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N° 3166

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 404

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Annexe au procès-verbal de la séance

le 15 juin 2006

du 15 juin 2006

 

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DE LA LÉGISLATION

 

RAPPORT

sur

les autorités administratives indépendantes,

par

M. Patrice GÉLARD,

Sénateur.

Tome II : Annexes

L'Office parlementaire d'évaluation de la législation est composé de : M. Jean-Jacques Hyest, sénateur, président ; M. Philippe Houillon, député, premier vice-président ; MM. Patrice Gélard, Jean-Claude Peyronnet, sénateurs, MM. Bernard Derosier, Christian Philip, députés, vice-présidents ; M. Philippe Arnaud, sénateur, M. Jacques Brunhes, député, secrétaires.

Membres de droit : MM. Alain Dufaut, Yann Gaillard, Daniel Goulet, Alain Gournac, Yannick Texier, sénateurs, Mmes Brigitte Le Brethon, Marguerite Lamour, MM. Marc Le Fur, Jérôme Bignon, Alfred Trassy-Paillogues, députés ;

Membres désignés par les groupes : M. Nicolas Alfonsi, Mme Éliane Assassi, M. Yannick Bodin, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Claude Merceron, sénateurs ; MM. Julien Dray, Gaëtan Gorce, Michel Lefait, Xavier de Roux, François Sauvadet, Jean-Luc Warsmann, députés.

Autorités administratives indépendantes.

éTUDE DRESSANT UN BILAN DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES, RÉALISÉE PAR MME MARIE-ANNE FRISON-ROCHE

LIGNES DIRECTRICES DU BILAN
DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

Les Autorités administratives indépendantes comme nouvelle façon de gouverner.

L'Etat est requis non seulement pour des raisons, proprement politiques, de légitimité, mais encore pour des raisons triviales d'efficacité par l'usage de la puissance publique. Mais comme l'usage de la puissance publique doit être également impartial, informé et accepté, les Autorités administratives indépendantes sont une nouvelle forme d'action publique, et si elles attaquent une conception traditionnelle de l'Etat, elles confortent l'idée même d'Etat.

Les Autorités administratives indépendantes, forme crédible de l'action publique.

Les Autorités administratives indépendantes sont très variées, en raison même de la diversité des situations sur lesquelles porte leur action, mais elles ont des points communs, qui les constituent comme forme crédible de l'action publique. C'est pourquoi il est essentiel qu'elles bénéficient du soutien de l'Etat, et si elles sont déliées d'un rapport hiérarchique à l'exécutif, elles appartiennent néanmoins pleinement à l'Etat, lequel ne se limite au Gouvernement.

La crédibilité fragile et complexe des Autorités administratives indépendantes.

Les Autorités administratives indépendantes tout à la fois tirent leur force et leur faiblesse de cette rupture avec l'exécutif. Elles en sont fragilisées parce qu'elles sont sorties du circuit de légitimité politique qui mène au Gouvernement, en tant que celui-ci est responsable politique devant le Parlement. La crédibilité des Autorités administratives indépendantes doit être construite, elle est fragile car elle est chaque jour en cause et doit chaque jour se donner à voir1. Cette crédibilité est constituée par l'exercice adéquat des pouvoirs conférés pour concrétiser les diverses missions que leur a confié le Parlement. C'est à cette aune que de toujours plus nombreux pouvoirs leur sont conférés.

Adéquation des Autorités administratives indépendantes à l'aune de leurs missions, confiées par le législateur.

Ce lien téléologique conduit le législateur à dessiner non seulement les pouvoirs mais encore les contours mêmes des Autorités administratives indépendantes à l'aune des missions. Cette considération d'efficacité est première pour organiser les compétences au sein des Autorités, pour mesurer les moyens humains et financiers requis pour la bonne exécution des missions. C'est pourquoi les compétences techniques présentes dans les Autorités administratives indépendantes, au sein de leur collègue ou de leur service, doivent être favorisées. Elle doit demeurer la considération première pour envisager des fusions des Autorités ou améliorer l'interrégulation, et les relations entre les Autorités administratives indépendantes et les autres institutions, telles que l'administration traditionnelle ou les juridictions. Le lien avec les juridictions est aujourd'hui étroit, d'une part parce que les Autorités administratives indépendantes se sont juridictionnalisées, notamment par l'influence de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, d'autre part parce que les décisions sont de plus en plus soumises au contrôle du juge, la dualité entre ordre des juridictions judiciaires et ordre des juridictions administratives étant une sorte de fatalité historique française dont chacun s'accommode désormais.

L'indépendance, premier socle de crédibilité.

Par tautologie, les Autorités administratives indépendantes doivent être indépendantes, c'est-à-dire bénéficier d'une indépendance qui se donne à voir. Pour cela, les règles de nominations, de révocation, de renouvellement des mandats, mais aussi des règles dont le lien est moins direct telle que la collégialité ou la motivation, permettent d'asseoir une indépendance effective. A cette aune, l'indépendance budgétaire est cruciale, la LOLF interférant d'une façon dommageable. Des perspectives plus ou moins radicales se font jour, allant de la sortie des Autorités administratives indépendantes de la LOLF, à leur regroupement dans un programme spécifique, à un aménagement permettant la sanctuarisation d'un budget demeurant dans le budget général.

Le renforcement dialectique entre indépendance et reddition des comptes.

Mais il ne peut y avoir de véritable indépendance, dans son effectivité et dans son caractère supportable, que si l'organisme qui en bénéficie, alors même qu'elle agit au nom de l'Etat et dispose de pouvoirs considérables tant dans leur ampleur que dans leur effet, rend des comptes. Il ne s'agit pas de reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre. En effet, les Autorités administratives indépendantes ne doivent être ni contrôlées, ni être irresponsables. Il convient qu'elles justifient de leur efficacité, de leur compétence et du bon usage qu'elles font de leurs pouvoirs au regard des missions que le Parlement leur a confiées. Il s'agit de renforcer l'accountability, ce que l'on peut viser par l'expression « reddition des comptes ».

Dans le sens d'une plus grande indépendance associée à une plus grande reddition des comptes.

L'indépendance et la reddition des comptes ne fonctionnent pas en vases communicants, elles se renforcent mutuellement. La première reddition des comptes s'opère par le contrôle que les juridictions exercent sur les décisions des Autorités administratives indépendantes. Les modes plus politiques de reddition des comptes sont moins accessibles, alors qu'ils sont fondamentaux. Le Parlement doit accroître sa place en la matière. En amont, pourquoi ne pas organiser des auditions devant lui des personnalités nommées au sein des Autorités administratives indépendantes avant leur prise de fonction ? En aval, pourquoi ne pas renforcer l'effectivité d'une reddition pour l'instant plus formelle que réelle, en accroissant l'intérêt et l'implication des parlementaires en la matière ?

Les Autorités administratives indépendantes et le législateur pédagogue.

Le bilan des Autorités administratives indépendantes est certes difficile à faire conceptuellement, mais il est sans doute encore plus difficile à faire matériellement, en raison du très grand nombre d'Autorités et de la très grande diversité de très multiples règles. L'observation triviale peut conduire à des conclusions normatives. Pour que le système des Autorités administratives indépendantes soit légitime et efficace, il faut qu'il soit lisible. Dans ce sens, une loi-cadre aura une utilité. Elle pourrait expliciter le cœur des règles communes aux Autorités administratives indépendantes, prendre la forme d'une loi organique. On pourrait encore songer à un Code des Autorités administratives indépendantes.

INTRODUCTION METHODOLOGIQUE

Travailler sur les autorités administratives indépendantes se heurte dès le départ à l'obstacle de la définition même de la catégorie.

Cette difficulté est réelle et sera abordée en tant que telle dans cette étude2. Il faut néanmoins procéder par provision, condition même pour débuter une recherche.

La première catégorisation des Autorités administratives indépendantes est celle dressée par le Conseil d'Etat dans son rapport d'activité pour l'année 2001. La juridiction administrative a dénombré trente-quatre Autorités administratives indépendantes, réparties en trois catégories :

· Treize organismes sont des Autorités administratives indépendantes par détermination législative ou jurisprudentielle :

¬ La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

¬ Le Médiateur de la République

¬ Le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

¬ Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

¬ La Commission de contrôle des campagnes électorales et des financements politiques (CCFP)

¬ La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

¬ La Commission des opérations de bourse (COB)

¬ L'Autorité de régulation des télécommunications (ART)

¬ La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

¬ Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD)

¬ L'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA)

¬ Le Défenseur des enfants

¬ La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

· Dix-sept organismes doivent être qualifiés d'Autorités administratives indépendantes en raison de leurs caractéristiques, conformément aux critères définis par le Conseil d'Etat dans son rapport (c'est-à-dire essentiellement en considération de pouvoirs contraignants, généraux ou particuliers, exercés par l'Autorité administrative en question :

¬ La Commission centrale permanente

¬ La Commission paritaire des publications et agences de presse

¬ Le Conseil supérieur de l'agence France-Presse

¬ La Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l'élection du Président de la République

¬ La Commission des sondages

¬ La Commission des infractions fiscales

¬ Le Bureau central de tarification (BCT)

¬ Le Médiateur du cinéma

¬ La Commission bancaire

¬ Le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI)

¬ La Commission des participations et des transferts

¬ Le Conseil de la concurrence

¬ La Commission de contrôle des assurances

¬ La Commission de contrôle des institutions et des unions régies par le livre IX du Code du travail et l'article 1050 du Code rural (ou : Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance)

¬ La Commission nationale d'équipement commercial (CNEC)

¬ Le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF)

¬ La Commission de la régulation de l'électricité (CRE)

· Quatre organismes paraissent, après hésitation, devoir être qualifiés d'Autorité administrative indépendante :

¬ La Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

¬ La Commission de la sécurité des consommateurs

¬ La Commission pour la transparence financière de la vie politique

¬ Le Conseil des marchés financiers

Cette question d'une liste des Autorités administratives indépendantes à laquelle on pourrait se fier, soucie d'ailleurs le Parlement puisqu'une question écrite a été posée par Monsieur le député Léonce Deprez à ce sujet le 24 mai 2005. La réponse formulée par le Gouvernement, tenant compte de l'évolution du droit positif depuis la reddition du rapport d'activité du Conseil d'Etat, a pris la forme d'une liste établie par ordre alphabétique, sans chercher donc comme l'avait fait le Conseil d'Etat à établir des classifications dans la catégorie des Autorités administratives indépendantes. Cela donne :

¬ L'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA)

¬ L'Autorité des marchés financiers (AMF) qui regroupe la Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers.

¬ L'Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP), qui remplace l'Autorité de régulation des télécommunications.

¬ Le Bureau central de tarification

¬ Le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI)

¬ Le Comité national consultatif d'éthique

¬ Le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE)

¬ La Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

¬ La Commission bancaire

¬ La Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles

¬ La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

¬ La Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP), qui réunit la Commission de contrôle des assurances et de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance)

¬ La Commission des infractions fiscales

¬ La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

¬ La Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l'élection du Président de la République

¬ La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

¬ La Commission nationale du débat public (CNDP)

¬ La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

¬ La Commission nationale d'équipement commercial (CNEC)

¬ La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

¬ La Commission paritaire des publications et agences de presses

¬ La Commission des participations et des transferts

¬ La Commission de régulation de l'énergie (CRE), anciennement Commission de régulation de l'électricité.

¬ La Commission de la sécurité des consommateurs (CSC)

¬ La Commission des sondages

¬ La Commission pour la transparence financière de la vie politique

¬ Le Conseil de la Concurrence

¬ Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD)

¬ Le Conseil supérieur de l'Agence France-Presse

¬ Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

¬ Le Défenseur des enfants

¬ La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

¬ La Haute Autorité de santé

¬ Le Médiateur de la République

¬ Le Médiateur du Cinéma3

Dans la présente étude, la liste des autorités étudiées a été plus vaste, non seulement pour tenir compte des évolutions mais encore par la considération de possible transformation en autorité administrative indépendante de certaines autorités jusqu'à présent écartées des listes établies. La liste de travail est donc la suivante :

¬ Autorité de contrôle des nuisances sonores et aéroportuaires (ACNUSA)

¬ Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)

¬ Agence européenne de la sécurité maritime (AESM)

¬ Agence européenne de la sécurité des réseaux et de l'information

¬ l'Agence européenne des médicaments

¬ Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail

¬ Agence européenne pour l'environnement

¬ Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

¬ Autorités des marchés financiers (AMF)

¬ Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

¬ Autorité européenne de sécurité des aliments

¬ Bureau central de la tarification (BCT)

¬ Bureau de vérification de la publicité (BVP)

¬ Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

¬ Commission de contrôle des assurances, des mutuelles, et des institutions de prévoyance (CCAMIP), devenue l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM)

¬ Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI)

¬ Centre européen pour le développement de la formation professionnelle

¬ Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière

¬ Comité consultatif national d'éthique (CCNE)

¬ Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

¬ Commission bancaire

¬ Commission centrale permanente

¬ Commission consultative du secret de la défense nationale

¬ Commission de sécurité des consommateurs

¬ Commission des clauses abusives

¬ Commission des infractions fiscales

¬ Commission des sondages

¬ Commission nationale de contrôle de la campagne électorale

¬ Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité

¬ Commission nationale de déontologie de la sécurité

¬ Commission nationale d'équipement commercial

¬ Commission nationale des comptes de campagne

¬ Commission nationale informatique et libertés (CNIL)

¬ Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP)

¬ Commission pour la transparence financière de la vie politique

¬ Conseil de la concurrence

¬ Conseil supérieur de l'Agence France Presse

¬ Contrôleur européen de la protection des données

¬ Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), devenu l'Agence française de lutte contre le dopage

¬ Commission des participations et des transferts

¬ Commission de régulation de l'énergie (CRE)

¬ Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA)

¬ Le défenseur des enfants

¬ Fondation européenne pour la formation

¬ Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail

¬ Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

¬ Haut conseil au commissariat aux comptes

¬ Haut Conseil à l'intégration

¬ Haute autorité de Santé (HAS)

¬ Le Médiateur de la République

¬ Le Médiateur de l'Union européenne

¬ Le médiateur du cinéma

¬ Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes

¬ Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

¬ Observatoire européen des phénomènes raciste et xénophobes (OEPRX)

Une méthode tendant vers une synthèse, en surmontant le nombre très important d'Autorités administratives indépendantes.

Dresser un bilan des Autorités administratives indépendantes rencontre des difficultés spécifiques. Tout d'abord, la grande multiplicité des Autorités administratives indépendantes oblige à embrasser de très nombreux organismes, plus d'une cinquantaine4. L'exercice de synthèse est difficile non pas en soi mais parce qu'à force de rendre le trait commun, on est conduit à le grossir et l'on risque de déformer la réalité à force de ne retenir que certains éléments. Le risque est alors en premier lieu celui de la déformation de la réalité, alors qu'un bilan vise avant tout à restituer celle-ci, en second lieu celui de l'abstraction, ce qui peut rendre le bilan inutile.

Une méthode tendant à rendre disponible des dispositifs très épars.

Les Autorités administratives indépendantes sont difficiles à saisir dans leur ensemble. Cela ne tient pas tant à la complexité de leur organisation, de leur mission, etc., car cette remarque exacte s'applique aussi à toutes sortes d'autres sujets. La difficulté méthodologique tient plutôt dans le fait, impliqué par la notion d'Autorité administrative indépendante, que ces Autorités sont appréhendées par l'objet de leur mission, ce qui segmente la connaissance. Par exemple, les spécialistes de la finance n'ignorent rien de l'Autorité des Marchés Financiers, les opérateurs énergétiques connaissent parfaitement la Commission de Régulation de l'Énergie, les services de protection sociale évoquent naturellement le Défenseur des enfants, les médecins se réfèrent à la Haute Autorité de la Santé ou au Conseil Consultatif National d'Éthique, mais personne ne les connaît, même d'une façon élémentaire, dans leur ensemble5. C'est pourquoi une deuxième partie de l'étude consiste dans une série de tableaux sur chacune des Autorités administratives indépendantes, tableau le plus souvent validé par l'Autorité concernée.

Premier élément de méthode : rendre maniables les données techniques.

Cette connaissance sectorielle des Autorités administratives indépendantes associée à la multiplicité des données pertinentes et au grand nombre des Autorités rend à la fois indispensable et difficile le maniement croisé de l'ensemble de ces données. C'est pourquoi ce rapport est accompagné d'un cédérom sur lequel il est possible de consulter soit l'ensemble des données propres à chaque Autorité, soit l'état pour une donnée précise (par exemple, règle de renouvellement des mandats, ou existence et modalité d'un règlement des différends, ou mode de désignation du président, etc.). Cela permet de conforter ou d'illustrer sur des points plus particuliers les propos nécessairement généraux de la présente étude. Celui-ci a donc pour objet de dégager les lignes d'intelligibilité qui apparaissent au fur et à mesure que le droit bâti par le Parlement se nourrit, se renforce mais aussi se complique, en confrontant ces données techniques et les principes généraux du droit et de la politique. Une bibliographie est donnée en annexe des présents développements pour aller dans une perspective soit plus vaste encore (bibliographie générale sur les Autorités administratives indépendantes), soit plus précise (bibliographie constituée Autorité par Autorité).

Deuxième élément de méthode : analyser successivement les techniques juridiques, dans une perspective de cercles concentriques.

Pour essayer d'éviter l'écueil, l'étude est constituée de plusieurs parties articulées entre elles. Tout d'abord, ce présent rapport général, le plus succinct qu'il est possible pour demeurer intelligible, cherche à répondre point par point aux questions précisément posées par l'Office Parlementaire d'Évaluation de la législation lui-même, et selon l'articulation arrêtée par celui-ci. Établir un bilan suppose cette complétude et l'analyse successive des questions porte dans un premier cercle sur les Autorités administratives indépendantes en elles-mêmes, lorsqu'il s'agit d'aborder les thèmes de la personnalité morale, des garanties d'indépendances des membres, des pouvoirs exercés, ou du régime budgétaire, mais encore porte dans un deuxième cercle sur les Autorités administratives indépendantes dans leurs rapports avec d'autres organismes ou institutions, telles que l'administration traditionnelle, les juridictions ou les citoyens. Le troisième cercle concerne l'insertion des Autorités administratives indépendantes dans le système politique général en France, à travers les raisons de leur création. A travers ces synthèses sur des points particuliers, des idées-forces ressortent6, notamment au travers de cercles concentriques qui permettent de restituer le véritable fonctionnement des Autorités.

Troisième élément de méthode : saisir le fonctionnement effectif des Autorités administratives indépendantes, dans la distance entre le fait et le droit.

Précisément, pour opérer un bilan d'une série d'organismes, et les constituer éventuellement en catégorie juridique plus construite qu'actuellement, par exemple à travers une loi-cadre les concernant7 ou bien à travers la constitution au sein de la LOLF d'un programme qui leur serait à la fois commun et propre8, il faut se baser non seulement sur les dispositifs juridiques qui les encadrent les unes après les autres mais encore sur la façon dont la réalité les concrétise, ou les enterre, ou les transforme. Cette distance entre le fait et le droit sera évoquée à de nombreuses reprises dans les développements qui suivent9. Cela n'a pas de sens d'informer le législateur sur les textes qu'il a lui-même adoptés, un bilan n'est pas une compilation, en revanche restituer la pratique et les répercussions politiques et sociales de l'application des textes peut être précieux10. A cette fin, de nombreux entretiens ont été menés en parallèle à l'étude technique, aussi bien auprès des présidents des Autorités administratives indépendantes que de ceux qui sont concernés par leur action. Les entretiens qui ont donné lieu à compte rendu et dont le contenu a été validé expressément par la personnalité interrogée11 seront fournis en annexe au rapport. Certains n'ont pas donné lieu à compte rendu, ce qui est parfois le gage le plus sûr d'avoir la mesure exacte de cette distance entre le fait et le droit.

Remerciements.

Il convient ici pour l'auteur du présent rapport de remercier très vivement l'équipe qui l'a entouré dans les différentes démarches, contacts et travaux nécessaires à cette étude. Mes remerciements vont à Jean-Yves Ollier, Philippe Delelis, Jean-Gabriel Sorbara et Grégory Maître12. En outre, ce rapport a été soumis à leur sagacité, sa qualité doit beaucoup à la relecture qu'ils ont bien voulu en faire.

CHAPITRE I
CONDITIONS DE CRÉATION ET COEXISTENCE
DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

Un panorama des Autorités administratives indépendantes donne une première impression de grande dispersion, d'une diversité sans raison profonde. Cette présentation péjorative, dès l'instant qu'on veut bien lier législation, volonté générale et raison, tient précisément au manque d'intelligibilité du mouvement général de créations successives de multiples Autorités administratives indépendantes en France depuis une trentaine d'années. L'intelligibilité n'est pas qu'une satisfaction personnelle pour qui veut comprendre et pour qui veut être compris, elle constitue désormais un droit des personnes, à la charge du législateur. Cet objectif à valeur constitutionnelle13 veut que l'on cherche à mieux comprendre pourquoi les Autorités administratives indépendantes ont été créées en France, intelligibilité en amont. Il convient également d'améliorer l'intelligibilité en aval, par l'évocation d'un éventuel cadre général pour les Autorités administratives indépendantes, et par des regroupements au sein de cette catégorie que certains considèrent encore comme hasardeuse.

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE CRÉATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

Par truisme, les Autorités administratives indépendantes sont créées en France par le législateur. La difficulté peut venir du fait qu'en créant une telle Autorité, le législateur ne prend pas nécessairement la précaution de la qualifier expressément de telle14. Cette catégorie des Autorités administratives indépendantes est d'ailleurs elle-même formelle, puisque l'objet sur lequel porte la mission confiée à l'Autorité ou bien les pouvoirs conférés ne sont pas présents dans la définition : littéralement, appartient à la catégorie toute personne ou organisme qui appartient à la sphère administrative mais qui n'est pas inséré dans la hiérarchie administrative, le ministre ne pouvant lui adresser des ordres15. Il est souvent relevé que dans ce cadre formel, le législateur a agi souvent au coup par coup et si ce n'est sans raison à tout le moins avec des raisons si diverses et si circonstancielles que la rationalité générale n'en est pas satisfaite. La perspective de construire aujourd'hui un cadre général qui ferait ressortir ex post la rationalité de la création des Autorités administratives indépendantes, voire en la reconstruisant, doit être de ce fait sérieusement examinée.

1. Raisons et circonstances de création des autorités administratives indépendantes

1.0. Les circonstances visent le contexte qui a suffisamment contraint le législateur pour adopter la forme d'Autorité administrative indépendante plutôt qu'une autre forme, par exemple service d'administration centrale. Il y a de la passivité dans la perspective. Les circonstances peuvent suffire comme raisons, la raison est alors d'obtempérer, raison forte parce que les circonstances sont donc très puissantes, mais raison faible parce qu'il s'agit de suivre. Mais il peut y avoir des raisons autres que les circonstances, elles sont en cela plus fortes.

1.1.1. Justification d'une réflexion sur les circonstances et les raisons de créer des Autorités administratives indépendantes. Il est essentiel de réfléchir sur ce qui a amené à créer des Autorités administratives indépendantes. Tout d'abord, suivant l'enracinement plus ou moins fort dans des raisons plus ou moins solides, le mouvement de création en série d'Autorités administratives indépendantes apparaît plus ou moins réversible : si les raisons étaient faibles, alors le pouvoir politique pourrait revenir en arrière16. Par ailleurs, la distinction des différentes raisons permettait l'esquisse d'une mise en catégorie des différentes Autorités administratives indépendantes. Par exemple, la raison de l'ouverture à la concurrence est fortement différente de la raison d'une expertise indépendante ou d'un besoin de médiation sociale, de sorte qu'il apparaît que la Commission de Régulation de l'Énergie, le Comité Consultatif National d'Éthique ou le Médiateur de la République, autorités qui reflètent respectivement ces trois fortes raisons, n'appartiennent pas forcément à la même sorte d'Autorité. La réflexion sur les raisons est le prélude à la construction de la catégorie17. De la même façon, les raisons d'instituer telle ou telle Autorité influent sur les contours des pouvoirs qui doivent leur être conférés. Ainsi, s'il s'agit d'une raison d'expertise indépendante, alors des pouvoirs de contrainte ne sont pas justifiés, alors que s'il s'agit d'une raison de surveillance rapprochée, ceux-ci s'imposent. Là encore, les raisons décident un tableau des pouvoirs et fondent leur diversité en raison des missions des diverses Autorités administratives indépendantes, missions qui sont elles-mêmes le reflet des raisons que le Parlement a eues de les instituer les unes après les autres.

1.1.2. De la circonstance européenne à la Raison européenne. Il est souvent affirmé que la création des Autorités administratives indépendantes en France résulte d'une obligation formulée par le droit communautaire en ce sens. On peut trouver des exemples en ce sens, notamment la création de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) en 199618, ou celle de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) en 200019, ou encore celle de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité en 2004. Ce fait est souvent corrélé avec l'idée que les Autorités administratives indépendantes ne correspondent pas à la culture politique française, qu'elles ont été dictées par un système européen pénétré d'idées politiques anglo-américaines renvoyant à une culture politique dans laquelle l'idée d'agence est familière. En outre, s'il en est simplement ainsi, alors les difficultés de la construction européenne doivent conduire à refluer avec elle ces raisons étrangères de concevoir des Autorités qui ne répondent pas de leur activité devant un ministre responsable politiquement20. Mais cet ordre venu d'en haut, venu d'ailleurs, ne correspond en toutes hypothèses qu'à un petit nombre d'Autorités administratives indépendantes. Ainsi, la Commission des Opérations de Bourse (COB) a été créée dès 1967, sans aucune contrainte européenne. De la même façon la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a été créée en 1978 sans qu'on puisse relever l'existence de contraintes européennes. Dans ces deux exemples, les affirmations communautaires dans le sens d'une autorité nationale indépendantes sont venues ultérieurement. L'Europe n'est donc pas une simple circonstance, elle exprime une raison, relayée, voire devancée, par le législateur français. Dès lors, la création des Autorités administratives indépendantes est souvent déconnectée de l'évolution du droit européen dans sa relation hiérarchique avec les Etats-membres.

1.1.3. De l'influence à l'importation de mécanismes étrangers. Il s'agit ici d'un phénomène d'influence et non de contrainte, la France s'étant inspirée d'institutions nord-américaines (notamment par la création en 1967 de la Commission des Opérations de Bourse -COB- sur le modèle de la Securities and Exchange Commission -SEC-) ou d'institutions anglaises (par exemple par la création en 1996 de l'Autorité de Régulation des Télécommunications -ART- sur le modèle de l'Office of Telecommunications -OFTEL21).

L'observation vaut particulièrement pour les régulateurs économiques, pour lesquels les organismes internationaux, soit spécialisés comme l'Organisation internationale des Commissions de valeurs mobilières (OICV), soit plus généraux, comme l'OCDE ou la Banque Mondiale, prônent l'adoption de ce type d'institution.

C'est notamment à cette aune que l'OCDE apprécie dans les rapports sur différents pays la maturité des institutions économiques dans les secteurs régulés. Il ne faut d'ailleurs pas opposer contrainte et influence car le modèle dit anglo-saxon peut circuler à travers les textes de droit européen, notamment dans les modèles évoqués par la soft Law communautaire (livres verts, communications, etc.). En outre, lorsque les Autorités françaises sont fortement insérées dans des réseaux internationaux22, cela présuppose quasiment l'adoption d'un tel statut23. La question essentielle est de se demander si cela implique une importation du système politique complet ou non.

1.1.4. De l'importation de mécanismes à l'implantation de systèmes politiques étrangers. En effet, les régulateurs nord-américains d'une part fonctionnent dans un système dans lequel les juridictions ont une grande part et d'autre part s'insèrent dans le système de Check and Balance. L'on peut soutenir que si on importe les uns sans importer les autres, les Autorités administratives indépendantes sont en décalage dans un système politique au sein duquel les juridictions ne constituent pas même un pouvoir et où les pouvoirs ne se tiennent pas les uns les autres. Cela peut conduire à une efficacité moindre que celle atteinte dans le système d'origine et un manque de légitimité ici qui ne manquait pas là. Certes, l'on peut considérer que par le fait d'Autorités administratives indépendantes, un pouvoir accru est donné aux juges qui désormais contrôlent leurs décisions24, de la même façon que leur présence entre le Gouvernement et le Parlement établit de fait une prise des uns sur les autres. Se produit alors un effet de ciseau : soit on ne transforme pas la société politique française pour la transformer en société sur le modèle des Etats-Unis, ce qui enraye le bon fonctionnement des Autorités administratives indépendantes, soit on importe le contact qui les fait vivre, ce qui entraîne un bouleversement politique fondamental, bien que rampant et mécanique.

1.1.5. Autorité administrative indépendante et ouverture à la concurrence. Une première raison de créer une Autorité administrative indépendante est l'ouverture à la concurrence d'un secteur naguère monopolistique. L'idée est alors que la déclaration d'une possible concurrence ne suffit pas à faire naître celle-ci, qu'il faut une sorte de forçage de l'organisation économique pour favoriser les nouveaux entrants. Cela correspond aux hypothèses des télécommunications, énergie, poste, transport ferroviaire. La concurrence étant à construire et non seulement à surveiller, on estime que les autorités de concurrence ne peuvent suffire, un régulateur est construit tout exprès sous la forme d'une Autorité administrative indépendante25.

1.1.6. Autorité administrative indépendante et défiance politique à l'égard du Gouvernement. Si cela éclaire la raison pour laquelle on préfère un régulateur à l'autorité générale de concurrence, cela n'explique pas pourquoi les services des ministères techniquement concernés ne suffisent pas, par exemple le Ministère de l'Économie et des Finances pour les marchés financiers, le Ministère de l'Industrie pour l'énergie et les télécommunications, le Ministère des Affaires sociales pour la lutte contre les discriminations, le Ministère des Sports pour la lutte contre le dopage, le Ministère de la justice pour la protection des enfants, etc. La raison alors avancée, raison que non seulement l'on évoque souvent mais encore que l'on évoque pour toutes les sortes d'Autorités administratives indépendantes, tient dans une défiance à l'égard de l'Etat traditionnel, jugé incapable d'opérer les missions dont il s'agit, aussi bien la construction de la concurrence que la protection des enfants26. La défiance s'exprime tout d'abord à l'égard du Gouvernement, soit parce que les services centraux des Ministères sont trop éloignés des réalités qu'il faut directement saisir, soit parce que le Gouvernement est mis en conflit d'intérêts parce qu'il existe une entreprise publique dans un secteur ouvert à la concurrence. La défiance peut être plus particulière, lorsque l'Etat a créé, par la loi du 29 juillet 1982, la Haute Autorité de l'Audiovisuel pour nommer les présidents des sociétés de radio et de télévision, fonction que le CSA conserve en héritage. Mais la défiance peut être aussi plus générale, lorsqu'elle s'exprime notamment à l'égard des juridictions ou du Ministère public auxquelles on retire la protection des valeurs fondamentales et des personnes27. La création des Autorités administratives indépendantes est alors un acte politique du législateur de défiance à l'égard des autres pouvoirs ou autorités.

1.1.7. Autorité administrative indépendante et médiation sociale. Bien qu'il ne soit pas usuel de rapprocher des Autorités administratives indépendantes comme celles qui ont en charge de concrétiser une ouverture à la concurrence au détriment d'une entreprise publique naguère monopolistique, comme l'ARCEP ou la CRE, et celles qui ont en charge de sauvegarder ou de restaurer la qualité des relations sociales, comme le Médiateur de la République, les deux types d'Autorités administratives indépendantes relèvent d'un même mécanisme de défiance à l'égard d'un Etat centralisé et hiérarchisé. En effet, traditionnellement l'Etat, ses organismes et ses politiques publiques, ont pour mission de veiller à la cohésion sociale et à la qualité des relations entre les parties prenantes de la société. Le fait qu'il faille un médiateur dans la République, ou une Commission d'Accès aux Documents Administratifs, illustre la conviction du Parlement que les outils traditionnels de l'Etat ne réussissent plus à assurer une telle fonction de paix sociale. Cela peut être vrai alors même que les moyens nécessaires sont peu élevés, parce que l'Etat ne peut pas produire une doctrine unifiée, comme on peut l'observer à propos du Haut Conseil à l'intégration28.

1.1.8. La question centrale d'une défiance dont le principe est combattu ou dont les conséquences sont tirées. Cette raison que l'on prête au législateur, et que l'on retrouve souvent exprimée dans les travaux préparatoires, raison qui ne trouve pas sa source dans une injonction extérieure issue du droit communautaire ou international, doit conduire le Parlement à la réflexion suivante. Faut-il prendre acte de cette défiance, soit parce qu'elle serait fondée (le Gouvernement ne pourrait s'empêcher de jouer de son pouvoir de régulation pour favoriser l'opérateur public, ce qui lui permet de résoudre des difficultés budgétaires plus générales), soit, alors même qu'elle serait injustifiée, parce qu'elle est exprimée par l'opinion publique ou par la catégorie de personnes concernées (les parents pour la protection des enfants, les investisseurs pour le fonctionnement du marché financier, etc.). Ce faisant, la création des Autorités administratives indépendantes à la fois restaure la confiance, à l'égard d'un organisme « tout neuf » et sans lien avec un système mal-aimé, mais elle achève en même temps d'accréditer l'idée que ce dernier ne mérite plus considération. L'autre attitude peut consister à dire que le système ordinaire, par exemple celui des juridictions et du Ministère public pour protéger le citoyen, devrait être renforcé et soutenu, plutôt qu'affaibli encore29.

En la matière, la prédiction que le Parlement fait de l'affaiblissement de l'Etat traditionnel centralisé et hiérarchisé est auto réalisatrice30. La raison et la volonté politique se mêlent alors, et c'est politiquement que le Parlement doit prendre une direction.

1.1.9. Autorité administrative indépendante et qualité de constance. Sur un autre terrain, moins politique, une raison profonde est apparue, souvent mise en lumière à propos des banques centrales indépendantes mais qui vaut pour beaucoup d'Autorités administratives indépendantes. Certaines actions de l'Etat doivent s'inscrire dans la durée, ce qui suppose une constance de l'action politique, soit parce que les politiques publiques en cause ne peuvent porter leurs fruits que sur plusieurs années, par exemple en matière de discrimination, soit parce que les investissements ou les positionnements pris par les opérateurs supposent une règle constante. Or, les Gouvernements, et peut-être les Parlements, sont soumis à des contraintes politiques, électorales notamment, qui ne leur permettent pas cette constante. Une Autorité administrative indépendante, parce qu'elle n'est pas rattachée au mécanisme électif, échappe à cet aléa, à ces « incohérences temporelles », ces revirements budgétaires, ces modifications inattendues de statut ou de règles. Cette raison est donc très forte dès l'instant que l'action s'inscrit dans le temps et requiert une participation à long terme des personnes. La confiance et la stabilité sont ainsi pourvues.

1.1.10. Autorité administrative indépendante et régulation sectorielle. Une autre raison est le lien très fort entre les Autorités administratives indépendantes et les régulations sectorielles. L'idée est alors qu'il faut « gouverner » un secteur particulier, particulier économiquement, industriellement, techniquement, souvent doté de professions propres - par exemple en matière bancaire. La technicité du secteur, par exemple le secteur énergétique ou le secteur financier, crée une asymétrie d'information entre les entreprises régulées et l'autorité publique qui les supervise ou les régule, ce qui justifie alors une Autorité plus mobile, proche des entreprises concernées. Si l'Autorité se détache des services centralisés de l'Etat, c'est pour se rapprocher des entreprises, qu'ils s'agissent de mieux les surveiller, de mieux les sanctionner ou de mieux coopérer avec elles. Cette considération de la régulation du secteur est le plus souvent admise. En revanche, les Autorités administratives indépendantes qui ne sont pas cantonnées dans un secteur voient leur existence plus difficilement admise, car elles se réfèrent moins à un secteur et à une technique, empiétant donc plus nettement sur la représentation même de l'Etat traditionnel, en ce que celui-ci renvoie à une action générale. Ainsi, le projet de loi sur une autorité indépendante en matière ferroviaire31, autorité qui exerce ses pouvoirs sur un secteur particulier, donne moins de prise à la discussion, voire à la polémique, que la création en 2004 de la HALDE, celle-ci ayant pour objet l'ensemble de la société.

1.1.11. Autorité administrative indépendante et expertise crédible. Une autre raison de créer des Autorités administratives indépendantes répond au besoin de l'Etat de disposer d'un cœur permanent d'expertise et d'expression de sensibilités à propos de difficultés constantes ou récurrentes. L'exemple le plus net est le Comité National d'Éthique. Ce type d'autorité tout à la fois ne requiert pas l'attribution de pouvoirs, ce qui explique qu'avant que le législateur n'en dispose autrement en 2004 le Conseil d'Etat n'avait pas classé le Comité d'Éthique dans les Autorités administratives indépendantes, et l'autorité d'un tel organisme, établie par le croisement de son expertise, de la diversité des opinions des personnes que le composent et sa capacité à en faire la synthèse, de son magistère moral, peut dépasser l'influence exercée par d'autres Autorités. De la même façon, le Haut Conseil à l'intégration a tout d'abord été constitué pour rendre un rapport annuel sur l'intégration, avant de voir sa mission élargie, rendant des avis et animant le débat public. Cette dimension expertale est présente à divers degrés dans toutes les Autorités administratives indépendantes. Ainsi, le Conseil de la concurrence se plaint de son manque de moyens, essentiellement parce que cela le prive d'un outil interne d'expertise32. Ce besoin d'expertise justifie que certaines Autorités, comme l'Autorité des Marchés Financiers, se soient spontanément dotées d'un « conseil scientifique », généralement composé d'universitaires. De la même façon, la HALDE dispose d'un conseil consultatif, qui a vocation à éclairer le collège33. Cette expertise requise peut d'ailleurs tenir non pas à l'Autorité elle-même mais au bénéfice que les professionnels concernés peuvent eux-mêmes lui apporter. Cela concerne plus particulièrement les régulations des secteurs économiques, à propos desquels l'expertise est davantage dans les entreprises contrôlées que dans l'administration qui les supervise. Cette asymétrie d'information justifie que l'organisme de contrôle soit plus proche du secteur, l'établissement d'une agence indépendante spécialisée proche des entreprises réduisant cette asymétrie. Plus encore, ce besoin d'expertise crédible justifie que dans les Autorités les plus récentes, par exemple la Haute Autorité de la Santé, des exigences de compétence technique soient formulées par la loi concernant les membres du collègue.

1.1.12. Peut-on unifier ou hiérarchiser les raisons de créer des autorités administratives indépendantes ? La disparité des Autorités administratives indépendantes tient beaucoup dans la diversité des raisons de leur création et il paraît difficile de les réduire à une seule série de raisons. Mais il pourrait être utile pour le législateur de hiérarchiser ces raisons de créer de telles Autorités administratives indépendantes, pour avoir une meilleure idée des marges de choix politique dont il dispose pour décider d'en créer ou non, ou bien d'en faire fusionner parce qu'il apparaîtrait que deux Autorités administratives indépendantes répondent en réalité à une seule justification. Plus précisément, on peut considérer qu'il existe une « mauvaise raison » de créer une Autorité administrative indépendante, ou à tout le moins une « raison contingente » : le désir du Gouvernement de se défausser pour ne pas avoir à supporter des choix requis ou subir l'impopularité de certaines décisions nécessaires. C'est alors une délégation de responsabilité, dont le politique ne sort pas grandi. Au-delà, peut apparaître une raison plus solide, plus avouable aussi, tenant à la nécessité de proximité avec les acteurs ou les bénéficiaires. Le législateur peut alors estimer que la technique des Autorités administratives indépendantes est plus adéquate mais l'on pourrait aussi estimer qu'il convient mieux d'améliorer l'administration traditionnelle tout entière dans ses rapports avec les administrés34. Au-dessus encore, figurent des raisons plus intrinsèques, comme l'ouverture à la concurrence, qui s'impose au regard des critères européens dès l'instant que demeurent dans le secteur des entreprises publiques. Se dérober à la création d'une Autorité administrative indépendante exposerait la France à une condamnation. Enfin, si l'on devait mettre dans cette hiérarchie des raisons la plus prégnante, il s'agirait de l'impératif de crédibilité : lorsque la création d'une Autorité administrative indépendante est le moyen le plus efficace d'offrir de la crédibilité à l'action publique, alors le législateur doit rationnellement y procéder, alors même qu'il n'aurait pas reçu un ordre extérieur d'y procéder.

1.1.13. L'avenir des circonstances et des raisons de créer des autorités administratives indépendantes. A partir de là, il est pertinent de mesurer dès maintenant la pérennité de ces raisons, et les mauvaises peuvent avoir parfois vocation à durer plus longtemps que les bonnes. Ainsi, pour prendre parmi les bonnes, lorsque l'ouverture à la concurrence des secteurs monopolistiques aura été accomplie, alors les Autorités administratives indépendantes créées pour la favoriser devront être supprimées par le législateur. De la même façon, si les conditions d'un certain courage politique reviennent, alors le Gouvernement pourra lui-même faire ce qu'il externalise pour l'instant dans des Autorités administratives indépendantes. Puisque dans le contexte français, le critère principal est celui de la crédibilité (car le critère de l'expertise peut être satisfait par l'administration traditionnelle), alors les Autorités administratives indépendantes continueront dans l'avenir à se développer tant qu'elles concentreront plus que d'autres formes d'organisation le crédit que les destinataires des décisions font à ceux qui les prennent.

2. Qui peut créer des autorités administratives indépendantes ?

1.1.14. La création des Autorités administratives indépendantes entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire. Dans la mesure où la catégorie des Autorités administratives indépendantes n'existe guère en tant que telle, il est difficile d'affirmer d'une façon très générale s'il s'agit d'une compétence exclusive du législateur ou si le pouvoir réglementaire peut créer une Autorité administrative indépendante. Cela tient au fait que pour l'instant, c'est davantage la mission des Autorités administratives indépendantes qui prévaut sur leur forme.

1.1.15. La compétence exclusive en considération du type de missions confié aux Autorités administratives indépendantes. Dès lors, il n'existe de compétence exclusive du législateur que si la mission de l'Autorité administrative indépendante croise la liste de l'article 34 de la Constitution. Pour prendre un exemple, de nombreuses Autorités administratives indépendantes ont en charge ou croisent les garanties fondamentales des citoyens et les libertés publiques35, ce qui interdit au pouvoir réglementaire de créer des Autorités administratives indépendantes en la matière et réserve au législateur le soin, la charge, d'organiser entièrement l'Autorité. Comme on le sait, la distinction littéralement opérée par la Constitution quant aux matières dans lesquelles le législateur peut se contenter de fixer les principes généraux a été effacée par la jurisprudence, ce qui conduit à réserver la même pleine compétence législative, lorsque sont en cause des matières, telles que l'enseignement ou le régime de propriété, concernées par certaines Autorités administratives indépendantes, tel que le Comité National d'Évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE).

1.1.16. La compétence exclusive en considération du type de pouvoirs attribué aux Autorités administratives indépendantes. En outre, l'article 34 réserve au Parlement l'attribution de certains pouvoirs dont sont fréquemment dotées les Autorités administratives indépendantes. En premier lieu, si une Autorité dispose du pouvoir réglementaire, celui-ci ne peut être conféré que par une loi36, en ce qu'une telle délégation porte atteinte à la compétence du Premier Ministre de diriger l'action du Gouvernement, compétence exclusive du législateur qui subit elle-même des restrictions dans une telle délégation du pouvoir réglementaire37. En outre, si l'Autorité doit être dotée d'un pouvoir de sanction, le principe de la légalité des délits et des peines, assis tout à la fois sur l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et sur l'article 34 de la Constitution, seul le législateur peut prévoir et organiser de tels pouvoirs, en visant les sanctions encourues mais aussi nécessairement les mesures destinées à préserver les droits et libertés constitutionnellement garanties dont les personnes doivent pouvoir se prétendre à l'encontre de l'Autorité.

1.1.17. La perspective d'un exercice exclusif par le Parlement du pouvoir de création. A première vue, si l'on n'est pas dans le champ de l'article 34 de la Constitution, l'on pourrait concevoir des Autorités administratives indépendantes directement créées par le pouvoir réglementaire. Cette solution juridiquement accessible présente pourtant deux dangers. En premier lieu, en raison de l'extension par la jurisprudence du nombre de principes fondamentaux pour lesquels l'exercice du seul pouvoir législatif est requis si le texte y porte atteinte (par exemple la diminution du principe du contradictoire), un risque d'inconstitutionnalité existe si la création est l'œuvre seule du pouvoir réglementaire. En deuxième lieu, dans la mesure où les Autorités sont des organismes juridiques se soustrayant à de nombreuses règles, dans leur principe par leur rupture avec la hiérarchie de l'exécutif, et dans leur disposition technique par exemple par la dispense du contrôle financier, il est plus prudent que le législateur en toutes matières soit celui qui porte les Autorités administratives sur les font baptismaux. Cela serait même concevable si l'Autorité concernait le domaine du pouvoir réglementaire, sauf au Gouvernement à intervenir pendant la procédure législative38.

1.1.18. Les compétences des pouvoirs législatif et exécutif au regard de la nature des Autorités administratives indépendantes. En troisième lieu, les Autorités administratives indépendantes doivent à la fois être les plus indépendantes possibles du Gouvernement, ce qui rend paradoxal le fait que leur source ne soit que réglementaire. Leur problème récurrent de légitimité39 rend très opportune leur création et la définition de leurs principes généraux d'organisation par le Parlement. En quatrième lieu, la légitimité de l'indépendance des Autorités administratives indépendantes tient dans leur capacité à rendre des comptes40 (au sens d'accountability), et c'est devant le Parlement que cette reddition a vocation à s'opérer41. Le système conduit donc à poser que toutes les Autorités administratives indépendantes ont vocation au-delà des prescriptions littérales de la Constitution, à être créées par le Parlement, même si une création d'une Autorité administrative indépendante par le pouvoir réglementaire n'est pas juridiquement exclue, à la triple condition que la mission de l'Autorité ne croise pas la liste de l'article 34, que l'Autorité ne doit pas dotée des pouvoirs que seul le législateur peut conférer, et que son organisation ne limite pas un principe fondamental infra-légal et supra-décrétal.

1.1.19. Le partage de la tâche entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Cela dit, rien n'oblige le législateur à prévoir dans tous les détails l'organisation et le fonctionnement des Autorités administratives indépendantes. Tout a été dit sur l'inflation législative et la prise en charge par la loi de fines prescriptions que le pouvoir réglementaire pourrait dessiner. Cette remarque générale n'est pas propre aux Autorités administratives indépendantes mais elle vaut également pour elles. On remarquera que la pratique des ordonnances permet au pouvoir réglementaire d'interférer sur le droit des Autorités administratives indépendantes. C'est ainsi l'ordonnance du 8 septembre 2005 qui a conféré la qualité même d'Autorité administrative indépendante au Haut Conseil du commissariat aux comptes (Art. L. 821-1 du Code de commerce). Il est difficile de considérer que cet acte de qualification équivaut à un acte de création, mais enfin c'est bien ainsi que ce conseil est advenu Autorité administrative indépendante. Ainsi, les décrets pourraient préciser les règles d'organisation et fonctionnement des Autorités administratives indépendantes, dès l'instant que nous ne sommes pas dans le domaine exclusif de la loi. Dans cette perspective, une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes42 pourrait avoir le bon effet de contraindre le pouvoir réglementaire dans l'exercice de son pouvoir.

1.1.20. La création des règles d'organisation des Autorités administratives indépendantes par elles-mêmes. Que ce soit sur l'indication de la loi43 ou sur sa seule incitation44, les Autorités administratives indépendantes adoptent des règlements intérieurs. Ces règlements intérieurs ont notamment pour objet d'accroître la sécurité des personnes concernées et l'impartialité des décisions de l'autorité. Par exemple, l'article 13 du règlement intérieur de la CNIL dispose que « dans le mois qui suit son entrée en fonctions, chaque membre de la commission informe le président des intérêts directs ou indirects qu'il détient, des fonctions qu'il exerce et de tout mandat qu'il détient au sein d'une personne morale ». Il doit faire de même en cours de mandat. De même, les articles 5 et 8 du règlement intérieur du Conseil de la concurrence organisent une véritable procédure orale contradictoire alors que l'article L. 463-7 du Code de commerce se borne à indiquer que les parties peuvent être entendues par le Conseil.

Le plus souvent cependant, il s'agit pour l'autorité d'organiser la procédure de prise de décision tout en respectant les principes généraux fixés par la loi. A cet égard, le règlement intérieur de l'ARCEP, qui suit pas à pas le code des postes et télécommunications, est caractéristique.

Une place particulière doit être cependant faite au règlement général de l'Autorité des marchés financiers, homologué par arrêté du 12 octobre 2004. Ce règlement très précis procède à l'identification de certaines infractions comme les abus de marché par opérations d'initiés et manipulations de marché qui en font le véritable texte de référence des opérateurs45.

3. Perspective d'un cadre général pour les autorités administratives indépendantes

1.1.21. Diversité des opinions quant à l'opportunité d'un cadre général pour les Autorités administratives indépendantes. La perspective d'un cadre général législatif pour les Autorités administratives indépendantes est relativement peu étudiée en doctrine. Lorsqu'elle a été évoquée à l'occasion des entretiens menés, les réponses ont été diverses, certains estimant la démarche inutile, d'autres l'estimant opportune.

1.1.22. De l'hypothèse de la diversité totale. On peut considérer tout d'abord qu'en raison de la multiplicité des raisons qui ont justifié la création des Autorités administratives indépendantes et au regard de l'extrême diversité des régimes, dans leur architecture de base et dans les détails, nous avons affaire à un amoncellement plus qu'à une catégorie46. Les Autorités elles-mêmes revendiquent souvent leur spécificité les unes par rapport aux autres47. Cela tient au pragmatisme de la législation, une Autorité étant créée pour répondre à une difficulté précise, ce qui conduit les textes à la dessiner d'une façon particulière (par exemple, dans sa composition). Dès lors, concevoir un cadre général porterait atteinte à ce pragmatisme justifiant cette extrême diversité.

1.1.23. De l'observation d'un rapprochement des régimes à travers les textes successifs. Mais si l'on peut trouver des Autorités administratives indépendantes sans ressemblances les unes par rapport aux autres, on remarque des faits de proximité. La première proximité est d'ordre historique, dont le point de basculement est constitué par la création de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (l'ART, à laquelle succéda l'ARCEP en 2005). A partir de là, les Autorités administratives indépendantes furent créées à partir de ce modèle, notamment la Commission de Régulation de l'Électricité (la CRE) en 2000. On observe des mouvements communs, par exemple un phénomène d'accroissement des pouvoirs48, soit par la création de nouvelles Autorités puissantes (par exemple la HALDE), soit par l'attribution a posteriori de nouveaux pouvoirs de contrainte et de sanction à des Autorités antérieurement créées, voire conçues, sans ses pouvoirs (par exemple la CNIL par le jeu de la loi du 6 août 2004 pour le pouvoir de sanction, ou le CSA par celui de la loi de juin 2004 pour le pouvoir de règlement des différends). De la même façon, les garanties de procédure, certes souvent par la contrainte extérieure de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, reprise par la jurisprudence49, se généralisent et harmonisent les processus de prises de décision individuelle par les Autorités administratives indépendantes. On observe encore un mouvement, excédant d'ailleurs la France, vers une organisation interne de l'Autorité autour d'un Président, qui notamment représente l'Autorité, d'un collège, qui exerce collectivement les principes pouvoirs de décisions, et d'un directeur général (parfois désigné sous le vocable « secrétaire général »), qui dirige les services. Cette articulation entre un président, un directeur général et un collège se retrouve ainsi aussi bien pour l'AMF, que pour l'ARCEP, la CRE, la HALDE ou la CNIL. Ainsi, procédure et pouvoir de fait, par le seul jeu du régime, créent à rebours une catégorie propre. Il convient de se demander si la catégorie ne doit pas en outre être consolidée a priori.

1.1.24. Les raisons de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : la lisibilité. Le droit ne doit pas nécessairement être simple, mais il doit être compréhensible. Si le droit est simple, selon l'idéal du Code civil, il est de ce seul fait compréhensible. Si la complexité des situations sur lesquelles il porte, la diversité de ces complexités et les interférences entre ces diverses complexités50 éloignent la possibilité d'un droit simple, alors il convient de concevoir un droit complexe et néanmoins intelligible. L'intelligibilité de la loi et du droit est désormais un principe à valeur constitutionnelle et certains y voient un droit de l'homme. Or, le droit des Autorités administratives indépendantes constitue une sorte de maquis où l'on s'épuise à devoir reconnaître quel organisme est une Autorité administrative indépendante et lequel ne l'est pas, où l'on ne peut se reposer sur des règles communes, par exemple dans la durée des mandats des membres du collège51. Il est donc de l'office du législateur de réduire les différences lorsqu'elles n'ont pas de raisons fortes. Un cadre général y contribuerait.

1.1.25. Les raisons de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : économie de l'art législatif. En outre, le législateur peine lui-même à assurer le travail législatif qu'on lui demande. Tout a été dit contre « l'inflation législative ». Suggérer une loi-cadre rajouterait à la liste ... Mais une loi-cadre peut réaliser une économie, puisque si certaines règles générales étaient posées pour l'ensemble des Autorités administratives indépendantes, cela délesterait d'autant les nouvelles lois créant des Autorités52, qui s'y référeraient et pourraient concentrer la production législative particulière sur les dérogations au principe et sur ce qui devrait être spécifique à cette Autorité là.

1.1.26. Les raisons de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : plénitude des silences et uniformisation mécanique. En outre, le droit se construit lentement, dans le temps requis pour que la pratique et la jurisprudence complètent les silences de la loi. L'éparpillement des textes régissant les Autorités administratives indépendantes constitue les silences de la loi en vide, toujours en attente de la jurisprudence ou de la réforme. En outre, lorsqu'une jurisprudence est prise pour une Autorité, l'extension à d'autres est incertaine. Ainsi, si l'on prend la jurisprudence ayant exigé que dans les procédures de sanction menées par le régulateur financier, à l'époque la COB, le rapporteur soit absent de la phase de jugement53, la règle a été étendue à certaines Autorités (par exemple le Conseil de la concurrence), et pas à d'autres (par exemple pas au Conseil des Marchés Financiers54). Un cadre général, notamment sur les principes procéduraux transformerait les silences des lois particulières à telle ou telle autorité en silence plein. Dès l'instant que le silence de la loi particulière vaudrait renvoi à la loi générale, les règles qui seraient visées dans cette loi-cadre auraient mécaniquement tendance à régir davantage d'Autorités administratives indépendantes que dans le système actuel, conduisant ainsi à une unification de la catégorie.

1.1.27. La difficulté de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : poser une définition cristallisant la catégorie juridique. Mais précisément le bât blesse dans la désignation de la catégorie elle-même. En effet, pour faire une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, il convient d'en avoir une perception claire. Or, il est très fréquemment souligné que la catégorie manque de contours, l'établissement d'une liste étant l'exercice périlleux auquel s'est livré le Conseil d'Etat. Dès lors, le remède serait pire que le mal, puisqu'il ne serait pas possible de fixer un cadre visant des organismes dont on ne saurait dire qu'ils appartiennent à la catégorie. Le souci demeure, puisqu'un parlementaire a posé une question en ce sens au Gouvernement. La solution peut être tout d'abord la discipline du législateur s'astreignant alors qu'il crée un organisme à le qualifier expressément d'Autorité administrative indépendante. La sécurité juridique de cette précision peut être donnée a posteriori, comme cela vient d'être fait et pour le Comité Consultatif National d'Éthique qualifié d'autorité indépendante par la loi du 6 août 2004 (L. 1412-2 CSP), et pour le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, par l'ordonnance du 8 septembre 2005. Dans le silence du législateur, il conviendrait que la loi-cadre pose elle-même une définition, qui pourrait être celle du Conseil d'Etat, à savoir le cumul d'une indépendance organique à l'égard du pouvoir exécutif, et l'attribution de pouvoirs de contrainte, définition à laquelle viendraient s'ajouter des organismes qualifiés d'Autorités administratives indépendantes par la volonté du législateur, même s'ils ne rencontrent pas cette définition (ce qui demeure par exemple le cas pour le Comité Consultatif National d'Éthique, non pourvu de pouvoir de contrainte).

1.1.28. Le contenu possible d'une loi-cadre et son cœur tautologique : l'indépendance. Si l'on supposait qu'une loi-cadre soit opportune, on ne peut songer à son principe sans se prononcer sur son objet, lequel doit correspondre à une juste mesure entre ce qui rend les Autorités administratives indépendantes étrangères les unes aux autres et ce qui les rend communes. Par exemple, l'attribution de tel ou tel pouvoir ne gagnerait pas à être visé par une telle loi-cadre car même si l'on observe un rapprochement des Autorités administratives indépendantes vers toujours plus de pouvoir, cette attribution dépend très étroitement de la mission confiée à l'Autorité et de l'objet sur lequel elle exerce son action. En revanche, tautologiquement, les Autorités administratives indépendantes ont toutes en commun l'impératif d'indépendance55. Celle-ci sera abordée en tant que telle dans la suite de la présente étude56, il s'agit ici de relever qu'elle aurait vocation à être le cœur du droit commun des Autorités administratives indépendantes. Une telle loi-cadre remplit d'ailleurs une fonction pédagogique importante, car il est frappant que lors d'un sondage commandé par la CNIL, cette qualité, qui lui paraît par ailleurs essentielle, est assez peu nettement perçue57. Le législateur pourrait concevoir d'une façon unifiée les règles garantissant l'indépendance de l'Autorité, non seulement à l'égard de l'exécutif, mais encore à des professionnels concernés ou des entreprises en cause, à travers les règles budgétaires, de nomination, d'incompatibilité, etc. En outre, il serait concevable d'organiser l'exercice d'un pouvoir, par exemple celui de sanctionner ou de régler les différends, notamment sous l'angle procédural, dès l'instant que la loi particulière l'aurait attribué à l'Autorité visée. En toutes hypothèses, cette loi-cadre, dont la normativité n'est pas par nature aussi forte que la législation ordinaire du fait de la généralité de ses dispositions, devra néanmoins avoir un degré de précision suffisant pour satisfaire la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point58.

1.1.29. La forme possible d'une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes. En raison de l'importance des Autorités administratives indépendantes, non seulement par leurs missions, mais par le fait qu'elles constituent une forme institutionnelle très spécifique de l'action de l'Etat, tout en en constituant un modèle avancé59, l'on pourrait concevoir de leur consacrer une loi organique. Certes, un obstacle de taille est constitué par l'exigence d'une prévision de la Constitution dans ce sens, en visant le fait qu'une loi organique organisera telle ou telle dimension de l'organisation de l'Etat. A supposer qu'une telle révision soit à portée, et pourquoi pas puisque l'on a donné, par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, une assise constitutionnelle au pouvoir règlementaire des collectivités territoriales, une telle loi organique sur les Autorités administratives indépendantes se rattacherait alors à l'article premier de la Constitution, sur l'organisation de l'Etat. Une telle démarche, certes très lourde, ancrerait le dispositif dans la Constitution, en montrerait l'importance, et assoirait la sécurité juridique de la catégorie.

1.1.30. Pourquoi ne pas penser à un Code des Autorités administratives indépendantes ? Puisque la question de la lisibilité, de la compréhension et de la cohérence institutionnelle des Autorités administratives indépendantes, est essentielle60, on pourrait songer, en prenant le temps nécessaire pour le faire, à établir un Code des Autorités administratives indépendantes. Si on se limite à l'impératif de lisibilité, il pourrait s'agir d'une codification à droit constant. Si l'ambition est plus forte et vise également la cohérence et la modification des règles pour accroître l'indépendance, la reddition des comptes (au sens d'accountability), et pour aligner le régime des Autorités administratives sur un modèle commun, quand il n'y a pas de raison pour s'en éloigner, il devrait s'agir d'une codification traditionnelle, c'est-à-dire par réécriture du droit.

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE COEXISTENCE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

2.0. Préalable : le recouvrement des compétences comme défaut ou comme qualité du système. La coexistence des Autorités administratives indépendantes conduit à poser en préalable une question essentielle de conception du système juridique : les recouvrements d'intervention d'organismes sur un même objet, pour une même mission constituent-ils un défaut du système ou une qualité du système ? Dans une conception traditionnelle d'un système juridique conçu à l'image d'un jardin à la française61, il convient que chaque Autorité de l'Etat ait en charge une mission spécifique, le recouvrement avec l'action d'une autre créant du désordre, du gaspillage et de l'incertitude. L'effort du législateur doit donc conduire à remplir les lacunes du système et à lui épargner les recouvrements de compétence. Cela vaut à la fois pour l'action des Autorités administratives indépendantes et pour les recours contre leurs décisions, tiraillés entre l'ordre des juridictions judiciaires et l'ordre des juridictions administratives62. Mais l'on pourrait aussi considérer en premier lieu que les lacunes du contrôle des activités et des structures par les organes de l'Etat correspondent à l'espace de liberté des organisations et des actions63. En second lieu, les recouvrements de compétence peuvent permettre de redoubler les contrôles, l'existence d'un organe compétent pouvant inciter les autres dotés des mêmes compétences à les exercer (stimulation institutionnelle) et de mieux agir à plusieurs. Il semble que le législateur adhère plutôt à la première conception, démontrée lorsqu'il opéra des fusions entre Autorités administratives indépendantes, par exemple entre la COB et le CMF pour créer l'Autorité des Marchés Financiers, ou entre l'Agence du médicament, l'Agence française du sang et le Comité de sécurité transfusionnelle pour créer l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, principalement en raison de l'interférence des compétences.

4. Difficultés suscitées par les articulations de compétences entre les autorités administratives indépendantes

2.1.2. Les difficultés d'articulation des compétences entre les Autorités administratives indépendantes proprement dites, du fait de l'évolution technique. Le législateur français, qui n'adhère pas à l'idée a priori de confier à plusieurs organismes la même tâche, a pris soin de ne pas confier une même tâche à deux entités. Le recouvrement s'est donc souvent opéré a posteriori, du fait de l'évolution des techniques. On peut prendre deux exemples de cette évolution qui fait naître des perspectives ignorées à l'époque où l'Autorité avait été instituée. La convergence en matière de télécommunications et d'audiovisuel rend moins évidente la distinction précédente entre le contenant et le contenu, ce qui remet en discussion la distinction entre l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (le contenant) et Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (le contenu). La loi du 3 juin 2004 transposant l'ensemble des directives européennes sur les télécommunications, a pris en compte cette convergence en élargissant la compétence du régulateur en matière de télécommunications au domaine plus large des communications électroniques, extension de compétence que la loi du 20 mai 2005 a entérinée en même temps qu'elle intégrait la régulation postale, à travers l'appellation d'Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes - ARCEP. Un second exemple peut être pris en matière financière et bancaire, perspective moins souvent évoquée que la précédente. On distinguait aisément la régulation financière et la régulation bancaire, la première gardant le principe de transparence et d'égalité des investisseurs dans un secteur, la seconde gardant le principe de gestion des risques, ce qui justifie une régulation moins publique et portant sur les établissements de crédit. Aujourd'hui les établissements financiers sont des opérateurs cruciaux dans le secteur financier, ce qui entraîne un recouvrement nouveau de compétence entre notamment l'Autorité des Marchés Financiers et la Commission Bancaire.

2.1.3. Le recouvrement des compétences entre les Autorités administratives indépendantes de médiation sociale et les organes d'intervention et de protection publique. Le recouvrement entre compétences des Autorités administratives indépendantes et compétences d'organisation des organismes traditionnels par l'Etat est plus problématique car la situation est alors pérenne. C'est notamment le cas des Autorités administratives indépendantes exerçant une fonction sociale à la fois particulière quant à l'objectif et générale quant à l'assiette de son action, à savoir la société tout entière. Il est vrai que les Autorités concernées présentent ces recouvrements comme autant de « complémentarités »64. Ce recouvrement, ou cette complémentarité, peut être très large. C'est le cas notamment du Médiateur de la République, surtout lorsqu'il définit lui-même sa fonction au-delà du lien entre les administrés et l'administration, ce qui recouvrirait alors d'une autre façon la mission de la CADA, mais l'exprime à travers l'impératif de traitement juste des personnes dans leurs relations sociales65, ce qui en fait un « défenseur des libertés »66. Le Défenseur des enfants joue un rôle de médiation et d'explication des droits et intérêts des enfants, notamment par rapport des autorités publiques, comme l'école ou l'hôpital67. On peut citer aussi le Haut Conseil à l'intégration qui se définit « comme un relais entre la société civile et l'autorité publique »68. C'est encore le cas de la HALDE, dont certes l'objectif est précis, à savoir la lutte contre les discriminations, mais dont l'assiette recouvre celle de la police et du ministère public, puisque les comportements visés sont par ailleurs prohibés par le droit pénal. Nous revenons ici à la question essentielle posée précédemment69, à savoir s'il faut prendre acte de la faiblesse des dispositifs généraux de l'intervention de l'Etat en créant des structures ponctuelles plus efficaces mais contribuant à affaiblir encore les dispositifs ordinaires, alors qu'on pourrait concevoir de renforcer le système général.

2.1.4. Le recouvrement des compétences entre les Autorités administratives indépendantes de régulation sectorielle et le Conseil de la concurrence. Le recouvrement peut encore venir de la pluralité des objectifs donnés aux Autorités administratives indépendantes70, l'un des objectifs recouvrant un objectif d'autres institutions. Une hypothèse plus particulière concerne les Autorités administratives indépendantes qui ont mission de favoriser l'ouverture à la concurrence de secteurs naguère monopolistiques, ce qui rencontre nécessairement la compétence du Conseil de la concurrence. La France a choisi de ne pas confier aux autorités sectorielles un pouvoir autonome d'application du droit de la concurrence, mais a opté pour un système d'articulation, notamment d'articulation procédurale et technique71. On aurait pu concevoir de déléguer aux Autorités sectorielles un pouvoir autonome de sanction des comportements anticoncurrentiels, en exclusive ou en cumul des pouvoirs généraux du Conseil de la concurrence. Le droit français a préféré pour l'instant organiser par la loi de manière de plus en plus fine, par exemple dans les rapports entre la CRE et le Conseil, l'ARCEP et le Conseil, le CSA et le Conseil, etc. Mais des recouvrements peuvent être moins organisés, parce que moins conçus, par exemple dans l'interférence entre la régulation bancaire et la régulation concurrentielle.

2.1.5. Le recouvrement des compétences entre les Autorités administratives indépendantes et les juridictions. La question des rapports entre les Autorités administratives indépendantes et les juridictions d'une part, et l'administration traditionnelle d'autre, sera vue ultérieurement. Il demeure que certains y voient un recouvrement des compétences, notamment parce que l'Autorité a un pouvoir de sanction, ce qui la superpose aux juridictions répressives, ou parce qu'elle exerce un office de règlement des différents, ce qui la superpose aux juridictions civiles. Les personnalités du monde judiciaire considèrent d'ailleurs fréquemment que la création des Autorités administratives indépendantes, dans leur ensemble, est un signe de défiance à l'égard des juridictions ordinaires bien plus qu'à l'égard de l'Etat centralisé72. Le recouvrement sera d'autant plus net que l'Autorité exerce, comme le fait une juridiction, un contrôle ex post de comportement, sans exercer de pouvoir ex ante (tel des certifications, agrément, etc.) pas plus que ne le fait une juridiction, ce qui est notamment le cas du Conseil de la concurrence.

5. Perspective d'association et de regroupement des autorités administratives indépendantes

2.1.1. Une solution définitive : faire disparaître des autorités administratives indépendantes. Une solution très radicale peut consister dans la suppression des Autorités administratives indépendantes. La France, qui n'a pas de tradition d'agences publiques déconcentrées, s'en était bien passée jusque dans les années 1970. Certes, certains estiment que cela serait même une bonne solution sur le papier, mais que le « mal est fait »73.D'autres pensent que rien n'est irréversible74. Cette affirmation d'absence d'irréversibilité, dont la position des opinions publiques nationales sur l'Europe vient de nous donner un exemple, justifie deux positions. Tout d'abord, si l'on considère que par ailleurs les Autorités administratives indépendantes sont illégitimes politiquement, en disharmonie avec le système politique et juridique français, la suppression des Autorités administratives indépendantes est concevable. Resterait à en mesurer le coût politique, qui pourrait se répartir entre une réaction directe de l'opinion publique concernant les Autorités administratives indépendantes de médiation sociale ou de protection des libertés publiques, et une réaction plus circonscrites des opérateurs économiques et des investisseurs concernant les Autorités administratives indépendantes veillant sur l'équilibre d'un secteur. Ensuite, si l'on considère le mouvement de création d'Autorités administratives indépendantes comme non irréversible et si l'on estime dans le même temps que ce mouvement est plus bénéfique que néfaste, alors le législateur doit se soucier de mieux assurer l'efficacité, la légitimité et l'acceptation sociale des Autorités administratives indépendantes75.

2.1.2. Première solution radicale : arrêter de créer des autorités administratives indépendantes nouvelles. Si l'on ne veut pas un mouvement de destruction des Autorités administratives indépendantes, pour réinjecter les compétences soit à l'administration traditionnelle, soit aux juridictions, il est souvent évoqué la nécessité de cesser d'en créer de nouvelles76. On constatera que le législateur ne suit pas ce conseil. Indépendamment du projet de loi précité en matière ferroviaire, chaque jour est proposée la création d'une nouvelle Autorité. En outre, des textes européens peuvent contraindre à une telle création. On remarquera qu'il n'est pas inconcevable que l'arrêt de la création d'Autorités administratives indépendantes nationales incite à la création, pour l'instant peu envisagée, d'Autorités administratives indépendantes européennes77. Enfin, cette position n'empêchera pas, sauf à revenir à la solution précédente de suppression des Autorités administratives indépendantes, de devoir revenir sur l'organisation législative des Autorités qui existent déjà, sans doute dans le sens d'une expansion de leurs compétences.

2.1.3. Seconde solution radicale : fusionner des autorités administratives indépendantes entre elles. Ce qui est plus encore souvent évoqué est la fusion d'Autorités administratives indépendantes. Plusieurs raisons sont évoquées en ce sens.

2.1.3.1. Fusionner pour rendre plus repérables les autorités nationales et les rendre ainsi insérables dans des réseaux supranationaux. Tout d'abord, l'intelligibilité78 en serait accrue, car moins on a d'Autorités et plus elles sont repérables et compréhensibles. Cet argument prend une nouvelle force lorsqu'en outre il faut mettre en place un réseau européen ou international d'Autorités nationales de régulation, ce que la diversité, voire la pulvérisation, des Autorités entrave. C'est ce qui justifia la fusion entre la COB et le CMF, pour qu'une autorité nationale puisse s'insérer dans le réseau européen construit par le Plan de modernisation du droit financier entamé en Europe en 2000 (processus Lamfallusy79).

2.1.3.2. Fusionner par économie de moyens. Le deuxième argument pour proposer la fusion des autorités repose sur l'économie de moyens car une Autorité coûte moins cher que deux80. A la fois cet argument est le moins contestable, il fut avancé notamment pour justifier que la loi du 20 mai 2005 ne crée pas une autorité de régulation postale autonome81, et il peut être relativisé. De deux façons. Tout d'abord, les sommes en jeu dans l'organisation et le fonctionnement des Autorités administratives indépendantes sont très faibles à l'échelle du budget de l'Etat, aucun budget d'une Autorité administrative indépendante reposant sur le budget général de l'Etat ne dépassant 20 Millions d'Euros82. Ensuite, les économies de moyens, car effectivement nulle ne doit être négligée, peuvent être recherchées par d'autres voies. Mais il doit alors être possible de les réaliser directement, par exemple par des locaux occupés en commun, ou des services logistiques communs, sans pour autant opérer des fusions. Ainsi, si l'on reprend l'exemple du régulateur postal, il est difficile de comprendre pourquoi cette fonction de régulation a été confiée à l'autorité administrative en charge des communications électroniques, alors même que les économies des deux secteurs ne sont guère analogues ni corrélées, et qu'il n'est pas acquis que la régulation postale soit une régulation de l'accès, alors qu'elle est de ce type concernant le secteur des télécommunications.

2.1.3.3. Fusionner pour ajuster l'autorité au secteur sur lequel s'exerce sa mission. Une raison plus conceptuelle et plus politique concerne l'adéquation entre les contours de l'Autorité et sa mission. En effet, l'on peut estimer que les autorités d'administratives indépendantes doivent avoir des contours qui correspondent à l'objet sur lequel portent leurs actions. C'est bien ainsi que le législateur a historiquement procédé, dans une méthode tautologique : pour réguler les télécommunications, il a établi en 1996 une Autorité de Régulation des Télécommunications, ayant compétence sur l'ensemble de ce secteur, et rien que sur ce secteur. Si l'on adopte cette conception de base, celle qui relie les contours de l'Autorité administrative indépendante, alors si le secteur évolue, il faut que celle-ci change sa dimension et au besoin fusionne. Ce fut le cas précisément pour la transformation de l'Autorité de Régulation des Télécommunications en Autorité exerçant ses pouvoirs en matière de Communications Électroniques, extension de ses compétences en raison de la convergence. La Grande-Bretagne est allée plus loin en fusionnant le régulateur des télécommunications et le régulateur des médias, à travers l'OFCOM. On retrouve la même question à propos de l'éventuelle fusion entre la CADA et la CNIL, là aussi sur le modèle anglais, modèle là aussi repoussé83. La question se pose plus encore en matière de finances, banques et assurance. Il apparaît en effet que l'activité de ces trois secteurs s'interpénètre de plus en plus, à la fois par les produits, les produits d'assurance devenant des produits financiers, les instruments financiers étant fabriqués par les banques, les entreprises intermédiaires, souvent en conglomérat, agissant sur les trois secteurs. La conséquence, tirée par la Grande-Bretagne à travers la Financial Services Authority, serait alors de fusionner les autorités du marché financier et du marché de l'assurance, sur le motif que les produits fusionnent, voire de fusionner les autorités bancaires et l'autorité du marché financier, sur le motif que les banques sont des opérateurs cruciaux sur le marché financier. Le législateur français, qui en avait eu l'occasion par la Loi de sécurité financière de 2003, n'y a pas procédé. Faut-il l'encourager à le faire ? Peut-être sur la première perspective, car l'Autorité des marchés d'assurance (AMA) qui est en train d'être construite, l'est sur le modèle de l'Autorité des marchés financiers (AMF). En revanche, les autorités administratives indépendantes en charge de la régulation bancaire pratiquent celle-ci dans une optique prudentielle, dans la perspective de la solidité du système bancaire, ce qui est une autre fin que celle poursuivie par la régulation des marchés financiers84. En outre, la régulation financière joue la transparence alors que la régulation bancaire prend souvent la voie du secret85. Ces éléments éloignent la perspective de fusion, et ce d'autant plus que des conventions de partenariat existent entre ces Autorités86. S'il y a une fusion envisageable, cela pourrait être à l'intérieur de la régulation bancaire, entre la Commission Bancaire et le CECEI, qui ont le même objectif prudentiel, la première en aval, le second en amont, fonction qui serait exercée en continu par une autorité unique de régulation prudentielle bancaire.

2.1.3.4. Fusionner pour ajuster l'autorité à sa mission. Les développements qui précèdent ont visé des Autorités Administratives Indépendantes ayant en charge un secteur, ce qui rend aisée l'assertion d'ajustement des contours de l'Autorité au secteur sur lequel porte sa mission. Mais de nombreuses Autorités Administratives Indépendantes ne sont pas en charge d'un secteur, mais d'une mission qui s'exerce sur l'ensemble de la société. C'est d'ailleurs ce qui rend difficile leur rapport avec les organismes publics généraux ayant le même champ d'action, comme les juridictions87. La « localisation » (y compris dans la LOLF88) de ces autorités non accrochées à un secteur est plus difficile, mais en raison aussi de cet absence de liens sectoriels, les fusions paraissent plus aisées. Il en est particulièrement ainsi de la lutte contre les discriminations. Sans même revenir sur l'articulation difficile du fait que les champs sont trop proches, entre la HALDE et les juridictions89, si l'on estime que le Médiateur de la République est en charge de la justesse des rapports sociaux, alors la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité auraient pu lui revenir. De la même façon, si l'on envisage de créer une Autorité Administrative Indépendante pour travailler sur la question des banlieues, si cela rejoint la même idée, alors il faudrait procéder par adjonction - de mission et de moyens - et non par création. Cette perspective montre d'ailleurs les limites de ces Autorités Administratives Indépendantes créées pour jouer un rôle de médiation sociale, car en adjoignant des fonctions nouvelles mais proches, on en arrive à reconstituer de proche en proche l'Etat social.

2.1.3.5. L'exercice accessible de l'adjonction, l'exercice périlleux de la fusion proprement dite. En toutes hypothèses, l'adjonction d'une nouvelle mission (comme la transformation de l'ART pour devenir l'ARCEP et prendre en charge la régulation postale) est un exercice moins périlleux que la fusion proprement dite, car celle-ci oblige à réconcilier dialectiquement deux cultures, deux corps de professionnels, ce qui est plus difficile que l'embauche et l'ajout. Certes, la fusion entre la COB et le CMF semble réussie, mais il peut arriver que sous le couvert d'une seule Autorité, les deux anciennes persistent90, ou que la fusion se passe mal ou lentement. L'erreur de reconstruction, perte d'apprentissage et de crédibilité, est difficilement rattrapable. La solution procédurale est moins engageante et, de ce fait, moins risquée.

2.1.4. La solution minimale : l'interrégulation par les relations entre les Autorités administratives indépendantes. L'idée est alors de construire un maillage entre les Autorités administratives indépendantes, de sorte qu'elles, et le système général, ne soient pas isolées, sans pour autant les faire fusionner. L'idée est alors d'organiser une « interrégulation »91. Ce concept d'interrégulation a également pertinence dans les relations entre les Autorités nationales et l'Europe. On trouve de nombreux signes de ce maillage, de type procédural, dont on trouve déjà de nombreux signes dans les lois récentes comme dans les lois nouvelles92. Cette interrégulation procédurale sera particulièrement forte lorsque les objets se croisent, c'est-à-dire lorsque le Conseil de la concurrence intervient dans un secteur régulé par ailleurs par une Autorité spéciale, ou lorsque l'existence d'un marché financier de l'électricité conduit l'Autorité des Marchés Financiers et la Commission de Régulation de l'Énergie à travailler étroitement ensemble.

On mesure que l'interrégulation n'a donc pas pour cause nécessaire la proximité d'activité ou la ressemblance des Autorités en cause. En outre, des problèmes institutionnels communs, notamment liées à leur trait commun d'indépendance, peuvent être discutés en commun93.

Le fait que par ailleurs mécaniquement les Autorités nouvelles tendent à être faites sur un modèle assez semblable facilite ces relations : plus les Autorités seront semblables et moins il sera nécessaire de les fusionner. Ainsi, la loi d'adaptation du droit de l'assurance au droit communautaire conduit à transformer la CCAMIP (Commission de contrôle des Assurances, des Mutuelles et des Institutions de Prévoyance) en Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles, l'ACAM, qui devient ainsi plus nettement le pendant de l'Autorité des Marchés Financiers, l'AMF.

2.1.5. Les raisons d'intensifier l'interrégulation procédurale entre les Autorités administratives indépendantes. Ces liaisons entre Autorités ne cessent de s'intensifier94, au point que l'on peut y voir une solution alternative à la fusion95. En outre, cette interrégulation permet de pallier dans le système déconcentré des multiples Autorités administratives indépendantes ce qui en est, selon certaines, la faiblesse, à savoir l'absence du mécanisme de l'interministériel, dont l'Etat centralisé est quant à lui doté. Cette interrégulation procédurale sert trois objectifs. En premier lieu, il s'agit de faire bénéficier une institution, soit autre Autorité, soit Gouvernement ou juridiction, d'une expertise spécifique96.

C'est à ce titre que désormais le droit français veille à ce que l'expertise du régulateur bancaire97 et celle du régulateur de l'audiovisuel98 bénéficient au Ministre de l'Économie et des Finances lorsque celui-ci opère un contrôle des concentrations sur des entreprises de ces secteurs99. En deuxième lieu, il s'agit de faire participer à travers une Autorité une partie de la société parfois exclue des cercles de décision, ce qui vaut d'autant plus que l'objet de l'Autorité est précisément le lien social, comme l'est le Médiateur de la République. Ainsi, les contacts de celui-ci avec les autres régulateurs permettent que cette dimension soit présente y compris dans les régulations plus économiques. La troisième raison, essentielle, tient à la nécessité lorsqu'une Autorité est saisie d'un cas qu'elle analyse à l'aune de sa propre mission (par exemple la solidité du système bancaire) qu'une autre puisse efficacement faire valoir une autre perspective à l'aune de sa mission à elle (par exemple le dynamisme concurrentiel). L'échange d'informations est alors spécialement nécessaire. Ce maillage procédural permet si ce n'est de résoudre à tout le moins d'atténuer la difficulté issue d'une nécessaire spécialisation des Autorités, ce qui les rend efficaces et contrôlables, mais les rend aussi inadéquates en tant qu'une vision globale devient de ce fait hors de leur portée.

2.1.6. La solution minimale : procéduraliser les relations entre les autorités administratives indépendantes. Les moyens de le faire. Ce maillage procédural, à la fois construit sur de multiples raisons et qui est moins risqué qu'un redécoupage des Autorités administratives indépendantes, peut prendre tout d'abord la forme de « participation croisée » dans les collèges (comme il en existe entre l'AMF et le CECEI100), ou de « groupes de liaison » (comme il en existe entre

l'ARCEP et le CSA)101, ou de « groupes intersectoriels » (comme ceux auxquels participe le CECEI102). Il peut s'agir ensuite de procédures de consultation préalable, d'avis103 sollicitable ou de droit, voire de décisions communes, ou à tout le moins corrélées dans certaines hypothèses104.

2.1.7. Ces principes pourraient prendre place dans la loi-cadre dont la perspective a été évoquée105.

6. Perspectives européennes

2.1.8. L'hypothèse de la disparition des autorités administratives indépendantes françaises au profit d'autorités européennes. Le rapport rédigé en 2003 à la demande du Ministre des affaires européennes, sous la direction de Christian Stoffaës, Vers une régulation européenne des réseaux, a exprimé sa préférence pour la constitution d'Autorités spécialisées européennes. L'objet de cette recherche était certes limité à des Autorités exerçant des tâches de régulation économique, ce qui justifierait que l'ambition d'un marché européen, portée par les textes et organes européens soit mieux servie par une Autorité de régulation européenne. L'on peut estimer que l'idée vaudrait encore pour les Autorités en charge du lien social, si l'on veut bien considérer que l'Europe pourrait ainsi partager, voire construire, des valeurs sociales communes, notamment à travers un modèle social commun.

2.1.8.1. L'obstacle quasi-constitutionnel du principe de subsidiarité. Cependant, en premier lieu, la première jurisprudence communautaire a estimé que le principe de subsidiarité ne permettait que la création d'Autorités administratives indépendantes non dotées de pouvoir normatif. On retrouve la même idée que celle qui éloigne en droit français les Autorités Administratives Indépendantes de l'attribution du pouvoir normatif, c'est-à-dire la séparation verticale des pouvoirs. Mais cet obstacle n'est pas insurmontable, pour deux raisons. En premier lieu, certains estiment que la portée de cette jurisprudence ne va pas jusqu'à interdire des agences européennes effectives. En second lieu et surtout, on peut concevoir des Autorités Administratives Indépendantes puissantes dotées de seuls pouvoirs administratifs ou techniques.

2.1.8.2. La création observée d'agences européennes, embryons de régulateurs. La preuve en est la création effective d'un certain nombre d'agences européennes. Certaines ont en charge la collecte d'informations, au besoin forcée, leur traitement, tâche souvent assortie d'un devoir d'alerte des autorités en cas d'informations qui le requièrent. Le meilleur exemple en est l'Agence Européenne de sécurité sanitaire. Mais d'autres ont des pouvoirs de normalisation et de sécurité des réseaux, par exemple l'Agence de sécurité des réseaux de télécommunications. Ces Autorités sont encore davantage des observatoires que des Autorités Administratives Indépendantes106. Mais le pouvoir de normalisation technique est tout à la fois très proche du pouvoir normatif général et peut s'avérer le plus puissant et le plus structurant pour un secteur. Dès lors, plutôt que de nier cette puissance en l'estimant non juridique, il conviendrait davantage d'en prendre acte, d'en déduire la nécessité de l'organiser sur un mode plus juridique, par exemple à travers des voies de recours.

2.1.8.3. Les obstacles factuels à la création d'autorités administratives indépendantes européennes. Si l'on peut penser que des Autorités Administratives Indépendantes européennes n'ont pas vocation à se substituer à des autorités nationales, cela tient plutôt à d'autres considérations. La première est très circonstancielle, à savoir la faiblesse pour l'instant des institutions européennes, peu en mesure d'étendre les pouvoirs européens par rapport aux pouvoirs nationaux. La deuxième est plus constante et vise le peu de désir des gouvernements et parlements nationaux de concéder ce nouveau transfert de souveraineté, chacun ayant pu mesurer la puissance effective des Autorités Administratives Indépendantes, et la dépossession que des créations européennes impliquent donc. La troisième raison factuelle est plus rationnelle et tient à la place de l'information et du rapport avec les personnes concernées par l'action des Autorités.

2.1.8.4. L'impératif de proximité. En effet, quel que soit le domaine d'intervention, régulation économique d'un secteur ou médiation sociale, l'Autorité doit avoir des informations les plus exactes possibles sur l'objet sur lequel porte son action. Plus elle en est éloignée et plus cet office essentiel de captation d'information est difficile. C'est bien pourquoi le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants ont développé des bureaux régionaux ou départementaux. C'est aussi parce que la DGCCRF a une telle implantation que cette administration demeure à côté du Conseil de la concurrence. La création d'une autorité européenne se substituant aux autorités nationales éloigne d'autant plus de l'information. En outre, les Autorités Administratives Indépendantes correspondent à une évolution générale de l'Etat et de la puissance publique dans laquelle la normativité ne s'exerce effectivement que si les personnes concernées acceptent, ou à tout le moins comprennent, l'injonction qui leur est faite, la raison du comportement qu'on leur demande d'adopter, l'intérêt qu'elles auront à le faire. Le référendum refusant la Constitution européenne a montré que l'éloignement des institutions européennes leur était fatal. C'est la raison essentielle pour laquelle on ne songe guère, et qu'il ne faut guère songer, à la création d'Autorités Administratives Indépendantes européennes se substituant aux Autorités nationales.

2.1.8.5. La conscience du législateur français des impératifs européens. Ce n'est pas une raison pour adopter une conception autarcique des législations nationales. Il est essentiel que chaque législateur s'instruise des autres législations nationales et prenne en considération les positions des institutions européennes, non pas seulement d'une façon passive par la transposition des « paquets » de textes communautaires qui affectent l'organisation institutionnelle des régulations économiques ou sociales107, mais en participant directement à cette élaboration européenne.

2.1.9. L'hypothèse de la co-existence des autorités nationales et d'autorités européennes. D'ailleurs, le choix n'est pas tant entre l'existence d'Autorités administratives indépendantes européennes ou celle d'Autorités administratives indépendantes nationales, les unes étant l'alternative des autres. Il s'agit plutôt de savoir si la présence des unes dispenserait de la présence des autres. La réponse est certainement négative. En effet, à l'époque où l'on évoquait la perspective d'une Autorité européenne des marchés financiers (« la COB européenne), il n'était pas question de supprimer les autorités nationales de marché financier, mais de les mettre en hiérarchie.

2.1.9.1. L'exemple des autorités de concurrence. L'hypothèse doit être gardée à l'esprit car c'est celle qui a été retenue en matière d'Autorités de concurrence. Dans le mouvement de « modernisation du droit de la concurrence », un règlement communautaire décisif a organisé une mise en réseau des autorités nationales, sous le bienveillant pouvoir de la Commission Européenne, au cœur de ce réseau, centralisant les informations et pouvant jouer pour les entreprises le rôle de guichet unique. Les premiers résultats de cette mise en réseau semblent très satisfaisants, tout à la fois dans l'amélioration de la cohérence des solutions nationales entre elles et l'effet d'apprentissage des nouveaux pays de l'Union européenne108. Le législateur national a sa part dans le dispositif en organisant les Autorités Administratives Indépendantes pour les rendre aptes à un tel dispositif et leur donner mission de le faire. Ainsi, la loi du 1er août 2003 sur La sécurité financière a mis en exergue dans la mission de la nouvelle Autorité des Marchés Financiers la participation à la régulation européenne109. Est-ce que cela est transposable dans d'autres secteurs, économiques ou sociaux ?

2.1.10. La difficulté de transposer le système à d'autres autorités. La transposition pourrait donc être prônée à d'autres secteurs. Mais indépendamment des facteurs politiques précités110, la transposition se heurte à la considération suivante. La Commission Européenne peut aisément être au sommet du réseau des autorités nationales car nul ne conteste le fait que la Commission est une Autorité de concurrence. Elle peut donc prendre une place éminente. Mais dès l'instant que l'on quitte le domaine du droit de la concurrence, la Commission perd cette qualité, mais devrait s'imposer comme Autorité première et hiérarchique de lutte contre les discriminations ou de régulation financière, ce qui requérrait des conditions politiques qui ne sont pas actuellement réunies. C'est pourquoi la nouvelle organisation européenne des Autorités de concurrence, si réussie soit-elle, ne peut pas constituer un modèle. En revanche, l'organisation institutionnelle née du « Plan de modernisation » de la régulation financière pourrait servir de modèle aux législateurs nationaux.

2.1.11. L'hypothèse de liens européens entre autorités administratives indépendantes nationales. Ce n'est pas parce que la perspective d'une autorité administrative indépendante européenne, ou une construction hiérarchique entre les institutions européennes et les Autorités des Etats membres, ne sont pas actuellement des perspectives tangibles que l'Europe ne doit pas intérioriser dans la construction des autorités nationales par le législateur, lequel doit faire en sorte que des réseaux d'Autorités administratives indépendantes nationales se construisent au niveau européen.

2.1.11.1. Le « modèle Lamfallusy » pour la régulation financière. Le plan de modernisation du droit financier a été lancé en 2000, et sa dimension institutionnelle a été construite à partir des conclusions d'un rapport né des travaux d'une commission d'expert présidée par Alexandre Lamfallusy. Il s'agit d'établir plusieurs échelons d'élaboration des normes, chaque échelon faisant intervenir différentes autorités politiques ou technocratiques, le réseau des régulateurs financiers indépendants nationaux (CESR) y jouant un rôle crucial. Si l'on estime que ce dessin européen est pertinent, alors le législateur national doit l'intégrer dans sa conception de l'Autorité nationale, car il faut d'une part et d'une façon générale qu'il la façonne d'une façon analogue à celle des autres Autorités nationales et d'autre part et d'une façon particulière qu'il lui donne mission de participer efficacement à ce réseau. Prenons des exemples, l'une de réussite acquise, l'autre de constructions nationales encore à faire. Au titre du premier, on soulignera que si la COB et le CMF ont fusionné dans l'AMF, c'est pour que les autres membres du réseau puissent n'avoir qu'un seul interlocuteur en France, dans le même temps que la participation à la régulation européenne était un objectif donné à l'AMF, sans pour autant remettre en cause son statut d'Autorité administrative indépendante nationale111. Parallèlement, les pouvoirs des autorités nationales sont devenus de plus en plus analogues.

2.1.11.2. Le cas des Autorités Administratives Indépendantes nationales en matière énergétique. Le second exemple concerne les autorités administratives indépendantes énergétiques, notamment celles constituées pour la régulation de l'électricité. Les manques d'une régulation européenne ont été soulignés, notamment parce qu'il y a interdépendance dans le transport, que seule une bonne articulation en la matière peut permettre l'établissement d'un marché européen unifié en matière énergétique, ce qui était le but même de la libéralisation entamée en 1996, et que les défauts de l'articulation européenne des réseaux nationaux produisent des crises techniques, dont le black out est le paroxysme. On avait suggéré la création d'une autorité européenne pour l'articulation entre réseaux de transport nationaux, mais cela n'a pas été cristallisé. La coopération se fait d'une façon informelle à travers des fora de régulateurs. L'action des Autorités administratives indépendantes nationales ne peut pas même être articulée du fait que celles-ci ont des missions et des pouvoirs très dissemblables les unes des autres. Le marché énergétique européen ne s'est guère construit depuis 1996. Les législateurs nationaux devraient favoriser donc la mise en réseau de leurs régulateurs nationaux, s'ils veulent qu'une construction européenne se passe, et sans qu'il soit nécessaire de déléguer à l'Europe le pouvoir et le risque d'établir un régulateur européen, remplaçant ou coiffant les autorités nationales.

L'hypothèse de liens supranationaux entre autorités administratives indépendantes nationales. Les Autorités administratives indépendantes nationales doivent être conçues par le législateur de sorte qu'elles agissent dans une perspective qui dépasse les frontières nationales. C'est notamment le cas faute d'une coopération plus structurée pour les Autorités administratives indépendantes nationales qui construisent des marchés. En effet, d'une façon spontanée, les Autorités administratives indépendantes nationales de télécommunications ont constitué un « forum », qui adopte des « positions communes », activité doctrinale dont la portée est de fait normative puisque la Commission Européennes les prend en considération. De la même façon, les « forum de Florence » (pour l'électricité) et « forum de Madrid » (pour le gaz), permettent la rencontre régulière non seulement des Autorités nationales mais encore des « parties prenantes » (entreprises, administration traditionnelle, experts, professeurs, etc.). Plus formellement et par exemple, la Commission de Régulation de l'Énergie est membre du Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER). De même, le Conseil de la concurrence est de droit membre du réseau des autorités européennes de concurrence (European Competition Network), mais également du réseau international (International Competition Network). L'ARCEP est membre du Comité des communications électroniques (COCOM) qui assiste la Commission112. Les modèles d'intégration les plus forts apparaissent en concurrence et en finance113. Ces réseaux sont aussi très importants pour les régulateurs de lien social. On peut citer par exemple l'appartenance du Défenseur des enfants à l'ENOC (European Network of Ombudsmen for Children) ou l'insertion du Médiateur de la République au sein du Réseau européens des Médiateurs, ou encore l'insertion de la CNIL dans groupe dit « de l'article 29 » (par référence à la directive communautaire de 1995) des autorités indépendantes en charge de la protection des données, ou bien l'appartenance de la HALDE au réseau des Autorités spécialisées de l'Union européenne sur les discriminations. Il arrive souvent que les Autorités françaises aient un rôle de leader dans ces réseaux114, voire soient à l'origine de leur constitution115. Deux raisons spécifiques justifient la constitution de tels réseaux. En premier lieu, cela permet de conserver ou de construire une identité sociale européenne, à travers des adhésions nationales à un modèle commun. En second lieu, cela justifie mieux l'existence de ces Autorités par rapport aux organes traditionnels de l'Etat, notamment les polices, services sociaux, ministère public ou juridictions, car la coopération entre ceux-ci est particulièrement lourde et lente, du fait que la voie demeure de nature diplomatique, alors que la coopération entre les Autorités administratives indépendantes nationales à fins sociales, comme l'égalité entre hommes et femmes, la protection des enfants, lutte contre les discriminations, etc., est beaucoup plus aisée, parce qu'elle est de nature technocratique.

2.1.12. Le rôle du législateur national dans la réussite des réseaux européens d'autorités administratives indépendantes nationales. Certes, l'on peut considérer que toutes ces constructions européennes fonctionnent précisément parce qu'elles sont plus ou moins informelles. Sans remettre en cause les avantages de l'autorégulation116, l'on peut considérer que les systèmes sont plus sûrs lorsqu'ils sont formels. En outre, il faut que le législateur donne aux Autorités administratives indépendantes nationales la mission générale d'une telle coopération, faute de quoi le juge pourrait reprocher à l'Autorité un excès de pouvoir si les liens sont trop intégrés, intégration que par ailleurs les Autorités administratives indépendantes elles-mêmes veulent plus ou moins117. De la même façon, il faut que les budgets des Autorités intègrent le coût d'une telle activité. Cela ne fut notamment pas le cas pour le Comité d'Éthique, faute d'un budget suffisant pour le faire, ce qui était dommageable au moment où l'Europe doit se fixer une philosophie, si ce n'est une politique, en matière de bioéthique.

CHAPITRE II
ÉVOLUTION DE LA NOTION
D'AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

3.0. Il peut paraître paradoxal de ne pas avoir évoqué et travaillé la notion même d'Autorités administratives indépendantes de prime abord, dès le premier chapitre de cette étude. La méthode universitaire consistant à définir d'abord, à dégager les critères ensuite, puis dans un troisième temps à discuter les mesures appropriées, y aurait naturellement conduit. Mais la doctrine s'est tant employée à trouver l'introuvable définition des Autorités administratives indépendantes118 que la méthode pragmatique peut ici être tentée. Elle consiste à partir de ce qui constitue la spécificité des Autorités administratives indépendantes, à savoir qu'elles sont à la fois administratives et indépendantes119, cette indépendance étant mesurée dans son rapport avec le pouvoir exécutif, ce qui fait difficulté puisque l'Autorité est pourtant administrative. Cette façon de définir les Autorités administratives indépendantes, définition non conceptuelle, relevant de la monstration et non de la démonstration, est moins forte qu'on ne pourrait le penser. La tautologie à l'instant exprimée n'est pas suffisante. En effet, comme l'a souligné le Conseil d'Etat, il faut encore ajouter un critère pour distinguer ces organismes des dizaines de diverses commissions de réflexion et d'expertise. Le Conseil a choisi le critère du pouvoir de contrainte, sous une forme ou sous une autre (pouvoir réglementaire, pouvoir de sanction, pouvoir d'attribution d'autorisation, pouvoir de régler les différends). En outre, elle comprend un effet pervers : les dispositifs législatifs surabondent en dispositifs pour protéger les Autorités administratives indépendantes contre l'intrusion du Gouvernement mais d'une part les rapprochent relativement peu du Parlement et d'autre part les protègent relativement peu de la mission des entreprises ou groupes de pression concernés par leur action. Si l'on suit néanmoins cette approche de la notion d'Autorité administrative indépendante à travers principalement son rapport avec le Gouvernement, la notion apparaît alors par contraste avec l'administration traditionnelle, en ce que celle-ci n'est pas indépendante, puisque insérée dans la hiérarchie de l'exécutif, ce qui la rend à la disposition d'un ministre et du Gouvernement.

SECTION 3 : LES SPÉCIFICITES DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES PAR RAPPORT À L'ADMINISTRATION TRADITIONNELLE

3.1.0. La notion d'Autorité administrative indépendante se dégage donc en creux de la notion d'Autorité administrative dépendante. La compréhension des Autorités administratives indépendantes passe donc par l'idée d'une rupture. Le législateur doit alors assumer cette rupture, considérer que le modèle traditionnel est inefficace ou dépassé pour justifier cette rupture. Mais l'on pourrait aussi concevoir que les Autorités administratives indépendantes sont le bastion avancé d'une nouvelle façon de gouverner, ce qui rend leur insertion dans le système moins difficile, puisque le modèle des Autorités administratives indépendantes devient « exemplaire », ce qui est tout différent.

7. L'hypothèse des autorités administratives indépendantes en rupture avec l'administration traditionnelle

La rupture tautologique avec l'administration traditionnelle du fait de l'indépendance à l'égard du Gouvernement. Il y a rupture politique entre les Autorités administratives indépendantes et le système traditionnel d'une façon évidente en ce que les Autorités administratives indépendantes n'obéissent pas au Gouvernement. Ce qui est donc certainement atteint, c'est l'unicité de l'Etat. Faut-il aller plus loin dans le diagnostic ? En effet, si l'on atteint ce principe d'unicité, la conception générale de l'Etat est-elle atteinte ? Cela dépend de la conception politique du bien commun que l'on adopte. En effet, si l'on estime que le bien commun suppose une autorité unifiée faisant les arbitrages entre tous les intérêts particuliers et toutes les perspectives particulières, alors l'indépendance à l'égard du Gouvernement est une rupture politique majeure. Des points de tension apparaissent dans des discussions techniques qui renvoient à cette rupture : ainsi, le principe selon lequel la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des fautes lourdes commises par les Autorités administratives indépendantes120 est discuté par cette imputation des conséquences d'une action que l'Etat ne peut pas contrôler.

La rupture méthodologique avec l'administration traditionnelle du fait de la transparence et de la consultation. La plupart des Autorités administratives indépendantes fonctionnent selon le principe de transparence et de consultation, laquelle peut être jusqu'à l'hypothèse de « co-régulation ». Cela n'est pas vrai pour toutes, l'efficacité de l'action de certaines d'entre elles pouvant justifier le secret, requis par nature par la Commission consultative du secret défense, et utilisé pour résoudre des conflits ou pour prévenir des crises, par exemple dans l'action de la Commission Bancaire, articulé avec la menace de publicité d'une difficulté. Il demeure que beaucoup d'Autorités se soumettent et revendiquent un fonctionnement transparent et en contact étroit avec les groupes sociaux ou entreprises concernées.

La rupture politique avec l'administration traditionnelle du regroupement des pouvoirs : l'autorité administrative indépendante comme Petit Etat. Les notions se dessinent aussi à partir des régimes. C'est d'ailleurs souvent sous cet angle que les Autorités administratives indépendantes sont de prime abord présentées : par leur extraordinaire, voire insupportable, cumul de tous les pouvoirs. Dès l'instant que l'on affirme, plus particulièrement pour certaines Autorités administratives indépendantes, notamment les Autorités en charge de la régulation d'un secteur économique, qu'elles exercent les trois pouvoirs, le pouvoir normatif (législatif), le pouvoir d'application particulière (administratif) et le pouvoir de sanction et de règlement des différends (juridictionnel), les Autorités sont instituées comme des sortes de petits Etats sectoriels, en quasi-lévitation par rapport à l'Etat traditionnel à la fois unifié et conçu sur la séparation des pouvoirs. La rupture peut s'analyser à deux niveaux. Le premier vise en soi cette alliance d'une unicité de tous les pouvoirs en attaque à l'unicité de l'Etat. Le second s'étudie par rapport au déséquilibre possible non plus en soi mais parce que d'une part les contrepoids démocratiques n'existent pas et que d'autre part les contrôles exercés hors du principe hiérarchique de l'exécutif sont trop faibles121. C'est donc le fait d'indépendance, c'est-à-dire un fait institutionnel commun à toutes les Autorités, qui constitue la rupture politique. Cela justifie plus fortement de penser les Autorités administratives indépendantes comme une catégorie unifiée.

Les conséquences de l'hypothèse de rupture : réconciliation ou articulation. Si est retenue cette hypothèse de rupture entre l'administration professionnelle et les Autorités administratives indépendantes, en raison de son caractère à la fois tautologique (l'Autorité administrative indépendante ne peut pas ne pas être indépendante) et fondamentale (remise en cause de l'Unicité de l'Etat couplée avec un cumul extraordinaire des pouvoirs), on ne peut en rester là. Il convient alors de réconcilier les Autorités administratives indépendantes avec le modèle politique et méthodologique français, par exemple en supprimant certains pouvoirs122, ou en renforçant les contrôles, ce qui permet d'articuler le principe d'indépendance et le principe de responsabilité123.

8. L'hypothèse des autorités administratives indépendantes comme bastion avance de l'administration traditionnelle

3.1.1. Les liens entre les autorités administratives indépendantes et le mécanisme des agences. La présentation du mécanisme des Autorités administratives indépendantes comme attentatoire à l'Etat est dogmatique, c'est-à-dire à la fois fondée théoriquement et décalée par rapport à la réalité des choses. En effet, en premier lieu, l'organisation administrative française est depuis longtemps déconcentrée. En second lieu, l'établissement de très nombreux comités d'expertise est très courant et dans de nombreux cas ceux-ci sont analogues à des Autorités bénéficiant de l'indépendance. Par exemple, la situation du Conseil Consultatif National d'Éthique est proche de la Commission pour la sécurité des consommateurs ou d'autres conseils non indépendants. Dans une perspective plus théorique, il a été montré que l'Etat peut encore exister sur un mode pluraliste. Si l'on veut bien prendre en considération cette pluralité de fait qui ne signifie pas en soi la destruction de l'idée d'Etat, le problème qui demeure est donc plutôt celui du cumul des pouvoirs et de la reddition des comptes. Il est essentiel de pouvoir ainsi évaluer l'ampleur de la difficulté : l'indépendance n'est pas en soi un décrochage par rapport à l'Etat, le cumul des pouvoirs124 maniés par des organismes peu responsables125 justifie en revanche que le législateur y réfléchisse intensément.

3.1.2. Transparence, consultation et négociation, nouveaux modes de l'action publique. Si l'on reprend la distinction méthodologique entre les Autorités administratives indépendantes et l'administration traditionnelle tenant à la transparence et à la consultation126, une appréciation plus relative peut en être faite. En effet, en premier lieu, la transparence est une façon de faire qui permet à l'Etat ou à l'administration de donner à voir comment les décisions sont prises, renvoyant à la théorie politique de l'apparence. L'institution par la loi du 2 février 1995 de la Commission Nationale du Débat Public est exemplaire de ce mouvement. De la même façon, la manière de faire consistant à consulter les parties prenantes, c'est-à-dire toutes les personnes dont les situations sont susceptibles d'être affectées par l'action de l'Autorité, renvoyant à ce qui est théorisé sous le vocable de « contractualisation de l'action publique »127, est adoptée d'une façon plus large. Le législateur128 et les pratiques administratives vont dans ce sens. Ainsi, les codes de bonnes conduites de la part des administrations ou des gestionnaires de réseaux se multiplient.

3.1.3. Les conséquences de l'hypothèse de bastion avancé : les Autorités administratives indépendantes comme expérimentation d'une évolution plus générale. Ainsi, l'on pourrait considérer que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas si étranges par rapport l'organisation de l'Etat mais correspondent à une organisation générale prochaine. Si le pouvoir politique, le Gouvernement comme le Parlement, estime que cette façon de faire est plus légitime et plus efficace, alors le statut des Autorités administratives indépendantes change : il s'agit alors de les utiliser comme des expériences d'une nouvelle façon de procéder, pour envisager de généraliser l'organisation et la méthode. Les Autorités administratives indépendantes auraient alors deux qualités nouvelles : d'une part, elles permettent d'améliorer le système avant son extension, d'autre part, elles acclimatent ces nouvelles conceptions, ce qui rend concrètement leur extension envisageable. Si le pouvoir politique adopte cette conception, qui ne met plus du tout les Autorités administratives indépendantes comme des exceptions, mais comme des organisations ordinaires par anticipation, alors la catégorie doit recevoir toutes les faveurs.

3.1.4. Les limites de la thèse des Autorités administratives indépendantes comme expérimentation d'une réforme générale de l'Etat vers un nouveau modèle ordinaire. Sur bien des points techniques ou symboliques, les Autorités administratives indépendantes peuvent être prises comme exemples. Mais en premier lieu, leur principe d'indépendance, qui est dans leur nature même, peut finir par détruire l'exécutif si le Gouvernement ne peut plus donner d'ordres à aucune administration ! Cette limite politique est d'ailleurs relayée par la Constitution qui confie au Premier Ministre la charge et le pouvoir de gouverner. Cela finit par produire un changement politique majeur, dans une sorte de suppression dans l'exécutif de l'échelon de l'administration hiérarchisée, pour se rapprocher alors d'un modèle politique tel qu'on le connaît aux Etats-Unis, au sein duquel on ne peut pas vraiment dire qu'existent des ministres. En second lieu, sur le versant financier, c'est-à-dire un versant essentiel puisque la France s'est constituée comme un Etat financier et que c'est ce biais que la réforme de l'Etat cherche actuellement à s'opérer à travers la LOLF129, si un nombre élevé d'administrations deviennent indépendantes, la LOLF qui a pour objectif de resserrer la cohérence de l'exercice du pouvoir budgétaire, finirait par voler en éclat130.

3.1.5. Les Autorités administratives indépendantes, un modèle mais non une règle. L'on peut alors en conclure que le système des Autorités administratives indépendantes est tout à la fois non généralisable sur ce qu'il aurait de plus spécifique, à savoir l'indépendance structurelle, fonctionnelle, et budgétaire, mais constitue un modèle pouvant inspirer le fonctionnement généralisé de l'Etat et de l'administration hiérarchisée notamment dans leurs rapports avec les personnes et les entreprises au travers de principes et de méthodes comme la transparence et l'actualisation.

SECTION 4 : LES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES ET LA PERSPECTIVE DE LA PERSONNALITÉ MORALE

4.0. Qualification et personnalité morale. Le vocabulaire juridique n'est pas neutre, il contient en lui-même une forte normativité, puisque le terme choisi par le législateur présuppose une qualification juridique, c'est-à-dire implique un régime juridique plutôt qu'un autre. Or, le législateur lui-même, sans recourir à la catégorie plus économique de « régulateur » (à laquelle se réfère davantage le juge), a assez souvent qualifié les organismes qu'il créait d' « Autorité administrative indépendante ». En créant l'Autorité des Marchés Financiers, il la désigna comme une « autorité publique » indépendante, du fait qu'elle lui attribuait la personnalité morale. . Un flottement de qualification qui s'en suivit a été le prix à payer pour l'attribution de la personnalité morale, à propos de laquelle la question principale est de savoir s'il convient que toute Autorité indépendante la possède. Le législateur lui-même semble hésitant puisqu'elle a été attribuée à l'Agence française de lutte contre le dopage, mais qu'elle a été retirée à la CRE, et que les Autorités elles-mêmes sont partagées sur les bienfaits ou non, sur même le réel effet ou non, d'une telle attribution.

9. Les autorités publiques indépendantes, nées de l'attribution de la personnalité morale

4.1.1. Le double jeu de la personnalité morale et de l'indépendance, porte-à-faux par rapport aux catégories du droit administratif. Le rapport du Conseil d'Etat sur les Autorités administratives indépendantes a estimé qu'il ne fallait pas aller dans la voie de la personnalité morale, en ce qu'elle retirait les Autorités des catégories usuelles du droit public, engendrant donc de l'insécurité juridique. En effet, si un « opérateur de l'Etat », pour prendre ici le vocabulaire de la LOLF, a une personnalité morale, il est sous une tutelle d'un ministre, et appelle la qualification d'établissement public. Mais si l'organe en question est tout à la fois doté d'une telle personnalité, et soustrait du fait de son principe d'indépendance, d'un mécanisme tutélaire, alors il y a nécessité de créer une nouvelle catégorie juridique, à travers la nouvelle sémantique de « l'autorité publique indépendante » pour en rendre compte131. On comprend dès lors qu'il ne convenait de sauter le pas et qu'il ne convient de songer à aller plus loin que si l'on peut contrebalancer une telle perturbation par des avantages certains.

4.1.2. Le précédent jurisprudentiel de la Banque de France. Il est vrai que lorsque la jurisprudence attribua la personnalité morale à la Banque de France, pour régler des questions de gestion de personnel (TC 16 juin 1997, Société La Fontaine de mars, Rec., p. 532), la décision estima prudemment que la Banque constituait une catégorie juridique sui generis, catégorie bien connue pour être le refuge de l'hésitation qualificative, signe d'un désarroi du système auquel le législateur peut désirer mettre fin, dans sa mission visée de meilleure visibilité et intelligibilité des règles en la matière132.

4.1.3. La solution pragmatique de l'attribution des prérogatives d'une personne juridique sans passer par l'attribution de la personnalité morale. Le législateur n'est pas nécessairement le professeur et son pouvoir normatif lui permet, s'il l'estime nécessaire, de s'échapper du schéma dogmatique précité de l'attribution d'une qualification catégorielle comme préalable au déclenchement d'un régime juridique. En effet, la souveraineté du législateur lui permet de donner à des Autorités administratives indépendantes des prérogatives juridiques « comme si » elles étaient des personnes juridiques (c'est-à-dire des sujets de droit dotés de droits et d'obligation), sans pour autant leur conférer cette personnalité. La souveraineté du législateur est tout entière dans ces « comme si ». C'est de cette façon que la COB s'est vu reconnaître le pouvoir d'intervenir dans des procédures mettant en cause son action sans passer par l'intervention de l'Agent judiciaire du Trésor. De la même façon, le Conseil de la concurrence, auquel il n'est pas pour l'instant question d'attribuer la personnalité morale, ne serait-ce qu'en raison de sa ressemblance avec une juridiction et dans la mesure où il n'est pas question d'attribuer aux juridictions une telle personnalité, a désormais le pouvoir de former des pourvois contre les arrêts de la Cour d'appel de Paris ayant réformé ses décisions.

4.1.4. Avantages et inconvénients de la méthode législative pragmatique. Si l'on se réfère aux sources du droit, cette méthode législative est légitime, car la loi est souveraine pour imputer des conséquences juridiques à des situations ou des pouvoirs à des organes, dès l'instant que la Constitution n'en est pas froissée. L'avantage d'agir ainsi tient dans le fait que la loi tient exactement les pouvoirs -d'ordinaire liés à la personnalité, notamment le droit d'agir en justice-, dont elle veut que l'Autorité administrative indépendante soit dotée. Pas plus, pas moins. Mais les inconvénients d'une telle démarche sont les suivants. En premier lieu, dans le silence de la loi, les qualifications deviennent très difficiles. Ainsi, lorsque des Autorités « transmettent » des cas aux juridictions, est-ce au titre d'un droit d'action ou non ? Plus encore, il est juste que les droits soient les miroirs des obligations. Il est dangereux et injuste qu'une attribution de prérogatives ne soit pas accompagnée d'attribution d'obligations. Or, pour prendre un exemple dans le domaine processuel, le législateur attribue au cas par cas des pouvoirs processuels, par exemple celui précité de former un pourvoi en cassation, ou celui ambigu de formuler des observations dans des instances, mais sans permettre au juge de condamner l'Autorité à prendre en charge les frais irrépétibles de l'autre partie, sur le fondement que l'Autorité ne peut être considérée comme une « partie », puisqu'elle n'est pas une personne. Cela n'est pas satisfaisant au regard de l'équité, et cela montre au passage que l'attribution de la personnalité morale à des Autorités administratives indépendantes n'est pas seulement favorable à celles-ci.

4.1.5. Les valses-hésitations des extensions de la catégorie sui generis des autorités publiques indépendantes. Le législateur semble en la matière comme hésitant. Après avoir attribué la personnalité morale à l'Autorité des Marchés Financiers, il l'a encore attribuée, il est vrai à travers un amendement de la loi de Finances de décembre 2004, à la Commission de Régulation de l'Énergie, pour la lui retirer promptement par la loi du 13 juillet 2005. Dans le même temps qu'il n'est pas décidé de procéder de cette façon systématique, le projet de loi actuellement en discussion devant le Parlement réformant le Comité de lutte contre le dopage, prévoit d'attribuer à l'agence dans laquelle ce Comité se métamorphosera la personnalité morale (projet d'article L. 3612-1 du code de la santé publique). Or, la question de la personnalité morale ne dépend guère du type de mission ou d'Autorité dont il s'agit. L'on peut considérer que les raisons de l'adopter ou de ne pas l'adopter, raisons qui seront explicitées ci-dessous, valent pour l'ensemble des Autorités administratives indépendantes. Cette question aurait donc vocation à être organisée d'une façon générale si le législateur jugeait opportun d'adopter une loi-cadre sur ces Autorités133. L'appréciation de cette question est à la fois d'ordre pragmatique, par un bilan des avantages et inconvénients, et d'ordre symbolique134, en ce que la personnalité évoque l'autonomie, être une personne serait une condition de l'autonomie juridique, ce qui rapproche alors la question de celle de l'indépendance, c'est-à-dire la qualité consubstantielle de ces Autorités administratives.

4.1.6. L'efficacité de la personnalité morale. Si le législateur attribue la personnalité morale à une Autorité administrative indépendante, ce qui est méthodologiquement supérieur à une qualification ex post par la jurisprudence ou une attribution émiettée de quelques prérogatives135, il peut songer offrir par ce biais aux Autorités administratives indépendantes deux nouvelles efficacités, budgétaire et processuelle.

4.1.6.1. L'efficacité budgétaire de la personnalité morale, en raison de l'interférence avec la LOLF. Comme nous le verrons, les Autorités administratives indépendantes ont du mal à s'insérer dans le nouveau schéma de la LOLF, ce qui est dommageable si l'on voit dans celle-ci plus qu'un nouvel agencement budgétaire mais le ferment d'une réforme de l'Etat dont les Autorités administratives indépendances sont précisément une autre expression. Si l'on estime que les deux logiques ne sont guère compatibles, notamment parce que la LOLF est un nouveau mode de direction de l'action de l'Etat, de gouvernance donc, et que les Autorités administratives ici en cause ne peuvent que difficilement supporter ce principe même en raison de leur principe d'indépendance136, alors une solution peut être de les sortir de la LOLF. Si l'on s'orientait vers cette solution radicale137, alors la seule façon de leur faire bénéficier de ressources affectées, sur l'usage desquelles elles ne rendraient pas de compte d'une façon hiérarchique138, et dans la mesure où la possibilité de prévoir des budgets annexes est désormais très limitée, la seule solution possible serait de cumuler en leur faveur et des ressources affectées et une personnalité morale attribuée. L'AMF est dotée des deux et n'entre pas pour cette raison dans la LOLF, ce qui donne une liberté budgétaire au service de l'efficacité de son action139.

4.1.6.2. L'efficacité processuelle de la personnalité morale. Le second type d'efficacité est d'un tout autre ordre et concerne l'action procédurale des Autorités administratives indépendantes140. En effet, l'action en justice correspond à l'exercice d'un droit, qui suppose lorsqu'elle est le fait d'une entité autonome la titularité d'une personnalité juridique. Faute de cela, les textes organisant les pouvoirs des Autorités administratives indépendantes en la matière les ont visés d'une manière embarrassée, soit en visant des transmissions de dossiers, qui ne sont pas l'exercice d'un droit, soit en l'attribuant au président de l'Autorité administrative indépendante, président qui, en tant que personne physique, dispose d'une pleine personnalité. Cela n'est guère satisfaisant, et ce d'autant plus que l'action des Autorités administratives indépendantes est de plus en plus en liaison avec les juridictions, que cette action est de plus en plus processualisée, ce qu'entrave l'absence de personnalité. Ainsi, la loi du 1er août 2003 a en même temps donné la personnalité morale à l'Autorité des Marchés Financiers et des nouveaux pouvoirs processuels, comme la constitution de partie civile.

4.1.6.3. La symbolique des autorités publiques indépendantes. En outre, au-delà de la flexibilité technique nouvelle ainsi offerte aux Autorités administratives indépendantes, l'affaire est symbolique. La personnalité est synonyme juridique d'autonomie, puisque la philosophie de l'autonomie de la volonté se réfère à la puissance, la liberté et la rationalité de la personne. En donnant aux Autorités administratives indépendantes la personnalité morale, le législateur « fait signe » qu'il veut fortement l'indépendance de celles-ci. Il n'est pas techniquement acquis qu'il faille cette personnalité pour que les Autorités administratives indépendantes soient effectivement indépendantes et il n'y a pas d'urgence technique à leur distribuer cette personnalité, mais il peut y avoir urgence symbolique si le législateur veut expliciter sa volonté politique de soutenir l'indépendance la plus grande possible des Autorités administratives indépendantes141.

10. Les revers attachés à la personnalité morale

4.1.7. Personnalité morale, médaille à deux faces : la difficulté de reddition des comptes. Mais la personnalité morale n'est pas un jouet et si elle est grandement objet de discussion en raison de la symbolique d'indépendance qu'elle porte, révélant aussi la rupture avec la structure hiérarchisée de l'Etat142, intérêt sans doute disproportionné par rapport aux enjeux techniques, il ne faut pas négliger les effets juridiques de cette attribution. Tout est affaire de revers de médaille. En effet, dès l'instant que la personnalité morale permet aisément l'attribution de budget affecté, légitime l'absence de contrôle a priori sur les dépenses engagées ou envisagées, la question de la reddition des comptes (au sens d'accountability) que les Autorités administratives indépendantes doivent faire de leur action devient une béance : on ne peut aller aussi loin dans l'indépendance qu'en échange d'une reddition effective des comptes. Cela n'est pas pour l'instant le cas143.

4.1.8. La personnalité morale, médaille à deux faces : la responsabilité autonome des Autorités administratives indépendantes. En outre, si la thèse civiliste de la « réalité de la personne morale » a été inventée par la jurisprudence, alors même que la loi n'attribue pas expressément cette personnalité, ce ne fut pas tant pour donner des pouvoirs d'agir à l'organisation en cause mais pour la rendre apte à être responsable. Cette aptitude à être responsable est elle aussi synonyme de personnalité, dans son lien avec la liberté et la rationalité. Techniquement, les Autorités administratives indépendantes auront vocation à être responsables directement de leurs agissements, pourront être assignées par les personnes qui estiment avoir subi un dommage en raison d'un comportement lourdement fautif de l'autorité144. Est-on prêt à de telles conséquences ? Techniquement, elles supposent que les Autorités dotées de la personnalité morale trouvent des assureurs pour envisager de telles perspectives, cette assurance incitant d'ailleurs les juridictions à estimer plus facilement que les conditions de la responsabilité sont remplies. Le Conseil d'Etat, dans un avis du 8 septembre 2005, CCAMIP145, a souligné que cette responsabilité serait entière, l'Etat ne venant contribuer à l'indemnisation qu'en cas de défaillance de l'Autorité, laquelle devra avoir souci de s'assurer, si elle le peut. Ainsi, si le législateur répand la personnalité morale sur les Autorités administratives indépendantes, les conséquences systémiques, symboliques et économiques en seront importantes.

SECTION 5 : LA PERSPECTIVE DE RECONSTRUCTION DE LA NOTION D'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE : EXERCICE DE SUMMA DIVISIO

11. L'intérêt de construire une summa divisio entre les autorités administratives indépendantes

5.1.1. La summa divisio, ligne entre unicité et diversité de la catégorie. Les exercices de catégorisation ne sont pas que des jeux universitaires, ils permettent de donner une meilleure lisibilité à un droit de plus en plus éparpillé. En outre, ils aboutissent à mieux distinguer ce qui est commun à toutes les Autorités administratives indépendantes, ou à tout le moins à celles qui appartiennent à une même catégorie (par exemple les régulateurs économiques), pour leur appliquer un régime juridique unifié, notamment dans l'interprétation unifiée des silences de la loi, et ce qui est spécifique à certaines d'entre elles, voire propre à une seule Autorité.

La summa divisio, mode d'auto-détermination des Autorités administratives indépendantes. En outre, la division et la définition des Autorités administratives indépendantes permet de déterminer par avance l'insertion d'une organisation administrative dans telle ou telle sous-catégorie pour savoir par avance à quels types de fonctions l'Autorité doit être rattachée, de quels types de pouvoirs elle doit ou devrait être titulaire, etc.

12. Les divisions disponibles pour diviser et unifier les autorités administratives indépendantes

5.1.2. La summa divisio historique entre Régulateurs économiques et Protecteurs des personnes. La summa divisio la plus usuelle, la plus implantée et familière (ce qui suffit à la doter d'une qualité en soi), adopte le critère du type de mission, ce qui va de soi puisque les Autorités administratives indépendantes sont avant tout perçues par leur mission146. La distinction est alors à ce titre opérée entre les Autorités administratives indépendantes qui sont en charge d'une régulation économique et celles qui protègent les personnes. La première catégorie des régulateurs économiques se subdivise d'ailleurs entre les régulateurs de secteurs particuliers (comme l'ARCEP, la CRE, la Commission bancaire, la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, le Médiateur du cinéma) et les régulateurs dits horizontaux en charge d'une régulation pouvant toucher tous les types d'entreprises (Conseil de la concurrence, AMF, Commission d'équipement commercial, Médiateur de la République, Commission de la privatisation, Commission des clauses abusives, Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière). A cette catégorie, font face les Autorités protectrices des libertés publiques et du lien social. L'élément commun à cette catégorie est alors le souci de la personne. Dans cette autre catégorie première, on peut distinguer les protecteurs des libertés publiques (CSA, CADA, Comité consultatif national d'éthique, Commission nationale de déontologie de la sécurité, commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité), les protecteurs des personnes (CNIL, CADA, Défenseur des enfants, HALDE, Commission de sécurité des consommateur, AFSSAPS), et les protecteurs du lien social (Haut Conseil de l'Intégration, Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, Observatoire de la parité, Médiateur de la République). Cette construction de la catégorie a l'avantage d'être admise et assez claire. Elle a l'inconvénient d'opposer l'économique et le social, ce qui est un vice français, et ne sied pas à certaines Autorités. Par exemple, l'efficacité de l'action du CSA souffre sans doute de son classement dans la protection des libertés publiques et du pluralisme des opinions politiques (ce qui est indéniablement sa mission), en ce que cela semble l'exclure d'une mission de régulation économique du secteur audiovisuel, ce qui est dommageable147. De la même façon, la CNIL est protectrice des droits fondamentaux148, mais ces décisions ont un impact économique considérable, notamment par le fait d'une informatisation générale aussi bien des activités économiques que des activités sociales ou familiales149.

On peut d'ailleurs se demander si n'apparaît pas une troisième catégorie d'Autorités administratives indépendantes, celles en charge d'une profession, et dont le Haut Conseil du Commissariat aux comptes constituerait le modèle150. La fonction que remplissent actuellement les Ordres professionnels seraient assurée, en remplacement ou en renfort, par des Autorités externes à la profession concernée. Si cette nouvelle catégorie d'Autorités administratives indépendantes se confirmait, on retrouverait alors les mêmes tensions entre celles-ci et les professions en cause151 que celles qui furent observées entre les Autorités et l'administration traditionnelle.

