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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D' I N F O R M A T I O N

Présenté à la suite de la mission effectuée

du 12 au 16 septembre 2005

par une délégation du

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE- ROUMANIE

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Cette délégation était composée de M. M. Jean-Pierre Dufau, Président, Mme Geneviève Gaillard et MM. Loïc Bouvard, Jean-Yves Cousin, Michel Terrot.

SOMMAIRE

Carte de la roumanie 44

Première Partie : l'évolution de la Roumanie depuis la chute de Ceaucescu 77

1.- La première présidence de M. Ion ILIESCU 99

2.- La présidence de M. Emil CONSTANTINESCU 1010

3.- La seconde présidence de M. Ion ILIESCU 1414

4.- La présidence de M. Traian BASESCU 1919

Conclusion 2323

Deuxième Partie : les entretiens de la délégation 2525

1. - Mme Anca Boagiu, Ministre de l'Intégration européenne, assistée de M. Leonard Orban, secrétaire d'Etat. 2727

2.- M. Teodor Baconshi, Secrétaire d'Etat aux affaires globales au Ministère des Affaires étrangères 2727

3.- M. Cristian Rădulescu, Président du Groupe parlementaire d'amitié Roumanie - France de la Chambre des Députés, (député de Vaslui, PD) et les membres du groupe d'amitié MM. Bogdan Nicolae Niculescu-Duvaz (député de Tulcea, ancien ministre, PSD) et Mircea Valer Pusca (député de Cluj, PNL). 2828

4.- M. Adrian Nastase, Président de la Chambre des Députés, ancien Premier ministre. 2929

5.- M. Codrut Seres, Ministre de l'Economie et du Commerce 3131

6.- M. Vasile Puscas, Vice Président de la Commission du Parlement de la Roumanie pour l'Intégration Européenne, (député de Cluj, PSD), et M. Titus Corlatean, observateur au Parlement européen (député de Brasov, PSD), M. Ovidiu Gant, observateur au Parlement européen (député de Sibiu, minorité allemande), M. Petre Popeanga (député de Gorj, PRM), Mme Viorica Moisiuc (sénatrice de Neamt, PRM) et M. Eugen Mihaescu (sénateur de Bucarest, PRM), membres de la commission. 3131

7.- M. Ştefan Glăvan, Président de la Commission de politique étrangère de la Chambre des Députés, (député de Timis, PC), M. Mircea Geoană, Président de la Commission de politique étrangère du Sénat, Président du PSD, (sénateur de Dolj) et MM. Marius Rogin, (député de Neamt, PD) et Emil Strunga (député de Galati, PNL), membres de la commission, 3333

8.- M. Răzvan Murgeanu, premier vice maire général de la ville de Bucarest 3535

9.- M. Calin Popescu Tariceanu, Premier ministre de Roumanie 3737

Carte de la roumanie

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Introduction

En décembre 1989, la France redécouvre, grâce aux journaux télévisés, un pays dont les habitants s'expriment dans un excellent français. En effet, les liens culturels entre nos deux pays sont pluriséculaires. La diffusion de la langue française en Roumanie remonte au XVIIIème siècle, alors que les principautés roumaines de Valachie et de Moldavie se trouvaient encore sous domination ottomane et que les fils des grandes familles roumaines venaient faire leurs études à Paris. La France a, au cours des siècles, accueilli de nombreux intellectuels, chercheurs, artistes d'origine roumaine : Cioran, Brancusi, Eliade, Ionesco, Anna de Noailles, Enesco...

Les relations politiques entre la France et la Roumanie sont également anciennes, et trouvent leur origine dans le rôle joué par Napoléon III dans la création du jeune Etat roumain sur la scène européenne au XIXème siècle, puis dans l'aide apportée par la France à l'édification de ce nouvel Etat.

Sous le régime communiste, des liens se sont maintenus avec notamment la visite du Général de Gaulle en Roumanie en 1968. La destruction de nombreux villages roumains décidée par Ceausescu a provoqué en Europe occidentale un formidable mouvement de défense à travers la constitution d'un réseau de parrainage de ces communes dont « opération villages roumains » a coordonné l'action. Par la suite, les événements de décembre 1989 ont renforcé les «retrouvailles» entre le peuple français et le peuple roumain.

Le renversement de Ceausescu, qui s'opère à la faveur d'une révolution que l'on peut qualifier d'atypique dans le contexte des pays de l'Est, en raison de la violence et des ambiguïtés qui l'accompagnèrent, n'a pas entraîné de rupture immédiate avec le fonctionnement de l'ancien régime.

Aussi l'image de la Roumanie va se brouiller, les gouvernements successifs semblant hésiter en permanence entre réforme et immobilisme. La transition politique et économique a été plus lente que dans les autres pays de l'ancien bloc communiste et les réformes structurelles de l'économie y ont, en effet, été plus timides qu'ailleurs pendant les dix années qui suivirent la chute du dictateur.

En fait, la rupture avec l'ancien système a été la moins nette de toutes celles enregistrées à l'Est, la réalité du pouvoir restant, jusqu'à la fin de l'année 1996, aux mains de l'ancienne classe dirigeante. Cinq mois seulement après les événements de décembre 1989, les Roumains avaient créé la stupéfaction, à l'Ouest, en confiant à d'anciens dirigeants - certes parfois écartés du pouvoir dans la décennie précédente - la charge de gouverner le pays. Abstraction faite de légers remaniements, c'est la même équipe qui, rassemblée derrière le Président Iliescu, s'est trouvée aux commandes jusqu'à la fin 1996, puisqu'elle a remporté successivement les élections de 1990 et 1992.

Avant de rendre compte des entretiens entre des personnalités roumaines et la délégation de groupe d'amitié « France - Roumanie », composée de M. M. Jean-Pierre Dufau, Président, et de Mme Geneviève Gaillard, MM. Loïc Bouvard, Jean-Yves Cousin et Michel Terrot, il a paru souhaitable de rappeler l'histoire récente de la Roumanie, depuis la chute de Ceausescu en 1989 jusqu'à la veille de son accession à l'Union européenne

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Première Partie : l'évolution de la Roumanie depuis la chute de Ceaucescu

1.- La première présidence de M. Ion ILIESCU

Jusqu'à l'alternance, le peu d'empressement pour les réformes, officiellement motivé par le souci de limiter la possible « fracture sociale » de la transition démocratique, s'est traduit, dans la réalité, par la plus grande prudence en matière économique, tandis qu'une majorité de Roumains tentaient de survivre avec un salaire mensuel moyen équivalant à 70 euros environ. Loin d'être un choix idéologique, la tactique du pouvoir, jusqu'à l'automne 1996 fut, avant tout, le reflet d'une hésitation permanente. Pour pallier le manque de résultats positifs, certains responsables n'hésitèrent pas à exploiter la corde du nationalisme, qui reste relativement tenace dans un pays qui dut subir, pendant deux décennies, la politique d'autarcie suicidaire imposée par Nicolae Ceausescu.

Faute pour sa formation - le Parti de la démocratie sociale de Roumanie (PDSR) - d'avoir recueilli, à l'issue des élections législatives de septembre 1992, une majorité parlementaire suffisante pour gouverner seul, le Président Iliescu oscilla, pendant près de deux ans (1992-1994), entre, d'une part, une alliance avec les différentes forces nationalistes, déterminées à monnayer chèrement le soutien apporté lors de son élection à la présidence de la République, et, d'autre part, un rapprochement avec une opposition encore fragile, mais bénéficiant d'une audience non négligeable et croissante. Multipliant sans succès les motions de censure contre le gouvernement Vacaroiu, cette opposition, qui se voulait démocratique (pour se différencier de l'opposition qualifiée de « nationaliste »), était composée, pour l'essentiel, de formations regroupées au sein de la Convention démocratique (CDR) et du Front de Salut National (FSN) conduit par l'ancien Premier ministre, Petre Roman. Mais cette opposition a été affaiblie par une série de scissions en 1994 et 1995.

