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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D' I N F O R M A T I O N

Présenté à la suite de la mission effectuée en Algérie

du 1er au 7 mai 2005

par une délégation(1) du

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE- ALGÉRIE

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(1) : composée de M. Bernard Derosier, Président, et de MM. Eric Raoult, Jacques Desallangre, Marc Reymann et Francis Hillmeyer.

SOMMAIRE

Page

introduction . 5

première partie : L'Algérie a la croisée des chemins

Une situation politique clarifiée  7

Une amélioration de la situation sécuritaire 10

Une embellie de la situation économique 12

Relation bilatérale : des échanges réguliers mais quelques nuages 15

deuxième partie : Compte rendu des entretiens, rencontres et déplacements

Réunion de travail entre les deux groupes d'amitié 17

Audience du président de l'Assemblée populaire nationale 22

Entretien avec Mme Zora Drif-Bitat, vice-présidente
du Conseil de la Nation, 25

Audience du Chef du Gouvernement. M. Ahmed Ouyahia 26

Rencontre avec les présidents des groupes politiques
de l'Assemblée populaire nationale 31

Rencontres dans les Wilayas d'Oran, Relizane et Mostaganem 38

Rencontres dans la Wilaya de Tipaza 40

Annexe : programme de la mission 45

Introduction

Une délégation du groupe d'amitié France - Algérie de l'Assemblée nationale s'est rendue en Algérie du 1er au 7 mai 2005, à l'invitation de M. Amar Saadani, président de l'Assemblée populaire nationale (APN).

Conduite par M. Bernard Derosier, président du groupe d'amitié, député (S) du Nord, la délégation se composait de MM. Eric Raoult, ancien ministre, député (UMP) de Seine-Saint-Denis et Jacques Desallangre, député (CR) de l'Aisne, vice-présidents, et de MM. Marc Reyman, député (UMP) du Bas-Rhin, et Francis Hillmeyer, député (UDF) du Haut-Rhin.

Cette visite s'inscrivait dans le cadre de relations régulières entre les groupes d'amitié des deux assemblées : visite à Paris, en octobre 2003, d'une délégation du groupe parlementaire d'amitié Algérie - France conduite par son président, M. Mohamed Abbou, ancien ministre, député (FLN) d'Oran. Sous la législature précédente, la visite à Alger, en février 2002, d'une délégation du groupe d'amitié France - Algérie conduite par son président, M. Jérôme Lambert, député (S) de la Charente, avait répondu à l'invitation du Président de l'Assemblée populaire nationale, M. Abdelkader Bensalah, lui-même reçu en visite officielle avec une importante délégation de l'APN, par M. Raymond Forni, en octobre 2001. Cette rencontre avait alors constitué le signal d'une reprise des relations entre les deux assemblées, interrompues depuis plus de dix ans.

Les membres de la délégation tiennent à rendre hommage aux autorités algériennes, et tout particulièrement à M. Amar Saadani, président de l'Assemblée populaire nationale et à M. Mohamed Abbou, président du groupe parlementaire d'amitié Algérie - France, pour la très haute qualité de l'accueil qui leur a été réservé.

Ils adressent également leurs remerciements à son excellence M. Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France en Algérie pour son concours précieux dans la préparation et le déroulement de cette visite.

Première partie :

L'Algérie à la croisée des chemins

En ce premier semestre 2005, la situation de l'Algérie apparaît à bien des égards comme éminemment favorable, tant sur le plan politique que sur celui de l'économie, à un redressement rapide du pays.

Après un premier mandat consacré à asseoir son autorité, à sortir le pays du bourbier du terrorisme dans lequel il était resté enlisé pendant dix ans, et à redresser son image à l'étranger, le Président Bouteflika peut se targuer de disposer d'atouts qu'aucun de ses prédécesseurs à ce poste n'avaient eu en main avant lui.

Alors qu'à la veille encore du scrutin d'avril 2004 il paraissait un homme fini, vilipendé par la presse indépendante, lâché par les partis de sa propre majorité, isolé sur la scène politique, un an plus tard c'est un contexte résolument différent qui prévaut. La clarification de la situation politique permet désormais au Chef de l'Etat d'exercer pleinement les prérogatives dont il dispose, l'amélioration de la situation sécuritaire autorise le pays à se consacrer enfin au redressement de son économie, redressement par ailleurs largement facilité par l'envolée des cours du pétrole.

1 Une situation politique clarifiée

Très confortablement réélu, le 8 avril 2004, pour un deuxième mandat, avec près de 85 % des suffrages, et fort de cette victoire avant tout personnelle, le président Bouteflika s'est d'abord attaché à rétablir son autorité. La classe politique, l'armée, les médias indépendants et les syndicats ont été les premiers à devoir "rentrer dans le rang".

Les priorités du nouveau mandat ont été clairement définies et s'articulaient autour de deux axes : la "réconciliation nationale", qui passe par l'éradication de l'extrémisme, la diminution des disparités régionales, la lutte contre la corruption et les inégalités sociales et le rétablissement de la confiance entre l'Etat et ses administrés ; et le redressement de la situation économique, visant la réduction du chômage et l'allègement de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures.

Le Gouvernement d'Ahmed Ouyahia, qui a été reconduit avec la majorité de ses ministres, disposait à l'Assemblée populaire nationale (APN), d'une large majorité, l'Alliance présidentielle, qui regroupe le RND, le FLN et le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste modéré)

L'ancien premier ministre Ali Benflis, mis en déroute avec un piètre score (7 %), a démissionné du secrétariat général du FLN et il a depuis gardé obstinément le silence, se bornant à contester sa défaite. Ses partisans se sont alors empressés de déclarer allégeance au vainqueur. Au moins 180 députés et sénateurs ont alors rejoint le camp des "redresseurs" favorables à Bouteflika, selon le Quotidien d'Oran, entraînant, dès le 16 juin 2004, la chute de Karim Younès de la présidence de l'APN où il fut aussitôt remplacé par Amar Saadani, qui avait été responsable des comités de soutien à Bouteflika pendant la campagne électorale.

La longue crise vécue par le FLN entre mars 2003 et janvier 2005 s'est terminée par la victoire du président Bouteflika. Celle-ci avait débuté le 19 mars 2003, lors des huitièmes assises de l'ancien parti unique. Son secrétaire général, le premier ministre Ali Benflis, avait alors été conforté à son poste et désigné comme son candidat à l'élection présidentielle contre Abdelaziz Bouteflika. Sous la houlette d'Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères, une partie de la base et de l'encadrement est alors entré en dissidence en créant le mouvement du Redressement.

Pendant cette période, on a assisté au Parlement, où la discipline de vote des partis n'était plus respectée, à des situations révélatrices des fortes tensions internes. C'est ainsi que des élus du FLN ont pu imposer un amendement interdisant l'importation de boissons alcoolisées en pleine négociation pour l'entrée de l'Algérie à l'OMC, ou que, de leur côté, des élus du MSP ont proposé une levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1992, contre l'avis du gouvernement que soutenait leur parti.

A l'issue d'une longue bataille juridico-politique entre les deux tendances, la situation a été "rétablie" fin janvier 2005 quand le FLN a "repris" ses 8èmes assises et s'est doté d'une nouvelle direction confiée à Abdelaziz Belkhadem. Le chef de l'Etat a alors accepté la proposition qui lui est faite de devenir président, à titre honorifique, du FLN.

A partir de cet instant, les élus des partis membres de l'Alliance ont constitué une majorité solide et stable votant les projets de réforme présidentiels restés en souffrance, dont certains depuis plusieurs années. C'est ainsi qu'ont été votées les révisions du code de la famille, du code civil et du code de procédure pénale mais surtout la loi sur les hydrocarbures.

La presse indépendante, qui présentait, avant le 8 avril 2004, Abdelaziz Bouteflika comme un homme fini, isolé, rejeté, presque à l'agonie a du payer la rançon de ses excès verbaux.

Dès après les élections, le quotidien "Le Matin", le plus virulent détracteur de Bouteflika et le plus en pointe contre sa réélection a été le premier sanctionné. Auteur d'un virulent pamphlet, "Bouteflika, une imposture algérienne", paru deux mois avant la présidentielle, son directeur, Mohamed Benichou a été condamné, le 14 juin 2004, à deux ans de prison pour "infraction à la législation sur le contrôle des changes et les mouvements de capitaux". Sa demande de remise en liberté provisoire a été rejetée par un tribunal d'Alger, le 20 avril 2005. Cinq journalistes du même quotidien ont été condamnés, le 19 avril 2005, à des peines entre deux et trois mois de prison ferme pour diffamation envers un homme d'affaires emirati et envers le ministre de l'Energie et des mines.

"Liberté" a été également menacé de fermeture pour avoir négligé de régler un important arriéré d'impôts.

Le président Bouteflika avait lancé, en mars 2005, une nouvelle charge contre les écrits "d'une presse mercenaire et non professionnelle qui défend le mal et monte l'opinion publique contre les magistrats".

L'avertissement avait porté. L'ensemble de la presse, dont le manque de professionnalisme est souvent mis en avant et les attaques ad hominem sans limites, est effectivement devenue "plus sage" avec, de l'avis général, un retour dominant à "l'uniformément correct" et un nivellement par le bas de la qualité des articles. Le pouvoir n'a pas eu besoin de pratiquer la censure, les journaux, soucieux d'éviter des poursuites judiciaires harassantes, s'en sont eux-mêmes chargés, les articles sont devenus plus déférents et la critique s'est faite sibylline.

L'enseignement libre a du également faire face au durcissement du pouvoir. Les écoles privées ont été sommées de dispenser leurs cours en arabe dès la rentrée 2005, conformément à un décret de mars 2004 stipulant que la langue arabe, langue nationale et officielle, est la langue d'enseignement au sein du système éducatif. Les établissements privés qui ne voudraient pas s'y conformer risquent de disparaître, selon les propres propos du président Bouteflika, s'exprimant à l'occasion d'une conférence des ministres de l'éducation des pays membres de l'UMA. Il a néanmoins rappelé l'objectif de pratiquer, "à moyen ou à long terme", l'enseignement des langues étrangères dès la première année du primaire. Il faut rappeler que l'enseignement obligatoire du français, comme première langue étrangère, dès la 2ème année du primaire est entré en application à la rentrée 2004.

2 Une amélioration de la situation sécuritaire

Arguant d'une amélioration, incontestable, sur le plan sécuritaire, le président Bouteflika a pu lancer une idée qui lui tenait à cœur, une amnistie générale destinée à tirer un trait sur les dix années de plomb au cours desquelles l'Algérie avait dû subir un terrorisme meurtrier.

La sécurité a été "largement rétablie partout à travers le pays" grâce aux "sacrifices" des forces de sécurité, a déclaré le 7 avril 2005 le président algérien, dans un discours prononcé à l'occasion du 1er anniversaire de sa réélection à la tête de l'Etat. Il avait par ailleurs déclaré, fin février, que la violence islamiste avait fait, en une décennie, 150.000 morts et 30 milliards de dollars de dégâts sur les infrastructures économiques et sociales de l'Algérie.

