La multiplication des assemblées parlementaires à vocation internationale nous amène-t-elle à recentrer le travail de nos assemblées délibérantes ? Cette question a comme corollaire le problème de la légitimité des élus. Comment, forts de notre élection au suffrage universel, pouvons-nous influencer cette mondialisation ? J'espère que ce sujet recevra votre agrément pour un de nos prochains débats.

Je vous ai montré tout à l'heure une tapisserie représentant l'Ecole d'Athènes, d'après Raphaël, école au sein de laquelle les philosophes s'interrogeaient sur le sens de la vie. Nous ne sommes certes pas à l'Ecole d'Athènes, mais la question n'en est pas moins existentielle : que vont devenir les Parlements nationaux ? Ont-ils même encore un avenir ? Je la pose sous une forme quelque peu provocante, mais je pense que la réflexion sera utile pour les dirigeants de nos pays.

Nous abordons cet après-midi la question du financement de la vie politique, qui a soulevé de grandes discussions en France. Le grand écrivain Anatole France nous a enseigné qu'heureux sont ceux qui n'ont qu'une vérité, mais plus heureux, et plus grands, et plus forts sont ceux qui se sont aperçus qu'il y avait plusieurs vérités et que l'homme doit s'enrichir de cette diversité. Ce que nous allons entendre ici va donc nous permettre de réfléchir et, peut-être, d'interpeller nos consciences d'élus, de la même façon qu'en revenant de notre réunion de l'an dernier au Canada, nous avons chargé des groupes de travail de réfléchir aux expériences qui nous avaient été exposées. Je cède la parole à M. Peter Milliken.

M. Peter MILLIKEN : C'est un plaisir d'être ici et d'avoir l'opportunité de discuter de telles questions. Afin que ma présentation des règles de financement des partis politiques au Canada ne soit pas trop ennuyeuse, je poursuivrai mon intervention dans les deux langues officielles du Canada, le français et l'anglais.

Dans toute démocratie, il est important de se préoccuper de la collecte des fonds et des plafonds de dépenses électorales et donc des ressources des partis politiques. Au Canada, dans chaque circonscription, les partis politique nationaux et les candidats recueillent des fonds et engagent des dépenses pour les campagnes électorales. Le financement des élections et des partis politiques a été ces derniers mois au centre des débats. Le Gouvernement fédéral a décidé d'interdire la plupart des contributions versées auparavant par les personnes morales et les syndicats, de limiter les dons des particuliers et d'offrir des subventions publiques aux partis politiques enregistrés. Il s'agit de la réforme la plus importante en la matière depuis 1974.

Les campagnes électorales, qui dépendent beaucoup de la télévision et de la radio, sont devenues très coûteuses. Dans les années 1950, la préoccupation s'est fait jour que les petits partis ne soient pas désavantagés, ce qui représenterait un risque pour la démocratie et remettrait en cause la capacité de la vie politique à refléter la diversité de l'opinion. La loi de 1974 a mis en place un cadre pour le financement des partis. Elle prévoyait le remboursement d'un certain nombre de frais et un mécanisme de contrôle des dépenses. Elle visait ainsi à introduire une certaine équité entre les candidats et à améliorer la confiance de l'opinion publique dans le processus électoral. Il apparaissait important qu'il existe un financement public, qui ne soit cependant que partiel. Des changements ont été ensuite introduits pour rendre le processus politique plus équitable.

A l'échelon fédéral, ces changements ont été mineurs. Les questions des influences abusives et du coût des élections continuent à susciter de nombreux débats, et les discussions sur le bien-fondé de limiter les contributions politiques, la nécessité de restreindre les dépenses électorales et le niveau de financement public approprié sont toujours ouvertes. A l'échelle provinciale, depuis 1977, le Québec a interdit le versement de dons par les personnes morales et les syndicats, interdiction adoptée par le Manitoba en 2000.

Le 29 janvier 2003, le Gouvernement fédéral a déposé un projet de loi (C-24) qui vient d'être approuvé et entrera en vigueur en janvier 2004. Le président du parti majoritaire l'a qualifié d'« ensemble très hétéroclite ». Cette loi interdit les dons politiques de la part des entreprises et des syndicats et prévoit l'enregistrement d'associations de partis politiques au niveau des circonscriptions et une réglementation de la course à l'investiture au sein des partis eux-mêmes.

Alors que la législation de 1974 se concentrait sur les plafonds, la nouvelle loi se préoccupe essentiellement des contributions. Elle comprend également des dispositions sur le financement public et sur la réglementation des activités tant des associations de partis que de leur leadership. Les contributions individuelles sont plafonnées à 5 000 dollars, sauf en matière de course à l'investiture. Les contributions propres des candidats n'entrent pas dans cette limite : ils peuvent donc financer leur campagne par leur argent personnel. Les syndicats et associations ne sont pas autorisés à effectuer de dons, sauf pour une très petite somme. Les sociétés publiques ne peuvent pas non plus apporter de contributions politiques.

La nouvelle loi vise à empêcher les intéressés de contourner les limites et de cacher les sources des contributions. Elle veut aussi éviter que les personnes morales et les syndicats ne remettent des fonds à leurs dirigeants ou à leurs employés pour qu'ils contribuent à un parti. Les contributions indirectes sont également interdites, sauf, dans une mesure limitée, celles faites par l'intermédiaire d'organismes de collecte de fonds.

Jusqu'à présent, les candidats et partis n'étaient pas enregistrés séparément et n'étaient pas tenus de faire des rapports directs. Le projet de loi C-24 prévoit que les associations de circonscription, considérées comme des associations électorales, puissent s'enregistrer. Elles devront alors communiquer des informations et établir un rapport tous les ans. A l'heure actuelle, seuls les candidats et partis politiques enregistrés sont assujettis à des plafonds de dépenses, et uniquement en période électorale. Le plafond dépend, pour les candidats, du nombre d'électeurs dans leur circonscription et, pour les partis, du nombre d'électeurs des circonscriptions où ils présentent des candidats.

La nouvelle loi instaure également des limites de dépenses aux candidats à l'investiture. En effet, même si les courses à l'investiture sont en général peu coûteuses, il y a des exemples de campagnes très médiatisées et dépensières. Les campagnes d'investiture font partie intégrante du processus électoral et peuvent influer sur l'élection qui suit. L'instauration de limites de dépenses et de ressources vise à uniformiser les règles du jeu et à aider les candidats traditionnellement désavantagés, tels que les femmes et les membres des minorités. Le fait que les courses à la direction des partis politiques ne soit pas réglementées était considéré comme une lacune depuis longtemps. Un rapport au Parlement souligne que le choix d'un chef peut être un événement politique extrêmement important, qui oblige parfois à dépenser des sommes considérables. Diverses propositions ont été faites pour garantir un financement transparent. La nouvelle loi retient notamment l'institution d'un rapport sur les contributions et les dépenses.

La nouvelle loi contient d'importantes mesures de financement public qui visent à indemniser les partis de la perte des contributions des personnes morales et des syndicats, qui sont le plus souvent versées aux partis plutôt qu'aux candidats ou aux associations de circonscription. Les partis politiques forment le cœur de tout régime politique moderne et sont, dès lors, essentiels au dynamisme du système démocratique. Savoir si cela implique un financement public et de quel niveau est donc un important débat politique et philosophique.

La nouvelle loi semble particulièrement tendre à améliorer l'équité et la transparence. Elle a pour une part été motivée par les prescriptions relatives aux abus d'influence et par les allégations de scandale, mais certaines de ses dispositions étaient réclamées depuis longtemps par les observateurs de notre régime. Ce texte vise à rétablir la confiance du public dans le régime électoral et le processus démocratique. Savoir si il permettra d'atteindre ces objectifs fera sans doute l'objet de nombreuses discussions.

En conclusion, s'il est indéniable que ce système est démocratique, certains doutent qu'il soit équitable : il faut beaucoup d'argent pour avoir du succès en politique, et l'accès au financement pour certains partis ou candidats représente un atout majeur. Il est à la fois primordial que les candidats puissent collecter les fonds qui leur sont nécessaires et que des limites soient imposées. En 1974, le Canada a mis en place un système mixte, comprenant des subventions directes et indirectes, qui visait à limiter les disparités entre les candidats et à remédier à un certain nombre d'abus dans la collecte de fonds, tout en veillant à ce que les partis disposent des fonds nécessaires à leur activité. Les critiques portaient sur son manque d'équité et le fait que collecter de l'argent devienne plus important que savoir convaincre. Il fallait donc trouver un compromis acceptable, tant politiquement que pratiquement. Le Manitoba a, par exemple, interdit les dons des syndicats, en contrepartie d'un régime financier et fiscal très favorable. La nouvelle loi (C-24) tente de parvenir à plus de transparence et d'équité et veut empêcher les donateurs trop puissants d'exercer leur influence. Les changements en cours sont considérables et il sera passionnant de suivre leur application dans la pratique. Il sera en revanche également primordial de réduire le cynisme de l'opinion publique face à ce processus.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Ainsi, depuis trente ans, le législateur canadien a voulu limiter les dépenses et contrôler la publicité des partis lors des élections, en échange d'un système de financement public. La loi qui doit entrer en application le 1er janvier 2004 interdit aux personnes morales et aux syndicats de verser des contributions lors des élections et limite les contributions individuelles. En contrepartie, elle améliore le financement public. Enfin, il existe un crédit d'impôt pour contribution individuelle.

Cette législation, proche de la législation française, recherche une forme d'équilibre. La limitation du financement privé est compensée par l'intervention de l'Etat. La législation en vigueur aux Etats-Unis, que j'avais étudiée en y venant suivre les dernières élections présidentielles, est très différente. Les candidats ont le choix entre un financement privé ou des subventions publiques plafonnées. Le président de la chambre des représentants va nous en exposer le principe.

M. Dennis HASTERT : Je vous remercie. Aux Etats-Unis, nous avons fait exactement l'inverse de ce qui a été fait au Canada. La réforme est d'ailleurs examinée en ce moment par la Cour suprême, car nous nous demandons si la nouvelle législation est constitutionnelle. La liberté d'expression doit être respectée. Si vous soutenez un candidat, vous devez pouvoir lui donner de l'argent. Il n'y a pas, chez nous, de financement public. Si le Gouvernement consacre de l'argent à l'organisation des campagnes électorales, il ne peut financer des campagnes individuelles.

Personnellement, je me suis opposé à la réforme du financement des campagnes électorales, considérant que tout le monde était satisfait de la législation existante. Il n'y avait pas de problèmes, si ce n'est des réactions dans les colonnes du New York Times, du Washington Post ou du Los Angeles Times... Aux Etats-Unis, les journaux souhaitent avoir une influence politique. Ce ne sont pas des sarcasmes de ma part : nous avons assisté à un combat entre la presse, libre d'ailleurs, et la liberté d'expression électorale. Les journaux ont souhaité accroître leur pouvoir, au détriment des partis politiques. L'ancienne législation autorisait les particuliers à financer les campagnes électorales. On a souhaité qu'ils cessent de soutenir les partis politiques. C'est le contraire de ce que voulaient les pères fondateurs.

Actuellement, une campagne peut coûter plus de 2 ou 3 millions de dollars. Qui apporte cet argent ? Quelqu'un qui veut défendre une position particulière, par exemple pour ou contre l'avortement. Au lieu d'avoir un large éventail de propositions, nos candidats tendent de plus en plus à ne défendre qu'une seule opinion, en raison de leur financement.

Les dons des particuliers sont plafonnés à 2 000 dollars par candidat et par élection. Le plafond est de 10 000 dollars pour un comité de parti d'Etat, de 25 000 dollars pour un comité de parti national et de 95 000 dollars pour l'ensemble de ces organisations sur deux ans. C'est ce que nous appelons « hard money ». Quant au « soft money », c'est l'argent versé par les entreprises, mais depuis novembre ces versements sont interdits et passibles de cinq ans de prison.

Si nous parlons de « hard money », c'est parce que cet argent est difficile à trouver. Pour être élu président de la Chambre des représentants, je dois faire une véritable campagne électorale. J'ai passé vingt jours sur la route, pour rencontrer mes collègues. Cela fait beaucoup de nuits d'hôtel, beaucoup de discours. C'est un travail difficile.

La nouvelle législation viole à mon avis la Constitution et c'est pourquoi la Cour suprême est en train de l'examiner.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Ce matin, sur le contrôle parlementaire, il y avait convergence. Nous avions tous des aspirations communes. Cet après-midi au contraire, nous voyons des approches radicalement opposées. Le rôle de président est difficile quand le consensus est impossible !

L'expérience du Royaume-Uni est elle aussi intéressante. Il n'y a pas de financement direct par l'Etat, nos amis britanniques ne voulant pas prendre part au financement de partis auxquels ils n'adhèrent pas. Cependant, un financement public est accordé aux partis d'opposition pour leur activité parlementaire, les déplacements et les dépenses de fonctionnement nécessaires au bureau du leader de l'opposition. En outre, une subvention est accordée pour l'élaboration du programme. En France, il faudrait beaucoup d'argent pour que l'opposition, quelle qu'elle soit, soit en mesure de rédiger un programme !

Sir Alan HASELHURST : J'ai cru que vous alliez tout dire ! Vous avez fait un bon résumé de la situation. Le financement n'est pas proportionnel à l'importance du parti. En tant qu'élu, je serais préoccupé si certains électeurs avaient contribué significativement à ma campagne. Il faut une forte volonté pour traiter de la même manière celui qui vous a donné 5 000 livres et celui qui n'en a donné qu'une.

Je respecte les principes fondamentaux du système américain, mais si les élus ne s'intéressent qu'à ceux qui les soutiennent, la démocratie est en danger. Ce qu'il faut c'est déterminer comment doit être gouverné le pays dans son ensemble. Je m'inquiète, par ailleurs, de constater que de plus en plus de gens se désintéressent de la politique. L'argent ne pourrait-il pas financer des actions qui ravivent leur intérêt pour la chose publique ?

Lors des élections locales, il y a eu des débats à la télévision et une chaîne est allée auprès d'un syndicat étudiant. L'attitude constatée alors était du genre « je ne suis pas d'accord avec le Gouvernement sur tel ou point, cela signifie que les hommes politiques ne nous écoutent pas ». En fait, ils écoutent mais ils peuvent être d'un autre avis que ceux qu'ils écoutent. Une éducation à la politique est nécessaire. En Grande-Bretagne, pendant une campagne électorale, les gens nous reprochent souvent de ne les rencontrer que lorsque nous ne cherchons leurs voix. Mais si j'annonce que je reçois à la mairie le vendredi, j'estime avoir de la chance s'il y a six personnes qui viennent. Les gens ne viennent pas et il ne peut donc pas y avoir de dialogue.

Il n'est pas étonnant dans ces conditions que l'importance de la presse se renforce : des questionnaires sont distribués pour savoir ce que les gens pensent d'un sujet ou d'un autre et les enquêtes d'opinion publique deviennent un fait politique. J'ai, par exemple, reçu aujourd'hui un message disant que 59  % des gens pensent ceci ou cela et me demandant ce que j'en pense, moi. Mais ces gens ont-ils vraiment réfléchi en profondeur à la question ? A l'évidence non ; mais les enquêtes d'opinion publique n'en prennent pas moins une importance croissante, à mes yeux beaucoup trop grande.

Je souhaite vraiment que nous réussissions à instaurer une démocratie véritable, mais j'ai parfois la triste impression qu'il faut pour cela dépenser de l'argent public, non pour financer tel ou tel candidat mais pour mieux sensibiliser l'opinion publique à l'importance de la vie politique. J'exprime là une vision personnelle, car nous avons en réalité une approche assez puritaine du financement de la vie politique. La plupart des gens ne donnent pas pour leur syndicat, sauf s'ils en attendent quelque chose, mais ils n'auraient pas non plus envie que des financements plus importants soient octroyés aux partis politiques.

M. Jean-Louis DEBRÉ : J'ai toujours été fasciné par le génie italien. Nos amis italiens savent toujours trouver des solutions équilibrées, astucieuses et intelligentes. En Italie, si je comprends bien, il y a une contribution de l'Etat au remboursement des frais électoraux et un financement émanant des particuliers. Il existe donc à la fois un financement public et privé. Il y a également un mécanisme destiné à favoriser la participation des femmes à la vie politique. C'est un système intéressant, que nous avons un peu repris en France. Je sais bien qu'entre les femmes et les hommes, il ne doit pas y avoir de question d'argent, mais si les subventions peuvent favoriser l'intervention des femmes dans la vie politique ! M.Casini va nous parler du système italien.

M. Pier Ferdinando CASINI : Je suis désolé de devoir vous décevoir, Monsieur le Président, mais dans ce cas, je ne pense pas pouvoir donner mon pays en exemple. En effet, je dois dire que je suis personnellement assez pessimiste sur cette question du financement. Nous sommes plus proches du choix canadien que de celui des Etats-Unis mais à mon sens, il n'y a pas de solution idéale. Nous avons décidé que les partis politiques doivent être remboursés au prorata des voix qu'ils recueillent. Chacun peut, d'autre part, apporter à un parti politique une contribution financière, qui doit être déclarée au fisc, à la fois par celui qui donne et par celui qui reçoit, ainsi qu'à la Chambre des députés.

Lorsque les élections se faisaient à la proportionnelle, il n'y avait pas de plafonnement des dépenses électorales. Quand nous sommes passés au scrutin uninominal, nous avons imposé un plafonnement des dépenses de chaque candidat pour sa campagne, l'objectif étant de moraliser la vie politique. Je ne sais pas si cet objectif a été atteint, je ne sais pas non plus qui pourrait jeter la première pierre.

Recevoir une contribution constitue une limite du point de vue éthique, à la frontière entre le légal et l'illégal, pose un problème d'appréciation qui est de la responsabilité de chacun et ne peut pas être tranché par une norme. C'est à chaque homme ou chaque femme politique de décider s'il accepte un don de telle ou telle provenance. En principe, les partis sont tenus d'investir 5  % des sommes reçues en faveur de la participation des femmes à la vie politique. Il n'en demeure pas moins que l'Italie compte seulement 9  % de femmes au Parlement, ce qui est le taux le plus bas. D'ailleurs certaines femmes réclament une loi sur la parité. Personnellement je suis contre car, s'il y a des hommes stupides et d'autres intelligents, c'est la même chose pour les femmes. Il n'y a donc pas de raison de créer un couloir préférentiel pour les femmes, ni d'imposer des quotas. Une orientation aussi dirigiste irait à l'encontre de la démocratie libérale : les électeurs doivent rester libres de leur choix, y compris entre un homme et une femme. Reste que la situation n'est pas satisfaisante en ce qui concerne le nombre de femmes élues au Parlement. Mais comme je l'ai déjà dit, la stupidité est un phénomène transversal qui touche aussi bien les hommes que les femmes et l'important est que le Parlement soit composé de personnes intelligentes, hommes ou femmes.

Nous avons un système de contrôle des financements, confié à la chambre des députés, plus précisément à un collège de réviseurs. Nous avons également prévu des sanctions. Je m'arrêterai là, car il y a une chose que je ne souhaite pas dire, c'est si cette législation est respectée par tous ou non. Comment savoir si un parlementaire a affranchi mille ou dix mille lettres ?

Nous avons pléthore de règlements en ce domaine, mais les règlements ne suffisent pas. Il faut aussi pouvoir compter sur la conscience de chacun.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Le système japonais est très particulier, me semble-t-il, du fait de la composition de la Diète, qui comprend 180 députés élus à la proportionnelle et 300 au scrutin uninominal. Pour les élections au scrutin uninominal, les dépenses engagées par les candidats sont soumises à un plafond et financées par l'apport personnel des candidats ainsi que par les dons recueillis par les partis. Par contre, pour les élections à la proportionnelle, où la campagne est menée d'abord par les partis, il n'y a aucun plafond de dépenses et les partis peuvent dépenser autant qu'ils veulent. Est-ce bien cela, Monsieur Watanuki, et pouvez-vous nous apporter des précisions sur votre législation ?

Comme l'a très bien dit le président Casini, il ne s'agit pas seulement d'avoir des règles concernant le financement de la vie politique mais aussi de savoir qui va contrôler leur bonne application et comment. Est-il vraiment possible de contrôler ce qui est parfois caché ?

M. Tamisuke WATANUKI : II existe dans notre pays à la fois des contributions aux particuliers et aux partis. Les premières sont plafonnées et rendues publiques. Les secondes ne sont pas plafonnées et elles peuvent ensuite être reversées à des particuliers. Dans le cas des scrutins uninominaux, il y a deux comptes bancaires : un pour le candidat et un autre pour le parti. Dans le cadre de la proportionnelle, un même candidat peut recevoir des contributions en tant que particulier mais aussi de la part d'un parti. L'aide publique répartie entre les partis s'élève à 250 yens par habitant, soit environ 2 dollars. Il y a donc diverses voies de financements politiques. Des réceptions sont organisées pour collecter des fonds. Les billets sont vendus pour financer les partis mais, là aussi, il y a un plafonnement, puisqu'une même personne ne peut pas acheter pour plus de 200 000 yens de billets. Cette source de revenus, tout à fait centrale car de telles réceptions sont organisées pratiquement tous les jours, est bien sûr rendue publique.

M. Jean-Louis DEBRÉ : En Allemagne ont été instituées des fondations qui jouent un rôle très important dans la vie politique, notamment pour la formation des candidats. Interviennent-elles aussi dans le financement des grands partis ?

M. Wolfgang THIERSE : Je dirais d'emblée que les fondations ne doivent pas financer les partis.

M. Haselhurst a raison de souligner qu'il n'y a pratiquement aucun sujet politique qui se prête autant au populisme et aux préjugés que celui du financement de la vie politique. L'opinion publique pense que les hommes politiques reçoivent de toute façon trop d'argent. Ce préjugé populaire est alimenté par certains journaux.

En ce qui concerne le financement des partis, il faut distinguer deux aspects. D'abord, le financement du travail parlementaire. En Allemagne, il y a une dotation financière pour les groupes parlementaires, l'opposition bénéficiant d'un bonus car elle est supposée avoir moins facilement accès aux deniers publics que les partis de la majorité. Les frais des députés sont remboursés de façon forfaitaire. Nous nous étions demandé si cela ne devait pas se faire plutôt au cas par cas mais cette option a été écartée au nom de l'indépendance parlementaire, laquelle ne doit pas être entravée par le contrôle d'un fonctionnaire du Gouvernement. Nous avons donc conservé cette indemnité forfaitaire, tout en étant conscients qu'elle alimente la méfiance de l'opinion.

S'ajoutent à cela les fondations des partis, dont le budget est presque entièrement pris en charge par l'État. Elles ont pour tâches la formation et la communication politiques, en Allemagne, mais aussi à l'étranger : la fondation Friedrich-Ebert et la fondation Konrad Adenauer font ainsi un important travail de formation à la vie politique en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Elles ne doivent pas travailler pour les partis politiques stricto sensu. J'en viens au second aspect. Aux termes de la Constitution allemande, les partis contribuent à la formation de la volonté politique des citoyens : au-delà des campagnes électorales, il s'agit donc de financer un travail politique permanent. La Constitution stipule également que les partis doivent rendre des comptes publics sur l'origine de leurs ressources et sur leurs dépenses. La législation sur les partis définit les modalités de cette obligation et vous ne serez pas étonnés d'apprendre qu'elle a été souvent modifiée. Comme le Président du Parlement est chargé d'en contrôler l'application, il est amené à prononcer des sanctions, ce qui fait qu'il n'est pas très aimé par les partis concernés. J'ai eu à prendre de nombreuses décisions de ce type l'année dernière et c'est un rôle un peu ingrat, mais il faut bien s'en accommoder ! Si nous avons opté pour ce système, c'est parce que toutes les propositions tendant à faire contrôler les finances des partis par une autorité administrative se sont heurtées à leur refus, au nom de la liberté des partis.

Nous avons un système de financement mixte, combinant les aides publiques et les ressources propres : cotisations des membres (elles représentent l'essentiel du budget de mon propre parti et c'est le cas d'autres partis allemands), dons, recettes générées par diverses activités. Le financement public est calculé en fonction, d'une part, des ressources propres provenant des dons et cotisations, d'autre part, des résultats obtenus aux élections ; le soutien de l'Etat n'a qu'un rôle de complément et ne doit pas représenter plus de 30  % des ressources. L'idée de base est qu'un parti doit rester indépendant à la fois de l'Etat et des gros donateurs.

