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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D' I N F O R M A T I O N

Présenté à la suite de la mission effectuée en Italie

du 14 au 17 décembre 2004

par une délégation du

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE- ITALIE (1)

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(1) Cette délégation était composée de M. Michel Bouvard, Président, MM. Alain Bocquet et André Vallini, vice-Présidents, MM. Claude Gatignol et Jean-Marie Rolland, Mme Hélène Tanguy, Secrétaires et M. Rudy Salles. 

SOMMAIRE

INTRODUCTION 55

I.- LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DES RELATIONS PARLEMENTAIRES FRANCO-ITALIENNES 66

II.- LES VOIES D'UNE COOPÉRATION RENFORCÉE 77

III.- LES SUITES DONNÉES À LA MISSION 88

ENTRETIENS 1111

Entretien avec M. Pier Ferdinando Casini Président de la Chambre des députés Mardi 14 décembre 2004 1515

Entretien avec M. Nicolà Bono Député, sous-secrétaire d'État aux biens culturels Mercredi 15 décembre 2004 1919

Entretien avec M. Gustavo Selva Président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés Mercredi 15 décembre 2004 2525

Entretien avec M. Giacomo De Ghislanzoni Président de la commission de l'agriculture de la Chambre des députés Mercredi 15 décembre 2004 2929

Entretien avec M. Éric Quérénet de Bréville, chef adjoint de la mission économique, M. Lionel Bessard, chef du secteur des infrastructures et des industries de réseau et M. Thibaut Lemaître, attaché agricole Ambassade de France Mercredi 15 décembre 2004 3535

Entretien avec Mme Delphine Borione, conseillère culturelle, et M. Pierre Jalladeau, attaché audiovisuel Ambassade de France Mercredi 15 décembre 2004 4747

Entretien avec M. Gianfraco Zanetti Chef de cabinet du Président du conseil régional de la Vénétie jeudi 16 décembre 2004 5151

Entretien avec Mme Emmanuelle Ferrari Consul honoraire Déléguée à l'action culturelle, Directrice de l'Alliance française de Venise Vendredi 17 décembre 2004 5555

PROGRAMME DE LA MISSION 5757

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INTRODUCTION

Une délégation du groupe d'amitié France-Italie de l'Assemblée nationale s'est rendue à Rome et à Venise du 14 au 17 décembre 2004, à l'invitation de la Chambre des députés italienne et du président du groupe d'amitié Italie-France, M. Daniele Franz, député du Frioul-Vénétie-Julienne.

Conduite par M. Michel Bouvard, député (UMP) de la Savoie, président du groupe d'amitié, elle était, en outre, composée de MM. Alain Bocquet, député (CR) du Nord, André Vallini, député (S) de l'Isère, vice-présidents du groupe d'amitié, de MM. Claude Gatignol, député (UMP) de la Manche, Jean-Marie Rolland, député (UMP) de l'Yonne, ainsi que de Mme Hélène Tanguy, députée (UMP) du Finistère, secrétaires du groupe d'amitié et de M. Rudy Salles, député (UDF) des Alpes-Maritimes, membre du groupe d'amitié.

Cette mission, qui faisait suite à la reprise des échanges effectuée en 2000 après seize années d'interruption, répondait au souhait des présidents des groupes d'amitié français et italien d'instaurer une relation plus régulière et plus étroite entre les deux assemblées.

Le programme élaboré par la Chambre des députés italienne s'est révélé en tout point remarquable et les membres de la délégation ont été extrêmement sensibles à la qualité de l'accueil qu'ils ont reçu durant l'ensemble de leur séjour, que ce soit à Rome ou à Venise. Ils tiennent d'ailleurs à exprimer à M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des députés italienne, et à M. Daniele Franz leurs plus vifs remerciements.

La délégation tient enfin à remercier Son Excellence M. Loïc Hennekine, ambassadeur de France, pour la qualité de son accueil ainsi que pour l'efficacité des personnels de l'ambassade.

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I.- LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DES RELATIONS PARLEMENTAIRES FRANCO-ITALIENNES

En dépit d'une frontière commune, de l'appartenance à la même culture et à la même communauté linguistique, de relations économiques de premier plan puisque l'Italie est le deuxième partenaire économique de la France après l'Allemagne, force est de constater une nette insuffisance des relations parlementaires entre la France et l'Italie.

En effet, la connaissance mutuelle entre deux pays fondateurs de l'Union européenne se borne trop souvent,aux apparences, voire aux clichés, entretenus par le caractère parfois superficiel des relations nouées dans un cadre multilatéral ou tout simplement par l'insuffisance du dialogue. Au cours des années récentes, deux sujets de préoccupation commune auraient, par exemple, gagnés à être mieux expliqués au sein des enceintes parlementaires, qui sont par nature des lieux de débat et de confrontations : il s'agit, d'une part, de la position divergente de la France et de l'Italie lors de la guerre en Irak et, d'autre part, de l'adoption par le Parlement italien, en juillet 2001, de la loi 301 à la suite de l'offre publique d'achat lancée par EDF sur Montedison et des difficultés qui s'en sont suivies sur le plan tant bilatéral que communautaire.

Et si les parlementaires français et italiens sont fréquemment amenés à se croiser, à titre individuel, dans les différentes organisations régionales ou internationales dotées d'une assemblée parlementaire, les rencontres entre les organes des deux assemblées demeurent, à l'exception du dialogue entre les Présidents, très ponctuelles. Tel est le cas en particulier des relations entre commissions.

Pourtant, l'abondance des sujets bilatéraux justifierait d'instaurer une coopération parlementaire spécifique permettant à la fois une meilleure information, une plus grande compréhension mutuelle et un contrôle plus efficace des décisions prises par les pouvoirs exécutifs respectifs. A cet égard, différents sujets, susceptibles de faire l'objet de débats, tels que les enseignements artistiques, l'enseignement des langues vivantes, la politique en matière linguistique et culturelle, l'énergie, les transports transfrontaliers et la construction de la ligne Lyon-Turin, la décentralisation, les OGM, etc. ... ont été évoqués au cours des entretiens avec les interlocuteurs de la délégation.

En outre, le renforcement de la coopération parlementaire bilatérale s'impose, non seulement en soi, en raison de l'importance du partenariat franco-italien, mais également dans le but d'agir plus efficacement sur le plan international et dans le cadre de la construction européenne. Et sur ce dernier point, il s'agit tout d'abord de corriger la relative marginalisation des représentations nationales, à la fois du point de vue de leur information et de leur possibilité d'intervention. S'informer mutuellement, se concerter, arrêter des positions communes permettrait d'influencer et de contrôler davantage les instances exécutives communautaires. Cet enjeu est crucial car, même si la nouvelle constitution européenne n'était pas adoptée, il est probable que celles des dispositions qui prévoyaient de mieux associer les parlements nationaux aux travaux des instances communautaires devraient, sous une forme ou sous une autre, être reprises dans le droit positif européen.

De plus, dans le cadre de l'Europe élargie, le renforcement de l'axe franco-italien permettrait d'œuvrer en faveur de la diversité culturelle du continent européen, de conforter son pôle méditerranéen et de poursuivre le dialogue euro méditerranéen dans la continuité de la Conférence de Barcelone et des initiatives telles que le dialogue des 5 + 5 qui lui ont succédé.

II.- LES VOIES D'UNE COOPÉRATION RENFORCÉE

A l'instar de ce qui existe d'ores et déjà entre l'Assemblée nationale et d'autres assemblées, l'institutionnalisation et l'annualisation des échanges créeraient sans conteste les conditions d'un dialogue approfondi entre députés français et italiens.

De fait, au-delà des quelque 172 groupes d'amitié, l'Assemblée nationale est liée de manière plus étroite à un certain nombre d'Assemblées parlementaires, selon des modalités susceptibles d'inspirer la coopération franco-italienne. Les « grandes commissions » instituées avec la Douma d'Etat de la Fédération de Russie ou l'Assemblée du Québec et l'Association parlementaire France-Canada fonctionnent ainsi selon un rythme d'échanges annuels organisés autour de débats sur des thèmes d'intérêt commun bien définis qui donnent lieu à des visites alternées et se concluent par la publication d'actes.

Mais c'est sans doute avec le Bundestag que les relations sont les plus étroites et les plus originales : outre une visite annuelle des groupes d'amitié qui donne lieu à une forme d'échange entre parlementaires en circonscription, outre encore les réunions communes de certaines commissions, les deux assemblées se rencontrent au sommet puisqu'elles organisent des réunions communes du Bureau de l'Assemblée nationale et du Präsidium du Bundestag, alternativement à Paris et à Berlin.

De plus, un prix annuel franco-allemand, qui récompense un ouvrage contribuant à une meilleure connaissance mutuelle des deux pays, dans les domaines juridique, politique, économique ou social ou dans celui des sciences humaines est attribué, chaque année, par l'Assemblée nationale et le Bundestag, lors précisément de la réunion annuelle du Bureau de l'Assemblée nationale et du Präsidium du Bundestag.

Et compte tenu du fait que l'organisation des groupes d'amitié, bicamérale, est différente et moins structurée en Italie qu'en France - la section bilatérale d'amitié Italie-France de la délégation italienne à l'Union interparlementaire compte actuellement cinq députés et deux sénateurs tandis que le groupe d'amitié France-Italie de l'Assemblée nationale regroupe cent quinze députés-, c'est probablement l'exemple franco-allemand qui devrait inspirer le nouvel élan de la relation franco-italienne.

III.- LES SUITES DONNÉES À LA MISSION

De retour à l'Assemblée nationale, le président du groupe d'amitié et le premier vice-président ont rencontré le Président de l'Assemblée nationale pour lui faire part de la teneur de leur entretien avec le Président de la Chambre des députés italienne. Ils sont convenus de la nécessité de disposer, dans un premier temps, d'une approche consolidée des échanges effectués, chaque année, entre les différents organes de l'Assemblée nationale (commissions permanentes, commissions d'enquête, missions d'information) et leurs homologues italiens en vue de mieux les articuler le cas échéant avec ceux des groupes d'amitié.

Le Président de la Chambre des députés italienne a, quant à lui, écrit, en avril 2005, au Président de l'Assemblée nationale afin d'envisager les différents moyens d'approfondir les relations parlementaires italo-françaises.

Proposant plus particulièrement d'organiser des réunions communes de certaines commissions permanentes des deux assemblées, en parallèle et en relation avec l'ordre du jour des sommets gouvernementaux bilatéraux organisés, chaque année, alternativement en Italie et en France, il estimait que cette manifestation permettrait d'élargir le dialogue, au-delà des seuls membres des groupes d'amitié, aux membres des deux assemblées les plus directement concernés, en leur offrant l'occasion d'échanger et de confronter leurs idées sur les sujets qui font l'actualité franco-italienne. Il suggérait d'appeler cette rencontre « journée parlementaire franco-italienne » afin d'illustrer la fraternité parlementaire existant entre les deux pays.