5.1.3. La summa divisio organisationnelle entre régulateurs et agences. Une autre summa divisio disponible adopte le mode organisationnel, ce qui correspond davantage à une définition institutionnelle de la catégorie, oppose les régulateurs et les agences, qui ne sont qu'un mode déconcentré de l'action de l'Etat, par un souci d'efficacité ou d'acceptabilité de l'action. Les agences exercent souvent des fonctions sociales, prolongement de l'Etat-Providence. On peut insérer dans cette catégorie la HALDE, le Haut conseil de l'intégration, le Défenseur des enfants. Les agences ont souvent en charge de collecter de l'information, de donner l'alerte, de communiquer et de faire communiquer. C'est précisément l'indépendance qui les distingue de l'administration traditionnelle, mais guère plus. Leur action est souvent horizontale. A l'inverse, les régulateurs sont des structures qui ne sont pas des fonctions déconcentrées mais des nouvelles structures en charge directes de construire, avec une liberté technique, et des pouvoirs qui les font ressembler à des Etats dans l'Etat. L'AMF en est la forme la plus nette, mais l'on peut citer encore la CRE, l'ARCEP, la Commission bancaire, le CSA. L'on peut considérer que si les agences peuvent se multiplier, notamment parce qu'elles constituent une nouvelle forme générale de l'action administrative, les régulateurs doivent être créés avec davantage de prudence et de précaution. Si l'on devait donner de la pertinence à une telle summa divisio, il conviendrait que le législateur utilise un peu plus systématiquement le terme de « régulation » ou de « régulateur », lorsqu'il veut désigner la première catégorie (ART puis ARCEP, CRE) et « agence » lorsqu'il veut désigner la seconde catégorie152.

5.1.4. La summa divisio entre censeurs et médiateurs. Cette summa divisio reprend le critère choisi par le rapport du Conseil d'Etat, à savoir les pouvoirs, dans leur corrélation avec les missions. En effet, certaines Autorités administratives indépendantes ont une fonction violente de censeurs, en surveillant, en ordonnant, en sanctionnant. C'est le cas du Conseil de la concurrence, de l'AMF, de l'ARCEP, de la CRE. On y oppose des Autorités administratives indépendantes qui sont en charge de réconcilier, de préserver ou de restaurer des liens. On y retrouve alors le Médiateur de la République, la CADA, la HALDE, le Haut Conseil à l'intégration. Cette division, qui recouvrait souvent la division entre régulateurs économiques et régulateurs sociaux, est aujourd'hui bouleversée par le fait que cette seconde catégorie se voit dotée par des lois récentes de pouvoirs de sanction. C'est le cas de la CNIL, de la CADA et bientôt de la HALDE. Il est possible que cela transforme les Autorités administratives indépendantes chargées de médiation sociale en censeurs. Il est important que le législateur, lorsqu'il confère des pouvoirs de sanctions, généralement à la demande de l'Autorité concernée qui évoque la raison légitime de l'efficacité de son action, ait conscience qu'il fait de ce fait passer l'Autorité concernée d'une catégorie dans une autre. Cela fait perdre pertinence à cette summa divisio.

5.1.5. La summa divisio entre autorités sectorielles et autorités horizontales. La dernière summa divisio disponible non seulement pour mieux saisir les Autorités administratives indépendantes, mais encore pour mieux concevoir l'attribution de régimes juridiques unifiés par rattachement à une sous-catégorie est la différence entre les autorités qui sont en charge d'un secteur, que ce soit au titre de la régulation économique (comme l'ARCEP, la CRE, la Commission bancaire, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, le Médiateur du cinéma, ) ou au titre des libertés publiques et des protections des personnes (comme le CSA, ou la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité) et les autorités qui ont un champ d'action horizontal (comme la CADA, le défenseur des enfants, la HALDE, le Médiateur de la République). La première catégorie, en tant que les Autorités administratives indépendantes ont une action certes puissante, au regard de la mission et des pouvoirs, mais limitée dans leur objet, ne porte pas atteinte à l'unité de l'Etat, laquelle se caractérise par la globalité de l'objet de l'action administrative. La seconde y porte davantage atteinte car l'action d'une Autorité ayant un objet général, certes avec une mission limitée (comme la lutte contre les discriminations, etc.) croise alors l'action générale de l'administration traditionnelle, des juridictions, du ministère public, etc. A ce titre, le législateur doit être davantage prudent en établissant des Autorités administratives indépendantes de la seconde catégorie qu'en établissement des Autorités administratives indépendantes appartenant à la première catégorie. Cependant, cette summa divisio ne s'impose pas plus que les autres avec la force de l'évidence. Si l'on prend le cas de l'AMF, que l'on présente souvent comme une Autorité horizontale, en ce qu'elle connaît des comportements d'investissements de toutes les entreprises qui s'adressent au marché et de tous les investisseurs qui y répondent, on pourrait tout aussi bien la présenter comme un régulateur sectoriel, en tant qu'elle régule la circulation des instruments financiers sur les marchés.

L'effet pratique de la catégorisation des Autorités administratives indépendantes sur l'art législatif. Il résulte des développements qui précèdent que le législateur ne doit pas agir de la même façon suivant qu'il donne pertinence à l'une ou à l'autre des summa divisio ici recensés. Comme il a été montré, la prudence du législateur, l'une de ses premières vertus, s'exercera différemment suivant l'une ou suivant l'autre.

CHAPITRE III
INDÉPENDANCE DES MEMBRES
ET PERTINENCE DES MOYENS HUMAINS

6.0. Puissance pléonastique entre Autorités administratives indépendante et souci d'indépendance des membres. Il a été souligné l'exigence tautologique, presque pléonastique, d'indépendance pour ces Autorités administratives indépendantes. L'indépendance des Autorités tient beaucoup à l'indépendance de leurs membres, car de fait ce sont eux qui délibèrent et prennent les décisions imputées à l'Autorité. C'est alors pour le législateur un devoir que de permettre à ces personnes, exemplaires mais ordinaires, de demeurer dans leur office. En outre, l'indépendance des Autorités administratives indépendantes n'est pas question que d'aptitude morale à résister à la capture des uns et des autres, du Gouvernement ou des entreprises régulées ou de risques plus impalpables mais non moins dangereux, comme la gloire ou l'affection. L'indépendance est encore conditionnée par l'aptitude à comprendre les enjeux des décisions que les Autorités doivent prendre, des positions qu'elles doivent adopter.

6.0.1. Le lien entre les moyens humains et budgétaires et l'indépendance des Autorités. L'indépendance est encore conditionnée par l'aptitude à comprendre les enjeux des décisions que les Autorités doivent prendre, des positions qu'elles doivent adopter. Pour cela, la question des moyens humains, comme celle des moyens budgétaires, ne doit pas être traitée séparément de la question de l'indépendance, mais conçue comme lui était directement liée. Il serait certes faux d'affirmer que les moyens sont une condition sine qua non de l'indépendance, car des Autorités peuvent fonctionner sur des mécanismes de bénévolat, comme le Haut Conseil à l'Intégration - qui est constitué d'une quinzaine de bénévoles- ou le Comité Éthique, et tirer de cette absence de moyens le fonds de leur indépendance. Qui n'est payé est libre. Mais dans beaucoup d'autres cas, le lien est plutôt une articulation entre des moyens, notamment financiers, notamment de rémunération, suffisants et l'effectivité de l'indépendance.

6.0.2. Le lien entre l'indépendance et l'impartialité. Le pléonasme précité entre l'indépendance et les Autorités administratives indépendantes n'est pas si évident et simple : l'indépendance n'est qu'une condition pour l'effectivité du véritable critère, qui est celui de l'impartialité. Même si les Autorités ne sont pas des applicateurs mécaniques des règles mais qu'elles doivent les appliquer d'une façon orientée pour satisfaire expressément le but pour la satisfaction duquel elles ont été édictées, notamment à travers des régulations asymétriques systématiquement défavorables aux opérateurs historiques et favorables aux entreprises nouveaux entrants, ou à travers des comportements toujours favorables à une catégorie de personnes qu'il s'agit de protéger, les enfants ou les victimes des discrimination par exemple, elles doivent toujours le faire d'une façon impartiale.

6.0.3. Conséquences du lien entre l'indépendance et l'impartialité. Il convient tout d'abord de définir l'impartialité. L'impartialité caractérise la qualité d'un homme, d'une structure ou d'une procédure qui assure l'application neutre de la règle. L'impartialité a partie liée avec la légalité, c'est pourquoi elle est un principe clé du système juridique. L'impartialité est ce qui doit caractériser celui qui applique les règles ou les principes que le politique, Gouvernement ou Parlement, a posés par choix (c'est-à-dire par préférence, c'est-à-dire par partialité légitime). A ce titre, les Autorités administratives indépendantes sont à la même aune que les juridictions, à la fois indépendantes pour mieux être impartiales, mais aussi liées par les buts que le politique a fixés.

6.0.4. La dialectique entre l'indépendance et l'impartialité. On mesure ainsi l'ambiguïté de l'impartialité, car à la fois elle est ce pourquoi les Autorités administratives indépendantes doivent être indépendantes, afin d'appliquer d'une façon neutre la règle, et ce sur quoi elles devront rendre des comptes, notamment devant les juridictions qui apprécieront leurs décisions. Ainsi, l'indépendance des Autorités administratives indépendantes doit être assurée pour leur permettre d'être impartiales, pouvoir d'impartialité (éviter les captures notamment) mais aussi devoir d'impartialité qui les contraint.

SECTION 6 : GARANTIE D'INDÉPENDANCE DES MEMBRES

Il s'agit ici d'opérer une synthèse des diverses garanties d'indépendance des membres des Autorités administratives indépendantes, pour essayer dans un second temps de les évaluer, pour mieux aboutir à des propositions visant à les conforter. Le détail des règles ci-dessous rassemblées est accessible par ailleurs à travers le maniement de la banque de données réalisée sur CD et jointe à la présente étude.

13. Synthèse des diverses garanties d'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes

6.1.1. La garantie d'indépendance par transitivité par rapport à la personne qui nomme. On peut soutenir que par transitivité la personne nommée, soit comme membre du collègue, soit comme président, va bénéficier de l'autorité politique et morale de celui qui l'a nommée. On évoque souvent cet argument pour asseoir l'utilité d'attribuer ce pouvoir de nomination aux autorités politiques, tel que le Président de la République ou les Présidents des deux Assemblées. De la même manière, la façon particulière de désigner le président de la CNIL, lequel, contrairement aux autres Autorités, n'est pas désigné « de l'extérieur », mais est désigné par les membres de l'Autorité, comme le serait un président d'un conseil d'administration, peut à la fois faire écran à l'égard du politique et conserver la légitimité de l'élection interne. On oppose parfois la forte légitimité qui résulte d'un lien avec le politique, par rapport à celle plus suspecte des choix des régulateurs par les opérateurs eux-mêmes, selon le modèle peu accepté en France de l'autorégulation. Mais l'on peut considérer qu'il s'agit d'un procédé ayant la vertu de légitimer la nomination plus que de garantir l'indépendance des membres. En effet, ce qui peut favoriser l'indépendance des membres de l'autorité n'est pas tant le lien avec celui qui le nomme, mais bien le contraire, à travers ce que l'on peut désigner comme « un devoir d'ingratitude ». C'est pour rendre accessible le respect de ce devoir d'ingratitude que toutes les règles d'organisation des Autorités administratives indépendantes ont organisé les mandats.

6.1.2. Les incompatibilités. Toutes les désignations des membres du collège des Autorités administratives indépendantes sont assorties de textes relatifs aux incompatibilités. L'idée est qu'il n'est pas possible d'être indépendant si l'on est en conflit d'intérêts. Quand bien même les membres de l'Autorité auraient la force morale de se détacher d'un intérêt qui les attire d'un côté, l'impartialité et l'indépendance doivent « se donner à voir », l'apparence d'un conflit d'intérêt suffisant pour compromettre le crédit de l'Autorité. Ce principe est retenu pour chacune des Autorités administratives indépendantes. Les incompatibilités visent les fonctions qui sont interdites à un membre de l'Autorité, sous peine de le mettre en conflit d'intérêt. Les incompatibilités sont essentielles à propos des Autorités administratives indépendantes qui ont une prise directe sur des administrations, le Gouvernement, ou des entreprises, ce qui concerne très directement les régulateurs économiques en charge d'un secteur, qui plus est lorsqu'une entreprise publique opère sur celui-ci. S'il est vrai que la règle vaut pour toutes, car il y a toujours des intérêts sur lesquels les Autorités ont prises, la question n'est véritablement cruciale que pour les Autorités qui régulent un secteur économique et non pas seules qui sont des médiateurs sociaux153.

6.1.2.1. Le principe de l'incompatibilité, ses modalités et, son interprétation. Selon les textes, les incompatibilités sont visées une à une, type de fonction par type de fonction154 soit sous la forme d'une liste de fonctions incompatibles155, soit sous la forme d'un principe156. Le plus prudent est d'ailleurs de marier les deux méthodes, viser les exemples les plus nets et également le principe. Certes, si l'on recherche l'élégance législative, l'énoncé du principe suffirait, mais quelques exemples permettent également d'éclairer le principe général. L'énoncé du principe permet en outre d'assurer une interprétation large des incompatibilités. Certes, l'on pourrait considérer que les causes d'incompatibilités doivent être strictement interprétées en ce qu'elles limitent le pouvoir de nomination et l'accès aux charges publiques, mais il faut au contraire affirmer que les incompatibilités étant ce qui établit l'indépendance qui se donne à voir, principe consubstantiel aux Autorités administratives indépendantes, doivent être interprétées largement. Pour accorder plus de force et de sécurité à cela, le législateur pourrait le préciser, éventuellement au sein de la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes.

6.1.2.2. Les exceptions de l'incompatibilité. Les incompatibilités touchant toutes les fonctions impliquant la personne considérée dans le secteur considéré, le droit français en exclut traditionnellement deux fonctions : la fonction universitaire et la fonction parlementaire, les professeurs d'universités et les parlementaires pouvant continuer à exercer leurs fonctions en même temps que leur office au sein d'une Autorité. Cela est fait au nom d'un principe juridique d'indépendance et des professeurs d'universités et des parlementaires. Dans une perspective moins juridique, plus pragmatique, et si l'on a une conception plus triviale de l'indépendance, doit-on laisser perdurer ces exceptions ?

6.1.2.3. Pragmatisme de l'incompatibilité : des fonctions au patrimoine. Justement, ce même pragmatisme doit relativiser la distinction entre les fonctions, les comportements et les actifs patrimoniaux. En effet, le véritable critère est celui de l'évitement des conflits d'intérêts, pour une indépendance qui se donne à voir, et dès lors tout lien doit être évité. Dans cette conception à la fois très large et triviale, l'intérêt n'est pas lié qu'à la fonction mais aussi à l'impact patrimonial de l'action des Autorités administratives indépendantes. Il en résulte des règles que l'on pourrait désigner d'« incompatibilité patrimoniale », interdisant des détentions d'intérêts patrimoniaux. Dans certains cas, les textes exigent encore une transparence patrimoniale, concrétisée par des obligations de déclaration ou des déclarations d'alerte157.

6.1.3. L'irrévocabilité des mandats. La deuxième garantie de l'indépendance des membres des collèges des Autorités administratives indépendantes n'est plus placée dans les règles d'accès à la fonction, mais dans la règle de maintien dans la fonction. Tous les textes d'organisation des Autorités administratives indépendantes prévoient que les mandats des membres des collèges sont irrévocables, éloignant leur titulaire non seulement de révocation ad nutum, mais encore, allant donc au-delà de la règle ordinaire, bloquent une révocation qui serait fondée sur une faute. Le but est d'éviter les mesures de rétorsion de la part du Gouvernement. La règle est donc de protection d'une capture de l'Autorité par le politique. On observera là encore que cette sorte d'immunité ainsi engendrée au bénéfice de la personne désignée accroît encore l'importance de la reddition des comptes.

6.1.4. La durée des mandats. Les textes sont beaucoup moins homogènes en ce qui concerne la durée des mandats158. Pour apprécier cette hétérogénéité, et estimer qu'il convient ou non d'unifier la durée des mandats, à travers la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, il faut souligner le lien avec l'impératif d'indépendance. Il n'est pas évident. Mais il faut tenir compte du lien entre l'indépendance et la compétence : est vraiment indépendante la personne qui maîtrise et l'objet sur lequel porte son action (secteur technique, situation sociale), et les moyens de son action (pouvoirs, relations avec les parties prenantes). Il faut donc un temps suffisant pour que s'opère un tel apprentissage, notamment pour permettre de ne pas recruter les membres des Autorités administratives indépendantes uniquement parmi des experts déjà acquis aux secteurs ou aux problématiques sociales en cause. Certes, ce temps d'apprentissage peut varier selon les Autorités mais, au regard de la lisibilité du système, il pourrait être efficace de prévoir une durée standard, par exemple 6 ans (ce qui rend plus aisé le renouvellement par tiers du collège), sauf à ce que le législateur en dispose autrement.

6.1.5. Le lien entre indépendance et compétence. Si l'on estime qu'il y a un lien entre l'indépendance et la compétence, alors non seulement la durée du mandat doit être suffisante pour accroître et asseoir cette compétence, mais encore il serait bon que les personnes choisies pour entrer dans le collège et les personnes désignées comme président aient avant leur désignation des compétences requises. Cela croise certes la question des moyens humains, mais cela fonde aussi la crédibilité de l'Autorité, c'est-à-dire son indépendance et sa puissance, ces trois qualités étant étroitement liées. Pour l'instant, l'exigence de compétence n'est généralement requise que lorsque entrent dans l'Autorité des « personnalités qualifiées »159, par tautologie, mais pas pour les membres du collège désignés à un autre titre. Dès lors, il faut s'en tenir à la conscience de ceux qui désignent. On peut penser que cet aspect pourrait être amélioré, en veillant à ne pas contraindre excessivement le pouvoir de choix des auteurs de nomination160.

6.1.6. La garantie d'indépendance par anticipation et le double risque de capture. La garantie d'indépendance par anticipation est devenue plus importante encore que la garantie d'indépendance avant la nomination (à travers les incompatibilités, de fonction ou patrimoniale) du fait de la considération théorique et factuelle du fait que les personnes dans leur choix présent anticipent leur situation future et la corrélation qu'ils ont le pouvoir d'établir entre les deux. Cette rationalité théorique se concrétise d'autant plus que de fait les personnes concernées sont aptes à maîtriser de nombreuses informations et sont sociologiquement sensibles à la notion de carrière. Sans doute pourra-t-on dire que la notion de « carrière » porte ici à faux, que l'on ne peut dire ni encourager le fait de « faire carrière » dans un collège d'Autorité. Le législateur doit lui-même opter sur la dose de pragmatisme, qui pousse à la référence à une « carrière », avec laquelle il entend organiser cette question, laquelle, si le sens du service public était seul à occuper la tête des personnes concernées, n'aurait pas même à être posée.

6.1.7. Le jeu dialectique des deux règles garantissant l'indépendance par anticipation. Cette capacité d'anticipation, que certes la conscience du bien public peut neutraliser en partie, peut porter atteinte à l'indépendance de deux côtés. A l'égard de celui qui a nommé (ou qui peut influencer celui qui nomme), ce qui conduit à la règle de mandats non renouvelables ; à l'égard de ceux sur lesquels le pouvoir est exercé, ce qui conduit à imposer un délai de viduité à la fin du mandat. Les deux règles sont liées, non seulement parce qu'elles visent à éviter chacune une capture par anticipation, mais encore parce qu'elles ont un effet l'une sur l'autre, puisque dans une conception radicale, à la fois la personne considérée ne peut continuer à faire carrière dans l'autorité, mais ne peut pas non plus la continuer à l'extérieur.

6.1.7.1. Le caractère non renouvelable des mandats. La plupart des textes organisant les Autorités administratives indépendantes prévoient le caractère non renouvelable des mandats des personnes nommées dans le collège161. Cette règle ne présente que des avantages à l'égard de l'exigence d'indépendance à condition d'être articulée à deux autres règles. Tout d'abord, les mandats doivent être loin, pour que l'effet d'apprentissage précité joue, alors même que la personne ne pourra pas continuer à demeurer dans l'autorité. Ensuite, parce que les organisations doivent bénéficier de la présence de personnes qui incarnent la « mémoire » de l'institution, notamment parce qu'il s'agit de maintenir la permanence d'une certaine doctrine, permanence requise pour la sécurité juridique. C'est pourquoi les membres du collège doivent être renouvelés par tiers. C'est d'ailleurs généralement ce qui est prévu dans les textes organisant les Autorités administratives indépendantes.

6.1.7.2. L'interdiction d'une reconversion immédiate dans une entreprise concernée. En ce qui concerne le risque de capture à l'égard des entreprises dont les intérêts sont concernés par les décisions de l'Autorité, la règle est beaucoup plus ferme à l'égard des Autorités administratives indépendantes dont l'acte porte directement sur un secteur économique ou sur des opérations économiques, comme les privatisations par exemple162, que pour les Autorités ayant une fonction moins directement économique, comme le Comité d'éthique. Dans la même mesure où la distinction entre les Autorités de régulation économique et les Autorités de médiation sociale ne recouvre qu'imparfaitement la classification des Autorités administratives indépendantes163, l'on pourrait songer à étendre la règle aux régulateurs sociaux.

6.1.7.3. Le délai de viduité. Il peut arriver que les textes prévoient un délai particulier durant lequel le membre du collège de l'autorité sera interdit de reconversion dans une entreprise concernée par son action passée164. Cela conduit certes à prendre une règle propre à l'Autorité mais aussi à saisir toutes les personnes membres du collège, et non pas seulement les fonctionnaires. Lorsque le texte ne le prévoit pas, ceux-ci sont par ailleurs soumis à la règle générale qui interdit à un fonctionnaire d'aller dans une entreprise sur laquelle il a pu exercer son pouvoir de contrôle et à se soumettre à la procédure de contrôle généralement organisée au sein de l'Etat devant la Commission de Déontologie. On soulignera que la Commission de Régulation de Énergie a mis en place une procédure interne

qui permet de gérer au mieux et sans à-coup ce passage du régulateur au secteur privé165.

6.1.7.4. La prise en charge déontologique de la reconversion au sein de l'administration ou à travers la profession d'avocat. Certes, lorsque le membre du collège décide de devenir avocat, il peut le faire sans aucune restriction, au nom de l'indépendance de l'avocat, qui ne rend sous la dépendance d'aucune entreprise166. Cependant, la déontologie conduit l'avocat à se déporter lorsqu'un dossier concerne une entreprise sur laquelle il a exercé son office. De la même façon, un membre d'une juridiction retournant dans celle-ci après avoir été membre désigné d'un collège d'une Autorité, se déportera lorsqu'un cas croisant son ancien office devra être tranché167.

6.1.8. La garantie d'indépendance par le fonctionnement collégial de l'Autorité administrative indépendante. D'une façon générale, l'indépendance des membres est préservée lorsque ceux-ci ne peuvent être ni séduits, ni pris à partie, double face de la capture. Pour cela, il est souvent affirmé, notamment par les membres des Autorités administratives indépendantes eux-mêmes, que la meilleure garantie de leur indépendance est la collégialité. Cela tient à la vertu de l'anonymat engendré par la collégialité : les tiers ne pouvant imputer la décision à une personne précise, celle-ci devant être placée hors de portée des ressentiments, récompenses et manigances, non seulement pendant que la personne concernée est en fonction mais encore, et surtout, lorsque celle-ci a pris fin.

14. Évaluation des garanties d'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes

6.1.9. L'objet de l'évaluation. Pour évaluer les garanties d'indépendance des membres par rapport au but même, il convient d'apprécier l'effectivité de ces garanties dans la distance qui sépare le fait et le droit. Dans cette considération des faits, il faut faire interférer un souci trivial essentiel, à savoir la nécessité de bénéficier des personnes les plus compétentes pour intégrer les Autorités administratives indépendantes. En outre, si l'indépendance est centrale, on doit aussi évaluer les effets que les règles de garanties produisent sur des principes tout aussi primordiaux comme le principe de transparence ou la nécessité de rendre des comptes.

6.1.10. Part des garanties juridiques et part des garanties a-juridiques dans l'indépendance des membres des Autorités administratives indépendantes. La question de l'indépendance est l'une des plus difficiles qui soit car l'essentiel est dans la concrétisation, dans l'indépendance effective. Or, l'indépendance peut être ineffective alors que les textes en ont posé les garanties mais l'inverse est aussi vrai : l'indépendance peut être effective alors même que les textes ou l'organisation générale de l'Autorité n'en auraient pas donné toutes les conditions. Comme il a souvent été souligné, l'indépendance est un état d'esprit, et l'état d'esprit ne se décrète pas. Lors des entretiens, et non seulement ceux menés avec des membres de l'Autorité mais encore avec des destinataires de son action, il a été souvent relevé que l'indépendance de l'Autorité en cause est effective, au-delà ou en-deça des textes.

6.1.11. L'outil juridique le plus adéquat pour traduire l'informel : le code de déontologie. Même s'il ne faut pas nécessairement accorder tout crédit à l'affirmation de normes semi-juridiques, il est vrai que la déontologie cristallise cet entre-deux, puisqu'on considère généralement que les normes déontologiques sont à mi-chemin entre les normes juridiques et les normes morales. Plus encore, puisqu'il s'agit d'une conscience morale commune aux membres de l'autorité, le lieu le plus naturel d'émission de ces règles semi-formelles sera l'autorité elle-même, notamment à travers un règlement intérieur ou un code de bonnes conduites. Par exemple, le CSA a adopté un tel code de déontologie par une délibération du 4 février 2003. On y trouve à la fois des rappels à la loi, y compris la loi pénale (sur la prise illégale d'intérêts, par exemple), et des obligations plus nettement morales, comme la prudence qui doit convenir à l'acceptation de cadeaux168.

6.1.12. Les garanties informelles : compétence, intégrité, hétérogénéité. Pour qu'une personne soit hors de portée des pressions, il convient qu'elle ne s'y prête pas d'elle-même. Et cela, les textes n'y peuvent rien. L'intégrité ne se décrète pas. C'est la responsabilité politique - et non pas juridique - de ceux qui désignent que de veiller à l'intégrité de celui qui est nommé. Nous ne sommes pas dans le domaine de la règle, mais de phénomènes tels que la réputation et la crédibilité, dont les théories aussi bien morales qu'économiques (capital de la notoriété) ont pu rendre compte, mais que le droit ne peut guère mettre en règle ex ante. En outre, il convient ici de rappeler que la capture n'est pas seulement le fait d'une corruption, hypothèse que compte tenu des mœurs françaises le législateur ne doit pas avoir en premier à l'esprit, mais aussi le fait d'un sentiment d'identité entre membres de l'Autorité, ou entre ceux-ci et des parties prenantes, qui les empêche de prendre distance. La capture, que l'on peut donc définir comme ce manque de distance, peut tenir encore au fait que les membres des Autorités n'ont pas les moyens d'être critiques par rapport aux informations que les parties prenantes leur transmettent ou, pire encore, n'ont pas les moyens de déterminer la pertinence des questions posées. Dès lors, la compétence est la garantie la plus forte de l'indépendance. Là encore, le droit va avoir du mal à organiser par la règle ce lien entre compétence et indépendance.

6.1.13. Les effets pervers de la garantie d'indépendance : désincitation de la compétence. En outre, l'évaluation doit porter sur ce qu'on obtient par des règles garantissant l'indépendance des membres, au besoin contre leur liberté d'action, comme effets négatifs, et alors même qu'il vient d'être souligné que l'indépendance est avant tout un état d'esprit. L'effet négatif est très souvent souligné : les personnes compétentes et qui sont encore en âge de devoir considérer la suite de leur activité professionnelle après leur passage dans l'Autorité, sont incitées à ne pas y entrer ! 169 Cela peut n'être pas crucial dans deux hypothèses, qui peuvent d'ailleurs se croiser, lorsque d'une part la dimension technique est relativement peu présente dans la mission de l'Autorité, ou lorsque d'autre part de nombreuses personnes compétentes sont disponibles. Si nous sommes dans la double hypothèse inverse, par exemple en ce qui concerne la régulation bancaire, financière, énergétique ou des télécommunications, l'Autorité risque d'être privée de compétences170. Dès lors, le cercle vicieux fonctionne, car les compétences sont, nous l'avons vu, la meilleure garantie de l'indépendance ... Cela incite à avoir une conception moins radicale des règles d'indépendance à la fois en amont (incompatibilité) et en aval (pantouflage). Il est remarquable que l'évolution des règles déontologiques régissant les membres de la CNIL soit allée non pas vers plus de sévérité, mais au contraire vers plus de souplesse171.

6.1.14. L'excessive distinction entre fonctions de décision et fonctions de préparation. Il est frappant que le dispositif légal soit à la fois très protecteur et très contraignant pour les membres du collège mais n'existe pas de la même façon pour les membres des services techniques172. Cela tient à l'idée que seuls les membres du collège décident, et qu'ils sont donc ceux pour lequel l'indépendance est vitale en raison de cet exercice de choix entre des solutions possibles, tandis que les membres des services techniques sont ceux qui préparent l'information du collège pour lui permettre d'adopter une solution plutôt qu'une autre, cette absence de participation au pouvoir de décision ne rendant pas cruciale leur indépendance. Mais si ce partage des tâches est bien celui là dans les textes, il demeure qu'indépendamment même des volontés ou stratégies personnelles, celui qui prépare les dossiers a une influence sur celui qui décide. Donc, il conviendrait que le législateur protége aussi l'indépendance des cadres des services techniques.

6.1.15. Les difficiles articulations entre les garanties d'indépendance et d'autres principes. En outre, l'indépendance ne doit être renforcée que si elle ne met pas à bas d'autres principes. Par exemple, l'indépendance ne doit pas conduire à une irresponsabilité. C'est pourquoi les garanties d'indépendance ne doivent monter en puissance que si dans le même temps les mécanismes de reddition des comptes sont également renforcés. On en arrive alors à l'affirmation méthodologique comme quoi les mécanismes de reddition des comptes sont essentiels parce que l'indépendance est essentielle. L'un ne vient pas en compensation de l'autre. C'est le contraire, l'un ne va pas sans l'autre. On en arrive à l'affirmation à première vue paradoxale que l'indépendance a sa meilleure garantie dans la reddition des comptes. De la même façon, l'indépendance, dans son lien avec l'autorité, implique une certaine transparence173, laquelle ne peut que difficilement s'articuler avec l'anonymat.

15. Propositions visant à conforter l'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes

6.1.16. La saturation juridique des règles de garantie directe d'indépendance. Si l'on peut s'exprimer ainsi, toute la « panoplie » des garanties directes de l'indépendance est déjà complète, et l'on voit mal, à part le rappel de l'ensemble de ses règles d'incompatibilité de fonction et patrimoniale, d'irrévocabilité des mandats, et de protection contre la capture par anticipation, au sein d'une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, quelle règle directe pourrait encore être proposée. On se trouve ici face à une sorte d'aporie normative : la loi fait tout pour préserver grâce au droit l'indépendance, mais l'indépendance est avant tout une question de fait et d'état d'esprit. C'est dès lors vers cela, d'une façon nécessairement limitée donc, que l'action du législateur peut tout d'abord se tourner.

6.1.17. La contribution à l'impalpable de l'indépendance. Le législateur peut y contribuer d'une façon indirecte, à travers l'impalpable de l'autorité et du prestige. En effet, plus les Autorités administratives indépendantes auront de l'autorité et plus leurs membres seront enclins à y contribuer par leur indépendance. De la même façon, le prestige des Autorités administratives indépendantes est un élément d'indépendance et d'attractivité des compétences. Le législateur peut y contribuer d'une façon indirecte en contribuant au prestige des Autorités administratives indépendantes, notamment en ne modifiant pas ses règles d'une façon impromptue ou en ne la privant pas de pouvoirs. Plus encore, le Parlement pourrait offrir aux Autorités administratives indépendantes l'adossement de son propre prestige, à travers une innovation proposée plus loin dans l'optique principale de la reddition des comptes, qui peut aussi être évoquée ici : si les membres du collège pressentis par ceux qui ont le pouvoir de les désigner, sont reçus par le Parlement pour une discussion préalable à leur prise de fonction174, alors les personnes désignées y gagneront en prestige.

6.1.18. L'enjeu de l'indépendance par la compétence et la technique des pré-requis. Nous avons vu que par ailleurs les compétences techniques des membres du collège sont un gage d'indépendance, car ceux-ci ne sont donc pas dépendants de ceux qui leur apportent de l'information, la compétence technique étant d'ailleurs aujourd'hui une source première de prestige, et donc d'autorité. Cela repose en principe sur la rationalité et la sagesse de ceux qui nomment que de désigner une personne présentant cette qualité technique, qualité qui varie d'ailleurs suivant le type de mission confiée à l'Autorité. Là aussi, le fait est plus rassurant que le droit. Mais si l'on cherche à améliorer en droit le système, peut-on concevoir que le législateur exige, au-delà de la catégorie des « personnalités qualifiées »175 ?

6.1.19. La forme que pourrait prendre cette considération des compétences. L'on pourrait aller plus loin en exigeant d'une façon générale une expérience en corrélation avec la mission de l'autorité. Cette règle pourrait prendre place dans la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes. Certes, cela conduit à contraindre l'ampleur de la discrétion du pouvoir de nomination, ce qui, notamment lorsque les désignations émanent du président de la République ou des présidents de l'Assemblée nationale ou du Sénat, peut susciter des réticences. Si l'on estime que cela n'est pas nécessairement une faille dans la mesure où les Autorités administratives indépendantes sont insérées dans l'Etat mais sont détachées du politique, et à la condition que par ailleurs ces Autorités rendent des comptes de leur action au politique (par un rapport au politique passé de l'ex ante à l'ex post), alors on peut concevoir d'opérer cette restriction au regard du pouvoir de nomination, puisqu'elle accroît l'autorité et l'indépendance de l'Autorité.

6.1.20. L'incitation à recourir à des règles semi-contraignantes. Cela est d'autant plus admissible si ces références à la compétence technique ne sont pas dotées d'une force juridique pleine. En effet, la compétence peut être mentionnée par la loi comme une qualité que celui qui désigne prendra en considération. La compétence technique peut être ainsi un objectif, un critère pris en considération, ce qui, si l'on associe à l'audience des personnes pressenties par le Parlement176, peut permettre à ce critère, dont il faut rendre compte publiquement même s'il ne faut pas en rendre compte juridiquement, d'être pris en considération dans les faits.

6.1.21. La protection de l'indépendance et la structuration des Autorités autour d'un collège. En premier lieu, le législateur doit sans doute favoriser systématiquement la forme d'Autorités administratives indépendantes fonctionnant à partir d'un collège, structure qui permet le mieux les décisions en collégialité. Les textes qui organisent les Autorités administratives indépendantes adoptent généralement ce système du collège, qu'il s'agisse de l'Autorité des Marchés Financiers, de l'ARCEP, de la CRE, ou de la CNIL177. Certes, le Médiateur de la République ne correspond à cette structure, ce qui permet l'avantage d'être très visible, et l'on ne cherche guère à revenir sur cette organisation qui lui est propre, pas plus que sur celle du Défenseur des enfants, autre Autorité dite « personnalisée », qui présente le même avantage notamment dans le contact avec les médias et l'opinion publique. Cette collégialité conduit mécaniquement à réduire la transparence. Mais l'on peut à la fois bénéficier de cette visibilité et cette responsabilité personnelle, à travers la personne du président de l'Autorité administrative indépendante, et de l'indépendance de la collégialité d'un collège.

SECTION 7 : PERTINENCE DES MOYENS HUMAINS DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

7.0. Dans une conception abstraite de l'art législatif, on ne se soucie guère des moyens dont disposent les organisations. Dans une conception plus concrète, dans laquelle les principes sont dans l'intendance, la question des moyens devient essentielle. Certes, la législation ne peut guère les organiser, notamment si l'on considère que la législation ne doit pas entrer dans les détails des organisations, mais c'est bien à elle de donner aux Autorités administratives indépendantes les marges de manœuvres, de décision de gestion et de règles budgétaires, permettant à celles-ci d'ajuster les moyens humains à la mission confiée. C'est pourquoi avant d'exposer ces règles d'autonomie, il convient d'expliciter cette adéquation entre moyens humains et missions.

16. Pertinence des moyens humains des autorités administratives indépendantes par rapport à leurs missions

7.1.1. Les besoins relativement modestes des Autorités administratives indépendantes en personnel. Il est difficile de formuler une règle valant pour toutes les Autorités administratives indépendantes.

Sans doute faut-il faire un sort particulier aux Autorités qui ont besoin de « capteurs »178, c'est-à-dire de personnes qui sont disséminées pour percevoir les informations, techniques ou sociales. Il en est ainsi du Médiateur de la République179, ou du Défenseur des enfants180, ou plus nouvellement encore de la CNIL181. Le plus souvent, il s'agit de « bénévoles indemnisés ». D'une façon plus générale, cela peut être le cas en protection du consommateur, des enfants, ou des autorités de médiation sociale, ce qui requiert du personnel sur le terrain.

Cette circonstance n'est pas d'ailleurs donnée, puisqu'il peut arriver que l'évolution de la mission d'une Autorité la conduise à requérir de tels capteurs qui n'étaient pas requis dans une conception précédente plus restrictive de sa mission. Ainsi, la CNIL qui avait avant sa réforme de 2004 une définition assez passive de sa mission en a aujourd'hui, notamment du fait de cette réforme, une conception plus dynamique, qui la conduit à mettre en place des délégations sur l'ensemble du territoire français.

Les autres Autorités administratives indépendantes ont des offices beaucoup plus concentrés sur des activités normatives qui sont ce que l'on pourrait désigner comme des services à haute valeur ajoutée, nécessitant avant tout de l'expertise technique.

7.1.2. A ce moment, l'enjeu est de pouvoir recruter le nombre relativement restreint de personnes requises, en leur offrant des salaires pouvant entrer en compétition avec ceux du marché182.

7.1.3. La pénalisation budgétaire des Autorités administratives indépendantes les plus anciennes par rapport aux Autorités les plus récentes. Cependant, certaines Autorités administratives indépendantes ont des moyens budgétaires qui ne sont pas à la hauteur de la technicité de leurs missions.

Il en est ainsi du Conseil de la concurrence, qui ne dispose annuellement que d'un budget de 10 millions d'Euros, alors qu'il doit traiter des cas d'une grande technicité et fait face à des entreprises qui peuvent mobiliser des moyens financiers considérables pour apporter au Conseil des informations élaborées en leur faveur.

Le Conseil est démuni par la faiblesse de son budget, faiblesse qui l'offre en capture au secteur économique sur lequel il doit exercer son emprise, et alors même que l'asymétrie d'information est le plus grand risque pour l'efficacité, la légitimité et l'indépendance d'une autorité. Pourquoi cette situation très dommageable pour l'Etat, dont le Conseil de la concurrence est un organe et dont il ne peut pas vouloir la faiblesse ?

Cela tient sans doute au fait que le Conseil de la concurrence a été créé relativement anciennement par rapport à d'autres Autorités administratives indépendantes. Il demeure donc dans les règles que l'on jugeait adéquates en 1986. La pesanteur, notamment dans les négociations budgétaires des situations annuelles précédentes, le maintient en quelque sorte au sol, alors que des Autorités administratives indépendantes plus récemment créées, sont dotés de moyens humains et financiers qui correspondent aux enjeux actuels (par exemple la CRE, qui dispose à juste titre d'un budget, de 20 millions d'Euros).

Cela n'est dû à cette pesanteur historique qui favorise ce que l'on pourrait désigner comme les organismes nouveaux entrants dans la catégorie des Autorités administratives indépendantes. L'absence de raison plus forte devrait conduire à reconsidérer cette situation.

7.1.4. Les besoins d'un personnel hautement qualifié. Cette nécessité d'une grande expertise technique au sein du personnel de l'Autorité doit être corrélée avec le fait que les membres du collège, dans le système actuel, n'ont pas nécessairement à être dotés de toutes les expertises requises183 et que les membres du collège, collège dont l'existence est désormais quasiment la règle dans les Autorités administratives indépendantes, ne consacrent pas un temps plein à y siéger, à l'inverse du Président et du Directeur général qui sont généralement à plein-temps184. Par exemple, les membres du collège de l'AMF y consacrent de 10 à 20% de leur activité professionnelle, de même que ceux de la CNIL y consacrent une partie très minoritaire de leur temps, et l'on pourrait dire de même de quasiment tous les membres des collègues d'Autorités.

7.1.5. Les membres du collège de la HALDE y consacrent un temps « variable »185. Les expertises des services doivent donc être fortes et de multiples natures, les différents tableaux accessibles informatiquement montrant qu'elles varient suivant la mission donnée aux autorités.

7.1.6. L'essentiel pouvoir des Autorités administratives indépendantes à choisir elles-mêmes les personnes requises. Dans des schémas anciens, dont certaines traces demeurent, les Autorités administratives indépendantes disposaient de personnels composés de fonctionnaires, ce qui n'est pas nécessairement un grief, encore moins dans des matières dans lesquelles l'administration traditionnelle avait amassé une grande expertise (comme en matière de télécommunications au moment de la libéralisation).

Le constat peut tourner en grief s'il s'avère que ce sont les ministères qui peuvent choisir le personnel qui sera transféré dans l'Autorité en question. Aujourd'hui, le principe de l'autonomie de gestion, qui vient compléter l'autonomie financière ou qui en compense l'absence186, permet d'éviter cela. Cela est d'autant plus requis pour les fonctions qui au sein de l'Autorité requièrent des compétences qui ne sont pas celles développées naturellement dans l'Etat187.

7.1.7. Mise à disposition, détachement et embauche contractuelle. Désormais, les Autorités administratives indépendantes ont la possibilité, si elles en ont les moyens budgétaires, de choisir le mode par lequel une personne intègre leurs services. On observe que la majorité du personnel est constituée d'agents de droit public188. La LOLF joue là aussi son effet de révélateur189, puisqu'en regard d'une certaine vérité des affectations des moyens et du coût financier supporté à ce titre, les mises à disposition de fonctionnaires ne sont plus un moyen disponible pour les Autorités administratives indépendantes. Cela peut constituer un passage difficile pour des Autorités ayant jusqu'ici fonctionné sur ce mode, comme le Médiateur de la République190, en comparaison par rapport à l'Autorité des Marchés Financiers, ou la CNIL qui a une maîtrise de son personnel191, mais l'on peut penser qu'il s'agit d'une face, certes plus douloureuse, du principe d'indépendance des Autorités administratives indépendantes à l'égard du Gouvernement. Les détachements de fonctionnaires sont désormais le mode accessible pour les Autorités administratives indépendantes qui veulent s'appuyer sur l'Etat, ce qui est normal puisqu'elles agissent en son sein, et présentent des garanties plus sûres d'indépendance en raison de la durée dès le départ convenue et du fait que les Autorités administratives indépendantes peuvent choisir les fonctionnaires qui, à leur incitation, solliciteront un tel détachement. L'expérience semble d'ailleurs montrer que ce sont des fonctionnaires dynamiques et compétents qui sont l'objet de telles procédures de détachement, ce qui finit par engendrer une rupture d'égalité au détriment de l'administration traditionnelle. Enfin, et c'est une situation qui ne cesse de s'étendre, les Autorités administratives indépendantes passent des contrats de droit privé, ce qui requiert dès lors les moyens budgétaires pour y procéder192.

7.1.8. Appréciation des moyens humains, entre la direction, le président, le collège et les services. Si l'on doit chercher pourtant à donner une image générale de la question des moyens humains, il apparaît que les moyens humains ne sont pas les mêmes suivant qu'il s'agit des services, de la direction, du collège, voire du président.

7.1.8.1. Les qualités requises pour les services. En effet, et cela peut guider le choix des uns et des autres, les services doivent être structurés suivant les enjeux techniques de la mission de l'Autorité. La direction de ces services, confiée au secrétaire général de l'Autorité - ou Directeur général selon la terminologie applicable, est d'une très haute importance car c'est cette direction générale qui fait le lien entre les services (l'expertise) et le collège (le choix entre les décisions possibles). L'observation montre d'ailleurs que le Président et le directeur général font souvent tandem pour assurer le bon fonctionnement de l'Autorité193.

7.1.8.2. Les qualités propres au président de l'Autorité. Si l'on peut s'autoriser encore une observation, le Président de l'autorité doit avoir deux aptitudes propres, qui s'ajoutent à celle de la maîtrise requise pour le bien-mené de la mission. La première aptitude, difficile à cerner juridiquement, est celle d'imposer l'autorité de l'institution, c'est-à-dire de disposer d'un prestige personnel194. Cela tient à la dimension charismatique que le président offre ainsi à des Autorités administratives indépendantes organisées par ailleurs à travers leur collège sur le modèle de l'anonymat technocratique. La seconde aptitude est celle de maîtriser les rouages de l'Etat, non seulement parce que les Autorités administratives indépendantes en relèvent mais encore parce que l'observation pratique montre que les négociations, notamment budgétaires, requièrent cette habilité. Le constat de la nécessité de cette aptitude est purement factuel, il n'est pas normatif. Si l'on estime qu'il n'est pas normal que cette aptitude soit requise, et qu'il faudra notamment pouvoir désigner sans dommage une personnalité ayant une autorité technique ou morale, mais non nécessairement une bonne connaissance des rouages des ministères, et sans pour autant pénaliser l'Autorité dans ses rapports avec l'administration traditionnelle, alors il faudra mettre en place des systèmes qui leur permettent d'externaliser ce type de négociation195.

17. Autonomie des autorités administratives indépendantes pour le recrutement et la gestion de leurs personnels

7.1.9. Capacité des autorités administratives indépendantes à désigner les personnels de direction de leurs services. Le principe de l'autonomie de gestion. Il est essentiel que les Autorités administratives indépendantes aient, en la personne de leur président, le pouvoir de désigner les personnels de leur service. Aujourd'hui, la plupart des Autorités administratives indépendantes bénéficient de ce principe de l'autonomie de gestion. Pour prendre un exemple, le Président de l'AMF est nommé par le Président de la République, mais c'est le collège qui, sur sa proposition, nomme le Secrétaire général qui dirige les services et rend compte au collège. Cela est d'autant plus requis que le président peut ainsi compenser les compétences qui, au hasard de la succession des désignations des membres du collège, peuvent être trop peu représentées au sein de celui-ci. Il est donc essentiel, et ce d'autant plus si l'autorité comprend relativement peu de personnel et plutôt du personnel qualifié.

7.1.10. Capacité des autorités administratives indépendantes à recruter des contractuels. Pour l'instant, les Autorités administratives indépendantes ont le droit de recruter des contractuels dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire assez largement. Si les Autorités administratives indépendantes ne sont pas dotées de la personnalité morale, elles relèvent des règles du statut général de la fonction publique et de fait les services sont pour l'instant composés de fonctionnaires. Cela est souvent le fait de la commodité et de la proximité entre les Autorités et l'Etat. Cela ne leur interdit pas de recourir à des contractuels. Si l'on doit leur offrir davantage de sécurité, voire les inciter à le faire, il convient que la loi leur offre pleine discrétion pour y recourir, ce qui fut fait au bénéfice de l'Autorité des Marchés Financiers196.

7.1.11. Incidences de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances sur la gestion des ressources humaines des autorités administratives indépendantes. En la matière, la LOLF offre aux Autorités administratives indépendantes une flexibilité et une responsabilité qui leur convient particulièrement. En effet, la LOLF est plus propice à l'utilisation des outils de gestion de ressources humaines, notamment du fait de l'enveloppe budgétaire d'une masse salariale globale et non plus sur un tableau des emplois budgétaires. Cela est particulièrement important en raison des exigences techniques des personnes recrutées, ce qui peut justifier une rémunération élevée. L'arbitrage pourra alors être fait entre le nombre des emplois et le niveau des emplois. Certes, dans le système général de la LOLF, impliquant une flexibilité dans la gestion du personnel, qui suppose d'ailleurs que les organismes s'équipent des moyens techniques de gestion du personnel pour en tirer profit, c'est le directeur du programme qui décide de manier une telle flexibilité. Or, pour l'instant, les Autorités administratives indépendantes ne constituent pas un programme autonome, ce qui conduit à donner à un tiers un tel pouvoir, et à payer l'avantage de cette flexibilité par une perte de l'autonomie. Cette question du rapport entre la logique de la LOLF et le principe d'indépendance des Autorités sera abordée en soi ultérieurement197, et l'on voit déjà ici qu'elle doit être réglée soit par la réduction des programmes au contour de l'Autorité administrative indépendante en cause, soit par une neutralisation de certaines règles de fonctionnement des programmes dans lesquels sont insérées des Autorités administratives indépendantes.

7.1.12. Bilan des règles de déontologie auxquelles sont soumis les personnels des autorités administratives indépendantes. Les personnels des autorités administratives indépendantes ne sont pas soumis à des règles de déontologie spécifiques de par les textes. Mais les Autorités administratives indépendantes, surtout ceux qui régulent des secteurs économiques, en établissent spontanément. Il est important de souligner que ces règles déontologiques peuvent s'établir aussi bien unilatéralement par le biais des règlements intérieurs, que par les biais des contrats, puisque les agents des Autorités sont majoritairement des agents contractuels, de droit public ou de droit privé. Par exemple, l'Autorité des Marchés Financiers, par le biais de son règlement général et de son règlement intérieur, impose à toute personne recrutée dans ses services à déclarer tout compte d'instructions financiers, exige la cessation de toute transaction. .De la même façon, le Défenseur des enfants fait signer à tout collaborateur un engagement déontologique à son entrée en fonction. La CNIL quant à elle insère des obligations déontologiques dans les contrats de travail198. D'une façon générale, les devoirs de neutralité et d'impartialité qui sont ceux de toutes les autorités administratives s'appliquent donc à eux. Les membres des AAI doivent veiller, en outre, à ne pas se trouver dans une situation apparente de conflit d'intérêt qui pourrait d'ailleurs se voir pénalement et disciplinairement sanctionnée. On soulignera que certaines Autorités administratives indépendantes sont dotées d'un déontologue199.

Il faut aussi insister sur l'importance du secret professionnel qui, s'il était violé pourrait amener à la mise en jeu de leur responsabilité personnelle.

CHAPITRE IV
LES POUVOIRS DES AUTORITÉS
ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

8.0. La consubstantialité entre les pouvoirs et la définition des Autorités administratives indépendantes. La question des pouvoirs des Autorités administratives indépendantes est cruciale, non seulement parce qu'elle permet de doser la puissance que le législateur est prêt à leur fournir afin que leur action soit efficace, et qu'elle est ce par quoi les Autorités administratives indépendantes remettent en cause le système politique français (par exemple par l'exercice d'un pouvoir de sanction pris aux juridictions, un pouvoir d'administration pris au gouvernement, et un pouvoir d'adopter des règles générales pris au législateur)200, mais encore parce que la titularité des pouvoirs permet de distinguer les Autorités administratives indépendantes des simples observatoires, agences, commission de réflexion et organismes de toutes sortes. C'est dans ces différents aspects que les pouvoirs sont ici étudiés, comme autant de guides pour leur prévision par le législateur, c'est-à-dire dans leur adéquation aux missions confiées par la loi aux Autorités administratives indépendantes, et dans l'usage adéquat qu'elles font de leur pouvoir, sous la vigilance de la Cour européenne des droits de l'Homme.

SECTION 8 : ADÉQUATION DES POUVOIRS AUX MISSIONS

Le législateur doit conférer aux Autorités administratives indépendantes des pouvoirs non pas en soi, c'est pourquoi il est difficile d'avancer par généralité, mais, parce que les Autorités sont conçues à partir des missions qu'on leur fixe, en fonction des buts assignés. Il convient tout d'abord d'expliciter cette méthodologie d'attribution des pouvoirs par la loi, avant de reprendre type de pouvoir par type de pouvoir.

18. La conception des pouvoirs à partir des missions

8.1.1. Conception des pouvoirs en amont par rapport à la source et conception des pouvoirs en aval par rapport à la mission. La légitimité des pouvoirs peut se fonder sur la légitimité de la source qui les constitue. Dans un tel cas, l'essentiel est que la source du pouvoir soit « la bonne », c'est-à-dire que la source soit d'autant plus haute dans la hiérarchie des normes que le pouvoir est important. Cela est encore plus vrai pour le pouvoir réglementaire dont l'attribution s'opère par délégation, c'est-à-dire par une attribution de compétence d'une source à une source. La légitimité des pouvoirs peut aussi, car ce n'est pas contradictoire, puiser dans la coïncidence entre le but assigné à l'institution en cause et le résultat que l'usage des pouvoirs conférés lui a permis d'atteindre. Dans cette conception pragmatique et ex post des pouvoirs, c'est le bon usage que l'on en fait qui les fonde. On soulignera qu'à cette aune, et une nouvelle fois, le fait de rendre des comptes permet à l'Autorité de fonder la légitimité des pouvoirs qu'on lui a conférés.

8.1.2. Le pouvoir de savoir. Il est usuel de viser les pouvoirs juridiques perçus comme essentiels parce qu'ils cristallisent une décision. Ainsi, le pouvoir de sanction est mis en exergue, le pouvoir d'avis davantage négligé. Plus encore, ce qui paraît des pouvoirs secondaires, parce que juridiquement peu catégorisés, sont en réalité vitaux pour le bon fonctionnement des Autorités administratives indépendantes. Il en est ainsi du « pouvoir juridique de savoir », et celui de « faire savoir », c'est-à-dire le droit d'alerte. Ainsi, le Défenseur des enfants, qui a surtout un pouvoir de médiation, est également doté d'un pouvoir d'alerte, voire d' « interpellation »201. C'est également la force du Médiateur de la République, qui exerce avant un « magistère d'influence »202, du Haut Conseil à l'Intégration et de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité. C'est d'ailleurs pourquoi les agences qui concentrent de l'information et disposent de pouvoirs juridiques et pour l'obtenir et pour la diffusion, notamment à travers un droit d'alerte, comme c'est le cas par exemple pour l'Agence de sécurité sanitaire, ont déjà les assises pour devenir titulaires d'autres pouvoirs et entrer dans la catégorie des Autorités administratives indépendantes. L'on pourrait même affirmer que le principal pouvoir juridique porte de l'information et que les autres pouvoirs juridiques, dont on vante la puissance, comme le pouvoir de sanction, n'en est que la conséquence, voire l'accessoire.

8.1.2.1. Le droit pour obtenir l'information, cœur de l'action de l'Autorité administrative indépendante. Il est donc essentiel que les Autorités administratives indépendantes soient dotées des pouvoirs juridiques de constituer l'expertise dont on a rappelé l'importance dans l'efficacité et dans l'indépendance des Autorités. C'est ainsi que les secrets bancaires, voire professionnels, doivent être écartés pour que les Autorités disposent des informations requises. C'est généralement prévu par les textes qui régissent les diverses Autorités. Ainsi, l'ARCEP se félicite d'avoir grâce à la loi du 9 juillet 2004 obtenu un pouvoir plus

large en la matière203, pouvoir général dont aurait besoin le CSA204. Ce pouvoir de savoir n'est admissible que si l'on y associe l'obligation de secret ou de confidentialité qui doit peser sur les membres du collège et les membres des services des Autorités administratives indépendantes. On peut songer à aller plus loin encore, sur le modèle de l'obligation qui pèse désormais sur les opérateurs financiers d'informer spontanément l'Autorité des Marchés Financiers, revers de ce qui est donc un droit nouveau pour l'Autorité.

8.1.2.2. Déclinaison technique du pouvoir essentiel de savoir. Il est essentiel de rassembler des prérogatives éparses, et parfois négligées, autour de ce pouvoir de savoir. A ce titre, il convient de généraliser le pouvoir de faire venir des experts auprès de l'Autorité, de généraliser le droit processuel des Autorités administratives indépendantes de saisir les juridictions compétentes pour obtenir en référé des autorisations de perquisition, de solliciter des avis de la part des autres Autorités, de publier chaque année un rapport, souvent remis au Parlement ou au Président de la République, maniement de l'information qui doit donc être présenté davantage comme un pouvoir que comme une obligation. Il pourrait être efficace de prévoir d'une façon générale cette panoplie de prérogatives, qui converge vers l'essentiel, l'information.

8.1.2.3. La question corrélative des pouvoirs d'enquête. A cette aune, les pouvoirs d'enquête sont des pouvoirs essentiels, car ils orientent l'action des Autorités, notamment que celles-ci disposent le plus souvent du pouvoir d'entamer des procédures, soit devant d'autres organismes ou des juridictions, soit devant elles-mêmes, par le biais de l'auto saisine. C'est pourquoi, et l'on revient sous un nouvel angle sur les questions des moyens humains des Autorités administratives indépendantes, il est important que celles-ci aient le droit de procéder à des auditions205, de déclencher des enquêtes, et disposent pour ce faire de services d'enquête. Ce pouvoir d'enquête autonome trouve l'appui de la puissance judiciaire, lorsque les textes permettent aux Autorités administratives indépendantes, comme c'est le cas pour le Conseil de la concurrence ou pour l'Autorité des Marchés Financiers, de saisir le président du Tribunal de grande instance pour que leurs enquêteurs soient autorisés à agir avec des pouvoirs de type judiciaire, comme la saisie de document. Le plus souvent, les Autorités administratives indépendantes disposent d'un service d'enquête206.

8.1.2.4. L'enjeu institutionnel entre le Conseil de la concurrence et la DGCCRF. La question rencontre en pratique des difficultés en matière de concurrence, puisque le Conseil de la concurrence ne dispose pas de service d'enquête autonome et que, s'il peut demander à ce que des enquêtes soient menées, il ne dispose pas de leur maîtrise, puisque celles-ci sont menées par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. On pourrait songer à transférer ces services auprès du Conseil de la concurrence, au nom du pouvoir de savoir qui fonde l'efficacité de l'action de celui-ci. Cette mesure remarquable ne présenterait pourtant pas que des avantages.

8.1.2.4.1. Le coût institutionnel d'un changement. En premier lieu, la DGCCRF ne veille pas qu'à la concurrence mais également à la consommation, dimension que le Conseil de la concurrence ne prend pas directement en charge et l'on ne peut guère songer à dupliquer les équipes, les unes pour le ministère au titre de la consommation et les autres au conseil au titre de la concurrence, duplication inutilement coûteuse puisque sur le terrain les recherches sur les thèmes sont liées. Il faudrait alors opérer une seconde révolution, à savoir modifier la fonction du Conseil de la concurrence pour qu'il se soucie aussi du droit de la consommation et de la protection directe des consommateurs. Il devrait alors à son tour être profondément modifié. Le coût institutionnel d'un tel changement, coût pour les deux organismes, est à considérer en premier lieu.

8.1.2.4.2. L'interférence de l'analogie avec une juridiction. La question est débattue et ne peut être exposée en tant que telle ici, mais l'on s'accorde souvent à considérer que le Conseil, lorsqu'il sanctionne des comportements anticoncurrentiels, agit comme une juridiction, et qui plus est une juridiction répressive. Dès lors, on peut concevoir que la DGCCRF a le rôle transposé d'un ministère public. Cela explique le systématisme bienvenu de l'action de cette administration traditionnelle qui pose désormais publiquement les priorités d'enquêtes pour l'année qui s'ouvre.

8.1.2.4.3. La solution de l'inter-organisation. De la même façon que la solution de la fusion entre Autorités administratives indépendantes doit être menée avec grande précaution, la fusion ici, certes efficace sur le papier, pourrait être difficile, alors même que pour l'instant une solution que l'on pourrait qualifier d'« inter-organisation » a été mise en place, notamment par une charte une charte de coopération et d'objectifs signé entre la DGCCRF.et le Conseil de la concurrence en janvier 2005 pour mener une politique commune de droit de la concurrence. Une solution médiane pourrait être de spécialiser davantage encore les enquêteurs de concurrence dans la DGCCRF, travaillant étroitement avec le Conseil, et bénéficiant d'un budget affecté207.

8.1.3. Notion de nécessité et méthode de proportionnalité. Pour en revenir à l'idée générale d'une adéquation des pouvoirs par rapport à la mission, cette conception pragmatique met au cœur ce qui est parfois paru secondaire parce que cela avait trait à l'usage des pouvoirs et non à leur façonnage a priori, à savoir la mesure dans la dose d'utilisation des pouvoirs attribués par rapport au but recherché. Ce lien entre la titularité du pouvoir et la mission confiée explique aussi que les Autorités administratives indépendantes ne demandent pas tant de nouveaux pouvoirs que les moyens d'exercer utilement ceux dont elles sont dotées208. Ni trop peu (exercice nécessaire du pouvoir), ni trop (exercice proportionné du pouvoir). Le principe de proportionnalité, qui encadre plus strictement l'exercice du pouvoir de sanction des Autorités administratives indépendantes qu'il ne le fait pour les juridictions judiciaires pénales, exprime cette légitimité du pouvoir par la juste mesure de son usage. Il serait important que, par exemple dans une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, le législateur en rappelle l'importance fondamentale et la contrainte qu'elle fait peser sur les Autorités. Ce rappel de principes fondamentaux permet d'aborder les sortes de pouvoirs les uns après les autres, étant observé que les pouvoirs procéduraux directement liés au pouvoir de savoir ont été précédemment exposés.

19. Le dessin des pouvoirs ajustés aux missions

8.2.0. Les tableaux accessibles sur le CD fourni avec le rapport permettent d'avoir une description Autorité par Autorité de tous les pouvoirs dont chacune dispose, mais aussi d'avoir une description pouvoir par pouvoir de sa présence et de ses mobilités dans l'ensemble des autorités étudiées. Interrogées sur le point de déterminer quels pouvoirs seraient plus importants pour elles que d'autres, les Autorités répondent fréquemment qu'ils sont corrélés les uns aux autres et que l'utilité de l'un dépend de la titularité et du bon fonctionnement des autres209.

8.1.4. Le pouvoir réglementaire. Le pouvoir réglementaire vise l'aptitude des Autorités administratives indépendantes à adopter des règles de droit générales et abstraites. Le conflit que cela engendre à l'égard du Gouvernement et la difficulté d'ordre constitutionnel qui en résulte seront examinés plus loin210. En toutes hypothèses, seul le législateur peut le conférer à une Autorité administrative indépendante211. La question est de principe mais il s'avère que relativement peu d'Autorités sont dotées par la loi d'un pouvoir réglementaire. Il s'agit de : la CNIL, la Commission des sondages, l'AMF, l'ARCEP et la CRE (sous réserve d'homologation par arrêté du ministre compétent). Peut-on considérer qu'indépendamment de la question juridique qu'une telle attribution pose, ce pouvoir est nécessaire aux Autorités administratives indépendantes ? Il convient ici de distinguer le fait et le droit. En effet, si l'Autorité concernée a suffisamment d'autorité, c'est-à-dire ce mixte de compétence et de prestige, alors toute formulation de sa part d'un principe général sera prise en considération, c'est-à-dire reçu avec la même force que s'il était doté en droit d'un effet obligatoire. Cela relativise l'exclusif pouvoir d'attribution détenu par le législateur, puisque si l'Autorité a suffisamment d'ascendant, elle se l'attribue elle-même. On peut prendre comme exemple le Comité National Consultatif Éthique, que le rapport du Conseil d'Etat n'avait pas visé parmi les Autorités administratives indépendantes, parce que dénué de pouvoirs. Cela est juridiquement exact, mais l'ascendant exercé par cet organisme n'est plus à démontrer, et ses avis, techniquement très travaillés, sont suivis, de fait. Ainsi, lorsque la loi du 6 août 2004 (art. L. 1412-1 CSP) lui a attribué la qualité d'Autorité administrative indépendante, il s'est plus agi d'un rattrapage que d'une attribution de plano.

8.1.5. Le pouvoir d'expertise : conseil, avis, amicus curiae. Les Autorités administratives indépendantes construisent chaque jour leur légitimité sur leur expertise. Il est donc naturel qu'elles possèdent assez systématiquement un pouvoir de conseil ou d'avis, soit que le Gouvernement puisse les consulter sur une question sociale ou technique qui concerne ou interfère avec leur propre domaine d'action212, soit que les Autorités administratives aient le pouvoir de proposer des modifications de réforme213, soit même que leur avis soit requis pour qu'un texte soit adopté214. Cette qualité d'expertise peut paraître une confusion dans le temps puisqu'on sollicite l'avis de celui qui appliquera la norme dont l'adoption est envisagée, mais c'est la structure même des fonctions du Conseil d'Etat qui en donne l'exemple. Il faut encore mentionner le cas particulier des avis que les Autorités de régulation sectorielle doivent donner au Conseil de la concurrence215, lorsque celui-ci analyse des pratiques dans leur secteur, prix de la solution française ne donnant pas aux autorités sectorielles le pouvoir de sanctionner elles-mêmes les pratiques anticoncurrentielles. En outre, les Autorités administratives indépendantes sont souvent amenées à formuler des avis à l'occasion de procédures juridictionnelles216, sur saisine de la juridiction elle-même217, soit qu'ils répondent à une sollicitation dans ce sens. Cela correspond alors non pas à la technique de l'expertise, qui déforme par trop la nature des Autorités administratives indépendantes, mais soit de celle de témoin, soit de celle de l'amicus curiae218 que toute juridiction peut utiliser largement à l'égard de n'importe quelle personne ou organisme dont l'avis lui paraît éclairant.

8.1.6. Le pouvoir de régulation au sens strict par l'attribution de droits d'exercer une activité. Dans certains cas, des Autorités administratives indépendantes exercent ce qui est désigné au sens strict comme un pouvoir de « régulation », c'est-à-dire d'organiser ex ante un secteur ou une organisation, soit d'une façon générale (à travers le pouvoir réglementaire), soit d'une façon particulière à travers des droits d'accès à une activité, soit au bénéfice de personnes (par l'agrément ou l'autorisation), soit au bénéfice de biens ou d'activités (par la certification, ou l'accréditation). C'est ainsi que l'AMF déclare recevables les offres publiques, que le CECI délivre les agréments notamment pour les établissements de crédit, ou que le CSA délivre les autorisations d'usage de fréquences aux chaînes de télévision et stations de radio publiques et privées diffusées par voie hertzienne terrestre. Ces pouvoirs ont parfois tendance à disparaître, lorsque la régulation tend à passer de l'ex ante à l'ex post, comme en matière de protection des données personnelles, ou à se renforcer et à se concentrer, quand en matière de risque systémique bancaire219. Ce pouvoir de régulation ex ante est surtout attribué aux Autorités administratives indépendantes qui ont en charge la gestion des risques, par exemple en matière bancaire ou en matière énergétique car ce contrôle à l'entrée est la façon la plus efficace de juguler les risques, au prix d'une conception plus concurrentielle récusant ces barrières à l'entrée que construit l'Autorité administrative indépendante elle-même. Plus l'on utilisera les Autorités administratives indépendantes dans la gestion des risques, et plus ce pouvoir sera répandu et exercé.

8.1.7. Le pouvoir de contrainte et de sanction. Le pouvoir que les Autorités administratives indépendantes exercent ex post est celui de contraindre les parties prenantes à respecter des ordres, généraux ou particuliers, qu'elles leur adressent. Il en est ainsi du pouvoir d'injonction du Médiateur de la République, ou de l'obligation pour les compagnies d'assurance d'obéir aux décisions du Bureau Central de Tarification220. D'une façon plus particulière, il s'agit aussi du pouvoir direct de sanctionner ceux qui n'ont pas obéi aux prescriptions, soit généralement issues du système juridique, soit des prescriptions de l'Autorité elle-même. Il y a alors cumul des pouvoirs. Il est frappant de constater que tout à la fois le pouvoir de sanction est très contesté aux Autorités administratives indépendantes, en soi et dans l'exercice procédural qu'elles en font221, et ce que le législateur distribue le plus largement. Il est souvent estimé comme le plus important pour les Autorités, notamment celles qui sont en charge de régulation économique222. Les Autorités en sont de plus en plus largement dotées. Elles l'utilisent soit en soi, soit pour amener plus aisément à un accord ou une médiation, obtenu plus aisément de services administratifs ou d'entreprises qui connaissent la perspective alternative d'une sanction. C'est notamment le cas pour le Médiateur de la République, dans son maniement du pouvoir d'injonction223. En effet, non seulement les Autorités administratives indépendantes créées récemment sont dotées d'un tel pouvoir, mais encore les Autorités plus anciennes obtiennent l'attribution de ce nouveau pouvoir. Cela ne pose pas en soi de problème constitutionnel puisque le Conseil constitutionnel a simplement affirmé l'unique compétence du pouvoir législatif pour le conférer, le pouvoir réglementaire ne pouvant empiéter sur ce domaine exclusif visé par l'article 34 de la Constitution224. Ainsi, la CNIL estime que l'attribution d'un tel pouvoir va modifier son action, liée au fait que la régulation qu'elle exerce passe ainsi de l'ex ante à l'ex post225, et accroître son autorité. De la même façon, la HALDE sitôt créée sans une telle attribution, bien que la Haute Autorité soit déjà dotée du pouvoir de stigmatiser des comportements de discrimination, obtient la perspective de l'attribution d'un tel pouvoir. On notera cependant que la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité souhaite expressément ne pas en disposer, pour ne pas saper son rôle de médiation226.

8.1.7.1. Le pouvoir de sanction comme outil de régulation. L'objection est souvent faite comme quoi les Autorités administratives indépendantes ne devraient pas être dotées d'un tel pouvoir et ne sont pas légitimes à en être titulaires, car la sanction est au cœur du pouvoir régalien et les tribunaux judiciaires, garants des libertés individuelles, devraient en avoir le monopole. Si par contraste les Autorités administratives indépendantes en sont largement dotées, cela tient au fait que la sanction est elle aussi un outil efficace de régulation. Pour mémoire, la COB n'est devenue puissante que lorsque la loi du 2 août 1989 lui a permis de prononcer des sanctions. C'est là-dessus aussi que compte la HALDE pour participer effectivement à la lutte contre les discriminations. Cela tient au fait que la sanction n'est pas tellement un mécanisme ex post de rétribution des fautes, mais plutôt un mécanisme d'information et d'incitation. Ainsi, les prescriptions des Autorités administratives indépendantes ne sont crédibles que si elles disposent du pouvoir de les sanctionner. C'est pourquoi le législateur pourrait attribuer systématiquement un tel pouvoir aux Autorités administratives indépendantes.

8.1.7.2. L'efficacité régulatoire d'un mariage entre pouvoir de répression et accord des parties. Cette fonction de sanction peut se marier avec les mécanismes de type contractuel (qui appartiennent plutôt à des outils ex ante), à travers des procédures de clémence ou de transaction227. Il est possible que la perspective juridique traditionnelle en France soit perturbée par cette contractualisation de la répression, mais c'est la meilleure façon d'obtenir des comportements futurs adéquats. Ces mécanismes, dont on a vu l'efficacité en matière de contrôle des concentrations à travers la technique des engagements, en matière de régulation de l'audiovisuel avec de véritables conventions passées entre le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et les entreprises du secteur, et en matière de concurrence à travers les mécanismes de clémence, a montré son efficacité. Il est question d'accorder à l'Autorité des Marchés Financiers un tel pouvoir de transaction. Quelles que soient ses modalités et en veillant à ne pas empiéter sur l'exercice d'autres pouvoirs, par exemple ceux tenus par le Ministère public, cette articulation entre sanction et négociation permet aux Autorités administratives indépendantes d'exécuter plus efficacement leur mission.

8.1.7.3. Le déplacement de la discussion autour du principe de pouvoir de répression vers les modalités de la répression. Si le pouvoir de sanction demeure très contesté, c'est davantage au regard des garanties procédurales des personnes inquiétées, notamment au regard des droits de la défense, etc.228. Le Conseil constitutionnel a précisé un certain nombre de conditions pour que l'attribution d'un tel pouvoir de sanction aux Autorités administratives indépendantes soit constitutionnellement admissible. Il faut ensuite qu'une loi l'établisse, que les droits de la défense soient respectés, qu'un recours devant une juridiction contre la décision de l'Autorité soit ménagé, qu'une possibilité de faire suspendre par le juge une décision dotée d'un pouvoir d'exécution immédiate soit offerte aux parties229, que les sanctions prononcées soient proportionnées et que le jeu de leur cumul avec des sanctions strictement pénales n'excède pas le maximum encouru pour la plus forte des sanctions encourues. Le cumul de la sanction administrative et de la sanction pénale, à première vue contraire à la règle non bis in idem, mais justifié un temps par le Conseil constitutionnel du fait que la sanction administrative est d'une autre nature que la sanction pénale230, semble aujourd'hui remis en cause par une jurisprudence ultérieure du Conseil231. Le droit positif est donc assez flexible quant à la possibilité de doter les Autorités administratives indépendantes d'un pouvoir de sanction, mais est au contraire strict quant aux modalités d'exercice de celui-ci. Ce contraste se comprend dans la mesure où le système juridique français, par ailleurs tenu par la Convention européenne des droits de l'Homme et l'interprétation faite de son article 6232, se montre vigilant, dans ses lois et dans ses jurisprudences, sur le respect des garanties de procédure, en confortant les droits des personnes objet d'un pouvoir de répression exercé par une Autorité administrative indépendante, il contribuera à ce que ce pouvoir soit mieux accepté dans son principe.

8.1.8. Le pouvoir de négociation. L'observation particulière faite à propos du pouvoir de sanction, à travers une contractualisation que certains estiment contre-nature, doit être étendu. Les Autorités administratives indépendantes, parce qu'elles ne peuvent être réduites à des juridictions, parce qu'elles ne sont pas seulement le bras détaché de l'exécutif, doivent pouvoir négocier avec les parties prenantes, entreprises233 ou associations de citoyens ou de consommateurs, notamment234. L'attribution de la personnalité morale235 leur en faciliterait l'exercice. En outre, lorsque les Autorités administratives indépendantes ont plus particulièrement en charge de préserver ou de restaurer la confiance, ce qui est commun à des Autorités aussi dissemblables que les Autorités financières ou bancaires et les Autorités de lutte contre les discriminations qui cherchent à rétablir des liens sociaux et à inciter les parties prenantes à s'engager les unes par rapport aux autres, le pouvoir de négocier et de s'engager devient alors déterminant.

8.1.9. Le pouvoir de s'engager au terme d'une négociation, possible pouvoir alternatif au pouvoir réglementaire. La négociation aboutit alors à un engagement réciproque de l'Autorité et de la partie prenante, ce qui est une forme de co-régulation, oblige l'Autorité à s'engager, ce qui accroît la prévisibilité et la confiance, le caractère bilatéral de l'engagement (par rapport à l'unilatéralisme d'une décision générale ou particulière) permettant en outre de « civiliser » l'action des Autorités administratives indépendantes. Par une formule analogue à celle caractérisant le juge : « pour un juge qui toujours décide », on pourrait dire pour les Autorités administratives indépendantes : « pour une Autorité qui toujours s'engage ». Dans le mouvement général de la contractualisation de l'action publique236, cet engagement sur un mode bilatéral peut s'avérer supérieur à un engagement sur un mode unilatéral, par utilisation directe de l'imperium. Ainsi, si le pouvoir de négociation et le pouvoir de s'engager sont davantage conférés aux Autorités administratives indépendantes, sur le modèle notamment du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, cela pourrait constituer une alternative au pouvoir réglementaire, si l'attribution de celui-ci se heurte à des conceptions politiques.

8.1.10. Le pouvoir de mettre fin aux différends. A l'inverse du pouvoir de sanction, le pouvoir de mettre fin aux différends entre les parties prenantes, qu'il s'agisse d'y mettre fin en le tranchant ou d'y mettre fin en réconciliant les parties prenantes en dispute.

8.1.11. Le pouvoir de règlement des différends. Actuellement, peu d'autorités administratives indépendantes sont formellement dotées d'un « pouvoir de règlement des différents », essentiellement l'ARCEP, la CRE, et plus récemment le CSA. Ce pouvoir revient à trancher le litige en désignant un gagnant et un perdant, comme le fait classiquement la juridiction civile. Il apparaît que pour l'instant le règlement des différends est exercé par les Autorités administratives indépendantes en charge de l'accès des opérateurs à une infrastructure essentielle, tel un réseau de transports, comme en matière de communications électroniques ou d'énergie. On peut se demander s'il ne conviendrait pas d'étendre un tel pouvoir à d'autres autorités, comme par exemple la HALDE (ce qui pourrait être une alternative à un pouvoir de sanction), ou l'AMF, dans la mesure où cela « civiliserait » leur action, en présentant une alternative au pouvoir de sanction237. En outre, c'est par le biais du règlement des différends que l'Autorité indépendante peut palier une insuffisance de pouvoirs par ailleurs238, ou bien interférer dans ce qui est l'instrument juridique ordinaire d'un système libéral, à savoir les contrats239. Enfin, on peut mettre fin à un différent autrement qu'en le tranchant, ce qui permet la voie d'aggravation du rapport entre les parties, mais en cherchant à les concilier.

8.1.11.1. Le pouvoir de conciliation ou de médiation. Ce pouvoir d'amener les parties à se concilier peut être considéré comme un pouvoir que devraient avoir toutes les Autorités administratives indépendantes240. En effet, lorsque les Autorités ont en charge la régulation d'un secteur économique, réconcilier les parties peut permettre de diminuer les chocs de transformation du secteur, notamment lorsqu'il s'agit de transformer une organisation monopolistique en une économie de compétition. On relèvera que le Conseil de la concurrence, qui s'estime suffisamment doté en pouvoirs, regrette de n'avoir pas davantage de moyens en cette matière241. Le pouvoir de médiation tient d'ailleurs largement du fait et, par nature, ne donne guère lieu à publicité. Il peut constituer une alternative à l'absence de pouvoir de règlement des différends242. Ce pouvoir s'impose plus encore pour les régulateurs en charge d'une médiation sociale, puisqu'il s'agit d'instaurer ou de restaurer un lien entre des personnes ou des groupes de personnes. C'est pourquoi, notamment si l'on envisage l'adoption d'une loi-cadre, l'attribution de ce pouvoir aurait été prévue pour chaque Autorité administrative indépendante.

8.1.12. Le pouvoir de faire savoir. Cette formulation ne correspond pas à une catégorie juridique reçue mais correspond au fait que les Autorités administratives indépendantes doivent avoir le pouvoir de désigner les problèmes et d'organiser la publicité de leur décision. Par exemple, le Conseil de la concurrence accroît l'effet dissuasif et éducatif de ces décisions. Les pratiques de communication ont d'ailleurs une forme factuelle de ce pouvoir et il est remarquable que de nombreuses Autorités administratives indépendantes comprennent un service spécifique de communication ou confient à une personne en particulier cette tâche particulière.. La pratique courante de l'organisation par les Autorités administratives indépendantes de rencontres sur un modèle qui oscille entre le colloque universitaire et la réunion diplomatique conforte l'importance de l'exercice du pouvoir. De la même façon, la pratique des « forums » européens ou internationaux exprime ce même pouvoir de faire savoir. Pourquoi alors l'organiser plus juridiquement ? Cela dépend si le législateur préfère laisser jouer la discrétion de l'Autorité pour décider ce qui doit demeurer secret, ce qui doit être publié, ce qui doit être activement diffusé. Pour l'instant, notamment en ce qui concerne les Autorités administratives indépendantes ayant en charge une profession, et l'on peut songer à la Commission Bancaire, le secret est souvent choisi, alors que pour les Autorités administratives indépendantes qui ont besoin de s'appuyer sur une opinion large, la diffusion vient exacerber la publicité. Il en est ainsi aussi bien du Médiateur de la République que du Défenseur des enfants. Le législateur pourrait vouloir donner des règles plus fixes en la matière, à moins qu'il estime que ces marges de discrétion permettent pour chacune des Autorités concernées en fonction des missions et des cas de mieux exercer leur office. Dans ce cas, il convient d'en rester là.

SECTION 9 : L'EXERCICE ADEQUAT DES MISSIONS

9.0. Dans une conception procédurale des pouvoirs, dans un contexte de démocratie procédurale, les exigences juridiques portent davantage sur les façons de faire que sur le « faire » directement, sur le processus de prise de décision que sur la décision elle-même. La procédure est devenue la matière première du droit. Les Autorités administratives indépendantes, parce qu'elles doivent toujours démontrer leur légitimité, légitimité logée dans l'usage qu'elles font de leurs pouvoirs, y sont exposées plus que tout autre organisme. Cela justifiera qu'elles rendent des comptes sur l'usage efficace de leur pouvoir, c'est-à-dire sur la corrélation entre l'utilisation de leurs pouvoirs et de leurs moyens au regard de la concrétisation de la finalité pour laquelle l'Etat les leur a donnés243. Cela justifie qu'elles respectent les garanties offertes à ceux dont la situation est affectée par l'usage fait par les Autorités administratives indépendantes des pouvoirs considérables et cumulés que l'efficacité de leur action justifie.

20. Les garanties dans la façon de faire

9.1.1. Les garanties d'égalité de traitement, l'impartialité et la difficulté des missions asymétriques. La première des garanties que l'on peut attendre des Autorités administratives indépendantes réside dans leur impartialité. C'est en effet ce pourquoi la loi les a conçues comme indépendantes, l'indépendance étant la condition préalable de l'impartialité244, cette impartialité étant garantie par l'absence d'injonction possible d'un Ministre. Cela constitue une garantie majeure pour les parties prenantes, qui peuvent ainsi se fier aux Autorités administratives indépendantes, lesquelles peuvent à leur tour s'engager245. Une difficulté peut à première vue surgir du fait que les Autorités administratives indépendantes, qu'on ne saurait réduire à des juridictions, même si l'exercice de certains de leurs pouvoirs prend la forme nécessaire de l'activité juridictionnelle, ont en charge de construire : construire une éthique de la santé, construire un marché concurrentiel, construire une égalité des chances, etc. Dès lors, dans cette mission, il peut arriver que le législateur désigne en quelque sorte un interlocuteur dont les intérêts sont contraires, par exemple un opérateur historique naguère monopolistique, ou des intermédiaires dans un marché financier qu'il s'agit de rendre plus fluide, etc. L'expression de « régulation asymétrique » résume cette situation en ce qui concerne les régulateurs économiques, mais cela peut valoir également pour les régulateurs sociaux, dès l'instant qu'il s'agit par exemple de protéger ou promouvoir une minorité, ou d'aider des citoyens face à un pouvoir important, par exemple le pouvoir de « régulation asymétrique » résume cette situation en ce qui concerne les régulateurs économiques (notamment l'ARCEP, ou avant elle l'ART), mais cela peut valoir également pour les régulateurs sociaux, dès l'instant qu'il s'agit par exemple de protéger ou promouvoir une minorité, ou d'aider des citoyens face à un pouvoir important, par exemple le pouvoir administratif (si l'on songe à la CADA ou au Médiateur de la République). Mais précisément la garantie d'un traitement à la fois asymétrique et neutre est requise, et il faut que les Autorités administratives indépendantes donnent à voir que leur sévérité accrue par rapport à telle ou telle partie prenante est la conséquence, ni plus ni moins, de la mission qui leur est confiée.

9.1.2. La nécessité pour les Autorités administratives indépendantes de donner à voir leur neutralité, leurs compétences et l'adéquation de leurs actions. La difficulté d'une telle démonstration repose en grande partie sur l'Autorité administrative indépendante elle-même. On peut éventuellement considérer que la charge de prouver la connivence ou la partialité devrait revenir à celui qui critique l'Autorité, mais parce que celle-ci est le principal auteur de sa propre crédibilité246, il est plus adéquat qu'elle montre chaque jour sa neutralité, car c'est le législateur qui dessine sa mission éventuellement asymétrique non l'Autorité elle-même, qu'elle montre sa compétence, socle véritable de son indépendance247, qu'elle accepte la contestation rationnelle (c'est-à-dire portant sur les raisonnements qui l'ont conduite à prendre telle ou telle décision) et la contestation juridique (à travers principalement les voies de recours devant une juridiction exercés contre ses décisions), et le fait plus général de rendre des comptes248, pour éloigner d'une façon plus sûre ce qui relève d'un discours de suspicion. En effet, c'est à l'Etat de protéger ses Autorités administratives indépendantes qui, soustraites de la hiérarchie de l'exécutif, sont aussi moins protégées que l'administration traditionnelle, plus visibles et plus exposées249.

9.1.3. L'importance centrale de la transparence. L'ensemble de ces développements montre que la transparence, qui n'est pas nécessairement le mode usuel de bon fonctionnement de l'Etat250, doit gouverner les Autorités administratives indépendantes dans le principe.

9.1.3.1. La transparence comme principe. Cela est encore plus vrai lorsque l'Autorité en cause doit elle-même imposer la transparence aux parties prenantes, comme c'est le cas pour l'Autorité des Marchés Financiers. Le principe doit être la transparence (ce qui est déjà une exception par rapport à l'organisation générale de l'Etat) et il aurait vocation à être mentionné comme telle dans une éventuelle loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes. Cela ne signifie en rien que le législateur, au cas par cas, ne puisse porter exception à ce principe. L'enjeu de méthode est ici de désigner ce qui est principe et ce qui est exception, et non pas d'imposer un principe absolu.

9.1.3.2. La transparence, un principe qui supporte des exceptions. C'est pourquoi l'on peut estimer que certains pouvoirs se prêtent plus que d'autres à ce principe de transparence, par exemple davantage le pouvoir de sanction que le pouvoir de négociation. De la même façon, certaines missions, comme celles rattachées à la régulation bancaire et prudentielles, ou d'une façon plus générale les missions qui concernent les risques, leur prévention et leur gestion (aussi bien sanitaires que financiers, notamment). Le législateur a le pouvoir de limiter le principe de transparence, sauf si celui-ci croise des garanties constitutionnelles, comme les droits de la défense. La conséquence est plutôt de méthode, en ce qu'en premier lieu, l'exception - ici l'absence de transparence - doit être justifiée, et en ce qu'en second lieu, dans le silence de la loi, l'interprète, c'est-à-dire l'Autorité administrative indépendante elle-même, et le juge après elle, devraient verser plutôt en faveur du principe de transparence, s'il n'y a pas de bonnes raisons de l'écarter.

9.1.4. La sauvegarde du principe de légalité. Par ailleurs, il est à la fois élémentaire et nécessaire de le rappeler, les parties prenantes sont garanties par le principe de légalité, qui interdit aux Autorités administratives indépendantes comme à quiconque d'exercer sur autrui une contrainte sans se conformer à un texte pour y procéder, et dans son principe et dans ses modalités. La place importance du contrôle de l'excès de pouvoir à l'occasion des recours ouverts contre les décisions des Autorités administratives indépendantes atteste de l'effectivité du principe de légalité. On remarquera que l'alternative peut être le pouvoir exercé en accord avec les parties prenantes, le pouvoir de négociation et la contractualisation de l'action des Autorités administratives indépendantes offrant une alternative à la rigueur du principe de légalité qui régit avant tout les manifestations unilatérales de pouvoir.

21. Les garanties dans ce qui est décidé

9.1.5. Les garanties de la collégialité. La première garantie dont bénéficient les parties prenantes dont la situation est affectée par l'exercice que les Autorités administratives indépendantes font de leur pouvoir est tout d'abord la collégialité. La collégialité est tout à la fois ce qui bénéficie à l'autorité en confortant son indépendance251 et ce qui bénéficie aux parties prenantes. Le respect des garanties fait gagner à la fois les Autorités administratives indépendantes et les parties prenantes. La collégialité constitue en effet une protection pour les parties prenantes qui peuvent, notamment du fait de la diversité des compétences des collèges, ou des formations ad hoc comme il peut en exister en matière de sanction. C'est non seulement le cas de la Commission des sanctions au sein de l'Autorité des Marchés Financiers depuis la loi de 2003, mais encore le cas de la formation restreinte qui, au sein de la CNIL depuis 2004, sont en charge de l'exercice du pouvoir de sanction. Il semble donc que cette dissociation fonctionnelle au sein de l'Autorité dès l'instant qu'elle est dotée d'un pouvoir de sanction qui se superpose à d'autres et peuvent porter atteinte à son impartialité, constitue le modèle pour l'avenir. Le principe de collégialité permet de se fier à une discussion au sein des Autorités administratives indépendantes pouvant prendre en considération des éléments à la fois complexes et hétérogènes. Cette collégialité est présentée par les Autorités elles-mêmes comme une règle de fonctionnement très précieuse, qu'il s'agisse de l'AMF, du Comité Éthique, ou de la CNIL. C'est pourquoi la structure de principe d'Autorités administratives indépendantes construites autour d'un collège paraît préférable à d'autres, et pourrait être visée en référence dans une éventuelle loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, sauf pour le législateur à en disposer autrement s'il a de bonnes raisons de le faire.

9.1.6. Les garanties de la motivation. La motivation, comme la collégialité, présente ce double aspect d'être à la fois favorable aux Autorités administratives indépendantes et favorable aux parties prenantes. En effet, la motivation permet à l'Autorité de donner à voir sa neutralité, sa compétence et l'adéquation de sa décision par rapport à la mission qu'elle doit efficacement remplir. La motivation est un mode essentiel de reddition des comptes, comme socle et non limite de l'indépendance252. En outre, la motivation est une protection des parties prenantes, puisqu'elle leur permet de comprendre la décision, ce qui est important lorsqu'il y a un phénomène d'apprentissage et que l'Autorité a aussi une fonction pédagogique, ce qui est une fonction commune à toutes les Autorités administratives indépendantes. La motivation leur permet aussi d'exercer un droit au recours devant une juridiction. Elle doit donc être systématique pour toute décision individuelle. Mais l'on peut aussi considérer qu'elle serait bienvenue dans des décisions plus générales, y compris dans l'exercice du pouvoir réglementaire à travers les règlements généraux (de l'Autorité des Marchés Financiers, par exemple), exprimant une doctrine de l'Autorité à laquelle les parties prenantes seraient en droit de se fier.

9.1.7. La garantie du droit au recours. C'est le système juridique qui offre, ici comme partout, la protection constitutionnelle pour la personne à laquelle une décision fait grief, de pouvoir saisir un juge. Le Conseil constitutionnel a rappelé le principe du droit au recours en le fondant sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme en vertu duquel « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » : le droit au juge fonde même la Constitution car sans lui, il n'y a pas plus de garanties des droits, et sans garanties des droits, il n'y a plus de Constitution253. Le Conseil constitutionnel a souligné cette importance à propos des Autorités administratives indépendantes, en affirmant qu'il doit exister un recours ouvert pour solliciter du juge l'arrêt de l'exécution immédiate d'une décision, et que l'exercice des pouvoirs, notamment de sanction, par les Autorités administratives indépendantes, n'est concevable qu'assorti d'un tel droit au recours254.

22. L'ascendant de la convention européenne des droits de l'homme

9.1.8. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme offre à chacun le droit d'accéder à un tribunal impartial, statuant dans un délai raisonnable et au terme d'un procès équitable, en matière civile comme en matière pénale. L'essentiel est de prendre acte que les qualifications européennes, celle de l'Europe des droits de l'Homme plus encore que celles de l'Union européenne, sont autonomes des qualifications du droit français, et qu'elles se superposent sur celles-ci. Les deux espaces juridiques fonctionnent en même temps, ils ne s'évincent pas l'un l'autre, il faut les supporter l'un et l'autre. Or, le processus de qualification activé par la Cour européenne des droits de l'Homme est différent, presque opposé, de celui du droit français. En effet, il part des qualifications triviales et des effets des règles pour en induire la catégorie juridique pertinente. C'est ainsi que la matière pénale ne correspond pas aux contours du droit pénal, pas plus que la matière civile ne correspond au droit civil, ce qui a rendu recevable la soumission de décisions administratives rendues par les Autorités administratives indépendantes à l'article 6 de la Convention.

9.1.9. Les Autorités administratives indépendantes entre la matière pénale et la matière civile. La matière pénale se définissant, si l'on suit la jurisprudence de la CEDH par l'existence d'une qualification textuelle d'infraction (bien que ce critère soit relatif), par la nature même de l'infraction constituant « la transgression d'une norme générale ayant un caractère à la fois dissuasif et répressif »255, et par la gravité de la sanction encourue, les sanctions administratives prises par les Autorités administratives indépendantes relèvent de la matière pénale. Il en est ainsi des sanctions prises par le Conseil de la concurrence, l'Autorité des marchés financiers, etc. en raison des comportements, mais également des sanctions de type disciplinaire que certaines sont amenées à prendre, par exemple l'Autorité des Marchés Financiers, le CSA ou la CRE. On peut estimer que c'est une forme de lien qui est ainsi noué entre les juridictions européennes et les Autorités nationales256. De la même façon, lorsque les Autorités administratives indépendantes tranchent des litiges à portée patrimoniale, ce qui rencontre la définition de la matière civile, alors l'article 6 est applicable. C'est la forme, voire l'effet, du pouvoir exercé qui donne la qualification de l'organe qui le manie. Ce raisonnement à la fois trivial et téléologique, assez étranger à l'esprit français, mais qui s'impose désormais, conduit à considérer que les Autorités administratives indépendantes sont tantôt des organes d'administration, tantôt des organes de juridiction, suivant le type de pouvoir que, dans un cas concret, elles exercent. Cela engendre un certain désordre car la catégorie juridique devient par nature changeante, mais cette complexité nouvelle doit être intégrée. Ainsi, lorsque la matière civile ou la matière pénale sont en jeu, c'est en tant qu'elles sont des tribunaux, au sens européen du terme, que les Autorités administratives indépendantes doivent aménager les garanties liées au procès équitable et à la juridiction impartiale.

9.1.10. La réconciliation de la jurisprudence judiciaire et de la jurisprudence administrative. On a souvent insisté sur une sorte de guerre entre les juridictions de l'ordre judiciaire, notamment la Cour de cassation, et l'ordre des juridictions administratives, notamment à travers le Conseil d'Etat, à ce propos. Il est certain que l'annulation par le juge judiciaire de sanctions prononcées par la COB pour violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation ayant par un arrêt Oury du 5 février 1999 annulé des décisions de sanctions prises par le collège de la COB sur le fondement d'une violation du principe d'impartialité en raison même de l'organisation de l'Autorité, qui à l'époque laissait la personne en charge de l'instruction participer à la délibération pouvant aboutir à la décision de sanction257, a provoqué certaines tensions. La jurisprudence du Conseil d'Etat a évolué pour reconnaître que « au sens du droit européen », les Autorités administratives indépendantes constituent des tribunaux lorsque des sanctions sont prononcées258.

9.1.11. Les Autorités doivent donner à voir leur impartialité lorsqu'elles exercent des pouvoirs en « matière pénale » ou en « matière civile ». Il en résulte que les Autorités administratives indépendantes lorsqu'elles envisagent des sanctions ou tranchent des litiges notamment à l'occasion d'un règlement des différends, doivent satisfaire les exigences du tribunal impartial. Or, la définition européenne de l'impartialité, qui a aussi fait couler beaucoup d'encre à la doctrine juridique française259, oblige l'organisme ainsi qualifié à donner à voir son impartialité, définition technique exacte de l'exigence d'impartialité apparente. L'évolution du droit français fut sur ce point tout à fait remarquable. En effet, même si l'évolution débuta par cette sorte de crise contentieuse constituée par « l'affaire Oury », des textes réglementaires nouveaux (par exemple concernant la COB) ou des modifications au sein des règlements intérieurs des autorités (par exemple concernant le Conseil de la concurrence) se sont soumis à l'interprétation que le juge judiciaire français avait faite du texte européen.

9.1.12. Interférence du lien entre impartialité et indépendance. Cette exigence d'impartialité, que certains ont jugée excessive en ce que le droit oblige à la donner à voir en permanence, à travers l'organisation de l'Autorité et à travers le principe de transparence, est ce qui permet aussi aux Autorités administratives indépendantes de construire la preuve de leur indépendance et donc leur légitimité. On peut aller plus loin en affirmant que l'impartialité est ce qui rend supportable l'indépendance, car une autorité indépendante non impartiale constitue un grand danger politique. Plus encore, on peut soutenir que l'indépendance n'est pas une qualité en soi mais trouve sa profondeur en tant qu'elle est la condition requise pour l'impartialité260.

9.1.13. La question réglée de la distinction entre l'instruction et le jugement. C'est à ce titre que désormais lorsque le pouvoir de sanction est en cause, les Autorités administratives indépendantes distinguent la fonction d'instruction et la fonction de jugement, en prenant soin que la personne qui est en charge de mener l'instruction, c'est-à-dire de se forger une conception du cas envisagé, en disposant des pouvoirs et d'instruments pour ce faire, ne doit pas participer à la formation de jugement, pas même être présent à l'occasion du délibéré, en raison du préjugé que, par l'accomplissement même de sa mission, elle pourrait communiquer aux autres membres de l'Autorité, d'autant plus enclins à le suivre, quand bien même elle serait démuni du droit de vote, qu'elle a généralement la connaissance la plus achevée du cas.

9.1.14. La question de la présence d'un commissaire du Gouvernement. Au nom du même principe d'impartialité, dont l'indépendance est le préalable, la présence d'un commissaire du Gouvernement auprès de certaines Autorités administratives indépendantes261 a pu être critiquée, non seulement par la doctrine mais encore par des organismes internationaux évaluant la performance des systèmes nationaux de régulation. Et non seulement on peut relever la présence d'un commissaire du Gouvernement mais il ne s'agit pas d'une sorte d'héritage du passé, puisqu'il est surtout prévu auprès d'Autorités administratives indépendantes établies récemment, ou bien à l'occasion de modifications substantielles de celles-ci, par exemple lorsque l'AMF a été construite sur les cendres de la COB (auprès de laquelle il n'y avait pas un tel personnage) et du CMF. La question demeure discutée mais l'on peut souligner que les pouvoirs d'un tel commissaire sont limités, par exemple demander une seconde délibération, mais il ne participe pas aux délibérations262 et le Gouvernement est en droit d'exprimer auprès des Autorités administratives indépendantes sa conception des choses. Il convient en effet de ne pas développer une conception à ce point radicale de l'indépendance et de l'impartialité que le Gouvernement, déjà dessaisi du pouvoir de décider, n'aurait plus même droit à la parole.

9.1.15. La question ouverte de l'auto saisine et la dissociation fonctionnelle de la fonction de poursuite des fonctions ultérieures. La question de la saisine d'une Autorité administrative indépendante est essentielle263, plus encore que concernant les juridictions. En effet, quasiment toutes les Autorités administratives doivent veiller en permanence sur un secteur, ou sur une profession, ou sur un type de comportement à décourager ou à promouvoir264. Dès lors, et certaines auto-saisines sont fameuses, notamment celles du Conseil de la concurrence, les Autorités administratives indépendantes s'auto-saisissent, pouvoir dont ne disposent pas les juridictions. L'on peut encore citer le pouvoir du Médiateur de la République de s'auto-saisir, ce qui lui permet d'intervenir directement, là où la personne en cause est trop faible pour aller jusqu'à lui265. Mais l'auto-saisine ne signifie-t-elle pas un préjugé de la part de l'Autorité qui appréciera ensuite une situation particulière contre laquelle elle avait quelque chose à redire puisqu'elle a décidé d'agir ? La jurisprudence du Conseil d'Etat a sauvé ce pouvoir nécessaire d'auto-saisine en affirmant qu'il suffit que l'acte d'ouverture de la procédure ne traduise pas un sentiment déjà constitué à propos de la situation examinée266. Une solution plus sûre juridiquement consiste à affecter ce pouvoir de poursuivre à une autre formation ou organe au sein de l'Autorité que les formations ou organes qui instruisent et qui jugent. A ce titre, l'organisation de l'Autorité des Marchés Financiers peut constituer un modèle, qui pourrait être étendu, donnant le pouvoir de poursuite au collège, et confiant la suite du processus à la Commission des sanctions. La sophistication juridique ne doit pas conduire pour autant à imposer cette organisation complexe et coûteuse à des Autorités administratives indépendantes trop petites pour le supporter.

9.1.16. La conséquence de l'application de l'article 6 : la juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes dotées de pouvoirs de sanction ou de règlement des différends. Le résultat de cette acclimatation, difficile mais désormais acquise, de l'article 6 au sein des Autorités administratives indépendantes exerçant un pouvoir de sanction ou un pouvoir de règlement des différents, a conduit à leur juridictionnalisation267, c'est-à-dire à la transformation de leur organisation interne et à leur fonctionnement sur un mode juridictionnel268, avec l'avantage des garanties et du crédit mais aussi avec l'inconvénient du coût, de la lenteur et de la contestation permanente. Ainsi, l'attribution de pouvoirs de sanction à la toute jeune HALDE va constituer à la fois un accroissement de ses pouvoirs, et à ce titre un accroissement de son efficacité, et un alourdissement de son processus de prise de décision sans apprentissage préalable, ce qui peut constituer une diminution de son efficacité, car l'art juridictionnel et le maniement procédural ne s'improvisent guère.

CHAPITRE V
MODALITES DE SAISINE
DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

10.0. Importance d'une saisine effective des Autorités administratives indépendantes. Précisément, beaucoup d'Autorités administratives indépendantes sont dépendantes de la saisine qui leur est faite, et à travers cela des informations qui leur sont ainsi transmises. Parce que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas des juridictions, même si c'est en forme juridictionnelles qu'elles exercent un certain nombre de leurs pouvoirs, elles ne peuvent demeurer dans l'attente que l'on veuille bien les saisir, car leur action doit être permanente, alors que celle des juridictions est par nature saccadée, au gré des procès successifs.

SECTION 10 : SYNTHÈSE DES DIFFÉRENTS RÉGIMES DE SAISINE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

23. L'auto-saisine

10.1.1. L'outil essentiel de l'auto saisine. L'auto saisine, même si elle peut poser des problèmes au regard de l'impartialité, compatibilité qu'il convient de préserver par ailleurs269, est un outil essentiel pour permettre aux Autorités administratives indépendantes d'avoir une action continue. Le législateur devrait favoriser d'une façon systématique l'attribution d'une telle puissance processuelle. C'est ainsi que l'auto-saisine permet par exemple au Conseil de la concurrence, doté par ailleurs de pouvoirs assez faibles, d'exercer une action efficace. Le principe d'une telle puissance d'action pourrait être visé dans l'éventuelle loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes.

10.1.2. Les moyens d'exercer le pouvoir d'auto saisine. Mais l'attribution d'une puissance d'action n'a de sens que si elle est assortie des moyens concrets de son exercice. C'est pourquoi les informations doivent pouvoir être apportées à l'Autorité, ou constituées par elle-même grâce à des services de veille ou d'enquête pour que le pouvoir d'auto-saisine soit effectif270.

24. La saisine désintéressée

10.1.3. La saisine pour avis. Dans cette optique de faveur systématique des saisines des Autorités administratives indépendantes, les saisines pour avis jouent leur rôle et doivent être favorisées, car elles permettent aux Autorités administratives indépendantes de faire profiter les autres institutions de leur expertise et d'établir pour leur propre compte une sorte de doctrine, moyen de sécurité juridique pour les parties prenantes.

10.1.4. Le rôle du Commissaire du Gouvernement. En cela, le Commissaire du Gouvernement, qui dispose du pouvoir de demander des réunions ou des délibérations sur des sujets, dont l'existence est souvent contestée271, peut présenter une grande utilité.

10.1.5. La question des associations. En outre, l'accès des associations aux Autorités administratives indépendantes, notamment lorsque celles-ci sont dotées d'un pouvoir de sanction, conduit transitivement à une meilleure action des Autorités, d'autant plus qu'il va de soi que celles-ci disposent du pouvoir de rejeter des requêtes infondées. L'on sait que le droit français demeure hostile à l'action des associations, en raison du fait que l'intérêt collectif qu'elles défendent n'arrive guère à trouver sa place entre les concepts d'intérêt particulier, dont chacun a la charge, et l'intérêt général, dont les institutions publiques ont la charge. Dont acte. Une conception pragmatique pourrait conduire à favoriser leur action auprès des Autorités administratives indépendantes, dans le but, suffisant en lui-même, de favoriser l'action de celles-ci. Cela compenserait le fait que les associations, notamment les associations de consommateurs, n'ont pas de place au sein des Autorités administratives indépendantes272, n'apparaissant à la rigueur qu'à travers des commissions consultatives. Cela serait d'autant plus pertinent pour les Autorités qui ne sont pas dotées d'un pouvoir d'auto saisine.

25. La saisine intéressée

10.1.6. La saisine par les victimes. La saisine devient intéressée lorsque le demandeur le fait pour satisfaire son intérêt particulier, par exemple pour obtenir une indemnisation, ou obtenir la sanction d'un concurrent, ou l'exclusion d'une personne aux intérêts contraires aux siens, ou l'adoption d'une injonction contre un tiers et en sa faveur. Certes, l'on peut considérer que favoriser les saisines par les victimes est une confusion entre la poursuite de l'intérêt individuel et la défense de l'intérêt général.

10.1.7. Corrélation entre la saisine par les victimes et la protection des personnes par les Autorités administratives indépendantes. Mais en premier lieu, lorsque les Autorités administratives indépendantes ont en charge la protection des personnes273, il est logique que celles qu'il s'agit de protéger puissent saisir l'Autorité. C'est notamment le cas de la CADA. Mais il peut arriver que les victimes soient trop faibles pour accéder à l'Autorité, c'est pourquoi l'action doit prendre une voie médiate, celle précitée des associations ou, par exemple, des services sociaux (par exemple pour le défenseur des enfants) ou des services administratifs (par exemple le ministre de l'Économie au regard du Conseil de la concurrence).

10.1.8. Saisine intéressée et restauration de la légalité. Pour relativiser encore cette opposition souvent faite entre l'intérêt général et l'intérêt particulier, et pour considérer la question au regard de l'efficacité de l'action des Autorités administratives indépendantes, l'action des victimes pourrait être favorisée y compris auprès des Autorités administratives indépendantes n'ayant pas pour fonction directe la protection des personnes (comme le Conseil de la concurrence, qui protège la concurrence et non les concurrents, ou l'AMF qui protège l'épargne). En effet, cela fournit aux Autorités de l'information, élément vital pour leur action274, et lorsque cela mène à une sanction pour violation des normes de comportement, cela restaure la légalité.

SECTION 11 : LES PERSPECTIVES D'ÉLARGISSEMENT DE LA SAISINE

26. L'hypothèse de saisine universelle

11.1.1. Les avantages d'une saisine universelle. C'est pourquoi le législateur pourrait prévoir, par exemple dans l'éventuelle loi-cadre, un pouvoir universel de saisir les Autorités administratives indépendantes, à l'instar d'un droit général d'action en justice qui permet à toute personne y ayant un intérêt personnel de saisir les juridictions275. Cela permettrait non seulement la restauration de la légalité lorsque celle-ci a été méconnue, mais encore une participation plus grande des personnes ordinaires à l'action des Autorités administratives indépendantes. Cette possibilité est notamment vivement souhaitée par le Médiateur de la République, qui pour l'instant ne peut être saisi par les citoyens sans le filtre d'un parlementaire. Cette situation est opposée à celle que connaît pour le Défenseur des enfants, puisqu'il peut examiner des situations présentées pour des personnes irrecevables à le faire, dès l'instant que des droits ou que la sécurité des enfants est en cause. Cette opposition est difficile à comprendre dans la mesure où ces deux Autorités sont analogues. D'une façon plus générale, dans la mesure où la création des Autorités administratives indépendantes résulte souvent d'une défiance à l'égard de l'Etat276, cette association plus étroite permettrait d'établir un lien de confiance plus solide entre les citoyens et les Autorités administratives indépendantes, dont il demeure acquis qu'elles émanent de l'Etat, même si le lien avec le Gouvernement a été rompu. En outre, comme il a été souligné, l'asymétrie d'information en sera diminuée au profit des Autorités. La saisine universelle produit assez mécaniquement un accroissement des demandes, le succès même de l'action de l'autorité y incitant277.

11.1.2. L'établissement d'une saisine universelle et les incitations requises pour son exercice effectif. Si l'évolution du droit conduit, soit loi par loi, soit par une loi-cadre qui, à ce titre, viendrait compléter le silence des lois antérieures et servir de guide pour les lois postérieures qui pourraient expressément y déroger en explicitant de bonnes raisons spécifiques pour cela, encore faut-il que cela soit effectif. Pour cela, il faut que les personnes intéressées, principalement les victimes, puissent obtenir un avantage particulier, car il demeure acquis qu'elles agissent pour défendre leur intérêt particulier, même si une telle action intéressée sert en ricochet l'intérêt général dont les Autorités administratives indépendantes ont la charge.

11.1.3. La perspective d'un pouvoir d'indemnisation. Pour cela, il conviendrait que les Autorités puissent attribuer des dommages et intérêts. Pour l'instant, cela est exclu. Il est vrai que les victimes peuvent se tourner vers les juridictions, au besoin en s'appuyant sur des preuves établies grâce à l'action des Autorités administratives indépendantes, et qu'un tel pouvoir contribuerait à accroître le mouvement de juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes, sur lequel des réserves peuvent être faites278. Mais ce mouvement a également des avantages279 et cela contribuerait puissamment à des saisines effectives d'Autorités.

11.1.4. L'opportunité d'associer droit d'accès et pouvoir de filtrage. Mais si le législateur s'oriente vers un accès universel des Autorités administratives indépendantes, notamment de la part des victimes pour obtenir des réparations, ce qui n'est pour l'instant pas le cas, mais pourrait constituer une alternative au pouvoir de sanction dans une perspective de civilisation de la régulation280, il conviendrait que les Autorités disposent d'un pouvoir de filtrer de telles demandes. Cela serait justifié tout d'abord par l'observation triviale que la plupart des Autorités administratives indépendantes n'ont pas les moyens matériels de répondre à une multitude de demandes, et ensuite par le fait qu'elles ne sont pas par nature des juridictions, ce qui conduit à limiter le fondement de ce qui serait un droit général d'action à une perspective de contribution à la concrétisation de l'intérêt général, ce qui fonderait le pouvoir des Autorités à désigner de plano les actions particulières qui y contribuent vraisemblablement et celles qui n'y contribuent pas. Ainsi, si le législateur décidait d'ouvrir à chacun le droit de saisir une Autorité administrative indépendante, avec l'incitation corrélative pour l'instant manquante d'obtenir une décision ayant un effet direct sur la situation particulière, notamment par l'attribution de dommages et intérêts, il faudrait l'assortir d'un pouvoir de filtrage.

27. L'hypothèse de saisine par les associations

11.1.5. Le couple d'un Etat pluraliste et d'une société intermédiée. Il a été souligné que la tradition politique et juridique française n'est pas, depuis la Révolution française, favorable à l'action des associations, corps intermédiaires renvoyant à la société intermédiée qui était celle de la France avant la Révolution. On soulignera ici que les Autorités administratives sont elles aussi une remise en cause de la société politique française telle qu'issue de la Révolution autour du pouvoir politique d'un Etat unifié281. Dès lors, ne faudrait-il pas considérer que les deux évolutions iraient bien de paire, c'est-à-dire que les organisations intermédiaires que sont les associations, seraient des acteurs adéquats face à des Autorités administratives indépendantes que l'on peut considérer aussi comme des organisations intermédiaires entre l'Etat hiérarchique unifiée et la population ? Il y aurait une logique forte pour associer les deux pouvoirs, celui des associations et celui des régulateurs indépendants. Pour l'instant, la jonction n'est que peu faite et l'on observe que les associations sont relativement peu actives et relativement peu conscientes de l'importance que pourraient avoir les Autorités administratives indépendantes au regard de leur propre action282.

11.1.6. La variation des associations suivant leur objet et suivant la mission de l'Autorité administrative indépendante. Si le législateur souhaitait favoriser l'action des associations, alors même qu'il ne les favorise guère devant les juridictions (même si reste en suspens l'adoption d'actions de groupe, dans la version la plus modeste de celles-ci, c'est-à-dire avec opting in, ce qui éloigne en toutes hypothèses l'exemple nord-américain des class actions), ce qui pourrait se justifier du fait que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas des juridictions et doivent mener des actions publiques contenues, il convient, soit de limiter l'action des associations à la démonstration d'une corrélation entre la mission de l'association en cause et la mission de l'Autorité saisie, soit faire jouer à leur propos aussi le pouvoir de filtrage évoqué plus haut.

CHAPITRE VI
LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES
ET LES JURIDICTIONS

12.0.1. Juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes et influence juridictionnelle. Il a été montré que la nature même des pouvoirs exercés par les Autorités administratives indépendantes, lorsqu'ils prennent la forme d'un pouvoir de sanction ou de règlement des différends, entraînent nécessairement une juridictionnalisation de celles-ci283. Cela n'est pas indifférent aux rapports que les Autorités administratives indépendantes entretiennent avec les juridictions, les juridictions contrôlant de plus en plus fortement les Autorités au fur et à mesure que leurs pouvoirs deviennent analogues. Mais le rapport n'est pas seulement de contrôle, il doit être avant tout un rapport de coopération, notamment parce que de nombreuses Autorités, y compris celles qui s'analysent elles-mêmes sans pouvoirs juridiques forts, par exemple le Médiateur de la République, sont dotées du pouvoir de saisir les juridictions et y attachent une grande importance, et d'une façon plus générale parce que les deux types d'institutions appartiennent à l'Etat.

12.0.2. L'impact sur le système politique français. Cette présence nécessaire des juridictions, du fait du type de pouvoirs attribués aux Autorités administratives indépendantes, a accru l'importance des juges dans l'action de l'Etat. Cette évolution, en décalage par rapport à l'organisation politique française traditionnelle, tend à établir les juridictions en pouvoir, et à rapprocher notre système politique du système anglo-nord-américain284.

SECTION 12 : BILAN DE LA COOPÉRATION ENTRE LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET LES JURIDICTIONS

28. La coopération horizontale entre les autorités administratives indépendantes et les juridictions

12.1.1. L'importance pour les Autorités administratives indépendantes du rapport avec les juridictions. Notamment parce que les Autorités ne sont pas elles-mêmes dotées du pouvoir de sanctionner ou de trancher les différents, mais qu'elles exercent plutôt un pouvoir d'expertise, d'information, de médiation et d'alerte, et surtout lorsque les Autorités ont une compétence horizontale et non pas sectorielle, la qualité et l'intensité du rapport avec les juridictions sont essentielles. Il en est ainsi par exemple de la HALDE, pour l'instant non encore dotée de sanction, du Haut Conseil au Commissariat aux comptes285, ou du Défenseur des enfants286.

12.1.2. Les Autorités administratives indépendantes, experts gracieux des juridictions. L'asymétrie d'information dont souffrent les Autorités administratives indépendantes287, est démultipliée au détriment des juridictions, moins proches des situations générales, saisies uniquement de cas particulier, composées de magistrats formés au droit et relativement peu à d'autres disciplines, alors que les actions de toutes les Autorités administratives indépendantes ne donnent qu'une part relativement limitée au droit. En outre, les juridictions ne sont généralement pas spécialisées, ce qui accroît la difficulté de la tâche des magistrats. C'est pourquoi il est essentiel de prévoir que les Autorités administratives indépendantes peuvent, sans exception, fournir des avis à des juridictions, sans exception, ou interpréter le silence des textes dans ce sens. Le fait qu'il s'agisse d'avis techniques gratuits pour le service public de la justice n'est pas leur moindre qualité.

12.1.3. Discussion autour de la présence des Autorités administratives indépendantes à l'occasion des recours formés contre leurs décisions devant les juridictions. C'est souvent de cette façon que l'on justifie la présence des Autorités administratives indépendantes dans la procédure de recours formée contre leurs décisions devant une juridiction. Ce pouvoir est accordé par de nombreux textes, Autorité par Autorité. Il en est ainsi de l'AMF, de l'ARCEP, de la CRE ou du Conseil de concurrence. Cela correspond en outre à la règle classique du contentieux administratif qui estime logiquement que l'auteur d'une décision administrative participe au procès fait à l'acte.

12.1.4. Dès lors, si l'on s'en tient aux qualifications françaises, les Autorités en cause étaient de nature administrative, elles adoptent des décisions administratives dont elles défendent la légalité, voire l'opportunité, devant le juge qui doit l'apprécier. Mais si l'on se réfère aux qualifications européennes288, les Autorités qui adoptent des décisions de sanction ou qui tranchent un litige opèrent « comme » des juridictions et doivent dès lors être traitées « comme » telles, c'est-à-dire en principe interdites de défendre leurs décisions, car les juridictions ne défendent pas leur jugement en appel.

Il en résulte que l'interprétation à faire des dispositions contraires que la souveraineté du législateur a insérées dans le système juridique, par le pouvoir de formuler des observations, doit être interprétée restrictivement. Cela fut fait par la Cour de cassation289, mais la solution est contestée par des observateurs plus sensibles à la culture de droit public. Les qualifications juridiques sont ici fondamentalement une question de culture juridique, dommageable en ce que les Autorités administratives indépendantes, de la même façon qu'elles sont libérées de la tutelle de l'exécutif, gagnent à échapper à l'opposition traditionnelle entre le droit public et le droit privé.

29. La coopération verticale entre les autorités administratives indépendantes et les juridictions

12.1.5. Les juridictions, contrôleurs légitimes et légitimant des Autorités administratives indépendantes. L'Etat de droit oblige que les décisions individuelles des Autorités administratives indépendantes soient soumises à un contrôle juridictionnel. Le droit français est très clair sur le principe, imposé d'ailleurs par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'Homme290. La distinction vient plutôt de la désignation d'une juridiction judiciaire ou d'une juridiction administrative pour ce faire, ce qui sera examiné plus loin.

L'essentiel tient dans la compétence technique des magistrats, d'un ordre ou de l'autre, qui connaissent de ces recours, notamment lorsque la décision prises par l'Autorité est très technique (ce qui est plus souvent le cas pour les régulateurs économiques291), l'observation valant aussi bien pour les magistrats que pour les experts qui les assistent292.

12.1.6. Le recours comme mode de coopération. Il faut que le législateur veille à ne pas monter les Autorités administratives indépendantes contre les juridictions et réciproquement. On observera que les cas d'annulation ou réformation sont assez rares et portent généralement sur des questions de procédure ou d'une façon plus large sur la « façon de faire » de l'Autorité lors de l'exercice de ses pouvoirs293. C'est pourquoi le recours doit constituer un mode vertical de coopération, ce qui est toujours difficile entre des institutions se définissant dans un tel cas comme un contrôlé face à un contrôleur. C'est à ce titre que le pouvoir exceptionnel pour les Autorités administratives indépendantes de formuler des observations devant la juridiction de recours, est justifié. En outre, mais cela n'est pas affaire de législation mais de pratique, les rencontres régulières et les échanges non seulement d'informations techniques mais encore de culture (par exemple culture économique et culture juridique), sont le véritable gage de faire en sorte que les recours ne soient pas des procédés d'annihilation d'un pouvoir par un autre, mais une coopération efficace.

SECTION 13 : L'INTERFÉRENCE DE L'ACTION DES JURIDICTIONS SUR L'ACTION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

30. La concomitance des procédures propres aux autorités administratives indépendances et des procédures ordinaires devant les juridictions et les instances disciplinaires

13.1.1. La tendance à multiplier les concomitances des procédures Ce n'est pas parce que les Autorités administratives indépendantes sont titulaires de pouvoirs de type juridictionnel, ce qui est nécessaire à l'efficacité de leur action294, que les compétences ordinaires des juridictions cessent. C'est pourquoi le droit positif a multiplié la concomitance des procédures, analogues devant les Autorités administratives indépendantes et devant les juridictions. Cela est la conséquence nécessaire de deux logiques, l'une tenant à l'efficacité de l'action publique, l'autre tenant à l'office ordinaire des juridictions de sanctionner et de trancher des litiges, deux logiques générales et fondamentales qui ne peuvent pas s'écarter l'une l'autre.

13.1.2. Les inconvénients pratiques de la concomitance. Il en résulte une complexité du système, un coût important et des comportements opportunistes de la part d'opérateurs puissants qui peuvent à leur choix faire jouter les uns plutôt que les autres, les uns contre les autres. Les avocats dont l'importance est corrélée à la juridictionnalisation de l'action des Autorités administratives indépendantes et à l'ampleur du contrôle de leurs actions par les juridictions sont au service de telles stratégies, légitimes pour ceux qui les mènent, dommageables pour le système. Mais l'expérience montre que l'action des Autorités et l'action des juridictions, que les parties prenantes peuvent saisir en première instance et alors même que le droit laisse faire cette concomitance et n'organise notamment pas d'autorité de chose décidée au bénéfice des Autorités à l'égard des juridictions ordinaires, les conflits ne sont guère advenus. Sans doute faut-il se contenter de cette satisfaction pratique sur une organisation juridique pourtant lacunaire, puisque les deux compétences se superposent sans hiérarchie ni opposabilité. Le droit de la concurrence est exemplaire à ce titre, puisque de fait l'application concomitante qu'en fait le Conseil de la concurrence et à sa suite la Cour d'appel de Paris, et les juridictions administratives sous le contrôle du Conseil d'Etat, ne produit pas de divergences substantielles. Si celles-ci existaient, elles seraient insurmontables car le système juridique français ne comprend pas de juridictions aptes à briser une divergence de jurisprudence (sauf à ce que le Parlement vienne briser une des jurisprudences), mais ces divergences n'adviennent pas, ou sur des points de détail, ou d'une façon provisoire.

13.1.3. L'inconvénient de principe lié au principe non bis in idem. Lorsqu'il s'agit du pouvoir de sanction, l'inconvénient devient de principe. Le Conseil constitutionnel lui-même après avoir admis le cumul des sanctions administratives prononcées par les Autorités administratives indépendantes avec les sanctions pénales prononcées par les tribunaux répressifs295 a exprimé des réserves par sa décision 96-378 DC du 23juillet 1996 en raison de la valeur constitutionnelle de la règle non bis in idem. Même si la censure du Conseil constitutionnel demeure incertaine, sa décision pouvant prêter à interprétation, le législateur doit être lui-même sensible à cette protection des personnes, que le principe de proportionnalité ne suffit pas à établir296 et alors même qu'il est établi que le pouvoir de sanction est nécessaire à l'efficacité de l'action des Autorités administratives indépendantes.

13.1.4. Le modèle de l'Autorité des Marchés Financiers. La question a été profondément discutée devant le Parlement à l'occasion de la création de l'AMF et au regard de l'expérience du pouvoir de sanction exercé par la COB. Pour rendre admissible ce pouvoir de sanction, sans lequel l'Autorité perd une grande partie de l'efficacité de son action et alors même que les juridictions n'ont pas les moyens d'avoir une efficacité équivalente, et dont la disparition aurait donc fait diminuer considérablement l'efficacité de l'action de l'Etat dans la régulation des marchés financiers, le législateur a tout d'abord distingué fonctionnellement dans l'organisation de l'Autorité l'exercice du pouvoir de sanction de l'exercice des autres pouvoirs297. La Commission des sanctions, organe distinct du collège, peut donc constituer un exemple à suivre. En outre, la loi a prévu que l'Autorité qui décide d'ouvrir une procédure administrative de sanction se voit alors privée du droit de saisir des juridictions répressives, alors qu'à l'inverse, elle peut, facilitée en cela par sa nouvelle personnalité morale298, non seulement saisir les juridictions pénales mais encore se constituer partie civile, dès l'instant qu'elle renonce à ouvrir pour son compte une procédure de sanction. Cette organisation qui laisse perdurer les deux types de procédure, procédure administrative de sanction et procédure pénale de sanction, établit un équilibre conforme au principe constitutionnel non bis in idem, sans plus recourir à l'argument sophistique de la distinction de nature entre sanction administrative et sanction pénale299, et en ne diminuant pas l'efficacité de l'action de l'Etat, portée par l'Autorité administrative indépendante.

31. La clarification du contrôle juridictionnel des autorités administratives indépendantes

13.1.5. La diversité des juridictions de recours contre les régulateurs économiques. Les Autorités administratives indépendantes ont longtemps relevé du contrôle du Conseil d'Etat, conséquence naturelle de leur nature administrative, solution ayant l'avantage de la simplicité et l'avantage de solutions juridictionnelles unifiées. Cela demeure fondamentalement le cas des régulateurs de médiation et de protection des personnes et des libertés publiques300. Mais la législation a, à partir de 1987, transféré la compétence du contrôle vers la Cour d'appel de Paris, notamment pour le Conseil de la concurrence, le régulateur des marchés financiers, etc. (à l'exception notable des Autorités de régulation bancaire, Commission bancaire et CECEI qui demeurent sous le contrôle du Conseil d'Etat). Il en a résulté une complexité dans l'organisation des recours juridictionnels.

13.1.6. La complexité qui résulte de la diversité des juridictions de recours et l'interférence du critère du type de pouvoirs exercés par les régulateurs économiques. La complexité ne vient pas tant du fait que certaines Autorités relèveraient du juge administratif et d'autres du juge judiciaire, la répartition étant plus fine et compliquée que cela. En effet, suivant le type de pouvoir exercé par l'Autorité, le recours sera porté soit devant la Cour d'appel de Paris, soit devant le Conseil d'Etat. Si l'Autorité n'exerce qu'un seul type de pouvoir, par exemple le Conseil de la concurrence qui sanctionne les comportements anticoncurrentiels mais n'est pas doté de pouvoir ex ante, de pouvoir réglementaire ou d'agrément301, et dont les décisions relèvent du contrôle de la Cour d'appel de Paris. Mais dès l'instant que les pouvoirs sont diversifiés, alors l'exercice du pouvoir réglementaire relèvera du Conseil d'Etat et le pouvoir de règlement des différents de la Cour d'appel de Paris, conséquence naturelle du type de pouvoir exercé. La question du pouvoir de sanction est plus difficile, suivant qu'on le considère de type répressif (conduisant logiquement au juge judiciaire) ou de type disciplinaire (conduisant logiquement au juge administratif). Il en résulte que le Tribunal des conflits est amené régulièrement à statuer sur la compétence de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, aussi bien en matière financière302 qu'en matière énergétique303.