Déjà, en janvier 2005, le démantèlement "quasi-total" du GIA réduit à une trentaine d'hommes répartis en deux groupes avait été annoncé. Cette annonce contredisait néanmoins un document daté du 27 décembre 2004, dans lequel le GSPC, crédité de 500 maquisards et auteurs de plusieurs attentats et attaques contre les forces de l'ordre, se déclarait favorable au projet d'amnistie générale et se prononçait pour la re-légalisation du FIS, dissous en 1992.

Il est indéniable, néanmoins, que les violences perduraient : au cours de la première moitié d'avril 2005, près de 30 personnes avaient été tuées dans des violences selon le décompte établi à partir des bilans officiels et de la presse.

Par ailleurs, se posait avec acuité la question des "disparus". Le terme "disparu" désigne, pour les organismes de défense des droits de l'homme, des personnes soupçonnées d'affinités avec les groupes islamistes et leurs réseaux de soutien et arrêtées par les forces de sécurité et dont on est depuis sans nouvelles.

Des agents de l'Etat seraient responsables de la disparition de 6.146 personnes en Algérie, déclarait, le 31 mars 2005, M. Farouk Ksentini, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), en remettant au chef de l'Etat un rapport sur cette question. Il a souligné que ces disparitions n'étaient pas le fait des institutions elles-mêmes mais d'agents appartenants à ces institutions ayant "agi à titre individuel" et "en toute illégalité". Il a ajouté que dans son rapport, la commission "mécanisme ad hoc de prise en charge de la question des disparus" instituée au sein de la CNCPPDH "propose d'offrir aux proches de ces disparus des indemnisations".

C'est dans ce contexte, qu'en mars 2005, le président Bouteflika a fait connaître son projet de consulter le peuple algérien par voie référendaire sur une loi d'amnistie générale "destinée à tourner la page" des violences ayant ravagé le pays pendant plus de dix ans. Il a réitéré son projet, mardi 3 mai, dans son allocution d'ouverture de la 6ème semaine nationale du Coran, cité par l'agence officielle de presse APS. Il a appelé, à cette occasion, tous les Algériens à "assumer leur entière responsabilité envers la Nation, l'Histoire et les martyrs". "Nous sommes convaincus qu'il ne saurait y avoir de développement ni de relance sans la sécurité, la stabilité et la paix" a-t-il précisé, ajoutant que "si la réconciliation avec l'histoire n'est pas scellée, les générations futures continueront à en subir les conséquences et pourraient même perpétuer inconsciemment ces crises".

Le président de la Commission nationale pour l'amnistie générale, Abderrezak Smaïl, a affirmé, en avril 2005, avoir eu des contacts directs avec des groupes de terroristes islamistes attendant l'amnistie générale. Ils étaient selon lui environ 400 prêts à déposer les armes et à se rendre aux autorités, ce qui représentait, selon lui "plus de 95 % des éléments terroristes encore présents dans le maquis".

Mais le projet du Président algérien a soulevé des inquiétudes au sein des organisations de défense des droits de l'homme qui ont souligné le risque que cette amnistie générale légalise l'impunité pour des crimes contre l'humanité et prive les familles des victimes de leur droit à la justice.

3 Une embellie de la situation économique

Profitant de la remontée significative des cours du pétrole, l'Algérie se trouvait, en ce début 2005, dans une conjoncture économique et financière particulièrement favorable :

- le taux de croissance du PIB était sur une tendance supérieure à 5 % l'an, après avoir atteint 5,8 % en 2004 ;

- le solde du commerce extérieur s'est établi à 4,5 milliards de dollars au 1er trimestre 2005, en raison principalement de la très forte croissance des recettes d'hydrocarbures. Celles-ci ont atteint 9,27 milliards de dollars, en hausse 26,74 % par rapport au 1er trimestre 2004. Par contre, les exportations hors hydrocarbures sont restées marginales, à hauteur de 2,12 % du volume global. Les importations, principalement des biens d'équipement industriels, ont-elles aussi cru de façon importante (+21,27 %) pour atteindre 4,96 milliards de dollars ;

- à la mi-avril 2005, l'Algérie produisait 1,3 million barils/jour, très largement au dessus de son quota officiel de 0,8 million barils/jour fixé par l'OPEP. Les recettes pétrolières de l'Algérie, lui avaient déjà rapporté 32,5 milliards dollars en 2004, pour une production 59,3 millions de tonnes (+14 % par rapport à celles de 2003) et ce montant devrait être dépassé en 2005, si le prix du baril se maintient au dessus de 50 dollars. Elles représentent 96 % de ses ressources en devises du pays.

Dans ce contexte très favorable, le sixième appel d'offres international lancé par l'Algérie, début avril 2005, lui a permis d'attribuer neuf blocs d'exploration pétrolière aux compagnies BP (3), Shell (2), australienne BHP (2) et émiratie Gulf Keyston (2), pour un montant total de 133,5 millions de dollars. Depuis le premier appel d'offres international, en 2000, 27 permis d'exploitations ont été attribués pour un montant total de 394 millions de dollars.

Déjà adopté par l'Assemblée Populaire Nationale le 20 mars malgré l'opposition du Parti des travailleurs (PT), le projet de loi sur les hydrocarbures destiné à ouvrir ce secteur "stratégique" aux capitaux étrangers a été adopté à son tour par le Conseil de la nation (Sénat), le 31 mars. Le nouveau texte a reçu l'aval de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) après plusieurs années d'opposition. Il devrait également faciliter l'adhésion prochaine de l'Algérie à l'OMC.

La loi sur les hydrocarbures consacre la propriété de l'Etat sur les gisements et richesses du sous-sol et ne prévoit pas l'ouverture du capital de la Sonatrach, deux préalables indispensables à l'accord de l'UGTA qui avait déjà obligé le gouvernement à retirer une première mouture du projet en 2002. En revanche il enlève à l'entreprise ses prérogatives de souveraineté pour confier le pouvoir de délivrer aux sociétés étrangères les concessions d'exploration et d'exploitation des nouveaux gisements à deux agences, l'Autorité de régulation des Hydrocarbures et l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures. Les sociétés étrangères ayant découvert un gisement pourront disposer, pendant 30 ans, de 70 % de la production et cette part pourra monter à 100 % si la Sonatrach ne lève pas l'option sur les 30 % restant comme l'y autorise la nouvelle loi. L'objectif de ce dispositif est de parvenir en 2010 à une production globale de 2 millions de barils/jour, à condition que les investissements redémarrent, les contrats de recherche étant passés de 30 entre 1978 et 1994 à 10 entre 1995 et 2000.

Profitant de cette manne et conscient de la nécessité de relancer l'économie algérienne après de si longues années d'immobilisme, l'Etat a décidé la création d'un programme quinquennal (2005 - 2009) de soutien à la croissance économique, doté d'une enveloppe financière de 55 milliards de dollars. Près de la moitié de cette enveloppe sera destinée à "l'amélioration des conditions de vie de la population" a précisé le président Bouteflika à l'occasion d'un discours prononcé pour le premier anniversaire de sa réélection. Le programme prévoit notamment la construction d'un million de logements d'ici 2009. Les entreprises étrangères sont appelées à participer à la réalisation de ce programme et celles "qui seront disposées à accompagner leurs fournitures de prestations par des investissements en Algérie, y compris dans le cadre de programmes de conversion de la dette extérieure conclus ou envisagés avec d'autres pays, seront favorisées".

Conscients par ailleurs que le développement de leur économie ne peut se faire sans aide extérieure, les Algériens cherchent à attirer les investisseurs étrangers. Ils sont demandeurs de partenariats notamment pour compenser le cruel manque de compétences techniques. "Nous manquons de main d'œuvre qualifié. Alors que président Bouteflika veut construire un million de logements dans les prochaines années, nous n'avons pas une seule entreprise capable de réaliser 5000 logements dans les délais impartis avec la qualité requise" a lancé Abdelatif Benachenchou, le ministre algérien des Finances, aujourd'hui chef de file des réformateurs, aux patrons français. Officiellement le virage libéral est irréversible, et le pouvoir veut redonner des perspectives d'avenir à sa jeunesse dans un pays où le chômage dépasse toujours les 20 %. Mais la part des investissements français reste très faible (21 millions d'euros en 2003), au troisième rang derrière ceux des Etats-Unis et de l'Egypte, et surtout l'Algérie n'est qu'au cinquantième rang des destinataires des investissements français. Les réticences des entreprises françaises s'expliquent surtout par l'impossibilité d'acquérir la majorité du capital des entreprises mises en vente et par la complexité des relations entre les pouvoirs publics, les syndicats, la direction algérienne de l'entreprise et le repreneur ou partenaire français.

C'est pour répondre à cette attente qu'une visite organisée par le Medef avec une centaine d'entreprises françaises s'est déroulée les 8 et 9 février. A cette occasion, les Algériens ont déploré la prudence des entreprises françaises et leurs hésitations à investir en Algérie. Tout en reconnaissant "une nouvelle dynamique" depuis la réélection du président Bouteflika en 2004, les patrons français restent attentistes, soulevant les mêmes griefs : lenteur de la réforme du secteur bancaire, problèmes d'accès au foncier, économie informelle, refus de vendre la majorité du capital des entreprises privatisées.

Par ailleurs, l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie est entrée en vigueur après les votes de ratification de l'Assemblée Populaire Nationale, puis du Conseil de la Nation (Sénat), les 14 et 31 mars 2005. Déjà ratifié par 14 parlements européens sur 15 - il ne manquait plus que celui des Pays-Bas- l'accord d'association avait été formellement paraphé lors du sommet euro-méditerranéen de Valence (avril 2002) dans le cadre du partenariat lancé en 1995 entre les 15 pays de l'UE et 12 pays du pourtour méditerranéen. Il doit permettre, après une période de transition de douze ans maximum, l'établissement d'une zone de libre-échange entre l'Algérie et les pays de l'UE, qui constituent ses principaux partenaires commerciaux.

4 Relation bilatérale : des échanges réguliers mais quelques nuages

Très denses depuis la visite d'Etat effectuée en Algérie, en mars 2003, par le président Chirac, les relations entre les deux pays étaient dominées, en cette période, par la commémoration de l'anniversaire des manifestations de Sétif, en 1945, et par les discussions autour du traité d'amitié.

A l'occasion du 60ème anniversaire de la sanglante répression des manifestations indépendantistes de Sétif, l'Ambassadeur de France avait rendu hommage, le 27 février à Sétif, aux victimes de la répression qui avait ensanglanté le 8 mai 1945 ; il avait à cette occasion parlé de "tragédie inexcusable" et regretté "qu'un abîme d'incompréhension entre les communautés" algériennes et françaises "ait pu produire cet enchaînement d'un climat de peur, de manifestations et de leur répression, d'assassinats et de massacres". Dans une déclaration au quotidien Algérien El Watan, le ministre des Affaires étrangères. Michel Barnier, avait précisé que "la démarche de l'Ambassadeur était celle des autorités françaises", ajoutant qu' "il est essentiel pour construire un avenir commun que nous arrivions à examiner ensemble le passé afin d'en surmonter les pages les plus douloureuses pour nos deux peuples". De son côté, le président Bouteflika avait pour sa part affirmé que "le peuple algérien en entier attend encore de la France (...) que les déclarations de l'Ambassadeur de France soient suivies d'un geste plus probant", dans un message à un colloque sur les massacres de Sétif. Allant plus loin, il avait dénoncé "l'occupation [qui] avait foulé la dignité humaine et commis l'innommable à l'encontre des droits humains fondamentaux (...) et adopté la voie de l'extermination et du génocide".

