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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D' I N F O R M A T I O N

Présenté à la suite de la mission effectuée en

du 13 au 19 mai 2006

par une délégation du

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE-PAKISTAN(1)

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(1) Cette délégation était composée de M. Claude BIRRAUX, Président, Mme Geneviève GAILLARD, Vice-Présidente, M. Jean-Luc REITZER, Vice-Président, et M. Jacques DESALLANGRE.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 6

I - LES ATOUTS D'UN PAYS EN DEVENIR 7

A) Un redressement économique spectaculaire 7

a) Une croissance économique forte 8

b) L'explosion de la demande dans de nombreux secteurs 8

1. Un retour des investissements étrangers et des transferts financiers 9

2. La recherche de nouveaux marchés 10

3. Des ressources naturelles à exploiter 10

c) Une économie convalescente 12

1. Le rôle de l'assistance extérieure 12

2. La réduction de la pauvreté, enjeu ressenti 13

B) Une nouvelle image internationale 14

a) Un partenariat à préserver avec des alliés puissants 15

1. Une alliance pragmatique avec les Etats-Unis 15

2. Une relation solide avec la Chine 15

b) Un rôle modérateur 16

1. Un rapprochement en demi-teinte avec l'Inde 17

2. Des tensions contenues avec l'Afghanistan 22

3. Des relations à cultiver avec les Républiques d'Asie

centrale 23

4. Des rapports mesurés avec l'Iran 24

c) Une volonté partagée d'approfondir les échanges

avec la France 26

1. Les perspectives de développement des relations commerciales 26

2. Un appui dans les domaines universitaire, scientifique et technique 27

3. Un soutien très apprécié après le tremblement de terre 29

4. Le souhait d'approfondir le dialogue 31

C) Une démocratie durable ? 31

1. Le retour à la stabilité institutionnelle 32

2. Une base sociale insuffisante 33

II - LES INCERTITUDES D'UNE NATION FRAGILE ET COMPLEXE 34

A) Une unité inachevée 34

a) La question de l'autorité de l'État dans les zones tribales 36

b) La résurgence du mouvement nationaliste baloutche 37

B) Des structures sociales archaïques 39

a) Le pouvoir des élites traditionnelles 39

b) L'omniprésence de l'armée 40

C) La contestation islamiste 45

a) L'islamisme radical, un phénomène ancien 45

b) La percée de l'islam politique 49

CONCLUSION 51

ANNEXES 52

Programme de la mission 52

Fiche signalétique du Pakistan 55

Chronologie des principaux événements 1999-2002 58

Biographie du Président Pervez Musharraf 60

« Le temps de la modération éclairée » : discours du Président Pervez Musharraf 62

Les partis politiques au Pakistan 67

CARTE DU PAKISTAN

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INTRODUCTION

Marginalisé par la communauté internationale après les essais nucléaires de 1998 et le coup d'Etat du Général Musharraf de 1999, le Pakistan est passé soudainement de l'ombre à la lumière en s'engageant aux côtés des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001.

Il continue toutefois de susciter méfiance et inquiétude, conservant son image de pays violent et instable, de puissance nucléaire en proie à tous les extrémismes.

Il est vrai que sa naissance douloureuse suivie de l'amputation d'une partie de son territoire ne le prédisposait pas à une évolution sereine. De fait, en soixante ans d'existence, le « Pays des Purs » a connu trois guerres interétatiques et trois coups d'Etats.

Deuxième pays musulman par sa population (160 millions d'habitants), le Pakistan tente d'atteindre la maturité et de trouver sa place sur la scène internationale, servi par une situation géostratégique exceptionnelle et la volonté politique forte de ses dirigeants.

Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 1999, le Président Musharraf est parvenu à redresser une économie au bord du gouffre, à normaliser les relations avec les voisins proches et à rétablir la stabilité politique.

Mais sa légitimité reste à confirmer et, pour mener à bien le développement du pays, moderniser un Etat fragile en quête d'unité et prévenir les dérives sectaires, il doit associer les exigences de la communauté internationale aux attentes contradictoires d'une nation complexe.

C'est pour tenter de mieux appréhender la situation politique et économique du Pakistan et les enjeux majeurs auxquels il est confronté qu'une délégation du groupe d'amitié s'est rendue dans le pays du 13 au 19 mai 2006, à l'invitation du Président de l'Assemblée nationale, M. Chaudhry Amir Hussain, également Président du groupe d'amitié Pakistan-France.

Conduite par M. Claude Birraux, député (UMP) de Haute-Savoie, la mission se composait de Mme Geneviève Gaillard, (SOC - Deux-Sèvres), MM. Jacques Desallangre (CR- Aisne), et Jean-Luc Reitzer (UMP- Haut-Rhin).

Les membres de la délégation tiennent à adresser leurs plus vifs remerciements à leurs hôtes pakistanais pour l'accueil exceptionnel qu'ils leur ont réservé.

Ils expriment toute leur gratitude à Son Exc. M. Régis de Belenet, Ambassadeur de France au Pakistan, pour sa très grande disponibilité et l'aide précieuse qu'il leur a apportée dans tous leurs déplacements, ainsi qu'à  M. François Marchand, Premier Conseiller, pour la qualité et la diversité des contacts qu'il a favorisés. Ils ont également beaucoup apprécié le dynamisme de M. Matthieu Pinel, Directeur de l'Alliance française de Lahore, et les efforts déployés par l'ensemble des services de l'Ambassade de France à Islamabad, qui ont permis la réussite de cette mission.

I- LES ATOUTS D'UN PAYS EN DEVENIR

A) Un redressement économique spectaculaire

Héritant d'une situation économique préoccupante - un lourd endettement extérieur aggravé par les sanctions financières imposées au pays -, le Général Musharraf a pris le pouvoir le 12 octobre 1999 avec l'ambition affichée de restaurer la confiance, redresser l'économie et lutter contre la corruption.

Les différents plans de relance et d'ajustement structurels mis en place à partir de décembre 1999 par le ministre des Finances Shaukat Aziz, ancien vice-président du groupe américain CitiBank, ont porté leurs fruits à partir des années 2002-2003.

Sous la pression et avec l'aide des bailleurs de fonds, le gouvernement a mené de front plusieurs chantiers : libéralisation du commerce extérieur, réforme du système bancaire et du marché de capitaux, déréglementation, privatisation et restructuration des entreprises publiques largement déficitaires, réforme de l'administration fiscale et enfin amélioration de la gouvernance.

Cette politique a favorisé l'installation d'une croissance forte et entraîné l'explosion de la demande dans de nombreux secteurs.

Certes, l'économie pakistanaise dispose de nombreuses ressources et s'ouvre résolument sur l'extérieur ; mais elle est encore convalescente, dépendant largement de l'assistance extérieure  et confrontée au problème de la pauvreté, qui constitue l'un des enjeux essentiel des années à venir.

a) Une croissance économique forte

En situation de quasi faillite en 1999, l'économie pakistanaise enregistre en 2005-2006 une croissance de 6,6%, après avoir atteint 8,4% en 2004-2005, taux le plus élevé d'Asie après la Chine.

Le PIB par habitant, en hausse de plus de 50% par rapport à 2001-2002, s'élève à 800$ en 2005-2006.

Tirée par les secteurs de l'industrie (textile, industrie chimique et engrais), le secteur agricole (blé, coton, canne à sucre) et les services (secteur financier et télécommunications), la croissance s'accompagne toutefois d'une forte inflation (9,3% en 2004-2005, 8% en 2005-2006).

La dette publique extérieure a été fortement réduite ; elle demeure élevée mais soutenable (33% du PIB en 2004-2005, 30% environ en 2005-2006).

En quatre ans, le Pakistan est parvenu à assainir ses comptes grâce à la mise en place d'une Facilité financière pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance menée à terme avec le FMI (2004) ; le gouvernement a poursuivi l'effort en se dotant d'un dispositif législatif qui encadre la discipline budgétaire appliquée jusque là. Le service de la dette s'est allégé et les déficits budgétaires ont ainsi pu être réduits de moitié en cinq ans.

Toutefois, les recettes budgétaires demeurent faibles (17% du PIB) et le poids de l'impôt, un des plus bas d'Asie (9% du PIB) ; seuls 15% de la population s'acquittent de l'impôt sur le revenu, auquel échappent les agriculteurs.

La libéralisation du marché s'est accélérée depuis 2005 avec la privatisation de plusieurs monopoles d'Etat dans les secteurs de l'électricité, de la téléphonie et du raffinage ; les tarifs douaniers ont été fortement réduits (25% pour les plus élevés contre 65% en 1996), et le système bancaire connaît un mouvement de concentration.

b) L'explosion de la demande dans de nombreux secteurs

La croissance économique élevée, l'émergence d'une classe moyenne d'environ 30 millions d'individus (exploitants agricoles, acteurs urbains du secteur des services, de la sphère économique et commerciale), l'augmentation démographique (2,2% par an)  génèrent d'importants besoins (énergie, infrastructures, biens d'équipement et de consommation), d'autant que le Pakistan est situé dans une zone de forte expansion économique.

L'ouverture économique du pays est devenue un impératif pour le gouvernement qui encourage les investissements étrangers et des transferts financiers vers les secteurs porteurs, ainsi que la recherche de nouveaux marchés et la mise en valeur des ressources naturelles encore sous-exploitées.

1) Un retour des investissements étrangers et des transferts financiers

Grâce à la libéralisation de l'économie et à l'amélioration de l'environnement des affaires, le Pakistan connaît depuis 2002 une montée en puissance des flux d'investissements directs étrangers.

Le gouvernement pakistanais a signé avec 46 pays, dont la France, des traités bilatéraux de protection des investissements autorisant le libre rapatriement du capital investi et des bénéfices réalisés ; de même, des accords visant à prévenir la double imposition ont été conclus avec 52 pays, France comprise. Par ailleurs, le Pakistan s'apprête à ratifier la Convention de New York de 1958 sur le règlement des différends (reconnaissance et exécution des sentences arbitrales étrangères).

En 2005, les IDE ont atteint 3 milliards de dollars. Provenant pour l'essentiel des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne (34% de l'ensemble), des Emirats Arabes Unis et de l'Arabie Saoudite (26%), ils se concentrent principalement dans le secteur des télécommunications (technologies de l'Information et de la Communication, téléphonie mobile et fixe), le secteur financier et celui des hydrocarbures.

A ces flux s'ajoutent les transferts financiers effectués, dans le contexte de l'après-11 septembre, par la diaspora pakistanaise émigrée aux Etats-Unis, en Arabie Saoudite et au Royaume-Uni1.

2) La recherche de nouveaux marchés

Le commerce extérieur représente 13% du PIB. Les exportations sont peu diversifiées, le textile et l'habillement en constituant 60% devant le riz et le sucre. La faiblesse du taux d'ouverture s'explique par la politique protectionniste qui était menée avant l'arrivée au pouvoir du Président Musharraf et l'absence de relations commerciales avec l'Inde. 

Le Pakistan a engagé des négociations pour signer des accords bilatéraux de libre échange avec une dizaine de pays2 ; d'ores et déjà, un accord de ce type concernant plus de 300 produits a été signé avec le Sri-Lanka ; des pourparlers sont également en cours avec les Etats-Unis. Tant attendue, l'entrée en vigueur, en juillet 2006, du traité de libre échange entre les sept pays de l'Association de l'Asie du Sud pour la Coopération Régionale (SAARC)3 devrait faciliter les démarches du Pakistan en direction des nations voisines.

L'accès au marché est en effet essentiel au développement du pays. Une augmentation des exportations d'un milliard de dollars pourrait faire vivre entre 1,2 et 1,4 million de personnes supplémentaires ; elle permettrait en outre de réduire le déficit de la balance commerciale, qui s'est aggravé en 2005-2006 ; les importations (principalement pétrole, matières premières et biens d'équipement) ont augmenté de 36% tandis que les exportations ne progressaient que de 13%.

3) Des ressources naturelles à exploiter

Le Pakistan est un pays essentiellement agricole

L'agriculture représente 25% du PIB, emploie 45% de la population active et fait vivre 65% de la population. La plus grande partie des cultures se situent dans les plaines du Punjab et du Sindh, alimentées par l'Indus.

Les trois cultures majeures sont le blé, le riz et la canne à sucre. Le Pakistan est autosuffisant en blé depuis une trentaine d'années et exportateur de riz. Il est également le troisième producteur mondial de coton.

Les exploitations sont dans leur très grande majorité d'une taille inférieure à trois hectares ; 56% d'entre elles sont concentrées entre les mains de quelques grandes familles ; les modes de production sont archaïques et l'irrigation insuffisante. Par ailleurs, l'agriculture est un secteur exposé, dépendant de conditions climatiques régionales particulières (inondations).

L'élevage et la production laitière pourraient être développés ; le Pakistan est actuellement le 5ème producteur mondial de lait.

Les ressources énergétiques et minières

La consommation énergétique du Pakistan était de 55,5 millions de TEP (tonnes équivalent de pétrole) en 2004-2005 et devrait atteindre 119 millions de TEP, d'ici 2018-2019.

A l'heure actuelle, la répartition entre les différentes sources d'énergie fait apparaître une nette dépendance au gaz naturel (50,4 %), suivi par le pétrole (29,4%), l'hydroélectricité (11%), le charbon (7,6%), l'énergie nucléaire (1,2%) et le GPL (0,4%).

La stratégie du gouvernement dans le domaine énergétique consiste à réduire la dépendance du pays aux importations d'hydrocarbures. Pour cela, il envisage d'exploiter les ressources nationales et, en premier lieu, l'important potentiel hydroélectrique du pays :

- Hydroélectricité : sur 157 millions d'habitants, seulement 49% de la population a accès à l'électricité. Dans le cadre du programme « Energy Security Plan 2005-2030 », le Pakistan prévoit d'augmenter, d'ici 2015, sa capacité installée de 143.000 MW. A ce titre, de nombreux projets de grands barrages et de centrales thermiques au gaz sont à l'étude ;

- Pétrole et gaz : les premiers champs pétrolifères ont été découverts en 1915 ; depuis les années 1980, l'exploitation est plus intensive, en particulier dans le Sindh. Mais la production de pétrole, qui s'élève à 64.248 barils/jour, ne couvre que 15% des besoins. Le secteur de l'exploration pétrolière et gazière est actuellement très actif ; de nouveaux gisements ont été découverts en 2003 au sud d'Islamabad et le gouvernement encourage le secteur privé et la participation de nombreuses sociétés étrangères (BP, Petronas, Eni) ;

- Charbon et minerais : le Pakistan compte environ 5.000 mines en exploitation. Le Sindh (désert de Thar) possède la 5ème plus grande réserve mondiale de charbon - 184 milliards de tonnes, dont seulement 4,5 à 5 millions sont extraites annuellement essentiellement pour la production de briques - .

Le charbon ne représente plus que 5% des sources d'énergie utilisées au Pakistan et moins de 1% de celles consacrées à la production d'électricité.

Le pays dispose également d'importantes réserves de minerai de fer, d'aluminium, de plomb, de zinc et surtout de cuivre. Il pourrait bientôt devenir l'un des 5 premiers pays producteurs de cuivre dans le monde et, compte tenu de l'explosion de la demande, le principal fournisseur des économies en expansion en Asie.

Dans ce contexte, les autorités ont planifié un investissement de 67 milliards de dollars d'ici 2010, afin de développer le secteur minier au niveau fédéral et provincial, en particulier dans les régions de l'Azad-et-Jamu Cachemire et des zones tribales, en accélérant les travaux d'exploration, de forage et d'analyse.

- Un accroissement de la part des énergies renouvelables (éolienne, photovoltaïque) est également envisagé.

Le dynamisme économique et les nombreux potentiels dont dispose le pays ne doivent pas masquer les fragilités d'une économie convalescente.

c) Une économie convalescente

1) Le rôle de l'assistance extérieure

L'embellie économique et la forte croissance s'expliquent en grande partie par la levée des sanctions après le 11 septembre et l'assistance financière importante qui a été apportée au pays pour le soutenir dans sa lutte contre le terrorisme : prêt du FMI de 1,5 milliard de dollars dans le cadre du programme pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (PRGF), prêts concessionnels de la Banque Mondiale (1,8 milliards de dollars sur trois ans), de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (600 millions de dollars pour 2004-2006), accord avec la Banque Asiatique de développement pour un montant de 2,6 milliards de dollars.