Il n'y a pas de plafonnement des dons, ni de restrictions quant au statut juridique des donateurs. Mais quand les dons cumulés d'une personne morale ou physique dépassent 10 000 euros par an ou 50  % du budget d'un parti, ils doivent être publiés dans le rapport financier ; pour les dons dépassant 50 000 euros par an, la publication immédiate est obligatoire. Cette transparence permet aux citoyens de savoir de qui chaque parti ou candidat tire ses ressources et ce contrôle démocratique nous paraît plus efficace que l'interdiction ou le plafonnement des dons, qui peuvent toujours être contournés.

Les déductions fiscales pour dons aux partis sont limitées : 3000 euros par an pour les particuliers, un peu plus pour les entreprises.

En cas d'infraction à la transparence, la sanction est lourde : le parti doit payer une amende égale au double ou au triple du don illicite ou non rendu public et ces infractions sont consignées.

La législation sur les partis a été souvent modifiée, elle s'étoffe constamment. Je suis responsable du contrôle de son application, mais comme je ne suis pas juriste professionnel, nous avons décidé de soumettre les comptes des partis à des experts assermentés, en veillant à en changer assez souvent pour éviter d'éventuelles collusions.

En résumé, la transparence et les sanctions financières sont les principaux moyens de contrôle du financement des partis en Allemagne.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Merci. Notre ami le Président Loukine peut-il maintenant nous dire comment les choses se passent à la Douma d'Etat et dans la Fédération de Russie ?

M. Vladimir LOUKINE : Le financement de la vie politique est un thème de débat très important en Russie actuellement. C'est la cinquième fois que je participe à des élections et le système a beaucoup évolué.

Lors des premières élections, en 1990, il n'y avait pratiquement pas de personnes riches en Russie et les communistes au pouvoir ne contrôlaient plus la situation. Ces élections se sont donc faites pratiquement sans fonds et elles étaient réellement libres. Il y avait des orateurs éloquents et virulents et les électeurs tranchaient entre eux.. Puis des réformes ont été opérées Un système d'économie de marché sans filet social a été instauré, sur le modèle américain, et certaines personnes ont accumulé des richesses. Des plafonds de dépenses ont été fixés pour les élections mais, comme ils étaient bas, ils n'étaient plus respectés. Nous avons maintenant un mode de scrutin mixte, comme en Allemagne : la moitié des députés sont élus au scrutin uninominal et la moitié sur des listes. Les plafonds de ressources propres ont été fortement relevés et s'établissent maintenant à 8 millions de dollars par parti et 200 000 dollars par candidat individuel. Mais peu de candidats étant en mesure de collecter de telles sommes, les plus riches ont un net avantage. Personnellement j'ai une certaine notoriété dans ma circonscription, mais pour des candidats nouveaux, percer est très difficile.

Nous assistons donc à la création d'une oligarchie politique liée aux milieux financiers, ce qui n'est pas conforme aux principes démocratiques. Il y a donc un débat important sur cette législation. Les nouveaux riches souhaitent un relèvement des plafonds, alors que d'autres personnes plaident pour un financement public. Actuellement l'Etat ne fournit qu'une contribution très faible, de l'ordre de 1 ou 2  %. Par ailleurs, la législation n'interdit pas le financement par les lobbies : des mesures en ce sens ont été souvent discutées, mais jamais adoptées. Le parti auquel j'appartiens a l'intention de présenter de nouvelles propositions. L'administration fédérale a aussi le pouvoir d'influer sur les résultats en favorisant ou non tel ou tel programme d'investissement.

Un autre problème vient de ce que beaucoup de fonds circulent en liquide, ce qui fausse tous les contrôles.

Notre système de financement de la vie politique aurait donc grandement besoin d'être amélioré. Je pense qu'il vaudrait mieux que le financement soit accordé par l'Etat, avec des règles strictes et transparentes et des contrôles assortis de sanctions sévères. Il est vrai que la corruption au plus haut niveau est un problème important. Il me semble que le système canadien serait le plus approprié.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Merci. Si chacun d'entre vous a souligné l'importance de la question du financement de la vie politique, certains ont aussi montré qu'elle pouvait engendrer des réactions d'antiparlementarisme ou de populisme. Interdiction de financement faite aux entreprises privées, financement par l'Etat, plafonnement des dépenses... on trouve toutes les formules. Mais on bute souvent sur la question du contrôle effectif des dispositions législatives.

On constate d'autre part un désintérêt de l'opinion - de nos opinions publiques - pour la vie politique, pour le fait politique et pour nos travaux. En France, il y a quelques années, voire quelques paires d'années, comme on dit en Normandie, plusieurs journaux s'attachaient à relater la vie parlementaire et y consacraient une importante rubrique... Aujourd'hui, nos amis journalistes s'intéressent de moins en moins à la vie des Assemblées, à la seule exception des questions d'actualité. De leur côté, les parlementaires semblent s'intéresser davantage à leurs interventions locales que nationales, si bien que l'absentéisme se développe, et ce en dépit de moyens financiers de plus en plus importants donnés aux groupes parlementaires ainsi qu'aux partis. J'aimerais donc vous interroger sur les moyens que vous mettez en œuvre pour faire connaître les travaux de vos Parlements respectifs. J'aimerais en particulier savoir si vous avez institué à cet effet des chaînes de télévision ou de radio parlementaires, financées par les assemblées. Avez-vous des médias qui alertent l'opinion sur l'importance des débats - souvent de très grande qualité - qui ont lieu dans nos enceintes ? Ma question est liée à celle du financement, car le but du financement politique n'est pas seulement de moraliser la vie politique mais aussi de lui donner un dynamisme. La vie de nos assemblées doit être au cœur du débat politique. Mais pour qu'il en soit ainsi, il faut que nous réussissions à convaincre nos concitoyens que ce qui se passe dans nos assemblées correspond bien aux enjeux de l'avenir. Si vous avez de telles chaînes, qui les dirige et quelle est leur audience ? Je sais qu'en Allemagne, cher Wolfgang Thierse, vous avez une expérience intéressante de chaîne parlementaire.

M. Wolfgang THIERSE : Nous avons effectivement une chaîne de télévision qui nous est propre mais qui fait partie du système public, puisqu'elle est gérée par TARD, qui est notre deuxième chaîne publique : elle s'appelle Phénix. Les débats sont aussi diffusés sur d'autres chaînes. D'autre part, le Parlement fédéral dispose du personnel et des moyens techniques nécessaires pour diffuser ses propres images ou pour les vendre - à un prix très modeste - aux chaînes de télévision privées. Nous n'avons pas notre propre station de radio, mais nous pouvons envoyer des images et du son depuis l'hémicycle.

Nous publions également un bimensuel intitulé Le Parlement, qui rapporte les débats les plus importants et ce qui se passe dans les lánder. Ce périodique constitue un support essentiel pour la formation de l'opinion politique. Parallèlement, nous diffusons « Aperçu sur le Parlement », qui retrace l'essentiel des débats en commissions.

A mon sens, c'est en commission que se déroule la partie la plus importante de nos travaux. C'est notamment là que les membres du Parlement sont les plus assidus. Or l'opinion publique ignore tout des travaux des commissions car la télévision ne les retransmet pas. Sans doute faudrait-il y inviter les journalistes. Nous avons déjà essayé de diffuser des synthèses des travaux des commissions mais cela n'a pas eu de succès car le public les a jugées trop ennuyeuses !

En Allemagne, on déplore que les débats politiques importants ne soient plus diffusés sur la chaîne parlementaire mais dans les talk shows et autres émissions de divertissement. Le danger d'une telle situation est connu, mais que faire pour y remédier ? En tant que parlementaire, je ne puis interdire à mes collègues de participer à des émissions de télévision. Et je ne peux pas davantage empêcher que certains sujets d'intérêt majeur soient insuffisamment évoqués par la télévision. La discussion des sujets les plus controversés nous occupe toujours au moins deux semaines. A la télévision, tout va beaucoup plus vite ! Et puis, les travaux parlementaires ne seront jamais aussi divertissants que des programmes de télévision ! Moi-même, lorsque je veux me divertir, ce n'est pas à la Chambre que je vais mais au cinéma... ou ailleurs ! Il est légitime que nos concitoyens éprouvent le même besoin de divertissement. On dit souvent « Ach ! le Parlement, c'est tellement ennuyeux ! » Mais, plus que divertissants, nos débats doivent être compréhensibles pour le plus grand nombre. Ce n'est pas là qu'il faut chercher suspense ou amusement. En dernier ressort, c'est bien au Parlement et non à la télévision que sont prises les décisions les plus importantes pour le pays. Pour ma part, j'aimerais bien entendre un peu plus de discours brillants dans l'hémicycle, mais nous n'avons pas vocation à divertir autant que des animateurs de télévision ! Ce qui ne nous dispense pas d'essayer en permanence d'améliorer la qualité de nos débats.

L'année passée, nous avons eu au Bundestag plusieurs grands débats. Les échanges les plus passionnants à suivre se déroulent avant que les groupes politiques aient arrêté leur position : c'est ce que l'on appelle les débats de conscience. Par exemple, le débat sur le statut de l'embryon a été particulièrement riche. Les partis n'ayant pas pris position a priori, le débat a été de très haut niveau et son issue restait tout à fait ouverte. C'est en ce type d'occasions que le public se sent le plus concerné.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Aux Etats-Unis, la chaîne C-SPAN est d'un dynamisme assez remarquable...

M. Dennis HASTERT : Effectivement, C-SPAN est la chaîne de télévision câblée qui couvre les sessions du Congrès, les audiences, les débats présidentiels et nombre d'autres grands événements politiques. On me dit souvent « Ah oui, je vous ai vu sur C-SPAN à deux heures du matin ! » C'est à se demander si certains ont une vie privée ! Certains de nos concitoyens sont véritablement « accrocs » à la vie politique. Ils adorent ça ! D'autres estiment que nos procédures sont un peu ennuyeuses. Ils zappent les passages les plus austères et reviennent pour les débats plus attrayants ! En tout cas, je me demande si les débats sont plus ou moins intéressants à l'étranger !

L'essentiel, c'est que tout soit rendu public. Mêmes les débats en commissions doivent donner lieu à une certaine publicité. Lorsque j'ai accédé à la présidence, en pleine procédure d'impeachment, le Congrès était extrêmement exposé. Durant près d'un an, le pays a pu suivre tout le déroulement de la procédure. A la fin, les gens commençaient à se lasser de « l'affaire Monika », mais il fallait bien que le Congrès fasse son travail.

Parfois, nous essayons de rendre nos travaux plus attrayants. Mais je ne suis pas sûr qu'il faille le faire à chaque fois. Nos concitoyens attendent de nous que nous fassions notre travail. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Bien entendu, les gens sont friands d'anecdotes, mais ils attendent surtout de nous que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour servir l'intérêt du pays. L'important, c'est la confiance ! Le peuple veut pouvoir vérifier que le travail est fait.

S'agissant du financement de la vie politique, j'ai écouté avec la plus grande attention tout ce qui a été dit. Chez nous, le financement public des campagnes existe. A la demande de chacun, une partie de l'impôt sur le revenu acquitté peut être consacrée au financement des partis politiques. Mais c'est tout ! Et si quelqu'un donne plus de deux cents dollars à un candidat, cela sera rendu public. Pour nous, la transparence est la valeur essentielle. Le public doit savoir qui finance qui, à quelle fin et avec quels effets.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Y a-t-il une chaîne parlementaire au Royaume Uni et jouit-elle d'une audience importante ?

Sir Alan HASELHURST : Oui, nous avons une chaîne parlementaire. Non, le nombre de spectateurs n'est pas très élevé... Là où le bât blesse, c'est que la chaîne n'est pas aisément accessible ! La chaîne parlementaire passe par le satellite, sous un standard assez restrictif puisqu'elle relève de la télévision numérique terrestre, laquelle est loin d'être accessible à tous les ménages. Enfin, il y a tout de même un certain nombre de spectateurs et nous avons essayé d'étendre la diffusion grâce à Internet ! Nos débats sont ainsi retransmis sur notre site web.

Nous disposons, en outre, d'un centre documentaire et d'une antenne pédagogique. Durant les pauses de l'activité parlementaire, des groupes scolaires visitent l'institution et le processus législatif leur est expliqué. A l'occasion de ces visites, il est de règle qu'un parlementaire prononce une allocution et s'efforce de sensibiliser ce jeune public à la majesté des lieux. Au reste, je suis de ceux qui plaident pour que l'éducation civique se développe dans notre pays. Mais il faudrait pour cela modifier nos programmes scolaires, ce qui est toujours très difficile. Il est, par contre, toujours possible de développer des programmes éducatifs spécifiques associant les parlementaires. Pourquoi ne pas imaginer que les enfants puissent interpeller directement les élus à l'occasion de sessions dédiées ? Des concours pourraient être organisés, les participants devant animer un simulacre de débat parlementaire. Les gagnants seraient invités à Westminster où on leur déroulerait le tapis rouge ! Il faut s'ouvrir davantage aux jeunes, comme à l'ensemble de la population.

Nombre de nos concitoyens ignorent tout de nos travaux. Lorsqu'ils ont l'occasion de visiter la Chambre des Communes, ils sont extrêmement étonnés de ce qui s'y passe ! Je pense qu'il faudrait rendre la politique un peu plus « sexy » - même si je n'aime pas trop ce terme... Nous avons le devoir de sensibiliser nos concitoyens aux enjeux du débat politique, même si cela nous conduit à assumer son caractère parfois un peu ennuyeux. Même lorsque le citoyen n'est pas d'accord avec le parti au pouvoir, tout doit être fait pour qu'il ne passe pas l'ensemble de la vie politique par profits et pertes.

M. Vladimir LOUKINE : En Russie, en surface au moins, la situation n'est pas si mauvaise ! Un programme intitulé « L'heure parlementaire » est diffusé chaque semaine et un centre de presse produit toute une série d'émissions pour la deuxième chaîne. Une rubrique sur l'assemblée fédérale est également disponible sur Internet. Une gazette parlementaire est éditée, de même qu'une revue de la fédération de Russie. La Douma dispose même d'une maison d'édition qui publie un certain nombre d'ouvrages. A première vue, tout se passe donc assez bien.

Mais en réalité, nous n'avons rien qui puisse s'assimiler à C-SPAN. Notre système de télévision est même de plus en plus centralisé et étatisé. Or, comme vous le savez bien, la télévision est devenue la source d'information essentielle. Il faut donc prévenir tout risque de dérive. Deux de nos quatre chaînes de télévision sont intégralement dirigées par l'Etat ; dans les deux autres, l'Etat détient une participation majoritaire. Le pouvoir présidentiel dispose donc en pratique de possibilités illimitées pour interpréter les informations diffusées à la population russe et pour les présenter à sa manière. C'est un problème sérieux.

Soucieux de l'audimat, les journalistes s'intéressent en priorité aux scandales. Les « vedettes » de notre personnel politique sont ceux qui font des bons mots ou alimentent les scandales ! Un de mes collègues, vice-président de la Douma, manifeste un talent d'acteur très apprécié des journalistes. Résultat, il dispose d'un accès quasi illimité à l'antenne !

Pour la plupart des Russes, le Parlement est un lieu de disputes où l'on est toujours sur le point d'en venir aux mains. Son image dans l'opinion est donc assez négative. Il est vrai que le parlementarisme en est chez nous à ses débuts. Nos travaux pâtissent souvent aussi d'une présentation un peu grotesque, et cela pourrait avoir des conséquences très regrettables. Que faire ? Je ne sais pas ! Dans le cadre de la campagne électorale qui vient d'être lancée, l'égal accès de tous les candidats à la télévision publique devrait être assuré. En pratique, la campagne électorale est très coûteuse et elle commence bien avant l'ouverture de la campagne officielle. Les télévisions y jouent un rôle majeur car, au-delà des créneaux dédiés, l'un des partis, bien plus présent que tous les autres, est manifestement favorisé. Il n'est pas facile d'aborder ces questions mais nous devons y réfléchir. Je souhaite que, lors d'une prochaine réunion, nous puissions travailler sur le thème « Parlement, pouvoir exécutif et opinion publique ». Dans ce triptyque, le Parlement doit à mes yeux jouer un rôle de référence. Las, tel n'est pas toujours le cas. Dès lors, les questions essentielles sont : comment dynamiser le rôle du Parlement ? Comment rétablir l'équilibre du système ?

M. Jean-Louis DEBRÉ : II y a peu, nous avions à l'Assemblée nationale un débat très intéressant. Tout à coup, un député, qui, jusqu'alors, n'avait pas marqué nos travaux par sa réflexion ou par ses interventions, s'est levé et s'est mis à chanter. Le lendemain, c'est évidemment cette image que la télévision a diffusée en boucle et non nos débats ! Ce député est désormais connu dans toute la France pour le seul fait d'avoir chanté en séance. Où cela va-t-il s'arrêter ? Notre ami britannique nous incite à rendre nos débats plus « sexy »... Espérons simplement que l'on saura s'arrêter avant qu'ils ne deviennent trop sexy !

M. Pier Ferdinando CASINI : Comptez sur moi pour pousser la chansonnette pendant la conférence de presse ! Lors de notre réunion au Canada, nous avions évoqué la possibilité de faire travailler les responsables de la sécurité de nos Parlements sur les questions de sécurité à l'intérieur de nos chambres. Le secrétariat général de la chambre des députés italienne organise une réunion sur ce sujet à l'intention des responsables de la sécurité parlementaire, fin novembre ou début décembre - la date définitive n'est pas encore fixée - et vos services y sont chaleureusement invités. Je serais très heureux d'y accueillir vos représentants.

M. Jean-Louis DEBRÉ : Cette rencontre aura donc trait à la sécurité interne des assemblées parlementaires ?

M. Pier Ferdinando CASINI : Oui. Il y sera question de l'organisation interne des assemblées, des méthodes et procédures en vigueur quant au contrôle des accès et de la circulation, etc.

M. Jean-Louis DEBRÉ : L'Assemblée Nationale sera très heureuse de répondre à votre invitation car c'est un sujet qui me préoccupe énormément. Il faut en effet faire en sorte que le Parlement reste un lieu ouvert, tout en assurant aux parlementaires et aux ministres le maximum de sécurité. Depuis quelques semaines, nous avons commencé à « badger » les députés et à mieux contrôler les déplacements, et cela a été ressenti comme une véritable révolution ! Nous serons heureux de profiter de votre expérience.

Je vous remercie pour votre participation à cette réunion. Nous avons eu aujourd'hui une séance de travail de haut niveau, ponctuée d'interventions de qualité. J'adresserai le compte rendu de nos travaux aux différents Parlements. C'est par l'échange des expériences et par la confrontation de nos législations que nous arriverons à progresser. Notre but commun est de rendre la vie démocratique et la vie parlementaire plus actives et plus proches des attentes de nos concitoyens.

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CONTRIBUTIONS SUR LES THÈMES DE DISCUSSION

PREMIER THÈME : LES FONCTIONS DE
CONTRÔLE DU PARLEMENT

Contribution de M. Wolfgang THIERSE 

Une caractéristique essentielle de notre système de gouvernement parlementaire est l'association étroite entre le parlement et le gouvernement. Une telle action commune est déterminée, entre autres, par le fait que le gouvernement est soumis au contrôle du parlement. De manière croissante, le contrôle parlementaire n'est d'ailleurs pas entendu seulement comme une réaction postérieure à l'action du gouvernement ; on lui a bien davantage conféré une fonction d'accompagnement et d'orientation. L'exercice du contrôle parlementaire du gouvernement est ainsi l'une des missions centrales du Bundestag allemand - à côté du travail de législation et de la tenue d'élections déterminées, notamment l'élection du chancelier fédéral.

Je me limiterai ci-après aux instruments de contrôle parlementaire, au sens traditionnel du terme, et je présenterai en particulier ceux qui revêtent une plus grande importance dans le quotidien du parlement. Je n'entrerai pas dans les détails du droit de contrôle parlementaire dans sa forme la plus drastique - à savoir la motion de défiance constructive -, ainsi que de l'instrument de la question de confiance, qui s'y rapporte. Jusqu'à présent, l'on a eu recours à ces deux instruments que dans quelques situations particulières.

1. Droits de question

Le moyen de contrôle parlementaire qui est certainement le plus utilisé est le droit de question parlementaire. Pour cette raison, il est inscrit dans la constitution, et le Règlement l'organise de manière plus détaillée. Celui-ci distingue les grandes questions et les petites questions, les questions individuelles orales et écrites et les questions orales adressées au gouvernement fédéral. L'exercice des droits de question est lié à différentes exigences minimales. Ainsi un député a-t-il par exemple le droit d'adresser, seul, des questions individuelles orales et écrites au gouvernement. Par contre, les grandes questions et les petites questions nécessitent le soutien de cinq pour cent au moins des députés ou d'un groupe. Ce quorum s'applique également à la requête de procéder à une séance réservée aux questions d'actualité. Les statistiques montrent que l'on recourt de plus en plus intensivement au droit de question : au cours de la dernière législature - la 14ème -, les députés ont posé, outre quelque 11 800 questions écrites, 3 300 questions individuelles orales ; ils ont également introduit plus de 1 800 petites questions et plus de 100 grandes questions.

1.1. Questions orales adressées au gouvernement fédéral

Le droit de question exercé à travers les questions orales adressées au gouvernement fédéral a connu un développement particulier. À l'origine de l'introduction de ce type d'interrogation, il y avait le souhait que le gouvernement fédéral fasse d'abord rapport au Parlement sur les réunions hebdomadaires du cabinet, avant de se présenter à l'opinion publique par l'intermédiaire de la conférence de presse hebdomadaire des journalistes accrédités à Berlin. La séance des questions orales adressées au gouvernement fédéral dure 30 minutes et débute généralement par un rapport d'une durée de cinq minutes présenté par un ministre sur un sujet traité lors de la réunion du cabinet, choisi par le gouvernement et communiqué au parlement. Les questions des députés suivent ce rapport, d'abord sur le sujet abordé dans celui-ci, ensuite sur les autres sujets communiqués traités durant la réunion du cabinet. Enfin, les questions dites "libres" sont appelées, concernant tous les domaines de la responsabilité du gouvernement. Le gouvernement fédéral ne connaît à l'avance ni les noms des auteurs des questions, ni les questions elles-mêmes.

1.2. Questions d'actualité

À côté de ces droits de question, je voudrais mentionner la séance réservée aux questions d'actualité, ou "heure d'actualité". Introduite en 1965, c'est une forme de débat particulière qui permet au parlement de se saisir rapidement de thèmes d'actualité. L'heure d'actualité se caractérise par de courtes interventions qui n'excèdent pas cinq minutes. Elle a lieu soit sur la base d'un accord intergroupe au sein du comité des doyens, soit à la demande d'un groupe. Cette demande peut être présentée à propos d'une réponse du gouvernement fédéral à une question orale posée durant la séance des questions, ou indépendamment de cette séance des questions. Le Règlement stipule qu'il ne peut y avoir qu'une seule heure d'actualité par jour de séance. L'heure d'actualité suscite un grand intérêt tant parmi les députés que dans les reportages des médias sur la séance. L'éventail des sujets de ces discussions est large. Des événements d'actualité intérieure ou extérieure, des déclarations politiques ou des décisions importantes peuvent être autant d'occasions pour demander de procéder à une séance sur des questions d'actualité.

Au cours de la 14ème législature, il y a eu en tout 141 séances sur des questions d'actualité, dont 115 à la demande de l'opposition.

2. Droit d'exiger la présence de membres du gouvernement

Il convient en outre de mentionner le droit d'exiger la présence de membres du gouvernement. Sur requête d'un groupe ou de cinq pour cent au moins de ses membres, le Bundestag peut décider la convocation d'un membre du gouvernement fédéral. Ce droit de convocation est inscrit dans la constitution, et il nécessite la décision de la majorité du parlement. En principe, seul le ministre dont le département est compétent pour l'objet de la discussion peut être convoqué. Dans la pratique, il est rarement fait usage du droit d'exiger la présence de membres du gouvernement ; le cas échéant, c'est généralement l'opposition qui y a recours. Lorsque la motion de convocation d'un membre du gouvernement est adoptée, la séance plénière est normalement suspendue et ne reprend que quand le membre du gouvernement est présent.