Le traité d'amitié entre la France et l'Algérie, dont l'idée avait été émise dans la Déclaration d'Alger signée, le 2 mars 2003, lors de la visite d'Etat du président Chirac, et dont la mise en chantier a été décidée lors de sa visite à Alger, le 24 avril 2004, deux semaines après la réélection d'Abdelaziz Bouteflika, était toujours en discussion et sa signature était prévue avant la fin de l'année 2005.

L'intention de le signer en 2005 a été réaffirmée par l'Elysée, début avril 2005, à l'occasion de la rencontre entre les présidents Chirac et Bouteflika - présent à Paris dans le cadre de la conférence de l'UNESCO sur le dialogue des civilisations - qui ont eu des discussions à ce sujet.

La chronique des échanges franco-algériens s'est enrichie de la visite à Paris (22 avril) de M. Djamal Ould Abbas, et des visites à Alger de MM. Bertrand Delanoë (25-27 avril) et Renaud Muselier (7-9 mai).

M. Djamal Ould Abbas, ministre algérien de l'emploi et de la solidarité nationale, a signé avec son homologue français Jean-Louis Borloo, un programme de coopération sur l'emploi entre l'ANPE et l'ANEM algérienne axé sur la formation, l'amélioration des dispositifs d'information et d'analyse du marché de l'emploi et l'accompagnement des demandeurs d'emploi à la création d'entreprise.

La visite du Maire de Paris, Bertrand Delanoë, a été axée sur des projets techniques (développement du tramway, coopération pour la remise en état du jardin botanique d'Alger - généralement considéré comme le quatrième plus beau jardin du monde - coopération dans le domaine de la propreté urbaine, ...). Elle a néanmoins permis à M. Delanoë de prendre position, en tant que citoyen, sur le passé colonial de la France en déclarant, entre autre, "Quand des fautes sont commises, tout le monde doit les regarder en face".

Le déplacement du secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Renaud Muselier, qui se plaçait dans le cadre de l'approfondissement des relations entre les deux pays, a été consacrée à une visite de plusieurs cimetières français pour prendre la mesure des travaux de réhabilitation et de rénovation et à faire le point sur la numérisation de l'état-civil des Français rapatriés d'Algérie.

Deuxième partie : compte-rendu des entretiens

_ Réunion de travail entre les deux groupes d'amitié

M. Mohamed Abbou a rappelé en préambule les grandes lignes de la visite qu'il avait effectuée en France, en octobre 2003, à la tête d'une délégation du groupe parlementaire d'amitié Algérie-France. La visite très instructive du centre d'urgence de la sécurité civile, l'entretien avec la Défenseur des Enfants, la rencontre à l'IUFM de Lille, la visite d'une pépinière d'entreprises et d'un incubateur en avaient constitué les traits les plus saillants.

Après avoir offert aux membres de la délégation française sa sincère amitié et leur avoir souhaité un séjour le plus agréable et le plus profitable possibles, il a mentionné la présence, au sein du groupe parlementaire d'amitié Algérie-France, de représentants de tous les courants politiques, possédant tous une grande expérience, en tant qu'anciens ministres ou responsables d'entreprises, et étant à la disposition de leurs homologues français pour leur fournir toutes informations sur l'APN et le travail des députés algériens.

Il a considéré, après les visites croisées des deux présidents de la République, que le niveau des relations entre les deux pays devaient être rehaussé. La culture, l'histoire et un avenir partagés le commandent.

Il s'est alors déclaré prêt à un échange franc, amical et positif.

M. Bernard Derosier, a tout d'abord exprimé sa joie, partagée avec les autres membres de la délégation, de participer à cette réunion et s'est félicité de l'instauration d'un courant d'échanges réguliers avec M. Abbou, depuis leur première rencontre lors du voyage du président Jacques Chirac, deux ans et demi auparavant.

Conscient de l'importance de cette rencontre entre les deux groupes d'amitié, eu égard à leur fréquence peu élevée au cours des années précédentes, il s'est réjoui de l'existence d'un groupe d'amitié parlementaire avec la France au sein de l'Assemblée populaire nationale, qui n'en compte pas un nombre très élevé.

Notre relation se développe et se concrétise. J'ai un regret cependant, celui de la qualité de l'accueil que nous vous avions réservé et qui ne me parait pas à la hauteur du votre.

L'amitié, voila un beau mot, pour qualifier ce qui existe entre nos deux pays et nos deux peuples. Il ne s'agit pas d'occulter les moments difficiles que nous avons connus mais nous devons avoir la volonté de les dépasser pour créer une nouvelle dynamique. C'est justement l'amitié qui nous permet d'évoquer les problèmes politiques que nous pouvons rencontrer sinon nous ne serions pas à la hauteur de nos responsabilités.

Le traité d'amitié entre la France et l'Algérie, qui est en chantier depuis mars 2003, devra être d'inspiration identique à ce que la France et l'Allemagne ont réussi à faire, avec le traité de l'Elysée, à peine plus de vingt ans après la guerre. En cas de réussite, nos relations en sortiraient considérablement renforcées.

Les députés que nous sommes devraient réussir à faire avancer auprès de nos gouvernements la solution au problème des visas d'entrée en France, que nous avons évoqué avec l'ambassadeur Ghoualmi juste avant notre départ.

Notre délégation est préoccupée par l'actualité française et notamment par le référendum du 29 mai sur l'adoption du futur traité européen et, accessoirement, par la journée de solidarité instituée au profit du financement de la prise en charge des personnes âgées, qui entraînera la suppression d'un jour férié, le lundi de Pentecôte.

Je propose que nous abordions ensemble les problèmes internationaux qui nous préoccupent le plus, à savoir les rapports entre l'Algérie et l'Union européenne, la crise du Moyen-Orient - en Irak, en Palestine et en Israël - sur laquelle s'est tenu récemment un sommet à Alger.

Par ailleurs comment faut-il interpréter le récent remaniement du Gouvernement algérien1 ? Que faut-il en conclure ?

M. Mohamed Abbou : Il s'agit d'un léger réaménagement destiné à procurer une plus grande efficacité au Gouvernement afin de réussir dans la poursuite des objectifs économiques et sociaux. Le Gouvernement a besoin de plus de cohésion, de continuité et d'agressivité pour réduire les problèmes qui se posent à l'Algérie. Le but essentiel à atteindre est le développement du pays et le rétablissement de sa place dans le concert des nations.

M. Eric Raoult : Je suis conscient que la récente initiative du Parlement français sur l'héritage colonial de la France a soulevé une certaine émotion. Je voudrais donc recentrer cette initiative dans un contexte purement franco-français. Ce texte de loi est destiné avant tout à répondre à une culpabilisation croissante sur le plan intérieur. Cette initiative, d'origine parlementaire, qui a bénéficié d'une procédure que nous appelons "niche parlementaire", est à mettre en rapport avec des préoccupations locales liées aux revendications identitaires des rapatriés. Elle n'engage ni la majorité parlementaire ni l'exécutif et il ne faut pas lui conférer plus d'importance qu'elle n'en a réellement.

M. Mohamed Abbou : Les Algériens ont appris aussi à mobiliser leur propre souffrance et à la positiver. La récente prise position de l'Ambassadeur de France à Sétif a été saluée par tous les Algériens. Je suis persuadé qu'il ne faut pas accorder plus d'attention qu'il ne faut à ce qui ne mérite pas tant d'importance.

M. Abdeslam Bouchouareb : Je souhaite la bienvenue à la délégation française et je voudrais, en deux mots, resituer les deux visites. Notre visite en France s'est déroulée à un moment important pour nous, à la veille de l'élection présidentielle. Celle d'aujourd'hui a lieu à la veille de la conclusion d'un Traité d'amitié qui devrait permettre de résoudre les problèmes déjà évoqués. Chaque partie essaye de donner le plus de contenu possible à ce traité.

Le référendum sur le Traité Constitutionnel Européen nous intéresse au plus haut point à cause des répercussions qu'il va entraîner en Algérie puisque nous allons être associés à l'Union européenne à partir du 1er janvier 2006.

Concernant les visas, la situation actuelle me parait anormale alors que le plan de relance de notre économie, qui va mobiliser 55 milliards de dollars, va nécessiter la multiplication des partenariats et donc entraîner un accroissement des échanges avec la France.

Je pense personnellement que nos deux groupes d'amitié doivent avoir plus d'activités et plus de contacts.

Je suis heureux de revoir Eric Raoult, que j'avais déjà rencontré lors du congrès de l'UMP.

Le temps presse, le traité d'amitié doit être signé avant la fin de l'année.

M. Azzedine Chiheb : Il existe beaucoup de points communs entre nos deux pays. Notre histoire commune d'abord, que nous devons tous assumer, avant de nous tourner résolument vers l'avenir. Notre proximité culturelle, ensuite, qui permet à la France de comprendre les Algériens beaucoup mieux que n'importe quel autre pays. La France peut donc jouer un rôle important dans les relations entre l'Union européenne et l'Algérie en particulier mais aussi dans les relations internationales en général. Nous sommes bien armés et prêts à discuter de l'avenir.

M. Bachir Chara : Je vous souhaite la bienvenue et sachez que vous êtes ici chez vous. Le traité d'amitié constitue le point focal de nos relations, pour construire l'avenir et mettre en place la dynamique qui doit les animer. L'Algérie est sur le point de mettre en place un programme de développement très ambitieux, notamment pour les infrastructures de base, pour lequel l'expertise et les investissements français seront primordiaux. Nous attendons aussi de la France qu'elle intervienne auprès de nos créanciers pour alléger le poids de la dette, qui nous étrangle.

Je suis de ceux qui ont beaucoup souffert du passé, mon père est décédé au combat pendant la guerre de Libération, mais je suis également de ceux qui militent pour faire avancer l'avenir. Je pardonne sans oublier et je suis un partisan convaincu d'une amnistie générale.

M. Abdelkrim Dahmane : j'ai déjà assisté à plusieurs rencontres entre nous et je crois qu'il faut multiplier les rencontres entre nos deux rives. Concernant le traité d'amitié, les parlementaires doivent agir pour lui offrir un relais permanent et introduire davantage de compréhension entre nous. Au cours des dix dernières années, les responsables français ont fait un effort de compréhension.

Je ressens le même sentiment à l'encontre de la loi du 23 février que ceux qui viennent d'être exprimés mais je fais confiance aux responsables français pour bien distinguer entre les nécessités de politique intérieure et les relations entre nos deux pays.