Cependant le 28 septembre 1993, la Roumanie a enregistré une première reconnaissance au niveau européen en étant admise au Conseil de l'Europe.

La grève générale déclenchée le 28 février 1994 pour protester contre la mauvaise situation économique et sociale va ébranler davantage la majorité présidentielle et, en août 1994, le Chef de l'Etat dut, en quelque sorte, « choisir son camp », en permettant l'entrée officielle au gouvernement des nationalistes du Parti pour l'unité nationale des Roumains (PUNR). Après la signature, en janvier 1995, du "protocole des quatre" marquant l'accès au pouvoir du Parti de la Grande Roumanie (PRM), du Parti de l'unité nationale des Roumains, et, dans une moindre mesure, du Parti socialiste du travail (branche conservatrice de l'ancien parti communiste, PST), le gouvernement Vacaroiu fut autant l'allié que l'otage des nationalistes.

Au cours de cette période, deux textes importants sont entrés en vigueur : le 1er février 1995, l'accord d'association entre l'Union européenne et la Roumanie et le 16 septembre de la même année, le traité avec la Hongrie, qui reconnaît les droits des minorités nationales et consacre l'inviolabilité de la frontière entre les deux pays, deux éléments non négligeables dans le vécu des Roumains.

2.- La présidence de M. Emil CONSTANTINESCU

L'année 1996 fut marquée par plusieurs scrutins électoraux majeurs : des élections locales (les secondes depuis la chute du régime Ceausescu) eurent lieu en juin, et des élections législatives et présidentielle à l'automne (il s'agissait du troisième scrutin présidentiel et parlementaire depuis 1989, le second après l'adoption de la nouvelle Constitution).

Elu confortablement à la présidence de la Roumanie, M. Constantinescu fut, dans les premiers jours de sa prise de fonction, soupçonné de vouloir procéder à une véritable « chasse aux sorcières » au sein de l'administration. Mais, en réalité, il a officiellement décidé le 23 décembre 1996, de ne procéder à d'éventuels remplacements qu'en fonction des compétences des personnes en place, et non de leur appartenance politique présente ou passée. Le Président Constantinescu a, cependant, estimé nécessaire de faire toute la vérité sur les événements qui se sont réellement produits lors de la « Révolution » de décembre 1989.

Le 20 décembre 1996, devant le Parlement, il a déclaré : « Les gens attendent la vérité. La vérité sur ce qui s'est passé lorsque des gens ont été tués ou écrasés par les chenilles des chars. Cette vérité a été, jusqu'à présent, un devoir non accompli ».

C'est le maire de Bucarest, M. Victor Ciorbea (magistrat de formation, fondateur de la première confédération syndicale libre après la chute du régime communiste) qui fut nommé Premier ministre le 19 novembre 1996, soulevant ainsi le problème du cumul de mandats entre la direction du gouvernement et celle de la municipalité. Rappelons qu'en Roumanie, si l'on peut être député ou sénateur et membre du gouvernement, il est impossible de cumuler deux mandats électifs, dont un mandat de parlementaire et un d'élu local, que ce soit municipal ou de judet (juridiction régionale), ou encore deux mandats locaux.

Issu du parti paysan (chrétien-démocrate), l'équipe au pouvoir découvre le retard pris par la Roumanie dans la mise en oeuvre des réformes structurelles de son économie. Elle en attribue la faute à l'inertie du précédent pouvoir. Mais la plupart des dirigeants de ce pays, qui ont particulièrement souffert sous le régime communiste et connu les geôles et les travaux forcés, sont âgés. Pleins de bonne volonté, mais n'ayant exercé aucune responsabilité pendant plus de trente ans, les dirigeants de ce parti vont être accusés de pratiquer le népotisme.

Le gouvernement Ciorbea a très vite été confronté à une situation difficile. Dès le 10 janvier 1997, l'arrestation du leader des mineurs de la vallée du Jiu, Miron Cosma, responsable de la « minériade » de septembre 1991 va tendre les relations avec les mineurs, même si elle est appréciée par les habitants de Bucarest. Des grèves de la faim menées par une soixantaine de « révolutionnaires », qui contestent le projet de loi gouvernemental visant à les priver de certains privilèges : exemption d'impôts, droit de préemption pour l'acquisition de terrains et d'espaces commerciaux, prennent le relais des mineurs. Ces "révolutionnaires" désignent les personnes qui ont participé, - certains de très loin et qui ne sont en fait que des nervis de l'ancienne Securitate - au soulèvement de 1989 contre Nicolae Ceausescu. L'analyse au cas par cas des « certificats de révolutionnaires » sera une parodie et continuera à gangrener la vie économique de Bucarest, les pseudo révolutionnaires se transformant en purs spéculateurs, laissant à l'abandon les locaux commerciaux à défaut de toucher des loyers supérieurs à ceux pratiqués à Paris.

Le gouvernement de Victor Ciorbea est aussi très rapidement accusé de « brader les intérêts du pays » et de provoquer une « faillite sociale » en fermant dix-sept grandes entreprises jugées non rentables. L'opposition, dominée par le parti de l'ancien Président Ion Iliescu, considère que le gouvernement n'a fait qu'obéir aux « injonctions du FMI », dont le négociateur pour la Roumanie est appelé dans la presse roumaine le « véritable Premier Ministre ».

Toujours soucieuse de la sécurité de ses frontières, la Roumanie signe le 3 mai 1997 un traité avec l'Ukraine qui confère un caractère inviolable à leur frontière commune.

Mais ces quelques réalisations ne font pas avancer le développement du pays, qui semble, au contraire, replonger plusieurs années en arrière. L'OTAN et l'Union européenne en tirent les conséquences en juillet 1997 en décidant de différer l'intégration de la Roumanie dans ces deux organismes, sanctionnant ainsi les retards pris dans le programme de réformes. Le FMI, à son tour, suspend son aide en février 1998.

Aussi, et malgré un remaniement le 6 février 1998, Victor Ciorbea est contraint à la démission le 30 mars 1998, et remplacé à la tête du gouvernement par le vice-président du Sénat, Radu Vasile.

Une nouvelle grève des mineurs du Jiu en début de l'année 1999, l'opposition de la population roumaine aux opérations militaires de l'OTAN en Yougoslavie - le Parlement a voté l'accès de l'espace aérien roumain à l'aviation de l'OTAN dans le cadre du conflit du Kosovo en avril 1999 - et les conséquences du blocage des échanges fluviaux sur le Danube et de l'embargo, de nouvelle grèves notamment à Brasov contre la dégradation du niveau de vie, vont entraîner la révocation de Radu Vasile par le Président Constantinescu le 14 décembre 1999, à la suite de la démission de dix sept de ses ministres.

Le discours revanchard du parti national paysan chrétien démocrate vis-à-vis des anciens communistes et d'une partie des libéraux ne passe plus dans la population, excédée par le clientélisme outrancier pratiqué à grande échelle depuis 1996.

Une ultime tentative est donc menée avec la nomination à la tête du gouvernement de Mugur Isarescu. Gouverneur de la Banque nationale roumaine depuis 1990, celui-ci subordonne sa nomination à de telles conditions financières et de reclassement (retour à son poste de gouverneur) que, malgré ses indéniables qualités, l'homme de la rue va se désintéresser de plus en plus de la vie publique et se laisser gagner par la nostalgie d'un pouvoir fort.