3. Commissions d'enquête

Le Bundestag a le droit et, à la demande d'un quart de ses membres, l'obligation de constituer une commission d'enquête. Souvent décrit comme "l'arme la plus affilée du parlement, et la plus efficace de l'opposition", le droit d'enquête fait partie des moyens les plus spectaculaires du combat politique, ceux qui font le plus d'effet sur l'opinion publique. Ce n'est qu'en 2001 que la procédure et les droits des commissions d'enquête ont été définis dans une loi fédérale. Les thèmes de travail des commissions d'enquête sont délimités par la décision de constitution de l'assemblée plénière. Les commissions recueillent en séance publique, en principe, les preuves nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Pour ce faire, elles ont le droit de convoquer des témoins et de leur faire prêter serment. Elles peuvent également exiger la remise de preuves, comme par exemple des dossiers du gouvernement fédéral (dans le respect de la protection du secret). En moyenne, le Bundestag a, depuis le début de la 3ème législature, en 1957, constitué une à deux commissions d'enquête par législature. Au cours de la législature actuelle, la 15ème, une commission d'enquête a, jusqu'à présent, entamé ses travaux.

4. Commissions d'étude ad hoc

Depuis 1970, le Bundestag a la possibilité de constituer ce qu'on appelle les commissions d'étude ad-hoc. Comme pour les commissions d'enquête, des minorités peuvent en demander la constitution. Les commissions d'étude ad-hoc servent avant tout à rassembler des informations et à conseiller activement le monde politique sur des complexes de missions vastes et difficiles. On peut citer ici comme exemples les commissions d'étude ad-hoc "Réforme de la constitution", "Analyse de l'histoire et des conséquences de la dictature du SED" ou "Évolution démographique". À la différence des commissions d'enquête, les commissions d'étude ad-hoc n'ont pas les droits d'administration des preuves décrits ci-dessus. Outre des députés, elles comprennent des hommes de sciences, des experts et des praticiens venus de l'extérieur. Les membres de la commission sont désignés par les groupes en fonction de leurs rapports de force. Les parlementaires et les "externes" y sont dotés des mêmes droits. Tout comme les commissions d'enquête, les commissions d'étude ad hoc concluent leur travail par la remise d'un rapport à l'assemblée plénière. Ces rapports, parfois très volumineux, sont publiés en tant que documents imprimés du Bundestag.

5. Contrôle budgétaire et financier

Le contrôle budgétaire et financier du parlement, qui occupe une place particulière dans le système du contrôle parlementaire, a toujours une signification essentielle. Ce contrôle budgétaire et financier se déroule en trois phases :

- l'approbation parlementaire du projet de budget du gouvernement,

- l'exécution du budget, et

- la décharge au gouvernement.

Le budget annuel, qui reprend toutes les recettes et les dépenses de la Fédération, est fixé par la loi budgétaire. Le projet du budget annuel est élaboré par le ministre des Finances, sur la base des projets de chaque ministère et, après avoir été approuvé par le cabinet - et transmis simultanément au Bundesrat -, il est présenté au Bundestag. La discussion du budget en assemblée plénière est un moment important pour l'opposition : elle y a la possibilité de présenter au grand jour les "points faibles" de la politique gouvernementale et de présenter ses solutions de remplacement.

Entre la première lecture du budget en plénière, en septembre, et les deuxième et troisième lectures, à la fin de l'année, on assiste à des mois de discussions intensives à la commission du budget. Traditionnellement présidée par un membre du plus grand groupe parlementaire d'opposition, la commission du budget travaille suivant un système de rapporteurs qui tient compte de la subdivision du budget par départements. Les rapporteurs connaissent très exactement "leur" ministère et le plan budgétaire particulier qui le concerne, et ils mènent des discussions intensives avec les ministères sur les titres et crédits particuliers du budget. Si des pertes de recettes et des excédents de dépenses apparaissent, c'est l'assemblée plénière qui doit décider si, et comment, le déficit doit être comblé.

Après que le budget a été arrêté par la loi budgétaire, sa mise en œuvre, ou exécution budgétaire, est la tâche du gouvernement fédéral. Mais ici aussi, le parlement ou la commission du budget interviennent en exerçant leur droit de participation sous la forme d'un contrôle de suivi parlementaire. Cela va de la simple information jusqu'à des compétences de codécision.

Après la conclusion de l'exercice budgétaire, la gestion budgétaire et économique du gouvernement fédéral fait l'objet d'une vérification. Pour ce faire, la commission chargée de la vérification des comptes - une sous-commission de la commission du budget - entre en action, à côté de la Cour fédérale des comptes, qui est indépendante. Elle vérifie essentiellement le respect des objectifs politiques dans l'exécution budgétaire et prépare la procédure parlementaire de décharge. La décision du Bundestag sur la décharge au gouvernement fédéral marque la conclusion de la procédure budgétaire.

6. Contrôle des services de renseignement

Le contrôle parlementaire des services de renseignement fait l'objet d'exigences particulières. L'activité de renseignement a été progressivement soustraite à un contrôle parlementaire conçu pour l'information au public. C'est pourquoi les commissions, sous-commissions ou l'assemblée plénière, dont les réunions sont publiques, ne sont pas appropriées pour ces domaines sensibles. Pour ces raisons, le Bundestag a décidé la formation d'une instance de contrôle particulière et, par une loi de 1978, il a constitué un organe de contrôle parlementaire. En conséquence, le gouvernement fédéral est soumis au contrôle de cet organe en ce qui concerne les activités de l'Office fédéral pour la protection de la constitution, du Service de sécurité militaire du Service fédéral des renseignements. Au début de la législature, le Bundestag fixe le nombre de membres, la composition et la méthode de travail de l'organe, et il en choisit les membres en son sein. Actuellement, l'organe, qui se réunit à huis clos, compte neuf membres.

Permettez-moi encore, dans ce contexte, de mentionner deux autres organes de contrôle : le domaine du contrôle de la correspondance, de la poste et des télécommunications par les services de renseignement est réglé spécialement par une loi relative à l'article 10 de la Loi fondamentale. Le contrôle dans ce domaine relève des tâches de la "commission G-10". À côté de cette commission, il y a l'organe constitué sur la base de l'article 41 de la loi sur le commerce extérieur, qui est chargé d'un contrôle spécial des communications téléphoniques et postales en vue de prévenir les délits punis par cette loi ou par la loi relative au contrôle des armes de guerre.

Contribution de M. Peter MILLIKEN

Bien que le Parlement n'ait pas, en tant que tel, de droit de regard sur les activités gouvernementales, il exerce quand même un certain contrôle sur celles-ci. Ce contrôle est issu de la notion de « gouvernement responsable ». Comme les ministres du Cabinet, y compris le Premier ministre, sont généralement choisis parmi les membres du Parlement et comme ils assument leur charge sous réserve de la confiance de l'Assemblée, les députés peuvent défaire un gouvernement. Le gouvernement doit donc rendre compte au Parlement. Ce système conjugué Cabinet/Parlement facilite l'examen des gestes du gouvernement, notamment par le biais des instruments de la chambre basse, c.-à-d. la Chambre des Communes composée des élus, d'où viennent généralement les ministres du Cabinet.

Le droit de regard du Parlement s'exerce de quatre façons : i) la responsabilité politique, ii) la responsabilité administrative, iii) les hauts fonctionnaires du Parlement et iv) la collecte de renseignements et le soutien. Ces modes d'examen conjugués permettent de garantir la légitimité de la démocratie parlementaire.

LA RESPONSABILITÉ POLITIQUE : QUESTIONS, DÉBATS ET COMITÉS

Les débats, les périodes de questions et les travaux des comités contraignent le gouvernement à faire participer ouvertement son opposition à ses activités. Il y a débat lorsque la Chambre doit discuter d'une motion officielle, que celle-ci émane du gouvernement, de l'opposition ou d'un simple député. La période de questions est une période de l'horaire quotidien du Parlement consacrée aux questions orales adressées aux ministres, lesquels doivent répondre même s'ils n'ont pas été informés à l'avance. Les ministres doivent également répondre à des questions supplémentaires, voire même à des questions écrites qui leur sont présentées ultérieurement. Les délibérations des débats et des périodes de questions sont consignées dans le Hansard, qui constitue le compte rendu officiel des activités de la Chambre des communes. Le Hansard est publié dans de très brefs délais.

Les travaux des comités sont consignés dans une publication analogue au Hansard. Les comités sont un prolongement de la Chambre elle-même. En comité, les députés examinent des questions d'importance précises, des projets de loi, les budgets (prévisions budgétaires des ministères), les nominations par décret et d'autres affaires qui leur sont confiées. Les comités peuvent faire appel à des spécialistes, à des professionnels et à du personnel technique et administratif sous réserve des restrictions imposées par le Bureau de régie interne. Tous les rapports des ministères, des sociétés d'État et de leurs filiales et des autres organismes du gouvernement présentés à la Chambre aux termes d'une loi du Parlement sont automatiquement confiés à des comités. Par ailleurs, le Règlement (les règles de fonctionnement de la Chambre des Communes) permet aux comités de demander au gouvernement une réponse complète dans les 150 jours suivant la présentation de leur rapport. Les comités ont même le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître et d'ordonner la production de documents. Ils sont plus largement utilisés qu'autrefois par la Chambre des Communes.

LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE : SERMENTS, CRÉDITS, BUDGET ET PROCÉDURE

C'est le président de la Chambre des communes qui fait respecter l'ordre au sein de cette dernière. Le président est également chargé de la gestion et des opérations internes de la Chambre et de ses divers services. Les éléments procéduraux du Parlement permettent également d'assurer le contrôle : il s'agit de pratiques symboliques comme le serment d'allégeance à la Reine du Canada et de règles plus strictes comme celles qui sont énoncées dans le Règlement. Autre élément important, le concept juridique d'immunité parlementaire garantit aux députés le droit d'agir librement.

L'une des responsabilités peut-être les plus importantes de la Chambre est le pouvoir d'autoriser le gouvernement à lever des impôts et à dépenser. L'État (le gouvernement) a la responsabilité de dépenser, mais il doit d'abord obtenir de la Chambre l'autorisation de le faire. Ce qu'on appelle les « crédits » constitue ce pouvoir de dépenser. Les crédits sont disséqués en éléments plus simples qui sont examinés par divers comités permanents dont les mandats sont associés à certains ministères, budgets et programmes. Les rapports sur les plans et les priorités sont déposés à la Chambre des Communes au printemps de chaque année, tandis que les rapports sur le rendement des ministères (qui portent sur le budget de l'exercice précédent) sont déposés à l'automne. Les comités ne peuvent que réduire ou approuver les montants des crédits (ils ne peuvent pas les augmenter). Les budgets supplémentaires sont soumis au même cycle deux à quatre fois par an.

L'un des plus importants comités chargés d'examiner les activités du gouvernement est le Comité des comptes publics. Présidé par un député de l'opposition, il est chargé d'examiner le rapport du vérificateur général (voir plus loin) ainsi que les comptes publics et d'autres rapports financiers. D'autres comités ont leur propre sphère de compétence. Par exemple, le comité mixte de l'examen de la réglementation (composé de députés et de sénateurs) examine les mesures législatives subordonnées aux termes de la Loi sur les textes réglementaires, tandis que le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires étudie les questions relatives à la gestion et à l'imputabilité gouvernementales.

LES HAUTS FONCTIONNAIRES DU PARLEMENT

Les hauts fonctionnaires du Parlement font partie du système redditionnel canadien. Ils rendent compte directement à la Chambre des Communes, sans passer par un ministère et un ministre. Ils ont pour mandat de fournir des conseils et des analyses objectifs et indépendants. Leurs caractéristiques et leurs fonctions redditionnelles sont différentes, quoiqu'ils doivent tous comparaître devant des comités parlementaires. Le vérificateur général vérifie les méthodes comptables et l'exactitude des états financiers et procède aussi à des vérifications et à des études indépendantes. Il détermine également si les fonds ont été employés selon l'usage prévu. Pour sa part, le commissaire à l'information examine les plaintes adressées par des personnes qui estiment qu'on a enfreint les droits que leur garantit la Loi sur l'accès à l'information et il recommande des mesures. Le commissaire à la protection de la vie privée veille, quant à lui, au respect de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Pour leur part, le directeur général des élections et le commissaire aux langues officielles veillent à ce que les lois dont ils sont respectivement responsables soient respectées et ils remettent des rapports à cette fin. Si, comme il se le propose, le gouvernement crée un commissariat à l'éthique, la personne nommée à ce poste deviendra un autre haut fonctionnaire du Parlement (à l'heure actuelle, le conseiller en éthique est un fonctionnaire à l'emploi d'Industrie Canada).

LA COLLECTE DE RENSEIGNEMENTS ET LE SOUTIEN : LA BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT ET LES « NON-MINISTÈRES »

La principale source de renseignements du Parlement est la Bibliothèque du Parlement, qui offre des services aux députés et à leurs employés, aux comités parlementaires, aux associations et aux délégations. La Direction de l'information et de la documentation de la Bibliothèque fournit de la documentation et d'autres types d'ouvrages, tandis que la Direction de la recherche parlementaire procède à des recherches et à des analyses. Les attachés de recherche de la Bibliothèque produisent des documents d'information, donnent des séances d'information et des conseils informels, réalisent des projets sur demande et rédigent des résumés législatifs et d'autres documents thématiques. Ils fournissent également de l'information en prévision des besoins sur l'Intranet parlementaire et par le biais de Quorum, un recueil d'articles thématiques parus dans la presse.

Le Parlement est également informé par les « non-ministères » (organismes et sociétés d'État) et par les Canadiens eux-mêmes. La responsabilité des « non-ministères » incombe à des ministres, et leurs activités (dont leur budget) sont examinées par des comités. Mais l'un des moyens de surveillance les plus puissants dont pourrait disposer le Parlement à l'avenir vient des nouvelles technologies ; c'est la raison pour laquelle celui-ci s'efforce actuellement d'être plus et mieux « branché ».

Contribution de M. Dennis HASTERT

Le contrôle par le parlement de la mise en œuvre de la politique gouvernementale et de l'administration qui a toujours été appliqué au cours de l'histoire du gouvernement américain, conformément à la Constitution, prend des formes variées et utilise différentes techniques. Celles-ci vont des enquêtes spécifiques par des comités spécialisés aux commissions des finances qui se réunissent chaque année et des communications informelles entre les membres et le personnel du Congrès et ceux de l'exécutif à l'utilisation de mécanismes extraparlementaires tels les bureaux d'inspection générale et les commissions d'études.

De plus, le contrôle parlementaire est renforcé par une variété d'autorités - la constitution, le droit public, les règlements de la Chambre et des commissions - et fait partie intégralement du système de contrôle et d'équilibre des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif.

Le contrôle parlementaire se rapporte à l'examen, au suivi et à la surveillance des agences fédérales, des programmes, des activités, et à la mise en application de la politique gouvernementale. Le Congrès exerce son pouvoir à travers, principalement, son système de commission permanente. Cependant, le contrôle parlementaire, qui remonte aux premiers jours de la République, est effectif également pour une grande variété d'activités parlementaires et dans différents contextes. Ceux-ci incluent autorisation, commission des finances, auditions d'investigations et législatives par les Comités permanents ; investigations spéciales par les commissions d'enquêtes ; audit et études par les agences et le personnel du Congrès.

L'autorité en matière de surveillance du Congrès provient de ses pouvoirs sous-entendus dans la Constitution, les lois publiques, les règles de la Chambre des Représentants et du Sénat. C'est un rouage essentiel du système américain de contrôle et d'équilibre des pouvoirs.

Contribution de M. Jean-Louis DEBRÉ

Traditionnellement, le Parlement exerce une double mission : il vote la loi et contrôle l'action du Gouvernement. Avec la mise en place, par la Constitution de 1958, d'un régime parlementaire rationalisé et l'existence d'une majorité à l'Assemblée nationale depuis les débuts de la Cinquième République, la fonction législative avait tendance à l'emporter en France sur la fonction de contrôle.

Ce mouvement est en train de s'inverser. C'est d'ailleurs pour permettre au Parlement d'exercer continûment son contrôle sur l'action du Gouvernement qu'une session unique de neuf mois a été substituée, en 1995, aux deux sessions de trois mois antérieures. Parallèlement divers nouveaux organes de contrôle ou d'évaluation ont été créés, tandis que le nombre des commissions d'enquête ou des missions d'information des commissions permanentes s'est multiplié.

Les moyens de contrôle dont dispose le Parlement en France sont nombreux : on évoquera successivement les différentes procédures de questions, les modalités du contrôle exercé par les diverses commissions ou organes spécialisés et, enfin, les moyens dont dispose l'Assemblée elle-même.

1 . Les procédures de questions

Il existe un ensemble de procédures de questions qui permettent aux députés d'assurer leur contrôle et leur information sur l'activité du Gouvernement et de l'administration ou d'obtenir des renseignements de toute nature. On distingue traditionnellement les questions écrites et les questions orales, ces dernières présentant la caractéristique de recevoir une réponse en séance publique. Bien que ces procédures soient prévues par le Règlement des assemblées, et même par la Constitution pour les questions orales, elles ont cependant évolué en marge de ces textes.

a) Les questions écrites

La procédure des questions écrites, prévue par le Règlement des assemblées, constitue une prérogative individuelle des parlementaires. Chaque question ne peut, en effet, émaner que d'un seul député ou sénateur et n'est adressée qu'à un seul ministre.

La procédure est d'une grande souplesse. Les parlementaires peuvent poser des questions écrites toute l'année que le Parlement soit ou non en session. Les contraintes rédactionnelles sont très limitées : le Règlement précise que les questions doivent être sommairement rédigées et ne peuvent comporter aucune imputation d'ordre personnel à l'égard d'un tiers nommément désigné. En outre, le principe de séparation des pouvoirs et d'irresponsabilité du Chef de l'Etat interdit à l'auteur d'une question écrite de mettre en cause les actes du Président de la République.

Les questions écrites portent, en pratique, sur des domaines extrêmement diversifiés. Il peut s'agir de questions juridiques, sociales ou fiscales très précises, les parlementaires utilisant la procédure pour répondre aux sollicitations de leurs électeurs, d'élus locaux ou d'associations. Les questions peuvent également porter sur des problèmes collectifs d'intérêt local (situation d'un établissement scolaire, fermeture d'un bureau de poste ou d'une perception, licenciement dans une entreprise...). Il est assez rare, en revanche, que les questions écrites portent sur des problèmes de politique générale, qui font plutôt l'objet de questions orales.

Les questions adressées par les parlementaires à la Présidence de l'assemblée à laquelle ils appartiennent sont publiées chaque semaine dans un fascicule spécial du Journal Officiel. Les réponses doivent être publiées dans le mois suivant, délai qui peut être porté à deux mois à la demande du ministre. En pratique, cependant, ce délai n'est pas respecté. Il faut dire que le traitement des questions écrites, dont le nombre est passé de 3 700 en 1959 à plus de 17 000 aujourd'hui, représente pour les ministères une charge considérable et rend difficile, sinon impossible, le respect des délais réglementaires. Au cours de la dernière session ordinaire, d'octobre 2002 à avril 2003, pour 17427 questions écrites posées, il n'y a eu que 11919 réponses publiées.

C'est pourquoi, en marge du Règlement, a été mise en place une procédure particulière, dite des questions signalées, qui permet aux groupes politiques de choisir, chaque semaine, parmi les questions n'ayant pas reçu de réponse dans le délai de deux mois, un quota de questions auxquelles le Gouvernement s'engage à apporter une réponse dans le délai de 10 jours, délai qui a toujours été respecté depuis la mise en place de cette procédure en 1994. Actuellement, chaque semaine, dix-huit questions bénéficient de ce traitement privilégié, répartie à raison de 10 pour le groupe UMP, 4 pour le groupe socialiste et 2 pour le groupe UDF et le groupe communiste et républicain.

b) Les questions orales ou questions en séance publique

La Constitution prévoit qu'une séance par semaine au moins est réservée aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement.

A l'origine, le Règlement de l'Assemblée nationale précisait la procédure de dépôt et de discussion des questions distinguant les questions orales avec ou sans débat. Cependant, la procédure des questions orales avec débat est tombée en désuétude - elle n'a plus été utilisée depuis 1978 - tandis qu'une procédure nouvelle, dite des questions au Gouvernement, apparaissait en 1974 à la marge du Règlement. Désormais, il appartient au Bureau de préciser les conditions de dépôt et publication des questions et à la Conférence des Présidents d'en organiser la discussion.

- Les questions orales traditionnelles

Il subsiste d'abord une procédure traditionnelle de questions orales, à laquelle une séance est réservée chaque mardi matin, hors de la période budgétaire et sauf, une fois par mois, lorsque cette séance est réservée à un autre ordre du jour fixé par l'Assemblée. Lors de la dernière session 17 séances ont été consacrées à cette procédure, au cours desquelles 432 questions ont reçu une réponse.

Les questions orales sont paradoxalement d'abord écrites et publiées au Journal Officiel. Elles n'ont donc pas de caractère spontané. Les ministres qui en connaissent la teneur peuvent ainsi faire préparer leur réponse. Il faut dire que les questions posées sont plus techniques que politiques, souvent très précises et d'intérêt local. Ce n'est pas, hélas, toujours le ministre compétent qui répond, mais souvent l'un de ses collègues qui lit une réponse préparée par les services. De ce fait, la séance consacrée à ces questions orales traditionnelles, à laquelle n'assiste, en pratique, que les députés auteurs de questions, est peu animée.

Cependant, cette séance a ses adeptes, parce qu'elle permet d'obtenir du Gouvernement une réponse plus rapide et détaillée que celle qui pourrait être apportée à une question écrite sur des sujets qui revêtent pour les parlementaires une réelle importance.

Au cours de chaque séance 25 questions peuvent être posées, réparties à raison de 15 pour le groupe UMP, 6 pour le groupe socialiste et 2 pour les groupes UDF et communiste et républicain.

- Les questions au Gouvernement

La procédure des questions au Gouvernement a été instituée en 1974, à l'instigation du Président Giscard d'Estaing. Son succès a été immédiat et ne s'est pas démenti puisque la procédure subsiste pratiquement sous la même forme, sous la seule réserve que l'on est passé d'une à deux séances par semaine.

Les raisons de cette réussite tiennent à plusieurs facteurs : le choix du moment, le mardi et le mercredi de 15 à 16 heures, qui garantit une présence importante des députés ; la volonté politique du Gouvernement, très largement représenté également, presque systématiquement notamment par le Premier ministre ; la retransmission télévisuelle en direct qui fait de cette séance, au-delà de son enjeu parlementaire, un rendez-vous hebdomadaire apprécié par une part non négligeable de l'opinion publique.

En outre, à la différence des questions orales traditionnelles, les questions au Gouvernement sont pour l'essentiel très politiques et, de surcroît, beaucoup plus spontanées. La teneur des questions n'est pas normalement connue à l'avance par les ministres - sauf pour celles émanant de députés de la majorité, souvent plus complaisants - seul le nom des auteurs de questions étant notifié au Gouvernement une heure avant l'ouverture de la séance. Les échanges entre les députés de l'opposition et les ministres sont souvent vifs et la brièveté des échanges, à laquelle le Président veille constamment, soutient l'intérêt.

Les soixante minutes de chaque séance sont réparties à raison de quarante pour la majorité et vingt pour l'opposition. Ainsi, le groupe UMP dispose de trente-cinq minutes et peut ainsi poser sept questions, le groupe socialiste de quinze minutes pour trois questions et les groupes UDF et communiste de cinq minutes pour une question. Les questions sont appelées de sorte qu'il y ait une alternance des orateurs des différents groupes.

Au cours de la dernière session, 771 questions au Gouvernement ont pu être posées pendant les 64 séances qui leur étaient consacrées.

Il faut préciser que, à titre expérimental, depuis le début de l'année 2003, chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions au Gouvernement sont consacrées à un thème européen.

2 . Le contrôle exercé par les commissions ou d'autres organes de l'Assemblée

Divers organes de l'Assemblée, qu'ils soient permanents ou aient une existence temporaire, participent à l'exercice de la fonction de contrôle : au premier rang figurent les commissions d'enquête ; mais les commissions permanentes jouent également un rôle en la matière ; enfin, plusieurs offices ou délégations ont été créés pour exercer une mission spécifique.

a) Les commissions d'enquête

La création d'une commission d'enquête résulte de la seule décision de l'assemblée concernée au terme d'un processus qui s'apparente à la procédure législative ordinaire, sous la réserve que l'autre assemblée n'intervient pas. L'initiative peut appartenir à l'opposition, qui dispose d'ailleurs à l'Assemblée, de manière coutumière, du droit de faire inscrire à l'ordre du jour, une fois par an, la discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. Cependant, puisqu'il y a un vote de l'Assemblée, la décision appartient en définitive à la majorité.