S'y ajoutent les rééchelonnements de la dette consentis par le Club de Paris en 2002 (12,5 milliards de dollars), et le Japon (4,5 milliards de dollars), l'accord avec les Etats-Unis pour une réduction de la dette (3 milliards de dollars), ainsi que plusieurs financements significatifs de l'International Finance Corporation et de la Banque islamique de Développement.

De son côté, l'Union européenne a conclu en 2004 avec le Pakistan un nouvel accord de coopération économique, commerciale et technologique, portant également sur les droits de l'Homme, la lutte contre la criminalité et le blanchiment de capitaux, et a adopté un ensemble de mesure facilitant les exportations de produits pakistanais vers l'Europe.

2) La réduction de la pauvreté, enjeu essentiel

L'amélioration de la situation économique, qui s'est accompagnée d'une forte inflation, n'a pas profité aux plus défavorisés.

En 2005, l'indice de développement humain du PNUD plaçait le Pakistan au 135ème rang sur 177. Actuellement, 39% de la population a moins de 15 ans et l'espérance de vie à la naissance est de 62,4 ans pour les hommes et 64,44 ans pour les femmes. Avec un taux d'accroissement de 2,2% par an, la population pakistanaise devrait compter, en 2025, 250 millions d'individus.

Alors que la part du budget consacrée aux dépenses sociales était jusqu'à présent demeurée faible comparée à celle allouée aux dépenses militaires, les autorités pakistanaises ont pris conscience que la réduction de la pauvreté représentait l'enjeu essentiel qui conditionnait la poursuite du développement et la stabilité politique, en particulier dans la perspective des échéances électorales de 2007.

Déjà, la loi de Finances pour 2005-2006 témoignait de la volonté du gouvernement de consacrer une partie des fruits de la croissance à cet objectif. Pour la première fois, dans un contexte de rapprochement indo-pakistanais, le budget de développement dépassait le budget de la défense (25% contre 20%) : les dépenses relatives au développement étaient en hausse de 34,7% alors que les dépenses courantes n'augmentaient que de 5%. Les infrastructures, l'éducation et la santé, l'agriculture et l'élevage, la justice et le droit ainsi que l'environnement constituaient les domaines prioritaires.

Le budget 2006-2007 poursuit cette orientation, bien qu'il semble davantage suivre une logique pré-électorale. Construit sur des hypothèses de croissance du PIB de 7%, d'une inflation ramenée à 6,5% et d'une baisse du rythme de croissance des importations, il est en hausse de 20% sur le précédent.

Les dépenses de développement représentent un tiers des dépenses totales, contre un quart précédemment ; l'accent a été mis sur les infrastructures (eau, communications, électricité, et sur le secteur social (santé, éducation, science et technologie). Le budget prévoit par ailleurs des programmes destinés à augmenter l'emploi, les salaires et la productivité dans le secteur de l'agriculture. Le budget de la défense, qui semble toutefois sous-évalué, est estimé à 2,8% du PIB.

Dans le même temps sont prévues un certain nombre de mesures destinées à augmenter les revenus des ménages et à améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs pour soutenir la demande. La baisse ou la suppression des tarifs sur certains produits importés doit favoriser l'expansion industrielle et agricole ; l'effort est dirigé vers les petites et moyennes entreprises perçues comme principale source de création d'emploi, avec l'objectif de réduire la part du secteur informel.

B) Une nouvelle image internationale

Ouvert sur le sous-continent indien à l'est et au sud-est, sur le Moyen-Orient à l'ouest, et sur l'Asie Centrale au nord, le Pakistan dispose d'une frontière commune avec la Chine au nord-est et d'un débouché maritime sur la mer d'Arabie et le Golfe Persique au sud.

Cette situation géostratégique particulière et l'étonnante redistribution des cartes qui s'est opérée après les attentats du 11 septembre ont favorisé le Pakistan. Mis en accusation après les essais nucléaires de mai 1998, l'offensive de Kargil à l'été 1999 et le coup d'Etat militaire en octobre de la même année, ostracisé pour son soutien au régime taliban, il a pu réintégrer la communauté internationale grâce à son engagement aux côtés des Etats-Unis.

Dans ses relations avec l'étranger, le Pakistan souhaite donner l'image d'un pays charnière entre l'Occident et l'Orient, pratiquant un islam modéré et éclairé4. Le processus d'ouverture sur l'extérieur qui s'est traduit par la conclusion de nombreux accords commerciaux, s'accompagne de la volonté de développer le partenariat déjà existant avec ses puissants alliés - Etats-Unis et Chine -, de jouer un rôle stabilisateur dans la région et de resserrer les liens avec l'Europe et, en particulier, avec la France.

a) Un partenariat à préserver avec des alliés puissants

1) Une alliance pragmatique avec les Etats-Unis

Les relations entre les deux pays, qui évoluent au gré des intérêts stratégiques américains, font alterner phases de rapprochement et d'assistance et périodes de disgrâce et d'embargo.

Après son engagement dans la lutte contre le terrorisme, le Pakistan a obtenu la levée des sanctions économiques, ainsi que le versement d'une importante assistance financière (3 milliards de dollars sur cinq ans) et matérielle (fourniture de véhicules militaires, moyens de communication et de surveillance, financement de projets sociaux).

Il a en outre obtenu le statut d'allié majeur, non-membre de l'OTAN, lors de la visite du Secrétaire d'Etat, Colin Powell, en mars 2004.

Grâce à sa position géostratégique, le Pakistan ouvre à son partenaire américain  la possibilité de développer ses relations avec les pays d'Asie centrale ; il peut servir d'appui régional en cas de tensions avec l'Iran et d'intermédiaire si les rapports avec les pays du Golfe deviennent conflictuels.

Le Pakistan attend en retour le soutien des Etats-Unis sur la question du Cachemire, son aval au projet de gazoduc Iran-Inde à travers son territoire qui lui procurerait des revenus financiers non négligeables, sa contribution politique, technique et financière pour l'autre projet de gazoduc reliant les Etats d'Asie centrale à Karachi via l'Afghanistan.

C'est pourquoi le rapprochement avec Dehli opéré depuis quelques années par Washington, suscite de l'inquiétude et du ressentiment au Pakistan. Misant sur la grande démocratie qu'est l'Inde, notamment face à la Chine, les Etats-Unis ont conclu avec elle un partenariat stratégique conduisant au renforcement de la coopération militaire et à la signature de deux accords dans le domaine nucléaire en juillet 2005 et mars 2006.

2) Une relation solide avec la Chine

L'alliance avec la Chine, qui constitue une donnée essentielle de la politique étrangère pakistanaise, couvre depuis 1950 tous les domaines politique, diplomatique, militaire, économique et commercial.

Figurant parmi les premiers pays à avoir reconnu la République populaire, le Pakistan est rapidement parvenu à s'entendre avec elle sur la délimitation des frontières. En outre, Pékin a apporté son soutien politique et diplomatique à Islamabad lors des conflits avec l'Inde en 1965 et 1971, puis, dans les années 1980 lors de l'invasion soviétique en Afghanistan.

Ces appuis, ainsi que la coopération militaire et balistique qui s'est engagée (missiles Shaheen M-11, M-9 et M-18) se sont avérés précieux au moment des différents embargos sur la livraison d'équipements militaires décrétés par les Etats-Unis.

Cette coopération s'étend au nucléaire. Dans les années 1990, la Chine a fourni les plans et réalisé l'installation du réacteur de Khushab (Punjab) ; en décembre 2005 a été inaugurée la centrale nucléaire de Chasnupp-2, construite avec l'aide chinoise ; d'une puissance de 300 mégawatts, elle devrait être opérationnelle en 2011. Deux nouvelles phases Chasnupp-3 et 4 seront réalisées d'ici 2030.

Les deux pays soulignent par ailleurs leur complémentarité économique : le Pakistan est riche en ressources naturelles alors que la Chine possède des technologies applicables et des expériences de développement. Cette complémentarité devrait conduire à réduire les déséquilibres commerciaux et encourager la coopération entre entreprises5. En 2004, la Chine était le 5ème client du Pakistan et son 1er fournisseur.

Il faut rappeler enfin que le port de Gwadar, sur la mer d'Arabie, est un élément clef de la stratégie énergétique de Pékin ; ce port naturel en eaux profondes permettra d'acheminer le pétrole du Golfe Persique vers les provinces de l'Ouest de la Chine. Sa construction, dont la première phase a été réalisée en 2005, est pilotée par le Pakistan et soutenue financièrement par la Chine ; elle devrait se terminer en 2010.

b) Un rôle modérateur

Entretenir des relations de bon voisinage est essentiel pour le Pakistan, comme l'ont rappelé à la délégation M. Khursheed Kasuri, ministre des Affaires étrangères du Pakistan et Mme Shireen Mazari (ISS). Mais à l'est, ses relations avec l'Inde, bien qu'apaisées, demeurent en demi-teinte ; à l'ouest, le Pakistan s'efforce de contenir les tensions avec l'Afghanistan notamment parce que de la stabilisation de ce pays dépend le développement des relations avec les Républiques d'Asie centrale ; quant aux relations avec l'Iran, elles sont mesurées.

1) Un rapprochement en demi-teinte avec l'Inde

■ Depuis la partition en 1947, les relations indo-pakistanaises se sont structurées de manière conflictuelle autour de la question du Cachemire.

Ce contentieux résume la vision antagoniste de la nation sur laquelle les deux Etats se sont constitués : en revendiquant un État à majorité musulmane, l'Inde prouve son caractère fondamentalement fédéral et laïque, tandis que le Pakistan affirme sa vocation à être un havre pour les musulmans d'Asie du Sud.

Les gouvernements indiens ont longtemps traité la rébellion sécessionniste cachemirie comme une simple question de "maintien de l'ordre" craignant, si le Cachemire accédait à l'indépendance ou passait sous souveraineté pakistanaise, que d'autres provinces ne réclament la séparation ; ils ont donc présenté cette rébellion comme venant d'une "cinquième colonne" pakistanaise. Cette approche a renforcé l'hostilité des Cachemiris musulmans à l'égard de l'Inde.

Le Pakistan, quant à lui, a profité de ces erreurs politiques en soutenant massivement les forces sécessionnistes, l'armée pakistanaise n'étant pas mécontente d'entretenir une insurrection qui, à faible coût, mobilisait la moitié des troupes indiennes...et lui assurait l'appui de la population, mobilisée sur la question du Cachemire.

Récemment, l'Inde et le Pakistan ont adopté une attitude plus modérée, après deux années de très forte tension qui ont fait craindre que la mobilisation des troupes le long de la frontière indo-pakistanaise ne dégénère en un conflit déclaré. En avril 2003, dans un discours à Srinagar, le premier ministre indien Atal Bihari Vajpayee a décidé de « tendre la main de l'amitié » au Pakistan, en démobilisant ses troupes et suggérant de rétablir les communications aériennes et terrestres. De son côté, Islamabad a proposé en novembre, un cessez-le-feu inconditionnel le long de la ligne de contrôle.

Lors du sommet de l'Association de l'Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC) qui s'est tenu à Islamabad en janvier 2004, le Président Musharraf a accepté de poursuivre un « dialogue composite », dans lequel le règlement de la question du Cachemire ne serait plus un préalable à la discussion des autres contentieux ; il a en outre déclaré « ne permettre à aucun territoire sous contrôle pakistanais d'être utilisé pour quelque activité terroriste que ce soit » ; déjà, en décembre 2003, il avait annoncé que son pays pourrait « mettre de côté » les résolutions des Nations unies appelant à un référendum au Cachemire, si cela permettait d'élaborer une solution pacifique.

Plusieurs mesures de confiance ont été mises en place (retour des ambassadeurs dans les deux pays, reprise des liaisons aériennes civiles, libération de prisonniers, proposition de concessions commerciales).

Ce processus n'a pas été affecté par l'alternance politique en Inde et le retour du parti du Congrès au pouvoir en mai 2004, le nouveau gouvernement indien ayant fait part de sa volonté de poursuivre sur la voie du dialogue. Cette avancée s'est concrétisée par l'ouverture, le 7 avril 2005, d'une ligne d'autocars entre Srinagar (capitale du Cachemire indien) et Muzaffarabad (Azad Cachemire) ; en 2006, un accord de principe a été trouvé sur l'ouverture d'une seconde ligne entre Lahore et Amritsar.

Par ailleurs, les pourparlers concernant le projet de gazoduc Iran-Pakistan-Inde, qui avaient été entamés en 1994, ont repris. Un accord, signé en juin 2005, prévoit que l'Iran fournira 5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an à l'Inde pour une période de 25 ans commençant en 2009 ; le gaz provient d'un gisement offshore iranien dans le Golfe Persique et le gazoduc fournira aussi de l'énergie au Pakistan. La mise en œuvre de cet accord par l'Inde est néanmoins compliquée par l'opposition des Etats-Unis, qui souhaitent maintenir l'isolement de l'Iran.

Les relations entre l'Inde et le Pakistan semblent donc s'apaiser : le commerce entre les deux pays a connu une évolution sensible, le Président Musharraf s'est rendu à New Dehli du 16 au 18 avril 2005 et l'Inde a offert son aide aux victimes pakistanaise après le séisme au Cachemire d'octobre 2005.

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Le Cachemire aujourd'hui (carte simplifiée)

Les hésitations du Cachemire indépendant (1947-1948)

Lors de l'Indépendance, les régions dont la majorité de la population est musulmane deviennent automatiquement pakistanaises, celles à majorité hindoue devenant indiennes. Cependant, les États princiers placés sous le protectorat britannique et ayant donc conservé quelque autonomie du temps de l'Empire des Indes ont le choix de rallier l'un ou l'autre des deux pays nouvellement créés. Parmi ces États princiers, le Cachemire constitue un cas particulier. Essentiellement peuplé de musulmans, il est gouverné par un prince hindou, le maharadjah Hari Singh, de la dynastie Dogra. Dans un premier temps, celui-ci tergiverse, refuse de choisir entre l'Inde et le Pakistan. Victime de raids de tribus pathanes venues du Pakistan et auxquelles se joint une partie de la population locale, le Cachemire demande (en octobre 1947) à être rattaché à l'Inde pour contrer ces attaques. L'armée indienne combat dès lors celle du Pakistan, venue en renfort (mars 1948).

Le cessez-le-feu (1949) et la Guerre froide

A la demande de l'Inde, l'ONU intervient et négocie un cessez-le-feu. Celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 1949. Les armées indienne et pakistanaise se retirent de part et d'autre d'une Ligne de contrôle qui divise de facto le Cachemire en deux : les deux tiers forment l'État fédéré indien du Jammu-et-Cachemire (capitale Srinagar), le Pakistan administrant le dernier tiers, qui comprend deux entités : l'Azad Jammu-et-Cachemire ("Jammu-et-Cachemire libre", capitale Muzaffarabad) et les Territoires du Nord (capitale Gilgit). Un référendum d'autodétermination doit être organisé par l'Inde (qui s'y refuse par la suite). La monarchie cachemirie est abolie en 1952. En 1965, la question du Cachemire conduit de nouveau les deux États à se livrer une guerre que perd le Pakistan.

Au cours de la guerre froide, le Cachemire détermine pour partie les choix géopolitique des deux pays. Le Pakistan devient un des piliers de la présence occidentale en Asie ; les relations entre l'Inde et les Etats-Unis restent tendues, en particulier à cause du non-alignement de l'Inde. Par la suite, après les guerres indo-chinoises de 1962 et indo-pakistanaise de 1965 et 1971, apparaissent l'amitié indo-russe et le rapprochement entre le Pakistan, la Chine et les Etats-Unis.

L'apparition d'un islamisme militant (1989)

La guerre d'Afghanistan renforce le rôle du Pakistan, base arrière des résistants à l'occupation soviétique, appuyés par les Etats-Unis. Le retrait des troupes soviétiques en 1989 coïncide avec une reprise de l'insurrection au Cachemire, les militants islamistes bénéficiant d'un fort appui logistique du Pakistan.