13.1.7. La perspective radicale d'une juridiction unifiée et nouvelle de contrôle des régulateurs économiques. Une solution radicale consisterait dans la création par le Parlement d'une juridiction absolument autonome, c'est-à-dire qui ne soit insérée ni dans l'ordre des juridictions judiciaires ni dans l'ordre des juridictions administratives, et compétente pour tout type de recours contre tout type de décision, prise par tout type d'Autorité administrative en charge d'une régulation économique.

13.1.8. Évaluation du coût d'une telle solution. Dans son principe, cette solution est très séduisante, ne serait-ce parce qu'elle prend acte de l'affaiblissement de la distinction entre droit public et droit privé en matière économique. Mais le coût d'un tel établissement est très élevé, non pas tant en termes financiers qu'en termes institutionnels et au regard de la sécurité juridique d'une telle solution304. En effet, si l'on estime que la question ne concerne que les régulateurs économiques et non pas les régulateurs sociaux de protection des personnes, cela suppose que l'on puisse très fermement classer les Autorités administratives indépendantes dans cette summa divisio, ce qui est en réalité difficile, notamment concernant le CSA305. En outre, il n'est pas sûr que doter d'un pouvoir de contrôle de légalité une juridiction n'appartenant pas à l'ordre des juridictions administratives passe aisément le contrôle du Conseil constitutionnel. Enfin, le coût institutionnel d'une telle liberté prise par rapport au principe de dualité des ordres est très élevé et la phase d'apprentissage technique risque d'être assez longue, engendrant une période d'incertitude juridique qui constitue en elle-même un risque et un coût.

13.1.9. Évaluation comparée de la difficulté de la solution par rapport aux difficultés de la situation qu'il s'agit d'améliorer. Cette sorte de dépense institutionnelle n'est pourtant pas inenvisageable si elle permet de résoudre une difficulté très grande. En effet, la dualité des ordres de juridictions peut être surmontée si elle produit de graves inconvénients. Mais l'observation pratique montre que les Autorités administratives indépendantes ne présentent pas cette question comme une difficulté majeure306. Plus encore, les opérateurs concernés par l'exercice que les régulateurs économiques font de leur pouvoir sont des entreprises puissantes et informées qui ont intégré la complication indéniable née de la dualité des ordres de juridictions et n'en demandent pas particulièrement la mise à l'écart. Ces entreprises demandent davantage des garanties de compétence technique et de droits processuels effectifs307 que l'édiction d'une juridiction de recours ad hoc. La difficulté qui pourrait justifier une telle édition est autre : le risque que court le système juridique lui-même, lorsqu'une même situation, ou l'exercice d'un même type de pouvoir, donne lieu à des solutions divergentes, dont l'antagonisme ne peut être résolu car les décisions contradictoires, soit dans leurs solutions particulières, soit dans l'interprétation du droit qui y a abouti (hypothèse plus grave), demeurent intactes, protégées chacune par leur ordre de juridiction. Mais là aussi l'expérience montre que les solutions sont articulées spontanément. Là encore, c'est affaire de pratique, notamment par la rencontre régulière des divers magistrats concernés.

CHAPITRE VII
LES AUTORITES ADMINISTRATIVES,
LE GOUVERNEMENT ET L'ADMINISTRATION

14.0. Les Autorités administratives indépendantes appartiennent à l'Etat mais échappent par nature au pouvoir exécutif, lequel fonctionne hiérarchiquement sous le pouvoir du Gouvernement. La difficulté de principe est forte et le modèle politique français de ce fait affecté308, mais en pratique l'insertion s'est opérée assez bien309.

SECTION 14 : LA QUESTION DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

32. Recensement et bilan des autorités administratives indépendantes disposant d'un « pouvoir réglementaire »

14.1.1. Rappel des Autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire. Comme il a été indiqué à l'occasion de l'examen des pouvoirs des Autorités administratives indépendantes, celles qui sont dotées d'un pouvoir réglementaire sont la CNIL, l'AMF, l'ARCEP, le CSA et la CRE. Ce pouvoir permet une action plus directe sur les structures, soit sociales, soit économiques des Autorités administratives indépendantes. Ce pouvoir réglementaire est souvent considéré comme l'un des plus importants parmi ceux dont les Autorités sont titulaires310. Des Autorités comme la Commission de Régulation de Énergie311 ou le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel312 en demandent l'extension.

14.1.2. La position du Conseil constitutionnel quant à la délégation du pouvoir réglementaire. Le Conseil constitutionnel a admis avec réticence cette délégation du pouvoir réglementaire, dont le Gouvernement est ainsi dessaisi313. Il ne l'a admis qu'à la condition que cet exercice délégué ne bénéficie à l'Autorité administrative indépendante qui l'exerce que proprio motu et non plus par transitivité du pouvoir constitutionnel du Gouvernement, soit à la fois précis et limité. Cette réticence, et la force de son fondement constitutionnel, expliquent sans doute que peu d'Autorités administratives indépendantes en soient dotées, ce qui entrave l'efficacité de leur action.

14.1.3. L'application peu rigoureuse du principe constitutionnel. Mais de fait, les Autorités dotées d'un tel pouvoir l'exercent largement. On peut citer à ce titre l'ampleur des règlements généraux de l'Autorité des Marchés Financiers, parfois en application directe de textes européens pour l'élaboration desquels le processus Lamfallusy lui a permis d'être active314. De fait, la légalité n'en est pas contestée par les entreprises parties prenantes, ce que l'on peut examiner comme une sorte de déplacement du contrôle315.

14.1.4. Exercice de droit et exercice de fait du pouvoir d'émettre des dispositions générales et abstraites. Soft Law et absence de contrôle juridictionnel. En outre, et plus encore si l'Autorité administrative en cause a du prestige et de l'autorité316, il suffit que, notamment par le biais de son Président, elle formule des observations générales, ou des anticipations, ou des souhaits, pour que le crédit dont elle dispose entraîne le respect de ces formulations générales par les parties prenantes, surtout si nous sommes dans un système auto observé, comme si elles étaient dotées d'une potée normative. On peut alors faire l'observation suivante. Si au nom de la réticence de principe, légitime et portée par le Conseil constitutionnel lui-même, on refuse à des Autorités le pouvoir réglementaire, une autorité pourra puiser dans son propre crédit pour l'exercer de fait, sur le mode d'une Soft Law dont on connaît la puissance, et sans que les parties prenantes disposent des protections juridiques que leur offre l'exercice d'un pouvoir juridique formel317. Sans doute vaut-il mieux que le droit confère, c'est-à-dire organise et limite, des pouvoirs plutôt que de feindre d'ignorer ceux qui sont exercés de fait.

33. Les conflits de compétence dans l'exercice du pouvoir réglementaire entre les autorités administratives indépendantes et l'administration

14.1.5. Le risque de heurt des compétences et le principe de soustraction des Autorités administratives indépendantes à l'emprise du pouvoir exécutif. Comme pour les juridictions qui ne peuvent être privées du pouvoir de juger sous prétexte que des Autorités administratives en sont dotées318, le Gouvernement ne peut être privé du pouvoir de réglementer sous prétexte que les Autorités en sont dotées. Mais ici la compatibilité est plus difficile car autant les juridictions sont en quelque sorte le contre-pouvoir concurrent et supérieur aux Autorités administratives indépendantes319, autant le pouvoir réglementaire ne peut pas s'exercer s'il revient, par des contradictions avec l'action des Autorités, à reprendre par cette voie une emprise hiérarchique.

14.1.6. La compétence législative d'organiser l'exercice du pouvoir réglementaire entre Gouvernement et Autorité administrative indépendante, « chacun en ce qui le concerne ». Non seulement, il faut que des textes désignent précisément les compétences respectives du pouvoir réglementaire général du Gouvernement et du pouvoir réglementaire particulier de l'Autorité, par exemple en matière de tarification, ou d'émission d'appel d'offre, mais encore seul le législateur peut le faire. En effet, pour revenir sous cet angle sur la question de la répartition du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire dans la création et l'élaboration des règles de fonctionnement des Autorités administratives indépendantes320, autant il est possible que le pouvoir réglementaire général détaille les principes arrêtés par le législateur321, autant lorsqu'il s'agit du pouvoir réglementaire de l'autorité, il serait sage que le législateur y procède lui-même.

SECTION 15 : L'ÉTAT TRADITIONNEL APPUYÉ SUR LES AUTORITÉS, LES AUTORITÉS APPUYÉES SUR L'ÉTAT TRADITIONNEL

15.0. L'enjeu entre coordination et insertion. De la même façon que les rapports entre les Autorités administratives indépendantes et les juridictions ne gagnent pas à être conflictuels322, les rapports entre l'action administrative générale et l'action particulière des Autorités administratives indépendantes doivent s'établir sur un mode coopératif. C'est l'indépendance des Autorités qui facilite cette coopération. Il n'est pas question que le rapport entre pouvoir exécutif et pouvoir de l'Autorité administrative indépendante s'opère sur un mode hiérarchique323. Mais l'enjeu est autre : est-ce que l'action gouvernementale doit s'articuler avec l'action de l'autorité, coopération de type extérieur, ou est-ce qu'elle doit pénétrer l'Autorité administrative indépendante elle-même ?

34. L'insertion de la considération des orientations de politique générale et des intérêts nationaux dans le fonctionnement des autorités administratives indépendantes

La composition ès qualités. C'est ce qui justifie la composition de certaines Autorités administratives indépendantes qui est opérée es qualités324. Est exemplaire le CECEI, dans lequel siègent des représentants directs de l'exécutif hiérarchisé325. On comprend bien que la préservation de la solidité bancaire est un enjeu national, auquel le Ministre doit être sensible. Mais l'importance de l'enjeu est précisément souvent ce qui a justifié que la fonction soit confiée à une Autorité indépendante, qui peut notamment maintenir dans le temps ses prises de position326. Dès lors, une telle composition consiste à reprendre d'une main l'indépendance que l'on a donné de l'autre, et d'une façon plus générale la composition ès qualités entraîne mécaniquement une suspicion sur l'indépendance de l'Autorité administrative indépendante, alors même que cette indépendance doit se donner à voir327. Dès lors, la composition ès qualités qui serait concevable concernerait des personnes qui, au titre d'une Autorité administrative indépendante particulière, pourraient être présentes de droit dans une autre Autorité, le fait de la désignation obligée ne portant alors pas atteinte à l'indépendance en raison de l'origine des personnes désignées. Il faut encore traiter à part la situation de la CNIL dans laquelle siègent deux députés et deux sénateurs. La Commission souligne que cela «contribue à assurer des relations régulières et directes avec le pouvoir politique »328. Il est vrai que la distance est moins cruciale entre l'Autorité et le Parlement qu'elle n'est entre l'Autorité et le Gouvernement. Mais si l'on en revient à des membres de l'administration traditionnelle, comment résoudre cette importance de ce sur quoi porte l'action de l'Autorité pour le Gouvernement et le principe d'impartialité apparente de l'Autorité ?

15.1.1. Le commissaire du Gouvernement. On retrouve ici une fois encore le commissaire du Gouvernement. Celui-ci a précisément pour fonction de faire entendre la voix du Gouvernement, qui doit avoir droit de parole, et par l'intermédiaire de son commissaire le droit de solliciter des délibérations, sans que cela ne doive jamais aboutir à se substituer à l'Autorité administrative indépendante. Dès lors et à ce titre, la présence d'un commissaire du Gouvernement permet d'articuler action gouvernementale et action de l'Autorité, sans porter atteinte à l'indépendance de l'Autorité.

15.1.2. Le pouvoir gouvernemental d'activer les Autorités administratives indépendantes. De la même façon, on retrouve ici le droit d'action. Le Gouvernement doit avoir le droit de saisir les Autorités sur des questions générales (par le pouvoir d'avis329) ou sur des cas particuliers, pour que celles-ci exercent leur office. En cela, lorsqu'il s'agit d'exercer le pouvoir de sanction administrative, le Gouvernement peut jouer le rôle analogue à celui du Ministère public devant les juridictions, sur le modèle du rôle joué par la DGCCRF à l'égard du Conseil de la concurrence, et sans que cela ôte l'opportunité d'attribuer par ailleurs à l'Autorité un pouvoir d'auto saisine330.

15.1.3. L'application à l'exemple des régulateurs bancaires. Ainsi, sans revenir sur l'opportunité déjà soulignée de faire fusionner la Commission bancaire et le CECEI331, l'on pourrait réformer la composition de cette Autorité, pour l'aligner sur la composition plus ordinaire des collèges des Autorités administratives indépendantes, dans lesquels les personnes sont désignées par des personnes légitimes pour le faire (généralement Président de la République, Présidents des Assemblées, etc.) 332, et non es qualités. S'il convient de juguler le risque d'une moindre compétence technique des personnes ainsi désignées par rapport à l'incontestable compétence technique des personnes désignées es qualités, alors il convient de mettre en œuvre les mesures proposées pour s'assurer de cette compétence technique333, voire adopter le système d'audition qui permet de s'en assurer334. En outre, la possibilité pour le Gouvernement à la fois d'exercer un droit d'action et le rôle que tiendrait un commissaire du Gouvernement pour faire entendre sa voix, permettraient sans doute par l'ensemble de ces dispositions corrélées d'améliorer le dispositif institutionnel, de l'aligner sur un modèle plus commun et de maintenir les exigences de compétence technique et d'action gouvernementale.

15.1.4. La haute main du Parlement. En toutes hypothèses, le pouvoir législatif a le pouvoir et le devoir d'assurer l'unité de l'action générale de l'Etat et de l'action d'intérêt général, lorsque l'action gouvernementale vient à heurter l'action normative (de fait ou de droit) des Autorités administratives indépendantes. C'est une raison de plus pour que le Parlement accorde une attention particulière, renforcée et constante, sur l'action des Autorités administratives indépendantes335. C'est également la raison pour laquelle les Autorités elles-mêmes reconnaissent sans difficulté cette supériorité336.

35. L'usage des services de l'état par les autorités administratives indépendantes dans l'exercice de leurs missions

15.1.5. Distinction des services intégrés et des services à l'extérieur des Autorités administratives indépendantes. La capacité des Autorités administratives indépendantes à obtenir des informations est essentielle337. Elles ne disposent pas toujours des moyens techniques338, ou financiers339, pour y procéder. C'est pourquoi, de la même façon que les autres institutions de l'Etat, notamment les juridictions, doivent bénéficier de l'expertise des Autorités340, symétriquement les Autorités administratives doivent pouvoir compter sur l'expertise de l'administration traditionnelle, ou plus simplement accéder à des informations normalement indisponibles, comme celles tenues par la Gendarmerie (pour lesquelles les membres de la CNIL ont un accès particulier), ou plus largement couverte d'ordinaire par le secret professionnel. Le cas de la Commission consultative du secret défense est l'illustration extrême de cette capacité à obtenir toute collaboration. Cela peut se faire sur le mode de l'intégration : ainsi, la réforme du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage passe non seulement par de nouveaux pouvoirs et l'attribution d'une personnalité morale, mais encore et surtout par la mise sous son contrôle des laboratoires techniques dont l'expertise immédiatement disponible est cruciale pour cette lutte si difficile.

15.1.6. Le principe d'un pouvoir d'accès général à l'expertise de l'administration traditionnelle. Si l'expertise requise, et il en existe toujours une quel que soit le type d'Autorités et quel que soit le type de mission qui lui est confié, ce qui justifierait que cela soit visé dans une éventuelle loi-cadre, existe dans l'administration traditionnelle, et que son internalisation dans l'Autorité n'est pas par ailleurs la solution la plus efficace341, alors il serait opportun de prévoir un droit pour toutes les Autorités administratives indépendantes de solliciter des expertises de la part des services intégrés de l'Etat. Ces relations d'expertise peuvent aussi être des relations de coopération. On peut prendre l'exemple du Médiateur de la République, qui dispose de « correspondants ministériels », mis en place par une circulaire du Premier Ministre, et qui permet au Médiateur de trouver l'interlocuteur pertinent. D'une façon plus générale, les Autorités en charge de trouver des solutions à des situations sociales individuelles ont développé des liens avec les services sociaux et judiciaires de l'Etat. Cela est également vrai pour le Défenseur des enfants, et cela fût une des premières actions de la HALDE342.

15.1.7. La possibilité symétrique pour l'administration traditionnelle de bénéficier de l'expertise des Autorités administratives indépendantes. Symétriquement, les Autorités administratives indépendantes sont souvent mises en valeur, voire justifiées dans leur création même, par le niveau d'expertise que permet leur concentration sur un seul objet. De cette expertise là aussi l'administration traditionnelle peut bénéficier dans des relations de travail, notamment dans une perspective européenne, sans que l'indépendance de

l'Autorité en soit affectée343. Par exemple, l'Autorité des Marchés Financiers et la Direction du Trésor coopèrent dans l'action internationale de l'Etat en matière de marchés financiers. Il arrive également fréquemment que les Autorité participent à des réseaux d'administration de recherche des preuves, comme Eurojust, comme le fait notamment la CNIL344.

CHAPITRE VIII
LES MOYENS FINANCIERS ET LA PLACE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES DANS L'ARCHITECTURE
BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT

16.0.1. L'importance et la pratique des budgets. Le budget n'est pas de l'intendance. Il est l'expression de la politique même, puisqu'il consiste à mettre en masse des moyens en fonction de buts, concrétisation donc d'une volonté d'action. De la même façon, la maîtrise d'un budget, en amont dans sa constitution à travers les ressources, puis dans son architecture qui suppose l'affectation dans ces ressources de montants disponibles pour tel ou tel usage, enfin en aval dans sa dépense effective, est le signe le plus tangible de la puissance d'action et de l'autonomie de décision.

16.0.2. Le paradoxe budgétaire des Autorités administratives indépendantes. Le budget est donc un mode de gouvernement, à ce titre la LOLF est indissociable de la réforme de l'Etat. En effet, la LOLF consiste à concevoir l'action de l'Etat en missions, elles-mêmes décomposées en programmes, dotées de moyens financiers, répartis dans un certain nombre d'actions. Le changement vient dans l'association d'une part du pouvoir des directeurs de missions et de programmes de réallouer les sommes en fonction des besoins en cours d'exercice budgétaire, et d'autre part de leur obligation de rendre compte de l'usage fait de ces moyens, à travers des indicateurs de performance dessinés en fonction des buts poursuivis. Ce n'est pas que reprendre des outils de saine gestion, déjà utilisés

en interne par de nombreuses Autorités administratives indépendantes345. Ainsi la liberté, la responsabilité et la reddition des comptes sont fortement liées, ce qui renvoie à une conception politique de l'exercice du pouvoir. On pourrait penser que les Autorités administratives indépendantes fonctionnant selon le même mode de gouvernement, il devrait y avoir rencontre aisée. Mais c'est le contraire, précisément parc que les Autorités administratives indépendantes tiennent de leur nature ce pouvoir d'autonomie budgétaire ... mais qu'elles ne constituent pas dans la LOLF un programme. Dès cet instant et du fait même de cette identité, la LOLF se retourne contre les Autorités administratives indépendantes, par leur insertion dans des programmes, c'est-à-dire en les soumettant à un pouvoir de décision budgétaire en cours d'exercice346, diminution apparente de leur propre maîtrise, c'est-à-dire de leur apparente autonomie347.

16.0.3. Les trois dimensions de l'indépendance budgétaire. Il faut distinguer trois types d'autonomie, qui ne sont pas nécessairement alignées entre elles. Tout d'abord, l'indépendance financière, figure la plus radicale, concerne les modes de financement même de l'Autorité. Ensuite, l'indépendance de programmation et d'exécution budgétaire qui permet à l'Autorité de concevoir et de conduire les dépenses qui lui paraissent les unes par rapport aux autres nécessaires à l'exécution de sa mission. Enfin, l'autonomie de gestion budgétaire permet à l'Autorité d'opérer concrètement les achats, de signer les baux, d'opérer les paies, etc. Sans doute, l'enjeu le plus symbolique réside dans l'indépendance financière, mais l'enjeu le plus concret, dès l'instant que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas dotées de budgets misérables, est dans l'autonomie de programmation et de gestion financière.

SECTION 16 : L'ADAPTATION DES MOYENS FINANCIERS À L'INDÉPENDANCE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES

36. Autonomie de gestion financière dont disposent les autorités administratives indépendantes

16.1.1. L'autonomie budgétaire des Autorités administratives indépendantes. Les Autorités administratives indépendantes disposent en général d'une autonomie budgétaire, c'est-à-dire qu'à l'inverse des Établissements publics administratifs, elles élaborent librement et exécutent selon leur volonté leur budget. Elles revendiquent hautement ce pouvoir, jugé indispensable à leur indépendance348. Certes, cette liberté est limitée par la dimension même de leur budget, dans l'attribution duquel elles ne sont généralement pas maîtresses349. Certains estiment que la LOLF a changé les mœurs, y compris à ce propos, du fait de l'insertion dans un programme350. L'autonomie de gestion devrait s'en suivre, mais les Autorités administratives indépendantes ne revendiquent pas nécessairement cette autonomie là, dans la mesure où il s'agit souvent de petites structures, dont l'efficacité serait handicapée par une trop forte mobilisation autour de ces tâches de gestion. C'est ainsi que des Autorités administratives indépendantes peuvent conclure des conventions de gestion avec leur ministère de rattachement, comme le fait le Conseil de la concurrence à l'égard du Ministère de Économie et des Finances.

16.1.2. Contrôle financier et indépendance des autorités administratives indépendantes. La très grande majorité des Autorités administratives indépendantes sont dispensées du contrôle financier, le Médiateur de la République disposant même d'un compte bancaire auprès de la paierie générale du Trésor,

tandis que certaines en supportent encore351. Certes, et ce fut une cause d'inquiétude pour certaines, les procédures informatiques, conçues pour l'ensemble des organes de l'Etat, avaient prévu le visa du contrôle financier et mécaniquement refusaient de poursuivre le processus si la case n'était pas cochée, ce qui a conduit à restaurer un semblant de contrôle financier pour éviter tout blocage des dépenses afin que la souplesse requise ne soit pas techniquement mise dans le programme informatique. Le mécontentement qui a été manifesté à ce propos montre que la spécificité des Autorités administratives indépendantes a du mal à être prise en considération techniquement, du fait même qu'il s'agit de petites structures. Certes, l'absence de contrôle financier n'a pas que des avantages et il a pu être souligné que cela prive l'Autorité d'une sécurité dans sa gestion et d'un confort par rapport à sa responsabilité. Cela montre que s'il convient de prévoir, là aussi une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes en serait le lieu, qu'elles sont dispensées du contrôle financier, cela doit être mis en balance avec l'organisation de leur reddition des comptes.

37. Adéquation des moyens financiers des autorités administratives indépendantes à leur mission

16.1.3. Les Autorités administratives indépendantes dotées de ressources propres. Lorsque les Autorités administratives indépendantes disposent de ressources propres, elles passent du stade de l'autonomie budgétaire à celui de l'indépendance budgétaire. Cette situation est encore rare mais caractérise l'une des plus importantes, l'Autorité des Marchés Financiers, laquelle reprend en cela un système qui fonctionnait déjà pour la COB352. Certes, l'ARCEP a également des ressources puisées sur des prélèvements sur le secteur mais son budget reste intégré dans celui de l'Etat. Le modèle demeure donc celui de l'AMF, puisque le budget annuel de l'Autorité repose sur des prélèvements opérés sur les entreprises concernées, à l'occasion des sollicitations qu'elles font du régulateur pour telle ou telle opération. La question est ici de savoir si le système des ressources propres présente des avantages si nets que l'on devrait songer à le généraliser, pour tout ou partie du budget considéré353, à toutes les Autorités administratives indépendantes, lorsque cela est techniquement possible. Cela avait été envisagé au profit de la Commission de Régulation de Énergie354.

16.1.4. La perspective de privilégier l'attribution de ressources propres à d'autres autorités en vue de renforcer leur indépendance. Mais il convient avant cela de souligner tout d'abord que nous retrouvons ici la distance entre le fait et le droit. Dans une analyse strictement juridique, on peut exprimer un souci pour les Autorités administratives dont l'indépendance est menacée par une direction du budget bras armé d'un Gouvernement désireux de remettre la main sur les Autorités administratives indépendantes, et qui sont toujours à la merci de mesures de rétorsion. De fait, on n'en trouve guère d'exemple et il est souvent souligné qu'au contraire, les Autorités administratives indépendantes sont traitées plus généreusement dans le budget de l'Etat que des administrations traditionnelles aux missions équivalentes, notamment quant à l'attractivité pour de jeunes fonctionnaires d'intégrer des Autorités administratives indépendantes plutôt que des administrations traditionnelles, ce qui finit par pénaliser celles-ci355. La seconde remarque souligne qu'en toutes hypothèses toutes les Autorités administratives indépendantes ne pourront pas bénéficier de ressources propres dans la mesure où cela présuppose l'existence d'un secteur économique concerné, dont les entreprises pourront payer par injonction de la loi une contribution à l'institution dont l'activité bénéficie au secteur356.

16.1.4.1. Le risque de partition entre les Autorités, engendré par une extension du système de l'indépendance budgétaire. Certes, l'on peut concevoir un tel rapport alors même que l'Autorité ne contribue pas directement au cas par cas à la situation des entreprises, comme c'est le cas pour l'AMF ou pour l'ARCEP, mais que néanmoins son activité concerne directement un secteur économique particulier, par exemple le secteur de l'audiovisuel pour le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, ou le secteur de la santé non seulement pour la Haute Autorité de la Santé mais encore pour le Comité consultatif national d'éthique. L'on pourrait ainsi concevoir des prélèvements directs sur les entreprises concernées. Mais un tel raisonnement ne peut plus valoir pour des Autorités ayant une activité transversale, comme le Conseil de la concurrence ou le Médiateur de la République, ou pour les Autorités dont l'intervention est spécifique mais non rattachée à une activité économique, comme le Défenseur des enfants. Dès lors, une extension de l'indépendance budgétaire pourrait engendrer, notamment parce que cela signifierait de plus importants budgets à la disposition de l'Autorité bénéficiaire, une sorte de partition dommageable entre les riches régulateurs économiques et des régulateurs dits sociaux moins bien lotis. Par exemple, la CNIL a estimé dans un rapport fait au Premier Ministre en 2005 n'avoir pas les moyens nécessaires à son action, dont l'accroissement est due à la montée en puissance des technologies, aux nouveaux pouvoirs dont elle est dotée et lorsqu'elle protège un droit fondamental357. L'argument est de même double nature pour le CSA358. Lorsque Le Défenseur des enfants l'estime également, il le fait en raison de l'enjeu même de sa mission et d'une nécessité de présence sur l'ensemble du territoire. Plus nettement encore, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité a protesté en 2005 contre l'insuffisance de son budget.

16.1.4.2. Les avantages de l'indépendance budgétaire. Cette perspective de partition, du fait que, même adoptée dans son principe, l'indépendance budgétaire ne serait techniquement accessible que pour certaines Autorités, est à mettre en rapport avec les avantages de l'indépendance budgétaire. De fait, l'indépendance budgétaire permet aux Autorités administratives indépendantes d'échapper au temps général de disette budgétaire auquel l'Etat tout entier est soumis. Il faut d'ailleurs ici se demander s'il est tout à fait juste que seules elles y échappent359. Mais principalement, l'indépendance budgétaire permet aux Autorités administratives indépendantes d'échapper à la capture par le Gouvernement sans succomber à la capture par les entreprises concernées par leur action. En effet, d'une part, toute négociation avec la Direction du budget devient inutile (risque de capture en amont) et toute rétorsion par des diminutions de budget lors de l'exercice budgétaire suivant une action de l'Autorité qui aurait déplu au Gouvernement est également mécaniquement exclue. Certes, si l'on prend l'exemple de l'AMF, la direction du Trésor choisit dans la fourchette visée par la loi le pourcentage exact de ce prélèvement, mais cela ne peut guère constituer un moyen de pression. Pour autant, l'indépendance budgétaire ne jette pas les Autorités administratives indépendantes dans une dépendance à l'égard des entreprises du secteur car ce n'est point à la demande de l'Autorité qu'elles procèdent au versement des sommes convenues mais bien sur ordre de la loi, ce qui préserve donc l'autorité.

16.1.4.3. La rupture nécessaire de l'indépendance budgétaire et de l'irresponsabilité. Le premier inconvénient de l'indépendance budgétaire est le risque de dérive dans les dépenses, notamment des dépenses somptuaires, dérives que l'absence de contrôle financier rend possible, et que l'absence de contrôle a priori à travers la négociation budgétaire ne limite plus. Cet inconvénient doit être neutralisé par une reddition des comptes accrue. Si une reddition des comptes n'est pas organisée très fermement, alors l'indépendance budgétaire devient infondée, voire dangereuse. C'est enfin face à un tiers, qui n'est plus en amont la Direction du budget, mais doit être en aval soit la Cour des comptes soit le Parlement lui-même, que les Autorités administratives indépendantes doivent alors répondre de l'adéquation de leurs moyens par rapport à leur mission.

16.1.4.4. L'indépendance budgétaire des Autorités administratives indépendantes, le souci de l'unité de l'Etat et l'équité entre organismes étatiques. Il a déjà été souligné que, de fait, les Autorités administratives indépendantes sont budgétairement mieux traitées que les administrations traditionnelles. Plus fondamentalement, l'indépendance budgétaire met un fossé entre l'administration traditionnelle et les Autorités administratives indépendantes. Cela diminue encore l'unité de l'Etat et nous retrouvons ici la question fondamentale de savoir s'il faut prendre acte du délitement, créer des Autorités administratives indépendantes qui tout à la fois y suppléent mais l'accroissent, ou demeurer dans une perspective de réaction360.

SECTION 17 : INDÉPENDANCE BUDGÉTAIRE ET INDÉPENDANCE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES

38. Incidence de l'insertion des autorités administratives indépendantes à la LOLF

17.1.1. Rappel des principes de la LOLF. Nous avons vu que la LOLF préserve certes le principe d'une attribution des budgets selon les mécanismes traditionnels des négociations entre les ministères et administrations et l'administration du budget, avant d'être soumis au débat budgétaire au Parlement. L'innovation est donc dans l'établissement de programmes au sein desquels une flexibilité en cours d'exercice budgétaire est offerte au directeur du programme.

17.1.2. L'indépendance confrontée aux modes d'attribution du budget. S'il est vrai que la véritable indépendance budgétaire, par l'attribution de ressources propres, permet de préserver les Autorités administratives indépendantes d'une pression a priori exercée par le Gouvernement, il demeure que dans les faits celle-ci s'exerce peu. Au regard de l'indépendance, l'attribution de ressources propres a donc pour premier avantage de soustraire les Autorités de la diète générale à laquelle est soumis l'Etat, ce qui peut être plus ou moins justifié dans son principe, et leur donner une indépendance apparente, c'est-à-dire qui se donne à voir, asseyant ainsi davantage leur autorité, leur prestige, leur crédit. Cela serait ultimement la meilleure raison d'attribuer ces ressources propres aux Autorités administratives indépendantes, lorsque cela est techniquement possible361. Mais des ressources propres ne sont envisageables dans le cadre de la LOLF que si l'activité de l'Autorité permet d'envisager une redevance. Cette possibilité doit non seulement exister de droit, c'est-à-dire en présence de personnes aptes à payer une telle redevance en corrélation avec l'activité de l'Autorité, ce qui est relativement peu souvent le cas. Elle doit encore exister en fait, c'est-à-dire que la collecte de la redevance soit concrètement aisée, soit qu'il s'agisse d'une redevance liée à l'acte (comme en partie pour l'AMF), soit qu'il s'agisse d'une somme prélevée sur peu d'opérateurs. Cette dernière observation vaut aussi pour les taxes, cette condition étant par exemple satisfaite au bénéfice de la Commission de Contrôle des Assurances, des Mutuelles et des Institutions de Prévoyance.

17.1.3. Retour sur l'interférence avec l'attribution de la personnalité morale et la perspective de prélèvement direct : la sortie de la LOLF. La personnalité morale prend ici une nouvelle importance. En effet, en raison de la contrainte que peut exercer directement tout directeur de programme, si l'Autorité est tout à la fois dotée d'une personnalité juridique et de ressources propres, elle peut n'être plus concernée par la LOLF  ! C'est ici un arbitrage politique qui doit

être fait362. Est-ce que l'indépendance des Autorités administratives indépendantes, en tant qu'elle se donne à voir, car dans les faits leur indépendance n'est guère écornée mais l'on doit bien comprendre l'importance de l'apparence en la matière, justifie que les règles fondatrices de l'Etat, c'est-à-dire dans la tradition française l'Unité, soient écartées ! On peut considérer que dans leur existence même, les Autorités administratives indépendantes constituent déjà cette atteinte, que l'on peut concevoir l'Etat sur un mode plural, se rapprochant des conceptions politiques des pays nordiques ou anglo-nord-américains, et qu'il faut en tirer les conséquences dans l'organisation et le fonctionnement du budget de l'Etat. Le Parlement est le lieu le plus légitime pour en décider.

17.1.4. L'indépendance confrontée au pouvoir de régulation des crédits et au principe de leur fongibilité entre les mains du directeur du programme. La LOLF met en masse les moyens budgétaires au regard de missions globales. Par nécessité, parce que la LOLF est également un instrument de lisibilité du budget général de l'Etat, les masses budgétaires concernées sont nécessairement de grande ampleur. Cela explique qu'en l'état les Autorités administratives indépendantes sont dispersées dans divers programmes, par exemple la CNIL dans la mission du ministère de la justice, le Conseil de la concurrence dans la mission de régulation économique du ministère de l'économie, ou le CSA dans la mission des services du Premier Ministre. Or, par nature, le directeur du programme peut exercer son pouvoir de régulation budgétaire en cours d'exercice au détriment d'une Autorité indépendante au profit d'un autre organisme inséré dans le même programme. Ici encore, il faut avoir conscience de la distance entre le fait et le droit. De droit, cette insertion dans des programmes et ce mélange avec des administrations dépendantes, cette soumission à une règle commune permettant au directeur du programme de dépouiller l'Autorité administrative indépendante au profit d'une administration dépendante (par exemple le Conseil de la concurrence au profit de la DGCCRF, puisqu'ils appartiennent au même programme budgétaire) est préoccupante, voire choquante. De nombreuses Autorités protestent contre le principe même de cette fongibilité363. Mais de fait, d'autres Autorités administratives indépendantes ne craignent pas cette perspective, estimant qu'elles ne présentent pas, en raison de la faiblesse relative de leur budget, des cibles intéressantes pour une telle régulation. Il demeure que si l'on s'en tient au fait que l'indépendance doit non seulement exister mais encore se donner à voir, il faut réfléchir à une meilleure articulation entre la LOFL et le principe d'indépendance.

39. Perspective de réarticulation entre logique de la LOLF et préservation de l'indépendance des autorités administratives

17.1.5. La perspective d'un programme pour chaque Autorité administrative indépendante. Le plus simple, le plus radical aussi, car l'on peut songer à modifier la LOLF en tant que telle pour en soustraire les Autorités administratives indépendantes, sauf à se lancer dans une modification de la loi organique ..., et dès l'instant que l'on n'a pas recours à l'association de la personnalité morale et des ressources propres, serait d'affirmer que chaque Autorité administrative indépendante constitue en elle-même un programme. Cela est souvent demandé par les Autorités administratives indépendantes, car la maîtrise revient alors au président de l'Autorité, la logique de la LOLF venant ainsi épouser complètement la logique des Autorités administratives indépendantes. Mais cette perspective n'est guère réaliste en raison et du grand nombre des Autorités et du fait que certaines sont de taille très réduite. Certes, l'on pourrait concevoir de procéder tout d'abord à des fusions entre Autorités administratives indépendantes, mais il a été montré que ces procédés de fusion sont très délicats, peuvent ne pas réussir364, et il serait déraisonnable de courir de tels risques uniquement pour cet enjeu d'autonomie budgétaire qui se donne à voir, s'il y a moyen de préserver celle-ci par d'autres voies. Or, ces moyens existent.

17.1.6. La perspective d'un regroupement déconnecté de l'objet de la mission des Autorités administratives indépendantes. La perspective la plus solide consiste dans une modification du schéma actuel pour regrouper dans un unique programme toutes les Autorités administratives indépendantes. Cela est souhaité par certaines Autorités administratives indépendantes365, mais cela ne fait pas nécessairement l'unanimité, soit que les Autorités désapprouvent le fait que le classement par missions soit ainsi méconnu, alors même qu'elles se définissent elles-mêmes par la mission, soit qu'elles considèrent que l'essentiel est de neutraliser le pouvoir de régulation budgétaire du directeur de programme. A cet égard et en toutes hypothèses, à la constitution de ce programme commun spécifique devrait s'associer le fait que la direction du programme, qui ne saurait être donnée à un président d'une Autorité plutôt qu'à un autre, devrait voir son pouvoir de régulation en cours d'exercice neutralisé ou fortement tempéré366. Il aurait d'ailleurs peu de raison de s'exercer car en raison de la diversité des missions des différentes Autorités administratives indépendantes, l'ajustement de leurs moyens respectifs, qui n'a de sens que si les organismes en cause participent à une même finalité, perd son fondement. Cette solution paraît avoir suffisamment d'attrait pour avoir été proposée par un amendement sénatorial au cours de la discussion budgétaire pour 2006. Cet amendement n'a pas été soutenu par le Gouvernement, parce qu'une telle solution est contraire à l'idée de constituer des programmes autour d'objectifs communs367. Si l'on passe cette objection, la solution du regroupement des Autorités administratives indépendantes dans un programme propre a une condition et une conséquence.

17.1.6.1. La condition d'un regroupement dans un programme propre : la fixation de la qualité d'Autorité administrative indépendante. La condition est que l'on arrive à établir d'une façon certaine la liste des Autorités administratives indépendantes ! Cela présuppose la possibilité concrète d'insérer ou de ne pas insérer dans le programme budgétaire spécifique telle ou telle Autorité de l'Etat. Là aussi une loi-cadre donnant, si ce n'est des critères, à tout le moins des critères de qualification des Autorités administratives indépendantes serait d'une grande utilité. Dans ce même sens, il conviendra que le législateur se discipline pour préciser à chaque fois qu'il crée un organisme s'il s'agit d'une Autorité administrative indépendante ou non.

17.1.6.2. La conséquence d'un regroupement dans un programme propre. Si l'on procède ainsi, alors d'une manière dialectique et parce que la LOLF est une cristallisation d'une réforme de l'Etat, la catégorie des Autorités administratives indépendantes prendra de plus en plus de consistance. Là encore, c'est un choix politique que le législateur doit opérer. Ceux qui ont conçu la LOLF n'avaient manifestement pas envisagé l'étrangeté des Autorités administratives indépendantes par rapport aux autres organes de l'Etat, la modification de la LOLF l'impliquerait. Dès lors, par un mécanisme d'enchaînement, à la fois cette spécificité sera de plus en plus accrue, par ce seul fait de traiter à part, et évitera sans doute des solutions plus radicales (mais qui peuvent être aussi envisagées), telles que le couplage de l'attribution de ressources propres et d'une personnalité morale.

17.1.6.3. Le choix d'un lieu de rattachement. Si l'on continue sur cette voie d'une constitution d'un programme unique, demeure la question du rattachement du programme. Pour l'instant, les Autorités administratives indépendantes se répartissent majoritairement entre le Ministère de Économie et des Finances, pour ce que l'on aura tendance à désigner comme les régulateurs économiques (Conseil de la Concurrence, ARCEP, CRE, etc.), et les services du Premier Ministre, pour ce que l'on aura tendance à désigner comme des autorités protectrices des libertés publiques (CSA, Médiateur de la République, CADA). D'une façon plus résiduelle, la CNIL est rattachée au Ministère de la justice, la HALDE au ministère des affaires sociales, tandis que le Défenseur des enfants est rattaché au Ministère de la santé et des solidarités. Les Autorités sont plus ou moins satisfaites de ces rattachements368. Un regroupement dans un programme unique aurait l'avantage de ne pas figer ces distinctions discutables entre les Autorités administratives indépendantes (le CSA pouvant tout aussi bien être qualifié de régulateur économique du secteur de l'audiovisuel). Cette neutralité n'est pas le moindre avantage d'une telle solution. L'expérience semble montrer que l'insertion des Autorités administratives indépendantes dans le programme de régulation économique dont le Secrétaire général du Ministère de Économie et des Finances est le responsable se passe concrètement de façon très satisfaisante369, mais parce qu'il s'agit toujours d'une indépendance apparente, c'est-à-dire qui se donne à voir, le regroupement de toutes les Autorités administratives indépendantes dans un programme unique placé auprès du Premier Ministre et dont le Secrétaire général du Gouvernement serait le responsable serait un choix plus judicieux.

17.1.6.4. Le risque paradoxal de la constitution d'un programme spécifique au regard de la pression de la négociation budgétaire. Cependant, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, ce regroupement peut exposer de fait les Autorités administratives indépendantes à un risque qu'elles n'encouraient guère jusqu'ici, du fait du faible montant de leur budget par rapport au budget général de l'Etat. Passant jusqu'ici en termes budgétaires presque inaperçues de la Direction du budget, elles en étaient de ce fait protégées. La constitution d'un programme unique mettant en masse leurs budgets respectifs attirera la vigilance accrue de cette Direction, ce qui pourrait tendre à une négociation plus difficile, voire à des arbitrages opérés entre les Autorités administratives indépendantes, ce qui du fait qu'elles n'ont pas une fonction commune, serait très dommageable.

17.1.7. La suppression de la fongibilité des moyens et sa compensation par un accroissement de la reddition de comptes. L'essentiel est de protéger les Autorités administratives indépendantes du pouvoir de régulation d'un directeur de programme en cours d'exercice budgétaire. Si l'on songe à transformer chaque Autorité en programme autonome ou si l'on songe à les regrouper dans un programme propre et autonome, c'est toujours à cette fin là. Une solution peut consister à aller directement à la conséquence  ! Il suffit alors de considérer que les

budgets des Autorités administratives indépendantes sont « sanctuarisés »370 c'est-à-dire qu'indépendamment de la place à laquelle ils sont insérés dans la LOLF, et quel que soit le directeur du programme, le pouvoir de régulation en cours d'exercice ne pourrait s'exercer sur elles371. Cela serait supportable en raison du fait que les budgets en cause ne sont guère significatifs en masse, et cela permettrait à moindre frais de changement institutionnel, d'obtenir directement le résultat en considération duquel des bouleversements sont envisagés.

17.1.8. La suppression asymétrique du pouvoir de régulation du directeur de programme. L'on peut considérer que la solution pure et simple de la sanctuarisation ne s'impose pas nécessairement, car ce phénomène jouerait dans les deux sens. En effet, le directeur du programme ne pourrait certes porter atteinte au budget de l'Autorité administrative indépendante, mais en contrepartie on peut penser qu'il ne lui portera pas secours si son budget s'avère en cours d'exercice le nécessiter. Au contraire, on peut pragmatiquement penser qu'en raison de la modestie des budgets des Autorités administratives indépendantes, celles- ci bénéficieraient de la fongibilité des moyens en cours d'exercice budgétaire. Si l'on devait par pragmatisme prendre cette projection en considération, on pourrait songer à un mécanisme dans lequel le directeur du programme ne conserverait son pouvoir de fongibilité qu'au bénéfice des Autorités administratives indépendantes, mais ne pourrait l'exercer à leur détriment. L'on pourrait certes songer à une mesure plus médiane, dans laquelle un organisme externe pourrait fournir l'autorisation d'y procéder mais, en l'état du droit positif et de l'organisation politique, un tel organe manque. En effet, la Cour des comptes ne pourrait pas jouer un tel rôle372, car son statut de contrôleur des comptes, y compris dans le sens de contrôleur de l'efficacité de l'action par l'usage des moyens au regard des buts, ne peut lui permettre de devenir en quelque sorte l'ordonnateur public des dépenses de l'Etat.

17.1.9. L'adaptation de la LOLF, occasion d'accroître la spécificité et l'unicité des Autorités administratives indépendantes. Ainsi, s'il ne s'agit que d'ajuster la LOLF et le principe d'une indépendance des Autorités administratives, indépendance qui doit se donner à voir, alors il faut mais il suffirait de neutraliser le pouvoir de régulation du directeur de programme. S'il s'agit de saisir l'occasion de la LOLF, qui exige en toutes hypothèses une adaptation pour préserver les Autorités administratives indépendantes, alors on peut constituer un programme spécifique, non plus tant pour des questions budgétaires mais bien plutôt pour faire ressortir et la spécificité des Autorités administratives indépendantes et leur profonde unité, indépendamment de la diversité de leur mission. Cela rejoindrait alors l'idée qui fonderait l'adoption d'une loi-cadre les concernant. Là encore, il s'agit d'un choix politique dont le Parlement doit être l'arbitre.

CHAPITRE IX
LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET L'ÉVALUATION DE LEUR ACTIVITÉ

18.0. L'articulation entre indépendance et reddition des comptes. Il s'agit du fil conducteur de l'ensemble de cette étude : pour qu'il y ait une indépendance à la fois effective et supportable, il faut que l'organisme qui en bénéficie, et ici l'exigence est consubstantielle à l'idée même d'Autorité administrative indépendante, rende des comptes. L'ampleur de la liberté et l'ampleur des comptes rendus doivent être équivalentes. Nous avons vu par ailleurs que, dans la tradition française de l'Etat budgétaire, la réforme de l'Etat prenait pour l'instant cette forme. Il est donc essentiel d'analyser le contrôle budgétaire des Autorités administratives indépendantes, dont nous avons vu qu'à l'égard du Gouvernement il était devenu de plus en plus faible373, mais qui peut être exercé par d'autres organismes. Plus encore, le contrôle budgétaire ne doit être appréhendé que comme une forme particulière de ce qui est l'enjeu plus vaste : la reddition des comptes.

SECTION 18 : LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE EXERCÉ SUR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

40. L'allègement des procédures ordinaires de contrôle

18.1.1. Le contrôle budgétaire de fait exercé lors de la préparation du PLF. De fait, pour l'instant, la discussion budgétaire se déroule en amont avec le Ministère de Économie et des Finances. De fait, il ne semble pas que ces discussions soient plus douloureuses ou plus politiques avec les Autorités administratives indépendantes qu'avec d'autres administrations ou établissements traditionnels. La réflexion doit plutôt aller d'un autre côté.

18.1.2. La disparition du contrôleur financier. La façon la plus ordinaire d'exercer un contrôle est de placer auprès de l'organisme public ou utilisant des fonds publics un contrôleur financier, lequel est sous l'autorité de la direction du budget. Nous avons vu que le contrôle financier a disparu dans la plupart des Autorités administratives indépendantes374 et a vocation à disparaître dans toutes et par principe. Il faut donc explorer d'autres pistes.

18.1.3. Le possible contrôle par l'Inspection des finances. Il s'agit presque d'une mention pour mémoire. Non pas que l'Inspection des finances n'ait pas prise sur les Autorités administratives indépendantes, car aucun texte ni aucune règle ne l'exclut a priori, même s'il est vrai que la Direction du Budget, écartée du contrôle par l'absence de contrôle financier, pourrait par cette voie retrouver une place que le système lui refuse désormais. Peut-être y a-t-il eu dans le passé de telles enquêtes. Mais, et c'est la difficulté, il est difficile de le savoir car les rapports de l'Inspection demeurent généralement secrets. Le caractère secret de ce type général de contrôle est conforme à l'organisation traditionnelle de l'Etat. Certes, l'on pourrait soutenir que, puisque une spécificité méthodologique des Autorités administratives indépendantes réside dans la transparence375, l'on pourrait songer à demander la publicité de tels rapports. Mais l'effet pervers pourrait être que, dans la mesure où les autres entités de l'Etat ne bénéficient pas ou ne subissent pas une telle diffusion publique, les Autorités administratives indépendantes apparaissent de ce seul fait comme ce qui ne fonctionne pas dans la République.

41. Bilan de la mise en œuvre des mécanismes du contrôle budgétaire dont dispose le Parlement

18.1.4. Le contrôle budgétaire sur les Autorités administratives indépendantes opéré par le Parlement à l'occasion des procédures générales de vote. De droit, si l'on ne choisit pas la solution de ressources propres dont bénéficieraient des Autorités dotées d'une personnalité morale376, le budget de l'Etat est voté par le Parlement et ce qui conduit celui-ci à exercer ex ante un contrôle. Cette puissance du Parlement sera d'autant plus effective que par ailleurs les Autorités administratives indépendantes viendront rendre des comptes devant le Parlement sur le bon usage qu'elles auront fait de leur pouvoir au regard de la mission que le législateur leur a confiée. Si ce second mode d'accountability prend l'importance requise, il permettra au Parlement d'exercer avec plus d'information et donc plus d'efficacité le contrôle ex ante lors de l'attribution du budget. Nous retrouvons ici l'avantage et la difficulté liés au fait que le volume budgétaire des Autorités administratives indépendantes par rapport au budget général de l'Etat est très faible : à la fois, cela permet d'agir sur ces volumes sans que le budget général n'en soit sensiblement affecté, et il faut alors chez les parlementaires, naturellement soucieux des grosses masses au sein du budget, une conscience particulière de l'importance des budgets des Autorités administratives indépendantes, non pas en tant que tels, non pas en termes strictement budgétaires mais dans la perspective plus générale de l'indépendance et de la crédibilité de ces Autorités.

18.1.5. L'organisation de l'aptitude technique des Autorités administratives indépendantes à la négociation budgétaire. En effet, il apparaît, remarque de fait mais remarque essentielle, que la discussion budgétaire, dont le président des Autorités administratives indépendantes ou leur directeur général ont la charge, se passe d'autant mieux que ces personnes particulières connaissent les rouages de l'Etat, notamment parce qu'ils y ont fait précédemment carrière, qu'ils ont fait antérieurement l'ENA, etc. Or, de fait cela restreint le pouvoir de nommer les présidents s'il faut de fait les choisir parmi ce cercle là. En outre, certaines Autorités administratives indépendantes ont des missions dont la concrétisation appelle des présidents ayant des compétences extérieures à la sphère de l'Etat, par exemple compétence industrielle ou compétence médicale, etc. De fait, la négociation budgétaire leur est plus difficile. En outre, certaines Autorités administratives indépendantes sont assez puissantes et connues pour faire poids lors de la négociation, mais d'autres sont très petites et peu connues, lesquelles n'accèdent pas aux mêmes interlocuteurs et la négociation ne se fait pas à part égale. On pourrait alors faire une suggestion, laquelle pourrait croiser la perspective d'un programme autonome regroupant les Autorités administratives indépendantes dans la LOLF.

18.1.6. L'aide technique mutualisée entre les Autorités administratives indépendantes. Pour pallier la moindre connaissance que certains dirigeants d'Autorités administratives indépendantes ont des rouages budgétaires et la faiblesse inhérente à certaines Autorités de petite taille, on pourrait concevoir que le législateur prévoie, par exemple dans la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, un service technique qui serait à la disposition de chacune, et pourrait les aider à être des interlocuteurs de poids. Certes, si en outre la LOLF est modifiée pour que soit créé un programme spécifique377, l'attribution d'un tel service sera d'autant plus aisée. Mais puisque l'essentiel est sur cette question là de neutraliser le pouvoir de régulation du directeur du programme en cours d'exercice budgétaire378, le législateur pourrait concevoir dans son principe (l'organisation étant renvoyée au décret) un tel service. Cela aurait alors l'avantage précisément de compenser la dispersion des Autorités administratives indépendantes dans divers programmes entre plusieurs ministères. Ainsi, un tel service serait à la fois plus difficile à bâtir en l'absence d'un programme spécifique dans la LOLF, mais c'est aussi là qu'il sera le plus utile.

42. Bilan du contrôle a posteriori exercé par la Cour des comptes

18.1.7. L'actualité du contrôle de la Cour des comptes par rapport au besoin de contrôle sur les Autorités administratives indépendantes. Puisqu'il a été sur de très nombreux points souligné que l'évolution acquise du droit des Autorités administratives indépendantes, et l'évolution qui se profile (notamment en matière d'accroissement des pouvoirs, d'attribution de personnalité morale, d'indépendance budgétaire), ne sont bénéfiques et supportables que si les Autorités administratives indépendantes rendent des comptes sur l'usage qu'elles font de leur pouvoir d'une façon efficace et proportionnée au regard de la mission que le législateur leur a confiée. Cette reddition des comptes ne peut être faite au Gouvernement, car la reddition se transformerait alors en contrôle. La première institution à laquelle on pense est naturellement la Cour des comptes. En effet, celle-ci a pleins pouvoirs pour élaborer des rapports sur les Autorités administratives indépendantes, et elle y procède régulièrement. Par exemple, des rapports ont été menés à propos de l'ART ou de la COB. On pourrait donc estimer que l'institution devant laquelle la reddition des comptes doit s'opérer est trouvée. Pourtant, la difficulté vient du fait que la Cour des comptes passe assez lentement d'un contrôle de la régularité de l'usage des moyens budgétaires à un contrôle de l'efficacité de cet usage, notamment au regard de la mission de l'Autorité examinée.

18.1.8. La potentialité du contrôle de la Cour des comptes par rapport au besoin de contrôle sur les Autorités administratives indépendantes. Pour que la Cour des comptes remplisse pleinement son rôle, il convient qu'elle achève sa mue, c'est-à-dire se transforme en évaluateur d'efficacité. Cela suppose d'ailleurs des outils dont la Cour ne dispose pas, car il est très délicat et coûteux d'opérer une mesure de la part de l'action des Autorités administratives indépendantes sur l'état d'un secteur ou d'une situation sociale, etc. tel qu'on peut le mesurer.

18.1.9. Les trois stades requis pour une évaluation rencontrant une reddition des comptes par les Autorités administratives indépendantes. L'exercice est des plus difficiles, puisqu'il faut tout d'abord évaluer la situation (par exemple, ouverture effective à la concurrence, prévention effective des risques, détection effective des défauts d'un système, amélioration effective des discriminations, etc.), puis il faut mesurer ce que l'Autorité examinée a fait en la matière, en utilisant les moyens dont elle dispose pour cela, non seulement les moyens budgétaires, mais encore les moyens normatifs, juridiques, humains, etc., et enfin il faut reconstituer les causalités entre cette utilisation des moyens et l'état de la situation sur laquelle la mission de l'Autorité porte. Une véritable accountability des Autorités administratives indépendantes requiert ces trois très difficiles stades. Pour l'instant, il ne semble pas que la Cour des comptes, qui serait l'institution publique légitime à le faire, soit en mesure de le faire, ceci requérant tout à la fois une nouvelle conception de ce qu'est un contrôle d'efficacité, et l'attribution de nouveaux moyens, notamment d'expertise, à la Cour des comptes. Si l'on peut tirer conséquence du fait que la Cour des comptes est pourtant une institution publique légitime pour y procéder, et si l'on tire espoir des mutations observables de la Cour, alors il faut que le législateur prévoie à son bénéfice les moyens nécessaires pour une expertise d'une telle ampleur, qui dépasse très largement la seule question du contrôle de l'efficacité budgétaire. Ce souhait laisse encore libre la voie pour une réflexion sur une accountability, qui offrirait en outre une légitimité renforcée au bénéfice des Autorités administratives indépendantes, du fait qu'elle pourrait s'opérer directement vis-à-vis du Parlement.

18.1.10. Les indicateurs de performance. On sait que la LOLF a pour objectif la rationalisation de la gestion des finances de l'Etat en faisant passer les finances publiques d'une logique de moyen à une logique de résultat. Efficience et efficacité doivent être, pour toutes les autorités publiques, le moteur de l'utilisation des deniers qui leur sont alloués par la loi de finances. Ainsi, comme toute autorité administrative, les AAI doivent s'engager sur des résultats par la rédaction d'un projet annuel de performances. Ce projet devra présenter les actions, les coûts associés et les objectifs poursuivis ainsi que les résultats obtenus et attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix sera justifié. La rédaction d'un tel rapport est d'une importance capitale pour le contrôle parlementaire des AAI par le biais du vote de la loi de règlement qui fera apparaître les écarts entre les objectifs attendus de l'autorité, ses prévisions budgétaires et la réalité des dépenses engagées.

En matière budgétaire du moins, sincérité, efficacité et responsabilité sont les pendants de l'indépendance et de l'autonomie d'action des AAI.

SECTION 19 : LE SUIVI DE L'ACTIVITÉ DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES : LA REDDITION DE COMPTES

43. Mesure des comptes que les autorités administratives indépendantes doivent rendre

19.1.1. L'impossibilité d'une responsabilité directement politique et l'insuffisance d'une responsabilité simplement comptable des Autorités administratives indépendantes. Il s'agit ici de tirer une première conclusion des développements précédents. Il n'est pas possible de prévoir pour les Autorités administratives indépendantes une responsabilité politique directe, seul le Gouvernement rendant des comptes sur ce mode là devant le Parlement. De la même façon, tautologiquement, il convient d'exclure toute responsabilité des Autorités administratives indépendantes devant le Gouvernement. Il est tout aussi acquis qu'une responsabilité simplement comptable ou financière ne suffit pas à correspondre à l'ampleur requise, c'est-à-dire une véritable reddition des comptes sur la corrélation entre l'usage des moyens et la concrétisation des missions.

19.1.2. La confrontation de l'usage des moyens par rapport aux finalités de l'exercice des pouvoirs par l'Autorité administrative indépendante. C'est ainsi que l'on pourrait définir la véritable reddition des comptes dont l'on pourrait dire que les Autorités administratives indépendantes doivent en être les « bénéficiaires », dans la mesure où cela leur offre une forte légitimité et un accroissement de leur crédibilité. Il est d'ailleurs remarquable que les Autorités administratives indépendantes réclament elles-mêmes une telle accountability.

19.1.3. Le lien entre unicité, pluralité et hiérarchie des missions au regard de l'impératif de reddition de comptes. C'est alors à travers cet impératif de reddition des comptes que la question des missions confiées aux Autorités administratives indépendantes prend une nouvelle importance379. En effet, si l'on définit la reddition des comptes comme la confrontation entre, d'une part, les résultats obtenus par l'Autorité grâce à l'usage qu'elle aura fait de ses moyens, et, d'autre part, les finalités pour la satisfaction desquelles l'Etat lui a offert, encore faut-il connaître clairement ces buts ! Cela va de soi, mais cela pose grand problème. En effet, et le reproche peut se tourner vers le législateur lui-même, les lois successives recouvrent trop souvent les Autorités administratives indépendantes de finalités qui s'apparentent à des manteaux d'arlequin. Par exemple, non seulement l'ouverture à la concurrence, mais encore l'aménagement du territoire, mais encore l'incitation à l'innovation, mais encore le maintien de l'emploi, mais encore la protection de l'environnement, mais encore le développement de la cohésion sociale, etc. Comme procéder dans ces conditions à une quelconque évaluation ?

19.1.4. La nécessité de fournir à travers des finalités claires et hiérarchisées les moyens d'une reddition des comptes. Il ne s'agit ici en rien de soutenir que le législateur n'aurait pas pleine souveraineté pour poser les objectifs que doivent poursuivre les Autorités administratives indépendantes qu'il a créées. Mais si l'on veut bien estimer que le système n'est légitime et tenable, soutenable pour reprendre un anglicisme aujourd'hui chez lui dans les analyses françaises, que si les Autorités sont évaluées, alors il est impératif non pas nécessairement que le Parlement ne pose plus qu'une seule finalité aux Autorités (théorie du mono-mandat), mais à tout le moins hiérarchise les divers mandats donnés aux Autorités administratives indépendantes. Dès lors, cela rend certes l'évaluation plus complexe car il convient, à travers la méthodologie précitée des trois stades380, d'ajouter la considération de cette hiérarchie et de vérifier que l'action de l'Autorité l'a bien respectée, lorsque deux finalités entrent en conflit. Mais enfin, cela rend l'évaluation possible, alors que celle-ci devient hors de portée lorsque de multiples finalités non hiérarchisées sont confiées par le législateur aux Autorités administratives indépendantes.

19.1.5. Le législateur, autorité politique légitime pour fixer cette hiérarchisation des finalités, condition nécessaire de la reddition des comptes. Donc, le Parlement qui voudrait construire ou améliorer la reddition des comptes des Autorités administratives indépendantes, pour mieux fonder cette indépendance même, ne peut éviter de procéder préalablement à une telle hiérarchisation. Faute de quoi, ce serait l'organe qui évalue qui devrait nécessairement opérer une telle hiérarchisation, ce qui revient à exercer un pouvoir de nature politique qui ne devrait pas lui être attribué. Il s'agit donc d'un point essentiel.

44. Bilan des moyens utilisés par les autorités administratives indépendantes pour rendre compte de leur activité

19.1.6. La réaction des parties prenantes. Le premier phénomène souvent visé pour soutenir qu'existe, par une sorte d'effet de nature, une reddition des comptes imposée aux Autorités administratives indépendantes, tient dans la réaction des parties prenantes. Pour prendre un exemple, le régulateur des télécommunications souligne fréquemment la satisfaction et des nouveaux opérateurs et des consommateurs de son action, ce qui constitue la meilleure des évaluations. Cette sorte d'indice de satisfaction comme mode d'évaluation des

Autorités administratives indépendantes est certainement utile, mais, à supposer cette satisfaction mesurable381, elle exige des conditions rarement réunies.

19.1.7. Les trois conditions, rarement réunies, pour que la satisfaction des parties prenantes constitue une évaluation utile. En premier lieu, il doit être possible de corréler l'action de l'Autorité et l'évolution de la situation soumise à l'action de l'Autorité, lien de causalité dont la reconstitution est techniquement périlleuse. En deuxième lieu, il faut qu'existent des consommateurs dont la satisfaction peut être mesurée. Cela est rarement le cas : les enfants ne peuvent refléter la satisfaction que l'on peut avoir de l'action du Défenseur des enfants ... En troisième lieu, cela suppose que l'ensemble des parties prenantes soit actif dans cette évaluation spontanée, notamment non seulement les entreprises mais encore les consommateurs et sans doute des parties prenantes plus larges encore, telles que la société civile et l'Etat lui-même. Or, l'observation montre que ce sont souvent les entreprises, et parfois une seule catégorie parmi la diversité des entreprises impliquées, qui expriment une satisfaction. Cela peut être pertinent si l'on peut observer que celles-ci appliquent spontanément les décisions de l'Autorité382, mais il demeure que cette sorte d'évaluation est partielle. Elle peut donner une vision inexacte, parfois inversée, de l'action du régulateur. Il a été souligné qu'une approbation du régulateur par les entreprises peut parfois faire douter de l'efficacité de celui-ci, lorsque la mission de l'Autorité consiste à brider, à contrôler, à donner des injonctions aux entreprises. Ces évaluations spontanées sont donc à manier avec précaution, et après vérification de l'existence des trois conditions précitées.

19.1.8. La transparence, fusion de l'usage du pouvoir et du compte qui en est rendu. L'accountability peut prendre une forme plus quotidienne et moins hasardeuse à travers la procédure383. En effet, lorsque les Autorités administratives indépendantes s'astreignent à fonctionner d'une façon transparente, non pas nécessairement concertée, cela accroît à la fois leur légitimité et le compte qu'elles rendent sur l'usage de leurs pouvoirs, reddition que l'on pourrait désigner comme étant « en direct », c'est-à-dire en même temps qu'ils s'exercent. Il y a fusion entre l'usage et la reddition, ce qui constitue une supériorité nette par rapport à des redditions des comptes, par exemple devant la Cour des comptes, qui oblige à cheminer plusieurs années afin qu'une évaluation soit disponible.

19.1.9. La motivation des décisions, mode juridictionnel de la reddition des comptes. Ce n'est pas seulement par le mouvement général de juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes384 que le principe de motivation a pris pied dans l'usage que les Autorités administratives indépendantes font de leur pouvoir. Cela tient au fait que la motivation, explicitant les raisons, les preuves et le lien entre les premières et les secondes, lien qui constitue le raisonnement même, constitue en elle-même une limite rationnelle à l'usage des pouvoirs. En outre, par cette obligation de raisonnement explicite, l'Autorité donne à voir sa compétence technique à saisir correctement une question, et l'adéquation de la compétence (juridique, économique, industrielle, etc.) avec le type de décision à prendre.

19.1.10. L'obligation de motivation, au-delà de la référence à l'activité juridictionnelle. Dès lors, le principe de motivation ne doit pas être pris dans un sens étroitement juridictionnel, c'est-à-dire comme socle d'un possible recours devant un juge, mais bien plutôt comme un mode de reddition des comptes. Dès lors, des décisions qui ne constituent pas par ailleurs une activité de type juridictionnel, ou même qui ne sont pas substantiellement soumises à un recours devant un juge, doivent pourtant être motivées. Par un tel renversement de perspective, ce sont les décisions générales plus encore que les décisions particulières qui doivent être motivées : c'est l'exercice du pouvoir normatif qui mérite le plus une motivation, façon forte de mieux fonder l'usage du pouvoir normatif par les Autorités administratives indépendantes. Il devrait en être ainsi en matière de tarification, d'édiction de règlements généraux, etc.

19.1.11. La publication d'un rapport annuel. Il est fréquent d'insister sur le fait que la publication d'un rapport annuel, publication à laquelle procède la quasi-totalité des Autorités administratives indépendantes, est certes le moyen pour celles-ci de faire connaître leur action, voire par le choix de tel ou tel thème d'attirer l'attention des autorités publiques et de l'opinion sur un enjeu particulier385, mais participe également de la reddition des comptes386. Celles-ci sont les premières

à y voir une forme d'accountabilily387. Le rapport annuel en est effectivement la forme la plus directe, puisque l'Autorité donne à voir toute son action, voire exprime sa doctrine, rendant par ce moyen plus prévisible et plus sécure son action future. Peut-on s'autoriser à rappeler une réalité triviale, qui requiert un lecteur pour que le rôle d'accountability puisse jouer ? Or, les lecteurs peuvent manquer, dans le désir de lire ses rapports annuels, dans la compétence requise pour le faire. Le plus souvent, et cela nous ramène à une difficulté précitée388, les lecteurs les plus assidus sont souvent les entreprises du secteur, ce qui suppose donc la fiabilité et l'exhaustivité de leurs appréciations. Dès lors, nul ne songerait à soutenir que ces rapports annuels, mine d'information, lieu d'expression de doctrine pour l'avenir, motivation d'une façon plus continue que décision par décision de l'action passée, sont inutiles. Ils sont une forme de reddition des comptes, mais ils ne peuvent suffire, notamment du fait de l'inertie des autorités politiques auxquelles ils sont fréquemment remis.

19.1.12. La remise du rapport annuel devant les autorités politiques adéquates. Il arrive fréquemment que les rapports annuels ne soient pas seulement publiés mais encore remis à des autorités politiques. Il n'est pas rare que cette remise se fasse à un ministre, bien que cela contredise le principe d'absence de lien entre les Autorités administratives indépendantes et le pouvoir exécutif389. La remise se fait le plus souvent soit au Président de la République, soit au Gouvernement, soit au Parlement. On retrouve ici que la légitimité et le prestige politique du destinataire contribue grandement à la légitimité de l'Autorité concernée. Cela est certes exact, mais il faut que cela soit associé à des lectures effectives et des discussions qui s'ensuivent avec l'Autorité.

19.1.13. La confrontation avec les autorités légitimes de la République. En effet, l'indépendance ne signifie pas le droit à un superbe isolement. Ce serait l'affaiblir que d'adopter cette conception là. Dès lors, les Autorités administratives indépendantes doivent être confrontées aux autorités légitimes de la République, au-delà de cette sorte de confrontation avec les autorités juridictionnelles que cristallisent les recours possibles contre leurs décisions soit devant le juge judiciaire, soit devant le juge administratif390.

45. Voies et moyens d'un meilleur suivi de l'activité des autorités administratives indépendantes

19.1.14. Distance entre les dispositifs et la pratique. Sur le papier, le système de reddition des comptes donne tout à fait satisfaction. A la contestabilité des décisions devant une juridiction, aux pouvoirs de nomination demeurés dans les mains des pouvoirs politiques traditionnels, s'ajoutent les pouvoirs du Parlement, auquel sont généralement adressés les rapports annuels391, de demander toujours des explications aux Autorités administratives indépendantes, en les conviant à des réunions ou la place de commission d'enquête devant laquelle des Autorités administratives indépendantes doivent fournir des informations et explications. Les Autorités administratives indépendantes insistent toutes, et sur la légitimité d'une telle reddition des comptes devant le Parlement392, et sur le fait que leur président est régulièrement amené à discuter avec les Commissions parlementaires spécialisées. Mais l'observation concrète, et ce sur un laps de temps significatif qui fait craindre qu'il ne s'agisse pas seulement d'un départ un peu lent dans l'apprentissage, montre que les parlementaires n'exercent pas ces pouvoirs aussi souvent et aussi systématiquement qu'il conviendrait, pouvoirs qui constituent pourtant pour le Parlement autant de devoirs, en raison de l'importance de l'accountability des Autorités indépendantes.

19.1.15. La légitimité politique du Parlement pour contrôler les Autorités administratives indépendantes. Pourtant, nul plus que le Parlement n'est légitime à recevoir cette reddition des comptes ! En effet, les Autorités administratives indépendantes sont nées de sa volonté et leur indépendance à l'égard du Gouvernement, plus encore leur indépendance à l'égard des acteurs économiques sur lesquels elles exercent leurs pouvoirs, se renforce de cette justification régulière, à la fois périodique et à la demande souveraine du Parlement. Pourquoi est-ce que cela ne s'opère pas, alors que la règle est prévue et intériorisée dans son principe et par les Autorités et par le Parlement ? La réponse est triviale : les parlementaires sont surchargés, les Autorités administratives indépendantes sont éparpillées et leur définition par leur mission en éparpille par reflet les experts393, la technicité des questions est rébarbative. L'exhortation ne sert à rien, car l'appel au Parlement pour qu'il exerce en la matière ses responsabilités se répète année après année. Quid facere ?

19.1.16. Proposition pour une reddition ex ante des comptes. Nous avons vu à travers le principe de transparence qu'il était possible de rendre des comptes sur les pouvoirs dans le même temps qu'on en fait l'usage394. Il s'agit ici d'aller plus loin puisqu'il serait concevable que les Autorités administratives indépendantes rendent en quelque sorte des comptes par avance. L'idée serait de faire interférer le Parlement dans les décisions de désignation des membres des Autorités administratives indépendantes.

19.1.17. L'audition devant le Parlement des personnalités pressenties pour intégrer ou diriger les Autorités administratives indépendantes. On pourrait concevoir que les personnes désignées par les autorités légitimes désignées par la loi pour le faire soient amenées avant de prendre leur fonction à se présenter devant le Parlement pour discuter, dans ce qui serait une transplantation des hearings que le Congrès nord-américain organise à propos de la nomination faite par la Maison Blanche pour certains postes.

19.1.18. La prudence requise dans l'organisation de telles auditions. Certes, la France n'est pas les Etats-Unis et le système politique de check and balance est éloigné de notre tradition395. En outre, le fonctionnement de ce système est en dérive aux Etats-Unis, notamment par des phénomènes de harcèlement par le Congrès, par l'impossibilité pour l'exécutif de désigner des candidats dont la personnalité serait trop forte, alors que la force de caractère est bienvenue dans ces matières, par des exigences de dévoilement de pensée qui finissent par porter atteinte à la vie privée et à la liberté d'expression. Mais nous sommes très loin de ces excès. L'idée serait de désigner une formation adéquate commune aux deux chambres du Parlement, qui pourrait être puisée dans les Commissions parlementaires de l'Assemblée Nationale et du Sénat, pour organiser une telle audition.

19.1.19. Les marges disponibles quant aux conséquences Sans même prévoir des conséquences juridiques à de telles auditions, la seule tenue, voire l'émission d'un avis sur la personnalité pressentie, avis non contraignant mais avis motivé, pourrait avoir un effet rétroagissant sur les personnes dotées du pouvoir de nommer, accroissant leur souci de désigner des personnalités légitimes en elles-mêmes (par leur compétence technique, ou leur stature scientifique ou morale, etc.), en ne se contentant pas d'une légitimité transitive par la seule stature de celui qui nomme396.

19.1.20. Aller encore plus loin ? Si l'on veut que le Parlement joue effectivement le rôle central qu'il a vocation à exercer, s'il doit être mis au centre du système des Autorités administratives indépendantes, alors l'on pourrait concevoir que les deux chambres réunies pourraient exercer un droit de veto. Une perspective si radicale doit être prise avec prudence. En premier lieu, certaines apories peuvent apparaître lorsque la nomination de certains membres des Autorités administratives indépendantes échoit au président de l'Assemblée Nationale et au président du Sénat, ce qui amènerait à concevoir qu'une chambre s'oppose à une nomination opérée par son propre président. L'objection n'est pas insurmontable, car l'on pourrait concevoir de troquer ce pouvoir de nomination contre ce pouvoir de veto, les textes étant modifiés pour que le Parlement n'ait plus de pouvoir de nomination mais désormais un pouvoir, plus général, de veto. L'objection la plus puissante est d'ordre politique. Un tel système, sous le ciel de la rationalité, ferait progresser le système en organisant cette sorte de démonstration de compétence et d'adéquation dans les nominations. Mais il ne faut pas cacher qu'on organiserait alors de ce fait un système de check and balance, qui changerait les équilibres politiques, voire la nature du système politique français.

19.1.21. Une conception a minima. C'est pourquoi une conception a minima, c'est-à-dire l'organisation d'auditions devant une formation parlementaire entre le moment où les personnalités concernées sont désignées par l'autorité désignée par la loi pour le faire et le moment où elles entrent en fonction, entraînant un effet d'autodiscipline, une vérification prudence des incompatibilités, etc.

19.1.22. Proposition pour une reddition ex post des comptes. Dans une conception plus traditionnelle, plus acceptable donc, il convient de donner plus d'effectivité à la reddition des comptes que les Autorités administratives indépendantes doivent rendre au Parlement, sans qu'il soit nécessaire de modifier les textes pour cela, puisqu'il s'agit de rapprocher la pratique, pauvre, des textes, riches, sauf à profiter d'une éventuelle loi-cadre pour réaffirmer l'importance de cet aspect de l'organisation des Autorités administratives indépendantes. Il s'agirait alors d'insister sur ce principe, cette insistance symbolique étant contreproductive si elle ne s'accompagne pas d'une plus grande effectivité. Pour cela, il faut sans doute à la fois techniciser le rapport entre le Parlement et les Autorités administratives indépendantes, par une sorte de technocratisation du contrôle, et conserver ce qui est l'âme du Parlement, à savoir une unité composée de personnalités très diverses en prise supérieure avec les réalités quotidiennes de la population française.

19.1.23. La perspective de spécialisation par l'objet. . Dans ces conditions, même si le principe en est simple, la mise en œuvre est difficile car il n'est pas utile de conseiller encore la création d'une nouvelle structure, pour amasser encore de l'ineffectivité. L'on pourrait tout de même songer à faire une juste mesure entre la conception traditionnelle qui ne saisit les Autorités administratives indépendantes qu'à travers l'objet de leur mission397 et une conception sans doute trop radicale qui négligerait cette téléologie pour fondre dans une seule catégorie des Autorités administratives indépendantes à partir de leurs caractéristiques institutionnelles communes. Pour cela, s'il apparaît qu'il faut réunir dans une formation plus ou moins formelle des membres des deux chambres, il faudrait que s'y mêlent des personnalités ayant des légitimités et des compétences diverses.

19.1.24. La composition de l'organe devant lequel rendre des comptes. En pratique, cet organe formel ou informel doit être composé de personnes ayant des compétences sur les objets économiques et sociaux en cause et ayant des compétences sur toutes les règles qui sont l'objet de la présente étude. Si l'on estime que l'accountability des Autorités administratives indépendantes doit l'insérer davantage dans la société globale, alors il ne serait pas inconcevable qu'y soient associées des personnalités qualifiées. Certes, une telle formation, par une telle composition, se met à ressembler ... à une Autorité administrative indépendantes, mais le fait que l'autorité fondamentalement parlementaire qui exercerait cette activité de reddition des comptes soit en reflet avec l'Autorité effectivement administrative est plutôt un gage d'efficacité.

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La régulation, victoire du citoyen-client, in Services publics et marché : l'ère des régulateurs, pp.49-54

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Comment fonder juridiquement le pouvoir des autorités de régulation ? in Sécurité et régulations financières, pp 610-616

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Le contrôle des organes de régulation

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La déontologie de la sécurité sous surveillance d'une autorité administrative indépendante : une loi pour rassurer les citoyens ?, pp.384-392.

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A propos de la loi N° 2004-1486 du 30 décembre 2004. Vers une unification des politiques publiques de lutte contre les discriminations, pp. 934-942

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L'attribution au conseil supérieur de l'audiovisuel du pouvoir d'édicter des normes de portée générale et impersonnelle, pp. 2271-2279

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A propos d'un rapport trop explosif : l'accès aux documents administratifs et la protection du secret des délibérations du gouvernement

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A propos du décret N ° 2002-1275 du 22 octobre 2002 relatif à l'organisation du débat public et à la commission nationale du débat public, pp. 22-24

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A propos de la loi N° 2003-706 du 1er août 2003 et du décret N° 2003-1109 du 21 novembre 2003. L'autorité des marchés financiers, prototype de la réforme de l'état ? pp. 143-148

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L'application du principe d'impartialité aux autorités de concurrence françaises, pp. 4-15

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Transparence et secret : de la loi du 8 juillet 1998 et du secret de la défense nationale, pp. 1-12

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La saisine d'office du conseil de la concurrence au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, pp. 4-13

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La nécessité d'une régulation française et européenne, pp. 31-34

Banque magazine N° 645

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Le médiateur de la république, pp. 2-4

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La simplification de l'accès aux documents administratifs par l'ordonnance du 6 juin 2005, pp.2-12.

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Autorités administratives indépendantes et pouvoir de sanction, pp. 106-111

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Les nouveaux acteurs de la régulation : démembrement ou renouvellement de l'état ?, pp. 12-16

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Quilchini, Paule

2004

Réguler n'est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de régulation économique, pp. 1060-1070

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Vers une culture de régulation financière commune, in Frison-Roche, Marie-Anne (dir.), Les risques de régulation, pp. 145-150

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Renaud, Sébastien

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Les autorités de régulation et le démembrement du pouvoir central, pp. 2209-2221

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L'actualité des sanctions administratives infligées par les autorités administratives indépendantes, pp. 3-12

Gazette du Palais

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Secret défense : entre comitologie et état de droit

Recueil Dalloz N° 25

Rodrigues, Stéphane

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Apport(s) du droit communautaire au droit de la régulation, in Marcou, Gérard et Moderne, Franck (dir.), Droit de la régulation, service public et intégration régionale, pp. 115-129

L'Harmattan

Rouit, Véronique

2001

Les attributions normatives de la commission des sondages, pp. 2287-2367

Revue de droit prospectif

Rousseau, Dominique

2005

L'évolution des politiques jurisprudentielles constitutionnelles. Les politiques jurisprudentielles relatives aux institutions de la république. Le contrôle des règles relatives à la distribution des compétences, pp. 281-286

Revue de droit public

Sabourin, Paul

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Les autorités administratives indépendantes. Une catégorie nouvelle ?

AJDA, n° 5

Salomon, Renaud

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Le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendante en matière économiques et financières et les garanties fondamentales, pp. 40-48

Revue de droit bancaire et financier

Salomon, Renaud

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Le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendante en matière économique et financière et les garanties fondamentales, pp. 5-11

Droit des sociétés

Salomon, Renaud

2000

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JCP G, N° 42, I

Sauve, Jean-Marc

2001

Les sanctions administratives en droit français, pp. 16-25

AJDA N° spécial

Sousse, Marcel

2001

Le rôle des organes administratifs dans la protection des libertés fondamentales, pp. 709-722

Revue de droit prospectif N° 2

Stirn, Bernard

1990

Ordres de juridiction et nouveaux modes de régulation

AJDA

Traoré, Seydou

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La Commission consultative du secret de la Défense nationale : une autorité administrative sui generis ?, pp. 508-515.

Revue Administrative, n°311

Traoré, Seydou

2004

Les autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale : vers une réintégration institutionnelle de la catégorie juridictionnelle, pp. 16-22

Droit administratif N° 8-9

Tuot, Thierry

2001

Quel avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes, pp. 135-141

AJDA N° spécial

Livres

Centre de droit privé et de sciences criminelles d'Amiens (CEPRISCA)

2000

Les Autorités administratives Indépendantes dans le domaine économique et financier

PUF

Collet, Martin

2003

Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes

LGDJ

Decoopman, Nicole (dir.)

2002

Le désordre des autorités administratives indépendantes, l'exemple du secteur économique et financier

PUF

Gentot, Michel

 

Les autorités administratives indépendantes

Montchrestien

Université Paris Val de Marne - Faculté de droit Paris XII Saint Maur

2001

Les autorités administratives indépendantes dans le domaine économique et financier sous la direction de Jean-Jacques Israël

Rapport dactylographié

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR MME MARIE-ANNE FRISON-ROCHE

ANSA (Association nationale des sociétés par actions)

- M. Robert Baconnier, président
- M. Jean-Paul Valuet
, secrétaire général

La Poste

- M. Jean-Paul Bailly

UFC Que choisir

- M. Alain Bazot, président
- M. Décric Musso
, chargé des relations institutionnelles
- M. Julien Dourgnon
, (directeur des études et de la communication)

CSA

- M. Dominique Baudis, président
- M. Didier Rapone
, directeur général

Conseil de prévention de lutte contre le dopage

- M. Pierre Bordry, président

Cour d'appel de Paris

- M. Renaud Chazal de Mauriac, Premier président
- M. Yves Bot
, procureur général

Société générale

- M. Daniel Bouton, président

- Mme Claire Brisset, défenseure des enfants

Cour de cassation

- M. Guy Canivet, premier président

DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes)

- M. Guillaume Cerruti, directeur
- M. Jean-Paul Valuet
, secrétaire général

France Télécom

- M. Jacques Champeaux

ARCEP

- M. Paul Champsaur, président

Médiateur de la République

- M. Jean-Paul Delevoye

Conseil d'Etat

- M. Renaud Denoix de Saint-Marc, vice-président
- M. Bruno Genevois
, président de la section du contentieux

Direction du budget

- M. Pierre-Mathieu Duhamel, directeur

Banque Lazard

- M. André Dupont-Jubien, associé gérant
- M. Matthieu Pigasse
, associé gérant

Bouygues Télécom

- M. Emmanuel Forest, directeur général adjoint licences et régulation

Direction du Trésor

- M. Thierry Franq, chef de l'économie
- M. Hervé de Villeroché
, sous-directeur assurances
- M. Alexis Zajdenweber
, adjoint au chef du bureau Epargne
et marché financier)
- M. Maya Atig
, chef du bureau établissements de crédit
et entreprises d'investissement

Directeur des affaires juridiques civiles

- M. Marc Guillaume, directeur

Conseil de la concurrence

- M. Bruno Lasserre, président

CADA

- M. Jean-Pierre Leclerc, président

Tribunal de grande instance de Paris

- M. Jean-Claude Magendie, président
- M. Jean-Claude Marin
, procureur de la République

Direction de l'énergie

- M. Dominique Maillard

Conseil constitutionnel

- M. Pierre Mazeaud, président

RTE (gestionnaire du réseau de transport d'électricité)

- M. André Merlin, président
- M. Alain Cavret
, directeur

Suez

- M. Gérard Mestrallet, président

Caisses d'Epargne

- M. Charles Milhaud, président

Banque de France

- M. Christian Noyer, gouverneur, président du CECEI

AMF

- M. Michel Prada, président
- M. G. Rameix
, secrétaire général

Cour d'appel administrative de Paris

- M. Pierre-François Racine, président

Direction du développement des médias

- M. Patrick Raude, directeur

Halde

- M. Louis Schweitzer, président

Comité national d'éthique

- M. Didier Sicard, président

CRE

- M. Jean Syrota, président

Haut commissariat aux comptes

- Mme Christine Thin, présidente

Fédération française de football

- M. Frédéric Thiriez, vice-président

CNDS

- M. Pierre Truche, président
- M. Jean-Paul Valuet
, secrétaire général

CNIL

- M. Alex Türk, président

- M. Jean-Marc Sauvé, secrétaire général du Gouvernement

- M. Alain Seban, conseiller de la Présidence de la République
en matière de médias

ÉTUDE DE DROIT COMPARÉ SUR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES RÉALISÉE SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN-MARIE PONTIER

SYNTHÈSE DES RAPPORTS NATIONAUX

par M. Jean-Marie PONTIER
professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III
directeur de l'École doctorale sciences juridiques et politiques,
directeur du Centre de recherches administratives

_______

S'il serait trop prétentieux d'affirmer que les autorités administratives indépendantes (ci-après dénommées AAI) se retrouvent dans tous les pays, il est en revanche incontestable qu'il s'agit d'un type d'institutions extrêmement répandu, car son existence a pu être relevée dans presque tous les pays ayant fait l'objet de l'enquête. Il faut immédiatement ajouter que les réalités sont en même temps assez différenciées de ce que l'on trouve en France, et il serait vain de vouloir chercher à définir une sorte de « modèle commun » des autorités en question, car ce modèle n'existe pas.

Dans certains cas, c'est même en forçant le trait, en procédant à des assimilations peut-être abusives que l'on parle d'autorités administratives indépendantes. Ainsi, par exemple, en Allemagne, la première réponse qui est donnée à la question des AAI consiste à dire qu'elles n'existent pas, le concept d'AAI n'existe pas dans ce pays. La notion d'AAI ne correspond à aucune catégorie du droit applicable à l'administration, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des Länder. Ce qui pourrait correspondre à ce type d'institutions est constitué par les « autorités administratives fédérales supérieures autonomes » (Selbstsändige Bundesoberbehörden). Dans la mesure où le rapprochement est toujours un peu artificiel, il est possible également de faire entrer dans ces institutions similaires des organismes qui sont l'équivalent au plan des Länder de ce que l'on rencontre à l'échelle du Bund.

Les origines des AAI sont incontestablement anglo-saxonnes. Aux XVII-XVIIIèmes siècles apparaissent en Grande-Bretagne des organismes autonomes, appelés « Quasi-independent Boards » pour assurer des tâches qui n'étaient pas considérées comme relevant de l'administration publique (quelquefois des activités caritatives dont on sait qu'en France elles étaient assurées par des organismes religieux).

Les autorités administratives indépendantes sont véritablement nées en Amérique du nord à la fin du XIXème siècle, bien que les pays scandinaves fassent valoir que dès le début de ce XIXème siècle des organismes assimilables à ce que nous appelons des autorités administratives indépendantes ont été créées. Aux États-Unis, est créée en 1887 la Commission du commerce entre États (Interstate Commerce Commission), avec pour objet de contrôler et de limiter le pouvoir des entreprises ferroviaires de transport qui avaient tendance à imposer des tarifs élevés aux fermiers et aux autres clients. Puis d'autres organismes du même type furent créés, toujours aux États-Unis, notamment, en 1914, la Federal Trade Commission et, en 1934, la Federal Communications Commission, qui a joué et continue de jouer un rôle important.

Au Canada, le développement du chemin de fer entraîne la création, par le législateur, d'organismes de ce type : en 1851 le « Railway Act prévoit de créer un Bureau des Commissaires du chemin de fer (Board of Ralluray Committee of the Privy Council), la question étant de savoir s'il convient de transférer à un organe indépendant des pouvoirs exercés jusque-là par des ministres. Après un débat, le « Railway Act » de 1903 crée le Bureau des Commissaires des chemins de fer (Board of Railway Commissioners) qui servira de modèle pour les institutions à venir. Avec la première guerre mondiale, et comme en de nombreux pays, les interventions de l'État se développent, et se traduisent au Canada par la création d'organismes du type autorités administratives indépendantes : Canadian Wheat Board, Food Control Board, Wage Trade Board, etc. Le même phénomène se reproduit après la seconde guerre mondiale.

Certains États comme les pays scandinaves font remonter des institutions qu'ils rangent parmi les autorités administratives indépendantes au XIXème siècle, voire même au début de celui-ci. La présentation effectuée par les rapporteurs de ces derniers États soulève une question que l'on examinera ensuite, celle de savoir ce qu'il convient d'entendre par autorité administrative indépendante. Dans la plupart des pays européens, les autorités administratives indépendantes apparaissent au cours de deux vagues successives, l'une dans les années 1970, l'autre dans les années 1990.

Relevons immédiatement la diversité de la terminologie utilisée. Dans de nombreux États on ne parle pas d'autorités administratives indépendantes, il n'existe pas de traduction équivalente, on utilise une autre terminologie. Ainsi, aux États-Unis, terre de naissance et de prédilection de ces institutions que nous qualifions ainsi, on parle d'Agencies. Mais la notion d'Agency est loin d'être univoque dans le pays même, elle est susceptible de recouvrir des réalités extrêmement diverses.

Au Canada on rencontre les termes de Commission, Bureau, Conseil, Agence. Dans d'autres pays on parle également facilement de « commission » pour désigner ces autorités, ou bien encore de « conseil ». De même, en Grande Bretagne il existe une multiplicité d'organismes regroupés sous les dénominations de « quangos » (« quasi autonomous non-governmental organisations ») et de « non departmental public bodies » (NDPB), mais qui, nous allons le voir, comportent des institutions aux statuts comme aux fonctions et aux pouvoirs très différents. Et, alors même que l'on recourt à la même terminologie qu'en France, il convient de signaler une très nette réticence à utiliser le terme d' « administratives » à propos de ces autorités, plusieurs pays préférant parler simplement d' « autorités indépendantes ». À l'échelon de l'Union européenne la terminologie est encore moins fixée, on parle de Centre, Fondation, Agence, Office, Observatoire, mais il ne faut rien déduire de précis de cette diversité d'appellations.

I - La délimitation incertaine des AAI

Le premier trait que l'on peut relever dans presque tous les pays étudiés est l'hésitation que l'on perçoit pour qualifier une autorité ou un organisme dans la catégorie de ce que nous dénommons AAI. Peut-être convient-il, ici, de distinguer le cas des pays anglo-saxons de celui des autres pays, en raison des différences qui les séparent.

1. Le cas des pays anglo-saxons

Aux États-Unis, où il existe une prolifération d'organismes de toutes sortes, les seuls que l'on puisse ranger dans cette catégorie sont les Agences réglementaires indépendantes (Independant Regulatory Agencies (IRA), qui se subdivisent elles-mêmes en « Agences réglementaires indépendantes » et « Agences exécutives ».

La Grande Bretagne présente, de ce point de vue, des analogies avec les États-Unis. Si le nombre de départements ministériels y est en effet limité (une vingtaine), en revanche on recense cent vingt « Agences exécutives » (Next Steps Agencies), chargées de l'administration quotidienne, et plus de mille deux cent organismes publics extérieurs aux structures ministérielles, ce sont les Non-departmental Public Bodies (NDPB). Ces NDPB se subdivisent en environ trois cents NDPB « exécutifs », chargés de seules tâches d'exécution, à l'exclusion de toute possibilité de réglementation, sept cents organismes consultatifs, soixante-quinze « Tribunals », c'est-à-dire des organes spécialisés à compétence juridictionnelle, composés de juges non professionnels, et plusieurs dizaines d'organes de régulation ou de contrôle.

Un terme est utilisé pour désigner tous ces organismes, c'est celui de « Quangos », c'est-à-dire Quasi Autonomous non-governmental Organisations. Mais il n'a jamais été donné de définition officielle de ces derniers, conformément au traditionnel pragmatisme britannique, et il est exclu de considérer tous ces organismes comme des équivalents de nos AAI, le caractère hétéroclite de ces institutions conduisant à y inclure non seulement des entités publiques hors ministère mais également des associations, des écoles, voire des autorités de police.

Il faut donc, à l'intérieur de ces Quangos, faire un tri, puisqu'il n'existe aucun recensement officiel d'organismes équivalents à celles-ci, ni même équivalent aux « Independant Regulatory Agencies » américaines. Selon les auteurs britanniques deux indices permettent de retenir l'un d'entre eux comme un organisme réglementaire indépendant, l'indépendance que garantit sa composition et la nature de sa mission qui doit consister en un pouvoir suffisant de régulation. La politique menée par Mme Thatcher à partir de 1988, consistant à confier les tâches d'administration quotidienne à des « agences » situées au sein des ministères a entraîné la création de nombreux organismes dotés de pouvoirs et d'autonomie variables.

2. Les autres pays

En Allemagne, et sous les réserves énoncées précédemment sur le rapprochement des organismes que l'on trouve avec les AAI, diverses formes juridiques se rencontrent. Certaines autorités administratives sont les Zentralstelle, qui ont un lien étroit avec les autorités des États fédérés, et qui ont une mission d'information et de coordination. D'autres sont des Anstalten des öffentlichen Rechts (instituts de droit public) qui, parce qu'ils ont la personnalité juridique, ont une plus grande indépendance. Par exemple le Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (c'est-à-dire l'équivalent de notre autorité des marchés financiers) est organisé sous cette forme.

En Belgique, les auteurs du rapport font valoir que certaines institutions ont une qualification douteuse, la distinction entre la nature de juridiction administrative, d'un côté, organisme purement consultatif, de l'autre, étant loin d'être évidente. C'est le cas, par exemple, de la Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels, qui serait plus une juridiction qu'une AAI. En Espagne, la distinction à opérer est celle entre les organismes dotés d'une « autonomie spéciale » et les « entités rattachées à l'administration », seuls les premiers pouvant être rangés dans la catégorie des AAI.

En Grèce, la grande distinction à retenir est celle entre les « autorités indépendantes consacrées constitutionnellement ou constitutionnelles » et les « autorités administratives indépendantes prévues par la législation ». En Italie, les autorités administratives indépendantes apparaissent dans les années 70, et la politique de création de ces autorités est largement inspirée de l'expérience française. Pour autant les choses sont loin d'être claires. L'expression d'autorité indépendante recouvre dans ce pays des réalités très diverses : il peut s'agir de simples services administratifs, il peut s'agir d'organismes consultatifs, il peut enfin s'agir d'organismes disposant d'un véritable pouvoir de décision. La doctrine est d'ailleurs très partagée pour qualifier ces organismes et certains parlent de « pouvoirs neutres », tandis que d'autres parlent de « pouvoirs de garantie ».

En Norvège, où les autorités de cette nature semblent relativement anciennes, le rapport norvégien fait entrer dans cette catégorie des institutions créées en 1816, à condition d'accepter cette terminologie, la notion d'autorité administrative indépendante n'apparaissant ni dans la Constitution, ni dans les lois, et ayant commencé à être évoquée d'abord dans les manuels de droit administratif, par référence aux expériences que l'on peut trouver dans les autres pays.

Aux Pays-Bas la notion d'autorité administrative indépendante a également été introduite en 1974 par la doctrine, un professeur de droit ayant développé la notion de zelfstandig bestuursorgaan qui désigne une institution créée par la loi ou par le gouvernement et ayant une mission de service public, mais ne faisant pas partie d'un ministère et n'étant pas soumise à l'autorité d'un ministre. Une telle définition a conduit à identifier, d'abord 25, puis quelque 200 institutions de ce type.

En Suisse, qui constitue un exemple intéressant dans la mesure où sa structure fédérale à trois niveaux offre de multiples exemples de modalités d'organisation de l'administration, on peut distinguer les autorités indépendantes rattachées à l'administration centrale et les autorités indépendantes entièrement autonomes, les premières agissant au nom et pour le compte de l'État, mais sans lui être subordonnées, les secondes étant représentées par l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI) ainsi que par une entité intercantonale chargée de contrôler l'importation et la mise en vente de médicaments en Suisse (SWISSMEDIC).

Les pays d'Europe centrale et orientale, longtemps placés sous le régime communiste qui ne pouvait en aucune manière reconnaître des institutions de cette nature, semblent rattraper rapidement leur « retard » en ce domaine, si l'on en juge par le nombre d'autorités de ce type déjà instituées dans ces pays, un petit pays tel que la Lituanie ayant déjà plus d'une vingtaine d'autorités.

Même si ces pays sont d'un moindre intérêt pour une réflexion sur les autorités administratives indépendantes française, il est cependant intéressant de noter que, peut-être dans le cadre ou dans la perspective d'une intégration dans l'Europe communautaire, et en vue d'apparaître comme de « bons élèves », ils se sont mis à créer de nombreuses AAI dans tous les domaines, ainsi que le montrent les rapports sur la Pologne, la République tchèque, la Lituanie ou la Roumanie.

Le cas de l'Union européenne est encore différent : il n'existe pas de véritables autorités administratives indépendantes au sens que l'on donne à cette expression dans notre pays. Si l'on met à part les organes techniques que l'Union a jugé nécessaires de créer au fur et à mesure et qui ne relèvent pas de la même problématique (il s'agit de ce que l'on appelle la comitologie, c'est-à-dire l'aide que les comités techniques apportent à la Commission dans l'exercice de ses compétences), les divers organismes qui ont été institués peuvent ressembler parfois à des AAI, mais cette ressemblance est trompeuse.

Le seul organisme comparable à nos AAI est évidemment le médiateur européen, institué par une décision du Parlement européen du 9 mars 1994 modifiée le 14 mars 2002. Le médiateur contribue, selon cette décision, à déceler les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes communautaires, à l'exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles et à faire des recommandations en vue d'y remédier.

En dehors du médiateur, aucun des organismes créés, des agences, ne dispose de véritable pouvoir, n'est indépendant des organes communautaires. Ces organismes s'inscrivent dans une perspective particulière, celle de définir une « gouvernance européenne ». Le rôle des États demeure en tout état de cause essentiel. Ainsi, le règlement instituant l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, qui pourrait faire penser à une AAI, déclare que cette « autorité » a été mise en place en vue de favoriser le fonctionnement en réseaux européens des organismes nationaux.

II - Diversité des institutions comparables à des AAI

Le terme de diversité est celui qui paraît le mieux caractériser l'ensemble des institutions que, dans les différents pays considérés, on peut classer comme des AAI ou comparer à des AAI. La diversité des dénominations est moins grande encore que la variété que l'on peut rencontrer dans les règles qui régissent les AAI comme dans le champ de leur intervention.

La diversité est celle des domaines dans lesquels elles interviennent, et qui ne semble le céder en rien à celle que l'on trouve en France. On peut distinguer semble-t-il, dans le cadre de la perspective d'une comparaison avec la France, deux grandes catégories de domaines.

1. Les domaines d'intervention des AAI largement communs à de nombreux pays

Il est d'abord possible de relever des domaines de création d'AAI communs à de nombreux pays, si ce n'est à tous. Ces domaines sont ceux qui concernent l'économie, et l'on relève que l'ouverture au marché d'un certain nombre d'activités s'est traduite, et continue de se traduire, par la création d'organismes de contrôle qui peuvent être considérés comme des AAI.

Des autorités de cette nature ont été instituées dans le domaine des banques, de la bourse, de la concurrence : on trouve en Belgique une Commission bancaire, financière et des assurances (CFBA) ; en Espagne, outre la Banque d'Espagne (rangée par le rapport dans cette catégorie), la Commission nationale du marché des titres et la Commission nationale du marché des valeurs, le Tribunal de défense de la concurrence ; aux États-Unis, les Regulatory agencies (au nombre de plus d'une cinquantaine) et, outre la FTC, précitée, la Commodity futures trading Commission, chargée de réguler certains marchés, la Security end exchange Commission, chargée de garantir la sécurité des marchés financiers et des transactions ; en Grande Bretagne, la Competition Commission est une sorte d'équivalent, sous les réserves émises précédemment quant à la situation britannique, de notre Conseil de la Concurrence ; en Grèce, la Commission de la concurrence, le Gouverneur de la Banque de Grèce (qui est un cas particulier d'autorité indépendante), la Commission des opérations de bourse, le Médiateur bancaire (chargé d'examiner, selon des procédures transparentes, les litiges des cocontractants avec les banques) ; en Italie, la Commissione nazionale per le società e la borsa (CONSOB), l'Autorità garante della concorrenza e del mercato ; en Lituanie toute une série d'AAi (ex. le Service de la concurrence, la Commission des valeurs) ; en Norvège l'Inspection des marchés financiers (Kredittilsynet) ; en République tchèque le Bureau pour la protection de la compétition économique ; en Roumanie l'Autorité des marchés financiers, le Conseil de la concurrence, la Commission de surveillance des assurances ; en Suisse la Commission fédérale des banques, la Commission de la concurrence.

Parmi les domaines où, de manière généralisée, on rencontre des AAI, il faut faire figurer le domaine de la radio, de la télévision, de l'audiovisuel. On ne trouve aucun pays dans lequel il n'ait pas été institué, sous une dénomination variable, un ou plusieurs organismes ayant cette finalité.

Ainsi, en Belgique, on trouve, pour la communauté wallonne (l'équivalent existant, pour la Communauté flamande, le Vlaams Commissariaat voor de Media), le Conseil supérieur de l'audiovisuel, chargé de la régulation du secteur de la radiodiffusion télévision en langue française) ; en Espagne, l'Entreprise publique de la radio et de la télévision espagnoles (RTVE) est considérée comme une autorité administrative indépendante sur laquelle la Chambre des Députés exerce un contrôle direct.

Au canada, la Canadian Radio-Television and telecommunications Commission (CRCT) est un organisme collégial, institué par la loi (plus exactement par trois lois) qui dispose d'une autonomie supérieure à celle des autres Agences canadiennes dans la mesure où ses décisions ou réglementations n'ont pas à obtenir l'approbation préalable du Cabinet, ce dernier pouvant cependant adresser des directives à la CRCT. Aux États-Unis, la Federal Communications Commission est bien connue, elle a compétence pour contrôler l'ensemble des communications, qu'elles soient intérieures ou à destination de l'étranger.

En Grande Bretagne l'Independent Television Commission joue le rôle de notre CSA ; en Grèce, le Conseil national de la radiotélévision, institué en 1989, est l'une des autorités ayant un statut constitutionnel et a pour mission d'exercer un contrôle (qui peut également prendre la forme d'une autorisation préalable) sur la radio et la télévision, avec possibilité d'infliger des sanctions administratives, en vue d'assurer l'objectivité de l'information et la qualité des programmes ; en Italie, le Garante per la radiodiffusione e l'editoria a été remplacé, en 1997, par l'Autorità per le garanzie nelle communicazioni .

Dans les pays d'Europe centrale on trouve de similaires institutions (Commission de la radio et de la télévision en Lituanie, Conseil national pour la radio et la télévision (KRRiTV) en Pologne, chargé constitutionnellement de veiller au respect de la liberté d'expression, du droit à l'information et de l'intérêt public à la radio et à la télévision, Conseil pour les émissions radiophoniques et télévisuelles en république tchèque, chargé par la loi de garantir la pluralité de l'offre des programmes, l'indépendance du contenu des émissions, l'observation des prescriptions juridiques, l'attribution et l'annulation des licences, Conseil national de l'audiovisuel en Roumanie) ; en Suisse la Commission fédérale de la communication a un rôle identique à ceux des organismes cités précédemment. Dans un pays fédéral, tel que l'Allemagne, on trouve à la fois une loi fédérale et une loi dans chaque Land.

Un autre domaine, commun aux pays dans lesquels une étude a été poursuivie, est celui que l'on pourrait qualifier de domaine de la protection des droits des citoyens. Ce domaine peut donner lieu à une multitude d'autorités, et il paraît compréhensible que l'on trouve des variations d'un pays à un autre. Il existe tout d'abord un type d'autorité qui, de plus ou moins loin, est comparable à notre Médiateur. Mais l'institution de ce type que l'on rencontre n'a pas nécessairement le statut d'AAI.

En Belgique, par exemple, le Médiateur fédéral est une juridiction administrative, non une AAI. En revanche, dans d'autres pays, l'institution peut être considérée comme une AAI. Ainsi, en Grèce, on trouve l'Avocat du citoyen, autorité administrative indépendante prévue par la Constitution et inspirée de l'Ombudsman suédois, qui a succédé au Médiateur de l'administration, qui n'avait pas fonctionné. Cet « Avocat du citoyen » est un intermédiaire entre les citoyens et les services publics, les collectivités locales et les personnes morales de droit privé, en vue de protéger les droits de l'administration, de lutter contre les dysfonctionnements administratifs et d'assurer le respect de la légalité. Relevons qu'il est également chargé de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant, fonction qui, en France (mais aussi dans un pays tel que la Lituanie) est assurée par une AAI spécifique. En Italie le Difensore civico, qui est comparable à notre médiateur, et que l'on trouve à l'échelon local et régional, n'est pas une véritable AAI.

La protection des droits des citoyens est également à l'origine d'une autre AAI qui semble en définitive plus répandue et plus généralisée que celles apparentées au Médiateur, une autorité chargée de la protection des données personnelles. Et peut-être faut-il voir dans l'institution de ce type d'autorité, et tout au moins en Europe, l'influence plus ou moins directe de la Communauté européenne.

Ainsi, en Espagne, l'« Agence de protection des données » dispose d'un pouvoir disciplinaire ; en Grande Bretagne la Data Protection Registrar, instituée en 1984 et réaménagée en 2000, a des fonctions comparables à celles de la CNIL en France ; en Grèce, l' « Autorité de protection des données à caractère personnel », visée par la Constitution sans être expressément nommée, a pour mission de garantir la protection des données personnelles de tout individu contre la collecte, le traitement et l'usage, en particulier par des moyens électroniques ; en Italie une institution similaire, prévue par la loi pour garantir des droits constitutionnels, et dont l'appartenance à la catégorie des AAI est discutée par une partie de la doctrine est le Garante per la tutela delle persone e di altri soggetti rispetto al trattamento dei dati personali. En Allemagne on trouve un Délégué fédéral à la protection des données et à la liberté de l'information (Der Bundesbeauftragte für den Datenschutz und für die Informationsfreitheit), avec des délégués à l'échelon de chaque Land, chargé de conseiller les autorités fédérales (Bundestag aussi bien que gouvernement), de réaliser des contrôles, de traiter des demandes, de collaborer en matière de protection des données sur la scène européenne et internationale, de rédiger des rapports d'activité et des avis.

Un autre domaine donnant lieu, partout, à des institutions pouvant être considérées comme des AAI est celui de l'économie, des organismes étant créés en vue d'opérer une régulation, ce terme revenant très fréquemment dans les rapports. Le domaine privilégié de la régulation semble être celui de l'énergie.

Ainsi, en Allemagne, l'Agence fédérale pour les réseaux d'électricité, de gaz, des télécommunications et ferroviaires (Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation und Eisenbahnen), créée sous forme de Bundesoberbehörde , exerce les compétences administratives de régulation qui lui sont confiées par la loi, le ministère fédéral pouvant lui adresser des instructions et exerçant également un contrôle de légalité des actes de l'Agence. En Belgique, où la « matière » de l'électricité et du gaz est partiellement régionalisée (avec une commission wallonne et une commission flamande) on trouve une Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CERG), qui a, d'une part, une mission de conseil auprès des autorités publiques pour tout ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des marchés du gaz et de l'électricité, d'autre part, une mission de surveillance et de contrôle de l'application des lois et règlements y relatifs. Notons que, récemment, une Chambre de litiges et un Service de conciliation et d'arbitrage ont été institués au sein de la CERG en vue de préserver la concurrence sur les marchés de l'électricité et du gaz.

Au Canada la régulation est assurée par le National Energy Board, créé en 1985, dont on peut souligner, au passage, l'importance, par le nombre d'agents dont il dispose, environ trois cent cinquante. Le rapport sur le Canada indique que cet organisme fonctionne comme un organe quasi-juridictionnel, ses décisions étant susceptibles de recours devant la Cour d'appel fédérale.

En Espagne, une Commission nationale de l'énergie se voit attribuer des fonctions de surveillance et de contrôle des installations et des opérateurs des marchés de l'énergie. En Grèce, une Autorité régulatrice de l'énergie a été créée en 1999 conformément aux exigences de la Directive 96/92/CE pour suivre et contrôler le fonctionnement du marché de l'énergie. Cette Autorité propose des mesures à adopter, donne des avis sur l'octroi des permis prévus par la loi, peut imposer des amendes, informe la Commission de l'Union européenne de l'avancement de la libération des marchés de l'énergie électrique et du gaz naturel. Le ministre du développement contrôle la légalité de ses actes, lesquels sont susceptibles de recours en annulation devant la Cour administrative d'appel d'Athènes. En Italie, l'Autorità per l'energia elettrica e il gas est chargée de surveiller les ententes qui restreindraient la concurrence, les abus de position dominante, les opérations de concentration.

2. Les domaines qui paraissent plus spécifiques

Les différents États étudiés présentent certaines spécificités du point de vue de leurs AAI. Certaines de celles-ci répondent à un besoin particulier du pays considéré, ou à une organisation différente de celle que nous connaissons en France pour une activité déterminée. Ainsi, au Canada, il existe une Canadian Transportation Agency (CTA, qui a succédé, en 1996, à la National transport Agency) chargée de la régulation dans le domaine du transport, en particulier en ce qui concerne les réglementations en matière d'acquisition ou de fusions de sociétés et d'encadrement des activités de transport. Dans ce même pays le Canada industrial Relations Board (CIRB) est chargé d'intervenir en matière de règlement des conflits du travail et peut imposer des sanctions en cas de pratiques irrégulières des employeurs (ceci ne s'appliquant, naturellement, qu'au secteur privé). En Grèce a été créée, de même, une « Autorité régulatrice des transports intérieurs maritimes », chargée de faire respecter la libre concurrence en ce domaine.

On ne s'étonnera guère de trouver en Belgique une « Commission permanente de contrôle linguistique » (anciennement dénommée Commission de contrôle), chargée de faire respecter les prescriptions légales en ce domaine et tenant à l'existence, dans ce pays, de trois langues nationales (allemand, français, néerlandais) et de quatre régions linguistiques (région de langue française, région de langue néerlandaise, région bilingue de Bruxelles-Capitale, région de langue allemande). Mais il est également intéressant de relever, en Belgique, l'existence d'une « Commission chargée du renouvellement du culte musulman », autorité créée par une loi de 2004, cette commission ayant un caractère provisoire, étant chargée de garantir le bon déroulement des élections au sein de la communauté musulmane et devant disparaître ensuite. Toujours en Belgique, et dans un tout autre domaine, qui peut être source de réflexion pour la France, la région de Bruxelles-Capitale a institué, en 2004, une « Commission royale des monuments et des sites de la région de Bruxelles-Capitale » (qui a pris la suite de la Commission royale des monuments et des sites, qui avait été créée par décret royal en 1835 et qui a subsisté jusqu'à la régionalisation), chargée de donner un avis sur toute question se rapportant à un bien relevant du patrimoine, et pouvant adresser des recommandations de politique générale sur la problématique de la conservation du patrimoine.

La sûreté ou la sécurité nucléaire donne lieu à la création d'organismes destinés à surveiller la production d'électricité d'origine nucléaire. Aux États-Unis, la Nuclear Regulatory Commission est un organisme collégial chargé de veiller à la protection de la santé et de l'environnement. En Espagne le « Conseil de sécurité nucléaire » s'est vu reconnaître des compétences d'inspection et de contrôle en matière de sécurité nucléaire et radiologique, il peut également proposer l'ouverture d'une enquête disciplinaire.

Aux États-Unis, dans presque tous les domaines il est possible de trouver une autorité pouvant être plus ou moins assimilée à une AAI. Ainsi, dans le domaine de la consommation, la Consumer product safety commission intervient dans le cadre de la protection de la sécurité du consommateur et de la prévention des risques en matière de consommation ; le Defense nuclear safety board , institué par le Atomic Energy Act de 1984 est compétent en matière de sûreté nucléaire ; l'Equal employment opportunity commission institué par le Civil Rights Act de 1964 est chargé de veiller à l'application des exigences fédérales en matière de non-discrimination à l'emploi ; la Federal mine safety and health review commission, instituée par le Federal Mine Safety and Health Act de 1977, veille au respect des normes relatives à la santé et à la sécurité établies pour l'ensemble des activités minières du pays ; le Federal retirement Thrift investment Board, institué par le Federal Employees Retirement System Act de 1986, est chargé d'administrer un système d'épargne retraite au profit des agents fédéraux ; la Nuclear regulatory commission, instituée par l'Energy Reorganization Act de 1974, est chargée d'un contrôle de l'utilisation civile de l'énergie nucléaire dans le but de protéger la santé et l'environnement ; l'Occupational Safety and Health review commission, instituée par l'Occupational Safety and Health Act de 1970, est chargée de régler les conflits relatifs à des conditions de travail dangereuses, etc.

En Grande Bretagne on trouve des organismes chargés de protéger l'égalité et de lutter contre les discriminations, la Commission for Racial Equality et l'Equal Opportunities Commission.

En Grèce, l'« Autorité de garantie du secret des communications », dont l'existence est garantie constitutionnellement, est chargée de garantir le secret des lettres et la libre correspondance des communications par tout moyen ; le « Haut Conseil de sélection du personnel », qui a également reçu une consécration constitutionnelle, a pour mission de contrôler les procédures de recrutement des agents de l'État, des collectivités territoriales et du secteur public en général, en vue d'introduire dans les procédures de sélection des agents des garanties de mérite, d'objectivité et de transparence ; elle proclame les postes à pourvoir, peut notifier au Premier ministre et à la Chambre des députés les infractions commises. Notons encore, de création législative, un « Haut Conseil de règlement des litiges sportifs », qui est un organe disciplinaire et juridictionnel de second ressort considéré comme une AAI.

Dans ce même pays, est considéré comme une AAI le Conseil national de l'éducation, créé par la loi, bien qu'il n'ait que des attributions consultatives et le rapport indique, à juste titre nous semble-t-il, que cette dénomination est contestable, cette institution ressemblant fort à un Conseil supérieur de l'éducation tel qu'il peut en exister en France et dans d'autres pays. La même observation et le même doute valent pour la Commission des objecteurs de conscience instituée par une loi de 1997.

En Italie il faut relever l'existence d'une AAI particulière, la Commissione di garanzia dell'attuazione della lege sullo sciopero nei servizi publlici essenziali, c'est-à-dire sur l'exercice du droit de grève dans les services publics les plus importants. Au Portugal on peut relever, parmi les AAI, une Commission nationale d'objection de conscience, une Commission pour le contrôle du secret d'État, un Conseil d'éthique pour les sciences de la vie. En Suisse deux autorités sont présentées comme « entièrement autonomes », l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI), qui demeure cependant soumis à une certaine surveillance du Conseil fédéral (mais ce dernier ne peut donner d'instructions particulières), qui perçoit directement des taxes pour les activités relevant de la souveraineté de l'État et des rémunérations qu'il demande pour les prestations de service et les indemnités qui lui sont versées au titre de certaines prestations ; SWISSMEDIC a un fonctionnement similaire.

Un domaine assez particulier donne lieu en quelques pays à une autorité administrative indépendante, celui des jeux de hasard. Ainsi, en Belgique, a été instituée une « Commission des jeux de hasard », qui a principalement pour tâche de contrôler l'application de la loi sur les jeux de hasard et de ses textes d'application, en particulier d'appliquer les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et la fraude fiscale. À ce titre la Commission octroie les licences d'exploitation et peut prononcer des avertissements, suspendre ou retirer la licence d'exploitation. De même, en Grèce, il existe une Commission de surveillance et de contrôle des jeux de hasard, instituée en 2004, dans le but de surveiller les jeux de hasard, cette commission disposant de compétences consultatives mais également de compétences de décision et de sanction. Une semblable commission se retrouve en Lituanie et en Suisse.

Les différences sont également relatives à la nature juridique des AAI. Le plus souvent ces autorités ont une nature législative. Cependant, dans certains cas, il leur a été donné une nature constitutionnelle, ce qui est une manière de mieux les protéger. Cela revient également à créer des AAI à deux vitesses ou à deux protections, à considérer que certaines méritent plus que d'autres d'être protégées, y compris du pouvoir législatif.

Toujours en ce qui concerne la nature juridique de ces institutions, on peut se demander si, dans certains pays au moins, la création de telles autorités ne provient pas de l'absence de certaines formules que nous connaissons, en particulier l'établissement public. Tous les pays ne connaissent pas cette formule, et le sentiment que l'on éprouve face à certaines de ces autorités est que le recours à la formule s'explique par l'absence d'autres possibilités juridiques que permet, en France, l'établissement public. En revanche certains de ceux qui disposent dans leur arsenal juridique de l'établissement public dotent leurs autorités administratives indépendantes de ce statut.

La diversité des statuts juridiques applicables est un autre trait caractéristique des AAI que l'on trouve dans les pays étudiés. Il n'existe aucune formule type qui permettrait de répondre de l'ensemble des institutions créées. Tantôt, en effet, les autorités créées ne disposent pas de la personnalité juridique et sont de simples services administratifs, ce qui peut faire douter de l'indépendance que, dans chaque pays, on estime indispensable à l'existence d'une telle autorité. Cependant cette appréciation doit être nuancé, l'exemple de pays tels que la France montrant que la quasi-totalité des AAI n'a pas la personnalité juridique (on reviendra sur ce point en conclusion). Tantôt, et beaucoup plus logiquement, tout au moins dans la perspective des autres pays, la personnalité juridique est attribuée à l'institution. Tantôt, également, l'autorité en question n'est qu'un organisme consultatif. Dans cette hypothèse on peut fortement douter que l'on ait affaire à une AAI telle qu'on l'entend en France, car si l'on se met à considérer les organismes consultatifs comme des AAI, on se trouverait avec des milliers d'AAI, et la notion n'aurait plus guère de signification. Les pouvoirs reconnus à ces autorités sont également extrêmement variables. 

III - Organisation, fonctionnement, pouvoirs

1. L'organisation et le fonctionnement

L'organisation des AAI est destinée à leur assurer une « indépendance » à l'égard des pouvoirs publics. Mais il convient de souligner qu'en aucun pays on ne considère cette « indépendance » comme absolue, elle est toujours relative, il s'agit toujours d'une question de dosage. La nuance est entre les pays dans lesquels on estime que même le législateur ne doit pas porter atteinte à ces autorités et ceux, très majoritaires, qui estiment que ces autorités doivent être soumises au législateur, que celui-ci est le seul à pouvoir décider en définitive.

En ce qui concerne tout d'abord la composition des AAI, dans la plupart des pays les AAI sont des institutions collégiales, certains insistent même sur ce point en considérant que la collégialité est une condition indispensable. Tel est le cas des États-Unis. Cependant, dans plusieurs pays il est également admis que l'autorité soit constituée d'une seule personne, c'est le cas de certaines autorités en Belgique qui prennent le nom de « commissaire », ce dernier pouvant être assisté de commissaires adjoints ; ou bien c'est le président seul d'une institution qui est considéré comme une autorité administrative indépendante. En Grande Bretagne, après un temps (les années 80-90) où la majorité des organismes indépendants étaient dirigés par un responsable unique, on s'est orienté ensuite vers des organismes à direction collégiale, le « Bureau » étant présidé par un directeur, le Chairperson.

La création d'une AAI peut résulter de toutes sortes de normes. La création par voie constitutionnelle n'est certes pas le cas le plus fréquent, mais se trouve au moins dans deux pays européens, et pour certaines autorités, en Grèce et au Portugal. Cette création constitutionnelle ne joue d'ailleurs que pour certaines AAI, ce qui aboutit à des AAI à « deux vitesses ». La consécration constitutionnelle donne évidemment une protection supérieure à l'autorité en question. Soulignons seulement le fait, d'un point de vue français, que si la nature constitutionnelle d'une autorité peut séduire, la tendance à faire « remonter » trop de choses dans la Constitution présente un risque évident, la fonction de la Constitution pouvant s'en trouver altérée.

Quelquefois cette création ne peut être effectuée, dans plusieurs pays, que par la loi, et tel est le cas en Allemagne, où cette exigence résulte directement de la Loi fondamentale (art. 87, al. 3), mais plus souvent encore on peut noter une sorte de partage des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif en matière de désignation des autorités administratives indépendantes. Parfois une loi spéciale est même exigée par la Constitution. La loi comporte dans certains cas comme l'Espagne la réglementation essentielle relative à l'organisation et au fonctionnement de l'autorité, parfois elle renvoie au gouvernement le soin d'établir cette réglementation.

En ce qui concerne les organes de l'Union que l'on peut rapprocher des AAI, leur création résulte d'actes du droit communautaire dérivé, c'est-à-dire de règlements. Cependant, certaines, issues de la mise en œuvre des deuxième et troisième pilier (politique étrangère et de sécurité commune, pour le deuxième, coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures pour le troisième) présentent des caractéristiques spécifiques. Ainsi Europol résulte par exemple d'une Action commune du Conseil, puis d'une convention, pour son statut, et Eurojust d'une décision du Conseil.

Le statut applicable à l'autorité est tantôt un régime de droit public, ce qui est la situation la plus courante dans les pays « continentaux », tantôt un régime de droit privé, que l'on trouve facilement aux États-Unis, le statut étant fonction de ce que prévoit la loi créant l'autorité. Dans les États fédéraux la création d'une autorité administrative indépendante peut résulter aussi bien d'une loi fédérale que d'une loi d'un État membre, comme en Allemagne.

En ce qui concerne la désignation, des règles différentes sont adoptées selon les pays. Souvent l'autorité est désignée par le Parlement, ou par la Chambre basse du Parlement, parfois par une commission spéciale au sein du Parlement. Ce mode de désignation l'emporte, et de loin, sur la nomination par l'exécutif.

Il arrive cependant que ce dernier se voit reconnaître un tel pouvoir, mais c'est sous le contrôle du Parlement et, par exemple, en Espagne, la Chambre des députés peut opposer un veto à la nomination par le gouvernement, à condition qu'il soit « justifié », tandis qu'en Italie la nomination des présidents d'AAI par le président de la République doit être approuvée par une loi. Dans ce même pays on distingue trois procédés de désignation, les autorités à désignation parlementaire, les autorités à désignation gouvernementale, les autorités à désignation conjointe.

Il faut relever une particularité de la désignation aux États-Unis, où les mandats sont décalés dans le temps, les différents membres de ces institutions n'étant pas nommés en même temps. Parfois la nomination est faite, pour partie, par le Parlement, pour partie par l'autorité administrative elle-même.

Une différence considérable est à relever, selon les pays, quant aux qualités exigées des membres des AAI. Dans certains cas les nominations sont très politiques ou politisées, le meilleur exemple étant celui des États-Unis. La conséquence en est les critiques portées contre les personnes composant ces institutions, jugées incompétentes. À l'autre extrême on trouve des pays, tels la Grèce, dans lesquels les qualités des membres des AAI sont au contraire déterminantes : selon la Constitution grecque les personnes membres des AAI doivent présenter les qualifications correspondantes, qualifications qui sont définies par les lois instituant ces autorités. Dans un pays tel que la Grande Bretagne, le plus souvent il est fait appel à des experts non partisans, ou à des personnalités indépendantes. Dans de nombreux pays continentaux la situation est intermédiaire, les nominations, sans être nécessairement franchement « partisanes », se portent sur des personnalités politiques, anciens ministres ou parlementaires. À l'échelon européen, le médiateur est choisi parmi des « personnalités » qui « offrent toute garantie d'indépendance et réunissent les conditions requises dans leur pays pour l'exercice des plus hautes fonctions juridictionnelles ou possèdent une expérience et une compétence notoires pour l'accomplissement des fonctions de médiateur ».

Tous les pays, et c'est le cas, également, de la Communauté européenne avec le médiateur, insistent sur l'indépendance des AAI, certains en font une condition de la qualification d'AAI. Mais dans un pays comme l'Allemagne le « principe de démocratie » s'oppose à une trop grande indépendance, toute autorité publique devant être surveillée par une autorité légitimée par le Parlement. Par ailleurs, les moyens d'assurer cette indépendante sont très variables. Partout des incompatibilités sont instituées. La non soumission au gouvernement est également présentée comme une garantie d'indépendance, ce qui n'empêche pas de reconnaître un certain pouvoir à l'autorité gouvernementale, comme la révocation en cas d'incapacité permanente dans l'exercice de la fonction (Espagne), ou en cas de condamnation pénale, lorsqu'elle est possible.

En Norvège on semble considérer comme possible la création d'une AAI sans que pour autant soient supprimés les liens de subordination et de hiérarchie par rapport à l'administration ministérielle. Dans ce pays les auteurs considèrent que l'on peut dresser une sorte d' « échelle » de l'indépendance de ces autorités. L'indépendance est également réalisée, dans certains cas, par la possibilité pour l'autorité de percevoir des taxes pour les services qu'elles rendent en plus des attributions provenant du budget d'un ministère. Dans un pays comme la Grèce il est précisé que les membres des AAI sont liés uniquement par la Constitution et par les lois et « obéissent à leur conscience », à l'instar des magistrats.

Il est à noter que certains pays ont entrepris de « rationaliser » les AAI qui ont tendance, un peu partout, à se multiplier, avec des statuts et pouvoirs très divers. Il est ainsi à signaler qu'aux Pays-Bas le gouvernement a proposé, en 2000, une Kaderwet zelfstandige bestuursorganen, c'est-à-dire une loi-cadre relative aux AAI destinée à fixer des règles générales identiques (sauf dérogation expresse) pour toutes les AAI, une AAI y étant définie comme un « organe administratif de l'Administration centrale, investi de pouvoirs publics par la loi, par décret en vertu de la loi ou par arrêté ministériel en vertu de la loi, et qui n'est pas subordonné hiérarchiquement à un ministre ». Ce projet de loi est toujours en suspens, à l'heure actuelle, devant le Sénat.