Les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales. En raison de la séparation des pouvoirs, il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits qui donnent lieu à des poursuites judiciaires. Cependant, cette disposition est interprétée avec souplesse : l'existence de poursuites judiciaires ne constitue pas un obstacle dirimant dès lors que la commission d'enquête écarte de son champ d'investigation les faits précis donnant lieu à poursuites.

Les membres des commissions d'enquête - dont le nombre est limité à 30 à l'Assemblée nationale et à 21 au Sénat - sont désignés de façon à assurer une représentation proportionnelle des groupes. Ils élisent leur bureau et leur rapporteur, une disposition ayant récemment été introduite dans le Règlement qui impose que la fonction de président ou de rapporteur revienne de droit à un membre du groupe, éventuellement d'opposition, qui a pris l'initiative de la création de la commission d'enquête.

Les commissions d'enquête ont un caractère temporaire ; leur mission prend fin par le dépôt d'un rapport et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de leur création.

A l'origine, l'ensemble des travaux des commissions d'enquête était soumis à la règle du secret. Désormais, le principe est, au contraire, celui de la publicité des auditions, chaque commission étant libre de l'organiser par les moyens de son choix ou de décider l'application du secret si elle le juge opportun pour préserver l'anonymat des témoins.

Les commissions d'enquête disposent de moyens d'action non négligeables. En premier lieu, elles peuvent convoquer toute personne qu'elles jugent utile d'entendre, laquelle est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est par un huissier ou un agent de la force publique, sous peine de sanctions pénales. Par ailleurs, les rapporteurs des commissions d'enquête peuvent mener des investigations sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de service, à la seule exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et sous réserve du principe de l'autonomie du pouvoir judiciaire. Enfin, les commissions d'enquête peuvent demander à la Cour des Comptes de procéder à des enquêtes sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle.

Parmi les procédés d'investigation dont elles disposent, les commissions d'enquête recourent notamment aux auditions ; c'est par dizaine que se comptent généralement les personnes entendues par chaque commission et leur nombre a pu atteindre près de 200 pour certaines commissions. Dans la majeure partie des cas, le compte rendu de ces auditions - parfois publiques - est publié en annexe du rapport. En outre, les commissions peuvent effectuer des déplacements en France ou même à l'étranger. Elles adressent souvent des questionnaires détaillés aux différents services concernés et peuvent recourir à l'assistance d'experts.

Sauf opposition de l'Assemblée nationale, les rapports des commissions d'enquête sont publiés. Leurs conclusions ne constituent pas des décisions en tant que telles. Cependant leurs propositions, largement relayées par la presse, trouvent ainsi un écho auprès de l'opinion publique et des autorités gouvernementales. Le Règlement de l'Assemblée nationale prévoit que le rapport peut donner lieu à un débat en séance publique ; cette disposition reçoit, cependant, peu d'applications. En revanche, il est déjà arrivé que le rapport d'une commission d'enquête inspire le dépôt d'une proposition ou même d'un projet de loi.

Depuis le début de la présente législature, quatre commissions d'enquête ont été créées et ont conclu leurs travaux.

b) Le rôle des commissions permanentes

Le Règlement de l'Assemblée dispose que les commissions permanentes assurent l'information de l'Assemblée pour lui permettre d'exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement. Cette mission s'exerce sous des formes diverses.

- En premier lieu, les commissions permanentes procèdent à de nombreuses auditions, de membres du Gouvernement, mais aussi d'experts ou de représentants des milieux socioprofessionnels. Elles disposent d'ailleurs du droit de convoquer toute personne dont elles estiment l'audition indispensable, sauf sujets à caractère secret concernant la défense, les affaires étrangère ou la sécurité et sous réserve de l'autonomie du pouvoir judiciaire.

Souvent ces auditions interviennent dans le cadre de la préparation de l'examen d'un texte de loi. Cependant, elles peuvent également n'avoir qu'un objet informatif. Les commissions des affaires étrangères et de la défense nationale, qui ont peu d'activité législative, procèdent ainsi à de nombreuses auditions.

- Les commissions permanentes peuvent également créer des missions d'information sur tout sujet relevant de leur compétence. Ce type de structure présente la plus grande souplesse, puisque les missions peuvent être individuelles ou collectives. La pratique, dès lors qu'il y a plusieurs députés, est cependant d'assurer une représentation de l'opposition.

Les missions d'information sont nombreuses et peuvent porter sur des sujets très divers, par exemple procéder à une évaluation de la législation en vigueur pour apprécier les modifications qu'il serait opportun de lui apporter. A titre d'exemple, onze missions d'information ont conclu leurs travaux au cours de la dernière session

Les missions d'information peuvent être communes à plusieurs commissions. Depuis une récente modification du Règlement, elles peuvent également être créées par la Conférence des Présidents sur proposition du Président de l'Assemblée.

La création d'une mission d'information est souvent une solution alternative à la création d'une commission d'enquête. L'avantage de la première tient à sa souplesse, tant dans ses modalités de création que de fonctionnement, notamment l'absence de tout délai pour la présentation de son rapport. Les mêmes pouvoirs d'investigation peuvent, en outre, lui être accordés par l'Assemblée ; cependant les dispositions existant en la matière n'ont jamais reçu d'application.

- Une mention particulière doit être faite pour le contrôle budgétaire. Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposent, en effet, des pouvoirs d'investigation également reconnus aux rapporteurs des commissions d'enquête pour suivre l'exécution de la loi de finances dans chacun des départements ministériels.

A côté de l'activité traditionnelle des rapporteurs spéciaux, la commission des finances a décidé la mise en place, en 1999, d'une mission d'évaluation et de contrôle (MEC), en s'inspirant notamment du National Audit Office du Parlement britannique. Son rôle consiste à réaliser chaque année une évaluation des résultats de différentes politiques publiques, sans se prononcer sur leur bien fondé. Ses conclusions, publiées à la fin du premier semestre, doivent servir de base à l'examen du projet de loi de finances suivant. La MEC est coprésidée par le Président de la commission des finances et un membre de l'opposition.

c) Les autres organes spécialisés

Depuis quelques années, on assiste à une multiplication d'organes spécialisés qui participent à l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement.

- Le premier de ces organes, créé en 1983, est l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, délégation commune aux deux assemblées, composée de dix-huit députés et dix-huit sénateurs désignés de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes. La présidence est assurée par un membre de l'une ou l'autre assemblée de manière alternative pour une durée de trois ans.

L'office a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin d'éclairer ses décisions. Il est assisté d'un conseil scientifique composé de vingt quatre personnalités désignées en raison de leur compétence dans les domaines de la science et de la technologie. Il peut être saisi par le Bureau ou une commission de l'Assemblée ou du Sénat. Les problèmes abordés se partagent à peu près également entre l'énergie, l'environnement, les nouvelles technologies et les sciences de la vie.

Lorsqu'il reçoit une saisine, l'Office désigne un rapporteur. Celui-ci procède d'abord à une étude de faisabilité qui, le plus fréquemment, propose d'engager un programme d'étude conduisant à l'établissement d'un rapport. Il procède ensuite à des auditions. Il peut recueillir l'avis d'organisations syndicales ou d'associations de protection de l'environnement ou de défense des usagers. Il dispose des pouvoirs d'investigation reconnus aux rapporteurs budgétaires. Il peut engager des experts et des bureaux d'études indépendants pour procéder à des investigations.

A l'issue de leur étude, les rapporteurs soumettent leur projet de rapport et ses conclusions, présentées de façon à être directement utilisables pour le travail législatif ou la discussion budgétaire, aux membres de l'Office qui se prononcent sur sa publication. On observera que les conclusions de l'Office sont le plus souvent unanimes.

- Sans entrer dans le détail de leur organisation et de leur fonctionnement, il faut évoquer l'existence de plusieurs autres organes spécialisés participant à la fonction de contrôle du Parlement : l'Office d'évaluation de la législation, créé en 1996 ; la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, créées en 1999 ; l'Office des politiques de santé, créé en 2003.

3 . Les pouvoirs de contrôle exercés par l'Assemblée en séance publique

En dehors de la procédure de questions orales, déjà évoquée, l'Assemblée exerce directement, en séance publique, son contrôle sur l'activité du Gouvernement au travers de plusieurs procédures prévues par la Constitution et le Règlement.

a) Les débats sans vote

Le Règlement prévoit une procédure qui permet l'organisation d'un débat sur un aspect ou un autre de la politique du Gouvernement.

A l'origine, l'initiative de cette procédure n'appartenait qu'au Gouvernement puisque le débat ne pouvait s'engager que pour faire suite à une déclaration présentée devant l'Assemblée. Cependant, en 1995, une révision constitutionnelle a réservé une séance par mois à un ordre du jour fixé par les assemblées. Dans ce cadre, l'Assemblée, qui peut choisir d'inscrire à l'ordre du jour la discussion d'une proposition de loi, peut également prévoir l'organisation d'un débat.

Au cours de la dernière session, quatre séances ont ainsi été consacrées à un débat sur un aspect de la politique du Gouvernement, trois à l'initiative de la majorité, respectivement sur la chasse, la maîtrise des dépenses publiques et la participation à l'aide au développement en Afrique, et un à la demande du groupe socialiste, sur l'assurance maladie et la politique de santé.

Le débat est organisé par la Conférence des Présidents. Chaque groupe dispose d'un temps minimal, normalement fixé à trente minutes, le temps supplémentaire étant habituellement réparti entre les groupes en fonction de leur importance numérique. Le Gouvernement, qui n'y est cependant pas tenu constitutionnellement, répond aux interventions des différents orateurs.

Il faut préciser qu'aucun vote ne peut intervenir au terme d'un tel débat. La Constitution a, en effet, écarté toute procédure d'interpellation, réservant les votes de l'Assemblée, hors de la procédure législative, aux seuls cas de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement.

b) La mise en cause de la responsabilité du Gouvernement

Les procédures de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement ont été très strictement encadrées par la Constitution de 1958 pour mettre un terme à l'instabilité gouvernementale qui affectait les régimes précédents.

Le Gouvernement peut lui-même engager sa responsabilité sur son programme ou une déclaration de politique générale ou sur le vote d'un texte. Mais ces procédures ne relèvent évidemment pas du contrôle parlementaire.

En revanche, on doit souligner que l'Assemblée nationale peut prendre l'initiative de la mise en cause de la responsabilité gouvernementale au travers du dépôt d'une motion de censure.

La procédure est précisément encadrée : la motion doit être signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée, chaque député ne pouvant être signataire de plus de trois motions au cours d'une même session ; le vote ne peut intervenir moins de quarante-huit heures après le dépôt, ce délai étant destiné à donner aux députés le temps de la réflexion ; seuls les votes en faveur de la motion sont décomptés ; celle-ci doit recueillir le vote de la majorité absolue des membres de l'Assemblée pour être adoptée.

Depuis 1958, une seule motion de censure a été adoptée, en 1962, qui a été immédiatement suivie par la dissolution de l'Assemblée, les élections amenant à l'Assemblée une majorité favorable à la politique du Gouvernement.

Il est évident que dans une configuration politique où il existe une majorité parlementaire l'arme de la motion de censure a peu d'efficacité. En pratique, la procédure est cependant utilisée assez régulièrement par l'opposition pour marquer son désaccord avec la politique du Gouvernement. Cependant, dans ce contexte, elle n'offre d'autre intérêt que de permettre l'organisation d'un débat solennel, puisqu'elle n'a aucune chance de déboucher sur un vote de censure à l'encontre du Gouvernement.

Contribution de M. Pier Ferdinando CASINI

Introduction

Il y a de nombreuses institutions, régies également par les règlements parlementaires, par lesquelles la fonction de contrôle est exercée. C'est par cette fonction que le Parlement vérifie l'activité du Gouvernement et de l'Administration publique.

Il est en réalité assez difficile de classifier et de distinguer de façon rigoureuse les différents instruments et procédures ayant la fonction de contrôle parlementaire. Avant tout, il est difficile d'opérer une distinction nette entre l'activité d'orientation et l'activité de contrôle du Parlement. En effet, la formule « orientation et contrôle » est souvent utilisée au sens large, incluant toutes les activités et tous les instruments qui ne rentrent pas dans l'exercice de la fonction législative au sens strict du terme. De plus, l'attribution de pouvoirs d'orientation est généralement accompagnée des pouvoirs de contrôle sur la mise en œuvre des mêmes orientations.

Qui plus est, selon la doctrine, les procédures parlementaires auraient en principe la caractéristique de pouvoir être utilisées dans l'exercice des différentes fonctions parlementaires (caractère poly-fonctionnel des procédures parlementaires).

Cela dit, nous allons illustrer ci-dessous de façon analytique les institutions présentes dans le règlement de la Chambre des députés qui, traditionnellement, rentrent dans la fonction de contrôle et nous allons décrire des procédures qui, tout en ayant des caractéristiques différentes, s'apparentent en tout cas de l'exercice des pouvoirs de contrôle du Parlement.

Par contre, pour ce qui est de l'activité d'orientation, le règlement de la Chambre prévoit une panoplie d'instruments par lesquels le Parlement exprime ses orientations et ses directives au Gouvernement. Outre la procédure principale à travers laquelle le Parlement exerce son activité d'orientation politique, à savoir les motions de confiance, et outre les orientations exprimées par le Parlement par l'approbation des lois, l'Assemblée peut adopter des actes d'orientation au Gouvernement spécifiques concernant une question ponctuelle (motions ou résolutions ou motions d'instruction). Un acte d'orientation peut être adopté par une commission, dans le domaine de sa compétence, à condition seulement que cet acte d'orientation ne concerne pas une matière pour laquelle la procédure d'approbation d'une loi est en cours.

1. Les instruments du contrôle parlementaire : questions et interpellations

L'interpellation consiste en une question concernant les motifs et les intentions de la conduite du Gouvernement dans des affaires qui concernent certains aspects de sa politique.

L'interpellation est l'instrument typique pour interroger le Gouvernement sur des thèmes liés à son orientation politique, même sectorielle, et sur les raisons à la base des politiques adoptées.

Par contre, la question parlementaire consiste « en une simple interrogation, formulée par écrit, pour connaître si un fait est exact, si une information est parvenue au Gouvernement ou si elle est exacte, si le Gouvernement entend communiquer à la Chambre des documents ou des informations ou s'il a adopté ou est sur le point d'adopter une mesure dans un domaine déterminé ». La question a donc un contenu plus limité et correspond essentiellement à une demande d'informations sur des faits, des actes ou des comportements précis.

Le règlement distingue trois types de questions : à réponse orale, à réponse écrite et à réponse en commission.

- les questions à réponse orale en Assemblée concernent seulement les questions ayant une importance politique remarquable, ce qui en justifie l'examen en Assemblée ;

- les questions à réponse en commission portent sur des sujets de nature sectorielle qui relèvent directement de la compétence des diverses commissions ;

- les questions à réponse écrite, enfin, concernent des aspects de nature éminemment locale ou technique, dépourvues d'intérêt politique général.

Il n'y a pas de limites au nombre de questions et interpellations que chaque député peut présenter au cours de la législature.

Pour ce qui est du traitement des questions, il est prévu qu'après la réponse du Gouvernement, l'auteur de la question a le droit de répliquer pour déclarer s'il est satisfait ou pas.

Pour ce qui est du traitement des interpellations, il est prévu que son auteur l'illustre. Après la réponse du Gouvernement, l'auteur a le droit de répliquer pour déclarer s'il est satisfait ou pas.

Le lien entre les instruments d'orientation et de contrôle susmentionné est confirmé par le fait que si l'auteur de l'interpellation n'est pas satisfait et qu'il désire engager un débat sur les explications du Gouvernement, il peut présenter une motion.

Il y a aussi les questions à réponse immédiate, qui sont traitées en Assemblée une fois par semaine, en règle générale le mercredi. C'est le Président ou le Vice-président du Conseil des ministres ou un ministre qui répond. Un député pour chaque groupe parlementaire peut présenter une question de ce type par l'entremise du Président du groupe auquel il appartient. Ces questions doivent consister en une interrogation unique, formulée de manière claire et concise, portant sur un sujet d'intérêt général, ayant un caractère d'urgence ou étant d'une actualité politique particulière.

L'auteur de la question l'illustre durant une minute. Le représentant du Gouvernement répond durant trois minutes. Successivement l'auteur de la question ou un député appartenant au même groupe peut répliquer, durant deux minutes au maximum.

De plus, on suit la même procédure en commission, où elle a lieu deux fois par mois, avec l'intervention des ministres (ou sous-secrétaires d'État).

Récemment les interpellations urgentes ont été introduites et elles sont présentées par un président de groupe ou trente députés le mardi de chaque semaine et sont traitées le jeudi matin suivant en Assemblée.

Les actes de contrôle parlementaire sont présentés au Président de la Chambre et soumis, à l'instar de tout autre acte parlementaire, à son examen d'admissibilité. Le Président vérifie, notamment, que le contenu de l'acte est cohérent avec le type d'instrument présenté et donne le titre correct à l'acte, en informant son auteur.

Le Président vérifie aussi l'admissibilité de ces actes pour ce qui est de la cohérence entre les différentes parties des documents, de la compétence et de la responsabilité effective du Gouvernement vis-à-vis du Parlement ; il vérifie également que la sphère personnelle et l'honorabilité des individus et le prestige des institutions ne seraient pas lésés. En tout cas, aucun acte contenant du langage peu parlementaire n'est publié.

2. Les commissions d'enquête

On peut distinguer les enquêtes législatives des enquêtes politiques ou de contrôle. Les premières visent à rassembler des informations et des données en vue de la conception d'une mesure législative adéquate ou afin de vérifier la mise en œuvre ou les effets de la législation déjà en vigueur.

Les enquêtes politiques ou de contrôle visent à établir la responsabilité du Gouvernement, de l'administration publique ou d'autres sujets indépendants de l'exécutif. Dans plusieurs cas, les enquêtes visent les deux finalités.

A la différence d'autres systèmes législatifs, l'opposition n'a pas le droit d'entamer une enquête parlementaire.

En vertu de l'article 116 du Règlement de la Chambre, le Gouvernement ne peut pas poser la question de confiance sur une proposition d'enquête parlementaire.

Le pouvoir d'enquête des Chambres est prévu expressément par la Constitution, qui établit que chaque Chambre peut effectuer une enquête sur des sujets d'intérêt public. Pour ce faire, elle nomme une commission établie de manière à reproduire la représentation proportionnelle des groupes parlementaires. La commission d'enquête procède aux investigations et aux examens avec les mêmes pouvoirs et les mêmes limites que l'autorité judiciaire.

Même si la Constitution se réfère aux commissions d'enquête instituées par une seule Chambre, il va de soi que les commissions d'enquête peuvent être bicamérales et être composées d'un nombre égal de députés et de sénateurs. Dans la pratique, les commissions d'enquête monocamérales sont moins fréquentes que les commissions bicamérales d'enquête, qui sont instituées par une loi ad hoc.

Dans la délibération instituant l'enquête, ou dans la loi, on indique le nombre de membres de la commission, l'objet de la requête, le délai avant lequel la commission doit compléter ses travaux, le délai de présentation du rapport et des rapports périodiques éventuels à l'Assemblée. En plus, on indique les pouvoirs de la commission et les obligations qui échoient à ses membres et aux administrateurs responsables.

Les membres de la commission sont d'habitude élus par les Présidents des Chambres, parfois même le Président de la commission est nommé par les Présidents.

Les travaux des commissions d'enquête se concluent par un ou plusieurs rapports, même de minorité, qui peuvent faire l'objet d'un débat au sein des Chambres.

Il faut également signaler qu'outre les commissions d'enquête, il est possible d'instituer par une loi d'autres commissions bicamérales ayant fonction d'orientation, de supervision et/ou de contrôle sur des secteurs ponctuels, comme, par exemple, les services radio-télévision et les services d'information et de sécurité.

3. Activités de contrôle en commission

Les commissions peuvent demander à recevoir des informations et des éclaircissements de la part des ministres sur des questions administratives et politiques relevant de leur domaine de compétence.

Elles peuvent également procéder à l'audition des dirigeants de l'administration publique, généralement lorsque la nécessité se présente d'approfondir l'aspect technique et administratif d'une question. Il est cependant nécessaire, dans un tel cas, que le ministre autorise ces personnes à comparaître.

Des dispositions spécifiques sont prévues pour les procédures d'information liées aux politiques de l'Union européenne.

Les commissions peuvent inviter des membres du Parlement européen ou de la Commission européenne à fournir des informations sur les questions institutionnelles concernant l'Union européenne et sur les politiques de l'Union européenne respectivement.

Les commissions peuvent, en outre, demander au Gouvernement de faire rapport, même par écrit, sur l'exécution des lois et la mise en œuvre des textes d'orientation adoptés par l'Assemblée ou acceptés par le Gouvernement.

Il faut rappeler à cet égard que de nombreuses lois prévoient la présentation au Parlement de rapports périodiques sur l'état d'exécution des lois. De tels rapports peuvent être soumis à l'examen de la commission compétente. Cet examen peut s'achever par l'adoption d'un acte d'orientation.

De nombreuses lois prévoient, en outre, que le Gouvernement, lorsqu'il fait usage de son pouvoir normatif, avant de procéder à l'adoption des actes normatifs en question, doit demander l'avis des commissions parlementaires compétentes ou d'une commission bicamérale constituée à cet effet.

Ce phénomène est apparu plutôt souvent au cours des dernières années, notamment lorsque le Gouvernement a été chargé du réaménagement de certains secteurs importants de l'organisation de l'État.

Avec notamment la création des commissions ayant pour mission le suivi des réformes de l'organisation étatique déléguées au Gouvernement, on valorise les fonctions de contrôle sur l'état d'exécution desdites réformes.

En exerçant cette fonction consultative vis-à-vis du Gouvernement - qui demeure de toute façon responsable des actes en question - le Parlement, par le truchement de la commission, veille tout d'abord à ce que le Gouvernement exerce son pouvoir normatif de manière conforme aux conditions fixées par la loi.

Une loi spécifique (n. 14 de 1978) prévoit, en outre, un contrôle parlementaire sur les nominations par le Gouvernement des présidents et vice-présidents d'organismes publics, même de nature économique.

La demande d'avis de la part du Gouvernement doit inclure la description de la procédure adoptée et les raisons qui la justifient.

De plus, il faut communiquer aux deux Chambres, dans un délai de quinze jours, les nominations, les propositions ou les désignations des autres administrateurs effectuées par le Conseil des ministres ou par les ministres, en y joignant l'exposé des motifs qui les justifient, les procédures suivies et une biographie des personnes indiquées.

Le Gouvernement a tendance à se conformer à l'avis exprimé par la commission, même si celui-ci, à l'instar de l'avis sur les actes normatifs du Gouvernement, n'est pas contraignant.

4. D'autres instruments d'information du Parlement

La nécessité de réunir un maximum d'informations et de données sur les besoins et les exigences de la collectivité constitue une des priorités du Parlement, dans le but de pouvoir évaluer de la meilleure façon les options à prendre, outre qu'elle donne expression au principe connu sous la formule « connaître pour délibérer ».

Dans cette optique, la procédure la plus significative est celle des missions d'information.

Chaque commission peut décider, s'étant concertée au préalable avec le Président de la Chambre, d'entamer des missions d'information dans les matières de sa compétence, afin de recueillir des renseignements, des informations et des documents utiles à l'activité de la Chambre.

Pendant le déroulement de la mission d'information, les commissions peuvent procéder à l'audition de tous les acteurs qu'elles estiment opportun d'entendre.

Les acteurs appelés par les commissions coopèrent de leur plein gré afin de fournir les informations demandées. Il n'existe pas de pouvoir coercitif qui les oblige à répondre ou à comparaître.

Au terme de la mission d'information, les commissions adoptent un document final qui fait état des résultats acquis.

Il faut rappeler en conclusion que la Chambre est dotée d'un organe particulier, le Comité pour la législation, où la majorité et l'opposition sont représentées de façon paritaire. Il a pour mission de formuler des avis sur la qualité des textes législatifs à l'intention des commissions.

Ce Comité est appelé à vérifier la qualité des projets/propositions de loi sur la base de paramètres objectifs, préalablement établis et prévus par le Règlement. On pourrait estimer que cette activité, sous certains angles de vue, est susceptible de présenter des aspects qui relèvent d'une fonction de contrôle assumée au sens large et évolutif.

Contribution de M. Tamisuke WATANUKI

1. Pouvoirs pour la collecte des informations

1.1. Droit d'investigation administrative

La Diète détient le pouvoir de résolution pour l'établissement de lois et du budget, ainsi qu'un droit de contrôle élargi sur l'administration pour assurer l'efficacité et l'adaptation des différentes fonctions au niveau de la constitution sur la base du système gouvernemental parlementaire.