Depuis 1989, au Jammu-et-Cachemire, le réveil d'un islam militant qui a pris le pas sur les anciens partis politiques a en partie modifié les données de cette question que rend potentiellement explosive l'acquisition, en 1998, de l'arme nucléaire par les deux belligérants. Outre des affrontements sporadiques qui opposent régulièrement les deux armées, celles-ci se sont de nouveau combattues en 1999. Au total, cette rébellion musulmane et sa répression par l'armée indienne ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts.

Les élections d'octobre 2002 au Jammu-et-Cachemire ont donné le pouvoir aux autonomistes.

Les points de vue respectifs de l'Inde et du Pakistan

L'Inde revendique la totalité du Cachemire. Jusqu'à présent, doutant peut-être de la "loyauté" des Cachemiris à l'endroit de l'Union indienne, elle a toujours refusé d'organiser le référendum d'autodétermination prôné par l'ONU. Elle reproche au Pakistan de mener une "guerre par procuration" au Cachemire indien et d'encourager les incursions de combattants islamistes, qui bénéficieraient de l'aide des services secrets d'Islamabad, l'Interservices Intelligence Agency (ISI).

Le Pakistan, quant à lui, considère qu'il a naturellement vocation à exercer sa souveraineté sur le Cachemire, dans la mesure où l'essentiel de la population en est musulmane. Il nie toute légitimité aux élections régionales indiennes.

Enjeu politique, le Cachemire constitue également un véritable "château d'eau", dont les ressources concourent à alimenter la rivalité qui oppose l'Inde et le Pakistan.

Source : la Documentation française

■ Mais la divergence de vue sur le Cachemire reste entière. Selon Islamabad, New Dehli considère que la solution au problème réside dans le maintien du statu quo ; c'est pourquoi, elle gagne du temps en gérant le conflit, ce qui lui donne une marge de manœuvre pour avancer sur d'autres terrains. Le Pakistan, au contraire, voit dans le maintien du statu quo le problème à résoudre car pour que la paix soit irréversible, la question du Cachemire doit être réglée. Le Président Musharraf a fait plusieurs propositions - démilitarisation du Cachemire, contrôle conjoint - qui n'ont pas reçu de réponse.

En outre, Islamabad, qui a perdu sa «profondeur stratégique» en Afghanistan avec la chute des talibans, s'inquiète du rapprochement entre Kaboul et New Delhi. Dès la chute des talibans, l'Inde a ouvert quatre consulats en Afghanistan, dont deux à proximité de la frontière pakistanaise, et le Pakistan soupçonne l'Inde de d'attiser les mouvements séparatistes du Baloutchistan, province frontalière de l'Afghanistan, pour déstabiliser le Pakistan. 

L'accord de coopération nucléaire civile signé en mars 2006 lors d'une visite du Président Bush à New Dehli a été mal accueilli au Pakistan ; n'ayant pas signé le Traité de Non-Prolifération, l'Inde n'acceptera de placer qu'une partie de ses réacteurs sous le contrôle de l'Agence Internationale de l'Energie atomique (AIEA), ce qui lui permettra de développer son arsenal nucléaire.

Le Pakistan, qui a lui-même des besoins énergétiques importants, revendique un traitement équitable et se dit prêt à donner toutes les garanties nécessaires. Il souligne que l'option nucléaire étant depuis longtemps un instrument dissuasif, il importe de maintenir un équilibre qui empêche l'Inde de l'attaquer et milite en faveur de la conclusion d'un accord nucléaire global Inde-Etats-Unis-Pakistan.

2) Des tensions contenues avec l'Afghanistan

La décision d'Islamabad de participer à la coalition contre le terrorisme, puis l'installation à Kaboul d'un gouvernement indépendant ont modifié les relations entre les deux pays6. Ces dernières reflètent les attentes et les antagonismes réciproques.

La réticence et l'appréhension de Kaboul vis-à-vis d'un Pakistan soutenant il y a peu les talibans, a pour contrepartie l'ambition du Pakistan - provisoirement abandonnée - de trouver dans un Afghanistan inféodé la profondeur stratégique qui lui fait défaut par rapport à l'Inde.

Pour compenser sa perte d'influence, Islamabad a multiplié depuis 2002 les gestes d'ouverture en signant la déclaration sur les relations de bon voisinage avec Kaboul, en permettant le vote des réfugiés afghans (environ deux millions) lors de l'élection présidentielle afghane et en apportant des aides au secteur social (deux fois 100 millions de dollars).

Mais au moment où l'Afghanistan est en proie à une montée des violences, les deux pays s'accusent mutuellement de ne pas en faire suffisamment pour combattre le regain d'activisme des taliban et pour contrôler la zone frontalière.

Malgré l'engagement de 80 000 soldats pakistanais pour sécuriser la frontière et l'installation de 800 points de contrôle, la surveillance des régions limitrophes est compliquée par la présence au Pakistan de plus de trois millions de réfugiés afghans, dont certains sont proches des talibans ; l'appui international en faveur du retour des réfugiés étant insuffisant, le Pakistan préconise la construction d'une clôture et l'installation d'une zone-tampon minée pour interdire les franchissements de frontière.

Accusé également d'envoyer son armée combattre le terrorisme tout en aidant les talibans par l'entremise de ses services secrets (ISI), le gouvernement pakistanais rappelle les succès remportés par l'ISI7 et souligne que son intérêt est de soutenir l'Afghanistan, la résurgence des talibans menaçant le combat qu'il mène contre l'extrémisme à l'intérieur de son propre territoire8.

Les interlocuteurs de la délégation se sont montrés pessimistes sur l'évolution de la situation en Afghanistan, déplorant que les Etats-Unis aient privilégié les moyens militaires dans un pays farouchement indépendant et traditionnellement hostile à toute présence étrangère.

La mise en place d'institutions démocratiques n'a pas apporté la stabilité à une société fragmentée et à un pays divisé, marqué par les traditions tribales et l'emprise des seigneurs de la guerre. Le pouvoir du Président Karzaï est très circonscrit, les attentats-suicides se multiplient et les Talibans, qui s'entraînent vraisemblablement en Irak, résistent. Le maintien des forces de la coalition est essentiel pour éviter l'effondrement du pays et sa sanctuarisation par Al Quaida.

Par ailleurs, la production et le trafic de drogue se sont considérablement accrus.

3) Des relations à cultiver avec les Républiques d'Asie centrale

Les relations du Pakistan avec les anciennes Républiques soviétiques du Kasakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan sont assez réduites alors que, dans les années 1990, l'indépendance de ces pays avait suscité de grands espoirs.

Le Pakistan a été parmi les premiers à reconnaître la souveraineté de ces Etats et à y établir des représentations diplomatiques. La proximité territoriale, les convergences culturelles et religieuses, la recherche d'une profondeur stratégique par rapport à l'Inde expliquent la volonté d'Islamabad de s'ouvrir sur cette région, riche par ailleurs de ressources naturelles (champs de gaz naturel, pétrole de la mer Caspienne).

En contrepartie, le Pakistan peut offrir d'intéressants débouchés maritimes à ces nations enclavées : Karachi n'est qu'à une heure de vol de Douchanbé (Tadjikistan) ; la réalisation du port de Gwadar leur permettrait de disposer d'installations ultra-modernes pour leurs exportations.

Mais ces potentialités sont restées peu exploitées en raison des débuts difficiles qu'ont connus plusieurs de ces Etats (guerre civile au Tadjikistan, revendications sécessionnistes en Ouzbékistan...) et, surtout, de l'instabilité en Afghanistan, point de passage obligé des échanges vers l'Asie centrale. Une fois ce préalable franchi, des relations moins superficielles pourront s'établir ; un projet de gazoduc T.A.P. reliant le Turkménistan au Pakistan en passant par l'Afghanistan est à l'étude.

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Site : iran-resist.org

4) Des rapports mesurés avec l'Iran

■ Les relations entre le Pakistan et l'Iran, tous deux liés aux Etats-Unis, ont été remises en cause dans les années 80 à la suite de la révolution iranienne et de la politique d'islamisation sunnite mise en place au Pakistan par le général Zia ul Haq.

L'ingérence pakistanaise lors de l'avènement des talibans et les violences confessionnelles au Pakistan liées à une radicalisation de la communauté chiite dans les années 1990 ont mené les deux pays au bord de la rupture. La détermination du président Musharraf à combattre l'extrémisme anti-chiite a contribué à apaiser la tension.

La frontière baloutche, qui sépare les deux pays sur près de mille kilomètres, reste le lieu de tous les trafics malgré la signature d'accords commerciaux et douaniers et la coopération en matière sécuritaire.

■ Sur ces problèmes bilatéraux se greffent les renversements d'alliances et la question nucléaire, susceptibles d'affecter les relations entre les deux Etats.

Le Pakistan ne sous-estime pas le pouvoir déstabilisateur de l'Iran, seul Etat chiite capable de mobiliser un grand nombre de soutiens au sein des communautés concernées dans le monde9.

Il s'inquiète du rapprochement de l'Iran avec l'Inde, consacré entre autres par la signature d'un accord de coopération de défense en 2003 et par la construction avec l'aide indienne du port de Chabahar, capable de concurrencer le port de Gwadar ; Islamabad reproche également à Téhéran d'avoir favorisé la présence en Afghanistan de militaires indiens suspectés d'attiser la rébellion baloutche.

Reconnaissant à la République iranienne, comme à tout Etat, le droit de disposer de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, il déconseille l'usage de la force ou l'application de sanctions dans l'hypothèse où l'enrichissement serait utilisé à d'autres fins.

L'usage de la force à l'égard de Téhéran  s'avèrerait en effet contre-productif car il apporterait des soutiens à un régime contesté, ferait le lit des extrémistes et susciterait des réactions incontrôlables partout dans le monde ; une intervention armée contre l'Iran pourrait embraser non seulement les chiites, mais l'ensemble du monde musulman, compte tenu du sentiment de « discrimination » qui l'anime.

D'autre part, la mise en place de sanctions aurait comme conséquences l'explosion du prix du pétrole et une menace sur les approvisionnements (des tirs de missiles iraniens sur le Qatar et l'Arabie saoudite, par exemple, n'étant pas à exclure).

Une solution diplomatique conduisant à la suspension temporaire des activités d'enrichissement pour faciliter la poursuite des négociations, comme l'a suggéré Islamabad à Téhéran, serait seule envisageable car elle permettrait à la fois aux Iraniens et aux occidentaux de « sauver la face ».10

c) Une volonté partagée d'élargir les échanges avec la France

Après les attentats du 11 septembre 2001, l'Union européenne et le Pakistan ont resserré leurs relations. L'UE a rapidement accordé des concessions commerciales pour l'entrée sur le marché européen de produits pakistanais, notamment dans le secteur du textile ; le champ de la coopération a été étendu à de nombreux domaines : commerce, développement, environnement, science (accord de coopération signé le 24 novembre 2001 et entré en vigueur en septembre 2005). L'UE est le premier partenaire commercial du Pakistan, destinataire de 30% de ses exportations et comptant pour 20% dans ses importations. Le Pakistan est également l'un des principaux bénéficiaires de l'aide communautaire en Asie (165 millions d'euros d'aide prévus pour la période 2002-2006).

Le Pakistan accorde une grande importance à la qualité des relations avec la France, qui dispose d'une large influence en Europe et n'hésite pas, sur certains sujets - comme l'Irak -, à faire entendre sa propre voix.

Traditionnellement bonnes, les relations franco-pakistanaises étaient jusqu'à présent essentiellement fondées sur une importante coopération de défense, les essais nucléaires de 1998, la crise de Kargil et le coup d'Etat de 1999 ayant quelque peu altéré les relations politiques.

Le dialogue a repris à l'automne 2001, avec la volonté de renforcer les échanges bilatéraux en donnant la priorité au volet économique et en appuyant les efforts du Pakistan dans les domaines universitaire, scientifique et technique. Par ailleurs, la catastrophe causée par le tremblement de terre au Cachemire a permis à la France de manifester son soutien au Pakistan.

1) Les perspectives de développement des relations commerciales

Sur le plan commercial, le Pakistan représente pour la France le deuxième marché d'Asie du Sud, avec un commerce global (importations et exportations) d'environ 700 millions d'euros en 2004. La France a renforcé en 2004 sa position au Pakistan, avec une augmentation de 2,3% de sa part de marché pour 2004-2005, ce qui lui a permis de réduire de 30 % le déficit de sa balance commerciale (137 millions d'euros).

Cette forte progression s'appuie sur trois catégories de biens qui représentent 92% de ses exportations : les biens d'équipement professionnel (44% du total des exportations en 2004, avec comme produits phares les équipements électriques et électroniques), les équipements mécaniques (en hausse de 30% en 2004), les biens intermédiaires et les biens de consommation (respectivement 21% et 27% du total des exportations en 2004).

Les importations françaises de produits pakistanais, qui augmentent faiblement (+5,8%), sont à 80% des produits du secteur textile et de l'habillement.

La réouverture plafonnée en 2005 de la politique d'assurance-crédit COFACE et celle des protocoles financiers devraient influer positivement sur les investissements et les exportations françaises. Les secteurs porteurs sont ceux des infrastructures dans les domaines de l'eau et de l'environnement, de l'énergie et des technologies de l'information et de la communication (TIC).

La communauté d'affaires française établie au Pakistan11 déplore la stigmatisation dont est victime le pays à l'étranger, alors qu'il semble être entré dans une sorte de cercle vertueux de croissance après des années d'instabilité. La situation concernant la sécurité des personnes est bien moins alarmante qu'il n'y parait et, à cet égard, l'actualisation de la fiche de « conseils aux voyageurs » du site du Ministère des Affaires étrangères devrait, en donnant une image plus proche de la réalité, avoir un impact positif12.

2) Un appui dans les domaines universitaire, scientifique et technique

■ La coopération française vise à accompagner le dynamisme et les efforts déployés par les autorités pakistanaises dans ces secteurs. L'enseignement supérieur et la recherche figurent en effet au nombre des priorités du gouvernement pakistanais, qui a mis en place un important programme de bourses.

Lancé en 2003, le programme des doctorants pakistanais repose sur un partenariat entre la Commission pour l'Enseignement Supérieur (HEC) du Pakistan, la Société française d'exportation des ressources éducatives (SFERE) et l'Ambassade de France. Il permet à des étudiants de haut niveau préalablement sélectionnés par la HEC et la SFERE de bénéficier de bourses du gouvernement pakistanais pour suivre des études dans les meilleures universités françaises.

Les bourses sont accordées pour une durée de quatre ans (dernière année de mastère et trois ans de doctorat) dans des disciplines variées : sciences physiques et mathématiques, chimie, économie et gestion, informatique, électronique, télécommunication, sciences sociales.... Six mois avant leur départ, une formation en français est dispensée aux étudiants par le réseau des quatre Alliances françaises établies au Pakistan13 ; elle est suivie par trois mois de cours intensifs à l'arrivée en France.

Depuis la mise en place du programme, le nombre d'étudiants bénéficiaires est en constante augmentation : de 50 en 2003, il est passé à 147 en 2006.

■ En avril 2006, un accord de coopération a été signé entre le ministère français de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la Recherche, le ministère français des Affaires étrangères et la HEC pakistanaise en vue de réaliser à Karachi une université publique de technologie (« University of Engineering, Science and Technology of Pakistan » -UESTP).

Le financement du projet est assuré par la HEC pakistanaise, la coopération française portant sur les aspects techniques et académiques. Dans un premier temps, un programme de niveau licence sera mis en place dans les différentes disciplines ; par la suite, des programmes de mastère et de doctorat seront lancés. Dans sa version finale, l'UESTP devrait accueillir 5.000 étudiants et 350 professeurs.

Afin d'assurer un fonctionnement efficace de l'établissement, les postes d'encadrement administratif et ceux de professeurs seront pourvus pendant les dix premières années par des personnels français.

Du côté français, le projet, coordonné par l'Université de Troyes, région Champagne-Ardennes, a conduit à la création d'un consortium d'Ecoles d'ingénieurs françaises d'excellence, volontaires pour s'engager dans cette coopération.

A terme, le projet d'UESTP pourrait s'inscrire dans un projet plus vaste de coopération décentralisée (par exemple Région Champagne-Ardennes - Province du Sindh) comprenant plusieurs domaines : textile, agro-alimentaire, assainissement et aménagement urbain, logistique aérienne, protection du patrimoine historique, gouvernance...