Pourtant cette gouvernance technocratique va rassurer à l'extérieur. En février 2000, la Roumanie obtient l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Union européenne. Et le 28 avril 2000 est signé un traité de partenariat avec la Moldavie, pays voisin peuplé en grande partie de Roumains et dont la langue officielle, le moldave est si proche du roumain, qu'il suffit souvent de moins d'une minute pour l'apprendre, suivant la boutade lancée par Adrian Nastase à la tribune du parlement moldave. La télévision d'Etat roumaine propose d'ailleurs sur une de ses chaînes une émission quotidienne à destination de la Moldavie.

Pour l'électeur roumain, cela ne suffit pas et les élections municipales des 4 et 18 juin 2000 sont très nettement remportées par le PDSR : 1 050 mairies sur 2 954, et 19 chefs lieux de département sur 41, ce succès électoral amorçant la victoire du Président Iliescu et de son parti aux élections présidentielle et législatives des 26 novembre et 10 décembre 2000.

3.- La seconde présidence de M. Ion ILIESCU

La faillite du Fonds national d'investissement en octobre 2000 est directement imputée au Premier ministre, ce qui provoque de nouvelles manifestations des épargnants spoliés. Le rapport annuel de la Commission européenne, très critique, et le gel par le FMI de la troisième tranche de son crédit mettent fin aux espoirs du gouvernement.

L'échec de ce gouvernement de centre-droit est patent, puisque ses candidats sont tous éliminé, dès le premier tour pour les présidentielles, et que la principale composante de la Convention démocratique roumaine, l'historique parti national paysan chrétien-démocrate (PNT-CD) n'est plus représentée au Parlement. De plus, les autres composantes - Parti national libéral (PNL) et Parti démocrate (PD) - sont en net recul.

Ion Iliescu est à nouveau élu Président de la Roumanie avec 67,8 % des suffrages, à l'issue du second tour contre le candidat du Parti de la Grande Roumanie (PRM, extrême droite) Vadim Tudor. Au premier tour, les résultats étaient les suivants : Ion Iliescu 36,35 %, Vadim Tudor 28,34 %, Theodor Stolojan (PNL) 11,70 %, Mugur Isarescu (premier ministre sortant, indépendant) 9,54 %, Gyorgy Frunda (UDMR) 6,22 %, Petre Roman (PD) 2,99 %, Theodor Melescanu (Alliance pour la Roumanie, dissident du PDSR en 1997) 1,91 %, Eduard Manole (indépendant) 1,19 % et 4 autres candidats à moins de 0,6 %.

Les élections législatives confirment cet état de fait. A la Chambre des Députés, le PDSR remporte 155 sièges sur 345 (pour 36,61 % des suffrages), le PRM 84 sièges (19,48 %), le PD 31 sièges (7,03 %), le PNL 27 sièges (6,89 %) et l'UDMR 27 sièges (6,80 %), chaque minorité ayant en outre son représentant, soit 18 sièges. La Convention démocratique, alliance regroupant autour du PNT-CD des groupuscules, n'obtient que 5 % des suffrages, seuil insuffisant pour être représenté (8 % en ce cas), et l'ApR 4 %, seuil également insuffisant (5 %).

Au Sénat, les résultats sont similaires : le PDSR remporte 65 sièges sur 140 (pour 37,09 % des suffrages), le PRM obtient 37 sièges (21,01 %), le PD 13 sièges (7,58 %), le PNL 13 sièges (7,48 %), et l'UDMR 12 sièges (6,90 %).

Cependant le PDSR ne dispose pas d'une majorité absolue à lui seul et devra ainsi composer avec l'UDMR et le PNL. Ces partis s'engagent à ne pas censurer le gouvernement pendant sa première année d'existence.

La première manifestation de ce nouveau régime est la suppression unilatérale, suite à une ordonnance d'urgence, des visas pour les citoyens des pays membres de l'Union européenne.

Le second signe affiché d'ouverture sera l'adoption de la loi initiée par Valeriu Stoica sur la restitution des biens fonciers accaparés par l'ancien régime, nombre de bâtiments dont l'usage a été rendu public étant toutefois exclus de son champ d'application. En fait ces restrictions, légalisant ainsi les abus commis précédemment, font presque regretter la loi précédente de 1995, pourtant dénoncée par les libéraux et chrétiens démocrates qui formaient l'opposition d'alors.

La Roumanie va reprendre place dans le concert international et elle apporte son soutien aux Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme. Ce renouveau va se traduire, en octobre 2001, par la validation par le FMI d'un accord d'aide, toutefois lié à un important programme de réformes.

En novembre 2002, c'est au tour de l'OTAN de proposer l'ouverture de négociations en vue de l'intégration de la Roumanie. L'alignement sur la politique américaine est ainsi récompensé.

Mais les efforts accomplis en matière d'équipements militaires se font au détriment d'autres secteurs, pourtant plus importants pour le développement du pays et le bien de la population et, en décembre 2002, l'Union européenne repousse l'échéance pour l'adhésion de la Roumanie à 2007.

En février 2003, la Roumanie se joint aux signataires de la déclaration du groupe des « Dix de Vilnius », s'alignant sur la politique américaine à l'égard de l'Irak. Le Parlement roumain octroie d'ailleurs un droit de transit aérien et terrestre aux Etats-Unis sans restriction et envoie un contingent de 278 soldats roumains en Irak. Ceci crée un malaise dans la « vieille Europe » et notamment en France, que le ministre roumain des affaires étrangères essayera de dissiper lors d'une visite à Paris.

Le Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin officialise l'intention émise par la Commission en avril de fixer à fin 2004 la date de conclusion des négociations d'adhésion et à 2007 celle de l'intégration.

Après le remaniement de février concernant 14 ministères dont les secrétaires d'Etat changent, c'est au tour des ministres de subir un remaniement au 15 juin. Très vite, en juillet, est conclu un traité d'amitié et de coopération russo-roumain. Le gouvernement s'attaque ensuite à la nécessaire réforme fiscale, en prévoyant un taux unique d'imposition de 23 %, applicable à compter du 1er janvier 2005. Le 15 octobre, la dernière tranche du crédit stand by de 58 millions de dollars est débloquée par le FMI : c'est le premier accord à être mené à son terme sur les six conclus depuis 1990.

Cela n'évite cependant pas une crise gouvernementale suite à la dénonciation de certaines erreurs ministérielles, entraînant le limogeage de trois ministres. Une nouvelle constitution, destinée à faciliter l'intégration future de la Roumanie dans l'UE est approuvée par référendum le 19 octobre 2003 avec 89,7 % de suffrages favorables, la participation frôlant les 56 %.

Le rapport de suivi sur l'état des négociations en novembre est cependant mitigé, onze chapitres sur les 31 restent à conclure, ce qui n'empêche pas le Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 décembre de confirmer les dates du 31 décembre 2004 pour conclure les négociations d'adhésion et du 1er janvier 2007 pour l'intégration à l'UE, les traités d'adhésion devant être signés en 2005.

L'année 2003 peut donc bien se résumer par la formule des officiels roumains «la paix par l'OTAN, la prospérité par l'Union Européenne».

La Roumanie commence l'année 2004 par son accession pour deux ans au Conseil de sécurité de l'ONU, où elle remplace la Bulgarie. Cette année électorale voit la création, dès le 14 janvier, d'une alliance nommée « Justice et Vérité », regroupant le Parti national libéral et le Parti démocrate.