2. Les pouvoirs des AAI

Les pouvoirs des AAI sont extrêmement variables. On peut écarter de la catégorie des AAI les organismes, parfois classés par les pays eux-mêmes dans cette catégorie, mais avec de forts doutes, ces institutions ne correspondant pas à ce que l'on considère en France comme tel.

Il convient également d'ajouter que, selon les traditions politiques des pays, les pouvoirs de ces autorités ne peuvent pas être appréciés de la même manière, en ce sens que l'influence réelle ne dépend pas seulement des pouvoirs prévus par les textes : l'autorité « morale » d'une institution peut être un facteur plus important de son influence sur les pouvoirs publics et sur la société que les attributions qui lui sont remises, et cela vaut essentiellement dans les pays anglo-saxons, spécialement la Grande Bretagne.

Selon la doctrine britannique, en effet, les organes indépendants de régulation ont avant tout une fonction de « légitimation stratégique ». Le rapport sur la Grande Bretagne signale ainsi que les Agences indépendantes peuvent être le moyen, pour le gouvernement, de s'engager dans des réformes délicates suscitant l'hostilité de l'électorat, en confiant à ces dernières l'exécution d'une politique (ainsi, par exemple, pour la Commission for racial Equality). Dans ce pays, les organes indépendants de régulation disposent de « policy powers », ce qui peut être traduit approximativement par pouvoirs d'orientation de politique administrative.

Dans les autres pays, où une comparaison avec nos propres autorités semble possible, ou moins contestable, les AAI ou ce que l'on peut considérer comme telles peuvent disposer de trois types de pouvoirs, tantôt réunis, tantôt n'existant que partiellement.

Le premier pouvoir est le pouvoir d'enquête auprès des administrations. Ce pouvoir est lui-même très différencié selon les AAI et selon les pays. Il peut aller, comme aux États-Unis, jusqu'à contraindre des personnes à fournir des informations, inspecter les locaux où les personnes travaillent, ordonner des comparutions de fonctionnaires, ces derniers ne pouvant se dérober à cette demande sous peine de poursuite et de sanctions.

Un deuxième pouvoir est le pouvoir de réglementation d'une activité ou d'un domaine. Ce pouvoir peut prendre la forme de directives générales ou de normes très précises. Dans plusieurs pays ces autorités sont compétentes pour établir des normes très techniques, par exemple en matière de marchés financiers, de télécommunications, de l'énergie, etc. Il peut consister également en l'attribution d'autorisations, par exemple dans le domaine de l'audiovisuel.

Un troisième pouvoir est le pouvoir de sanction. Ces sanctions peuvent être administratives mais peuvent également être quasi-juridictionnelles, certains auteurs parlant, dans leur pays, de pouvoirs « para-juridictionnels », c'est-à-dire le pouvoir de résoudre des conflits qui normalement relèvent des juridictions (ex. au Portugal). D'autres évoquent le rôle « quasi-juridictionnel » de certaines AAI. Dans plusieurs pays on relève l'existence d'un pouvoir disciplinaire au profit de l'autorité. Aux États-Unis, certaines agences se voient reconnaître un pouvoir de poursuite judiciaire, voire de jugement (ex. l'Equal Employment Opportunity Commission, chargée d'appliquer les dispositifs fédéraux anti-discriminatoires), d'autres ont une compétence en matière de « mode alternatif des conflits » (Alternative Dispute Resolution, ex. la Federal Maritime Commission).

3. Le contrôle sur les AAI

Quant au contrôle exercé par les pouvoirs publics sur ces autorités, plusieurs rapports considèrent les modalités de désignation des membres comme une forme de contrôle. Dans un certain nombre de pays, tel par exemple l'Allemagne, il est parlé de la « surveillance » exercée par un ministre sur l'autorité (surveillance, à la fois, du ministre fédéral et du ministre du Land), mais qui doit cependant respecter son indépendance, le contrôle étant un contrôle de légalité des actes de l'autorité effectué par le ministre. Ce contrôle de légalité des actes par une autorité ministérielle apparaît comme une situation assez fréquente.

À plus forte raison en est-il du contrôle que la ou les chambres du Parlement exercent sur ces autorités. Ce contrôle est considéré comme un contrôle normal, légitime.

Les décisions de certaines AAI intervenant dans le domaine économique peuvent être parfois « suspendues » (ex. en Belgique pour la Commission de régulation de l'électricité et du gaz). Le contrôle peut aussi consister en l'exigence pour l'autorité de produire chaque année un rapport, ce rapport devant être obligatoirement transmis, quelquefois, à la Chambre des députés ou aux deux chambres.

Il est précisé dans plusieurs pays que les décisions des autorités sont susceptibles de recours devant le juge, ce dernier étant, dans les pays de tradition juridique française, le juge administratif, et dans les autres pays, surtout s'ils sont de Common Law, devant le juge judiciaire.

On peut également rencontrer, en Europe, et pour certaines autorités intervenant dans des domaines sensibles politiquement, la présence auprès de l'autorité d'un commissaire du gouvernement (ex. pour certaines autorités intervenant dans le domaine de l'audiovisuel). Les présidents de certaines autorités peuvent être convoqués et appelés à témoigner devant une chambre du Parlement (ex. Espagne pour le président de la Commission nationale du Marché des Valeurs, après un scandale financier).

Aux États-Unis, une fois de plus, les choses sont particulières, dans la mesure où les « agences » entretiennent des relations suivies avec le Congrès comme avec la Présidence, et que ces rapports sont tout autant politiques que juridiques. Le Congrès exerce toute une série de contrôles, qui vont de la demande de rapports à la tenue d'audiences en passant par les enquêtes. Une dépendance existe également à l'égard de l'exécutif, et qui résulte notamment du fait que les biens des agences sont gérés par la « General Services Administration » rattachée à l'exécutif, ainsi que des contrats que ce dernier passe avec les agences. Un autre mode de contrôle exercé par le président résulte du pouvoir (« Responsability of the President to take care that the laws be faithfully executed ») prévu par l'article II, § 3 de la Constitution fédérale. Dans tous les pays il est signalé que le contrôle du budget des autorités est une arme aux mains du pouvoir exécutif et/ou législatif pour contrôler les AAI.

La question que l'on se pose au terme d'une étude sur les AAI dans les autres pays est de savoir si l'on peut en tirer des enseignements pour notre propre pays. Les exemples étrangers sont instructifs en ce qu'ils nous montrent que d'autres possibilités d'organisation sont possibles, que d'autres domaines que ceux que nous connaissons peuvent faire l'objet d'une intervention d'AAI. En même temps, la comparaison trouve des limites rapides et évidentes. Les expériences des différents pays en ce domaine paraissent trop différentes pour pouvoir en tirer des conclusions. Le modèle français n'est sans doute pas un modèle idéal, mais il présente une certaine cohérence, c'est un modèle qui présente également une originalité certaine.

L'un des problèmes en France est sans doute de savoir, surtout dans la perspective envisageable de « couvrir » de nouveaux domaines par des AAI, s'il ne conviendrait pas de regrouper au moins certaines d'entre elles au sein de sortes de « superAAI » dont un des mérites au moins serait l'unification inévitable des règles et des procédures applicables. Ainsi l'on a pu constater que, dans certains pays, les fonctions qui sont celles que nous avons attribuées à une AAI particulière, le Défenseur des enfants, étaient assurées par l'équivalent du médiateur. De même on peut s'interroger sur la multiplication d'autorités dans le domaine de la régulation. La prise en compte de la spécificité de chaque domaine n'implique peut-être pas nécessairement la création, dans chaque cas, d'une AAI.

Sans vouloir empiéter sur ce que souhaite faire le Sénat, il est possible d'avancer que la multiplication des AAI en France entraîne, outre des coûts qui peuvent ne pas être négligeables, une fragmentation des compétences et une absence de vision d'ensemble de problèmes qui, bien que relevant d'autorités différentes, présentent un certain nombre d'analogies.

En même temps cela soulèverait probablement une nouvelle question, relative au statut des ces autorités, en particulier quant à la question de l'attribution de la personnalité morale. Actuellement les AAI n'ont pas la personnalité morale, en dehors d'exceptions telles que l'AMF et la CRE. Ces exceptions sont-elles justifiées ? Il appartient naturellement au Parlement de décider de faire ou non d'une AAI une personne morale, mais on peut au moins s'interroger sur l'intérêt qu'il y aurait ou non à unifier les statuts et, éventuellement, à proposer un modèle unique d'AAI.

L'une des difficultés que l'on rencontrait, s'agissant des personnes morales, était qu'en dehors des collectivités publiques territoriales (État et collectivités territoriales) notre droit public ne connaissait qu'une catégorie, celle des établissements publics. Mais le Parlement comme le juge administratif ont ouvert de nouvelles possibilités en reconnaissant l'existence de nouvelles catégories de personnes publiques en dehors des collectivités territoriales et des établissements publics. Peut-être y aurait-il là une voie à explorer dans la perspective d'une réforme des AAI.

ALLEMAGNE

par le professeur Christian AUTEXIER,
Mmes Hélène LANGLOIS, Jessica RICHTER et Bettina SÜSKIND
de l'Université de Sarrebruck

_______

L'objet de l'étude est de répondre à un certain nombre de questions relatives aux organismes allemands que l'ont peut considérer comme homologues des autorités administratives indépendantes du droit français :

- modalités de création ;

- position de ces entités par rapport aux pouvoirs 1égislatif, exécutif et judiciaire

- conditions de nomination de leurs membres ;

- garanties d'indépendance de leurs membres ;

- prérogatives ;

- modalités de contrô1e de leur activité par les pouvoirs 1égislatif ou exécutif

- conditions de leur indépendance financière.

Dans la mesure du possible, l'étude évaluera l'influence du droit communautaire dans la création d'agences et d'autorités indépendantes en Allemagne. Elle indiquera, le cas échéant, les modalités d'implication de ces instances dans l'élaboration et l'application du droit communautaire.

I - Délimitation du champ de la recherche

II - Présentation de ces organismes au regard des questions posées

III - Synthèse des résultats

I - La délimitation du champ de la recherche

La notion d'autorité administrative indépendante est inconnue du droit allemand. Elle n'y correspond à aucune catégorie du droit de l'administration publique, au niveau fédéral comme à celui des Länder.

Elle n'existe pas même sous la forme d'une expression commode qui pourrait désigner de manière allusive ou suggestive, à la manière d'un chiffre ou d'un code, un phénomène dont on pressent l'unité à travers la diversité institutionnelle. Tout au plus peut-on relever ici et là des références à des formes nouvelles du management public à l'étranger et en particulier aux agences américaines et au « quangos » britanniques398.

Le parti a donc été pris d'utiliser une définition française du concept d'Autorité administrative indépendante, définition tirée en l'occurrence de l'étude des AAI par le Conseil d'État dans son rapport public 2001 (=> 1.1).

De la même manière que le Conseil d'État a fait application de ces critères pour qualifier ou non comme AAI des organismes pour lesquels il n'y avait ni détermination législative, ni jurisprudentielle, nous avons décidé d'en faire application à une quinzaine d'organismes allemands intuitivement perçus comme proches, voire homologues d'autorités françaises. L'application des critères a permis de réduire à huit organismes la taille de l'échantillon (=> 1.2).

Avant de présenter ces organismes en seconde partie sous la forme de fiches de synthèse (=> 2), il a paru nécessaire pour en faciliter la compréhension de rappeler brièvement le contenu des notions allemandes utilisées pour définir ces organismes, ainsi que celui de quelques expressions doctrinales ou jurisprudentielles (=> 3).

1.1. Les critères de reconnaissance des AAI

La grille de reconnaissance tirée de l'analyse du rapport 2001 du Conseil d'État a été la suivante :

Grille de dépistage et d'analyse des organismes allemands homologues des AAI
(Stand : 19.10.2005)

Critères généraux

1) Elles sont crées par une loi

À défaut elles sont reconnues comme telles par le juge

2) Elles ne sont pas des juridictions

Pas d'autorité de la chose jugée (keine Rechtskraftswirkung einer Gerichtsentscheidung)

Le contrôle de la légalité de leurs décisions n'est pas confié à un juge de « Révision »

3) Elles n'ont en principe pas la personnalité morale

Exceptions : AMF (Marchés financiers) et CRE (régulation de l'énergie)

Ce ne sont ni des établissements publics, ni des groupements d'intérêt public - sauf exception-

Elles ne sont ni KÖrperschaft des Ör

Ni Anstalt des Ör

Ni Stiftung des Ör

4) Elles sont de nature administrative

- pas de personnalité juridique distincte de l'État

- pas hiérarchiquement soumises au premier ministre ou à un ministre

- leurs actes (individuels sont normalement soumis au juge administratifs (parfois à une juridiction judiciaire)

- leur action peut engagée la responsabilité de l'État

- mais elles peuvent agir en justice sans devoir se faire représenter par un ministre

- toutefois, leur budget est normalement inséré dans celui d'un ministère

- Überprüfbare VA

Domaine d'activité

- Médiation

- Protections des droits/libertés

- Évaluation pluridisciplinaire ou

expertise

- Garantie de l'impartialité d'une décision publique

- Autorité de régulation

Autolimitation du pouvoir exécutif par

- le développement de standards

- souci d'effectivité par interactivité entre la règle de droit et le fait

Organisation et fonctionnement

Nomination par une autorité non administrative

Ex : Président d'une Assemblée parlementaire

Indépendance organique

. Collégialité

. Pas de présence prédominante de membres issus des ministères

. Non-révocabilité des membres

. Durée sufissamment longue du mandat dans l'AAI

. (si nomination par autorité de l'Exécutif : pas de renouvellement possible du mandat)

Indépendance fonctionnelle

. Le budget de l'AAI échappe aux pressions gouvernementales ou ministérielles

. Liberté dans le choix des collaborateurs

Pouvoirs de l'AAI

. Pouvoir réglementaire

. Pouvoir d'avis

. Pouvoir de décision dans cas concret

. Pouvoir de sanctionner

(Si oui, caractère effectivemment non décisoire de l'avis)

. sanctions de nature administrative

. sanction analysée comme entrant dans le champ de l'article 6 - 1 CEDH

(sinon on serait en face d'un organe juridictionnel)

1.2. L'établissement d'un échantillon d'organismes allemands satisfaisant aux critères

Parallèlement à l'établissement de cette grille, nous avions dans un premier temps établi une liste d'une quinzaine d'organismes allemands qui pouvaient, subjectivement, paraître proches de la notion d'AAI.

Ces organismes ont alors été soumis au test des critères de la grille ci-dessus.

Cette démarche à permis de réduire l'échantillon à la huitaine d'organismes satisfaisant le mieux aux critères de la grille. Sont alors disparus de l'échantillon des organismes purement consultatifs, comme la commission centrale d'éthique.

Nous avons surtout laissé de côté les organismes qui ont été créés au niveau de chacun des États-membres de la Fédération. La prise en compte des Landesmedienanstalten est l'exception qui confirme la règle.

L'échantillon retenu se compose des organismes suivants  (dans l'ordre chronologique d'apparition):

Deutsches Patent- und Markenamt / Office des brevets et des marques

(Héritier de l'Office créé en 1877, actuellement régi par la loi sur les brevets dans sa version refondue en 1989 et modifiée à de multiples reprises depuis lors)

[Bob : Bundesoberbehörde rattachée au Ministère fédéral de la Justice].

Bundeskartellamt / Conseil de la concurrence

(01.0.1958: Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB))

[Bob : Sebstständige Bundesoberbehörde]

Landesmedienanstalten / établissements des Länder pour l'audiovisuel : appellation générique des autorités des Länder pour le contrôle de l'audiovisuel privé

[AÖR, établissements de droit public]

Bundesbeauftragter für den Datenschutz und für die Informationsfreiheit / Le Délégué fédéral à la protection des données et à la liberté de l'information

(Créé initialement pour la seule protection des données (Bundesdatenschutzgesetz (BDSG)) du 20 décembre 1990 ; compétence étendue au domaine de la liberté de l'information par une loi du 5 septembre 2005)

[Statut spécifique : Le Délégué est «dans une relation de service régie par le droit public ». Ceci semble, de facto, correspondre à une Bundesoberbehörde]

Umweltgutachterausschuss/ Commission des vérificateurs environnementaux

(art. 21 de la loi du 7 décembre 1995)

[KÖR : Collectivité de droit public à personnalité limitée]

Bundesanstalt für Finanzdiensleistungsaufsicht / établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers

(Loi du 22 avril 2002)

[AÖR, établissement de droit public]

[se substitue à trois autorités antérieurement distinctes :

- l'Office fédéral de contrôle du crédit (Bundesaufsichtsamt für das Kreditwesen),

- l'Office fédéral de contrôle du commerce des valeurs mobilières (Bundesaufsichtsamt für den Wertpapierhandel),

- l'Office fédéral de contrôle des assurances (Bundesaufsichtsamt für das Versicherungswesen)].

Bundesagentur für Arbeit / Agence fédérale pour l'emploi

(Loi du 23 décembre 2003 : art. 367 du troisième livre du Soziagesetzbuch)

Nouvelle dénomination de l'ancien Reichsantanstalt für Arbeitsvermittlung und Arbeitslosenversicherung (1927) devenu Bundesanstalt für Arbeit en 1969

[KÖR : collectivité de droit public]

Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunication, Post und Eisenbahnen /

Agence fédérale des réseaux : électricité, gaz, télécommunications, poste et chemins de fer

(Loi du 12 juillet 2005)

[Bob : Sebstständige Bundesoberbehörde]

[nouvelle dénomination de l'ancienne «autorité de régulation des télécommunications et de la poste»].

Bundesbeauftragter für die Informationsfreiheit / Le Délégué fédéral à la liberté de l'information (accès aux documents de l'administration fédérale)

(Loi du 5 septembre 2005)

Les missions du Délégué fédéral sont exercées par le Délégué à la protection des données.

1.3. Présentation succincte des notions et catégories du droit public allemand qui apparaissent dans les textes et commentaires relatifs aux organismes de l'échantillon

Nous voulons en cette fin d'introduction présenter de manière rapide quelques catégories du droit allemand. D'abord celles qui correspondent aux trois formes juridiques entre lesquelles se répartissent les organismes de l'échantillon :

Anstalt des öffentlichen Rechts, [AÖR, établissements de droit public]

Körperschaft des öffentlichen Rechts [KÖR : collectivité de droit public]

Bundesoberbehörde [Bob : Autorités fédérales supérieures: art. 87.III Loi fondamentale]. Nous avons constaté avec amusement, que dans la traduction de la loi fondamentale pour le service de presse et d'information du gouvernement fédéral (par Autexier, Flauss, Fromont, Grewe, Jouanjan, Koenig), nous avions traduit dès 1989 selbständige Oberbehörde par autorité administrative supérieure fédérale indépendante.

(Voir au minimum en langue française : Christian Autexier, Introduction au droit public allemand (PUF 1997), n° 160, 166 et 169).

Quelques expressions apparaissent souvent dans les publications relatives aux organismes retenus :

- Ministerialfreier Raum

- Regulierungsbehörde.

II - Présentation des organismes de l'échantillon

[Voir les fiches jointes, par organisme, par catégorie juridique et par ordre d'ancienneté, cotées : 2.1.1 à 2.3.2.]

III - Synthèse- des résultats

1. Il existe bien en Allemagne des organismes fonctionnellement comparables aux AAI. On s'en doutait, mais l'application des critères dégagés de l'étude du Conseil d'État en apporte confirmation.

2. La création par le législateur est la règle.

3. Au niveau fédéral, la forme juridique la plus courante est celle des Bundesoberbehörden de l'art. 87 al.3 de la Loi fondamentale. Ces autorités n'ont pas la personnalité morale et sont rattachées à l'un des ministères fédéraux, avec un budget particulier dans la nomenclature budgétaire. Le contrôle des actes est théoriquement exercé par le ministre de rattachement.

4. Les autres formes utilisées sont celles de l'établissement (Anstalt) de droit public ou de la collectivité (Körperschaft) de droit public.

5. Même si nous avons par souci de clarté classé les diverses autorités étudiées en fonction de leur nature juridique, il convient de relativiser la pertinence du critère. Ainsi, il est arrivé qu'un nouvel organisme issu de la fusion de 3 Bundesoberbehörden soit constitué sous la forme juridique d'un Anstalt doté de la personnalité juridique, cette qualité étant officiellement conférée pour bien assurer l'autonomie budgétaire (cas du Bundesanstalt für Finanzdiensleistungsaufsicht)

6. Lorsque les autorités en question dispose de pouvoirs quasi-juridictionnels, le contentieux des actes est confié à l'autorité judiciaire.

7. Il y a une incontestable tendance à concentrer ces autorités indépendantes

- soit que le nouvel organisme soit issu de la fusion d'autorités préexistantes (Exemples : Bundesanstalt für Finanzdiensleistungsaufsicht en 2002 et Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunication, Post und Eisenbahnen en 2004) ;

- soit qu'une nouvelle mission soit ajoutée à celle d'un organisme préexistant (Exemple : la garantie de l'accès aux documents de la Fédération, confiée en 2005/06 au Délégué à la protection des données.

8. Les nouvelles autorités de régulation ne forment pas encore une catégorie bien claire. Elles sont critiquées par une partie de la doctrine comme remettant en cause le modèle traditionnel de l'administration publique allemande.

9. Les relations avec l'Union européenne (dans la mesure où elles ont des raisons d'être, paraissent être de type croisé : l'autorité est créée ou modifiée afin de satisfaire un impératif du droit européen, tandis que la coopération entre autorités nationales homologues est perçue comme une activité de groupe de pression au niveau européen ou international.

2.1.1. L'Office fédéral de contrôle des brevets et des marques (OABM) Deutsches Patent-und Markenamt (DPMA)

Bibliographie :

Monographies :

Althammer Werner, Das Deutsche Patentamt, Aufgaben Organisation und Arbeitsweise, Köln, 1970

Benkard Georg, Patentgesetz, 9e éd., München 1993

Busse Rudolf, Patentgesetz, 5e éd., Berlin, 1999

100 Jahre Marken(R)-Amt, sous la dir. du Deutschen Patentamt (wiss. Red. Frank Peter Goebel), München 1994

Article :

Zimmer Steffen Stellung und Aufgaben der nationalen Patentämter neben dem Europäischen Patentamt, in : GRUR 1979, 609 s.

Sites Internet :

DPMA : http://www.dpma.de

Patentgesetz : http://transpatent.com/gesetze/patginh.html

Verordnung über das DPMA : http://tranpatent.com/gesetze/dpmav.html

Markengesetz : http://transpatent.com/gesetze/marken.html

Deutsche Kostenverordnung beim DPMA : http://transpatent.com/gesetze/vwkostv.html

Texte de base :

- Patentgesetz (PatG) dans sa version consolidée du 16 décembre 1980 et plusieurs fois modifiée jusqu'au 29 août 2005.

L'histoire de l'office allemand des brevets et des marques (OABM) et de ses deux prédécesseurs, l'office impérial des brevets et l'office des brevets du Reich, remonte à plus de 120 ans :

- Le 25 mai 1877, la première loi uniforme sur les brevets est adoptée aux termes de laquelle est prévue la mise en place d'une autorité chargée de délivrer les brevets.

- Le 1er juillet 1877, l'office impérial des brevets est officiellement crée à Berlin.

- En 1919, l'autorité est rebaptisée « office des brevets du Reich ».

- En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'office des brevets interrompt son activité.

- Le 1er octobre 1949, le § 2 de la loi relative à l'office des brevets du 12.08.1949, le rattache au Ministère fédéral de la justice ; l'office s'installe dans les locaux du Musée allemand, à Munich.

- En 1951, une agence est ouverte, à Berlin, dans l'ancien office des brevets du Reich.

- En 1959, l'office des brevets emménage dans ses propres locaux à Munich.

- Lors de la réunification, l'Office devient l'autorité centrale pour le secteur de la protection de la propriété industrielle de l'ensemble de l'Allemagne, reprenant les dossiers en cours devant l'office des brevets de la RDA.

- En 1998, l'office allemand des brevets et des marques acquit le nom qu'il porte aujourd'hui et ce, afin de tenir compte de l'importance croissante des marques dans le monde des affaires.

L'OABM occupe une place centrale en Allemagne dans le domaine de la protection industrielle avec trois implantations à Munich, Jena et Berlin, et emploie au total près 2400 collaborateurs. Son siège central se trouve dans son agence de Munich.

L'office s'organise autour de 5 directions générales : section 1 (brevets), section 2 (information), section 3 (marques), section 4 (administration centrale), section 5 (agence de Jena).

1. Modalités de création

Les dispositions législatives relatives à l'OABM sont contenues dans la loi sur les brevets et dans celle sur les marques.

D'après ces dispositions, l'office a pour mission d'accorder des droits de protection industrielle et de les administrer ainsi que d'informer le public de l'existence des droits de protection produisant des effets en Allemagne.

Par ailleurs, l'office exerce pour le compte de l'État un contrôle sur la chambre des avocats spécialisés en matière de brevets et sur « les sociétés d'exploitation ».

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

La nature exacte de l'office fut contestée au cours des premières années de la République de Bonn. En dépit de son classement par le législateur fédéral (L. du 12.08.1949) comme autorité rattachée au Ministère fédéral de la justice, certaines des ses compétences permettaient d'y voir une autorité juridictionnelle. L'hésitation fur levée lorsque fut créée en 1961 le tribunal fédéral des brevets sur le fondement de l'habilitation prévue à l'al. 1er de l'art. 96 LF. La juridiction nouvelle est chargée de trancher des questions portant sur la validité ou le retrait des brevets. Il n'est plus contestable depuis lors que l'office est une autorité fédérale supérieure (Bundesoberbehörde) rattachée au ministère fédéral de la justice, comme le jugeait déjà la Cour fédérale administrative dans un arrêt du 13.06.1959 (BVerwGE 59, 258). Ses membres n'exercent pas une activité de nature juridictionnelle, mais une activité de la puissance publique au sens de l'art. 19 IV. LF (BVerwGE 07.09.1982, 2 B 72/81), ce qui n'exclut pas que la procédure suivie devant l'office soit de forme quasi juridictionnelle (cf. par ex. le § 46 de la loi de 1946).

C'est le ministère fédéral de la justice qui règle la création et le fonctionnement de l'office des brevets et détermine, par voie de règlement, la forme de la procédure devant lui pour autant qu'aucune disposition n'ait été prise par voie législative (§ 28 PatG ; 65 MarkenG).

De par sa position dans la structure administrative et son organisation interne, l'office n'est pas une juridiction, mais une autorité administrative. Il présente toutefois certaines similitudes avec une juridiction notamment pour ce qui est de son règlement intérieur et de la procédure.

Les décisions (sachliche Entscheidungen) prises par l'office peuvent en principe faire l'objet d'un recours devant le tribunal des brevets (§ 73 et s. PatG ; § 66 MarkenG). Sous certaines conditions précisées par la loi, les décisions du tribunal des brevets peuvent également être contestées auprès de la Cour fédérale de justice (§ 100 et s. PatG ; § 83 MarkenG).

Les juges et procureurs peuvent exiger de l'office qu'il émette des avis sur des questions concernant des brevets lorsque des avis divergents émanant de plusieurs experts ont été présentés au cours de la procédure (§ 29 PatG). En outre, l'office n'est pas autorisé à prendre des résolutions ou à donner des avis en dehors de son domaine d'activité légal sans l'autorisation du ministère fédéral de la Justice.

3. Nomination des membres

L'office se compose d'un président et d'autres membres (§ 26 I de la loi). Tous doivent posséder l'aptitude aux fonctions de juge conformément à la loi sur les juges allemands (c'est-à-dire avoir passé avec succès les deux examens d'État qui sanctionnent les études juridiques) ou être experts techniques (§ 26 I 1 et 2 PatG). La loi détermine la qualification et l'expérience requises pour devenir membres techniques (§ 26 II PatG).

Le président dirige l'administration de l'office. Il détient le pouvoir d'organisation qu'il exerce sous réserve de dispositions législatives contraires. Il est donc autorisé, d'après ce pouvoir d'organisation, à pourvoir à certains postes de l'office et ce, sans que cette prérogative lui ait été expressément attribuée.

Les membres sont nommés par le Président fédéral ; ils exercent leur fonction à vie (§ 26 I 3 PatG).

4. Garanties d'indépendance

Les membres sont nommés à vie (§ 26 I 3 PatG).

5. Indépendance financière

Le budget de l'OABM est inscrit au budget du ministère fédéral de la Justice. Ses recettes lui permettent cependant de fonctionner de manière autonome.

6. Droit communautaire

Noter les relations avec l'Office européen des brevets.

2.1.2. L'office fédéral de contrôle des ententes Bundeskartellamt (BkartA)

Bibliographie :

Monographies :

Bunte Hermann-Josef, Kartellrecht mit neuem Vergaberecht, München 2003

Burkhardt Jürgen, Kartellrecht, München 1995

Emmerich Volker, Kartellrecht, 9. Aufl., München 2001

Immenga/Mestmäcker, GWB, Kommentar zum Kartellgesetz, 3. Aufl., München 2001

Rittner Fritz, Wettbewerbs- und Kartellrecht, 6. Aufl., Heidelberg 1999

Wiedemann Gerhard (sous la dir.), Handbuch des Kartellrechts, München 1999

Articles :

Jochum Heike, Das Bundeskartellamt auf dem Weg nach Europa, in : VerwA 2003, 512 s.

X...., Die Wächter des Wettbewerbs, in : DRiZ 1997, 276 s.

Textes de référence :

Website : www.bundeskartellamt.de

Texte de base :

- Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB), version consolidée du 15 juillet 2005 (in der seit 13. Juli 2005 geltenden Fassung, BGBl. I/2005, p. 2114 et s. (http://transpatent.com/gesetze/gwb.html)

1. Modalités de création

L'office est une autorité de contrôle de la concurrence, créée par la loi contre les restrictions à la concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschrankungen - GWB -, parfois appelée « Kartellgesetz »), entrée en vigueur au 01.01.1958. Il s'agit d'une loi anti-trusts, relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites ainsi que des abus de position dominantes. Cette loi a été modifiée sept fois, les dernières modifications étant intervenues au cours de l'été 2005.

L'office fut constitué à Berlin dès la fin de l'année 1957, en sorte qu'il put effectivement fonctionner dès le 01.01.1958, à propos d'affaires encore pendantes au ministère fédéral de l'économie. Depuis le 1er octobre 1999, le siège de l'Office a été transféré à Bonn, où il occupe environ 300 personnes, en majorité des juristes et des économistes.

Sauf dispositions contraires de la GWB, l'office n'est pas compétent pour des circonstances ne dépassant pas le territoire d'un des Länder : la compétence incombant alors aux autorités du Land.

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

L'Office fédéral de contrôle des ententes est une autorité fédérale supérieure (Bundesoberbehörde) rattachée au Ministère fédéral en charge de l'Economie et du Travail (§ 51.I GWB et Art. 87.III LF).

Les décisions de l'office sont prises au terme d'une procédure quasi juridictionnelle par des sections de jugements à caractère collégial. Cette organisation des sections de jugement (1 Président, 2 assesseurs) a été délibérément voulue par le législateur pour rompre avec la « pratique précédente de décisions bureaucratiques » (Rapport de 1957, p. 34). Les sections sont composées en fonction des grands secteurs de l'économie. La répartition des affaires entre les diverses sections est assurée par le Président de l'Office, conformément à un règlement intérieur de l'Office, approuvé par le Ministère de l'Economie et du Travail (§ 51.II GWB).

Pour certains types d'affaires, l'Office a constitué des subdivisions ou des commissions spéciales (par ex. la direction des principes - Grundsatzabteilung - qui procède à l'étude de questions particulières du droit des ententes et assure la coopération avec d'autres autorités de protection de libre concurrence, par exemple avec les deux forums que constituent l'ECA (European Competition Authorities) et l'ICN (International Competition Network), ou encore la Commission spéciale anti-trusts.

Pour ce qui concerne les aspects juridiques de son organisation, l'Office est soumis au contrôle hiérarchique (Dienstaufsicht) et au contrôle des actes (Fachausicht) du ministère fédéral de l'Economie. Le ministère en charge de l'Economie et du Travail peut adresser à l'Office des instructions générales, qui doivent être publiée au Bulletin fédéral (§ 52 GWB). L'importance pratique de ces instructions paraît être fort limitée, seules cinq instructions générales étant intervenues de 1958 à 1999 (Rittner 1999, p. 398, note 47). Un pouvoir d'instruction dans un cas particulier n'est pas prévu par la loi, mais est largement admis dans son principe par la doctrine ; là encore, la pratique est rare, un seul cas d'instruction informelle (Burkhardt 1995, 264) ayant été mentionné jusqu'en 1995. Cette retenue de l'autorité ministérielle à l'égard de son pouvoir d'instruction, soit générale, soit particulière, confère à l'Office son indépendance de fait, très largement saluée. L'Office dispose d'une capacité d'expertise qui contraint le ministère à très largement renoncer au contrôle qu'il pourrait exercer sur l'Office : une situation qui rappelle la « magistrature d'influence » reconnue à la COB par J. Donnedieu de Vabres399.

Les décisions de l'Office peuvent être attaquées par (l'éventuel) demandeur, par les personnes ou entreprises visées par la décision, ainsi que par les tiers concernés ayant été appelés en cause : il peut s'agir d'abord d'un pourvoi devant le tribunal régional supérieur (OLG) de Düsseldorf (§ 63.I. GWB), puis d'un recours pour violation du droit devant la Cour fédérale de Justice (= BGH) (§ 74 GWB).

Lorsque l'Office a interdit une fusion, une autorisation ministérielle peut être demandée au Ministre fédéral de l'Economie (§ 42 GWB) ; cette institution « autorisation ministérielle » a pour fonction de permettre dans des cas particuliers très limités, de corriger pour des raisons macro-économiques des décisions fondées par l'Office en termes de politique économique ou de politique de concurrence.

3. Conditions de nomination des membres

La vision traditionnelle, imprégnée du modèle bureaucratique de Max Weber, conduit à accorder un poids prépondérant au chef d'une Administration. Madame Jochum conteste fortement la pertinence du modèle weberien pour le cas du Bundeskartellamt (Jochum 2003, 526). En effet, si le Président de l'Office en est bien le chef, et est bien soumis de ce fait à un pouvoir d'instruction dont nous avons déjà signalé les limites, ces pouvoirs du Président n'ont guère de poids en face du véritable pouvoir qui est celui des sections de jugement, parfaitement indépendantes, et celui de la direction des principes. La présence majoritaire dans ces sous structures de membres ayant le statut de fonctionnaires sans limitation de durée (fonctionnaires « auf Lebenszeit », restant en activité jusqu'à leur retraite) est l'élément qui garantit l'indépendance de l'institution, au point que s'il y a un risque, ce serait plutôt celui des divergences de « jurisprudence » entre les différentes sections (Jochum 2003, 527).

4. Garanties d'indépendance des membres

Pour ce qui concerne l'indépendance relativement à leur statut, (indépendance par rapport à l'Exécutif) on renverra aux éléments mentionnés supra 2 et 3.

L'indépendance par rapport aux acteurs économiques, autrement dit la neutralité des membres et de l'institution, est renforcée par la clause d'incompatibilité du § 51.V GWB, aux termes de laquelle les membres de l'Office ne doivent ni posséder, ni diriger , ni être membre du directoire ou du conseil de surveillance d'une entreprise, d'un cartel ou d'une association professionnelle ou d'un groupement économique.

5. Prérogatives

La mission centrale de l'Office fédéral de contrôle des ententes est la mise en oeuvre de l'interdiction des ententes illicites, du contrôle des fusions d'entreprises, ainsi que l'exercice de contrôle sur les activités illicites d'une entreprise en position dominante sur le marché. L'office peut notamment faire obstacle à des fusions d'entreprises, interdire des comportements illicites, imposer des conditions et prononcer des amendes (§ 82 GWB).

L'Office dispose par ailleurs d'importants moyens d'enquête (§ 57.I. GWB). Il peut citer des témoins et les contraindre à comparaître au moyen d'amendes ou d'ordonnances de comparution. Il ne lui est pas permis de prononcer des peines d'emprisonnement (§ 57.II GWB). L'Office peut également, sous certaines conditions, saisir des objets susceptibles de servir de moyen de preuve (§ 58 GWB). Aux termes du § 59 GWB, il a le droit de se renseigner et d'enquêter. Le § 86a GWB peut assortir le prononcé de ses injonctions des mesures prévues pour l'exécution des décisions administratives. Le montant de l'astreinte va de 1000 € (minimum) à 10 millions € (maximum).

6. Modalités du contrôle par les pouvoirs législatif ou exécutif

L'office publie tous les deux ans un rapport sur son activité, ainsi que sur la situation et l'évolution du secteur confié à son contrôle. Le rapport doit également reproduire les instructions générales du Ministère de l'Economie et du Travail (§ 52 GWB ; cf. supra, 2). Il publie également de manière continue les règles relatives à son activité (§ 53 I.2. GWB). Le gouvernement fédéral transmet immédiatement au Bundestag le rapport de l'Office fédéral de contrôle des ententes, accompagné de ses observations.

7. Les moyens de l'indépendance financière

Le budget de l'Office est retracé dans le budget de la Fédération. Il s'élevait à 18,068 millions d'Euros en 2005. Ce montant apparaît certes au budget sous le chapitre 09.04, tandis que celui du ministère fédéral de l'Economie et du Travail forme le chapitre 09.01 : cette dissociation du budget de l'Office par rapport à celui du Ministère auquel il est pourtant rattaché (cf. supra, 1.) est le reflet financier de l'autonomie de l'Office.

8. Droit communautaire

Depuis la 5ème réforme (1989) de la loi contre les restrictions à la concurrence, l'Office fédéral est habilité à appliquer le droit communautaire de la concurrence, et non plus seulement le droit allemand, dans la mesure où cette compétence n'appartient pas à la Commission européenne (§ 50 GWB).

L'Office travaille de concert avec la Commission et les autorités en charge de la concurrence dans les autres États-membres. À ce titre, l'Office est habilité en vertu de l'art. 12 al. 1er du règlement (CE) n° 1/2003 à communiquer et transmettre à la Commission et aux autorités de la concurrence des autres États-membres de la Communauté, en application des art. 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne, tout élément de fait ou de droit, y compris des informations confidentielles, notamment secrets de fabrication et secrets d'affaires, ainsi qu'à en recevoir et qu'à les utiliser comme moyen de preuve (§ 51 GWB).

2.1.3. Le délégué fédéral à la protection des données et à la liberté de l'information Der Bundesbeauftragte für den Datenschutz und für die Informationsfreiheit

Bibliographie :

Monographie :

Flanderka Fritz, Der Bundesbeauftragte für den Datenschutz, thèse, Université de Heidelberg, 1988, 168 p.

Articles :

Büllesbach Alfred, Das neue Bundesdatenschutzgesetz, NJW, 1991, pp. 2593 à 2600.

Schmitz Heribert, Jastrow Serge-Daniel, Das Informationsfreiheitsgesetz des Bundes, NVwZ, 2005, pp. 984 à 995.

Textes de référence :

Website : www.bfd.bund.de

Textes de base :

- §§ 21 à 26 de la loi fédérale relative à la protection des données (Bundesdatenschutzgesetz (BDSG)) du 20 décembre 1990 (BGBl. I 1990, p. 2954, 2955), dans sa version consolidée du 14 janvier 2003 (BGBl. I 2003, p. 66) modifiée par le § 13 de la loi du 5 septembre 2005 (BGBl. I 2005, p. 2722).

- § 12 de la loi portant réglementation de l'accès à l'information de la Fédération (Gesetz zur Regelung des Zugangs zu Informationen des Bundes / Informationsfreiheitsgesetz (IFG)) du 5 septembre 2005 (BGBl. I 2005, p. 2722).

1. Modalités de création

Le délégué fédéral à la protection des données est également compétent em matière d'accès à l'information (§ 12, al. 2 IFG).

Au niveau des 16 Länder, il existe aussi des délégués à la protection des données et ce, conformément à leur législation respective. Parmi eux, seuls les délégués des Länder dotés d'une loi relative à la liberté d'accès à l'information sont appelés à intervenir en matière d'information. Il s'agit pour le moment de Berlin, du Brandenbourg, de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et du Schleswig-Holstein.

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

« In einem öffentlich-rechtlichen Amtsverhältnis zum Bund » (§ 22, al. 4 BDSG).

3. Conditions de nomination

Le délégué fédéral est élu par le Bundestag sur proposition du Gouvernement fédéral puis nommé par le Président fédéral (§ 22, al. 1 BDSG). La durée de ses fonctions est de 5 ans voire de 10 ans en cas de réélection. Une seule réélection n'est possible (§ 22, 3 BDSG)

Ses fonctions s'achèvent :

- à la fin de la durée de son mandat,

- avant la fin de la durée de son mandat.

C'est le Président fédéral qui prononce la fin anticipée du mandat du délégué fédéral soit à la demande de celui-ci, soit sur proposition du Gouvernement fédéral (§ 23, al. 1 BDSG). Cette dernière hypothèse n'est toutefois possible que s'il existe des raisons qui, d'après un juge nommé à vie, justifient ce renvoi (§ 23, al. 1 BDSG).

Actuellement, le délégué fédéral exerce ses fonctions avec l'aide de 70 collaborateurs. Le personnel et le matériel nécessaires à son activité doivent être mis à sa disposition par le Ministère fédéral de l'Intérieur (§ 22, al. 5, phrase 3 BDSG).

Les emplois sont pourvus avec l'approbation du délégué fédéral (§ 22, al. 5, phrase 4 BDSG). La mutation, le détachement ou la reconversion de ses collaborateurs nécessitent également l'approbation du délégué fédéral (§ 22, al. 5, phrase 5 BDSG).

4. Garanties d'indépendance des membres

Le délégué fédéral remplit ses missions en toute indépendance et en toute impartialité ; il n'est soumis qu'à la loi (§ 22, al. 4 BDSG). "Die bedeutet z.B., dass weder einzelne Minister noch die Bundesregierung ihm fachaufsichtlich Weisungen in Bezug auf seine Amtstätigkeit geben können".

5. Prérogatives / Domaines d'activité

Il revient au délégué fédéral de :

- conseiller le Bundestag, le Gouvernement fédéral, les ministres ainsi que l'ensemble des autorités et organismes publics de la Fédération (§ 26 BDSG),

- de réaliser des contrôles (§§ 24, 25 BDSG),

- de traîter des demandes (§ 21 BDSG),

- de collaborer en matière de protection de données sur la scène internationale et européenne.

- de rédiger des rapports d'activité et des avis.

Les contrôles qu'il réalise sont importants. Il jouit, pour ce faire, de pouvoirs d'investigation étendus (accès aux données/documents, accès aux locaux...). Les résultats de ces contrôles, entrepris pour s'assurer que la réglementation en matière de protection de données est réellement appliquée et respectée, sont consignés dans un rapport.

Le délégué ne fait que constater les violations à la protection des données. Il appartient ensuite au ministère compétent ou au supérieur hiérarchique de s'exprimer et de prendre éventuellement les mesures adéquates pour remédier aux violations constatées (§ 22, al. 1 et 3 BDSG). Dans cette optique, on peut dire que le délégué est davantage un médiateur.

6. Modalités de contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Contrôle de légalité (Rechtsaufsicht) de la part du Gouvernement fédéral (§ 22, al. 4 BDSG).

Contrôle hiérarchique (Dienstaufsicht) de la part du ministre fédéral de l'Intérieur (§ 22, al. 5 BDSG).

Rédaction d'un rapport d'activité tous les deux ans, dans lequel le délégué fédéral informe le Bundestag et le public des évolutions essentielles intervenues en matière de protection des données ainsi que les points forts de son activité.

7. Conditions de leur indépendance financière

Les dépenses liées au personnel et au matériel du délégué relèvent d'un chapitre particulier du budget du ministère fédéral de l'Intérieur (§ 22, al. 5, phrase 3 BDSG).

∆ Une indépendance fonctionnelle partielle

8. Influence européenne

Coopération européenne et internationale sur les questions relevant de la protection des données.

2.1.4. Agence fédérale pour les réseaux d'é1ectricité, de gaz, des té1écommunications et ferroviaires Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation und Eisenbahnen

Bibliographie :

Monographies :

BOSMAN MATTHIAS, DIE BESCHLUSSKAMMERN DER REGULIERUNGSBEHORDE FÜR TELEKOMMUNIKATION UND POST, MÜNSTER, 2003

HEUN SVEN-ERIK (SOUS LA DIR.), HANDBUCH TELEKOM-MUNIKATIONSRECHT, COLOGNE, 2002

TRUTE HANS-HEINRICH ; SPOERR WOLFGANG ; BOSCH WOLFGANG, TELEKOMMUNIKATIONSGESETZ MIT FTEG, 1ère éd., BERLIN, NEW YORK, 2001

Articles

BREUER RÜDIGER, UMSETWNG VON EG-RiCHTLINIEN IM NEUEN ENERGIEWIRTSCHAFTSRECHT, IN : NVwZ 2004, P. 520 ET S.

KÜHNE GUNTHER ; BRODOWSKI CHRISTIAN, DAS NEUE ENERGIE-WIRTSCHAFTSRECHT NACH DER REFORM 2005, IN : NVwZ 2005, P. 849 ET S.

SCHOLTKA BORIS, DAS NEUE ENERGIEWIRTSCHAFTSGESETZ, IN : NJW, 2005, P. 2421 ET S.

Textes de référence :

Website : www.bundesnetzagentur.de

Texte de base:

- Transposition des directives : 2003/54/CE, 2003/55/CE, 2004/67/CE

1. Création

L'Agence fédérale pour les réseaux a été créée par l'article 2 de la loi du 12.07.2005, portant réorganisation du droit de l'énergie.

Cet article 2 inclut les 11 §§ de la nouvelle loi relative à l'Agence fédérale pour les réseaux (BNAG).

Cette réorganisation du secteur des réseaux s'inscrit dans la mise en oeuvre :

- de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 26 juin 2003, concernant 1'établissement du marché intérieur de l'é1ectricité et abrogeant la directive 96/92/CE,

- de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 26 juin 2003, concernant 1'établissement du marché intérieur du gaz et abrogeant la directive 98/30/CE,

- et de la directive 2004/67/CE du Conseil, en date du 26 avril 2004 et concernant des mesures visant à garantir 1'approvisionnement en gaz naturel.

La nouvelle Agence fédérale pour les réseaux prend la succession de l'autorité de régulation pour les té1écommunications et la poste, créée par la loi du 25.07.1996 relative aux té1écommunications, modifiée par la loi du 05.05.2004 : l'agence porte désormais la dénomination d'Agence fédérale pour les réseaux d'électricité, du gaz, des té1écommunications et des chemins de fer.

Cette nouvelle Agence pour les réseaux est donc l'autorité de régulation des secteurs : électricité, gaz, té1écommunications, poste et (à partir du 01.01.2006) infrastructures ferroviaires.

Elle est chargée de la mise en oeuvre des trois lois relatives

- à l'énergie (EnWG) ;

- aux té1écommunications (TKG)

- aux chemins de fer (AEG : entrera en vigueur au 01.01.2005).

2. Nature juridique de l'Agence fédérale pour les réseaux

L'agence fédérale pour les réseaux est créée sous la forme d'une autorité fédérale supérieure (Bundesoberbehörde) indépendante et rattachée comme l'Office fédéral de contrô1e des ententes au Ministère fédéral de l'Economie et du Travail (§ 1, 2° phrase de la loi BNA). Son siège est également à Bonn.

Elle exerce les compétences administratives fédérales qui lui sont confiées par la loi ou sur lefondement de la loi (§ 2.11 Loi BNA).

Le Ministère fédéral peut lui adresser des instructions publiées au bulletin fédéral (§ 61 EnWG, § 117 TKG). Il exerce également le contrô1e de légalité (Rechtsaufsicht) et le contrô1e des actes (Fachaufsicht) de l'Agence400.

L'agence est dirigée par un Président/une Présidente, qui la représente à l'extérieur. La Présidence est assistée d'un comité consultatif (Beirat) composé de 16 représentants du Bundestag et 16 représentants du Bundesrat. Ces représentants sont proposés par les assemb1ées concernées et nommés par le gouvernement fédéral (§§ 5 à 7 loi BNA).

Un comité des Länder est également formé. Il se compose de représentants des autorités de régulation en matière d'énergie dans chaque Land (§§ 8 à 10 loi BNA).

Les décisions de l'Agence dans son activité de régulation sont prises par des organes collégiaux de décision (Beschlußkammer) formés conformément aux dispositions des deux lois préexistantes (§ 59 EnWG, § 132 TKG). La composition de ces organes collégiaux permet d'assurer une indépendance quasi-juridictionnelle.

3. Nomination de la Présidence

Le président et les deux vice-présidents sont nominés par le Gouvernement fédéral sur la proposition du comité (§ 3.III loi BNA). Si la proposition du comité n'est pas approuvée par le Gouvernement fédéral, une seconde proposition peut être faite dans les quatre semaines par le comité, sans préjudice du droit de décision en dernière instance qui reste au Gouvernement fédéral.

Le président est placé sur la base d'un contrat dans une situation de droit public avec la Fédération, pour une durée limitée à 5 ans. Un renouvellement est permis (§ 4.I loi BNA).

Les organes collégiaux de décision statuent en formation de trois membres (1 président, 2 assesseurs) qui doivent être fonctionnaires et avoir l'aptitude à exercer des fonctions de juge ou avoir l'une des qualifications requises pour un emploi de catégorie A (Laufbahn des höheren Dienstes).

Il n'a pas été possible de trouver des indications plus précises sur la manière dont sont constitués ces organes collégiaux, en dehors du fait qu'ils sont nommés par le ministère fédéral et qu'ils sont placés dans certains cas (§§ 11 et 19 TKG) sous la direction du président, avec les deux vices-présidents comme assesseurs401. La comparaison avec l'Office fédéral de contrô1e des ententes n'est donc pas possible.

4. Garanties d'indépendance

Die Mitglieder der Beschiusskammern dürfen weder ein Unternehmen der Energiewirtschaft innehaben oder leiten noch dürfen sie Mitglied des Vorstands oder Aufsichtsrats eines Unternehmens der Energiewirtschaft sein (§ 59 III EnWG).

Der Präsident der BNA darf neben seinem Amt kein anderes besoldetes Amt, kein Gewerbe und keinen Beruf ausOben und weder der Leitung eines auf Erwerb gerichteten Unternehmens noch der Regierung oder einer gesetzgebenden Körperschaft des Bundes oder eines Landes angehören (§ 4 III Gesetz über BNA).

5. Prérogatives

Vorabkontrolle der Netznutzungsentgelte, § 23a EnWG

Genehmigung der Entgelte für den Netzzugang § 21 EnWG, §§ 30 ff. TKG

ex-post Kontrolle der Netznutzungsentgelte, § 30 EnWG

Ermittlungen, § 68 EnWG

Auskunftsverlangen und Betretungsrecht, § 69 EnWG

Beschlagnahme, § 70 EnWG

Die Regulierungsbehörde erstellt den Frequenznutzungsplan auf der Grundlage des Frequenzbereichszuweisungsplanes, § 54 1 TKG

Anordnungen und andere geeignete Maßnahmen im Rahmen der Nummernverwaltung, § 67 1 TKG

Untersagen, § 126 TKG

Auskunftsverlangen, § 127 TKG

Ermittlungen, § 128 TKG

Beschlagnahme, § 129 TKG

Vorläufige Anordnungen, § 130 TKG

6. Modalités de contrôle par les pouvoirs législatif et exécutif

Alle 2 Jahre hat die BNA den gesetzgebenden Körperschaften des Bundes einen Bericht über ihre Tätigkeit sowie über die Lage und die Entwicklung auf dem Gebiet der Telekommunikation und ihrem Aufgabenbereich nach dem EnWG vorzulegen (§ 63 III EnWG, § 121 TKG)

(Gegen Entscheidungen der Bundesnetzagentur ist im Falle energiewirtschaftlicher Frage die Beschwerde vor dem OLG Düsseldorf statthaft (§ 75 EnWG), im Anschluss daran die Rechtsbeschwerde zum BGH, § 86 EnWG. Aus § 137 NTKG ergibt sich, dass gegen Entscheidungen der BNA im Rahmen des TKG der Verwaltungsrechtsweg eröffnet ist.)

7. Condition d'indépendance financière

Kostendeckung grds. durch Gebühren und Auslagen, ansonsten Finanzierung zu höchstens 60 % durch Jahresbeiträge der Betreiber von Energieversorgungsnetzen (§ 92 I EnWG).

Im Rahmen desTKG werden kostendeckende Gebühren und Auslagen erhoben.

2.2.1. Les établissements des médias des Länder Die Landesmedienanstalten

Bibliographie :

Monographies :

Fechner Frank, Medienrecht, 3e éd., Tübingen, 2002

Herrmann Günter, Rundfunkrecht, Munich, 1994

Motz Thomas, Rechtsschutz gegen Handlungen der Landesmedienanstalten, Francfort/Main, 1999

Stettner Rupert , Die Stellung der Bayerischen Landeszentrale für Neue Medien im Rundfunksystem nach dem Bayerischen Mediengesetz, Munich, 1999

Wagner Christoph, Die Landesmedienanstalten, Organisation und Verfahren der Kontrolle privater Rundfunkanstalter in der Bundesrepublik Deutschland, Baden-Baden, 1990

Articles :

Bamberger Christian, Sicherung der Meinungsvielfalt durch die Landesmedienanstalten, in : ZUM 2000, p. 551 et s.

Bourgeois Isabelle, Médias français et allemandes. Convergences et divergences dans le contexte européen, Revue d'Allemagne et des pays de langue allemande, tome 37, numéro 1, janvier-mars 2005. pp. 65 à 86.

2.2.2. Établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht

Bibliographie :

Monographies :

Caspari Karl-Burkhard, Allfinanzaufsicht in Europa, Referat im Rahmen der Vortragsreihe "Rechtsfragen der europäischen Integration", Bonn, rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität, 2003, 27 p.

Pitschas Rainer, Integrierte Finanzdienstleistungsaufsicht, Berlin, Duncker & Humblot, 2002, 362 p.

Articles :

Cahn Andreas, Verwaltungsbefugnisse der Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht im Übernahmerecht und rechtsschutz Betroffener, ZHR, 2003, pp. 262 à 300.

Rageade Jean-Philippe, Le contrôle du marché financier en Allemagne, LPA, 1998, pp. 14 à 16.

Schoedermeier Marie-Danielle, Le contrôle du marché financier en Allemagne, LPA, 1998, pp. 11 à 14.

Textes de référence :

Website : www.bafin.de

Textes de base :

- Art. 1er de la loi sur le contrôle intégré des prestations de services financiers (Gesetz über die integrierte Fianzdienstleistungsaufsicht) du 22 avril 2002 (BGBl. I 2002, p. 1310) dans sa version modifiée au 22 septembre 2005 (BGBl. I 2005, p. 2809), relatif à la loi sur l'établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers (Gesetz über die Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht / Finanzdienstleistungsaufsichtsgesetz).

- §§ 3 (abrogé) à 11 (abrogé) de la loi sur le commerce des valeurs mobilières (Gesetz über den Wertpapierhandel) du 26 juillet 1994 (BGBl. I 1994, p. 1749) dans sa version consolidée du 9 septembre 1998, modifiée par l'art. 10a de la loi 22 mai 2005 (BGBl. I 2005, p. 1373).

1. Modalités de création

Crée le 1er mai 2002, par la loi sur l'établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers (Gesetz über die Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht / Finanzdienstleistungsaufsichtsgesetz (FinDAG)), l'établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers réunit sous un même toit trois autorités qui, jusque là, étaient distinctes :

- l'Office fédéral de contrôle du crédit (Bundesaufsichtsamt für das Kreditwesen),

- l'Office fédéral de contrôle du commerce des valeurs mobilières (Bundesaufsichtsamt für den Wertpapierhandel),

- l'Office fédéral de contrôle des assurances (Bundesaufsichtsamt für das Versicherungswesen).

Un contrôle homogène de l'ensemble des acteurs de la vie financière (établissements de crédit, établissements financiers, entreprises d'assurances et de valeurs mobilières) est donc désormais assuré en Allemagne.

Siège : Bonn et Francfort/Main

2. Position (par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire)

Établissement de droit public directement rattaché à la Fédération doté de la capacité juridique (K.-B. Caspari, Allfinanzaufsicht in Europa, Referat im Rahmen der Vortragsreihe « Rechtsfragen der europäischen Integration », Bonn, rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität, 2003, p. 3).

3. Conditions de nomination des membres

Il se compose :

- d'un président et d'un vice-président

- d'un conseil d'administration

- d'un comité spécialisé

A. Le président et le vice-président sont nommés par le Président fédéral sur proposition du Gouvernement fédéral (§ 9, al. 2 FinDAG).

B. Le conseil d'administration comprend :

- le président et le vice-président qui représentent chacun le ministère fédéral des Finances,

- 19 membres (2 autres représentants du ministère fédéral des Finances, 1 représentant du ministère fédéral de l'Economie et de la Technologie, 1 représentant du ministère fédéral de la Justice, 5 membres du Bundestag, 5 représentants des établissements de crédit, 4 représentants des entreprises d'assurances, 4 représentants des sociétés de placement de capitaux),

- éventuellement un représentant de la Banque fédérale allemande qui peut assister aux séances du conseil d'administration sans toutefois disposer d'un droit de vote (§ 7, al. 3 FinDAG).

Les membres du conseil d'administration sont désignés par le ministère fédéral des Finances. Ils doivent satisfaire aux conditions d'éligibilité au Bundestag (§ 7, al. 5 FinDAG). Les députés du Bundestag sont désignés sur proposition du Bundestag lui-même (§ 7, al. 6 FinDAG).

C. Le comité spécialisé est composé de 24 membres désignés par le ministère fédéral des Finances issus du monde de la finance, du crédit, des assurances, de la Banque fédérale allemande et d'associations de consommateurs. Il est chargé de conseiller l'établissement fédéral dans l'accomplissement de ses tâches (§ 8, al. 1 et 2 FinDAG).

L'établissement fédéral comprend trois grands domaines d'activité : Banques - Assurances - Commerce des valeurs mobilières, placés chacun sous la direction d'une personne.

En 2003, l'établissement fédéral employait près de 1300 collaborateurs et contrôlait environ 2400 établissements de crédit, 800 établissements financiers et 700 entreprises d'assurances (K.-B. Caspari, Allfinanzaufsicht in Europa, Referat im Rahmen der Vortragsreihe « Rechtsfragen der europäischen Integration », Bonn, rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität, 2003, p. 3).

4. Garanties d'indépendance de leurs membres

Certains membres de l'établissement fédéral, tels le président, le vice-président, les trois premiers directeurs des trois domaines (banques, assurances, valeurs mobilières) ont le statut de fonctionnaire. Ils bénéficient donc des garanties attachées à ce statut.

Le supérieur hiérarchique du président, du vice-président et des trois premiers directeurs est le ministère fédéral des Finances. Le président est le supérieur hiérarchique des autres fonctionnaires (§ 9, al. 3 FinDAG).

5. Prérogatives / Domaines d'activité

Pouvoirs de contrôle, de prévention et de santion.

Afin de remplir le rôle qui est le sien, à savoir garantir le bon fonctionnement, la stabilité et l'intégrité de l'ensemble du système financier allemand, l'établissement fédéral peut avoir recours à des moyens de contrainte prévus par la loi sur l'execution administrative (Verwaltungs-Vollstreckungsgesetz). De tels moyens peuvent également être utilisés envers une personne morale de droit publique. Le montant de l'astreinte est de 250 000 euros maximun (§ 17 FinDAG).

L'établissement a, qui plus est, pour mission :

- de garantir la solvabilité des banques, des institutions financières et des entreprises d'assurances.

- de protéger les clients et les investisseurs.

6. Modalités de contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Contrôles

Double contrôle du ministère fédéral des Finances : contrôle de légalité et contrôle fonctionnel (Rechts- und Fachaufsicht) (§ 2 FinDAG).

Statuts

Les missions et les pouvoirs du Président et du conseil d'administration de l'établissement fédéral sont précisés dans les statuts. L'adoption et les modifications des statuts sont réalisées par le ministère fédéral des Finances par voie de règlement (§ 5, al. 2 et 3 FinDAG).

Règlement intèrieur

Le Président de l'établissement fédéral règle l'organisation interne et ce, par le biais d'un règlement intérieur. L'adoption et les modifications du règlement intèrieur nécessitent le consentement du ministère fédéral des Finances (§ 6, al. 2 FinDAG).

7. Conditions de leur indépendance financière

Son financement est entièrement assuré par les institutions et entreprises contrôlées et ce, sous la forme de taxes et de contributions (Gebühren und Umlagen).

L'établissement est indépendant du budget fédéral.

8. Influence européenne

La loi sur les valeurs mobilières (Gesetz für den Wertpapierhandel) du 26 juillet 1994 (BGBl. I 1994, p. 1749) dans sa version consolidée du 9 septembre 1998 (BGBl. I 1998, p. 2708). Modifications opérées à la fin des années 1990 afin de transposer en droit allemand plusieurs directives européennes.

Voir aussi la collaboration avec les différents États membres de l'Union européenne expressément prévue au § 7 de la la loi sur les valeurs mobilières (Gesetz für den Wertpapierhandel).

2.3.1. Commission des vérificateurs environnementaux Umweltguta-chterausschuß

Bibliographie :

Monographie :

Ewer Wolfgang, Der Umweltgutachterausschuß. Die Einbeziehung Privater in verselständigte Verwaltungsträger, Baden-Baden, Nomos, 2000, 365 p.

Articles :

Breuer Rüdiger, Zunehmende Vielgestaltigkeit der Instrumente im deutschen und europäischen Umweltrecht - Probleme der Stimmigkeit und des Zusammenswirkens, NVwZ, 1997, pp. 833 à 845.

Lütkes Stefan, Ewer Wolfgang, Schwerpunkte der bevorstehenden Revision der Umweltauditverordnung (EWG) Nr. 1836/93, NVwZ, 1999, pp. 19 à 26.

Lütkes Stefan, Das Umweltauditgesetz - UAG, NVwZ, 1996, pp. 230 à 235.

Mayen Thomas, Der Umweltgutachterausschuß - ein strukturelles Novum ohne hinreichende demoktatische Legitimation ?, NVwZ, 1997, pp. 215 à 219.

Srobel Wilhelm, Das Umweltauditgesetz mit dem neuen Umweltgutachter, DStR, 1995, pp. 1715 à 1721.

Textes de référence :

Website : www.umweltgutachterausschuss.de

Textes de base :

- Règlement (CE) n° 1836/93 du Conseil du 29 juin 1993 permettant la participation volontaire des entreprises du secteur industriel à un système communautaire de management environnemental et d'audit (J.O. n° L 168 du 10 juillet 1993, pp. 0001 à 0018) -Abrogé-.

- Règlement (CE) n° 761/2001 du Parlement Européen et du Conseil du 19 mars 2001 permettant la participation volontaire des organisations à un système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) (J.O. n° L 114 du 24 avril 2001, pp. 0001 à 0029).

- §§ 21 à 27 de la loi du 7 décembre 1995 portant application du règlement (CE) n° 761/2001 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 permettant la participation volontaire des organisations à un système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) (Gesetz zur Ausführung der Verordnung (EG) Nr. 761/2001 des Europäischen Parlaments und des Rates vom 19. März 2001 über die freiwillige Beteiligung von Organisationen an einem Gemeinschaftssystem für das Umweltmanagement und die Umweltbetriebsprüfung (EMAS) (UAG) ) (BGBl. I 1995, p. 1591).

- Règlement intérieur de la commission des vérificateurs environnementaux (Geschäftsordnung des Umwelgutachterausschusses) du 20 septembre 2002 (www.umweltgutachterausschuss.de) en vigueur depuis le 10 octobre 2002.

1. Modalités de création

La commission des vérificateurs environnementaux tire son fondement dans la loi du 7 décembre 1995 (§ 21, al. 1, phrase 1 UAG : "Une commission de vérificateurs environnementaux est créée au sein du ministère de l'Environnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté nucléaire") et, par ricochet, dans le règlement (CE) n ° 1836/93 du 29 juin 1993, aujourd'hui abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 761/2001 du 19 mars 2001.

2. Position (par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire)

La commission est une collectivité de droit public indépendante dotée d'une capacité juridique partielle ; elle est dotée de droits et d'obligations propres (Tätigkeitsbericht UGA III ; S. Lütkes, Das Umweltauditgesetz - UAG, NVwZ, 1996, p. 234 ; T. Mayen Thomas, Der Umweltgutachterausschuß - ein strukturelles Novum ohne hinreichende demoktatische Legitimation ?, NVwZ, 1997, p. 215 ).

Elle ne dispose pas d'une personnalité juridique propre. Aussi ne peut-elle pas, par exemple, recruter, elle-même, son personnel (S. Lütkes, Das Umweltauditgesetz - UAG, NVwZ, 1996, p. 234).

Le ministère fédéral de l'Environnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté nucléaire exerce sur elle un contrôle de légalité (Rechtsaufsicht). Il vérifie notamment que les tâches qui lui ont été assignées par la loi sont bel et bien exécutées (§ 27, al. 1 UAG).

3. Conditions de nomination de leurs membres

La commission est composée de 25 membres choisis au sein :

- du monde de l'entreprise,

- des vérificateurs environnementaux,

- de l'administration de la Fédération et des Länder (autorités compétentes en matière d'économie et d'environnement),

- des syndicats,

- des associations de protection de l'environnement.

C'est le ministère fédéral de l'Environnement qui nomme chacun des ces membres (ainsi que leur suppléant) pour 3 ans, sur proposition du Gouvernement fédéral, de la conférence des ministres de l'Économie et de l'Environnement des Länder et des organisations fédérales faîtières correspondantes (§ 22, al. 3 UAG).

4. Garanties d'indépendance de leurs membres

Les membres de la commission agissent de manière de non professionnelle ; les dispositions des §§ 83 et 84 de la loi sur la procédure administrative non contentieuse relative, d'une part, à l'exercice d'une activité à titre non professionnelle et, d'autre part, à l'obligation de discrétion, leur sont applicables (§ 22, al. 1 UAG).

Ils ne sont soumis à aucune instruction (§ 22, al. 1 UAG).

5. Prérogatives / Domaines d'activité

En vertu du § 21, al. 1 UAG, la commission est chargée :

- d'édicter des directives sur l'interprétation et l'application de la loi (UAG). Ces directives ont force obligatoire à l'égard de l'organisme d'accréditation (Zulassungsstelle) ;

- de dresser la liste des vérificateurs ;

- de faire des recommandations ;

- de conseiller le ministère fédéral de l'Environnement sur toutes les matières relevant de l'accréditation et du contrôle ;

- de soutenir l'élargissement du système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS).

L'organisme d'accréditation (Zulassungsstelle) est tenu de remettre, deux fois par an, un compte rendu à la commission sur son activité d'accréditation et de contrôle. Cette dernière peut, en outre, lui demander de répondre à certaines questions (§ 21, al. 2 UAG).

6. Modalités de contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le pouvoir exécutif intervient essentiellement par le biais du ministère fédéral de l'Environnement.

Celui-ci est présent lors de la création, de l'organisation, de l'activité et de la fin de la commission.

* Création : voir C. Conditions de nomination des membres.

* Organisation : l'adoption et les modifications du règlement intérieur nécessitent le consentement du ministère fédéral de l'Environnement (§ 23, al. 1 UAG ; § 9 règlement intérieur de la commission).

* Activité : le ministère fédéral de l'Environnement peut assister aux séances de la commission et, s'il le demande, prendre la parole (§ 27, al. 2 UAG).

Il contrôle la légalité des résolutions et des décisions (Beschlüsse und Entscheidungen) de la commission, dispose à son égard d'un pouvoir d'autorisation, de constestation, d'annulation et de contrainte (§ 27, al. 3 UAG).

* Fin : la dissolution de la commission peut être prononcée par le le ministère fédéral de l'Environnement (§ 27, al. 4 UAG).

La commission rédige, tous les 3 ans, un rapport d'activité.

7. Influence européenne

Double Influence :

- au niveau de sa création (voir A. Les modalités de création) ;

- au niveau de ses activités. De fait, aux termes du § 21, al. 1, phrase 2, n° 5 UAG, la commission a pour mission de « promouvoir l'élargissement de EMAS » (système communautaire de management environnemental et d'audit).

2.3.2. Agence fédérale pour l'emploi (Bundesagentur für Arbeit)

Bibliograhie :

Monographie :

Waibel Christoph, Neues zur Rechtsnatur der Bundesagentur für Arbeit ?, in : ZfS 2004, p. 225 et s.

Textes de référence :

Website : http://www.arbeitsagentur.de

Texte de base : Livre III du Code social (SGB III) (http://bundesrecht.juris.de/bundesrecht/sgb_3/)

L'agence fédérale pour l'emploi (AFE) est l'institution qui, en Allemagne, est chargée de gérer et de promouvoir l'emploi. Avec plus de 90000 collaborateurs, elle est la plus importante prestatrice de services sur le marché du travail.

1. Modalités de création

L'agence est une collectivité de droit public directement rattachée à la Fédération ; elle est dotée de la capacité juridique et jouit de l'autonomie de gestion (§ 367 I SGB III). Elle a succédé en 2003 à l'Établissement fédéral pour l'emploi (Bundesanstalt für Arbeit) (loi du 13 décembre 2003, BGBl. I, p. 2876).

Sa structure administrative se divise essentiellement en trois niveaux (§ 367 1 SGB III) : elle comprend une agence centrale à Nuremberg (§ 367 IV SGB III), 10 directions régionales, 178 agences pour l'emploi et environ 660 bureaux.

L'agence peut, par ailleurs, créer des bureaux particuliers (§ 367 II 2 SGB III) : l'institut de recherche sur le marché du travail et sur l'emploi à Nuremberg, l'office central de placement à Bonn, l'institut de formation à Lauf près de Nuremberg, l'école supérieure d'administration publique - section administration de la gestion de l'emploi à Mannheim.

L'agence est l'administration chargée de réaliser les tâches mentionnées dans le IIIe livre du Code social. Elle ne doit utiliser ses moyens que pour des objectifs prévus et autorisés par la loi (§ 368 I SGB III).

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

L'AFE est soumis au contrôle du ministère fédéral de l'Économie et du Travail. Celui-ci veille au respect de la loi (contrôle de légalité - § 393 I SGB III).

3. Conditions de nomination de ses membres

Un comité de direction se trouve à la tête de l'agence. Il se compose d'un président et de deux autres membres. Il a notamment pour mission :

- de diriger et de gérer l'agence ;

- de représenter l'agence dans les procédures judiciaires et extrajudiciaires (§ 381 I und II SGB III).

Le conseil d'administration exerce un contrôle sur le comité de direction ainsi que sur l'administration (§ 373 I SGB III).

4. Garanties d' indépendance de ses membres

Parallèlement à leur fonction, les membres du comité de direction ne doivent exercer aucune autre activité rémunérée ni tout autre emploi ; ils ne doivent pas non plus appartenir à la direction d'une entreprise poursuivant un but lucratif, à un gouvernement ou à une assemblée législative de la Fédération ou d'un Land. Par ailleurs, ils ne sont pas autorisés à rendre des avis extrajudiciaires à titre onéreux. Leur appartenance à un conseil de surveillance, à un conseil d'administration, à un comité consultatif ou à tout autre organe nécessite l'approbation du ministère de l'Économie et du Travail. Il revient à ce dernier de décider dès lors qu'un traitement est versé (§ 382 V SGB III).

5. Prérogatives

L'agence fédérale se dote de statuts (§ 372 I SGB III).

6. Modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Un rapport d'activité, rendu par le comité de direction et approuvé par le conseil d'administration, doit être présenté chaque année au ministre fédéral de l'Économie et du Travail (§ 393 II SGB III).

ALLEMAGNE

par Mme Marine de LA TOUR
de l'Université de Munich

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I - Remarques préliminaires

II - Statuts juridiques

III - Présentation de quelques organismes significatifs

IV - Liste et adresses des organismes

I - Remarques préliminaires

a) Ici ne seront présentés que les organismes fédéraux. Une étude similaire pourrait être effectuée au niveau des états fédérés auxquels revient la compétence de principe en matière administrative.

b) Le concept d'Autorité Administrative Indépendante n'existe pas en Allemagne, du moins dans le sens qu'il a en France. Cela est dû probablement à la différence des structures administratives des deux pays. L'Allemagne étant un État fédéral, la répartition des compétences administrative entre la fédération et les États fédérés est une matière constitutionnelle. La Loi Fondamentale de 1949 contient de longs développements relatifs à l'administration et prévoit déjà différents cadres juridiques pour les organismes que le législateur sera amené à créer. Les organismes correspondant aux AAI s'insèrent donc dans des formes constitutionnellement prévues.

II - Statuts juridiques

À côté de cas particuliers d'organismes directement liés au Parlement, la majorité des organismes correspondant en France aux AAI ont la forme d'« autorités administratives fédérales supérieures autonomes » (selbstsändige Bundesoberbehörde).

1. Les autorités administratives fédérales supérieures autonomes

L'administration fédérale se compose en principe de trois niveaux : celui des plus hautes autorités administratives (Gouvernement, Ministères, Bundesbank par disposition constitutionnelle), celui des autorités administratives moyennes et celui des autorités inférieures. L'administration par les autorités administratives fédérales autonomes constitue une exception à ce système hiérarchisé : l'autorité fédérale autonome est seule compétente sur l'ensemble du territoire et dispose d'une autonomie organisationnelle, sans pour autant posséder la personnalité juridique402.

La possibilité de création de tels organismes est expressément prévue par la Loi Fondamentale à l'article 87 alinéa III. Comme évoqué précédemment, la compétence de principe en matière administrative appartient aux États fédérés. C'est à eux qu'il revient en particulier d'exécuter les lois fédérales, à moins que la Loi Fondamentale ne le prévoie autrement. L'article 87 al. III est une de ces exceptions à la compétence des États fédérés. Il prévoit que, dans un domaine pour lequel la fédération possède la compétence législative, une autorité fédérale supérieure autonome ou une personne morale de droit publique directement liée à l'État fédéral peut être créée par une loi fédérale.

Il n'existe apparemment pas de type unifié d'autorité fédérale supérieure autonome. Elles sont rattachées à un ministère tout en possédant une autonomie d'organisation et de fonctionnement. Elles ne sont liées que par les directives générales de leur ministère de rattachement et non par des directives spéciales relatives à des cas particuliers. Parfois, la loi qui les institue prévoit une liberté complète par rapport aux directives de leur ministre403. Cette indépendance particulière n'est possible que quand elle s'appuie sur une disposition constitutionnelle autre que l'article 87 III de la Loi Fondamentale404. Les autorités administratives autonomes ont un budget propre à l'intérieur du budget de leur ministère.

La diversité et la souplesse de leur régime juridique tient à leur mode de création. Les autorités de régulation et de contrôle sont presque toujours créées par la loi qui règle le domaine qui les concerne405. Leur institution et la définition de leur statut, de leurs pouvoirs et de leurs procédures d'action fait suite aux règles matérielles qu'elles ont pour mission de faire observer.

Les mouvements de privatisation, initiés pour la plupart pour répondre aux exigences du droit communautaire, ont contribué à accroître l'importance de ces autorités administratives autonomes. Le domaine des postes et télécommunications en est un exemple significatif. La privatisation conduit à supprimer l'appareil administratif hiérarchique et à le remplacer par une autorité autonome qui n'a plus à effectuer que des tâches de contrôle, de coordination et de régulation.

2. Autres formes juridiques

Certaines des autorités administratives ont la forme de « Zentralstelle ». Cette pssibibité d'organisation est prévue à l'Art 87 al. I de la Loi Fondamentale. Elle est très voisine de celle des autorités administratives précédemment décrites, la différence essentielle résidant dans un lien plus fort avec les autorités correspondantes des États fédérés. Les Zentralstellen ont avant tout une mission de coordination et de concentration d'informations. Sous cette forme sont organisés le Zollkriminalamt dépendant du ministère des finances et chargé du contrôle des opérations douanières et le Bundeskriminalamt rattaché au ministère de l'intérieur et chargé de la coordinations des informations dans le domaine de la police criminelle, domaine normalement réservé à la compétence des États fédérés.

Certaines enfin sont des « Anstalten des öffentlichen Rechts » (Instituts de droit public), possédant la personnalité juridique, et dotées par là en général d'une plus grande indépendance. Leur régime juridique est encore moins unifié que celui des autorités administratives autonomes. Elles aussi doivent être créées par une loi et le législateur

dispose d'une grande liberté quant à leur organisation. Le Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (équivalent de l'AMF) est organisé sous cette forme406.

La banque fédérale est un cas particulier. Elle est ici évoquée car elle possède des attributions qui vont au-delà de la politique monétaire ; elle coopère avec la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht pour la surveillance des opérations bancaires. Il est expressément prévu dans la Loi fondamentale qu'elle se situe au plus haut niveau de l'ordre administratif, au même titre que le Gouvernement et les ministères. Cela lui assure une indépendance très importante par rapport au pouvoir exécutif. Les membres du comité directeur sont nommés par le Président fédéral, le président, le vice-président et deux autres membres sur proposition du Gouvernement, les quatre autres membres sur proposition du Bundesrat (la chambre basse représentant les États fédérés) avec l'accord du Gouvernement. Ils sont nommés en général pour 8 ans, ce qui couvre la durée de deux législature et assure leur indépendance.

Enfin, pour ce qui concerne directement le contrôle de l'administration et les relations entre le pouvoir exécutif et les particuliers, les organismes compétents sont directement dépendants du Parlement, que ce soit sous forme de commission parlementaire ou de chargé d'affaire du Parlement407.

III - Présentation de quelques organismes significatifs

Les organismes suivants ont été choisis pour essayer de couvrir à la fois des domaines d'activités variés et des statuts juridiques divers.

1. La régulation des réseaux : La Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux)

La « Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen » (Agence fédérale des réseaux pour l'électricité, le gaz, les télécommunications, la poste et les chemins de fer) est l'organisme chargé de la régulation des réseaux, recouvrant pour partie les attributions du CSA, de l'Autorité de Régulation des Télécommunications, de la Commission de Régulation de l'Energie et de l'ARCEP.

C'est une « Autorité administrative supérieure fédérale autonome » dans le domaine d'activité du ministère de l'économie et du travail. Elle résulte d'une légère transformation de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et Postes (Regulierungsbehörde für Telekommunikation und Post), créée par la Loi sur les télécommunications du 25 juillet 1996408. Cette loi, en particulier dans sa version remaniée du 22 juillet 2004, transpose les directives communautaires et y adapte le système allemand de télécommunications.

L'Agence fédérale des réseaux est chargée de veiller sur l'évolution des marchés de l'électricité, du gaz, des télécommunications, des postes, et à partir de janvier 2006 des infrastructures ferroviaires, par la libéralisation et la dérégulation. Elle gère en particulier la définition des fréquences disponibles409, délivre les autorisations d'exploitation, contrôle l'interopérabilité des réseaux, veille au respect des impératifs de service universel, et assure une surveillance générale. Elle dispose de pouvoirs de sanction étendus410. Alors qu'en général, les actes administratifs doivent avoir fait l'objet d'un recours interne à l'administration avant d'être soumis au contrôle juridictionnel, les décisions de l'Agence sont directement attaquables devant les juridictions administratives. Les voies de recours contre le jugement qui s'en suit sont en général exclues.

L'Agence fédérale des réseaux a à sa tête un président et un Conseil. Le président est nommé pour une période renouvelable de 5 ans par le Gouvernement fédéral qui doit entendre l'avis du Conseil411. Le Conseil se compose de 16 membres du Bundestag (la chambre haute du Parlement) et de 16 représentants du Bundesrat (la chambre représentant les gouvernements des États fédérés). Il existe aussi une commission des Länder qui regroupe les autorités de régulation des États fédérés. Les décisions sont prises en général par des chambres de décision (Beschlusskammer) constituées sur les indications du ministère de l'économie et du travail. L'Agence rend tous les deux ans un rapport au Parlement sur ses activités, sur la situation et l'évolution du domaine des télécommunications, sur l'état de la concurrence, en présentant les nécessités d'évolution ou d'adaptation de la régulation. Le Gouvernement fédéral prend position sur ce rapport face au pouvoir législatif. En outre, l'Agence présente chaque année un rapport public sur l'évolution du marché des télécommunications et la planification de son activité future.

L'Agence est financée par des redevances prélevées ponctuellement lors des différents services qu'elle rend (délivrance d'autorisations et de fréquences...), et par des cotisations attachées à l'utilisation des réseaux412. Ses coûts administratifs de fonctionnement doivent être ainsi couverts.

2. La protection des données : le Beauftragte für den Datenschutz

La protection des données est assurée de façon décentralisée. La loi sur la protection des données du 14 janvier 2003 prévoit que, dans chaque service public ou privé ayant à gérer des données, doit être nommée une personne nommée « Datenschutzbeauftragte », spécialement chargée de la protection des informations et données. Le responsable du service concerné n'a pas de pouvoir hiérarchique sur le Datenschutzbeauftragte ; les éventuels conflits sont réglés par l'autorité administrative supérieure.

Au niveau fédéral, il existe aussi un Datenschutzbeauftragte qui se présente lui-même comme équivalent allemand de la CNIL. Il a un statut juridique unique. Il est élu par le Bundestag à la majorité de ses membres sur proposition du Gouvernement fédéral et nommé par le Président fédéral. Son mandat est de 5 ans renouvelables une fois. Son indépendance est expressément affirmée dans la Loi sur la protection des données. Il est soumis à un contrôle de légalité, mais non d'opportunité, de la part du Gouvernement fédéral. Ses services et son personnel dépendent du ministère de l'Intérieur, mais le Bundesbeauftragte doit donner son accord pour toute nomination. Il ne peut être révoqué que par le Président fédéral sur proposition du Gouvernement, et seulement pour des raisons qui justifieraient le renvoi à vie d'un magistrat.

3. Les fonctions de médiation entre l'État et les « administrés »

L'Allemagne n'a pas de Médiateur de la République ou d'Ombudsman. Des fonctions équivalentes sont exercées en partie par une commission parlementaire appelée Petitionssausschuss (Commission des Pétitions). Son existence est prévue expressément à l'article 45c de la Loi Fondamentale et correspond aux exigences du droit fondamental à être entendu par les instances parlementaires inscrit à l'article 17 de la Loi Fondamentale.

Certains parlements des États fédérés ont en plus de leur commission parlementaire un « chargé d'affaire » pour recevoir les plaintes et suggestions des citoyens (Bürgerbeauftrage).

La Commission des pétitions dispose de pouvoirs d'informations importants vis à vis du Gouvernement et des autorités administratives fédérales, ainsi que vis-à-vis des autres organismes et personnes de droit publics dans la mesure où ils sont soumis au contrôle du Gouvernement413.

La Commission effectue tout d'abord un travail de médiation. Elle peut émettre une recommandation de décision adressée au Bundestag. Le Bundestag peut alors prendre une décision sur la pétition. Cette décision, qui n'a que le caractère de recommandation en raison de la séparation des pouvoirs, est transmise au Gouvernement ou à l'organe concerné.

À côté de cette Commission non spécialisée, il existe un délégué parlementaire remplissant une mission analogue dans le domaine particulier de la Défense.

IV - Liste et adresses des institutions

Ici sont répertoriés les organismes les plus significatifs. Leurs sites Internet disposent tous de pages d'information en anglais et parfois en français.

Datenschutzbeauftragter

http://www.bfd.bund.de

Petitionssausschuss (Commission des pétitions)

http://www.bundestag.de/parlament/gremien15/a02/index.html

Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux)

Home: http://www.bundesnetzagentur.de

La loi sur les Télécommunications est disponible en français à l'adresse suivante : http://www.bmwa.bund.de/Redaktion/Inhalte/Pdf/Gesetz/telekommunikationsgesetz-fr,property=pdf,bereich=,sprache=de,rwb=true.pdf

Bundeskartellamt (équivalent du Conseil de la concurrence)

http://www.bundeskartellamt.de/

Site en Francais: http://www.bundeskartellamt.de/wFranzoesisch/index.shtml

Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (équivalent de l'Autorité des Marchés Financiers)

http://www.bafin.de

Bundesbank (Banque fédérale)

http://www.bundesbank.de

Statistisches Bundesamt (Institut fédéral des statistiques)

http://www.destatis.de

Deutsche Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques)

http://www.dpma.de

Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien (Autorité administrative autonome chargée de la protection de la jeunesse dans le domaine des médias). http://www.bundespruefstelle.de

Integrationsbeauftragte (Beauftragte für Migration, Flüchtlinge und Integration) - Chargé d'affaire du Gouvernement pour l'immigration, les réfugiés et l'intégration

Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral pour les médicaments et les produits médicaux)

http://www.bfarm.de

Robert-Koch-Institut (Autorité de surveillance et de prévention des maladies)

http://www.rki.de

Paul-Ehrlich-Institut (Institut chargé de la recherche, du contrôle et des autorisations d'exploitation dans le domaine des biotechnologies et des traitements médicaux spécifiques)

http://www.pei.de

Bundeskriminalamt (Office de coordination et d'information en matière de police criminelle)

http://www.bka.de

Zollkriminalamt (Office de la protection et de la répression des fraudes en matière douanière)

http://www.zollkriminalamt.de

Bundessortenamt (Organisme chargé de la protection et de l'autorisation des espèces végétales)

http://www.bundessortenamt.de

Bundesamt für Güteverkehr (Office fédéral pour la circulation des biens)

http://www.bag.bund.de

Biologisches Bundesanstalt für Land und Fortwirtschaft (Organisme chargé de la protection de l'environnement en matière agricole)

http://www.bba.de

AUTRICHE

par Mme Katarina BAUER
sous la direction du professeur Dr. Heinz SCHÄFFER
de l'université de Salzburg

(traduction par Marcel MORITZ
Allocataire-moniteur IREDIC - Université Paul Cézanne Aix-Marseille II)

_______

SOMMAIRE

I - Les chambres administratives indépendantes

II - Les autres autorités indépendantes prévues par la constitution

1. Les formations collégiales dotées d'un pouvoir juridictionnel

2. Les autorités collégiales scolaires

3. Les autres autorités indépendantes de contrôle prévues par la constitution (hors de son titre VI)

III - Les autorités indépendantes de régulation

1. La régulation des transports

A. La Schienen-Control Gmbh

B. La Schienen-Control Kommission

2. La régulation des Communications - Radio, poste et télécommunication

A. Kommaustria

B. Le Bundescommunikationssenat

C. RTR Gmbh

D. La commission de contrôle des télécommunications

3. La régulation du secteur de l'énergie

A. Energie-Control Gmbh

B. Energie-Control Kommission

4. La surveillance des marchés financiers : la FMA (autorité des marchés financiers)

L'actuel système juridique autrichien repose sur le principe de la séparation des pouvoirs, dans l'esprit de Montesquieu : pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif sont indépendants et fermement séparés.

Le pouvoir exécutif de l'État se trouve délégué à des autorités administratives qui, à la différence des organes législatifs, ne peuvent produire que des « lois » dans le sens matériel, par le biais d'arrêtés et d'actes unilatéraux, et qui, à la différence des organes judicaires, ne disposent pas d'une autonomie hiérarchique.

Cependant, on relève aujourd'hui l'existence de quelques exceptions à ce modèle rigide. De plus en plus furent créées des autorités administratives indépendantes qui ne disposent pas des garanties classiques du pouvoir judiciaire (indépendance dans la prise de décisions garantie par l'inamovibilité et l'irrévocabilité des juges).

Depuis 1988, il existe une tendance constante en Autriche à la juridictionnalisation de l'administration. Cette tendance se traduit par la création d'autorités administratives indépendantes dont les compétences se rapprochent de celles des tribunaux. Ces autorités constituent un écart par rapport au schéma hiérarchique traditionnel.

I - Les chambres administratives indépendantes (verwaltungssenate)

Pour garantir l'État de droit, la constitution autrichienne prévoit en son 6ème chapitre l'existence de deux Cours suprêmes : une Cour constitutionnelle et une Cour administrative.

Il aura fallu attendre 1988 pour que soient créées des chambres administratives indépendantes.

La cause majeure de la création de ces chambres indépendantes réside dans le fait que les Cours suprêmes (Cour constitutionnelle et Cour administrative) ne sont pas en mesure de répondre à l'ensemble des questions de droit à elles posées. Ces Cours sont trop spécialisées, chacune dans son domaine. En effet, la Cour constitutionnelle n'est en charge que du contrôle de la conformité des textes à la constitution. De son côté, la Cour administrative se comporte en une Cour de cassation qui ne juge pas au fond et ne statue donc pas sur les faits du litige

Les chambres administratives indépendantes ont donc été créées pour palier à cette faiblesse. Elles furent introduites dans la constitution par la loi constitutionnelle 1988/685 et intégrées dans le droit positif. Elles sont principalement en charge des plaintes déposées à l'encontre de l'administration.

- La création de ces instances

Dans chaque Land il existe une chambre administrative indépendante. Cette existence est prévue par la constitution (article 129). Ces chambres administratives indépendantes appartiennent structurellement à l'administration des Lander et sont chargées de garantir la légalité de l'ensemble de l'administration publique.

- Positionnement de ces instances par rapport aux trois pouvoirs

Les chambres administratives indépendantes sont des autorités administratives. Cependant, eu égard à leur liberté décisionnelle, et à la forte indépendance de leurs membres, ces instances constituent des autorités administratives d'une nature particulière.

- Statut des membres de ces instances

Les membres des chambres administratives indépendantes sont, d'après l'article 129 b paragraphe 1 de la constitution, nommés pour une durée minimale de 6 ans par le gouvernement du Land. Au moins un quart des membres doit être composé d'anciens fonctionnaires de la fédération (Bund). L'organisation des chambres administratives indépendantes et le statut de leurs membres relèvent de la législation du Land. La procédure est fixée par une loi fédérale.

- Garanties d'indépendance des membres

Dans l'exécution des tâches qui leur incombent en vertu des articles 129a et 129b de la constitution, les membres des chambres administratives indépendantes ne sont assujettis à aucune instruction.

Les affaires à traiter par ces chambres devront être réparties à l'avance entre leurs membres, pour une période qui sera fixée par une loi du Land ; une affaire qui, en vertu de cette répartition, appartient à un certain membre de la chambre administrative indépendante ne peut lui être retirée qu'en cas d'empêchement et par décision du président.

Avant l'expiration de leur mandat, les membres des chambres administratives indépendantes ne peuvent être révoqués que dans les cas prévus par la loi, et seulement par une décision de la chambre administrative indépendante.

Les membres des chambres administratives indépendantes doivent être experts en droit. Pour la durée de leur mandat, ils ne doivent exercer aucune activité de nature à susciter des doutes quant à l'indépendance de leur fonction.

- Les compétences des chambres administratives indépendantes

Aux termes de l'article 129 a paragraphe 1 de la constitution, les chambres administratives indépendantes sont appelées à statuer, après épuisement d'éventuelles voies de recours administratives :

- dans les procédures concernant les contraventions administratives à l'exception des affaires relevant du droit fiscal pénal de la Fédération ;

- sur les recours de personnes qui prétendent avoir été lésées dans leurs droits par l'exercice direct du pouvoir de commandement et de contrainte de la part des autorités administratives, à l'exception des affaires relevant du droit fiscal pénal de la Fédération ;

- dans d'autres matières qui leur sont dévolues par les lois fédérales ou de Land régissant les différents domaines de l'administration ;

- sur les recours en carence dans les affaires visées au point 1 ci-dessus et dans la mesure où il s'agit de plaintes introduites par des particuliers ou bien de questions relevant du droit fiscal pénal du Land, ainsi que dans les affaires visées au point 3 ci-dessus.

De plus, la loi peut autoriser l'introduction directe d'un recours contre les décisions administratives de première instance devant la chambre administrative indépendante dans les matières relevant de l'administration fédérale indirecte ainsi que dans les affaires visées aux articles 11 et 12 de la constitution. De telles lois ne peuvent être publiées qu'avec l'approbation des Lander concernés.

Les chambres administratives indépendantes doivent faire connaître leurs décisions sous la forme d'arrêts. Lorsque le litige concerne un acte administratif que la chambre déclare non-conforme, c'est l'ensemble de cet acte qui est invalidé. Si cet acte, déclaré non conforme à la loi, demeure, l'administration concernée doit immédiatement se mettre en conformité avec la position de la chambre administrative indépendante.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur ces autorités administratives indépendantes

a) Étant donné que les chambres administratives indépendantes font partie de l'administration, leur activité est, comme celle de toute administration, indirectement contrôlée par le Parlement. En effet, dans son rôle d'auxiliaire du parlement, la Cour des comptes a un rôle important à jouer dans le cadre de son pouvoir de contrôle financier. De même, le Volkanwalschaft (procureur), dans le cadre du contrôle global de la bonne marche de l'administration, peut également intervenir.

b) Les membres des chambres administratives indépendantes sont par ailleurs statutairement fonctionnaires du Land et sont soumis au droit du travail en vigueur dans le Land.

En ce qui concerne les questions disciplinaires, c'est la chambre administrative indépendante réunie en formation collégiale qui est compétente, afin de garantir l'indépendance de ses membres.

c) Les décisions des chambres administratives indépendantes sont soumises au contrôle a posteriori de la Cour constitutionnelle et de la Cour administrative.

- Condition de l'indépendance financière des chambres administratives indépendantes

L'administration de chaque Land doit fournir aux chambres administratives indépendantes les moyens matériels et humains nécessaires à leur bon fonctionnement.

II - Autres autorités indépendantes prévues par la constitution

1. Formations collégiales dotées d'un pouvoir juridictionnel

Depuis le 19ème siècle, l'Autriche est dotée d'exceptions au mode classique de gestion administratif. Ainsi, il existe des organes collégiaux comportant au moins un juge et dont les compétences sont prévues par l'article 133 paragraphe 4 de la constitution, lequel dispose :

« Échappent à la compétence de la Cour administrative :

Les affaires tranchées en dernière instance par une autorité collégiale, si, d'après les lois de la Fédération ou des Lander portant organisation de ces autorités, ses membres comptent au moins un juge, si les autres membres ne sont pas non plus soumis à aucune instruction dans l'exercice de leurs fonctions, si les décisions de cette autorité ne peuvent être annulées ou modifiées par des instances administratives supérieures et si, nonobstant le fait que toutes ces conditions soient réunies, la recevabilité d'un recours devant la Cour administrative n'est pas stipulée expressément ».

Du fait de la présence d'un juge au sein de cette formation collégiale, les décisions prises par cette dernière se sauraient faire l'objet d'un recours auprès de la Cour administrative, contrairement aux décisions prises par les chambres administratives indépendantes (v. ci-dessus), sauf si la loi le prévoit expressément. Par contre un recours auprès de la Cour constitutionnelle demeure toujours possible.

De facto, le pouvoir interprétatif de ces autorités collégiales est donc très important et susceptible d'affecter la hiérarchie et la séparation des pouvoirs. Cependant, la création de telles autorités collégiales est, d'après la jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle, uniquement possible si elle est fondée sur des motifs légitimes et importants, ceci afin de préserver un champ de compétence certain au ministère concerné.

2. Autorités collégiales scolaires

Une autre particularité du droit autrichien peut être relevée en matière de gestion scolaire. Celle-ci est placée sous la tutelle du ministère de l'éducation par l'intermédiaire d'autorités scolaires.

Ainsi, l'article 81 a paragraphe 2 de la constitution prévoit qu'une autorité scolaire appelée « conseil scolaire de Land » (Landesschulrat) sera instituée dans chaque Land et un « conseil scolaire de district » (Bezirksschulrat) dans chaque district politique. Dans le Land de Vienne, le conseil scolaire de Land assume aussi les attributions du conseil scolaire de district et porte l'appellation de « conseil scolaire municipal de Vienne » (Stadtschulrat fur Wien).

Les compétences matérielles des conseils scolaires de Land et de district font l'objet d'une loi fédérale.

3. Autres autorités indépendantes de contrôle prévues par la constitution (hors de son titre VI)

Le constituant a désormais élargi le champ des autorités administratives indépendantes. Ainsi furent créées des autorités nouvelles, proches dans leur structure et dans leur fonctionnement des chambres administratives indépendantes, avec pour mission de soulager d'une certaine manière la Cour administrative.

Il s'agit :

- Du finanzsenat indépendant, lequel a été considéré par une récente décision constitutionnelle (2002/97) comme une autorité administrative indépendante pour l'ensemble du territoire du Bund.

Il est compétent pour les contestations fiscales en général.

- Du Bundesvergabeamt : Compétent pour les questions relatives aux contrats et marchés publics.

- De la Berufungskommission im Beamtendienstrecht : Compétente pour les mutations des fonctionnaires et les questions relatives aux sanctions disciplinaires les concernant.

- De l'Umweltsenat : Compétent pour les questions relatives à la protection de l'environnement.

- De la Datenschutzkommission : Compétente pour les questions relatives à la protection des données personnelles.

III - Les autorités indépendantes de régulation

Avec l'ouverture des marchés, l'Autriche a créé des autorités de régulation dans la droite ligne d'une constante juridicisation de l'administration (sic). Ces autorités ont pour but de peser sur les marchés afin de garantir leur approvisionnement constant.

En ce sens la régulation a pris le relais de l'ancien monopole public pour permettre à l'État de continuer à garantir le bon fonctionnement des marchés.

Des autorités administratives indépendantes de nature financière ont vu le jour dans des domaines variés et sensibles comme les communications (radio, poste et télécommunications), l'énergie, la finance (banques, assurances et caisses de retraite) et les transports (chemins de fer). Dans ces domaines, les entreprises sont soumises à un régime d'autorisation préalable et à des contrôles permanents. Les autorités administratives indépendantes compétentes peuvent intervenir activement si elles constatent un disfonctionnement grave.

Le champ d'application des compétences de ces autorités administratives indépendantes est constitutionnellement limité. Aux termes des décisions rendues par la Cour constitutionnelle, ces limites sont les suivantes :

- La création d'une autorité administrative indépendante doit obéir à une nécessité globale et majeure.

- Les compétences fondamentales de l'État (sécurité intérieure et extérieure, police de l'ordre public, etc.) ne peuvent faire l'objet de délégation à une autorité administrative indépendante.

- La délégation de compétences au profit d'une autorité administrative indépendante est soumise à un contrôle de son efficience et de sa clarté.

- Conformément à la constitution, le pouvoir de direction et les responsabilités de gestion des organes majeurs de l'État doivent être préservés.

On note l'existence de quatre catégories d'autorités administratives indépendantes de ce type compétentes pour les transports, la communication, l'énergie et les finances.

Ces quatre autorités feront l'objet des développements suivants.

1. La régulation du secteur des transports

Les chemins de fer étaient depuis toujours (malgré plusieurs passages d'une gestion privée à une gestion publique) sous le joug d'une réglementation étatique. La libéralisation des marchés ferroviaires décidée par l'Union européenne a conduit à une ouverture des réseaux. Le but de cette libéralisation est l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché, l'accroissement de la concurrence entre ces derniers, ainsi qu'une rationalisation de l'exploitation du réseau existant.

La libéralisation du marché ferroviaire pose toutefois le problème central de l'accès au réseau pour les entreprises ferroviaires. Cette situation exige la création d'une autorité administrative indépendante en vue de la régulation de l'accès au réseau ferré.

En Autriche furent créées en ce sens deux autorités administratives indépendantes : Schienen-Control GMBH et Schienen-Control Kommission.

A. La Schienen-Control GMBH

- La création de cette autorité

En vertu de l'article 76 de la loi relative aux chemins de fer, la Schienen-Control GMBH est une société de capitaux dont l'actionnaire unique est le Bund.

Son capital social est de 726.728 €, son siège est à Vienne. Elle n'a pas de but lucratif.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La Schienen-Control GMBH est une personne morale de droit privé disposant de pouvoirs juridiques délégués sous contrôle par l'administration centrale. Il s'agit donc d'un organe de régulation séparé de l'ordre administratif général. Le choix d'une société de capitaux détenue par le Bund à 100 % s'explique par le fait qu'il permet au ministère concerné d'agir en tant que représentant de l'actionnaire unique et d'avoir ainsi une influence directe sur la gestion de la société.

- Conditions de nomination de ses membres

La Schienen-Control GMBH dispose d'un conseil de surveillance et d'une assemblée générale nsi que du nombre nécessaire de collaborateurs et d'un directeur général. L'article 76 paragraphe 4 de la loi relative aux chemins de fer dispose que :

« le ministre des transports, de l'innovation et de la technologie est en charge de la présence au sein du conseil de surveillance d'un représentant du ministère des finances ».

Étant donné la nature juridique de la Schienen-Control GMBH, les autres employés de la société disposent d'un contrat de droit privé.

- Indépendance de ses membres

L'article 79 paragraphe 1 de la loi relative aux chemins de fer dispose que l'activité de la Schienen-Control GMBH est contrôlée par le ministère des transports, de l'innovation et de la technologie. Ce ministère peut donner des instructions fondées par écrit à la Schienen-Control GMBH (article 79 paragraphe 2). Il peut également demander aux dirigeants de la Schienen-Control GMBH tous renseignements et documents nécessaires à sa mission de contrôle (article 79 paragraphe 3).

Le ministère dispose aussi du pouvoir d'annuler la nomination du dirigeant de la Schienen-Control GMBH si ce dernier ne fourni pas une information demandée ou n'exécute pas un ordre ministériel (article 79 paragraphe 4).

Par conséquent, les membres de la Schienen-Control GMBH ne disposent pas d'une totale indépendance, le ministère ayant une influence sur l'activité et la prise de décisions de cette autorité administrative indépendante.

La garantie d'une certaine indépendance de la Schienen-Control GMBH réside en fait dans son contrôle par une seconde autorité administrative indépendante, la Schienen-Control Kommission, laquelle est une administration collégiale dotée d'une autorité juridictionnelle indépendante.

- Ses compétences

Il s'agit des compétences suivantes (article 77 de la loi relative aux chemins de fer) :

- Décisions relatives à la mise à disposition du réseau.

- Contrôle de la conformité de l'exploitation aux règles de sécurité.

- Contrôle de l'attribution et des modalités financières des mises à disposition du réseau.

- Prise de mesures cœrcitives permettant de forcer l'accès au réseau.

- Observation du marché.

- Observation de la bonne mise à disposition des infrastructures.

- Gestion administrative de la Schienen-Control Kommission.

- Échanges d'informations avec les autorités administratives indépendantes étrangères.

La Schienen-Control GMBH a le pouvoir d'émettre des décisions contraignantes dans les domaines suivants :

- Communication d'information.

- Fixation de délais pour la mise en conformité aux normes de sécurité.

- Appréciation de la nécessité de disposer d'un certificat de conformité aux normes de sécurité et délivrance de ce dernier.

- Demandes d'informations.

- Prise de mesures coercitives.

- Autres décisions nécessaires à l'exécution de sa mission.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la Schienen-Control GMBH soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement un rôle certain. La Cour des comptes dispose ainsi dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité de la Schienen-Control GMBH est soumise au contrôle de son ministère de tutelle, le ministère des transports, de l'innovation et de la technologie (v. supra).

c) Le pouvoir judiciaire :

Une autorité administrative indépendante séparée, la Schienen-Control Kommission est en charge des recours contre les décisions de la Schienen-Control GMBH.

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de la Schienen-Control GMBH sont forfaitairement calculés et mis à la charge de l'ensemble des utilisateurs du réseau au prorata de leur utilisation. Le recouvrement annuel de ces frais est assuré par la Schienen-Control Kommission.

De ce fait, l'indépendance de la Schienen-Control GMBH est garantie, notamment par rapport à certaines entreprises ou sponsors.

B. La Schienen-Control Kommission

- La création de cette autorité

Il s'agit d'une autorité collégiale, accessoire à la Schienen-Control GMBH, disposant d'un pouvoir juridictionnel.

Du fait de ce pouvoir, il s'agit d'une autorité de régulation indépendante du ministère. Cette autorité administrative indépendante a été créée par la loi, et obéit à une nécessité spécifique, conformément aux exigences constitutionnelles (v. supra).

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La Schienen-Control Kommission est une autorité indépendante dotée d'un pouvoir juridictionnel. Conformément à l'article 84 de la loi relative aux chemins de fer, ses décisions ne peuvent être remises en cause par l'administration. Elles sont toutefois soumises à un possible contrôle sur appel auprès de la Cour administrative.

- Conditions de nomination de ses membres

Au moins un membre de cette autorité administrative indépendante doit avoir le statut de magistrat. Conformément aux dispositions de l'article 82 de la loi, cette autorité administrative indépendante se compose d'un président et de deux autres membres, chaque membre disposant d'un suppléant.

Le président et son suppléant, qui doivent avoir le statut de magistrat, sont nommés par le ministère de la justice. Les autres membres et leurs suppléants doivent être des professionnels du transport et sont nommés sur proposition du ministère des transports, de l'innovation et de la technologie.

Il existe certaines incompatibilités empêchant la candidature à cette commission pour :

- Les membres du gouvernement central et de celui des Lander ainsi que les secrétaires d'État.

- Les personnes proches des sociétés susceptibles de faire appel à la commission.

- Les personnes touchées d'inéligibilité.

La durée du mandat est de 5 ans. Son renouvellement est possible. Les membres de la commission sont tenus au secret.

- Indépendance de ses membres

Le paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions »

Au travers de ces dispositions est garantie l'indépendance de tous les membres de cette autorité administrative indépendante. Cette indépendance est aussi garantie par l'article 83 de la loi relative aux chemins de fer.

- Ses compétences

L'article 81 paragraphe 2 de la loi relative aux chemins de fer confère à la commission les missions suivantes :

- Décisions relatives aux recours concernant l'accès et l'usage des infrastructures.

- Attribution de marchés.

- Autorisation de règlements cadres d'une durée supérieure à 10 ans.

- Contrôle des contributions versées par les sociétés exploitantes pour l'utilisation du réseau.

- Décisions afférentes aux recours formés contre les administrations autorisant l'exploitation du réseau et les sociétés d'exploitation.

- Contrôle de l'attribution des marchés.

- Recours contre les décisions de la Schienen-Control GMBH.

Les décisions de la Schienen-Control Kommission sont prises à la majorité absolue sans abstention possible et ont autorité de chose jugée. Un recours contre ces décisions est toutefois possible devant la Cour administrative.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la Schienen-Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la Schienen-Control GMBH excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que la Schienen-Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garanti son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions de la Schienen-Control Kommission ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

La Schienen-Control Kommission est, aux termes de l'article 81 de la loi, mise en place aux côtés de la Schienen-Control GMBH, cette dernière étant en charge de sa gestion et de son financement.

Les membres de la commission se voient verser une indemnité par la Schienen-Control GMBH, ce procédé garantissant l'indépendance de la commission au travers de l'indépendance de la Schienen-Control GMBH.

2. Communications - Radio, poste et télécommunications

Après l'ouverture du secteur de la communication, il s'avérait fondamental de rendre effectives des règles soumettant les nouveaux acteurs privés au respect des contraintes nécessaires à la satisfaction des exigences démocratiques.

En ce sens fut créée Kommaustria, une commission compétente en matière de communication, en tant qu'entité autonome. Cependant, cette commission est soumise à l'autorité du chancelier, et est de plus contrôlée par une chambre administrative spécialisée (Bundeskommunikationssenat).

Le contrôle de la communication s'opère donc par le biais de ces deux organes : Kommaustria et le Bundeskommunikationssenat.

A. Kommaustria

- La création de cette autorité

Kommaustria fut créée par une loi du 1er avril 2001 pour la régulation administrative du secteur des communications. Cette administration est directement soumise à l'autorité du chancelier.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Kommaustria est une administration distincte de l'ordre administratif étatique, spécialisée dans la régulation du secteur de la communication. Cette administration est directement placée dans le ressort de la chancellerie.

- Conditions de nomination de ses membres

Kommaustria comporte un directeur et le nombre nécessaire de fonctionnaires. Le directeur est nommé sur appel à candidature. La structure décisionnelle est monocratique en ce sens que les décisions sont prises par le directeur seul, les autres membres de la commission pouvant se voir déléguer certaines compétences par le directeur. Les décisions prises doivent l'être sur le fondement des lois applicable.

- Indépendance de ses membres

Ainsi qu'il l'a été vu, les membres de Kommaustria dépendent hiérarchiquement du chancelier et ne jouissent donc pas d'une réelle indépendance. Au sens large une forme d'indépendance existe du fait de la possibilité de saisine du Bundeskommunikationssenat.

- Ses compétences

Il s'agit des suivantes :

- Attribution des marchés aux opérateurs de radio et de télévision privés.

- Autorisation d'utilisation des émetteurs.

- Introduction du numérique.

- Gestion des fréquences.

- Régulation des moyens techniques aux fins de développement des médias.

- Contrôle du respect des lois par les opérateurs privés.

- Respect de la réglementation publicitaire.

- Respect des attributions de marchés et des règles anti-concentration.

Kommaustria dispose également de certaines compétences spécifiques qui lui sont attribuées par la loi dans le secteur des médias (presseförderungsgesetz de 2004 et Publizistikförderungsgesetzes partie 2 de 1984).

Kommaustria est compétente pour prendre des décisions dans son champ de compétence (comme par exemple l'attribution de fréquences à un opérateur privé). Elle est également compétente pour sanctionner les opérateurs sur le fondement des lois applicables, lesquelles comportent la procédure à suivre.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que Kommaustria soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement une mission de contrôle. La Cour des comptes dispose ainsi dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité de Kommaustria est soumise au contrôle de la chancellerie (v. ci-dessus). La chancellerie peut donner des ordres écrits et fondés à cette administration et le chancelier dispose du pouvoir d'annuler la nomination de son directeur.

c) Le pouvoir judiciaire :

Une autorité administrative indépendante séparée, le Bundeskommunikationssenat est en charge des recours contre les décisions de Kommaustria.

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de Kommaustria sont forfaitairement calculés et mis à la charge des opérateurs en fonction de leur chiffre d'affaire, une partie (0,75 millions d'euros par an) de ces frais étant couverts par le Bund.

B. Le Bundeskommunikationssenat

Il s'agit d'une autorité compétente pour connaître des recours formés contre les décisions de Kommaustria.

Il ne s'agit pas d'une autorité de régulation au sens strict mais plutôt d'une autorité de contrôle de Kommaustria et du secteur public de la communication audiovisuelle.

- La création de cette autorité

Elle a été créée par l'article 11 paragraphe 1 de la loi KOG relative aux communications.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Le Bundeskommunikationssenat est une autorité indépendante dotée d'un pouvoir juridictionnel, conformément à l'article 133 paragraphe 4 de la constitution.

L'article 11 paragraphe 4 de la loi KOG fait du Bundeskommunikationssenat l'autorité de contrôle de la Kommaustria et lui permet de suppléer aux éventuelles carences de cette dernière.

- Conditions de nomination de ses membres

Le Bundeskommunikationssenat comporte 5 membres dont 3 doivent avoir le statut de magistrat. Le président et son suppléant sont nommés parmi ces 3 magistrats par le Bundeskommunikationssenat lui-même.

Les membres du Bundeskommunikationssenat sont nommés par le président de la république autrichienne sur proposition du gouvernement pour une durée de 6 ans.

En ce qui concerne les magistrats membres de cette administration, la proposition du gouvernement est dictée par les contraintes suivantes :

-un candidat est désigné par le président de la haute Cour de justice

-deux candidats sont désignés par le président de la Cour suprême du Land [oberlandesgerichtes] dans le ressort duquel se situe le siège du Bundeskommunikationssenat.

[...]

- Indépendance de ses membres

Elle est garantie par l'article 12 paragraphe 1 de la loi KOG.

Par ailleurs le paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions »

Au travers de ces dispositions est garantie l'indépendance de tous les membres de cette autorité administrative indépendante.

- Ses compétences

D'après les dispositions de l'article 11 paragraphe 2 de la loi KOG, le Bundeskommunikationssenat connait :

- Des moyens de droit soulevés à l'encontre des décisions de la Kommaustria.

- Des plaintes pour abus de droit.

L'administration ne peut remettre en cause les décisions du Bundeskommunikationssenat, seul un recours devant la Cour administrative est possible.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que le Bundeskommunikationssenat soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la Kommaustria excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que le Bundeskommunikationssenat soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garantie son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions du Bundeskommunikationssenat ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

Selon l'article 12 paragraphe 8 de la loi KOG, les membres du Bundeskommunikationssenat, reçoivent une indemnité versée par Kommaustria. Or, cette dernière étant en partie financée par l'État, le financement du Bundeskommunikationssenat est indirectement partiellement assuré par l'État de sorte que son indépendance financière n'est pas réellement garantie par la loi.

Dans le domaine des télécommunications a été créée une autre autorité administrative indépendante, la Rundfunk und Telekom Regulierungs Gmbh (RTR) ainsi qu'une commission de contrôle qui lui est associée, la TeleKom-control Kommission (TKK).

C. RTR Gmbh

- La création de cette autorité

La RTR fut créée par une loi du 1er avril 2001 pour la régulation administrative du secteur des communications. Cette société de capitaux est à but non lucratif. Son siège est à Vienne.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La RTR est une administration distincte de l'ordre administratif étatique général. Cette personne morale de droit privée, dont l'actionnaire unique est le Bund, reçoit une mission administrative afin de palier l'absence d'organe public gestionnaire de ces compétences.

- Conditions de nomination de ses membres

La RTR comporte deux directeurs : l'un est responsable des questions de radiophonie, l'autre de celles afférentes à la télécommunication. Le directeur responsable de la radiophonie est nommé par le chancelier, et celui responsable des télécommunications par le ministre des transports, de l'innovation et de la technologie. La RTR compte environ 80 collaborateurs soumis au droit privé du travail.

- Indépendance de ses membres

D'après l'article 6 paragraphe 1 de la loi KOG :

-En ce qui concerne les questions relatives à la radiophonie, le travail de la RTR est supervisé par le chancelier.

-En ce qui concerne les questions relatives aux télécommunications, le travail de la RTR est supervisé par le ministre des transports, de l'innovation et de la technologie.

Chacune de ces autorités est à même de signifier par écrit à la RTR des injonctions motivées et peut requérir la communication de documents et d'informations qui lui sont utiles pour mener à bien son travail de tutelle.

L'article 6 de la loi KOG dispose que le personnel de la RTR est soumis hiérarchiquement à la commission de contrôle des télécommunications (paragraphe 3) ainsi qu'à celui de Kommaustria dans le cadre de ses missions (paragraphe 4).

Il en résulte que les membres de la RTR ne sont pas indépendants.

- Ses compétences

Il s'agit des compétences suivantes :

- Gestion de la commission de contrôle des télécommunications et de la Kommaustria.

- Expertises décisionnelles au profit de la commission de contrôle des télécommunications et de la Kommaustria.

- Centre de compétence pour les médias audiovisuels et les télécommunications, rédaction de publications.

- Gestion financière du secteur des médias audiovisuels et des télécommunications (définition du marché, fixation du montant des contributions à verser par les opérateurs, etc.).

- Mise sur le marché des réseaux vacants, réception des offres.

- Attribution et contrôle de l'utilisation des paramètres de communication (par ex. numéros téléphoniques).

- Médiation.

- Fixation des loyers pour l'utilisation des réseaux.

-Publication de l'identité des différents acteurs du marché.

-Gestion et distribution du fond de soutien à l'industrie cinématographique et du fond pour le développement du numérique.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la RTR soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement une mission de contrôle. La Cour des comptes dispose ainsi dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité de la RTR est soumise au contrôle de la chancellerie en ce qui concerne les activités relatives à la radiophonie. En ce qui concerne les télécommunications, la compétence appartient au ministre des transports, de l'innovation et de la technologie.

L'autorité de tutelle dispose du pouvoir d'émettre des injonctions écrites à la RTR.

En fonction de l'autorité pour laquelle elle œuvre (KommAustria ou TKK), la RTR est soumise hiérarchiquement à l'une ou l'autre des ces administrations.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions de la RTR sont soumises au contrôle des deux Cours suprêmes (Cour constitutionnelle et Cour administrative).

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de la RTR sont couverts pour partie par l'État et pour partie par les opérateurs (ce financement dépendant du chiffre d'affaires réalisé).

Le capital de la RTR appartient à 100 % à l'État et est géré par la chancellerie avec l'aval du ministère des transports, de l'innovation et de la technologie. Le capital de la RTR s'élève à 5.741.153 € et a été entièrement libéré par le Bund.

Du fait de ce financement, la RTR est indépendante des personnes privées ou sponsors.

D. La commission de contrôle des télécommunications (Telekom-Control Kommission)

- La création de cette autorité

La commission de contrôle des télécommunications est une autorité indépendante dotée d'un pouvoir juridictionnel conformément à l'article 133 paragraphe 4 de la constitution.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Les décisions de la commission de contrôle des télécommunications ne font pas l'objet d'un contrôle systématique (sauf cas prévus par la loi), mais la Cour administrative peut cependant être saisie sur appel des décisions prises par ladite commission.

- Conditions de nomination de ses membres

Aux termes de l'article 118 paragraphe 1 de la loi relative aux télécommunications, la commission de contrôle des télécommunications se compose de 3 membres dont un magistrat, un spécialiste des technologies de la communication et un spécialiste des questions juridiques et économiques.

Leur mandat, d'une durée de 5 ans, est renouvelable. Des suppléants sont également nommés.

Certaines incompatibilités sont prévues (article 118 paragraphe 3), frappant :

- Les membres du gouvernement central et de celui des Lander ainsi que les secrétaires d'État.

- Les personnes proches des sociétés susceptibles de faire appel à la commission.

- Les personnes touchées d'inéligibilité

- Indépendance de ses membres

L'article 116 paragraphe 3 de la loi relative aux télécommunications renvoie aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution, lequel dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions ».

Au travers de ces dispositions est garantie l'indépendance de tous les membres de cette autorité administrative indépendante.

- Ses compétences

D'après les dispositions de l'article 117 de la loi relative aux télécommunications, le TKK connaît des compétences prévues par les articles 9 paragraphe 2 ; 18 paragraphe 3 ; 25 ; 31 ; 32 ; 37 ; 23 paragraphe 2 ; 38 ; 41 ; 44 paragraphes 1 et 2 ; 46 paragraphe 2 ; 47 ; 48 ; 49 paragraphe 3 ; 26 et 45 ; 52 paragraphe 3  et 54 paragraphe 3-2 ; 56 ; 57 ; 60 ; 91 paragraphes 3 et 4 ; 111 ; 127 de la loi relative aux télécommunications [NDRL : Compétences non spécifiées par l'auteur].

L'administration ne peut remettre en cause les décisions du TKK, seul un recours devant la Cour administrative est possible.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que le TKK soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la RTT excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que le TKK soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garantie son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions du TKK ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

Selon l'article 116 paragraphe 2 de la loi relative aux télécommunications, le TKK a son siège auprès de la RTR, laquelle assure sa gestion. Par conséquent, on en déduit que le financement du TKK incombe à la RTR. Cette dernière est, comme nous l'avons vu, indépendante.

[NDRL : Il nous semble qu'en réalité l'indépendance financière ne soit pas si parfaite par rapport à l'État, lequel finance en partie la RTR et donc aussi le TKK].

3. La régulation du secteur de l'énergie

Le secteur de l'énergie représente un enjeu économique majeur et est soumis à la pression des exigences communautaires. Par conséquent, les marchés de l'électricité et du gaz sont soumis à un contrôle administratif rigoureux et à l'influence des politiques publiques. Cette influence se traduit par le maintien forcé de la concurrence et par la fixation d'un cadre juridique strict.

En ce sens ont été créées des autorités de régulation. Il s'agit de l'Energie-Control Gmbh (ECG) et de l'Energie-Control Kommission (ECK).

A. Energie-Control Gmbh

- La création de cette autorité

Energie-Control Gmbh fut créée par une loi de libéralisation du marché de l'énergie. Elle a débuté son activité le 1er mars 2001. L'article 5 paragraphe 1 de la loi sus-visée dispose :

« Pour garantir la régulation dans le domaine de l'électricité et du gaz est créée une société à responsabilité limitée avec un capital de 3.700.000 €. Le siège de cette société est à Vienne. Elle n'a pas de but lucratif ».

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Energie-Control Gmbh est une personne morale de droit privé, dont l'actionnaire unique est le Bund. Elle dépend du ministère de l'économie et du travail.

- Conditions de nomination de ses membres

D'après l'article 5 paragraphe 1 de la loi sur l'énergie et ses autorités de régulation, le ministre de l'économie et du travail est en charge d'assurer que le conseil de surveillance d'Energie-Control Gmbh comporte un représentant du ministère des finances. La société Energie-Control Gmbh est soumise au droit commun des sociétés à responsabilité limitée.

Les employés de cette société relèvent du droit privé.

- Indépendance de ses membres

D'après l'article 3 paragraphe 2 de la loi sur l'énergie et les autorités de régulation, le ministre de l'économie et du travail est chargé notamment :

- De contrôler le travail de la société Energie-Control Gmbh

- De gérer la participation du Bund dans cette société

- De fixer les grandes lignes de son activité

Il est donc important de noter qu'Energie-Control Gmbh et ses employés ne sont pas indépendants mais relèvent de la tutelle du ministère de l'économie et du travail.

- Ses compétences

Elles sont très nombreuses et sont relatives à la gestion globale du marché de l'énergie (électricité, gaz, énergies propres et renouvelables, etc) dans ses composantes les plus diverses : application des règles de concurrence, expertise, mise en œuvre du marché communautaire, développement des réseaux, édiction de statistiques tarifaires pour les consommateurs, application du droit des livraisons intra-communautaire, surveillance du marché, droit de sanction en cas de violation des règles applicables, édiction de normes pour le bon fonctionnement du marché, résolution de litiges (donnant lieu à la rédaction d'un rapport annuel remis au ministère de l'économie et du travail et au ministère de la justice), vérification du respect des normes relatives à la production d'énergie écologique, fixation des compensations pécuniaires en cas de fusion de réseaux de propriétaires différents, compensations pour les frais d'infrastructure engagés avant la période de libéralisation du marché de l'énergie (et dont les autres opérateurs profitent désormais), etc.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que Energie-Control Gmbh soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement une mission de contrôle. La Cour des comptes dispose en effet dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité d'Energie-Control Gmbh est soumise au contrôle du ministère de l'économie et du travail. Ce dernier dispose du pouvoir d'émettre des injonctions écrites et motivées à Energie-Control Gmbh. Le ministre dispose également du pouvoir d'annuler la nomination du directeur de cette société.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions d'Energie-Control Gmbh peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Energie-Control Kommission.

- Conditions de son indépendance financière

Energie-Control Gmbh a le droit de demander à être financée par les opérateurs des réseaux électriques à haute tension ainsi que par les opérateurs du secteur du gaz, chacun contribuant au financement de la régulation de son secteur d'activité.

Ainsi cet organe demeure indépendant des entreprises prises isolément ou de sponsors éventuels (sic).

B. Energie Control Kommission (commission de contrôle de l'énergie)

- La création de cette autorité

La commission de contrôle de l'énergie a été créée par l'article 15 paragraphe 2 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie. Elle est entrée en fonctions le 1er mars 2001. La gestion de cette commission incombe à Energie-Control Gmbh.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La commission de contrôle de l'énergie est une autorité collégiale dotée d'un pouvoir juridictionnel conformément à l'article 133 paragraphe 4 de la constitution (v. supra).

Toutefois cette commission comporte une spécificité :

Contrairement aux hypothèses précédentes, si une des parties à un litige conteste la décision rendue, elle peut en faire appel auprès d'une juridiction de droit commun. La décision rendue par la commission n'aura alors pas force exécutoire et les parties devront se plier à la décision rendue par le tribunal.

- Conditions de nomination de ses membres

Aux termes de l'article 17 paragraphe 1 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie, la commission de contrôle de l'énergie se compose de 3 membres dont un magistrat. Ce dernier est désigné parmi une liste de 3 candidats arrêtée par le président de la Cour suprême. Les deux autres membres sont nommés sur proposition du ministre de l'économie et du travail : l'un doit être un spécialiste de la technique, l'autre des questions juridiques et économiques. Leur mandat, renouvelable, est de 5 ans. Des suppléants sont prévus.

Certaines incompatibilités sont envisagées (article 17 paragraphe 3 de la loi), frappant :

- Les membres du gouvernement central et de celui des Lander ainsi que les secrétaires d'État ;

- Les personnes proches des sociétés susceptibles de faire appel à la commission ;

- Les personnes touchées d'inéligibilité.

- Indépendance de ses membres

Étant donné que cette commission relève des dispositions de l'article 130 paragraphe 4 de la constitution414, son indépendance est garantie par les dispositions du paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution, lequel dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions »

Cette indépendance est de surcroît confirmée par les dispositions de l'article 19 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie :

« Les membres de la commission de contrôle de l'énergie sont soumis aux dispositions de l'article 20 paragraphe 2 de la constitution et ne sauraient donc dans l'exercice de leur mission recevoir de directives ».

- Ses compétences

D'après les dispositions de l'article 16 paragraphe 1 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie, la commission de contrôle de l'énergie connaît des compétences variées dont :

-  L'autorisation des conditions générales d'utilisation des réseaux.

- La fixation des tarifs d'utilisation des réseaux.

- La fourniture d'énergie électrique.

- L'interdiction des clauses prohibées par la loi.

- Les décisions concernant le libre accès aux réseaux électriques.