Dans sa réponse, le Président de l'Assemblée nationale, convaincu de l'intérêt de développer des liens de travail, de confiance et d'amitié entre les deux assemblées, proposait que les groupes d'amitié et les commissions soient les acteurs privilégiés d'une nouvelle coopération. Il estimait qu'il serait utile, par exemple, que des rapporteurs de projets de loi ou bien des rapporteurs de commissions d'enquête ou de missions d'information puissent se rendre, dès la session parlementaire 2005-2006, dans l'autre pays afin d'étudier la manière dont des problèmes similaires ont pu être traités.

Force est de constater que, pour ce qui concerne les commissions d'enquête ou les missions d'information, tel est déjà le cas, pour la partie française, lorsque le sujet le justifie.

Le Président de l'Assemblée nationale exprimait, en outre, sa préférence pour une démarche pragmatique et progressive en suggérant de faire un premier bilan à la fin de l'année 2006.

Pour sa part, le Bureau de l'Assemblée nationale a autorisé, le 14 décembre 2005, le groupe d'amitié France-Italie à inviter, à l'Assemblée nationale, une délégation du groupe d'amitié Italie-France en 2006. Le rapporteur se réjouit bien évidemment de cette décision tout en formulant le voeu que les élections législatives, prévues en Italie pour le mois d'avril 2006, ne fassent pas obstacle au bon déroulement de cette visite.

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ENTRETIENS

Entretien avec M. Domenico Fisichella
Vice-président du Sénat
Mardi 14 décembre 2004

Après avoir souhaité la bienvenue à la délégation du groupe d'amitié, M. Domenico Fisichella, vice-président du Sénat, se réjouit de l'existence d'un tel groupe d'amitié dont l'activité permet d'approfondir les relations franco-italiennes, en particulier dans les périodes où affleurent des divergences de position, ainsi que cela a été le cas à l'occasion de la guerre en Irak. En tant que professeur de science politique, il s'intéresse tout particulièrement à la pensée politique et aux auteurs français du 18ème siècle, ainsi qu'à Joseph de Maistre.

Il indique que l'actualité italienne est caractérisée par un certain nombre de réformes d'envergure parmi lesquelles une révision de la constitution qui pourrait notamment modifier les relations entre les institutions, le bicamérisme égalitaire, les rapports entre le Parlement et le gouvernement, ainsi que l'organisation territoriale de la République dans un sens plus fédéral. Personnellement favorable à une évolution vers plus d'autonomie des collectivités territoriales et à une réforme de type fédéral, il a observé avec beaucoup d'intérêt les évolutions institutionnelles survenues en France sous la Cinquième République, la Constitution de 1958 ayant eu en effet un très grand retentissement international.

M. Daniele Franz, président du groupe d'amitié Italie-France, souligne l'utilité des rapports interparlementaires pour des pays tels que la France et l'Italie qui partagent une vision commune dans de nombreux domaines. L'approfondissement de ces relations doit notamment permettre de résister avec plus de force à la colonisation culturelle venue d'outre-atlantique.

Le vice-président du Sénat fait remarquer qu'au cours de l'histoire, une culture a d'abord dominé, puis une autre : tel était le cas de la culture et de la langue françaises jusqu'au XXème siècle mais cela a changé et, en Italie, les jeunes générations ne maîtrisent plus la langue française comme auparavant. Il est toutefois indispensable de s'ouvrir aux autres cultures et de partager les richesses qu'elles véhiculent.

Après avoir salué la présence du président Daniele Franz aux côtés de la délégation, M. Michel Bouvard, président du groupe d'amitié France-Italie, remercie M. Fisichella pour son accueil et souligne ses compétences académiques et universitaires qui font de lui un spécialiste de Joseph de Maistre.

Abordant la question des relations entre les groupes d'amitié, il précise qu'en dépit des différences d'organisation au sein des Parlements français et italien, ces groupes ont vocation à conforter les relations entre les deux Parlements, notamment lorsque des différences de position pourraient les éloigner temporairement : il est en effet essentiel de pouvoir s'expliquer, échanger ses arguments surtout lorsque surviennent des divergences d'appréciation. En outre, les groupes d'amitié ont une carte à jouer dans la perspective de la nouvelle constitution européenne qui, si elle est adoptée, associera, pour la première fois, les Parlements nationaux aux travaux des instances européennes. Il s'agit de conforter la diversité culturelle de l'Europe qui passe indéniablement par la connaissance de la langue et de la culture de ses partenaires.

Par ailleurs, nombre de sujets de préoccupation commune méritent de donner lieu à des échanges parlementaires bilatéraux plus fréquents, par exemple, les relations avec les pays de la Méditerranée, la question de la montagne et de l'Arc alpin, la recherche, les questions économiques et budgétaires, la politique monétaire. A cet égard, il serait fort opportun de prévoir un rythme de rencontre annuel entre les Parlements français et italien.

Revenant aux questions culturelles et linguistiques, il s'interroge sur les effets de la loi Moratti. Adoptée par le Parlement italien en 2003, cette loi prévoit notamment l'apprentissage d'une deuxième langue vivante de l'Union européenne au cours de la scolarité. Il rappelle que le Parlement français a été saisi en novembre 2004 du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'Italie relatif aux établissements culturels et d'enseignement. Cet accord vise à compléter la liste des établissements culturels et d'enseignement auxquels s'appliquent les dispositions de la convention culturelle de 1949 et de l'accord de 1954 relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels. S'inscrivant dans le cadre des relations privilégiées entre la France et l'Italie, il constitue un outil au service de la politique culturelle et contribue au rayonnement de la culture et de la langue italiennes en France et réciproquement.

Le vice-président du Sénat aborde alors la question de la ratification de la Constitution européenne. L'Italie s'oriente vers une ratification de type parlementaire alors que la France a choisi la voie référendaire qui introduit, semble-t-il, davantage de dramatisation politique. Si la ratification parlementaire confie la décision finale aux élus plutôt qu'au peuple, elle permet néanmoins de procéder aux approfondissements nécessaires tandis que le référendum conduit inévitablement à une simplification de la question posée. Cela dit, en l'espèce, certaines forces politiques italiennes préfèreraient une ratification par la voie référendaire.

S'agissant de l'intensification des échanges parlementaires bilatéraux, il reconnaît que nombre de sujets peuvent en effet faire l'objet de débats fructueux, en matière européenne en particulier : ainsi, outre la question de la Constitution européenne, celle de l'adhésion de la Turquie à propos de laquelle des points de vue divergents pourraient sans doute être exprimés.

L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne est, à cet égard, un sujet d'une grande complexité sur lequel il convient d'avancer avec prudence et il est permis de se demander si le gouvernement italien n'a pas agi avec précipitation en la matière en déclarant dès à présent son orientation en faveur de l'adhésion de la Turquie alors même que cette question ne sera tranchée qu'en 2014. S'il est bien évidement fondamental d'ancrer étroitement la Turquie dans le monde occidental, la question se pose de savoir si cela doit se traduire par l'intégration à l'Union européenne plutôt que par un accord d'association. Et sur ce point, l'échange de points de vue et d'arguments avec les députés français, représentants d'une grande nation, qui est non seulement limitrophe de l'Italie mais qui partage, en outre, avec elle, une histoire et une culture communes contribuerait effectivement à prendre une décision marquée par la sagesse.

En conclusion, il souhaite un bon séjour et un bon travail à la délégation française.

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Entretien avec M. Pier Ferdinando Casini
Président de la Chambre des députés
Mardi 14 décembre 2004

Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à la délégation du groupe d'amitié, M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des députés, explique les raisons pour lesquelles il règne actuellement une ambiance un peu survoltée dans l'hémicycle. La Chambre des députés débat en effet d'une question préjudicielle sur une proposition de loi. En outre, le Président du Conseil a été conduit à poser, la semaine dernière, la question de confiance au Sénat sur le projet de loi de finances pour 2005.

En réalité, le présent débat s'inscrit dans un climat politique tendu du fait de récentes décisions juridictionnelles, d'une situation économique et sociale difficile pour l'Italie et d'un contexte international délicat depuis la guerre en Irak. Il faut savoir en effet que le contingent militaire italien engagé à l'étranger est le troisième mondial en terme d'effectifs. Cela se révèle être assez coûteux pour un pays qui ne figure pas parmi les plus grandes puissances. Par ailleurs, un certain nombre de réformes indispensables telle, par exemple, que la réforme des retraites, auraient dû être engagées plus rapidement après les élections de 2001.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2005 contient des mesures en faveur de la réduction des impôts promises, lors de la campagne électorale de 2001, par le candidat Berlusconi et non encore mises en œuvre en raison des difficultés économiques. A dix-huit mois des prochaines élections, le Président du Conseil souhaite donc les faire adopter dans le budget en cours de discussion, ce qui cristallise le mécontentement de l'opposition. Le débat actuel met en cause l'efficacité économique de ces mesures fiscales qui, pour être réellement efficaces, devraient être de plus grande ampleur... Leur financement donne également lieu à débat. Tel est donc le contexte délicat dans lequel s'inscrit l'examen du projet de loi de finances cette année, ce qui a conduit le Président Berlusconi à poser la question de confiance. D'où l'ambiance explosive, aujourd'hui, dans la Salle des Séances de la Chambre des députés.

Après avoir remercié le Président de la Chambre des députés italienne pour l'invitation adressée au groupe d'amitié de l'Assemblée nationale, M. Michel Bouvard, président du groupe d'amitié France-Italie, salue la franchise des explications apportées sur la situation politique italienne.

Il demande au Président de la Chambre des députés de bien vouloir excuser M. Rudy Salles, porteur d'un message du Président de l'Assemblée nationale en faveur de la candidature italienne à la présidence de l'Union interparlementaire, qui a du repartir pour Paris.

Relevant la proximité des réformes en cours (réforme des retraites, réformes économiques...) et l'abondance de préoccupations identiques d'un pays à l'autre, il souhaite, en sa qualité de Président du groupe d'amitié, œuvrer en faveur d'une coopération plus étroite entre les organes parlementaires français et italiens et rappelle que, quatre ans auparavant, dans ce même salon, le Président Violante avait également formulé ce souhait.

Le renforcement des échanges est encore plus nécessaire dans la perspective de la nouvelle Constitution européenne qui, si elle est adoptée, consacrera, pour la première fois, le rôle et l'importance des Parlements nationaux. Il appelle de ses vœux la mise en réseau des parlements dans le cadre de l'Union interparlementaire. Heureux de constater le dynamisme du groupe Italie-France, il souligne que les deux groupes d'amitié peuvent être un vecteur important des relations entre les deux pays au-delà des relations intergouvernementales, des différences de régimes institutionnels ou de majorités politiques.

Le Président de la Chambre des députés confirme que son prédécesseur avait insisté, lors de la passation de pouvoir, sur l'importance des relations avec les Parlements allemand et français. Lui-même a poursuivi dans cette voie, tout d'abord avec le Président Forni avec lequel il a effectué une mission commune au Proche-Orient, puis avec le Président Debré avec lequel il a noué d'étroites relations dès l'élection de ce dernier.