Ce début d'année est également marqué par plusieurs déclarations sévères de parlementaires européens, tels Arie Oostlander, rapporteur du Parlement européen pour la Turquie, qui préconise un report de la date d'adhésion de la Roumanie à l'UE ou la baronne Emma Nicholson, rapporteure du Parlement européen pour la Roumanie et qui s'est illustrée sur la question de l'adoption internationale, qui préconise, la suspension des négociations d'adhésion. La réponse à ces prises de position et à la mise en cause par la Commission européenne du fonctionnement de la justice sera un nouveau remaniement ministériel début mars 2004. Ce geste permet l'approbation par le Parlement européen, le 11 mars, du rapport de la commission des affaires étrangères, mais le risque de découplage avec la Bulgarie est brandi si la Roumanie ne fait pas plus d'efforts. Pour répondre aux craintes de passage clandestin des frontières, la Roumanie met en place, le 1er avril, un régime de visas obligatoires entre la Roumanie et la Turquie. Estimant que les avertissements précédents ont été pris en compte, le commissaire européen à l'élargissement a rendu publique une évaluation favorable le 27 avril 2004.

Le mois d'avril avait d'ailleurs été marqué par l'entrée officielle de la Roumanie dans l'OTAN aux côtés de six autres pays d'Europe centrale et orientale.

Les chapitres 7 (agriculture) et 29 (dispositions financières et budgétaires) sont clos le 3 juin, jour du lancement officiel par Renault - Dacia de son modèle LOGAN à 5000 €.

Les nécessaires augmentations, au 1er juin, de 9 % des tarifs de communications téléphoniques locales, de 12 % de l'énergie thermique, de 5 % du gaz et de 2,8 % des carburants sont très mal acceptées par la population, ce qui se traduit dans les urnes les 6 et 20 juin. Les élections locales voient une percée des listes communes de l'Alliance et des listes séparées la constituant. Le PSD perd nombre de mairies de grandes villes.

Le Conseil européen de Bruxelles des 17 et 18 juin réaffirme que la Roumanie et la Bulgarie sont sur un pied d'égalité, la marche accélérée de la Roumanie lui permettant de clore provisoirement le 30 juin le chapitre 14 sur l'énergie, la libéralisation du marché de l'énergie étant prévue en juillet 2007.

La décision gouvernementale de réduire l'impôt sur les sociétés à 25 % en juin 2004, 22-23 % en 2005, 20 % en 2006 et 19 % en 2007 sera saluée le 4 octobre par le rapport de suivi de la Commission européenne qui accorde à la Roumanie le statut d'économie fonctionnelle de marché.

Un coup de théâtre se produit le 17 octobre : Theodor Stolojan (PNL), candidat de l'Alliance Justice et Vérité (DA) se retire pour raison de santé de la course à l'élection présidentielle, et laisse sa place au maire de Bucarest, Traian Basescu (PD).

4.- La présidence de M. Traian BASESCU

A la surprise générale, Traian Basescu remporte le second tour des élections présidentielles avec 51,23 % des suffrages contre le candidat du PSD Adrian Nastase 48,77 %, pourtant arrivé en tête le 28 novembre 2004 avec 40,94 % contre 33,92 %, et donné vainqueur par tous les sondages. Les autres résultats du premier tour étaient les suivants : Vadim Tudor : 12,57 %, Marko Bela (UDMR) : 5,10 %, les autres candidats faisant moins de 1,5 %.

Entre les deux tours de l'élection présidentielle, le 8 décembre, la Roumanie avait réussi à clôturer les 31 chapitres sur la reprise de l'acquis communautaire

Les élections législatives du 28 novembre 2004 confirment le premier tour de l'élection présidentielle.

A la Chambre des Députés, la coalition Parti social-démocrate (PSD) - Parti humaniste roumain (PUR), avec 36,61 % des suffrages, remporte 132 sièges sur 332 (115 PSD, 17 PUR), le PRM obtient 12,98 % des suffrages et 48 sièges, l'Alliance Justice et Vérité regroupant le PD et le PNL 31,33 % et 112 sièges (65 PNL 47 PD), l'UDMR 6,17 % et 22 sièges, chaque minorité ayant toujours son représentant soit 18 sièges. Le PNT-CD n'atteint toujours pas le seuil nécessaire pour être représenté (5 %).

Au Sénat, les résultats sont similaires : le PSD avec 37,13 % des suffrages remporte 57 sièges sur 137 (46 PSD et 11 PUR), le PRM obtient 13,63 % des suffrages et 21 sièges, l'Alliance 31,77 % et 49 sièges (29 PNL et 20 PD), l'UDMR 6,23 % et 10 sièges.

Aux élections législatives, le Parti social-démocrate (PSD) et le Parti humaniste roumain (PUR) font candidatures communes, ce qui va entraîner l'élection à la tête des deux chambres de deux candidats PSD, Adrian Nastase à la Chambre des députés et Nicolae Vacaroiu au Sénat le 20 décembre.

Mais pour obtenir la confiance du Parlement, après de multiples consultations, le gouvernement va regrouper outre l'Alliance, des représentants de l'UDMR et trois ministres, dont un d'Etat, issus du Parti humaniste roumain (PUR). Cette volte-face du parti hongrois et du parti humaniste va créer un malaise dans la classe politique roumaine.

Le 16 décembre, avant de céder son fauteuil présidentiel, le président Iliescu gracie Miron Cosma, condamné à 18 ans de prison suite aux « minériades » et annule cette grâce le lendemain suite au tollé de protestations dans l'ensemble du pays.

Le malaise ressenti suite au « débauchage » de parlementaires du PSD va conduire le nouveau Président de la République à vouloir organiser rapidement de nouvelles élections législatives, afin d'asseoir plus largement son pouvoir. Des tensions vont très vite apparaître entre le Président de la République et son Premier ministre, avec le souci d'inverser au sein de l'Alliance le poids de chacune des composantes (PD 40 % et PNL 60 %).

Pour dissoudre le Parlement, il est nécessaire que le gouvernement soit mis en minorité deux fois de suite. Or, aucune motion de censure n'a été adoptée lors de ces premiers mois, et de ce fait, il ne peut y avoir d'élections anticipées. L'exécutif va s'employer à remettre en question l'élection des Présidents des deux chambres, en modifiant le règlement intérieur de celles-ci avec effet rétroactif. La Cour constitutionnelle invalidera cette procédure.

Toutefois, faisant l'objet d'une enquête pénale pour corruption, le président de la Chambre des députés, M. Adrian Nastase, sera amené ultérieurement à démissionner.

Hors des frontières roumaines, les premières déclarations du président Basescu sur la priorité accordée à l'axe Bucarest - Londres - Washington au détriment de l'Europe sont assez mal comprises. Pour la première fois depuis la révolution, la première visite du Chef de l'Etat roumain ne sera pas Paris mais Londres, qui il est vrai a conclu un plus grand nombre de jumelages institutionnels avec la Roumanie.

La nouvelle équipe applique dès le 1er janvier sa promesse en matière fiscale, avec un taux unique de 16 % pour l'impôt sur le revenu, tant pour les particuliers que les entreprises et obtient en février un accord du FMI, pour un relèvement du salaire mensuel moyen qui passe de 198 à 244 euros

La préférence « atlantique » du Président Basescu se réaffirme en mars, où il se rend à Washington pour une visite officielle, l'accueil du président Bush étant jugé particulièrement chaleureux

Le 3 avril 2005, l'élection du nouveau maire de Bucarest. Adrian Videanu (DA) avec 53 % des voix contre 30 % à Marian Vanghelie du PSD se fait dans l'indifférence générale (25 % de votants).

La signature à Luxembourg, le 25 avril 2005, du traité d'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne marque enfin la concrétisation des efforts menés depuis l'an 2000, et le Parlement roumain ratifie à l'unanimité le 17 mai ce traité d'adhésion.

La réforme monétaire prend effet le 1er juillet avec l'instauration d'un « leu lourd » (RON) et l'émission de nouveaux billets (1 RON = 10 000 lei).