- La résolution des litiges entre acteurs du réseau.

- La résolution des litiges financiers relatifs à la fourniture d'énergie.

- L'autorisation et la révocation d'autorisations d'exploitation.

- La sécurisation de l'approvionnement constant en gaz.

- La fixation des tarifs du gaz.

- La résolution des litiges relatifs aux refus d'accès aux réseaux du gaz.

- La planification de l'évolution des réseaux.

- La fixation des conditions d'attribution des marchés.

[...]

Par ailleurs la Energie Control Kommission connaît des recours à l'encontre des décisions de Energie Control Gmbh, sauf cas exclus par la loi (article 16 paragraphe 3 de la loi précitée).

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la Energie Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la Energie Control Gmbh, excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que la Energie Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garanti son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions la Energie Control Kommission ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

Selon l'article 17 paragraphe 7 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie, les membres de la Energie Control Kommission ont droit à une indemnité couvrant leurs frais professionnels et à une indemnité journalière, ces indemnités étant fixées par le ministère de l'économie et du travail en accord avec le ministère des finances. La Energie-Control Kommission a son siège auprès de la Energie-Control Gmbh, laquelle prend en charge sa gestion courante et son financement. Étant donné que la Energie-Control Gmbh est indépendante financièrement, la Energie-Control Kommission l'est donc aussi (sic).

4. La surveillance des marchés financiers

La Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA)

- La création de cette autorité

Cette autorité des marchés financiers est une autorité administrative indépendante intégrée pour la surveillance du marché financier autrichien. Elle relève du droit public.

Ainsi, la loi relative à la création de cette autorité dispose en son article 1er (lequel a valeur constitutionnelle) que :

« Pour le contrôle des banques, assurances, marchés cotés et fonds de pension est créée sous le nom de Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA) une administration relevant du droit public, disposant de sa propre personnalité juridique, et d'une totale indépendance.

Le siège de la FMA est à Vienne. Son champ d'activité s'étend à l'ensemble du pays. Elle a le droit d'utiliser l'emblème national ».

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La FMA est séparée de l'ordre administratif national, en vue d'assurer son efficacité. Il s'agit d'une autorité administrative indépendante créée sous contrôle parlementaire selon un modèle éprouvé à l'étranger et dotée de pouvoirs constitutionnellement garantis.

- Conditions de nomination de ses membres

D'après l'article 4 de la loi sus-visée, la FMA est composée d'un conseil d'administration et d'un conseil de surveillance.

D'après l'article 5, le conseil d'administration comporte deux membres, nommés par le Président sur proposition du gouvernement après appel à candidature par le ministère des finances. Leur mandat de 3 ans est renouvelable pour 5 ans.

Les membres doivent être des spécialistes de la question de la régulation des marchés financiers. Ils ne doivent pas être frappés d'inéligibilité et doivent occuper leur poste à plein temps.

D'après l'article 4, le conseil de surveillance se compose d'un président, d'un suppléant à la présidence, de 4 autres membres et de 2 membres cooptés. Les membres sont, à l'exclusion des cooptés, nommés par le ministère des finances. Le suppléant du président et deux des quatre autres membres doivent être des personnes présélectionnées par la banque nationale. Leur mandat est de 5 ans. Il est renouvelable.

La FMA peut embaucher le nombre nécessaire de collaborateurs sous le régime du contrat de travail de droit privé.

- Indépendance de ses membres

D'après l'article 22 paragraphe 2 de la loi précitée, les décisions de la FMA sont insusceptibles de recours.

L'indépendance des membres est garantie par l'article 1er de la loi portant création de cette autorité, lequel a valeur constitutionnelle (v. ci-dessus, point 1)

- Ses compétences

Il incombe à la FMA la surveillance :

- des organismes de crédit.

- des organismes d'assurance.

- des fonds de pension.

- des fonds d'investissement.

- des courtiers.

- des sociétés cotées et des bourses de cotation.

Il s'agit donc d'une compétence large portant sur l'ensemble du secteur financier.

La FMA peut émettre des décisions dans le cadre de ses compétences et est en charge de leur bonne application (en accord avec la loi VVG 53/1991).

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative

a) Le pouvoir législatif :

La nature administrative de la FMA soumet cette dernière au contrôle du Parlement. La Cour des comptes et le procureur exercent en pratique ce contrôle.

La FMA doit remettre un rapport annuel au ministre des finances et au Parlement.

b) Le pouvoir exécutif :

Malgré le fait que la FMA soit une autorité administrative indépendante, le ministre des finances doit veiller à ce que la FMA respecte son champ de compétence et les obligations qui sont les siennes. Le ministre des finances peut demander à tout moment des renseignements à la FMA sur son travail.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions de la FMA peuvent faire l'objet d'un recours auprès des chambres administratives indépendantes dans un délai de 2 semaines. Les décisions de ces dernières pouvant, comme il l'a été vu précédemment, faire l'objet d'un pourvoi auprès de la Cour administrative ou de la Cour constitutionnelle.

d) La FMA doit également rédiger un bilan annuel soumis au contrôle d'un commissaire aux comptes indépendant. De ce fait la FMA est également soumise à un contrôle privé.

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de la FMA sont pris en charge par l'ensemble des acteurs des marchés financiers, la FMA leur facturant ses services. Ce mode de financement a vu sa constitutionnalité confirmée par une décision de la Cour constitutionnelle (n° 16.641/2002). Les frais de fonctionnement de la FMA sont limités par l'application d'un plan financier intégrant des critères d'économie, de rentabilité et d'efficacité économique.

Belgique

par Mme Diane DÉOM, MM. Thomas BOMBOIS, Thibault CEDER,
Gautier PIJCKE, David RENDERS et Benoît GORS
du département de Droit public
de l'Université Catholique de Louvain

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I - Note liminaire

Les fiches qui suivent présentent, selon un modèle standardisé, une dizaine d'institutions de droit belge pouvant intéresser la recherche que vous menez.

Pour les sélectionner, nous nous sommes basés sur trois critères :

- il s'agit d'institutions relevant du pouvoir exécutif fédéral ou fédéré415 ;

- elles disposent de prérogatives de décision, mais sans caractère juridictionnel ;

- elles disposent d'une large indépendance dans l'exercice de leurs fonctions.

Nous avons choisi de présenter principalement des institutions fédérales, dont les homologues régionaux ou communautaires sont mentionnés le cas échéant. Certaines institutions régionales ou communautaires sont cependant décrites, lorsqu'elles nous ont semblé intéressantes par leur originalité.

Nous avons donc écarté, après examen, un certain nombre d'institutions qui, malgré les apparences, ne pouvaient être assimilées à des autorités administratives indépendantes (v. la liste ci-après).

Dans l'un ou l'autre cas, nous avons choisi de présenter une institution dont la qualification est douteuse ; la fiche mentionne alors cette incertitude.

La législation belge peut être consultée, en version coordonnée, sur le site suivant :

http ://www.moniteur.be

dans lequel il y a lieu d'activer la rubrique « Législation consolidée ».

Institutions écartées après examen

Commission permanente de recours des réfugiés

Conseil de la concurrence

Il s'agit de juridictions administratives.

Commission pour le contrôle des dépenses électorales

Médiateur fédéral (et ses homologues régionaux)

Ces institutions sont rattachées au Parlement.

Autorité de régulation économique (en matière de transport aérien)

Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme

Commission consultative des étrangers

Commission d'accès aux documents administratifs (et ses homologues régionaux),

Commission nationale permanente du pacte culturel

Commission royale des monuments, sites et fouilles pour la région wallonne

Institut wallon de l'évaluation, de la prospective et de la statistique

Ces organismes ne disposent que d'attributions consultatives.

Agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile

Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire

Commission du contrôle médical de l'institut national d'assurance maladie invalidité

Institut belge des services postaux et des télécommunications

Institut pour l'égalité des femmes et des hommes

Office de contrôle des mutualités

Ces organismes sont soumis au pouvoir hiérarchique ou au pouvoir de tutelle d'un Ministre.

II - Commissariat général aux refugiés et aux apatrides (C.G.R.A.)

1. Fondement législatif, date et contexte de création

Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides est, depuis 1988, l'instance principale appelée à se prononcer sur les demandes d'asile en Belgique. Il est dirigé par un Commissaire général assisté de deux Commissaires adjoints. Ceux-ci travaillent en toute indépendance, sont tenus à l'impartialité et ne reçoivent d'instructions d'aucune instance.

Le C.G.R.A. a été créé par une loi du 14 juillet 1987 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (voy. articles 57/2 et suivants).

Le 24 juin 2005, le Conseil des ministres a approuvé un projet de réforme de la procédure d'asile, justifié notamment par l'arriéré important du Conseil d'État dans cette matière. Cette réforme vise à accélérer l'ensemble de la procédure d'asile.

Les nouvelles demandes d'asile devraient être examinées, sur la forme comme sur le fond, directement par le C.G.R.A. Un refus pourra donner lieu à une possibilité de recours devant un « Conseil de Contentieux des étrangers » (une juridiction indépendante). Le Conseil d'État n'aurait plus à connaître que de rares recours en second degré.

2. Missions

Le Commissariat général aux réfugiés et apatrides est compétent pour reconnaître, refuser, retirer ou confirmer la qualité de réfugié ainsi que pour délivrer les documents visés à l'article 25 de la Convention de Genève et à l'article 25 de la Convention de New York.

La procédure d'asile se déroule, pour l'instant, devant trois instances : L'Office des étrangers (O.E.), le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (C.G.R.A.) et la Commission permanente de recours des réfugiés (C.P.R.R.).

L'Office des étrangers gère l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en général. Il enregistre la demande d'asile et examine, en première instance, sa recevabilité. L'Office des étrangers, qui compte plus de 1.500 membres du personnel, fait partie du Service public fédéral Intérieur.

S'il déclare la demande recevable, le C.G.R.A. procède à un examen au fond, sur base duquel il décide d'accorder ou de refuser le statut de réfugié. Si le C.G.R.A. se prononce pour un refus de reconnaissance, un recours est ouvert devant le C.P.R.R. (et uniquement devant lui, aucun recours n'est possible, à ce stade, devant le Conseil d'État). Ce recours peut aboutir soit à une confirmation de la décision du C.G.R.A. (dans ce cas un recours au Conseil d'État est possible), soit à la reconnaissance du statut de réfugié.

Le C.P.R.R. est donc une juridiction administrative.

Si l'Office des étrangers déclare la demande irrecevable, un recours urgent peut être introduit devant le C.G.R.A. En cas de confirmation de la décision, un recours au Conseil d'État est possible.

Le C.G.R.A. est par ailleurs la seule instance à pouvoir décider du retrait du statut de réfugié.

3. Composition

Le Commissariat est dirigé par le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, assisté de deux commissaires adjoints.

Ils sont nommés par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, sur proposition du Ministre. Ils sont nommés pour une période de 5 ans, renouvelable.

Ces fonctions sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat politique.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Comme on l'a lu, le Commissaire général et ses adjoints sont nommés par le Roi pour une durée déterminée. Le Roi fixe le statut administratif et pécuniaire du Commissaire général et de ses adjoints.

L'indépendance de l'institution est cependant consacrée expressément par la loi : aux termes de l'article 57/2 de la loi précitée, le Commissaire général ou ses adjoints prennent leurs décisions et émettent leurs avis.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

L'article 57/25 de la loi précise que « le Ministre (de l'Intérieur) met à la disposition du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (...) le personnel et les moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission », sans que des garanties précises soient prévues à cet égard.

En pratique, plus de 450 collaborateurs permettent de traiter efficacement l'afflux considérable de demandes. Ces services effectuent un examen complet de chaque demande et rédigent une proposition de décision motivée ; le Commissaire général ou l'un de ses adjoints prend ensuite la décision finale.

6. Indications pratiques

Le C.G.R.A. ne dispose pas d'un site Internet propre, mais des informations utiles peuvent être trouvées sur le portail fédéral belge : www.belgium.be

III - Commission bancaire, financière et des assurances (C.B.F.A.)

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission bancaire a été créée dès 1935, dans le cadre d'une restructuration générale du secteur bancaire décidée suite à la crise financière de 1929.

En 2002, le législateur a intégré l'Office de contrôle des assurances dans la Commission bancaire et financière, de sorte que la CBFA constitue actuellement l'autorité unique de contrôle du secteur financier (en ce compris les assurances) en Belgique. Actuellement, la CBFA est organisée par la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers.

Aux termes de cette loi, la Commission est « un organisme autonome ayant la personnalité juridique ».

2. Missions

Les missions de la Commission sont très importantes et très vastes.

Il s'agit principalement :

- d'assurer le contrôle des établissements de crédit, des entreprises d'investissement, des organismes de placement collectif, des sociétés de gestion d'organismes de placement collectif, des conseillers en placement, et des bureaux de change ;

- d'assurer le contrôle des entreprises et des opérations d'assurances, ainsi que l'intermédiation en assurances et la distribution d'assurances ;

- d'assurer le contrôle des entreprises et des opérations de crédit hypothécaire ;

- d'assurer le contrôle du respect des dispositions de la loi relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celles-ci.

- ainsi que :

- de veiller au respect des règles visant la protection des intérêts de l'investisseur lors des transactions effectuées sur des instruments financiers et de veiller au bon fonctionnement, à l'intégrité et à la transparence des marchés d'instruments financiers ;

- de contribuer au respect des règles visant à protéger les épargnants et investisseurs contre l'offre ou la fourniture illicite de produits ou services financiers.

Dans ce cadre, la Commission dispose de prérogatives diverses, relevant de l'exercice de la puissance publique. On peut citer notamment :

- la capacité de réglementer « sur des points d'ordre technique », en complément des lois et arrêtés, dans tous les domaines relevant de ses compétences ; ces règlements doivent être approuvés par arrêté royal et ils peuvent être modifiés par arrêté royal.

- la capacité de prononcer des astreintes ou des amendes administratives, Ce pouvoir de sanction de la Commission est prévu dans diverses matières : marchés secondaires d'instruments financiers, publicité des participations dans les sociétés cotées, prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, statut et contrôle des établissements de crédits, marchés secondaires, statut et contrôle des entreprises d'investissements.

- des compétences d'autorisation et de retrait d'autorisation, par exemple pour l'agrément d'un établissement de crédit.

- un pouvoir d'injonction à l'égard des entreprises contrôlées ainsi que la possibilité d'adopter des mesures conservatoires telles que, par exemple, la nomination d'un commissaire spécial dans une société de bourse.

3. Composition

Les organes de la C.B.F.A. sont le conseil de surveillance, le comité de direction, le président et le secrétaire général.

Les missions du conseil de surveillance sont d'ordre général : discussion de la politique générale de l'institution, surveillance de son bon fonctionnement, propositions aux autorités publiques. Ses dix à douze membres sont, dans le respect de la parité linguistique, désignés comme suit. Sept à 9 membres sont nommés par le Roi, sur proposition conjointe du ministre des Finances et du ministre qui a l'Economie dans ses attributions, pour une durée renouvelable de six ans. Les trois autres membres sont nommés par le Roi parmi les régents de la Banque nationale de Belgique. Aucune condition de diplôme ou d'expertise n'est formellement prévue.

Le comité de direction fixe les orientations et les priorités générales en matière de politique de surveillance, et établit un plan d'action annuel en matière de contrôle. Il assure l'administration et la gestion de la C.B.F.A., nomme les membres du personnel, et dispose du pouvoir de gestion en général. Il arrête aussi (sur avis du conseil de surveillance) les règlements. Il fixe encore des circulaires, recommandations et lignes de conduite.

Le comité de direction, composé dans le respect de la parité linguistique, compte six membres. Trois parmi les membres du comité de direction de la Banque nationale ; les trois autres ne peuvent pas en faire partie. Tous sont désignés par le Roi, pour une durée renouvelable de six ans.

Des chambres spécialisées peuvent être constituées auprès du comité de direction, afin de remplir par délégation de ce dernier des tâches urgentes, des tâches d'exécution ou de gestion courante. Elles réunissent des membres du comité et des membres du personnel de la C.B.F.A. Certaines autres délégations peuvent être consenties à un ou des membres du comité.

Le président dirige la C.B.F.A. Il préside le comité de direction et le conseil de surveillance. Il est nommé par le Roi, sur proposition conjointe du ministre des Finances et du Ministre qui a l'Economie dans ses attributions, pour une durée renouvelable de six ans.

Le secrétaire général est chargé de l'organisation administrative générale et de la direction administrative des services. Le secrétaire général est nommé par le Roi pour une durée renouvelable de six ans.

Les membres des organes et les membres du personnel de la C.B.F.A. n'encourent aucune responsabilité civile en raison de leurs décisions, actes ou comportements dans l'exercice des missions légales de la C.B.F.A., sauf en cas de dol ou de faute lourde.

Certaines dispositions ont pour but d'assurer l'indépendance des membres de la Commission par rapport aux entreprises contrôlées. Au cours de leur mandat, le président et au moins la moitié des membres du comité de surveillance ne peuvent ni détenir une participation dans une entreprise soumise au contrôle permanent de la C.B.F.A., ni exercer une fonction ou un mandat que ce soit dans une entreprise soumise au contrôle permanent de la Commission ou dans une association professionnelle représentant les entreprises soumises à ce contrôle. Par ailleurs, le président, les membres du comité de direction et le secrétaire général ne peuvent exercer aucune fonction dans une société commerciale ou à forme commerciale ni dans un organisme public ayant une activité industrielle, commerciale ou financière, soit personnellement soit par l'intermédiaire d'une personne morale, et cela pendant leur mandat et, sauf dérogations, jusqu'à deux ans après la fin de celui-ci.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les autorités politiques interviennent, comme on vient de le voir, dans la désignation de tous les membres des organes de la C.B.F.A., qui sont tous nommés pour une durée déterminée (bien que renouvelable). Seules quelques causes d'incompatibilité sont prévues. L'indépendance de la C.B.F.A. à l'égard des autorités politiques n'est pas formellement énoncée par la loi, mais résulte surtout d'une forte tradition.

Les décisions de la C.B.F.A. ne sont soumises à aucune tutelle, si ce n'est dans quelques cas où une approbation ministérielle est prévue, comme par exemple pour les règlements.

Dans certains domaines, un recours était jadis ouvert auprès du Ministre, mais ce système a été supprimé récemment. Certaines décisions de la C.B.F.A. sont susceptibles d'un recours spécial auprès de la Cour d'appel de Bruxelles, d'autres relèvent de la compétence du Conseil d'État. Un recours administratif préalable doit être introduit auprès du comité de direction de la C.B.F.A.

Enfin, on notera que la C.B.F.A. publie chaque année un rapport sur ses activités et le transmet aux présidents de la Chambre des représentants et du Sénat.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

La C.B.F.A. peut recruter et occuper du personnel propre, dans les liens d'un contrat de travail. Des membres du personnel statutaire de certaines institutions financières peuvent également être détachés auprès de ses services.

Les frais de fonctionnement de la C.B.F.A. sont supportés par les entreprises soumises à son contrôle ou dont les opérations sont soumises à son contrôle, dans les limites et selon les modalités fixées par le Roi.

Sa comptabilité est tenue selon les méthodes du droit des entreprises, et contrôlée par des réviseurs d'entreprise. Fiscalement, elle est assimilée à l'État.

6. Indications pratiques

La Commission siège à Bruxelles. Son site Internet est le suivant : http//www.cbfa.be

IV - Commission de régulation de l'éléctricité et du gaz

Cette matière étant partiellement régionalisée, il existe également des régulateurs régionaux des marchés de l'énergie, qui sont les suivants :

- la Commission wallonne pour l'énergie (CWAPE) : décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité. Site Internet http :// www.cwape.be

- de Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt (VREG) : decreet van 30 april 2004 tot oprichting van het publiekrechtelijk vormgegeven extern verzelfstandigd agentschap Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt. Site Internet http ://www.vreg.be

- l'Institut Bruxellois pour la Gestion de l'Environnement (IBGE-BIM) : arrêté royal du 8 mars 1989 créant l'Institut bruxellois pour la Gestion de l'Environnement (IBGE) et ordonnance 27 avril 1995 portant modification de l'arrêté royal du 8 mars 1989 créant l'Institut bruxellois pour la Gestion de l'Environnement (IBGE). Site Internet http :// www.ibgebim.be

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission de régulation de l'électricité et du gaz (en abrégé C.E.R.G.) est instituée par deux lois fédérales : d'une part, la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, et, d'autre part, la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché du gaz et au statut fiscal des producteurs d'électricité. Le mécanisme des recours contre ses décisions a été modifié tout récemment, par les lois des 20 et 29 juillet 2005.

Cette Commission trouve son origine dans le mouvement européen d'ouverture de certains secteurs spécifiques à la concurrence, dont l'énergie constitue un exemple privilégié.

2. Missions

La C.R.E.G. possède deux rôles essentiels : une mission de conseil auprès des autorités publiques pour ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des marchés du gaz et de l'électricité, d'une part, une mission de surveillance et de contrôle de l'application des lois et règlements y relatifs, d'autre part.

Il est institué deux organes internes au sein de la C.R.E.G. chargés d'exercer concrètement ces deux attributions générales. Ces organes sont le Comité de direction et le Conseil général.

Le Comité de direction assure la gestion opérationnelle de la C.R.E.G. Il accomplit les actes nécessaires et utiles à l'exécution de sa double mission.

En application de la mission de conseil de la C.R.E.G., le Comité de direction donne des avis motivés et soumet des propositions dans les cas prévus par les lois relatives à l'électricité et au gaz, ou par leurs arrêtés d'exécution. Il peut également effectuer, de sa propre initiative ou à la demande du Ministre ou d'un Gouvernement de Région, des recherches et des études relatives aux marchés de l'électricité et du gaz.

Dans le cadre de la mission générale de surveillance et de contrôle de la C.R.E.G., le Comité de direction doit coopérer avec le service de la concurrence dans l'instruction des affaires introduites en vertu de la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique. À cet effet, une Chambre de litiges et un service de conciliation et d'arbitrage ont été institués récemment au sein de la C.R.E.G. Le Comité de direction doit jouer un rôle organisateur à l'égard de ces nouvelles instances. Toutes ces instances ont pour tâche de préserver la concurrence. Cette tâche est claire pour le service de la concurrence : ce service est chargé spécifiquement et exclusivement de l'application du droit belge de la concurrence contenu dans la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence. La Chambre de litiges et le service de conciliation et d'arbitrage, quant à eux, collaborent à la préservation de la concurrence sur les marchés de l'électricité et du gaz.

La Chambre de litiges est une juridiction administrative qui tranche les différends de nature pré-contractuelle entre le gestionnaire et les utilisateurs de l'infrastructure de transport, relatifs à l'accès à cette infrastructure.

Le service de conciliation et d'arbitrage est un service créé par la loi, qui peut concilier ou trancher par voie de sentence arbitrale tout différend relatif à l'accès à l'infrastructure de transport, aux règles applicables à l'utilisation de cette infrastructure de transport (notamment le règlement technique du réseau de transport électrique et le code de bonne conduite applicable aux sociétés de transport de gaz) et aux tarifs applicables à l'utilisation du réseau de transport électrique. Les parties ne sont pas obligées de soumettre ces différends au service de conciliation et d'arbitrage ; elles peuvent également s'adresser aux tribunaux ordinaires.

Toujours dans le cadre de sa mission de surveillance, le Comité de direction doit :

- contrôler l'indépendance et l'impartialité de la gestion du réseau de transport d'électricité et la non discrimination dans l'accès des tiers au réseau de gaz ;

- contrôler le respect des conditions de certaines autorisations ;

- contrôler l'application du règlement technique pour la gestion du réseau de transport d'électricité et l'accès à celui-ci ;

- contrôler l'exécution du plan de développement par le Gestionnaire du Réseau de Transport (GRT) et la sécurité d'approvisionnement en gaz ;

- contrôler et évaluer l'exécution des obligations de service public imposées, en matière d'électricité, aux producteurs, intermédiaires et GRT, et en matière de gaz, aux titulaires d'une autorisation de transport ou de fourniture ;

- contrôler la comptabilité des entreprises du secteur de l'électricité et du gaz en vue notamment de vérifier le respect des dispositions légales relatives à la comptabilité et aux comptes annuels et l'absence de subsides croisés, en matière d'électricité, entre les activités de production, de transport et de distribution, en matière de gaz, entre les activités de transport, de distribution et de stockage de gaz naturel ;

- coopérer avec le Comité de Contrôle de l'Electricité et du Gaz, selon les modalités définies par le Roi, en vue de lui permettre de vérifier l'absence de subsides croisés entre catégories de clients ;

- approuver les principales conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz et en contrôler l'application par les entreprises de transport en ce qui concerne leurs réseaux respectifs ;

- contrôler et évaluer l'application par les entreprises de transport de gaz des dispositions légales quant aux refus valables d'accès à leur réseau de transport.

Par ailleurs, le Comité de direction :

- instruit, dans le domaine de l'électricité, les demandes d'autorisation pour la construction de nouvelles installations de production d'électricité et la construction de nouvelles lignes directes, et dans le domaine du gaz, les demandes de délivrance d'autorisations de transport et de fourniture ;

- établit et adapte le programme indicatif des moyens de production d'électricité et le plan indicatif d'approvisionnement en gaz naturel ;

- approuve annuellement les tarifs de raccordement au réseau de transport d'électricité et d'utilisation de celui-ci, ainsi que les tarifs des services auxiliaires qu'il fournit ;

- approuve annuellement les tarifs de raccordement et d'utilisation du réseau de transport de gaz que l'entreprise de transport exploite, ainsi que les tarifs des services auxiliaires qu'elle fournit et en contrôle l'application par les entreprises de transport en ce qui concerne leurs réseaux respectifs.

Le Conseil général supervise le Comité de direction en évaluant la manière dont il exécute ses tâches et en formulant des avis et recommandations à ce sujet au Ministre et au Comité de direction.

Il formule aussi un avis sur toute question qui lui est soumise par le Comité de direction. Il peut demander des études ou avis au Comité de direction. Il définit, d'initiative ou à la demande du Ministre, les orientations de l'application de la loi électricité et de la loi gaz et de leurs arrêtés d'exécution.

Enfin, le Conseil général est un forum de discussion sur les objectifs et les stratégies de la politique énergétique dans le secteur de l'électricité et du gaz.

Dans l'accomplissement des missions qui lui sont assignées, la C.R.E.G. peut requérir le gestionnaire du réseau et les gestionnaires des réseaux de distribution ainsi que les producteurs, distributeurs, fournisseurs et intermédiaires intervenant sur le marché belge de lui fournir toutes les informations nécessaires pour autant qu'elle motive sa demande. Elle peut également procéder à un contrôle de leurs comptes sur place.

La C.R.E.G. a en outre reçu d'autres « pouvoirs et droits »416 pour mener ses missions. Elle peut :

- obtenir des producteurs, distributeurs, intermédiaires et fournisseurs, tout renseignement, y compris des renseignements particuliers aux entreprises, sur les matières relevant de sa compétence et de sa mission ;

- obtenir de ceux-ci des rapports sur leurs activités ou certains aspects de celles-ci ;

- obtenir de ceux-ci des études sur tout sujet relatif à sa compétence tarifaire à l'égard des clients finals qui n'ont pas la qualité de client éligible.

Surtout, la C.R.E.G. peut donner des injonctions à toute personne physique ou morale établie en Belgique, en vue du respect des dispositions légales dont elle contrôle l'application. Si ces injonctions ne sont pas respectées, elle peut infliger des amendes administratives pouvant atteindre des montants très élevés (jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires annuel d'une entreprise).

3. Composition

Le Comité de direction est composé d'un président et de trois autres membres nommés par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres pour un terme renouvelable de six ans.

Le président et les membres du comité de direction sont choisis en raison de leurs compétences, notamment dans les matières relevant des directions qu'ils sont appelés à diriger417.

La composition du Conseil général est relativement complexe.

La loi du 29 avril 2003 fixe les principes généraux applicables à cette composition et charge le Roi de déterminer la composition et le fonctionnement du Conseil.

Le Conseil est composé de représentants du gouvernement fédéral, des organisations représentatives des travailleurs, des employeurs, des classes moyennes et des associations environnementales, et des producteurs, du gestionnaire du réseau, des

gestionnaires des réseaux de distribution, des intermédiaires, des fournisseurs et des consommateurs. Les gouvernements de région seront invités à déléguer des représentants418.

Les membres du Conseil sont en principe nommés par le Ministre - fédéral qui a l'énergie dans ses attributions - pour un terme renouvelable de trois ans. Néanmoins, la nomination de certains membres en fonction de leur origine ne pourra se faire, selon le cas, que sur proposition du Gouvernement régional concerné, ou qu'après délibération en Conseil des ministres ou encore que sur proposition des organisations représentatives concernées.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les membres de la C.R.E.G. sont nommés soit par le Roi, soit par le Ministre qui a l'énergie dans ses attributions pour un terme renouvelable, ce qui peut laisser penser que si la C.R.E.G. dispose d'une certaine indépendance par rapport aux pouvoirs publics, celle-ci n'est pas totale.

Le Gouvernement fédéral ne dispose pas d'un pouvoir de tutelle proprement dit. Toutefois, la loi du 20 juillet 2005 lui a conféré le pouvoir de suspendre certaines des décisions de la C.R.E.G., principalement en matière tarifaire. Cette suspension peut intervenir pour des motifs soit de violation de la loi, soit de lésion de l'intérêt général, soit encore de contrariété avec les lignes directrices de la politique énergétique du pays, en ce compris les objectifs du gouvernement relatifs à l'approvisionnement du pays en énergie. La C.R.E.G. est alors tenue de modifier sa décision initiale en se conformant aux motifs de l'arrêté qui l'a suspendue.

L'indépendance de la C.R.E.G. est donc, dans cette mesure, limitée.

Il faut également souligner que la loi du 29 avril 1999 dispose que dans le cadre de ses attributions, le service de médiation « ne reçoit d'instruction d'aucune autorité ».

Sur le plan du financement, on observe que certaines des interventions de la C.R.E.G. sont financées - directement - par des redevances419.

Chaque année, la C.R.E.G. doit établir un rapport qui est remis au Ministre compétent, qui le communique aux chambres législatives fédérales. Ce rapport porte sur trois points :

- l'exécution de ses missions ;

- l'état de ses frais de fonctionnement et de leur mode de couverture, y compris une situation actif/passif ;

- l'évolution du marché de l'électricité.

Enfin, on notera que les décisions par lesquelles la C.R.E.G. prononce des sanctions sont susceptibles d'un recours spécifique devant la Cour d'appel de Bruxelles ou le cas échéant devant le Conseil de la concurrence, qui est une juridiction administrative.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Les services de la Commission sont organisés en quatre directions, à savoir :

- une direction du contentieux du marché ;

- une direction du fonctionnement technique du marché ;

- une direction du contrôle des prix et des comptes ;

- une direction administrative, responsable notamment de la gestion administrative et financière de la commission, des études juridiques, de la documentation.

6. Indications pratiques

La C.R.E.G. est située rue de l'Industrie, 26-38, à 1040 Bruxelles
(Tel : + 32 2 289 76 11 ; Fax : + 32 2 289 76 09 ; Courriel : info@creg.be)

La C.R.E.G. dispose d'un site Internet : www.creg.be

V - Commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman a été créée par une loi ad hoc du 20 juillet 2004. À la même date, un arrêté royal est adopté déterminant les jetons de présence promérités par les membres de cette Commission.

À la suite d'importantes dissensions au sein des organes représentatifs du culte islamique auprès des autorités publiques, le législateur fédéral a en effet estimé nécessaire d'anticiper le renouvellement intégral de l'assemblée générale et de l'Exécutif des musulmans de Belgique.

Dans la lignée de la politique suivie jusqu'alors, l'autorité publique institue une commission temporaire chargée de garantir le bon déroulement des élections au sein de la communauté musulmane. Cette Commission est dissoute de plein droit dès que l'arrêté royal portant reconnaissance des membres du nouvel Exécutif des Musulmans de Belgique est publié au Moniteur belge.

2. Missions

La Commission est chargée des missions suivantes :

1° prendre toutes les mesures nécessaires pour l'organisation des élections générales ;

2° veiller à la régularité des opérations électorales ;

3° organiser une médiation en ce qui concerne les litiges qui pourraient se présenter au cours des opérations électorales et en particulier :

a) sur les déclarations à effectuer par les électeurs et par les candidats ;

b) sur la preuve d'inscription sur la liste soit des candidats soit celle des électeurs ;

c) sur les conditions à respecter par les candidats ;

4° approuver la désignation des présidents et des assesseurs des bureaux de vote ;

5° prendre les mesures nécessaires afin de composer une délégation d'observateurs le jour des élections.

La Commission rédige également un rapport final après la clôture des opérations électorales. Ce rapport final est remis au ministre de la Justice. Une copie de ce rapport est communiquée à l'Exécutif des Musulmans de Belgique.

3. Composition

La Commission est composée de deux magistrats honoraires ou émérites et relevant d'un rôle linguistique différent, désignés par le ministre de la Justice ; de deux membres de la communauté musulmane de Belgique, l'un s'exprimant en français, l'autre en néerlandais, n'étant pas candidat pour le renouvellement des organes représentatifs de la communauté musulmane, désignés par le Ministre de la Justice ainsi que d'un expert ayant des connaissances approfondies de la législation électorale et du contentieux en matière d'opérations électorales, désigné par le ministre de l'Intérieur.

Les magistrats et les deux membres de la communauté musulmane ont une voix délibérative. L'expert n'a qu'une voix consultative.

La présidence de la Commission est assurée par le magistrat le plus âgé, l'autre magistrat ayant la qualité de vice-président.

La Commission ne peut délibérer que si au moins trois de ses membres avec voix délibérative sont présents. Elle décide à la majorité absolue. Un membre a le droit de faire acter dans le procès-verbal de la réunion, son opinion divergente.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Selon les travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 2004, un recours en annulation des décisions adoptées par la commission est ouvert devant le Conseil d'État. En revanche, aucun contrôle hiérarchique ni de tutelle n'est exercé par le Gouvernement fédéral sur l'activité de la commission.

Cependant, toute réunion de la Commission fait l'objet d'un procès-verbal dont copie est adressée au Ministre de la Justice et à l'Exécutif des Musulmans de Belgique.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Toutes les dépenses nécessaires à l'organisation des élections générales ainsi que les jetons de présence et les frais de déplacement fixés par le Roi et accordés aux membres de la Commission sont imputés sur le budget du Service public Fédéral Justice, à concurrence d'un montant de 300.000 euro.

6. Indications pratiques

La Commission a son siège dans les locaux occupés par la Commission de la protection de la vie privée.

VI - Commission des jeux de hasard (C.J.H.)

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission des jeux de hasard a été créée en 1999, dans le contexte d'une rationalisation de tout le secteur des casinos, salles de jeux, et débits de boissons proposant des jeux de hasard. Cette réforme a remplacé les dispositions, devenues obsolètes, d'une loi de 1902. On peut citer à titre d'exemple la situation des casinos, théoriquement interdits mais dont la présence était tolérée.

La loi du 7 mai 1999 maintient le principe de l'interdiction des jeux de hasard, mais organise la délivrance de licences qui permettent de lever cette interdiction.

La Commission est régie par cette loi du 7 mai 1999. Aux termes de cette loi, la Commission est instituée auprès du Ministère de la Justice et constitue « un organisme d'avis, de décision et de contrôle en matière de jeux de hasard ». Elle n'est pas dotée de la personnalité juridique.

2. Missions

Outre des attributions consultatives, la C.J.H. a principalement pour tâche de contrôler l'application de la loi sur les jeux de hasard et de ses arrêtés d'exécution. Elle reçoit les plaintes qui lui sont adressées à ce sujet et exerce une mission de surveillance au regard des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que contre la fraude fiscale.

Dans ce cadre, la Commission dispose de certaines prérogatives relevant de l'exercice de la puissance publique :

- elle octroie les licences d'exploitation nécessaires à l'exercice des activités économiques relevant de ce secteur,

- elle peut prononcer des avertissements, suspendre ou retirer la licence d'exploitation, et le cas échéant interdire provisoirement ou définitivement l'exploitation d'un ou de plusieurs jeux de hasard.

Elle peut charger un ou plusieurs de ses membres ainsi qu'un ou plusieurs des membres de son secrétariat, de procéder à une enquête sur place. Certaines de ces personnes ont la qualité d'officier de police judiciaire et disposent de prérogatives de type policier (droit de pénétrer dans des lieux privés ; de procéder à des auditions et constatations ; de saisir des documents et objets). Elles peuvent aussi établir des procès-verbaux d'infraction qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

3. Composition

La commission comprend 13 membres, dont un magistrat qui en assume la présidence, et un même nombre de membres suppléants. Ces membres sont nommés par le Roi et doivent représenter les Ministres de la Justice, des Finances, des Affaires économiques, de l'Intérieur, de la Santé publique ainsi que le Ministre responsable de la Loterie nationale.

Le président et son suppléant sont nommés par le Roi parmi les magistrats en fonction. Le président exerce ses fonctions à temps plein.

Les membres de la Commission et leurs suppléants sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une seule fois pour une période de trois ans. Trois ans au plus tôt après la fin de leur mission, les membres et leurs suppléants peuvent poser à nouveau leur candidature à la fonction qu'ils ont exercée. Ils peuvent être nommés une nouvelle fois pour une durée non renouvelable de cinq ans. Bien qu'ils siègent en tant que représentants d'un Ministre, les membres de la Commission ne doivent pas avoir la qualité d'agents de l'État ni répondre à des conditions précises de compétence ou de diplôme.

Certaines dispositions ont pour but d'assurer l'indépendance des membres de la Commission par rapport aux entreprises contrôlées. Ils ne peuvent être nommés que s'ils n'ont pas exercé de fonctions dans un établissement de jeux de hasard et n'ont aucun intérêt personnel, direct ou indirect dans l'exploitation d'un tel établissement. Cette interdiction persiste dans les cinq années qui suivent la fin de leur mandat.

La commission rencontre au moins une fois par an, au sein d'un comité de concertation, les représentants des exploitants, ainsi que les représentants des travailleurs des exploitants.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les membres de la Commission sont nommés par le Roi (le gouvernement), ce qui implique une certaine politisation de sa composition. La loi prévoit simplement l'incompatibilité entre la qualité de membre et tout mandat électif. Le législateur n'a nullement consacré l'idée d'une indépendance particulière des membres de la Commission, qui (hormis le président) siègent du reste en tant que représentants d'un Ministre.

C'est pourquoi il n'est pas certain que la Commission réponde pleinement à la qualification d'autorité administrative indépendante.

Constatons toutefois que les décisions de la C.J.H. ne sont soumises à aucune tutelle et ne font l'objet d'aucun recours administratif, de sorte qu'elles sont directement susceptibles de recours devant le Conseil d'État.

La Commission est tenue de faire chaque année rapport de ses activités aux Chambres législatives et aux ministres de l'Economie, de l'Intérieur, des Finances, de la Justice et de la Santé publique.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Les membres de la Commission sont rémunérés par des jetons de présence (le président percevant son traitement de magistrat). La Commission est par ailleurs assistée par un secrétariat composé de fonctionnaires du ministère de la Justice.

Tous les frais inhérents à l'existence de la Commission et de son secrétariat sont mis entièrement à la charge des titulaires de licences, qui doivent s'acquitter à cette fin de rétributions spécifiques, versées à un fonds ouvert au sein du budget du Ministère de la Justice.

6. Indications pratiques

La Commission siège à Bruxelles.

Son site Internet est le suivant : http ://www.GAMINGCOMMISSION.fgov.be

On y trouve notamment les rapports d'activités annuels de la Commission, qui sont très détaillés.

VII - Commission permanente de contrôle linguistique

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission permanente de contrôle linguistique (C.P.C.L.), anciennement dénommée « Commission de contrôle », a été créée par la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative. Son organisation est déterminée par l'arrêté royal du 4 août 1969 fixant le statut du président et des membres de la Commission permanente de contrôle linguistique et organisant le fonctionnement de celle-ci. Elle dispose de la personnalité juridique.

La C.P.C.L. joue un rôle important d'arbitre, de gendarme et de conseil dans le contentieux linguistique belge.

En effet, il existe en Belgique trois langues nationales (le néerlandais, le français et l'allemand) et quatre régions linguistiques (la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-Capitale et la région de langue allemande). Les modalités de communication entre le citoyen et l'autorité publique font l'objet de prescriptions légales spécifiques, contenues pour la plupart dans les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966.

C'est principalement au respect de cette réglementation que la C.P.C.L. est tenue de veiller.

2. Missions

La C.P.C.L. dispose de multiples attributions, dont seules quelques-unes constituent de véritables pouvoirs de décision.

Elle est compétente pour ouvrir des enquêtes sur toutes les violations de la législation sur l'emploi des langues dans les services publics du Royaume, des communautés et des régions, des provinces et des communes et dans tous les organismes qui en dépendent. Dans ce cadre, elle dispose du pouvoir d'entendre toutes les personnes intéressées, de se faire communiquer tous les documents nécessaires et de procéder à des constatations sur les lieux.

La C.P.C.L. est également compétente pour recevoir les plaintes des particuliers quant à l'application de la réglementation linguistique. Elle y répond par des avis qui ne lient ni l'autorité ni le plaignant mais qui, parce qu'ils font preuve d'objectivité, jouissent d'une grande autorité morale420. Le cas échéant, la C.P.C.L. peut joindre à son avis une mise en demeure à l'attention de l'autorité concernée, invitant celle-ci, dans un délai fixé par la Commission, soit à constater la nullité de l'acte posé, soit à prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer le respect de la réglementation linguistique. Si l'autorité concernée ne s'est pas conformée, dans le délai fixé par la Commission, à la mise en demeure, la C.P.C.L. peut prendre en lieu et place de l'autorité défaillante toutes les mesures nécessaires afin d'assurer le respect de la réglementation précitée et récupérer les frais des mesures qu'elle a prises auprès de l'autorité concernée. Elle exerce ainsi une sorte de tutelle de substitution sur les autorités concernées.

Elle dispose par ailleurs d'une compétence consultative sur toutes les affaires d'ordre général qui concernent l'application de la législation linguistique (par exemple, la fixation des cadres linguistiques). Dans certains cas, la consultation de la C.P.C.L. est obligatoire.

La C.P.C.L. est également habilitée à déférer aux autorités ou juridictions compétentes tous actes, règlements et documents administratifs, nominations, promotions et désignations qui auraient été faits en violation de la réglementation linguistique. Elle dispose ainsi d'une capacité spécifique pour agir en justice.

Elle exerce enfin un contrôle sur les examens linguistiques organisés dans la fonction publique.

3. Composition

La C.P.C.L. est composée de 11 membres nommés par le Roi, pour une période de quatre ans, parmi les candidats présentés par les assemblées délibérantes des Communautés (5 du coté francophone, 5 du coté néerlandophone et 1 du côté germanophone).

Le Roi fixe le statut de la commission et celui de son président.

La Commission est assistée par des agents de 1'État, mis à sa disposition par le gouvernement.

4. Contrôle des pouvoirs publics

La C.P.C.L., organisme ad hoc créé auprès du Ministère de 1'Intérieur dont il dépend financièrement, n'est pas soumis à la tutelle de ce dernier.

Ses membres, désignés par le Gouvernement sur présentation des assemblées, ne jouissent toutefois pas de l'indépendance propre aux juridictions. Tout au plus est-il prévu que la qualité de membre de la C.P.C.L. est incompatible avec 1'exercice de tout mandat politique.

La C.P.C.L. dresse annuellement un rapport d'activités détaillé qu'elle est tenue de transmettre à la Chambre des Représentants.

5. Indications pratiques

La C.P.C.L. est située 47, rue Royale à 1000 Bruxelles
(Tél. : 0032-2 500 21 11 - Fax : 0032-2 500 27 20).

Référence bibliographique : F. Gosselin, L'emploi des langues en matière administrative, Bruxelles, Kluwer, 2003.

6. Varia

En raison de la sensibilité particulière qui affecte la matière linguistique en Belgique, la loi a ouvert à la C.P.C.L. un délai exceptionnel de cinq ans pour faire constater la nullité d'actes administratifs établis en méconnaissance des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative (Voy. M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 458).

VIII - Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels

NB. La nature de cette institution est douteuse, car elle peut être considérée comme une juridiction administrative.

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels est instituée par l'article 30, § 1er, de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres. Selon les travaux préparatoires de cette loi, l'intervention forfaitaire et subsidiaire de l'État dans le dommage subi par ceux qui ont éprouvé de graves atteintes au corps ou à la santé à la suite d'un tel acte de violence trouve son fondement dans un principe de solidarité collective entre les membres d'une même nation.

Un fonds spécial est créé et alimenté par les contributions versées, à titre de peine accessoire, par les condamnés à une peine criminelle ou correctionnelle. Depuis la loi du 19 décembre 2003, la contribution est fixée de manière forfaitaire à dix euro, tout en étant soumise à l'augmentation prévue par la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales. Une telle somme peut encore être modifiée par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

La loi du 1er août 1985 est exécutée par l'arrêté royal du 18 décembre 1986 relatif à la Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence alors que le règlement d'ordre intérieur de la Commission a été approuvé par un arrêté royal du 11 septembre 1987.

2. Missions

En vertu de l'article 30, § 1er, de la loi du 1er août 1985, la Commission a pour mission de statuer sur les demandes d'octroi d'une aide d'urgence (1), d'une aide financière (2) ou d'un complément d'aide (3).

1) La commission peut tout d'abord octroyer une aide d'urgence lorsque tout retard dans l'octroi de l'aide pourrait causer au requérant un préjudice important, vu sa situation financière. L'aide d'urgence peut être demandée dès la survenance de l'explosion ou de l'acte de sauvetage et, pour les victimes d'actes intentionnels de violence, dès après la constitution de partie civile ou l'introduction d'une plainte.

2) La Commission peut octroyer une aide financière aux personnes qui subissent un préjudice physique ou psychique important résultant directement d'un acte intentionnel de violence ou à certains de leurs proches ainsi qu'à ceux qui portent volontairement secours à des victimes en dehors de l'exercice d'une activité professionnelle liée au domaine de la sécurité et en dehors de toute participation à une association quelconque structurée en vue de porter assistance et secours à des tiers, et qui sont dénommés « sauveteurs occasionnels ».

L'aide est accordée aux victimes ou à leurs proches sous certaines conditions. L'acte de violence doit, en principe, avoir été commis en Belgique. À ce moment, la victime doit de surcroît être de nationalité belge ou résider régulièrement en Belgique. Une décision judiciaire définitive sur l'action publique doit également être intervenue et le requérant doit avoir tenté d'obtenir réparation de son préjudice. La demande doit être introduite dans un délai de trois ans et il faut démontrer que la réparation du préjudice ne peut pas être assurée de façon effective et suffisante par l'auteur ou le civilement responsable, par un régime de sécurité sociale ou par une assurance privée, ou de toute autre manière.

L'aide financière est octroyée aux sauveteurs occasionnels qui répondent aux conditions suivantes :

1° être intervenu sur le territoire de la Belgique ;

2° avoir subi un préjudice soit en se portant volontairement au secours d'une victime d'un acte intentionnel de violence ou de l'explosion d'un engin de guerre ou d'un engin piégé soit en accomplissant un acte de sauvetage de personnes dont la vie était en danger ;

3° avoir introduit une demande d'aide dans un délai de trois ans à dater de l'un des actes ou de l'explosion visé au 2° ;

4° ne pas pouvoir obtenir réparation du préjudice de façon effective et suffisante par la personne civilement responsable, par un régime de sécurité sociale, par une assurance privée ou de toute autre manière.

La Commission peut procéder ou faire procéder à toutes investigations utiles qui sont destinées à vérifier la situation financière du requérant (le cas échéant) et de l'auteur de l'acte intentionnel de violence. Elle peut requérir de toute autorité des renseignements sur leur situation professionnelle, financière, sociale et fiscale, sans que puisse lui être opposée son obligation de garder le secret. Elle peut demander aux services de police de procéder à une enquête financière, moyennant l'autorisation du procureur général ou de l'auditeur général. La Commission peut se faire communiquer le dossier répressif ou une copie de celui-ci, moyennant l'autorisation du procureur général ou de l'auditeur général. La Commission peut charger l'office médico-légal de procéder ou de faire procéder à une expertise en vue de constater et de décrire les lésions encourues par la victime. Elle peut éventuellement désigner d'autres experts et entendre des témoins. Le résultat des mesures d'instruction est exclusivement destiné à l'examen de la demande et reste couvert par le secret professionnel.

La Commission statue par décision motivée. Le requérant est entendu par la commission s'il en fait la demande par écrit ou si elle l'estime nécessaire. Il peut à cet effet se faire assister ou représenter par son avocat. Il peut également se faire assister par le délégué d'un organisme public ou d'une association agréée à cette fin par le Roi. Le Ministre de la Justice ou son délégué peut rendre un avis écrit relatif au respect de la loi. Les décisions de la commission sont exécutoires de plein droit.

Le montant de l'aide est fixé en équité. La Commission peut notamment prendre en considération le comportement du requérant lorsque celui-ci a contribué directement ou indirectement à la réalisation du dommage ou à son aggravation ou la relation entre le requérant et l'auteur. L'aide est octroyée par cas et par requérant pour un dommage excédant 500 euro et est limitée à un montant de 62.000 euro. L'aide peut également être octroyée lorsqu'aucune décision judiciaire définitive sur les intérêts civils n'est intervenue. Dans ce cas, la Commission évalue elle-même le dommage qu'elle prend en considération. Cette évaluation ne lie pas les cours et tribunaux.

L'aide octroyée par la Commission est directement versée au requérant par le Ministre de la Justice, en tenant compte des moyens dont dispose le Fonds.

3) La Commission peut enfin octroyer un complément d'aide lorsqu'après l'octroi de l'aide, le dommage s'est manifestement aggravé.

3. Composition

La Commission est divisée en six chambres.

Le président et les vice-présidents de la commission sont des magistrats de l'ordre judiciaire. Le nombre de vice-présidents est égal au nombre de chambres moins un. La Commission comprend en outre autant d'avocats ou avocats honoraires et de fonctionnaires ou fonctionnaires retraités de niveau 1 qu'il y a de chambres. Selon l'arrêté royal du 18 décembre 1986, peuvent également être membres de la Commission les personnes qui jouissent des droits civils et politiques, disposent d'un diplôme universitaire ou d'un diplôme équivalent, et possèdent au moins 5 ans d'expérience professionnelle utile en matière d'estimation ou d'évaluation du préjudice physique ou psychique important résultant d'infractions.

La moitié des membres appartient au rôle linguistique français, l'autre moitié au rôle linguistique néerlandais. Le président, les vice-présidents et chaque membre ont un suppléant.

Le président, les vice-présidents, les membres et leurs suppléants sont désignés par le Roi. La moitié des fonctionnaires est désignée sur proposition du Ministre des Finances, l'autre moitié sur proposition du ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.

Le mandat du président, des vice-présidents, des membres et de leurs suppléants a une durée de six ans, sans que le titulaire de ce mandat puisse dépasser l'âge de 70 ans. Le mandat est renouvelable.

La Commission est assistée par un secrétaire et au moins autant de secrétaires adjoints moins un et autant de secrétaires suppléants qu'il y a de chambres ; l'effectif du secrétariat de la Commission ne peut être inférieur à quatorze personnes. Ils sont désignés par le Ministre de la Justice. La moitié appartient au rôle linguistique français, l'autre moitié au rôle linguistique néerlandais.

Chaque chambre est présidée par le président ou un vice-président, ou par leur suppléant.

Les chambres statuent sur les demandes d'aide financière et sur les demandes de complément d'aide. Les présidents des chambres siègent seuls en matière de demandes d'aide d'urgence, en matière de demandes manifestement irrecevables ou manifestement non fondées, ou lorsqu'ils décrètent le désistement de l'instance ou raient l'affaire du rôle.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les autorités politiques interviennent, comme on vient de le voir, dans la désignation des membres de la Commission, qui sont tous nommés pour une durée déterminée (bien que renouvelable).

Quant aux décisions de la commission, l'article 34 quater de la loi du 1er août 1985 prévoit qu'un recours en annulation devant le Conseil d'État contre une décision de la commission est ouvert au requérant et au Ministre de la Justice, conformément à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'État. Il semble qu'il s'agisse de la seule voie de réformation prévue à l'encontre des décisions rendues par la commission.

En cas d'annulation par le Conseil d'État, la cause est renvoyée devant une chambre de la commission autrement composée. La chambre saisie sur le renvoi se conforme à l'arrêt du Conseil d'État sur les points de droit jugés par celui-ci.

Selon la qualification que l'on donne à la Commission, ce recours peut être qualifié soit de recours en annulation contre un acte d'une autorité administrative, soit comme recours en cassation administrative contre une décision juridictionnelle. La seconde interprétation est plus souvent soutenue.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Le président, le vice-président et les membres de la commission ont droit à des jetons de présence et bénéficient des indemnités de parcours et de séjour.

Les frais de fonctionnement de la Commission sont à charge du budget du Service fédéral Justice.

6. Indications pratiques

La Commission a son siège au Service public fédéral Justice.

Références :

Voy. le rapport de la Cour des comptes de Belgique sur l'aide financière de l'État aux victimes d'actes intentionnels de violence, septembre 2000.

IX - Commission royale des monuments et des sites de la région de Bruxelles-capitale

1. Fondement législatif, date et contexte de création

Code bruxellois d'Aménagement du Territoire du 9 avril 2004.

L'aménagement du territoire est une matière qui ressortit à la compétence des Régions, en Belgique.

Dans le cadre de l'exercice de cette compétence, la Région de Bruxelles-Capitale, a, depuis 1993, institué une Commission, la Commission Royale des Monuments et des Sites de la Région de Bruxelles-Capitale. Contrairement à son homologue wallonne, elle dispose d'attributions qui vont au-delà de la simple consultation (v. ci-dessous).

Ces institutions ont pris le relais de la prestigieuse Commission royale des monuments et des sites qui avait été créée dès 1835 par le Roi Léopold II et qui a subsisté jusqu'à la régionalisation de la matière.

2. Missions

Aux termes de l'article 11 du Code bruxellois d'Aménagement du Territoire, la Commission Royale des Monuments et des Sites de la Région de Bruxelles-Capitale est chargée de donner les avis requis par ce Code ou en vertu de celui-ci.

La Commission peut aussi donner un avis au Gouvernement, à la demande de celui-ci ou de sa propre initiative, sur toute question se rapportant à un bien relevant du patrimoine.

La Commission peut, enfin, adresser des recommandations de politique générale sur la problématique de la conservation du patrimoine.

Dans l'exercice des compétences d'avis et de recommandations qui lui sont confiées, la Commission royale des monuments et des sites assure la conservation des biens relevant du patrimoine inscrits sur la liste de sauvegarde ou classés, et veille à leur réaffectation en cas d'inexploitation ou d'inoccupation.

Parmi les avis qui doivent être rendus par la Commission, certains sont des « avis conformes ». Dans ces cas, l'autorité administrative qui est investie du pouvoir de décision, principalement quant au traitement des demandes de permis d'urbanisme, ne peut exercer ce pouvoir que de l'accord de la Commission.

Ces avis conformes sont principalement formulés dans le cadre de l'instruction de demandes de permis relatifs à des actes et travaux portant sur un bien inscrit sur la liste de sauvegarde ou classés.

Ces actes et travaux ne peuvent ainsi être autorisés, par le fonctionnaire-délégué de la Région de Bruxelles-Capitale, que de l'avis conforme de la Commission, en vertu de l'article 177, § 2, 4, du Code bruxellois de l'Aménagement du Territoire.

3. Composition

Aux termes de l'article 11, § 2, du Code bruxellois d'aménagement du territoire, la Commission royale des monuments et des sites se compose de 18 membres, nommés par le Gouvernement de la Région.

Douze membres sont choisis sur la base d'une liste double présentée par le Parlement régional et six autres sont choisis sur présentation de la Commission elle-même.

Les membres de la Commission émanent de l'ensemble des milieux concernés par la conservation du patrimoine, y compris les associations.

Chacune des disciplines suivantes est représentée : patrimoine naturel, archéologie, recherches historiques, patrimoine architectural, techniques de restauration. Par ailleurs, la Commission comporte au moins un licencié ou docteur en archéologie et histoire de l'art, un licencié ou docteur en histoire et un architecte.

Les membres sont nommés pour un mandat renouvelable de 6 ans.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Compte tenu de ce que les membres de la Commission sont nommés par le Gouvernement de la Région, pour un mandat limité dans le temps, un certain contrôle est exercé par les pouvoirs publics. Ce constat pourrait rendre discutable le caractère « indépendant » de la Commission.

Les avis de la Commission ne sont, par ailleurs, pas susceptibles de recours administratifs et ne sont sujets à des contrôles juridictionnels qu'au travers des actes administratifs unilatéraux qui, s'appuyant sur ces avis, sont adoptés par l'autorité administrative investie du pouvoir de décision.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Des fonctionnaires de l'administration régionale assurent le secrétariat de la Commission royale et son fonctionnement interne.

6. Indications pratiques

Site Internet : http ://www.monuments.irisnet.be

X - Conseil supérieur de l'audiovisuel

L'homologue de cette institution pour la Communauté flamande est le « Vlaams Commissariaat voor de Media » fondé par le décret flamand du 17 décembre 1997.

1. Fondement législatif, date et contexte de création

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel de la Communauté française (en abrégé C.S.A.) est institué par le décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion.

Aux termes de l'article 130 de ce décret, le C.S.A. est une autorité administrative indépendante jouissant de la personnalité juridique et chargée de la régulation du secteur de la radiodiffusion en Communauté française. À ce titre, il est fait interdiction au C.S.A. d'exercer toutes activités commerciales.

2. Missions

Le C.S.A. se voit attribuer par le décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion de multiples attributions. En réalité, le C.S.A. se compose de plusieurs organes qui se voient confier des missions spécifiques.

Les deux principaux organes du C.S.A. sont le Collège d'avis et le Collège d'autorisation et de contrôle.

Le Collège d'avis a pour mission principale de rendre, d'initiative ou à la demande du Gouvernement ou du Parlement de la Communauté française, des avis sur toute question relative à l'audiovisuel, en ce compris la communication publicitaire (à l'exception des questions relevant de la compétence du Collège d'autorisation et de contrôle).

Il est en outre chargé de se prononcer sur :

- les modifications décrétales et réglementaires que lui paraît appeler l'évolution technologique, économique, sociale, culturelle des activités du secteur de l'audiovisuel, ainsi que du droit européen et international ;

- le respect des règles démocratiques garanties par la Constitution ;

- la protection de l'enfance et de l'adolescence dans la programmation des émissions.

Il doit également rédiger et tenir à jour des règlements portant sur la communication publicitaire, sur le respect de la dignité humaine, sur la protection des mineurs et sur l'information politique en périodes électorales.

Le Collège d'autorisation et de contrôle exerce deux types de compétence : l'une d'autorisation, l'autre de contrôle. Ce dernier pouvoir est assorti de celui de sanctionner l'éditeur de services, le distributeur de services ou l'opérateur de réseau en cas de manquement à ses obligations légales ou conventionnelles.

Il est donc chargé :

- d'autoriser l'activité des éditeurs de services - sauf la chaîne publique (R.T.B.F.) et les télévisions locales - ainsi que l'usage de radiofréquences421 ;

- de rendre un avis préalable à l'autorisation par le Gouvernement de la Communauté française de Belgique de télévisions locales, ainsi que des avis sur tout projet de convention à conclure entre le Gouvernement et un éditeur de services ;

- de rendre, au moins une fois par an, un avis sur la réalisation des obligations découlant du contrat de gestion de la R.T.B.F. et des obligations des télévisions locales, ainsi que des obligations découlant des conventions conclues entre Gouvernement et éditeurs de services bénéficiant d'un droit de distribution obligatoire ;

- de faire des recommandations de portée générale ou particulière ;

- de constater toute infraction aux lois, décrets et règlements en matière d'audiovisuel et toute violation d'obligation conventionnelle ;

- de déterminer les marchés pertinents et les opérateurs de réseau puissants sur le marché et leurs obligations ;

- en cas d'infraction, de prononcer une sanction administrative allant de l'avertissement au retrait de l'autorisation.

Les autres organes du C.S.A. sont le Bureau et les services, au sein desquels une place spécifique doit être réservée au Secrétariat d'instruction.

Le Bureau a le pouvoir d'accomplir, de façon autonome, tous les actes nécessaires ou utiles à l'exercice des compétences du C.S.A. et à son administration. Il le représente en justice et à l'égard des tiers, peut contracter en son nom et en recrute le personnel, auquel il délègue certaines de ses attributions (gestion, préparation des travaux des Collèges, exécution des décisions, ...).

Le Bureau coordonne et organise les travaux du C.S.A., veille à la conformité des avis au droit interne et européen ou international et résout les conflits de toute nature qui apparaissent entre les Collèges.

Le Secrétariat d'instruction, reçoit les plaintes ou les remarques du public concernant les programmes de radio ou de télévision : atteintes à la dignité humaine, violence gratuite, protection des mineurs, application de la signalétique, durée de la publicité, ...). Il instruit toutes les plaintes qui lui sont adressées puis les soumet au Collège d'autorisation et de contrôle, qui peut constater l'infraction et, le cas échéant, la sanctionner. En vue d'assurer les missions qui lui sont confiées, le secrétariat d'instruction peut recueillir tant auprès de personnes physiques que de personnes morales toutes les informations nécessaires pour s'assurer du respect des obligations imposées aux titulaires d'autorisation; il peut également procéder à des enquêtes.

3. Composition

Le Bureau est composé du président et de trois vice-présidents, désignés par le Gouvernement. Leur mandat est d'une durée de cinq ans, renouvelable. Les membres du Bureau font d'office partie des deux collèges.

Outre les membres du Bureau, le Collège d'autorisation et de contrôle est composé de six membres, dont trois sont désignés par le Conseil de la Communauté française et trois par le Gouvernement. Leur mandat est d'une durée de quatre ans, renouvelable.

Ces membres sont choisis parmi des personnes reconnues pour leurs compétences dans les domaines du droit, de l'audiovisuel ou de la communication, mais qui ne peuvent y exercer une fonction de nature à créer un conflit d'intérêt personnel ou fonctionnel.

Outre les membres du Bureau, le Collège d'avis est composé de 30 membres (ayant chacun un suppléant) désignés par le Gouvernement. Leur mandat est d'une durée de quatre ans, renouvelable.

Ces membres et leur suppléant sont des professionnels issus des différents secteurs de l'audiovisuel (éditeurs et distributeurs de services de radio et de télévision, opérateurs de réseaux, cinéma, sociétés d'auteurs, producteurs, régies publicitaires, annonceurs, associations de consommateurs, sociétés de presse, journalistes, ...).

Assistent aux travaux avec voix consultative deux délégués du Gouvernement, le Secrétaire général du Ministère de la Communauté française ou son représentant, trois délégués du Conseil d'éducation aux médias, ainsi que les président et vice-présidents sortants.

Les membres du Bureau, du Collège d'autorisation et de contrôle et du personnel du C.S.A. sont soumis aux mêmes règles d'incompatibilités422.

Les compositions du Bureau et des deux Collèges garantissent la représentation des différentes tendances idéologiques et philosophiques.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les membres du C.S.A. sont nommés par le Gouvernement de la Communauté française.

En outre, un certain contrôle des pouvoirs publics peut être identifié par le biais des participations consultatives aux organes du C.S.A. :

- le Secrétaire général du Ministère de la Communauté française assiste aux travaux du Collège d'autorisation et de contrôle avec voix consultative;

- le Secrétaire général du Ministère de la Communauté française ou son représentant, ainsi que deux délégués du gouvernement assistent aux travaux du Collège d'avis avec voix consultative.

De manière plus générale, le C.S.A. subit une forme de contrôle particulière de la part du Gouvernement de la Communauté française. Il existe en effet un commissaire du Gouvernement auprès du C.S.A. Ce commissaire veille à la bonne gestion administrative et financière du C.S.A. Néanmoins, il n'assiste qu'aux seules réunions du bureau du C.S.A.

En outre, le Commissaire ne peut exercer un recours auprès du Gouvernement qu'à l'encontre des décisions relatives à la gestion administrative et financière et au fonctionnement du C.S.A., qu'il estime être contraires aux normes de valeur législative et arrêtés d'exécution ou qu'il considère comme mettant en péril l'équilibre financier du C.S.A. Les décisions à l'égard des tiers échappent à son contrôle.

Le C.S.A. semble donc jouir d'une indépendance relative par rapport aux pouvoirs publics.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Le C.S.A. est financé principalement par la dotation annuelle allouée par la Communauté française. On note que sa gestion financière doit être assurée conformément aux dispositions de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public et de ses arrêtés d'exécution.

Le cadre du personnel du C.S.A. a été fixé par le gouvernement à 28 agents. Toutefois, seuls 19 agents sont aujourd'hui affectés au C.S.A.423.

6. Indications pratiques

Le C.S.A. est situé rue Jean Chapelié, 35, à 1050 Bruxelles
(Tel : +32 2/349.58.80 ; Fax : +32 2/349.58.97 ; Courriel : info@csa.be).

Le C.S.A. dispose d'un site Internet : http ://www.csa.be

Référence bibliographique : Le nouveau Conseil supérieur de l'audiovisuel (dir. F. Jongen), Bruxelles, Bruylant, 1998.

CANADA

par M. Guy SCOFFONI
professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

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Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, Le Canada a connu, comme la Grande-Bretagne, une expansion considérable du rôle de l'État dans la société. Dépassant les fonctions de défense nationale et de maintien de l'ordre public, l'État canadien est devenu régulateur, entrepreneur ou gérant de la protection sociale.

Au Canada aujourd'hui, lois et règlements affectent tous les aspects de la vie des citoyens et le gouvernement régule l'ensemble du secteur privé, des industries minières aux activités de communications ou services.

Le développement historique d'une catégorie d'« Agences administratives indépendantes » au Canada fera l'objet de premières analyses. Seront ensuite présentées les modalités d'organisation et d'intervention de ces « Agences de régulation à statut législatif » (« Statutory Regulatory Agencies », S.R.A), selon la qualification en vigueur dans ce pays.

I - L'émergence des « agences de régulation »au canada

Le développement d'une structure administrative fédérale complexe, incluant des organes de régulation, n'est pas au Canada le résultat d'une approche globale et bien définie.

Il correspond surtout à l'évolution moderne de l'exercice des fonctions gouvernementales dans le cadre des réponses pragmatiques apportées par les pouvoirs publics canadiens à différents problèmes institutionnels au gré de la conjoncture.

La croissance de la sphère publique et l'affermissement des contrôles en matière socio-économique expliquent successivement l'avènement d'Agences de régulation au Canada.

1. La croissance de la sphère publique

Le déplacement de la « frontière » vers l'Ouest, la construction d'un grand système ferroviaire moderne, les rapports entre les différents groupes de population, l'administration des terres de manière générale ou les relations économiques entre les « Provinces », vont générer le besoin de nouvelles structures administratives, au gré de l'extension des fonctions gouvernementales.

Le meilleur symbole de ce changement est le développement du secteur ferroviaire concomitant de l'apparition des premières Agences réglementaires. En 1851, en effet, le « Railway Act » prévoit l'attribution de compétences réglementaires, notamment en matière d'approbation de tarifs, à un « Bureau des Commissaires du Chemin de fer » (« Board of Railuray Committee of the Privy Council »). Toutefois, le débat sur la question de savoir si le pouvoir exercé par ces ministres devait être pleinement transféré à des organes indépendants se trouve relancé à partir de la décennie 1880. Le « Galt Royal Commission Report » de 1888 considère ainsi, pour la rejeter finalement, l'institution d'une véritable Agence de régulation des Chemins de fer, sur le modèle de l'« Interstate Commerce Commission » qui venait d'être créée aux États-Unis. Le rapport soulignait néanmoins les problèmes posés par le manque d'expertise et la vulnérabilité à l'égard de pressions politiques des membres du « Railway Committee » basés à Ottawa.

Dans le même temps, les responsables gouvernementaux chargés du secteur ferroviaire manquaient aussi souvent de compétence et d'indépendance, faute de mise en place d'une fonction publique moderne respectant le principe de neutralité.

Ainsi, au tournant du XXème siècle, les rapports du Professeur S.J. Mc Lean au ministre des transports eurent un impact décisif. Ses propositions424 portaient sur la création d'une Commission réglementaire remplaçant le Railway Committee et fondée sur cinq principes qui constituent la première véritable conceptualisation des Agences réglementaires au Canada :

1- Une définition législative précise des pouvoirs de la nouvelle Commission.

2- Des fonctions réglementaires et d'orientation politique (Policy functions) et non seulement quasi-juridictionnelles ou consultatives.

3- Un pouvoir de décision finale attribué à la Commission sous réserve d'un appel devant le « Gouverneur en Conseil ».

4- Des exigences strictes de qualification des Commissaires : l'un doit être un expert en matière juridique, l'autre un spécialiste du domaine ferroviaire.

5- Un mandat pour les Commissaires équivalent à celui de juges.

Le « Railway Act » de 1903 créa ainsi, sur cette base, le « Bureau des Commissaires des Chemins de fer » (Board of Railway Commissioners) qui servira plus tard de modèle pour les réformes administratives à venir. Si de nombreuses compétences jusque-là gouvernementales sont transférées à ces nouvelles formes d'Agences de régulation, les textes organisent toutefois un dispositif de contrôle juridictionnel et politique étroit. Les tribunaux pouvaient décider de questions de droit ou de répartition des compétences et le Gouverneur en Conseil était à même, sur demande ou en se saisissant lui-même, de modifier toute décision du Bureau.

Cette question des relations entre Agences réglementaires et ministères spécialisés apparaît encore réglée aujourd'hui de manière incertaine.

Par la suite, le Canada utilisa à de nombreuses reprises ce modèle des Agences de régulation avec la création de l'« International Joint Commission » (« Boundary Waters Treaty » avec les États-Unis de 1909) ou du « Board of grain Commissioners » (« Canada Grain Act de 1912 »), chargés de missions de régulation et d'inspection.

2. Le développement des contrôles publics

La Première Guerre mondiale eut pour effet au Canada, de développer les interventions du gouvernement fédéral et de généraliser notamment, les contrôles publics en matière de prix, de marchés ou de loyers. Ceci entraîna la création de nouvelles Agences : « Canadian Wheat Board », « Food Control Board », « Wage Trade Board » et « Municipal Fair Price Committees ». De même pour la première fois, des réformes en matière de santé et d'aide sociale amenèrent l'institution d'un « Board of Pension Commissioners » (1916) remplacé par la « Canadian Pension Commission » en 1933.

En 1919, le « Combines and Fair Prices Act » donna de même au « Board of Commerce » de larges pouvoirs d'enquête et de décision en matière de prix et profits.

Après une période de pause dans la création d'organismes distincts des ministères, la « Grande Dépression » et le « New Deal » canadiens de 1935 relancèrent la création d'Agences de régulation. Parmi les plus durables, il convient de mentionner la « Canadian Broadcasting Corporation » (CBC) de 1932, qui fonctionna jusqu'en 1938. À cette date elle est remplacée par le « Board of Broadcast Governors » qui laissera place dans la période contemporaine à la « Canadian Radio-television Commission ».

L'intervention d'Agences de régulation fut également maintenue dans des secteurs déjà concernés, comme en matière de commerce et de prix. Dès 1931, le « Tariff Board » se vit attribuer d'importantes fonctions quasi-juridictionnelles aussi bien que de régulation.

En 1936 fut créé le « National Harbours Board » et en 1938, le « Board of Railway Commissioners » qui avait survécu jusque-là à de multiples critiques politiques, fut intégré dans un organe plus large le « Board of Transport Commissioners ».

Après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux organes spécialisés furent institués, comme l'« Atomic Energy Control Board » en 1946.

En matière sociale plusieurs textes renforcèrent les interventions fédérales, se traduisant notamment par l'institution du « Canada Labour Relations Board » (CLRB) ou de l'« Immigration Appeal Board » (IAB). En outre, la « Canadian Transport Commission » fut créée en 1967 pour permettre la fusion de trois organes distincts chargés de la régulation du secteur des transports, le « Board of Transport Commissioners », le « Air Transport Board » et la « Canadian Maritime Commission ».

Le « National Energy Board » (NEB), le « National Parole Board » (NPB), le « Pensions Appeals Board » (PAB), le Tariff Board et le « Unemployment Insurance Commission » qui s'intégra par la suite dans une nouvelle « Employment and Immigration Commission », furent également créés ou restructurés dans les années d'après-guerre.

La multiplication de telles Agences de régulation ne doit néanmoins pas faire oublier que dans de nombreux cas, les ministères eux-même exercent aussi des fonctions similaires d'orientation et de contrôle. Si elles n'illustrent donc pas à elles seules, le développement du phénomène de régulation au Canada, elles n'en jouent pas moins un rôle essentiel dans la période contemporaine.

II - Les modalités d'organisation et d'intervention des « Statutory Regulatory Agencies » (S.R.A)

Après une analyse des critères essentiels d'identification des Agences de régulation canadiennes, seront présentées quelques illustrations principales de cette catégorie d'organes.

Il convient d'ores et déjà de noter, à partir de la qualification de « Statutory Regulatory Agencies » ou « Agences de régulation à statut législatif », l'absence significative du terme « indépendantes ». À la différence du modèle américain en effet, les conditions d'une véritable indépendance ne s'avèrent généralement réunies, en raison du maintien de certains pouvoirs de contrôle des ministres d'un secteur donné sur les Agences.

1. Les critères d'identification

Trois séries d'éléments tenant à la création, aux missions et au contrôle exercé doivent être considérés.

A. La création des Agences de régulation

Sous des désignations diverses de Commissions, Bureaux, Conseils ou Agences (...), ces organes de régulation distincts des ministères sont institués par le législateur. Leurs statuts et fonctions se trouvent ainsi déterminés par le texte particulier qui les crée. Ces dispositions prévoient en particulier la composition de ces organes et la durée du mandat de leurs membres qui conditionnent de manière décisive leur degré d'autonomie.

Les responsables de ces Agences ne peuvent en outre faire l'objet d'une révocation que pour manquement grave à leurs obligations de fonction et non pas discrétionnairement ou pour raisons de convenance politique. Il faut noter qu'ils sont généralement nommés par décision gouvernementale, en dehors de procédures de recrutement au mérite devant la Commission de service public (Public Service Commission) et sans intervention ou confirmation parlementaire.

Ce point a pu faire l'objet de critiques au Canada dans la mesure où l'indépendance à l'égard des pressions politiques était un argument de la création même de ces Agences spécialisées et n'apparaît pas véritablement favorisée par le système adopté ».

B. Les missions des Agences de régulation

Le texte législatif instituant l'Agence définit l'étendue de ses missions. Elles incluent généralement toute la palette des activités de régulation : Réglementation de prix, de produits ou services, application des règles de concurrence, définition de standards de qualité des produits et protection du consommateur (on a ainsi estimé qu'au Canada comme aux États-Unis 30 % environ du produit national brut correspond à des activités soumises à une forme de régulation directe des prix ou de la production), régulation également des domaines des transports ou des communications à travers des pouvoirs de réglementation ou quasi-juridictionnels.

Des missions de régulation sont également confiées à des organes spécialisés dans les domaines divers de l'environnement, ou des marchés financiers, à l'instar de leurs homologues américains ou européens.

Le degré de généralité des compétences attribuées aux Agences détermine souvent leur degré d'autonomie. Plus la définition des missions apparaît extensive, plus l'organisme disposera d'une grande marge d'appréciation pour interpréter la législation ou prévoir de nouvelles règles d'application sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'approbation de l'Exécutif ou du Parlement. C'est en particulier le cas (V. infra) de la « Canadian Radio-Television and Telecommunications Corporation » (CRTC).

C. Le contrôle exercé sur les Agences de régulation.

Un trait caractéristique de ces organes réside dans leur action autonome c'est-à-dire distincte des départements traditionnels de l'Exécutif. Les principes d'organisation législative des Agences impliquent aussi que ces organes soient soumis au contrôle du Parlement « par le biais » des ministres concernés de l'Exécutif mais qu'ils ne se trouvent pas sujets à un contrôle direct de ces derniers.

Toutefois même si les ministres ne sont pas amenés à rendre des comptes au Parlement de manière quotidienne sur l'activité des Agences, il existe de nombreux dispositifs leur permettant d'influencer le travail des Agences de régulation : mécanismes d'appel « hiérarchique », de directive ou d'orientation par décision en Conseil.

Il faut relever notamment le pouvoir du Cabinet de modifier la décision d'une Agence. Par la voie de l'appel exercé, le ministre peut substituer sa décision à celle de l'organe de régulation. Les appels portent en général sur des questions importantes de politique des Agences. Les ministres peuvent alors soit les confirmer, soit les renvoyer devant les Agences pour nouvel examen.

Ce mécanisme d'appel gouvernemental coexiste par ailleurs avec l'ouverture de recours devant les tribunaux à l'encontre de décisions des Agences. Le contrôle juridictionnel de légalité administrative représente ainsi un deuxième niveau de contrôle effectif sur ces Agences.

Un contrôle administratif et financier s'exerce enfin sur ces organes. Le budget de chaque Agence s'inscrit en effet dans le cadre du budget du département ministériel de rattachement.

Au total, plusieurs éléments viennent limiter l'autonomie reconnue au départ à ces organismes. La possibilité d'un appel administratif devant le Cabinet et les pouvoirs de substitution qu'il implique limite en particulier l'indépendance des Agences. Cela sépare ainsi nettement l'expérience canadienne du modèle américain d'Agences « indépendantes » dans lequel ce droit de faire appel devant l'Exécutif n'existe pas.

2. Les modalités de fonctionnement des Agences de régulation

Quatre illustrations principales de l'intervention des « Statutory Regulatory Agencies » peuvent être retenues : la « Commission canadienne de radio-télévision et des télécommunications », réorganisée en 1985, la « Commission nationale de l'énergie » instituée en 1985, l'« Agence canadienne des Transports » créée en 1996 et le « Bureau canadien des relations industrielles » de 1999.

1°) La « Canadian Radio-Television and telecommunications Commission » (CRTC).

L'intervention de cette Agence de régulation est déterminée par trois lois, le « Canadian Radio-Television and Telecommunications Act » de 1985, le « Broadcasting Act » de 1991 et le « Telecommunications Act » de 1995. Le premier texte définit les structures de la Commission, le deuxième les modalités de régulation et d'octroi d'autorisation d'émettre et le troisième, la régulation du téléphone et autres modes de télécommunications.

Il s'agit d'un organisme collégial comprenant treize membres à plein temps et six à temps partiel, nommés pour une période de cinq ans. Ces membres peuvent être révoqués à tout moment par le Gouverneur en Conseil, sur la base d'une faute et non discrétionnairement. Leur mandat est renouvelable et des incompatibilités avec diverses fonctions dans les secteurs concernés sont prévues.

Le Gouverneur en Conseil désigne également un Président parmi les membres à temps complet ainsi que deux Vice-Présidents. Il détermine les salaires ou indemnités de présence des différents membres. La Commission compte aujourd'hui un total d'environ cinq cents agents.

Elle dispose d'une autonomie supérieure à la moyenne des Agences canadiennes dans la mesure où ses décisions ou réglementations n'ont pas à être approuvées au préalable par le Cabinet. Celui-ci peut toutefois adresser des directives à la Commission et contrôler, s'il est saisi d'un recours, ses décisions.

Enfin la Commission doit remettre chaque année au ministre concerné un rapport d'activités que celui-ci transmettra à chaque Chambre du Parlement.

Il convient de noter en dernier lieu que ses décisions, notamment dans le cadre de ses pouvoirs quasi-juridictionnels, relèvent de la compétence de la Cour d'appel fédérale.

2°) Le « National energy board »

Cet organisme est régi par trois lois de 1985 ; le « National Energy Board Act », le « Energy Administration Act » et le « Northern Pipeline Act ». Ces textes définissent ses missions de régulation, notamment l'octroi de licences en matière pétrolière et l'application des régimes d'importation ou d'exportation de gaz, pétrole ou électricité.

L'Agence se compose de neuf membres à plein temps et six à temps partiel nommés pour sept ans et révocables seulement pour faute grave. De nombreux membres ont une expérience acquise dans le secteur industriel. Elle compte enfin près de trois cent cinquante agents, chiffre en baisse depuis la « déréglementation » de la décennie 1980-1990.

Au plan de son indépendance, on relèvera qu'une approbation par le Cabinet des décisions de l'Agence est nécessaire, notamment dans les hypothèses d'autorisation d'importation ou exportation. Il semble toutefois qu'aucun refus d'approbation par le Cabinet ne se soit jamais produit. Par ailleurs l'Agence est compétente pour définir ses propres règles de procédure.

Il n'y a pas d'appel devant le Cabinet ou un ministre. Le National Energy Board fonctionne surtout comme une sorte d'organe quasi-juridictionnel. Il tient des audiences publiques très formelles. Ses décisions sont seulement susceptibles de recours devant la Cour d'appel fédérale.

3°) La « Canadian transportation agency »

Cette importante Agence a remplacé en 1996 la « National Transport Agency » en héritant des prérogatives de régulation de ses devancières. Elle dispose néanmoins d'un champ de compétences moins étendu que la première « Canadian Transport Commission » créée en 1967. Depuis la dérégulation des années 1980-1990, les réglementations en matière d'acquisitions ou fusions de sociétés et d'encadrement des activités de transport apparaissent en effet moins strictes que précédemment...

La Canadian Transportation Agency (C.T.A) est régie par le « Canadian Transportation Act » de 1996. Elle se compose de sept membres à plein temps, nommés pour cinq ans et révocables seulement pour faute grave et de trois membres à temps partiel nommés pour deux ans et révocables dans les mêmes conditions. Elle emploie aujourd'hui près de trois cents agents contre sept cents dans l'ancienne Commission de 1967.

En matière d'autonomie, il convient de relever que le C.T.A doit respecter dans ses décisions les orientations définies par les politiques gouvernementales mais sans que ses interventions soient soumises à un régime d'approbation préalable du Cabinet sauf si elles ont une portée réglementaire.

Il n'y a pas de possibilité d'appel devant le Cabinet mais ce dernier a la faculté de modifier unilatéralement une décision de l'Agence.

La C.T.A ne tient pas de véritables audiences et reste moins marquée que d'autres Agences de régulation canadiennes par des procédures quasi-juridictionnelles. La Procédure devant l'Agence est essentiellement écrite. Ses décisions relèvent cependant en appel de la Cour fédérale d'appel. La pratique a montré toutefois que celle-ci confirme dans une large majorité de cas, les décisions de l'Agence.

4°) Le « Canada industrial relations board »

Cet organe de régulation est régi par le Code du travail canadien. Il a été institué en janvier 1999 sur la base des recommandations du Rapport Sims de 1996. Il remplaçait ainsi le « Canada Labour Relations Board » créé en 1948. Ses missions portent sur le règlement des conflits du travail et l'imposition de sanction en cas de pratiques irrégulières d'employeurs du secteur privé.

Il comprend six membres à plein temps, représentant de manière paritaire employeurs et employés. Un nombre indéfini de membres à temps partiel peuvent également être nommés. Un Président ou deux (voire davantage) Vice-Présidents sont nommés par le Gouverneur en Conseil sur proposition d'un ministre, pour une période de cinq ans. Ils ne sont révocables comme les autres membres, que pour faute grave. La Commission emploie environ quatre-vingts personnes.

Le « Canada Industrial Relations Board » est un des organes les plus indépendants de la catégorie des Agences canadiennes de régulation. Ses décisions ne sont pas soumises à approbation ministérielle et il établit ses propres règles de fonctionnement. Il n'existe pas de possibilité d'appel de ses décisions devant le Cabinet ou un ministre. Cette indépendance plus marquée que pour d'autres organismes est justifiée dans le contexte canadien par la complexité des missions confiées à cet organe d'équilibre, qui doit trancher les litiges dans un délai de quatre-vingt-dix jours.

La Commission ne tient d'audiences que dans les cas (20 % environ des litiges) où les faits et la preuve doivent être plus utilement établis oralement. Le code du travail l'autorise à réexaminer ses propres décisions en cas d'erreur de droit notamment. Celles-ci peuvent aussi faire l'objet d'un contrôle restreint par la Cour fédérale d'appel.

On retiendra en définitive de l'expérience canadienne une grande variété de situations quant au degré d'autonomie des Agences de régulation avec néanmoins de manière générale une indépendance moins marquée que dans la plupart des organes similaires en droit comparé. À l'inverse des autres systèmes, des liens institutionnels directs demeurent entre ces Agences et le gouvernement ou les ministres concernés.

ESPAGNE

par M. Juan de la CRUZ FERRER,
professeur à l'Institut Jean Monnet de Droit européen et de droit administratif,
Université Complutense de Madrid

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I - Introduction

Comme chacun sait, le modèle d'« Autorités ou Agences indépendantes » trouve son origine à la fin du XIXème siècle, dans le Droit administratif nord-américain. Il s'agissait de rompre, dans certaines matières, avec l'Administration appelée regular, dont la caractéristique est d'être directement liée aux décisions du Président de la Nation. La première des Public Authorities ou Independent Agencies (comme on les appelle aux États-Unis) a été la Interstate Commerce Commission, créée en 1887 pour assurer la régulation et le contrôle de tout ce qui était relatif au commerce et aux transports entre les différents états. Ce sont, en fait, des Organismes publics intégrés formellement au Pouvoir Exécutif, mais qui conservent une liberté partielle par rapport à celui-ci, étant donné qu'ils dépendent à la fois de l'Exécutif et du Législatif, en vertu de la dynamique du système constitutionnel américain de « pouvoirs partagés » (« shared powers »).

II - Apparition des « autorités administratives indépendantes » au sein de l'organisation administrative espagnole

Influence du Droit communautaire

En Espagne, l'on a intégré le modèle anglo-saxon d'Administrations indépendantes pour la première fois en 1980 lors de la création de la Commision de Sécurité Nucléaire, conçue comme un « Organisme de Droit Public, indépendant de l'Administration Centrale, jouissant d'une personnalité juridique et d'un patrimoine propre, indépendant de ceux de l'État et seul Organisme compétent en matière de sécurité et de protection radiologique ».

Toutefois, le modèle d'Administrations indépendantes s'affirme dans certains secteurs avec le processus de libéralisation mené sur les instances de la réglementation de l'Union Européenne ; c'est alors qu'apparaissent la plupart des Organismes dotés d'une autonomie spéciale : la Commission Nationale du Marché des Valeurs, la Commission du Marché des Télécommunications, la Commission Nationale de l'Énergie, etc. Une Loi de 1980 accorde un certain degré d'autonomie à la Banque d'Espagne en fixant la durée du mandat de son Gouverneur et de son Sous-gouverneur à 4 ans - renouvelable - et en précisant expressément les causes possible de leur révocation. Mais c'est en 1994, alors qu'on introduit les prévisions du Traité de l'Union Européenne relatives à la politique monétaire, que l'on concède la pleine autonomie à la Banque dans ce domaine-là (une autonomie qui s'est matérialisée avec le début de la seconde phase de l'Union Économique et Monétaire) et que l'on renforce de même l'autonomie des organes de gouvernement de la Banque.

Le fondement logique et rationnel à la base de ces nouvelles formes d'Administration se trouve dans l'opportunité d'avoir des organismes régulateurs de surveillance et de contrôle des nouveaux marchés pour garantir leur bon fonctionnement et le principe de libre concurrence, grâce à une neutralité politique lors de la prise des décisions. L'on atteint ce but en accordant aux entités régulatrices une autonomie de gestion spéciale face à l'Administration active et en s'appuyant sur un personnel professionnel et hautement spécialisé.

En Espagne, il existe traditionnellement d'autres Administrations indépendantes, comme le sont les Universités Publiques, les Collèges Professionnels ainsi que les Chambres d'Industrie, de Commerce et de Navigation. Dans le présent travail, nous ne nous occuperons cependant pas de ces Administrations, la raison principale de leur autonomie spécifique se trouvant dans la nécessité de garantir leur « autogouvernement », vu leur nature corporative.

La législation espagnole se réfère aux Organismes dotés d'une autonomie spéciale comme à des « Entités rattachées à l'Administration » en les différenciant des Organismes « dépendants ».

La Loi 6/1997, du 14 avril, sur l'Organisation et le Fonctionnement de l'Administration Centrale (LOFAGE) considère comme dépendants de l'Administration Centrale les deux grands groupes d'Organismes publics qu'elle réglemente dans ses articles : les Organismes Autonomes et les Entreprises Publiques. Ces deux types d'Organismes « exercent des activités dérivées de l'Administration Centrale elle-même, en tant qu'organisations instrumentales différenciées et dépendantes de celle-ci ». Concrètement, « ils ont pour objet la réalisation d'activités d'exécution ou de gestion, qu'elles soient administratives - de développement ou de prestation - ou qu'elles aient un contenu économique, réservées à l'Administration Centrale ; ils en dépendent et sont rattachés, directement ou à travers un autre Organisme public, au Ministère correspondant à leur domaine, à travers l'organe que l'on détermine cas par cas ». La différence essentielle entre eux, c'est que les Organismes Autonomes sont régis entièrement par le Droit public alors que les Entreprises publiques sont soumises aux règles du Droit privé.

La LOFAGE envisage aussi des Entités distinctes de celles dont nous venons de parler. Elle prévoit en effet l'existence d'« Organismes Publics dotés d'un régime juridique particulier » et qui ont, de par la Loi, une indépendance fonctionnelle ou une autonomie de gestion spéciale par rapport aux organes centraux du Pouvoir exécutif (Gouvernement et Administration Centrale de l'État). Ce sont ces entités-là que la doctrine appelle « Administrations indépendantes ».

Le Tribunal de Défense de la Concurrence se trouve dans une position institutionnelle particulière car la législation lui confère la nature d'Organisme Autonome rattaché au Ministère de l'Économie et des Finances (il s'agit donc d'un Organisme public dépendant de l'Administration Centrale) mais, en même temps, on lui reconnaît expressément une pleine indépendance dans l'exercice de ses fonctions.

Les principales Administrations indépendantes (dotées d'une autonomie spéciale) dans le cadre de l'État sont : la Banque d'Espagne, la Commission Nationale du Marché des Titres, Le Conseil de Sécurité Nucléaire, l'Entreprise publique de Radio et de Télévision Espagnoles - RTVE -, l'Agence de Protection des Données, la Commission Nationale de l'Énergie, la Commission du Marché des Télécommunications et le Tribunal de Défense de la Concurrence.

III - Caractéristiques générales du rÉgime juridique des Administrations indépendantes

1. Création des « Administrations indépendantes »

Dans le cadre de l'État, la création d'un Organisme public doté d'indépendance fonctionnelle ou d'une autonomie spéciale - ou bien la reconnaissance d'une telle indépendance ou autonomie spéciale à un Organisme préexistant - doit toujours se faire par l'intermédiaire d'une Loi formelle du Parlement, comme c'est le cas pour la création de tout type d'Organisme public ayant une personnalité juridique.

D'ordinaire, la Loi créant l'Organisme contient elle-même la réglementation fondamentale de son organisation et de son fonctionnement (Statut), même s'il arrive que l'on renvoie cette réglementation au Gouvernement. Pour ce qui n'est pas prévu par le Statut, l'on appliquera les règles du Droit public ou du Droit privé en fonction de ce que le Statut lui-même dispose, ou, s'il ne prévoit rien, l'on appliquera les règles relatives aux Organismes publics dépendants qui, pour chaque situation, seront considérées comme pertinentes, en tenant compte des caractéristiques de chaque Organisme. En tout cas, l'exercice des pouvoirs de l'Administration est sujette au Droit public.

2. Position des Administrations indépendantes par rapport au pouvoir législatif, exécutif et judiciaire

A. Pouvoir législatif

Les « Administrations indépendantes », ainsi qu'on les nomme, sont sujettes au pouvoir législatif en ce qui concerne leur existence même, car, comme nous l'avons dit, leur Statut de création doit être approuvé par une Loi formelle.

B. Pouvoir Exécutif

La caractéristique principale de ces Administrations réside dans leur indépendance, ou autonomie spéciale, par rapport au Pouvoir Exécutif (Gouvernement ou Administration territoriale à laquelle elles sont rattachées). Cette indépendance fonctionnelle, ou autonomie spéciale, n'a pas le même degré pour chaque Entité, et elles ne doit pas forcément exister pour toute son activité. La LOFAGE dit expressément que cette autonomie spéciale peut se référer à des « aspects précis » (concrets) de l'activité de l'Organisme et, en fait, c'est ce qui se passe normalement. Par ailleurs, certaines Entités sont formellement rattachées à l'Administration Centrale (c'est le cas de la Commission du Marché des Télécommunications ou de la Commission Nationale de l'Énergie). Il faut aussi remarquer que les Statuts de quelques Organismes indépendants prévoient pour certaines décisions le même régime de recours impropres que celui qui existe pour certains Organismes dépendants de l'Administration territoriale (le régime de recours impropre permet de saisir les actes de l'Administration indépendante devant le titulaire de l'Administration territoriale à laquelle celle-ci se trouve rattachée).

C. Pouvoir Judiciaire

En Espagne, il n'y a pas d'actes administratifs exempts de contrôle judiciaire. Donc, tous les actes des Administrations indépendantes sont sujets au contrôle judiciaire, dans les mêmes termes que le sont ceux des Administrations territoriales. Pour les matières où le Statut de l'Administration indépendante soumet son action au régime de Droit privé (par exemple, pour la gestion de ses employés), le contrôle judiciaire correspond à la Juridiction civile ou aux Prud'hommes et non pas à la Juridiction administrative.

3. Régime de recours contre les actes des Administrations indépendantes

On peut recourir contre les actes des Administrations indépendantes directement auprès de ces entités, sans qu'un recours formel contre ces actes soit possible, en principe, auprès de l'Administration territoriale à laquelle elles sont rattachées. Cela s'explique parce que la technique de la personnalité juridique comporte précisément une séparation d'unités administratives aux effets d'imputation formelle des actes respectifs ; en sont exclus, bien sûr, les cas où la loi prévoit expressément le contraire, et cela n'affecte pas le régime de recours impropres dont nous avons parlé auparavant.

4. Capacité à interjeter un recours contentieux contre l'activité de l'Administration publique à laquelle elles sont rattachées

Les Entités dotées d'indépendance, ou autonomie spéciale, (Administrations indépendantes) peuvent déposer des recours contentieux contre l'activité de n'importe quelle Administration publique territoriale (y compris l'Administration à laquelle elles sont rattachées), conformément à ce qu'établit la Loi réglementant la Juridiction Administrative.

5. Régime de recours en cas de responsabilité extra-contractuelle

La responsabilité patrimoniale pour les dommages causés par les Entités indépendantes est invoquée uniquement, en principe, auprès de ces Entités, sans qu'une responsabilité patrimoniale directe de l'Administration à laquelle elles sont rattachées soit possible. En effet, l'Administration ne dirigeant pas l'activité de ces Organismes dotés d'autonomie spéciale, il n'est pas possible d'évoquer un lien de cause nécessaire entre le dommage et l'activité de l'Administration territoriale. Remarquons toutefois que cette responsabilité exclusive de l'« Administration indépendante » existera seulement (même si la législation espagnole ne dit rien expressément à ce sujet) dans les cas où les Organismes auxquels nous nous référons jouissent réellement d'autonomie dans leur action.

De façon générale, la législation espagnole envisage la responsabilité concurrente de plusieurs Administrations publiques dans les termes suivants : il y aura une responsabilité solidaire lorsque le dommage résultera de la gestion conjointe de plusieurs Administrations publiques, bien que l'on prévoie que l'instrument juridique réglementant l'action conjointe pourra déterminer le partage de la responsabilité entre ces différentes Administrations. Dans l'hypothèse d'un dommage produit par plusieurs Administrations, la responsabilité sera déterminée pour chacune d'entre elles en s'en tenant aux critères de compétence, de tutelle de l'intérêt public et d'importance de l'intervention ; il y aura une responsabilité solidaire lorsqu'une telle détermination sera impossible.

6. Nomination de leurs membres

Il appartient au Gouvernement, sur proposition du Ministre ayant compétence en la matière, de nommer (ou désigner) les membres de ces Organismes. Le Ministre, avant de faire une proposition, devra paraître devant la Chambre des Députés pour information sur les personnes qu'il prétend proposer. Dans le cas du Conseil de Sécurité Nucléaire, il est prévu, en plus, que la Chambre des Députés puisse opposer un veto justifié. Dans le cas de la Banque d'Espagne, il n'existe d'obligation d'information que pour les charges de Gouverneur et de Sous-gouverneur de la Banque.

Pour la nomination du Directeur de l'Agence de Protection des Données et pour les membres du Tribunal de Défense de la Concurrence, il n'est pas prévu que le Ministre comparaisse préalablement devant la Chambre.

En ce qui concerne l'Entreprise publique de la Radio et de la Télévision Espagnoles (RTVE), c'est le Gouvernement qui nomme son Directeur Général, alors que les membres de son Conseil d'Administration sont élus pour chaque législature à raison d'une moitié par la Chambre des Députés et de l'autre par le Sénat, avec une majorité des deux tiers dans les deux cas.

Les organes dirigeants des Administrations indépendantes seront nommés en fonction de leur compétence reconnue dans le secteur dont il est question.

En général, les mandats sont renouvelables une fois.

7. Garanties d'indépendance de leurs membres

Ne pas être soumis au Gouvernement ou à l'Administration Centrale de l'État et avoir un mandat pour une période déterminée constituent la principale garantie d'indépendance des membres des Administrations indépendantes. De façon générale, les causes de révocation du mandat sont les suivantes : fin de la période pour laquelle ils ont été désignés, âge limite, renonciations et certaines incompatibilités prévues par la Loi. Les Statuts des Organismes en question envisagent aussi que le Gouvernement puisse décider la révocation en cas d'incapacité permanente pour l'exercice de la charge, de non-accomplissement grave des obligations et de condamnation pour délit dolosif - dans le cas de la Banque d'Espagne, il suffit qu'il y ait mise en accusation. Pour ce qui est du Conseil de Sécurité Nucléaire, le Gouvernement pourra décider la révocation du mandat lorsqu'il considère qu'un membre n'a plus la capacité pour exercer ses fonctions ou qu'il a cessé de s'occuper avec diligence des devoirs de sa charge. Cette révocation devra être communiquée à la Chambre des Députés qui pourra s'y opposer.

Dans le cas de l'Agence de Protection des Données, l'organe de direction est unique, et son titulaire ne peut recevoir d'instructions d'aucune autorité, qu'elle soit interne ou externe.

Pour ce qui est du Directeur Général de l'Entreprise Publique RTVE, la garantie d'indépendance est pratiquement nulle, vu qu'il peut être révoqué par le Gouvernement si celui-ci considère que son action n'a pas répondu aux objectifs et aux principes fixés, ce qui, en pratique, équivaut à la possibilité de le révoquer de façon discrétionnaire.

8. Pouvoirs publics

Certains organismes ont des pouvoirs de réglementation du secteur, alors que d'autres ont seulement des pouvoirs exécutifs, des pouvoirs de contrôle et de supervision, des pouvoirs disciplinaires, des pouvoirs de consultation et de conseil.

A. Pouvoir réglementaire

En Espagne, la garantie des droits fondamentaux et des libertés publiques (liberté et propriété) comprend l'existence d'une « reserva de Ley » dans la réglementation des différents secteurs d'activité. Cela signifie que c'est le Parlement qui doit, d'ordinaire, établir la réglementation. Lorsque le gouvernement édicte des Décrets Royaux ayant rang de Loi, en cas de nécessité extraordinaire et urgente, l'on exige que le Parlement les ratifie ultérieurement. C'est pour cela que la réglementation sectorielle que peuvent réaliser le Gouvernement et l'Administration sera soumise à une autorisation légale préalable, les règlements étant toujours subordonnés aux Lois.

Ceci étant dit, la Banque d'Espagne et la Commission Nationale du Marché des Valeurs se voient attribuer d'amples facultés de réglementation dans les secteurs où elles sont compétentes. La Banque d'Espagne a un pouvoir de réglementation dans les domaines suivants : le système de compensation et de liquidation des paiements ainsi que la sécurité et l'efficacité des systèmes et des instruments de paiements (dans l'exercice des fonctions qui lui incombent comme partie intégrante du Système Européen des Banques Centrales), et elle est compétente surtout en matière d'intervention et de discipline des établissements de crédit. Les autres Administrations indépendantes ne font que proposer l'approbation de nouvelles réglementations ou les instruire ; on leur reconnaît dans certains cas un pouvoir limité de réglementation sur des aspects ayant un fort caractère technique (Conseil de Sécurité Nucléaire et Commission du Marché des Télécommunications). Le pouvoir normatif de la Commission Nationale de l'Énergie est, quant à lui, pratiquement inexistant.

B. Pouvoir de contrôle et de supervision

- Le Conseil de Sécurité Nucléaire : il a d'amples facultés d'inspection et de contrôle en matière de sécurité nucléaire et radiologique.

- La Banque d'Espagne : elle a d'amples facultés de supervision et de discipline sur les établissements de crédit, avec la faculté d'intervenir et de remplacer des administrateurs.

- La Commission Nationale du Marché des Titres : elle a d'amples facultés de supervision et d'inspection sur les marchés des titres et sur l'activité de ceux qui y interviennent, avec la faculté d'intervenir et de remplacer des administrateurs.

- Le Tribunal de Défense de la Concurrence : il a d'amples facultés de contrôle, même si les facultés de surveillance sont exercées directement par l'Administration Centrale.

- L'Agence de Protection des Données : elle a d'amples facultés de contrôle et de surveillance sur respect de la législation sectorielle.

- La Commission du Marché des Télécommunications : elle a un pouvoir de contrôle et de surveillance limité à une partie de l'activité des opérateurs.

- La Commission Nationale de l'Énergie : elle a d'amples fonctions de surveillance et de contrôle des installations et des opérateurs des marchés de l'énergie.

C. Pouvoir disciplinaire

Le Conseil de Sécurité Nucléaire : il peut seulement proposer l'ouverture d'une enquête disciplinaire.

La Banque d'Espagne : elle est compétente pour instruire tout type de dossier disciplinaire entrant dans les matières et le territoire de sa compétence et pour imposer des sanctions pour les infractions graves et légères. En ce qui concerne les infractions très graves, c'est le Ministère de l'Économie et des Finances qui impose ces sanctions sur proposition de la Banque d'Espagne, sauf en cas de « révocation de l'autorisation de l'établissement » ; celle-ci sera imposée par le Conseil des Ministres.

La Commission Nationale du Marché des Valeurs : elle est compétente pour ouvrir et instruire tous les dossiers disciplinaires entrant dans le cadre des matières et du territoire de sa compétence. Il lui revient de même d'imposer les sanctions pour les infractions graves et légères. En ce qui concerne les infractions très graves, c'est le Ministère de l'Économie et des Finances qui impose ces sanctions sur proposition de la Commission, sauf en cas de « révocation de l'autorisation de l'organisme » ; celle-ci sera dictée par le Conseil des Ministres.

Lorsque l'organisme ayant enfreint la législation sur le marché des valeurs sera un établissement de crédit, le dossier de la Banque d'Espagne sera obligatoire pour imposer la sanction correspondante.

- La Commission du Marché des Télécommunications : elle exerce un plein pouvoir de sanction par rapport à certaines infractions très graves que peuvent encourir les opérateurs du secteur ainsi que par rapport à certaines infractions graves et légères. Dans les autres cas, il lui revient d'ouvrir les dossiers disciplinaires et de faire les démarches nécessaires.

- L'Agence de Protection des Données : elle a plein pouvoir disciplinaire.

- Le Tribunal de Défense de la Concurrence : il possède d'amples facultés résolutoires des dossiers disciplinaires.

- La Commission Nationale de l'Énergie : elle n'a pas de pouvoir disciplinaire.

Les fonctions de l'Entreprise publique RTVE consistent dans la direction et le contrôle des sociétés de marché de radio et de télévision de l'État.

Le Tribunal de Défense de la Concurrence exerce des fonctions de consultation par rapport aux opérations de concentration et aux aides publiques.

9. Modalités de contrôle de leur activité par les pouvoirs législatif et exécutif

La législation espagnole envisage différentes modalités de contrôle des Administrations indépendantes par les pouvoirs législatif et exécutif.

- Pour ce qui concerne le Pouvoir législatif, presque tous ces organismes doivent présenter annuellement - directement ou à travers le Gouvernement - un dossier sur le déroulement de leurs activités. Dans le cas de la Banque d'Espagne, ces informations sont relatives aux objectifs et à l'exécution de la politique monétaire ; à cet effet, le Gouverneur de la Banque pourra être convoqué devant toute commission de la Chambre des Députés ou du Sénat ou devant une commission mixte.

Par ailleurs, l'on peut intimer aux titulaires des organes de gouvernement des Administrations de prêter déclaration - de même que tout autre personne - devant les Commissions d'Enquête de la Chambre des Députés - ou des Parlement Autonomes respectifs - pour analyser des affaires d'intérêt général. C'est ce qui s'est passé, par exemple, dans le cas du scandale financier « Gescartera » où le Président de la Commission Nationale du Marché des Valeurs a été amené à déclarer devant la Chambre.

Le statut de l'Entreprise publique de la radio et de la Télévision Espagnoles prévoit un contrôle direct de la part de la Chambre des Députés sur l'activité de cet Organisme et de ses sociétés, bien que, lors de l'exercice d'un tel contrôle, l'on doive respecter son fonctionnement adéquat.

- Pour ce qui concerne le Pouvoir exécutif, la situation varie en fonction des différentes Entités :

Il n'est prévu aucun contrôle du Gouvernement ou de l'Administration Centrale de l'État sur l'activité du Conseil de Sécurité Nucléaire, de l'Agence de Protection des Données et de la Commission du Marché des Télécommunications.

Dans le cas de la Banque d'Espagne, il n'existe aucun type de contrôle direct du Gouvernement ou de l'Administration Centrale sur les fonctions de la Banque en matière de politique monétaire, bien que la Banque doive informer régulièrement le Gouvernement sur les objectifs fixés et leur exécution. Pour le reste des matières - y compris celles qui sont relatives à la supervision des entités financières et des Établissements de crédit -, bien que la Banque les exerce en toute autonomie par rapport aux autres organes de l'Administration Centrale, ses actes et ses résolutions administratives sont susceptibles d'un recours ordinaire devant le ministre de l'Économie et des finances.

Les résolutions de la Commission Nationale du Marché des Titres épuisent la voie administrative, sauf celles qui ont un caractère disciplinaire et sauf les mesures d'intervention et de remplacement des administrateurs de sociétés, contre lesquelles on peut recourir auprès du Ministère de l'Économie et des Finances.

L'activité de la Commission Nationale de l'Énergie est sujette à un contrôle d'efficacité de la part du Ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et l'on peut recourir pratiquement contre toutes ses résolutions par la voie administrative auprès du titulaire du Département auquel elle est rattachée.

L'activité du Tribunal de Défense de la Concurrence est sujette elle aussi à un contrôle d'efficacité de la part du Ministère de l'Économie et des Finances auquel il est rattaché, mais l'on peut recourir directement contre les résolutions du Tribunal devant la Juridiction Administrative.

10. Garantie de leur indépendance financière

Ces entités ont un patrimoine propre, indépendant du patrimoine de l'État. Leurs principales sources de financement étant les taxes qu'elles peuvent prélever pour leurs services ainsi que les assignations du Budget général de l'État et les transferts provenant de l'Administration Centrale.

Bien que toutes les Autorités Indépendantes élaborent des avant-projets de leur budget, il revient au Gouvernement de les approuver postérieurement et de les intégrer au Budget Général de l'État pour qu'ils soient votés définitivement par le Parlement. Il n'y a que la Banque d'Espagne qui approuve son propre budget et qui le renvoie au Gouvernement afin qu'il soit transféré au Parlement pour approbation.

11. Résumé

Pour résumer, nous pouvons dire qu'en Espagne il existe un nombre significatif d'Administrations qui jouissent d'une indépendance ou d'une autonomie spéciale par rapport au Gouvernement. Leur création répond, dans la plupart des cas, à la nécessité de garantir la transparence et la neutralité de la réglementation et de la supervision des marchés nés lors du mouvement de libéralisation exigé pour intégrer l'économie espagnole à l'économie européenne. Parmi les Administrations indépendantes, se détachent la Banque d'Espagne et la Commission Nationale du Marché des Valeurs auxquelles l'on a attribué d'amples pouvoir de réglementation, d'exécution, de surveillance, de supervision, de contrôle et de sanction, dans leur domaine de compétence. D'autres Administrations indépendantes comme le Conseil de Sécurité Nucléaire, la Commission du Marché des Télécommunications, la Commission Nationale de l'Énergie ou le Tribunal de Défense de la Concurrence, jouissent de pouvoirs importants de supervision et de contrôle.

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ÉTATS-UNIS

par M. Guy SCOFFONI,
professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

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Si les États-Unis peuvent être considérés comme les premiers promoteurs de l'intervention d'organes administratifs indépendants dans la sphère publique, ces « Agences réglementaires indépendantes » (selon une traduction littérale d'« Independant Regulatory Agencies ») n'ont jamais fait l'objet d'une définition officielle.

Ni la grande loi fédérale sur la procédure administrative de 1946 (« Administrative Procedure Act ») ni aucun autre texte ne précise la nature de ces organes.

De surcroît le terme d'« Agency » recouvre en droit américain plusieurs réalités administratives et ne peut en aucun cas être réservé aux seules « Agences » dites « indépendantes ». On trouve en effet, aussi bien des « Agences » au sein des départements de l'Exécutif qu'en dehors d'eux et ils présentent des degrés d'indépendance variables. Une identification préalable de ces organes (au niveau fédéral) s'impose donc (Cf. infra I).

On peut toutefois noter d'ores et déjà qu'un consensus existe aux États-Unis pour considérer qu'une « Agence réglementaire indépendante » doit être avant tout composée de membres non susceptibles de révocation par le Président, sauf cause sérieuse c'est-à-dire que toute révocation discrétionnaire, de nature politique, est par principe, impossible. Par ailleurs, une telle « Agence indépendante » doit être dirigée par un organe collégial dont le nombre des membres appartenant à un même parti est le plus souvent limité. Elle doit en dernier lieu posséder à la fois un pouvoir réglementaire et un pouvoir quasi-juridictionnel, les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif devant être définies par la loi fédérale spéciale qui l'organise.

Seront successivement analysées les conditions d'organisation et d'indépendance de ces organes (II) puis leurs missions et le contrôle qui les caractérise (I). Il convient de présenter au préalable les éléments principaux du contexte américain de développement de ces « Agences réglementaires indépendantes ».

SECTION PRÉLIMINAIRE
LE DÉVELOPPEMENT DES « AGENCES RÉGLEMENTAIRES INDÉPENDANTES » DANS LE CADRE FÉDÉRAL AMÉRICAIN

Le système américain des autorités de régulation a été organisé en réponse aux insuffisances du cadre de l'économie de marché. Il s'agissait d'abord de remédier aux situations privilégiées injustifiées de certaines entreprises et d'introduire davantage d'équité dans la régulation. Il s'agissait ensuite de mettre en place un ensemble de règles de nature à apporter des garanties de prévisibilité et sécurité aux opérateurs dans le système.

Plusieurs décennies plus tard, des pressions inverses se manifestèrent pour remettre en cause, avec un succès variable le système établi et amorcer le mouvement de dérégulation. Certaines de ces pressions venaient de groupements de consommateurs, d'autres d'entreprises mécontentes du niveau d'avantages qu'elles retiraient du système. Le contexte américain d'insertion de ces organes de régulation est donc fait d'allers-retours et de compromis idéologiques et circonstanciés.

I. L'origine du système des « Agences réglementaires indépendantes »

A. Si les débuts du système fédéral de régulation remontent au XVIIIème siècle, l'encadrement des interventions des acteurs économiques s'impose véritablement au lendemain, seulement, de la guerre de Sécession, dans une période d'industrialisation croissante.

La première Agence réglementaire indépendante est la Commission du Commerce entre États (« Interstate Commerce Commission »), instituée par le Congrès en 1887 pour limiter le pouvoir des entreprises de transport ferroviaire d'imposer des tarifs élevés aux fermiers ou autres clients qui utilisaient ces services.

Au début du XXème siècle, d'autres organes sont crées à des fins de régulation économique, dans les secteurs du commerce (Federal Trade Commission, 1914) des communications (Federal Communications Commission, 1934), de l'énergie (Federal Power Commission, 1935) ou des transports maritimes (Federal Maritime Commission, 1936) ou aérien (Civil Aeronautics Board, 1938) Comme on peut le voir, la plupart de ces premières agences indépendantes sont apparues durant la grande dépression comme le moyen de parvenir à un équilibre entre les nécessités des industries émergentes et les besoins de protection des citoyens.

Ces organes se présentent avant tout comme des instruments du Congrès dans la mesure où ils sont institués en dehors de la sphère de contrôle du Président. Ils vont encore se développer à partir des années soixante dans les domaines de la régulation sociale.

B. Les États-Unis adoptent en effet dans cette période, de nombreux programmes en matière de santé, d'aide sociale ou de sécurité des citoyens.

Ainsi, à la fin des années soixante, les accidents industriels constituaient une première cause de décès aux États-Unis et le Congrès adopta en conséquence l'« Occupational Safety and Health Act » de 1970. Le but était de réduire le nombre d'accidents mortels dans l'industrie et leurs conséquences. Pour atteindre cet objectif, est créée « l'Occupational Safety and Health Review Commission » dont la mission est de définir des standards de protection, d'élaborer des réglementations, de contrôler le bon respect de ces standards et règles, de poursuivre les responsables et proposer des sanctions en cas de violation. Depuis lors, cette « Agence » a adopté près de deux mille pages de règles et de standards divers...

Cet impressionnant pouvoir réglementaire n'était pas l'apanage des « agences » indépendantes créées dans le premier tiers du XXème siècle, en raison de la doctrine libérale dominante de « laisser faire ». La Federal Trade Commission se voyait par exemple confier la mission de lutter contre les « pratiques concurrentielles injustes » par le « Clayton Act » de 1914 mais ne reçut qu'au début des années soixante-dix un véritable pouvoir réglementaire, et ne dispose toujours pas du pouvoir de sanction... Par contre, ces « Agences » apparaissent plus « indépendantes » que celles instituées à partir de 1960 qui se trouvent soumises à un contrôle plus marqué du Président...

La multiplication des « Regulatory Agencies » dans les années soixante et soixante-dix c'est-à-dire jusqu'au début de la Présidence Reagan n'entraîne pas ainsi une augmentation corrélative de nombre des « Agences indépendantes ».

En effet, si ces « Regulatory Agencies » passent de 28 en 1960 à 56, soit un doublement, en 1980, la plupart des nouvelles « Agences » créées ne répondent pas aux critères d'indépendance et apparaissent plus liées à l'Exécutif.

II. L'évolution du système des « Agences réglementaires indépendantes »

Durant les années soixante-dix, de nombreuses études tendent à démontrer que le système de régulation fédérale constitue un obstacle à la croissance économique, limitant notamment la concurrence au sein du secteur privé. Ces préoccupations légitiment ainsi le mouvement de « déréglementation » (« dérégulation ») fondé sur un retour aux principes de libre-concurrence et à la recherche de tarifs moindres pour le consommateur qui va caractériser la période récente.

La première illustration est la loi sur la déréglementation du transport aérien de 1978 « Airline Deregulation Act » adoptée sous l'administration Carter.

Un autre élément majeur d'évolution se trouve dans le rôle croissant du Président en matière de régulation et de contrôle des Agences fédérales. Les deux mandats du Président Reagan, fortement hostile au système de régulation, consacrent ainsi l'encadrement du phénomène, à travers notamment la nomination à la tête des Agences fédérales, de personnes totalement acquises aux exigences de « déréglementation ».

L'impact de la Présidence Clinton en matière de régulation apparaît limité. Une certaine continuité avec l'ère Reagan se manifeste, avec toutefois davantage de flexibilité dans les relations entre l'Exécutif et les Agences fédérales et donc une marge d'autonomie plus grande pour ces dernières.

Enfin, l'arrivée au pouvoir de George W. Bush se traduit sans surprise par une hostilité renouvelée au système de régulation et un resserrement, souhaité par les milieux d'affaire, du contrôle de l'Exécutif sur les Agences fédérales, notamment dans le secteur de l'énergie...

A. Modalités d'organisation et indépendance des « Agences réglementaires indépendantes » (I.R.A.)

Les « Independant Regulatory Agencies » (IRA) s'inscrivent dans un ensemble fédéral composé de trois types d'organes :

- Le bureau exécutif du Président (Executive Office of the President) crée en 1939 : il comprend 1600 agents répartis autour de treize services, incluant notamment l'« Office of Management and Budget » (OMB), le « National Security Conseil » (NSC), le « Council of Economic Advisers » (CEA) et l'« Office of the Vice-Président ».

Ces organes sont considérés comme « staff agencies » qui à la différence de « line agencies » n'ont aucune fonction d'administration proprement dite, leur seule mission étant de conseiller le Président.

- Les Agences de niveau « ministériel » (« Cabinet-level Agencies ») au nombre de quatorze.

Elles emploient 1,6 million d'agents.

- Les Agences réglementaires indépendantes et les autres organismes gouvernementaux autonomes. On en recense une soixantaine regroupant plus d'un million d'agents.

Après une croissance régulière, en termes d'effectifs, depuis le milieu du XXème siècle, cet appareil administratif fédéral voit sa taille décliner depuis une quinzaine d'années. En 1980, il comptait ainsi 2,9 millions d'agents contre 2 750 000 aujourd'hui, la différence s'expliquant principalement par la privatisation d'un certain nombre de services...

Au sein de cet ensemble, les « Agences réglementaires indépendantes » répondent à des critères d'identification spécifiques et occupent une place originale par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Il convient d'analyser ainsi, successivement les modalités d'organisation de ces Agences et leurs conditions d'indépendance effective.

1. Les modalités d'organisation

a) La distinction entre « Agences réglementaires indépendantes » et « Agences exécutives »

1- La définition du terme « Agence » (Agency) apparaît particulièrement extensive selon la loi sur la Procédure administrative (A.P.A.) de 1946 : Toute « autorité du gouvernement des États-Unis » exerçant une compétence fédérale est ainsi visée.

Le Congrès et les tribunaux fédéraux font partie des exceptions expresses et ne peuvent être une Agency. Le Président des États-Unis n'étant pas mentionné, parmi les exceptions, pourrait-il être qualifié d'« Agency ». La question n'a été tranchée par la Cour Suprême qu'en 1992, dans une décision « Franklin v. Massachusetts » (505. US. 788) qui considère que ce dernier n'est pas une « Agence » au sens de la loi sur la Procédure administrative, ne pouvant être par principe directement chargé par une loi de l'application de celle-ci...

Une autre catégorie d'« autorités gouvernementales » dont la qualification d'« Agence » apparaît problématique est celle des « Sociétés gouvernementales » (« Government Corporations »). Certaines sont expressément reconnues comme telles par la loi qui les organise. Il en va ainsi de l'« Overseas Private Investment Corporations » alors que pour d'autres, telles « Amtrak » sur la « Corporation for Public Broadcasting » la loi les instituant écarte la qualification d'« Agence ». En effet, lorsque le Congrès utilise la forme de « société anonyme » pour prendre en charge ce qui serait autrement une affaire « gouvernementale », il entend généralement éviter que soient applicables à ces entités, les procédures administratives relatives aux « Agences »...

Au total, le terme d'Agence recouvre de multiples réalités administratives au niveau fédéral, comme au niveau local, d'ailleurs. Les différents départements « ministériels », Justice, Intérieur, Transports etc... sont des « Agences » et d'autres organes situés à l'intérieur de ces départements ou à l'extérieur (« Freestanding Agencies ») peuvent être qualifiés d'« Agences ». C'est dans le cadre de ces « Freestanding Agencies » qu'il faut à présent identifier plus particulièrement les « Agences réglementaires indépendantes » (I.R.A.).

2- Les critères d'identification des Agences réglementaires indépendantes

La plupart des entités ne s'inscrivant pas dans le cadre d'un « département » sont des Agences indépendantes (I.R.A). Certaines, cependant, ont une autre qualification celle d'« Agences exécutives », tout en étant parfois dotées de fortes compétences réglementaires. La confusion s'accroît encore dans la mesure où exceptionnellement, certains organes situés à l'intérieur d'un Département ministériel peuvent être néanmoins qualifiés d'« Agences réglementaires indépendantes ». Il en va ainsi de la « Commission réglementaire fédérale de l'énergie » (« Federal Energy Regulatory Commission ») qui pour des raisons matérielles ou de « logistique » administrative se trouve au sein du Département de l'énergie, mais qui exerce ses fonctions de manière indépendante.

Quatre critères d'identification des IRA peuvent être dégagés, tant de la loi sur la procédure administrative que de la pratique fédérale, souvent complexe.

· La nature collégiale de l'organe de direction

À la différence des « Agences exécutives », les Agences indépendantes sont en principe dirigées par un organe collégial et non par une seule personne. Il s'agit généralement de commissions, bureaux, conseils ou conférences (Commissions, Boards, Councils or Conferences) composés de cinq à sept membres, nommés par le Président des États-Unis après accord du Sénat. (Advice and Consent of the Senate). Cette procédure mixte de nomination (Président et Sénat) suivie pour tous les emplois fédéraux de niveau élevé, constitue un premier élément de légitimité fonctionnelle des Agences indépendantes.

La « Federal Communications Commission », la « Federal Trade Commission » ou le « National Labor Relations Boards » sont ainsi dirigées par un bureau de cinq membres. Toutefois, par exception, certains organes dépourvus de direction collégiale peuvent entrer en raison de leur importante fonction autonome de régulation dans le champ des agences indépendantes. C'est le cas notamment de l'« Occupational Safety and Health Review Commissions », qui se situe, elle, de surcroît, au sein du Département du Travail (Department of Labor)...

· L'exigence de composition pluraliste

Si les dirigeants d'Agences exécutives sont généralement membres du parti du Président, les lois créant les Agences réglementaires indépendantes requièrent le plus souvent qu'une majorité simple de l'Agence seulement puisse émaner d'un même parti. En d'autres termes, dans une commission de cinq membres, trois seulement peuvent appartenir au même parti.

· L'exigence de mandats limités et décalés dans le temps

Les membres du bureau dirigeant d'une Agence indépendante sont nommés tout d'abord pour une durée prédéterminée, en général cinq ans, à la différence des personnels de direction d'une agence exécutive qui peuvent être désignés pour une période indéterminée et rester en fonction selon le bon vouloir du Président. De surcroît, les périodes de nomination des membres de l'Agence indépendante doivent être décalées pour éviter que le Président ne puisse dans le cadre d'un même mandat, remplacer d'un seul coup, l'ensemble d'une équipe dirigeante.

· L'absence de révocation discrétionnaire par le Président

Les membres du groupe de direction d'une Agence réglementaire indépendante ne peuvent être révoqués que pour motif sérieux et non à la discrétion du Président. Au contraire, les dirigeants d'une Agence exécutive peuvent être en général démis de leurs fonctions à tout moment et sans motif par le Président.

En conséquence, un désaccord d'ordre politique entre ce dernier et l'un des membres dirigeants d'une Agence indépendante ne saurait justifier sa révocation.

Ce critère apparaît décisif dans le contexte américain. Les Agences dirigées par des personnes que le Président ne peut pas révoquer à sa guise sont qualifiées d'« indépendantes ».

b. La structure des Agences réglementaires indépendantes

Après une présentation de synthèse des Agences réglementaires indépendantes présentes actuellement au niveau fédéral, sera plus particulièrement analysée la question de la composition des organes.

1- Présentation générale

S'il n'existe aucun recensement officiel des seules Agences Réglementaires indépendantes des États-Unis (« Independant Regulatory Agencies »425, l'application des quatre critères dégagés précédemment peut permettre de dresser la liste potentielle ci-après. Cette tentative de recensement met notamment en évidence l'importance de l'intervention d'un texte législatif spécifique, à l'origine de la création de l'Agence. Une telle loi fédérale fixe en effet généralement la nature, les statuts et les missions de l'organisme. Elle conditionne également le contrôle qui sera exercé, marquant la position particulière de ces agences indépendantes entre Pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Par ordre alphabétique, seront ainsi présentées les « agences réglementaires indépendantes » illustrant principalement le système américain :

- COMMODITY FUTURES TRADING COMMISSION

· Instituée comme Agence indépendante par le « Commodity Futures Trading Commission Act » de 1974 (7. U.S Code 4 a).

· Fonctionnant depuis 1975, son autorité pour réguler certains marchés a été renouvelée par le Congrès en 1978, 1982, 1986, 1992, 1995 et 2000.

· Comprend cinq commissaires (l'un d'eux étant désigné par le Président comme « Chairman ») nommés pour une période de cinq ans (Président et Sénat).

- CONSUMER PRODUCT SAFETY COMMISSION

· Instituée par le « Consumer Product Safety Act » (15 U.S Code 2051)/

· Intervient dans le cadre de la protection de la sécurité du consommateur et de la prévention des risques dans divers secteurs de consommation (en vertu notamment du « Hazardous Substances Act » ou du « Poison Prevention Packaging Act » de 1970).

· Comprend cinq commissaires dont un Chairman (nomination par le Président et le Sénat) nommés pour sept ans. Emploie près de mille agents dont treize avocats répartis sur trois divisions régionales.

- DEFENSE NUCLEAR SAFETY BOARD

· Instituée en 1988 par le « Atomic Energy Act » de 1984 amendé en 1987.