M. Abdelkrim Harchaoui : Nous avons vécu des moments difficiles et nous avons durement ressenti l'abandon de notre premier partenaire qui nous a condamné à mettre en œuvre seuls les réformes imposées par le FMI et la Banque Mondiale. Il règne heureusement une très bonne entente entre nos deux présidents. Nous attendons du Parlement français qu'il sécurise le patronat français sur le risque et la solvabilité de l'Algérie, qui est en réalité bien meilleur que dans de nombreux autres pays. Nous espérons vous faire partager ce sentiment pour déboucher rapidement sur la création d'une zone de co-développement entre nos deux pays.

M. Bernard Derosier : je souhaite réagir sur trois points :

- Je voudrais relativiser la portée de la loi du 23 février 2005, qui est issue d'une proposition de loi, sur laquelle le groupe socialiste s'est abstenu.

- Je suis sensible au sentiment d'abandon que vous avez pu ressentir pendant ces années d'épreuve, d'autant plus que la gauche française, à l'époque, n'a pas fait tout ce qu'elle aurait dû, par désir de bien marquer sa volonté de non ingérence et pour éviter d'apparaître "néo-colonialiste".

- Je suis d'accord avec la nécessité de développer les investissements : nous avons tous dans nos circonscriptions des entreprises qui pourraient se décider à investir pour peu qu'on les y motive. Mais les freins le plus souvent invoqués pour expliquer l'attentisme des investisseurs potentiels sont de deux ordres, toujours les mêmes : la sécurité des personnes et la lourdeur de la bureaucratie. Nous devons donc travailler ensemble, à rassurer les chefs d'entreprises et à mieux les guider dans leurs démarches.

M. Marc Reymann : les députés français ont souvent le sentiment d'appartenir à un Parlement croupion. Les députés algériens partagent-ils ce sentiment ?

M. Mohamed Abbou : Nous les parlementaires sommes d'éternels insatisfaits. Nous avons deux excuses à cela : celle de la jeunesse et de l'inexpérience, celle de la période historique que nous vivons dans laquelle la reconstruction du pays passe avant toute autre considération. Notre sentiment d'insatisfaction est motivé par le fait de ne pouvoir faire aboutir nos idées, c'est humain. Cela dit, le Parlement algérien a su faire preuve de quelques initiatives historiques qui ont étonné l'exécutif lui-même, qui s'est retrouvé contrecarré dans ses propres propositions. Nous avons été capables de lui dire non, pour ne pas aller au delà de ce que nous permet notre mission d'élu.

_ Audience du président de l'Assemblée populaire nationale

Le président Amar Saadani : je me souviens très bien des échanges de points de vue sur le renforcement des relations bilatérales entre les deux Parlements que nous avions eu à Paris, lors du dîner avec le groupe d'amitié, en décembre 2004. C'est pour nous, aujourd'hui, l'occasion de poser les premières pierres de ce renforcement. Les relations parlementaires ne sont qu'un maillon de la relation forte et durable entre nos deux pays. Tous les Algériens souhaitent des relations équilibrées et basées sur l'amitié et la coopération. Au cours de la dernière période des interférences politiques ont maintenu ces relations en deçà du niveau souhaité. Le travail des parlementaires consiste à dépasser ces obstacles pour aller de l'avant. L'APN s'attend à l'établissement de relations équilibrées qui tiennent compte des expériences mutuelles de chaque partie pour mieux contribuer à l'action de rapprochement entreprise par nos deux exécutifs.

Quoi qu'on en dise, les relations entre l'Algérie et la France sont privilégiées et très particulières. A l'APN, nous voulons construire des relations fortes, équilibrées et justes à condition de dépasser certaines mentalités dans les deux pays. Le monde a radicalement changé et la France et l'Algérie ne peuvent plus continuer à vivre avec des mentalités anciennes et dépassées. Les intérêts de la France en Algérie sont loin d'être négligeables sur le plan culturel, historique et économique. Inversement, les Algériens ne peuvent pas avoir de relations de même nature et de même niveau avec d'autre pays que la France. Notre vision de parlementaire est d'essayer de sensibiliser la société civile quant à l'intérêt majeur de développer la relation bilatérale algéro-française. Les Algériens sont très optimistes sur le développement de ces relations, surtout depuis que nous avons deux présidents de la République qui s'entendent si bien. Ce processus ne peut que se renforcer grâce aux initiatives courageuses de personnalités politiques françaises.

Nous avons beaucoup à faire ensemble sur le plan de la relation interparlementaire. Les lois algériennes sont plus proches des lois françaises que de celles de n'importe quel autre pays. Nous légiférons de notre côté, sans votre aide ni votre présence, et pourtant l'on constate dans nos textes de loi de nombreuses similitudes avec les lois françaises. C'est parce que nous avons une manière similaire de voir les choses. Dans la pratique nous constatons que l'organisation des syndicats ou celle des partis politiques, par exemple, sont très proches des vôtres. La société algérienne bouge à l'instar de la société française (femme active, pluralité de l'information, liberté d'expression). Les sociétés civiles des deux pays se ressemblent beaucoup.

En conclusion, les relations algéro-françaises ne doivent pas être inspirées par des visions politiques étroites car elles ne sont pas comparables aux relations avec d'autres pays. La principale question qui se pose est de savoir ce que peuvent faire les parlementaires pour aller de l'avant. La priorité des deux groupes d'amitié sera de sensibiliser toutes les structures des deux parlements à cet objectif, leur rôle est indispensable.

Nous évoquerons toutes ces questions lors de la prochaine visite du président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Les groupes d'amitié sont à pied d'œuvre pour préparer l'agenda de cette rencontre. Je vous livre une petite anecdote significative. Après un long périple qui nous avait amené jusqu'à Manille, nous avons atterri à Paris sur le chemin du retour. Un député qui m'accompagnait s'est alors exclamé "enfin nous sommes chez nous !". Je suis certain que vous avez partagé ce sentiment en arrivant à Alger.

M. Bernard Derosier : Je vous remercie, au nom de la délégation qui m'accompagne, de nous recevoir. Je vous rassure, nous avons eu également le sentiment d'être chez nous en arrivant à Alger et nous avons été particulièrement bien accueilli. Je vous dois également des remerciements pour avoir encouragé la création d'un groupe d'amitié Algérie-France, dont la présidence a été confiée à mon ami Mohamed Abbou, nous sommes sensibles à ce choix.

Vous avez souligné l'importance des relations parlementaires, même si elles ne doivent pas empiéter sur les relations entre nos exécutifs dont les ambassadeurs témoignent de la présence permanente. De nombreux problèmes politiques restent à régler, notamment l'organisation des deux sociétés pour les mettre en capacité de jouer un rôle sur le plan international. Nous partageons votre volonté d'être les acteurs d'une bonne évolution des situations. Les groupes d'amitié sont au centre de la relation parlementaire. Entre amis nous pouvons aborder tous les sujets, contribuer à intensifier les échanges et à faire évoluer les mentalités. Il existe en France une sensibilité particulière concernant l'Algérie, elle est due à l'Histoire mais aussi à la présence d'une importante communauté algérienne, avec laquelle perdurent cependant quelques difficultés relationnelles.

Oui, il faut faire évoluer les mentalités des deux cotés et les parlementaires sont les mieux à même d'avoir une action concrète sur le terrain, d'ajouter une petite pierre à la construction de l'édifice commun.

Je crois aussi que nous avons en commun la volonté d'appuyer nos relations sur un traité d'amitié qui ne doit pas constituer un aboutissement mais une étape, une référence qui marquera une nouvelle page de notre histoire commune.

Les parlementaires ont un rôle à jouer parce qu'ils sont porteurs de l'état d'esprit des opinions. Notre délégation est aujourd'hui principalement composée d'élus du quart Nord-Est de la France, dont les préoccupations sont différentes de celles de nos collègues élus du Sud. Il reste à trouver un compromis avec eux.

La volonté qui nous anime est d'œuvrer à l'édification d'une nouvelle étape qui permettra à la voix de l'Algérie-France d'être mieux entendue à l'échelle du monde.

Le président Amar Saadani : je vous souhaite un agréable séjour qui contribue à vous faire encore mieux sentir chez vous ici. Je vous charge de réitérer auprès du président Jean-Louis Debré l'invitation que je lui ai déjà transmise.

_ Entretien avec Mme Zora Drif-Bitat, vice-présidente du Conseil de la Nation

Mme Zora Drif-Bitat : Vous êtes ici dans un bâtiment construit en 1911 pour abriter la Délégation financière obtenue en 1898. Il a été le lieu de l'autorité financière jusqu'en 19472, après quoi il a abrité la première Assemblée algérienne au sein de laquelle siégeaient à parité les représentants des deux collèges, alors que le rapport entre les populations était lui de neuf contre un. Dans la réalité, l'Assemblée algérienne n'a été installée qu'après les élections "à l'algérienne" de 1955, après le déclenchement de la guerre de libération. Elle n'a pas siégé longtemps puisqu'en 1956, à la suite des déclarations faites par les le groupe des 61 (députés franco-musulmans) elle a été dissoute.

Après l'indépendance de 1962, les lieux ont été occupés par l'Assemblée constituante qui a élaboré et voté la 1ère Constitution de la République algérienne. Appelé autrefois le Palais Carnot, il est devenu le Palais Zighout Youcef. Pour la petite histoire, j'ai siégé à l'Assemblée Constituante, dans ce palais, et j'y suis revenue en fin de parcours comme membre du Conseil de la Nation.

Ce bâtiment est en quelque sorte un condensé de nos points communs et de nos ruptures, qui peut nous permettre de mieux nous situer dans un monde en voie de globalisation.

Vous avez déjà abordé la question des relations entre les deux pays, et je voulais par cette visite en ces lieux marquer le fait que l'Algérie est attachée à la continuité. Le développement de notre pays sera plus important et plus rapide si nous réussissons à mettre en place un partenariat entre nous qui nous connaissons le mieux. Du côté algérien, il existe une réelle volonté de sauter le pas pour une action commune en faveur du développement de la Méditerranée et de la région, qui constituerait un véritable atout dans le contexte de la mondialisation.

M. Bernard Derosier : Nous comptons sur vous pour être notre interprète auprès du président Ben Salah que nous devions rencontrer mais qui est en déplacement à Tlemcen pour être présent au côté de M. Ben Bella. Je connais un peu le président Ben Salah, mais je sais que vous le remplacez avec un réel plaisir.

J'ai senti chez vous la volonté de vous tourner vers l'avenir tout en sachant qu'il n'y a pas d'avenir sans mémoire. Nous avons de notre côté la même détermination. Nombreux sont les députés français qui ont la volonté de passer à l'étape suivante. Nous avons également souffert pendant ces dix ans où nous ne savions pas comment ni pour quoi intervenir. Cette histoire commune nous amène à découvrir une Algérie qui parait bien partie sur la voie de son développement. Nous avons de bonnes raisons de travailler ensemble, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. La communication entre nous est déjà facilitée par l'usage commun de la même langue et devrait être renforcée par la volonté du président Bouteflika de faire un pas vers la Francophonie.