Les groupes d'amitié trouvent leur utilité dans la permanence qu'ils représentent au-delà de la succession des majorités et des clivages politiques. Et s'il est vrai que leur structure diffère au sein du Parlement italien par rapport à l'organisation française, le moment est sans doute venu de franchir un saut qualitatif et d'institutionnaliser davantage les relations entre ces deux Parlements : une rencontre annuelle réunissant, dans une ville autre que la capitale, Présidents des assemblées, Présidents des groupes d'amitié et Présidents des commissions concernées sur un sujet d'actualité commun aux deux pays, pourrait être ainsi organisée, le cas échéant, en parallèle du sommet intergouvernemental. Parmi les sujets qui viennent immédiatement à l'esprit, figurent, par exemple, les liaisons terrestres, le dialogue interreligieux, l'Europe et le multilatéralisme. Cette réunion annuelle contribuerait incontestablement à améliorer les relations entre les deux États. Il remercie le Président du groupe d'amitié de bien vouloir porter un message en ce sens au Président de l'Assemblée nationale.

Convaincu que l'initiative du Président de la Chambre des députés permettra de renforcer durablement les relations franco-italiennes, M. Michel Bouvard s'engage à en faire part rapidement au Président de l'Assemblée nationale. Estimant que le contexte est favorable au rapprochement des deux assemblées, il remercie, au nom de la délégation, le Président de la Chambre des députés pour la cordialité de son accueil.

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Entretien avec M. Nicolà Bono
Député, sous-secrétaire d'État aux biens culturels
Mercredi 15 décembre 2004

Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à la délégation du groupe d'amitié, M. Nicolà Bono, sous-secrétaire d'État aux biens culturels, présente tout d'abord l'étendue des compétences du ministère des biens et activités culturels : spectacles vivants, patrimoine, relations avec l'UNESCO, livre, archives et comité interministériel pour la programmation économique (CIPE). Le ministère de la culture participe depuis peu à ce comité, essentiellement pour organiser les efforts en matière de recherche et de rénovation du patrimoine. A cet égard, l'action du ministère porte prioritairement sur les sites inscrits au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO. Il faut savoir que l'Italie en compte 39 contre 37 pour la France. A l'issue d'une réforme législative de grande ampleur, le ministère a entrepris de doter chacun de ces sites d'un plan de gestion en vue de devenir plus performant.

Cette réforme, qui se caractérise notamment par davantage de décentralisation et par l'association de personnes privées à la gestion des musées, s'est achevée par l'adoption par le Parlement d'une loi de codification en matière de biens culturels (nouveau code des biens culturels) qui met à jour et réorganise les textes de référence relatifs au patrimoine. A cet effet, la loi italienne distingue désormais la notion de protection du patrimoine, qui correspond à la tutelle exercée par l'État, de celle de sa mise en valeur : c'est ainsi que la gestion et la valorisation du patrimoine peut être confiée à des personnes morales autres que l'État, publiques ou privées, telles que les collectivités territoriales, les fondations, ...etc. Il faut savoir en effet qu'en Italie la propriété du patrimoine est extrêmement diversifiée puisque 17 % du patrimoine appartient à des personnes privées contre 13 % seulement à l'État et 44 % aux communes. En outre, il peut arriver qu'un bien appartenant à L'État soit géré par une personne privée.

Parmi les autres réformes récemment adoptées en matière culturelle, on peut citer la réforme des marchés publics qui concerne également le patrimoine, la réforme relative au cinéma et celle de l'urbanisme qui vise, à l'instar de ce qui existe en France, à instaurer des règles architecturales spécifiques applicables aux centres historiques des villes : il s'agit de reconquérir et protéger des centres historiques parfois gravement endommagés par les « constructions modernes » des années soixante.

Après avoir remercié le Secrétaire d'État aux biens culturels pour son accueil, M. Michel Bouvard, président du groupe d'amitié présente tout d'abord la délégation du groupe d'amitié de l'Assemblée nationale.

Après avoir relevé la particularité institutionnelle italienne - et dont pourrait s'inspirer la France - qui réunit au sein d'une même autorité de l'État le tourisme et la culture, il souligne la proximité de certaines des réformes en cours dans le secteur culturel, en particulier en ce qui concerne la décentralisation et le transfert de compétences effectué, en France, au profit des régions. Le rôle de l'État demeurant néanmoins prépondérant en France, la gestion des grands monuments est caractérisée par une moindre mobilisation de capitaux privés. Cela dit, la France rencontre les mêmes difficultés que l'Italie en matière d'entretien et de protection du patrimoine du fait de l'abondance des sites et monuments historiques. De ce point de vue, il souligne l'intérêt des contacts et des échanges d'expériences entre parlementaires sur ces sujets de préoccupation commune.

Revenant à la réforme italienne relative à l'urbanisme, il souligne que l'intervention en France des architectes des bâtiments de France (ABF) conduit parfois à renchérir très sensiblement les coûts de restauration en raison du recours exclusif à des entreprises agréées : cela peut, le cas échéant, représenter des montants considérables au regard des budgets des collectivités territoriales. Il souhaite connaître l'approche italienne en matière de coûts et savoir en particulier comment s'applique la réforme des marchés publics qui a été brièvement évoquée.

M. André Vallini, vice-président du groupe d'amitié, regrette le déclin, constaté lors du festival du film français de Florence, des échanges bilatéraux en matière de cinéma qui se traduit, notamment depuis quelques années, par une baisse de la distribution des films français en Italie et réciproquement par une moins bonne distribution des films italiens en France.

Revenant sur la présentation du dispositif relatif à la gestion du patrimoine, Mme Hélène Tanguy, secrétaire du groupe d'amitié, s'enquiert de l'existence de dispositions incitatives en faveur de l'investissement des personnes privées.

M. Michel Bouvard demande des précisions sur les plans de gestion des sites inscrits au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO ainsi que sur les moyens de les valoriser et de les exploiter au terme du chantier de rénovation. Il interroge également le sous-secrétaire d'État aux biens culturels sur la politique du livre.

Le sous-secrétaire d'État évoque alors la délicate question de l'inauguration en 2002 du Salon du livre à Paris, dont l'Italie était le pays invité. Cet épisode malheureux sur le plan politique n'a fort heureusement pas eu de conséquence institutionnelle. La politique bilatérale du livre se traduit par des aides à la publication et à la traduction. D'une manière générale, en Italie, pays où on lit peu, les ouvrages français les plus diffusés sont plutôt des essais tandis qu'à l'inverse en France, ce sont les ouvrages de littérature italienne qui ont le plus de succès. Il n'en demeure pas moins qu'il reste encore de nombreuses voies de collaboration à explorer dans le secteur du livre en vue de favoriser une meilleure distribution dans les deux pays. Le gouvernement italien envisage, pour sa part, de soutenir financièrement, lorsque cela lui sera possible sur le plan budgétaire, une commission bilatérale d'aide à la traduction.

Après avoir souligné l'importance du livre comme vecteur de diffusion tant culturelle que linguistique, M. Michel Bouvard demande s'il n'est pas envisageable, compte tenu du coût des aides, élevé dans un cadre strictement bilatéral, d'entreprendre une démarche commune afin de solliciter une aide auprès de l'Union européenne. Il s'agit aussi d'éviter la seule progression de la monoculture du livre bon marché qui prévaut, par exemple, en Grande-Bretagne.

Approuvant la suggestion du Président du groupe d'amitié, le sous-secrétaire d'État insiste sur la nécessité de lutter contre la pensée unique véhiculée par la langue anglaise. Il souligne la pertinence d'un dispositif législatif de soutien au secteur du livre qui consisterait à déduire du revenu imposable l'achat de livres. Ceci serait néanmoins délicat à mettre en œuvre en Italie du fait des difficultés budgétaires actuelles ....

En réponse à M. André Vallini, il souligne que la diffusion de l'ensemble du cinéma européen est en déclin tout en rappelant que l'enjeu est désormais l'internationalisation de la production cinématographique. Là encore, il est nécessaire de trouver des formes de collaboration originales pour soutenir la production européenne et faire face à la concurrence américaine. A cet égard, il faut savoir que les films vus en Italie sont à plus de 50 % des films américains contre 22 % de films italiens et 12 % de films européens, y compris ceux qui font l'objet de coproductions. L'Union européenne devrait mettre en place un système de soutien à la coproduction mais aussi à la distribution des films européens car la distribution est le maillon faible en Europe : l'aide à la coproduction permettrait ainsi d'ouvrir les marchés des pays respectivement intéressés. A cet égard, la loi italienne de réforme du cinéma crée un système de soutien à la production qui favorise, toutes choses égales par ailleurs, les coproductions européennes.

A la demande de précisions du président du groupe d'amitié sur la nature des aides accordées et sur les moyens mis en œuvre pour favoriser les œuvres de coproduction européenne, il indique qu'à défaut de pouvoir instaurer une aide de type fiscal, il s'agit pour l'instant d'un mécanisme de subventions. Le gouvernement italien souhaiterait cependant introduire un dispositif de type « tax shelter ».

En réponse à Mme Hélène Tanguy, il précise que les plans de gestion des sites sont destinés à attirer les investissements des propriétaires privés. En effet, dans une logique de développement de « pôles économiques du patrimoine », quelle que soit l'importance du monument à proprement parler, il est indispensable de mettre en valeur le territoire environnant dans toutes ses dimensions (culturelle, traditionnelle, gastronomique, etc.). Il s'agit en réalité d'une politique d'aménagement du territoire.

Revenant sur la distinction établie entre la notion de propriété et celle de gestion du patrimoine, M. Alain Bocquet, vice-président du groupe d'amitié, demande comment la puissance publique peut continuer à assurer la tutelle de ses monuments - afin notamment d'en garantir l'accès au plus grand nombre - dès lors que le secteur privé y investit des capitaux et en effectue la gestion. Est-ce bien compatible avec la logique de rentabilité auquel ce dernier est soumis ?

Le sous-secrétaire d'État précise que la situation italienne est particulière puisque 17 % du patrimoine appartient à des familles qui en assurent une protection satisfaisante et une gestion efficace et, à tout le moins, plus satisfaisante que ne le fait l'État vis-à-vis de son propre patrimoine. En effet, ce dernier ne dispose pas des moyens suffisants pour sauvegarder et gérer son patrimoine de manière efficace. S'agissant d'une propriété privée, l'État a le pouvoir d'ordonner au propriétaire de procéder, sous le contrôle du surintendant des biens culturels, à la restauration nécessaire en lui allouant une subvention. Ce dispositif résulte de la loi Bottai de 1939 qui a organisé de manière précise la gestion du patrimoine des personnes privées sous l'autorité du surintendant en contrepartie d'aides financières. Ainsi, dès lors que le contrôle de l'État est garanti, que des règles claires de gestion et d'accès du public sont établies par la puissance publique, la question de la propriété perd de son acuité.