3) Un soutien très apprécié après le tremblement de terre

Le 8 octobre 2005, un tremblement de terre de magnitude 7,6 sur l'échelle de Richter a frappé le Pakistan, l'Afghanistan et l'Inde ; il a été suivi de plus d'un millier de secousses d'une magnitude de 5 à 6 dans la région du Cachemire indo-pakistanais.

Cette catastrophe naturelle, sans précédent au Pakistan, a fait, selon les chiffres officiels, plus de 73.000 morts, autant de blessés graves et près de 3, 5 millions de sans-abri. Le logement privé individuel a été le secteur le plus touché avec 204 000 maisons détruites et 198 000 endommagées ; mais les pertes ont été également considérables dans les secteurs de l'éducation et de la santé (destruction de 6.000 écoles, collèges et universités et de 350 hôpitaux), des transports et de l'agriculture.

Les régions les plus affectées, situées dans les zones montagneuses du pays, couvrent une superficie d'environ 300 hectares ; trois districts du Cachemire administré par le Pakistan et cinq districts situés à l'est de la Province Frontière du Nord-Ouest concentrent l'essentiel des dégâts humains et matériels ; des centaines de villes et villages ont été partiellement ou entièrement détruits autour des centres urbains de Muzzaffarabad, Manshera, Balakot et Batagram.

La topographie et l'altitude des zones sinistrées ainsi que la nécessité d'intervenir rapidement avant l'arrivée de l'hiver ont considérablement compliqué les opérations de sauvetage et de secours. En outre, les destructions ont provoqué un afflux massif des populations en périphérie des zones urbaines et dans les camps de réfugiés provisoires gérés par les agences des Nations Unies et un vaste réseau d'ONG.

De nombreuses ONG françaises14 se sont rendues rapidement sur place - une équipe de la sécurité civile française est arrivée dès le 9 octobre au Pakistan avec 200 tonnes d'aide humanitaire d'urgence -.  Au total, la France a apporté une aide bilatérale d'urgence centrée sur le domaine médical (envoi de secouristes, d'équipes et de matériel médical, de fret d'aide humanitaire, campagnes de vaccination...) d'un montant d'environ 12 millions d'euros, qui a transité pour partie (9 millions d'euros) par les organismes spécialisés des Nations Unies, notamment l'UNICEF et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) ; l'aide bilatérale a été complétée par une participation de 13 millions d'euros à l'aide européenne d'urgence (programme ECHO).

Le coût de la reconstruction a été évalué à 5,2 milliards de dollars. Les autorités pakistanaises ont immédiatement mis en place une entité de coordination nationale « Earthquake Reconstruction and Rehabilitation Authority » (ERRA) composée de civils et de militaires chargée d'assurer le pilotage des actions d'urgence et de reconstruction.

Lors de la Conférence des donateurs organisée à Islamabad, le 19 novembre 2005, la France, représentée par son ministre des Affaires étrangères, a proposé de débloquer 80 millions d'euros de prêts à taux concessionnels pour participer à l'effort de reconstruction, ainsi que 1,3 millions d'euros de dons pour financer des études de projets.

40 millions d'euros ont été affectés à un programme de réhabilitation et de reconstruction de logements individuels15 ; ce programme prévu sur deux ans, qui est encadré par l'ERRA et la Banque Mondiale, suit une logique d'autoconstruction ; les particuliers sont indemnisés pour la réalisation d'une construction conforme aux normes antisismiques. Dans le cas d'une habitation entièrement détruite, l'indemnisation, d'un montant de plus de 2000 euros est versée en trois tranches, en fonction de la qualité et de l'avancement des travaux. Pour les travaux de réhabilitation, une indemnisation d'environ 1000 euros est versée en une fois.

La phase d'urgence a pris fin au bout de six mois, avec la fin de l'hiver ; les populations hébergées dans les camps ont été encouragées à regagner progressivement leurs villages et reconstruire leurs habitations. Grâce à l'aide des pays contributeurs qui avoisine 4,7 milliards d'euros, les routes principales ont toutes été réouvertes, quatre ponts ont été reconstruits et l'électricité a été rétablie dans la plupart des zones touchées.

Cependant, un an après le séisme, 1,8 million de rescapés vivent toujours, à l'approche de l'hiver, dans des habitats précaires16; l'ERRA indique qu'à peine un cinquième des maisons ont été reconstruites, l'attribution des aides ayant été retardée par les différents contrôle, de qualité notamment. La ville de Balakot, entièrement sinistrée, doit être reconstruite 25 km plus loin, sur un site plus sûr.

4) Le souhait d'approfondir le dialogue

Outre la poursuite des consultations sur les principales questions de sécurité (terrorisme et prolifération nucléaire), les visites régulières de haut niveau témoignent de la volonté commune d'approfondir le dialogue : entretien à Paris du Président Musharraf avec le Président Chirac en juillet 2003 et en décembre 2004, déplacement à Islamabad du ministre des Affaires étrangères, M. de Villepin en février 2004, rencontre de M. Barnier, ministre des Affaires étrangères, avec son homologue pakistanais, M. Kasuri, en septembre 2004 à New York en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies.

L'accueil exceptionnel reçu par la délégation, ainsi que les nombreux entretiens qu'elle a eus, notamment avec le Président Musharraf et avec le ministre des Affaires étrangères M. Kasuri, ont confirmé l'intérêt que les autorités pakistanaises portaient aux échanges avec la France.

C) Vers une démocratie durable ?

Depuis la création de l'Etat en 1947, la démocratie peine à s'enraciner dans la pratique institutionnelle et dans les mentalités. En près de soixante ans d'existence, le Pakistan a connu seulement vingt-huit années d'exercice démocratique, interrompues par quatre coups d'Etat et des périodes d'administration militaire17.

Et encore, les périodes de gouvernement civil ont-elles été mouvementées: cinq dissolutions de l'Assemblée nationale (1988, 1990, 1993, 1996, 1999) entraînant une alternance très rapide au poste de Premier ministre des chefs des deux principaux partis Benazir Bhutto (Parti du peuple pakistanais-PPP) - 1988-1990 ; 1993-1996 - et Nawaz Sharif (Parti de la Ligue musulmane-PLM) - 1990-1993 ; 1997 -1999 -.

Cette instabilité politique s'est doublée de dérives institutionnelles et d'une corruption importante. A la faveur de modifications constitutionnelles successives,  N. Sharif a fini, lors de son second mandat, par concentrer tous les pouvoirs, le Président ne pouvant plus démettre le Premier ministre, la justice et le Parlement étant mis au pas ; des prêts bancaires importants ont été consentis aux alliés du pouvoir, augmentant encore le déficit des finances publiques.

Paradoxalement, l'arrivée au pouvoir du général Musharraf, qui s'est déroulée sans violence, marque le début d'une certaine stabilisation de la vie politique. Mais le processus de consolidation de l'Etat trouve ses limites dans l'isolement du pouvoir, dépourvu de base sociale suffisante.

1) Le retour à la stabilité institutionnelle

Soucieux d'instaurer « une nouvelle voie vers la démocratie », le général Musharraf a progressivement accru son rôle au sein de l'Exécutif tout en rétablissant les mécanismes de fonctionnement démocratique du régime.

Au lendemain du coup d'état, qui a été avalisé par la Cour Suprême, l'état d'urgence a été proclamé sans que la loi martiale soit appliquée ; la presse est restée libre et la justice a continué de fonctionner dans ses instances ordinaires ; le Parlement, suspendu dans un premier temps, a été dissout en 2001.

Des élections générales ont été organisées en octobre 2002 après l'adoption d'amendements à la Constitution de 1973 instaurant des quotas en faveur de la représentation des femmes et des minorités au Parlement.

72 millions d'électeurs (soit 41% de l'électorat), ont exprimé leur suffrage ; les 342 sièges de l'Assemblée nationale, ont été brigués par un total de 1.371 candidats de listes de partis et quelque 700 candidats indépendants.

La Ligue musulmane pakistanaise Quaid-i-Azam (PML-Q), faction de l'ancienne Ligue musulmane pakistanaise (PML) composée de dissidents du parti de l'ancien Premier ministre Nawaz Sahrf et soutenue par les autorités a remporté le plus grand nombre de sièges (118), sans pouvoir toutefois s'assurer la majorité. La formation du Parti du peuple pakistanais (PPP), privée de son leader, l'ancien Premier Ministre en exil, Benazir Bhutto, est arrivée en deuxième position, avec 81 sièges ; les partis religieux, rassemblées autour d'une « Coalition pour l'action », le Muttahida Majlis-i-Amal (MMA-), ont recueilli 60 sièges.

M. Zafarullah Khân Jamali a été nommé premier ministre d'un gouvernement conduit par la faction de la Ligue musulmane soutenant le Président Musharraf, grossie de transfuges du PPP18.

Après s'être proclamé Président en juin 2001, le Président Musharraf a organisé en avril 2002 un référendum constitutionnel afin de proroger de cinq ans son mandat et obtenir les pleins pouvoirs sur le nouveau gouvernement. Il a par la suite fait adopter une série d'amendements constitutionnels qui ont renforcé les pouvoirs présidentiels, dont celui de dissoudre le Parlement, et ont créé un Conseil de la sécurité nationale, instance associant civils et militaires ne devant pas «  interférer dans les affaires du gouvernement» (décembre 2003)

En janvier 2004, au prix d'un compromis avec les partis islamistes, il a obtenu un vote de confiance du Parlement et a décidé en décembre 2004 de conserver son poste de chef d'état major des armées.

Des élections sénatoriales ont eu lieu en 2003 et 2006 (renouvellement de la moitié de la Chambre haute) ; les élections locales, qui se sont tenues en 2002 puis en 2005 ont été favorables à la coalition au pouvoir.

Pour la première fois depuis l'indépendance, le gouvernement devrait parvenir au terme de son mandat ; l'Assemblée nationale et les assemblées provinciales devraient être renouvelées à la fin de la législature, en octobre 2007.

2) Une base sociale insuffisante

Les élections de 2007 constituent un véritable enjeu pour le Président Musharraf qui est confronté à de nombreux problèmes : le mécontentement populaire devant la persistance de l'inflation, du chômage et le prix des services ; le ressentiment des plus petites provinces qui s'accroît devant l'échec de la décentralisation19 et ce qu'elles considèrent comme une usurpation de leurs droits ; la division de la coalition au pouvoir ; les critiques des conservateurs religieux pour son alliance avec les Etats-Unis ; l'affaiblissement du soutien américain au profit de l'Inde20 ; de plus, l'institution militaire, qui profite du régime, n'est pas prête à abandonner ses privilèges.

Dans la perspective des échéances électorales, les efforts du pouvoir en place s'intensifient pour faire émerger un grand parti majoritaire et conforter les forces modérées ; ce rapprochement avec les formations politiques traditionnelles devrait permettre au Président Musharraf d'élargir sa base électorale, bien que ces formations ne soient pas des vecteurs de démocratisation, mais des structures clientélistes qui politisent l'administration et se livrent une lutte acharnée.

L'adoption d'une loi déclarant interdits d'élection Nawaz Sharif et Benazir Bhutto, ont encore affaibli le PPP et la PML. B. Bhutto, exilée à Londres peut regagner le Pakistan mais risque un procès pour corruption ; quant à Nawaz Sharif, résidant actuellement en Arabie Saoudite, il a accepté un exil de dix ans, jusqu'en 2009.

Les deux leaders se sont entendus en mai 2006 sur des principes institutionnels et ont signé une « Charte pour la démocratie »; le document prévoit notamment un contrôle du pouvoir civil sur les militaires, la suppression du Conseil national de sécurité, la nomination des chefs d'Etat major par le Premier ministre, une autonomie maximale pour les provinces, la réforme du système judiciaire. On peut s'interroger sur la capacité du PPP et de la PML(N) à assumer avec succès la charge du pouvoir ; de même, la question se pose de savoir si cette alliance n'est pas de pure circonstance, certains observateurs estimant qu'elle résulte de l'impossibilité pour chacune des deux personnalités de s'entendre séparément avec le Président Musharraf.

II LES INCERTITUDES D'UNE NATION FRAGILE ET COMPLEXE

A) Une unité inachevée

L'héritage de la colonisation continue de grever la construction de l'unité nationale. Au cours du XIXème siècle, l'emprise de la couronne britannique s'est peu à peu étendue sur l'ensemble des « terres de l'Indus » aujourd'hui pakistanaises.

Londres a tracé en 1893 la frontière occidentale du territoire, la « ligne Durand », frontière incommode qui, en divisant l'ethnie pashtoune, alimente de part et d'autre un irrédentisme violent. Jusqu'à présent, le Pakistan a pu contenir la revendication afghane sur les territoires pakistanais situés entre cette ligne et l'Indus, et éviter la création d'un grand Pashtounistan indépendant.

Sur la frontière orientale, la ligne de partition tracée lors de l'indépendance laisse en suspens la question du Cachemire, toujours pendante (voir supra).

A ces fragilités frontalières et à la naissance difficile du pays s'ajoutent la pluralité et le déséquilibre ethnique ainsi que les disparités entre provinces.

Le Pakistan réunit 5 ethnies d'importance très inégale : Punjabi (60 millions), Pashtoune (15 millions) Sindhi (12 millions), Mohajir21 et Baloutche (environ 15 millions à eux deux). Il comprend quatre provinces (Punjab, Sindh, Baloutchistan et Province Frontière du Nord-Ouest- NWFP) dirigées par un gouverneur nommé par le Président de la République et dotées d'une assemblées législative élue.

Rapidement, le Punjab (80 millions d'habitants) a pesé sur les destinées nationales par sa richesse, son influence dans l'armée et sur les hautes fonctions publiques, engendrant des frustrations de la part du Sindh (20 millions d'habitants), moins doté malgré son poids économique, et des deux autres provinces.

Malgré l'adoption, à côté de l'anglais, d'une langue officielle unique, l'ourdou, destinée à cimenter l'unité nationale, la diversité des origines régionales des populations (Baloutches éparpillés entre l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan ; Punjabis entre le Pakistan et l'Inde ; Pachtouns entre l'Afghanistan et le Pakistan), la vigueur du régionalisme et la fierté ethnique transcendent le sentiment national très abstrait voire rejeté par certains, comme en témoignent la question de l'autorité de l'Etat dans les zones tribales ou la résurgence du nationalisme baloutche.

a) La question de l'autorité de l'Etat dans les zones tribales

Territoires montagneux occupant 2,6% du territoire pakistanais aux confins de la frontière afghane, de la NWFP et du Nord-est du Baloutchistan, les FATA (Federally Administrated Tribal Areas) jouissent d'un statut spécial depuis la création du Pakistan. Divisées administrativement  en sept « agences »22, elles sont placées constitutionnellement sous l'autorité directe du Président, qui peut déléguer son pouvoir à son représentant spécial ou au Gouverneur de la NWFP.

Réfractaires à toute ingérence extérieure, les tribus pachtounes locales, qui représentent entre 3 et 5 millions d'individus, ont réussi jusqu'à présent à préserver leur mode de vie, le gouvernement pakistanais ayant choisi par pragmatisme, comme le colonisateur britannique, de renoncer à toute autorité.

Aucune loi fédérale ne s'applique à la région qui est régie par l'ancienne loi pachtoune. De type féodal, le pouvoir est détenu par les chefs traditionnels (maliks), la responsabilité est collective - le clan ou le village est responsable de chacun de ses membres - et le maintien de l'ordre est exercé par les miliciens locaux sous l'autorité des conseils (Jirgas), pièce essentielle du système tribal.

Toutefois, après les attentats du 11 septembre, les dirigeants pakistanais semblaient décidés à « normaliser » cet espace, notamment pour améliorer l'image internationale du Pakistan. Ces « zones grises » aux marges de l'Etat pakistanais, dont l'économie est essentiellement pastorale et agricole, abritent en effet toutes sortes de trafics illicites (armes, drogue, biens de consommation...) et servent surtout de sanctuaire à des centaines de talibans afghans et à des combattants d'Al-Quaïda23 qui mènent en Afghanistan des offensives contre les troupes de la coalition

Dès 2003, à la demande et avec l'aide des Etats-Unis, les forces armées pakistanaises ont investi massivement les FATA. Des points de contrôle ont été installés et une partie de la frontière afghane, dans la région de Chaman, a été clôturée sur 41 kms. Si la lutte antiterroriste fournit au gouvernement pakistanais l'occasion d'établir symboliquement son autorité sur les FATA, elle exaspère les habitant, déjà victimes des blocus et des attaques aériennes américaines contre les talibans.