Grâce à la volonté du peuple algérien de n'avoir pas souhaité faire table rase du passé, nos institutions possèdent beaucoup de points en commun. Le caractère composite peuple français fait de nous les représentants d'une petite partie du peuple algérien. Toutes ces raisons s'additionnent pour franchir une nouvelle étape dans nos relations que nous appelons tous de nos voeux. Nous attendons la signature du traité d'amitié avec impatience pour écrire ces nouvelles pages de notre histoire commune.

Mme Zora Drif-Bitat : De notre côté nous allons tout faire pour renforcer ces liens. Il existe une relation privilégiée entre nos deux pays, il faut en profiter pour être plus actifs et plus percutants afin de rendre les progrès irréversibles.

_ Audience du Chef du Gouvernement, M. Ahmed Ouyahia

M. Bernard Derosier : nous sommes sensibles au geste que vous faites en acceptant de nous recevoir. J'y vois la volonté de marquer l'intérêt que vous portez aux relations entre nos deux pays, c'est également la notre.

Je remarque que cette volonté est sans cesse rappelée à chacune de nos rencontres depuis notre arrivée en Algérie. Comment aller plus loin dans l'amélioration des relations entre nos deux pays. Voila en résumé l'état d'esprit dans lequel nous entreprenons cette visite.

M. Ahmed Ouyahia : Soyez assuré que je vous reçois avec plaisir, avec intérêt et sans scrupule. Avec plaisir parce que vous êtes des amis français. Avec devoir aussi parce que c'est la volonté commune de nos deux dirigeants.

Nous vivons un palier qualitatif extraordinaire dans les relations algéro-françaises. Nous vivons une véritable période de refondation entre gouvernements et entre parlementaires de nos deux pays.

Il est peu de dire que l'Algérie sort d'un vrai cauchemar. Pendant la douloureuse tragédie que nous avons vécue, nous avons été sensibles à l'affection et à la solidarité de la France plurielle, même si la démarche n'était pas très claire au départ. Les liens n'ont jamais été rompus et plusieurs canaux ont été utilisés. J'en veux pour exemple les milliers d'algériens qui ont été accueillis en France en cette période difficile.

Je crois, sur le plan des relations politiques entre nos deux pays, que nous sommes au maximum de nos capacités et que le traité d'amitié est d'avantage orienté vers les sociétés. Il créera une dynamique qui apaisera un destin incontournablement commun pour faire avancer l'Algérie et la France l'une vers l'autre.

Nous avons également un grand retard à rattraper sur la scène internationale d'où nous avons été trop longtemps absents. Nous fondons de grands espoirs sur notre relation avec l'Europe, qui fait partie de notre vécu.

N'oublions pas que nous faisons partie de deux blocs, séparés par la Méditerranée. Les rapports entre l'Union européenne et l'Algérie resteront de faible ampleur s'ils ne sont pas portés par les pays de la rive nord avec lesquels nous avons les liens les plus forts et, en particulier, par la France.

Il est vrai que nos relations ont connu une page douloureuse mais il en reste un acquis charnel.

Pour l'anecdote, si la France persiste à faire de la rétention sur les visas, elle sera perdante car les Algériens vont rapidement se tourner ailleurs.

Vous avez une politique de puissance et il serait intéressant de travailler ensemble, après vingt cinq ans de froideur et souvent de rivalité.

De pays d'émigration nous sommes devenus une terre d'immigration et sur ce point nos deux pays sont confrontés à des enjeux communs.

Nous avons du retard à rattraper, sur le plan économique, mais nous avons la chance de posséder quelques ressources, qui nous permettent de financer un programme d'investissements et de développement économique de 55 milliards de dollars.

Les entreprises françaises, qui ont l'avantage souvent de bien connaître l'Algérie, sont les bienvenues mais je profite de votre présence pour leur faire passer le message suivant : nous n'avons pas vraiment besoin des très grosses entreprises, les PME sont mieux adaptées à nos besoins, surtout dans les zones sécurisées.

Mais permettez moi, au nom de l'amitié, de vous dire que vos entreprises sont encore souvent trop frileuses, or ce sont les premiers venus qui occupent les créneaux libres en premier. Nous avons reçu la visite de nombreux entrepreneurs français venus se renseigner mais nous constatons très peu de concrétisations. C'est dommage, car dans tous les domaines nos amis sont les bienvenus.

Nous sommes satisfaits de la situation de la communauté algérienne en France, aujourd'hui plus en symbiose qu'il y a quelques années.

J'espère que votre visite sera pour vous source d'intérêt. Vous pourrez constater qu'il fait bon vivre en Algérie et qu'il y a des opportunités à saisir.

M. Bernard Derosier : je vous remercie et, si vous le voulez bien, je vais réagir sur trois ou quatre points.

Concernant le futur traité d'amitié, il est attendu avec impatience comme le signal d'une étape nouvelle.

Sur l'Europe, vous avez fait preuve d'une prudence de diplomate. L'Algérie a tout intérêt à une réponse positive des Français au référendum sur le Traité Constitutionnel. La France constitue pour elle sa meilleure porte d'entrée vers l'Europe. La communauté française d'origine algérienne doit y réfléchir et voter dans le bon sens.

Sur les visas, nous ne sommes pas indifférents. Je souhaite bien sûr une évolution positive, mais elle dépend du Gouvernement plus que de nous. Je suis persuadé que tous auraient intérêt à un accroissement du nombre de visas délivrés.

Sur les entreprises, j'ai quelques réserves à émettre pour expliquer la frilosité des entreprises françaises. Si le problème de l'insécurité est résolu, il faut du temps pour que cela soit bien enregistré par tous. Quant à la lourdeur de la bureaucratie, elle persiste, vous ne l'ignorez pas, et il conviendrait d'y remédier sérieusement pour dissiper les craintes des investisseurs potentiels.

M. Eric Raoult : Je vais vous parler très franchement. Votre ambassadeur à Paris nous a informé du souhait du président Bouteflika de promouvoir une amnistie générale pour mieux repartir sur de nouvelles bases. Ce projet suscite beaucoup d'interrogations dans mon département, la Seine-Saint-Denis, où la communauté algérienne et d'origine algérienne ne comprend pas cette démarche. Il me semble qu'il y a un effort important d'information et de communication à faire sur ce sujet.

M. Ahmed Ouyahia : Je vous remercie de me permettre d'aborder ce dossier. Il faut savoir que je suis ici, en Algérie, considéré comme le prototype même de l'éradicateur et que l'on ne peut guère me soupçonner d'une quelconque faiblesse à l'égard des terroristes.

Je dois reconnaître qu'il règne, même ici, beaucoup d'incompréhension et même un certain brouillard autour de ce projet qui ne poursuit d'autre but que d'arriver à instaurer une véritable réconciliation dans un pays dévasté par la méfiance et les haines depuis plus de dix ans.

Ce n'est pas la première démarche de réconciliation que nous entreprenons. Nous avons recherché très tôt à obtenir un appel du FIS pour arrêter les violences et il faut se souvenir qu'au plus fort de la crise nous avons enregistré certaines années jusqu'à 12.000 morts par an et qu'il y avait près de 25.000 terroristes. Une loi sur le pardon a déjà été promulguée en 1995 et le référendum sur la "concorde civile" a fait un pas de plus dans cette direction.

Il faut se souvenir que les terroristes sont tous partis à l'aventure pour ériger un état islamique mais ils ont vite compris qu'ils étaient dans l'impasse. C'est un long chemin vers la concorde civile. Le projet de loi a réussi à faire descendre 6 000 hommes du maquis et j'ai moi-même fait campagne pour la concorde civile. Souvenez vous de ces deux villages, vers Relizane, qui avaient subi une attaque terroriste et déploré près de 500 morts en une seule nuit. J'avais rencontré les familles des terroristes et celles des victimes, réunies dans une même pièce, et j'ai pu constater combien elles étaient très semblables dans leur misère.

La loi sur la concorde civile comportait déjà un dispositif de grâce amnistiante au profit des gens de l'AIS.

Je sais que notre décision de décréter une amnistie n'est pas comprise sur la scène algérienne plurielle. Mais en 1994 ils étaient peu nombreux les politiques qui osaient prononcer le mot de terrorisme. Et en 2004, à l'Assemblée populaire nationale, les gens du parti El Islah, considéré comme islamiste, m'ont reproché mon discours en faveur de la réconciliation des algériens avec eux-mêmes.

Nous nous sommes entredéchirés sur la berbérité, sur l'Islam, sur mille autres sujets depuis 43 ans, et il est temps d'en finir. La troisième génération depuis l'indépendance attend de nous que nous lui tracions une voie pour l'avenir, la guerre n'a plus aucune signification pour eux. Il faut reconnaître que nous avons été très mauvais sur ce sujet alors que depuis dix ans les Algériens souhaitent vivre en paix.

Mais la réconciliation nationale c'est aussi la bureaucratie, la corruption, l'irruption des écarts créés par l'économie de marché.

Qui voulons nous amnistier? Une bande de loups affamés et isolés, pour tourner une page sur le plan psychologique. Nous devons avant tout réussir à ramener la paix dans les cœurs.

Concernant le terrorisme, je crois pouvoir dire que nous sommes tranquilles pour vingt ou trente ans, la menace de l'intégrisme est jugulée, mais ce qui nous guette ce sont les milliers d'orphelins du terrorisme, qui ne doivent pas grandir dans la haine.

C'est donc un vaste débat qui est en cours et nous ne pouvons rien faire d'autre, pour le moment, que de laisser le vacarme s'exprimer, malgré les perturbations qu'il engendre dans les esprits des citoyens. Je comprends donc très bien leur incompréhension actuelle.

Mais nous récusons l'interventionnisme des ONG coupables de crime du silence lorsque les Algériens étaient taillés en pièces et qui ont été complices de la persistance du terrorisme.

Je suis persuadé au bout du compte que le Oui l'emportera avec plus de 90 %.

Notre point faible en Algérie, ce sont les salonards mais on ne les a pas vu lorsque cela bardait. De plus, ce ne sont pas eux, ni les média, qui élisent le Président et qui votent au référendum. Et je sais que des millions d'Algériens sont prêts à tout pour ne plus vivre dans le cauchemar.

Je vais vous faire un aveu. Nous espérions à la dernière élection présidentielle atteindre un score de 55 ou 60 % et je dois dire que nous en sommes restés assis, avec un score 85 % !

_ Rencontre avec les présidents des groupes politiques de l'APN.

M. Laiachi Dadoua, député de Biskra, président du groupe parlementaire FLN : je prends la parole en premier au nom de l'Alliance gouvernementale au nom de laquelle je vous souhaite à tous la bienvenue en Algérie. Je suis heureux que vous ayez pu assister hier à un défilé militaire sous une forme toute pacifique.

Grâce aux militaires, l'Algérie vit dorénavant dans la paix et la prospérité et c'est aujourd'hui avec une Algérie moderne que vous traitez. La nécessité s'impose de tourner la page à tous les éléments négatifs du passé. C'est une heureuse coïncidence que votre visite coïncide avec le dialogue interculturel. C'est à ce titre que le président Bouteflika a été présent aux obsèques de Jean-Paul II. La presse nationale est très positive sur ce sujet.