Mais l'instabilité continue, alimentée de tous côtés : le Premier ministre annonce son intention de démissionner le 7 juillet à la suite du rejet par la Cour constitutionnelle des projets de lois sur la réforme en profondeur de la justice, pour y renoncer le 18 juillet, en invoquant l'urgence des mesures à prendre pour faire face aux dégâts engendrés par les inondations catastrophiques que connaît le pays. Ceci entraîne des clivages au sein de son propre parti et l'opposition de certains de ses ministres qui vont démissionner, sans pour cela obtenir les postes espérés.

Le malaise est également présent dans la population et notamment dans les associations de propriétaires de terrains et d'immeubles nationalisés à l'époque communiste, qui critiquent la forme finale de la loi et les modalités de restitution, à défaut de dédommagement ; de nombreux responsables politiques de tous bords étant soupçonnés d'avoir accaparé une fraction importante de ces biens, le sujet est très épineux.

De même, les tentatives de modification du règlement intérieur des chambres du Parlement, qui visent à remettre en cause l'élection des Présidents, peuvent apparaître comme des pratiques d'un autre temps.

Conclusion

Ce vaste panorama historique était nécessaire pour comprendre la teneur des entretiens - joints en annexe - qu'a eu la délégation du groupe d'amitié.

Il en ressort un message d'espoir mais aussi d'incertitude. La France, comme l'Union européenne, devront en tenir compte pour accompagner la Roumanie sur la voie de l'élargissement.

L'effort de la Roumanie pour intégrer l'Union européenne a été constant depuis la « révolution » et ce quelque soit le gouvernement, ce pays ayant par ailleurs été le premier pays d'Europe centrale et continentale à demander son adhésion.

L'unanimité des différents partis politiques pour relever le défi d'une l'adhésion à l'Union européenne aussi rapide que possible s'est notamment traduite dans les faits par l'accélération des réformes qui a permis de clore avant la fin de 2004 les différents chapitres du processus d'adhésion.

D'un défi, la Roumanie est passée à un véritable espoir, et il faut voir cette adhésion non comme le cinquième élargissement européen mais comme la reconstitution de l'Europe, que Yalta avait partagé sans tenir compte des aspirations des populations.

Les liens particuliers qui unissent la Roumanie à la France, tant sur le plan historique que culturel et économique, se trouvent encore renforcés par le prochain Sommet de la Francophonie en septembre 2006,

En conclusion, la mission se dit très satisfaite de son séjour roumain, de la clarté des engagements des responsables roumains et de leurs réponses et réaffirme que l'Europe doit faire pleinement jouer la préférence communautaire, afin de marquer la solidarité des Etats qui la composent.

Deuxième Partie : les entretiens de la délégation

1. - Mme Anca Boagiu, Ministre de l'Intégration européenne, assistée de M. Leonard Orban, secrétaire d'Etat.

Après avoir remercié la France de l'aide constante apportée à la Roumanie depuis la chute de l'ancien régime, et s'être félicitée des contacts entre parlementaires, la Ministre insiste sur la nécessité d'une ratification rapide par le Parlement français du traité d'adhésion, et ce si possible dès le rapport de progrès d'octobre 2005. Elle se dit convaincue que la mise en œuvre des recommandations du rapport d'octobre 2005 ne posera aucun problème et que le Gouvernement roumain intensifiera la lutte contre la corruption, comme il a respecté le calendrier de la réforme de la Justice.

Le nombre d'eurosceptiques est plus élevé en Roumanie d'après des sondages récents, aussi sera-t-il nécessaire d'en tenir compte dans la communication à venir.

Au Président Dufau qui l'interrogeait sur les dossiers de la concurrence, de la lutte contre la corruption au plus haut niveau, des infrastructures à développer, de la politique régionale et de l'état d'esprit de la population roumaine vis-à-vis de l'Europe, la Ministre s'est dite consciente que l'Union européenne ne fait de cadeaux à personne, que rien n'est gratuit, et qu'il s'agit toujours d'un échange, alors que le monde paysan roumain attend l'Europe avec « ses cadeaux ». L'exemple de l'axe européen de circulation routière dit « corridor IV » est une bonne illustration de ce qui est attendu de l'Europe.

2.- M. Teodor Baconshi, Secrétaire d'Etat aux affaires globales au Ministère des Affaires étrangères

Le Secrétaire d'Etat se félicite d'un agenda bilatéral très riche et qui sera ponctué par le onzième sommet de la Francophonie en 2006, en rappelant qu'il fut le bénéficiaire d'une bourse française en 1990. Il sollicite une « objectivité cordiale » de la délégation et souhaite qu'elle puisse transmettre à son retour un message fidèle sur les progrès réalisés par la Roumanie et non cette image figée de la Roumanie de la dernière décennie.

En réponse aux diverses questions de la délégation, M. Baconshi confirme la priorité accordée à la Moldavie, pays pauvre dans lequel la démocratie progresse et qu'il ne faut pas abandonner, mais dont la clef principale pour la Transnistrie se situe à Kiev. La volonté de l'Ukraine de disposer d'un accès à la Mer Noire pour des navires de fort tonnage fait craindre la canalisation du bras Nord du Danube, ce qui entraînerait un désastre écologique pour cette zone unique au monde.

Le vote négatif sur la Constitution européenne est pour lui avant tout la manifestation d'un déficit de communication. Cela a fortement impressionné les élites roumaines, mais cela a été analysé comme une réponse dans le contexte des inquiétudes suscitées par l'entrée de la Turquie et d'une insatisfaction grandissante à l'égard des perspectives européennes.

L'envolée des prix du pétrole et le développement insuffisant des énergies renouvelables font craindre des jours difficiles pour la population, surtout avec les obligations imposées par le Conseil de la concurrence. Par ailleurs, toutes les infrastructures sont à développer en Roumanie.

Le retrait des troupes roumaines en Irak n'est pas envisagé, car le vide créé rendrait la situation plus grave encore. Par ailleurs, la Roumanie compte jouer un rôle important dans le Forum de la Mer Noire, afin de créer un climat susceptible de consolider la démocratie dans la zone que le Secrétaire d'Etat qualifie de « pays orange ».

3.- M. Cristian Rădulescu, Président du Groupe parlementaire d'amitié Roumanie - France de la Chambre des Députés, (député de Vaslui, PD) et les membres du groupe d'amitié MM. Bogdan Nicolae Niculescu-Duvaz (député de Tulcea, ancien ministre, PSD) et Mircea Valer Pusca (député de Cluj, PNL).

Le Président Radulescu commence par excuser un certain nombre de ses collègues, retenus par l'examen dans leurs groupes respectifs des modifications du règlement de la Chambre des Députés, afin de permettre de révoquer le Président de la Chambre en cours de mandat et d'étudier les répercussions éventuelles de telles modifications sur le processus d'intégration européenne. Il se félicite de la venue du groupe d'amitié, car il considère cette structure très utile pour échanger des informations et permettre un accroissement du développement économique des judets.

Le ministre Bogdan Niculescu-Duvaz souligne la nécessité de connaître d'autres aspects de la Roumanie que sa capitale, et juge le déplacement dans le Delta fort judicieux pour appréhender la reconstruction en profondeur du pays après les dégâts dus à la période communiste.

Il précise, en réponse à M. Bouvard qui l'interrogeait sur les différences entre majorité et opposition en matière de politique intérieure, que ces différences trouvent leur illustration dans le manque de ressources pour développer le pays ; alors que son parti avait instauré une imposition progressive jusqu'à 38 % des revenus, le gouvernement a préféré un impôt unique à 16 % qui freine donc l'effort de développement, le Président Radulescu contestant cette analyse et demandant du temps pour évaluer la justesse de cette mesure, notamment au niveau de la protection sociale.