· Compétente en matière de sûreté nucléaire.

· Comprend un bureau de cinq membres (nomination par le Président et le Sénat) choisis parmi des experts américains reconnus en ce domaine.

- EQUAL EMPLOYMENT OPPORTUNITY COMMISSION,

· Instituée par le Civil Rights act de 1964- Title IV (42 U.S. Code 2000 e-4)

· Chargée de veiller à la bonne application des exigences fédérales, de non-discrimination en matière d'emploi.

· Comprend cinq commissaires nommés par le Président des États-Unis après accord du Sénat, pour cinq ans, le Président désignant le « Chairman » et « Vice-Chairman ». La Commission emploie plus de 3600 agents dont 144 avocats répartis sur cinquante divisions régionales.

- FEDERAL COMMUNICATIONS COMMISSION

· Instituée par le « Communications Act » de 1934 (47 U.S Code 151).

· Compétente en matière de régulation de l'ensemble des communications intérieures ou vers l'étranger.

· Composée de cinq membres, nommés pour cinq ans (par le Président et le Sénat), elle emploie près de 2300 agents dont 250 avocats, répartis sur cinq divisions régionales.

- FEDERAL ELECTION COMMISSION

· Instituée par le « Federal Election Campaign Act » de 1971 (2 U.S Code 437 c).

· Chargée de l'application de la réglementation des campagnes électorales.

· Composée de six commissaires nommés pour six ans (par le Président et le Sénat), elle emploie 270 agents dont 42 avocats.

- FEDERAL MARITIME COMMISSION

· Instituée par une loi de 1981 et dotée de compétences notamment par le « Shipping Act » de 1984 et le « Shipping Practices Act » de 1988.

· Chargée de la régulation des activités commerciales maritimes américaines.

· Composée de cinq commissaires nommés selon les modalités précédentes.

- FEDERAL MINE SAFETY AND HEALTH REVIEW COMMISSION

· Instituée par le « Federal Mine Safety and Health Act » de 1977 (30 U.S Code 801).

· Veille au respect des standards de santé et de sécurité définis pour l'ensemble des activités minières du pays.

· Composé de cinq commissaires nommés pour dix ans, l'un d'entre eux étant désigné « Chairman » par le Président.

- FEDERAL RETIREMENT THRIFT INVESTMENT BOARD

· Instituée comme Agence indépendante par le « Federal Employees Retirement System Act » de 1986 (5 U.S Code 8351).

· Chargée d'administrer un système d'épargne retraite bénéficiant aux agents fédéraux.

· Composée de cinq membres au niveau du Bureau (Board) qui nomment un « Executive Director ».

- FEDERAL TRADE COMMISSION

· Instituée en 1914 par le « Federal Trade Commission Act » (15 U.S Code 41-58).

· Chargée de réguler les pratiques commerciales et promouvoir la concurrence.

· Composée de cinq commissaires nommés pour sept ans (par le Président et le Sénat), elle emploie plus de deux mille personnes dont 311 avocats répartis en dix divisions régionales.

- NATIONAL LABOR RELATIONS BOARD

· Instituée par le « National Labor Relations Act » de 1933 (Wagner Act, 29 U.S Code 167).

· Chargée de veiller au respect des droits des salariés du secteur privé dans les relations du travail.

· Composée de cinq membres du bureau nommés pour sept ans, elle emploie plus de 3000 personnes dont 650 avocats répartis sur dix divisions régionales.

- NUCLEAR REGULATORY COMMISSION

· Instituée par l'« Energy Reorganization Act » de 1974 (42 U.S Code 5801)

· Chargée de réguler l'utilisation civile de l'énergie nucléaire à des fins de protection de la santé et de l'environnement.

· Composée de cinq commissaires nommés pour cinq ans (par le Président et le Sénat), elle emploie plus de 3000 personnes dont 65 avocats, répartis sur cinq divisions régionales.

- OCCUPATIONAL SAFETY AND HEALTH REVIEW COMMISSION

· Instituée par l'« Occupational Safety and Health Act » de 1970 (29 U.S Code 651-678).

· Chargée d'assurer le règlement des conflits relatifs à des conditions de travail dangereuses.

· Comprend trois commissaires, dont un « Chairman », nommés pour six ans.

- SECURITIES END EXCHANGE COMMISSION

· Instituée par le « Securities Exchange Act » de 1934 (15 U.S Code 78 a-785)

· Intervient pour garantir la sécurité des marchés financiers et des transactions.

· Composée de cinq commissaires, nommés pour cinq ans (par le Président et le Sénat), elle emploie près de 2200 personnes dont 710 avocats répartis en neuf divisions régionales.

- UNITED STATES INTERNATIONAL TRADE COMMISSION

· Instituée en tant qu'Agence indépendante par une loi de 1916 modifiée par le « Trade Act » de 1974 (19 U.S Code 2231).

· Chargée de réguler les pratiques commerciales internationales et garantir notamment le respect des règles de concurrence dans l'importation de marchandises aux États-Unis.

· Composée de six commissaires nommés pour neuf ans, trois au maximum pouvant appartenir au même parti, elle est dirigée par un « Chairman » désigné pour deux ans et dont le successeur ne pourra appartenir au même parti politique.

Les quinze Agences réglementaires indépendantes qui précèdent, répondent de manière classique aux quatre critères d'identification dégagés. De nombreuses Agences peuvent être qualifiées d'« indépendantes » dans le cadre fédéral américain mais ne constituent pas pour autant des « Independant Regulatory Agencies » en raison de leur trop faible pouvoir réglementaire ou quasi-juridictionnel.

2- Les problématiques de composition des organes dirigeants des Agences indépendantes

a) Le caractère pluraliste de la composition de l'organe dirigeant, appelé « Board » ou « Commission » pour refléter sa collégialité, constitue, comme nous l'avons vu précédemment, un critère décisif d'identification des Agences indépendantes.

Tous les organismes dotés d'une structure de direction collégiale entrent dans la catégorie des « Independant Regulatory Agencies » et presque tous ceux dirigés par une seule personne sont des « Exécutives Agencies ».

Le choix de structure reflète en effet, dans une large mesure politique, le choix politique à l'origine de la création de l'Agence et sa situation institutionnelle. Un organe dirigeant unique traduit une préoccupation première de responsabilité : soit la responsabilité de l'administrateur lui-même pour faute, négligence voire simple désaccord avec le Président, soit celle du Président pour avoir recruté ou maintenu à son poste le fautif ou l'incompétent...

À l'inverse, une structure collégiale est de nature à garantir l'indépendance de l'organe et de promouvoir sa neutralité et sa moindre vulnérabilité à l'égard des groupes d'intérêts (lobbys) ou de l'influence présidentielle.

En définitive, si le but est de développer un management de type « scientifique », une structure pluraliste de « Commission » sera retenue dans le cadre d'une I.R.A. Si la priorité est la responsabilité et le contrôle politique, un organe dirigeant unique sera institué dans le cadre d'une « Executive Agency ».

b) Des remises en cause du mode de composition des Agences indépendantes sont apparues dans la période récente. Soit parce que la qualité des commissaires se succédant dans telle ou telle Agence apparaissait médiocre, soit parce que le manque d'indépendance se révélait patent. Les controverses entourant le fonctionnement de l'importante Federal Trade Commission en constituent une bonne illustration.

- Depuis la création de l'agence en 1914, les commissaires ont été souvent recrutés sur seuls critères politiques, la Maison Blanche ou le Congrès se désintéressant parfois du degré de compétence des intéressés. Le manque de commissaire en matière de législation anti-trust est ainsi souvent relevé426... Le manque de diversité des formations des commissaires pour une Agence au champ d'action aussi étendu, est également contesté.

Ainsi aujourd'hui, la Direction de l'Agence compte quatre juristes et un militaire (aucun économiste, gestionnaire ou ancien chef d'entreprise...)

- Les insuffisances du système de nomination tiennent pour une bonne part au fait que les Présidents américains nomment, souvent sur ces postes, des amis politiques, « recalés » par exemple du suffrage universel...

Sur les soixante-quinze commissaires recrutés à la Federal Trade Commission depuis l'origine, près de la moitié ont été auparavant gouverneurs d'un État, membre du Congrès ou administrateur de la Maison Blanche ou au Congrès...

Or la répartition des commissaires rejaillit inévitablement sur l'image de l'Agence auprès du public ou du monde des affaires. Si les commissaires sont respectés, leurs décisions et l'ensemble du travail de l'Agence le sera aussi. Dès lors certaines propositions de réformes ont été émises.

La nomination des membres de l'organe dirigeant par le Président confère une autorité renforcée et demeure la meilleure des solutions. Toutefois un consensus se fait sur la nécessité pour le chef de l'Exécutif de mieux prendre en compte la compétence spécialisée et l'expérience nécessaires pour chaque poste et de ne pas considérer souvent ces fonctions comme des récompenses politiques. Par ailleurs, la réduction du nombre de membres à trois au lieu de cinq ou sept a été envisagée. Dans le cadre d'un rapport sur la Federal Trade Commission l'American Bar Association a ainsi proposé une telle réforme qui permettrait d'éviter notamment une dilution du pouvoir et pourrait davantage attirer, des experts reconnus, en raison d'une influence accrue des commissaires427.

Un filtrage des candidats par une commission extérieure, à caractère professionnel avant leur désignation par le Président, a aussi été envisagé pour apporter davantage de rationalité dans le système...

B. Les missions et le contrôle exercé sur les Agences réglementaires indépendantes

Si l'élément d'« indépendance » se rapporte aux liens entre les Agences et les pouvoirs législatif et exécutif et au contrôle exercé (2), par les « Agences réglementaires indépendantes » s'identifient aussi à travers les missions qui leur sont confiées (1).

1. Les fonctions exercées par les Agences réglementaires indépendantes

A. La nature des activités exercées

Pour entrer dans la catégorie des I.R.A, il faut que l'Agence dispose d'une véritable mission de régulation. De nombreux organismes administratifs indépendants intervenant en matière de médiation, de conseil, de telle ou telle activité, (...), ne peuvent donc recevoir cette qualification.

Deux types de missions se retrouvent ainsi prises en charge par les Agences réglementaires indépendantes.

a) La régulation d'activités privées dans l'intérêt général

La protection des consommateurs ou de l'environnement, la prise en compte de la santé ou la sécurité des personnes, la régulation des marchés ou divers objectifs socio-économiques justifient principalement l'octroi par le Congrès fédéral de missions réglementaires aux I.R.A.

Ainsi, la Consumer Product Safety Commission tend à protéger les consommateurs contre les risques « déraisonnables » de blessure, élabore des règles uniformes de sécurité, mène des enquêtes sur les causes de maladies ou accidents.

La Nuclear Regulatory Commission a pour mission de délivrer des licences et de réglementer l'usage civil de l'énergie nucléaire afin de protéger la santé publique et l'environnement.

De même, le National Transportation Safety Board est chargé de veiller à la sécurité de l'ensemble des modes de transport. Cet organisme définit les procédures à suivre pour les cas d'accident et conduit les enquêtes en matière de catastrophe aérienne, maritime, ferroviaire ou autre...

La Federal Trade Commission a quant à elle pour mission de veiller à la bonne application des lois en matière de concurrence ou d'information du consommateur et de manière générale à la régulation des pratiques commerciales.

Autre exemple, la puissante Securities and Exchange Commission est chargée de l'application des lois fédérales en matière de placements financiers. Elle doit ainsi garantir la sécurité et la transparence des marchés financiers en prononçant le cas échéant les sanctions nécessaires.

b) Les fonctions quasi-juridictionnelles

Certaines Agences indépendantes se voient confier par le Congrès d'importantes missions en matière de poursuite ou de jugement.

Ainsi, l'Equal Employment Opportunity Commission, chargée d'appliquer les dispositifs fédéraux anti-discriminatoires, conduit à cette fin des enquêtes pour dégager les éléments de preuve et entamer le cas échéant des poursuites judiciaires. La Federal Maritime Commission assure de son côté, entre autres fonctions, une importante mission de règlement alternatif des conflits (Alternative Dispute Resolution).

En ce qui concerne les activités quasi-juridictionnelles, la Federal Mine Safety and Health Review Commission règle, dans sa formation de justice administrative, sous la direction d'un Chief Administrative Law Judge, les litiges liés à l'application du Federal Mine Safety and Health Act de 1977.

Elle tranche ainsi des requêtes émanant de l'Administration de tutelle aussi bien que des exploitants miniers, des mineurs ou de leurs représentants.

De même, l'Occupational Safety and Health Review Commission est chargée de trancher des litiges renvoyés par le Département du Travail et concernant des violations aux règles de sécurité constatées par l'Administration dans des entreprises. Les employeurs ont la possibilité d'intenter une action pour contester les résultats de l'enquête et les employés ou leurs représentants peuvent de leur côté remettre en cause les mesures correctrices prévues par l'Administration ou leurs délais de réalisation.

D'autres enfin, comme la Securities Exchange Commission, ont à la fois une fonction de poursuite des infractions devant les tribunaux et un pouvoir de sanction sur le plan professionnel des auteurs des infractions.

B. La diversité des modes d'intervention

Au regard des champs d'activité précédemment évoqués, trois types d'intervention caractérisent principalement le système des I.R.A.

a) Le pouvoir réglementaire des I.R.A

Il s'agit d'un véritable pouvoir de décision à portée générale qui constitue un des critères d'identification des I.R.A. La plupart son dotées d'un tel pouvoir dont l'ampleur varie selon les organes considérés. On notera toutefois quelques exceptions, par exemple celui de l'« Equal Employment Opportunity Commission » qui si elle exerce un pouvoir quasi-juridictionnel, ne dispose pas, dans son domaine, d'un tel pouvoir réglementaire.

La Nuclear Regulatory Commission compte en revanche parmi les Agences indépendantes dotées d'un important pouvoir réglementaire lié à l'octroi des autorisations nécessaires à l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins civiles.

De même, la « Securities and Exchange Commisssion » fixe les règles entourant les pratiques boursières et définissant les situations de fraude et les moyens de les prévenir.

b) Le pouvoir quasi-juridictionnel des Agences

Le Congrès américain a doté certaines Agences de pouvoir trancher les litiges relatifs au domaine spécialisé considéré. Comme un tribunal, l'Agence applique alors la règle existante à une situation de fait après l'avoir interprétée. Il s'agit le plus souvent de déterminer si tel organisme, objet de la surveillance, n'a pas violé une règle définie par la loi ou par une réglementation de l'Agence elle-même.

Ce dispositif d'« adjudication » peut aussi être utilisé pour déterminer si un individu ou une entreprise remplisse les critères nécessaires pour recevoir tels permis ou aides ou bien doivent se les voir refuser.

Ainsi la Federal Maritime Commission règle des litiges en matière de commerce maritime après avoir tenu des audiences et entendu les arguments des parties en présence en vertu des règles de procédure administrative quasi-contentieuse prévues par la loi sur la Procédure Administrative de 1946.

De même la Federal Mine Safety and Health Review Commission statue sur des litiges relatifs à l'application des mesures de sécurité ou de sanctions touchant les exploitations minières. Elle se prononce également sur toutes actions en réparation intentées par les mineurs à leurs représentants.

Autre exemple d'Agence indépendante dotées d'importants pouvoirs quasi-juridictionnels, l'« Occupational Safety and Health Review Commission » se prononce sur les actions intentées par des employeurs ou employés du secteur privé ou leurs représentants. La procédure devant les « juges administratifs » de la Commission débute lorsqu'une citation à comparaître émise à l'encontre d'un employeur après inspection menée par la Commission elle-même, est contestée dans les quinze jours. À l'audience, il incombe au Département du Travail (Secretary of Labor) d'apporter la preuve de la violation de la loi fédérale de 1970 sur la sécurité du travail.

Après audience, le juge désigné rend une décision motivée en fait et en droit. Celle-ci est susceptible d'appel devant l'organe de direction de l'Agence, composé des trois commissaires, dans les trente jours.

Toute partie intéressée peut après décision finale rendue par le Commission, porter l'affaire devant la « United States Courts of Appeals ».

c) Le pouvoir d'enquête

Des missions d'enquête se trouvent confiées à la plupart des Agences réglementaires indépendantes.

Elles sont en effet généralement chargées de déterminer s'il y a eu violation de la loi fédérale qu'elles doivent appliquer ou des réglementations qu'elles ont émises.

À cette fin, elles peuvent disposer du pouvoir de contraindre des personnes à communiquer certaines informations ou d'inspecter les locaux où ces personnes travaillent ou résident.

Elles utilisent notamment « subpoena power », c'est-à-dire le pouvoir de citer une personne à comparaître avec l'obligation de produire des documents ou objets demandés à des fins d'inspection.

La Federal Trade Commission peut ainsi ordonner la production de tous éléments de preuve documentaire et la déposition de témoins. Elle peut ensuite utiliser l'information recueillie pour déterminer s'il y a eu violation de la loi sur le commerce fédéral qui interdit toutes pratiques anti-concurrentielles ou déloyales. Elle peut aussi recueillir à des fins d'études ou rapports avant notamment l'élaboration de règles ou directives.

Le Congrès peut aussi doter une Agence indépendante du pouvoir d'ordonner la communication régulière et périodique d'informations détenues par des entités privées sous contrôle. À ce titre, l'Occupational Safety and Health Commission peut ordonner à tout employeur de lui transmettre les informations relatives à la maladie ou au décès de ses employés. Cette communication permet à l'Agence de déclencher ainsi une procédure spécifique visant à déterminer s'il y a eu ou non violation de la réglementation. De même, cette Agence indépendante peut mener des investigations régulières dans les locaux privés, afin de vérifier l'application de la loi.

Si un employeur refuse l'accès de ses services à un inspecteur, l'Agence utilisera un « inspection power » pour l'y contraindre.

Autre exemple, la Federal Communications Commission peut mener toute enquête sur une action ou une carence d'un opérateur, sur la bonne application des exigences de sécurité ou de protection des personnes handicapées, etc...

La Securities and Exchange Commission peut de même enquêter sur toute opération susceptible de constituer une violation des réglementations financières fédérales. Elle peut de surcroît mener ses investigations au-delà du territoire américain. Elle a été ainsi habilitée à négocier des conventions bilatérales d'échanges d'informations avec des organismes ou États étrangers. Des conventions ont été ainsi passées entre bourses américaines et bourses étrangères et pour mettre en place des mécanismes de coopération en matière de recherche d'infractions.

On notera enfin que l'« United States International Trade Commission » a été avant tout instituée pour mener des enquêtes sur toutes pratiques commerciales affectant les relations internationales des États-Unis. Elle contrôle ainsi notamment la bonne application des règles en matière d'importation.

2. Le contrôle exercé sur les Agences réglementaires indépendantes

Trois formes de surveillance ou de contrôle s'exercent sur les Agences indépendantes. Il s'agit successivement de contrôle politique, budgétaire ou juridictionnel.

A. Le contrôle politique

a) Les principes

Toutes les Agences fédérales américaines, qu'elles soient qualifiées d'« Executive » ou d'« Independent » entretiennent des relations suivies tant avec la Présidence que le Congrès. Ces relations relèvent souvent autant de la politique que du droit.

Historiquement, les Agences fédérales indépendantes apparaissent d'abord liées au Congrès. Celui-ci les institue par une loi spéciale et surtout entend les placer hors d'atteinte de l'Exécutif, en prévoyant dans leur statut que le Président ne peut discrétionnairement révoquer les dirigeants d'une I.R.A. il les nomme avec l'avis et le consentement du Sénat mais ne peut mettre fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou pour une faute professionnelle patente.

Un consensus s'est toutefois opéré aux États-Unis pour considérer que les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'équilibre des pouvoirs fédéraux conduisent à admettre au moins une parité entre les interventions respectives du Congrès et du Président à l'égard des Agences indépendantes428. Les arguments en faveur de l'unicité du pouvoir exécutif (« Unitory Executive ») consistent à faire valoir la nécessité pour le Président de contrôler les modes de fonctionnement des organes exécutifs pour contrebalancer le pouvoir du Congrès de déterminer leur structure générale.

La Cour suprême a entériné une telle conception de l'équilibre entre les pouvoirs en matière d'Agences indépendantes, dans une importante décision « Buckley v/ Valeo » de 1976429. Dans cette affaire, était en cause une disposition du « Federal Election Act » qui prévoyait la possibilité de nominations directes par le Congrès de membres de la « Federal Election Commission ». La Cour considère à cette occasion que dans la mesure où la Commission n'a pas seulement une fonction d'enquête mais aussi une fonction réglementaire, qui constitue une compétence traditionnelle de nature exécutive et qu'à ce titre elle ne peut être confiée qu'à des agents nommés par le Président ou autres autorités exécutives, avec le cas échéant avis et consentement du Sénat.

b) La pratique

Dans ce contexte, le Congrès exerce une première série de contrôles sur les Agences dont il détermine la structure et le statut :

- Demande de rapports périodiques aux Agences indépendantes ;

- Conduites d'enquêtes par les Commissions du Congrès sur l'action des Agences ;

- Tenues d'audiences permettant de parfaire l'information du Congrès et d'obtenir justifications et contenus des actions menées.

De surcroît, le Congrès dispose de l'arme budgétaire, l'affectation des crédits étant un moyen d'influence important et suscitant par la suite maintes vérifications budgétaires.

Un dernier argument souligne dans la pratique l'influence potentielle du Congrès et ses diverses commissions disposent généralement d'une « durée de vie politique » plus grande que celles de l'Exécutif, gage de relations continues et étroites entre contrôleur et contrôlés.

Toutefois, dans la période contemporaine, le contrôle de l'Exécutif sur les Agences indépendantes s'est régulièrement renforcé, sous-tendu par les exigences constitutionnelles de séparation et d'équilibre des pouvoirs rappelées par la Cour Suprême dans la décision précitée de 1976 « Buckley v. Valeo ».

Il faut tout d'abord relever plusieurs éléments marquant une certaine dépendance des Agences à l'égard de l'Exécutif.

- Les biens des I.R.A, comme ceux des autres Agences Exécutives, sont administrés par la « General Services Administration » rattachée à l'Exécutif et les contrats passés s'inscrivent dans le même régime juridique fédéral.

- Le Département de la justice représente les Agences indépendantes dans les procédures judiciaires. Celles-ci ne disposent pas généralement du pouvoir d'agir en justice et doivent donc demander au Département de la Justice de les représenter. Si ce dernier refuse ou adopte des positions différentes de celle de l'Agence, seul le Président peut intervenir alors auprès de l'Attorney general pour débloquer la situation. En outre, dans l'hypothèse où quelques Agences, comme le National Labor Relations Board disposent d'un pouvoir d'agir directement en justice, il se limite au niveau de l'appel, les actions devant la Cour Suprême étant prises en charge par le « Solicitor General » qui travaille directement en accord avec l'Attorney General et donc le Président.

- L'« Office of Personnel Management » et le « Merit System Protection Board » sont chargés de réguler pour l'ensemble des services, y compris ceux des Agences indépendantes, les recrutements de personnels, grilles de rémunération et créations de postes de cadres... L'affectation de locaux aux Agences dépend de même, pour une bonne part, de l'Exécutif fédéral.

- La protection du secret dans un but d'intérêt national est assurée par le biais d'Executive Orders pris par le Président qui définissent les actes concernés, les conditions d'accès et l'étendue de la confidentialité. Il revient également à l'administration fédérale de déterminer la liste des personnes autorisées dans chaque Agence à accéder à certaines données confidentielles.

- L'Office of Management and Budget (OMB) qui fait partie du Bureau Exécutif du Président (Executive Office of the Président) joue par ailleurs un important rôle de coordination en matière de demande de crédits par les Agences, dans le cadre de la formulation d'un projet de budget exprimant les priorités retenues par le Président.

De manière générale, des relations privilégiées vont ainsi s'établir entre l'Exécutif et les Agences indépendantes d'abord parce que le contrôle du Congrès peut être aussi politique que celui du Président et avec 535 membres du Congrès, beaucoup plus compliqué. Il peut être utile par ailleurs pour ces Agences d'avoir l'Exécutif pour allié, lorsqu'elles sont confrontées aux investigations du Congrès.

Elles partagent ainsi avec l'Exécutif, la même volonté d'administrer la chose publique dans l'intérêt général et sont souvent très enclines à être associées aux choix de l'Exécutif dans divers secteurs de politique nationale. Toutefois, dans la mesure où elles détiennent par statut, un pouvoir décisionnel, elles obtiennent ainsi le respect par le Président, de l'indépendance d'exercice de ce pouvoir.

En définitive, le contrôle exercé par le Président se manifeste par trois voies principales :

- Le pouvoir de nomination permet au Président de tisser des liens particuliers avec les membres des organes dirigeants des Agences et en particulier le Chairman qu'il désigne seul. Il peut exercer ainsi à travers lui un certain contrôle politique efficace des orientations de l'Agence. De manière générale, l'étroitesse des relations s'explique aussi par le désir des membres des Agences indépendantes d'être renouvelés dans leurs fonctions par le Président, à l'expiration de leur mandat.

- Le pouvoir de demander aux membres des Agences indépendantes de rendre des comptes par écrit sur leurs activités constitue une seconde prérogative de contrôle présidentiel. Qualifiés d'« Officers of the United States », depuis la décision « Buckley v. Valeo », ils doivent produire sur demande du Président, comme tout responsable d'un organe exécutif fédéral, tout rapport d'information, (« opinion in writing »). Le Président dispose donc comme le Congrès d'un pouvoir d'information et de contrôle à l'égard des Agences indépendantes.

- Le pouvoir de veiller à la bonne application des lois fonde enfin un troisième mode de contrôle du Président. Ce pouvoir (« Responsability of the President to take care that the laws be faithfully executed ») prévu par l'article II, § 3 de la Constitution fédérale, se trouve au cœur de la conception unitaire du pouvoir exécutif (« United Executive »). Il implique la nécessité pour le Président d'avoir des relations régulières avec l'ensemble des organes fédéraux chargés de l'exécution des lois. Il veille ainsi à promouvoir la coordination et l'efficacité des mesures fédérales et autres programmes d'application des lois. On considère en effet généralement aux États-Unis que les Agences indépendantes n'ont pas une responsabilité politique et une légitimité fonctionnelle suffisantes pour assurer ces tâches isolément.

B. Le contrôle budgétaire

Les Agences indépendantes se trouvent sous la surveillance et le contrôle tant du Congrès que de l'Exécutif, en matière budgétaire.

Le Congrès vote le budget de l'Agence. Il détermine le montant total des dépenses autorisées et prévoit parfois certains crédits pour des programmes spécifiques. Il peut ainsi être amené à évaluer certaines activités afin de juger les mérites de programmes d'action souvent coûteux.

Il ne s'agit toutefois que de possibilités relativement marginales, le Congrès étant pour l'essentiel amené à accepter en bloc ou à réduire en bloc les demandes de crédits des Agences indépendantes et à contrôler la régularité de leurs comptes. L'arme budgétaire s'avère donc à la fois décisive mais peu maniable.

Le Président américain dispose également de la possibilité de contrôler les I.R.A à travers le budget. Il peut ainsi recommander au Congrès de réduire ou d'augmenter les fonds d'un organisme même si le Congrès n'est jamais tenu de suivre une telle recommandation. Le Président ne fait ainsi qu'exprimer une volonté politique qui aura plus ou moins de poids selon le contexte politique du moment.

Il peut par contre agir de manière plus efficace par l'intermédiaire de l'Office of Management and Budget (OMB). Ce dernier, placé sous l'autorité de la Présidence, négocie avec l'ensemble des Agences indépendantes, les demandes d'allocation de crédits. L'OMB n'analyse pas en général les demandes dans le détail et se contente le plus souvent d'indiquer l'enveloppe globale et la répartition entre les principaux services internes à l'Agence. L'OMB exerce également une influence à travers les circulaires et guides qu'il publie, dans le cadre de l'application des règles de comptabilité publique.

C. Le contrôle juridictionnel

Qu'il s'agisse de l'exercice de leurs pouvoirs réglementaire ou quasi-juridictionnel, les Agences indépendantes se trouvent soumises au contrôle juridictionnel général.

Les tribunaux fédéraux sont ainsi amenés en particulier à vérifier qu'en ordonnant la production d'informations, ou la déposition de témoins, en menant des enquêtes ou en réglementant certains secteurs privés d'activités, une Agence fédérale n'a pas outrepassé les limites du pouvoir qui lui est attribué par le Congrès ou violé certaines garanties constitutionnelles fédérales.

Quelques éléments de spécificité marquent toutefois ce contentieux fédéral.

- Si toute décision d'une Agence est par principe susceptible de recours, la loi sur la Procédure Administrative de 1946 prévoit cependant la possibilité pour le Congrès d'y déroger de manière limitée.

- En second lieu, la loi de 1946 comme la common law fédérale impliquent que soit seule susceptible de recours, la décision de l'Agence réputée « définitive » ou après que le requérant a épuisé l'ensemble des recours administratifs disponibles.

Le requérant doit par ailleurs présenter un intérêt pour agir suffisant. Sous ces réserves, trois séries de contentieux se dégagent principalement :

· Cas où l'agence aurait dépassé ses compétences statutaires ou constitutionnelles.

· Cas où la décision de l'Agence serait dépourvue de base factuelle suffisante.

· Cas où l'Agence n'aurait pas fourni une motivation suffisante pour justifier son action.

Le contrôle juridictionnel peut s'avérer très important, notamment à l'égard des Agences dotées de pouvoirs quasi-juridictionnels. Ainsi les juridictions fédérales sont-elles saisies par de nombreux recours concernant par exemple les « jugements » rendus par la Federal Trade Commission. Elles se trouvent dès lors amenées à préciser le sens des lois anti-trust et les pouvoirs de la Commission. Ainsi, après avoir reconnu, depuis notamment une décision de 1966430, la prééminence de la Commission pour déterminer ce qui constitue une méthode déloyale de concurrence, la Cour suprême a sensiblement réduit en ce domaine l'autorité de la F.T.C431.

En guise de conclusion, on relèvera le problème particulier posé par l'insertion de ces Agences réglementaires indépendantes dans le contexte constitutionnel américain de séparation des pouvoirs. Ces organes tendent à combiner en effet souvent les trois fonctions législative, exécutive et judiciaire.

De surcroît, ces Agences qualifiées parfois de « Headless Fourth Branch of Government », ne sont pas directement responsables devant l'électorat. Le droit administratif américain a ainsi tendu depuis la Seconde Guerre mondiale à mieux encadrer leurs pouvoirs pour compenser, dans l'intérêt de la protection des personnes, ce manque de légitimité démocratique.

En définitive, au-delà de l'absence de modèle institutionnel unique qui se dégage de l'expérience américaine, cette diversité, qui caractérise aussi les situations européennes432, se trouve tempérée aux États-Unis par un régime commun de procédure et des exigences de transparence et de responsabilité.

GRÈCE

par M. Théodore FORTSAKIS
professeur à l'Université nationale et capodistrienne d'Athènes
(Faculté de Droit) avec la collaboration de Mme Th. SOUMA,
avocate, Université d'Athènes

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L'institution des autorités indépendantes est un phénomène relativement récent dans l'ordre juridique hellénique. Une première tentative d'introduction en a été la Commission de la concurrence instaurée par la loi no 703/1777433, suivie en 1989 par la constitution du Conseil national de la radiotélévision. Un passage en revue de la mise en œuvre en Grèce de cette institution répandue depuis des décennies déjà dans l'ordre juridique français et américain permet d'en faire une première esquisse. C'est ainsi que peuvent être qualifiés d'autorités indépendantes des organes collectifs (en règle générale) appartenant à la personne morale de l'État, composés de membres désignés par les partis politiques ou par des organismes privés ou publics ou par le gouvernement (et, dans certains cas, approuvés par le Parlement) et dotés de compétences consultatives, voire même décisionnelles, soit pour la réglementation de l'exercice d'activités d'une importance particulière par des particuliers ou des personnes morales publiques, soit pour le fonctionnement de l'administration publique. La législation prévoit que leurs membres jouissent d'une indépendance personnelle et fonctionnelle et que leurs actes ne sont pas soumis au contrôle hiérarchique434. Les autorités indépendantes se voient confier d'ordinaire la surveillance étatique sur des secteurs sensibles de la vie sociale, économique et politique (par exemple, marché de l'énergie, télécommunications, médias), aux fins de réglementation sociale et de protection des libertés individuelles et des droits sociaux. Pour accomplir leur mission, les autorités indépendantes ont été munies de garanties d'indépendance face au pouvoir exécutif principalement et du pouvoir d'exercer une fonction normative, de juger certains litiges et d'infliger des sanctions. De plus, elles se distinguent par l'expérience, la spécialisation, l'autorité et le savoir technocratique des personnes qui les composent dans les matières de leur compétence.

La tendance à instaurer des autorités indépendantes435 en Grèce s'est renforcée dans les années 1990 en dépit de la nouveauté de l'institution et des résistances qu'elle soulevait au sein de la communauté scientifique et de la direction politique, en considération tant de sa conformité avec les bases organiques du régime hellénique politique grec - et notamment le principe de la séparation des pouvoirs - que de son efficacité dans la pratique436. Cette même tendance a été scellée en partie par la révision de la Constitution grecque de 1975/1986, qui a été opérée en 2001437 et a conduit à la consécration constitutionnelle de cinq autorités indépendantes, citées de manière limitative438, et à l'introduction d'une disposition plus générale décrivant leur statut. Plus précisément, la révision constitutionnelle de 2001 a abouti à la consécration constitutionnelle de quatre autorités indépendantes qui avaient déjà été créées par une loi, à savoir l'Autorité pour la protection des données à caractère personnel (art. 9A), le Conseil national de la radiotélévision (art. 15), l'Avocat du citoyen (art. 103, par. 9) et le Haut Conseil de sélection du personnel (art. 103, par. 7) ; et parallèlement, la Constitution a prévu la création d'une nouvelle autorité destinée à garantir le secret des lettres et la libre correspondance et communication (art. 19).

Les évolutions survenues au niveau constitutionnel, décrites ci-dessus, ont mené à une dichotomie du statut des autorités indépendantes (y compris au niveau de la terminologie) : c'est ainsi que dans la suite du présent exposé, il sera question, d'une part, d'« autorités indépendantes consacrées constitutionnellement ou constitutionnelles » (on entend comme telles celles qui sont citées de manière limitative dans le texte de la Constitution), et d'autre part, d'« autorités administratives indépendantes prévues par la législation » (autres formations qualifiées par leur loi fondatrice d'autorités indépendantes ou qui en présentent certains traits caractéristiques). Les lignes qui suivent donnent une description du statut général des autorités indépendantes des deux catégories et une évocation au cas par cas des différentes autorités indépendantes grecques.

Examinons tout d'abord le statut général des différentes autorités indépendantes (I), puis les réglementations particulières qui régissent chacune d'elles (II).

I - Le régime général

La communauté juridique grecque s'est penchée sérieusement sur le problème de la nature juridique des autorités indépendantes, en particulier du point de vue de l'insertion de cette institution dans l'une des trois fonctions traditionnelles : législative, exécutive ou judiciaire. Cela est dû à la diversité des compétences de ces autorités, qui sont, selon le cas, consultatives, normatives, de contrôle, de sanction et d'arbitrage439. D'ailleurs, alors que dans la doctrine s'est imposée la terminologie d'« autorité administrative indépendante », l'article 101A de la Constitution et sa loi de mise en application (no 3051/2002) parlent simplement d'«autorités indépendantes». Ainsi a-t-on pu dire que les autorités indépendantes n'appartiennent à aucune des fonctions traditionnelles mais constituent un « quatrième pouvoir »440. En tout cas, la science juridique grecque estime en général qu'elles doivent être intégrées au pouvoir exécutif441, en tant qu'organes administratifs appartenant à la personne morale de l'État442 et soumis au contrôle parlementaire et judiciaire.

Par conséquent, l'État est responsable, le cas échéant, de leurs actes ou omissions illégaux, conformément à l'article 105 de la Loi d'Introduction du Code civil. Soulignons que l'adoption par les autorités indépendantes de règles de droit (actes réglementaires) est permise en vertu d'une habilitation législative spéciale et définie, et uniquement pour la réglementation de questions plus particulières ou de questions ayant un intérêt local ou un caractère technique ou détaillé, conformément à la disposition de l'article 43, paragraphe 2, alinéa b, de la Constitution443.

Donc, les autorités indépendantes, selon ce qui est en vigueur d'une manière générale pour les organes administratifs, n'ont pas le pouvoir de poser des règles de droit autonomes, et il n'est pas question d'empiètement inconstitutionnel sur les pouvoirs du législateur.

1. Les « autorités indépendantes » constitutionnelles et les « autorités administratives indépendantes » prévues par la législation commune

Le législateur révisionnel de 2001, par le nouvel article 101A de la Constitution, a procédé à une consécration et réglementation constitutionnelles expresses, dans les grandes lignes, de l'institution des autorités indépendantes. Cependant, il s'ensuit du libellé de l'article 101A une dichotomie du statut des autorités indépendantes : les garanties accrues de constitution et de fonctionnement qui sont prévues par la Constitution et sa loi de mise en application (no 3051/2002) sont valables uniquement pour les cinq autorités expressément citées dans la Constitution.

La création d'autres autorités (administratives) indépendantes n'est pas interdite444 mais relève de l'appréciation du législateur ordinaire, qui réglemente aussi les détails de la constitution et du fonctionnement de chaque autorité sans être soumis ni aux restrictions constitutionnelles de l'article 101A ni à celles de sa loi de mise en application (no 3051/2002)445.

En tout cas, comme cela transparaîtra de tout ce qui sera exposé dans les lignes qui suivent, le statut juridique de ces deux catégories d'autorités indépendantes (constitutionnelles et simplement administratives, créées par une loi) présente de telles différences (quant au mode d'élection de leurs membres, à l'étendue de leur indépendance fonctionnelle et personnelle, à un contrôle parlementaire original, à la possibilité de procès internes), que leur différenciation sur le plan terminologique reste encore souhaitable à l'avenir446.

La consécration constitutionnelle des cinq autorités indépendantes fait qu'il est impossible de les supprimer par la voie législative ou de les dépouiller de leurs principales compétences (en les ramenant à des organes administratifs soumis à un contrôle hiérarchique par le gouvernement) d'une manière qui mette en jeu leur mission constitutionnelle. La même chose vaut pour les garanties de l'article 101A, de force générale, de la Constitution.

Pour ce qui concerne en particulier les deux autorités indépendantes constitutionnelles qui sont citées par le nom que leur avait déjà donné la loi qui les avait créées avant leur consécration constitutionnelle, à savoir l'Avocat du citoyen et le Conseil national de la radiotélévision, on peut même soutenir qu'il n'est pas permis de changer leur nom447. Assurément, il ressort du libellé des dispositions constitutionnelles (réserve législative expresse) un large pouvoir du législateur de réglementer les questions relatives à la constitution, au fonctionnement et aux compétences exactes des autorités indépendantes constitutionnelles.

Quoi qu'il en soit, l'accomplissement de leur mission par ces autorités dépend en grande part de leur encadrement en personnel scientifique et administratif et de la garantie de l'infrastructure et des ressources nécessaires pour que les garanties constitutionnelles ne restent pas lettre morte.

2. Les autorités indépendantes (constitutionnelles et législatives) et les organes du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire

La relation des autorités indépendantes avec la fonction exécutive et plus spécialement l'impossibilité que soit exercé un contrôle gouvernemental sur leurs actes soulèvent une problématique, dans la mesure où cela constitue une dérogation au principe de la responsabilité politique et de la légitimé démocratique du pouvoir exécutif. En effet, l'article 85 de la Constitution consacre, à travers la responsabilité politique du gouvernement et de ses membres, le contrôle juridique et politique de l'ensemble des activités du pouvoir exécutif, de sorte que l'on constate qu'ils répondent de manière continuelle au suffrage qui leur a été donné par le corps électoral. Dans le même temps, il relie ceux qui gèrent le pouvoir politique à l'institution représentative par excellence, le Parlement, et leur confère ainsi une légitimité démocratique. La constitution d'autorités indépendantes a été considérée comme une rupture potentielle du mécanisme d'équilibre consacré par le législateur constitutionnel avec le principe de la séparation des pouvoirs (art. 26 Const.)448. Évidemment, la question touche directement aux relations avec le pouvoir législatif, sur lesquelles nous reviendrons. En tout cas, la consécration de l'exercice du contrôle parlementaire sur les autorités indépendantes a été considérée comme le contrepoids institutionnel à la possibilité de créer des autorités publiques non contrôlées. Les paramètres plus particuliers des relations des autorités indépendantes constitutionnelles avec le pouvoir exécutif (notamment pour ce qui concerne la nature et l'étendue de la surveillance exercée sur elles) seront examinés plus bas, dans le paragraphe sur l'indépendance fonctionnelle de leurs membres.

Pour ce qui est de la relation des autorités indépendantes constitutionnelles avec le pouvoir législatif, l'article 101A, paragraphe 3, de la Constitution parle d'exercice sur celles-ci d'un contrôle parlementaire par le Parlement, conformément aux dispositions de son Règlement. L'article 43A du Règlement (2001) confie l'exercice d'un contrôle parlementaire sur les autorités indépendantes constitutionnelles à la Commission des institutions et de la transparence. L'article 138A du même Règlement prévoit la soumission, par chaque autorité indépendante constitutionnelle, d'un rapport annuel d'activités au président de la Chambre des députés449. Ce rapport est transmis à la Commission compétente de la Chambre (constituée exclusivement de membres de celle-ci, c'est-à-dire de députés), qui mène des débats sur l'œuvre accomplie par l'autorité indépendante constitutionnelle et soumet ses conclusions au président de la Chambre des députés. Les conclusions, qui comprennent aussi l'avis de la minorité, sont envoyées au ministre compétent et à l'autorité contrôlée. Le contrôle parlementaire englobe aussi la possibilité d'inviter les présidents ou des membres des autorités indépendantes à une audition par les commissions de la Chambre des députés, à l'initiative soit de la commission concernée soit de la Conférence des présidents de la Chambre.

Ces réglementations instaurent une relation durable de communication et de collaboration entre la Chambre des députés et les autorités indépendantes constitutionnelles. Ce modèle permet, dans le cas extrême de l'exercice d'une critique appuyée et d'un désaveu de l'activité d'une autorité indépendante constitutionnelle par la Chambre des députés, que ses membres soient incités à démissionner pour des raisons de dignité, si leur autorité est contestée. Mais il n'a pas été instauré de procédure de proposition de motion de censure contre les membres des autorités indépendantes constitutionnelles, si bien que, le cas échéant, leur démission n'est pas imposée juridiquement mais revêt un caractère symbolique450. La consécration d'un contrôle parlementaire des autorités indépendantes constitutionnelles est considérée comme faisant de celles-ci le « prolongement »451 de la Chambre lors du contrôle de l'activité administrative. Mais on a pu soutenir que de cette façon, l'institution était faussée et qu'apparaissait le risque de voir supprimer ou en tout cas limiter le rôle fonctionnel que, par définition, elles sont appelées à jouer452.

Par ailleurs, il est signalé que le contrôle exercé selon la Constitution par la Chambre des députés sur les autorités indépendantes constitutionnelles a une qualité institutionnelle et politique qui le différencie du contrôle parlementaire. Ce contrôle est exercé par l'intermédiaire du ministre compétent, qui exerce le contrôle hiérarchique (préventif et répressif) sur les services centraux et périphériques qui relèvent de son ministère, et il est le supérieur direct ou ultime, hiérarchique et disciplinaire, des agents de l'État qui y sont employés. De plus, chaque ministre exerce la surveillance administrative sur les personnes morales publiques qui relèvent de son ministère. Ces compétences du ministre font qu'il est politiquement responsable de l'activité des services et des organismes en question et permettent de lui adresser ainsi qu'au gouvernement globalement une motion de censure pour leurs actes ou omissions. Dans le cas des autorités indépendantes, l'impossibilité pour le ministre compétent d'exercer un contrôle administratif sur leurs actes fait qu'il est politiquement irresponsable de leurs activités. Il faudra toutefois admettre que le ministre qui exerce la « surveillance » prévue par différentes lois sur une autorité indépendante (« surveillance » dont le contenu ne coïncide pas avec la surveillance administrative, voir en détail plus bas) porte une responsabilité politique dans le cas où il n'exécute pas les obligations qui lui incombent, dans le cadre de cette « surveillance », par rapport au fonctionnement normal des autorités indépendantes pour lesquelles cette « surveillance » est prévue (par exemple, omission de leur assurer des moyens de fonctionnement).

La relation des autorités indépendantes non constitutionnellement garanties avec la Chambre des députés n'est pas régie par les réglementations précitées453 mais par les dispositions contenues dans la loi fondatrice de chacune d'elles. Dans un certain nombre de cas, les lois qui réglementent le fonctionnement des diverses autorités indépendantes consacrent un contrôle quasi parlementaire, similaire à celui qui est exercé sur les autorités indépendantes constitutionnelles, notamment sous forme de soumission de conclusions par la Chambre des députés sur une base annuelle454. En tout cas, le Règlement de la Chambre (art. 38) accorde aux commissions de celle-ci la possibilité d'inviter à une audition les membres des autorités indépendantes régies par la loi, en tant que personnalités extraparlementaires.

Pour ce qui est de la relation des autorités indépendantes constitutionnellement garanties avec le pouvoir judiciaire, la loi no 3051/2002 (art. 3, par. 8) prévoit que les décisions exécutoires des autorités indépendantes constitutionnelles sont susceptibles d'un recours en annulation devant le Conseil d'État, ainsi que des recours administratifs prévus dans la Constitution et la législation455. Les recours contentieux contre les décisions des autorités indépendantes constitutionnelles peuvent être aussi exercés par le ministre compétent selon le cas (procès interne). Les autorités indépendantes constitutionnelles ont la capacité d'ester en justice de manière autonome dans les procès de toute sorte qui ont pour objet leurs actes ou omissions, représentées par leur président.

Pour ce qui est des autorités administratives indépendantes non garanties par la Constitution, leur qualité d'organes administratifs fait aller de soi la possibilité d'attaquer leurs actes exécutoires, individuels ou réglementaires, devant les tribunaux administratifs compétents. L'opinion contraire porterait atteinte, d'ailleurs, au droit à la protection juridictionnelle, garanti par la Constitution (art. 20, par. 2), mais aussi au droit individuel constitutionnel plus particulier d'exercer un recours (judiciaire) en annulation contre un acte administratif illégal (art. 95, par. 1A, Const.).

Le contrôle judiciaire des actes de toutes les autorités indépendantes est considéré comme une soupape de sécurité pour l'insertion normale de l'institution dans l'ordre juridique hellénique et pour la protection des droits des administrés, vu l'absence de contrôle politique par le pouvoir exécutif. Cependant, le contrôle judiciaire est, par la force des choses, limité, et son extension aux questions d'opportunité (policy) risquerait de faire dégénérer ce contrôle en activisme judiciaire et de le faire empiéter sur le domaine de la fonction exécutive, vu l'objet souvent technocratique et extrêmement spécialisé de la compétence des autorités indépendantes, qui présuppose la formulation de jugements techniques complexes456.

3. La constitution des autorités indépendantes constitutionnelles

Selon l'article 101A, paragraphe 2, de la Constitution, les personnes employées dans les autorités indépendantes constitutionnelles doivent avoir les qualifications correspondantes, qui sont définies par les lois plus spéciales concernant chaque autorité indépendante. La loi no 3051/2002, qui régit les cinq autorités indépendantes qui jouissent d'une consécration constitutionnelle, définit comme membres de chaque autorité son président ou l'organe unipersonnel suprême qui l'administre, le vice-président et les autres membres ainsi que leurs suppléants, conformément aux dispositions qui régissent chaque autorité (art. 1, par. 2). L'article 3 de la même loi impose que soient choisies comme membres des autorités indépendantes constitutionnelles des personnes d'une autorité reconnue et d'une formation scientifique ou d'une expérience professionnelle attestées dans les secteurs en rapport avec la mission et les compétences des autorités.

Les différentes lois sur la constitution des autorités indépendantes réglementées par la Constitution mais aussi par la législation consacrent l'incompatibilité de la qualité de membre avec les qualités de député, de membre du gouvernement, de cadre supérieur d'un ministère, de fonctionnaire public, de dirigeant d'un parti, mais aussi de membre de l'administration ou d'employé de sociétés ou d'organismes dont l'activité est soumise à contrôle par l'autorité concernée457. La consécration de qualités incompatibles avec la qualité de membre d'une autorité indépendante vise à ce que les autorités soient composées de personnes caractérisées par un esprit indépendant et non embarrassées d'attentes intéressées (un profit économique ou partisan, notamment). On recherche de cette manière non seulement à assurer le fonctionnement normal des autorités, mais aussi à « légitimer » les autorités indépendantes en consolidant la confiance des citoyens en leur crédibilité. Le choix des membres qui composent les autorités indépendantes constitutionnelles a été confié à un organe collectif de la Chambre des députés, la Conférence des présidents de la Chambre (art. 101A, par. 2, al. c et d, de la Constitution ; art. 3, par. 2, de la loi no 3051/2002 ; art. 13 et 14 du Règlement de la Chambre des députés)458. La Conférence des présidents est composée du président en exercice de la Chambre, des anciens présidents, des vice-présidents, des présidents des commissions de la Chambre, des présidents des groupes parlementaires et d'un représentant des députés non inscrits. Le Règlement garantit donc la composition supra-partisane de la Conférence des présidents, puisque y participent des membres de tous les partis représentés à la Chambre des députés, en nombre proportionnel à la force parlementaire de chacun. Le président de la Chambre des députés (qui, dans la pratique, provient, de même que les membres du gouvernement, du parti qui a la majorité parlementaire) présente les candidats membres des autorités indépendantes constitutionnelles. Le choix final a lieu par décision de la Conférence des présidents, prise à l'unanimité ou du moins à la majorité qualifiée des 4/5e de ses membres. Suit la nomination des membres de chaque autorité, par une décision du ministre compétent selon le cas, dans un délai de 15 jours à partir de la notification à ce dernier de la décision de la Conférence des présidents de la Chambre des députés. Le ministre ne peut s'écarter de la décision de la Conférence des présidents et nommer d'autres personnes ayant sa préférence.

L'ensemble de la réglementation du Règlement de la Chambre des députés concernant le choix des membres des autorités indépendantes vise à ce que celles-ci soient constituées, dans le cadre de procédures publiques et transparentes, de technocrates spécialistes, de personnalités communément reconnues et disposant d'une autorité scientifique et sociale reconnue. La neutralité partisane des membres des autorités indépendantes est recherchée à titre de mesure susceptible de renforcer la confiance des citoyens grecs dans cette nouvelle institution et de réduire les phénomènes de corruption et de partialité partisane dans des secteurs névralgiques de l'administration publique. Par ailleurs, le choix des membres des autorités administratives indépendantes par la Conférence des présidents de la Chambre des députés confère aux organes concernés de l'Administration une légitimité démocratique indirecte. Cependant, on peut douter que ce but ait été complètement atteint, vu l'influence accrue du parti gouvernemental, qui a la majorité parlementaire, sur l'issue de la procédure de sélection.

4. Les garanties d'indépendance des membres des autorités indépendantes (constitutionnelles et législatives)

L'article 101A de la Constitution dispose que les membres des cinq autorités indépendantes garanties par elles sont nommées pour un mandat déterminé et sont régis par une indépendance personnelle et fonctionnelle. La loi de mise en application no 3051/2002 réglemente de manière plus détaillée la situation juridique des membres et du personnel de ces autorités indépendantes.

Les membres des autorités indépendantes sont des agents publics de haut grade et jouissent d'une indépendance personnelle. Conformément à l'article 3, paragraphe 2, de la loi, le mandat des membres ordinaires et suppléants est de quatre ans et est renouvelable d'une manière garantissant la continuité du fonctionnement des autorités indépendantes constitutionnelles. En cas de décès, de démission ou de déchéance d'un membre d'une autorité indépendante constitutionnelle, un nouveau membre est nommé pour le reste du mandat. Le mandat des membres des autorités indépendantes constitutionnelles est prolongé de plein droit jusqu'à la nomination de nouveaux membres. Pour garantir le renouvellement de la composition des autorités indépendantes constitutionnelles, il est prévu que leurs membres ne peuvent être choisis pour plus de deux mandats, successifs ou non. La nomination des membres d'une autorité indépendante constitutionnelle pour un mandat déterminé (bref) et l'impossibilité de renouvellement multiple garantissent l'indépendance de ses membres face à la fonction législative et exécutive.

La perte de la qualité de membre avant l'expiration du mandat survient en cas de démission ou de déchéance. Les membres des autorités indépendantes constitutionnelles sont déchus de leur fonction uniquement en cas de décision judiciaire de condamnation rendue en dernier ressort pour des délits pénaux graves, qui sont énumérés de manière limitative dans la loi, et qui sont aussi un empêchement à la nomination459. L'acceptation de la démission ainsi que la déchéance suite à une condamnation rendue en dernier ressort ont lieu par décision du ministre compétent selon le cas, dans un délai de 15 jours à partir de la notification à ce dernier de la décision de la Conférence des présidents de la Chambre. La responsabilité disciplinaire des membres des autorités indépendantes constitutionnelles est réglementée par leur Règlement de fonctionnement. De plus, pour garantir l'indépendance personnelle des membres des autorités indépendantes constitutionnelles, il est prévu que l'exercice d'activités professionnelles et autres fonctions est suspendu460 et leur rémunération est fixée par une décision du ministre des finances sur avis des autorités elles-mêmes, en dérogation à d'autres dispositions.

Conformément à la loi no 3051/2002 (art. 2, par. 1), les autorités indépendantes jouissent d'une indépendance fonctionnelle et ne sont pas soumises à une surveillance (administrative) ni à un contrôle (hiérarchique) d'organes gouvernementaux ou autres autorités administratives. Les membres des autorités indépendantes constitutionnelles, dans l'exercice de leurs fonctions, sont liés uniquement par la Constitution et par les lois et obéissent à leur conscience, à l'instar des magistrats461. L'indépendance fonctionnelle comprend :

a) l'obligation d'examiner la constitutionnalité des actes législatifs et de ne pas appliquer ceux dont ils jugent le contenu réglementaire contraire à la Constitution ;

b) l'exclusion d'un contrôle hiérarchique (préventif ou répressif, de légalité ou d'opportunité) par les organes gouvernementaux, et plus généralement l'exclusion de tout contrôle par des organes du pouvoir exécutif, relatif à l'essence de la tâche qui est comprise dans leur compétence462.

D'une manière générale, il n'y a pas d'obligation des autorités indépendantes d'exercer leurs compétences sur la base des orientations de la politique gouvernementale.

Pour ce qui est des autorités (administratives) non garanties par la Constitution, leurs lois fondatrices accordent à leurs membres une indépendance fonctionnelle, qui a un contenu correspondant à ce qui est exposé plus haut. Soulignons toutefois que la création d'une autorité administrative « indépendante » par une loi qui prévoit l'exercice d'un contrôle hiérarchique par des organes gouvernementaux supprime cette indépendance.

Certaines dispositions des lois fondatrices de certaines autorités (administratives) indépendantes (non constitutionnelles) consacrent en faveur de leurs membres un régime de franchises, comme l'exclusion sous conditions de la responsabilité civile et pénale et la protection contre toute poursuite ou enquête pour un avis qu'ils ont formulé ou des actes qu'ils ont accomplis dans l'exercice de leurs fonctions463.

Signalons que dans les lois fondatrices des diverses autorités indépendantes, garanties par la Constitution ou non, est prévue la soumission des autorités à la « surveillance » d'un ministère, et cela en dépit de la disposition susvisée de la loi no 3051/2002 sur la non-soumission des autorités indépendantes à une surveillance et malgré le fait que, plus généralement, la soumission d'une autorité indépendante à une surveillance ne semble pas en principe être compatible avec leur indépendance. Par ailleurs, l'emploi du terme « surveillance » est impropre, car, au sens strict, une surveillance est exercée par l'État, une collectivité locale ou une personne morale de droit public sur une autre personne morale, alors que les autorités indépendantes n'ont pas toujours la personnalité juridique. Pour toutes ces raisons, il convient d'admettre que le contenu de la « surveillance » prévue par les lois pour différentes autorités indépendantes ne coïncide pas avec celui de la surveillance administrative464 mais se limite en fait à permettre l'insertion plus normale de l'autorité dans le cadre institutionnel existant et à faciliter le contrôle parlementaire465. En tout cas, la prévision d'un procès interne, à savoir la possibilité, pour l'autorité de surveillance, d'attaquer devant les tribunaux compétents les actes illégaux, selon elle, des autorités indépendantes, équivaut à la consécration d'une responsabilité politique (indirecte) du ministre, qui consiste dans le non-exercice correct de cette possibilité466.

5. Autonomie administrative des autorités indépendantes (constitutionnelles et législatives)

L'article 101A de la Constitution se réfère partiellement à l'autonomie administrative des autorités indépendantes constitutionnelles : selon cet article, « la loi fixe les modalités du choix et du statut du personnel scientifique et autre personnel de service organisé pour soutenir le fonctionnement de chaque autorité indépendante. Les personnes qui composent les autorités indépendantes doivent avoir les qualifications correspondantes, ainsi qu'il est prévu par la loi ». Les lois fondatrices de toutes les autorités indépendantes constitutionnelles mais aussi de certaines autorités administratives créées par une loi ordinaire leur attribuent une autonomie administrative, si bien que chaque autorité indépendante a son propre personnel, distinct du personnel du ministère concerné, ainsi que des organes (unipersonnels ou collectifs) investis de compétences relatives à leur activité. Ainsi les autorités indépendantes disposent-elles d'une autonomie de gestion administrative interne, sont dirigées principalement par leur président, ont le pouvoir de recruter et de contrôler sur le plan du service les agents qui composent leur organisation administrative interne467, et la possibilité leur est reconnue d'exiger le concours administratif des organes publics compétents selon le cas, en vue de l'accomplissement de leur mission. Et selon l'article 2, paragraphe 7, de la loi no 3051/2002 (qui toutefois concerne uniquement les autorités indépendantes garanties par la Constitution), les questions de fonctionnement interne de chaque autorité indépendante sont réglées par un Règlement interne qui est publié par l'autorité elle-même et paraît au Journal Officiel468.

6. L'indépendance financière des autorités indépendantes (constitutionnelles et législatives)

La Constitution ne mentionne pas la question de l'autonomie financière des autorités indépendantes qu'elle consacre expressément, bien que celle-ci soit considérée comme fondamentale pour l'exercice efficace de leurs compétences et la réussite de leurs objectifs. Une réglementation législative consacre une large indépendance financière, totalement séparée du ministre compétent par matière et partiellement reliée au ministre des finances pour des motifs de légalité des finances publiques469. Plus particulièrement, selon la loi no 3051/2002 (art. 2, par. 2 et 3), les crédits de fonctionnement des autorités indépendantes constitutionnelles sont inscrits sous un nom propre au budget des ministères concernés. Le budget est présenté au ministre de l'économie et des finances par le président de l'autorité indépendante concernée, qui est aussi l'ordonnateur de ses dépenses. Un règlement spécial qui est rédigé pour chaque autorité indépendante constitutionnelle et est approuvé par le ministre de l'économie et des finances réglemente les questions de sa gestion financière.

Pour ce qui concerne les autorités non garanties par la Constitution, leurs lois fondatrices et la législation relative à leur fonctionnement contiennent des réglementations sur les ressources qui reviennent à l'autorité et sur le contrôle des états financiers et des comptes par des comptables assermentés ou par la Cour des comptes. En tout cas, la disposition législative concernant l'affectation directe au budget de l'État de sommes qui sont perçues par certaines autorités administratives indépendantes lors de l'exercice de leurs compétences concernant la délivrance de permis ou l'infliction d'amendes est critiquable, étant donné que ces sommes s'élèvent souvent à des millions d'euro et pourraient être exploitées pour les besoins de l'autorité elle-même470.

II - Les autorités indépendantes constitutionnelles existantes et les autorités administratives indépendantes législatives existantes

1. Les autorités indépendantes garanties par la Constitution

A. L'Autorité de protection des données à caractère personnel

La constitution et le fonctionnement de l'Autorité de protection des données à caractère personnel sont prévus par l'article 9A de la Constitution, sans toutefois que cette autorité soit expressément nommée. Sa mission constitutionnelle est de garantir la protection des données personnelles de tout individu contre la collecte, le traitement et l'usage, en particulier par des moyens électroniques. La création de l'Autorité a précédé sa consécration constitutionnelle (au moment de la révision de 2001), puisqu'elle avait déjà été créée par la loi no 2412/1997471, au vu de l'exigence du droit communautaire de l'article 28 de la directive 95/46/CE « relative à la protection des personnes physiques a l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données » (L 281/23.11.1995). Les compétences de l'Autorité englobent principalement la publication de directives, d'avis et d'actes réglementaires472 sur la protection efficace des données personnelles, la formulation de recommandations ou d'indications à des responsables de traitement de données personnelles, la délivrance de permis de traitement, la réalisation de contrôles administratifs dans des archives (d'office ou suite à une plainte) et l'infliction de sanctions administratives (art. 19 et 21 de la loi no 2412/1997). Sont nommés membres de l'Autorité des magistrats, des professeurs d'université et des personnalités jouissant d'une autorité et d'une expérience reconnues en la matière. Ses membres jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une indépendance personnelle et fonctionnelle (art. 15 de la même loi). L'Autorité relève du ministre de la justice, n'est soumise à aucune sorte de contrôle administratif et a son propre secrétariat. Les crédits exigés pour son fonctionnement sont inscrits sous un nom propre, qui est incorporé au budget annuel du ministère de la justice, et l'ordonnateur de ses dépenses est le président de l'Autorité ou son suppléant.

B. Le Conseil national de la radiotélévision

Le Conseil national de la radiotélévision a été constitué par la loi no 1866/1989 à titre d'autorité indépendante et a été consacré constitutionnellement par l'article 15, paragraphe 2, alinéa b, de la Constitution (au moment de la révision de 2001), où il est d'ailleurs cité sous son appellation législative473,474. Il a pour mission d'exercer un contrôle étatique direct (qui prend aussi la forme du régime de l'autorisation préalable) et d'infliger des sanctions administratives à la radiophonie et à la télévision dans le but d'assurer l'objectivité de l'information et la qualité des programmes. Ces compétences sont des compétences consultatives et de décision et consistent principalement en avis pour la délivrance, le renouvellement et le retrait de permis de prestation de services radiophoniques et télévisés, la formulation de directives, d'indications, de recommandations et d'avis sur des organismes publics et privés, la prise de mesures visant à assurer la polyphonie, la transparence et la libre concurrence dans les médias, la publication de codes de déontologie et l'infliction de sanctions administratives (art. 4 de la loi no 2863/2000). Sont nommées membres de ce Conseil des personnalités qui se distinguent par leur formation scientifique, leur expérience professionnelle et d'une manière générale leur contribution à la vie publique, sans qu'il soit exigé qu'ils aient une qualité concrète (par exemple, magistrat ou professeur d'université). Ils disposent d'une indépendance personnelle et fonctionnelle dans l'exercice de leurs fonctions et ne sont pas soumis à un contrôle administratif. Ils ont un devoir de confidentialité. L'autorité a son propre budget, dans l'exécution duquel elle dispose d'une totale autonomie475.

C. L'Autorité de garantie du secret des communications

L'Autorité de garantie du secret des communications, dont la constitution a été prévue par l'article 19, paragraphe 2, de la Constitution (révision de 2001), est chargée de garantir le secret constitutionnellement garanti des lettres et la libre correspondance des communications par tout autre moyen476. Parmi ses principales compétences figurent la réalisation de contrôles au Service national des renseignements et auprès d'autres organismes publics ou privés et des entreprises qui s'occupent de services postaux, de télécommunications, et en général de services relatifs à la communication, mais aussi la collecte d'informations et l'invitation à une audition de certaines personnes, la saisie des moyens de violation du secret et la destruction d'informations ou éléments acquis de manière illégale, la formulation d'avis et de recommandations et l'émission d'actes réglementaires. Sont nommés membres de cette Autorité des personnes jouissant d'une large reconnaissance sociale, qui se distinguent par leur formation scientifique et leurs capacités professionnelles dans le secteur juridique et le secteur technique des communications (art. 2, par. 3, de la loi no 3115/2003). Les membres de l'Autorité jouissent d'une indépendance personnelle et fonctionnelle complète, agissent collectivement dans l'exercice de leurs fonctions et sont soumis à l'obligation de confidentialité. L'Autorité este en justice de manière autonome dans les procès de toute sorte concernant ses actes ou omissions. Les crédits nécessaires à son fonctionnement sont inscrits sous un nom propre au budget du ministère de la justice, et l'ordonnateur de ses dépenses est son président.

D. Le Haut Conseil de sélection du personnel477

Le Haut Conseil de sélection du personnel, qui avait déjà été créé comme autorité indépendante par l'article 2 de la loi no 2190/1994, a été consacré sur le plan constitutionnel par l'article 103, paragraphe 7, de la Constitution (révision de 2001). Il a pour mission de contrôler les procédures de recrutement des agents de l'État, des collectivités territoriales et du secteur public en général, dans le but d'investir les procédures de sélection de garanties accrues de mérite, d'objectivité et de transparence. Parmi ses compétences figurent notamment la proclamation de postes à pourvoir ou le recrutement de personnel de l'État, des collectivités territoriales et autres personnes morales de droit public ou privé, la responsabilité de la constitution des commissions concernées et le déroulement des procédures de concours ou de sélection478. Par ailleurs, cette autorité a des compétences consultatives sur la constitutionnalité des recrutements du personnel en relation juridique de droit privé et notifie les infractions commises au Premier ministre et à la Chambre des députés. Ses membres sont des agents publics de haut rang, affectés uniquement à ce poste, et ils sont régis par une indépendance personnelle et fonctionnelle479. Cette autorité relève du ministre de la présidence du gouvernement, n'est pas soumise à un contrôle par des organes gouvernementaux ou par une autre autorité administrative, et ses actes ne sont pas soumis au contrôle hiérarchique (ni d'opportunité ni de légalité)480.

E. L'Avocat du citoyen

L'article 103, paragraphe 9, de la Constitution (révision de 2001) a consacré l'institution de l'Avocat du citoyen comme autorité indépendante, sans toutefois mentionner ses compétences. L'Avocat du citoyen avait déjà été constitué sur le modèle de l'Ombudsman suédois par la loi no 2477/1997 ; l'institution analogue du « médiateur de l'Administration », qui avait été introduite par la loi no 2266/1994, n'avait pas fonctionné dans la pratique. Il a pour mission de s'entremettre entre les citoyens et les services publics, les collectivités locales, les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé, afin d'assurer la protection des droits du citoyen, de lutter contre la mauvaise administration et d'assurer le respect de la légalité. Par ailleurs, il a pour mission de défendre et promouvoir les droits de l'enfant (art. 1, par. 1, de la loi no 3094/2003)481. Il mène des enquêtes suite à une plainte ou même d'office, sur des actes administratifs individuels, des omissions ou des opérations matérielles d'organes des services publics qui violent des droits ou portent atteinte à des intérêts légitimes de personnes physiques ou morales. En tout cas, toute une série de secteurs de l'activité étatique482 est exclue de la compétence de l'Avocat du citoyen, ainsi que les affaires pendantes devant un tribunal ou une autre instance judiciaire. L'originalité de l'institution est que, à l'opposé des autorités indépendantes précitées, il s'agit d'un organe unipersonnel et non pas collectif. Cependant, l'Avocat du citoyen est assisté dans son travail par cinq avocats assistants, qui sont nommés sur proposition de l'Avocat du citoyen par le ministre de l'intérieur, de l'administration publique et de la déconcentration. Tant l'Avocat du citoyen que les avocats assistants jouissent des privilèges de l'irresponsabilité et de la non-poursuite pour les avis qu'ils ont formulés ou les actes qu'ils ont accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Le Conseil d'État a jugé que les actes de l'Avocat du citoyen ne sont pas des actes administratifs exécutoires, attaqués de manière recevable par un recours pour excès de pouvoir (arrêt 2274/2003). Il reste donc à savoir si l'Avocat du citoyen constitue, du point de vue du droit administratif, une « autorité ». Quoi qu'il en soit, l'Avocat du citoyen est responsable civilement selon les règles du droit public pour ses actes ou omissions illégaux.

2. Les autorités administratives indépendantes qui ont été créées par une loi

Comme dit plus haut, en dehors des cinq autorités indépendantes garanties par la Constitution, différentes autorités administratives indépendantes ont été constituées à l'initiative du législateur, et cette qualification tantôt leur est conférée par la loi, tantôt est déduite des réglementations particulières sur leur constitution et leurs compétences. En tout cas, l'intérêt du monde juridique pour les autorités indépendantes constitutionnelles a aussi conduit à approfondir la recherche pour dépister les caractéristiques de l'autorité administrative indépendante chez des personnes morales de droit public ou des organes de l'Administration qui, sinon, auraient été envisagés simplement comme des services publics autonomes / déconcentrés. On trouvera dans les lignes qui suivent, cités et décrits rapidement, les organes qui pu être qualifiés d'autorités administratives indépendantes.

A. Les autorités qui sont expressément qualifiées par leur loi fondatrice d'autorités administratives indépendantes

a) La Commission de la concurrence483

La loi no 703/1977 (art. 8), comme modifiée par la loi no 2226/1995 (art. 8) et récemment par la loi no 3373/2005484, a constitué la Commission de la concurrence à titre d'autorité indépendante (première loi), placée sous la surveillance du ministre du

commerce (actuellement du développement)485, et l'a chargée de veiller au respect de la législation grecque sur le contrôle des monopoles et des oligopoles et à la protection de la libre concurrence. Dans le cadre de ses compétences prévues par l'article 8b de la loi no 703/1977, la Commission de la concurrence peut juger valides par exception des ententes d'entreprises qui ont pour effet de limiter de manière importante ou d'altérer la concurrence ; elle peut interdire les concentrations d'entreprises, susceptibles de limiter de manière substantielle la concurrence, qui lui sont communiquées ; elle peut tenir les registres relatifs des ententes et des concentrations, prendre des mesures conservatoires, formuler des avis, des recommandations et des propositions et imposer des sanctions aux contrevenants. Notons que les compétences de la Commission grecque de la concurrence sont similaires à celles de la Commission des Communautés européennes en matière d'application de la législation communautaire de la concurrence486. La Commission de la concurrence est surveillée par le ministre du développement, a une autonomie administrative et financière et est soumise au contrôle répressif de la Cour des comptes487. Ses membres jouissent d'une indépendance personnelle et fonctionnelle et, dans l'exercice de leurs compétences, sont liés uniquement par la loi et leur conscience. Ses décisions sont attaquées par un recours devant la cour d'appel administrative d'Athènes.

La Commission de la concurrence a une personnalité juridique distincte et este en justice de manière autonome aux procès de toute sorte qui ont pour objet ses actes ou

omissions (art. 8, par. 16, de la loi)488. La Commission de la concurrence soumet un rapport annuel d'activité au président de la Chambre des députés (art. 13c de la loi no 703/1977)489.

b) Le Conseil national de l'éducation490

La loi no 2327/1995 a créé le Conseil national de l'éducation à titre d'autorité administrative indépendante placée sous la surveillance du ministre de l'éducation nationale et des cultes. Ses compétences sont des compétences consultatives en matière de politique de l'éducation de tous les degrés de l'enseignement, de formation des Grecs de l'étranger et des Grecs rapatriés, sur les questions concernant les groupes sociaux spéciaux, l'éducation spéciale, la formation continue, la formation professionnelle et la formation populaire, ainsi que sur toutes les matières relatives à l'éducation. Le Conseil est composé de représentants des ministères, des partis représentés à la Chambre, des organismes éducatifs et religieux et des organisations professionnelles, ainsi que de membres du personnel d'enseignement et de recherche des établissements d'enseignement supérieur. Son président est nommé par le ministre de l'éducation sur avis de la commission compétente de la Chambre, et les autres membres sont choisis par le même ministre parmi ceux qui sont proposés par les organismes concernés. On a à juste titre formulé des doutes quant à la justesse de la qualification par la loi du Conseil national de l'éducation comme autorité indépendante, étant donné qu'il ne dispose pas de l'autonomie administrative et financière et que ses membres, dont plusieurs sont choisis par des organes gouvernementaux, n'ont pas d'indépendance fonctionnelle et personnelle491.

c) Le gouverneur de la Banque de Grèce492

Le gouverneur de la Banque de Grèce est un cas particulier d'autorité indépendante : son indépendance personnelle et fonctionnelle est garantie par le droit communautaire. La loi no 2548/1997 (art. 5, par. 3)493 a prévu que, dès la création du Système européen des banques centrales, le gouverneur de la Banque de Grèce participerait, du fait de sa position, en tant que personnalité indépendante au Conseil général et au Conseil d'administration de la Banque centrale européenne, conformément à ses statuts. Les statuts de la Banque de Grèce, ratifiés par la loi, prévoient (art. 5A) que la Banque et les membres de ses organes, dans l'exercice de leurs compétences, ne sollicitent ni ne reçoivent de directives du gouvernement ou d'organismes. Le mandat du gouverneur est de six ans, il est nommé par décret présidentiel sur proposition du Conseil des Ministres et peut être écarté de son poste pour des raisons graves, par une décision de l'Assemblée générale des actionnaires. Pour ce qui est des relations de la Banque de Grèce avec la Chambre des députés, il est prévu la soumission d'un rapport annuel sur la politique monétaire et la possibilité pour la commission compétente de la Chambre d'inviter le gouverneur à une audition.

d) L'Autorité régulatrice de l'énergie494

L'Autorité régulatrice de l'énergie a été constituée comme autorité administrative indépendante par la loi no 2773/1999 (art. 4)495, conformément aux exigences de la directive 96/92/CE (en particulier les articles 6, 13, 20, par. 3). Dans le cadre de ses compétences, elle suit et contrôle le fonctionnement du marché de l'énergie, propose la prise des mesures nécessaires, donne des avis sur l'octroi des permis prévus par la loi pour les activités du marché de l'énergie électrique, suit le mode d'exercice des droits conférés par ces permis, collecte des éléments, impose des amendes aux contrevenants et informe la Commission de l'Union européenne de la libération des marchés de l'énergie électrique et du gaz naturel. L'Autorité régulatrice de l'énergie a une autonomie administrative et financière et est surveillée par le ministre du développement pour ce qui est du contrôle de la légalité de ses actes et du déclenchement d'un contrôle disciplinaire contre ses membres496. Elle a la capacité d'ester de manière autonome dans les procès de toute sorte nés de son fonctionnement ou lors de l'exercice de ses compétences. Ses actes exécutoires sont susceptibles d'un recours en annulation à la cour administrative d'appel d'Athènes. Ses membres ont une indépendance personnelle et fonctionnelle et ne peuvent être révoqués pendant la durée de leur mandat.

e) La Commission nationale des télécommunications et des postes497

La Commission nationale des télécommunications et des postes, selon la loi no 2867/2000498, est l'autorité régulatrice nationale qui est chargée du contrôle et de la réglementation du secteur des télécommunications et de la surveillance du marché des télécommunications499. La loi qualifie expressément la Commission nationale des télécommunications et des postes d'autorité administrative indépendante500. La Commission nationale des télécommunications et des postes réglemente les questions qui concernent les permis généraux et spéciaux de prestations de services de télécommunications et les matières liées à Internet, délivre les permis de construction d'antennes, rédige le plan national de numérotage, concède des numéros et des « domain names », procède à l'accréditation des organismes qui accordent une certification de signature électronique et gère, surveille et contrôle le spectre des radiofréquences. Par ailleurs, elle publie les Codes de déontologie qui régissent l'exercice des activités de télécommunications, donne des avis sur la prise de mesures législatives dans le but d'assurer le développement continu et efficace du secteur des télécommunications et exerce des compétences d'arbitrage pour la solution des litiges entre les organismes de télécommunications et les organismes de services postaux, ou entre ceux-ci et l'État, les usagers et les particuliers. Lors de l'exercice de ces compétences, la Commission nationale des télécommunications et des postes peut procéder à l'émission d'actes réglementaires ou individuels, qui sont publiées au Journal Officiel (art. 3, par. 14, de la loi no 2867/2000). L'Autorité jouit d'une autonomie administrative et financière. Le mandat de ses membres est de quatre ans, renouvelable une fois. Dans l'exercice de leurs fonctions, les membres jouissent d'une indépendance personnelle et fonctionnelle complète501.

f) L'Autorité régulatrice des transports intérieurs maritimes502

L'Autorité régulatrice des transports intérieurs maritimes avait été constituée comme autorité indépendante par la loi no 2932/2001503. Cette loi lui avait confié toute une série de compétences (non réglementaires), relatives au fonctionnement du marché des transports intérieurs maritimes, y compris les questions de libre concurrence504,505. La loi no 3260/2004 (art. 17, par. 6) a supprimé cette Autorité, et ses compétences relatives à la protection de la libre concurrence ont été dévolues à la Commission de la concurrence.

g) La Commission de surveillance et de contrôle des jeux de hasard

La loi no 3229/2004 (art. 20) a constitué une Commission de surveillance et de contrôle des jeux de hasard506, en tant qu'autorité administrative soumise à la surveillance du ministre de l'économie et des finances, dans le but d'assurer la surveillance des jeux de hasard et avec des compétences consultatives et des compétences de décision et de sanction. La loi prévoit une application par analogie, pour ce qui est des membres et du personnel de cette Autorité, des articles 2, 3 et 4 de la loi no 3051/2002 sur l'indépendance personnelle et fonctionnelle, combinés à l'attribution à cette Autorité d'une autonomie administrative et financière. L'autonomie financière est aussi garantie dans la pratique par la disposition de l'article 19 de la loi sur les ressources de l'Autorité, qui proviennent, entre autres, du recouvrement des amendes qu'elle-même impose.

h) L'Avocat du consommateur

L'Avocat du consommateur a été constitué en tant qu'autorité indépendante par la loi no 3297/2004, sur le modèle de l'Avocat du citoyen, avec pour mission d'agir comme organe extrajudiciaire de solution consensuelle des litiges de la consommation (litiges horizontaux entre particuliers). Plus particulièrement, il est compétent pour la solution extrajudiciaire des litiges entre fournisseurs et consommateurs ou unions de consommateurs, et pour la formulation de recommandations et d'indications aux fournisseurs. Il agit d'office ou suite à une pétition écrite, mais n'est pas saisi d'affaires qui sont pendantes devant les autorités judiciaires. Dans l'exercice de ses fonctions, l'Avocat du consommateur jouit d'une indépendance personnelle et fonctionnelle, et est assisté par deux avocats assistants. Sur ces postes sont nommés des personnalités de valeur reconnue, qui disposent d'une haute formation scientifique, d'une connaissance et d'une expérience des matières liées à la compétence et à la mission de l'autorité, et qui jouissent d'une large acceptation sociale. L'Avocat des consommateurs est choisi par le Conseil des Ministres sur proposition du ministre du développement et sur avis de la Commission des institutions et de la transparence de la Chambre des députés, et il est nommé par une décision du ministre du développement, tandis que les avocats assistants sont nommés par décision du ministre du développement sur proposition de l'Avocat du consommateur. Le mandat des uns et des autres est de cinq ans, non renouvelable.

B. Autres formations présentant des caractéristiques d'une autorité administrative indépendante mais privées de la qualification législative relative

a) La Commission nationale des droits de l'homme507

La Commission nationale des droits de l'homme a été constituée par la loi no 2667/1998 (art. 1 et suiv.)508 comme organe soumis au Premier ministre et destiné à conseiller l'État sur des questions de protection des droits de l'homme. La mission de la Commission est de suivre de manière permanente les questions de protection des droits de l'homme, d'enquêter, de formuler des propositions de politique, d'informer le public et d'échanger des expériences au niveau international avec les organes analogues des organisations internationales. La loi n'accorde pas expressément l'indépendance fonctionnelle et personnelle aux membres de cette Autorité, non plus que l'autonomie administrative et financière509, si bien qu'elle ne présente pas toutes les caractéristiques des autorités indépendantes. Mais on a pu soutenir que son indépendance était garantie par la provenance, la position et la fonction de ses membres dans l'État et la société, et par sa participation à la rédaction de son Règlement et à la prise de décisions concernant les matières qui l'occupent510.

b) La Commission nationale de bioéthique511

La loi no 2667/998 a constitué une Commission nationale de bioéthique, soumise au Premier ministre. Il s'agit d'un organe consultatif de l'État, qui a pour mission de suivre de manière permanente les questions qui sont liées aux applications des sciences biologiques et à la recherche concernant leurs dimensions éthiques, sociales et juridiques et leurs conséquences. La Commission est composée de scientifiques de valeur dans les domaines de la biologie, de la génétique, de la médecine, du droit et des sciences sociales. Le mandat des membres, qui sont nommés par le Premier ministre, est de cinq ans. Comme dans le cas de la Commission nationale des droits de l'homme, la loi n'attribue pas expressément l'indépendance personnelle et fonctionnelle aux membres de la Commission, ni d'autonomie administrative à la Commission elle-même. Cependant, elle présente certaines des caractéristiques des autorités indépendantes, étant donné sa composition représentative.

c) La Commission des opérations de bourse512

La Commission des opérations de bourse est une autorité de surveillance autonome qui fonctionne sous la forme d'une personne morale de droit public placée sous la surveillance du ministre de l'économie et des finances513. Les buts de la Commission des opérations de bourse sont de garantir le fonctionnement normal et harmonieux du marché des capitaux, de consolider la confiance dans les institutions du marché et de protéger le public investisseur en promouvant la transparence et la prévention et répression des infractions boursières. Pour atteindre ces objectifs, la Commission peut poser des règles de fonctionnement du marché et prendre les mesures indispensables pour l'application des lois et des règles qui ont été adoptées. La Commission des opérations de bourse surveille toute une série d'organismes, comme les sociétés introduites en bourse, les sociétés boursières et les sociétés de prestation de services d'investissement, les bourses et les marchés organisés, le Dépôt central des valeurs, etc. Afin de garantir le fonctionnement harmonieux du marché des capitaux, la Commission des opérations de bourse est compétente pour poser et suivre l'application des règles qui concernent le fonctionnement des systèmes du marché, y compris l'instauration de codes de conduite (déontologie), d'application obligatoire, couvrant tous les organismes des transactions boursières. De plus, elle a compétence pour délivrer des permis de fonctionnement à des organismes sous surveillance, suivre l'application des critères européens de conformité des personnes morales et imposer des sanctions administratives aux personnes morales et physiques surveillées qui enfreignent la législation boursière. Ses décisions ne présupposent pas d'approbation du ministre de tutelle et sont directement exécutoires, mais sont soumises au contrôle des tribunaux compétents. La Commission des opérations de bourse est représentée judiciairement et extrajudiciairement devant toute autorité et devant les tiers par le président de son Conseil d'administration514.

La commission des opérations de bourse ne peut être formellement classée parmi les autorités administratives indépendantes, selon le point de vue dominant en Grèce515, puisqu'elle revêt la forme de la personne morale de droit public et qu'il ne s'agit pas d'un organe administratif intégré au Public au sens étroit (État)516. Cependant, la possibilité de recruter et d'employer un personnel scientifique et de contrôle en relation de droit privé lui confère une certaine souplesse et indépendance dans le choix de son personnel517. Par ailleurs, certains membres de l'administration de la Commission jouissent, du fait de la loi, d'une indépendance personnelle, sont nommés avec un mandat, tandis que d'autres sont désignés sur proposition des opérateurs du marché (représentativité de la composition). Son financement provient exclusivement de ressources privées, c'est-à-dire des contributions des organismes surveillés, et son budget n'est pas compris dans le budget général de l'État. Il s'agit de traits caractéristiques propres à une autorité indépendante.

d) La Commission des objections de conscience

La loi no 2510/1997 (art. 20) a prévu la constitution d'une commission spéciale, qui donne des avis au ministre de la défense nationale sur la soumission d'individus au régime spécial des objecteurs de conscience. La Commission examine la réunion des conditions de la reconnaissance des intéressés comme objecteurs de conscience, comme préalable pour leur mise à la disposition, selon le cas, des organismes du secteur public pour qu'ils effectuent un service alternatif ou pour qu'ils soient placés dans les forces armées pour un service sans armes. Sont nommés membres de la Commission, par décision commune des ministres de la défense nationale et de l'éducation, des professeurs des établissements d'enseignement supérieur, des officiers supérieurs et un magistrat. Leur mandat est de deux ans et ils ne peuvent être éloignés avant l'expiration de ce mandat que pour un motif grave.

e) Le Haut Conseil de règlement des litiges sportifs

La loi no 2725/1999 (art. 123) prévoit le fonctionnement, dans le cadre du secrétariat général aux sports, d'un Haut Conseil de règlement des litiges sportifs en tant qu'organe disciplinaire et juridictionnel de second ressort518. Le Conseil est compétent pour connaître des recours contre les décisions des conseils administratifs et d'autres organes des unions sportives, des associations professionnelles et des confédérations, ainsi que des organes disciplinaires des associations sportives. Le Conseil est composé de magistrats qui sont nommés pour un mandat de deux ans par le ministre de la culture, sur indication, obligatoire pour celui-ci, des organes de la magistrature.

f) La Commission de planification de l'éducation à la santé

La loi no 2071/1992 (art. 31 et suiv.) a institué la Commission de planification de l'éducation à la santé en tant qu'organe consultatif pour la planification et l'étude en matière d'éducation à la santé. La Commission de planification d'éducation à la santé est composée par décision du ministre de la santé, est soumise à celui-ci et est composée de fonctionnaires de grade supérieur du ministère et de représentants des collectivités locales, des organisations professionnelles et autres organismes non gouvernementaux, indiqués par les organismes représentatifs eux-mêmes.

g) Le Conseil national de la sécurité sociale

La loi no 2084/1992 (art. 74)519 a institué le Conseil national de la sécurité sociale, en tant qu'organe consultatif sur les questions de politique de sécurité sociale qui lui sont renvoyées par les ministres qui surveillent les organismes de sécurité sociale. Sont membres de ce Conseil le gouverneur de la Banque de Grèce, le secrétaire général des assurances sociales du ministère de la santé et les représentants de toute une série d'organisations professionnelles, nommés par elles. Leur mandat est de trois ans et ils sont nommés par décision du ministre de la santé.

h) La Commission nationale du Conseil d'État - Les conseils tripartites auprès des cours supérieures pour la conformité de l'Administration aux décisions de justice

La loi no 1470/1984 (art. 5) a institué auprès du Conseil d'État la Commission spéciale du Conseil d'État, qui n'est pas un tribunal mais assume un rôle d'intermédiaire entre administrés et Administration sur le modèle du médiateur français, mais uniquement pour des questions de conformité aux décisions de justice et non pas en général pour les cas de mauvaise administration, comme dans le cas de l'Avocat du citoyen520.

Récemment, la loi no 3068/2002 sur la conformité de l'Administration aux décisions de justice a prévu la constitution de Conseils tripartites composés de magistrats supérieurs, auprès des cours supérieures de toutes les branches de la justice. Ces Conseils aident toute personne intéressée à obtenir la conformité de l'Administration à une décision de justice de la branche concernée et imposent des sanctions financières à l'Administration en cas de retard prolongé ou de refus de conformité. Chaque Conseil tripartite rédige sur une base annuelle des procès-verbaux qui sont soumis, entre autres, au président de la Chambre des députés.

i) Les Conseils de service

Les Conseils de service qui sont cités à l'article 103, paragraphe 4, de la Constitution, qui sont composés pour les deux tiers au moins d'agents de l'État titulaires, présentent des caractéristiques d'autorités administratives indépendantes, puisqu'ils décident seuls de la rétrogradation ou du licenciement des agents publics521. Étant donné le caractère exécutoire de leurs décisions, la Constitution prévoit la possibilité de les attaquer par un recours contentieux de fond spécial, d'invention grecque, dit « recours de fonctionnaire », devant le Conseil d'État.

j) Le Médiateur bancaire522

Le Médiateur bancaire est une institution indépendante qui a été créée par l'Union des banques grecques dans le but d'examiner de manière juste, impartiale et selon des procédures transparentes, les litiges des cocontractants avec les banques qui participent à l'institution et de chercher leur règlement amiable. Entrent dans la compétence de cette institution uniquement les différends relatifs à la prestation de services à des particuliers, et en sont exclus les litiges nés dans le cadre des transactions bancaires qui concernent une activité professionnelle de particuliers ou des personnes morales. Bien que le Médiateur bancaire soit une institution qui a été formée sur le modèle de l'Ombudsman523, il peut être rangé parmi les autorités publiques indépendantes. En effet, ce n'est pas un organe de l'État grec constitué par une loi, mais le produit d'une initiative d'un organisme privé (l'Union des banques grecques), dans le cadre de l'autorégulation de la branche des services bancaires.

Pour conclure, on constate que le législateur grec, ces dernières années, a accueilli favorablement l'institution des autorités administratives indépendantes et l'a exploitée à plusieurs reprises. Les caractéristiques de cette tendance sont les annonces récentes du Premier ministre concernant la constitution de l'Avocat de l'habitant de la commune et d'une autorité indépendante pour le contrôle des contrats d'ouvrages, de fourniture et de services de l'État524. Cependant, les réserves juridiques et politiques ont été nombreuses concernant l'efficacité de cette institution, mais aussi le risque de recul du principe démocratique et de voir remplacer les ministres politiquement responsables par des « sages », technocrates irresponsables et sans légitimité démocratique. Il est noté à juste titre que les compétences de protection des droits et des libertés individuels et de réglementation du fonctionnement du marché, qui traditionnellement sont confiées à des autorités administratives indépendantes, pourraient être exercées tout aussi efficacement par des autorités semi-indépendantes ou par des services déconcentrés ou, plus simplement, par les organes compétents ayant conscience de leur responsabilité et respectant le principe de légalité525. L'institution des autorités administratives indépendantes peut renforcer la démocratie parlementaire contemporaine et gagner la confiance des citoyens si elle se dissocie des opportunités partisanes et est exploitée avec modération et dans un esprit de responsabilité. Il conviendra toutefois de la combiner avec d'autres mesures de lutte contre la mauvaise administration et la corruption, de sorte qu'elle puisse contribuer à l'assainissement et non pas à la dévalorisation accrue de l'Administration publique traditionnelle.

ITALIE

par Mme Marina CALAMO SPECCHIA
professeur de Droit public comparé à l'Université de Bari

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SOMMAIRE

I - Questions d'interprétation lexicale

II - Les modalités de création

III - Prérogatives et fonctions

IV - Fiches

I - Questions d'interprétation lexicale

Les mots « autorité indépendante » ont été adoptés en Italie, dans les années soixante-dix, au regard des organismes dotés de pouvoirs publics qui ont caractère juridictionnel, c'est-à-dire, qui ont le pouvoir d'exécuter la loi avec impartialité et qui ne sont pas objet des directives politiques du gouvernement.

L'usage de cette locution est rapportable à l'expérience française, lorsqu'en 1978 le législateur inventait le terme « autorité administrative indépendante » : toutefois, le législateur italien n'a pas utilisé cette dénomination et a choisi de se référer aux missions de chacun de ces organismes, à savoir la « garantie » ou la « vigilance », tâches menées « en pleine autonomie » et/ou « en totale indépendance de jugement et d'évaluation ». Pour cette raison, le législateur italien a préféré parler d'« autorité indépendante » sans l'adjectif « administrative », parce que la catégorie est plus large et peut comprendre les organismes administratifs ainsi que les organismes régulateurs ou ayant une fonction quasiment juridictionnelle.

L'indétermination du cadre normatif italien a permis l'inclusion parmi les « autorités indépendantes » de nombreuses institutions très différentes entre elles : organismes prévus constitutionnellement (Cour des Comptes, Conseil Supérieur de la Magistrature), organismes définis comme des « services administratifs » (les Nuclei di valutazione, art. 20 décret législatif 99-29 du 3 février 1999), organismes dotés de pouvoirs consultatifs (le Difensore civico) ou dotés de pouvoirs autoritaires (l'Autorité Antitrust).

La volonté de faire de ces « autorités indépendantes » des organismes non politiques et de garantir à leur action transparence, indépendance et impartialité a porté à les inclure dans une catégorie très large et imprécise. Le flottement de la terminologie - « pouvoirs neutres » (M. MANETTI, Poteri neutrali e Costituzione, Giuffrè, Milano, 1994), « pouvoirs de garantie » (S. NICCOLAI, I Poteri garanti della Costituzione e le autorità indipendenti, Pisa, 1996), « pouvoirs indépendantes » (S. CASSESE, Poteri indipendenti. Stati, relazioni ultrastatali, in Foro italiano, 1996, V, 7 ss.), ou encore, par référence aux systèmes anglo-saxons, « agence » ou « authority » - reflète les hésitations de la doctrine italienne.

Ce flottement terminologique est à mettre en relation avec la disparité des modèles qui ont inspiré la création de ces organismes impartiaux et indépendantes agissant dans la vie économique et sociale, à savoir le modèle américain de la regulation et la législation française des secteurs sensibles : l'indépendance de ces organismes est en fait liée à leur marge de manœuvre par rapport à l'Exécutif.

Donc, la doctrine italienne a donné deux interprétation de la notion d'autorités indépendantes : une part de la doctrine interprète en façon restrictive la catégorie, en considérant seulement comme autorités indépendantes la Commissione nazionale per le società e la borsa (CONSOB) (l. 74-216 du 7 juin 1974), le Garante per la radiodiffusione e l'editoria (l. 90-223 du 6 août 1990), qui a été remplacé par l'Autorità per le garanzie nelle comunicazioni (instituée par la loi n. 97-249 du 31 juillet 1997), et l'Autorità garante della concorrenza e del mercato (l. n. 90-287 du 10 octobre 1990) (M. D'ALBERTI, Voce Autorità indipendenti (dir. Amm.), in Enciclopedia Giuridica Treccani, 1995).

Une autre part de la doctrine inclût dans la catégorie, à côté des autorités précitées, la Banca d'Italia, l'Istituto per la vigilanza sulle assicurazioni private e di interesse collettivo (ISVAP) (D.P.R. n. 94-385 du 18 avril 1994), l'« Autorità per l'energia elettrica e il gas » et l'« Autorità per le garanzie nelle telecomunicazioni » (l. n. 95-481 du 14 novembre 1995), la Commissione di garanzia per l'attuazione della legge sullo sciopero nei servizi pubblici essenziali (l. n. 90-146 du 12 juin 1990), le Garante per la tutela delle persone e di altri soggetti rispetto al trattamento dei dati personali et l'Autorità per l'informatica nella Pubblica Amministrazione (l. n. 96-675 du 31 décembre 1996) (M. MANETTI, Voce Autorità indipendenti (dir. cost.), in Enciclopedia Giuridica Treccani, 1997 ; F. MERUSI, M. PASSARO, Le autorità indipendenti, Bologna, il Mulino, 2003).

Les deux interprétations doctrinaires diffèrent en ce qui concerne les caractères fondamentaux des autorités indépendantes :

1) Objectif fondamental de la protection des intérêts collectifs au regard des pouvoirs forts (usagers, consommateurs) ;

2) Indépendance et autonomie par rapport au Gouvernement et aux entrepreneurs des secteurs intéressés ;

3) Attribution de missions diverses qui dérivent des pouvoirs de l'État : tâches administratives d'autorisation et de vigilance ; pouvoirs normatifs de nature règlementaire ; pouvoirs de définitions de questions judiciaires et de décisions quasiment juridictionnels.

La première doctrine affirme qu'il s'agit d'autorités indépendantes lorsqu'elles présentent les trois caractères décrits ci-dessus ; la seconde doctrine distingue les autorités indépendantes selon leur degré d'autonomie par rapport au Gouvernement et la typologie de tâches qui leur incombent. Trois catégories sont ainsi identifiées :

a) les autorités avec pouvoirs de garantie des intérêts généraux et constitutionnels ;

b) les autorités dont la mission prioritaire est la régulation de secteurs économiques ;

c) les autorités avec compétences techniques et administratives.

À la catégorie a) appartiennent la CONSOB la Banca d'Italia et l'Autorità garante della concorrenza e del mercato, qui représente le modèle « absolu » parce qu'elle est dispose de pouvoirs quasiment juridictionnels et d'une autonomie d'action par rapport au Gouvernement.

À la catégorie b) appartiennent l'ISVAP et les autorités à la tête des services d'utilité publique, électricité, gaz et télécommunications : ce sont l'institution et la mission publique de régulation des secteurs sensibles qui sont à l'origine d'un mouvement de privatisation de ces secteurs.

À la catégorie c) appartiennent les « fausses » autorités indépendantes, c'est-à-dire l'Autorità per l'informatica nella Pubblica Amministrazione et l'Agenzia per la protezione dell'ambiente : ces dernières ont seulement des fonctions de coordination ou de contrôle technique et suivent les directives du Gouvernement.

Les deux autorités qui ont la tâche de protéger et d'équilibrer les droits constitutionnellement garantis, à savoir le Garante per la protezione dei dati personali et la Commissione di garanzia dell'attuazione della legge sull'esercizio del diritto di sciopero nei servizi pubblici essenziali, occupent une place à part : mais alors que l'action de la seconde vise à maintenir un équilibre entre le droit au chômage et les autres droits du marché du travail, l'action de la première, étant focalisée sur la sauvegarde de la privacy, considérée comme le premier rempart de la liberté individuelle, a bien peu à voir avec la protection des activités économiques.

La question est de savoir si les autorités des catégories a) et b) présentent des caractères structurels différents exigeant un traitement juridique particulier : en réalité, les autorités de régulation et de garantie ne présentent aucune différence, ni en ce qui concerne l'intervention du Gouvernement dans les procédés de nomination ni en ce qui concerne l'influence de la politique gouvernementale sur leur action.

Si l'indépendance par rapport à l'Exécutif ne suffit pas à établir la distinction entre autorités de régulation et autorités de garantie, la distinction basée sur la nature des pouvoirs attribuée aux autorités semble elle aussi discutable, étant donné que les autorités de garantie peuvent aussi bien disposer du pouvoir de réglementation (propre aux autorités de régulation).

Le point commun entre ces autorités réside dans la nature de leur fonction, c'est-à-dire que leur action n'est pas dictée par le Gouvernement mais répond à des exigences sociales ou économiques ; en d'autres termes, l'institution d'autorités indépendantes se justifie par la nécessité de garantir des droits particuliers, comme le contenu essentiel de la liberté individuelle ou les droits économiques.

Néanmoins, la Constitution italienne n'avait pas discipliné une telle forme de protections des droits de liberté : ce phénomène s'est développé dans le système italien après l'approbation de la Constitution républicaine et cette circonstance est à l'origine du problème de la compatibilité constitutionnelle des autorités indépendantes italiennes. On a tenté d'établir un ancrage constitutionnel des autorités indépendantes, dans le cas de la Banque d'Italie et de la CONSOB, en faisant référence à l'article 47 de la Constitution qui protège le crédit et l'épargne, ou dans le cas de l'Autorità per la regolazione dello sciopero nei servizi pubblici essenziali, en se référant à l'article 40 de la Constitution concernant le droit de chômage.

L'idée de constitutionnalisation des autorités indépendantes apparaît dans le projet d'élaboration d'une clause générale qui définirait les autorités comme des instruments de participation des citoyens et qui imposerait les conditions suivantes : une procédure de nomination qui garantirait l'impartialité ; une procédure de renouvellement périodique des membres des autorités ; la mise en place de mesures de contrôle juridictionnel.

La tentative plus récente de constitutionnalisation des autorités indépendantes est contenue dans le projet gouvernemental de réforme constitutionnelle approuvé en première lecture par la Chambre des députés le 15 octobre 2004 : ce projet contient deux références aux autorités administratives indépendantes. D'une part, l'article 35 introduit dans la Constitution un nouvel article 98bis aux termes duquel pour la réalisation d'une action de garantie ou de vigilance la loi, délibérée selon l'art. 70 3ème alinéa, peut instituer autorités indépendantes spécifiques, en établant la durée du mandat, les prérogatives d'éligibilité et les conditions d'indépendance et l'obligation de référer aux Chambres sur leur activité. D'autre part, l'art. 22 du projet de révision, qui modifie l'article 87 de la Constitution, attribue au Président de la République le pouvoir de nommer, dans les cas prévus par la loi, les présidents des autorités indépendantes.

L'attribution au Président de la République du pouvoir de nomination des présidents des autorités indépendantes est, toutefois, liée à l'approbation d'une loi qui discipline les cas dans lesquels le pouvoir présidentiel de nomination sera activé.

La disposition présente des nouveautés : elle constitutionnalise la figure des autorités ; elle diversifie la composition du collège, étant donné qu'elle prévoit que les membres du collège soient nommés par un autre sujet institutionnel que le Président de la République ; elle confère à la nomination présidentielle un caractère fonctionnel et d'influence, parce que le président de l'autorité peut orienter l'action de cette dernière.

Il faut, enfin, souligner que la création des autorités indépendantes est étroitement liée à l'ordre communautaire : s'il est vrai que les autorités indépendantes, actuellement existantes dans le système italien, sont destinées à protéger la liberté personnelle et la liberté économique, le rapport avec le droit communautaire est très étroit, étant donné que l'ordre juridique européen est né dans le but de garantir les libertés et d'assurer la stabilité et l'« égalité économique » en Europe.

Dans ce contexte, on comprend que la doctrine italienne voit dans l'article 11 de la Constitution, qui légitime les limitations de la souveraineté de l'État, l'ancrage constitutionnel des autorités plus récentes ; de fait, l'article 11 Const., fondement de l'adhésion de l'Italie aux Communautés Européennes, justifierait aussi la primauté de la valeur du marché commun dans le système italien.

En particulier, la liberté économique comme valeur relative s'est affirmé dans notre système constitutionnel à partir de l'âge libéral, mais elle a acquis une valeur absolue par l'adhésion de l'Italie aux Communautés Européennes, c'est-à-dire à un organisme supranational fondé sur le principe de la concurrence et du libre marché. Les directives communautaires ont imposé au système italien, encore imprégné de dirigisme et caractérisé par la propriété publique des entreprises gérant les services publics, la normative antitrust garantissant la concurrence du marché et la réglementation des services publics afin de mettre en place des marchés concurrentiels : notamment, dans les secteurs sensibles, comme les télécommunications et l'énergie, il a fallu corriger l'asymétrie originaire entre le premier détenteur du monopole et les nouvelles entreprises autorisées à opérer sur le marché commun.

Dans certains cas, les autorités indépendantes ont la tâche de défendre la liberté économique, dans d'autres, elles doivent la créer par des actes administratifs qui imposent aux entreprises des codes de conduites : pensons, par exemple, à l'obligation imposée aux entreprises gérant le service téléphonique de mettre en commun leurs réseaux (roaming).

En ce sens les autorités, aussi bien celles qui opèrent sur le plan de la garantie des droits que celles qui opèrent sur le plan de la régulation de secteurs de l'économie, peuvent être considérées comme des organes des Communautés Européennes, ayant pour tâche de faire prévaloir dans le système italien les principes fondamentaux européens.

Cet aspect de la liberté économique est un effet direct de l'impact de la globalisation des marchés sur le système politique et économique italien et se traduit dans le transfert de la « souveraineté économique » aux institutions communautaires (G. GUARINO, Pubblico e privato nella Costituzione. La sovranità tra economia e istituzioni comunitarie, in Quaderni costituzionali, 1992, 332 ss.).

En conséquence, les autorités indépendantes appliquent le droit communautaire, indirectement, à travers la normative interne et, directement, en s'inspirant du principe de la primauté du droit communautaire, à travers des actions qui lui sont propres mais qui doivent respecter les normes et la jurisprudence communautaire.

Toutefois, tant que ne sera pas adoptée une disposition autorisant l'introduction des autorités indépendantes dans l'ordre communautaire (voir, par exemple, l'article 107 du Traité CE relatif aux Banques centrales), elles font partie intégrante du système italien et, donc, sont disciplinées par ce dernier.

II - Les modalités de création

Comparée aux autres expériences constitutionnelles, la situation italienne est d'une extrême complexité. Cette situation peut s'expliquer, si l'on considère que la mise en place de trois catégories d'autorités indépendantes, se différenciant par leur modalité de désignation, correspond à des instances et des moments politiques différents.

Il faut, donc, distinguer les autorités administratives indépendantes suivant les procédés de nomination :

a) les autorités à désignation parlementaire ;

b) les autorités à désignation gouvernementale ;

c) les autorités à désignation conjointe.

Les autorités définies indépendantes manquent d'homogénéité : elles ont été créées, chaque fois, pour satisfaire les exigences spécifiques des secteurs intéressés et dans la plupart des cas elles n'ont pas de statut juridique défini.

a) Les autorités à désignation parlementaire sont le Garante per le garanzie nelle comunicazioni, le Garante per la tutela delle persone e di altri soggetti rispetto al trattamento dei dati personali, et la Commissione di garanzia dell'attuazione della legge nei servizi pubblici essenziali.

L'investiture est conférée par les Présidents des Assemblées parlementaires, après accord préalable : la particularité de la nomination réside dans la position de neutralité traditionnelle des deux Présidents et dans la pratique constitutionnelle qui assigne un président à la majorité et un président à l'opposition. Ce procédé garantit une investiture unitaire et super partes des autorités.

Toutefois, au début des années quatre-vingt-dix, le « tournant majoritaire» a remis en discussion l'investiture unitaire : le Parlement a prévu l'élection des présidents des Chambres parmi des candidats préalablement choisis, garantissant ainsi les droits de l'opposition. Cette modalité d'élection a été établie pour le Garante per la tutela delle persone e di altri soggetti rispetto al trattamento dei dati personali et le Garante per le garanzie nelle comunicazioni.

À partir des années quatre-vingt, l'institution de ces autorités confirme la tendance, à élargir les espaces d'intervention du Parlement au détriment du Gouvernement dans les secteurs sensibles exigeant le concours de toutes les forces politiques pour la réalisation de tâches générales : cet élargissement du rôle parlementaire se traduit par la création d'une Autorité externe, d'origine parlementaire mais indépendante des Chambres, qui agit en tant qu'organe auxiliaire du Parlement.

L'évolution du système politique italien, à la suite de la perte du rôle central du Parlement, a conduit les Autorités à renforcer leur autonomie vis-à-vis du Parlement : toutefois, l'Autorità Antitrust, le Garante per la radiodiffusione e l'editoria et la Commissione di garanzia dell'attuazione della legge sullo sciopero nei servizi pubblici essenziali sont nommé par le Parlement. Dans les deux derniers cas, cette formalité est nécessaire étant donné que les actes de désignation des Présidents des Chambres ne sauraient avoir d'effets juridiques externes au Parlement sans l'émanation du décret présidentiel.

b) Les Autorités à désignation gouvernementale (ou dans lesquelles la désignation gouvernementale est prévalente) sont la Banca d'Italia, la CONSOB et l'ISVAP, c'est-à-dire ces organismes qui, au début des années quatre-vingt-dix, n'avaient pas encore acquis d'autonomie vis-à-vis du Gouvernement. Un cas à part est représenté par la Banque d'Italie, dont le Gouverneur est nommé après délibération du Conseil supérieur de la Banque d'Italie, approuvée par décret du Président de la République, sur proposition du Président du Conseil des Ministres, d'entente avec le Ministre du Trésor, sur avis du Conseil des Ministres. La délibération du Conseil supérieur de la Banque d'Italie doit être adoptée à la majorité des deux tiers des présents, avec la présence de deux tiers des membres : si l'on considère que le Gouvernement dispose d'un pouvoir de contrôle formel et non décisionnel, il s'agit d'une modalité de désignation interne à l'institution.

Dans ce cas, l'intervention du Parlement est limitée à l'avis simple des Commissions parlementaires compétentes. L'avis des Commission doit être motivé en considération des tâches à accomplir (art. 2 de la loi n. 78-14 du 24 janvier 1978 portant sur les « normes sur le contrôle parlementaire des désignations dans les établissements publics »).

Ce mécanisme d'investiture gouvernementale répond à une seule logique : la volonté de rappeler que le contrôle de l'exécution des lois et du respect des principes constitutionnels appartient au Gouvernement et à lui seul ; à cette fin, le Gouvernement peut faire référence aux fonctions administratives qui, par nature, sont dégagées des influences politiques. Les tâches de contrôle, de consultation, de nature technique de l'Administration étaient déjà pensées comme disjointes de l'activité proprement administrative.

Autrement dit, on relève dans le système institutionnel et culturel italien des autorités qui sont indépendantes par nature, même si elles sont nommées par le Gouvernement et insérées dans l'Administration bien que le législateur ne leur ait pas attribué expressément l'indépendance.

c) Les autorités à désignation conjointe sont l'Autorità per l'energia elettrica e per il gas et le président de l'Autorità per le garanzie nelle comunicazioni. Elles sont nommées par décret du Président de la République, sur désignation du Conseil des Ministres, après avis des commissions compétentes - les Commissions de la Chambre des députés et du Sénat - à la majorité de deux tiers des membres.

Cette procédure de désignation indique que le législateur estime que dans le système institutionnel actuel le Gouvernement ne saurait être exclu du procédé de désignation des autorités dotées de pouvoirs importants ayant des incidences sur les principes constitutionnels fondamentaux : en fait, seule la procédure de désignation conjointe du Parlement et du Gouvernement peut restituer un rôle central au Gouvernement tout en protégeant les droits de l'opposition parlementaire. Ce procédé confère, donc, au Parlement et au Gouvernement l'unité et la neutralité qui sont à la base de l'exercice légitime des pouvoirs réglementaires et administratifs.

Il y a donc trois modes d'investiture du président des autorités indépendantes : le mode gouvernemental ; le mode fondé sur l'entente des Présidents des Chambres parlementaires et le mode qui intéresse la majorité et l'opposition politiques.

Tous sont critiquables : le premier s'oppose à l'exigence d'indépendance des autorités par rapport à l'Exécutif ; la désignation des Présidents des assemblées parlementaires n'a plus sa fonction de garantie dans un système majoritaire, le bipartisme pouvant favoriser les nominations « politiques ». De même, le procédé de désignation du Gouverneur de la Banque d'Italie est critiquable : en fait, la « culture » interne de l'institution peut se heurter aux exigences du système politique et le veto du Gouvernement à la désignation peut déclencher une réaction institutionnelle très dangereuse pour le système financier.

Cependant, il faut souligner que l'autonomie des autorités indépendantes ne dépend pas seulement de la méthode de désignation des membres mais qu'elle est aussi déterminée par la tâche attribuée aux autorités indépendantes.

III - Prérogatives et tâches

La description des différentes catégories de autorités indépendantes montre qu'elles sont caractérisées par leur mission politique dans le système juridique : pour encadrer, plus exactement, la position de chaque autorité, il faut conjuguer les divers modèles de désignation et les tâches leur attribuées.

Il s'agit de distinguer deux types de tâches : les tâches administratives, qui se traduisent dans l'adoption d'actes administratifs, et les tâches de réglementation qui comportent l'exercice d'un pouvoir décisionnel semi-libre, c'est-à-dire subordonné seulement aux principes fondamentaux ou aux valeurs constitutionnelles.

Dans la pratique, les autorités sont dotées de pouvoirs administratifs de leur création et puis elles acquièrent ensuite les pouvoirs de réglementation, en se transformant d'autorités « souples » en autorités « fortes ».

Aux autorités sont normalement attribuées des compétences auxiliaires, afin d'acquérir des données concernant les secteurs de référence qui seront communiquées aux organes institutionnels compétents, à savoir le Gouvernement, le Parlement ou la magistrature. Cette activité consultative s'étend au domaine de l'informatique, de l'instruction, de la propulsion ou de la proposition ; elle comprend :

- l'enregistrement des sujets ou entrepreneurs privés dans les archives publiques ;

- le rapport au Parlement (directement ou à travers le Gouvernement) sur les données acquises ;

- l'avis, de sa propre initiative ou sur requête ;

- la saisie de l'autorité judiciaire ou le règlement informel des litiges.

Cet ensemble de tâches auxiliaires est complété par l'attribution des pouvoirs décisionnels, c'est-à-dire des pouvoirs d'inspection ou de sanction.

L'autorité indépendante auxiliaire par nature est la Commissione di garanzia per lo sciopero nei servizi pubblici essenziali ; les autres organismes inclus dans cette catégorie ne sont pas des « véritables » autorités indépendantes (en particulier l'Autorità per la vigilanza sui lavori pubblici, la Commissione di garanzia per l'informazione statistica pubblica, la Commissione di vigilanza sui fondi pensione, l'Agenzia per la rappresentanza negoziale nelle pubbliche amministrazioni, i Collegi di garanzia elettorale et au niveau local et régional le Difensore civico, institution comparable au Médiateur).

L'attribution aux autorités de pouvoirs décisionnels non prévus par la législation témoigne de l'émergence d'un sujet public capable de se mettre en relation avec le circuit Gouvernement /Administration publique aussi bien qu'avec le Parlement : toutefois, il ne s'agit pas d'un sujet qui a nature de pouvoir d'État, parce que cette interprétation a été rejetée par la Cour constitutionnelle italienne dans une décision de 1995 (ordonnance n. 1995-226).

Dans ce cas, le législateur se limite à indiquer des paramètres constitutionnels, les principes fondamentaux, que l'autorité de réglementation doit garantir : il en découle l'attribution implicite de pouvoirs normatifs à l'autorité, qui doit se donner des règles de conduite, en interprétant les principes constitutionnels de référence et en les appliquant. On arrive ainsi au « cumul de fonctions » normatives et d'exécution, qui confère l'autonomie à ces autorités ce qui est la raison d'être de la regulation.

Cette tendance n'est pas aussi forte qu'aux États-Unis, où les Agencies gouvernent des secteurs entiers : toutefois le législateur italien tend à élargir la sphère d'action de certaines autorités en leur conférant des secteurs entiers d'activités, comme c'est le cas pour la CONSOB ou l'Autorità Antitrust.

La délégation par le Parlement ou le Gouvernement de ses fonctions aux autorités est très grave puisqu'elle porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs : en fait, la fonction de regulation comporte deux pouvoirs, l'émanation des actes normatifs et des actes administratifs (non des actes juridictionnels, parce que tous les actes de ces autorités peuvent faire objet d'un recours devant le juge judiciaire ou administratif).

D'une part, si l'on envisage le pouvoir normatif au sens strict il faut, d'abord, considérer le « pouvoir réglementaire indépendant » qui est attribuée à la Banca d'Italia, à la CONSOB et à l'Autorità per le garanzie nelle telecomunicazioni même dans les matières réservées à la loi et, ensuite, le pouvoir réglementaire sur la gestion des dépenses en dérogeant aux normes générales portant sur la comptabilité étatique, dont sont titulaires l'Autorità Antitrust et la CONSOB. Ce pouvoir réglementaire, qui est attribué aux autorités indépendantes au dehors du principe de légalité et du domaine de la loi, est considéré illégitime par une partie de la doctrine italienne (M. MANETTI).

D'autre part, toutes les autorités indépendantes peuvent adopter des actes administratifs dans les secteurs de leur compétence dans la mesure où ils ne s'opposent pas aux libertés inscrites dans la Constitution ; dans le cas contraire, ils sont illégitimes et peuvent être porté devant les tribunaux administratifs. En fait, la loi n. 2000-205 (art. 7) a attribué à la compétence exclusive du juge administratif toute les questions relatives « aux services publics, qui comprennent les services relatifs à la garantie du crédit, aux assurances et au marché mobilière, au service pharmaceutique, aux transports, aux télécommunications et aux services prévus par la loi n. 1995-481 ». Les aspects positifs de cette attribution de compétence sont les suivants : a) un seul juge est compétent en matière de garantie des droits et des intérêts légitimes ; b) un juge unique contrôle l'action administrative et peut condamner à payer des dommages et intérêts ; c) la spécialisation du juge administratif dans les domaines réservés.

Ce cumul des fonctions normatives et administratives des autorités indépendantes porte atteinte à la Constitution italienne puisqu'il y a violation du principe de la séparation des pouvoirs, qui exige la distinction entre l'autorité législative et l'autorité « exécutrice ». D'autres éléments structurels - l'autonomie financière, comptable et de gestion - renforcent l'indépendance des autorités.

L'autonomie financière de chaque autorité est très variable : par exemple, la Banca d'Italia est totalement indépendante de l'État dans le domaine financière.

L'autonomie financière de la CONSOB dérive de la rétribution des services offerts au marché, sur la base de dispositions de la loi, à savoir la tenue des archives, l'organisation des examens d'habilitation, le contrôle de révision des budgets et la promotion des services financiers, de la médiation financière et de l'épargne publique. Le montant total de la rémunération fixée par la CONSOB et prévue par décret du Président du Conseil des Ministres d'entente avec le Ministre du Trésor, couvre les dépenses de fonctionnement, alors que les coûts restants sont couverts par une contribution étatique inscrite dans la prévision des dépenses du Ministère du Trésor.

Le régime de l'autonomie comptable et de la gestion est plus homogène : d'une part, les autorités indépendantes peuvent déterminer par règlement le contenu et l'organisation du budget et autoriser les dépenses en dérogeant aux règles sur la comptabilité générale de l'État. D'autre part, l'autonomie de gestion est assurée par la possibilité donnée aux autorités indépendantes de délibérer par règlement les normes relatives à l'organisation, le fonctionnement, le traitement juridique et économique du personnel.

En outre, l'autonomie de gestion est renforcée, d'une part, par l'institution d'un cadre spécifique d'employés, dont le traitement économique est rapporté aux paramètres établis par le contrat collectif de travail en vigueur pour les employés de la Banca d'Italia, et d'autre part, par une gestion flexible du personnel public, permettant d'utiliser le personnel déjà titulaire de l'administration étatique ou le personnel engagé sur la base de contrats temporaires ou des experts en l'occurrence.

Contrairement à l'autonomie financière, l'autonomie comptable et de gestion est un élément commun aux différentes autorités indépendantes, mais elle ne constitue pas un indice important pour évaluer l'indépendance des autorités.

Ceci confirme la difficulté à présenter un modèle unique d'autorité indépendante : ceci s'explique car ces autorités ont été crées en plusieurs temps et ont des structures et des finalités très différentes.

De ce point de vue, le véritable trait d'union entre les autorités est représenté par leur indépendance par rapport au Gouvernement et par la garantie du « contradictoire économique » (MANETTI), c'est-à-dire par la rupture de la règle de la responsabilité ministérielle en ce qui concerne l'action des autorités dans le premier cas et par la garantie de la parité entre tous les opérateurs économiques des marchés dans le deuxième cas. Les caractères structurels considérés dans leur ensemble, du procédé de désignation des membres à l'autonomie financière, comptable et de gestion, constituent des éléments importants de l'indépendance des autorités, qui les met totalement à l'abri des ingérences politiques et gouvernementales, consacrant ainsi leur indépendance.

IV - Fiches

1) Commissione nazionale per le società e la borsa (consob)

Sources normatives : loi du 1974 ; loi n. 85-281 du 4 juin 1985 ; loi n. 91-1 du 2 janvier 1991 ; loi n. 91-157 du 17 mai 1991, loi n. 92-149 du 18 février 1992.

Composition : collégiale (un président et quatre membres). Les décisions sont prises à la majorité des membres, sauf si la majorité qualifiée de quatre voix est nécessaire.

Mode de désignation : décret du Président de la République, sur proposition du Président du Conseil des Ministres.

Tâches : contrôle du marché financièr. Les lois des années quatre-vingt-dix ont assigné à la CONSOB les pouvoirs de contrôle de la correction du comportement des sociétés de médiation financière, de vigilance sur l'insiding trading et de réglementation des OPA (offertes publiques d'achat) et de vente des titres mobiliers.

2) Istituto per la vigilanza delle assicurazioni private e di interesse collettivo (ISVAP)

Sources normatives : loi n. 82-576 du 12 août 1982 ; loi n. 91-20 du 9 janvier 1991 ; décret du Président de la République n. 94-385 du 18 avril 1994 ; décrets législatifs n. 95-174 et n. 95-175 du 17 mars 1995 ; décret législatif n. 98-373 du 13 octobre 1998 ; décret législatif n. 99-343 du 4 août 1999 ; loi n. 2001-57 du 5 mars 2001.

Composition : collégiale (le Président, qui a des fonctions représentatives, et le Conseil)

Mode de désignation : gouvernementale.

Tâches : l'objectif de l'ISVAP est d'assurer la stabilité du marché et des compagnies d'assurance pour garantir les intérêts des assurés-consommateurs. L'institution a pour tâche principale de surveiller les compagnies d'assurance en contrôlant leur gestion technique, financière, patrimoniale et comptable et en vérifiant le respect des dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur. La vigilance s'étend aussi aux agents d'assurance intermédiaires, parce qu'ils ont un rôle fondamental dans le cadre de la politique de l'assurance et de son développement linéaire. Dans l'exercice de ses fonctions, l'ISVAP a la faculté de demander aux entreprises contrôlées la communication de notes et des données et peut disposer des inspections ; elle peut convoquer le représentant légal, le directeur général et le président du collège syndical. Le décret législatif n. 98-373 attribue à l'ISVAP, d'une part, la formulation et la vérification de l'exécution de la politique de l'assurance (auparavant compétence du Comité interministériel pour la politique économique et du Ministère de l'industrie) et l'adoption de tout acte considéré utile ou nécessaire à la protection des entreprises et des usagers, et d'autre part, la rédaction du rapport d'activité. La possibilité d'établir des relations avec les institutions de l'Union européenne et d'exercer un pouvoir consultatif par rapport au Parlement et au Gouvernement confère à l'Institut la pleine compétence pour la régulation et le contrôle du secteur de la sécurité sociale.

3) Banca d'italia

Sources normatives : loi « bancaire » du 1936 ; décret législatif n. 93-385 du 1er septembre 1993 ; décret législatif n. 98-58 du 24 février 1998.

Composition : collégiale (le Gouverneur, le Conseil Supérieur, l'Assemblée générale des détenteurs du capital, le Directeur général, deux Vice Directeurs généraux, le Collège syndical, le Directoire, composé par le Gouverneur, le Directeur Général et les deux Vice Directeurs généraux).

Mode de désignation : le Gouverneur est nommé après délibération du Conseil supérieur de la Banque d'Italie, approuvée par décret du Président de la République, sur proposition du Président du Conseil des Ministres, d'entente avec le Ministre du Trésor, sur avis du Conseil des Ministres. Les faits récents qui ont mise en cause le Gouverneur de la Banca d'Italia, Antonio Fazio, ont amené le Gouvernement a élaborer un projet de réforme qui prévoit un délai d'expiration du mandat du Gouverneur (sept ans).

Tâches : la Banca d'Italia, a deux fonctions principales, la première - la plus ancienne - est le droit exclusif d'émettre la monnaie en voie exclusive afin de la stabilisation des prix ; cette prérogative remonte à la loi constitutive de la Banca d'Italia (1893) issue de la fusion entre la Banque Nationale du Royaume et la Banque Toscane du crédit. La deuxième fonction est la vigilance sur les banques et les intermédiaires financiers, sous la direction d'un organe gouvernemental le Comité interministériel pour le crédit et l'épargne. En outre, la Banca d'Italia est insérée dans le système bancaire européen et sous ce profil elle garantie la concurrence entre les entreprises bancaires, y compris la répression des comportements illégaux, en dérogeant pour le secteur bancaire à la normative italienne sur l'antitrust qui, au contraire, attribue cette fonction générale de sanction à l'Autorità garante della concorrenza e del mercato. Donc la Banca d'Italia a une triple dimension : comme banque centrale, c'est une autorité communautaire ; comme autorité antitrust par rapport aux entreprises bancaires, c'est une autorité indépendante ; comme autorité de vigilance, elle perd son indépendante parce qu'elle dépend d'un organe gouvernemental.

4) Autorità per le garanzie nelle comunicazioni

a) Sources normatives : loi n. 97-249 du 31 juillet 1997 ; loi n. 28-2000 du 22 février 2000 ; décret législatif n. 2003-259 du 1er août 2003.

Composition : collégiale (le Président, la Commission pour les infrastructures et les réseaux, la Commission pour les services et les produits, le Conseil ; chaque Commission est formée par le Président et quatre commissaires ; le Conseil est formée par neuf membres, le Président et les commissaires).

Mode de désignation : parlementaire. Le président est nommé pour sept ans par décret du président de la République, sur proposition du Président du Conseil des Ministres, d'accord avec le Ministre des Communications et après avis préalable des Commissions parlementaires compétentes.

Tâches : l'autorité a la double fonction de garantir la concurrence des opérateurs du secteur des télécommunications et de protéger les droits des usagers. Le législateur italien a choisi d'attribuer à un organisme les fonctions de régulation et de vigilance dans les secteurs des télécommunications, de l'audiovisuel et de la presse. Le choix à été déterminé par les changements importants survenus avec la technologie digitale.

5) Autorità per l'energia elettrica e il gas

a) Sources normatives : loi n. 95-481 du 14 novembre 1995 ; loi n. 2004-239 du 23 août 2004.

Composition : collégiale (le Président et quatre membres).

Mode de désignation : conjointe entre Gouvernement et Parlement. Les cinq membres sont nommés par décret du Président de la République, sur délibération du Conseil des Ministres et sur proposition du Ministère des activités productives. Les nominations effectuées par le Gouvernement sont soumises à l'avis exprimé à la majorité des deux tiers des membres de la Commission parlementaire compétente.

Tâches : l'autorité doit garantir la promotion de la concurrence et de l'efficacité de l'action dans les secteurs de l'énergie électrique et du gaz et assurer la qualité des services. Ces finalités sont poursuivies grâce à la distribution de services identiques sur le territoire national, à la prévision des tarifs fixes basés sur des critères préétablis et à la promotion des intérêts des usagers.