Nous avons également célébré hier la journée internationale de la liberté de la presse. Nous n'oublions pas que la déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 est d'inspiration française. Nous défendons à tout prix la liberté d'expression pour laquelle nous avons lutté pendant longtemps et à laquelle nous avons payé un lourd tribut, qui nous a permis d'instaurer la démocratie et la bonne gouvernance. A ce sujet, nous devons bientôt recevoir une délégation de personnalités africaines qui se déplacent pour venir apprécier tout ce qui a été fait en Algérie dans le domaine de la bonne gouvernance. Nous devons reconnaître la transparence de notre Etat qui ouvre ses dossiers à autrui. Il faut souligner le rôle fondamental des Parlements dans ce domaine et dans celui du rapprochement avec les peuples.

Le réunion des présidents d'assemblées des pays membres du dialogue " 5+5" à Paris a pour nous été l'occasion de manifester notre accord à ce dialogue que nous appuyons pleinement.

Les pays de l'Union européenne s'apprêtent à voter sur le Traité Constitutionnel Européen. Cela nous concerne directement depuis que l'Algérie a signé un accord d'association avec l'UE et nous comptons bien sur la France pour jouer un rôle important entre l'Algérie et l'UE.

Une nouvelle fois je vous souhaite un bon séjour en Algérie, au nom du FLN, du RND et du MSP.

M. Djelloul Djoudi, député de Sétif, président du groupe parlementaire du Parti des Travailleurs (PT) : je parle au nom du parti des travailleurs et du bureau du groupe.

Pour répondre à l'attente des citoyens qui nous ont élu, le moment est venu de voir ensemble comment nous pourrions nous entraider dans cette période difficile. Votre présence est l'occasion de voir comment renforcer les relations bilatérales. Le problème de l'Algérie, vous le connaissez, c'est celui de la dette, qui est commun à toute l'Afrique.

A propos de l'accord d'association avec l'UE, nous aurions voulu disposer de plus de temps pour protéger notre production nationale. Nous souhaitons discuter de ce qui se passe en Europe et nous sommes très heureux de vous rencontrer aujourd'hui.

Un autre Député, membre du bureau du groupe PT : nous vivons une situation difficile car nous ressentons beaucoup de crainte et d'inquiétude au sujet de ce vent énorme qui souffle et que l'on appelle la mondialisation, qui présente des dangers certains pour notre économie. L'accord d'association avec l'UE va nous coûter très cher, environ 58.000 chômeurs de plus. C'est pourquoi nous aurions souhaité échanger plus avant sur ce sujet, dans un cadre bilatéral.

Nous avons, Français et Algériens une longue histoire commune. Vous êtes vous aussi un pays de vieille civilisation. Nous avons beaucoup apprécié le débat soulevé par la directive Bolkenstein et la résistance qui s'est faite jour en France. Mais au niveau de la planète, nous assistons à un mouvement de désinvestissement et désindustrialisation qui nous inquiète alors qu'un milliard de terriens sur six milliards sont au bord de la survie, alors que l'Afrique est sinistrée, alors que nous avons, de notre côté, une dette de 25 milliards de dollars que nous avons déjà payée trois fois? Pour toutes ces raisons, nous avons besoin d'un partenariat pour notre développement qui tienne compte de nos histoires spécifiques. Nous souhaitons que le dialogue s'instaure entre nous et vous réitérons la bienvenue.

M. Bernard Derosier : je tiens à saluer tous les présidents des groupes politiques réunis ce matin. Les occasions d'échanges politiques sont trop peu nombreuses pour ne pas se réjouir de celle-ci. Le programme de notre visite s'annonce très intéressant, notamment par les nombreux contacts prévus.

De vos interventions, je retiens avant tout votre préoccupation commune du rôle que peut jouer la France dans les relations entre l'Algérie et l'Union européenne.

Notre collègue du PT me remémorait cette parole de Jean Jaurès : " Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène." Il est vrai que pour nous, Français, l'Europe constitue la nouvelle dimension de notre avenir. A l'origine, l'objectif de l'UE était d'assurer la paix dans un continent déchiré par les guerres. Cette volonté de paix s'appuyait sur une idée simple : la guerre n'est pas une fatalité inéluctable et il fallait assurer la paix pour créer un espace de prospérité. Personne ne place l'économie au dessus de tout mais l'espace de prospérité était la condition sine qua non à la création d'un espace social. Mais, hélas, l'Europe s'est davantage construite sur le développement économique au détriment de la politique sociale. Cela compte pour beaucoup aujourd'hui dans le refus manifesté par certains de ratifier le Traité Constitutionnel Européen.

Cependant, à l'inverse, et même si je suis personnellement aussi insatisfait de l'état actuel, je préfère avancer vers une nouvelle étape de la construction européenne parce que le Traité Constitutionnel Européen présente l'avantage de ne pas être en retrait par rapport aux traités antérieurs.

L'Europe constitue également l'avenir de l'Algérie, forcément concernée par le développement européen. L'Algérie ne peut rester indifférente à cette proximité avec l'Europe, un interlocuteur fondamental avec lequel il faut jeter les bases d'une coopération. J'ai bien compris que la France représente pour vous l'interlocuteur privilégié de l'Algérie dans sa relation avec l'Europe. Nous devons donc faire en sorte de rechercher des formules pour que l'Algérie témoigne de son intérêt à cette nouvelle étape de la construction européenne.

J'ai noté par ailleurs que vous avez évoqué la réunion du congrès de l'ARIC3, à l'ouverture duquel nous assisté hier, qui représente en effet tout un symbole.

J'ai noté également que l'Algérie est très préoccupée de se donner tous les moyens de franchir les étapes dans sa marche à la démocratie.

Nous avons expliqué au Premier ministre les raisons de la non intervention de la France dans la tragédie qui vous a touché et il convient maintenant de dépasser ce stade

L'amnistie qui est proposée à l'Algérie ressort uniquement de la responsabilité des Algériens, de son peuple, comme l'a dit le président Bouteflika, mais nous souhaitons entendre vos points de vue sur ce sujet car beaucoup de vos concitoyens vivent en France.

En conclusion, je dirai simplement que notre présence ici suffit à témoigner de notre état d'esprit.

M. Jacques Desallangre : je tiens à vous dire l'émotion qui est la mienne de revenir sur cette terre que j'ai foulée il y a 49 ans. De ce vécu non souhaité, qui est à l'origine de mon engagement en politique, j'ai tiré la conclusion que la liberté ne peut être refusée à un peuple qui la réclame. Je vous salue en toute fraternité.

Sur le Traité Constitutionnel Européen, je précise que je suis internationaliste mais que je souhaite l'émergence d'une Europe généreuse qui ne soit pas inféodée au libéralisme.

M. Benhalima Boutouiga, député (RND) de Tiaret : Je voudrais apporter quelques éclaircissements pour répondre à l'intervention de Bernard Derosier.

Le résultat du référendum sur le TCE aura automatiquement une influence sur nos relations avec la France, qui constitue un passage obligé de l'Algérie vers l'Europe. Le Non ne manquerait pas d'avoir des répercussions sur la rive sud de la Méditerranée et c'est cela qui constitue une inquiétude pour nous. Il faut, par ailleurs, prendre en compte le fait que désormais l'Algérie représente une protection de la rive nord contre l'immigration illégale.

Sur l'amnistie, l'Alliance soutien le président Bouteflika parce qu'il s'agit du moyen le plus efficace pour régler définitivement le problème. La décision du peuple sera sans appel.

M. Abdelhak Boumechera, député de Tlemcen, président du groupe parlementaire HMS : je suis heureux que votre visite se déroule dans un état d'esprit totalement différent de celles qui ont précédé, qu'elles aient été le fait de délégations parlementaires françaises ou européennes. Elles se déroulaient dans un contexte différent, à une période où la question principale était pour beaucoup "Qui tue qui?"

Mais aujourd'hui votre délégation s'inscrit dans un processus de normalisation des relations algéro-françaises et de celui du renforcement de la démocratie parlementaire. C'est pourquoi nous sommes très heureux de vous accueillir, même si le temps nous manque pour approfondir le débat entre nous.

L'Algérie est revenue de loin, après une décennie tragique de destruction et de sang

Nous connaissons enfin la stabilité, nous avons retrouvé le respect de nos institutions et de nos valeurs culturelles. Nous pouvons espérer en un lendemain meilleur qui ne peut s'édifier que dans un cadre de coexistence pacifique. Le moment est venu de transformer la Méditerranée en un lac de paix et de concorde pour les générations montantes.

Dans le processus actuel de mondialisation effrénée, nous souhaitons, nous Algériens, obtenir le respect de nos valeurs et de nos spécificités qui sont notre richesse et aussi celle de l'humanité entière.

Transmettez à tous vos collègues députés français notre souci de renforcer davantage nos relations bilatérales pour construire la paix et pour les élever à la hauteur des aspirations de nos deux peuples.

Un député du Parti des Travailleurs : je reviens sur la question des référendums sur l'amnistie et sur le TCE qui donnent lieu à des débats approfondis dans nos deux pays. Je n'apprécie pas trop l'épouvantail agité pour écarter le peuple du Non. Une réponse négative ne serait pas si dramatique que l'on veut nous le faire croire. Le Oui ne réglerait pas tous les problèmes au niveau des échanges économiques internationaux. Je pense au fonctionnement de l'OMC, à celui de l'accord multifibres, et à la menace que fait peser la Chine à ce niveau. Les conséquences ne viendront pas du résultat du référendum mais des rapports de force au sein de l'OMC. J'en veux pour exemple l'accord signé entre les USA et la Chine sur le textile.

Nous nous sentons concernés par les valeurs que la France veut préserver, notamment par la défense des services publics que nous souhaitons également préserver.

M. Bernard Derosier : Vous avez raison de dire que le résultat du référendum, qu'il soit négatif ou positif, restera sans influence sur la situation économique globale. Il est vrai également que l'OMC est en panne. Mais l'adoption du TCE renforcera le pouvoir politique de l'Europe et c'est ce qui compte le plus.

M. Eric Raoult : Chacun sait que nos présidents sont amis ; ils ont tous les deux la même approche favorable vis-à-vis du référendum, seul moyen susceptible de donner au peuple la capacité de trancher en dernier recours sur les questions d'importance.

Le caractère emblématique qu'a pris en France le cas de la journaliste Florence Aubenas, retenue en otage en Irak, m'amène à vous interroger sur les conditions des poursuites auxquelles sont soumis certains journalistes en Algérie et plus largement sur la liberté de la presse, sur la déontologie journalistique et sur la question de la diffamation.

M. Mohamed Abbou, président du groupe d'amitié Algérie-France : Je vais essayer de vous donner un avis serein et libre. J'ai eu la chance de connaître le secteur de très près puisque j'ai été ministre de la Communication pendant treize mois et que j'ai été collaborateur d'un journal avant de rejoindre la politique.