Par ailleurs, la surintendance est responsable des modalités et des coûts de restauration et c'est elle, par exemple, qui propose les matériaux de restauration ainsi que des listes d'entreprises agréées et travaillant à des coûts acceptables. Il n'y a donc pas de phénomène de renchérissement des coûts tel qu'évoqué par le président du groupe d'amitié. En outre, la loi Merloni de 1994 qui portait réforme des marchés publics dans un sens restrictif a fait elle-même l'objet d'une modification afin de soustraire de son champ d'application les marchés publics dans le secteur des biens culturels : c'est ainsi que les surintendants ont la possibilité de retenir les offres de travaux au meilleur rapport qualité/prix plutôt qu'au moins disant.

M. Michel Bouvard remercie, au nom de la délégation, le secrétaire d'État pour son accueil et pour la précision des réponses apportées.

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Entretien avec M. Gustavo Selva
Président de la commission des affaires étrangères
de la Chambre des députés
Mercredi 15 décembre 2004

Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à la délégation du groupe d'amitié, M. Gustavo Selva, président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés, souligne les liens historiques qui unissent la France et l'Italie, pays fondateurs de l'Union européenne et engagés, à l'heure actuelle, dans la procédure d'approbation du traité constitutionnel européen. Et en dépit des divergences qui peuvent parfois se manifester en matière de politique étrangère, concernant notamment la guerre en Irak ou les relations transatlantiques, il souhaite qu'une politique étrangère commune puisse voir le jour au sein de l'Union européenne car il existe un accord fondamental en faveur d'une intégration politique plus poussée.

De retour de Chine, il mesure ainsi la nécessité de développer une politique commune vis-à-vis de ce pays qui connaît actuellement une phase de modernisation effrénée à travers le développement du libéralisme économique. Et même si la Chine a une préférence pour les relations bilatérales, il conviendrait de s'intéresser à ce pays afin de ne pas laisser la voie libre, dans le monde occidental, aux seuls États-unis d'Amérique.

Après avoir remercié le président de la commission des affaires étrangères pour son accueil, M. Michel Bouvard, président du groupe d'amitié, présente tout d'abord la délégation du groupe d'amitié de l'Assemblée nationale. Il évoque ensuite un précédent entretien motivé par la nécessité d'expliquer la position française sur la guerre en Irak.

En matière diplomatique, la France et l'Italie ayant plusieurs sujets de préoccupation commune tels que la construction européenne, la mondialisation, les relations avec les pays de la Méditerranée, il serait souhaitable, en vue de mieux comprendre les positions respectives et de dégager le cas échéant des positions communes, d'intensifier contacts et échanges entre les deux assemblées parlementaires.

M. André Vallini, vice-président du groupe d'amitié, s'enquiert du calendrier retenu par l'Italie, qui a opté en faveur de la voie parlementaire, pour la ratification du traité constitutionnel européen.

Le président de la commission des affaires étrangères indique que l'Italie aurait souhaité être le premier pays à ratifier le traité mais qu'elle sera précédée par la Lituanie. La ratification, retardée en réalité par la discussion du projet de loi de finances pour 2005, devrait néanmoins intervenir en janvier 2005.

M. Claude Gatignol, secrétaire du groupe d'amitié, interroge, d'une part, le président de la commission des affaires étrangères sur la politique de l'Italie en matière d'immigration dans le cadre de l'espace Schengen et attire, d'autre part, son attention sur le dossier EDF/Edison et l'adoption par le Parlement italien en juillet 2001 de la loi 301 qui a plafonné les droits de vote d'EDF, actionnaire d'Edison au motif de l'absence d'ouverture du marché électrique français. Avec la mise en œuvre du changement de statut d'EDF et l'ouverture du marché français du gaz et de l'électricité, effective pour les clients industriels depuis le 1er juillet 2004, il demande s'il ne serait pas envisageable de modifier la législation italienne.

Concernant l'immigration, le président de la commission des affaires étrangères précise qu'il s'agit d'une compétence nationale, ce qui n'empêche pas l'Italie de rechercher la meilleure coopération possible avec l'Union européenne. La difficulté provient bien sûr de l'immigration clandestine. Il se trouve, en réalité, que la loi dite Bossi-Fini, assez restrictive en la matière, n'est pas toujours appliquée de manière satisfaisante par les juges. L'Italie s'efforce d'intensifier la collaboration avec les États du sud de la Méditerranée en vue de limiter les entrées sur son territoire par les ports. La majeure partie des immigrés clandestins provenant des côtes libyennes, le Président du Conseil s'est récemment rendu en Libye afin de mettre en place un dispositif de coopération sous forme d'aide à la police maritime de ce pays. A cet égard, l'Italie est satisfaite de la collaboration existant avec l'Albanie qui permet, grâce à un dispositif d'aide italienne à la police albanaise, de contenir le flot d'entrants clandestins. En revanche, même si cela ne représente sans doute pas de très gros effectifs, la Bosnie et la Serbie constituent des plaques tournantes avérées pour les trafics de drogue et d'êtres humains.

Regrettant de ne pas être en mesure de répondre de manière précise s'agissant du dossier EDF/Edison, il souligne néanmoins l'importance de la politique énergétique européenne en vue de disposer de ressources communes et de faire face à la demande récurrente de la part de pays tiers d'aide à la production d'énergie.

M. Michel Bouvard pose une série de questions portant respectivement sur :

· l'état d'avancement de la ratification des protocoles d'application de la convention alpine ;

· la manière dont l'évolution de l'OTAN est envisagée : l'Italie est-elle en particulier favorable à l'organisation d'un pilier européen de l'Alliance atlantique qui permettrait de dégager des positions communes et de mettre en œuvre un véritable dialogue avec les États-Unis plutôt qu'une relation de vassal à suzerain tel que c'est actuellement le cas ?

· la poursuite par le ministre des affaires étrangères actuel de l'initiative prise par son prédécesseur d'organiser une conférence franco-italienne de la société civile.

Le président de la commission des affaires étrangères évoque les nuances existant entre l'Italie et la France en matière de relations transatlantiques, l'Italie envisageant le renforcement de la défense commune européenne dans le cadre d'une relation de coopération plutôt que de compétition avec les États-Unis. Il est au demeurant tout à fait nécessaire de bien redéfinir, dans un premier temps, les fonctions de l'OTAN en tenant compte, d'une part, de l'adhésion de nouveaux États et, d'autre part, des relations avec la Russie, et ce en vue du renforcement de la politique de défense commune. La France et l'Italie semblent ainsi être d'accord sur l'objectif recherché tout en ayant quelque divergence sur les moyens d'y parvenir. Entendu très récemment par la commission des affaires étrangères, M. Gianfranco Fini, ministre des affaires étrangères, a ainsi souligné la nécessité de redéfinir les tâches de l'Alliance atlantique en envisageant le rôle de conciliateur que pourrait jouer le cas échéant l'Italie compte tenu de ses excellentes relations avec les États-Unis.

S'agissant de l'organisation d'un forum bilatéral de la société civile, cette initiative devrait être poursuivie.

Évoquant l'entretien de la délégation avec le Président de la Chambre des députés, M. Michel Bouvard souligne la nécessité d'avoir une relation plus suivie entre les deux assemblées, sous forme soit d'une rencontre annuelle en marge du sommet gouvernemental, ainsi que le propose le Président de la Chambre des députés, soit d'une institutionnalisation des échanges entre les commissions permanentes.

Le président de la commission des affaires étrangères se dit très favorable à l'institutionnalisation des échanges entre les deux commissions des affaires étrangères qui pourrait faire l'objet d'un protocole sur la base de rencontres bisannuelles.

M. Michel Bouvard remercie, au nom de la délégation, le président de la commission des affaires étrangères pour son accueil et pour la qualité des réponses apportées.

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Entretien avec M. Giacomo De Ghislanzoni
Président de la commission de l'agriculture
de la Chambre des députés
Mercredi 15 décembre 2004

Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à la délégation du groupe d'amitié, M. Giacomo De Ghislanzoni, président de la commission de l'agriculture de la Chambre des députés, s'enquiert du projet de loi d'orientation agricole en cours d'élaboration en France tout en indiquant qu'une loi de modernisation agricole est également en cours de préparation en Italie en vue d'adapter l'agriculture italienne à la nouvelle politique agricole commune (PAC) et à l'évolution de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

De fait, au fil du développement de la mondialisation des échanges, surgissent de nouveaux acteurs -ainsi en a-t-il été lors du G 25 à Cancun-, que les économies occidentales ne peuvent plus se permettre de négliger, y compris dans le secteur agricole. Et si une certaine libéralisation des marchés agricoles semble ainsi inéluctable, il faut néanmoins prendre en compte les coûts de protection de l'environnement et de sécurité des travailleurs. Du fait de l'importance de l'agriculture dans leur économie, l'Italie et la France ont des préoccupations communes en la matière.

Après avoir remercié le Président de la commission de l'agriculture pour son accueil, M. Michel Bouvard, président du groupe d'amitié, présente tout d'abord la délégation du groupe d'amitié. Il souligne que les préoccupations communes, évoquées dans le domaine agricole notamment, rendent nécessaires l'augmentation des rencontres parlementaires bilatérales.

Mme Hélène Tanguy, secrétaire du groupe d'amitié, apporte des précisions sur le projet de loi d'orientation agricole qui devrait être soumis au Parlement français en 2005. Au cours de l'année 2004, le Parlement a examiné le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui est également très important pour le monde rural.

Revenant à la question de la nouvelle PAC, M. Michel Bouvard, président du groupe d'amitié, soulève le problème du découplage entre les aides et la production qui conduira, par exemple, à attribuer des aides à des producteurs de lait qui n'en produisent plus... En outre, les coûts de mise aux normes environnementales sont disproportionnés par rapport aux prix de production.

Le président de la commission de l'agriculture exprime également sa préoccupation face à la nouvelle PAC qui doit en effet entrer en vigueur au 1er janvier 2005. Elle constitue une véritable révolution difficile à expliquer aux agriculteurs sur bien des points tels que le découplage, la modulation des aides, la « rétroconditionnalité ». Le monde agricole, qui vit dans un univers particulier, affronte des contraintes spécifiques dont il faut tenir compte. C'est la raison pour laquelle on ne peut qu'approuver la demande française de différer d'une année l'entrée en vigueur de cette réforme pour mieux en évaluer les conséquences. A cet égard, l'Italie aurait sans doute été bien inspirée de demander un délai concernant les droits à paiements.

Les exploitations agricoles rencontrent en effet de grandes difficultés du fait du nivellement par le bas des prix mondiaux et donc de la baisse de leurs ressources et les retards actuels de paiement des aides au titre de la PAC mettent les agriculteurs dans des situations inextricables du fait de la pression des organismes bancaires auprès desquels ils sont endettés. Les producteurs de riz de la plaine du Pô sont, par exemple, particulièrement touchés par le nivellement des prix mondiaux, alors même que l'Union européenne divise par deux les prix garantis sur le riz ....Il leur est en réalité impossible de poursuivre leurs activités avec le seul soutien des aides à l'exploitation.

Abordant le sujet de l'aménagement rural, c'est-à-dire le second pilier de la PAC, M. Michel Bouvard demande quelle est la position italienne sur la modification des aides territoriales prévue pour la campagne 2007-2013 et la réorientation des aides du premier vers le second pilier.