L'article 62 de la Constitution stipule que "les deux Chambres doivent effectuer des investigations sur toutes les administrations nationales et peuvent exiger l'apparition, le témoignage et la présentation les notes des témoins" ; elles sont l'élément essentiel de l'investigation administrative nationale, et dans la pratique, diverses commissions exercent leur droit d'investigation administrative nationale sur commissionnement des Chambres.

Les méthodes d'exercice concrètes du droit d'investigation administrative nationale consistent à écouter les explications et l'interrogation des ministres concernés, etc. devant la commission ; envoyer des Parlementaires ; écouter de l'avis des experts ; demander de convoquer des témoins et écouter leur témoignage ou leur demander de présentation des documents ; demander au Cabinet et/ou aux divers services administratifs de faire un rapport ou de présenter des documents.

Avec l'amendement en 1997 de la Loi sur la Diète, des règles de la Chambre des Représentants et les règles de la Chambre des Conseillers, il est devenu possible en particulier de demander au Cabinet et/ou aux divers services administratifs des explications sur les motifs de refus de fourniture des rapports et documents qui leur ont été demandés. It est aussi devenu possible à chaque Chambre ou commission de demander à la Cour des comptes un contrôle comptable une étude comptable sur des points particuliers et de présenter un rapport des résultats.

Le recours au droit d'investigation administrative se fait activement par le biais de l'écoute d'avis des experts par des commissions, la présentation de documents par le gouvernement etc., l'interrogation de ministres, mais il y a peu de convocations de témoins accompagnés de pénalités pour faux témoignages.

1.2. Etude préalable

Avec l'amendement des règles de la Chambre des Représentants de 1997, il est devenu possible chaque commission de la Chambre des Représentants d'ordonner une étude préalable nécessaire à l'examen et/ou l'investigation de cette commission auprès du Directeur du Bureau d'étude du Secrétariat de la Chambre des Représentants ou au Directeur du Bureau de législation de la Chambre des Représentants, et la présentation d'un rapport. Et sur la demande de plus de 40 Parlementaires, une commission peut ordonner une étude préalable. Quelque cinq études préalables sont effectuées par an.

1.3. Question succincte

2. Création d'une Commission du Règlement Comptable et de la Supervision de l'Administration

2.1. Création d'une Commission du Règlement Comptable et de la Supervision de l'Administration

2.2. Domaines de compétence

En plus des compétences de l'ancienne Commission du Règlement Comptable, la Commission du Règlement Comptable et de la Supervision de l'Administration recourt à l'analyse des rapports d'inspection de la Cour des comptes et des rapports des résultats d'inspection administrative de l'Agence des Affaires Générales, utilise les fonctions d'écoute directe de l'avis des citoyens, et définit le droit de donner des "recommandations" aux services administratifs concernés sur les points à améliorer apparus au cours des investigations.

Autrement dit, l'objectif de la création de cette commission est d'extraire les problèmes de l'administration dans son ensemble, de les étudier de manière générale et spécialisée, sous divers angles, et de discuter des mesures à prendre.

3. Collecte d'informations de la Diète dans le domaine de l'économie, des sciences et des technologies

3.1. Méthode de collecte des informations

Dans le cadre du système des commissions de la Diète du Japon, il n'y a pas de distinction particulière entre les deux fonctions des commissions : étude de projets de lois et investigation de l'administration. Elles sont toutes les deux assurées par des Commissions permanentes correspondant à chaque ministère. Non seulement les informations dans les domaines de l'économie, des sciences et des technologies, mais aussi des informations gouvernementales sont ordinairement collectées, centrées sur une commission permanente, par le biais de la demande de fourniture de documents sur des questions aux ministres et aux bureaucrates gouvernementaux, ou bien par Livre blanc ou Rapport à présenter obligatoirement sur la base des lois connexes. Des membres de chaque commission se rendent aussi sur place, rencontrent les responsables, ou bien, font souvent une étude après visite de l'installation.

Par ailleurs, en tant qu'organismes complémentaires d'étude ou de législation de la collecte des informations, il existe des Bureaux d'étude pour chaque Commission permanente et des Bureaux d'étude pour chaque Commission spéciale, gérés par le Secrétariat de la Chambre des Représentants (total env. 250 personnes), et des Bureaux d'étude pour chaque Commission permanente et des Bureaux d'étude pour chaque Commission spéciale, gérés par le Secrétariat de la Chambre des Conseillers (total env. 220 personnes), une Direction d'examen législatif et d'étude de la Bibliothèque nationale de la Diète (env. 150 personnes) et une Direction du système des membres (env. 70 personnes au Bureau de législation de la Chambre des Représentants et env. 75 personnes au Bureau de législation de la Chambre des Conseillers).

3.2. Problèmes de la collecte des informations

La demande de documents au Cabinet, aux services administratifs par les organismes complémentaires d'étude ou de législation de la Diète est considérée comme une simple demande de documents présupposant le droit d'investigation de l'administration, sans force coercitive. Pour cette raison, il arrive que le gouvernement ou ses services concernés ne les fournisse pas en invoquant comme raison le respect de la confidentialité, de la vie privée, des secrets d'activités d'entreprises, etc.

Contribution de Sir Alan HASELHURST

La Chambre des Communes supervise les travaux du Gouvernement du Royaume-Uni, et ce par de nombreux moyens : examen minutieux de toute la législation, questions orales posées régulièrement aux ministres, débats portant sur la politique du Gouvernement, etc. La présente note est toutefois axée sur le rôle joué par les commissions d'enquête parlementaires dans le contrôle rigoureux de l'exécutif. Elle donne des renseignements approfondis sur leur contexte, leur composition, leur rôle, leurs pouvoirs, leurs méthodes de travail et leurs ressources.

Introduction : les commissions d'enquête parlementaires

1. La Chambre des Communes fait depuis longtemps appel à des commissions d'enquête parlementaires, pour les charger de missions particulières. Ce n'est toutefois qu'au cours de la dernière partie du 20ème siècle que leur recours, à des fins de supervision systématique de l'exécutif, a été institutionnalisé. Bien que dans leur majorité, les commissions, et ce sont là aussi celles qui sont les plus en vue, soient des commissions d'enquête ministérielles, chargées de contrôler les travaux de chacun des ministères, il en existe un certain nombre d'autres, les commissions d'enquête non ministérielles, qui ont été créées par la Chambre pour faciliter sa mission de contrôle.

Les commissions d'enquête parlementaires ministérielles

2. Depuis 1979, chacun des ministères est contrôlé par une commission d'enquête, chargée par la Chambre d'examiner « son fonctionnement, ses dépenses et sa politique ». Le nombre et les noms des commissions ont évolué au fil du temps afin de répercuter les réformes des mécanismes gouvernementaux, et il existe à l'heure actuelle 18 commissions de ce type, lesquelles suivent de près les principaux ministères, notamment ceux de la défense, de l'éducation, des affaires étrangères et des finances.

Caractéristiques

3. Bien qu'il existe des différences de composition et de mission entre les commissions, elles n'en partagent pas moins de nombreuses caractéristiques :

(a) elles sont composées de membres de différents partis-les commissions d'enquête sont composées de membres du parti au pouvoir et des partis d'opposition. Pour la plupart, elles comportent onze membres, leur composition reflétant la représentation des partis à la Chambre, y compris la représentation des partis minoritaires.

(b) elles élisent leurs propres présidents-les commissions sont libres d'élire leurs propres présidents. Il existe toutefois en général une entente officieuse quant au parti dans lequel le président doit être choisi, ceci de manière à obtenir aussi une représentativité parmi les présidents des commissions.

(c) elles procèdent par des enquêtes - pour tous renseignements, on se reportera à « méthode de travail » ci-après.

(d) elles reçoivent des témoignages en public - en général, les commissions reçoivent les témoignages oraux de témoins en public (mais elles délibèrent en privé).

Pouvoirs

4. Pour qu'elles puissent remplir leur mission efficacement, la Chambre a doté les commissions d'enquête parlementaires des pouvoirs suivants :

· elles peuvent convoquer des "personnes", et obtenir des "documents et des dossiers » - elles disposent du pouvoir de convoquer des personnes, et de se procurer des documents. Cependant, en général, les témoins acceptent sans difficulté de témoigner, et les commissions n'ont pas besoin d'exercer leurs pouvoirs. Il ne peut être ordonné à un député de se présenter. Néanmoins, il est très rare qu'un ministre rejette une invitation émanant d'une commission.

· elles peuvent se réunir en un autre lieu que Westminster-cette disposition permet aux commissions de se réunir et de recueillir des témoignages en tout point du Royaume-Uni, voire même du monde. Mais le pouvoir est limité par le budget voté par la Chambre.

· elles peuvent nommer des conseillers spécialisés - soit pour qu'ils donnent des renseignements non immédiatement disponibles, soit pour clarifier des questions complexes (voir « ressources » ci-après).

· elles peuvent se réunir alors que la Chambre n'est pas en session.

· elles ont le pouvoir de créer des sous-commissions - les commissions ont le pouvoir de créer des sous-commissions, et de permettre ainsi à un petit groupe de membres d'approfondir certains des éléments du mandat de la commission.

· elles peuvent tenir des réunions conjointes-toute commission ou sous-commission peut se réunir conjointement avec une autre commission, ce qui permet d'étudier efficacement des questions interministérielles. Par exemple, la politique gouvernementale de contrôle des exportations d'armement est régulièrement contrôlée par les Commissions de la Défense, des Affaires étrangères, du Développement international ainsi que du Commerce et de l'industrie, lesquelles se réunissent conjointement.

· elles peuvent communiquer les preuves qu'elles ont recueillies à toute autre commission d'enquête parlementaire de la Chambre des Communes ou de la Chambre des Lords, du Parlement de l'Ecosse, de l'Assemblée nationale du Pays de Galles ou de l'Assemblée de l'Irlande du Nord.

Méthode de travail

5. Les commissions d'enquête procèdent en général par enquêtes, dans les conditions énoncées ci-après. Le calendrier dépend du degré d'urgence de l'enquête.

Choix du type d'enquête

Les membres décident du domaine particulier du fonctionnement, des dépenses ou de la politique sur lequel ils souhaitent enquêter. Les commissions ont toute latitude de choisir le sujet de leurs enquêtes ; toutefois, l'année dernière, la Chambre s'est mise d'accord sur un certain nombre de « missions pivots », qu'il convient que les commissions prennent en considération lorsqu'elles décident de leur programme de travail. Ces missions englobent l'intégralité de l'éventail des travaux des commissions, de l'examen des grandes initiatives politiques à la surveillance des performances obtenues par les ministères par rapport aux objectifs qui leur ont été fixés.

Publicité des enquêtes et appel aux preuves

Un communiqué de presse est diffusé, lequel fait état des détails de l'enquête, des grandes lignes de son mandat, et demande que les parties intéressées soumettent des preuves par écrit. En général, la commission écrit à ceux dont elle souhaite recevoir des mémorandums (groupes d'intérêts pertinents, syndicats ou fédérations d'employeurs par exemple). Il est alors pris réception des mémorandums qui sont diffusés auprès de tous les membres.

Témoignages oraux

Les témoins choisis par la commission témoignent en public, en général en fonction des mémorandums d'ores et déjà soumis. En général aussi, à sa dernière séance, la commission reçoit le témoignage oral du ministre ayant compétence. Une transcription complète de chacune des séances est faite et est publiée peu après sur le réseau internet.

Rapport

Un projet de rapport est rédigé par le président et par le personnel de la commission, projet fondé sur les preuves recueillies par la Commission. Ce projet est ensuite débattu et une version finale est convenue. Celle-ci est publiée peu après, accompagnée des conclusions et des recommandations de la commission, parallèlement aux témoignages recueillis oralement et de certaines des preuves écrites ayant été reçues.

Réponse du Gouvernement

Par convention, le ministère responsable répond au rapport dans un délai de deux mois, en indiquant s'il accepte ou non les constatations de la commission ainsi que les raisons à cet effet. Il est aussi possible que le rapport fasse l'objet d'un débat et qu'il y soit répondu ultérieurement à la Chambre.

6. Le cadre ci-dessus décrit n'est qu'un exemple qui illustre les conditions dans lesquelles une enquête peut être conduite. Diverses étapes sont susceptibles d'être sautées (telles qu'une visite) et une commission peut décider de ne recueillir que des témoignages oraux sur telle ou telle question et d'en publier la transcription, sans publier de rapport.

Commissions d'enquête parlementaires non ministérielles

7. Hormis les commissions d'enquête ministérielles ci-dessus évoquées, il existe plusieurs autres commissions chargées de contrôler l'exécutif. D'une manière générale, celles-ci fonctionnent dans des conditions analogues à celles des commissions d'enquête ministérielles (composition répercutant la représentation des partis, élection de leurs présidents, etc.) les différences sensibles étant cependant indiquées ci-dessous :

· La Commission des comptes de l'Etat (Public Accounts Committee)-a été créée en 1861 afin d'examiner « les comptes et de mettre en évidence l'affectation des sommes accordées par le Parlement afin de faire face aux dépenses publiques... ». La plus grande partie du travail de cette commission consiste à examiner les rapports qualité-prix dressés par la Cour des comptes (National Audit Office) en ce qui concerne les dépenses de l'Etat.

· La Commission de l'administration publique (Committee on Public Administration)- est chargée des questions relatives à la qualité et aux normes de l'administration et des services publics, ainsi que d'examiner les rapports émanant du Médiateur parlementaire (Parliamentary Ombudsman).

· La Commission d'audit environnementale (Environmental Audit Committee)-créée en 1997, elle considère la mesure dans laquelle les politiques et les programmes des ministères et des organismes publics non ministériels contribuent à la protection de l'environnement et au développement durable, ainsi que leurs résultats par rapport aux objectifs qui leur ont été fixés.

· Droits de l'homme (La Commission conjointe des ...) (Human Rights (Joint Committee)-est composée de membres de la Chambre des Lords et de la Chambre des Communes. Elle est chargée d'examiner les questions touchant aux droits de l'homme au Royaume-Uni, y compris la législation présentée au Parlement.

· La Commission d'examen des textes européens (European Scrutiny Committee) - est chargée d'examiner les documents émanant de l'Union européenne, émet un avis auprès de la Chambre sur l'importance de chacun des documents et recommande ceux qu'il y aurait lieu d'étudier de manière plus approfondie. Elle suit par ailleurs les travaux du Conseil des ministres et recueille les témoignages des ministres du Royaume-Uni avant et après certaines des réunions du Conseil.

8. Il existe par ailleurs plusieurs autres commissions d'enquête parlementaires de la Chambre, dont celles chargées des décrets-lois, ainsi que de l'administration et du fonctionnement de la Chambre.

Ressources

9. Les commissions bénéficient de plusieurs ressources, dont elles peuvent profiter pour faire en sorte qu'elles soient aussi pleinement informées que possible sur les domaines dont elles sont chargées.

· Personnel des commissions : chacune des commissions d'enquête emploie entre quatre et six personnes à plein temps, qui assurent l'essentiel du soutien à leur mission de contrôle. Elles sont recrutées et employées par la Chambre et non pas par le Gouvernement, et sont tenues à de strictes règles d'impartialité. Elles travaillent pour la Commission entière et ne font pas de travail pour les parlementaires individuels.

· Conseillers spécialisés : ainsi qu'il est dit ci-dessus, presque toutes les commissions d'enquête ont le pouvoir de nommer des conseillers spécialisés, qui perçoivent des honoraires à la journée pour l'accomplissement de leur mission. Il s'agit en général d'experts dans leurs domaines respectifs - universitaires, scientifiques, économistes, etc. - qui émettent un avis dans des domaines particuliers ou qui apportent une aide à caractère plus général dans une enquête.

· La Bibliothèque de la Chambre des Communes : fournit des informations impartiales et des services de recherche aux députés au titre de leur mission parlementaire. Toutefois, elle travaille aussi régulièrement pour les commissions d'enquête parlementaires, et rédige par exemple des notes initiales de mise en perspective aux fins d'une enquête.

· L'Office parlementaire de science et de technologie (Parliamentary Office of Science and Technology) : créé en 1987, il fournit aux membres des deux Chambres une analyse impartiale des questions scientifiques et techniques. Il dresse régulièrement pour les membres des Chambres des bilans sur les questions scientifiques actuelles, et apporte régulièrement son aide aux enquêtes des commissions parlementaires. Parmi les notes récentes de l'Office se trouvent des rapports sur l'Intoxication alimentaire, la Fusion nucléaire et l'Accès à l'énergie dans les pays en développement.

· L'Unité de contrôle (The Scrutiny Unit) : a été créée en 2002, sur décision de la Chambre, afin d'assurer une assistance aux commissions effectuant des enquêtes soit sur des questions de dépenses, soit sur des projets de lois (contrôle pré-législatif). Une commission peut commander une étude à l'Unité afin de faciliter telle ou telle enquête. Son personnel comprend des juristes, des économistes et des statisticiens.

· Missions de recherche : les commissions peuvent aussi faire appel à un budget de recherche restreint, qui leur permet de faire faire des recherches sur de nouveaux éléments dans le cadre d'une enquête.

10. Depuis 1979, date à laquelle le dispositif actuel des commissions d'enquête ministérielles a été pleinement mis en place, le volume de travail entrepris par les commissions, et l'effectif correspondant de personnel dont elles ont besoin, ont régulièrement augmenté. Une étude complète du personnel dont les commissions d'enquête ont besoin a récemment été réalisée. Le rapport de cette étude est sorti cette année ; il comprenait plusieurs recommandations, notamment le fait que l'effectif du personnel attaché à chacune des commissions devait être très sensiblement étoffé.

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DEUXIEME THEME : LE FINANCEMENT
DE LA VIE POLITIQUE

Contribution de M. Wolfgang THIERSE

1. "Financement de la politique" versus financement des partis politiques

Le sujet du "financement de la politique" est très vaste. C'est pourquoi je voudrais d'abord distinguer cette notion de celle, plus limitée, du "financement des partis". En Allemagne, sous le concept de "financement de la politique", nous entendons le financement de toutes les personnes et organisations directement impliquées dans la formation de la volonté politique. Il s'agit essentiellement des acteurs suivants :

1.1. Les membres du Bundestag allemand et des parlements des Länder

Les députés du Bundestag reçoivent, outre leurs indemnités personnelles imposables, des indemnités de fonction au siège du parlement et une indemnité forfaitaire exonérée d'impôt pour la couverture des frais liés à leur mandat, ainsi que le remboursement, sur présentation des preuves, des frais engagés pour les collaborateurs parlementaires, jusqu'à un plafond déterminé (pour plus de détails concernant les indemnités parlementaires, l'indemnité forfaitaire et le travail des collaborateur, consulter : www.bundestag.de/mdb_diaeten/index.html.

1.2. Les groupes parlementaires

Conformément à la constitution de la République fédérale d'Allemagne, la Loi fondamentale, les compétences du Bundestag allemand et des parlements des Länder, en leur qualité de pouvoir législatif, sont illimitées. La compétence législative - consistant en l'adoption de règlements - du gouvernement, en sa qualité de pouvoir exécutif, est en revanche subsidiaire et soumise chaque fois à l'habilitation reçue du pouvoir législatif. Cette compétence législative vaste et complexe suppose que chaque groupe parlementaire soit pourvu nécessairement d'une administration hautement qualifiée. En tant qu'élément du pouvoir législatif, les groupes parlementaires font partie de l'État constitué ("institutionnel") et il faut les distinguer nettement des partis organisés en associations de droit civil, et de leur travail (et leur financement). Le volume du financement des groupes du Bundestag allemand s'élève, pour l'exercice budgétaire 2003, à un total de 58,5 millions d'euros.

1.3. Les fondations politiques "proches des partis"

Elles constituent une particularité propre à l'Allemagne. Ces "fondations" sont en général des associations de droit civil enregistrées, et elles concourent à la formation de la volonté politique dans le pays mais aussi, certainement, à l'étranger. Elles sont financées par les deniers publics. En tant qu'organisations non gouvernementales (ONG), elles contribuent par leur activité à l'étranger à la mise en place ou au renforcement de l'ordre démocratique, plus efficacement que ne pourrait le faire une organisation de l'État. Actuellement, il y a six fondations politiques de ce type, correspondant aux partis représentés au Bundestag allemand au cours de la dernière législature. Le montant annuel global du financement public de celles-ci s'élève à environ 300 millions d'euros.

1.4. Les partis politiques

En tant que groupes librement formés et trouvant leurs racines dans le domaine social et politique, les partis ne constituent pas un élément de l'État constitué. Le principe d'autonomie des partis par rapport à l'État exige qu'ils doivent rester dépendants de l'approbation et du soutien des citoyens, non seulement politiquement, mais aussi économiquement et dans leur organisation. Il ne peut donc y avoir un soutien financier de l'État qu'à titre complémentaire, subsidiaire.

Le volume global du financement public des partis au niveau de la Fédération et des Länder s'élève actuellement à 133 millions d'euros. Les partis recevant un financement public partiel ont, comme l'atteste leur rapport d'activité le plus récent, relatif à l'année 2001, des recettes propres supplémentaires d'un montant d'environ 285 millions d'euros. Le financement public partiel des partis politiques s'élève donc à environ 31  % de l'ensemble de leurs recettes.

2. Description détaillée du financement des partis et des campagnes électorales

2.1. Principes

Dès son entrée en vigueur, en 1949, l'article 21 de la Loi fondamentale a prévu que les partis doivent rendre compte publiquement de leurs ressources. Les modalités de cette mesure devaient être régies par une réglementation législative particulière. Avec l'entrée en vigueur de la loi sur les partis politiques, en 1968, ce sont non seulement les détails de la présentation des comptes, mais aussi les principes d'un financement public partiel des partis qui ont été fixés. Conformément à cette loi - et en application des décisions de la Cour constitutionnelle fédérale -, ce n'est pas un financement public général des partis qui a été prévu, mais seulement, comme le stipule textuellement la loi, "le remboursement nécessaire d'une campagne électorale appropriée". Ce "remboursement des frais de campagne électorale" était effectué forfaitairement - en accord avec les décisions de la Cour constitutionnelle. Le "forfait de campagne électorale" était calculé au départ, c'est-à-dire en 1968, sur la base d'environ 1,30 € par électeur inscrit, indépendamment du fait que les électeurs inscrits n'allaient pas tous voter. En effet, un des objectifs importants de la campagne électorale était d'inciter les abstentionnistes potentiels à aller voter. La répartition du "forfait de campagne électorale" entre les différents partis s'effectuait après les élections, en parts basées sur le résultat électoral obtenu par chacun d'eux en pourcentage. Ce "forfait de campagne électorale" était naturellement versé après chaque élection. Dans les années suivantes, ce principe s'est également appliqué aux élections au Parlement européen et aux élections aux parlements des Länder.

Ce système s'est maintenu substantiellement jusqu'en 1994. Depuis 1989, le "forfait de campagne électorale" s'élevait à 2,56 € (5,00 DEM) par électeur inscrit. Le financement public des partis garanti essentiellement de cette manière avait atteint un volume annuel d'environ 118 millions d'euros pour les trois niveaux d'élections - Parlement européen, Bundestag, parlements des Länder.

En 1992, eu égard à la signification particulièrement importante que conservent les partis politiques en tant que regroupements au sein de la société, la Cour constitutionnelle fédérale a retenu qu'il était permis de rembourser aux partis, non seulement les frais nécessaires d'une campagne électorale appropriée, mais de leur octroyer un financement public partiel également pour les missions générales qui leur sont assignées en vertu de la Loi fondamentale et de la loi sur les partis politiques. Ce qui a mené, à partir de 1994, à un financement public partiel général des partis qui n'est plus destiné uniquement au paiement des campagnes électorales. Ce financement était limité absolument au volume financier que les partis avaient déjà reçu sur la base de la situation juridique en vigueur jusqu'alors (plafonds absolus), et limité relativement au financement propre annuel de chacun des partis ("plafonds relatifs").