6) Commissione di garanzia per l'attuazione della legge sullo sciopero nei servizi pubblici essenziali

a) Sources normatives : loi 90-146 du 12 juin 1990 (art. 12) ; loi n. 2000-83 du 11 avril 2000.

Composition : collégiale (le Président et huit membres).

Mode de désignation : parlementaire. Les neuf membres, choisis parmi des spécialistes de droit constitutionnel, droit du travail et relations industrielles, sont désignés par le Président de la Chambre des députés et le Président du Sénat de la République et nommés par décret du Président de la République.

Tâches : l'autorité doit évaluer les prestations sociales essentielles, prévues par les accords entre les parties sociales et les codes d'auto-réglementation, afin de garantir l'équilibre entre l'exercice du droit de chômage et les droits individuels constitutionnellement garantis. À cet égard, l'autorité exprime son avis sur l'interprétation des contenus des accords ou des codes et à la demande des parties sociales la Commission rend une décision arbitrale sur la question controversée ; en outre, la Commission invite les sujets qui ont proclamé le chômage à le renvoyer à une date ultérieure pour tenter la conciliation ; la Commission doit, enfin, signaler à l'autorité compétente les circonstances dans lesquelles le chômage peut porter atteinte aux droits constitutionnels des citoyens.

7) Garante per la protezione dei dati personali

a) Sources normatives : loi. n. 96-675 du 31 décembre 1996.

Composition : collégiale (le Président, le Vice Président, deux membres et un Secrétaire général). Le mandat a une durée de quatre ans renouvelables.

Mode de désignation : parlementaire (élection).

Tâches : le Garante vérifie que le traitement des données personnelles respecte les droits, les libertés personnelles, la dignité de la personne, la privacy et l'identité personnelles par la protection des droits des personnes morales, des collectivités juridiques et des associations.

8) Autorità garante della concorrenza e del mercato

Sources normatives : loi n. 90-287 du 10 octobre 1990 ; décret législatif n° 92-74 du 25 janvier 1992 ; décret législatif n. 2000-67 du 25 février 2000 ; loi n° 2005-49 du 6 avril 2005.

Composition : collégiale (le Président et quatre membres). La durée du mandat est de sept ans non renouvelable.

Mode de désignation : parlementaire (désignation conjointe du Président de la Chambre des députés et du Président du Sénat de la République)

Tâches : l'autorité contrôle l'application des dispositions de la loi n. 90-287, en surveillant : 1) les ententes restrictives de la concurrence ; 2) les abus de la position dominante et de subordination économique (art. 11 de la loi n. 2001-57) ; 3) les opérations de concentration qui favorisent l'émergence d'une position dominant altérant ainsi le système concurrentiel. L'autorité doit appliquer les dispositions du décret législatif n. 92-74 dans les domaines de la publicité mensongère et la publicité comparative, en interdisant la divulgation des messages publicitaires jugés trompeurs. En assurant, d'une part, les conditions générales de la liberté d'entreprise et de la concurrence, et d'autre part, en protégeant les usagers contre le risque de position dominante, en favorisant la limitation des prix et la qualité des produits, l'autorité garantit la liberté d'initiative économique dans le cadre d'un système concurrentiel, et elle facilite ainsi l'intégration entre le système italien et le système communautaire.

Bibliographie essentielle

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LITUANIE

par Mme Erika ZITKEVICIUTE
Université de Vilnius

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SOMMAIRE

Introduction

I - Les autorités administratives indépendantes chargées de la régulation des activités économiques 

1. Le Service national de contrôle du tabac et de l'alcool près le Gouvernement

2. Le Service de la République de la régulation des liaisons

3. La Commission de la République du contrôle d'assurance

4. La Commission nationale de contrôle des prix et de l'énergie

5. La Commission nationale de la surveillance des jeux de hasard

6. La Commission de la radio et de la télévision de la Lituanie

7. Le Service des achats publics

8. Le Service de la concurrence

9. La Commission des valeurs

10. Le Contrôle de l'État.

II - Les autorités administratives indépendantes protégeant les droits des citoyens

1. Les Commissions des Contentieux administratifs

2. L'Inspection de l'énergie nucléaire

3. Le Service du contrôle des possibilités égales des hommes et des femmes

4. La Commission des contentieux des impôts

5. Le Service national de la nourriture et de la médecine vétérinaire

6. Le Conseil national de la santé

7. L'Inspecteur de l'éthique des journalistes en Lituanie

8. Le Défenseur des droits des enfants

9. Le Département de la sécurité de l'État

10. La Commission suprême de l'éthique des fonctionnaires

11. La Commission suprême des élections

Conclusions

LISTE DES ABRÉVIATIONS

CC Conseil de la concurrence

CCA Commissions des contentieux administratifs

CCI Commission des contentieux des impôts

CE Contrôle de l'État

CRCA Commission de la République de contrôle d'assurance

CNCJ Commission nationale de surveillance des jeux du hasard

CNCPE Commission nationale de contrôle des prix et de l'énergie

CNS Conseil national de la santé

CRTL Commission de la radio et de la télévision de la Lituanie

CSE Commission suprême des élections

CSEF Commission suprême de l'éthique des fonctionnaires

DDE Défenseur des droits des enfants

DES Département de la sécurité de l'État

IEJL L'inspecteur de l'éthique des journalistes en Lituanie

IEN Inspection de l'énergie nucléaire

SEP Service des achats publics

SCPEHF Service de contrôle des possibilités égales des hommes et des femmes

SNCTA Service national de contrôle du tabac et de l'alcool près le Gouvernement

SNNMV Service national de la nourriture et de la médecine vétérinaire

SRRL Service de la République de régulation de liaison

Introduction

La Lituanie est une république démocratique. Depuis 1990 elle est devenue indépendante. Le pouvoir de la Lituanie est exercé par le Parlement qui s'appelle Seimas, par le Gouvernement, par le Président et par les juridictions. La Constitution de la Lituanie a été adoptée en 1992 par les citoyens de la Lituanie. Le 1er mai 2004 la Lituanie est entrée dans l'Union européenne. De plus en plus ce pays devient un vrai membre de l'Europe de l'ouest.

Le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire sont séparés. Il existe deux sortes de juridictions : les juridictions administratives et les juridictions judiciaires. Le pouvoir exécutif est attribué au Gouvernement et au Président de la République. Le pouvoir judiciaire est attribué aux juridictions.

En Lituanie n'existe pas le terme d'« autorités administratives indépendantes ». Mais même si on n'utilise pas de ce terme, on peut identifier ces autorités par leurs statuts, leurs fonctions etc. L'administration lituanienne est traditionnellement organisée selon des structures hiérarchiques, placées sous l'autorité d'un ministre. On ne sait quelles autorités pourraient s'appeler autorités administratives indépendantes. Mais quelques autorités administratives peuvent être présentées comme autorités administratives indépendantes. Ces autorités ont des qualités communes qui permettent de les définir comme des institutions créées par la loi, en dehors des structures administratives traditionnelles. Elles n'ont pas de personnalité juridique propre, mais sont dotées d'une autonomie fortement garantie, et elles sont chargées, dans un domaine déterminé, d'une mission de régulation.

En Lituanie, il n'y a pas d'autorités administratives déterminées comme indépendantes par le pouvoir législatif ou judiciaire. On peut parler seulement au niveau théorique. L'administration lituanienne est traditionnellement soumise à l'autorité hiérarchique d'un ministre. Par contre, les autorités, qu'on peut appeler ici autorités administratives indépendantes, ne sont pas soumises à l'autorité hiérarchique d'un ministre.

En Lituanie, il existe des autorités administratives créées près le Gouvernement ou près le Parlement. C'est-à-dire responsables devant le Gouvernement ou devant le Parlement. Le statut juridique de ces autorités est contradictoire. Elles sont responsables devant les autorités exécutives ou législatives, mais ne sont pas soumises à l'autorité de ministres. Ce sont le Premier Ministre ou le chef du Parlement qui peuvent les contrôler directement.

Ces autorités administratives indépendantes peuvent être classées en deux grands groupes, selon qu'elles ont pour objet la régulation des activités économiques (I) ou la protection des droits des citoyens (II).

Les autorités administratives indépendantes chargées de la régulation des activités économiques :

Le Service national de contrôle du tabac et de l'alcool près le Gouvernement (SNCTA) (1)

Le Service de la République de régulation de liaison (SRRL) (2)

La Commission de la République de contrôle d'assurance (CRCA) (3)

La Commission nationale de contrôle des prix et de l'énergie (CNCPE) (4)

La Commission nationale de surveillance des jeux de hasard (CNCJ) (5)

La Commission de radio et de télévision de la Lituanie (CRTL) (6)

Le Service des achats publics (SAP) (7)

Le Conseil de la concurrence (CC) (8)

La Commission des valeurs (CV) (9)

Le Contrôle de l'État (CE) (10)

Les autorités administratives indépendantes protégeant les droits des citoyens :

Les Commissions des contentieux administratifs (CCA) (1)

L'inspection de l'énergie nucléaire (IEN) (2)

Le Service de contrôle des possibilités égales des hommes et des femmes (SCPEHF) (3)

La Commission des contentieux des impôts (CCI) (4)

Le Service national de la nourriture et de la médecine vétérinaire (SNNMV) (5)

Le Conseil national de la santé (CNS) (6)

Le Défenseur des droits des enfants (DDE) (7)

L'inspecteur de l'éthique des journalistes en Lituanie (IEJL) (8)

Le Département de la sécurité de l'État (DSE) (9)

La Commission suprême de l'étique des fonctionnaires (CSEF) (10)

La Commission suprême des élections (CSE) (11)

I - Les autorités administratives indépendantes chargées de la régulation des activités économiques

Dans ce chapitre nous étudions les institutions suivantes : le Service national de contrôle du tabac et de l'alcool près le Gouvernement (1), le Service de la République de régulation des liaisons (2), la Commission de la République de contrôle d'assurance (3), la Commission nationale de contrôle des prix et de l'énergie (4), la Commission nationale de surveillance des jeux de hasard (5), la Commission de radio et de télévision de la Lituanie (6), le Service des achats publics (7), le Conseil de la concurrence (8), la Commission des valeurs (9), le Contrôle de l'État (10).

1. Le Service national de contrôle du tabac et de l'alcool près le Gouvernement

A. La composition de l'autorité

Le SNCTA est une autorité indépendante pour la réalisation de la politique étatique du tabac et de l'alcool. Il a une nature administrative.

Ce Service a été créé par arrêté du Gouvernement526. C'est une institution du pouvoir exécutif. Il est responsable devant le Gouvernement. Le Premier Ministre nomme le directeur du Service. Le directeur peut être renvoyé par le Premier Ministre. Les autres membres du Service sont nommés et peuvent être renvoyés par le directeur du Service. Le directeur du Service peut avoir un adjoint, nommé par le directeur lui-même.

B. La position du Service par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

Le SNCTA est créé prés le Gouvernement. C'est une institution du pouvoir exécutif et responsable devant le Gouvernement. Le directeur du Service est subordonné au Premier Ministre. Ce service est indépendant des pouvoirs législatif et judiciaire. Le directeur du Service peut être stimulé et puni d'après la loi du Service public d'État. Le SNCTA doit agir d'après les actes juridiques lituaniens. Son activité est organisée par les plans stratégiques sanctionnés et promulgués par le Gouvernement. Ces plans sont préparés d'après le programme du Gouvernement qui doit être accepté par le Parlement. Les plans stratégiques doivent être coordonnés avec la stratégie de développement de l'État.

Les actes du directeur du Service sont obligatoires pour les ministères, pour les autres autorités du Gouvernement, pour les autorités de l'administration autonome locale, pour les entreprises, pour les administrations publiques et pour les organisations.

Les plaintes contre chaque décision de ce Service peuvent être déposées devant les juridictions administratives de la Lituanie.

C. Les conditions de nomination des membres

Les membres du SNCTA sont des fonctionnaires d'État. Ils sont nommés d'après les règles de la loi du Service public d'État. Le directeur est nommé par le Premier Ministre et les autres membres par le directeur du Service. La durée de leurs fonctions n'est pas indiquée. Tout membre peut être renvoyé d'après les règles de la loi du Service public d'État527.

D. Les prérogatives du SNCTA

Le SNCTA est créé pour réaliser la politique nationale du tabac et de l'alcool. Il a pour mission de diminuer la consommation de tabac et d'alcool. Il contrôle, comment les autorités administratives respectent leurs obligations, les actes juridiques au sujet du tabac et de l'alcool.

Ce Service délivre et annule des licences pour les sociétés qui veulent cultiver du tabac, produire de l'alcool et du tabac, faire le négoce de tabac ou d'alcool et pour les autres activités, si les licences sont déterminées par les actes juridiques.

Le SNCTA vérifie les papiers obligatoires pour recevoir les licences.

Il contrôle comment les autorités de l'administration autonome locale observent les règles de délivrance de licences aux sociétés pour faire le commerce de détail de tabac et d'alcool.

Il contrôle les sociétés qui produisent et vendent de l'alcool et du tabac.

Le SNCTA contrôle comment les personnes physiques et morales observent les règles de la publicité des produits du tabac et de l'alcool.

Le SNCTA présente des propositions pour la préparation des lois. Il participe à la préparation et la réalisation des programmes de contrôle du tabac et de l'alcool.

Ce service peut conseiller les autorités de l'administration autonome locale, sur la manière de préparer et de réaliser les programmes de contrôle du tabac et de l'alcool.

D'après sa compétence, il examine des plaintes ou des propositions des personnes physiques et morales. Il fait des consultations sur la politique de contrôle du tabac et de l'alcool, il explique quelles règles sont déclarées par les actes. Le SNCTA informe toujours la société de son activité.

Les fonctionnaires de Service peuvent entrer dans toutes les sociétés qui produisent, vendent, importent ou exportent les produits du tabac et de l'alcool. Si le Service constate que les règles sont violées, il peut obliger de suspendre l'activité de la société.

E. Les modalités du contrôle de l'activité du SNCTA par les pouvoirs législatif ou exécutif

Cette autorité administrative est responsable devant le Gouvernement. C'est-à-dire que le Premier Ministre peut contrôler l'activité de ce Service. Le Premier Ministre nomme le directeur du Service. Il peut le renvoyer, il peut lui infliger une sanction ou attribuer un encouragement, prévus par les lois. Ce Service n'a pas de relations directes avec le pouvoir législatif. Il peut proposer des projets des lois. Mais le SNCTA n'est pas responsable devant le Parlement.

F. Les conditions de leur indépendance financière

Le SNCTA est financé par le budget de l'État. L'activité financière de ce Service est contrôlée par le Ministère des Finances et par les autres institutions qui ont le droit de contrôler les finances de l'État.

2. Le Service de la République de la régulation des liaisons

A. La composition de l'autorité

Le SRRL est créé par arrêté du Gouvernement. Le SRRL est géré par un directeur nommé par le Président de la République. La candidature de directeur est recommandée par le Premier Ministre. La durée du mandat de directeur est de cinq ans. Les employés du Service sont fonctionnaires de l'État. Ils sont nommés par le directeur du Service.

Le Conseil fonctionne au sein du SRRL. Ce Conseil peut attribuer un encouragement au directeur. Le Conseil du SRRL est un organe collégial. Il est composé de sept membres. Le directeur du Service est aussi président du Conseil. Le Conseil est formé par le Président de la République pour cinq ans. L'activité des membres du Conseil n'est pas rétribuée. L'organisation du travail du Conseil est réglementée par le Règlement du travail de SRRL. Le directeur du Service prend des ordonnances et le Conseil des arrêtés. Le directeur de Service décide de toutes les questions de la compétence du Service. Parfois il doit coordonner ses décisions avec le Conseil.

Le directeur du Service peut avoir des adjoints nommés par le directeur lui-même. Le Président de la République, sur recommandation de Premier Ministre, peut licencier le directeur du Service et des membres du Conseil seulement dans les cas prévus par le Règlement du SRRL (par exemple, quand son mandat se termine pour cause de santé, si le fonctionnaire est à la retraite, si le fonctionnaire est élu à d'autres fonctions ou s'il en change, si un jugement d'accusation entre en vigueur, si le fonctionnaire discrédite son nom).

B. La position du Service par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

Le SRRL est une autorité administrative indépendante. Son directeur est nommé par le Président de la République sur recommandation du Premier Ministre. Donc, on peut dire que cette autorité est liée plutôt au pouvoir exécutif. Mais ce Service n'a pas de relation directe avec le pouvoir législatif, si ce n'est qu'il est financé sur le budget de l'État qui est prévu par le Parlement.

Les décisions du SRRL peuvent faire l'objet de plainte devant les juridictions administratives.

C. Les conditions de nomination des membres

Le directeur du SRRL est nommé par décret du Président de la République. Le mandat de directeur dure cinq ans. Les autres membres du SRRL sont nommés par le directeur d'après les règles de la loi du Service public d'État ou d'après le Code du travail. La durée du mandat des autres membres du SRRL n'est pas fixée.

D. Ses prérogatives

Le SRRL est créé pour garantir une concurrence effective dans le secteur des liaisons électroniques, l'usage effectif des réserves des liaisons, la protection des droits des consommateurs. Le Service est chargé de garantir les droits des consommateurs, il doit assurer la procédure de manière simple et rapide.

Selon sa compétence, le SRRL doit stimuler les investissements et le développement du marché des liaisons. Ce Service est chargé de garantir que les fournisseurs de liaison et les opérateurs exercent leurs engagements sans violation de l'ordre public et de la sûreté nationale.

Le SRRL surveille que les règles du service de la poste et des liaisons électroniques soient respectées.

Le SRRL a le droit d'adopter beaucoup d'actes juridiques, qui réglementent l'activité des liaisons électroniques, il peut proposer au pouvoir exécutif ou législatif des projets d'actes juridiques, il présente une liste des activités dont le commerçant qui les exerce doit informer le SRRL.

Le SRRL gère les réserves des liaisons. Il analyse le marché des liaisons.

Ce Service et la CRTL préparent pour le Gouvernement une stratégie d'autorisation des fréquences de radio et de télévision. Il doit vérifier la technique de radio et l'apprécier.

Il examine des violations des actes juridiques, il peut infliger des sanctions aux contrevenants. La procédure des sanctions économiques est réglementée par les règles adoptées par le SRRL.

Ce Service coopère avec les autorités de l'UE. Il réalise des obligations édictées par l'UE dans le secteur des liaisons.

Le Conseil du Service examine les contentieux, le SRRL établit les règles de procédure.

Le SRRL délivre les licences pour l'activité des postes. Il propose au Gouvernement les taxes maximales des services postaux. Une fois par an le Service organise un contrôle indépendant de tous les services postaux.

Le SRRL doit agir publiquement, être toujours impartial, sans discrimination et doit agir d'après les actes juridiques. Ses compétences démontrent que ce Service est une autorité administrative indépendante. Ses décisions ne sont pas influencées par le pouvoir exécutif ou le législatif.

E. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le SRRL est une autorité administrative indépendante. Son directeur est nommé par le Président de la République sur recommandation du Premier Ministre. Donc, on peut constater que cette autorité est liée plutôt au pouvoir exécutif. Mais elle est indépendante dans son activité. Le pouvoir législatif n'a pas le droit de contrôler l'activité du SRRL. Le Parlement fixe le budget d'État, et le SRRL est partiellement financé sur le budget de l'État.

F. Les conditions de son indépendance financière

Le SRRL est financé par le budget d'État et son propre budget. Le budget du SRRL est formé des recettes du SRRL obtenues par ses services ou ses travaux. Les taxes pour les services et pour les travaux du SRRL sont fixées par lui-même. Elles doivent être justes. Les taxes pour les services et pour les travaux doivent être payées sur le compte bancaire du SRRL ou dans sa caisse.

Les employés du SRRL sont payés d'après les lois. Des autorités compétentes peuvent contrôler l'activité financière du SRRL.

3. La Commission de la République du contrôle d'assurance

A. La composition de l'autorité

La CRSA est instituée par la loi528. Son Règlement a été adopté par arrêté du Gouvernement529. Cette Commission est une autorité administrative indépendante. Elle a pour mission de surveiller les activités d'assurance, de réassurance, de surveiller l'activité des médiateurs dans les secteurs de l'assurance et de la réassurance.

La CRSA est composée de cinq membres. Un d'entre eux est le président de la Commission et l'autre son adjoint. Les trois autres sont des membres de la Commission. Les membres de la Commission ne peuvent être que des personnes à la réputation irréprochable et citoyens de la République lituanienne.

Le président de la Commission est nommé par le Premier Ministre, sur recommandation du Ministre des Finances. Les autres membres de la commission et l'adjoint du président son nommés par le Premier Ministre aussi. Mais leurs candidatures sont recommandées par le président de la Commission. Le mandat de tous les membres de la Commission est de cinq ans. Ils ne peuvent être renvoyés que par le Premier Ministre. Les personnes ne peuvent être membres de la Commission plus de deux mandats. Les membres de la Commission sont fonctionnaires d'État. Ils ont les garanties déclarées par les lois ou autres actes juridiques. Les membres de la Commission peuvent être stimulés et punis d'après les normes des actes.

Le Règlement de la Commission prévoit les cas où le membre de la Commission peut être renvoyé avant que son mandat ne se termine (si le membre donne sa démission, si pour cause de santé il ne peut pas travailler plus de cent vingt jours de suite ou cent quarante jours par an, ou s'il ne peut continuer son service pour cause de santé, si un jugement d'accusation est exécuté, s'il viole ses fonctions, s'il n'est plus à la hauteur). Si un membre est renvoyé, le nouveau membre est nommé pour un nouveau mandat.

Les membres de la Commission ne peuvent exercer aucune autre fonction et ils ne peuvent recevoir d'autre rémunération, sauf pour une activité pédagogique et créative. Les membres de la Commission ne peuvent pas participer aux activités de gestion des entreprises d'assurance.

Les membres de la Commission siégent, quand c'est obligatoire, mais pas moins d'une fois par mois. Les séances de la Commission sont légales si pas moins des deux tiers des membres y participent. Il est obligatoire que le président ou son adjoint y participe. Les décisions sont prises à la majorité. La Commission prend des arrêtés. Le président de la Commission adopte les arrêtés.

La CRSA a une administration chargée d'exécuter les fonctions de la Commission. L'administration se compose de fonctionnaires d'État et d'employés.

B. La position de la Commission par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

Tous les deux ans la Commission établit et adresse au Gouvernement une revue analytique de l'exécution des fonctions, de la situation de l'assurance. Cette Commission n'est pas directement responsable devant le Parlement ou le Gouvernement. C'est une autorité administrative indépendante. Les juridictions administratives peuvent annuler les décisions de la Commission.

C. Ses prérogatives

La CRSA est chargée de réaliser des fonctions d'État dans le secteur de l'assurance, et de la réassurance. Elle doit surveiller la situation de l'assurance en Lituanie, la situation des agences d'assurance. Cette Commission est obligée de contrôler le système d'assurance, son effectivité, sa certitude, sa stabilité. Elle garantit la protection des droits et des intérêts des personnes liées par des relations avec l'assurance. La Commission garantit la publicité de ses fonctions. Elle doit informer la société.

La CRSA prépare, adopte, modifie les actes juridiques sur les relations avec l'assurance. Elle a le droit de régler des relations de l'assurance.

Elle délivre et annule des licences pour l'activité de l'assurance et les autres licences prévues par les lois.

La CRSA peut infliger des mesures d'influence prévues par la loi de l'assurance530. Elle organise des examens pour les agents d'assurance.

La Commission saisit la juridiction pour intenter un procès de banqueroute de l'agence d'assurance ou annuler des décisions des agences d'assurance. Elle peut saisir la juridiction pour défendre l'intérêt public.

Elle examine les contentieux relevant des contrats d'assurance, elle établit les règles de procédure.

Elle contrôle des agences d'assurance. Elle a le droit de recevoir toute information obligatoire sur la situation réelle de l'assurance.

La CRSA peut donner des recommandations au sujet de l'assurance. Elle est responsable de la situation de l'assurance. Elle collabore avec les autorités de l'UE et réalise les obligations de l'UE dans le secteur de l'assurance.

D. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

La CRSA est une autorité administrative indépendante. Elle est composée de cinq membres. Son président est nommé par le Premier Ministre sur recommandation du Ministre des Finances. Les autres membres de la Commission et l'adjoint du président sont aussi nommés par le Premier Ministre. Les membres de la Commission ne peuvent être que des personnes à la réputation irréprochable et citoyens de la République lituanienne. Ils ne peuvent être renvoyés que par le Premier Ministre.

Le pouvoir législatif ou exécutif ne contrôle pas directement cette autorité. Tous les deux ans la Commission établit et adresse au Gouvernement une revue analytique de l'exécution des fonctions, et de la situation de l'assurance. Chaque année la Commission établit son rapport annuel sur l'information générale de la situation de l'assurance, et sur les fonctions de la Commission. Cette Commission n'est pas directement responsable devant le Parlement ou le Gouvernement.

Les questions examinées par la Commission sont proposées par les membres de la Commission. On peut constater que le pouvoir législatif ou exécutif n'exerce pas d'influence sur le travail de la Commission.

La loi prévoit que le Gouvernement est chargé de fixer le pourcentage des taxes pour financer la Commission. La Commission est financée par les agences d'assurance. Elles doivent payer la taxe fixée selon la valeur des contrats d'assurance. Cette autorité est donc indépendante financièrement du pouvoir législatif ou exécutif.

E. Les conditions de son indépendance financière

La CRSA est financée par les agences d'assurance. Son budget est formé des taxes payées par les agences d'assurance. Le pourcentage des taxes est fixé par le Gouvernement. La taxe change tous les trois mois. Les taxes sont calculées selon les contrats d'assurance signés dans l'agence d'assurance. Cette autorité est donc indépendante financièrement du pouvoir législatif ou exécutif. Le Gouvernement peut exercer son influence en fixant le pourcentage des taxes.

4. La Commission nationale de contrôle des prix et de l'énergie

A. La composition de l'autorité

La CNCPE est chargée de contrôler les prix de l'énergie électrique, le marché du gaz, l'économie de la chaleur et de l'eau. La CNCPE est une autorité administrative indépendante. Son Règlement est adopté par arrêté du Gouvernement531.

La CNCPE est composée de cinq membres. Un d'entre eux est le président de la Commission. Le président de la Commission et ses membres sont nommés par le Président de la République sur recommandation du Premier Ministre. Le mandat des membres de la Commission dure cinq ans. La CNCPE est présidée par le président.

Si le président de la Commission ne participe pas à la séance, un des membres de la Commission doit le remplacer. C'est le président de la Commission qui nomme un membre pour le remplacer. L'administration de la Commission est chargée de garantir les fonctions de cette autorité. Le président de la Commission admet et licencie les fonctionnaires et les employeurs du travail. Il peut les stimuler ou punir d'après les lois.

La Commission peut siéger si au moins quatre membres de la Commission y participent. Les décisions sont prises à la majorité des voix.

B. La position de la Commission par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

La CNCPE est responsable de ses décisions. Ses membres sont nommés par le Président de la république pour cinq ans. Ils sont recommandés par le Premier Ministre. On peut donc constater que la Commission a des relations propres avec le pouvoir exécutif. Mais avec le pouvoir législatif cette autorité n'a pas de relations directes mais elle est financée par le budget de l'État.

Les décisions de la Commission peuvent être annulées ou modifiées par les juridictions.

C. Les conditions de nomination des membres

Les membres de la Commission sont nommés par le Président de la République. Ils ne peuvent être que des personnes à la réputation irréprochable et citoyens de la République lituanienne.

Les membres de la Commission ne peuvent être renvoyés que par le Président de la République. Si un membre est renvoyé, le nouveau membre est nommé pour un nouveau mandat. On ne fixe pas le nombre de mandats. Chaque fois le Président de la République décide de la candidature recommandée.

D. Ses prérogatives

La CNCPE est chargée de contrôler des prix de l'énergie électrique, le marché du gaz, l'économie de la chaleur et de l'eau. La Commission a pour mission la régulation des prix. Elle fixe les prix maximaux.

La Commission délivre des licences aux distributeurs d'énergie.

Elle examine les plaintes contre les entreprises d'énergie qui distribuent, fournissent, transmettent l'énergie, les plaintes sur les prix ou tarifs de l'énergie et sur d'autres questions. Elle rend des décisions qui peuvent être attaquées devant les juridictions.

Elle contrôle l'application des prix et des tarifs de l'énergie. La Commission prépare des règles, des règlements, des méthodologies sur la régulation des prix et des tarifs de l'énergie, et le marché de l'énergie. Elle peut infliger des amendes aux contrevenants des règles.

La Commission prépare un rapport annuel de son activité. Elle l'établit et adresse au Président de la République, au Parlement et au Gouvernement ce rapport annuel.

E. Les modalités du contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

La CNCPE est une autorité administrative indépendante. Sa mission et sa compétence prouvent que cette autorité peut agir sans le contrôle direct de pouvoirs législatif ou exécutif. La Commission est formée par le Président de la République. Le Premier Ministre recommande des personnes. Mais les membres de la Commission ne sont pas contrôlés par les pouvoirs législatifs ou exécutifs. La Commission doit présenter son rapport annuel au Président de la République, au Parlement et au Gouvernement. Elle doit présenter son activité à la société.

F. Les conditions de son indépendance financière

La CNCPE est financée par le budget de l'État. Mais le règlement de la Commission prévoit que d'autres ressources peuvent être aussi utilisées pour financer cette autorité. Les membres de la Commission et les fonctionnaires de l'administration sont payés sur le budget de l'État. Le pouvoir législatif fixe le budget de l'État.

L'activité financière de la Commission est contrôlée par les autorités compétentes de l'État. Les pouvoirs législatif ou exécutif peuvent donc influencer la Commission.

5. La Commission nationale de la surveillance des jeux de hasard

A. La composition de l'autorité

La CNSJH est composée de six membres. Un de ces membres est le président de la Commission. Deux membres de la Commission sont nommés et peuvent être renvoyés par le Président de la République, deux par le Président du Parlement, deux par le Premier Ministre. Les personnes ne peuvent être membres de la Commission pour plus de deux mandats. Les mandats des membres durent cinq ans.

Le président de la Commission nomme son adjoint et le secrétaire de la Commission.

D'après le règlement, un membre de la Commission peut être renvoyé s'il donne sa démission, s'il perd la citoyenneté lituanienne, si pour cause de santé il ne peut travailler plus de cent vingt jours de suite ou cent quarante jours par douze mois, ou ne peut continuer son service pour cause de santé, si un jugement d'accusation est exécuté, s'il ne remplit plus les exigences prévues par la loi. Si le membre est renvoyé, le Président de la République, le Premier Ministre ou le Président du Parlement nomme une autre personne pour un mandat de cinq ans.

Le règlement de la Commission prévoit le niveau de formation des membres de la Commission. Les membres de la Commission ne peuvent exercer aucune autre fonction et ils ne peuvent pas recevoir d'autre rémunération, sauf pour une activité pédagogique et créative. Les membres de la Commission sont fonctionnaires de l'administration, ils n'ont pas droit de jouer, sauf quand c'est obligatoire pour l'activité de la Commission.

Le président de la Commission organise le travail de toute la Commission. Si le président est absent, il est remplacé par son adjoint. Les réunions de la Commission sont légales si au moins 4 membres y participent. Ses décisions sont prises à la majorité.

B. La position de la Commission par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

La CNSJH est instituée par le Gouvernement. On peut constater que cette autorité a des liens avec le pouvoir exécutif. Mais La Commission est une autorité administrative indépendante. Elle n'est pas contrôlée directement, ses membres ne sont pas soumis dans la hiérarchie traditionnelle du ministre.

Le président de la Commission organise et contrôle le travail de la Commission. Il convoque des réunions de la Commission. Elle adopte des arrêtés de la Commission.

Chaque membre de la Commission a une section de quelle il est responsable. Le président de la Commission établie et adresse au Gouvernement des rapports annuels.

Les pouvoirs législatif et exécutif participe dans la formation de la Commission. Les membres de la Commission sont nommés par les fonctionnaires supérieures de l'État.

Les décisions de la Commission peuvent être attaquées devant les juridictions. Des juridictions peuvent les annuler, modifier ou confirmer.

C. Les conditions de nomination des membres

Les membres de la Commission sont nommés par le Président de la République, par le Premier Ministre et par le Président du Parlement. Ils ne peuvent être que des personnes à la réputation irréprochable et que des citoyens de la République lituanienne. Les personnes ne peuvent être membres de la Commission plus longtemps que deux mandats.

Si un membre est renvoyé, le nouveau membre est nommé pour la nouvelle cadence. Le règlement ne prévoit pas qui peut recommander des candidatures des membres.

D. Ses prérogatives

La CNSJH est chargée de surveiller et de contrôler l'activité des jeux de hasard, de garantir les droits et les intérêts des personnes qui jouent. Le CNSJ doit surveiller l'organisation des loteries, garantir les droits et les intérêts des organisateurs.

La Commission examine les papiers pour la délivrance des licences obligatoires pour organiser des jeux de hasard ou loteries. Elle examine les papiers pour licencier des maisons de jeux (casino) ou des automates de jeux de hasard. La Commission délivre des licences et les annule pour les maisons des jeux de hasard, pour les automates des jeux de hasard, pour l'organisation des loteries. Elle contrôle comment les organisateurs des loteries et des jeux de hasard respectent les actes juridiques, comment ils réalisent leurs engagements. La Commission ne peut délivrer de licences pour organiser des jeux qu'avec d'accord du Département de la sécurité de l'État, du Service des enquêtes spéciales, du Service d'instruction des crimes financiers et du Département de la police.

La Commission prépare les projets des actes juridiques sur les jeux de hasard et loteries. Elle adopte les règlements sur les jeux de hasard, les modifie et les annule.

La CNSJ décide de reconnaître ou non les certificats des organisations de jeux de hasard étrangères.

La Commission est responsable du registre des équipements des jeux de hasard. Elle fixe des règles techniques des équipements des jeux de hasard. Elle surveille et règle le système des billets de loterie, la protection de l'information sur les personnes gagnantes. La CNSJ a le droit de vérifier la situation financière des organisateurs des loteries et des jeux de hasard. La Commission peut infliger des sanctions aux organisateurs des loteries et des jeux de hasard.

E. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

La CNSJ est instituée par le Gouvernement. C'est une autorité administrative indépendante. Les actes juridiques ne prévoient pas que la Commission doive établir des rapports sur son activité. Les membres de la Commission sont nommés par les personnes supérieures de l'État. Mais il n'existe pas de mécanisme de contrôle par le pouvoir législatif ou exécutif.

F. Les conditions de son indépendance financière

La CNSJ est financée par le budget de l'État. Les membres de la Commission et les fonctionnaires de l'administration sont payés sur le budget de l'État. L'activité financière de la Commission est contrôlée par les autorités compétentes de l'État. Les pouvoirs législatif ou exécutif peuvent donc influencer indirectement la Commission.

6. La Commission de la radio et de la télévision de la Lituanie

A. La composition de l'autorité

La Commission de la radio et de la télévision de la Lituanie (CRTL) est une institution indépendante, responsable devant le Parlement. Elle règle et contrôle l'activité des sociétés de télévision et de radio qui sont sous la juridiction de la République lituanienne. La Commission participe à la préparation de la politique audiovisuelle de l'État. Elle est l'expert du Gouvernement pour les questions de diffusion et de retransmission. La Commission comprend treize membres. Un membre est désigné par le Président de la République, trois par le Parlement sur recommandation du ministre de l'instruction, de la science et de la culture, un par l'Union des artistes de Lituanie, un par l'Union des cinématographes de Lituanie, un par l'Union des compositeurs de Lituanie, un par l'Union des écrivains de Lituanie, un par l'Union du théâtre de Lituanie, un par l'Union des journalistes de Lituanie, un par l'Association des journalistes de la Lituanie, un par la Conférence des évêques de l'église catholique de la Lituanie, un par l'Association des éditeurs de la presse périodique de la Lituanie. Le mandat des membres de la commission correspond au mandat des organes de gestion de l'organisation qui les a désignés. Le membre de la Commission ne peut être qu'une personne à la réputation irréprochable. Les personnes ne peuvent être membres de la Commission plus de deux mandats.

Les membres de la Commission élisent le Président de la Commission pour deux ans à la majorité des voix. Les membres de la Commission ne peuvent être membres du Parlement, du Gouvernement, du Conseil de la radio et de la télévision nationales. Ils ne peuvent pas non plus être fonctionnaires de confiance personnelle, avoir des relations de travail avec les diffuseurs et les transmetteurs ou participer à la diffusion ou à la transmission. Les membres des familles des membres de la Commission ne peuvent non plus participer aux dites activités. Les membres désignés à la Commission interrompent leur participation dans les partis et les organisations politiques jusqu'à la fin de leur mandat.

B. Les modalités du contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Tous les deux ans la Commission établit et adresse au Parlement une rapport analytique de l'exécution de la politique audiovisuelle, de l'évolution du marché des services et des perspectives de développement du secteur audiovisuel. Le pouvoir législatif ni le pouvoir exécutif ne contrôlent directement cette autorité.

C. Les conditions de son indépendance financière

Le statut juridique de la CRTL est contradictoire. Cette institution exerce des fonctions administratives, elle est responsable devant le Parlement mais son activité est financée par les diffuseurs. Tous les diffuseurs privés doivent payer 0,8% de leur revenu d'activité de transmission et de diffusion. Il est donc difficile d'avoir une indépendance à l'égard des diffuseurs et en même temps d'exercer des fonctions administratives.

D. Ses prérogatives

En Lituanie, la CRTL prononce et exécute des concours pour recevoir des licences de diffusion. Elle prévoit le montant de la taxe de licence qui doit être versé par le diffuseur.

La CRTL contrôle comment les diffuseurs respectent leurs obligations, les conditions des licences et les décisions de la Commission.

La CRTL veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence. Il faut mentionner que la CRTL partage ce contrôle avec l'inspecteur de l'éthique des journalistes, avec le contrôleur des droits de l'enfant, et le Conseil de RTL. À cause de ce partage des compétences ce contrôle n'est pas efficace.

La CRTL prévoit l'exécution des obligations pour le contenu et la composition des programmes et pour la diffusion des émissions publicitaires.

La CRTL veille à ce que les diffuseurs respectent les règles de diffusion des œuvres européennes, des œuvres des créateurs indépendants, et des événements d'importance majeure. La CRTL exerce la surveillance des programmes.

La CRTL présente des propositions pour la préparation des lois. Tous les deux ans elle présente un rapport analytique sur l'exécution de la politique audiovisuelle au Parlement.

7. Le Service des achats publics

A. La composition de l'autorité

Le SAP a été créé par la loi des achats publics. Il est chargé de veiller sur l'activité des achats publics, la réalisation des achats publics et l'application de la loi des achats publics. Le SAP est une autorité près le Gouvernement.

Cette autorité peut être mise au nombre des autorités administratives indépendantes parce que ce Service a une mission de régulation, de surveillance, de sanction.

Le Service est présidé par le directeur du Service. Il est nommé par le Premier Ministre qui a aussi le droit de renvoyer le directeur du Service. Le directeur du Service est responsable devant le Premier Ministre. Ce Service présente ses rapports d'activité au Premier Ministre.

Les autres fonctionnaires du Service sont nommés par le directeur du Service. Le directeur du Service a un adjoint nommé par le directeur du Service.

B. Ses prérogatives

Le SAP est chargé du domaine des achats publics. Il réalise la politique nationale sur les achats publics et garantit le libre marché, stimule la concurrence, coordonne l'utilisation rationnelle des ressources de l'État. Le Service est chargé de créer un système informatique sur les achats publics.

Le SAP présente des propositions pour la préparation des lois et d'autres actes juridiques. Selon sa compétence il adopte des actes juridiques.

Le Service contrôle comment la loi des achats publics est appliquée, si ses normes sont respectées. Il enseigne les normes sur les achats publics aux employeurs des sociétés qui organisent des achats publics.

Le SAP adopte des règles sur le calcul de valeur d'achat. Il confirme les formes types des rapports. Il peut obliger les sociétés à présenter des rapports et toute information obligatoire sur un achat public. Le Service peut vérifier l'activité de la société, comment elle organise des achats publics. En cas de contravention aux lois et à d'autres actes juridiques il peut saisir le tribunal pour traduire les coupables en justice.

C. Les conditions de son indépendance financière

Le Service est financé par le budget de l'État. Les fonctionnaires et le président du Service sont payés sur le budget de l'État. L'activité financière du Service est contrôlée par les autorités compétentes de l'État.

D. Les modalités du contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Ce Service est une autorité administrative indépendante. Le président du Service est responsable devant le Premier Ministre. Mais le SAP a beaucoup de droits souverains. Il peut agir indépendamment.

Ses décisions peuvent être attaquées devant les juridictions. Le pouvoir législatif n'a pas de grande influence sur l'activité du Service, sauf une influence indirecte en confirmant le budget.

8. Le Conseil de la concurrence

A. La composition de l'autorité

Le Conseil de la concurrence (CC) est créé par le Gouvernement. Le Gouvernement a adopté son Règlement532. Le Conseil est une autorité de l'État. C'est une autorité administrative indépendante.

Le Conseil comprend cinq membres - le président et quatre membres. Ils sont nommés par le Président de la République sur recommandation du Premier Ministre. Le président du service est nommé pour cinq ans, les autres membres sont nommés pour six ans. Le membre du Conseil ne peut être qu'une personne à la réputation irréprochable. Les personnes ne peuvent être membres du Conseil plus longtemps que deux mandats.

Le Conseil organise ses réunions au moins une fois par mois. Le CC prend des arrêtés à la majorité. Les réunions sont légales si au moins trois membres y participent.

Le Conseil a son administration. Des fonctionnaires et des employés sont chargés d'aider le Service à réaliser ses fonctions.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

On peut constater que le Conseil de la concurrence est une autorité administrative indépendante. Il n'est pas subordonné à aucun ministre ni au Premier Ministre. Le Conseil est fondé par le Gouvernement, mais les décisions du Service ne dépendent pas de l'opinion du Premier Ministre.

Chaque année le Conseil doit établir un rapport au Parlement et au Gouvernement sur son activité.

Le pouvoir législatif n'a pas le droit de contrôler l'activité du Conseil. Des décisions du Conseil peuvent être attaquées devant la cour d'arrondissement de Vilnius.

C. Ses prérogatives

Le CC réalise la politique de la concurrence. Il contrôle comment on respecte des règles de la loi de la concurrence, de la loi des prix, de la loi de la publicité. Il coordonne l'aide de l'État qui est réglée par l'UE.

Le Conseil adopte des actes juridiques. Il analyse des projets des lois; adresse au Parlement ou au Gouvernement ses conclusions. Il prépare des projets; des propositions aux autorités compétitives.

Le Conseil règle le marché, les critères de la position dominante. Il analyse et examine les infractions à la loi de la concurrence et inflige des sanctions. Il coordonne l'aide de l'État et établit des rapports à l'UE sur l'aide de l'État.

Le CC est chargé de garantir l'application des règles de la loi de la Concurrence. Il peut rendre des décisions qui peuvent être attaquées devant la cour d'arrondissement de Vilnius.

D. Les conditions de son indépendance financière

Le Conseil est financé par le budget de l'État. Son activité financière est contrôlée par les institutions compétentes. Ses membres et ses employés sont payés sur le budget de l'État.

9. La Commission des valeurs

A. La composition de l'autorité

La Commission des valeurs (CV) a été créée par l'arrêté du Gouvernement du 3 septembre 1992. Elle comprend cinq membres. Un de ces membres est le président et les autres sont les membres de la Commission. Ils sont nommés pour cinq ans par le Parlement sur recommandation du Président de la République. Le président de la Commission a un adjoint.

L'administration de la Commission est chargée de la réalisation des tâches de la Commission. Elle se compose de fonctionnaires de l'État et d'employés.

B. Les modalités du contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

La CV est une autorité de contrôle du marché des valeurs. C'est une autorité indépendante. Le Gouvernement crée cette autorité, le Parlement nomme ses membres et le président. Le Président de la République recommande les candidatures des membres. Aucun contrôle direct par des pouvoirs législatif ou exécutif n'est possible.

C. Ses prérogatives

La Commission veille sur le respect des règles du marché des valeurs et des règles de la concurrence. Elle garantit les droits et les intérêts des investisseurs.

Elle propose des projets pour la politique économique de l'État. Elle publie son information et déclare ses principes d'activité.

La Commission prépare et adopte des règles sur la délivrance des licences pour l'activité des bourses des valeurs, l'émission des valeurs et les autres actes juridiques. La Commission enregistre l'émission des valeurs.

Elle donne des consultations aux personnes qui s'intéressent au marché des valeurs. La CV a le pouvoir de sanctionner les personnes responsables de la réalisation des règles.

D. Les conditions de son indépendance financière

La Commission des valeurs est financée par le budget de l'État. Son activité financière est contrôlée par les institutions compétentes. Ses membres et ses employés sont payés sur le budget de l'État.

10. Le Contrôle de l'État

A. La composition de l'autorité

Le Contrôle de l'État est réglementé par la loi du Contrôle de l'État. Le CE est une autorité administrative indépendante. C'est l'institution suprême du contrôle de l'audit. Le Contrôle de l'État est géré par le Contrôleur de l'État nommé pour cinq ans par le Parlement. Sa candidature est présentée par le Président de la République. Le Contrôleur de l'État ne peut être qu'une personne à la réputation irréprochable, ayant moins de soixante cinq ans. Le Contrôleur de l'État doit avoir une formation supérieure en droit et être citoyen de la République Lituanienne. Une personne ne peut être Contrôleur de l'État plus longtemps que deux mandats.

Les adjoints du Contrôleur de l'État et les autres fonctionnaires du Contrôle de l'État sont des fonctionnaires de l'État. Leur statut est réglementé par la loi du Contrôle de l'État et par la loi du Service de l'État. Les adjoints du Contrôleur de l'État sont nommés par le Président de la République sur recommandation du Contrôleur de l'État. L'adjoint du Contrôleur doit correspondre aux mêmes conditions que le Contrôleur de l'État.

Chaque fonctionnaire du Contrôle de l'État doit déclarer ses intérêts privés et publics et doit prêter serment, sinon il ne peut commencer son activité.

La loi du Contrôle de l'État prévoit les cas dans lesquels le Contrôleur de l'État, ses adjoints et les fonctionnaires du Contrôle de l'État peuvent être renvoyés. Le Contrôleur de l'État et ses adjoints peuvent donner leur démission : le Contrôleur la donne au Président de la République et ses adjoints au Contrôleur de l'État.

Le Contrôleur de l'État peut avoir un Conseil chargé d'analyser les questions principales du Contrôle de l'État.

B. Les modalités du contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le CE est une autorité administrative indépendante. Il est responsable devant le Parlement. C'est l'autorité suprême du contrôle de l'État. Le Contrôleur de l'État est nommé par le Parlement, ses adjoints par le Président de la République. Mais aucune autorité de l'État n'a le pouvoir de contrôler directement l'activité du Contrôle de l'État. L'activité du CE est fondée sur les principes d'impartialité, d'indépendance, de légitimité et de publicité. Le CE établit ses conclusions et les adresse au Parlement sur la réalisation du budget de l'État et sur la dette de l'État. Chaque année il prépare un rapport sur son activité et l'adresse au Parlement.

Le Parlement et le Président de la République peuvent déclarer leur défiance vis-à-vis du Contrôleur de l'État. Le Contrôleur ne peut plus alors continuer son activité.

C. Ses prérogatives

Le Contrôle de l'État est chargé de surveiller et contrôler si le bien national est utilisé effectivement, selon les lois et la manière de réaliser le budget de l'État. Il doit garantir que le contrôle de l'État est légitime et correspond aux actes internationaux et lituaniens.

Le CE contrôle la réalisation du budget de l'État, la réalisation des biens de l'État. Il veille à la réalisation de l'aide de l'UE. Le CE est responsable de tous les biens de l'État et du budget de l'État.

Le CE contrôle l'activité des autorités de l'État et des autorités des administrations municipales. Il contrôle aussi leur activité financière. Les décisions du CE peuvent être attaquées devant les juridictions administratives. Les conclusions et les rapports du contrôle sont publiés dans une publication spéciale.

D. Les conditions de son indépendance financière

Le CE est financé par le budget de l'État. Le budget du CE est confirmé par le Parlement. Il est donc possible que le pouvoir législatif ait une influence financière sur le CE. Le Contrôleur de l'État et tous les autres fonctionnaires du CE sont financés sur le budget de l'État. Le contrôle financier du CE est organisé par le Parlement.

II - Les autorités administratives indépendantes protégeant les droits des citoyens

Dans ce chapitre nous étudions les institutions suivantes : les Commissions des contentieux administratifs (1), l'Inspection de l'énergie nucléaire (2), le Service de contrôle des possibilités égales des homes et des femmes (3), la Commission des contentieux des impôts (4), le Service national de la nourriture et de la médecine vétérinaire (5), le Conseil national de la santé (6), l'inspecteur de l'éthique des journalistes en Lituanie (7), le Défenseur des droits des enfants (8), le Département de la sécurité de l'État (DES) (9), la Commission suprême de l'étique des fonctionnaires (CSEF) (10), la Commission suprême des élections (CSE) (11).

1. Les Commissions des Contentieux administratifs

A. La composition des autorités

Les Commissions des contentieux administratifs (CCA) sont instituées par la loi du 14 janvier 1999. Les Commissions sont des autorités administratives indépendantes chargées de trancher des contentieux administratifs dans une instance non judiciaire. Il existe trois sortes de Commissions des contentieux administratifs : les Commissions des contentieux administratifs des administrations autonomes locales (a), les Commissions des contentieux administratifs des arrondissements (b) et une Commission suprême des contentieux administratifs (c).

a) Les Commissions des contentieux administratifs des administrations autonomes locales

Les Commissions des contentieux administratifs des administrations autonomes locales sont créées près des conseils des administrations autonomes locales. Elles comprennent cinq membres dont le mandat dure trois ans. Un de ces membres est le président de la Commission et un autre son adjoint. Les candidatures des membres sont proposées par le maire de l'administration autonome locale. Le conseil de l'administration autonome locale nomme des membres de la Commission. Le président de la Commission et son adjoint peuvent donner leur démission. Le maire de l'administration autonome locale peut proposer au conseil de renvoyer le président, son adjoint ou un membre de la Commission.

Les Commissions des contentieux administratifs des administrations autonomes locales sont chargées de trancher les contentieux entre les personnes et l'administration autonome locale sur ses décisions individuelles et l'activité des fonctionnaires. Toute personne des autorités administratives peut saisir la Commission en cas de violation de leurs droits et intérêts. La Commission n'examine que les contentieux attribués à sa compétence. Ses décisions peuvent être attaquées devant les juridictions administratives.

b) Les Commissions des contentieux administratifs des arrondissements

Les Commissions des contentieux administratifs des arrondissements sont créées dans chaque arrondissement. Elles se composent de 5 membres nommés par le Gouvernement pour quatre ans. Les candidatures des membres sont proposées par le Conseil de développement de région. Un des membres est le président de la Commission, et un autre son adjoint. Le Conseil de développement peut proposer au Gouvernement de renvoyer le président de la Commission, son adjoint et les autres membres.

Les Commissions des contentieux administratifs des arrondissements sont chargées d'examiner les décisions individuelles des autorités administratives territoriales et l'activité des fonctionnaires. La procédure n'est pas judiciaire. Leur compétence est déterminée par la loi de procédure des litiges administratifs533. Toute personne et autorité administrative peuvent saisir la Commission en cas de violation de leurs droits et intérêts. Les décisions de la Commission sont attaquées devant les juridictions administratives. La Commission est financée sur le budget de l'État.

c) La Commission suprême des contentieux administratifs

La commission suprême des contentieux administratifs est créée par le Gouvernement. En Lituanie cette Commission est unique. Le Premier Ministre nomme ses membres. La Commission comprend cinq membres, nommés pour quatre ans. Leurs candidatures sont proposées par le Ministre de la justice. Tous les membres doivent avoir une formation supérieure juridique.

Les membres de la Commission peuvent donner leur démission. Mais le Gouvernement peut les renvoyer plus tôt, avant que leur mandat ne se termine. En ce cas le Ministre de la justice propose de nouvelles candidatures.

B. Les conditions de l'indépendance financière de la Commission suprême des contentieux administratifs

La Commission suprême des contentieux administratifs est financée par le budget de l'État. La Commission siège dans les jours de la semaine précisés d'avance. Une fois par an la Commission présente un rapport au Gouvernement sur son activité. Le président et les membres de la Commission sont des fonctionnaires de l'État.

C. Ses prérogatives

La Commission tranche les contentieux administratifs soulevés par les décisions des autorités administratives centrales. Elle examine les cas de violation des droits et des intérêts des personnes, et l'activité des autorités administratives.

2. L'Inspection de l'énergie nucléaire

A. La composition de l'autorité

L'Inspection est une autorité du Gouvernement. Elle a un Conseil formé par le Gouvernement qui en nomme les membres. Actuellement ils sont nommés par l'arrêté du Gouvernement n° 1021 du 23 août 2001. Le Conseil se compose de sept membres. Ce sont des personnes politiques, le président de l'Inspection, des personnes du Gouvernement et d'autres professions. Le Conseil de l'Inspection est une autorité de conseil pour l'Inspection. Les membres du Conseil sont nommés pour quatre ans. Les membres du Conseil ne peuvent être que des citoyens lituaniens.

L'Inspection est gérée par son président nommé par le Premier Ministre. Le président de l'Inspection peut être renvoyé par le Premier Ministre. Il est responsable devant le Premier Ministre.

Le président de l'Inspection a un adjoint responsable devant le président. La compétence de l'adjoint est fixée par le président de l'Inspection. Les autres employés de l'Inspection sont des fonctionnaires de l'État.

Le Conseil est géré par le président. Le président de l'inspection ne peut être ni le président du Conseil, ni son adjoint. Chaque membre du Conseil peut donner sa démission au président du Conseil. La démission doit être donnée avec un préavis d'au moins un mois.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le Conseil une fois par an fait un rapport au Premier Ministre sur son activité. Le conseil doit se réunir au moins une fois tous les trois mois. Les réunions du Conseil sont organisées par le président du Conseil. Il faut que dans les réunions du Conseil participe au moins 5 membres. Les décisions sont prises à la majorité.

Chaque année l'inspection établit un rapport sur la situation nucléaire dans le pays et sur les autres questions liées. Ce rapport est présenté au Gouvernement et aux autorités de l'État en rapport avec la réglementation de l'énergie nucléaire.

C. Ses prérogatives

Le Conseil de l'Inspection est chargé de trancher les questions principales de sécurité nucléaire. Il propose au Gouvernement les conditions d'amélioration de l'activité de l'Inspection. Le Conseil prépare et adresse au Gouvernement des conclusions sur les plans stratégiques de l'Inspection, sur les problèmes de sécurité nucléaire, sur l'amélioration de la régulation de la sécurité nucléaire.

L'Inspection est chargée de la régulation de la sécurité nucléaire dans la Station électrique nucléaire d'Ignalina et ailleurs. Elle règle l'utilisation des déchets radioactifs et l'utilisation des substances nucléaires. Sur ces questions l'inspection prépare des projets d'actes juridiques et les adresse aux autorités compétentes.

Elle contrôle comment les sociétés respectent les actes qui règlent l'utilisation de la sécurité nucléaire. L'inspection délivre des licences pour toute activité liée aux substances dangereuses ou nucléaires.

Le président de l'Inspection est chargé d'informer le Premier Ministre sur les avaries nucléaires, leur danger, la situation réelle. L'Inspection informe toutes les sociétés, tout le monde, les autorités de l'État et de l'administration autonome locale sur les avaries et la situation réelle nucléaire.

L'Inspection a le droit de réagir et de suspendre une activité dangereuse. Elle peut suspendre ou annuler des licences. Des personnes coupables d'avaries nucléaires sont traduites devant le parquet. L'activité de l'Inspection est très importante car elle est responsable de la sécurité nucléaire dans le pays. Ses injonctions sont obligatoires et très importantes.

D. Les conditions de son indépendance financière

L'Inspection est financée par le budget de l'État. Le règlement de l'Inspection prévoit que les autres ressources peuvent aussi être utilisées. Les autorités compétentes peuvent contrôler l'activité financière de l'Inspection.

3. Le Service du contrôle des possibilités égales des hommes et des femmes

A. La composition de l'autorité

Le Service du contrôle des possibilités égales des hommes et des femmes (SCPEHF) est créé par l'arrêté du Gouvernement n°VIII-1200 du 25 mai 1999. Le Service est présidé par le Contrôleur des possibilités égales des hommes et des femmes. Le contrôleur est nommé et peut être renvoyé par le Parlement sur recommandation de Président du Parlement. Le Président du Parlement signe le contrat du travail avec le Contrôleur nommé.

Le Contrôleur dirige le Service. Chaque année au 15 mars le Contrôleur doit présenter le rapport du Service au Parlement.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le Service est une autorité administrative indépendante. Son activité est fondée sur les principes de la justice, de l'équité, de la démocratie, de l'impartialité. Les pouvoirs législatif ou exécutif n'ont pas de droit de contrôle du Service. Ses décisions sont indépendantes et impartiales.

Chaque année il adresse au Parlement son rapport d'activité annuelle.

C. Les prérogatives

Le Service veille sur la réalisation de la loi des possibilités égales des hommes et des femmes, le respecte des droits égaux des hommes et des femmes déclarés dans la Constitution.

Il examine les plaintes sur la discrimination et les tracasseries sexuelles. Il peut proposer des amendements aux autorités compétentes. Le Service contrôle et vérifie les moyens d'information de la société, des autorités administratives, des institutions de la formation, des écoles, des employeurs et d'autres sujets.

Le Service peut examiner les infractions administratives et infliger des sanctions.

D. Les conditions de son indépendance financière

Le Service est financé par le budget de l'État. Son activité financière est contrôlée par les institutions compétentes.

4. La Commission des contentieux des impôts

A. La composition de l'autorité

La Commission est créée par le Gouvernement. Elle est instituée près du Gouvernement. La CCI comprend cinq membres. Un de ces membres est le Président de la Commission. Le président et les membres sont nommés pour six ans. Le Gouvernement nomme les membres de la Commission sur les recommandations du Ministre des finances et du Ministre de la justice. Les réunions de la Commission sont organisées et présidées par le président de la Commission. S'il est absent, il est remplacé par un autre membre nommé par le président lui-même. Les réunions sont légales si au moins trois membres y participent.

Les membres de la Commission ne peuvent être que des personnes à la réputation irréprochable. Ils sont obligés d'avoir une formation supérieure en économie, droit ou finances. Il faut avoir au moins trois ans d'expérience dans le secteur des impôts ou du droit des sociétés. Les membres de la Commission ne peuvent être que des citoyens lituaniens, ils ne peuvent pas exercer d'autre activité que des activités pédagogiques et créatives. Les autres fonctionnaires de la Commission sont des fonctionnaires de l'État, payés d'après la loi du Service public de l'État. Les personnes recrutées par contrats de travail sont des employés de la Commission, payés d'après le Code du travail.

Le Règlement de la Commission prévoit les cas dans lesquels le membre de la Commission peut être renvoyé avant que son mandat ne se termine. Ce sont les mêmes que ceux déjà décrits pour d'autres autorités administratives.

B. Les modalités du contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

La Commission des contentieux des impôts est créée par le Gouvernement. C'est une autorité administrative indépendante et elle existe près le Gouvernement. Son activité est fondée sur les principes de justice, d'équité, de démocratie, d'impartialité. Les pouvoirs législatif ou exécutif ne peuvent donc pas contrôler directement l'activité de cette Commission. La Commission est responsable devant le Gouvernement. Mais ses décisions sont indépendantes et impartiales. Elle tranche des litiges des impôts et ses décisions doivent aussi être indépendantes de l'administration.

C. Ses prérogatives

La commission examine les litiges des impôts ou des décisions administratives entre les contribuables et l'administrateur central des impôts. La procédure devant la Commission n'est pas juridique. La Commission est chargée de trancher les litiges jusqu'aux juridictions. Si une des parties n'est pas satisfaite de la décision de la Commission, il y a une possibilité de saisir la juridiction administrative.

La Commission peut proposer des amendements aux actes juridiques qui règlent des impôts.

D. Les conditions de son indépendance financière

La Commission est financée par le budget de l'État. Son activité financière est contrôlée par les institutions compétentes. Ses membres et ses employés sont payés sur le budget de l'État.

5. Le Service national de la nourriture et de la médecine vétérinaire

A. La composition de l'autorité

Le Service national de la nourriture et de la médecine vétérinaire (SNNMV) est une administration du Gouvernement. Il est créé par le Gouvernement. Le Service est présidé par le directeur nommé et éventuellement licencié par le Premier Ministre. C'est l'inspecteur national supérieur de la médecine vétérinaire. La duré du mandat n'est pas fixée. Le directeur du Service est nommé d'après les règles de la loi du Service de l'État. Le directeur du Service est directement subordonné au Premier Ministre. Le directeur est responsable personnellement du travail du Service.

Le directeur nomme ses adjoints qui sont trois. Il admet et licencie les fonctionnaires du Service.

Le Règlement du SNNMV prévoit qu'il est possible que dans le Service un collège puisse être formé. Le collège est l'organe consultatif du directeur. Le président du collège est le directeur du Service, les membres du collège sont des fonctionnaires du Service et des personnes déléguées par le Ministre de la santé et le Ministre de l'agriculture.

B. Les modalités de contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le SNNMV est une administration du Gouvernement. Le directeur du Service est directement subordonné au Premier Ministre. Il établit et adresse au Gouvernement des rapports sur l'activité du Service et sur la réalisation du programme du Gouvernement. Le pouvoir législatif n'exerce pas d'influence sur les décisions du Service.

C. Ses prérogatives

Le SNNMV est chargé de protéger des intérêts des consommateurs. Il doit contrôler le marché de la nourriture et défendre les droits des consommateurs. Le Service est chargé de garantir que les animaux et la nourriture exportés sont conformes aux règles définies. Il contrôle la nourriture qui est dans le marché. Il protège le territoire de la Lituanie des animaux malades ou qui transmettent des maladies. Le Service a des fonctions de régulation, d'information et de sanction.

Le Service établit les exigences de sécurité de la nourriture, et les exigences d'hygiène. Il est chargé de la régulation du secteur de la nourriture et des animaux, du marché de la nourriture. Ce service est responsable de la santé et des intérêts des consommateurs. Il prévient les consommateurs des produits dangereux sur le marché.

Le SNNMV analyse les moyens de prévention. Il fait des recherches sur la nourriture. Le Service réagit rapidement aux plaintes des consommateurs. Il examine les plaintes liées à la nourriture ou les animaux malades.

Le Service délivre les licences pour importer la nourriture, ou faire des expérimentations sur les animaux. Il peut suspendre ou annuler les licences.

Il contrôle comment sont respectées les règles définies. Le Service peut suspendre l'activité d'une société qui enfreint les règles ou engager les personnes responsables à suspendre la production ou la vente de produits dangereux pour la santé.

Le Service peut infliger des amendes administratives. Il collabore avec les autorités juridiques.

D. Les conditions de son indépendance financière

Le Service est financé par le budget de l'État. Son activité financière est contrôlée par les institutions compétentes. Ses membres et ses employés sont payés sur le budget de l'État. Le Règlement du SNNMV prévoit que le Service peut avoir des ressources propres.

6. Le Conseil national de la santé

A. La composition de l'autorité

Le Conseil national de la santé (CNS) est créé par le Parlement de la Lituanie. Le Conseil est responsable devant le Parlement. Le Conseil comprend quinze membres. Cinq d'entre eux sont délégués par l'association des administrations autonomes locales, cinq par des organisations qui défendent des intérêts de la santé de la société, cinq sont les représentants du secteur de la santé de la société. Les personnes déléguées par les organisations qui défendent des intérêts de la santé de la société sont proposées par le Comité de la santé du Parlement. Un membre est élu par l'Association de la santé de la société. Les personnes qui représentent le secteur de la santé de la société sont proposées par le Comité de la santé du Parlement. Un membre est délégué par le Sénat de l'Université de médecine de Kaunas et un membre par le Sénat de l'Université de Vilnius. Le mandat des membres est de 4 ans. Le nombre de mandats n'est pas fixé.

Le Conseil est présidé par le président. Il a un adjoint. Les membres du conseil élisent le président et son adjoint. Le président ou son adjoint peuvent être renvoyés, s'ils refusent la décision est prise par les deux tiers des membres.

Le Conseil siège au moins une fois tous les trois mois. Des experts ou des consultants peuvent participer aux réunions du Conseil.

Le Conseil prend des arrêtés. La réunion est légale si au moins deux tiers des membres y participent. Les arrêtés sont adoptés à la majorité des voix.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le CNS est une autorité administrative indépendante. Il est fondé près le Parlement. C'est l'institution coordinatrice de la politique de la santé. Le Conseil est obligé de rapporter au Parlement sur son activité. Mais ses décisions sont indépendantes.

Le pouvoir exécutif n'a pas de droit de contrôle sur cette autorité.

C. Ses prérogatives

Le Conseil est chargé d'améliorer la santé de la société, de garantir la participation de la société dans l'analyse des problèmes de la santé. Il coordonne la coopération des organisations et des autorités administratives, il analyse les procès sur la santé, trace la politique de la santé, propose des projets et des conclusions sur la politique et les priorités de la santé.

Le Conseil contrôle la politique nationale de la santé, il contrôle la politique du tabac, des drogues et de l'alcool. Le CNS est chargé de la sécurité de la santé de la société, et de la prévention des maladies.

Chaque année le Conseil prépare et adresse au Parlement un rapport sur la situation de la santé en Lituanie. Il propose des projets aux institutions compétitives sur les questions de la santé des personnes.

Le Conseil contrôle la réalisation du programme national de la santé. Il donne des consultations au Parlement, au Gouvernement, aux sociétés et aux organisations sur les questions de santé, et d'amélioration de la santé.

D. Les conditions de son indépendance financière

Le Service est financé par le budget de l'État. Son activité financière est contrôlée par les institutions compétentes. Ses membres et ses employés sont payés sur le budget de l'État. Le Règlement du CNS prévoit que le Conseil peut avoir des ressources propres. Les ressources propres peuvent être financées par des personnes physiques ou morales ou par d'autres moyens légaux.

7. L'Inspecteur de l'éthique des journalistes en Lituanie

En Lituanie, l'institution de l'inspecteur de l'éthique des journalistes existe. L'inspecteur est fonctionnaire de l'État. Il est proposé par la Commission des journalistes et des éditeurs et nommé par le Parlement pour cinq ans. Il ne peut pas être membre du Parlement ou du Gouvernement, ni fonctionnaire de confiance politique ou personnelle. Il ne peut pas avoir de relations de travail avec les éditeurs ou les diffuseurs de l'information publique et ne peut pas participer à leurs actions.

Le travail de l'inspecteur est fondé sur les principes de la légalité, de l'impartialité, de la justice et de la publicité. Une plainte devant la Cour peut être portée contre les décisions de l'inspecteur pendant 30 jours. L'inspecteur ne peut exercer aucune autre fonction et il ne peut pas recevoir d'autre rémunération, sauf pour une activité pédagogique et créative. L'activité de l'inspecteur et de ses employeurs techniques est financée sur le budget de l'État.

L'inspecteur examine les plaintes des personnes dont l'honneur et la dignité n'ont pas été respectés par les médias, dont le droit à la vie privée a été violé par les médias. L'inspecteur veille à la manière dont les principes de l'information de la société sont respectés et il présente des propositions aux institutions de l'État pour améliorer la mise en pratique de ces principes. Tous les deux ans il prépare un rapport analytique pour déterminer l'évolution de la culture du processus démocratique de l'information.

8. Le Défenseur des droits des enfants

A. La composition de l'autorité

Le Défenseur des droits des enfants peut être une personne à la réputation irréprochable. Il doit être citoyen de la République Lituanienne et avoir une formation supérieure de droit.

Le DDE est nommé par le Parlement sur recommandation du Président du Parlement pour quatre ans. Les personnes ne peuvent être contrôleurs des droits des enfants plus longtemps que deux mandats.

Le DDE peut être renvoyé avant que son mandat ne se termine. Il peut être renvoyé s'il le demande lui-même, si son mandat se termine, s'il ne peut pas exercer son activité plus longtemps que quatre mois ou d'après les conclusions des médecins, si un jugement l'accusant entre en vigueur, si le Parlement déclare la défiance à son égard.

Le Parlement doit adopter la décision de renvoyer le Défenseur. Le Défenseur ne peut pas exercer d'autre activité que pédagogique et créative.

Le DDE a un adjoint. Son adjoint est une personne à la réputation irréprochable. Il doit être citoyen de la République Lituanienne et avoir une formation supérieure de droit ou de pédagogie. L'adjoint du Défenseur est nommé par le Parlement avec accord du Président du Parlement.

L'activité du DDE est garantie par l'administration du Défenseur des droits des enfants. L'administration est une autorité indépendante créée par le Parlement. L'administration du Défenseur est présidée par le Défenseur des droits des enfants. L'administration se compose du Défenseur des droits des enfants, de l'adjoint du contrôleur, des conseillers du Défenseur et d'autres fonctionnaires du Défenseur.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le Défenseur des droits des enfants est indépendant des institutions de l'État et des autorités autonomes locales. Le Défenseur des droits des enfants est nommé par le Parlement sur recommandation du Président du Parlement. L'administration du défenseur des droits des enfants est créée par le Parlement. Mais ni le pouvoir législatif, ni le pouvoir exécutif n'ont droit de contrôle sur l'activité du Défenseur des droits des enfants.

Chaque année pour le 1 avril le contrôleur des droits des enfants doit établir et adresser au Parlement un rapport sur l'activité de l'autorité. Ce rapport doit être publié. Le DDE et son activité sont fondés sur les principes de l'impartialité, de la légitimité, de la publicité, de la priorité des droits et des intérêts des enfants.

C. Ses prérogatives

Le DDE est chargé de garantir les droits des enfants, de protéger les intérêts des enfants. Le contrôleur des droits des enfants examine les plaintes sur la violation des droits et des intérêts des enfants. Il contrôle comment les lois qui protégent les droits des enfants sont mises en pratique. Le contrôleur surveille l'activité des organisations et des institutions qui s'occupent du contrôle des droits et des intérêts des enfants. Le contrôleur doit réagir à toute information sur la violation des droits des enfants.

Le contrôleur peut dresser un procès verbal aux personnes responsables de la violation des droits et des intérêts des enfants. Il peut proposer des projets de lois, des arrêts et d'autres actes juridiques.

D. Les conditions de son indépendance financière

Le DDE et son administration sont financés par le budget de l'État. L'activité financière est contrôlée par les institutions compétentes. Tous les fonctionnaires du DDE sont payés sur le budget de l'État.

9. Le Département de la sécurité de l'État

A. La composition de l'autorité

Le statut et l'activité du Département de la sécurité de l'État (DSE) sont réglementés par la loi du Département de la sécurité de l'État534. Le président du DSE est nommé par le Président de la République avec l'accord du Parlement. Ses adjoints sont nommés aussi par le Président de la République sur recommandation du président du DSE.

Dans le DSE est créé un collège qui conseille le président. Les employés du DSE sont fonctionnaires de l'État ou recrutés par des contrats de travail. Les fonctionnaires du DSE doivent prêter serment.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le DSE est une autorité administrative indépendante. Il est responsable devant le Parlement et devant le Président de la République. Son activité est fondée sur les principes de légitimité, responsabilité devant les autorités suprêmes de l'État, confidentialité, publicité. Le DSE publie son information qui n'est pas secret d'État ou du commerce.

Les pouvoirs législatif ou exécutif n'exercent pas d'influence directe sur l'activité du DSE. Le Parlement exécute le contrôle parlementaire du DSE.

C. Ses prérogatives

Le DSE est chargé de protéger la souveraineté de la République et le régime constitutionnel. Il doit informer la société sur le danger menaçant la souveraineté de la République, la sûreté nationale, le régime constitutionnel, les intérêts de l'État. Il doit lutter contre ce danger.

Le DSE analyse et examine les procès politiques et économiques liés à la sûreté de l'État. Il lutte contre les activités terroristes. Il examine les crimes et autres infractions au droit sur la sûreté de l'État et sur la souveraineté de la République.

Il contrôle la protection de l'information secrète. Le DSE prépare et réalise les moyens de protection des organisations diplomatiques à l'étranger. Il informe les autorités de l'État sur la situation de la sûreté de l'État.

D. Les conditions de son indépendance financière

Le DSE est financé par le budget de l'État. Il a le droit de recevoir une aide financière des institutions internationales, des organisations de l'étranger. Les fonctionnaires et les employés sont payés sur le budget de l'État.

10. La Commission suprême de l'éthique des fonctionnaires

A. La composition de l'autorité

La CSEF est une autorité administrative indépendante. Ce statut est déclaré dans son règlement535. C'est une institution collégiale. Elle comprend cinq membres. Chaque personne, à la réputation irréprochable, est proposée par le Président du Parlement, par le Président de la République, par le Premier Ministre, par le Président de la Cour Suprême et par le Président de l'association des juristes. Les membres sont nommés par le Parlement.

La durée de leur mandat est de quatre ans. Les personnes ne peuvent être membres de la Commission plus longtemps que deux mandats.

Le Parlement nomme le président de la Commission. C'est un des membres de la Commission. Si le président de la CSEF n'est pas nommé, ses pouvoirs sont exécutés par le membre de la CSEF le plus âgé. Si le président de la CSEF est absent, ses pouvoirs sont exécutés par un autre membre de la Commission. Au moins trois membres doivent voter les décisions.

La CSEF a un secrétariat qui aide la Commission. Il se compose de fonctionnaires de l'État et d'autres employés. Le secrétariat veille sur les finances de la Commission et l'aide à réaliser ses fonctions.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

La CSEF est une autorité administrative indépendante. Les pouvoirs législatif ou exécutif n'ont pas de droit de contrôle sur l'activité de cette autorité. Mais les membres de la Commission sont nommés par le Parlement. Chaque année pour le 15 mai, la CSEF doit établir son rapport et l'adresser au Parlement. L'activité de la Commission est soutenue par les principes de publicité, d'impartialité, d'indépendance, de légitimité. Le pouvoir exécutif n'a pas le pouvoir de régler l'activité de la Commission.

C. Ses prérogatives

La CSEF est chargée de contrôler l'exécution de la loi de coordination des intérêts privés et publics dans le service de l'État, la loi sur la corruption. Elle analyse les problèmes de l'éthique des fonctionnaires de l'État. La Commission participe à la préparation et l'application des lois. Elle donne son avis.

La CSEF contrôle comment identifier les personnes qui commettent des infractions de corruption. Elle veille sur l'influence des personnes privées sur les autorités de l'État.

La CSEF propose des modifications des actes juridiques. Elle prépare des recommandations sur la réalisation de la loi de coordination des intérêts privés et publics dans le service de l'État. La Commission établit des formes de déclaration des intérêts privés et publics et les règles pour remplir les déclarations.

La Commission examine l'information sur les fonctionnaires qui n'exécutent pas la loi de coordination des intérêts privés et publics. Elle vérifie les déclarations. La Commission rend ses décisions très importantes en cas d'analyse de l'activité d'un fonctionnaire.

D. Les conditions de son indépendance financière

La Commission est financée par le budget de l'État. Les fonctionnaires et les employés de la CSEF sont payés sur le budget de l'État.

11. La Commission suprême des élections

A. La composition de l'autorité

La CSE est une autorité administrative indépendante. Elle est créée par le Parlement pour quatre ans. Le membre de la Commission ne peut être que citoyen de la République Lituanienne et peut être membre du Parlement. La CSE se compose du président de la Commission, de trois personnes qui ont une formation supérieure en droit et sont choisies parmi les six candidatures proposées par le ministre de la justice, de trois personnes qui ont une formation supérieure en droit et sont choisies parmi les six candidatures proposées par l'association des juristes et des personnes proposées par les partis.

Le président de la Commission est nommé par le Parlement sur recommandation du Président du Parlement. Le Président de la Commission ne peut exercer aucune autre activité que pédagogique ou créative. Le président de la Commission et les membres proposés par le Ministre de la justice doivent suspendre leur activité dans les partis politiques.

La loi de la Commission suprême des élections prévoit les cas de renvoi des membres de la Commission.

Le président de la Commission a deux adjoints. Ils sont élus par la Commission parmi les membres proposés par le Ministre de la justice ou par l'association des juristes.

Un des adjoints du président de la Commission est secrétaire de la Commission. Il est élu par la Commission. Il est responsable des écritures de la Commission. La CSE a son secrétariat.

B. Les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

La CSE est une autorité administrative indépendante. Elle réalise ses fonctions et rend des décisions indépendamment. Aucune autorité de l'État ne peut influencer les décisions de la Commission. Aucun fonctionnaire de l'État ne peut donner d'injonctions aux membres de la CSE. Si quelqu'un essaye d'influencer l'activité de la CSE, le président de la Commission est obligé d'informer le Parlement et la société. Donc, ni le pouvoir législatif, ni le pouvoir exécutif ne peuvent exercer d'influence sur les membres de la Commission. Les principes de l'activité de la CSE sont la légitimité, l'indépendance, la collégialité, la publicité et l'impartialité.

C. Ses prérogatives

La CSE est chargée d'organiser les élections et les référendums. Elle organise et réalise les élections du Parlement, du Président de la République, des autorités autonomes locales et des référendums.

Elle garantit que les élections et les référendums sont légitimes et démocratiques. La CSE garantit l'application égale des lois sur les élections. Elle contrôle les campagnes électorales.

La Commission contrôle les élections. Elle examine les plaintes sur la réalisation des élections. Elle rend les décisions. La CSE fixe et annonce les résultats des élections et des référendums.

La CSE fixe les formes des bulletins de vote. Elle examine tous les contentieux liés aux élections et aux référendums.

Elle dresse les listes des candidats. Elle délivre les certificats aux personnes élues. La Commission a encore plus de pouvoirs, ils sont établis par la loi de la Commission suprême des élections.

La CSE rend les décisions qui sont signées par le président de la Commission. Les décisions de la Commission sont prises à la majorité. Les décisions peuvent être attaquées devant les juridictions administratives.

D. Les conditions de son indépendance financière

La CSE est financée par le budget de l'État. Son activité financière est contrôlée par les autorités compétentes.

Conclusions

Dans cet exposé, on a décrit les principales autorités administratives indépendantes de la Lituanie. Dans ce pays, le terme « autorité administrative indépendante » n'existe pas. Mais quelques autorités peuvent être qualifiées comme telles.

Les autorités administratives décrites ici sont près le Gouvernement ou près le Parlement. Elles ne sont pas soumises à la hiérarchie traditionnelle du ministre. En général les présidents de ces autorités sont responsables devant le Parlement ou devant le Gouvernement.

Ces autorités sont chargées de trancher les questions attribuées à leur compétence. Elles sont responsables de leurs décisions. Toutes leurs décisions peuvent être attaquées devant les juridictions.

On peut constater que ces autorités sont des garanties de la démocratie et de la légitimité parce que leurs décisions sont prises indépendamment des pouvoirs législatifs ou exécutifs.

Presque toutes les autorités sont financées sur le budget de l'État. Leur activité financière est contrôlée par les institutions compétentes. C'est le Parlement qui fixe le budget de l'État.

Peut-être les juridictions de la Lituanie vont-elles les qualifier comme autorités administratives indépendantes. En ce moment la discussion se place au niveau théorique.

NORVÈGE

par M. Eivind SMITH
professeur de Droit public à l'Université d'Oslo

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I - Le contexte « scandinave » : Cinq États mais deux grands « systèmes » juridiques

D'un point de vue du droit public, l'on peut affirmer que les cinq pays « nordiques » - les trois pays scandinaves proprement dits (Danemark, Norvège, Suède) plus la Finlande et l'Islande - se regroupent en deux grands systèmes juridiques : À l'Est d'un axe nord-sud se trouve le « système » historiquement né dans la capitale suédoise et en grande partie maintenu par la Finlande après 1809 (grand-duché sous le Tsar de Russie puis république indépendante). À l'Ouest se trouve le « système » historiquement né dans la capitale de la monarchie dano-norvégienne et en grande partie maintenu par la Norvège et l'Islande depuis leur indépendance (1814 et 1918/1944 respectivement).

Bien évidemment, il ne serait pas question ici de prétendre que l'on ait à faire avec deux ou trois systèmes de droit public identiques. Au contraire, les droits administratif et constitutionnel d'un pays ont tendance à être liés au développement politique et culturel du pays en question de façon bien plus intime que des larges franges du droit privé. Pour la démonstration à présent, il est largement suffisant de prétendre que, d'un point de vue structurel aussi bien que mental, les différences au sein des pays « scandinaves » sont bien plus profondes entre les pays de l'« Est » et de l'« Ouest » qu'entre les pays appartenant à chacune des deux familles. Cette affirmation n'est nullement contraire à l'observation qu'au niveau du détail, les différences entre les systèmes nationaux sont parfois grandes - à l'Est tout comme à l'Ouest.

À partir de ces remarques, il convient de se pencher plus directement sur les deux exemples de la Suède et de la Norvège. Le but de cette partie de l'exposé est simplement d'utiliser une approche de droit comparé pour illuminer certains traits particulièrement intéressants pour celui qui se penche sur le phénomène dit d'autorités administratives indépendantes dans les pays en question.

II - Les « autorités administratives indépendantes » en Suède et en Norvège

En règle générale, l'appareil du pouvoir exécutif étatique en Europe est organisé de façon hiérarchique en ce sens que le sommet est occupé par un organe collégial (ici appelé le « gouvernement ») sans ou avec un chef de l'État dans un rôle politique actif. Sauf exception, chaque membre du gouvernement est chargé d'un ministère sectoriel (affaires étrangères, défense, agriculture, éducation, etc.). La charge confère au ministre en question le pouvoir de décider seul (ou, après délégation, par des fonctionnaires du ministère au nom du ministre), à l'intérieur des limites posées par la Constitution et la loi et les décrets gouvernementaux, les actes étant susceptibles de porter sur des organes subordonnés ou directement sur le statut de personnes privées, selon le cas. En sens inverse, les fonctionnaires sont responsables devant le ministre, tandis que le ministre l'est devant le gouvernement (et le chef de l'État) et - en règle générale - le parlement du pays.

Dans les grandes lignes, le système norvégien répond assez précisément à un tel schéma (voir déjà les premiers mots de l'art. 3 de la Constitution). Plus tard, on verra que ce point de départ a des répercussions importantes sur la position des « autorités administratives indépendantes » en Norvège.

En Suède, par contre, un point de départ hiérarchique similaire ne serait pas du tout valable. Dans une perspective constitutionnelle, la différence apparaît sur plusieurs points, dont il convient de rapidement passer deux en revue ici. D'abord, une décision gouvernementale formelle avec effet juridique externe est par nécessité prise par le gouvernement en tant qu'organe collégial (voir le texte constitutionnel principal dit « Forme de Gouvernement » ch. 7 art. 3). Ceci signifie que la notion de « ministère » a un sens bien plus restreint que celle qui résulte du système « normal » en Europe (dont la Norvège fait partie). Entre autre le ministre ne peut diriger les services administratifs du secteur (hors le « ministère » lui-même) avec valeur juridique contraignante sans passer par la formation collégiale qu'est le « gouvernement ».

En deuxième lieu, la Constitution prend soin de préciser qu'aucun organe public « ne peut décider la manière dont une autorité administrative doit trancher un cas particulier dans les matières concernant l'exercice de la puissance publique contre un particulier ou contre une collectivité locale ou qui ont trait à l'application de la loi » (Constitution ch. 11 art. 7)536. De cette façon, aussi bien chaque ministre que le gouvernement en tant que formation collégiale ne disposent d'aucun pouvoir de diriger les services administratives étatiques chargés de l'exécution de la puissance publique et/ou de l'application de la loi dans leurs secteurs respectifs de l'administration ou de la société. (Sur ce point, les relations entre le Ministère des affaires étrangères et les missions diplomatiques de la Suède constituent une exception.)

Il vaut la peine de noter que ce système résulte d'un développement national né dans un passé assez lointain (apparemment, du temps du gouvernorat de la reine Christina au 17e siècle) ; ce développement n'a donc rien à voir avec le phénomène bien plus récent du droit communautaire. Il s'agit d'un système généralisé d'« autorités administratives indépendantes » établi par la Constitution elle-même, ce qui apparaît comme assez unique en Europe.

En même temps, la généralité même du système a conduit certains ministres suédois à constater - devant la participation dans les travaux des instances européennes - qu'assez souvent leurs pouvoirs de passer à l'acte sont bien plus réduits que ceux dont disposent leurs homologues des autres pays membres de l'Union européenne. À son tour, ceci a provoqué un débat au sein de la Suède officielle sur le bien-fondé même de la tradition constitutionnelle sur ce point.

En tout cas, il convient de ne pas exagérer l'importance pratique du système suédois. En premier lieu, il faut se souvenir des limites à l'« indépendance » qui sont explicitement posées par la disposition en question (« exercice de la puissance publique », « contre un particulier ou contre une collectivité locale », « l'application de la loi »). Il s'agit alors d'un système à la fois incomplet. Il nous semble aussi peu flexible, dans la mesure où un besoin apparaît de créer des autorités « sur mesure », par exemple en fonction de telle ou telle directive communautaire par exemple. Sans doute alors, la simplicité a un prix.

En deuxième lieu, l'« indépendance » des autorités administratives n'est garantie ni pour les questions d'administration générale, ni pour les aspects budgétaires ou quant au statut ou à la nomination du personnel dirigeant des « autorités indépendantes ». Et bien sur des voix se sont levés du coté de la science politique pour évoquer des études tendant à démontrer que dans ce domaine aussi, un écart est susceptible de se produire entre le droit et la pratique, notamment en ce sens qu'une dose parfois forte d'influence et de « gouvernance » informelle de la part du ministre en question peut très bien se faire sentir même dans les domaines en principe couverts par le ch. 11 art. 7 de la Constitution.

Sans pénétrer dans les détails, il convient finalement d'ajouter qu'en règle générale, la justice administrative suédoise dispose d'un pouvoir de contrôler non seulement la légalité des actes administratifs, comme partout en Europe (dont la Norvège), mais également l'opportunité des décisions prises pas les diverses autorités administratives. Ceci tend encore à limiter l'« indépendance » de celles-ci même à l'intérieur des limites posées par la loi, par rapport à la situation générale en Europe.

III - Le système norvégien comme émanation du système hiérarchique « européen » : La notion d'« autorités administratives indépendantes »

La Constitution de Norvège ne s'est jamais directement occupé des phénomènes que l'on qualifie ici comme des « autorités administratives indépendantes ». C'est pourquoi il convient de passer par quelques mots sur la relevance même d'une telle notion dans un contexte norvégien.

En effet, une notion similaire (« organes administratifs indépendants ») a été développée, mais depuis quelques années seulement, dans le principal manuel de droit administratif général du pays537. Or celui-ci s'empresse de préciser qu'il s'agit d'une tentative de synthétiser une catégorie d'organes en développement rapide et pas forcément avec une grande homogénéité interne. Il explique aussi que l'emploi de la caractéristique « indépendant » est nécessairement inexact du fait qu'il ne s'agît jamais d'une indépendance complète par rapport à la hiérarchie exécutive ordinaire. Tel que le phénomène s'est progressivement fait jour en Norvège, le degré d'indépendance est en effet variable, et il est toujours relatif dans le sens que l'on vient d'indiquer. Il s'agit alors d'identifier des éléments plus ou moins prononcés de soustraction à la hiérarchie administrative ordinaire telle que basée sur la Constitution et formée par une pratique deux fois séculaire.

Étant donné que le phénomène en question n'a pas encore été consacré, dans sa forme générale, par la législation non plus, il s'agit de rechercher de tels éléments ici et là dans la législation spécialisée.

IV - Les bases juridiques du système norvégien

En l'absence de disposition constitutionnelle positive en la matière, le système se construit de la manière suivante : L'art. 3 de la Constitution (déjà mentionné) confiant la direction suprême du pouvoir exécutif au Roi (en Conseil des ministres - de nos jours en pratique donc : au gouvernement) n'a jamais été compris comme « prérogative royale » en ce sens que la loi ne peut pas en déroger. Au lieu de cela, de disposition en question ne fait qu'établir la norme générale valable en l'absence d'une règlementation plus spécialisée : À l'intérieur des limites posées par la loi, le Roi (le gouvernement) est le chef supérieur du pouvoir exécutif. La responsabilité devant le Parlement pour l'action administrative passe par le ministre compétent en tant que chef supérieur des services administratifs en question et en tant que membre du Conseil.

Bien évidemment, les pouvoirs de décision détenus par le Roi en Conseil (mais en grande partie délégués à chacun des ministres), ont souvent été subdélégués aux divers organes administratifs soumis aux ministères (« directoires », « inspections » etc.). Mais au sein d'un système hiérarchique tel que celui de la Norvège, il n'est jamais admis que le fait de déléguer une partie de ses pouvoirs à un organe subordonné est de nature à libérer l'instance délégatoire de sa responsabilité pour les décisions ou omissions qui se produisent en vertu de l'acte de délégation ; ceci est vrai aussi bien pour la responsabilité parlementaire qu'à l'intérieur de la hiérarchie exécutif, c'est a dire devant le gouvernement (et/ou le chef de l'État).

Dans la mesure où il est souhaité de couper, complètement ou en partie, les liens de subordination et de responsabilité qui caractérisent le système hiérarchique traditionnel dans un système parlementaire, il faut donc passer par un acte adopté par le Parlement lui-même. La forme principale pour des actes susceptibles de libérer les ministres - en tant que chefs hiérarchiques sectoriels aussi bien que comme membres du collège - est évidemment la loi.

La loi a la faculté de créer une autorité administrative hors des ministères (dans le sens d'organismes séparés des autorités administratives subordonnées) et de la doter de certains pouvoirs exécutifs sans que l'autorité administrative en question ne soit dotée d'une quelconque « indépendance » par rapport aux responsables politiques. Sauf exception clairement établie par une loi, c'est précisément un tel résultat qui s'ensuit de l'art. 3 de la Constitution. Selon une telle hypothèse, les liens de subordination et de responsabilité hiérarchiques sont donc maintenus dans leur totalité - du moins dans leur principe.

De cette position « zéro », il est possible d'établir une échelle menant vers des autorités administratives de plus en plus « indépendantes » (dans la conception relative établie plus haut, bien entendu). De même, il faut supposer que la responsabilité ministérielle disparaît progressivement pour les actes et omissions produits sous couvert d'une clause législative d'« indépendance » : en effet, il serait difficile d'imaginer que le Parlement charge un ministre (ou le gouvernement en tant que tel) pour des faits auxquels il a lui-même, par voie législative, interdit le ministre compétent de toucher. Mais bien sûr, la responsabilité pour le système et pour le fonctionnement même du secteur administratif en question ne disparaît pas pour autant, d'autant plus que l'« indépendance » n'est jamais totale (notamment quant à l'administration générale et aux budgets des autorités en question, voir plus haut).

V - Quelques mots sur le développement du système norvégien

L'apparition d'organes (ou « autorités ») administratifs indépendants en vertu de la législation ordinaire n'est pas récente au sein du système administrativo-constitutionnel en Norvège. En l'absence de dispositions constitutionnelles applicables, il convient de mentionner à cet égard qu'une dose d'« autonomie » pour les communes existe depuis une loi adoptée en 1837 déjà, et que la Banque de Norvège (Norges Bank) a été établie par la législation ordinaire - la première en étant une de 1816, la dernière la loi no 28/1985 - qui, selon des modalités variables avec le temps, l'accorde l'indépendance relative dont l'établissement jouit en chaque moment. L'institut chargé de délivrer des patents et brevets aussi compte parmi ceux dont le passé est considérable (voir notamment la loi de 1885, la loi actuelle datant de 1967).

Ces dernières années, la faculté du législateur de doter un organe administratif d'une dose d'« indépendance » (dans le sens restreint dans lequel ce mot est employé ici) est cependant utilisée de manière progressive. Il peut s'agir d'autorités de régulation et de contrôle en matière d'économie et de finances (notamment l'« Inspection des marchés financiers » (Kredittilsynet, voir la loi du 7 décembre 1956 no 56 telle que modifiée depuis), des transports et télécommunications, du pétrole, etc. Hors des secteurs industriels et commerciaux, l'« Inspection de santé » (Helsetilsynet, voir loi no 15/1984) et le « Tribunal du personnel des services sanitaires » (Helsepersonellnemnda, voir loi no 64/1999 ch. 12) nous offre des exemples. Et il y en a d'autres, tels que l'« Inspection des données personnels » (Datatilsynet) et le « Tribunal des données personnels (Personvernnemnda, voir loi no 31/2000 ch. VIII) et l'Administration des tribunaux (Domstolsadministrasjonen, voir loi du 13 août 1915 ch. 1 A, ajouté en 2001).

Un trait particulier qu'il vaut la peine de signaler est l'apparition d'un grand nombre d'organes (ou de systèmes d'organes régionaux) « indépendants » chargés de recours contre des actes individuels adoptés par des inspections ou autres organes administratifs eux-mêmes dotés d'une certaine indépendance par rapport aux pouvoirs politiques ; plus tard, on verra que l'« indépendance » de ceux-là constitue en effet autant d'éléments de l'« indépendance » relative de ceux-ci. Selon une étude publique récente538, il s'agît d'une cinquantaine de tels systèmes. L'appareil d'organes collectifs - parfois à plusieurs niveaux - chargés des complaintes contre l'administration fiscale en constitue l'un des exemples les plus anciens. Un autre qui mérite décidemment mention est le « Tribunal de la sécurité sociale » (Trygderetten, voir loi du 16 décembre 1966 no 9), qui assure la quasi-totalité du contentieux relatif au système de la sécurité sociale.

À tout ceci s'ajoutent un certain nombre d'« ombud » chargés de l'égalité entre les sexes, des consommateurs, de la condition enfantine, etc. Et quoi dire des universités, le Bureau central des statistiques et d'autres formations spécialisées dotées d'une certaine indépendance en correspondance quant au contenu de leurs enseignements, recherches, publications et conseils ?

L'apparition d'une telle masse d'« organes administratifs indépendants » chargés de fonctions proches de ceux occupées ailleurs par la justice administrative proprement dite (comme en France) s'explique en grande partie par ce que la Norvège (mais non la Suède) maintient un système à unité de juridictions non doté d'une procédure pour les affaires administratives distincte de la procédure civile ordinaire et sans spécialisation du coté des magistrats539. Étant donné que de toute évidence, l'accès à un système assez développé de recours hiérarchiques interne à l'administration publique peut suppléer mais ne peut pas remplacer l'accès à un juge indépendant, des considérations pratiques de première ordre a conduit le législateur à créer des « tribunaux administratifs » de fait en fonction des besoins éprouvés dans chaque secteur administratif.

VI - L'impact du droit communautaire

Tout en étant stimulé par l'application du droit communautaire, notamment en matière industrielle, commerciale et de concurrence, le mouvement que l'on vient d'esquisser se comprend sans doute davantage comme le produit d'efforts d'appliquer les préceptes du « New Public Management » visant la séparation entre les entités de « production » (hôpitaux, chemin de fer, exploitation des gisements pétroliers, etc.) et d'« inspection » (tilsyn) ou de contrôle.

Mais il y a aussi des exemples de création d'organes « indépendants » (ou de renforcement d'une « indépendance » déjà acquise) en fonction assez directe d'une directive communautaire. Celui de l'« Inspection des données personnels » (Datatilsynet) et le « Tribunal » spécialisé en la matière (voir ci-dessus) nous en offre un exemple éloquents : en grande partie, la Directive 95/46/CE sur la protection de personnes physiques par rapport au traitement de données personnels a en effet déterminé la direction des travaux préparatoire et les modalités et le degré d'« indépendance » de l'appareil interne norvégien (Inspection et Tribunal compris), qui reste l'un des plus poussé du flore norvégien540.

VII - Prérogatives, garanties d'indépendance et contrôle

Quant il s'agit de passer en revue les « prérogatives » des organes administratifs dotés d'une certaine indépendance en Norvège, il convient à nouveau de rappeler ce qui a déjà été dit sur la relativité de cette notion dans un contexte norvégien. En effet, la Constitution ne s'occupe pas directement du phénomène, et la législation ordinaire n'a jamais procédé à la construction d'un (ou d'un petit nombre de) modèle(s) applicables à travers les divers exemples à notre portée. Au contraire, le degré d'« indépendance » a toujours tendance à prêter à controverse politique chaque fois qu'une loi intéressante en la matière est en état de préparation, notamment au nom du besoin de balancer entre les besoins légitimes d'influence et de responsabilité politique, d'un coté, et les besoins (neutralité, crédibilité, efficacité ...) qui commanderait l'érection de certaines barrières contre de telles influences canalisées ailleurs que par la réfection de la loi.

Dans le prolongement direct de ce qui vient d'être dit, il convient de rappeler l'importance de la base légale pour la compréhension de cette partie du système norvégien : en effet, c'est à chaque pièce de législation qu'il faut s'adresser pour se faire une idée de l'ampleur des « prérogatives » accordés aux organes administratifs en question. Peu surprenant alors qu'il faut systématiquement compter sur un fort degré de relativité inhérente dans notre notion-clé à cet égard.

Sur une telle base, il ne saurait pas être question ici de passer en revue les prérogatives de tous les organes administratives en question. On passera plutôt par un nombre très restreint de types de pouvoirs exercés dans une indépendance plus ou moins complète par rapport aux pouvoirs exécutifs hiérarchiques, dont le ministre compétent et le Conseil (le gouvernement).

Le cas typique serait le pouvoir d'adopter des actes individuels unilatéraux à l'abri d'instructions (du moins formelles, voir les remarques à cet égard concernant la Suède) de la part d'organes qui, au sein de la hiérarchie ordinaire, seraient supérieurs dans le sens précisément de disposer d'un tel pouvoir. La qualification « indépendante » ne s'applique guère si l'« indépendance » à cet égard n'englobe pas l'aspect matériel du pouvoir en question, à savoir la liberté de l'organe compétent de décider seul du contenu de la décision à prendre, à l'intérieur bien sur des limites constitutionnelles et autrement légales applicables.

D'un autre coté, une telle « indépendance » serait bien maigre si l'acte adopté serait susceptible de recours devant le ministère intéressé. Voici alors une raison primordiale pour l'essor qu'a connu le système (susmentionné) de « tribunaux » administratifs de fait auxquels on nie la qualité formelle de juridictions véritables. La solution consiste alors à ce que l'on canalise les recours à de tels organes qui, en leur tour, jouissent d'une certaine indépendance quant à la décision de recours portés devant eux. De cette façon, la soustraction à la hiérarchie exécutive ordinaire des organes de « première instance » aussi est renforcée.

Au-delà de ce cas typique, il y a des cas qui dépassent largement la catégorie d'actes administratifs individuels (statistiques, recherches, enseignements, informations et conseils, etc.) mais qui, le plus souvent, ne relève pas de l'exercice de la puissance publique. Les cas où un organe administratif s'est vu doter de l'autorité d'adopter des actes administratifs généraux (règlements, une sorte de législation déléguée alors541) de façon formellement indépendante reste marginaux et sont évidemment plus susceptible encore de prêter à polémique. Et en règle générale, les organes en question ne jouissent d'aucune indépendance particulière quant à l'administration interne et les budgets (sur ce dernier point, la Banque de Norvège et l'Administration des tribunaux, constituent des exceptions plus ou moins étendues et selon des modalités différentes).

Un exemple récent qui mérite bien d'être cité comme illustration à la fois parce que politiquement controversée et du fait de la qualité relativement détaillé des règles en question est bien celui de l'administration chargée des conditions d'accès et de séjour des étrangers sur le territoire national : Tels qu'amendés par loi du 10 juin 2005 No 50, les articles 38 et 38 a de la loi du 24 juin 1988 No 64 sur les étrangers dispose, d'abord, qu'en règle générale, l'organe administratif (le « directoire », Utlendingsdirektoratet) en question ne peut recevoir des directives de la part de « son » Ministère relatives à la solution de cas individuels. Toute en s'appliquant également au « Tribunal » compétent (voir ci-dessous), cette règle est supplée par une disposition qui étend l'« indépendance » de ce dernier même à l'interprétation de la loi et à l'exécution de pouvoir discrétionnaire (art. 38). Cependant, si la sécurité du pays ou des considérations de politique étrangère le commande, la loi réserve quand même au Ministère du secteur les pouvoirs d'instruction normalement exclus.

Dans les cas où de telles instructions « politiques » ont été adressées, un recours hiérarchique eut être adressé au Roi en Conseil des ministres, ce qui est évidemment de nature à renforcer encore la soumission hiérarchique de l'administration spécialisée au pouvoir politique. En même temps, l'« indépendance » de l'administration dans la quasi-totalité des cas soumis à la règle générale est renforcée par l'existence d'un organe administratif à vocation nationale appelé le « Tribunal des étrangers » (Utlendingsnemnda) chargé de s'occuper des recours administratifs déclarés par les parties concernés ou par le Ministère (art. 38 a). On vient de voir que cet organe jouit d'un degré d'« indépendance » assez étendu. Celle-ci est encore renforcée par le fait que le seul moyen de recours contre les décisions de ce « Tribunal » est la saisine de la justice ordinaire, à commencer par le tribunal local et avec possibilités d'appel jusqu'à la Cour suprême selon le système ordinaire de procédure civile applicable.

Quant aux nominations et à l'indépendance personnelle, aussi, les organes en questions font preuve d'une grande variation. En règle générale, il peut cependant être affirmé que les directeurs généraux, les titulaires d'un ombud, les membres d'un tribunal, etc. sont nommés par le pouvoir exécutif politique (le gouvernement ou le ministère concerné) pour une période limité (quatre ou six ans, par exemple - pour le directeur du « Tribunal des étrangers », voir ci-dessus, la période renouvelable est de six ans). Sauf exception (comme par exemple pour les « magistrats » du Tribunal de la sécurité sociale ou de ceux du « Tribunal des étrangers »), ceci signifie que les garanties formelles d'indépendance en faveur du personnel dirigeant restent faibles. Les effets d'un tel système sur le comportement effectif des organes en question varient évidemment avec les personnalités en question.

En ce qui concerne les contrôles, finalement, les organes en question sont soumis à la Révision nationale (Riksrevisjonen, sorte de « Cour des comptes » soumis à l'autorité directe du Parlement) et de l'Ombudsman du parlement pour l'administration publique. Sauf exception, les modalités de contrôle administratif hiérarchique jouent aussi, dans la mesure, bien entendu, où les garanties d'« indépendance » relative ne s'y opposent pas. Et finalement, l'accès à la justice ordinaire est toujours ouvert. Mais dans la pratique, la place occupée par tribunaux ordinaires dans le domaine de droit administratif en Norvège reste très faible, une situation à laquelle l'absence de tribunaux administratifs véritables contribue sans doute puissamment542.

POLOGNE

par M. Miroslaw GRANAT,
professeur à l'Université de Varsovie II

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La présente étude se compose de trois parties. La première présente le système de l'administration publique polonaise tel qu'il fonctionne en vertu de la constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997. Les deux parties suivantes, elles, traitent des organes indépendants de l'administration publique polonaise.

Le fonctionnement de l'administration publique exige la mise en place d'un système d'organes administratifs. En Pologne, les éléments constitutifs de ce système sont :

1. Les organes de l'administration gouvernementale

2. Les organes des collectivités territoriales

3. Les institutions d'utilité publique

4. Les sujets exerçant les fonctions d'administration publique limitée en vertu d'une délégation particulière

5. Les organes de l'administration publique indépendants

1. On appelle organe de l'administration gouvernementale un organe de l'État chargé d'exercer directement la fonction d'administration de l'État, c'est-à-dire toute fonction qui n'est ni une activité législative, ni judiciaire. Devient organe d'administration tout sujet auquel la loi délègue des compétences relevant du domaine du droit administratif. Un organe peut constituer une partie de la structure de l'État ou d'un sujet autre que l'État, p.ex. une commune, un département ou une organisation sociale. Le concept d'« organe d'administration » est basé sur les éléments suivants : a) distinction organisationnelle b) désignation des membres c) autorisation d'application des moyens juridiques d) action en faveur de l'intérêt publique e) attribution de pouvoirs définis par la loi.

La division essentielle des organes de l'administration de l'État en Pologne consiste à séparer les organes de l'administration gouvernementale et ceux des collectvités territoriales.

Le rôle de l'administration gouvernementale est d'assurer la direction globale de l'État et d'en gérer la politique sociale et économique, ainsi que - en particulier via son principal organe, le Conseil des Ministres - de prendre individuellement des décisions concernant les affaires stratégiques du point de vue de l'État.

Le droit polonais divise l'administration gouvernementale en secteurs selon les branches ou de caractère fonctionnel. Cette distinction est consécutive à la loi du 4 septembre 1997 (dite loi divisionnaire) relative aux secteurs de l'administration gouvernementale. À l'heure actuelle, cette loi distingue 32 secteurs de l'administration au niveau central, dont les finances publiques, l'instruction, la défense nationale, le sport et la culture physique. Il revient au Premier Ministre de disposer librement des différents secteurs. Aussi, il les attribue à ses ministres, comme il les leur retire, le cas échéant. C'est ce qui explique la fluidité du nombre de ministres qui varie selon les décisions du Premier Ministre en cette matière.

En ce qui concerne les ministères et les offices, ils sont créés et supprimés en vertu d'une ordonnance du Conseil des Ministres. Chaque ministre ou directeur d'office central est, bien entendu, un organe de l'administration, les ministères ou offices n'en constituant que la structure d'aide (bureaucratique).

Si les offices nationaux sont inscrits dans la structure des secteurs de l'administration gouvernementale, ils sont en même temps exclus de celle des ministères. Toutefois, il n'est pas impossible non plus que ces mêmes offices soient détachés d'un secteur d'administration. Ils relèvent du ressort du Conseil des Ministres ou de celui du Premier Ministre.

L'administration gouvernementale est également présente sur le terrain où elle se divise en ce qu'on appelle l'administration unie (ou générale) et l'administration désunie (ou particulière). La direction de cette première est confiée au voïévode (sur le territoire de la voïévodie) qui est assisté par des vice-voïévodes et une structure bureaucratique composée d'offices régionaux. L'organisation de l'administration générale au sein d'une voïévodie est définie par les statuts de l'office de voïévode qui sont attribués par ce dernier. À présent, nous comptons 14 administrations de ce type, p.ex. le conservateur régional des monuments historiques ou l'inspecteur régional du génie sanitaire.

Quant à l'administration particulière, elle est composée d'organes d'administration régionaux qui ne relèvent pas des compétences du voïévode, mais sont directement placés sous l'autorité des ministres respectifs. La création d'organes de l'administration particulière ne peut se faire que par voie de loi et à condition que les tâches qui leur incombent soient de portée nationale. Nous avons actuellement 15 administrations particulières, dont les directeurs du Trésor, les chefs des douanes ou les directeurs des instituts de la statistique.

Il ne semble pas inutile de rappeler encore une fois que c'est tout chef d'office (ministre, chef de département ou directeur) qui est un organe de l'administration publique, tandis que l'office lui-même ne joue qu'un rôle secondaire par rapport à l'organe de l'administration. Celui-ci réalise les tâches dont il a la charge en bénéficiant de l'aide de celui-là.

2. Conformément à l'article 163 de la Constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997, il revient aux collectivités territoriales de réaliser les tâches publiques qui ne sont pas réservées par la Constitution ou par une loi particulière à d'autres organes du pouvoir publique.

Les collectivités territoriales sont détachées de la structure du pouvoir de l'État. Constituées en vertu de la loi, elles sont une association de la population locale appelée à exercer de façon autonome les tâches propres à l'administration de l'État. Pour s'acquitter de leur mission, elles sont pourvues de moyens matériels provenant p.ex. des impôts, des taxes locales et des dotations ou subventions allouées par l'État. Les collectivités territoriales constituent elles-mêmes leur organisation et leur administration.

L'exercice de l'administration par les collectivités territoriales procède du principe de la décentralisation qui suppose qu'elles réalisent leurs tâches de façon autonome. La caractéristique essentielle des collectivités est leur étroite liaison avec la division territoriale du pays. Leurs organes sont limités par l'étendue de leurs prérogatives relatives au lieu où ils opèrent. L'administration d'une collectivité territoriale dépend, dans une certaine mesure, de la population locale. Celle-ci agit au moyen d'organes représentatifs éligibles qui disposent de compétences de création, d'appel et de contrôle et les font valoir à l'égard des organes de l'administration locale qui leur sont subordonnés.

Un trait caractéristique des organes administratifs d'une collectivité territoriale est leur relative autonomie. En effet, ils gardent une indépendance face aux organes analogues dans d'autres unités des collectivités locales.

3. Un établissement d'utilité publique, dit établissement administratif, est une unité d'organisation autonome pourvue de moyens matériels qui sont mis à sa disposition de façon permanente. Il est destiné principalement à fournir directement des services d'une grande importance pour la population locale, p.ex. en matière d'instruction ou de culture. Il est impératif que ces services soient assurés en continu. Une institution de ce genre est, la plupart du temps, une unité subventionnée par le budget de l'État dont les dépenses sont couvertes par le Trésor ou par le budget de la collectivité territoriale concernée. Les destinataires de ces services sont les « utilisateurs » ; ils entretiennent avec l'établissement un rapport administrativo-légal et, en tant que tels, sont soumis aux consignes de son directeur. D'habitude, un établissement est géré par un organe unipersonnel qui s'accompagne parfois d'un organe collégial, comme c'est le cas du président d'université et du Sénat. Ces organes ne relèvent pas de l'administration de l'État, mais sont les organes d'un établissement donné et c'est au nom de ce dernier qu'ils agissent. Néanmoins, dans la mesure où ils remplissent des fonctions d'administration publique, ils sont soumis à la reglementation qui régit l'activité des organes de l'administration de l'État. Le personnel de l'établissement réalise ce qu'on appelle le pouvoir d'établissement, c'est-à-dire il définit la situation des utilisateurs de l'établissement à l'aide d'actes de l'établissement. Les établissements sont passibles de contrôles extérieurs, dont juridictionnel, devant une cour administrative.

Le propre d'un établissement d'utilité publique est d'entretenir une relation permanente avec l'administration publique, et ce durant toute la période d'accomplissement de la mission.Dans le système de droit polonais, il n'y a pas une disposition qui règle globalement le fonctionnement de tous les établissements d'utilité publique, si bien que leurs activités relèvent de différentes lois (p.ex. la loi sur les musées de 1996, sur les bibliothèques de 1997 ou sur les établissements d'enseignement supérieur de 2005).

4. D'après la loi polonaise, la réalisation des tâches publiques peut également être déléguée « à un sujet extérieur ». Il s'agit là de sujets situés habituellement en dehors de l'administration gouvernementale ou locale, comme ceux qui fonctionnent aussi bien en vertu du droit public (p.ex. les communes que l'administration gouvernementale a chargées de tâches supplémentaires - délivrer des pièces d'identité ou s'occuper du recensement de la population) que du droit privé (p.ex. des fondations ou des sociétés de droit commercial). Des tâches sont déléguées à un sujet si celui-ci n'est pas un organe du pouvoir d'État et se voit attribuer des compétences lui permettant d'appliquer des décisions unilatérales, comme le font les organes de l'administration de l'État.

Cette délégation se fait à base de loi ou par voie d'action individuelle. Dans ce premier cas, la commission ne concerne qu'une catégorie de sujets (p.ex. toutes les communes se chargent du recensement de la population locale). Si une commission est donnée en vertu d'une action individuelle, il peut s'agir alors soit d'un accord administratif (auquel cas la commission relève du droit public), soit d'un contrat (la commission est alors du ressort du droit privé).

Une activité administrative donnée peut être qualifiée comme pouvant être capable d'exécuter une commission dès lors qu'elle remplit deux critères à la fois. Premièrement, le sujet auquel cette activité sera confiée doit être habilité en vertu de la loi à gérer cette catégorie d'affaires bien définie. Deuxièmement, la gestion doit revêtir une forme juridique identique à celle qu'appliquent les organes de l'État.

L'essentiel des tâches commandées à l'administration repose dans une sorte de socialisation de l'exécution de cette administration. Une telle forme d'administration peut être appliquée également lorsqu'il y a des raisons de fond importantes ou bien quand il s'agit de l'efficacité des démarches.

5. Certaines tâches relevant du domaine de l'administration publique sont réalisées par les instances d'une collectivité professionnelle ou économique. L'article 17, al. 1 de la Constitution de la République de Pologne garantit aux citoyens le droit de créer des collectivités professionnelles. Celles-ci sont représentées par les personnes qui exercent « des professions de confiance publique » et « veillent au bon exercice de ces professions dans les limites de l'intérêt public et en vue d'en assurer la protection ».

L'essentiel des tâches exécutées par les collectivités territoriales en matière d'administration est de garantir à leurs membres la réalisation des tâches professionnelles de manière honnête, sans céder aux éventuelles pressions exercées par différentes structures du pouvoir, et conformément aux règles du jeu. Une collectivité professionnelle est autorisée à accorder et à retirer le droit d'exercer un métier ainsi qu'à recourir à des sanctions disciplinaires à l'égard des personnes contrevenant aux normes éthiques et professionnelles (p. ex. les collectivités d'avocats ou de médecins).

L'article 17, al. 2 de la Constitution de RP garantit le droit de créer, par voie de loi, d'autres genres de collectivités sous réserve qu'elles ne contreviennent pas à la liberté d'exercice d'un métier ni ne gênent la liberté d'entreprise économique. Il s'agit là p.ex. de collectivités économiques (agricoles ou industrielles) ; ces dernières ne réalisent pas de tâches relevant de l'administration publique, car elles ne disposent d'aucune compétence de pouvoir à l'égard de leurs membres.

6. La catégorie d'« organes d'administration indépendants » est encore relativement peu ancrée en Pologne, l'idée même d'« administration indépendante » étant en opposition avec l'acception habituelle de l'administration considrée comme une structure hiérarchique dont la disponibilité reste liée à la réalisation des tâches propres à l'État. Or, le rôle de l'administration centrale est, entre autres, d'assurer le service administratif aux organes du pouvoir de l'État indépendants de l'administration gouvernementale. Les organes d'une telle administration ont des compétences de pouvoir par rapport à l'administration gouvernementale et, pour les mettre en application, ils doivent avoir leur propre appareil.

Grâce aux structures de l'administration indépendante, les autorités de l'État peuvent réaliser des tâches publiques définies, dont seule la mise en place de garanties fiables assure la réalisation de façon indépendante, objective et réduisant le danger de corruption.

Les organes administratifs indépendants existent en Pologne aussi bien au niveau central (point A) qu'au niveau local (point B).

A. Conformément à la loi, au niveau central, il y a 9 organes qui sont les suivants :

Inspecteur Général pour la Protection des Données Personnelles

Président de l'Office de Régulation et des Ressources Energétiques

Président de l'Office de Régulation des Télécommunications et de la Poste

Président de l'Office des Combattants

Président de l'Office National de Contrôle du Bâtiment

Président de l'Office National de Statistiques

Président de l'Office de Protection de la Concurrence et des Consommateurs

Président de l'Office des Appels d'Offre

Inspecteur Général du Transport Routier

Une autre catégorie de l'administration indépendante à l'échelle centrale est ce qu'on appelle les agences d'État qui sont les organes de l'administration publique au niveau central. Appelées à assurer l'administration publique dans un domaine concret et bien défini, les agences d'État peuvent avoir des filiales sur le terrain. Elles sont une combinaison de formes publiques et privées, ce qui doit garantir une meilleure efficacité et créativité au cours de la réalisation des tâches publiques.

Du point de vue de leur création, nous connaissons deux genres d'agences. Aussi avons-nous affaire à des agences instituées directement par la loi (p.ex. l'Agence du Marché Agricole ou l'Agence Nationale de la Radiodiffusion) et des agences à caractère de sociétés commerciales, constituées par des organes de l'administration publique (p.ex. l'Agence du Développement Economique). Le nombre d'agences à caractère de sociétés commerciales est variable, de sorte qu'il serait difficile de donner un chiffre précis à l'heure actuelle.

Ont été établies directement par la loi les agences suivantes :

- Agence du Marché Agricole543

- Agence de l'Immobilier Agricole544

- Agence de Restructuration et de Modernisation de l'Agriculture545

- Agence du Patrimoine Militaire546

- Agence de la Sécurité Intérieure et Agence des Renseignements547

Une exception à la règle de création d'organes d'administration indépendants, que ce soit par voie de loi ordinaire ou sous forme de sociétés, est le cas du Conseil National pour la Radio et la Télévision, une institution qui relève directement de la Constitution de RP de 1997 (Cf. Chapitre IX intitulé « Les organes de contrôle de l'État et de protection de la loi »). En précisant le régime de ce Conseil, l'article 215 de la Constitution annonce l'établissement d'une loi destinée à en régir le fonctionnement, la loi du 29 décembre 1992 sur la radio et la télévision.

B. Au niveau local, à l'administration indépendante appartiennent les chambres d'appels locales et les chambres des comptes régionales. L'activité de ces deux institutions est liée au fonctionnement de l'administration locale, tant départementale que territoriale.

Si l'on analyse les dispositions qui définissent le statut juridique des différents organes de l'administration indépendante, on arrive à en discerner des points communs qu'on peut présenter comme suit :

1. Les organes administratifs indépendants sont constitués habituellement par voie de lois. On peut distinguer deux sortes de ces lois :

- les lois dont le seul titre indique qu'elles se rapportent à un organe ou un groupe d'organes dumême type (p.ex. la loi du 12 octobre 1994 sur les chambres d'appels locales548 ou celle du 7 octobre 1992 sur les chambres des comptes)549 ;

- les lois qui établissent les procédures se rapportant à des domaines bien définis. Citons-en deux exemples :

a) la loi du 17 décembre 2004 sur la responsabilité engagée pour violation de la discipline des finances publiques, qui permet la création d'organes propres à engager une procédure dans les cas de violation des finances publiques550 ;

b) la loi du 20 août 1997 sur la protection des données personnelles, qui met en place un organe habilité à intervenir dans les affaires relatives à la protection des données personnelles (Inspecteur Général pour la Protection des Données Personnelles)551.

2. Il n'est pas possible de définir de façon homogène la position de ces organes vis-à-vis des pouvoirs législatifs, exécutif et judiciare. Il en est qui sont constitués et supprimés par les organes du pouvoir législatif (p.ex. l'Inspecteur Général pour la Protection des Données Personnelles ou l'Office de l'Ombudsman), d'autres sont créés par les organes du pouvoir exécutif (p.ex. il revient au Président de RP de nommer et de révoquer les membres de la commission commune statuant sur les affaires de violation de la discipline des finances publiques). Il arrive également que les membres d'un organe soient désignés à la fois par le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. C'est le cas du Conseil National pour la Radio et la Télévision qui compte 9 membres : quatre sont nommés par le Parlement, deux par le Sénat et trois par le Président de la RP. Tous se doivent d'avoir le savoir et l'expérience requis en matière de médias.

Dans la majorité des cas, les membres des organes de l'administration indépendante à l'échelle centrale sont désignés par le Premier Ministre sur la requête du ministre concerné, par exemple :

a) l'Inspecteur Général de Contrôle du Bâtiment est nommé et révoqué par le Premier Ministre à la demande du ministre du bâtiment et de l'aménagement du territoire552 ;

b) le Président de l'Office du Transport par Voie Ferrée est nommé et révoqué par le Premier Ministre à la demande du ministre du transport553 ;

c) le Directeur de l'Office des Combattants et des Personnes Persécutées est nommé et révoqué par le Premier Ministre à la demande du ministre des affaires sociales554

Certains organes de l'administration indépendante sont placés directement sous l'autorité d'un organe du pouvoir législatif (p. ex. l'Inspection Nationale du Travail est subordonnée au Parlement) ou sont contrôlés par les instances du pouvoir exécutif (p. ex. le ministre de l'administration publique est habilité à veiller à l'activité des chambres régionales des comptes). Le contrôle tient alors compte uniquement du seul critère de conformité à la loi.

Certains organes de l'administration indépendante sont tenus de soumettre aux organes du pouvoir législatif et exécutif un rapport de leurs activités. Aussi le Conseil National pour la Radio et la Télévision soumet-il au Parlement, au Sénat et au Président de la République un rapport annuel relatif à ses activités de l'année écoulée, tout en n'en présentant qu'une simple information au Premier Ministre. En cas de rejet du rapport par le Parlement, le Sénat et le Président de la République, le mandat de tous les membres du Conseil expire automatiquement555.

D'autres organes transmettent le rapport de leurs activités au ministre concerné (p. ex. le Président de l'Office de Régulation des Télécommunications et de la Poste soumet au ministre des télécommunications un rapport annuel de ses activités de l'an passé556). Quant aux Présidents des Chambres des Comptes (uniquement à l'échelle locale), ils soumettent au ministre de l'administration publique un rapport annuel rendant compte de l'exécution du budget par les instances des collectivités territoriales ainsi qu'un rapport relatif aux activités de contrôle et de formation des Chambres557. Ils présentent également au Parlement et au Sénat un rapport annuel de l'activité des Chambres et de l'exécution du budget par les instances des collectivités territoriales.

3. Les conditions de nomination des membres des organes de l'administration indépendante - qu'il s'agisse d'organes unipersonnels ou collégiaux - ont été définies par des lois spécifiques.

Ces organes sont constitués suite à la décision des instances concernées (p.ex. celle du Parlement ou du Président de la République par rapport au Conseil National pour la Radio et la Télévision, ou celle du Premier Ministre). D'habitude, la loi exige que ces actes de constitution soient précédés d'un concours ouvert, comme c'est le cas de la nomination au poste de président des Chambres Régionales des Comptes (les présidents ne sont désignés par le Premier Ministre, sur la requête du ministre de l'administration, qu'une fois le concours effectué). Les lois précisent les conditions auxquelles doit répondre un candidat pour pouvoir remplir la fonction d'organe ou être nommé membre d'un organe collégial.

4. Les garanties de l'indépendance des administrations en question résultent avant tout des prémisses suivantes :

- les lois déterminent d'une façon énumérative les raisons de la révocation d'un organe ;

- la dureé du mandat de ces organes est différente (d'habitude plus longue) que celle d'un organe du pouvoir ;

- législatif. Ce fait est important dans le cas où un organe du pouvoir législatif prend part à la nomination d'un organe de l'administration indépendante ;

- les actes délivrés par les organes de l'administration indépendante sont soumis au seul contrôle des tribunaux administratifs ;

- les organes de l'administration indépendante sont souverains de leurs décisions. Leur souveraineté s'appuie sur deux piliers. D'un côté, il y a autonomie personnelle et irrévocabilité des membres de ces organes, de l'autre, une existence organisationnelle indépendante et le manque de dépendance ;

- ces organes jouissent d'une autonomie financière, ce qui se manifeste par le fait que les moyens financiers destinés à leur action sont garantis, une fois l'an, en vertu de dispositions particulières de la loi. Citons comme exemple, selon l'art. 82, al. 3 de la loi du 26 novembre 1998 sur les finances publiques, les matériaux nécessaires au projet de loi budgétaire qui sont élaborés et soumis au Ministre des Finances par les destinataires de ce qu'on appelle les parts budgétaires. Conformément à l'article 1 de l'arrêté du Ministre des Finances du 17 mai 2005 relatif aux règles particulières, au mode et aux délais d'élaboration des matériaux requis pour le projet de loi budgétaire 2006, les ministres, directeurs d'offices nationaux, voïévodes et autres destinataires de parts budgétaires sont tenus de préparer des plans de revenus/dépenses pour chacune des parts budgétaires.

5. Les compétences des organes sont définies par les lois correspondantes. Il leur appartient :

- d'adopter des dispositions légales sous forme d'actes administratifs ;

- de contribuer à la création de la politique de l'État dans les domaines relevant de leurs compétences (p.ex. de présenter des requêtes ou des opinions en matière d'amendements de lois qui relèvent de leurs compétences) ;

- de contrôler l'observation des dispositions de la loi relatives aux domaines relevant de leurs compétences.

6. À partir du 1er mai 2004, la Pologne est membre de l'Union Européenne. Désormais, les organes administratifs indépendants sont soumis aux directives européennes et, dans sa juridiction interne, la Pologne se doit de les appliquer. Voici quelques exemples de directives implantées en Pologne, relatives aux organes administratifs indépendants :

A. La Directive du Parlement Européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection despersonnes physiques en matière de transformation des données personnelles et de libre circulation de ces personnes (95/46/WE).

Dans l'article 28, cette directive oblige les États membres à garantir qu'un ou plusieurs organes publics prendront la responsabilité de contrôler, sur leur territoire, l'application des dispositions adoptées par les États membres en vertu de cette directive. Les organes désignés sont tenus « de procéder de façon totalement autonome dans l'exercice des fonctions qui leur sont confiées ». En Pologne, c'est le cas de l'Inspecteur Général pour la Protection des Données Personnelles (GIODO) qui agit en vertu des dispositions de la loi de 1997 sur la protection des données personnelles. L'autonomie du GIODO découle directement de la disposition de loi stipulant qu'il est soumis uniquement aux lois. La loi en question contient un catalogue fermé de prémisses permettant la révocation du GIODO (démission de son poste, incapacité permanente à remplir ses fonctions en raison de maladie, infraction au serment prêté, sentence de condamnation valide pour délit). Qui plus est, le GIODO dispose également d'une immunité formelle et des garanties d'invulnérabilité qui font qu'il ne peut, sans l'autorisation du Parlement, être appelé en justice ou mis en garde à vue. Il ne peut non plus être détenu ou arrêté, à moins qu'il ait été pris en flagrant délit et que son arrestation soit indispensable pour assurer le bon déroulement de la procédure. Le GIODO est tenu de soumettre au Parlement, une fois par an, un rapport de son activité accompagné de remarques sur l'observation des dispositions de la loi relativs à la protection des données personnelles. Ses compétences l'autorisent à prendre des décisions administratives passibles de contrôle par le tribunal administratif.