Les opérations militaires de même que la tentative de prise en main des zones tribales, ont eu pour l'instant des effets limités ; peu de chefs terroristes ont été capturés, les talibans, qui ont ouvert une représentation officielle au sud-Waziristan afin de « restaurer la loi et l'ordre », ont radicalisé la culture locale en s'appuyant sur la religion, l'anti-américanisme et l'identité nationale pour rallier la population.

L'accord de paix, signé le 5 septembre 2006 entre le gouvernement pakistanais et les chefs de tribus du nord-Waziristan semble restaurer la vocation de sanctuaire du territoire en prévoyant le retrait des 80 000 soldats de l'armée nationale, l'interruption des opérations militaires et l'amnistie des « militants talibans » et des étrangers (i.e. les membres d'Al-Quaïda).

b) La résurgence du mouvement nationaliste baloutche

Malgré la richesse de son sous-sol (gaz ; charbon, uranium, zinc, fer, cuivre soit 20% des ressources minières) et les nombreux projets d'exploitation des ressources naturelles lancés par le gouvernement pakistanais, le Baloutchistan, qui dispose d'un territoire très vaste et peu peuplé (7,5 millions d'habitants sur 40% du territoire) est la province la plus pauvre et la moins développée du Pakistan : 55 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, les taux d'alphabétisation sont les plus bas du pays (34 % pour les hommes, 14,1 % pour les femmes). Faute d'emplois locaux, la population non qualifiée doit s'exiler dans les provinces riches, tandis que les postes d'encadrement sont confiés à des « immigrés » punjabis.

Cette situation a de tout temps généré des frustrations. Tribus d'éleveurs nomades iraniens, venus autrefois des bords de la mer Caspienne, les Baloutches ont mené depuis 1947 trois rébellions contre le pouvoir central.

La province constitue en outre une zone de transit pour acheminer le gaz et le pétrole d'Asie centrale, ainsi que le pétrole du Golfe Persique ; à cet égard la construction du port de Gwadar cristallise toutes les tensions et se heurte à l'opposition des Baloutches qui craignent d'être lésés des importantes retombées économiques attendues du projet.

Cet enjeu géostratégique, qui s'inscrit dans un contexte de régionalisation de la lutte contre le terrorisme et de tensions sur le marché des prix des matières énergétiques, constitue la toile de fond de la rébellion. Les nationalistes revendiquent une plus large autonomie politique, une meilleure redistribution des ressources tirées du sous-sol riche en matières premières24, ainsi qu'une représentation plus importante dans la fonction publique et dans l'armée.

La récente dégradation de l'environnement sécuritaire dans la province en 2004 s'est traduite par des attaques contre les infrastructures25 et les moyens de communication : sabotages de gazoduc, attentats à l'explosif et embuscades visant les forces de sécurité.

Le mouvement pour la revendication des droits des Baloutches est à la fois politique et militaire. Le mouvement politique, qui multiplie les marches de protestation et les manifestations pacifiques, est animé par quatre partis, marginalisés par l'alliance dans la province entre le parti pro-Moucharraf et les islamistes de la Muttahida Majlis-e Amal (MMA) ; l'aspect militaire de la lutte est incarné par l'Armée de libération du Baloutchistan (ALB), organisation fonctionnant en petites cellules et comptant des centaines de combattants.

Les attaques ont montré le niveau de cohésion et de sophistication de la rébellion ; elles ont aussi révélé l'alliance entre les tribus et les nationalistes.

Le gouvernement a choisi l'option militaire pour protéger les sites et mettre au pas un mouvement qui menace l'intégrité territoriale et le développement économique du Pakistan et contrarie son rapprochement avec l'Inde, New Delhi étant régulièrement accusée de financer et d'armer les rebelles Baloutches. Les autorités pakistanaises souhaitent par ailleurs éviter que la rébellion sur ce territoire situé à la frontière de l'Iran et de l'Afghanistan ne dégénère en un conflit qui impliquerait automatiquement ces deux pays.

La stratégie du gouvernement pakistanais repose sur trois points : ne pas fermer la porte au dialogue avec le mouvement politique ; anéantir la guérilla nationaliste ; apporter une réponse économique aux revendications des Baloutches. Début octobre, il a annoncé le déblocage d'une aide de trois milliards de roupies (environ 38 millions d'euros) destinée à accélérer le développement économique du Baloutchistan et à lutter contre les effets de la sécheresse ; par ailleurs le gouvernement pakistanais a déjà promis que les emplois générés par la construction du port de Gwadar iraient en priorité aux Baloutches.

Aujourd'hui, nationalistes pashtounes et baloutches partagent un objectif commun et militent pour la reconnaissance de leurs droits au sein du Pakistan Oppressed Nation Movement, favorable à la création d'une province indépendante comprenant des zones de la province du Baloutchistan peuplée de pashtounes.

B) Des structures sociales archaïques

De type féodal et tribal, la société pakistanaise est marquée par des traditions patriarcales et autoritaires qui façonnent les comportements sociaux et perpétuent le contrôle d'une élite sur le pouvoir et les ressources, tandis que la vie politique est dominée par le poids de l'institution militaire.

a) Le pouvoir des élites traditionnelles

Le modèle colonial de l'Inde avant la partition avait conforté le système féodal, la couronne britannique ayant fidélisé les propriétaires terriens en leur octroyant des compétences judiciaires et administratives et en leur délégant une partie de son pouvoir.

La mainmise sur les populations d'une oligarchie de propriétaires fonciers au Punjab et dans le Sindh26, et de chefs de tribus dans le Baloutchistan et la NWFP s'est poursuivie depuis l'indépendance ; bénéficiant d'une assise démographique captive constituée des membres de leur clan et des nombreux employés de leurs exploitations, ces élites ont investi la scène politique, dominant les assemblées nationales et provinciales, forgeant une alliance bien comprise avec l'institution militaire. Ainsi, sous le gouvernement de Nawaz Sharif (1996-1999), les propriétaires terriens et les chefs de tribus occupaient 126 des 207 sièges de l'Assemblée nationale, et sur 39 ministres, 17 étaient liés aux grandes familles féodales.

Cet ascendant sur les individus demeure une réalité prise en compte par le pouvoir central dépendant de cette caste dominante, et par les partis politiques, Parti du Peuple Pakistanais (PPP) de la dynastie Bhutto, ou Parti de la Ligue Musulmane (PML)27. C'est pourquoi la redistribution plus équitable des biens, annoncée à plusieurs reprises, est restée jusqu'à présent lettre morte.

Toutefois, l'organisation féodale évolue progressivement avec l'urbanisation. Le pouvoir et l'influence des grands propriétaires tendent à s'éroder avec les transferts de propriété d'une génération à l'autre, l'apparition d'une nouvelle classe d'entrepreneurs industriels, de commerçants importants, et l'acquisition par la hiérarchie militaire de vastes propriétés.

L'éducation et les médias contribuent également à la remise en cause du système. Aujourd'hui, les populations réclament aux potentats locaux des écoles, des routes, des dispensaires en échange de leur vote ; des garde-fous ont été introduits par le Président Musharraf, comme l'obligation pour tout candidat aux élections de 2002 de justifier d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études supérieures.

Mais il ne faut pas sous-estimer la résistance de la puissante caste féodale qui s'adapte au changement en diversifiant ses investissements (dans l'industrie textile, par exemple) et en envoyant ses enfants dans les universités étrangères.

En outre, la détérioration de l'environnement sécuritaire profite aux féodaux comme en témoigne la réhabilitation dans certaines zones des jirgas, qui se substituent aux instances civiles compétentes et dont les décisions sont sans appel.

b) L'omniprésence de l'armée

Forte de plus d'un millions d'hommes (armée de terre : 500 000 hommes d'active ; réserve : 500 000 hommes ; armée de l'air : 30 000 hommes ; marine : 22 000 hommes) auxquels s'ajoutent 40 000 paramilitaires relevant du ministère de l'Intérieur, l'institution militaire a joué, avec la bureaucratie, un rôle prépondérant dès l'indépendance.

Avant l'adoption de la Constitution de 1956, la mise en place du nouvel Etat dirigé par un Gouverneur général28 a reposé essentiellement sur les structures bureaucratiques héritées de l'ancien colonisateur. Le manque de cohésion entre les différentes provinces musulmanes, leur faible capacité d'intégration, la montée des tensions entre elles et le gouvernement central, l'absence de partis politiques organisés pour gouverner ont accru progressivement le rôle de la bureaucratie et de l'armée.

Le début des hostilités avec l'Inde et l'émergence de la question du Cachemire ont conduit à augmenter les crédits de la Défense et à renforcer le pouvoir de l'institution militaire ; l'armée est rapidement apparue comme la seule institution nationale tandis que l'autorité de l'élite politique était fragilisée par la disparition prématurée en 1948 du père de la nation Mohammed Ali Jinnah, l'assassinat de son successeur Liaquat Ali Khan en 1951, et l'instabilité gouvernementale chronique (sept Premiers ministres depuis la partition jusqu'à la proclamation de la loi martiale en1958).

De 1947 à 2006, les militaires ont marqué leur primauté non seulement dans le domaine stratégique, servis par la position exceptionnelle du pays, mais également en matière politique et économique.

Le domaine réservé des relations avec les pays voisins et des questions nucléaires et de sécurité n'a jamais été remis en cause, malgré plusieurs interventions particulièrement malheureuses (sécession du Bangladesh en 1971 ; expédition de Kargil en 199929).A l'heure actuelle, la participation du pays à la lutte contre le terrorisme, la réduction de son soutien aux talibans et aux séparatistes cachemiris, la poursuite des affrontements entre chiites et sunnites radicaux, l'incertitude entourant l'évolution des rapports avec l'Inde maintiennent l'armée dans sa position de défenseur de la nation et de garant de la stabilité. Quant aux services de renseignements, principalement l'Inter Service Intelligence (ISI), ils interviennent dans la stratégie régionale mais aussi en politique interne notamment lors des campagnes électorales.

De fait, les militaires jouent un rôle politique essentiel même lors des périodes de gouvernement civil en contrôlant les grandes orientations et en exerçant un droit de regard sur les dirigeants élus. Le président Pervez Musharraf a officialisé leur rôle en 2002 en créant un controversé Conseil de la sécurité nationale qu'il dirige et au sein duquel quatre chefs militaires siégent avec huit civils pour «surveiller» le gouvernement ; cet organisme sert «de forum de consultation pour les décisions importantes de politique étrangère et les questions nationales».

L'armée a étendu son emprise sur l'économie, directement par des rachats de grandes entreprises d'Etat à la faveur du mouvement de libéralisation, ou à travers des fondations, comme la Fondation Fauji30, qui a investi les secteurs de l'énergie, l'agriculture, les industries alimentaires, la construction, les banques et services financiers, la santé et l'enseignement. Le poids de l'armée dans la fonction publique s'est par ailleurs accru, de nombreux officiers - d'active ou retraités - occupant des postes diplomatiques ou administratifs.

Cette maîtrise globale au service d'intérêts corporatistes renforce la cohésion de l'institution militaire mais suscite l'opposition des catégories lésées. Le poids des dépenses militaires qui grèvent le budget de l'Etat au détriment des dépenses d'éducation et de santé31 maintient le pays dans une pauvreté qui menace sa stabilité. Par ailleurs, le déséquilibre ethnique de l'armée, composée de Pendjabis et de Pachtouns qui, pour les premiers, occupent en outre plus de 70 % des postes du haut-commandement au détriment des Baloutches et des Sindis, alimente et aggrave les divisions ethniques au sein de l'État.

La légitimité des militaires n'est donc jamais acquise, que ce soit auprès de la population, partagée entre ses aspirations démocratiques et son rejet des politiciens, auprès de la classe politique ou de la communauté internationale.

Soucieux de présenter une image démocratique du régime, le Président Musharraf a choisi en 2002 de maintenir les partis mais les a divisés en ralliant une part des élus des deux grandes formation PML et PPP, et les a affaiblis en favorisant la création d'une coalition de partis islamistes d'opposition (MMA). Cependant, en instrumentalisant les forces islamistes (islam politique, talibans après 1994, jihadis au Cachemire) les militaires courent le risque que le terrorisme et les conflits sectaires entre sunnites et chiites échappent à tout contrôle32; il semblerait par ailleurs que la diffusion du fondamentalisme islamique provienne de plus en plus de l'armée pakistanaise elle-même, les jeunes officiers sortant en plus grand nombre des madrasas que des écoles et collèges nationaux.

Les services secrets pakistanais, l'ISI

Les services secrets pakistanais se composent de deux branches principales : le Bureau du Renseignement (Intelligence Bureau, IB) créé par les Britanniques peu avant la partition et l'Inter-Service Intelligence (ISI), constitué en 1948. Chaque entité possède des responsabilités propres, l'ISI traitant généralement des affaires touchant aux intérêts militaires immédiats, l'IB étant plus spécialisé dans les activités politiques intérieures.

Néanmoins, le rôle de l'IB reste mineur par rapport à celui de l'ISI dont l'organisation structurelle monolithique couvre à la fois les opérations de renseignement extérieures et intérieures du pays.

Agence totalement militaire constituée d'officiers des trois armes, l'ISI est placé sous l'autorité du Premier Ministre et sous la tutelle du ministère de la Défense pour son budget ; l'IB, sous l'autorité du ministère de l'Intérieur,  est en grande majorité composée d'officiers de police mais demeure sous la coupe d'officiers de l'armée (d'active et en retraite). Le Collège de Coordination des Chefs d'Etat-Major (CJCSC) assure la cohésion des différents services.

Initialement, et à l'exception du Cachemire pakistanais, le renseignement intérieur ne faisait pas partie des tâches confiées à l'ISI, qui avait pour mission la collecte et l'analyse d'informations sur la sécurité extérieure, l'élaboration d'opérations spéciales, la surveillance des principaux acteurs (essentiellement indiens) ; il en a été différemment à partir de la fin des années soixante, avec les inquiétudes suscitées par la résurgence du nationalisme baloutche.

La guerre d'Afghanistan a donné une nouvelle dimension à l'ISI et des pouvoirs accrus ; l'agence a modifié ses centres d'intérêts, et développé son orientation « externe », dépassant même le cadre afghan, et agissant sur l'ensemble des pays de l'Asie Centrale. Son implication étroite dans la guérilla menée contre l'Armée Rouge lui a permis en outre nouer des liens la Central Intelligence Agency (CIA) américaine.

L'ISI a copié sa structure sur celle du service secret iranien, la Savak ; et comme lui, a été entraîné par la CIA et le Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage (SDECE). Comptant au minimum vingt-cinq mille personnes, l'ISI a toujours été commandé par un Lieutenant-Général issu de l'Armée de Terre, le Directeur Général (DG-ISI) assisté de trois adjoints en charge respectivement des départements politique, extérieur et administratif.

La question du contrôle de l'ISI a commencé à se poser à la fin des années 1990. Des rumeurs persistantes dénoncent l'implication de l'ISI dans le soutien aux talibans, dans les actions des militants en Azad et Jammu Cachemire et dans la crise de Kargil, sa présence aux côtés des courants islamistes radicaux voire dans les filières de la prolifération nucléaire.

Les tentatives du politique pour affirmer la tutelle gouvernementale en nommant le DG-ISI sans en référer préalablement au Chef des Armées ont eu des résultats mitigés ; la nomination par le Premier ministre N. Sharif du lieutenant-général Ziaddin à la direction de l'ISI sans consulter le Général Musharraf, alors Chef des Armées, a sans doute motivé en partie la prise de pouvoir de ce dernier.

La question nucléaire

Le 18 mai 1974, l'Inde procède à son premier test nucléaire pacifique ; à Islamabad, le premier ministre Ali Bhutto jure de rétablir l'équilibre, bombe atomique contre bombe atomique.

Le Pakistan a développé l'arme nucléaire principalement sous la supervision du docteur Abdul Qadeer Khan, et la France a été partie prenante de ce programme dès 1976. Après la vente d'une première centrale par la Chine, le Président Mitterrand accepte en 1990, la vente d'une deuxième centrale ainsi que la signature d'un accord de coopération nucléaire « pour des objectifs pacifiques ». La France fournit en même temps deux réacteurs à l'Inde.