Le Président Radulescu confirme à Mme Gaillard l'obligation pour les élections de listes de candidatures féminine sachant que cela ne donne qu'une féminisation assez limitée, soit 10 à 11 % de femmes parmi les parlementaires, alors que son parti (PD) a désigné 2 femmes sur les 8 ministres qu'il compte au sein du Gouvernement. La société civile est peu présente dans le fonctionnement des institutions roumaines, mais le gouvernement engage actuellement des discussions sur les grands projets avec les ONG et, à travers les médias, avec la population.

4.- M. Adrian Nastase, Président de la Chambre des Députés, ancien Premier ministre.

Le Président Nastase voit dans cette visite une nouvelle preuve d'amitié et un signe d'espoir, en un moment difficile, et forme le vœu que la consolidation des relations bilatérales conduise à développer de nouvelles relations tant culturelles qu'amicales, ce qui devrait contribuer à permettre aux Roumains de se sentir chez eux en Europe

Le Président Dufau, au nom de la délégation, se dit très honoré d'être reçu par le Président de la Chambre des Députés dans un moment de forte effervescence de la vie politique roumaine, ce qui est un geste d'amitié très fort. Ayant noté des progrès significatifs en Roumanie entre 2000 et 2004, grâce aux actions courageuses menées par le gouvernement de M. Nastase, il souhaite avoir l'opinion du Président sur l'approche agricole roumaine pour l'intégration dans l'Union face à la logique productiviste de l'Europe. S'il estime satisfaisant le développement de la coopération tant économique que culturelle, le nouveau Lycée Anna de Noailles ne doit cependant pas masquer le manque flagrant des chaînes françaises de télévision dans le paysage audio visuel roumain et les conséquences que cela ne manquera pas d'avoir en matière de francophonie, de même que la présence des grands groupes industriels ne peut faire oublier la faiblesse de la présence des PME françaises.

Le Président Nastase rappelle que lors de la dernière année de son gouvernement le pays avait enregistré 8,3 % de croissance économique après trois années à plus de 5 %. Malgré cette progression remarquable, le niveau de vie reste faible et les électeurs sont frustrés, ils attendent trop et trop vite, et ne sont pas conscient des difficultés à venir. C'est pourquoi le nouveau Président de la République voudrait de nouvelles élections pour ne pas payer en 2009 les efforts qu'il devra imposer au moment de l'adhésion. On relève un certain immobilisme depuis les élections de fin 2004, aucune visite officielle en Roumanie n'ayant eu lieu depuis cette date, hormis celle du Président ukrainien et, si un consensus se dégage sur l'adhésion européenne, il faut absolument éviter un dérapage, un éventuel report de l'adhésion actuellement prévue le 1er janvier 2007 ne garantissant pas une adhésion en 2008. Or, la Roumanie semble avoir d'autres priorités puisque moins de six mois après les élections générales, le Président de la République voulait déjà des élections anticipées, et que le gouvernement n'a aujourd'hui de cesse de remplacer les Présidents des deux Chambres, fixant au 15 septembre la date de leur révocation, en faisant fi de la décision de la Cour Constitutionnelle et en mettant en œuvre le jour même le nouveau règlement sans attendre sa décision. La Roumanie semble donc engluée dans les suites de la campagne électorale.

Le Président Nastase est persuadé que l'on peut faire beaucoup plus en matière de relations bilatérales, et s'il est très content du jumelage PHARE en matière de coopération parlementaire, il craint qu'à l'avenir, ces relations bilatérales ne se réduisent comme une peau de chagrin. Il faudrait beaucoup de projets comparables à celui de Renault-Dacia pour la Logan, réussite extraordinaire pour l'image de la Roumanie.

5.- M. Codrut Seres, Ministre de l'Economie et du Commerce

Le ministre se félicite de la présence des investisseurs français en Roumanie et du bon exemple de transparence que ces entreprises donnent au milieu d'affaires roumain. Il souhaite bien sûr accueillir davantage de multinationales et d'entreprises françaises, notamment dans des secteurs clefs, tels la défense et l'énergie. Dans le domaine de la défense, le partenariat peut prendre la forme d'une coopération mixte ou d'un investissement à 100 % français. La privatisation de l'industrie aéronautique, industrie de très haute technologie, devrait permettre à la France, qu'il considère comme le plus grand et le plus fiable partenaire en Europe, de renforcer sa présence. Il veut maintenant convaincre, à l'instar des grandes compagnies françaises qui apprécient les avantages de la Roumanie, les petites et moyennes entreprises d'élargir cette coopération. Aussi, il demande l'appui de la France pour une ratification rapide du traité d'adhésion.

6.- M. Vasile Puscas, Vice Président de la Commission du Parlement de la Roumanie pour l'Intégration Européenne, (député de Cluj, PSD), et M. Titus Corlatean, observateur au Parlement européen (député de Brasov, PSD), M. Ovidiu Gant, observateur au Parlement européen (député de Sibiu, minorité allemande), M. Petre Popeanga (député de Gorj, PRM), Mme Viorica Moisiuc (sénatrice de Neamt, PRM) et M. Eugen Mihaescu (sénateur de Bucarest, PRM), membres de la commission.

M. Puscas, qui fut le négociateur en chef du Gouvernement Nastase, s'interroge d'abord sur le meilleur moyen pour sa commission d'œuvrer en faveur de l'adhésion à l'U.E. M. Corlatean rappelle que la Roumanie a perdu près de neuf mois avec la réforme de la justice, rendant le ministère public plus proche de l'exécutif, et que son parti a proposé un « pacte pour l'Europe », l'objectif principal de la Roumanie étant son adhésion au 1er janvier 2007 ; or depuis cette proposition faite il y a plus de deux mois, aucune réponse n'est parvenue. M. Puscas réaffirme que le projet d'adhésion est autant un projet de société qu'un projet politique.

Un long échange s'instaure ensuite entre les membres de la délégation et les représentants du parti de la Grande Roumanie sur le rôle de la société civile dans la gouvernance d'un pays, les moyens d'intervention de la société civile, et leur intervention dans la décision finale.

A M. Bouvard qui interrogeait sur le critère d'adhésion le plus difficile à satisfaire, sur la surenchère possible entre partis pour cette adhésion, et sur un parallèle avec l'adhésion à l'OTAN, le Président Puscas indique que la compétitivité économique est la plus difficile à réaliser. Pour les autres points, il y a les paroles et les faits, beaucoup parlent, mais il peut présenter un bilan de ce qui a été réalisé. La rivalité existe, la proposition de « pacte pour l'Europe » afin d'accélérer l'adhésion n'a pas recueilli l'accord du gouvernement actuel. Pour M. Corlatean, c'est la qualité de l'administration qui pose le plus grand problème. L'intégration n'est pas un sujet public, il n'y a pas réellement d'opposants déclarés au stade actuel, mais il commence à y avoir une prise de conscience des difficultés à venir et des coûts de cette adhésion.

Le sénateur Mihaescu, qui fut antérieurement représentant de la Roumanie auprès de l'UNESCO, rappelle que la plupart des grands hommes roumains se sont formés à Paris, et que pour les Roumains la France est le symbole de l'Europe. La Roumanie est encore plus francophile que francophone, et l'adhésion est un choix sentimental, et marque le « retour dans la famille ».

En ce qui concerne l'image souvent déformée de la Roumanie donnée par les médias, notamment en ce qui concerne la situation des Roms, M. Cousin et le Président Dufau rappellent que les nombreuses coopérations décentralisées qui se mettent en place permettront de traiter ces problèmes d'image. Toutefois, il faut solder le plus rapidement possible quelques passifs, dont celui de la corruption.