Le président de la commission de l'agriculture estime que, à montants constants, le transfert de ressources du premier vers le second pilier est important pour un pays comme l'Italie dont 50 % du territoire est constitué de montagnes. Il est en effet fondamental de maintenir la présence humaine en reconnaissant le rôle de l'agriculteur non seulement comme producteur mais aussi comme protecteur de l'environnement. Le retrait de l'homme de ces territoires constituerait, a contrario, une véritable catastrophe écologique.

Au total, la nouvelle PAC inspire des sentiments mitigés avec, d'une part, une certitude qui résulte de l'accord entre le Président de la République française et le Chancelier allemand, garant de stabilité jusqu'en 2013 et, d'autre part, de nombreux doutes sur les perspectives de ressources des agriculteurs de la péninsule italienne.

Abordant un autre sujet délicat qui relève autant de l'éthique que de la politique, il interroge les membres de la délégation sur la position du Parlement français concernant les OGM. Pour sa part, la commission qu'il préside examine, à l'heure actuelle, un texte législatif qui permettra la coexistence des cultures d'OGM et des cultures conventionnelles et biologiques.

M. Claude Gatignol, secrétaire du groupe d'amitié, indique, en sa qualité de rapporteur de la loi du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques, de transposition de la directive européenne 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection des inventions biotechnologiques, que le Parlement français vient d'adapter les conditions de la brevetabilité du vivant s'agissant des inventions génétiques relatives aux animaux et aux végétaux. Auparavant, la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique avait tranché les questions relatives à la brevetabilité des inventions génétiques relatives au corps humain, en transposant les parties de la directive de 1998 portant sur ce sujet.

Parmi toutes ses dispositions, la principale innovation de la loi de décembre 2004 se trouve dans l'institution du privilège de l'éleveur et du sélectionneur qui, sans avoir été prévu par la directive, répond à la préoccupation de semenciers français face aux stratégies d'accaparement des ressources végétales menées par les grands groupes américains. Adoptée en trois semaines par le parlement français, cette loi a fait l'objet de l'assentiment général et a même été adoptée à l'unanimité par le Sénat.

S'agissant plus spécifiquement des OGM, la question fait débat au sein du Parlement. Le Président de la République a très récemment annoncé que le Parlement français serait prochainement saisi d'un projet de loi sur les OGM. A titre personnel, en tant que vétérinaire, il est favorable au développement des OGM mais seulement en matière de recherche sur les végétaux. Le débat doit, en outre, permettre d'orienter la recherche en vue de poursuivre des programmes de recherche dans le secteur de la santé.

Le président de la commission de l'agriculture indique que la difficulté résulte de l'augmentation exponentielle des cultures d'OGM dans certains pays tels que le Brésil qui a ainsi autorisé la culture de 3 millions d'hectares de soja dans certains États du sud. Cela introduit une forte pression qui s'ajoute à une concurrence supplémentaire.

Sur le fond, il faut néanmoins prendre conscience du fait que, dans un contexte de mutation climatique, 800 millions de personnes sont privées, sur la planète, de nourriture et que certains pays tel que la Chine, où manque la vitamine A, connaissent une avitaminose sévère. Les cultures traditionnelles n'étant pas en mesure de nourrir de manière satisfaisante tous les hommes, seule la science, via la modification des semences, pourrait peut-être ainsi y parvenir : si l'on considère, par exemple, le projet « golden rice », riz transgénique enrichi en bêta carotène, il permet de résoudre les carences en vitamines. De même, si l'on parvenait à produire la même quantité de blé avec un quart seulement de la ressource en eau actuellement nécessaire, l'agriculture effectuerait un énorme progrès tout en respectant l'environnement. A cet égard, il faut se souvenir des gains de productivité effectués après la deuxième guerre mondiale, au moyen notamment de l'introduction d'une qualité hybride de maïs. C'est cette augmentation des rendements qui a permis de nourrir les populations.

M. Michel Bouvard estime que ces rappels de données fondamentales sont très utiles face à la médiatisation du débat et aux arguments tendant à laisser croire que la recherche serait dirigée en France par des apprentis sorciers. En réalité, il convient de ne pas porter tort à la recherche française qui est une recherche de pointe. Celle-ci ne doit en particulier pas être bridée au motif du respect du principe de précaution qui figure désormais en tête de la Constitution.

Des abus tels que le fauchage de champs de culture expérimentale ont été commis en France par des personnalités emblématiques qui, en effrayant les populations, nuisent à la recherche alors qu'il faut, à l'inverse, croire aux progrès de la science.

Le président de la commission de l'agriculture confirme qu'il y a une grande part de démagogie et de désinformation en la matière et que cela risque de faire prendre aux pouvoirs publics des décisions à chaud dans le contexte d'un débat quelque peu faussé. En outre, l'on incrimine à l'excès les OGM sans en voir les avantages alors même que les productions biologiques présentent aussi des risques, notamment en ce qui concerne leur conservation.

Le président du groupe d'amitié remercie, au nom de la délégation, le président de la commission des affaires étrangères pour son accueil et pour la qualité des échanges.

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Entretien avec M. Éric Quérénet de Bréville,
chef adjoint de la mission économique,
M. Lionel Bessard,
chef du secteur des infrastructures et des industries de réseau et M. Thibaut Lemaître, attaché agricole
Ambassade de France
Mercredi 15 décembre 2004

M. Éric Quérénet de Bréville, chef adjoint de la mission économique, effectue tout d'abord une présentation des relations commerciales bilatérales.

Vue d'Italie, la France est un partenaire essentiel et admiré bien que parfois perçu comme quelque peu arrogant. Partenaire essentiel de l'Italie, la France représente en effet son deuxième débouché à l'exportation (30 milliards d'euros), principalement dans les secteurs de la mécanique, l'équipement automobile, la chimie, l'électroménager et le textile-habillement. En outre, la France est la première destination des investissements directs à l'étranger (IDE) italiens avec un stock de 17 milliards d'euros et 100.000 emplois induits en France (Fiat, MTS-Merloni, Italcementi, Telecom Italia...).

Par ailleurs, l'Italie envie la grande taille des entreprises industrielles et de service françaises tandis que le tissu économique italien est, au contraire, caractérisé par des PME. De fait, les dix premières entreprises françaises effectuent un chiffre d'affaires de 575 milliards d'euros contre 205 milliards d'euros pour les italiennes. De même, les grandes entreprises concentrent 38 % des emplois en France contre 18% en Italie.

Pour autant, la France est parfois perçue comme un partenaire arrogant du fait de :

· son attitude de mauvais joueur européen : non-respect du pacte de stabilité et de croissance, faible libéralisation des services, rémanences colbertistes sur certains dossiers (Alstom, EDF) ;

· la crainte d'un certain « bonapartisme » économique : exigence de réciprocité et freins à l'ouverture des marchés (énergie, transports, banques, distribution).

Aussi observe-t-on une volonté italienne de traiter d'égal à égal avec la France. C'est ainsi que la parité a été posée comme condition de succès pour les fusions franco-italiennes : ST Microelectronics (Thomson/SGS), Air France-Alitalia (2 % échangés), Dexia-Sanpaolo.

Vue de France, l'Italie est également un pays prioritaire pour les exportations qui ont représenté près de 30 milliards d'euros en 2003, soit 9,3 % des exportations totales françaises. Concernant les investissements, la France est le deuxième pays implanté en Italie derrière les Pays-Bas pour le stock d'IDE (17,8 milliards d'euros). La taille du marché italien a d'ailleurs conduit le ministre délégué au commerce extérieur à retenir l'Italie parmi les vingt cinq pays prioritaires du commerce extérieur de la France. A cet égard, l'Italie est le quatrième client de la France. En termes de part de marché (PDM), la France détient la deuxième PDM sur le marché italien, soit 11,3 %. Pour mémoire, un point environ de PDM en Italie correspond au total des ventes françaises vers le Canada.

Les exportations vers l'Italie sont le fait de 22 700 entreprises sur 117 250 qui exportent dans le monde entier (27 200 à destination de l'Allemagne). 88 % d'entre elles sont des PME comptant moins de 250 salariés qui réalisent 46 % des exportations. Malgré les apparences, les exportations sont très concentrées, les 50 premiers exportateurs (0,2 % du total) réalisant 35 % des exportations. Environ 1000 entreprises françaises sont effectivement implantées en Italie. On peut également signaler qu'une large majorité de PME présentes en Italie recourent aux services publics de soutien à l'international : 840 entreprises clientes de la mission économique en 2003, dont 500 PME.

Depuis plus de dix ans, la France est en deuxième position sur le podium des fournisseurs de l'Italie, après l'Allemagne et loin devant le troisième pays exportateur (les Pays-Bas). On observe toutefois une relative baisse des parts de marché des pays européens, à l'exception de l'Espagne, assortie d'une progression de pays lointains (Chine, Russie, États-unis).

En réalité, l'analyse des exportations vers l'Italie montre que ce marché est arrivé à maturité, la PDM de la France ayant diminué de 2,3 points en 10 ans. En fait, la hausse du dollar et celle du prix du pétrole ont engendré, en 2000, un recul de PDM de 1,3 point non récupérés depuis. Une telle évolution trouve son origine dans :

· la fin de l'effet marché commun  (avantages comparatifs exploités) ;

· l'ouverture des marchés et la diversification géographique des échanges, l'Italie pour ses approvisionnements, la France pour ses débouchés (pour mémoire la PDM de la France a également baissé de 1,9 points en Allemagne) ;

· la libéralisation des échanges avec les nouveaux entrants dans l'Union européenne en 2004 ;

· le développement des services, qui ne sont pas retracés dans la balance commerciale et peuvent donner lieu à une substitution implantation/exportation.

En conclusion, force est de constater que la proximité ne suffit pas à garantir des performances stables ou croissantes, sur un marché export arrivé à maturité. Si bien que la France se trouve désormais davantage dans une logique défensive de maintien des PDM que dans une phase de conquête. Parmi les secteurs en difficulté à l'exportation et ayant besoin d'être soutenus, on peut mentionner l'agriculture, les produits alimentaires, les machines et appareils mécaniques. Certains secteurs, en outre, méritent d'être soutenus au cas par cas, par exemple, la transformation des métaux, la fabrication de meubles, les machines de bureau et l'informatique, le textile habillement. En revanche, les secteurs dynamiques et autonomes sont ceux de l'automobile, de la chimie et de la métallurgie. Enfin, le marché italien présente des opportunités à exploiter, en particulier en ce qui concerne la pêche, l'édition, le bois, papier, carton et les appareils de précision.

M. Lionel Bessard, chef du secteur des infrastructures et des industries de réseau, présente ensuite la situation et le marché de l'énergie en Italie.

D'une manière générale, l'énergie constitue un enjeu majeur pour l'Italie qui est très dépendante de l'extérieur sur le plan énergétique puisqu'elle importe plus de 80 % de l'énergie primaire utilisée dans la péninsule. En 2003, la facture énergétique italienne a atteint 27 milliards d'euros (22,7 milliards d'euros pour la France).