Le programme pakistanais est financé avec l'aide de plusieurs pays de l'Oummah -Arabie Saoudite, Emirat Arabes Unis, Malaisie.

Malgré les pressions occidentales, Inde et Pakistan refusent de signer le Traité de Non-Prolifération (conclu en 1968).

Les 28 mai et 30 mai 1998, le Pakistan procède, dans la province du Baloutchistan, à 6 essais nucléaires, les premiers jamais réalisés par une nation musulmane, en réaction aux 5 essais indiens. Le monde musulman célèbre l'accession d'un pays islamique à la maîtrise de l'atome tandis que la communauté internationale condamne ces essais et adopte (les Etats-Unis en particulier) des sanctions contre le Pakistan. Ce dernier déclare un moratoire unilatéral le 11 juin 1998.

Pays non signataire du TNP et du Traité d'Interdiction complète des Essais nucléaires (TICE, signé en 1996), le Pakistan dispose de capacités nucléaires reconnues. Les spécialistes estiment qu'après avoir retenu la filière de l'uranium enrichi et avoir constitué un stock de 600 à 800 kg de cette matière, le Pakistan posséderait aujourd'hui un stock de 24 à 48 armes atomiques. L'accès plus récent à la filière du plutonium lui procurerait un autre schéma de maîtrise de l'atome, complémentaire du premier, et une réserve de 3 à 5 bombes nucléaires.

Avec trois relais principaux - les Emirats arabes unis, la Malaisie et l'Afrique du Sud - le réseau Khan a fourni à la Lybie, l'Iran et la Corée du Sud tous les outils nécessaires à la marche vers le nucléaire militaire : des centrifugeuses, des machines outils servant à en fabriquer les composants, des plans ou des savoir-faire

Après avoir fait des aveux publics et présenté ses excuses pour ses activités de prolifération, en février 2004, le Dr Khan a été placé en résidence surveillée par le général Musharraf, qui lui a accordé peu de temps après le « grand pardon ».

C) La contestation islamiste

La religion fonde l'existence même du pays, musulman à 97%, de confession sunnite pour les deux tiers et chiite pour un cinquième. Pratiquant un Islam modéré, la population pakistanaise est confrontée depuis plus de vingt ans à la montée d'un islamisme radical, d'autant plus dangereux qu'il s'appuie sur une culture de talibanisation, contre laquelle le régime a entrepris de lutter33

a) L'islamisme radical, un phénomène ancien

La montée des tensions et la multiplication des affrontements entre communautés apparaissent à la fin des années 1970 en relation avec des évènements internes et externes.

L'islamisation de la société et le rapprochement avec les autorités religieuses opérés par le général Zia ul Haq pour asseoir sa légitimité sur une base populaire plus large ont renforcé les mouvements radicaux.

A la même époque, le renversement du régime du Shah et l'établissement d'une théocratie en Iran confortent les courants chiites au Pakistan, provoquant en retour la montée en puissance des mouvements sunnites radicaux. L'invasion de l'Afghanistan, avec l'afflux des réfugiés et les pressions de la communauté internationale, amène le Pakistan à participer au jihad contre l'occupant soviétique.

Financés par les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, formés par l'armée pakistanaise et l'ISI, les moujahiddins pakistanais, en majorité sunnites mais aussi chiites, rejoignent la résistance afghane avec d'autres combattants de la liberté venus de l'Oummah toute entière. Des structures radicales sunnites (Sipah-e-Sahaba Pakistan, Lashkar-e-Jhangvi) et chiites (Tehrik-e-Jafri) se constituent, des armes circulent en nombre ; les prêches des imams et les formations dispensées dans les madrasas fournissent des milliers de volontaires propageant un islamisme absolutiste par-delà les frontières.

Avec le retrait soviétique d'Afghanistan, la recherche de nouvelles terres à libérer amène les mujahiddins au Cachemire pour soutenir les séparatistes, avec l'appui logistique de l'armée pakistanaise. Le territoire connaît une flambée de violence en 1989.

A l'intérieur du pays, les écoles coraniques prospèrent, financées par des dons venus du Moyen-Orient, mais aussi du Pakistan et de la diaspora. Elles attirent des élèves d'Asie Centrale, du Caucase, d'Afrique du Nord, du Moyen-Orient ou encore du Sud-Est asiatique.

L'augmentation des affrontements communautaires et la réaction violentes des milieux religieux radicaux à l'alignement diplomatique d'Islamabad sur Washington après le 11 septembre incitent les autorités pakistanaises à surveiller les activités de ces milliers de madrasas dès l'automne 2001 et à réagir ; aux termes de la Madrassah Registration Ordinance de 2002, les écoles coraniques accueillant des enfants défavorisés doivent s'enregistrer auprès de chaque autorité provinciale compétente sous peine d'amende ou d'interdiction et ne peuvent plus recevoir de contributions financières de l'étranger (voir encadré ci-après : « l'éducation au Pakistan »).

Dans le même temps, certaines structures islamiques sunnites ou chiites sont interdites, leurs avoirs bancaires sont bloqués et leurs bureaux, fermés ; leurs activités sont encadrées et plusieurs centaines de militants sont interpellés.

Ces mesures n'ont pas eu toutefois les effets escomptés, la plupart des structures interdites ayant par la suite changé de nom et déménagé leurs sièges sociaux. Les actions violentes et les luttes interconfessionnelles se sont poursuivies, comme en témoignent les trois attentats successifs dirigés contre le Président Musharraf en décembre 2003 et attribués à des extrémistes cachemiris ou l'attaque contre la mosquée de Karachi, survenu lors d'une fête religieuse sunnite le 12 avril 2006, qui a causé la mort de 60 personnes.

La persistance de la pauvreté et l'insuffisance des services publics d'assistance, de santé et d'éducation favorisent la forte implantation des mouvements islamistes radicaux dont les réseaux de solidarité, extrêmement efficaces, compensent, tout en les soulignant, les carences de l'Etat34.

L'éducation au Pakistan

Le ministère de l'Education pakistanais s'est doté d'une « National Education Policy 1998-2010» (NEP) inspirée des Objectifs de Développement pour le Millénaire (MDG) des Nations Unies. Sur la base de la NEP, les autorités ont préparé deux plans de développement, à long terme de 10 ans (2001-2010) et à moyen terme, de 3 ans (2002-2005).

Les grandes orientations sont l'éducation primaire pour tous, l'égalité homme/femme devant l'éducation, le renforcement de l'enseignement supérieur, le développement des partenariats public/privé et les réformes des madrasas. Le financement du secteur, qui a représenté 2,5% du PIB ces dernières années, devrait atteindre 4% du PIB dans 5 ans.

1) L'éducation primaire pour tous : le manque de formation des enseignants et les faibles moyens dont ils disposent fragilisent la qualité de l'enseignement de base. Bien que l'éducation primaire soit, selon l'UNESCO, un droit du citoyen que l'Etat doit garantir, le secteur privé au Pakistan est bien plus développé dans le primaire que dans le secondaire ou le supérieur (42%, contre 30% dans le secondaire et 36% dans le supérieur).

Les gouvernements du Punjab, du Sindh et de la NWFP ont mis en place un système de gratuité d'accès aux écoles publiques dès le primaire et jusqu'à la 10ème année d'études, et de gratuité des manuels scolaires.

2) L'égalité homme/femme devant l'éducation : la moyenne nationale du taux d'alphabétisation des femmes s'élève à 27% en zone rurale et 62,5% en zone urbaine, contre respectivement 56% et 76,5% pour les hommes.

Très longtemps, en l'absence d'écoles mixtes en zones rurales, les jeunes filles n'ont pas pu accéder à une éducation de base porteuse de développement humain, tant en terme de santé que de contrôle des naissances. Le gouvernement fédéral et les autorités locales se sont engagés dans d'importants programmes de réformes. Par exemple, les autorités du Punjab ont introduit en 2004, avec succès, une aide financière pour les familles envoyant leurs filles dans les écoles.

D'autres dispositifs, comme celui du Programme alimentaire Mondial des Nations Unies « Food for Education » (distribution régulière de rations de blé, d'huile ou de biscuits) ont permis la scolarisation d'un plus grand nombre de jeunes filles. Elles représentent actuellement 40% des effectifs du primaire, privé et public confondus.

3) Le renforcement de l'enseignement supérieur et les partenariat public/privé : le gouvernement a créé une nouvelle structure étatique la « Higher Education Commission » qui se concentre sur les activités techniques et de recherche et dont l'objectif est de porter à 5% le nombre d'étudiants dans le supérieur (contre 2,6 % en 2001) en s'appuyant davantage sur le secteur privé

En 2003-2004, le Pakistan comptait 45universités publiques regroupant près de 400 000 étudiants dont 56,8% de garçons contre 43,2% de filles. Les universités subventionnées par la HEC étaient au nombre de 30 et ne comptaient que 16 500 étudiants ; à l'avenir la HEC devrait financer un nombre plus important de structures privées.

4) La réforme des madrasas : les madrasas constituent un réseau assez faible pour l'éducation des jeunes enfants (0,9% des enfants scolarisés dans le primaire) ; généralement gratuites et mixtes, localisées en zones rurales ou urbaines, elles dispensent une éducation religieuses et des repas gratuits. Appartenant au domaine informel de l'éducation, elles doivent être modernisées pour s'aligner sur les pratiques du privé et du public, notamment en ce qui concerne le contenu des programmes scolaires.

Le gouvernement a lancé une grande réforme des madrasas basée sur le volontariat, en espérant attirer 8.000 madrasas dans la sphère de l'éducation formelle. Elles bénéficieront d'aides financières pour réformer leur fonctionnement ; l'enseignement de l'anglais, des mathématiques et des sciences sera assuré dès le primaire ; l'économie et l'informatique seront enseignées à un niveau intermédiaire.

Source : mission économique d'Islamabad

b) La percée de l'islam politique

La marginalisation de la classe politique, déconsidérée par les affaires de corruption et affaiblie par l'exil de ses leaders emblématiques, a favorisé l'implantation des partis religieux qui sont devenus une force bien organisée pesant d'un poids important, capable de mettre en œuvre des ressources humaines et financières considérables.

Après le 11 septembre et le ralliement du régime à la politique américaine, la mobilisation des partis religieux a pu être contenue par les imams grâce à la levée des sanctions et à la promesse d'aide économique de Washington ; ces mesures ont contribué dans un premier temps à rallier les classe moyennes aux réformes du Président Musharraf ; dans un second temps, les maladresses américaines ont entraîné une réaction nationaliste qui explique en partie le succès des partis religieux aux élections d'octobre 2002.

La « Coalition pour l'Action », la Muttahida Majlis-e-Amal (MMA) constitue la troisième force politique du pays, ayant remporté 20% des voix et 60 sièges à l'Assemblée nationale sur 342 (contre moins d'une dizaine en 1997).Son secrétaire général, Fazlur Rehman, chef d'une faction de la Jamaat-e-Ulema-e-Islam, a été désigné chef de l'opposition.

Cette alliance de six partis religieux35, qui a en outre obtenu la majorité des sièges à l'assemblée provinciale de la NWFP et gouverne donc cette province sensible, a engagé avec le pouvoir une confrontation qui masque une attitude plus ambiguë. Les principaux dirigeants islamistes dénoncent en effet la ligne proaméricaine du Président Musharraf, son statut de chef d'état-major, ainsi que les amendements à la Constitution de 1973 qui introduisent des mesures de libéralisation culturelle (instauration de quotas en faveur des femmes au Parlement). Mais ils jouent aussi le jeu du pouvoir en participant aux structures politiques ; le MMA s'est en effet allié à la coalition soutenant le Président pour gouverner le Baloutchistan et a entériné, un an plus tard, le statut présidentiel du général Musharraf.

Pour la hiérarchie militaire, la rivale est davantage la classe politique que la mouvance islamique tour à tour écartée et instrumentalisée et sans laquelle les réformes auraient eu du mal à passer.

CONCLUSION

Les potentiels dont dispose le Pakistan et son dynamisme économique auront-ils raison des archaïsmes et des contradictions qui handicapent la nation pakistanaise ? Sa volonté de tenir sa place sur la scène internationale viendra-t-elle à bout des inquiétudes que suscite son image de puissance nucléaire imprévisible ?

Eradiquer la pauvreté et promouvoir l'éducation, poursuivre le développement économique et réduire les disparités entre provinces, tels sont les enjeux auxquels est confronté le gouvernement pakistanais pour apaiser les frustrations et les ressentiments d'une population jeune en proie aux sollicitations de l'islam radical.

Pour relever ces défis majeurs qui menacent à terme l'unité nationale, le Président Musharraf doit composer avec les intérêts et les ambitions des trois piliers du régime, militaires, élites et conservateurs religieux, et élargir sa base électorale en se rapprochant des partis traditionnels pour conforter sa légitimité en prévision des élections de 2007.

Sa marge de manœuvre déjà étroite est encore réduite par le jeu d'un environnement international difficile et fluctuant, où la lutte contre le terrorisme, le renchérissement des cours du pétrole, les tensions entre l'Iran et les Etats-Unis, les crises en cours en Afghanistan et en Irak ont des répercussions sur le pays et impliquent de près ou de loin la puissance américaine, allié principal et contesté.

Le Pakistan souhaite confirmer son intégration dans la communauté internationale en incarnant un islam modéré et éclairé, modèle pour les autres nations musulmanes, en oeuvrant pour la stabilisation du sous-continent, et en devenant une plaque tournante du commerce, notamment pétrolier, en Asie du Sud. Ces efforts ne peuvent que servir les intérêts des démocraties occidentales ; leur soutien lucide est nécessaire pour permettre au Pays des Purs d'envisager son avenir avec une plus grande confiance.

ANNEXES

Programme de la mission

Samedi 13 mai 2006

08.40  Arrivée aéroport d'Islamabad, accueil par Son Exc.

M. de Belenet, ambassadeur de France

12.00  Déjeuner de travail à l'Ambassade de France

17.30  Entretien avec M. Roger Goudiard, Directeur pour l'Asie de l'Agence Française de Développement

18.30 Réception offerte par M. l'Ambassadeur pour la communauté française

Dimanche 14 mai 2006

07.00 Départ pour Peshawar

10.00 Visite du site de Micheri Post/Khyber Pass

12.30 Entretien avec M. Khalil-ur-Rehman, Gouverneur de la Province Frontière du Nord-Ouest (NWFP).

Retour à Islamabad

Lundi 15 mai 2006

10.00 Entretien avec M. Kamil Ali Agha, Secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement

10.45 Rencontre avec le Dr. Shireen Mazari, Directeur Général de l'Institut des Etudes Stratégiques

12.30 Entretien avec le Vice-Président de l'Assemblée nationale, Sardar Muhammad Yaqub

16.00 Entretien avec le Ministre des Affaires étrangères Mian Khursheed Mahmud Kasuri

17.00 Entretien avec le Général de brigade (cr) Saleem Ahmed Moeen, Président de NADRA

18.00 Rencontre avec les représentants des entreprises françaises à la Résidence

Mardi 16 mai 2006

10.30 Rencontre avec le Général Pervez Musharraf, Président de la République Islamique du Pakistan

12.00 Visite de l'Alliance Française et réunion avec les étudiants du programme des 200 doctorants

13.00 Entretien avec M. Muhammadmian Soomro, Président du Sénat

16.15  Entretien avec le Président de la Commission nationale électorale.

17.00 Entretien avec M. Salim Saif Ullah Khan -Ministre de la coordination inter-provinces

20.00 Dîner/buffet offert par l'Ambassadeur de France à la Résidence (avec des personnalités politiques)

Mercredi 17 mai 2006

07.15 Départ pour Muzaffarabad

10.00 Entretien avecM. Sardar Muhammad Siab Khalid, Secrétaire Général, de l'Assemblée législative (AJK)

11.00 Briefing avec le Secrétaire Général-adjoint de l'AJK

14.00 Retour à Islamabad

17.00 Entretien avec M. Altaf Muhammad Saleem, Ministre en charge de la reconstruction et de la réhabilitation après le tremblement de terre, et Président de l'« Earthquake Reconstruction and Rehabilitation Authority » (ERRA)

19.30 Dîner à la Résidence offert par M. l'Ambassadeur avec la presse française et un membre de la Commission de la Délégation Européenne à Islamabad (thème : islamisme)

Jeudi 18 mai 2006

07.00 Départ pour Lahore

12.30 Entretien avec le Président de l'Assemblée

Provinciale, Mr. Muhammad Afzal Sahi

17.00 Visite de l'Alliance Française de Lahore

18.00 Rencontre avec les représentants des entreprises françaises

Vendredi 19 Mai 2006

11.00 Entretien avec le Lt.Gen. (cr) Khalid Maqbool , Gouverneur du Punjab

16.0 Rencontre avec M. Chaudhry Pervaiz Elahi, Ministre en Chef de la province du Punjab

Samedi 20 Mai 2006

09.00 Départ pour Paris

PAKISTAN FICHE SIGNALETIQUE

Superficie

796 095 km2

Population

156,6 millions d'hab. (estim. janvier 2006)

Densité

196 hab./km2

Croissance démographique

2,2% (source Banque Mondiale)

Religions

Islam (religion d'Etat 97 %) Christianisme (1,5%) Hindouisme (1,5%)

Langue officielle

anglais (langue officielle)

ourdou (langue nationale)

penjabi (48 %)

pachto (13 %)

sindhi (12 %)

cachemiri, baloutche, hindko, brahoui

Capitale

Islamabad

I - ORGANISATION POLITIQUE

Nature de l'Etat : République islamique.