La loi sur les partis politiques a été dernièrement modifiée à l'été 2002, après que la pratique a montré que les dispositions appliquées jusqu'alors dans le cadre de l'exécution de la loi pouvaient poser des problèmes dans des cas particuliers. En outre, une série de scandales liés aux dons a montré clairement la nécessité d'avoir de meilleures mesures de préventions contre des agissements illicites en matière de constitution et d'administration des finances d'un parti, ainsi qu'un exposé des infractions particulier dans la loi sur les partis politiques. À cette occasion, le législateur a aussi rempli la mission de produire des dispositions plus claires et de stipuler quelles sanctions l'autorité administrant les fonds doit prendre en cas de présentation de rapports d'activité erronés. Lors de la modification de la loi, on a tenu compte des propositions de la "commission d'experts indépendants sur les questions du financement des partis", que chaque président fédéral en fonction doit convoquer pour la durée de son mandat ; les exigences formulées dans la foulée de la commission d'enquête sur les dons aux partis politiques, constituée sous la 14ème législature, ont également été prises en considération.

2.2. Financement propre des partis

En tant que groupements sociaux de droit civil, et non publics, les partis ont l'obligation, compte tenu de la conception qu'ils ont d'eux-mêmes, de pourvoir d'abord sous forme privée à leur financement. Le financement public est seulement secondaire et ne peut dépasser en aucun cas, comme indiqué plus haut, le financement propre de chaque parti ("plafond relatif" du financement public).

Les principales sources de recettes du financement propre sont les contributions des membres et des mandataires, ainsi que les dons. Parmi les six partis représentés au Bundestag allemand jusqu'en 2002, les contributions représentaient, pour le dernier exercice budgétaire disponible - celui de 2001 -, environ 43  %, les dons environs 18  % et les autres recettes propres environ 8  % de l'ensemble des recettes, qui comprennent également le financement public (environ 31  %).

En principe, les partis ont le droit d'accepter des dons d'un montant illimité. Tenant compte, d'une part, de la nécessité qu'ont les partis de se financer d'abord par eux-mêmes, et d'autre part, du danger que ces mêmes partis et leur travail politique soient exposés à des influences extérieures et non démocratiques en cas de dons trop élevés, le législateur allemand a opté pour l'interdiction générale d'accepter des dons dans des cas décrits avec précision par la loi : lorsque le plafond absolu pourrait être contourné par un financement indirect du parti, ou bien lorsque les fondements démocratiques pourraient être violés en raison d'influences inadmissibles exercées sur les partis. Pour le reste, le législateur a décidé de ne pas limiter les montants des dons et de lutter contre le danger de corruption par la plus grande transparence possible. Ce dernier aspect veut que les dons qu'un parti reçoit d'un seul donateur, et qui dépassent la valeur totale de 10 000 € dans le cadre d'une année comptable, doivent figurer de manière transparente, avec le nom et l'adresse du donateur, ainsi que le montant du don total, dans le rapport d'activité à publier en tant que document imprimé du Bundestag. En outre, les dons de plus de 50 000 € doivent être signalés rapidement, c'est-à-dire sans hésitation fautive, afin de pouvoir être publiés "dans un délai rapproché" dans un document imprimé du Bundestag particulier.

L'obligation, encore renforcée avec effet au 1er janvier 2003, qu'ont les partis de rendre publiquement des comptes sur l'ensemble de leurs recettes et dépenses et de leur patrimoine doit permettre d'atteindre la solution intermédiaire qui, d'une part, permet aux partis un financement propre le plus large possible et, d'autre part, les habilite à travailler dans la transparence, en conformité avec la loi et dans le respect de la démocratie. On ne peut pas empêcher le fait que chaque disposition légale puisse être contournée. Si les responsables des partis doivent admettre, comme on l'a vu ces derniers temps en rapport avec des procédures pénales, qu'ils ne sont pas intouchables, cette mesure permet d'espérer que les partis appréhenderont avec responsabilité leur rôle de relais entre la société et l'État et de facteur de la formation de la volonté politique du peuple, et qu'ils ne céderont pas à la tentation de faire de l'État une proie ou de se servir dans les caisses de l'État.

2.3. Financement public partiel

Le financement public partiel des partis régi par la loi sur les partis politiques se base sur la proportion de leur enracinement dans la société. Un parti qui trouve une force d'appui dans la société doit recevoir plus de moyens financiers publics qu'un parti qui est rejeté par la société. Le critère de cet "enracinement dans la société" est, pour une part, le résultat électoral que les partis ont obtenu pour chacun des trois scrutins au niveau fédéral (élections au Parlement européen, élections au Bundestag et élections aux diètes des 16 Länder) et, pour l'autre part, le succès que les partis obtiennent en récoltant les contributions du plus grand nombre possible de membres et de mandataires, ainsi que des dons.

Globalement, le financement partiel public dépend de la présentation des comptes prescrite par la loi. Depuis la dernière modification de la loi sur les partis, les problèmes liés à des rapports d'activité incorrects sont réglés expressément par la loi. Ainsi les partis ont-ils, par exemple, l'obligation de corriger sans délai les erreurs après leur découverte, y compris dans les rapports d'activité déjà parvenus au président du Bundestag. Les infractions aux règles de présentation des comptes et aux autres prescriptions de la loi sur les partis politiques entraînent des sanctions financières d'un montant deux ou trois fois supérieur au montant incorrect. En outre, des dispositions pénales particulières s'appliquent également entre-temps, aux termes desquelles des membres individuels du parti, qui contournent les dispositions relatives à la présentation publique des comptes d'un parti et adressent ainsi un rapport d'activité incorrect au président du Bundestag, peuvent être amenés à répondre pénalement de leurs actes (pour plus de détails concernant le financement public des partis, consulter www.bundestag.de/datbk/finanz/finanz_02.pdf).

Contribution de M. Peter MILLIKEN

INTRODUCTION

Tout débat sur l'état de la démocratie et sur la santé d'un système électoral comprend nécessairement un volet sur la nature de la collecte de fonds, en particulier sur les limites (le cas échéant) des montants versés ou des sources de cette collecte ainsi que sur les dépenses consacrées aux élections. Ces deux questions sont étroitement liées : les sommes qui peuvent être dépensées pour une campagne électorale varient en grande partie selon les sommes que les partis et les candidats peuvent recueillir.

Au Canada, où tant les partis politiques nationaux que les candidats eux-mêmes dans chaque circonscription électorale recueillent des fonds et engagent des dépenses pour les campagnes électorales, le financement des élections et des partis politiques a été au centre des débats qui ont eu cours ces derniers mois. Les discussions à cet égard résultent du fait que le gouvernement fédéral a décidé d'interdire aux personnes morales et aux syndicats de verser la plupart des contributions qu'ils étaient auparavant autorisés à verser, d'imposer des limites sur les dons des particuliers et d'offrir des subventions publiques aux partis politiques enregistrés. Les changements apportés constituent indiscutablement la réforme la plus importante qu'ait subie la réglementation sur le financement électoral depuis au moins 1974 ; leur portée sera sans aucun doute très étendue.

CONTEXTE

On ne peut nier que les campagnes électorales, qui reposent essentiellement sur la publicité et le recours à la télévision et à la radio, entraînent des dépenses énormes. Au cours des années 1950, un certain nombre de personnes au Canada ont commencé à se demander si les candidats qui avaient plus facilement accès au financement que les autres ne jouissaient pas d'un avantage indu et si cette situation ne mettait pas en péril la santé du système démocratique. Selon elles, la montée en flèche des coûts risquait d'écarter de la vie publique un grand nombre de personnes de valeur et, par voie de conséquence, de réduire la capacité du système politique de refléter la pluralité des valeurs et des opinions des Canadiens.

La Loi sur les dépenses d'élection de 1974 a établi, à l'échelle fédérale, le cadre de base du financement public des partis politiques et des candidats. Ce cadre comportait un plan de remboursement des dépenses électorales associé à des limites des dépenses ainsi qu'un mécanisme de crédits d'impôt accordés à ceux et à celles qui versaient des contributions aux partis et aux candidats. Cette loi avait pour principal objet de contrôler les dépenses électorales. Elle instaurait une certaine parité financière entre les différents candidats et accordait une aide aux partis et aux candidats. En retour, elle imposait des contrôles et des exigences afin de permettre la divulgation au public des dépenses et des contributions et d'accroître la confiance de celui-ci dans le processus politique et électoral. Posant comme principe que le financement des élections devait être soumis à l'examen du public, la Loi :

- limitait les dépenses ;

- prévoyait la divulgation des contributions versées ainsi que celle des dépenses engagées au cours des campagnes électorales ;

- établissait un système de financement public partiel ;

- réglementait le temps d'antenne des partis et des candidats ;

- mettait en œuvre d'autres changements visant à rendre le processus politique plus égalitaire.

Depuis 1974, des changements mineurs ont été apportés à la réglementation canadienne sur le financement électoral à l'échelon fédéral. Les questions d'influence abusive et du coût des élections continuent toutefois à susciter de nombreux débats. Des discussions sont constamment en cours sur le bien-fondé de limiter ou d'interdire les contributions politiques, sur la nécessité de restreindre encore plus les dépenses pendant les périodes électorales et d'autres et sur l'établissement d'un niveau de financement public approprié pour les partis politiques et les candidats. À l'échelle provinciale, le Québec interdit depuis 1977 le versement de dons par les personnes morales et les syndicats ; le Manitoba a adopté la même interdiction en 2000.

MODIFICATIONS LÉGISLATIVES RÉCENTES

Le 29 janvier 2003, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu (financement politique). Le projet de loi a reçu la sanction royale le 19 juin 2003 et il entrera en vigueur le 1er janvier 2004.

La nouvelle Loi constitue la plus importante réforme des lois canadiennes touchant le financement des élections et des campagnes depuis l'établissement, en 1974, d'un régime de financement des élections fédérales au Canada au moyen de la Loi sur les dépenses d'élection ; elle comprend plusieurs éléments ou thèmes :

- interdiction faite (sauf exceptions mineures) aux personnes morales et aux syndicats de verser des contributions aux partis politiques et aux candidats aux élections ;

- limitation des contributions individuelles ;

- enregistrement des associations de circonscription des partis politiques et exigence pour ces dernières de présenter des rapports ;

- application de la réglementation aux courses à l'investiture et aux courses à la direction au sein des partis politiques ;

- amélioration du financement public du système politique, particulièrement au niveau des partis politiques.

Alors que la Loi de 1974 mettait l'accent sur les limites de dépenses électorales, la nouvelle Loi vise surtout à limiter les contributions. La Loi de 1974 a introduit un élément de financement public ; la nouvelle Loi améliore cet élément et élargit sensiblement la réglementation des activités financières menées par les associations de circonscription des partis politiques, ainsi que par les candidats à la direction et les candidats à l'investiture au sein de ces partis.

Les contributions des particuliers à chaque parti enregistré et à ses associations de circonscription, à ses candidats et à ses candidats à l'investiture sont assujetties à une limite annuelle de 5 000 $ au total. Cette limite ne s'applique pas aux courses à la direction, pendant lesquelles les contributions individuelles sont assujetties à une limite distincte de 5 000 $ au total, qu'elles soient versées à un seul ou à plusieurs candidats à la direction d'un parti enregistré. Les contributions qu'un candidat ou un candidat à l'investiture fournit de sa poche à sa propre campagne n'entrent pas dans le calcul du 5 000 $.

La nouvelle Loi interdit par ailleurs aux personnes morales, aux syndicats et aux associations de faire des contributions aux partis politiques enregistrés ou aux candidats à leur direction. Ces organismes peuvent cependant verser de petites sommes - un maximum ou un total de 1 000 $ pour l'ensemble des destinataires - aux candidats, aux candidats à l'investiture ou aux associations de circonscription des partis, ainsi qu'à un candidat à une élection qui ne représente pas un parti enregistré. Les entreprises qui ne font pas d'affaires au Canada, les syndicats qui ne sont pas titulaires d'un droit de négociation pour des employés travaillant au Canada, les sociétés d'État et les personnes morales qui reçoivent plus de la moitié de leur financement du gouvernement du Canada ne sont pas, pour leur part, autorisés à verser cette contribution réduite.

La nouvelle Loi comprend des clauses visant à empêcher que les intéressés ne contournent les limites prévues ou ne cachent les sources des contributions ; le législateur veut ainsi éviter que des personnes morales ou des syndicats ne remettent des fonds à leurs dirigeants ou à leurs employés pour qu'ils contribuent à un parti. Les contributions indirectes sont également interdites, à l'exception de contributions indirectes limitées faites par l'intermédiaire d'organisations de collecte de fonds.

À l'heure actuelle, les associations de circonscription des partis politiques ne sont pas enregistrées séparément et ne sont pas tenues de soumettre des rapports financiers ou autres directement au Directeur général des élections, qui est la personne chargée de rendre directement compte au Parlement de l'administration des élections et du maintien de l'intégrité du système électoral. En vertu de la nouvelle Loi, ces associations devront s'enregistrer auprès d'Élections Canada. Elles devront également fournir certains renseignements et produire des rapports annuels.

Actuellement, seuls les candidats et les partis politiques enregistrés sont assujettis à des limites de dépenses, et uniquement en période électorale. Le maximum des dépenses qu'un candidat peut engager varie selon le nombre d'électeurs admissibles dans sa circonscription. Pour les partis enregistrés, ce maximum est fonction du nombre d'électeurs dans les circonscriptions où ils présentent des candidats. La nouvelle Loi étend ces limites de dépenses aux candidats à l'investiture, pour lesquels elle fixe le plafond à 20 p. 100 du montant auquel avait droit le candidat de cette circonscription au moment de la dernière campagne électorale. Bien qu'il semble que bon nombre d'investitures aient lieu sans opposition et que, même lorsqu'il y a plus d'un candidat en lice, les courses à l'investiture soient en général relativement peu coûteuses, il y a déjà eu des exemples de campagnes très médiatisées et très coûteuses. Les campagnes à l'investiture font partie intégrante du processus électoral et peuvent influer sur l'élection qui suit. L'imposition de limites de dépenses et de restrictions touchant les contributions vise également à uniformiser les règles du jeu et à aider les candidats traditionnellement désavantagés, par exemple les femmes et les membres des minorités visibles.

Les courses à la direction des partis politiques ne sont pas actuellement visées par les dispositions de la Loi électorale du Canada, ce qui est depuis longtemps considéré comme une lacune du système électoral. Dans ses rapports au Parlement, le Directeur général des élections du Canada a souligné que le choix d'un chef peut être un événement politique extrêmement important, qui oblige parfois à recueillir et à dépenser des sommes considérables, souvent financées en partie par des contributions en retour desquelles des reçus fiscaux sont délivrés. Diverses modifications ont été proposées à cet égard, essentiellement pour garantir un financement transparent en exigeant le dépôt de rapports sur les contributions et les dépenses. La nouvelle Loi reprend ce concept. La suggestion d'imposer des limites de dépenses aux candidats à la direction n'a toutefois pas été retenue, ces limites demeurant la responsabilité des partis politiques en cause.

La nouvelle Loi comprend d'importantes mesures en matière de financement public. Ces dispositions semblent avoir pour objet d'indemniser les partis pour la suppression des contributions des personnes morales et des syndicats, qui sont le plus souvent versées aux partis eux-mêmes plutôt qu'aux candidats ou aux associations de circonscription. Les partis politiques forment le cœur de tout régime politique et électoral moderne, et on peut soutenir qu'ils sont dès lors essentiels au dynamisme et à la viabilité du système démocratique. Quant à savoir si cela doit impliquer un financement public - direct ou indirect - et, dans l'affirmative, dans quelle mesure, il s'agit là d'un important débat politique et philosophique. À l'heure actuelle, les partis politiques enregistrés bénéficient d'un financement public par la voie du régime fiscal (contributions déductibles) et du remboursement partiel de leurs dépenses électorales. Les candidats peuvent également se faire rembourser une partie de leurs dépenses électorales, tandis que les donateurs peuvent bénéficier du traitement fiscal privilégié réservé aux contributions politiques. La nouvelle Loi améliore et élargit ce régime.

Les partis enregistrés peuvent actuellement se faire rembourser 22,5 p. 100 des dépenses engagées en période électorale ; cette proportion s'établit à 50 p. 100 pour les candidats. La nouvelle Loi portera à 60 p. 100 le pourcentage des dépenses électorales remboursables aux partis enregistrés. Pour ce qui est des candidats eux-mêmes, le pourcentage des voix qu'ils doivent obtenir dans leur circonscription pour avoir droit au remboursement de leurs dépenses électorales sera ramené de 15 à 10 p. 100.

La nouvelle Loi prévoit le versement, aux partis enregistrés, d'une allocation annuelle correspondant à 1,75 $ par vote recueilli par un parti aux élections générales précédentes, à condition que ce parti ait reçu, à ces élections, soit 2 p. 100 des suffrages validement exprimés à l'échelle nationale, soit 5 p. 100 des suffrages dans les circonscriptions où le parti présentait des candidats. Dans le projet de loi C-24, ce montant était de 1,50 $ par vote ; la Chambre des communes l'a porté à 1,75 $ et elle a ajouté une clause pour qu'il puisse être modifié de façon à ce qu'il soit tenu compte de l'inflation. Le montant correspond apparemment au manque à gagner que pourraient subir les partis par suite des changements relatifs aux donateurs autorisés et il a été conçu de façon à être sans incidence sur les recettes. Il semble que plusieurs provinces du Canada versent des allocations aux partis enregistrés en fonction de leurs résultats électoraux.

Afin d'encourager les contributions des particuliers, la nouvelle Loi modifie par ailleurs la Loi de l'impôt sur le revenu de manière à doubler le montant des contributions politiques individuelles donnant droit à un crédit d'impôt de 75 p. 100, le faisant passer de 200 à 400 $, et à augmenter en conséquence tous les autres échelons de ce crédit d'impôt jusqu'à un crédit maximum de 650 $ pour les contributions politiques de 1 275 $ ou plus. Les modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu par la nouvelle Loi s'appliqueront à partir de l'année d'imposition 2003.

La nouvelle Loi semble viser principalement à améliorer l'équité et la transparence. Les perceptions relatives aux abus d'influence et les allégations de scandales semblent avoir motivé certains des changements proposés, mais il est important de souligner que les observateurs de notre régime électoral réclamaient déjà certaines des mesures contenues dans la Loi. Cette dernière vise à rétablir la confiance du public dans le régime électoral et le processus démocratique. La question de savoir si ses dispositions sont vraiment nécessaires, et si elles permettront d'atteindre l'objectif visé, fera sans doute l'objet de discussions.

Contribution de M. Dennis HASTERT

Le financement des campagnes électorales américaines reflète le pluralisme qui, depuis longtemps, étaye la démocratie américaine, dans laquelle les intérêts et les factions concurrentes cherchent à influencer la politique publique, avant comme après les élections.

L'essentiel du financement des élections américaines provient de sources privées : citoyens individuels soutenant financièrement, de manière directe, des candidats et des partis politiques ; groupes d'intérêts, souvent organisés à travers des Comités d'Action Politique (PAC), par lesquels les citoyens mettent en commun des ressources en vue d'objectifs politiques partagés ; partis politiques, apportant leur contribution à leurs propres candidats au nom du parti ; et les candidats eux-mêmes, avec leurs deniers personnels et ceux de leur famille.

Une cinquième source de financement est possible pour l'élection présidentielle et dans certaines élections municipales ou propres aux Etats : fonds publics, ou subventions gouvernementales, pour les candidats qui réunissent les conditions spécifiques requises et qui généralement acceptent de respecter la limitation « volontaire » des dépenses.

Comme le régime des Etats-Unis n'est pas de type parlementaire les partis politiques ne jouent pas un rôle primordial comme dans beaucoup d'autres démocraties en choisissant les candidats et en finançant leurs campagnes. Ainsi les candidats, à tous les niveaux, ont généralement pour leur campagne des besoins d'organisation et de financement distincts de ceux des partis politiques auxquels ils sont affiliés. Toutefois, si les candidats jouent un rôle capital dans la communication de leur message à l'électorat, les partis politiques et les groupes d'intérêt dépensent également de l'argent pour communiquer directement avec les électeurs afin de promouvoir ou combattre certains candidats.

Comme les élections impliquent de faire passer le message des candidats et des partis en compétition, le temps d'antenne payé aux télévisions est devenu le poste de dépenses principal du budget des campagnes, la tv étant le moyen le plus efficace pour d'atteindre un grand nombre d'électeurs dans une circonscription donnée. À la différence de beaucoup d'autres démocraties, les stations de tv américaines appartiennent généralement à des intérêts privés et transforment les candidats, en particulier ceux qui briguent les plus hautes charges, en acheteurs de cet onéreux moyen de communication. L'argent de la campagne est également dépensé en publipostage, téléphone, enquêtes d'opinion, conseillers de campagne et permanents à plein temps.

La constitution des Etats-Unis laisse au Congrès la responsabilité d'édicter les règles applicables aux élections fédérales. Périodiquement, le Congrès a promulgué des lois régissant le financement des élections au bureau fédéral ( La présidence et le Congrès), à la fois pour établir les grandes lignes de conduites et pour répondre aux problèmes constatés dans les pratiques en vigueur.

La loi actuelle, le Fédéral Election Campaign Act, a été promulgué en 1971 et a été modifié plusieurs fois depuis, le plus récemment par le Bipartisan Campaign Reform Act de 2002. Les principes fondamentaux édictés dans la loi fédérale sont la prohibition de l'investissement direct de la trésorerie des syndicats et des entreprises dans les élections fédérales, la spécification des limites de la contribution des diverses sources de financement, et la déclaration périodique des recettes et dépenses des candidats, des partis et du PAC. Ainsi, les principaux moyens de contrôle parlementaire concernant le système de financement des campagnes fédérales sont-ils de promulguer des lois qui fixent les principes statutaires régissant les mouvements de fonds dans ces élections.

La responsabilité de définir les règles de financements des campagnes fédérales et la rédaction des règlements détaillés qui précisent leur application est confiée à un organisme gouvernemental indépendant, la Commission d'Election Fédérale (FEC). Les membres de la FEC sont nommés par le Président, sur avis et consentement du Sénat. Cela reflète bien le système de contrôle et d'équilibre des pouvoirs si important dans le système de gouvernement des Etats-Unis. Le financement de la FEC est conditionné par l'autorisation et la dotation décidée par le Congrès qui peut, comme il l'a fait en de rares occasions, rejeter, conformément à la loi, les règlements proposés par la FEC. Des Commissions parlementaires tiennent des auditions et reçoivent le témoignage des fonctionnaires du FEC. En 1998, le Congrès a requis par loi que le bureau général de comptabilité, entité du congrès, confie à un consultant extérieur un audit de gestion du FEC afin de vérifier son efficacité globale par rapport à ses responsabilités statutaires.

Contribution de M. Jean-Louis DEBRÉ

Le financement de la vie politique n'a fait que tardivement l'objet d'une réglementation en France. Jusqu'à 1988, il n'existait pratiquement aucun texte en la matière. Or, le développement des moyens de communication, largement utilisés par les partis politiques, notamment au cours des campagnes électorales, a provoqué une forte augmentation des dépenses des candidats et des partis. Dès lors, les sources de financement traditionnelles, constituées en particulier par les cotisations des militants, sont apparues insuffisantes. L'appel aux contributions des entreprises, sous une forme officielle ou officieuse, s'est développé, tandis que, parallèlement, les tribunaux mettaient en cause cette source de financement jugeant que les dons aux partis n'étaient pas conformes à l'objet social des entreprises concernées.

Dans ce contexte, une clarification apparaissait nécessaire. C'est ainsi que, quelques mois avant l'élection présidentielle, le Parlement, sur la proposition du Gouvernement de M. Jacques Chirac, adoptait les lois du 11 mars 1988, première ébauche d'une réglementation du financement de la vie politique. Modifiés depuis à plusieurs reprises, et assez substantiellement en 1995, ces textes comportent trois volets qui concernent : les déclarations de patrimoine imposées aux élus et, désormais, à certains responsables d'entreprises ou établissements publics ; le financement des campagnes électorales ; le financement des partis.

1 . Les déclarations de patrimoine

Bien qu'il s'agisse d'un sujet qui peut sembler marginal, l'obligation faite à certains élus et responsables d'entreprises ou établissements publics de faire une déclaration de patrimoine lorsqu'ils prennent et lorsqu'ils cessent d'exercer leurs fonctions a été intégrée par le législateur dans la réglementation du financement de la vie politique. C'est pourquoi il semble souhaitable d'en faire mention.

- Cette obligation concerne en premier lieu le Président de la République. Tous les candidats doivent adresser au Conseil constitutionnel, lors du dépôt de leur candidature, une déclaration de patrimoine ainsi que l'engagement de déposer une nouvelle déclaration à l'issue de leur mandat. Pour le candidat élu, ces déclarations sont publiées au Journal officiel.