D'une part, la production électrique nationale est insuffisante :

· l'Italie importe en effet 16 % de l'électricité qu'elle consomme (51 TWh importés pour 320 TWh consommés) ;

· elle dispose de moins de 1000 MW de capacités supplémentaires par an alors que la croissance du pic de demande croît de plus de 2000 MW par an.

D'autre part, les prix de l'énergie sont supérieurs de 50 % aux prix européens. C'est ainsi qu'en 2002 une famille italienne payait 19,5 centimes d'euro le kilowattheure alors qu'une famille française le payait 11,7 centimes.

S'agissant du marché énergétique italien, s'il est officiellement ouvert, les entreprises nationales sont en réalité encore protégées. Le marché gazier, totalement ouvert, est de 74 Gm3 (32 Gm3 en France, dont le marché est ouvert à 70 %) tandis que le marché électrique est ouvert pour les professionnels, soit 78 % du marché pour un total éligible de 233 TWh (contre 68 % en France, soit 295 TWh). L'instabilité réglementaire freine néanmoins l'entrée en vigueur de la concurrence. En revanche, il existe une situation monopolistique dans l'amont gazier.

Concernant les grands acteurs du marché énergétique italien, les résultats des principaux opérateurs (ENEL, EDISON) sont excellents, la stratégie des grandes entreprises italiennes tendant à s'internationaliser en particulier vers la péninsule ibérique, les Balkans et l'Europe de l'Est (Slovaquie). Le marché français intéresse également beaucoup ENI et ENEL. Par ailleurs, les entreprises municipales, qui existent dans certaines grandes villes telles que Milan, Brescia, Bologne constituent un modèle à part qui n'est pas dépourvu d'originalité.

Enfin, plusieurs opérateurs étrangers sont désormais présents sur le marché italien (Endesa, Gas Naturale, EON, Gaz de France, Suez-Electrabel) qui offre un potentiel de développement important. C'est bien évidement dans un tel contexte qu'il faut examiner l'entrée d'EDF sur ce marché.

Principal exportateur d'électricité vers l'Italie, EDF entretient des relations avec ENEL depuis plusieurs décennies. Mais en 2001, en partenariat avec Fiat, EDF a lancé une offensive sur le capital de Montedison (devenue Edison en 2002). Cette prise de participation a donné lieu à la création d'une holding, ItalenergiaBis, contrôlée à hauteur de 18,20 % par EDF. Via ItalenergiaBis, l'opérateur français contrôle indirectement 62 % du capital de Montedison-Edison et directement 2,3 %.

L'OPA d'EDF sur Montedison a suscité de vives réactions dans les milieux d'affaires et politiques italiens. C'est ainsi que, soucieux de limiter la marge d'action d'EDF, le Parlement italien a adopté le 20 juillet 2001 la loi 301 qui plafonne les droits de vote d'EDF à 2 %. Les parlementaires italiens ont fait valoir, à l'appui de cette position, l'absence d'ouverture du marché électrique français et le contrôle exercé directement par l'État sur EDF. M. Bruno Tabacci, président de la commission des activités productives de la Chambre des députés a ainsi estimé, en avril 2003, que la clause des 2 % de droits de vote ne pourrait être abolie que « simultanément à l'ouverture effective du marché français et à la privatisation d'EDF ». Cette position sur la réciprocité a été confirmée lors de l'adoption, le 30 juillet 2004, de la loi de réorganisation énergétique dite loi Marzano.

L'article 14 de cette loi, intitulé « dispositions pour la protection de la concurrence sur les marchés », prévoit qu'en cas d'opération de concentration de la part d'opérateurs européens issus de marchés ne présentant pas « de garanties de réciprocité adéquates », le gouvernement peut « définir des conditions et des obligations » à la présence de ces opérateurs en Italie. En clair, cet article de loi donne pouvoir au gouvernement italien de contrevenir aux projets d'EDF s'il décidait de participer à une opération de concentration. Cette clause est applicable jusqu'à l'achèvement du marché unique de l'énergie en 2007.

Suite à la décision de la Commission européenne d'engager une action en manquement contre l'État italien, le 16 décembre 2003, le gouvernement italien a encouragé les discussions entre ENEL et EDF en vue de parvenir à un accord industriel susceptible de contribuer au règlement du contentieux d'Edison . ENEL a ensuite exprimé son intérêt pour des investissements dans la production électrique française, pour participer au nouveau réacteur nucléaire EPR et pour une prospection conjointe des marchés d'Europe centrale. EDF lui a proposé d'entrer sur le marché français en échange d'un droit équivalent sur les marchés italien et espagnol exploités par l'opérateur italien tout en rejetant la demande d'ENEL d'acheter quatre centrales nucléaires situées en territoire français. Ces discussions sont actuellement suspendues pour deux raisons : d'une part, parce que la cession de parts du marché français à ENEL, dans le cadre d'un contrat gré à gré, est contraire aux principes de libre concurrence ; d'autre part, parce que les demandes d'ENEL pourraient être interprétées comme une entente illicite au regard du droit de la concurrence européenne.

Une évolution positive du dossier peut néanmoins être envisagée :

· premièrement, parce que l'incompatibilité de la loi 301 avec le droit communautaire était avérée et que l'Italie s'attendait à être désavouée ;

· deuxièmement, parce que le changement de statut d'EDF et l'ouverture de son capital modifient la donne : EDF ne peut plus être considéré comme un opérateur étatique.

Pour conclure sur les perspectives d'EDF en Italie, l'enjeu financier actuel pour EDF, de l'ordre de 4 milliards d'euros, est très important de même que le potentiel du marché italien. L'association avec un partenaire italien semble néanmoins représenter la meilleure voie pour entrer sur ce marché.

M. Claude Gatignol, secrétaire du groupe d'amitié, demande ce qu'il en est du moratoire de 1987, l'Italie ayant ainsi, après la catastrophe de Tchernobyl, renoncé par référendum à la production d'énergie nucléaire.

M. Lionel Bessard confirme que les quatre centrales nucléaires italiennes n'ont pas repris leurs activités depuis. Toutefois, en octobre 2002, le Parlement italien a adopté une disposition autorisant les acquisitions de centrales étrangères et laissant ouverte la possibilité d'un retour à la production électrique par fission nucléaire. Cela ne règle pas pour autant le problème de l'énergie, crucial pour l'Italie, avant une quinzaine d'années.

M. Thibaut Lemaître, attaché agricole, présente ensuite l'agriculture italienne.

Celle-ci est une agriculture puissante et diversifiée, l'Italie étant le deuxième producteur agricole de l'Union européenne (43,6 milliards d'euros en 2002 contre 64,8 milliards d'euros pour la France).

De plus, l'Italie produit, avec de très nombreux exploitants, souvent « non professionnels », une large gamme de produits agricoles, en quantité importante. Le nombre des exploitants agricoles déclarés s'élève ainsi à plus de deux millions pour une surface moyenne d'exploitation de six hectares et une surface agricole utile de 15 millions d'hectares. 45 % des exploitants disposent néanmoins d'une surface inférieure à un hectare. De fait, une minorité des exploitations se trouve en zone de plaine.

Le nombre des exploitations est en baisse et la population vieillissante, 74 % des chefs d'exploitation étant en effet âgés de plus de 50 ans.

Mme Hélène Tanguy, secrétaire du groupe d'amitié, s'interroge sur les moyens mis en œuvre pour rendre le métier attractif face au vieillissement.

M. Thibaut Lemaître précise que cela n'affecte pas les grandes exploitations qui ne rencontrent, pour leur part, aucun problème de succession.

La production agricole italienne est à 65 % végétale et à 35 % animale. Parmi les produits de l'agriculture italienne dominent les cultures méditerranéennes telles que les fruits et légumes frais dont l'Italie est le premier producteur européen (près d'un quart de la production agricole), le blé dur et tendre (20, 5 % de la production constituée de céréales et de légumes secs), le riz -en particulier dans la plaine du Pô- dont l'Italie est le premier producteur européen, la vigne - l'Italie étant le deuxième producteur européen de vin après la France- et l'olivier.

La puissance agricole italienne est essentiellement localisée dans le nord de la péninsule qui est à l'origine, par exemple, de 80 % de la production laitière (Vénétie, Lombardie, Émilie-Romagne). La plaine du Pô est ainsi la seule région où l'on peut cultiver du maïs. En revanche, la Sardaigne compte 6 millions d'ovins et caprins sur les 6,5 millions de têtes dénombrées dans la péninsule.

Outre certains produits bruts, l'agriculture italienne trouve sa force dans la transformation. C'est ainsi qu'avec ses 500 000 emplois, l'industrie agro-alimentaire (produits carnés, produits laitiers, pâtes, boulangerie, etc.) représente un secteur essentiel de l'industrie italienne (10 % de la production industrielle) concentré dans le nord. Ce secteur, en pleine restructuration, est porté à l'international par la renommée du label « made in Italy » et se trouve confronté, à l'heure actuelle, à l'essor de la grande distribution en Italie.

De plus, l'Italie est également un pays de transformation de matières premières étrangères. En effet, l'Italie, qui n'est pas autosuffisante en produits de base (viande, lait, céréales), présente un commerce extérieur déficitaire (-7,4 milliards d'euros) et tourné vers l'Union européenne. A cet égard, la France est son premier fournisseur et son second client, ce qui atteste d'une complémentarité manifeste. La balance commerciale de la France est excédentaire de plus de 4 milliards d'euros, la France fournissant pour l'essentiel à l'Italie des matières premières (broutards, viande bovine, lait) et lui achetant des produits transformés (pâtes, charcuteries, etc.).

En réalité, l'agriculture italienne mise sur la production de qualité et le ministre de l'agriculture, M. Alemanno, communique abondamment en ce sens. Il existe ainsi une liste de plus de 3000 produits typiques, la recherche de la qualité s'inscrivant dans les produits d'appellation d'origine protégée ou contrôlée (DOP/DOC) et dans l'essor de l'agriculture biologique. De fait, l'Italie, qui a dépassé la France pour le nombre des appellations d'origine, est devenue le premier pays producteur d'agriculture biologique en Europe, ces derniers produits provenant plutôt du sud de la péninsule tandis que les produits d'appellation d'origine sont davantage cultivés dans le nord.

Concernant la position de l'Italie vis-à-vis de la politique agricole commune (PAC), on peut relever que ce pays est demandeur d'une réforme de la PAC dans la mesure où il obtient un faible retour financier (12, 4 % contre 23,5 % pour la France). Cela résulte de productions méditerranéennes peu concernées par les organisations communes de marché et d'un élevage très intensif. L'Italie espère notamment de la réforme le découplage total des aides dès l'année prochaine et la retenue et la redistribution des droits à produire pour certaines cultures (grandes cultures, viandes bovines, ovins, caprins).

En conclusion, l'Italie, grand pays tant de production que de transformation et de consommation, constitue un acteur incontournable de l'agriculture européenne et mondiale qui offre de surcroît une complémentarité historique à l'agriculture française. Ce pays se révèle être toutefois un allié opportuniste dans les négociations communautaires et internationales.