Avant tout, je suis contre les excès d'où qu'ils viennent et favorable à la recherche d'un équilibre. Contrairement à ce que je pensais avant, l'Etat algérien ne passe pas son temps à surveiller et à contrôler la presse. Au contraire, celle-ci n'a pu exister jusqu'à maintenant que grâce aux subventions versées par l'Etat, vis-à-vis duquel tous les organes sont endettés jusqu'au cou, parce que nous avions besoin de cette presse pour améliorer notre combat contre le terrorisme et le regard extérieur. La relation entre la presse et l'Etat est très étroite, dans les deux sens car l'évolution de l'Etat a été beaucoup plus rapide que si elle n'avait pas existé. Il faut reconnaître que la presse algérienne a joué un rôle fondamental dans les avancées de la démocratie dans notre pays. Cela dit, il y a eu des excès de part et d'autre : du côté de la presse, si elle a le droit d'éveiller et d'entretenir la vigilance, elle n'a pas le droit de désespérer ; du côté de l'Etat, nous ne sommes pas tous d'accord avec le contenu de certains textes votés.

La démocratie ne se construit pas en un jour, mais par petites avancées ; le consensus laisse toujours sur le bord de la route ceux qui sont trop en avance. La démocratie ne va pas de soi, il faut la construire avec obstination. Notre président a dû lui-même, pour faire évoluer la démocratie, recourir à des actes d'autorité qui ne peuvent être soumis à débat.

Cela me fait mal que des journalistes soient touchés, mais si les reproches sont objectifs, la justice fera son travail. Nous sommes très vigilants sur cette question.

M. Benhalima Boutouiga, député (RND) de Tiaret : Nous avons assisté hier à la journée sur la liberté de la presse. Je tiens à préciser que nous avons plus de quarante quotidiens qui ont un tirage global de 1.600.000 exemplaires. Il faut rappeler que l'Etat avait pris en charge nos journalistes, sur le plan financier mais aussi sur le plan de la sécurité, en les incluant dans les zones de sécurité de l'Etat. Nous sommes nombreux au Parlement à protéger la liberté d'expression.

M. Djelloul Djoudi, député de Sétif, président du groupe parlementaire du Parti des Travailleurs (PT) : Nous sommes fiers de notre presse, qui joue un rôle essentiel. Un journaliste ne doit pas être emprisonné sur la base de ses écrits. C'est l'un des axes fondamentaux de la démocratie qu'il faut défendre.

M. Bernard Derosier : J'ai le sentiment d'être dans un pays démocratique. J'ai été impressionné par le nombre de titres et par la liberté de ton qui règne en général. Le correspondant d'El Watan à Lille m'a fait part de ses inquiétudes même si l'affaire est devant la justice. Les députés français sont toujours très vigilants quant à la liberté de la presse.

Je dois conclure un débat beaucoup trop court à mon goût. J'en ai retenu qu'il nous appartient de défendre la place de nos deux pays dans le concert international et que nous avons des lignes d'accord sur de nombreux points (Moyen-Orient, Israël, poids et volonté hégémonique des Etats-Unis).

_ Rencontres dans les Wilayas d'Oran, Relizane et Mostaganem

Au cours d'un bref séjour à Oran, la délégation a été reçue à l'Hôtel de Ville, avant d'effectuer un tour de ville puis une visite du centre culturel français et, enfin d'être reçue à dîner sous la tente par le Wali, M. Abdelkader Zoukh.

L'adjoint au maire d'Oran, qui a reçu la délégation en l'absence du président de l'Assemblée populaire communale en déplacement, s'est félicité de la présence de la délégation parlementaire et a souhaité la multiplication de ce genre de rencontres, alors même que la ville est heureuse de recevoir un nombre croissant de "pieds-noirs" qui viennent y retrouver leurs origines.

M. Bernard Derosier a exprimé sa satisfaction de revenir à Oran deux ans après sa précédente visite et expliqué que ce voyage était l'occasion de témoigner qu'il existe en France un courant porteur de réconciliation mais surtout d'une très forte coopération entre les deux pays.

Le lendemain, la délégation a été reçue à Relizane au siège de la Wilaya par le Wali, M. Djelloul Boukarabila, entouré des représentants des autorités locales et des administrations.

Le Wali a exposé les éléments du programme de retour à la terre de ceux qui l'ont abandonnée pendant la période d'insécurité.

M. Bernard Derosier a tenu à faire savoir que les membres de la délégation parlementaire française souhaitaient témoigner auprès de la population de la wilaya du sentiment de tristesse qui avait été le leur lors des tristes évènements qui l'avaient frappée et que "nous étions près par la pensée des Algériens qui souffraient". Il a cependant ajouté que la priorité était dorénavant de conforter la cohésion nationale, d'assurer l'avenir économique. Il a précisé qu'il souhaitait tisser des relations de jumelage entre le département du Nord et la Wilaya de Relizane, représentative de l'Algérie profonde.

Le Wali a présenté les caractéristiques principales de la Wilaya de Relizane qui comporte trois parties distinctes : l'Atlas au Nord, la plaine au centre et les hauts-plateaux au Sud ; le climat est partout très chaud ; la wilaya est un carrefour qui est concernée par un projet d'autoroute Est-Ouest ; deux barrages, dont l'un est encore à l'étude, constituent les capacités hydrauliques ; la production agricole, principalement le fait d'une petite agriculture de montagne (artichaut, production laitière : 55.000 litres/jour) constitue la principale activité économique ; il existe des potentialités sur le plan minier (calcaire, gypse, ...).

Il a ensuite rappelé le courageux comportement des Relizanais qui ont lutté contre le terrorisme et qui s'investissent maintenant dans la réconciliation. Il a regretté l'incompréhension dont ils avaient fait l'objet pendant les années 90, même de la part de "nos amis de la rive nord de la Méditerranée". Considérant que c'était du passé, il a néanmoins déploré que le terrorisme constitue un fond de commerce pour certains, sans les nommer.

Il a estimé que plus rien ne serait comme avant cette période douloureuse de l'histoire des Algériens, qui connaissent désormais leurs contradictions et savent qu'elles peuvent les amener à s'entretuer, chose impensable avant cet épisode.

Il a ensuite évoqué les grands projets structurants qui concernent la wilaya qui devrait se spécialiser dans l'agroalimentaire.

Il a terminé en souhaitant la bienvenue à la délégation française, porteuse d'un message d'amitié et de réconciliation.

Après une visite du mausolée de Sidi M'hamed Benaouda et du site de la Kalaà des Beni Rached, un déjeuner précédé d'un exposé sur les capacités agricoles de la wilaya a réuni les parlementaires français et les cadres administratifs de la wilaya à la ferme expérimentale de Matmar.

A Mostaganem, qu'elle a rejoint après une heure de route, la délégation a été reçue par la Wali, Mme Nouria ZERHOUNI, en poste depuis août 2004 après avoir exercé les mêmes fonctions à Tipaza.

Après avoir reconnu que la nomination de femmes à un niveau élevé de la hiérarchie administrative n'allait pas forcément de soi et pouvait heurter une opinion dominante, la Wali s'est félicité de sa nomination à Mostaganem, belle et riche région où les conditions sont réunies pour envisager l'avenir avec beaucoup de sérénité.

Elle s'est félicitée que sa Wilaya bénéficie du programme de développement ambitieux qui est venu prendre le relais du programme de relance de l'économie achevé en 2004. Ce deuxième programme, doté d'un financement de 55 milliards de dollars, s'attache principalement à l'amélioration des conditions de vie (eau potable, assainissement, routes, infrastructures scolaires et universitaires, santé, électrification, habitat). Il a notamment pour objectif la construction, au plan national, d'un million de logements en cinq ans, ce qui est énorme.

Elle a évoqué un autre volet important de sa mission, l'apprentissage de la démocratie et du multipartisme au niveau local, qui se poursuit non sans certains remous.

En réponse à une observation de M. Reymann sur la construction de grands ensemble d'habitation alors qu'en Europe on commence à démolir ceux qui avaient été construits 30 ou 40 ans auparavant, elle a précisé qu'il existait également des programmes "participatifs", portant sur la construction de maisons à deux niveaux avec terrasse, beaucoup mieux adaptés aux besoins d'une population d'origine rurale à 60 % que les grands immeubles collectifs qui ne correspondent pas au mode de vie des Algériens.

La rencontre avec la Wali a été suivie d'une brève visite de la ville et d'un arrêt au monument du Chahid, avant le retour par la route à l'aéroport d'Oran d'où la délégation a rejoint Alger dans la soirée.

_ Rencontres dans la Wilaya de Tipaza

En accueillant la délégation française, le Wali, M. Mohamed Ouchene, a brièvement présenté la wilaya de Tipaza qui s'étend sur 118 km le long de la côte et dont les activités dominantes sont l'agriculture, la pêche et le tourisme centré sur le site archéologique qui, en 3000 ans d'existence a vu se succéder les Puniques, les Phéniciens, les Romains et les Maurétaniens.

M. Bernard Derosier a remercié le wali pour son accueil et salué les parlementaires de Tipaza présents. Il a rappelé le souhait commun des membres de la délégation de développer les relations algéro-françaises dans tous les domaines en précisant qu'ils étaient très attentifs et très désireux d'apporter leur aide à la réalisation de cet objectif.

Le Wali a exprimé l'espoir que ces relations seront à la hauteur des celles qui existent entre les présidents des deux pays. Il s'est félicité du succès de l'Année de l'Algérie en France qui a permis de remettre en cause trop de clichés éculés et de faire sauter de nombreux tabous. La coopération décentralisée devra être à la hauteur de cette inspiration.

M. Bernard Derosier a confirmé que cette manifestation avait rencontré beaucoup d'intérêt en France et avait permis à un grand nombre d'algériens de France de renouer avec leurs racines. L'ambition est de poursuivre cet élan.

M. Mohamed Abbou a tenu à resituer cette visite de la délégation française en Algérie dans son contexte. Elle répond à la visite antérieure d'une délégation algérienne en France qui avait rencontré un vrai succès.

Il a estimé qu'il convenait de passer à une étape qualitative des relations dont l'objectif est de valoriser les deux peuples et les deux pays susceptibles de jouer un rôle de locomotives dans le bassin méditerranéen puisqu'ils sont unis sur beaucoup de plans. Il est temps de jeter un regard plus serein et plus positif vers l'avenir et de favoriser un rapprochement des populations.

Il a motivé son choix de présenter à ses amis français, qui sont à la recherche de coopérations directes, quelques villes comme Oran, Mostaganem, Relizane, ou Tipaza, bien représentatives de la diversité de l'Algérie.

Le Wali a fait savoir qu'il est très ouvert au développement des échanges et à la coopération décentralisée. Une ébauche de coopération entre l'APC de Tipaza et la ville de Vienne avait d'ailleurs déjà été nouée trois ans auparavant sous l'égide de M. Mermaz mais n'avait pas encore reçu d'applications opérationnelles.