- Par ailleurs, les députés, les sénateurs, les membres du Gouvernement, les conseillers régionaux et généraux, les maires des communes de plus de 30 000 habitants, les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale regroupant plus de 30 000 habitants ainsi que les adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants ayant une délégation exécutive sont également tenus de déposer une déclaration de patrimoine dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonction ainsi que la cessation de leurs fonctions. Le défaut de déclaration est sanctionné d'une inéligibilité d'un an.

- Depuis 1995, la même obligation s'impose aux présidents, directeurs généraux et directeurs généraux adjoints d'entreprises nationales, d'établissements publics industriels et commerciaux nationaux et d'autres organismes publics ou sociétés d'économie mixte dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat.

Les déclarations sont adressées à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, composée du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du premier président de la Cour des comptes. Elles ne sont pas publiées et ne peuvent être communiquées qu'à l'autorité judiciaire. La Commission est chargée d'apprécier les variations de situations patrimoniales et d'établir, au moins tous les trois ans, un rapport publié au Journal Officiel.

Sauf pour le Président de la République, on constate que l'obligation faite n'a pas pour objet d'assurer une transparence de la situation patrimoniale des élus ou responsables publics puisque les déclarations qu'ils font ne sont pas publiées. L'objectif est de permettre à une commission, dont l'indépendance et la discrétions sont garanties, de vérifier que l'exercice de fonctions électives ou publiques ne se traduit pas par un enrichissement injustifiable. Il s'agit, en fait, d'un dispositif destiné à prévenir tout risque de corruption.

2 . Le financement des campagnes électorales

S'agissant des campagnes électorales, la législation française tend à assurer la plus grande égalité possible entre les candidats en évitant que les moyens financiers ne créent de trop fortes disparités entre les candidats. Dans cette perspective, les ressources comme les dépenses sont réglementées, tandis qu'une aide publique est accordée aux candidats sous réserve qu'ils recueillent un minimum de suffrages.

a) Le champ de la réglementation

A l'origine, en 1988, la réglementation des campagnes ne concernait que l'élection présidentielle et les élections législatives. Cependant, dès 1990, elle a été étendue à toutes les élections au suffrage universel direct, à la seule exception des élections municipales et cantonales dans les circonscriptions de moins de 9 000 habitants.

On observera que les élections sénatoriales ne sont pas inclues dans le champ de la réglementation. Le corps électoral du Sénat étant constitué par des élus locaux, la campagne n'a évidemment pas un coût comparable à celui qu'entraîne des élections au suffrage universel direct.

b) La réglementation applicable aux ressources

La loi plafonne à 4 600 € les dons susceptibles d'être faits par une personne physique à un candidat, tout don supérieur à 150 € devant être versé par chèque. Ces dons sont déductibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues pour ceux effectués à des organismes d'intérêt général, c'est-à-dire à raison de 50  % de leur montant et dans la limite de 5  % du revenu imposable.

Mais surtout, depuis 1995, les dons des personnes morales, à l'exception des partis politiques, sont interdits.

En dehors des dons qu'ils peuvent recevoir de personnes physiques dans les conditions prévues par la loi, les candidats peuvent financer leur campagne électorale par des apports personnels, des aides de leur parti, quelques recettes commerciales tirées, par exemple, de la vente d'objets pendant les manifestations ou des droits d'entrée à des réunions ou dîners débats et, enfin, par l'aide publique qui sera évoquée plus loin.

c) La réglementation des dépenses

On doit observer d'abord que les formes les plus coûteuses de propagande électorale - publicité commerciale par voie de presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, numéro d'appel téléphonique ou télématique gratuit, affichage commercial - sont interdites pendant les trois mois précédant l'élection ou même, s'agissant des émissions publicitaires à caractère politique, de manière permanente.

C'est à cette seule condition que le plafonnement des dépenses, assez rigoureux, apparaît réaliste. Son montant est évidemment variable selon les élections.

- Pour l'élection présidentielle, le plafond est fixé à 13,7 millions d'euros et porté à 18,3 millions d'euros pour les candidats présents au deuxième tour.

- Pour les élections législatives, il s'élève à 38 000 €, majoré de 0,15 € par habitant de la circonscription.

- Pour les autres élections le plafond est déterminé en fonction du nombre d'habitants de la circonscription conformément à un tableau annexé au code électoral. A titre d'exemple, il s'élève à 25 000 € pour les deux tours de l'élection municipale dans une commune de 15 000 habitants, à 115 000 € pour les élections régionales dans une région de 500 000 habitants et à 1 115 000 € pour par circonscription pour les élections européennes.

d) Les comptes de campagne

Les candidats doivent désigner un mandataire, qui peut être une association de financement électorale ou une personne physique. C'est par son seul intermédiaire qu'ils peuvent recueillir des fonds pour le financement de leur campagne dans l'année précédant l'élection. Il s'agit d'une formalité substantielle dont le non respect est susceptible d'entraîner le rejet du compte de campagne.

Car chaque candidat est tenu d'établir un compte retraçant l'ensemble des recettes et des dépenses relatives à la campagne. Sous peine d'inéligibilité, celui-ci doit être déposé auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans les deux mois suivant l'élection.

Composée de trois membres du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes et de la Cour de Cassation, cette commission examine l'ensemble des comptes de campagne et les approuve, les rejette ou les réforme. Elle peut saisir le juge de l'élection si le compte n'a pas été déposé dans le délai prescrit, s'il a été rejeté ou s'il fait apparaître un dépassement du plafond de dépenses autorisé et, le cas échéant, le parquet lorsque le compte fait apparaître certaines irrégularités.

En cas de dépassement du plafond, la Commission fixe une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Le remboursement des dépenses de campagne au titre de l'aide publique est de surcroît supprimé. Enfin, lorsque le dépassement des dépenses est le fait du candidat élu, le juge de l'élection peut annuler l'élection et, le cas échéant, prononcer l'inéligibilité pour une durée d'un an.

e) L'aide publique aux candidats

Le financement public des campagnes électorales est le corollaire des obligations imposées aux candidats. L'objectif recherché par le législateur est, en effet, que la sincérité du scrutin ne soit pas altérée par une trop grande inégalité des ressources et des dépenses des candidats.

Dans cette perspective l'aide publique aux campagnes électorales a été fortement accrue en 1995.

- Pour l'élection présidentielle, chaque candidat obtient un remboursement égal au vingtième du plafond de dépenses - soit 685 000 € - qui est porté à la moitié - soit 6,85 millions d'euros - s'il a obtenu 5  % des suffrages exprimés au premier tour.

- Pour les autres élections, le remboursement des dépenses de campagne est égal à la moitié du plafond de dépenses, sous réserve que les candidats aient obtenu 5  % des suffrages exprimés.

3 . Le financement des partis

a) Le financement public des partis

Le principe du financement public des partis est apparu comme une nécessité pour leur permettre de bénéficier dans la clarté de moyens financiers susceptibles de couvrir leurs besoins, de sorte qu'ils soient dissuadés de recourir aux pratiques, trop longtemps traditionnelles, du financement occulte. Cette nécessité est devenue d'autant plus impérieuse avec l'interdiction, en 1995, de toute forme de dons émanant de personnes morales de droit privé.

Cependant, au-delà du principe, les modalités d'attribution de l'aide ont été assez difficiles à mettre en œuvre et ont fait l'objet de plusieurs modifications depuis l'institution d'un financement public en 1988.

Les crédits destinés au financement des partis sont inscrits chaque année dans la loi de finances sur proposition conjointe des deux assemblées. Leur montant s'élevait en 2002 à 80 264 408 €.

Dans un premier temps, ils étaient répartis entre les seuls partis représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat, proportionnellement au nombre de parlementaires ayant déclaré y être rattachés.

Puis, en 1990, le législateur a modifié ce système pour prévoir que l'aide serait divisée en deux fractions égale, la première répartie en fonction des suffrages obtenus au premier tour des élections législatives par les partis ayant présenté des candidats dans au moins soixante-quinze circonscriptions, la seconde entre les formations politiques représentées au Parlement. Dans le texte initial, la première fraction était réservée aux partis ayant obtenu au moins 5  % des suffrages exprimés. Mais le Conseil constitutionnel a considéré que ce seuil était "de nature à entraver l'expression de nouveaux courants d'idées et d'opinions" et a donc annulé cette disposition.

En 1993, le nombre de candidatures minimum pour bénéficier de la première fraction de l'aide publique a été abaissé à cinquante.

Comme c'est malheureusement souvent le cas en France, ces dispositions ont été détournées de leur objet ; des partis ont ainsi été créés et des candidats présentés dans le seul but de recueillir une fraction de l'aide publique, chaque voix obtenue rapportant en moyenne 1,66 €. On a donc constaté une inflation du nombre de candidatures - qui ont triplé de 1988 à 2002 passant, pour 577 circonscriptions, de 2 828 à 8 444 - et des partis. A la suite des dernières élections législatives, 32 formations politiques métropolitaines - un régime particulier existant pour l'outre-mer - peuvent prétendre à la première partie de l'aide publique, ce qui, à l'évidence, excède le nombre des partis ayant une réelle activité politique au niveau national.

C'est pourquoi le législateur est à nouveau intervenu tout récemment pour réserver la première fraction de l'aide publique aux partis ayant présenté cinquante candidats qui ont obtenu chacun au moins 1  % des suffrages exprimés. Ce dispositif devrait permettre d'éviter que des formations présentant des candidats "fantaisistes" ne bénéficient indûment d'une partie de l'aide publique.

Par ailleurs, il faut préciser que depuis l'introduction dans la Constitution du principe de parité, la loi impose aux partis de présenter dans l'ensemble des circonscriptions un nombre égal de candidats de chaque sexe. Le non respect de cette obligation entraîne une diminution de l'aide publique, qui est réduite d'un pourcentage égal à la moitié de l'écart constaté rapporté au nombre total des candidats.

b) La réglementation du financement privé

En dehors de l'aide publique, les partis politiques peuvent recevoir des dons de personnes physiques, plafonnés à 7 500 € par an pour chaque donateur, tout don supérieur à 150 € devant être versé par chèque. Les dons consentis aux partis peuvent faire l'objet d'une déduction fiscale dans les mêmes conditions que les dons faits à des candidats.

En revanche, on doit souligner que les partis politiques, comme les candidats aux élections, ne peuvent recevoir d'aide de personnes morales de droit privé.

c) Les comptes des partis

Les partis politiques et leurs organisations territoriales ou spécialisées recueillent des fonds par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être soit une association de financement soit une personne physique. S'il s'agit d'une association de financement, elle doit être agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'agrément étant publié au Journal officiel. S'il s'agit d'une personne physique, le parti doit en faire la déclaration à la préfecture.

Les partis politiques bénéficiaires de l'aide publique ou qui reçoivent des dons de personnes physiques ont l'obligation de tenir une comptabilité. Les comptes, certifiés par deux commissaires aux comptes, doivent être transmis à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui assure leur publication sommaire au Journal Officiel. Si la commission constate un manquement aux obligations légales, le parti perd le droit, pour l'année suivante, au bénéfice de l'aide publique.

d) Le financement des groupes parlementaires

Indépendamment du financement public des partis, et bien antérieurement à son institution, les assemblées avaient mis en place un financement des groupes parlementaires. Il existe, en effet, une contribution aux frais de secrétariat des groupes destinée à leur permettre de rémunérer leurs personnels. Proportionnelle aux effectifs de chaque groupe, son montant actuel s'élève, à l'Assemblée nationale, à 1 125 € par député et par mois.

Par ailleurs, l'Assemblée verse également une contribution pour l'équipement informatique des groupes.

Enfin, les députés, qui reçoivent un crédit de 8 469 € par mois pour le paiement de leurs collaborateurs personnels, peuvent en rétrocéder une partie à leur groupe dans la limite maximum de la moitié de ce crédit.

Contribution de M. Pier Ferdinando CASINI

Le système des partis peut compter en Italie sur deux sources de financement :

- les contributions, de la part de l'État, à titre de remboursement des frais électoraux soutenus par les partis et les mouvements politiques ;

- les financements de la part de particuliers aux partis et aux mouvements politiques, selon les modes et les limites fixés par la loi.

En outre, des contributions de l'État aux organes officiels d'information des partis (journaux et radio) et des facilités fiscales (possibilité de déduction d'impôt pour les allocations aux partis de la part de particuliers, exemption des impôts pour les transferts aux partis et pour l'enregistrement des statuts) sont prévues.

Les remboursements des frais électoraux

La réglementation de la contribution publique pour les frais électoraux est portée principalement par la loi n° 157 de 19991 de réforme du système de financement des partis, récemment modifiée par la loi n° 156 de 2002 2

Les critères pour les répartitions des sommes à allouer sont contenus dans la loi n° 515 de 1993 3 et dans la loi n° 43 de 1995 4.

La détermination des contributions

Les frais remboursables des partis et des mouvements politiques correspondent aux frais soutenus pour les campagnes électorales relatives aux organes suivants :

- Chambre des députés,

- Sénat,

- Parlement européen,

- Conseils régionaux.

Pour chacun des quatre organes à renouveler, un fonds de valeur égale est constitué. Le montant de chaque fonds, pour chaque année de législature des organes concernés, correspond à la multiplication du montant de 1 euro par le nombre des citoyens de la République inscrits aux listes électorales pour les élections de la Chambre des députés (L. 157/1999, article 1, alinéa 1) 5.

Les campagnes pour les élections des collectivités locales (conseils municipaux et provinciaux) sont exclues du remboursement, tandis qu'une forme de remboursement est prévue pour les campagnes relatives aux référendums abrogatifs. Pour les requêtes de référendums déclarées admissibles par la Cour constitutionnelle, il est reconnu aux comités promoteurs un remboursement correspondant à la somme résultant de la multiplication du montant de 0,51 euro par le nombre des signatures valables recueillies, dans une limite maximum de 2,582 millions d'euros annuels. L'allocation est d'autre part subordonnée à l'obtention, dans la consultation référendaire, du quorum de validité de participation au vote (50 pour cent plus un des ayants droit au vote). Une contribution analogue est également prévue pour les promoteurs des référendums consultatifs visés à l'article 138 de la Constitution (L. 157/1999, art. 1, alinéa 4).

La répartition des fonds

Les contributions sont distribuées conformément à des modalités différentes suivant l'organe concerné.

Le fonds relatif à la Chambre des députés est réparti, en proportion des votes de liste obtenus pour l'attribution du quota de sièges de façon proportionnelle, entre les partis et les mouvements ayant dépassé le seuil de 1 pour cent des voix valablement exprimées 6.

L'obtention du seuil de 1 pour cent n'est pas requise par la loi pour l'accès au remboursement par les partis ou mouvements ayant présenté leurs listes ou candidatures exclusivement dans des circonscriptions comprises dans des régions dont le statut spécial prévoit une tutelle des minorités linguistiques particulière (il s'agit du Trentin-Haut Adige et de la Vallée d'Aoste). Pour le calcul du remboursement qui échoit à ces partis et mouvements, il est attribué à chacun d'entre eux, pour chaque candidat élu dans les collèges uninominaux, un montant correspondant au remboursement moyen par député résultant de la répartition générale des fonds (L. 515/1993, art. 9, alinéa 3).

Le fonds pour le remboursement des frais électoraux pour le renouvellement du Sénat de la République est en revanche réparti sur une base régionale. A cette fin, le fonds est en premier lieu divisé entre les régions en proportion à leur population respective. La part revenant à chaque région est subdivisée entre les groupes des candidats s'étant présentés dans la région sous le même symbole et les candidats qui ne sont liés à aucun groupe en proportion aux voix obtenues au niveau régional. Les groupes des candidats ayant obtenu au moins un candidat élu dans la région ou ayant remporté au moins 5 pour cent des votes valablement exprimés au niveau régional participent à la répartition du fonds. Les candidats qui ne sont liés à aucun groupe résultant élus, ou ayant obtenu dans leur collège respectif au moins 15 pour cent des voix valablement exprimées (L 515/1993, art. 9, alinéa 2), participent également à la répartition.

Le fonds pour les élections du Parlement européen est subdivisé entre les partis et les mouvements politiques ayant obtenu au moins un représentant élu, en proportion aux voix obtenues par chacun d'entre eux au niveau national (L. 515/1993, art. 16).

Pour les élections régionales, on procède en premier lieu à une distribution des fonds entre les régions en proportion de leur population respective. Au niveau de chaque région, la part qui échoit est donc répartie proportionnellement aux voix remportées, entre les listes ayant obtenu au moins un candidat élu au conseil régional de la région concernée (L. 43/1995, art. 6, alinéa 2).

Les modalités d'allocation des remboursements

L'allocation du remboursement est disposée par des arrêtés du Président de la Chambre des députés ou du Président du Sénat de la République, suivant leurs compétences respectives. Le Président de la Chambre se charge aussi de l'allocation des contributions relatives aux élections européennes et régionales et aux référendums.

Les partis ou mouvements politiques ayant l'intention de bénéficier des remboursements sont tenus à en faire la requête, sous peine de déchéance, au Président de la chambre du Parlement compétente, dans un délai de dix jours avant la date d'échéance prévue pour la présentation des listes (L. 157/1999, art. 1, alinéa 2).

En ce qui concerne les modalités de paiement ders remboursements, un mécanisme de versement annuel des contributions est prévu. Le versement effectué avant le 31 juillet de chaque année 7. En cas de dissolution anticipée du Sénat de la République ou de la Chambre des députés, le versement des parts annuelles des remboursements correspondants est interrompu : les mouvements ou partis politiques ont droit exclusivement au versement des parts des remboursements pour un nombre d'années correspondant à la durée de la législature des organes respectifs (L. 157/1999, art. 1, alinéa 6).

La participation des femmes à la vie politique

L'article 3 de la L. 157/1999 introduit une disposition spécifique visant à promouvoir la participation des femmes aux activités politiques. L'obligation est prévue, à la charge des partis, d'allouer au moins un montant correspondant à 5 pour cent du total des remboursements électoraux reçus à des initiatives liées aux finalités susmentionnées. L'inscription de cette part sous une rubrique spéciale du bilan annuel prévu par la loi 2/1997 fait état de la satisfaction effective de cette obligation.

Les financements des particuliers

La loi réglemente deux formes de financement de la politique de la part des particuliers : le financement aux partis en général et le financement aux candidats au cours de la campagne électorale.

Le financement des partis politiques

La loi n° 195 de 1974 8 a introduit des limites à la contribution des particuliers en faveur des forces politiques, ainsi que des mesures visant à garantir la transparence des sources de financement relatives.

La loi délimite le champ des sujets privés pouvant allouer des contributions aux partis. Il s'agit de tous les sujets, qu'ils soient des particuliers ou des personnes morales (associations, sociétés, etc), sauf :

· les organes de l'Administration,

· les collectivités publiques,

· les sociétés à participation de capital public dépassant 20 pour cent ou les sociétés contrôlées par ces dernières.

L'interdiction concerne non seulement les partis en tant que tels mais aussi leurs subdivisions, courants, groupes parlementaires et membres 9.

Dans le cas de financement dépassant un certain seuil annuel, correspondant à 6.614 euros 10, le donateur et le bénéficiaire sont tenus de souscrire une déclaration conjointe adressée à la Présidence de la Chambre des députés. Dans la cas de contributions pour les campagnes électorales, la déclaration peut être remplacée par une déclaration souscrite individuellement par les candidats (L. 659/1981, art. 4).

Cette disposition ne s'applique pas aux financements directement accordés par des banques ou des établissements de crédit, aux conditions fixées par les accords interbancaires.

Des obligations ultérieures sont prévues pour les sociétés ; les contributions aux partis, quel que soit leur montant, doivent être délibérées par l'organe social compétent et doivent être régulièrement inscrites au bilan.

Les contributions de la part des particuliers sont soumises à un régime fiscal facilité sous forme de déduction d'impôt (décret président 917/1986, art. 13-bis et 91-bis ; L. 2/1997, art. 7).

Le financement des candidats

Une réglementation spéciale est prévue pour les contributions pour les campagnes électorales recueillies individuellement par les candidats, qui respecte néanmoins les dispositions établies en général pour le financement des partis politiques (à propos desquelles voir supra).

Les candidats aux élections politiques peuvent recueillir des fonds pour le financement de leur campagne électorale exclusivement par l'intermédiaire d'un mandataire électoral (L. 515/1993, art. 7, alinéa 3). Chaque candidat communique au Collège régional de garantie compétent (organe institué auprès de la Cour d'appel) le nom du mandataire électoral qu'il désigne.

Les contributions versées par chaque personne physique, association ou personne morale ne peuvent pas dépasser le montant de 13.000 euros. En outre, les candidats élus sont tenus de communiquer, dans un délai de trois mois après leur proclamation, au président de la Chambre d'appartenance et au Collège régional de garantie électorale, les contributions et les services provenant personnes physiques, avec l'indication nominative, si elles dépassent 6.500 euros et toutes les contributions reçues de sujets différents. La déclaration au Collège électoral doit être rendue aussi par les candidats non élus, dans un délai de trois mois à compter de la dernière proclamation.

La loi prévoit, en outre, un plafond maximum pour les frais concernant la campagne électorale de chaque candidat, qui ne peut pas dépasser un montant résultant de la somme d'une part fixe (52.000 euros) plus une part variable en raison du nombre d'électeurs du collège ou de la circonscription électorale (L. 515/1993, art. 7, alinéa 1).

Le système des contrôles

Les représentants légaux ou les trésoriers des partis ou des mouvements politiques doivent transmettre au Président de la Chambre des députés, avant le 31 juillet de chaque année, un compte de fin d'exercice, complété d'une relation sur la gestion et d'une note complémentaire. Un collège composé de cinq experts-comptables officiels, nommés en accord par les Présidents des deux Chambres au début de chaque législature, effectue un contrôle de conformité à la loi du compte de fin d'exercice, de la relation et de la note complémentaire. Les documents sont publiés par le Bureau de la Chambre des députés dans le Journal Officiel (L. 2/1997, art. 8).

En outre, les représentants des partis, mouvements, listes et groupes de candidats qui participent aux élections législatives et européennes doivent présenter aux Présidents des Chambres respectives, dans un délai de 45 jours après leur installation, un bilan concernant les frais pour la campagne électorale et les sources de financement relatives. Les contrôles sur ces bilans sont effectués par la Cour des comptes, à laquelle les Présidents des Chambres transmettent la documentation par un Collège de contrôle sur les frais électoraux, composé de trois magistrats tirés au sort parmi les conseillers en service, institué expressément. La Cour des comptes retransmet à son tour aux Chambres le résultat des contrôles (L. 515/1993, art. 12).

La vérification de la régularité des opérations concernant les financements des particuliers à un candidat effectuées par le mandataire électoral est menée par les Collèges régionaux de garantie, institués auprès de la Cour d'appel (L. 515/1993, art. 14).

Les lois citées jusqu'ici prévoient un système de sanctions - pénales et administratives - en cas de violation des obligations statuées par ces mêmes lois. Pour le parlementaire élu, ces sanctions peuvent arriver jusqu'à la déchéance de la charge.

Contribution de M. Tamisuke WATANUKI

1. Textes législatifs concernant les élections et le financement des partis

- Loi sur les élections des titulaires de fonctions publiques (Code électoral) : ses dispositions portent sur le système électoral ainsi que sur l'organisation des campagnes électorales

- Loi sur le contrôle des financements politiques : prévoit des règles applicables au financement des partis politiques

- Loi sur l'aide aux partis politiques : concerne l'aide publique aux partis politiques

2. Aperçu du système des élections des Membres de la Diète

La Diète est composée de deux Chambres, la Chambre des Représentants (Chambre basse) (480 sièges) et la Chambre des Conseillers (Chambre haute) (242 sièges) ; les Membres des deux Chambres sont élus au suffrage direct.

2.1 Le système en vigueur des élections des Membre de la Chambre des Représentants se caractérise par les points suivants :

(a) Sur les 480 parlementaires au total, 300 sont élus au scrutin majoritaire uninominal de circonscription et 180 à la représentation proportionnelle.

La durée du mandat est de 4 ans. Toutefois, la Chambre basse peut être dissoute par le Cabinet.

Les candidats peuvent se présenter à la fois dans les circonscriptions au scrutin majoritaire uninominal et à la représentation proportionnelle.

(b) Le scrutin majoritaire uninominal se déroule dans 300 circonscriptions. La population moyenne par circonscription est de 423.064 et le nombre moyen des électeurs inscrits de 339.622 (selon une enquête de 2000).

· Les campagnes dans les circonscriptions au scrutin majoritaire uninominal sont menées par les candidats et leurs collaborateurs. De leur côté, les partis organisent des campagnes pour les candidats qu'ils soutiennent.