M. Thibaut Lemaître présente alors le secteur de la pêche, vital pour le dynamisme des côtes italiennes. En effet, avec ses 7 500 kilomètres de côtes, l'Italie est une péninsule historiquement tournée vers la mer. On y dénombre pas moins de dix zones littorales. Les régions les plus actives dans le secteur de la pêche sont la Sicile, la Vénétie, les Pouilles et la Sardaigne.

Si la pêche représente un fort bassin d'occupation (110 000 emplois), ce secteur demeure néanmoins artisanal, très fragmenté et vieillissant. C'est ainsi que le nombre d'embarcations (environ 15 000) décline de même que le volume des prises (450 000 tonnes de captures en 1998 contre 350 000 en 2004). On dénombre 800 points de débarquement de poissons provenant du bassin méditerranéen uniquement. Les espèces pêchées se répartissent de la manière suivante : 15 % d'anchois, 10 % de sardines, 7 % de palourdes, 17 % de mollusques, 8 % de crustacés et 43 % d'autres espèces.

La diminution constante des captures est cependant contrebalancée par le développement de l'aquaculture observé depuis les années 80, l'Italie en étant le troisième producteur européen derrière la France et l'Espagne : la pisciculture, avec 70 000 tonnes de poissons dont 40 000 de truites, représente un produit de 255 millions d'euros. Les autres cultures sont principalement le bar et la dorade. La conchyliculture représente une production de 190 000 tonnes pour un montant de 222 millions d'euros. Malgré la concurrence, le développement de ce secteur semble durable du fait notamment de sa capacité à s'adapter aux demandes des distributeurs et consommateurs et d'une consommation croissante de poissons, coquillages et crustacés (21,5 kg/habitant).

Le solde commercial du secteur de la pêche est d'ailleurs défavorable, le déficit s'élevant à 2,6 milliards d'euros, soit 660 000 tonnes, du fait d'importations massives (pour un montant de 3 milliards d'euros, soit 780 000 tonnes), en particulier de mollusques et crustacés qui constituent 40 % des importations. Si l'Espagne arrive largement en tête des fournisseurs de l'Italie en la matière, la France en est le second pourvoyeur en volume et quatrième en valeur, les produits français bénéficiant d'une image de qualité. L'Italie est notamment le second client de la France pour les poissons entiers frais ou réfrigérés et son premier client pour les mollusques et les crustacés.

Madame Hélène Tanguy demande alors des précisions sur les moyens de pénétrer le marché italien pour les pêcheurs français.

L'attaché agricole indique que, s'il offre effectivement des perspectives de débouchés intéressantes, le marché italien est prédominé par des importateurs grossistes, qui constituent une voie de passage obligée pour les exportateurs, et que la distribution organisée est en plein essor : 60 % des ventes de détail ont été ainsi effectuées par la grande distribution en 2002 contre 20 % en 1994 tandis que 22 % avaient lieu en poissonneries et 8 % sur des marchés.

Au total, tout en conservant un rôle social important, la pêche italienne, artisanale et purement méditerranéenne, ne parvient pas à satisfaire les besoins d'un pays gros consommateur de produits de la mer. Aussi la France, qui dispose d'un savoir-faire logistique et d'une image de qualité, peut-elle sans doute accroître ses parts de marché.

M. Michel Bouvard remercie, au nom de la délégation, les membres de la mission économique pour leur disponibilité ainsi que pour les informations apportées.

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Entretien avec Mme Delphine Borione, conseillère culturelle,
et M. Pierre Jalladeau, attaché audiovisuel
Ambassade de France
Mercredi 15 décembre 2004

Mme Delphine Borione, conseillère culturelle, présente tout d'abord le service culturel de l'ambassade de France à Rome et ses différentes implantations en Italie (Florence, Gênes, Milan, Naples, Palerme, Turin, etc. ...) qui permettent d'assurer un rayonnement culturel et linguistique satisfaisant à travers la péninsule. En outre, l'action culturelle passe également par des institutions de prestige telles que l'Académie de France à Rome, sise à la Villa Médicis.

En matière d'enseignement, cinq établissements scolarisant 3 115 élèves relèvent de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). S'y ajoutent une cinquantaine d'Alliances françaises. A cet égard, la politique de promotion de la langue française emprunte différentes voies qui vont de l'enseignement du français dans le cycle secondaire italien aux échanges universitaires dans le cadre européen, en passant par les sections bilingues de certains établissements scolaires et les certifications de compétence en langue française (DELF et DALF) délivrées par le réseau des Alliances.

A l'heure actuelle, les grands axes de la politique culturelle s'organisent autour d'un renforcement du partenariat avec les autorités locales italiennes, de la mise en valeur de la dimension européenne, de la recherche de la plus grande lisibilité possible de l'action de la France et d'une stratégie de promotion de l'image de la France contemporaine en privilégiant la modernité par rapport au classicisme : tel est notamment l'objet d'un dépliant de promotion la langue française distribué auprès des collégiens italiens.

Abordant les questions audiovisuelles, M. Michel Bouvard, président du groupe d'amitié, demande des précisions sur l'étendue de la diffusion de France 2 en Italie par voie hertzienne et s'enquiert d'une réduction récente de la zone de couverture de la péninsule par le service public.

Mme Delphine Borione confirme que la Lombardie et une partie de la Toscane ne reçoivent plus France 2 par voie hertzienne. Toutefois, outre des motifs d'ordre budgétaire, cette diffusion directe depuis un émetteur situé en Corse, qui n'avait pas fait l'objet d'un accord officiel, posait un problème juridique.

M. Pierre Jalladeau, attaché audiovisuel, précise que le nombre de téléspectateurs ainsi perdus oscille entre 20 000 et 200 000 personnes. La loi italienne prévoit le passage à la télévision numérique terrestre avant la fin de l'année 2006. A l'heure actuelle, les téléspectateurs italiens peuvent néanmoins recevoir les chaînes françaises par le satellite.

M. Jean-Marie Rolland, secrétaire du groupe d'amitié, s'inquiète de la faiblesse des relations franco-italiennes en matière audiovisuelle, qu'il s'agisse de coproductions télévisées ou cinématographiques.

Après avoir rappelé que l'Italie est le troisième marché d'exportation des programmes audiovisuels français et le deuxième après les Etats-Unis en matière de cinéma, M. Pierre Jalladeau précise que l'on observe néanmoins une relative baisse du nombre de films distribués en Italie. Néanmoins, le secteur de la coproduction demeure dynamique.

S'agissant des relations linguistiques, M. Michel Bouvard s'enquiert, d'une part, du dispositif prévu par la loi Moratti en ce qui concerne la réforme de l'enseignement des langues vivantes et, d'autre part, de la politique en faveur de la présence du français lors des Jeux Olympiques (J.O.) d'hiver de 2006. Bien que le français, qui constitue l'une des langues officielles de l'olympisme, soit présent sur le site Internet du comité d'organisation des J.O. (TOROC) et dans les publications officielles, trilingues, cette langue n'a pas été retenue pour la formation des cadres. Compte tenu du fait que le public des J.O. sera, à Turin, majoritairement un public de proximité venant de Suisse, d'Autriche, de France et d'Italie, il semble indispensable de garantir, en liaison avec les autorités locales, le TOROC et le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, la visibilité de la langue française tout au long de la manifestation, en particulier en matière de signalétique.

Concernant la loi Moratti, Mme Delphine Borione indique que cette loi, qui entrera en application à la rentrée scolaire de septembre 2005, introduit l'apprentissage de l'anglais dès la première année de l'école élémentaire et rend obligatoire l'apprentissage d'une deuxième langue vivante à l'entrée du collège sans en définir pour autant la durée ni les programmes. Dans l'immédiat, cette loi risque en réalité de rencontrer quelques difficultés d'application du fait de l'inadaptation du système éducatif italien, de l'insuffisance des effectifs de professeurs de langues vivantes - seulement 17 000 professeurs de français en Italie -, et des coûts engendrés, dans une période délicate sur le plan budgétaire. En tout état de cause, la France doit saisir l'opportunité offerte par l'apprentissage d'une seconde langue vivante, qui devrait favoriser le plurilinguisme par rapport à la situation actuelle où prédomine l'anglais. Aussi l'ambassade a-t-elle engagé une campagne de promotion de la langue française en milieu scolaire sous forme d'affiches et de dépliants. A l'inverse, on peut relever que, dans le secteur culturel, la nouvelle signalétique des musées et des expositions est présentée seulement en italien et en anglais.

Mme Hélène Tanguy, secrétaire du groupe d'amitié, demande comment est assurée la formation linguistique des adultes en particulier dans le domaine commercial.

Mme Delphine Borione rappelle que la formation des adultes est assurée, outre les écoles de langue strictement privées et les chambres de commerce, par le réseau des quelque 50 Alliances françaises qui couvrent l'ensemble de la péninsule.

M. Michel Bouvard s'enquiert de la proportion d'adultes apprenant le français en dehors du système scolaire et des effectifs concernés par les programmes Erasmus.

Mme Delphine Borione indique que l'Alliance française de Milan, très dynamique en direction des apprenants adultes, accueille en moyenne 1000 personnes par session de préparation au DELF et DALF. S'agissant des débouchés du français dans l'enseignement post-universitaire, il faut savoir que la France est le deuxième pays destinataire des étudiants italiens titulaires d'une bourse Erasmus. Outre la concurrence de l'anglais, l'apprentissage du français doit affronter une concurrence de plus en plus affirmée, depuis quelques années, de celle de l'espagnol qui progresse dans l'enseignement secondaire sans affecter pour l'instant les effectifs d'étudiants de français à l'université. Toutefois se pose pour ces derniers un réel problème de débouchés.

M. Claude Gatignol, secrétaire du groupe d'amitié, demande comment est organisé l'enseignement artistique dans l'enseignement secondaire.

Mme Delphine Borione précise que les enseignements artistiques, dispensés à raison de deux heures par semaine au collège (une heure de musique et une heure d'arts plastiques), constituent ensuite une matière à part entière dans la filière du lycée classique.

Après avoir souligné l'importance du livre comme vecteur de diffusion tant culturelle que linguistique, M. Michel Bouvard s'interroge sur les actions de coopération existant dans le secteur de l'édition et du livre.

Mme Delphine Borione indique que le ministère des affaires étrangères (bureau du livre) accorde des aides à des maisons d'édition en faveur de la traduction et de la publication d'œuvres, prioritairement de fiction, de poésie et de sciences humaines. En outre, il existe un fonds bilatéral doté de 50 000 euros. Par ailleurs, le poste organise, dans le cadre de son action de diffusion culturelle, des rencontres avec des auteurs, par exemple, récemment, avant même l'obtention de son prix, avec le lauréat du Goncourt 2004, M. Laurent Gaudé.

Le président du groupe d'amitié remercie, au nom de la délégation, la conseillère culturelle et l'attaché audiovisuel pour leur accueil.

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Entretien avec M. Gianfraco Zanetti
Chef de cabinet du Président
du conseil régional de la Vénétie
jeudi 16 décembre 2004

Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à la délégation du groupe d'amitié, M. Gianfranco Zanetti, chef de cabinet du président du conseil régional de la Vénétie, présente tout d'abord les excuses du Président du conseil régional qui a du s'absenter de manière inopinée. Il évoque la réforme en cours en Italie relative à l'augmentation des compétences des régions.