7.- M. Ştefan Glăvan, Président de la Commission de politique étrangère de la Chambre des Députés, (député de Timis, PC), M. Mircea Geoană, Président de la Commission de politique étrangère du Sénat, Président du PSD, (sénateur de Dolj) et MM. Marius Rogin, (député de Neamt, PD) et Emil Strunga (député de Galati, PNL), membres de la commission,

Le Président Geoana, après avoir exprimé sa satisfaction de voir que les liens franco-roumains restent très forts, estime que sans l'appui de la France la Roumanie n'aurait pas été capable d'intégrer l'Europe. La Roumanie est un bastion de la francophonie, qui est un outil formidable pour la jeunesse roumaine. Aussi forme-t-il de grandes ambitions pour un partenariat qui sera bénéfique aux jeunes générations. La France joue toujours son rôle en Europe et influence de ce fait l'évolution de la Roumanie. Le Président Glavan renchérit sur l'alchimie intellectuelle franco-roumaine qui fonctionne toujours et souligne que l'appui de la France pour l'intégration européenne est primordial.

Le Président Dufau rappelle la constance de la position française à l'égard de la Roumanie et dit son plaisir à voir la Roumanie franchir un pas de plus vers la démocratie. L'intégration européenne permettra de tourner la page, mais il faut aussi approfondir les liens entre la France et la Roumanie

Le Président Glavan insiste sur l'importance de l'aspect culturel de ces relations, et cite les grands hommes roumains dans la culture européenne qui ont séjourné à Paris : Brancusi, Cioran, Eliade pour n'en citer que quelques uns.

M. Michel Terrot revient sur l'intégration européenne et se félicité de la mission prochaine du Président de la commission des affaires étrangères M. Edouard Balladur à Bucarest.

Le Président Geoana juge que le moment est délicat pour l'Europe avec des combinaisons de cycles négatifs tant en Allemagne qu'en France, où se pose le problème du modèle social. La Roumanie risque de découvrir les mauvais côtés européens mais il estime que les nouveaux arrivants ne doivent pas payer pour les autres. Si la France s'interroge sur les limites géographiques de l'Europe, la tentation facile de bloquer tout élargissement serait une faute grave. Si les nouveaux arrivés font craindre une vague d'immigration, cette crainte doit être relativisée dans le domaine de l'emploi. Nul ne prétend qu'il n'y a plus de réformes à faire d'ici 2007 mais, pour la première fois en Roumanie, le consensus qui existait antérieurement en matière de politique étrangère - et qui constituait un atout - n'est plus de mise. La Roumanie veut des liens étroits avec la France, mais aussi avec l'Europe et les Etats-Unis d'Amérique. Mais la lutte politique est si dure en Roumanie qu'on peut craindre l'apparition de dissensions sur les grandes orientations à retenir. Aussi, il considère qu'avoir une pression positive de ses amis est une bonne chose pour le nouveau gouvernement, et pour cela il compte sur deux organismes : le forum des personnalités et le groupe d'amitié parlementaire. Enfin il ne faut pas négliger l'action des anciens boursiers qui ont étudié en France.

Le Président Dufau souligne que lors des grandes occasions, un pays est d'autant plus fort qu'il est uni ; ce fut le cas en France lors de la déclaration de guerre en Irak, toutes les sensibilités confondues ont été derrière le Président de la République et le ministre des affaires étrangères, M. de Villepin, lorsqu'il s'est exprimé à l'ONU.

M. Marius Rogin revient sur les inquiétudes exprimées et la nécessité pour son parti et la coalition de remplacer un « système mafieux ». Il y a beaucoup de convulsions dans le domaine de la justice et dans toutes les instances décentralisées. Il se dit ensuite convaincu que le Président BASESCU n'a pas voulu vexer la France en évoquant un axe Washington - Londres - Bucarest, et que pour le Président et l'ensemble des partis de la coalition la France reste un partenaire privilégié.

En réponse à M. Jean-Yves Cousin, qui se réjouit de l'évolution des opinions publiques et du travail entrepris par la Roumanie sur son image, le Président Glavan se dit extrêmement touché des paroles qu'il vient d'entendre et de la persistance du lien de cœur avec la France.

8.- M. Răzvan Murgeanu, premier vice maire général de la ville de Bucarest

M. Răzvan Murgeanu, se félicite des excellentes relations entre la Mairie et la France. Au point de vue économique, il existe une très bonne relation avec Veolia Water, pour l'approvisionnement en eau et la remise en état des canalisations de Bucarest. Un projet de construction d'un nouveau bâtiment pouvant accueillir 900 élèves au lycée Anna de Noailles est en cours, la mise à disposition du terrain nécessaire ayant été décidée pendant qu'il exerçait son intérim de maire général. Il fonde de grands espoirs pour 2006  et le sommet de la francophonie, qui permettra de nouer des contacts dans de nombreux domaines et pas seulement dans celui de la culture.

Le trafic routier est devenu un problème à Bucarest ; en 1989, il fallait attendre 3 ans pour avoir une voiture neuve, maintenant les délais sont moindre et le parc compte 1 300 000 véhicules, soit dix fois plus, or le réseau a été dessiné en 1940. Bucarest manque de parkings souterrains et 3 000 places sont prévues à la gare du Nord. Heureusement, 80 % de la population bucarestoise utilise les transports publics, mais il faut les développer ; un appel d'offre pour acheter de nouveaux bus va être lancé le mois prochain, alors que pour le développement du métro, 20 nouvelles rames construites par Bombardier ont été achetées. Par contre, la non réalisation de la rénovation du boulevard de ceinture cause beaucoup de soucis et aggrave les problèmes de circulation.

La ville de Bucarest compte aujourd'hui 2,5 millions d'habitants sur 234 km2, dont 350 à 400 000 habitants pour le seul 3ème arrondissement mais l'agglomération inclura à l'avenir les villes voisines, ce qui portera la population à 3,5 millions d'habitants.

A Mme Geneviève Gaillard qui s'inquiétait des zones constructibles de Bucarest, M. Răzvan Murgeanu confirme que la ville essaye de se développer harmonieusement, en bloquant l'évolution vers le nord, car le principal axe de développement se situe dans la partie nord, zone proche de l'aéroport. Le sud de Bucarest est moins cher, mais connaît des problèmes sociaux, le quartier s'etant construit sur l'ancien bidonville occupé par les Roms ; actuellement, aucune facture de services publics n'étant réglée, il est difficile d'améliorer la situation. En fait, la situation des Roms est mal abordée depuis 40 ans : cette population ne peut vivre en immeuble et la sédentarisation voulue sous Ceausescu fut une énorme erreur. 23 ONG représentatives des Roms travaillent dans Bucarest (40 000 Roms résident sur Bucarest soit 10 % des 400 000 Roms de Roumanie. La Mairie étudie avec les « guildes », qui sont plus ouvertes que d'autres associations de Roms, une proposition d'un « campus » avec toutes les facilités où les Roms pourraient s'organiser de manière autonome. Mais la municipalité ne peut faire abstraction du fait que 90 % des trafiquants de drogue sont des Roms.

Au Président Dufau qui s'interrogeait sur les autres problèmes rencontrés à Bucarest en dehors de celui des Roms, M. Răzvan Murgeanu expose les difficultés du chauffage urbain, hérité de l'époque communiste : les 3 000 km de tuyaux pour le chauffage entraînent beaucoup de pertes, mais il est difficile de tout changer malgré la nécessité de moderniser ce réseau. Pour ce qui est du Samu social, les résultats sont mitigés, ce service ne fonctionnant que partiellement.