· Le plafond légal des frais de campagne varie selon le nombre des électeurs de chaque circonscription. Il s'établit toutefois en moyenne à 23,8 millions de yens (soit 170.000 euros environ au taux en vigueur du 1er juillet : 1 euro = 139 yens).

· Les candidats des circonscriptions au scrutin majoritaire uninominal assurent le financement de leurs campagnes grâce à des donations recueillies auprès des partis auxquels ils appartiennent, comme des organisations politiques ou des particuliers, et aussi grâce à leurs fonds personnels.

· Les candidats des circonscriptions au scrutin majoritaire uninominal sont tenus de présenter, après les scrutins, à la commission de contrôle électoral, des rapports comptables sur leurs frais de campagne précisant le montant total des revenus, ainsi que le détail des donations reçues et les dépenses. Ces rapports sont mis à la disposition du public.

(c) Le scrutin à la représentation proportionnelle se déroule dans les 11 circonscriptions du pays. Le nombre des sièges à pourvoir dans chacune de ces circonscriptions est proportionnel à la population et varie entre 29 et 6.

· Le panachage n'est pas autorisé.

· Les campagnes pour la représentation proportionnelle sont menées par les partis politiques. Leur organisation est soumise à diverses contraintes prévues par la loi. Il n'existe pas de plafond de dépenses pour les campagnes de représentation proportionnelle.

2.2. Le système électoral des Membres de la Chambre des Conseillers est le suivant :

Sur les 242 parlementaires, 146 sont élus au scrutin uninominal dans les circonscriptions et 96 à la représentation proportionnelle. Les Membres sont renouvelés par moitié tous les trois ans. Les circonscriptions à scrutin uninominal correspondent aux 47 préfectures que compte le pays et le nombre des sièges offerts dans chacune d'elles varie entre 1 et 4. Le scrutin à la représentation proportionnelle est organisé à l'échelle nationale.

3. Aperçu de la législation relative au financement des partis

La loi sur le contrôle des financements des partis politiques, texte de base, comporte des dispositions portant sur les donations faites en faveur des partis, des organisations politiques et des candidats à des fonctions publiques, ainsi que sur la présentation et la mise à disposition du public des rapports comptables sur les financements des fonds.

3.1. Objet du contrôle

a) Partis politiques

Sont appelées "partis politiques" les organisations politiques qui entrent dans l'une des deux catégories suivantes :

· organisations qui comptent au moins 5 membres de la Diète ;

· organisations qui ont obtenu sur l'ensemble du pays plus de 2 % des suffrages exprimés aux élections de la Chambre basse et de la Chambre haute.

b) Organisations politiques

Sont appelées "organisations politiques" :

· organisations créées en vue de promouvoir et de soutenir, ou de s'y opposer, des causes ou des programmes politiques ;

· organisations créées en vue de présenter et de soutenir, ou de s'opposer à, des candidats à des fonctions publiques.

c) Candidats à des fonctions publiques

Sont appelés "candidats à des fonctions publiques" ceux qui posent leur candidature aux élections nationales, régionales ou locales, y compris ceux qui occupent déjà un poste dans la fonction publique.

3.2. Présentation de rapports comptables

Les partis et les organisations politiques sont tenus de présenter chaque année, au plus tard avant le 31 mars de l'année suivante, un rapport comptable retraçant l'ensemble des revenus et des dépenses, ainsi que l'état de la trésorerie. Ces rapports doivent comporter les indications sur les noms des personnes qui ont offert plus de 50.000 yens (environ 360 euros) de donations ou acheté pour plus de 200.000 yens (environ 1.400 euros) de tickets d'entrée de réceptions organisées pour la collecte de fonds au cours de l'année considérée.

Les rapports comptables présentés par les partis et les organisations politiques sont mis à la disposition du public.

3.3. Principales sources de revenus

Les principales sources de revenus des partis politiques sont les suivantes : subventions de l'État, cotisations des adhérents, donations de particuliers, d'entreprises ou de syndicats, ventes de tickets d'entrée de réceptions organisées pour la collecte de fonds, ventes de journaux ou revues des partis.

Les organisations politiques ont pour principales sources de revenus : cotisations des membres, donations de particuliers, de partis ou d'autres organisations politiques, ventes de tickets d'entrée de réceptions organisées pour la collecte de fonds.

3.4. Limitations imposées aux donations

a) Donations faites par les entreprises et les syndicats

Les entreprises et les syndicats ne peuvent faire de donations qu'aux partis politiques, à l'exclusion d'hommes politiques pris individuellement. Le plafond annuel des donations autorisées est fixé en fonction, pour ce qui est des entreprises, du capital social et, en ce qui concerne les syndicats, du nombre d'adhérents ; en tout état de cause, le maximum ne doit pas dépasser 100 millions de yens (environ 700.000 euros).

b) Donations faites par des particuliers

Les particuliers peuvent faire des donations aux partis ou aux organisations politiques ou aux hommes politiques pris individuellement.

Les donations en faveur de partis politiques peuvent aller jusqu'à 20 millions de yens (environ 140.000 euros) par an ; le plafond pour les organisations et les hommes politiques est fixé à un total de 10 millions de yens (environ 70.000 euros) par an et par donateur. Toutefois, les donations en faveur d'une organisation ou d'un candidat à des fonctions publiques ne peuvent dépasser 1,5 million de yens (environ 11.000 euros) par an.

3.5. Autres limitations imposées aux donations

· Les entreprises ou autres personnes morales qui bénéficient de l'aide ou de subventions de l'Etat ou de collectivités locales sont soumises à des limitations en matière de donations.

· Les entreprises qui enregistrent des pertes trois années consécutives, ne sont pas autorisées à faire des donations.

· Les étrangers ou les personnes morales étrangères ne peuvent pas faire de donations.

· Les donations anonymes sont interdites.

3.6. Limitations imposées aux réceptions organisées pour la collecte de fonds

Les partis et les organisations politiques tirent des bénéfices en organisant des réceptions pour la collecte de fonds. Toutefois, pour une réception donnée, une seule personne ne peut acheter plus de 1,5 million de yens (environ 11.000 euros) de tickets d'entrée.

3.7. Sanctions en cas d'infraction

La loi sur le contrôle des financements politiques prévoit des sanctions à l'encontre des personnes qui enfreignent ses dispositions. Les personnes sanctionnées voient suspendre pour des délais déterminés leur qualité d'électeur et leur éligibilité.

4. Aperçu du système d'aide publique aux partis politiques

L'institution en 1994 d'une loi sur l'aide publique aux partis politiques a été suivie l'année suivante par la mise en place du système prévu par le texte.

4.1. Total des subventions

Le montant total des subventions aux partis politiques est calculé sur la base de 250 yens (environ 1,8 euro) par tête d'habitant et par an ; en 2003, il s'élève à 31.731,46 millions de yens (environ 225 millions d'euros).

4.2. Partis bénéficiaires

Les partis qui bénéficient de ces subventions sont ceux qui comptent dans leurs rangs plus de 5 parlementaires, ainsi que ceux qui comptent au moins un parlementaire, et ont en outre obtenu à l'échelle nationale plus de 2 % des suffrages exprimés aux élections de la Chambre basse ou sénatoriales de la Chambre haute.

En 2003, huit partis bénéficient de subventions de l'Etat.

4.3. Répartition

Les subventions de l'Etat sont réparties, pour moitié, proportionnellement au nombre des parlementaires et, pour l'autre moitié, proportionnellement au pourcentage des voix recueillies aux élections de la Chambre basse ou de la Chambre haute.

4.4. Rapport sur l'utilisation des subventions

Aucune contrainte n'est prévue par la Loi quant à l'utilisation des subventions publiques aux partis politiques. Les partis qui en ont bénéficié sont tenus de présenter, avant le 31 mars de l'année suivante, un rapport sur l'utilisation de ces subventions. Les rapports sont mis à la disposition du public.

Contribution de Sir Alan HASELHURST

Introduction

1. Le présent document résume les règles et les modalités du financement des partis politiques et des campagnes électorales au Royaume-Uni, le niveau du financement par des fonds publics, ainsi que les règles régissant les personnes privées et les groupes.

Le financement des partis politiques

2. Le financement des partis politiques au Royaume-Uni a toujours été un sujet controversé. En dépit de plusieurs études des finances des partis au fil des années, il n'existe pas de financement direct par l'Etat ou sur des fonds publics pour que les partis politiques puissent se présenter aux élections. Il ressort à l'évidence des dépenses subies par les trois grands partis pour les élections (25 millions de livres en 2001) que les dons sont essentiels à la bonne tenue financière des partis politiques au Royaume-Uni.

3. La Commission des normes de la vie publique, présidée à l'époque par Lord Neill of Bladen, a étudié le financement des partis politiques en 1997, en se fondant sur un mandat qui lui avait été donné par le Premier ministre. Elle a étudié la possibilité d'un financement par l'Etat, en considérant les arguments selon lesquels il permettrait de « purifier » le processus politique et libèrerait les partis, leur permettant ainsi de remplir des fonctions essentielles. Les arguments à contrario étaient notamment le fait que la population était opposée au financement des partis avec lesquels elle était fondamentalement en désaccord, les problèmes auxquels sont confrontés les nouveaux partis ne bénéficiant pas encore de fonds publics et la disparition de l'aspect social de la collecte des fonds destinés aux partis politiques. En conséquence du rapport de la Commission Neill, le Parlement a adopté la Loi de 2000 sur les partis politiques, les référendums et les élections (dite PPERA) (Political Parties, Referendums and Elections Act 2000 (PPERA)), qui portait création de la Commission électorale, dont la mission consiste à contrôler et à superviser l'enregistrement des dons faits aux partis.

4. Le principe du financement des partis politiques par de l'argent public ou de l'argent « de l'Etat » n'en est pas moins établi depuis longtemps dans le cas de certaines activités, parlementaires pour l'essentiel. Dans ce contexte, le niveau annuel global du financement direct par l'Etat des partis politiques au Royaume-Uni a été estimé, par la Commission électorale, représenter environ 9,5 millions de livres sterling. Cependant, en sus de ce financement direct, les partis bénéficient aussi, tant au niveau national qu'au niveau local, d'une aide en nature, dont la valeur est nettement supérieure à ce chiffre, en particulier pendant les années d'élection.

Le financement public direct

5. Un financement public est accordé dans les deux Chambres du Parlement afin d'aider les partis d'opposition. A la Chambre des Communes, le financement des partis est désigné par l'expression « fonds Short » (« Short money »), tandis qu'à la Chambre des Lords, il porte le nom de « fonds Cranborne » (« Cranborne money »), dont les noms sont ceux des présidents des chambres respectives au moment où ce financement a été instauré. Les montants et les fins du financement sont régis par des Résolutions de la Chambre correspondante, et les sommes à verser sont actualisées le 1er avril chaque année, selon le pourcentage d'augmentation de l'Indice des prix de détail pendant l'année écoulée jusqu'en mars. Les partis bénéficient aussi de locaux gratuits pour certains membres de leur personnel.

6. Les « fonds Short », qui au total ont représenté un peu plus de 5 millions de livres sterling en 2002-03, ont pour but de soutenir les partis d'opposition dans trois domaines parlementaires bien précis : le financement général de leurs travaux parlementaires, les déplacements aux fins des travaux parlementaires et les dépenses correspondantes, et le financement des dépenses de fonctionnement du bureau du Chef de l'opposition.

7. Le financement général, qui constitue le gros de l'aide accordée, est calculé par une formule qui tient compte du nombre de sièges remportés, ainsi que du nombre total de voix obtenues par le parti. L'indemnité de déplacement est basée sur une somme fixe (environ 125 000 livres en 2002-03) et est répartie entre les partis au prorata du montant qui leur est accordé au titre du financement général. La somme mise à disposition pour les dépenses de fonctionnement du bureau du Chef de l'opposition a été de l'ordre de 530 000 livres en 2002-03.

8. En 2002-03, les « fonds Cranborne » ont été un peu supérieurs à 620 000 livres. Des fonds sont alloués à l'Opposition officielle, au parti qui se place au deuxième rang par son importance, ainsi que collectivement aux Pairs non inscrits (qui n'appartiennent à aucun parti politique). Ces sommes doivent impérativement n'être consacrées qu'aux activités parlementaires.

9. Il existe aussi des dispositions en place dans les assemblées décentralisées, en d'autres termes le Parlement écossais, l'Assemblée nationale du Pays de Galles, ainsi que l'Assemblée d'Irlande du Nord, à l'appui des activités des partis.

L'élaboration de la politique

10. La recherche dans le domaine de la politique a été déterminée par la Commission Neill comme un domaine particulièrement important pour les partis d'opposition, car ceux-ci ne disposent pas des ressources de la fonction publique, qui sont à la disposition du Gouvernement. La Loi de 2000 (PPERA) comporte une disposition portant création d'un régime de subventions à l'élaboration de la politique, qui sont versées aux partis, dans le but de les aider à élaborer les politiques qu'ils intègrent aux manifestes qu'ils publient lors des élections locales, nationales et européennes.

11. Le régime actuel, entré en vigueur en mars 2002, prévoit un total de 2 millions de livres par an, somme répartie entre les partis disposant de deux sièges ou plus à la Chambre des Communes. A l'heure actuelle, huit partis, dont sept sont des partis d'opposition, satisfont à ce critère, et ont donc droit à cette aide, laquelle est administrée par la Commission électorale.

12. Les indemnités accordées au titre de ce régime sont composées de deux éléments : 1 million de livres est divisé entre les partis dans des proportions fixes, le solde étant réparti dans des conditions qui prennent en compte la part des voix remportées par les partis aux élections correspondantes, pondérée en fonction de la participation des électeurs. Les sommes perçues par les partis en 2002-03 se situaient entre près de 440 000 livres dans le cas de chacun des trois partis ayant droit aux montants les plus élevés, et près de 133 000 livres pour chacun des trois partis ayant droit aux montants les plus faibles.

Le financement public indirect

13. La BBC (par convention) et certains organismes indépendants de télévision et de radio (de par la loi), accordent gratuitement aux partis qui satisfont aux critères, du temps d'antenne au moment des élections ainsi qu'à l'occasion d'événements importants du calendrier politique. Par exemple, selon les dispositions actuelles, tout parti qui présente des candidats à 1/6ème des sièges mis en jeu à une élection a droit à une émission électorale. L'achat de temps d'antenne dans les médias à des fins de publicité politique est interdit au Royaume-Uni. Ainsi, le temps d'antenne gratuit dont bénéficient les partis est en fait une subvention indirecte. Pour les partis, la valeur totale théorique estimée des émissions consacrées aux élections nationales se situe aux alentours de 68 millions de livres, tandis qu'en dehors des élections, la valeur moyenne des émissions politiques des partis est de l'ordre de 16 millions de livres par an.

14. Des fonds publics servent à financer la diffusion des déclarations électorales des candidats aux élections législatives et aux élections au Parlement européen (quoique pas aux élections locales), qui est ainsi gratuite pour les partis. La Loi de 1983 sur la représentation de la population (Representation of the People Act 1983) autorise la distribution gratuite, par la poste, d'une communication électorale à toute adresse ou à tout électeur se situant dans la circonscription électorale correspondante. Le Ministère de l'intérieur (Home Office) a estimé que dans le cas de l'élection législative de 2001, le coût de cette opération s'était élevé à 17,6 millions de livres. La gratuité des affranchissements est aussi accordée aux élections au Parlement écossais, à l'Assemblée nationale du Pays de Galles et à l'Assemblée d'Irlande du Nord.

15. L'Etat est également tenu, de par la loi, d'accorder (excepté en Irlande du Nord) l'usage gratuit de bâtiments publics - écoles ou tous autres bâtiments entretenus grâce à des fonds publics - pour les réunions publiques pendant les campagnes aux élections législatives, aux élections locales, aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections partielles. Cette disposition est également applicable aux élections au Parlement écossais et à l'Assemblée nationale du Pays de Galles.

16. Aux fins des élections, les membres des bureaux de vote sont tenus, de par la loi, de mettre gratuitement à la disposition des représentants élus et des candidats un exemplaire de la liste des électeurs, des partis politiques inscrits et des partis des circonscriptions. Ces listes peuvent être vendues à des tiers, quoique à un tarif imposé.

17. Les partis politiques inscrits avant que la loi PPERA ne soit entrée en vigueur bénéficiaient en outre d'une aide financière ponctuelle afin de faciliter l'inscription et la mise en conformité aux impératifs issus de cette loi. Sous ce régime, une somme totale de 700 000 livres a été mise à la disposition des partis politiques.

18. En conséquence de la promulgation de la loi PPERA, les référendums constituent aussi un domaine dans lequel l'Etat pourrait subventionner les activités de partis politiques dans la mesure où il s'agit « d'organismes désignés » par la Commission électorale au titre de l'un des résultats éventuels de la campagne référendaire. Il s'agirait là des principaux organismes faisant campagne pour ou contre pendant les débats précédant un référendum. Les organismes désignés ont droit à des subventions sur des fonds de l'Etat, à la gratuité de l'affranchissement pour l'envoi d'une déclaration électorale aux « ménages » dans l'ensemble de la région où le référendum a lieu, à l'utilisation gratuite de salles où tenir des réunions en public, ainsi qu'à du temps d'antenne gratuit pour les émissions concernant le référendum, ceci sur certains services de télévision et de radio. Ce point est de plus en plus important car le rôle des référendums s'est accru dans la prise des décisions politiques.

Réglementation des dons aux partis politiques

19. En conséquence de l'adoption de la loi PPERA, une réglementation régissant les dons aux partis politiques a été mise en place en février 2001. Le but du contrôle exercé sur les dons est d'assurer la transparence du financement des partis politiques de telle sorte que la population et les médias sachent qui finance chacun des partis politiques, de réduire l'éventualité d'une influence secrète sur les ministres ou sur la politique, ainsi que de renforcer la confiance que la population a dans la probité du processus politique.

20. Tous les partis politiques inscrits au Registre des partis de Grande-Bretagne, à l'exclusion des partis qui ne sont inscrits que pour des élections paroissiales et des collectivités locales, sont tenus de par la loi de se conformer aux nouvelles réglementations régissant l'acceptation et la notification des dons. Les partis inscrits au registre d'Irlande du Nord sont à l'heure actuelle exemptés du contrôle des dons, ce jusqu'en février 2005.

21. Hormis les partis politiques, les organismes inscrits auprès de la Commission en qualité de « tierces parties reconnues » (organismes ayant l'intention de faire campagne au nom d'un parti politique ou d'une catégorie de candidats dans la perspective d'une élection législative), ainsi que les organismes dont les membres sont en totalité ou principalement des membres d'un parti politique tombent également sous le coup de la loi PPERA. Cette loi réglemente aussi les dons faits aux élus - par exemple, les membres des partis inscrits, les députés au Parlement et les conseillers municipaux, ainsi que les personnes qui se présentent à des élections en Grande-Bretagne.

22. Aux termes de cette loi, les dons d'une valeur supérieure à 200 livres, faits à un organisme (ou à une personne) tombant ainsi sous le coup de la loi, ou à 50 livres dans le cas d'un candidat, ne peuvent être acceptés que s'ils émanent d'un « donateur admissible » répondant aux critères de la loi en cause. Tous les donateurs admissibles doivent opérer au Royaume-Uni, ou y être enregistrés ; les donateurs étrangers ne sont pas admis. Les dons supérieurs à 200 livres ne peuvent être acceptés s'ils émanent d'un « donateur non admissible » ou si l'identité du donateur est inconnue. Tout parti recevant un don d'une source anonyme ou non admissible est tenu soit de le renvoyer, soit de le remettre à la Commission électorale.

23. Il est prévu que les personnes et les organismes qui reçoivent des dons conservent, dans leurs propres dossiers, les renseignements relatifs aux dons et autres donateurs. Aucun plafond n'est imposé au montant pouvant être accepté comme don par les organismes et les personnes tombant sous le coup de la réglementation. Toutefois, les dons dépassant un certain seuil - à l'heure actuelle, 5000 livres au parti central ou 1000 livres à un parti local - doivent impérativement être notifiés à la Commission électorale afin qu'ils soient publiés dans les livres des dons de la Commission. Le fait qu'un organisme ou une personne accepte en connaissance de cause un don non admissible constitue un délit à caractère pénal, de même que le fait de ne pas remettre à la Commission un rapport exact sur les dons perçus.

Contrôles exercés sur les dépenses subies pour les campagnes électorales

24. La loi PPERA constitue la base légale du plafonnement, imposé en février 2001, des dépenses subies par les partis politiques inscrits pour les élections législatives du Royaume-Uni et au Parlement européen ainsi qu'aux législatures décentralisées. Ces règles ont pour but d'éviter l'escalade des dépenses électorales des grands partis. Un plafond est imposé aux dépenses de campagne électorale pouvant être subies pendant une « période pertinente », soit 365 jours dans le cas des élections législatives au Royaume-Uni et quatre mois dans le cas de toutes les autres élections. Ne pas se conformer à ces plafonds constitue un délit passible de sanctions pénales.

25. Dans le cas des partis se présentant aux élections législatives au Royaume-Uni, les dépenses de campagne sont plafonnées à 810 000 livres en Angleterre, à 120 000 livres en Ecosse et à 60 000 livres au Pays de Galles, ou à 30 000 livres par siège auquel les partis présentent des candidats, le montant le plus élevé étant seul valide. Par conséquent, un parti qui présenterait des candidats dans la totalité des circonscriptions, soit 659 circonscriptions, lors d'une élection législative au Royaume-Uni verrait ses dépenses de campagne plafonnées à 19,77 millions de livres (soit 19,23 millions de livres en Grande-Bretagne, et 540 000 livres en Irlande du Nord).

26. Tous les partis ayant présenté des candidats aux élections législatives de 2001, qui étaient les premières auxquelles les nouveaux plafonds étaient applicables, ont contenu sans difficulté leurs dépenses dans les limites nationales générales imposées à cet effet. Après une élection à laquelle ces règles sont applicables, les partis ayant présenté des candidats sont tenus de soumettre à la Commission électorale le détail de leurs dépenses de campagne. Le fait de ne pas rendre compte des dépenses subies au titre d'une campagne, ou de soumettre un compte rendu inexact, constitue un délit à caractère pénal.

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Compte rendu des débats de la deuxième réunion des présidents d'assemblée parlementaire des pays du g8 (DIAN 18/2004)

1 L. 3 juin 1999, n° 157, Nouvelles normes en matière de remboursement des frais pour les consultations électorales et référendaires et abrogation des dispositions concernant la contribution volontaire aux mouvements et partis politiques.

2 L. 25 juillet 2002, n° 156, Dispositions en matière de remboursements électoraux.

3 L. 10 décembre 1993, n° 515, Réglementation des campagnes électorales pour l'élection à la Chambre des députés et au Sénat de la République.

4 L. 23 février 1995, n° 43, Nouvelles normes pour l'élection des conseils des régions à statut ordinaire.

5 La détermination du calcul pour la quantification du fonds a été mise à jour de la sorte par la L. 156/2002. Dans la réglementation précédente le montant de chaque fonds, pour chaque législature, était fixé au chiffre de 4.000 lires (environ 2 euros) pour chaque inscrit aux listes électorales.

6 Le critère de répartition du fonds pour la Chambre des députés a été reformulé par la L. 156/2002. Auparavant, les partis ayant dépassé le seuil de 4 pour cent des voix valables, ou bien ayant obtenu au moins un élu lié à ces mêmes partis dans les collèges uninominaux et atteint au moins 1 pour cent des voix valablement exprimées au niveau national, participaient à la répartition.

7 Avant la L. 156/2002, le versement correspondait à 40 pour cent de la contribution totale pour la première année et à 15 pour cent pour les années suivantes.

8 L. 2 mai 1974, n° 195, Contribution de l'État au financement des partis politiques. Il s'agit de la première loi générale sur le financement des partis : la partie concernant le financement de l'État a été abrogée, tandis que les dispositions concernant les contributions des particuliers sont restées en vigueur.

9 Voir à ce propos l'article 4 de la L. 659/1981 qui a précisé que l'interdiction concerne également les membres du Parlement national et du Parlement européen, les conseillers régionaux, provinciaux et municipaux, les candidats à ces charges, les regroupements intérieurs des partis et les dirigeants des partis.

10 Montant mis à jour périodiquement sur la base des indices de l'Institut national de statistiques (ISTAT) et en dernier établi par l'arrêté du ministre de l'intérieur du 23 février 2001.


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