Après avoir remercié la présidence du conseil régional pour son accueil, M. Daniele Franz, président du groupe d'amitié Italie-France, présente le fonctionnement des groupes d'amitié parlementaires et l'objet de la présente mission.

Ayant remercié, à son tour, les hôtes vénitiens de la délégation, M. Claude Gatignol, secrétaire du groupe d'amitié, s'enquiert de l'organisation institutionnelle de l'Italie, s'agissant en particulier de l'existence de départements et de la répartition des compétences entre l'État et les régions après avoir indiqué qu'une nouvelle étape avait été récemment franchie en France en matière de décentralisation.

M. Gianfranco Zanetti explique que, bien qu'une organisation décentralisée ait été prévue en Italie par la Constitution de 1947, en pratique, la régionalisation a commencé à être mise en œuvre seulement dans les années 1970. Néanmoins, à la différence de la France, chaque région, reconnue comme « entité autonome » a une existence constitutionnelle puisque les régions sont nommées dans le texte même de la Constitution et dotées, pour certaines d'entre elles, d'un statut particulier. C'est ainsi que sur les vingt régions que compte l'Italie, quinze ont un statut ordinaire et que cinq disposent d'un statut spécial justifié respectivement par des raisons géographiques, historiques, linguistiques ou politiques. Ce statut à compétences accrues bénéficie ainsi aux îles de la Sicile et de la Sardaigne, au Val d'Aoste, au Trentin Haut Adige et au Frioul Vénétie Julienne.

M. Daniele Franz ajoute que si le département n'existe pas en Italie, il y a, en revanche, des provinces. S'agissant de la répartition des compétences entre l'État et les régions, la Constitution attribue certains domaines de compétence législative exclusifs à l'État tandis que d'autres matières font l'objet, dans le respect de l'ordre juridique national et communautaire, de législation concurrente avec les régions, par exemple, l'éducation scolaire, la recherche, la santé, le sport, les ports et les aéroports civils, la mise en valeur des biens culturels, etc. Dans ces matières, l'État se borne à fixer les principes fondamentaux.

C'est ainsi que s'applique, dans les matières qui ne sont pas expressément réservées à la législation d'État, le principe de subsidiarité dans la mesure où le pouvoir législatif échoit aux régions. Il existe un ministère des affaires régionales et la conférence État-régions donne des orientations pour harmoniser les législations concurrentes. Visant à une clarification des compétences, la réforme constitutionnelle de 2004 a pour objet de limiter les situations de concurrence et donc de conflit entre les régions et l'État. En effet, outre l'imbrication des compétences, des tensions peuvent résulter du fait que, dans certaines matières de législation concurrente telle, par exemple, que la santé, les salaires des personnels du secteur public demeurent versés par l'État. Par ailleurs, sur le plan politique, les régions revendiquent davantage de compétences.

Mme Hélène Tanguy, secrétaire du groupe d'amitié, demande des précisions concernant l'étendue des compétences des régions en matière d'éducation.

M. Daniele Franz indique que le système italien est quelque peu complexe : en effet, la formation professionnelle et l'enseignement technique relèvent des régions tandis que le lycée général demeure une compétence de l'État. En réalité, la situation actuelle est rendue compliquée par la succession de réformes auxquelles les régions doivent s'adapter.

M. Claude Gatignol s'enquiert de la répartition des compétences en ce qui concerne les personnes handicapées et de l'existence de quotas féminins en matière de représentation élective.

M. Daniele Franz précise que si l'État attribue une allocation à ces personnes, les différents services qui peuvent leur être rendus tels que l'assistance à domicile, l'adaptation des véhicules relèvent des compétences des communes. En matière sociale, le pouvoir législatif revient néanmoins aux régions.

Par ailleurs, sur le plan institutionnel, s'agissant des communes, il faut savoir que l'élection du maire au suffrage universel direct a récemment succédé à une élection au suffrage indirect comme c'est le cas en France. En outre, l'État désigne un préfet dans chaque province où est élu au suffrage universel direct un conseil représentatif de la province. Les organes de la région sont le conseil régional qui exerce le pouvoir législatif de la région, l'exécutif régional et le président de l'exécutif régional.

Les quotas de représentation féminine ne seraient pas compatibles en l'état actuel du droit avec la Constitution italienne. En revanche, l'élection au Parlement européen prévoit un mécanisme de remboursement des dépenses de campagne électorale qui tient compte du nombre de femmes élues.

En réponse à une question de Mme Hélène Tanguy sur la population de la région de la Vénétie, M. Gianfranco Zanetti précise que la Vénétie compte 60 conseillers régionaux, élus pour un mandat d'une durée de cinq ans, pour 4,3 millions d'habitants. Il invite la délégation à conclure cet échange par une visite du palais Ferro-Fini, siège du conseil régional.

M. Claude Gatignol remercie, au nom de la délégation, le chef de cabinet pour son accueil et pour les informations apportées.

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Entretien avec Mme Emmanuelle Ferrari
Consul honoraire
Déléguée à l'action culturelle,
Directrice de l'Alliance française de Venise
Vendredi 17 décembre 2004

Après avoir souhaité une cordiale bienvenue à la délégation du groupe d'amitié représentée par Mme Hélène Tanguy, Mme Emmanuelle Ferrari, Déléguée à l'action culturelle, présente tout d'abord les locaux de l'Alliance française, installée dans le Casino Venier depuis 1987.

L'Alliance française de Venise poursuit une mission pédagogique liée à l'apprentissage de la langue doublée d'une action culturelle qui prend des formes diverses - conférences, expositions, spectacles vivants - dans le but de conforter les échanges. Elle dispose d'un budget annuel de 60 000 euros qui provient, pour partie, d'une subvention du ministère des affaires étrangères (12 500 euros), de ressources tirées des cours de langue et surtout des droits perçus sur les examens (15 000 euros) - le centre étant certifié pour l'obtention du DELF et du DALF, diplômes reconnus par le ministère de l'éducation nationale -, d'un don de la Fondation Foscari (15 000 euros) - M. Foscari étant le président de l'Alliance de Venise, ainsi que d'un don du comité français pour la sauvegarde de Venise. En réalité, l'Alliance est en permanence à la recherche de partenaires financiers du secteur privé, plus enclins à s'engager dans des opérations de mécénat en Italie qu'en France.

Mme Hélène Tanguy, secrétaire du groupe d'amitié, demande des précisions sur l'enseignement de l'histoire de l'art en Italie et exprime le souhait de la délégation de prendre une initiative afin de rendre cet enseignement obligatoire dans le cycle secondaire en France.

La Déléguée à l'action culturelle approuve bien évidemment cette initiative tout en exprimant une certaine inquiétude sur l'avenir de cette discipline en Italie, menacée dans le cadre de la loi Moratti, par l'enseignement approfondi des langues. Au-delà de la connaissance des beaux-arts au sens traditionnel du terme, elle souligne l'importance de l'étude et de l'analyse de l'image dans la société contemporaine.

Madame Florence Durello, responsable du département linguistique de l'Alliance, précise que les lycées jouissent en Italie d'une relative autonomie pour organiser les enseignements, le lycée classique dispensant cependant une heure hebdomadaire d'histoire de l'art.

S'agissant de l'enseignement des langues vivantes, l'anglais est obligatoire dès l'école élémentaire et l'introduction de l'apprentissage d'une deuxième langue vivante au collège, prévue par la loi Moratti, devrait entrer en application à la rentrée scolaire de septembre 2005. Cette réforme constitue un enjeu essentiel pour l'apprentissage du français en Italie, l'espagnol lui faisant une vive concurrence dans toute la péninsule. Ainsi, même dans les régions d'influence germanique comme la Vénétie, l'espagnol est en passe de concurrencer l'allemand. A cet égard, on observe que les instituts Cervantès sont dotés de moyens importants pour rendre la langue attractive auprès des jeunes italiens. De fait, l'espagnol jouit d'une image plus moderne, plus ludique et d'apprentissage plus aisé que le français. Enfin, le nombre d'étudiants apprenant l'espagnol à l'université augmente sensiblement en Italie depuis quelques années. Au total, le français doit redevenir attractif sous peine d'être distancié à terme par l'espagnol.

Mme Hélène Tanguy remercie, au nom de la délégation, la Déléguée à l'action culturelle pour son accueil et pour les réponses apportées.

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PROGRAMME DE LA MISSION

MARDI 14 DÉCEMBRE

11 H 40 Arrivée de la délégation à l'aéroport de Rome Fiumicino

15 H 00 Entretien avec M. Domenico Fisichella, Vice-Président du Sénat

18 H 00 Salut de la délégation en séance publique à la Chambre des députés

19 H 00 Entretien avec M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des députés

20 H 30 Dîner offert par M. Daniele Franz, Président du groupe d'amitié Italie-France

MERCREDI 15 DECEMBRE

10 H 00 Entretien avec M. Nicola Bono, député, Sous-secrétaire d'Etat aux Biens culturels

11 H 00 Entretien avec M. Gustavo Selva, Président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés

12 H 00 Entretien M. Giacomo De Ghislanzoni, Président de la commission de l'Agriculture de la Chambre des députés

16 H 00 Rencontre avec MM. Éric Querenet de Bréville, conseiller économique à l'ambassade de France, Thibaut Lemaitre, attaché agricole adjoint, Lionel Bessard, chef du secteur infrastructures et industries de réseau sur les thèmes des relations économiques bilatérales, de l'agriculture, de la pêche, de l'énergie et des transports

18 H 00 Rencontre avec Mme Delphine Borione, conseillère culturelle à l'ambassade de France et M. Pierre Jalladeau, attaché audiovisuel sur les thèmes de l'éducation artistique en Italie, de l'enseignement des langues vivantes étrangères et de la protection du patrimoine et des sites archéologiques

19 H 15 Visite du Palais Farnèse

20 H 30 Dîner offert par Son Excellence M. Loïc Hennekinne, ambassadeur de France

JEUDI 16 DÉCEMBRE

10 H 00 Rencontre avec M. Richard Peduzzi, Directeur de la Villa Médicis et visite de la Villa Médicis

13 H 15 Départ pour Venise en compagnie de M. Daniele Franz

16 H 00 Entretien avec M. Gianfranco Zanetti, chef de cabinet du président du Conseil régional de la Vénétie

17 H 00 Visite du Palazzo Ferro Fini, siège du Conseil régional de la Vénétie

20 H 00 Dîner offert par M. Daniele Franz

VENDREDI 17 DÉCEMBRE

10 H 00 Visite de la Basilique Saint-Marc et du Palais des Doges

14 H 00 Entretien avec Mme Emmanuelle Ferrari, consul honoraire, déléguée à l'action culturelle, directrice de l'Alliance française et visite de l'Alliance française

20 H 10 Départ pour Paris

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Rapport d'information du groupe d'amitié France-Italie (mission effectuée du 14 au 17 décembre 2004)


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