Nature du régime : Parlementaire (un parlement bicaméral au niveau fédéral, une assemblée dans chacune des quatre provinces) avec un pouvoir présidentiel fort.

Chef de l'Etat et titre : Général Pervez Musharraf, Président de la République.

Premier ministre : M. Shaukat AZIZ.

Ministre des Affaires Etrangères : M. Mian Khurshid Mehmood Kasuri

ECONOMIE

Principaux indicateurs économiques

. Monnaie :

Roupie Pakistanaise

. Taux de change :

Au 24/01/2006:

1 USD = 59,8 PKR

1 EURO = 72,2 PKR

. PIB :

110 Mds USD en 2004-05

. PIB/hab :

652 USD en 2003-04 et 736 USD en 2004-05

. Taux de croissance du PIB

6,4% en 2003-04 et 8,4% en 2004-05

. Balance courante (déficitaire)

-1,52 Md USD en 2004-05 soit 1% du PIB

. Inflation

4,57% en 2003-04 et 9,3% en 2004-05

· Taux de chômage

: 25 à 30% estimé - 7.1 % officiel

· Dette extérieure

: 36 Mds USD soit 32,7% PIB en 2004-05

. Ratio du service de la dette

: 6,8% du PB en 2003-04 ; 2,7% du PIB en 2004-05

. Dette publique totale (interne+externe)

: 69 Mds PKR (2004-05) dont 48% de dette interne

interneinterne

. Réserves en devises

: 11,2 Mds USD (décembre 2005)

Part des principaux secteurs d'activités dans le PNB :

Primaire : 23 % - Secondaire : 25 % - Tertiaire : 52 %

Principaux postes du commerce extérieur :

- Exportations : Textile (67 %), biens de consommations (15%), produits agro-alimentaires (6 %),

- Importations : Biens d'équipements (23 %), biens de consommation (22%), matières premières -énergie (20%), chimie-pharmacie (17%).

Principaux partenaires commerciaux (en % du total) :

- clients : Etats-Unis (27,5%), Emirats Arabes Unis (7%), Afghanistan (6,5%), Royaume-Uni
(5,8%), Allemagne (4,9%), Hongkong (4 %), Italie (3%), France (2,3%).

- fournisseurs : Arabie Saoudite (11,6 %), Emirats Arabes Unis (11,6 %), Chine (11 %), Japon (6,3%), Etats-Unis (4,42 %). La France est le 18ème fournisseur avec 1,42% de part de marché.

Principaux investisseurs étrangers :

Flux d'IDE entrant au Pakistan en 2004-05 : 1 524 MUSD selon la répartition suivante :

Emirats Arabes Unis (24%), Etats-Unis (21 %), Royaume-Uni (12 %), Suisse (9%), Japon (3%), Pays-Bas (2,4%).

La France est le10ème investisseur étranger en termes de stock (81 MUSD en 2004-05).

III - RELATIONS COMMERCIALES FRANCO-PAKISTANAISES

Echanges commerciaux

En millions d'euros

2003

2004

2005

(janv. 2005-nov.2005)

Exportations françaises

197,8

280,7

346

Importations françaises

395,4

418,2

380

Solde

-197,6

-137,5

-34

Taux de couverture

50%

67%

91%

Les exportations françaises sont en constante progression, elles ont augmenté de 23,8 % entre 2002 et 2003, de 41,9 % entre 2003 et 2004 et de 42,2% sur les 11 premiers mois de l'année 2005.

Nombre d'entreprises françaises dans le pays :

36 entreprises françaises sont présentes au Pakistan (au 1er Janvier 2006) dont 15 bureaux de représentation, 9 joint-ventures, 8 implantations directes, 3 missions techniques et 1 contrat d'agence.

Rang de la France dans les exportations totales du pays :

13ème client avec 2,3% de part de marché (Juillet - Août 2005).

Principales exportations à destination de la France (janvier 2005-novembre 2005) :

Biens intermédiaires (48%), biens de consommation (42%).

Principaux produits importés de France (janvier 2005-novembre 2005) :

Biens d'équipement professionnel (43%), biens intermédiaires (25%), biens de consommation (23 %)

Chronologie des événements 1999-2002

1999

Août/septembre: plusieurs milliers d'opposants, dont des parlementaires, sont arrêtés après des manifestations massives contre le régime de Nawaz Sharif, à l'appel d'une coalition de 19 partis et organisations religieuses.

12 octobre: le général Pervez Musharraf, nommé un an plus tôt au poste de chef d'état-major par Nawaz Sharif, renverse ce dernier et décrète l'état d'urgence.

2000

Avril: Nawaz Sharif est condamné à la détention à perpétuité pour piraterie aérienne et terrorisme.

Mai: la Cour suprême rend un arrêt légalisant le coup d'Etat du 12 octobre 1999.

Juillet: Nawaz Sharif est condamné à 14 ans de prison pour corruption et fraude fiscale.

Octobre: le général Musharraf réaffirme que les militaires quitteront le pouvoir avant deux ans. Un tribunal pakistanais rejette l'appel formulé par l'Etat, réclamant la peine de mort pour Nawaz Sharif.

Décembre: Nawaz Sharif est gracié et envoyé en exil avec sa famille en Arabie saoudite.

2001

Juin: le général Musharraf se proclame président et dissout le parlement dont les activités étaient «suspendues» depuis le coup d'Etat d'octobre 1999.

Septembre: le président Musharraf offre son entière coopération aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre. Les Etats-Unis lèvent les sanctions imposées au Pakistan en 1998, après les essais nucléaires.

22 novembre: le Pakistan fait fermer l'ambassade afghane, tenue par les talibans, à Islamabad.

13 décembre: l'attaque, par un commando, du parlement fédéral indien à New Delhi fait douze morts, dont les assaillants. L'Inde dénonce un soutien pakistanais, démenti par Islamabad

2002

Janvier: le gouvernement interdit cinq groupes religieux fondamentalistes et fait arrêter plus de 2 000 militants islamistes.

23 janvier: le journaliste américain Daniel Pearl est enlevé à Karachi par un groupe islamiste. Une cassette vidéo de son assassinat est envoyée le 22 février au consulat des Etats-Unis.

30 avril: Pervez Musharraf remporte, avec 97,5% des suffrages, un référendum légitimant son maintien à la présidence pour 5 années supplémentaires.

Mai: reprise des affrontements entre soldats indiens et pakistanais sur la ligne de front au Cachemire. Le Pakistan procède à des tirs d'essai de missiles balistiques.

8 mai: un attentat à la voiture piégée visant des techniciens de la Direction des constructions navales (DCN) tue onze Français et trois Pakistanais à Karachi.

21 août: des amendements constitutionnels officialisent le rôle des militaires en politique, et le président s'arroge le pouvoir de dissoudre le Parlement.

10 octobre: élections législatives. La Ligue musulmane pakistanaise-Quaid (proche du régime) obtient le meilleur score avec 103 sièges, suivie par le Parti populaire pakistanais, de Benazir Bhutto, avec 80 sièges. La coalition de six partis islamiques, Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), emporte 59 sièges

Biographie du Président Pervez Musharraf

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General Pervez Musharraf

Président de la République islamique du Pakistan

Pervez Musharraf, le deuxième de trois frères, est né à Delhi le 11 août 1943. Il a passé une partie de son enfance à Ankara en Turquie, où son père a occupé un poste diplomatique de 1949 à 1956, et où il a appris le turc. De retour au Pakistan, il a poursuivi ses études à la St. Patrick's High School, à Karachi, puis au Forman Christian Collège, à Lahore, où il a décidé de rejoindre la Pakistan Military Academy en 1961.

Il a été affecté dans un régiment d'artillerie en 1964. Diplômé du Command and Staff Collège de Quetta et du National Defence Collège à Rawalpindi. il a aussi étudié au Royal Collège of Defence Studies (Royaume-Uni).

Promu au rang de major-général en janvier 1991, il a commandé une division d'infanterie, puis un corps de frappe (strike corps) comme lieutenant-général en 1995. Il a été promu au rang de général le 7 octobre 1998 et nommé chef d'état-major. Il a aussi occupé le poste de président du Joint Chiefs of Staff Committee d'avril 1999 à octobre 2001.

Le général Musharraf est devenu chef de l'exécutif (Chief Executive) à la suite du coup d'Etat du 12 octobre 1999, poste qu'il a cumulé avec celui de Président de la République à partir du 20 juin 2001. Le 16 novembre 2002, il a prêté serment comme Président de la République. Le 23 novembre 2002, il a abandonné la fonction de chef de l'exécutif au Premier ministre issu des élections d'octobre 2002.

Marié à Sehba Farid le 27 décembre 1968, il a deux enfants, un fils et une fille, aujourd'hui tous deux mariés. Le Président Musharraf est grand-père depuis que sa fille Ayla a donné naissance à deux filles, Maryam et Zainab.

De ses années de collège, il garde un grand intérêt pour les sports aquatiques comme le canoë et la voile. Il est également amateur de squash, de tennis et de golf. Lecteur avide, le général Musharraf est particulièrement bien versé en histoire militaire, son sujet préféré.

Mohajir né à Delhi, le général Musharraf est peu suspect de vouloir privilégier une province comme l'avaient fait Benazir Bhutto et Nawaz Sharif (accusés de favoriser respectivement le Sindh et le Pendjab).

Eduqué dans des établissements chrétiens, il fait preuve de tolérance sur le plan religieux. Il a également retenu de ses années passées en Turquie une admiration pour le modèle kemaliste, ce qui constitue un autre point de mésentente avec les milieux islamistes.

Ayant servi dans les forces spéciales (guerre de 1971), il a gardé la réputation d'un homme de décision, ce qui ne l'empêche pas de multiplier les réunions de concertation et d'associer les commandants de corps aux décisions importantes.

Enfin, le président Musharraf a rapidement su s'imposer au sein des médias, utilisant avec habileté la presse pour asseoir son image et expliquer sa politique. De par ses origines urbaines, il arrive, mieux que les féodaux qui composent l'essentiel de la classe politique pakistanaise, à sentir l'opinion et ses aspirations, et à trouver les termes et les formules adéquates pour faire passer ses messages. Les cinq ans qu'il a maintenant passés à la tête de l'Etat ne l'ont visiblement pas coupé de la population pakistanaise.

Le temps de la modération éclairée

par Pervez Musharraf

Depuis le début des années 1990, le monde traverse une période de tumultes qui ne donnent pas de signe d'apaisement. Les souffrances des innocents, et particulièrement celles de mes frères musulmans, aux mains d'activistes, d'extrémistes et de terroristes, m'incitent à essayer d'apporter un peu d'ordre dans ce monde désordonné. C'est ce besoin même qui me conduit à exposer ma stratégie de la modération éclairée.

Le monde est devenu un lieu très dangereux. Le pouvoir dévastateur des charges explosives alliées à une haute technologie ainsi que la multiplication des attentats-suicides sont une combinaison fatale qui défie les mesures de sécurité. La triste réalité est que les auteurs de ces crimes, tout comme la majorité de leurs victimes, sont des musulmans. Cela renvoie inévitablement au monde l'image erronée d'une religion de l'intolérance, de l'activisme et du terrorisme.

Cette thèse a rapidement fait son chemin autour du globe : reliant l'islam à l'intégrisme, l'intégrisme à l'extrémisme et l'extrémisme au terrorisme. Les musulmans ont beau s'élever aussi fermement qu'ils le peuvent contre cet amalgame, le fait est que de tels arguments ne font pas le poids dans la formidable bataille des idées engagée contre nous. Et pour ne rien arranger à cette situation, nous sommes probablement les peuples les plus pauvres, les moins éduqués, les plus désunis et les moins puissants de la planète.

La dure réalité à laquelle chaque personne dotée d'un tant soit peu de compassion pour l'humanité - pour notre monde, pour mère Nature - est confrontée est celle de l'héritage que nous allons laisser aux générations futures.

Dans le cas des musulmans, le défi est de sortir de l'ornière en s'appuyant sur l'épanouissement individuel et une émancipation socio-économique collective. Nous nous devons d'agir rapidement pour arrêter le carnage dans le monde et pour que les musulmans remontent la pente, si nous ne voulons pas être marginalisés.

Musulmans, mes frères ! Le temps de la renaissance est venu. Il est temps de nous consacrer au développement des ressources humaines en œuvrant pour l'allégement de la pauvreté, l'éducation, la santé et la justice sociale.

Mon idée, pour trancher ce noeud gordien, est la stratégie de la modération éclairée, dont je pense qu'elle serait propice à l'entente entre le monde musulman et le monde non musulman. Cette stratégie se déploie sur deux fronts.

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D'une part, le monde musulman doit s'écarter de l'activisme et de l'extrémisme pour prendre le chemin du développement socioéconomique. D'autre part, le monde occidental, et les Etats-Unis en particulier, doit œuvrer à la résolution juste de tous les conflits politiques. Ils se doivent également d'accompagner le développement socio-économique d'un monde musulman très démuni.

J'aimerais expliquer ici la logique de la stratégie de la modération éclairée et développer un peu la méthodologie à suivre par le monde musulman pour la mettre en œuvre. Nous devons tout d'abord comprendre que l'extrémisme prend naissance dans l'injustice politique, le déni et la pauvreté.

L'injustice politique envers une nation ou un peuple, particulièrement lorsqu'elle est associée au plus grand dénuement et à l'illettrisme, crée un sentiment aigu d'aliénation, de privation, de désespoir et d'impuissance, ce qui donne un mélange détonant. Un peuple qui souffre d'une combinaison de ces maux destructeurs est un terreau sensible à la propagation de l'activisme et d'un extrémisme susceptible de produire des actes terroristes.

En défense des gens de ma foi, je me dois de remonter aux origines de cette stigmatisation des musulmans en tant qu'extrémistes. Avant le début de la guerre contre les Soviétiques en Afghanistan, seule la cause palestinienne était source de préoccupation et de tensions dans le monde musulman. Cette cause avait vu l'unification des musulmans en faveur des Palestiniens et contre Israël.

Dans les années 1980, la guerre d'Afghanistan, soutenue autant moralement qu'en matière de logistique par un Occident qui menait là une guerre par procuration contre l'Union soviétique, a vu l'émergence et le développement nourri de l'activisme panislamique. L'islam en tant que religion fut alors utilisé pour rallier le soutien des masses à travers tout le monde musulman.

Puis sont venus les atrocités et le nettoyage ethniques perpétré contre les musulmans de Bosnie, le soulèvement tchétchène, la lutte des Cachemiris pour leur liberté et le nouveau souffle de l'Intifada palestinienne, tout cela dans les années 1990, après la désintégration de l'Union soviétique.

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Pour empirer les choses, l'activisme né en Afghanistan et qui aurait dû se dissiper après la fin de la guerre froide a eu tout loisir de couver pendant les années 1990. Cette plaie ouverte que représentait l'Afghanistan avec ses combattants venus de tout le monde musulman - dans une période où d'autres nations musulmanes connaissaient des bouleversements -, ce combat est devenu multidirectionnel, à la recherche de nouvelles zones de conflit où les musulmans souffraient. C'est dans cette période que l'on a vu la naissance d'Al-Qaida. Tout cela à un moment où l'Intifada palestinienne gagnait des soutiens et où les événements heurtaient et unifiaient le monde musulman.