Il a ajouté qu'il connaissait bien le Nord-Pas-de-Calais, où de nombreux scientifiques algériens ont fait leurs études, en précisant qu'il avait été frappé par la capacité de reconversion de la communauté urbaine qui a su s'adapter et échapper à la crise qui la menaçait. Il avait apprécié cette riche expérience qui serait tout à fait adaptée à la reconversion, en cours en Algérie, d'une économie dirigée à une économie libérale.

M. Bernard Derosier a précisé qu'il avait déjà rencontré quatre présidents d'Assemblée populaire de Wilaya (APW) mais que la polygamie est interdite en France ! Néanmoins il s'est déclaré prêt, si d'autres départements étaient intéressés, à relayer vers eux les demandes de coopération qui lui seraient transmises par des présidents d'APW et d'Assemblée populaire communale (APC).

M. Eric Raoult a fait savoir qu'en tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis, département qui compte la plus importante communauté algérienne après les Bouches-du-Rhône et le Nord, il se proposait de soumettre tout projet de coopération au Conseil Général en vue de trouver une collectivité, commune ou département, intéressée.

M. Mohamed Abbou a estimé que les jeunes ne veulent plus entendre de discours ni d'accords-cadres mais qu'ils veulent passer directement au concret, au palpable. Il a cité le cas d'une Algérienne, rencontrée en 2003 lors de la visite du groupe d'amitié en France, qui après avoir créé une entreprise en France n'avait pas hésité à ouvrir une antenne à Alger.

Le Wali a suggéré la possibilité d'un aménagement des cadres statutaires du jumelage par des cadres particuliers, mieux adaptés.

M. Bernard Derosier a fait référence au projet esquissé avec Mohamed Abbou, lors du congrès de l'ARIC, de mettre sur pied, sous l'égide de l'Assemblée nationale et de l'Assemblée Populaire Nationale des universités culturelles franco-algériennes alternées et mobiles. Il existe à Bavay, à 60km de Lille, un site gallo-romain qui pourrait être intéressé par un échange avec Tipaza, par exemple.

Un Sénateur a estimé que l'Algérie doit encore approfondir la décentralisation et que même si la ville de Lille est déjà jumelée, d'autres structures peuvent envisager de s'associer, tels que les hôpitaux, les services de gestion de l'eau, ou les offices de tourisme. Il existe une très grande diversité de situation à prendre en compte pour construire des partenariats.

A l'issue de la réunion, une visite guidée du site archéologique de Tipaza puis un déjeuner, ont précédé une nouvelle réunion qui a permis aux maires4 des principales villes de la wilaya de présenter leurs communes.

Le Maire de Cherchell (50.000 habitants, 130 km²) a évoqué les origines historiques de sa ville, ancien comptoir phénicien, ancienne capitale de la Maurétanie à l'époque romaine qui fut ensuite enrichie durant les périodes turque puis française. Elle doit à cette histoire glorieuse autant ses richesses culturelles, qui lui confèrent un grand potentiel touristique, qu'un port important.

La vocation agricole, touristique et artisanale de la wilaya et l'atout que constitue l'existence d'une jeunesse ambitieuse et volontaire lui permettent d'envisager un avenir prometteur.

Le maire de Cherchell a indiqué qu'il était à la recherche d'un partenariat avec une collectivité locale française, basé sur des échanges culturels et artistiques.

Le Maire de Hadjout (ex-Marengo), commune de 50.000 habitants créée en 1848 après de rudes échanges avec une tribu locale, a présenté sa ville comme l'ancien grenier de la Mitidja, devenu un important carrefour de transit entre les wilayas de Cherchell, d'Ain Defla et de Blida.

L'existence d'une jeunesse importante, dont de nombreux étudiants en technologie qui aspirent à un avenir meilleur, ainsi que sa vocation agricole, commerciale et semi industrielle, devraient permettre à sa commune de jouer un rôle important dans le développement économique de la wilaya.

Le Maire de Koléa, ville de 50.000 habitants située à 50 km de Tipaza et d'Alger, l'a présentée comme possédant une certaine notoriété sur le plan culturel : elle abrite trois associations musicales, dont l'une de dimension internationale.

Elle allie, à une fonction de services importante (Ecole nationale des impôts), une fonction agricole et commerciale et une fonction artisanale plus traditionnelle (nombreux ébénistes).

En cours d'agrandissement, la ville bénéficie de plusieurs projets en cours de réalisation (construction de 500 logements, maison de la culture, stade semi-olympique, ...)

Le Maire de Tipaza a rappelé que sa commune (25.000 habitants, 75 km à l'ouest d'Alger) est le chef-lieu de la wilaya. Il a souligné sa vocation touristique, halieutique et agricole. Elle possède 3 centres touristiques qui offrent 1.400 lits

Il a rappelé le lancement des échanges avec la ville de Vienne (Drôme) avec laquelle une convention ce coopération décentralisée à été signée en 2004. Il a mentionné également une coopération en cours avec le Conservatoire du littoral et l'inscription du site archéologique de 75 hectares au patrimoine mondial par l'UNESCO

Le Wali a clôturé cet échange en précisant qu'il restait ouvert à toutes les possibilités, que ce soit une coopération entre wilaya et conseil général ou entre assemblée populaire communale et commune. Il a signalé qu'il était prêt à accueillir une délégation de jeunes de la collectivité candidate pour enclencher une relation d'amitié et de coopération.

M. Mohamed Abbou a ajouté qu'il faudrait, à son sens, privilégier des échanges très concrets, par exemple entre maisons de la culture, dispensaires ou écoles.

M. Bernard Derosier a remercié le Wali d'avoir organisé cette rencontre, le président de l'Assemblée populaire de Wilaya pour ses mots de bienvenue et les présidents d'APC qui se sont exprimés. Il a annoncé qu'il avait l'intention de sensibiliser les relais nécessaires pour susciter des vocations à toutes les formes d'échange entre les collectivités locales françaises et algériennes.

Programme

Dimanche 1er mai

17h15 Arrivée à l'aéroport international Houari Boumediene ; accueil par M. Mohamed Abbou, président du groupe parlementaire d'amitié "Algérie-France"

Transfert et installation à l'hôtel El-Djazaïr

20h00 Dîner offert par S.E.M. Hubert Colin de Verdière, à la Résidence de France

Lundi 2 mai

 9h30 Visite de l'Assemblée Populaire Nationale

10h00 Rencontre avec le groupe parlementaire d'amitié Algérie-France

11h00 Audience de M. Amar Saadani, président de l'Assemblée Populaire Nationale

12h00 Déjeuner avec le bureau du groupe parlementaire d'amitié Algérie-France

14h00 Ouverture du Xème Congrès de l'ARIC, organisé par les universités de Lyon et d'Alger au Palais des Nations sur le thème "Partage des cultures, partage des savoirs". Message du Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika et contribution présentée par M. Mohamed Abbou, ancien ministre de la Culture

20h00 Dîner offert par M. Amar Saadani, président de l'Assemblée Populaire Nationale, à la Résidence officielle "El Mithaq"

Mardi 3 mai

 9h30 Visite du monument aux Martyrs (Chahid)

11h00 Visite de l'Institut de Formation et d'Etudes législatives (IFEL) et entretien avec son directeur, M. Boualem Tata

12h00 Déjeuner offert par Mme Zorah Drif-Bitat, vice-présidente du Conseil de la Nation, à la résidence "El Mithaq"

15h00 Entretien avec Mme Zorah Drif-Bitat au Palais Zighout Youcef suivi d'une brève visite du bâtiment

16h15 Visite du "Bastion 23", monument de l'époque Ottomane

17h00 Audience du Chef du Gouvernement, M. Ahmed Ouyahia

19h30 Concert donné par l'orchestre de la Garde Républicaine au Palais de la Culture

21h00 Dîner offert par M. Mohamed Abbou, au Palais de la Culture.

Mercredi 4 mai

 8h30 Rencontre avec les groupes politiques de l'Assemblée populaire nationale

10h30 Départ pour l'aéroport

12h00 Départ du vol "Air Algérie" pour Oran

13h00 Accueil par le Secrétaire Général de la Wilaya d'Oran

13h30 Installation et déjeuner à l'hôtel Houna

15h00 Accueil à la Mairie d'Oran par le Premier Adjoint de l'Assemblée Populaire Communale d'Oran.

16h00 Tour de ville

17h30 Visite du Centre Culturel Français

20h00 Dîner offert par le Wali d'Oran, M. Abdelkader Zoukh

Jeudi 5 mai

 8h00 Départ pour Relizane par la route

 9h15  Accueil par le Wali de Relizane, M. Djelloul Boukarabila au siège de la Wilaya

 9h45  Visite du mausolée de Sidi M'hamed Benaouda et du site de la Kalaà des Beni Rached

13h30 Présentation de la Wilaya de Relizane suivie d'un déjeuner, à la ferme expérimentale de Matmar.

14h30 Départ pour Mostaganem

15h30 Accueil par le Wali de Mostaganem, Mme Nouria Zerhouni, au siège de la Wilaya

16h30  Visite du Monument au Chahid

17h00 Départ pour l'aéroport d'Oran

20h15 Départ du vol Air Algérie pour Alger

22h00 Retour à l'hôtel El-Djazaïr

Vendredi 6 mai

 9h00 Départ pour Tipaza

10h00 Accueil par le Wali de Tipaza, M. Mohamed Ouchene, au siège de la Wilaya

11h00 Visite du musée et des ruines de l'antique Tipaza romaine

13h00 Déjeuner offert par le Wali

14h15 Entretien avec les élus de la Wilaya

15h00 Retour à Alger

16h00 Visite d'une exposition artisanale au Palais de la Culture

19h00 Entretien avec l'ambassadeur, S.E.M. Hubert Colin de Verdière

20h00 Dîner offert aux parlementaires Français et Algériens à la Résidence de France.

Samedi 7 mai

 8h00 Départ pour l'aéroport Houari Boumediene

 8h30 Entretien de M. Bernard Derosier avec le Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M. Noureddine Zerhouni

 9h30 Entretien de M. Bernard Derosier avec le Président du Conseil de la Nation, M. Abdelkader Bensalah

11h15 Départ du vol AF 3539 pour Paris

14h30 Arrivée à l'aéroport d'Orly-Ouest.

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1 Le 1er mai, quatre ministres et deux ministres délégués sur les 39 que comptait le gouvernement sortant ont été remplacés alors que six autres ont changé de portefeuille. Le changement le plus significatif a concerné le remplacement de M. Belkhadem, qui a quitté le ministère des Affaires étrangères où il a été remplacé par M. Mohamed Bedjaoui, qui présidait le Conseil constitutionnel, pour devenir ministre d'Etat, représentant personnel du Chef de l'Etat.

2 Entre-temps, le Palais Carnot avait abrité l'Assemblée consultative provisoire, créée en 1943 par le Comité Français de la Libération nationale.

3 Du 2 au 6 mai 2005, l'Association internationale de recherche culturelle (ARIC) tenait, à Alger, son Xème congrès qui a été ouvert par M. Bouteflika, président de la République.

4 Le titre officiel du Maire, en Algérie, est Président de l'Assemblée populaire communale (APC)


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