Mme Geneviève Gaillard s'inquiète de la politique de stérilisation des chiens de Bucarest ; M. Răzvan Murgeanu y voit aussi les séquelles de la période Ceausescu, quand celui-ci a démoli la moitié de la ville en organisant un transfert des populations des quartiers pavillonnaires vers des cités-dortoirs mais a laissé les chiens sur place. Il y a eu un retour à la vie sauvage, et le développement du phénomène de chiens errants, ayant des difficultés à trouver leur nourriture et devenant de ce fait de plus en plus agressifs et présents dans le centre ville. Aujourd'hui, le nombre de chiens errants recommence à croître après les interventions de Brigitte Bardot ; à Bucarest, la solution ne peut être que radicale.

9.- M. Calin Popescu Tariceanu, Premier ministre de Roumanie

Le Premier ministre constate que l'Etat moderne roumain est le fruit de l'aide de la France depuis la moitié du XIXème siècle. Aussi, il compte beaucoup sur l'appui de la France en ce moment pour l'intégration européenne, puisqu'il a l'ambition de respecter tous les engagements pris par la Roumanie.

Le Premier ministre est flatté de l'opinion du Président Dufau quant au parcours favorable de la Roumanie vers l'adhésion au 1er janvier 2007. Cependant, il veut également se référer à l'appréciation d'autres acteurs et plus particulièrement de la Commission européenne. Il soulève les principaux points identifiés pour parvenir à l'adhésion dans les délais : la concurrence qui est, à ses yeux, le plus important et les plus remarqués que sont la justice et la grande corruption. Mais il ne faut pas négliger deux autres domaines que sont l'environnement et l'agriculture.

Il se dit confiant dans la renégociation du contrat EADS, qui devrait permettre la sécurisation des frontières, y compris, celle avec la Moldavie. En matière de concurrence et de compétitivité et malgré les aides d'Etat, pas toujours respectées, des progrès sont remarqués.

Dans le domaine de l'agriculture, le retard essentiel concerne la sécurité alimentaire. La Roumanie fut un pays aux richesses agricoles très grandes, mais c'est du passé. Le potentiel est non valorisé, la rétrocession totale des terres aux anciens propriétaires a créé un grand déséquilibre, et sans retourner à l'ancien système la Roumanie a besoin de fermes de moyennes dimensions économiquement viables et non de fermes autarciques.

Jugeant préoccupante la situation en matière de justice, le Premier ministre souligne qu'il a voulu une Ministre de la Justice n'appartenant à aucun parti, comme tous les secrétaires d'Etat de ce ministère, ce qui n'empêche pas que tous les projets de réforme sont contestés. Pour lutter contre la corruption au plus haut niveau, il a imposé de nouvelles déclarations des biens et du patrimoine personnel de tous les membres du Cabinet, du Parlement et de tous les fonctionnaires publics. A ce jour, il n'y a pas eu de scandales depuis la création du gouvernement. Mais il est nécessaire d'aller plus loin, avec un projet de réforme judiciaire incluant la réforme de la procurature, bien que des intérêts divergents s'expriment sur cette question. Des tests d'intégrité ont été instaurés pour la police, et vont l'être pour les douanes. Aussi le Premier ministre attend-il le rapport de la Commission fin octobre avec l'espoir que ces avancées seront reconnues.

Au Président Dufau qui lui fait part de la susceptibilité des « européens » quand aux annonces de partenariat et à la nécessité de renforcer les liens bilatéraux, le Premier ministre se félicite du partenariat stratégique qui existe entre la France et la Roumanie, la France étant le 2ème partenaire économique de la Roumanie. La Roumanie exporte 70 % vers l'Europe, la Roumanie est déjà de fait dans l'Europe. Les Roumains se sentent déjà Européens, la Roumanie est l'amie de la France et sait qu'elle peut compter sur elle, comme elle a compté sur elle pour la recréation du tissu industriel grâce à Renault - Dacia, Carrefour, Gaz se France, Alcatel, Lafarge, Saint Gobain, Bouygues, Colas, Société Générale pour ne citer que les principales entreprises qui lui viennent immédiatement à l'esprit. L'Ambassadeur de France appuie cette déclaration par un exemple particulièrement réussi de coopération et d'intégration, puisque la Banque Roumaine de Développement, filiale de la Société Générale, ne compte qu'une vingtaine d'expatriés dans ses cadres. Le Premier ministre est toutefois conscient du recul du français dans les jeunes générations, et l'agrandissement du lycée ne pourra stopper ce phénomène. Le sommet de la francophonie en 2006 arrive à point nommé pour enrayer le processus qui se développe depuis quelques années avec l'apparition de très nombreuses chaînes de télévision étrangères, mais la quasi absence de programmes français.

M. Loïc Bouvard interroge le Premier ministre sur sa vision de l'appartenance à l'OTAN et à l'Union européenne et le Président Dufau sur la relation roumano-ukrainienne et la volonté de l'Ukraine de création d'un canal à grand gabarit dans le bras nord du Danube. Le Premier ministre a le sentiment que la Roumanie apporte la stabilité dans la région de la mer Noire. Pour la Transnistrie, il est encore un peu tôt, il faut prendre en compte les efforts de la Moldavie vers la démocratie, mais la position de l'Ukraine ne varie guère, les changements étant encore insuffisants. Pour les Balkans de l'ouest, la Roumanie a une coopération importante avec la Macédoine, plus difficile avec le Monténégro dans son désir d'indépendance. Il faut dépasser les blocages nés dans ces pays de l'ex-Yougoslavie, mais le Premier ministre souhaite que la Roumanie et l'Union Européenne puissent conjuguer leurs efforts pour aider ces Etats sur le chemin de la démocratie. L'OTAN et certains Etats européens ont une divergence au sujet de l'Irak, pays que les Roumains ont l'impression de bien connaître car ils ont souffert du même genre de dictature. La décision d'intervention a été prise par le précédent gouvernement, mais c'est une position commune de tous les Roumains d'aider l'Irak ; à ce jour, on constate que le résultat est loin des espérances. La division des pays européens sur l'Irak a été ressenti en Roumanie comme une hésitation sur l'engagement européen en cas de crise, et a conforté la Roumanie dans son engagement au sein de l'OTAN.

A M. Michel Terrot qui précise que la ratification du traité d'adhésion par la France, consistera pour le Parlement français le premier débat sur l'Europe après le référendum, le Premier ministre se dit confiant sur l'évaluation qui sera faite de ses six premiers mois de son gouvernement.

Le Premier ministre répond à M. Jean-Yves Cousin, qui souhaite connaître la perception roumaine de l'adhésion de la Turquie, que cette question est très difficile, car la Roumanie a de forts liens économiques avec Turquie. Il est indéniable par contre que les progrès enregistrés en Turquie tiennent à la partie européenne du pays, à Istanbul. L'arrivée de la Turquie procurera un corridor sanitaire à l'Europe, mais ce pays doit encore faire des progrès en matière de démocratie. Il existe trop de décalages entre les régions de Turquie, mais un partenariat doit être envisagé pour éviter la montée de l'intégrisme.

Mme Geneviève Gaillard soulève la douloureuse question de l'adoption internationale et souhaite savoir quelle solution peut être envisagée pour les 25 familles françaises en attente. Le Premier ministre est conscient de ce problème très délicat, qui concerne également des familles en Espagne et aux Etats-Unis. Beaucoup de cas d'adoptions ont été critiqués par l'Union européenne, à cause de dessous de table, d'où le moratoire qui a été décrété, mais beaucoup de dossiers ont été déposés pendant ce moratoire. En 2004, une nouvelle législation, élaborée après consultation de l'Union Européenne, est entrée en vigueur, amenant un blocage des procédures d'adoption. Le Premier ministre se dit ouvert à examiner les seuls dossiers déposés avant le moratoire et ce après une analyse au cas par cas.

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