Puis sont venus les horribles attentats du 11 septembre, la colère des Américains contre les talibans et Al-Qaida en Afghanistan. Toutes les réactions américaines qui ont suivi, les mesures prises aux Etats-Unis contre les musulmans, leur attitude vis-à-vis de la Palestine, les opérations en Irak, tout cela a mené à la polarisation totale de la rue musulmane contre les Etats-Unis. Pourquoi ai-je besoin de procéder à tous ces rappels ? Eh bien, pour démontrer que ce n'est pas l'islam en tant que religion qui prêche ou distille l'extrémisme, mais bien des conflits politiques qui ont engendré l'hostilité des musulmans.

Ces éléments sont aujourd'hui entrés dans l'histoire. Ce qui a été fait ne peut être défait. Mais l'on ne peut pas davantage laisser cette situation s'envenimer. Au nom de l'harmonie universelle, nous n'avons d'autre choix que de trouver une solution. L'impératif aujourd'hui pour l'Occident, dans le cadre de sa participation à cette stratégie de la modération éclairée, devrait être de trouver une réponse politique juste à ces questions.

J'aimerais maintenant me tourner vers le monde musulman, pour lequel j'éprouve une grande peine. Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est d'introspection.

Qui sommes-nous ? En tant que musulmans, quelles sont nos idées ? Où allons-nous ? Vers quoi devrions-nous tendre et comment y parvenir ? Répondre à ces questions, voilà selon moi la part des musulmans dans la stratégie de la modération éclairée.

Nous avons partagé un passé glorieux. L'islam a été le porte-étendard d'une société de droit, juste, tolérante et porteuse de valeurs. Nous avions foi en l'avènement d'une humanité éclairée et pétrie de savoir. Nous étions l'exemple même de la tolérance au sein de notre propre communauté et pour les autres. Quels que puissent être les avis sur ce sujet, les armées de l'islam n'étaient pas en marche pour convertir par le fil de l'épée, mais pour délivrer de l'obscurantisme, par l'exemple vivant de leurs vertus.

Quelle meilleure image des vertus de l'islam que celle de notre saint prophète - que la paix et la bénédiction d'Allah soient sur lui ! -, qui personnifiait la justice, la compassion, la tolérance envers les autres, la générosité, l'austérité avec un esprit de sacrifice et un désir ardent d'élever l'humanité et de créer un monde meilleur ?

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Le monde musulman d'aujourd'hui est loin de ces valeurs. Nous sommes restés à la traîne du développement socio-économique et du débat d'idées. Durant notre déclin, nous nous sommes renfermés dans notre coquille et nous avons refusé d'apprendre de l'autre, d'acquérir des connaissances venant de l'autre. Nous pouvons faire ce triste constat à regret, mais il nous faut regarder la réalité en face.

Quel est notre chemin ? Celui de la confrontation et de l'activisme politique ? Ce chemin nous ramènera-t-il à notre gloire passée, sera-t-il pour le monde le fanal du progrès et du développement ?

Musulmans, mes frères, le temps de la renaissance est venu. Il est temps d'adopter une démarche éclairée, de nous consacrer au développement des ressources humaines en œuvrant dans nos pays pour l'allégement de la pauvreté, pour l'éducation, pour la santé et pour la justice sociale.

Si tel doit être notre cap, il ne peut être gardé dans la confrontation. Nous devons adopter une approche modérée et de conciliation afin d'effacer des esprits cette idée reçue d'un islam de l'activisme politique, en conflit avec la modernité, la démocratie et les sociétés laïques. Nous devons accomplir tout cela en réalisant que, dans le monde où nous vivons aujourd'hui, il ne nous sera peut-être pas fait justice pour autant. Voilà notre part de la stratégie de la modération éclairée, celle à laquelle nous devons nous atteler.

Et si le monde musulman devait s'engager dans cette voie, quels en seraient les vecteurs ? L'Organisation de la conférence islamique (OCI) est notre forum. Nous devons insuffler la vie dans cette institution qui doit être restructurée pour répondre aux défis du XXIe siècle ainsi qu'aux aspirations du monde musulman et nous emmener vers l'émancipation. Un comité d'éminentes personnalités est actuellement en train de se constituer. Il devra rendre ses recommandations pour la restructuration de l'OCI. C'est, en soi, déjà un grand pas dans la bonne direction. Nous devons nous montrer déterminés, nous élever au-dessus de nos intérêts particuliers pour le bien commun, dans l'esprit même de l'islam.

Ne permettons pas aux futures générations de dire que nous, dirigeants d'aujourd'hui, avons mené le monde vers l'apocalypse. Justice doit être faite et doit être vue pour être faite. Le monde dans son ensemble et les pouvoirs, quels qu'ils soient, doivent réaliser que la confrontation et le recours à la force ne sont plus l'un des moyens à leur disposition pour amener la paix.

La traduction de l'anglais de ce texte a été supervisée par les services de l'ambassade du Pakistan à Paris. Publié dans le quotidien Le Monde, Paris, 3 juin 2004.

Les partis politiques au Pakistan

LES PARTIS POLITIQUES AU PAKISTAN PML (Pakistan Muslim League ) :

. parti soutenant Y armée et le général Musharraf.

. environ 150 sièges de député (sur 342) et 48 de sénateurs (sur 100).

. président Chaudhry Shujaat Husain

vice-président Syed Kabir Ali Wasti

. Fusion de la PML-QA (Qaid-e-Azam) avec quatre autres fractions de la PML

(qui représentent ensemble 24 députés à l'assemblée nationale) : PML-

Functional (5 députés), PML-Junejo (3 députés), PML-Jinnah (l)et PML-Z (1),

plus la National Alliance (NA).

MMA (Muttahida Majlis-e-Amal ; Conseil uni pour l'action) :

. coalition de six partis religieux.

. 60 députés, 21 sénateurs.

. MMA : vice président (et acting président, après le décès de Maulana Shah

Ahmad Noorani, JUP) Qazi Hussain Ahmed (JI)

SG Fazlur-Rehman (JUI-F)

deputy SG Liaqat Baloch (JI)

- JI (Jamaat-i-Islami): amir Qazi Husain Ahmad
Deputy chief Ghafoor Ahmad

secretary gênerai Syed Munawwar Hasan

- JUI-F : chief Maulana Fazlur-Rahman

- JUI-SENIOR : chief Qari Gui Rehman, député (en remplacement du JUI-S,
dirigé par le Maulana Samiul-Haq, expulsé de MMA, le 21 décembre 2005)

- JUP-N (Jamiat-e-Ulema Pakistan): président Shah Faridul Haq (parti barelvi,
censé représente l'islam populaire qui s'exprime au travers du culte des
saints)

ITP (Islamic Tehrik-e-Pakistan) : chief Allama Syed Sajid Naqvi (parti chiite)

- JAH (Markazi Jamiat Ahle-adith): président Prof Sajid Mir (proche de la PML-
N, a été sous l'étiquette de ce parti)

. Ses deux principales composantes sont la Jamaat-e-Islami (JI) de Qazi Hussain

Ahmed et la Jamiat Ulema-e-Islam de Fazlur-Rehman (JUI-F).

Le conseil exécutif de la JUI-S a décidé le 23.9.03de boycotter le MMA. Un

autre petit parti, le JUP, a également exprimé sa mauvaise humeur et menacé de

quitter la coalition.

MMA dirige le gouvernement provincial de la NWFP fait partie du

gouvernement de coalition dans la province du Balochistan.

PPPP (Pakistan People's Party Parlementarians) :

. parti de l'ancienne Premier ministre Benazir Bhutto

. 59 députés et 9 sénateurs. C'était le second à l'assemblée nationale avant que

les défections des « Patriots » (au nombre d'une vingtaine) ne l'affaiblissent

considérablement.

. président Makhdoom Amin Fahim gênerai secretary Raja Pervez Ashraf

PPP (surnommés « les Patriots »)

. groupe d'environ 20 députés PPPP ayant rallié la majorité, rejoints par d'anciers dissidents (PPP-S de Sherpao) . président Mr Aftab Sherpao . chairman : Rao Sikandar Iqbal . SG Faisal Saleh Hayat

PML-N (Pakistan Muslim League-Nawaz)

. parti de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif

. 19 députés et 4 sénateurs

. président Mian Shahbaz Sharif (frère de Nawaz et ancien ministre en chef du

Penjab)

chairman Raja Zafarul Haq

acting président Chaudhry Nisar Ali Khan

MQM (Muttahida Qaumi Movement)

. parti représentant les mohajirs, surtout représenté dans le Sindh urbain

. 18 députés et 6 sénateurs

. leader (en exil) Altaf Hussain

. convenor Farooq Sattar

Fait partie du gouvernement de coalition dans la province du Sindh. Le

gouverneur provincial appartient à ce parti.

PML-F (Pakistan Muslim League-Functional)

. dirigé par le Pir Pagaro . 5 députés

PTI (Pakistan Tehrik-e-Insaf)

. chairman Imran IChan (ancien joueur de cricket) . un député

BNP (Balochistan National Party)

. parti nationaliste baloutche . un député et un sénateur

ANP (Awami National Party)

. parti nationaliste pathan, héritier de Khan Abdul Ghaffar (alias Bâcha Khan, le

« Gandhi de la Frontière »)

. président Asfandyar Wali Khan

provincial PR Begum Nasim Wali Khan senior vice-président Ghulam Ahmed Bilour. . 2 sénateurs, 2 députés à l'assemblée nationale

PKMAP (ou PMAP ; Pakhtunkhwa Milli Awami Party)

. parti nationaliste pathan, réputé plus radical que PANP . chairman Mahmood Khan Achakzai vice président Abdul Raheem Mandokhel . un député et deux sénateurs

JWP (Jamhoori Watan Party)

. parti du Nawab Muhammad AJcbar Khan Bugti ; baloutche

BNM (Balochistan National Movement)

. devrait fusionner avec le BNDP (Balochistan National Démocratie Party ; président : Sardar Sanaullah Zehri) pour former le National Party (chief organizer Dr Abdul Hayee Baloch) . un poste de sénateur

AUTRES PARTIS/FORMATIONS ARD (Alliance for the restoration of democracy)

. alliance d'une quinzaine de partis de l'opposition, notamment le PPPP et la

PML-N. Ne comprend pas les partis du MMA.

. chairman Amin Fahim (PPPP)

deputy président Nawabzada Mansoor Khan (PDP)

SG Iqbal Zafar Jhagra

Chief coordinator Malik Hakmeen Khan

1 Selon les autorités financières pakistanaises, 2,6 milliards de dollars ont été rapatriés entre juillet 2004 et février 2005.

2 Bahrein, Bangladesh, Canada, Chine, Egypte, Indonésie, Malaisie, Russie, Singapour et Thaïlande

3 L'Association de l'Asie du Sud pour la Coopération Régionale (SAARC créée en 1985, réunit sept pays : Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal, Pakistan et Sri Lanka. Son objectif est d'accélérer le processus de développement économique et social des Etats membres.

4 Voir en annexe : « Le temps de la modération éclairée » -discours du Président Musharraf -juin 2004.

5 Cf. Discours prononcé le 6 avril 2005 par Wen Jibao, Premier ministre de Chine, lors de sa visite au Pakistan

6 Ce revirement de politique étrangère a généré des tensions politiques qui se sont traduites par des attentats contre des personnalités étrangères ou des intérêts étrangers, comme en témoignent la prise d'otage et l'assassinat du journaliste américains Daniel Pearl, puis l'attentat à la grenade dans un temple protestant du quartier diplomatique d'Islamabad en mars 2002 et enfin les attentats à Karachi contre les employés de DCN en mai et contre le Consulat des Etats-Unis en juin.

7 Arrestation de près de 700 membres d'Al-Qaïda, et notamment celle, en mars 2003, de Khalid Sheikh Mohammed, considéré comme le principal organisateur des attentats de septembre 2001 aux Etats-Unis

8 Entretien avec M. Khursheed Kasuri

9 Entretien avec M. Kursheed Kasuri du 17 mai 2006

10 Idem

11 Etaient représentées lors de la rencontre les entreprises suivantes : Alcatel, Dassault Aviation, DCN International, Eurocopter, SAGEM, SNECMA et Thales.

12 Effectuée à la demande de l'Ambassadeur de France au Pakistan, la modification de la fiche de « Conseils aux voyageurs » propose une approche plus fine de la situation sécuritaire, en distinguant différentes  zones.

13 La promotion et la diffusion de la langue et de la culture française s'appuient sur un réseau composé de quatre Alliances françaises (Karachi, Islamabad, Lahore et Peshawar). Ce réseau, qui avait été mis en sommeil en 2002 au lendemain de l'attentat de Karachi qui avait coûté la vie à 11 ingénieurs de la Direction des Chantiers Navals, a été réactivé en 2003.

14 Médecins du Monde (présente avant le séisme), Action Contre la Faim, Atlas Logistique, Médecins Sans Frontières, Architectes de l'Urgence, Première Urgence, Secours Populaire, Secours Islamique, Solidarité, Electriciens Sans Frontières, Croix Rouge Française, France-Kashmir, Handicap international

15 Ce programme va permettre de reconstruire entièrement 30 000 maisons et d'en restaurer 30 000 endommagées.

16 Selon l'ONG OXFAM

17 1958 : coup d'Etat du général Ayub Khan qui reste au pouvoir jusqu'en 1969 ; 1969 : le général Yahya Khan impose la loi martiale ; 1977 : coup d'Etat du général Zia-Ul-Haq, qui reste au pouvoir jusqu'en 1988 ; 1999 : coup d'Etat du général Pervez Musharraf, au pouvoir à ce jour

18 il a par la suite, en 2004, été remplacé par le ministre des Finances Shaukat Aziz

19 Programme « devolution power to the grass roots level » lancé en 2000 et censé transférer vers les autorités locales élues une partie des compétences financières et administratives de l'Etat.

20 Cf. visite du Président Bush en mars 2006.

21 Emigrés d'Inde au moment de la partition

22 Bajaur, Mohmand, Khyber, Orakzai, Kurram, Waziristan nord et sud

23 ainsi, peut-être qu'à Oussama ben Laden

24 A titre d'exemple, le prix du gaz baloutche destiné à l'approvisionnement du pays a été fixé par le gouvernement pakistanais à un niveau très bas

25 Notamment attaques à la roquette en juin 2004 du gisement de Sui, situé à 350kms de la capitale provinciale Quetta, qui représente 45% de la production annuelle de gaz naturel du Pakistan.

26 Selon une étude de la Banque Mondiale effectuée en 2004, 44% des terres arables seraient possédées par 2% des exploitants.

27 qui oeuvra en faveur d'un Pakistan indépendant, composée de grands propriétaires terriens à l'exception de Mohammed Ali Jinnah, son fondateur

28 Mohammed Ali Jinnah

29 En mai 1999, des centaines de combattants islamistes soutenus par le Pakistan s'infiltrent et s'installent sur les hauteurs de Kargil puis contrôlent la route stratégique Srinagar-Leh. L'Inde réagit et lance une vaste offensive pour reprendre les zones investies. La Chine reste neutre et en juillet, le Président Clinton appelle les combattants pakistanais à se retirer. Après ce désaveu de deux de ses alliés traditionnels, le Pakistan se retire de cette zone. Cette défaite débouche en décembre sur le coup d'État du général Pervez Musharraf.

30 dédiée à la défense des intérêts des personnels militaires à la retraite

31 En 2000, le budget de la défense représentait près d'un tiers du budget de l'Etat

32 Entretien avec M. Jean-Luc Racine, directeur de recherche au CNRS avril 2006

33 Entretien avec le Président Musharraf

34 Une illustration en a été donnée dans les régions touchées par le séisme avec l'intervention d'ONG islamistes dont l'activisme a frappé les observateurs

35 Jamiat Ulema-e-Pakistan (JUP), Jamiat Ahle Hadith (MJAH), Islami Tehrik-e-Pakistan (ITP), Jamaat-e-Islami, Jamiat Ulema-e-Islam et Jamaat-Ahl-e-Hadith


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