B. La Directive du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 1997 sur les règles communes de développement du marché interne des services de poste de l'Union et l'amélioration de la qualité des services (97/67/WE). Dans le chapitre 9, l'article 22 stipule que tout État membre désignera, pour le secteur de la poste, un ou plusieurs organes nationaux de régulation, qui aient une autonomie juridique et dont le fonctionnement soit indépendant des opérateurs nationaux. En ce qui concerne la création d'un organe indépendant, cette directive a été réalisée par la désignation du Président de l'Office de Régulation des Télécommunications et de la Poste (URTiP). Conformément à l'article 190, al.1 de la loi sur les télécommunications de 2004, le Président d'URTiP est un organe de régulation en matière de services de télécommunications et de poste. Il constitue en même temps un organe central de l'administration gouvernementale institué par le Premier Ministre, sur la requête du ministre des télécommunications, pour une durée de 5 ans. Il revient également au Premier Ministre de révoquer le Président d'URTiP avant la fin de son mandat, la révocation ne pouvant intervenir qu'en cas d'infraction évidente à la loi, d'interdiction d'occuper un poste directeur ou de remplir des fonctions engageant une responsabilité particulière dans les organes de l'État, de délit intentionnel poursuivi d'office et attesté d'un jugement valide de la cour, de maladie rendant impossible de façon permanente l'exercice de ses fonctions et de démission.

C. En vertu des dispositions de la loi du 15 décembre 2000 sur la protection de la concurrence et des consommateurs (Journal des Lois de 2003, nº 86, point 804 avec les amendements ultérieurs), est désigné le Président de l'Office de Protection de la Concurrence et des Consommateurs. Il s'agit là d'un organe de l'administration gouvernementale pour les affaires liées à la protection de la concurrence et des consommateurs. Il appartient au Premier Ministre de contrôler l'activité du Président de cet Office qui est un organe appelé à accomplir les tâches imposées aux États membres de l'Union Européenne en vertu des articles 84 et 85 du Traité instituant l'Union Européenne (Journal Officiel WE C 325 du 24 décembre 2002), appelé dans la suite « Traité de l'UE ». Le Président de l'Office de Protection de la Concurrence et des Consommateurs est un organe destiné en premier lieu à protéger la concurrence en conformité avec l'article 35 de la disposition nº 1/2003/WE. Le Premier Ministre nomme pour un mandat de 5 ans le Président de l'Office choisi par voie de concours parmi les candidats diplômés d'université (en particulier en droit, économie ou gestion) et faisant preuve de connaissances théoriques et d'expérience en matière d'économie de marché et de protection de la concurrence et des consommateurs. Le Président de l'Office peut être révoqué par le Premier Ministre avant la fin de son mandat en cas de signature d'un contrat de travail - à l'exception d'un poste de professeur dans un établissement d'enseignement supérieur ou de recherche - d'exercice d'une activité économique en qualité d'entrepreneur, de prise de fonction de membre d'un organe de gestion ou de contrôle, de condamnation valide pour délit intentionnel, d'infraction grave à ses fonctions, de maladie empêchant de façon permanente l'exercice des tâches confiées, ou en cas de démission (art. 24 de la loi).

D. Les Directives 2003/54/WE et 2003/55/WE exigent que les États membres de l'Union Européenne désignent un ou plusieurs organes munies de prérogatives d'organes exécutifs afin de réaliser les tâches de régulation définies par lesdites directives. Il est impératif que ces organes de régulation soient totalement indépendants des intérêts des industries d'électricité et de gaz. En Pologne, c'est le Président de l'Office de Régulation et des Ressources Energétiques (URE) qui constitue un tel organe, créé en vertu des dispositions de la Loi énergétique de 1997. Son Président, organe central de l'administration gouvernementale, est nommé par le Premier Ministre pour une durée de 5 ans sur la requête du ministre de l'économie. Il peut être révoqué par le Premier Ministre avant la fin de son mandat en cas de maladie l'empêchant de manière permanente d'accomplir les tâches qui lui incombent, d'infraction grave à ses fonctions, de délit attesté par une sentence valide de tribunal, ou en cas de démission (art. 21 de la loi). La principale tâche du Président d'URE est d'accorder et de retirer des concessions ainsi que de contrôler la réalisation des tâches définies par les dispositions de l'arrêté nº 1228/2003/WE du 26 juin 2003 du Parlement Européen et du Conseil. L'activité de l'Office de Régulation et des Ressources Energétiques, qui aide le Président d'URE dans l'accomplissement de ses tâches, est financée par le budget de l'État, le rendant ainsi indépendant des entreprises présentes dans l'industrie d'électricité et de gaz.

LE STATUT DE QUELQUES ORGANES ADMINISTRATIFS INDÉPENDANTS

Le Conseil National pour la Radio et la Télévision (KRRiTV) est un organe constitutionnel appelé à veiller au respect de la liberté d'expression, du droit à l'information et de l'intérêt public à la radio et la télévision. (art. 213, al. 1 de la Constitution de RP). La loi fondamentale autorise le KRRiTV à prendre des dispositions constituant une source de loi obligatoire ainsi qu'à adopter des résolutions concernant des questions individuelles (art. 213, al. 2 de la Constitution de RP). L'activité du KRRiTV est régie d'une manière précise par le texte de la loi du 29 décembre 1992 sur la radio et la télévision qui définit le KRRiTV comme un organe national propre aux affaires de la radiophonie et de la télévision (art. 5 de la loi).

Le KRRiTV s'est vu attribuer des compétences de pouvoir, dont le droit de prendre - dans les limites définies par la loi - des dispositions en matière de concessions de diffusion et d'animation d'émissions ainsi que de reconnaissance d'émetteurs sociaux et de retrait de ces prérogatives selon le texte de la loi (art. 6, al. 2, point 3-3a). Il est également autorisé - conformément à la loi - à contrôler l'activité des émetteurs (art. 6, al. 2, point 4 de la loi) et à prendre des décisions de pouvoir agissant sur les droits des sujets autres que les émetteurs , dont les personnes physiques, en fixant le montant des abonnements selon les règles définies par une loi particulière (art. 6, al. 2, point 6a).

Le KRRiTV compte 9 membres nommés par le Parlement, le Sénat et le Président de la République, choisis parmi des candidats ayant un savoir et une expérience exceptionnels en matière de médias (art. 7, al. 1 de la loi). Dans le même temps, la loi précise de façon énumérative les situations qui peuvent entraîner la révocation d'un membre du Conseil.

Les Chambres d'appels locales (SKO) ont été créées en vertu de la loi du 12 octobre 1994 sur les chembres d'appels locales558. Les compétences des chambres d'appels locales sont définies par l'art. 1 de cette loi. Les SKO sont des organes de degré supérieur pour les affaires individuelles du domaine de l'administration publique relevant du ressort des collectivités territoriales (si des dispositions particulières ne décident pas autrement). Ils statuent également sur des affaires autres que celles mentionnées, conformément aux règles définies par des lois spécifiques. Les SKO sont des entités financées par le budget de l'État dont l'activité administrative est soumise au contrôle du Premier Ministre. Les candidats à la qualité de membres des SKO sont choisis par voie de concours (art. 8, al. 1 de la loi).

Les Chambres Régionales des Comptes (RIO) sont des organes nationaux appelés à contrôler la gestion financière de sujets bien définis : collectivités territoriales, unions intercommunales, associations de communes, associations de communes et de départements, unions de départements et autres sujets. Le contrôle porte sur le mode d'utilisation des dotations allouées par les collectivités territoriales. L'activité des RIO est soumise au contrôle effectué par le ministre de l'administration publique sous l'angle de sa conformité avec la loi (art. 2, al. 1 de la loi de 1992).

L'Inspecteur Général pour la Protection des Données Personnelles (GIODO) est un organe appelé à protéger les données personnelles. Il est institué par le Parlement avec l'agrément du Sénat. En ce qui concerne les tâches qui lui incombent, il ne relève qu'à la loi (art. 8, al. 1-2, 4 de la loi sur la protection des données personnelles de 1997). Le GIODO est habilité à prendre des décisions administratives et à statuer sur les plaintes portées en matière d'exercice des dispositions relatives à la protection des données personnelles. En cas de violation de ces dispositions, le GIODO peut, par voie de décision administratice, faire rétablir l'ordre conforme à la loi (art. 18, al. 1 de la loi).

Le Président de l'Office pour les Combattants et les Personnes Persécutées est un organe central de l'administration de l'État créé en vertu de la loi du 24 janvier 1991 sur les combattants et certaines personnes victimes de représailles perpétrées lors de la guerre et de l'après-guerre. L'Office relève du ressort du ministre de la protection sociale. À la tête de l'Office, est placé un directeur nommé et révoqué par le Premier Ministre à la demande du ministre de la protection sociale. Les compétences du directeur sont définies dans l'arrêté du Premier Ministre du 10 ocobre 2001 précisant le champ d'action et l'organisation de l'Office pour les Combattants et les Personnes Persécutées. Il appartient au directeur de l'Office : a) d'élaborer et de participer à l'élaboration de projets d'actes normatifs relatifs aux combattants et aux personnes persécutées ; b) de prendre des décisions d'attribution et de retrait de privilèges dont traite la loi sur les combattants ; c) de prendre des décisions d'attribution ou de refus de certaines allocations bien définies ; d) de présenter des demandes d'attribution d'ordres et de médailles ; e) de disposer du Fonds National des Combattants ; f) d'organiser des actions d'information, de documentation et d'impression destinés à satisfaire les besoins des combattants.

Le Président de l'Office de Régulation des Télécommunications et de la Poste (URTiP) agit en vertu de la loi du 16 juillet 1994 dite La Loi sur les Télécommunications. Le Président d'URTiP est nommé et révoqué par le Premier Ministre sur la requête du ministre des télécommunications. Les principales missions de cet organe consistent à : a) réaliser les tâches prévues par la loi en matière de régulation et de contrôle du marché des services de télécommunications ; b) gérer les fréquences, les ressources orbitales et techniques, contrôler les exigences concernant la compatibilité électromagnétique ; c) intervenir dans les affaires relatives au fonctionnement du marché des services de télécommunications et de poste ainsi que du marché de l'appareillage. Ces interventions sont consécutives à l'initiative propre de l'Office ou à la demande des sujets intéressés ; d) statuer sur les affaires concernant les compétences professionnelles en matière de télécommunications ; e) initier des recherches scientifiques en matière de télécommunications ; f) coopérer avec le Président de l'Office pour la Protection de la Concurrence et des Concommateurs afin d'empêcher les pratiques monopolistes, telles que la concentration d'opérateurs de poste ou d'entreprises de télécommunications ; g) fournir à la Commission Européenne et aux organes de régulation d'autres pays des informations en matière de télécommunications. Il s'agit d'informations sur les entrepreneurs de télécommunications, prestataires de services universels, qui sont reconnus pour leur position importante dans le monde.

Le Président de l'Office de Régulation des Télécommunications et de la Poste soumet au ministre des télécommunications un rapport annuel écrit de son activité de l'an passé (avant le 30 avril). Conformément aux informations reçues des entreprises de télécommunications, il publie, avant le 30 avril, un rapport sur la condition du marché des télécomunications en l'an passé. Ce rapport est tenu d'informer les utilisateurs du marché des télécommunications sur les actions entreprises par l'Office destinées à les protéger, ainsi que d'exposer les objectifs de l'activité de régulation pour l'année en cours. Le rapport est publié dans le « Bulletin d'URTiP » et sur le site WEB de l'Office.

PORTUGAL

par Mme Anne HERTGEN
de l'Université de Lisbonne

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Dans l'ordre juridique portugais, les Autorités Administratives Indépendantes (AAI) apparaissent avec la Constitution de la République Portugaise de 1976. Selon le Professeur Carlos Blanco de Morais, trois raisons principales ont amené à leur développement559.

En premier lieu il résulte de la politisation de la Haute Administration. En effet, le choix de beaucoup de poste clef de l'Administration reposerait sur des critères de « confiance politique ».

Ensuite il résulte du processus d'intégration à l'Union Européenne. Le Portugal y a adhéré en 1986, a favorisé la création de AAI, l'approbation de l'Acte Unique et du Traité de Maastricht ont également, renforcé cette tendance. Il a d'ailleurs avec le « provador de justiça » suivi l'exemple de l'« ombusman » suédois. Il a également été sensible à l'idée, véhiculée par l'Union Européenne, qu'il y existe un lien entre la démocratie et les institutions techniques indépendantes. Une décennie après l'instauration de la démocratie, le Portugal paraît y avoir vu une manière de créer une véritable indépendance entre l'administration et le pouvoir politique, encouragé par l'Union Européenne.

Enfin, l'idée selon laquelle pour être « efficace et impartiale dans l'exécution des lois l'Administration doit s'éloigner de l'influence politique des gouvernements » a eu un écho au Portugal. Les AAI doivent au contraire être neutre et répondre aux insuffisances de l'Administration de l'État. Toujours selon le Pr. Blanco de Morais elles doivent pour cela réunir trois critères ; avoir des compétences administratives comme activité principale, offrir des garanties de pluralité institutionnelle, d'inamovibilités et d'irresponsabilités à leurs membres et que ces mêmes membres ne soient pas désignés par les représentants du secteur en cause.

Les AAI intègrent l'« Administration Indépendante » définie par le Pr. Vital Moreira comme « l'Administration qui n'intègre pas l'Administration directe de l'État et qui ne subit pas d'orientations ni de tutelle de l'État sans toutefois correspondre à une auto-administration d'un intérêt organisé »560.

I - Les modalités de création des AAI

Bien que les AAI apparaissent dans l'ordre juridique portugais avec la Constitution de la République Portugaise de 1976, il faudra attendre la révision constitutionnelle de 1997, où l'article 267-3 habilite le législateur à créer ce type d'organisme (« la loi peut créer des entités administratives indépendantes »).

Cet article relativement succinct est vu par une partie de la doctrine comme un « chèque en blanc » pour le législateur car il ne fait référence ni aux domaines, ni aux fins de ces entités. Cela revient donc à confier a la loi ordinaire le soin de définir le régime en cause. Devant cette large marge d'appréciation, le législateur a par exemple considéré que s'appliquerait de manière subsidiaire le régime des entreprises publiques à l'« Entité régulatrice du secteur électrique ».

Certaines instances indépendantes, en raison de leur importance pour le système politique ou économico-financier, sont créées par la Constitution qui en définit la composition et les attributions en termes généraux laissant à la loi ordinaire une certaine précision du statut. Comme exemples « d'organes de nature constitutionnelle » on trouve notamment « o provador de justicia », le « Conseil économique et social », « la Haute autorité pour les communications sociales » et le « Conseil supérieur de la magistrature ». D'autres peuvent être qualifiées d'« autorité indépendantes de type commun » qui résultent d'une création de la loi. C'est ainsi le cas de la « Commission nationale pour les élections », la « Commission nationale d'objection de conscience », la « Commission pour le contrôle du secret d'état », le « Conseil d'éthique pour les sciences de la vie ». La loi est ici libre de créer les compétences nécessaires aux AAI de type commun. Il existe pourtant selon le Pr. Blanco de Morais un impératif non écrit « d'auto restriction » du législateur visant à ne pas voir disparaître le caractère « indépendant » de ces autorités.

II - La position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

Les rapports entre le pouvoir législatif et les AAI correspondent essentiellement au rôle de l'Assemblée nationale dans l'élection de certains membres de celles-ci. Le Parlement joue également un rôle important par son pouvoir de contrôle comme nous le développerons dans le chapitre consacré aux modalités de contrôle sur ces entités.

Comme nous le vîmes précédemment, les AAI intègrent l'administration indépendante et en conséquence ont une position particulière par rapport au pouvoir exécutif. En effet ces entités bénéficient d'une « indépendance fonctionnelle » qui se traduit par une absence d'ordres ou d'instructions, de censure ou de contrôle de la part du pouvoir exécutif. Cette indépendance signifie également que le gouvernement n'exerce aucun contrôle hiérarchique ou de tutelle sur les AAI. Toutefois, la dépendance financière des AAI au budget de l'État accorde à celui-ci une forme indirecte de contrôle.

Il nous apparaît que les rapports entre les AAI et le pouvoir judiciaire se situe principalement au niveau du contrôle que celui-ci peut exercer sur ces dernières. Ainsi l'article 266-2 de la Constitution561 prévoit la subordination de tous les organes de l'administration, y compris l'administration indépendante, à la constitution et à la loi.

Les AAI doivent de fait respecter le « principe de légalité » ce qui implique que selon les articles 268-4 et 268-5 de la Constitution562 les particuliers peuvent porter devant la justice administrative les actes ou règlements administratifs qui violeraient leurs droits ou intérêts. Il est également possible en application des articles 280-1 al. A et B563 et 281-1 al. A564 de la Constitution de contester des règlements émis par des AAI devant la « justice constitutionnelle » sur le fondement de la violation de la « loi fondamentale ». La juridiction compétente apparaît être la juridiction administrative, cependant les décisions ayant pour objet le prononcé d'une amende sont jugées par les tribunaux judiciaires. Il existe toutefois une exception concernant les actes administratifs émanant du « Conseil supérieur de la magistrature » en relation avec la carrière et l'exercice du pouvoir disciplinaire sur les juges. Ces litiges sont en effet jugés par le « Suprême tribunal de justice » en formation spéciale.

III - Les conditions de nomination de leurs membres

Les AAI connaissent des modes de désignation variés. Il peut s'agir en premier lieu d'une nomination ou d'une élection effectuée par un organe politique ou administratif, ou encore d'une désignation faite par les représentants de certaines activités publiques ou privées. La doctrine parle de « processus homogène » lorsqu'un seul organe intervient dans la nomination et de « formes mixtes ou hétérogènes » lorsqu'elle implique l'intervention de plusieurs institutions. Le Pr. Blanco de Morais classe dans cette première catégorie l'élection parlementaire, mode de désignation du « provador de justiça ». C'est également le cas pour les trois membres du « Conseil de contrôle des services de l'information et de sécurité ».

Le Pr. Blanco de Morais distingue ensuite « la désignation répartie entre les organes constitutionnels, organes de l'administration ou représentants de la fonction publique ».

« La Haute autorité pour la communication sociale » entre dans cette catégorie, avec un président magistrat désigné par le « Conseil supérieur de la magistrature » et cinq membres élus à la proportionnelle par « l'Assemblée nationale ». Le Gouvernement nomme également un membre, et les autres sont désignés par le « Conseil national de la consommation », par des journalistes et par des organisations patronales d'organes de communication sociale. Ce mode de désignation concerne également le « conseil supérieur de la magistrature » dont le président est également celui du « suprême tribunal de justice ». Le Président de la République y nomme également deux membres, sept sont désignés par « l'Assemblée nationale » et sept autres par leurs pairs.

Enfin, certaines AAI voient leurs membres nommés par « désignation répartie entre les organes constitutionnels et des structures représentatives d'activités publiques ou privées ». C'est le cas concernant la « Commission d'accès aux documents administratifs » dont le président est un juge désigne par le « Conseil supérieur des tribunaux administratifs et fiscaux ». L'Assemblée nationale élit deux membres et désigne également un professeur de droit, le Gouvernement intervient ensuite pour la nomination de deux membres ainsi que le Gouvernement de chaque région autonome (Madère et les Açores).

Le « Conseil national d'éthique pour les sciences de la vie », utilise également ce mode « hétérogène »de constitution. En effet il est présidé par un membre nommé par le Premier ministre, cinq autres le sont par divers ministres et l'« Assemblée nationale » en élit six. Le « Conseil des recteurs des Universités portugaises », l'« Ordre des médecins et des avocats », l'« Académie des sciences de Lisbonne », la « Commission de la condition féminine », l'« Institut national de recherche scientifique », le « Comité national de recherche scientifique et technologique » et le « Conseil supérieur de la médecine légale » nomment les neuf derniers membres.

IV - Les garanties d'indépendance de leurs membres

Les AAI portugaises bénéficient d'une indépendance organique. Leurs membres, en effet, ont un statut qui répond à des règles particulières de désignation, de limitation de leurs mandats et d'incompatibilités. La loi ou la Constitution prévoit également leur inamovibilité, ce qui est le cas pour le « Conseil supérieur de la magistrature », la « Commission nationale pour les élections » et la « Haute autorité pour la communication sociale ».

Un régime d'incompatibilités est prévu par la loi, de « nature politique » ou même d'« ordre électoral passif ».

Bien que variable d'une autorité a un autre, la durée du mandat joue un rôle important dans l'indépendance de ces institutions. Cette durée est le plus souvent de quatre ans, ce qui est le cas notamment du mandat des membres de la « Commission nationale pour les élections », du « Conseil économique et social » et de la « Haute autorité pour la communication sociale ».

Le caractère non renouvelable de ces mandats est également un aspect déterminant pour l'indépendance des membres des AAI, ainsi que le fait qu'ils ne coïncident pas avec celui du Gouvernement.

D'autre part, l'indépendance des membres des AAI résulte également du fait que ces entités ne reçoivent ni instructions ni ordres de la part du Gouvernement ou d'une autre autorité de l'État. Cette absence de contrôle hiérarchique sur les AAI bénéficie de fait de la même manière à ses membres.

V - Leurs prérogatives

La doctrine, et en particulier le Pr. Blanco de Morais, a élaboré une classification permettant de distinguer trois fonctions principales que les AAI peuvent exercer. Tout d'abord nous pouvons citer le « contrôle et la régulation de certaines activités publiques ou privées visant la garantie des droits fondamentaux ou l'intérêt public ». Ainsi la « Commission nationale pour les élections », la « Haute autorité pour la communication sociale », la « Commission nationale de protection de données », la « Commission d'accès aux documents administratifs » et le « Conseil de l'éthique pour les sciences de la vie » sont quelques-unes des AAI chargées de ce type de contrôle.

On trouve ensuite celles qui représentent des « instances de consultation et de décision relatives aux activités économiques et sociales », le « Conseil économique et social » en est la meilleure illustration. Enfin, la doctrine, cite les « autorités de discipline et de contrôle des titulaires d'organes de pouvoir », qui correspond principalement le « Conseil supérieur de la magistrature ».

En marge de cette classification, la doctrine attribue aux AAI deux principales prérogatives, un pouvoir normatif et un pouvoir « para-juridictionnel ». Dans le cadre du pouvoir normatif, selon M.Rodrigo Simao Versos565, il est nécessaire de prendre en compte le fait que les AAI régulent des domaines qui, jusque-là, étaient déterminés par la loi et qui passent donc à l'être par le règlement. Ceci a une évidente conséquence du point de vue du contrôle parlementaire, car il n'effectue sur les règlements qu'un contrôle a posteriori. Pourtant la doctrine paraît considérer que les AAI ont la possibilité d'émettre des règlements d'« exécutions » ou en « complément » d'une loi, comme des règlements « autonomes ». Pour ces derniers il est toutefois nécessaire que la loi les y autorise préalablement. Concernant le champ d'application de ce pouvoir normatif, bien qu'il ne puisse « envahir le domaine réservé de la loi » selon le Pr. Vital Moreira, il apparaît pourtant comme acquis que les AAI puissent émettre des règlements dans des domaines qui « en toute rigueur doivent faire l'objet d'une définition matérielle par la loi ». Enfin selon une application analogue du statut des entreprises publiques, M.Versos précise que les AAI ne peuvent à travers un règlement élargir leurs compétences dans le cadre du secteur qu'elles régulent.

La doctrine portugaise entend par « pouvoir para-juridictionnel » que les AAI lorsque la loi le prévoit peuvent résoudre des conflits dans le domaine de leurs compétences, bien que ce secteur soit à l'origine celui des tribunaux. Effectivement, il paraît de pas y avoir d'obstacles juridiques à ce que la loi crée des « formes non juridictionnelles » en vue de la résolution de conflits dans le domaine des AAI. La doctrine pourtant avance le fait que les AAI en exerçant ce pouvoir peuvent être confrontées à un conflit d'intérêts. C'est pourquoi ce mode de résolution doit être une faculté pour les parties et ne doit pas leur être imposé.

VI - Les modalités de contrôle de leurs activités par le pouvoir législatif et par le pouvoir exécutif

L'un des aspects fondamentaux de l'étude des AAI est la question du contrôle de son activité. Selon une partie de la doctrine, cette activité peut d'une part faire l'objet d'un contrôle parlementaire et d'autre part d'un contrôle administratif.

Le contrôle parlementaire effectué sur l'Administration indépendante a pour conséquence la responsabilité du gouvernement. Ceci en application de l'article 190 de la Constitution566 qui prévoit un régime de responsabilité politique entre le Gouvernement et le Parlement.

L'autorité exécutive suprême est en effet responsable devant le Parlement de l'activité administrative. Car si le caractère indépendant de ces autorités n'est pas l'objet de polémiques, l'Administration indépendante n'en reste pas moins incluse dans l'Administration. Ainsi son indépendance ne peut être synonyme de « liberté absolue », qui serait inconciliable avec la notion même d'État de Droit, le Gouvernement en tant qu'« organe conducteur de la politique général du pays » ne peut ignorer cette fonction. C'est dans ce sens que le Pr. Vital Moreira s'oriente lorsqu'il dit que les pouvoirs des AAI ne peuvent conduire à un « non respect des fonctions de définition des orientations basiques du pouvoir executif ». C'est pourquoi la doctrine reconnaît au Gouvernement un pouvoir de « superintendance indirecte politique » sur les AAI qui permet à travers par exemple la définition de la politique économique du pays de conditionner leurs actions. De fait l'idée d'une possible responsabilité du Gouvernement devant le Parlement concernant les AAI est envisagée. Ce contrôle parlementaire s'effectue par la création de commissions parlementaires, mais également à travers la lecture annuelle du compte-rendu de leurs activités.

Toutefois ce contrôle parlementaire n'est pas le seul envisageable, l'Administration indépendante peut faire l'objet d'un contrôle « direct » de la part du Parlement, en application de l'article 162 de la Constitution567.

Il ressort de cet article que le Parlement doit exercer un contrôle sur l'activité des entités appartenant à l'Administration et celles du Gouvernement, incluant l'Administration indépendante.

Ce contrôle s'effectue par la réalisation d'auditions ou d'enquêtes parlementaires dans l'hypothèse d'actes contraires a la Constitution ou à la loi. La doctrine qualifie ce contrôle de « politique » et le Pr.Blanco de Morais souligne la difficulté pour les membres d'une AAI de continuer à y exercer ses fonctions, lorsque leurs actes ont été considérés par le Parlement comme contraire a la Constitution ou a la loi.

À côté de ce contrôle par le pouvoir législatif, les AAI sont également sujettes à un contrôle de la part du pouvoir exécutif, « le contrôle administratif ». Ainsi que nous l'avons déjà exposé, l'indépendance des AAI n'est pas synonyme d'absence de contrôle. Pourtant, s'il est admis que le gouvernement ne peut diriger l'activité ou définir les orientations de ces entités, la question du contrôle par le pouvoir exécutif pose quelques interrogations. Le problème réside dans le fait de savoir s'il peut ou non exister des moyens de contrôles et d'actions sur les actes émanant des AAI. Dans le cas d'une réponse positive leur indépendance ne serait qu'un fiction juridique, mais l'absence de contrôle se heurte a l'article 267-2 de la Constitution568. Selon cet article, toute option de décentralisation doit être accompagné de l'exercice d'un pouvoir de tutelle et de « superintendance » de la part du gouvernement.

La doctrine, notamment le Pr. Paulo Otero, inclut les AAI dans la décentralisation administrative569. Cet article s'y appliquerait donc. Pourtant M. Versos admet la possibilité d'une absence de contrôle exécutif, compensé par un « ample contrôle juridictionnel » pour appuyer sa thèse, il souligne que la Constitution a créé ces autorités de forme « autonome » à ce qui existait déjà, ce qui serait motivé par une volonté de soustraire les AAI au régime de la décentralisation administrative.

VII - L'autonomie financière des AAI

L'autonomie financière des AAI portugaises est inexistante selon le Pr. Blanco de Morais. Néanmoins, le « Conseil supérieur de la magistrature » se distingue sur ce point en ayant obtenu cette autonomie en 2000.

De fait leur financement dépend de l'existence de dotations dans le budget de l'État. Ce qui, du point de vue de la doctrine limite leur indépendance, car elles sont soumises au contrôle du Tribunal des Comptes, mais également aux instances financières du gouvernement.

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

par M. Karel KLIMA
professeur à l'Université
de la Bohême occidentale à Pilsen

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Introduction

Le passage à la démocratie pluraliste en 1990 a représenté un changement essentiel du système constitutionnel, y compris l'adoption de la nouvelle Constitution de la République tchèque en 1993. La Déclaration des droits fondamentaux et des libertés de l'homme, adoptée en 1991, forme une partie intégrante des bases constitutionnelles de la république. Celle-ci a permis l'acceptation de l'État dans le système du Conseil d'Europe et également le caractère obligatoire de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés pour la République tchèque.

La réalisation de la nouvelle Constitution a engendré la création progressive de certaines institutions - des organes (administratifs) de droit public que nous ne pouvons pas classer intégralement dans le système du pouvoir exécutif donc dans la fonction publique gérée d'une manière centralisée par le gouvernement de la République tchèque. Même que nous les appelons organes administratifs, ils profitent d'un certain degré d'indépendance.

Les institutions administratives indépendantes sont des institutions créées par la loi pour effectuer la gestion d'un secteur ou pour accomplir une activité (le contrôle, la surveillance, le monitoring, etc.). Elles sont munies des moyens des pouvoirs publics - elles peuvent infliger des objectifs, décider des droits de personnes physiques et morales, contrôler (y compris l'activité de l'État) et sanctionner. Elles sont positionnées en dehors de la hiérarchie de la fonction publique (sauf la subordination au gouvernement). Elles agissent dans l'intérêt public et sont financées par le budget de l'État. Elles fonctionnent complètement indépendamment de la fonction publique, donc aucun autre organe du pouvoir de l'État ne peut leur infliger des tâches, les contrôler ou même les sanctionner.

La décision des organes évalués, s'ils décident des droits des personnes physiques ou morales en accordant des licences ou des sanctions, est soumise au contrôle judiciaire de la juridiction administrative.

D'après les fonctions des institutions administratives indépendantes infligées par les lois, nous pouvons dire que ces institutions exercent dans le secteur constitutionnel pour assurer les droits de l'homme, les libertés civiques et les droits économiques.

I - Secteur de la protection des droits civiques et de l'homme

1. Le défenseur public des droits - le médiateur

A. La position du défenseur public des droits dans le système constitutionnel

La loi numéro 349/1999 sur le défenseur public des droits a créé l'institut qui, dans de nombreux systèmes constitutionnels démocratiques, exerce le rôle d'une institution prenant parti en cas de violation grave de la position de droit privé de l'homme et du citoyen.

En République tchèque, la conception de l'institution du défenseur public des droits (ci-dessous seulement, médiateur) est construite de façon analogue surtout à l'institution de l'ombudsman traditionnelle dans les systèmes continentaux européens. Dans ce sens, le médiateur protège les personnes par rapport aux agissements des autorités, au cas où ceux-ci seraient contradictoires au droit ou non-conformes aux principes démocratiques. L'activité du médiateur participe donc à la protection des droits fondamentaux et des libertés (d'après le sens de la Déclaration)

La protection des droits et des libertés par le médiateur est conçue d'une manière très large, concernant les droits et les intérêts légitimes des personnes quand ceux-ci sont décidés par les organes des pouvoirs publics. D'après la loi, la compétence du médiateur touche également les ministères et les autres autorités administratives. La Banque nationale tchèque (en tant que bureau administratif), le Conseil pour les émissions radiophoniques et télévisuelles, les communes exerçant la fonction publique, la Police de la République tchèque, l'Armée de la République tchèque, le Service pénitentiaire de la République tchèque, y compris leurs établissements, les établissements socio-éducatifs et préventifs ainsi que les caisses d'assurances-maladie publiques.

La loi retire de la compétence du médiateur : le Parlement de la République tchèque, le président de la République tchèque, le gouvernement de la République tchèque, la Cour des comptes de la République tchèque, les services de renseignements de la République tchèque, les enquêteurs de la Police de la République tchèque, le ministère public et les tribunaux (sauf les organes de gestion des tribunaux).

Le médiateur est élu par la Chambre des députés pour un mandat de 6 ans. Les candidats sont proposés par le président de la république et par le Sénat : chacun propose deux candidats.

Le médiateur est responsable envers la Chambre des députés. Il ne peut pas être destitué, excepté les cas où il exerce une activité incompatible à sa fonction.

B. La compétence du Défenseur public

Chaque personne, même celle qui est dépourvue de liberté individuelle, a le droit de consulter le médiateur par écrit ou inscrire sa déposition sous forme de procès verbal.

La suggestion pour l'activité du médiateur peut être déposée par :

- une personne physique ou morale,

- un député, un sénateur ou bien une chambre du Parlement de la République tchèque suite à une déposition leur étant adressée,

- l'initiative du médiateur.

Dans le cadre de sa fonction, le médiateur est habilité à entrer, au su des responsables des bureaux, dans les espaces de bureaux et ceci même sans avertissement préalable.

Les bureaux sont obligés sur demande du médiateur et dans le délai établi de :

- fournir des informations et des explications,

- présenter les dossiers demandés,

- effectuer les preuves proposées par le médiateur,

- communiquer, par écrit, la position à l'égard des questions de faits et des questions juridiques,

- effectuer les opérations de surveillance proposées par le médiateur.

Tous les organes et personnes de l'administration publique sont obligés, dans le cadre de leur compétence, d'apporter leur soutien au médiateur durant ses investigations.

Le procédé du médiateur en cas de découverte de la violation des règlements ou d'autres erreurs est, d'après la loi, défini de façon suivante :

- le médiateur demande au bureau concerné de se prononcer envers ses découvertes sous un délai de 30 jours,

- si le médiateur s'aperçoit que les mesures prises sont suffisantes, il les communique au plaignant ainsi qu'à l'autorité concernée.

Dans le cas contraire le médiateur donne, par écrit, son point de vue final, comprenant des mesures correctives, au bureau concerné et au plaignant.

Le médiateur peut proposer surtout les mesures correctives suivantes :

- le lancement de la procédure sur la révision de la décision, de l'action ou du procédé du bureau concerné,

- l'exécution d'une action pour éliminer l'inactivité,

- le lancement d'une procédure disciplinaire ou analogue à celle-ci,

- l'engagement des poursuites pour un fait criminel, pour une infraction ou pour un autre délit administratif,

- l'attribution d'un dédommagement ou l'application du droit légitime au dédommagement.

Le bureau concerné est obligé, sous un délai de 30 jours, de communiquer au médiateur les mesures correctives qui ont été prises. Si le bureau concerné n'accomplit pas cette obligation ou si les mesures prises ne sont pas suffisantes, le médiateur informe un bureau supérieur ou le gouvernement. Il peut également informer le public.

Chaque année, avant la fin du mois de mars, le médiateur présente un rapport écrit global sur son activité durant l'année écoulée à la Chambre des députés. Au moins une fois tous les trois mois le médiateur soumet des informations sur son activité et un rapport sur les affaires particulières, où les mesures correctives prises n'ont pas été suffisantes, à la Chambre des députés. Il préconise aussi des recommandations quant aux règlements juridiques dans le sens de l'initiative pour la publication d'un changement ou pour l'annulation d'un règlement juridique ou interne.

2. Le bureau pour la protection des données personnelles

A. La position du bureau

Le bureau pour la protection des données personnelles est un organe indépendant qui, dans son activité, obéit à la loi numéro 101/2000 sur la protection des données personnelles.

Le sens de la loi sur la protection des données personnelles est le droit de protection du citoyen concernant les interventions non autorisées dans sa vie privée et personnelle par le rassemblement non autorisé, par la publication ou par un autre abus des données personnelles. Ce droit est garanti par la Déclaration des droits fondamentaux et des libertés. Dans la société actuelle, sous l'influence du développement de technologies d'information, ce droit est de plus en plus menacé, voir violé.

Le bureau est un organe indépendant. Son responsable est nommé par le président de la république suite à la proposition du Sénat. Dans son activité, il procède d'une manière indépendante et il n'obéit qu'aux lois et aux autres prescriptions juridiques. La seule façon d'intervenir dans l'activité du Bureau n'est possible que sur la base de la loi. L'activité du bureau est financée par une partie indépendante du budget de l'État de la République tchèque.

B. Les compétences du bureau

Le bureau assume les compétences suivantes :

- la surveillance de l'observation des devoirs stipulés par la loi pendant le traitement des données personnelles,

- la gestion d'enregistrements des avis faits d'après le § 16 et du registre des traitements des données personnelles autorisées (ci-dessous seulement registre),

- l'acceptation des suggestions et des plaintes des citoyens sur l'inobservation de cette loi,

- le traitement et l'accessibilité au public du rapport annuel sur son activité,

- les autres compétences stipulées par la loi,

- le débat sur les infractions et les autres délits administratifs. Il inflige des amendes d'après cette loi.

3. Le conseil pour les émissions radiophoniques et télévisuelles

A. La position de l'institution

Le conseil pour les émissions radiophoniques et télévisuelles est établi par la loi numéro 231/2001 en tant que bureau administratif assumant la fonction publique dans le secteur des émissions radiophoniques et télévisuelles ainsi que dans celui des émissions achetées.

Le conseil est formé par 13 membres qui sont nommés et destitués par le Premier ministre suite à une proposition de la Chambre des députés. Leurs mandats durent 6 ans.

Le conseil décide suite à une majorité absolue des voix de ses membres. Ses décisions sont donc indépendantes et ne sont pas liées aux directives des autres institutions.

B. La compétence du Conseil

Le conseil est un bureau administratif qui exerce la fonction publique dans le secteur des émissions radiophoniques et télévisuelles (ci-dessous seulement « émissions ») ainsi que dans celui des émissions achetées et en plus :

- il surveille la sauvegarde et le développement de la pluralité de l'offre des programmes et des informations dans le secteur des émissions et des émissions achetées.

- il suit l'indépendance du contenu des émissions et des émissions achetées,

- il surveille l'observation des prescriptions juridiques dans le secteur des émissions et des conditions établies dans la décision sur l'octroi de la licence ou dans la décision sur l'enregistrement. Il suit également l'observation de la loi numéro 40/1995 sur la régulation de la publicité, quant à la publicité diffusée par les émissions radiophoniques et télévisuelles et au sponsoring dans les émissions radiophoniques et télévisuelles,

- il accorde, change et annule les licences pour l'exercice d'émissions,

- il accorde, change et annule les décisions sur l'enregistrement de l'exercice des émissions achetées,

- il gère les enregistrements des exploitants des émissions et des exploitants des émissions achetées,

- il avertit l'exploitant d'émissions et celui d'émissions achetées en cas de violation des devoirs stipulés par la loi numéro 231/2001 ou des conditions de la licence accordée et il lui fixe un délai pour remédier à cet état des choses,

- il inflige des sanctions en cas de violation des conditions de la loi,

- avec ses points de vue et ses propositions il participe à la création des principes de la politique d'État de la République tchèque par rapport aux émissions et à la conception de leur développement,

- il publie les décisions du tribunal sur le moyen correctif et sur la plainte contre la décision du Conseil.

Le conseil dispose de son propre budget, il présente la proposition de celui-ci et le compte final au Ministère des finances et à l'organe concerné de la Chambre des députés.

Le conseil présente le rapport annuel sur son activité et sur la situation dans le secteur des émissions à la Chambre des députés. Le Conseil a le droit d'émettre au gouvernement et aux organes de la fonction publique son opinion et de demander leur coopération quant aux émissions. Le gouvernement et les organes de la fonction publique coopèrent avec le Conseil quant aux affaires des émissions et ils sont dans l'obligation, quant aux affaires des émissions, de demander systématiquement la position du Conseil et, dans la mesure de leurs compétences, fournir impérativement au Conseil la coopération nécessaire.

II - Secteur de la protection des droits et des libertés économiques

1. Le bureau pour la protection de la compétition économique

A. La position dans le système constitutionnel

Actuellement la protection de la compétition économique de la République tchèque est, au niveau institutionnel, assurée par le Bureau pour la protection de la compétition économique basé à Brno. Ce Bureau a commencé à fonctionner, sous cette appellation depuis le 1er novembre 1996. Il a continué dans les activités de l'ancien Ministère pour la compétition économique dont les compétences ont été entièrement conservées.

L'adaptation juridique de la protection de la compétition économique en République tchèque provient du droit de compétition de la CE, et, spécialement, de l'article 81 et du Contrat suivant sur la création de la CE. La première mention du droit de cartel dans les pays tchèques se trouve dans le § 4 de la loi autrichienne de coalition numéro 43 de 1870. D'après cette loi, les contrats des artisans conclus dans le but d'augmenter les prix de marchandises au préjudice des clients n'avaient pas d'efficacité juridique.

Le Bureau est l'organe central de la fonction publique, complètement indépendant dans son activité de décision. Aucun autre organe de la fonction publique comprenant le gouvernement ne peut intervenir dans les décisions de celui-ci, donc son contrôle politique est exclu. Il est pourtant lié aux décisions du gouvernement qui fixent les tâches législatives et non législatives.

Le président nommé par le président de la république suite à la proposition du gouvernement pour un mandat de 6 ans est en tête du Bureau. Le président ne peut cumuler que deux mandats. Le président ne peut être membre d'aucun parti ou mouvement politique. Le président peut être destitué de sa fonction par le président de la république, s'il n'exerce pas sa fonction pendant plus que six mois d'affilés, s'il ne respecte pas l'impartialité et l'indépendance du Bureau concerné ou s'il perturbe gravement la dignité de sa fonction.

B. La compétence du bureau

La compétence du Bureau et la position de son président sont données par la loi numéro 273/1996, sur la compétence du Bureau pour la protection de la compétition économique d'après la loi numéro 187/1999. Celui-ci doit créer des conditions pour le soutien et la protection de la compétition économique, exercer la surveillance durant les adjudications des commandes publiques et du soutien publique et effectuer les autres compétences stipulées par les lois spéciales.

Le devoir le plus important de ce Bureau par rapport au gouvernement de la République tchèque est de lui fournir des rapports annuels sur son activité. Ceux-ci sont présentés régulièrement depuis 1993 chaque 30 mai au plus tard et traitent de l'activité législative du Bureau concerné, de l'activité dans le secteur de la protection de la compétition économique, de la situation du milieu de compétition sur les marchés les plus importants, de l'activité dans le secteur de la surveillance sur les adjudications des commandes publiques et des plaintes contre les décisions du président du Bureau et de l'accomplissement des engagements pris envers le Bureau de l'Accord européen et des autres contrats internationaux ainsi que de la coopération avec les autres Bureaux de compétition.

ROUMANIE

par Mme Larisa TUGUI
de la faculté de Droit, Université de Bucarest
et du collège juridique franco-roumain d'Études européennes de Bucarest

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SOMMAIRE

Liste des abréviations

I - La notion d'autorité administrative autonome en Roumanie

1. Le fondement constitutionnel des autorités administratives autonomes

2. Traits particuliers des autorités administratives autonomes

II - La diversité institutionnelle des autorités administratives autonomes en Roumanie

1. Les entités de régulation et de surveillance des marchés

A. La régulation du domaine de l'audiovisuel

· le Conseil National de l'Audiovisuel

B. Les autorités de régulation financière

· la Banque Nationale de Roumanie

· la Commission Nationale des Valeurs Mobilières

· la Commission de Surveillance des Assurances

· la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées

C. La régulation du domaine de l'énergie

· l'Autorité nationale de Réglementation dans le Domaine de l'Énergie

D. La régulation de la concurrence

· le Conseil de la Concurrence

2. Les entités ayant une mission d'évaluation et d'expertise

A. L'évaluation dans le domaine de la formation des adultes

· le Conseil National pour la Formation Professionnelle des Adultes

B. L'évaluation de la qualité de l'enseignement supérieur

· l'Agence Roumaine d'Assurance de la Qualité dans l'Enseignement Supérieur

3. L'autorité de contrôle dans le domaine électoral

· l'Autorité Électorale Permanente

4. Les entités intervenant dans le domaine de la sécurité nationale

A. L'autorité de coordination dans le domaine de la défense et de la sécurité 

· Le Conseil suprême de Défense du Territoire

B. Les différents services de renseignements

· le Service de Renseignements Extérieurs

· le Service de Garde et Protection

· le Service Roumain des Renseignements

· le Service de Télécommunications Spéciales

5. Les entités ayant pour mission la protection des droits et des libertés publiques

· Le Collège National pour l'Étude des Archives de la Securitate

· L'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel

Conclusions

LISTE DES ABRÉVIATIONS

AAA autorité administrative autonome

AEP l'Autorité Électorale Permanente

ANRE l'Autorité Nationale de Réglementation dans le Domaine de l'Énergie

AMF l'Autorité des Marchés Financiers

ANS l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel

ARACIP l'Agence Roumaine pour la Qualité de l'Enseignement Secondaire (préuniversitaire)

ARACIS l'Agence Roumaine pour la Qualité de l'Enseignement Supérieur

BEC le Bureau électoral central

BNR la Banque Nationale de Roumanie

CE  la Commission Européenne

CCR le Conseil de la Concurrence

CNA le Conseil National de l'Audiovisuel

CNEAA le Conseil National pour l'Évaluation Académique et pour l'Accréditation

CNFPA le Conseil National pour la Formation Professionnelle des Adultes

CNSAS le Collège National d'Étude des Archives de la Securitate

CNVM la Commission Nationale des Valeurs Mobilières

COSA le Conseil pour les Référentiels d'Emploi et Attestation

CSA la Commission de Surveillance des Assurances

CSAT le Conseil Suprême de Défense du Territoire

CSSPP la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées

JAI  Justice et Affaires Internes

M.O. le Moniteur Officiel de la Roumanie

OUG ordonnance d'urgence du Gouvernement

SIE le Service de Renseignements Extérieurs

SPP le Service de Garde et de Protection

SRI le Service Roumain de Renseignements

STS le Service de Télécommunications Spéciales

UE l'Union Européenne

I - La notion d'autorité administrative autonome en Roumanie

1. Le fondement constitutionnel des autorités administratives autonomes

Le concept d'autorité administrative autonome (dorénavant : AAA) est une notion juridique nouvelle dans le droit roumain, née au début des années 1990. Elle a été consacrée par la Constitution de la Roumanie de 1991, aux articles 116 et 117 (devenus 115 et 116, après les révisions apportées à la Constitution en 2003570) :

« Chapitre V : L'Administration publique

Première section : L'administration publique centrale spécialisée

Article 116 : La structure

(1) Les ministères sont organisés uniquement en subordination au Gouvernement.

(2) D'autres organes spécialisés peuvent être organisés en subordination au Gouvernement ou aux ministères ou comme autorités administratives autonomes.

Article 117 : La création

(1) Les ministères sont constitués, organisés et fonctionnent conformément à la loi.

(2) Le Gouvernement et les ministères, après l'avis de la Cour des comptes, peuvent constituer des organes spécialisés qui leur sont subordonnés, uniquement si la loi leur reconnaît cette compétence.

(3) Des autorités administratives autonomes peuvent être créées par une loi organique. [n.s.] »

L'Assemblée constituante roumaine de 1991 légitime ainsi la création au sein de l'État de nouvelles autorités, qui, tout en étant des autorités administratives centrales, ne sont pas assujetties au Gouvernement. Il s'agit d'une exception au principe classique de la subordination de l'administration centrale au Gouvernement, principe inscrit à l'article 102 la Constitution de la Roumanie, en vertu duquel le Gouvernement « exerce la direction générale de l'administration publique » :

« Chapitre III : Le Gouvernement

Article 102 : Le rôle et la structure

(1) Le Gouvernement, conformément à son programme de gouvernement accepté par le Parlement, assure la mise en oeuvre de la politique intérieure et extérieure du pays et il exerce la direction générale de l'administration publique ».

2. Traits particuliers des autorités administratives autonomes

L'originalité des AAA résulte donc de leur appartenance à l'administration publique centrale spécialisée et de leur autonomie, deux éléments auxquels nous essayons de prêter plus d'attention dans ce qui suit.

- La place des AAA au sein de l'administration

Les autorités administratives autonomes sont des organes administratifs. Instituées par le législateur, elles sont pourvues de personnalité juridique et font partie de l'administration de l'État et même de son administration centrale. Elles sont des organismes parallèles aux départements ministériels, s'inscrivant au sein de l'administration centrale spécialisée, conformément aux prévisions de l'article 116 (2) de la Constitution. Cette précision est importante parce qu'elle distingue ces entités des autorités de l'administration publique locale qui ont été qualifiées elles aussi d'autonomes par l'article 121 (2) de la Constitution :

« Section 2 : L'administration publique locale

Article 119 : Les principes de base

L'administration publique dans les unités administratives et territoriales est fondée sur le principe de l'autonomie locale et sur celui de la décentralisation des services publics.

Article 120 : Les autorités communales et urbaines

(1) Les autorités de l'administration publique, par lesquelles se réalise l'autonomie locale dans les communes et dans les villes, sont les conseils locaux élus et les maires élus, dans les conditions fixées par la loi.

(2) Les conseils locaux et les maires agissent, dans les conditions fixées par la loi, comme autorités administratives autonomes et ils règlent les affaires publiques des communes et des villes ».

En tant que structures administratives, ces autorités relèvent du pouvoir exécutif et se distinguent à ce titre des autorités qui ne peuvent pas être rattachées au pouvoir exécutif. Cette question, qui ne ferait pas débat dans un régime stricte de séparation des pouvoirs, devient particulièrement épineuse, lorsqu'on admet qu'il existe des autorités indépendantes de contrôle qui « ne s'encadrent dans aucun des trois pouvoirs - le législatif, l'exécutif ou le juridictionnel, mais contribuent au bon fonctionnement et au équilibre de ceux-ci »571. Cette approche souple du principe de la séparation des pouvoirs qui gagne aujourd'hui la doctrine roumaine et vise des institutions comme l'Avocat du Peuple (institution du type Ombudsman)572, la Cour des Comptes ou le Conseil Législatif remet ainsi en cause la nature administrative de ces entités, et dilue la notion d'autorités administratives autonomes.

- L'autonomie des AAA :

La question fondamentale du statut des ces autorités, qui les distingue des autres entités administratives, est caractérisée essentiellement par leur non soumission au pouvoir hiérarchique des ministères ou du Gouvernement. Placées « hors hiérarchie », ces autorités ne peuvent pas recevoir d'ordre d'aucun autre sujet et ne sont pas assujetties au contrôle administratif hiérarchique.

Tout comme les ministères, les autorités administratives autonomes relèvent du domaine de la loi ; plus précisément, le pouvoir constituant roumain précise qu'une AAA ne peut être créée que par loi organique. Ainsi, conformément à l'article 117 (3) cité ci-dessus, « des autorités administratives autonomes peuvent être instituées par loi organique », ce qui exige, en vertu de l'article 76 (1), que la loi soit adoptée à la majorité absolue des membres des deux Chambres.

Par exception à la règle générale, l'Exécutif pourrait intervenir également dans le domaine des autorités administratives autonomes en faisant recours aux ordonnances d'urgence. Cette possibilité résulte de l'article 115 (5) de la Constitution révisée, article relatif à la délégation législative, qui permet au Gouvernement d'émettre des ordonnances d'urgence dans le domaine des lois organiques. Après des vifs débats de la doctrine et une jurisprudence de la Cour Constitutionnelle qui avait admis une telle pratique, la Loi de révision de la Constitution adoptée en 2003 a admis expressément la possibilité de l'adoption des ordonnances d'urgence dans le domaine des lois organiques (et implicitement dans celui des autorités administratives autonomes), mais a limité en même temps le recours aux ordonnances d'urgence aux « circonstances extraordinaires dont la réglementation ne peut être ajournée », conformément à article 115 (4) de la Constitution573.

II - La diversité institutionnelle des autorités administratives autonomes en Roumanie

Sous le nom d'autorités administratives autonomes on regroupe aujourd'hui, selon l'acception plus ou moins large qu'on donne à cette notion, environ une quinzaine d'organismes, entités nouvelles, hétérogènes et complexes. Apparues à partir des années 1990, dans le processus de la consolidation de la démocratie et de la transition à une économie du libre marché, ces autorités se caractérisent plutôt par leur diversité. La diversité des missions et des pouvoirs impartis aux AAA, l'hétérogénéité de leurs statuts et les degrés d'autonomie différents dont elles disposent - ce sont les éléments clefs que nous essayerons de présenter dans cette seconde partie de la présente étude.

La présentation des AAA se fera en suivant la nature de leur mission : les instances de régulation des marchés, les entités ayant essentiellement une mission d'évaluation ou de contrôle, l'Autorité Électorale Permanente, les entités intervenant dans le domaine de la sécurité nationale et les entités ayant pour mission la protection des droits et des libertés publiques.

2. Les entités de régulation et de surveillance des marchés

Dans le processus de transition à une économie de marché, un nombre important de AAA ont été créées assurant la régulation des secteurs de l'audiovisuel, financier, du marché de l'énergie ou assurant le respect des règles du jeu de la concurrence.

A. La régulation du domaine de l'audiovisuel :

· le Conseil National de l'Audiovisuel

L'audiovisuel a été un des premiers domaines d'élection des autorités administratives autonomes ; dès 1992, le secteur de l'audiovisuel a été mis sous l'obédience du Conseil National de l'Audiovisuel (CNA)574, qualifié expressément par le législateur d'« autorité publique autonome sous contrôle parlementaire ».

Conformément à la loi, le CNA est « le gardien de l'intérêt public dans le domaine de la communication audiovisuelle » (traduit littéralement) et dispose à ce titre de pouvoirs étendus de réglementation, autorisation, contrôle et sanction dans les secteurs public et privé de la radiotélévision. En tant qu'« autorité unique de réglementation dans le domaine des services des programmes audiovisuels », il est chargé d'émettre, dans l'application de la loi, des décisions à caractère réglementaire concernant en particulier : l'information correcte de l'opinion publique, la défense de la langue roumaine, le respect du pluralisme, la protection des mineurs, le respect de la dignité de la personne humaine, les politiques de non discrimination, le droit de réplique, la publicité, le téléachat, le parrainage, les campagnes électorales radiotélévisées et les responsabilités culturelles des radiodiffuseurs. Le CNA est habilité à remettre des licences audiovisuelles, à accorder des autorisations de retransmission et à assurer le contrôle de l'activité des fournisseurs des services de radiodiffusion et des opérateurs de câble. Il a aussi le droit de sanctionner les manquements à la loi de l'audiovisuel, les sanctions susceptibles d'être infligées étant : des amendes contraventionnelles (allant jusqu'à 500 millions lei, soit environ 13 500 euros), l'obligation du radiodiffuseur de transmettre pendant 10 minutes (entre 19,00 heures et 19,10) ou même pendant 3 heures (entre 18,00 et 21,00 heures) rien que le texte de la décision de sanction, la réduction à moitié du délai de validité de la licence ou le retrait de la licence dans les cas les plus graves (en cas d'incitation à la haine ethnique, raciale ou religieuse, par exemple)575.

Le CNA comprend 11 membres nommés par le Parlement, dont 3 sont proposés par le Sénat, 3 par la Chambre des Députés, 2 par le Président de la Roumanie et 3 par le Gouvernement. Le pouvoir de proposition dévolu au Président de la Roumanie et au Gouvernement n'est pas pourtant de nature à créer un rapport de subordination au Pouvoir exécutif, la loi mentionnant expressément que : « les membres du CNA sont les gardiens de l'intérêt public et ne représentent pas l'autorité les ayant proposés ». En plus, seul le Parlement pourrait les révoquer, en deux cas spécifiques : en cas d'incapacité d'accomplir leurs fonctions, incapacité qui se prolongerait plus de 6 mois, et en cas de condamnation pénale. D'autres éléments organiques sont également importants pour garantir l'indépendance du CNA : la longue durée du mandat (portée de 4 à 6 ans à l'occasion de la révision de la loi de l'audiovisuel, en octobre 2003), le régime d'incompatibilités ou la compétence légale reconnue au CNA d'établir et d'approuver son propre règlement intérieur.

Le CNA dispose d'autonomie budgétaire et bénéficie, au-delà des fonds qui lui sont alloués du budget de l'État, de revenus propres extrabudgétaires.

Le contrôle de l'activité du CNA s'exerce par le Parlement : le rapport annuel d'activité du CNA est analysé dans les commissions parlementaires de spécialité, et aussi, sur la demande de ces commissions, d'autres rapports d'activité sont rédigés et soumis à l'analyse parlementaire. La loi prévoit qu'en cas de rejet de leur rapport annuel au niveau des commissions parlementaires, les membres du Conseil doivent « assumer leur responsabilité pour la réalisation du programme des mesures arrêté par le Parlement » (article 20 alinéa 5). La possibilité pour le Conseil d'être révoqué par le Parlement, mesure évoquée lors du dernier débat législatif, a été repoussée ; par là, on considère que l'indépendance du Conseil est désormais bien établie.

B. Les autorités de régulation financière :

· la Banque Nationale de Roumanie

· la Commission Nationale des Valeurs Mobilières

· la Commission de Surveillance des Assurances

· la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées

Dans le domaine financier, le recours aux autorités administratives autonomes a été largement pratiqué. Composé des trois secteurs distincts (les secteurs : bancaire, boursier et des assurances), le système financier est réglementé et surveillé individuellement par trois autorités administratives autonomes : la Banque Nationale de Roumanie (BNR), la Commission Nationale des Valeurs Mobilières (CNVM) et la Commission de Surveillance des Assurances (CSA)576.

Une précision immédiate mérite d'être apportée : la supervision du secteur bancaire, caractérisé par une croissance rapide et une évolution constante au cours des années 90, n'a pas été confiée à une autorité de régulation distincte, sur le modèle de la Commission bancaire française, mais relève de la compétence exclusive de la Banque Nationale de Roumanie577. Qualifiée expressément par le législateur d'« institution publique indépendante », la BNR assume, conformément à son statut578, les fonctions traditionnelles d'une banque centrale, concernant la politique monétaire et les devises, mais elle agit aussi en tant qu'autorité de régulation du secteur bancaire, par l'autorisation, la réglementation et la surveillance prudentielle des institutions de crédit. C'est de ce point de vue que nous incluons la BNR dans la catégorie des autorités administratives autonomes579.

Quant à la Commission Nationale des Valeurs Mobilières (CNVM) et à la Commission de Surveillance des Assurances (CSA), elles sont des institutions relativement nouvelles, créées en 1994, respectivement en 2000 et qualifiées expressément par le législateur d'« autorités administratives autonomes »580. Les objectifs fondamentaux de la CNVM sont de créer le cadre législatif nécessaire au développement des marchés réglementés581, de promouvoir la confiance des investisseurs dans ces marchés et dans les instruments financiers, ainsi que la protection des opérateurs et des investisseurs contre les pratiques déloyales, frauduleuses et abusives582. Quant à la CSA, sa mission principale est d'assurer l'application de la loi des assurances, dans le but de « protéger les droits des assurés et de promouvoir la stabilité de l'activité des assurances en Roumanie ».

Afin de remplir leurs missions, les trois autorités de régulation sont dotées de nombreux pouvoirs d'autorisation, de réglementation, de surveillance et de sanction à l'égard des établissements de crédit (BNR), des personnes juridiques agissant sur le marché de capitaux et sur les marchés réglementés de marchandises (CNVM), des sociétés d'assurance, de réassurance et des courtiers d'assurance (CSA).

Elles sont des institutions collégiales, comprenant :

- la CNVM et la CSA : 5 membres, choisis à raison de leur compétence financière et juridique,

- la BNR : 9 membres (le conseil d'administration de la BNR).

Les membres de ces trois autorités sont nommés par le Parlement pour un mandat de 5 ans (qui peut être « prorogé » dans le cas de la BNR, « renouvelé une seule fois » dans le cas de la CNVM, ou simplement « renouvelé » dans le cas de la CSA). Ils sont soumis aux règles d'incompatibilité prévues par la loi (voir le Tableau 1) et ne peuvent être révoqués que dans les limites fixées par la loi.

La BNR, la CSA et la CNVM jouissent aussi d'une indépendance financière particulièrement forte. Le nouveau statut de la BNR adopté en 2004 renforce considérablement son indépendance financière, permettant au conseil d'administration d'approuver le budget annuel de la BNR et limitant le contrôle de la Cour des Comptes aux opérations commerciales effectuées par la BNR583. La CNVM et la CSA disposent, quant à elles, des ressources propres extrabudgétaires, constituées, en principal, des taxes de fonctionnement payés par les sociétés d'assurance et les courtiers d'assurances dans le cas de la CSA ou des revenus de la valeur des offres publiques d'acquisition, qui détiennent le poids le plus important dans la structure des revenus de la CNVM.

Enfin, le pouvoir de ces entités d'élaborer et d'approuver leurs propres règlements intérieurs est aussi une garantie d'indépendance particulièrement importante.

Le contrôle sur leur activité est exercé par le Parlement, auquel elles présentent annuellement un rapport sur les activités développées.

À ces trois autorités de régulation financière s'ajoute la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées (CSSPP), qui s'est séparée en juin 2005 de la CSA. Instituée par l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 50/2005584, la Commission de Surveillance a été qualifiée expressément d'« autorité administrative autonome, à personnalité juridique, soumise au contrôle du Parlement ».

Elle a été chargée de réglementer, surveiller et contrôler le nouveau système des pensions privées, dans le but de protéger les intérêts des participants aux fonds des pensions. À cette fin, elle est dotée d'un pouvoir d'autorisation à l'égard des sociétés intéressées à administrer les fonds de pensions privés, est compétente pour exercer le contrôle de la contribution des employeurs aux fonds de pensions privées, vérifier la mise en place, l'évidence et la gestion des fonds, arbitrer les conflits intervenus entre un adhérent et l'administrateur des pensions privées et appliquer les sanctions prévues par la loi.

La Commission de Surveillance partage de nombreux points communs avec les autres AAA de régulation financière en ce qui concerne sa composition (elle comprend 5 membres, nommées par le Parlement pour un mandat de 5 ans, à raison de leur qualification professionnelle), le régime d'incompatibilités (v. Tableau 1), les conditions de révocation des membres (ses membres ne pourront être révoqués que par le Parlement, en cas de manquement grave aux obligations qui leur reviennent) et les ressources dont elle disposent (des ressources propres, extrabudgétaires, provenant des taxes pour les autorisations et les avis donnés, des contributions régulières sous forme de taxes de fonctionnement, versées annuellement, etc.).

Un rapport d'activité annuel, rendant compte de son activité et de l'exécution du budget, est présenté devant le Parlement, ou bien, sur demande des commissions de spécialité du Parlement, d'autres rapports d'activité sont adressés au Parlement.

C. La régulation du domaine de l'énergie

· l'Autorité nationale de Réglementation dans le Domaine de l'Énergie

Étant donné l'acception qu'on donne à la notion d'autonomie, parmi les entités qui se rangent dans la catégorie des AAA, il y a aussi l'Autorité Nationale de Réglementation du domaine de l'Énergie (ANRE), créée en 1998 et qualifiée par la loi de l'énergie électrique d'« institution publique autonome, à personnalité juridique, fonctionnant dans la coordination du ministère de ressort »585. Sa mission principale est de développer un marché national d'énergie, compétitif et intégré au marché interne européen, et de soutenir le processus de restructuration et de privatisation des secteurs de production et de distribution de l'énergie électrique. À cette fin, elle dispose de pouvoirs de réglementation, d'autorisation et de contrôle dans le domaine de l'énergie électrique et thermique. Depuis décembre 2000, l'ANRE est passée sous la tutelle du ministère de l'industrie et des ressources, élément peu compatible avec le statut d'autonomie.

L'ANRE dispose de nombreuses attributions, parmi lesquelles : a) elle élaboré des dispositions du droit dérivé régissant le secteur de l'électricité ; b) elle octroie, modifie, suspend ou retire aux opérateurs économiques les autorisations d'entrée sur le marché de l'énergie et délivre les licences d'exercice de leur activité en Roumanie ; c) elle établit les tarifs applicables aux consommateurs captifs et les prix et tarifs pratiqués entre les acteurs économiques du secteur de l'énergie électrique, notamment en matière de transport et de distribution d'énergie (où il y a un monopole naturel) ; d) elle établit les contrats-cadre de fourniture ; e) elle saisit le Conseil de la Concurrence en cas de non-respect par les opérateurs économiques des règles de la concurrence.

Le Premier ministre nomme le président et le vice-président du ANRE, sur la proposition du ministre du ressort (actuellement le ministre de l'Industrie et des Ressources), pour un mandat de 5 ans. Pour renforcer l'objectivité dans les activités de réglementation, la loi prévoit la constitution d'un comité de réglementation formé du président et du vice-président de l'ANRE, ainsi que de 3 membres, nommés par le ministre du ressort pour un mandat de 5 ans. Les membres du comité de réglementation sont soumis aux règles d'incompatibilités prévues par la loi (voir le Tableau 1) et ne peuvent être révoqués qu'en respectant les prévisions de la loi.

L'ANRE est indépendante sur le plan financier : son financement est assuré intégralement des revenus propres extrabudgétaires, obtenus des tarifs pour l'octroi des licences et autorisations, ainsi que des contributions des organismes internationaux ou des agents économiques.

L'ANRE fonctionne sur la base d'un règlement intérieur propre, approuvé par arrêté du Gouvernement. Conformément aux prévisions de la loi, l'ANRE est tenue, d'informer le ministère du ressort sur l'activité développée, par des rapports annuels qui sont rendus publiques.

D. La régulation de la concurrence :

· le Conseil de la Concurrence

Outre les autorités de régulation sectorielles qui viennent d'être présentées, il y a aussi le Conseil de la Concurrence (CCR), créé par la Loi de la concurrence n21/1996586 en tant qu'« autorité administrative autonome », chargée de veiller au respect des règles de la concurrence par tous les acteurs économiques, quel que soit leur secteur d'activité. Un temps, le Conseil de la Concurrence a fonctionné en parallèle avec l'Office de la Concurrence (un organisme subordonné au Gouvernement), mais en décembre 2003, les deux ont fusionné et le Conseil de la Concurrence est devenu l'unique autorité compétente dans le domaine de la concurrence et des aides d'État587.

- En matière de concurrence :

Le Conseil de la Concurrence est chargé de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, contre l'abus de position dominante et les concentrations économiques réalisées par fusions ou acquisitions qui conduisent à la restriction ou à la dénaturation de la concurrence. En même temps, le CCR peut autoriser des concentrations économiques et accorder des dispenses pour des cas individuels d'accords, décisions d'association ou pratiques concertées. Il peut se saisir d'office et effectuer des investigations inopinées et, en cas de violation des règles de la concurrence, il peut infliger des amendes très lourdes (allant jusqu'à 1 % ou 10% du chiffre d'affaires du dernier exercice financier, en fonction de « la gravité, de la durée des manquements constatés et de leur conséquences sur la concurrence »). Le Conseil de la Concurrence émet aussi un avis conforme sur les projets d'actes normatifs qui peuvent avoir un impact anticoncurrentiel et propose la modification de tels actes.

- En matière d'aides d'État :

En outre, le Conseil de la Concurrence est responsable du contrôle d'aides d'État qui peuvent fausser la concurrence et qui sont incompatibles avec l'acquis communautaire. Conformément à la loi sur les aides d'État588, « toute aide publique prévue dans les projets d'actes normatifs ou administratifs - lois, ordonnances, ordonnances d'urgence, arrêtés du Gouvernement, etc. - doit être notifiée au Conseil de la Concurrence et ne peut être octroyée qu'avec l'autorisation de celui-ci ». Le Conseil de la Concurrence surveille aussi les aides d'États en cours et rédige un Rapport annuel concernant les aides d'État accordées en Roumanie ; le rapport est transmis à la Commission Européenne, et publié au Moniteur Officiel de la Roumanie dans le but d'assurer la transparence dans ce domaine589. Mais, des progrès importants sont encore à attendre, prouvant l'application correcte de la législation sur les aides d'État ; en ce sens, il convient de noter que le dernier rapport de la Commission Européenne soulignait que « les résultats obtenus par le Conseil de la Concurrence en matière du respect de la législation sur les aides d'État doivent être sensiblement améliorés. Le CCR doit adopter une approche plus dynamique à cet égard et mieux examiner les mesures d'aide. Actuellement, la législation n'est pas appliquée à la lettre et l'analyse des décisions portant sur les aides d'État devrait être améliorée de façon substantielle »590.

Le Conseil comprend 7 membres (1 président, 2 vice-présidents et 4 conseillers de concurrence), nommés par décret présidentiel, sur proposition du Gouvernement. L'exécutif a donc le pouvoir exclusif de nomination des membres du Conseil, ce qui tend à diminuer la garantie d'indépendance du Conseil par rapport au Pouvoir en place. Pour assurer son indépendance, la loi précise, tout comme pour le CNA, que : les membres du Conseil de Concurrence ne représentent pas l'autorité qui les a nommés et sont indépendants dans la prise de leurs décisions. Le mandat des membres est de 5 ans, renouvelable une seule fois, et ils ne peuvent être révoqués que par l'autorité les ayant nommés (le Président de la Roumanie) dans deux circonstances seulement : en cas de manquement grave à la loi de la concurrence et en cas de condamnation pénale. En plus, la loi prévoit que : « le président, les vice-présidents et les conseillers de concurrence doivent avoir une indépendance réelle et jouir d'une haute réputation professionnelle et probité civique. Pour se faire nommer membre du Conseil de la Concurrence, outre une formation par des études supérieures, sont requises : une haute compétence professionnelle, une bonne réputation et une ancienneté de 10 ans minimum dans une activité économique, commerciale, juridique, ou spécifiquement dans le domaine des prix et de la concurrence ».

Le Conseil de la Concurrence peut disposer librement sur son organisation interne, étant compétent pour élaborer et adopter son propre règlement intérieur. Il élabore aussi le projet de son propre budget, prévu distinctement dans le budget d'État. Enfin, il est tenu de rédiger et publier un rapport annuel sur l'activité qu'il déroule et sur la mesure dans laquelle les agents économiques et les autorités publiques ont respecté les lois de la concurrence.

2. Les entités ayant une mission d'évaluation et d'expertise

Une catégorie particulière d'autorité autonome est représentée par les entités ayant comme mission l'évaluation et l'expertise. Il s'agit du Conseil National pour la Formation Professionnelle des Adultes (CNFPA) - qualifié expressément par le législateur d'« autorité administrative autonome à personnalité juridique » et de l'Agence Roumaine pour l'Assurance de la Qualité dans l'Enseignement Supérieur (ARACIS) qui est une « institution publique indépendante, d'intérêt national, à personnalité juridique ».

A. L'évaluation dans le domaine de la formation des adultes

· le Conseil National pour la Formation Professionnelle des Adultes

Le CNFPA est né en juillet 1999591, en réponse aux besoins toujours nouveaux du marché d'emploi roumain et conformément aux exigences de l'UE.

En dépit de sa qualification d'autorité administrative autonome, il ne disposait, en vertu de la loi de 1999, que d'un rôle consultatif, étant chargé de donner son avis sur les projets d'actes normatifs concernant la formation professionnelle des adultes. C'est seulement à partir de décembre 2003 que le CNFPA a incorporé le Conseil pour les Référentiels d'Emploi et Attestation (COSA, un organisme subordonné au Gouvernement), parvenant ainsi à jouir, au-delà de sa fonction consultative, d'un pouvoir décisionnel dans l'élaboration des référentiels de formation, l'autorisation des fournisseurs de formation professionnelle et l'autorisation des centres d'évaluation des compétences.

Le CNFPA est un organisme tripartite, formé des représentants de l'administration publique centrale, des patronats et des syndicats - les partenaires sociaux le plus en mesure d'anticiper l'évolution du marché du travail, des emplois et des compétences et d'assurer la qualité de la formation professionnelle continue. Les membres de cet organisme ne sont pas soumis aux régimes d'incompatibilités. Ils gardent la qualité d'employés des institutions ou des unités dont ils proviennent et peuvent être révoqués par les autorités les ayant désignés. En plus, le ministère du ressort (le Ministère de l'Emploi, de la Solidarité et de la Famille) détient un droit de regard sur le contenu du secteur de la formation professionnelle des adultes et a la compétence d'approuver le règlement intérieur pour l'organisation et le fonctionnement du CNFPA. Le ministère d'affiliation approuve même les crédits budgétaires qui lui sont octroyés, en dépit du fait que le CNFPA a sa personnalité juridique.

B. L'évaluation de la qualité de l'enseignement supérieur

· L'Agence Roumaine pour la Qualité de l'Enseignement Supérieur

L'ARACIS est, quant à elle, la plus récente AAA qui fera l'objet de notre étude ; elle est un organisme dont l'objet d'activité est d'assurer une bonne qualité de l'éducation. Cette Agence a été instituée par un acte normatif complexe, l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 75, issue en juillet 2005592. La complexité de cette ordonnance vient du fait que deux organismes sont nés, les deux chargés de l'évaluation externe de l'éducation : l'ARACIS, chargée d'évaluer les établissements d'enseignement supérieur et qualifiée d'« institution publique indépendante » et l'ARACIP, chargée d'évaluer les établissements de l'enseignement secondaire (préuniversitaire) et placée « sous la coordination du Ministère de l'Education ». Composée de deux départements (le Département pour l'Accréditation et le Département pour l'Assurance de la Qualité), l'ARACIS incorpore le Conseil national pour l'évaluation académique et pour l'accréditation (CNEAA, un organisme créé en 1993, subordonné au Parlement)593, étant la seule institution nationale594 habilitée à évaluer les établissements d'enseignement supérieur, évaluation nécessaire à ces établissements en vue de leur accréditation ou de l'obtention d'un financement. Un premier doute pourrait naître : dispose-t-elle vraiment de l'autorité nécessaire pour être qualifiée comme étant une autorité administrative autonome ? Pour notre part, nous avons répondu par l'affirmative, l'incluant dans la même catégorie que le CNFPA et son prédécesseur, le CNEEA, qualifié par la doctrine comme étant une AAA595.

Conformément à article 19 de l'Ordonnance d'urgence du Gouvernement par laquelle est né cet organisme, l'ARACIS est dirigée par un Conseil formé de 15 membres, faisant partie du corps didactique de l'enseignement supérieur. Au moment de sa création, le fonctionnement de l'ARACIS est assuré par un Conseil intérimaire dont les membres sont nommés comme suit : a) 8 membres seront proposés par le Ministère de l'Éducation et de la Recherche ; b) 7 des membres seront proposés par la Conférence Nationale des Recteurs. Le président et le vice-président du Conseil sont nommés par ordre du ministre de l'Éducation et de la Recherche, dans un délai de 30 jours depuis l'entrée en vigueur de l'OUG portant sur la création de l'ARACIS. Le Conseil intérimaire ainsi nommé est tenu d'organiser le concours pour l'occupation des postes prévus dans l'organigramme de l'ARACIS ; les candidats pour ces postes ne devront pas cumuler des positions didactiques dans l'enseignement supérieur ; en plus, huit des positions de membre du Conseil seront publiés pour être occupés par concours. L'activité du nouveau conseil qui en résultera (et qui procède à élire son président et son vice-président) se déroule pour un mandat de trois ans. Les membres du Conseil ne peuvent pas détenir en parallèle des dignités publiques, ni la fonction de recteur. Le Conseil de l'ARACIS se renouvelle tous les trois ans par l'organisation d'un concours professionnel pour huit de ses membres.

L'ARACIS est indépendante du point de vue financier : elle dispose d'un budget propre et se finance intégralement des revenus extrabudgétaires, provenant des contrats de prestation de services pour l'évaluation de la qualité, des taxes d'autorisation et d'accréditation des établissements d'enseignement supérieur, des taxes d'évaluation externe de la qualité etc.

À la différence du CNEEA, l'ARACIS ne se subordonne ni au Parlement, ni au Gouvernement. Elle est tenue en revanche de publier annuellement un Rapport d'activité et d'élaborer, périodiquement, des rapports d'autoévaluation de la qualité de sa propre activité dans la vue de sa soumission à l'évaluation externe des agences similaires d'autres pays.

3. L'autorité de contrôle dans le domaine électoral

· l'Autorité Électorale Permanente

L'Autorité Électorale Permanente (AEP) est l'une des AAA nouvellement créés par suite des modifications apportées à Loi Électorale596, mise en place le 1er juillet 2004. Elle est la première structure électorale permanente en Roumanie, destinée à améliorer le fonctionnement du système électoral qui, jusqu'en 2004, était géré exclusivement par des bureaux électoraux agissant uniquement à l'intérieur des délais d'une période électorale.

Qualifiée expressément par le législateur d'« institution administrative autonome à personnalité juridique et à compétence générale », l'AEP a reçu le mandat d'assurer l'application unitaire, « dans l'intervalle entre deux périodes électorales », des dispositions légales concernant l'organisation et le déroulement des élections et d'autres consultations à caractère national ou local. Elle remplit essentiellement une mission de contrôle, étant chargée de superviser les opérations spécifiques qui relèvent des organismes d'État, comme la dotation des circonscriptions de vote avec la logistique nécessaire, la mise à jour des listes électorales, l'impression des cartes d'électeurs, etc. Elle doit aussi publier, après chaque scrutin, une Carte Blanche, comportant une analyse du processus des élections qui vient de se dérouler, se rapportant dans cette analyse au taux de participation au scrutin, au déroulement des élections, en signalant les dysfonctionnements constatés et les résultats définitifs. L'AEP peut aussi élaborer des propositions pour l'amélioration et le perfectionnement du système électoral (qu'elle soumet au Gouvernement pour qu'il exerce son droit d'initiative législative), adopte des arrêtés et des instructions obligatoires pour tous les organismes et les autorités ayant des attributions électorales, et dispose d'un pouvoir de sanction administrative dans les limites prévues par la loi597.

En dépit des prévisions de la Loi électorale, qui prévoit que l'AEP fonctionne seulement « entre deux périodes électorales »598, une série d'attributions de l'AEP ne peuvent se dérouler qu'à l'intérieur de la période électorale comme par exemple : - veiller aux modalités de choisir les locaux pour les circonscriptions de vote et pour les bureaux électoraux (à l'article 29, alinéa b) ; - assurer le monitoring et le contrôle en ce qui concerne l'établissement des listes électorales permanentes et leur actualisation, ainsi que les conditions de conservation des registres contenant ces listes électorales permanentes, et la manière dans laquelle se réalise les communications prévues par la loi, dûment enregistrées dans les listes électorales, dans les délais prévus (article 29, alinéa f) ; - dix jours avant les élections, donne avis favorable - avec interdiction de changement - aux logiciels dont on fait l'acquisition par mise aux enchères réalisée conformément aux dispositions légales en vigueur et, sur demande, met ces logiciels à la disposition des partis inscrits dans la compétition électorale (article 29, alinéa u), ou met ces logiciels à la disposition de qui de droit, en cas de constat d'une contravention (l'article 99 alinéa f ). En effet, il n'y a pas de séparation nette entre les attributions du Bureau Central Électoral (BEC), qui agit à l'intérieur de la période électorale et celles de l'autorité autonome récemment créée (éléments pris en compte par le rapport de la Mission OSCE/ ODIHR pour l'évaluation des élections présidentielles et parlementaires de 2004).

L'AEP est dirigée par un président, à rang de ministre, nommé par décision commune de la Chambre des Députés et du Sénat, sur la proposition des groupes parlementaires. La loi prévoit que le président de l'AEP soit assisté par deux vice-présidents, à rang des secrétaires d'État, nommés l'un par le Président de la Roumanie, et l'autre par le Premier Ministre. La durée du mandat est de 8 ans (renouvelable une seule fois) et pendant cette période, le président et les vice-présidents de l'AEP ne peuvent être révoqués de leur fonction que pour des raisons à validité prouvée. Pour garantir leur indépendance envers le Pouvoir politique, la loi prévoit que le président et les vice-présidents de l'AEP ne peuvent pas être membres d'un parti politique. Pourtant, cette incompatibilité n'empêche pas que les dirigeants de l'AEP soient nommés par seul le parti au Pouvoir, dès lors que le Président de la Roumanie, le Premier Ministre et la majorité parlementaire ont une même couleur politique. Ainsi, comme le rapport de la Mission OSCE/ ODIHR pour l'évaluation des élections présidentielles et parlementaires de 2004 le constate, « la méthode actuelle de nomination des membres de l'AEP remet en cause la composition multilatérale de cette institution, et même son impartialité »599. Les choses sont d'autant plus graves que, à l'intérieur des périodes électorales, le président et les vice-présidents de l'AEP deviennent d'office, conformément à la Loi électorale, membres du Bureau Electoral Central (BEC) ayant plein droit d'exprimer leur vote à côté des juges et des représentants des partis politiques qui font partie du BEC ; de même, certains analystes politiques ont protesté contre le fait que la présence dans le BEC du président et des vice-présidents de l'AEP « fait d'une manière non démocratique pencher la balance des décisions prises par cette institution - BEC, en favorisant le parti de gouvernement ».

L'AEP est autonome sur le plan financier, étant compétente pour élaborer, avec la consultation du ministère des Finances, son propre projet de budget qu'elle transmet au Gouvernement pour approbation et pour l'incorporation au projet du budget de l'État. Elle présente annuellement un rapport au Parlement, rendant compte de son activité.

4. Les entités intervenant dans le domaine de la sécurité nationale

Une catégorie particulière d'AAA est représentée par les entités intervenant dans le domaine de la sécurité nationale. Dans ce domaine, particulièrement sensible pour la vie politique, deux institutions ont été qualifiées expressément par le législateur d'autorités administratives autonomes. Il s'agit du Conseil suprême de la Défense du Territoire (CSAT), qui, en vertu de l'art. 1er de la Loi n° 415/2002 est « l'autorité administrative autonome investie, conformément à la Constitution, avec l'organisation et la coordination unitaire des activités qui portent sur la défense du pays et la sécurité nationale » et du Service des Renseignements Extérieurs (SIE), un organisme central spécialisé qui, en vertu de l'art. 5 de sa loi organique, « est organisé et fonctionne en tant qu'autorité administrative autonome ».

D'autres organismes spécialisés aussi ont été qualifiés d'autorités administratives autonomes par la doctrine, à raison notamment de leur subordination au Parlement. Il s'agit du Service Roumain de Renseignements (SRI), du Service de Télécommunications Spéciales (STS) et du Service de Garde et Protection (SPP).

A. L'autorité de coordination dans le domaine de la défense et de la sécurité :

· Le Conseil Suprême de Défense du Territoire

Le CSAT est apparu, avec cette dénomination, immédiatement après la chute du régime Ceauşescu en décembre 1989, par suite de la dissolution du Conseil de la Défense dans sa forme communiste et du Département de la Sécurité de l'État, la police politique de l'ancien régime. Consacré par la Constitution de 1991, qui s'est bornée à mentionner que le Conseil suprême de Défense du Territoire assure l'organisation et la coordination de manière unitaire les activités qui portent sur la défense du territoire et la sécurité nationale, le CSAT a été qualifié expressément par le législateur d'autorité administrative autonome seulement en 2002, par la Loi n° 415/2002600.

Mais l'autonomie du CSAT par rapport au Gouvernement ne peut être que relative, compte tenu du fait que les membres du CSAT sont pour la plupart des membres du Gouvernement. Conformément à la Loi n° 415, le CSAT est composé de 10 membres (des membres de droit), 6 d'entre eux sont des ministres (détenant les portefeuilles de la Défense, des Internes, des Affaires Externes, de la Justice, de l'Industrie et des Finances), 2 sont les directeurs des services des renseignements (les chefs du SRI et du SIE), deux autres sont : le chef de l'État Majeur Général et le conseiller présidentiel pour les problèmes de sécurité nationale. Le Président de la Roumanie est le président du CSAT et le Premier Ministre en est le vice-président, la nature gouvernementale de l'activité du CSAT devenant ainsi plus prégnante.

Conformément à la loi 415, « l'activité du CSAT est soumise à l'examen et au contrôle parlementaire » (art. 2). La loi précise que ce contrôle est réalisé par l'examen des rapports d'activité, obligatoirement présentés chaque année ou à la demande des commissions permanentes de spécialité du Parlement ou, encore, chaque fois qu'il est jugé nécessaire. Les rapports du CSAT sont présentés seulement en séance commune des deux Chambres (art. 2 corroboré avec l'art. 62 alinéa 2 de la Constitution), ce qui implique que beaucoup d'aspects, classifiés, ne pourront pas être examinés. Mais la pratique a mis en évidence aussi une autre voie du contrôle, le contrôle parlementaire sur les membres du CSAT, qui sont soumis, en tant que membres du Gouvernement et chefs des services secrets, au contrôle parlementaire. En vertu de leurs fonctions, ils peuvent être interpellés n'importe quand devant les commissions parlementaires de spécialité pour être

questionnés sur tout problème dans le ressort de leur fonction, y compris de leur activité dans le CSAT 601.

Notons aussi qu'en vertu de l'art. 3 de la loi 415, les arrêtés du CSAT sont obligatoires pour les autorités de l'administration publique et pour les institutions publiques auxquelles ces arrêtés font référence. Conformément à la loi, les institutions concernées répondent par des mesures prises afin de mettre en œuvre les arrêtés du CSAT.

B. Les différents services de renseignements

· le Service de Renseignements Extérieurs

· le Service Roumain de Renseignements

· le Service de Garde et Protection

· le Service de Télécommunications Spéciales

Après décembre 1989, les services nationaux des renseignements (SRI et SIE), mais aussi STS (un organisme central de spécialité chargé d'assurer la confidentialité dans l'utilisation des télécommunications spéciales par les autorités publiques de Roumanie) et SPP (l'organisme de spécialité chargé d'assurer la protection des dignitaires roumains et étrangers) ont été soustraits à l'autorité du Gouvernement et placés sous un contrôle parlementaire, la volonté du législateur étant d'éviter leur politisation. Ces entités, instituées par des lois organiques spéciales602, sont indépendantes par rapport au Gouvernement, sous l'aspect de leur responsabilité. Le contrôle de leur activité est exercé par les commissions parlementaires pour la défense, l'ordre public et la sécurité nationale. Le contrôle parlementaire de l'activité de cet organisme a été consacré par la Constitution de 1991 qui prévoit que les Chambres se réunissent en séance commune pour nommer, sur proposition du Président de la Roumanie, les directeurs des services de renseignements et exercer le contrôle sur l'activité de ces services (lettres g et h de l'art. 65 al. 2 révisé)603. Le contrôle de l'activité du SRI et du SIE est exercé par deux commissions parlementaires spéciales, formées de 7 députés et 2 sénateurs et, respectivement, de 3 députés et 2 sénateurs. Les Commissions sont autorisées à vérifier la légalité de l'activité développée par les deux services, examinant aussi les plaintes concernant les manquements à la loi. En même temps, les Commissions parlementaires soumettent au contrôle la manière de dépenser les fonds budgétaires octroyés à ces services de renseignements.

Le CSAT dispose aussi, en vertu de son rôle constitutionnel, du droit d'organiser et de coordonner l'activité de ces entités : le CSAT en est informé de manière permanente sur la manière dont ces services ont accompli leurs missions, et il approuve leurs règlements intérieurs, examine leurs rapports annuels d'activité etc. Conformément à la loi, les directeurs du STS et du SIE sont nommés par le CSAT sur la proposition du Président de la Roumanie, tandis que le directeur du SPP est nommé par le Président de la Roumanie sur la proposition du CSAT. Le directeur du SRI est désigné par la Parlement, sur proposition du Président de la Roumanie.

5. Les entités ayant pour mission la protection des droits et des libertés publiques

· Le Collège National pour l'Étude des Archives de la Securitate

· L'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel

Une catégorie plus réduite des AAA, mais très importante, est constituée par les entités ayant pour mission la protection des droits et des libertés publiques : le Collège National pour l'Étude des Archives de la Securitate (CNSAS) et l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel (ANS).

· Le Collège National pour l'Étude des Archives de la Securitate (CNSAS) a été créé par la loi n° 187/1999 dans le but d'assurer le droit de chaque citoyen de connaître la manière dont l'ancienne Securitate, la police politique du régime communiste jusqu'en 1989, a influencé sa vie. Le rôle du CNSAS est de faciliter l'accès de tout citoyen roumain ou étranger qui a eu après 1945 la citoyenneté roumaine au dossier personnel se trouvant dans les archives de la Securitate, en tant que police politique604 et de démasquer les anciens agents et collaborateurs de la Securitate qui ont déployé des activités de police politique. Par ailleurs, le CNSAS est habilité à donner son avis, sur demande du tout citoyen roumain intéressé, sur la qualité d'agent ou de collaborateur de la Securitate (en tant que police politique) des personnes qui postulent à des fonctions éligibles ou qui se portent candidates pour être élues ou nommées à l'une des dignités ou fonctions publiques prévues par la loi. L'avis du CNSAS est obligatoire pour les candidats à une des fonctions : Président de la Roumanie, député, sénateur, membre du Gouvernement, secrétaire d'État, sous-secrétaire d'État, secrétaire général adjoint au Gouvernement et aux ministères et assimilés à ces fonctions605.

La loi n° 187/1999, intitulée « Loi assurant l'accès au dossier personnel et le dévoilement de la Securitate en tant que police politique », distingue entre « la Securitate » et « la Securitate en tant que police politique », refusant ainsi de considérer la Securitate en principe et dans son intégralité comme une structure répressive. La loi définit ainsi la « police politique » : « toutes les structures de la Securitate, créées en vue de l'instauration et du maintien du pouvoir totalitaire communiste, ainsi que pour la suppression ou la limitation des droits fondamentaux de l'homme » (article no 5 (1)). Elle définit aussi les termes d'« agent de renseignements » (officier) et de « collaborateur » (informateur) de la Securitate, deux catégories par lesquelles l'activité de l'ancienne Securitate est tenue pour une structure de la police politique.

Les décisions du CNSAS sur la qualité des personnes soumises à l'investigation doivent respecter le principe du contradictoire et peuvent être contestées d'abord au Collège et ensuite à la Cour d'Appel (qui statue en premier et en dernier ressort). Les communications restées définitives (pour ne pas avoir été contestées ou par suite d'une sentence de la Cour d'appel), ainsi que les noms secrets et les fonctions remplies par les officiers et les sous-officiers de la Securitate qui ont déployé des activités de police politique sont publiées au Moniteur Officiel de la Roumanie (conformément aux prévisions de l'art. 17 de la loi 187)606.

Le CNSAS est, conformément à la loi, un « organisme autonome, à personnalité juridique, soumis au contrôle du Parlement ». Son statut est précisé d'une manière plus claire par son règlement intérieur, adopté par le Parlement le 16 mai 2000, qui le qualifie d'« autorité autonome de l'administration centrale spécialisé »607. Le Parlement nomme tous les 11 membres du Collège du CNSAS, sur la proposition des groupes parlementaires, conformément à la configuration politique des deux Chambres. Le mandat des membres du Collège est de 6 ans, dépassant ainsi la durée du mandat parlementaire (qui est de 4 ans), élément de nature à leur conférer une plus grande indépendance par rapport à l'autorité de nomination.

Le Conseil est tenu de présenter un rapport annuel au Parlement rendant compte de son activité, mais, en pratique, cette obligation n'a pas été toujours respectée. Le CNSAS élabore le projet de son propre budget, qu'il soumet au Gouvernement pour l'inclure dans le budget d'État.

· L'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel

Le recours à une autorité administrative autonome s'est également imposé dans le domaine de l'informatique et de la protection des données à caractère personnel. Pour assurer l'alignement aux standards et aux pratiques des institutions de l'Union Européenne, en mai 2005, une nouvelle entité a été créée : l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel608, qualifiée expressément par le législateur d'« autorité publique, à personnalité juridique, autonome et indépendante par rapport à toute autorité de l'administration publique, ou par rapport à toute personne physique ou juridique du domaine privé ». Conformément à son statut, l'Autorité Nationale de Surveillance (ANS) a comme objectif la protection des droits et des libertés fondamentales de la personne physique, et en particulier du droit à la vie intime, familiale et privée, eu égard au traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Elle reprend les attributions qui avaient été confiées à l'institution de l'Avocat du Peuple609, en vertu de la Loi no 677/2001, relative à la protection des données à caractère personnel et la libre circulation de ces donnés. La création d'une autorité de surveillance distincte répond aux observations adressées par la Commission Européenne à la Roumanie concernant le faible niveau d'implémentation des règles en matière de protection des données à caractère personnel.

En octobre 2004, le rapport régulier de la Commission européenne sur les progrès réalisés par la Roumanie sur la voie d'adhésion mentionnait : « il n'y a eu aucune initiative législative en ce qui concerne la protection des données à caractère personnel. Pour ce qui est des capacités de mise en oeuvre et des capacités administratives, contrairement à ce qui avait été annoncé en juin 2003, c'est-à-dire qu'on va monter à 20 le nombre de postes de la direction chargée de la protection des droits individuels concernant le traitement des données à caractère personnel (direction qui fait partie de l'office du Médiateur roumain), les effectifs sont restés en réalité inchangés, soit de 14 personnes. La direction a assuré un certain nombre d'actions informatives pour aider à mieux comprendre les droits et obligations découlant de la loi roumaine de 2001 en matière de protection des données. Selon le Médiateur, elle a enregistré 379 notifications d'opérations de données à caractère personnel durant la période examinée et 44 notifications des données de ce type à l'étranger. Durant la même période, 808 opérateurs de données à caractère personnel ont été enregistrés ». Le rapport conclut par apprécier que : « les textes de loi majeurs sont déjà en place. Toutefois, les progrès dans l'application des règles de protection des données à caractère personnel n'ont été que restreints. La mise en œuvre de ces règles pose problème : les activités de mise en oeuvre sont bien en deçà des niveaux enregistrés dans les États membres actuels et les postes supplémentaires n'ont été remplis durant la période examinée ».

Le statut de cette nouvelle AAA est constitué de manière à répondre aux exigences communautaires en la matière610. Pour remplir la mission dont elle a été investie, l'ANS dispose d'un éventail large d'attributions : elle reçoit et soumet à l'analyse les déclarations des opérateurs, effectue des contrôles préalables et autorise la création de fichiers, reçoit des réclamations, pétitions et plaintes concernant les opérations de traitement des données à caractère personnel et communique aux pétitionnaires les suites données à leurs demandes. Elle est chargée d'émettre des décisions et des instructions à caractère normatif, dispose d'un pouvoir d'investigation étendu, qu'elle exerce par suite à

des plaintes reçues ou de manière inopinée611. L'ANS peut aussi infliger des sanctions pécuniaires et obliger les opérateurs de cesser le traitement des données ou de procéder à la destruction du traitement de données, en cas où l'on constate la violation de la loi.

L'indépendance de l'Autorité Nationale de Surveillance est garantie tant du point de vue juridique et organisationnel, que financier. Conformément à la loi, elle « ne peut être soumise à aucun mandat impératif ou représentatif, et ne peut pas être tenue à se soumettre aux instructions ou aux dispositions d'aucune autre autorité ».

Elle est dirigée par un président, à rang de secrétaire d'État, assisté par un vice-président, nommés par le Sénat pour un mandat de 5 ans. Afin de garantir l'impartialité et l'indépendance du président et du vice-président de l'ANS, la loi soumet ces fonctions à un régime d'incompatibilité très strict (voir le Tableau 1), et exige que ces postes soient occupés par des personnes reconnues pour leur probité civique, avec une solide compétence professionnelle (l'expérience professionnelle requise est de 10 ans minimum dans le domaine juridique). L'ANS jouit également d'une autonomie financière : elle élabore son propre projet de budget, qu'elle transmet au Gouvernement pour être inclu au projet du budget d'État. Conformément à la loi, les objections du président au projet de budget élaboré par le Gouvernement sont présentées devant le Parlement pour être solutionnées.

Indépendante par rapport à l'administration publique et au secteur privé, l'Autorité Nationale de Surveillance est néanmoins soumise à un contrôle parlementaire, étant tenue de présenter annuellement au Sénat des rapports d'activité. Le Sénat approuve également le règlement intérieur de l'Autorité Nationale de Surveillance.

CONCLUSION

Les autorités administratives autonomes reprennent une partie des attributions communément confiées à l'administration, mais vont au-delà, cumulant des pouvoirs de réglementation, d'autorisation, d'investigation et même de sanction.

Un nombre croissant d'autorités administratives autonomes disposent d'une fonction normative612, ayant un pouvoir réglementaire spécialisé et subordonné au respect tant des lois et des ordonnances que des arrêtés du Gouvernement. Conformément à la loi no 24/2000 concernant les normes de technique législative pour l'élaboration des actes normatifs, les actes des autorités administratives autonomes sont émis seulement sur la base et dans l'exécution des lois, des arrêtés et des ordonnances de Gouvernement. Ils entrent en vigueur à partir de leur publication au Moniteur Officiel de la Roumanie.

Le pouvoir de sanction attribué aux AAA est aussi important. Il s'agit notamment d'un pouvoir de sanction administrative, non pénale, comprenant une gamme large de sanctions, allant depuis le simple avertissement écrit jusqu'aux amendes contraventionnelles et à la suspension ou retrait d'autorisation. Lorsque les faits constatés sont constitutifs d'une infraction pénale, les AAA peuvent saisir les instances judiciaires ou les organes de poursuite pénale.

Les lois constitutives affirment généralement l'autonomie de ces autorités, et évitent à employer le terme d'indépendance613. L'indépendance impliquerait en effet que ces autorités n'aient de compte à rendre à personne, ce qui n'est pas vrai : les AAA sont autonomes par rapport à l'exécutif, mais placée sous un contrôle parlementaire. Mais leur indépendance réelle dépend moins des proclamations légales que des garanties effectives d'indépendance dont elles disposent. Ces garanties sont destinées à écarter les influences de tous ordres, et spécialement celles du Pouvoir politique. Il y a en cinq types : la personnalité juridique, des garanties qui tiennent au statut personnel des membres (relatives à leur nomination, à la nature de leur mandat, à la cessation de leurs fonctions, au régime d'incompatibilités), la collégialité, les garanties financières et les garanties tenant à l'organisation interne de ces entités (voir le Tableau des données organiques, ci-dessous, en Annexes). Ainsi :

Les autorités administratives autonomes disposent toutes de la personnalité juridique, ce qui leur permet d'ester en justice et être elles-mêmes directement attaquées, ainsi que de gérer leur budget et leur patrimoine.

Le Parlement détient le plus souvent le pouvoir de nomination des membres des autorités administratives autonomes, ce qui renforce considérablement leur autonomie à l'égard du Gouvernement. La désignation des membres des AAA ne relève du pouvoir exécutif que dans un nombré limité des cas614.

Pour qu'une protection correcte et efficace soit garantie, les membres des AAA doivent être en général des personnalités qualifiées et avoir une expérience professionnelle étendue (allant de 5 ans - pour les membres de la CNVM et de la CSA à 10 ans - pour les membres du Conseil de la Concurrence et de l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel).

La durée de la nomination est fixée, en général à 5 ou à 6 ans, mais exceptionnellement, elle peut être réduite à 3 ans ou aller jusqu'à 8 ans. Le mandat des membres est renouvelable, en général une seule fois615.

Les membres des autorités administratives autonomes ne sont pas irrévocables ; pourtant, il ne peut pas être mis fin à leurs fonctions que dans les cas et les conditions prévues par la loi. Conformément au principe du contrarius actus, seule l'autorité qui avait fait leur nomination est en droit de les révoquer, en vertu d'une procédure similaire à la procédure de désignation.

Pour éviter le conflit d'intérêts, les membres des AAA sont assujettis à des régimes d'incompatibilités stricts, prévus par les lois spéciales de création de ces entités. Il leur est en général interdit d'être membres d'un parti politique, de détenir un intérêt direct ou indirect à une société commerciale qui pourrait générer un conflit d'intérêts et même d'exercer toute autre activité publique ou privée.

En plus, les dirigeants des AAA qui sont assimilés aux fonctions de ministre et de secrétaire d'État616 sont soumis aux règles d'incompatibilité spécifiques à ces fonctions617.

La composition collégiale est aussi une caractéristique commune à toutes ces autorités, assurant leur indépendance et objectivité. La collégialité est elle-même très diversifiée, le nombre des membres variant de 5 à 15.

Du point de vue financier, l'autonomie de ces autorités est garantie par le fait qu'elles disposent de leur propre budget, inscrit au budget de l'État. En tant qu'ordonnateurs principaux des crédits, les dirigeants des autorités administratives autonomes élaborent chaque année l'avant-projet de leur budget qu'ils soumettent à l'approbation du Gouvernement pour être ensuite incorporé au projet du budget de l'État618. En général, les AAA bénéficient d'une forme de financement mixte, pouvant bénéficier, outre les allocations budgétaires, des ressources propres, extrabudgétaires. Un nombre croissant des AAA ne dépendent en rien des crédits budgétaires et se financent exclusivement des revenus propres extrabudgétaires, formées des taxes et des cotisations perçues auprès des établissements contrôlés ou des personnes bénéficiaires de leurs services619.

Dans la majorité des cas, les AAA sont compétentes pour établir et approuver leurs règlements intérieurs d'organisation et de fonctionnement. Mais, ce pouvoir, commun aux autorités de régulation des marchés financiers, ne peut pas être généralisé à toutes les AAA, pouvant être attribué aussi bien à l'exécutif ou au législatif, ce qui rejoint plutôt l'idée de contrôle (voir le Tableau 2, ci-dessous, en Annexes). On constate donc que l'autonomie des AAA n'atteint pas toujours le même degré.

Un dernier aspect à signaler touche au contrôle des AAA. L'autonomie, caractérisée par leur non soumission à un contrôle administratif hiérarchique n'exclut pas d'autres formes de contrôle. Comme tout autre organisme administratif, les autorités administratives autonomes ne sont pas exemptes du contrôle parlementaire, financier et juridictionnel.

En règle générale, les autorités administratives autonomes sont tenues à rendre compte de leur activité devant le Parlement, dont la légitimité démocratique ne peut pas être contestée. Le fondement juridique du pouvoir de contrôle dont dispose le Parlement est l'art 111 (1) de la Constitution, en vertu duquel : « le Gouvernement et les autres organes de l'administration publique, dans le cadre du contrôle parlementaire de leur activité, sont tenus à présenter les informations et les documents requis par la Chambre des Députés, le Sénat ou les commissions parlementaires par l'intermédiaire de leurs présidents ». Les lois constitutives des autorités administratives autonomes prévoient en général la manière dont s'exerce le contrôle, mettant à la charge des AAA l'obligation de présenter au Parlement, annuellement ou sur demande, des rapports d'activité.

En pratique, une autre voie de contrôle se dessine aussi à travers le pouvoir de nomination des membres des AAA et le pouvoir d'approbation de leur règlement intérieur, appartenant soit au pouvoir législatif, soit au pouvoir exécutif (voir les Tableaux 1 et 2, ci-dessous, en Annexes).

En outre, l'activité des AAA est soumise au contrôle financier du Ministère des Finances Publiques, qui exerce un contrôle financier préventif délégué et de la Cour des comptes, qui exerce le contrôle ultérieur de l'exécution du budget et est la seule autorité compétente pour octroyer, après la vérification des comptes, la décharge de gestion.

Du point de vue de la légalité, les AAA sont également soumises à un contrôle juridictionnel. Les actes administratifs et les actes administratifs-juridictionnels émis par les AAA peuvent faire l'objet d'un recours contentieux. Dans le cadre du système judiciaire roumain, on distingue un seul ordre de juridiction. Le contentieux de l'administration est confié aux sections spécialisées au niveau des tribunaux de grande instance, des cours d'appel, et de la Haute Cour de Cassation et de Justice. Conformément au code de procédure civile et à la loi de contentieux administratif620, les actes administratifs émis par les autorités administratives publiques centrales [telles les autorités administratives autonomes] relèvent en premier ressort des sections de contentieux administratif et fiscal des cours d'appel. Ils sont soumis au principe du double degré de juridiction, le jugement rendu par la cour d'appel étant susceptible de recours devant la Section de contentieux administratif et fiscal de la Haute Cour de Cassation et de Justice, à moins qu'une loi spéciale ne prévoie une autre procédure.

Tableau 1 : Les données organiques

AAA

Nombre de

Membres

Instances

de nomination des membres

Durée

du mandat

Qualification professionnelle requise

Régime d'incompatibilités

le Conseil National de l'Audiovi-suel

(CNA)

11

le Parlement, sur proposition du Président de la Roumanie(2), Gouvernement (3), Chambre des Députés (3) et Sénat (3)

6 ans

(sans mention expresse dans le texte de la loi)

Pour être compatible avec la fonction de membre du CNA, une personne ne doit pas :

- exercer toute autre fonction publique ou privée, sauf les fonctions didactiques ;

- être membre d'un parti politique ;

- détenir des actions ou des parts sociales à une société commerciale, si cela engendre un conflit d'intérêts

la Banque Nationale de Roumanie

(BNR)

9

le Parlement

5 ans ;

avec possibilité de prorogation

Les membres du Conseil d'administration de la BNR ne peuvent pas :

- être députés ou sénateurs ;

- être membres d'un parti politique ;

- faire partie de l'autorité judiciaire ou de l'administration publique ;

la Commission Nationale des Valeurs Mobilières

(CNVM)

7

le Parlement

5 ans ; renouvelable une fois

5 ans dans le domaine économique ou juridique

Pour être compatible avec la fonction de membre de la CNVM, une personne ne doit pas :

- être membre d'un parti politique ;

- être déclarée en faillite ;

- avoir des mentions dans son casier judiciaire ;

- exercer une autre fonction rémunérée, publique ou privée, exceptées les fonctions : universitaire ; conseil ; expert auprès d'une autorité publique ou d'un organisme international ;

- avoir des liens de mariage ou de parenté (jusqu'au 3e degré) avec le Président de la Roumanie, les présidents des deux Chambres, les membres du Gouvernement, le gouverneur de la BNR ou le président de la CSA ;

- être membre du conseil d'administration, directeur exécutif, censeur, auditeur ou actionnaire significatif d'une personne juridique d'un domaine supervisé par la CVVM, la CSA ou par la BNR ;

la Commission de Surveillance des Assurances

(CSA)

5

le Parlement

5 ans ; renouvelable

5 ans dans l'activité financière-bancaire et/ou d'assurances et réassurances 

Les membres de la CSA ne peuvent pas :

- être membres d'un parti politique ;

- exercer une autre fonction rémunérée, publique ou privée sauf les fonctions dans l'enseignement supérieur ;

- être membres du conseil d'administration, censeurs, ou actionnaires significatifs des personnes juridiques supervisées par la CSA ;

- être déclarés en faillite ou avoir fait partie de la direction d'une société du domaine financier qui, sous n'importe quelle forme, a cessé son activité et n'a pas respecté ses obligations à l'égard des tiers ;

- avoir des mentions dans leur casier judiciaire ;

Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées

(CSSPP)

5

le Parlement

5 ans ; renouvelable une fois

(à l'exception du mandat du président et du vice-président qui sont de 6 et 5 ans.)

5 ans dans l'activité financière-bancaire, d'assurances, investissements, juridique, législative ou exécutive dans le domaine

Les membres de la CSSPP ne peuvent pas :

- être membres d'un parti politique durant la période de l'exercice de leur mandat ;

- être membres, eux-mêmes ou leur famille, du conseil d'administration, ou actionnaires significatifs des sociétés commerciales qui ont un lien commercial et/ou juridique avec les personnes juridiques qui font l'objet de la surveillance de la Commission ;

- avoir fait partie de la direction d'une société commerciale ayant cessé, sous n'importe quelle forme, son activité et n'ayant pas respecté ses obligations à l'égard des tiers, ou étant déclarée en faillite ;

- avoir de mentions dans le casier judiciaire ou fiscal ;

- avoir des condamnations pénales ;

- avoir des liens de mariage ou de parenté (jusqu'au 3e degré) avec le Président de la Roumanie, les présidents des deux Chambres, les membres du Gouvernement, le gouverneur de la BNR ou les présidents de la CSA ou de la CNVM ;

L'Autorité nationale de Réglementation du Domaine de l'Énergie (ANRE)

5

le Premier Ministre, sur proposition du ministre de ressort

5 ans

La qualité de membre du comité de réglementation est incompatible avec l'exercice de toute autre activité à caractère commercial, fonctions ou dignités publiques, sauf les fonctions didactiques dans l'enseignement supérieur ;

Conseil de la Concurrence (CCR)

7

le Président de la Roumanie, sur proposition du Gouvernement

5 ans ; renouvelable une fois

10 ans dans les domaines : économique, commercial, des prix et de la concurrence ou juridique

Est incompatible avec la charge de membre du CCR :

- toute autre activité professionnelle ou de conseil et toute autre fonction publique, sauf les fonctions didactiques dans l'enseignement supérieur ;

- la participation à la direction ou à l'administration d'une entité publique ou privée ;

- la qualité d'expert ou d'arbitre ;

- la qualité de membre d'un parti politique ou autres formations politiques ;

le Conseil National pour la Formation

Professionnelle des Adultes

(CNFPA)

15

le Premier Ministre (5),

syndicats (5),

patronats (5)

4 ans ; renouvelable

l'Agence Roumaine pour la Qualité de l'Enseignement Supérieur (ARACIS)

15

le Ministère de l'Éducation et de la Recherche

3 ans

Les membres du Conseil de l'ARACIS ne peuvent pas détenir en parallèle des dignités publiques, ni la fonction de recteur.

Les candidats pour les 8 positions de membre du Conseil, postes occupés par concours, ne devront pas cumuler des positions didactiques dans l'enseignement supérieur.

l'Autorité Électorale Permanente (AEP)

dirigée par un président, assisté par deux vice-présidents

le Parlement (le président),

le Président de la Roumanie (1 vice-président),

le Premier Ministre (1 vice-président)

8 ans renouve-lable une fois

le président doit être une personnalité, ayant une formation et une expérience dans le domaine juridique ou administratif

Le président et les vice-présidents de l'AEP ne peuvent pas être membres d'un parti politique ;

le Collège National d'Étude des Archives de la Securitate (CNSAS)

11

le Parlement

6 ans ; renouvelable une fois

Ne peuvent pas être membres du collège du CNSAS :

- les anciens agents et collaborateurs des organes roumains de la Securitate ou des services secrets étrangers, ou d'autres structures internes ou étrangères de renseignements, ainsi que d'autres organisations qui ont déployé ou qui déploient des activités contraires aux droits et aux libertés fondamentales de l'homme ;

- les personnes ayant subi des condamnations pour des infractions de droit commun, même amnistiées ou réhabilitées ;

- les personnes ayant été ou étant membre d'un parti politique ;

Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel

(ANS)

dirigée

par un président

et un vice-président

le Sénat

5 ans ; renouvelable une fois

10 ans dans le domaine juridique

La qualité de président ou de vice-président est incompatible avec :

- l'exercice de toute autre activité publique ou privée, sauf les fonctions didactiques ;

- la qualité de membre d'un parti politique ou d'autres structures politiques (à l'intérieur du mandat) ;

- la détention des actions ou parts sociales à une société commerciale du domaine de supervision de l'Autorité Nationale de Surveillance

(Remarque : SIE, SRI, STS et SPP ont un statut à part)

Tableau 2 : Modalité d'approbation du règlement intérieur de chaque autorité autonome

L'autorité administrative autonome

L'autorité chargée de l'approbation
de son règlement intérieur

le Conseil suprême de Défense du Territoire (CSAT)

autodétermination

le Conseil National de l'Audiovisuel (CNA)

autodétermination

la Banque Nationale de Roumanie (BNR)

autodétermination

la Commission Nationale des Valeurs Mobilières (CNVM)

autodétermination

la Commission de Surveillance des Assurances (CSA)

autodétermination

la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées (CSSPP)

autodétermination

le Conseil de la Concurrence (CCR)

autodétermination

L'Autorité nationale de Réglementation dans le Domaine de l'Énergie (ANRE)

le Gouvernement

le Conseil National pour la Formation Professionnelle des Adultes (CNFPA)

le Gouvernement

l'Agence Roumaine pour la Qualité de l'Enseignement Supérieur (ARACIS)

le Gouvernement

l'Autorité Électorale Permanente (AEP)

le Gouvernement

le Collège National d'Étude des Archives de la Securitate (CNSAS)

le Parlement

l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel

le Sénat

Tableau 3 : Fonds budgétaires octroyés à certaines AAA (en milliards ROL621)

ANNÉE

2000

2001

2002

2003

2004

2005

CNA

-

25,5

30,2

61,3

72,5

69,2

Conseil de la Concurrence

11,0

40,7

34,9

46,1

56,3

234

CNSAS

45,0

68,3

74,5

83,1

87,5

88,6

AEP

-

-

-

-

54

73,2

Sources : la Loi n° 76/ 2000 pour l'approbation du budget d'État pour l'année 2000 ;

la Loi n° 216/ 2001 pour l'approbation du budget d'État pour l'année 2001 ;

la Loi n° 743/ 2001 pour l'approbation du budget d'État pour l'année 2002 ;

la Loi n° 631/ 2002 pour l'approbation du budget d'État pour l'année 2003 ;

la Loi n° 507/ 2003 pour l'approbation du budget d'État pour l'année 2004 ;

la Loi n° 511/ 2004 pour l'approbation du budget d'État pour l'année 2005.

ROYAUME-UNI

par M. Guy SCOFFONI
professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

_______

Au Royaume-Uni, les organismes publics à caractère « indépendant » font parti du paysage politique depuis plus de deux siècles, comme par exemple le « Bureau du Commerce » (Board of Trade). Sous diverses appellations, sans définition officielle, de manière parfois improvisée par les pouvoirs publics britanniques, ces organismes se sont multipliés.

Dans la période contemporaine, on a même pu parler dans ce pays de « quango explosion »622, ces « quangos » (« quasi autonomous non-governmental organisations»), constituant toutefois seulement une des désignations du phénomène.

En effet, la vague de réorganisation administrative baptisée « New Public Management » (NPM) a placé au rang de priorité les techniques de délégation, démembrement et contractualisation, entraînant le transfert de fonctions d'entités publiques traditionnelles, vers de nouvelles catégories d'organismes spécialisés « quasi autonomes ». Cette évolution implique dans le même temps, l'introduction de nouvelles techniques de management public et de procédure provenant du secteur privé623.

Après avoir analysé le développement de ces « autorités administratives indépendantes » dans le cadre britannique (I), il convient d'en préciser les principales modalités d'organisation (II).

I - Le développement des organes administratifs indépendants (Non Departemental Public Bodies)

Le système britannique se caractérise par un large démembrement des structures administratives depuis deux siècles. Seront successivement présentées l'évolution des institutions administratives au niveau central et les difficultés d'identification des organismes de type « Autorités administratives indépendantes » au Royaume-Uni.

1. L'évolution des institutions administratives britanniques au niveau central

A. Dès les XVIIème et XVIIIème siècles, apparaissent en Grande-Bretagne certains organismes autonomes (« Quasi-Independent Boards ») pour assurer certaines tâches qui n'étaient pas perçues à l'époque comme de nature « gouvernementale ». Des préoccupations de légitimité et de responsabilité ont toutefois souvent conduit à leur absorption par des départements ministériels.

De même, certaines organisations caritatives ont pu assumer des missions d'intérêt général à la même époque et au XIXème siècle, des organismes privés remplissaient déjà en Grande-Bretagne des fonctions « gouvernementales ».

Ces données historiques permettent de mieux situer le développement du phénomène des organismes indépendants dans ce pays.

Elles expliquent notamment la multiplication sensible, antérieurement aux autres expériences européennes, de ces organes « indépendants ou semi indépendants ».

B. Au Royaume-Uni le système politique majoritaire (« winner takes all ») favorise la libre création de tels organismes et les démembrements de l'administration.

Les gouvernements successifs vont au cours du XXème siècle modeler à leur façon ce phénomène, modifiant le régime d'organismes « autonomes » existants ou en créant de nombreux n'entrant dans aucun cadre préconçu. D'autres disparaissent comme le « Physical Training and Recreation Council ».

Une grande diversité de structures et une pléthore d'organismes plus ou moins autonomes caractérisent donc l'Administration moderne au Royaume-Uni, au niveau central comme au niveau local.

Si dans une perspective comparative, il est nécessaire de se limiter au niveau central, les structures administratives britanniques se présentent pour l'essentiel de la manière suivante :

- Une vingtaine de départements ministériels ;

- Cent vingt Agences exécutives (« Next Steps agencies »), rattachées à un département ministériel, elles sont chargées de l'exécution des tâches d'Administration quotidienne ;

- Plusieurs centaines d'établissements du service national de santé (« National Health Service Trusts ») ;

- Plusieurs dizaines d'entreprises publiques (« Public Corporations ») ;

Mille deux cents (ou plus) organismes publics extérieurs à un département ministériel (« Non-departmental Public Bodies » N-DPB). Comprenant principalement :

· Trois cents NDPB « exécutifs » (c'est-à-dire chargés seulement de tâches d'exécution et non de réglementation ou d'élaboration de politiques administratives).

· Sept cents organismes consultatifs.

· Soixante-quinze « Tribunals » (Organes spécialisés à compétence juridictionnelle, composé de juges non professionnels).

· Plusieurs dizaines d'organes de régulation ou de contrôle.

Un terme illustre en particulier la complexité et l'éparpillement du phénomène administratif britannique, celui de « Quangos » (Quasi Autonomous non-Governmental Organisations). Il recouvre en effet au Royaume-Uni un ensemble disparate de situations.

Aucune définition officielle n'a jamais pu être formulée. La qualification de « quango » varie d'un gouvernement à un autre et d'un auteur à un autre avec une forte connotation « politique » souvent, selon que l'on entend limiter ou non le champ de la sphère publique et amorcer une diminution du nombre d'organismes publics ou d'agents publics.

En février 1988, Madame Thatcher présenta le rapport rédigé par les membres du « Efficiency Unit », organe situé au sein du « Cabinet Office » et intitulé « Improvising Management in Government : The Next Steps »624.

Il était recommandé dans ce cadre de confier toutes les tâches d'exécution au quotidien « Executive Functions » à des agences situées au sein des ministères, ceux-ci devant se concentrer ainsi sur les missions de politique administrative (« Policy functions »).

Cette nouvelle orientation gouvernementale a entraîné la création de nombreux organismes dotés d'une autonomie d'exécution variable.

Le statut de ces « Agences »  reste incertain, notamment quant à leur responsabilité à l'égard du Parlement. Un consensus s'est toutefois dégagé pour maintenir les liens traditionnels de responsabilité politique par l'intermédiaire du ministère concerné face au Parlement.

Cette multiplication d'éléments « autonomes » d'Administration centrale, combinée aux effets des politiques de privatisation, a accentué toutefois l'éparpillement et la confusion nés du développement des quangos.

Même en écartant la problématique des quangos au niveau local, le phénomène demeure au niveau central extrêmement divers et confus.

Au Royaume-Uni aujourd'hui, le terme « quango » semble s'appliquer de manière hétéroclite à des entités publiques des plus diverses telles que :

· Des organes de régulation comme l'OFCOM (Office of Gas and Electricity Markets)

· Des organismes de santé dépendant du National Health Service (« Trusts »)

· Des entreprises publiques comme la BBC (British Broadcasting Corporation)

· des associations d'intérêt public comme les « Housing Associations » ou les « Fundholding Doctors »

· des organes consultatifs comme les « Training and Enterprise Councils », « Sports Councils », « Research Councils » ou encore le « Committee on Standards in Public Life ».

Selon certains auteurs, cette liste est sans fin625 et on voit même parfois classées parmi les quangos, des écoles subventionnées, des associations caritatives voire certaines autorités de police. On est presque amené à considérer de surcroît que toute entité qui apparaîtrait ni entièrement publique, ni entièrement privée pourrait être qualifiée de « quango ». Ainsi de tels organes « quasi-autonomes » se sont multipliés, dans la période contemporaine, dans les secteurs de la santé ou de l'éducation.

Il apparaît en définitive clairement que l'ensemble de ces quangos ne sauraient être assimilés, dans une perspective comparative à des autorités ou agences administratives indépendantes.

Les critères d'identification dégagés à partir des expériences américaine ou européennes continentales permettent de resserrer le champ de tels organes au Royaume-Uni.

2. Les éléments d'identification des organismes administratifs indépendants au Royaume-Uni

S'il n'existe aucun recensement officiel d'organismes équivalents aux « Independent Regulatory Agencies » américaines ou aux « Autorités Administratives Indépendantes » françaises, il est possible de retrouver dans le cadre britannique des organismes plus ou moins équivalents.

A. Deux critères principaux qualifient en droit comparé un organe réglementaire indépendant : un élément organique résultant de l'indépendance garantie par sa composition ou son contrôle et un élément matériel lié à une mission suffisante de régulation.

Sur cette base, peuvent être identifiés un certain nombre d'organismes, sans attacher d'importance déterminante à leur qualification particulière, qu'il s'agisse notamment de « quangos » ou de « Non Departmental Public Bodies » (NDPB). Certains quangos ou certains NDPB peuvent répondre aux exigences de qualification d'organes réglementaires indépendants mais, en aucun cas, l'ensemble d'une catégorie.

Cela ne doit pas surprendre du fait, on l'a souligné, de l'important démembrement de l'Administration centrale britannique conduisant selon certaines études à recenser plus de cinq mille organismes extra gouvernementaux.

L'usage croissant de « Non Departmental Public Bodies » dans le cadre des réformes du « New Public Management » a multiplié en effet, le nombre de ceux restant directement liés à un ministère de tutelle, empêchant d'utiliser cette expression « NDPB » pour qualifier des autorités administratives indépendantes au Royaume-Uni.

Par référence au modèle américain et pour favoriser la comparaison avec des expériences européennes continentales, on retiendra ainsi la qualification d'« Agences Réglementaires Indépendantes » (Independent Regulatory Agencies) suivant en cela certaines études comparatives britanniques626.

B. Le champ des « Agences Réglementaires indépendantes »

Dans le cadre des organes dotés d'un pouvoir de régulation disposant d'une indépendance fonctionnelle, on peut dégager deux grandes catégories de situations.

Le premier groupe est constitué par les Agences chargées de la régulation des marchés.

Le deuxième groupe réunit l'ensemble des organes indépendants chargés de promouvoir des objectifs plus généraux d'intérêt public.

a) Les « Agences » régulatrices de marchés

Elles apparaissent très caractéristiques de l'évolution du dernier quart de siècle, résultant plus particulièrement du mouvement de privatisation. Pour chaque type d'industries privatisées alors, a été institué un organe de régulation, le législateur britannique cherchant ainsi à maintenir un minimum d'encadrement public et à protéger les intérêts des consommateurs.

Entrent dans cette catégorie :

- Un organe à compétence générale : la « Competition Commission » créée sous une autre forme en 1948 et réaménagée ainsi en 1998. Il s'agit d'une sorte d'équivalent britannique du Conseil de la Concurrence en France ;

- Secteur des Télécommunications : « Office of Telecommunications » (OFTEC) de 1984 ;

- Secteur de l'Energie : « Office of Gas and Electricity Markets » (OFGEM) de 1989, réaménagé en 2000 ;

- Secteur de l'Eau : « Office of Water Services » (OFWAT) de 1989 ;

- Secteur des Transports : « Office of Rail regulator » de 1993 et « Strategic Rail Authority » de 1999 ;

- Secteur des Médias : « Independent Television Commission » de 1990. Cet organe, institué sous une première forme dès 1954, peut être rapproché du Conseil supérieur français de l'audiovisuel ;

- Secteur des Marchés Financiers : « Financial Services Authority » instituée en 1986 et réaménagée en 1997.

Outre le fait qu'ils ont été institués par des lois spéciales, notamment liées à la privatisation d'un secteur, ces organes ont en commun de veiller au respect d'une libre concurrence, à l'application de dispositifs divers d'autorisations, permis ou licences en étant chargés parfois du contrôle des prix ou tarifs. Même si leur statut est défini en général par la loi, ils disposent le plus souvent d'une large capacité d'auto organisation, leurs interventions étant légitimées par les exigences de protection du consommateur627.

La solution d'un organe de régulation séparé, par secteur d'activité, a ainsi été préférée à celle qui consistait à confier l'ensemble des tâches à un organe généraliste, comme l'« Office of Fair Trading » (OFT) ou la « Monopolies and Mergers Commission » (MMC). Ces deux organes de régulation générale, qui fonctionnaient antérieurement à la privatisation, coexistent donc avec les « Agences » spécialisées.

Un des paradoxes de ces réformes menées par des gouvernements conservateurs au nom d'une réduction de la sphère publique, aura été en définitive de mettre en place le plus important dispositif de régulation depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale628.

b) Les « Agences » dotées de missions d'intérêt général

Ce second groupe d'organes  « indépendants » apparaît plus hétérogène dans la mesure où sont prises en charges des missions d'intérêt général dépassant le seul cadre économique.

On relèvera pour illustration de cette catégorie, les organes intervenants en particulier dans les matières suivantes :

- Domaine de l'Environnement : « Environment Agency » de 1986 ;

- Domaine de la sécurité alimentaire : « Food Standards Agency » de 1999 ;

- Protection de la vie privée : « Data Protection Registrar, instituée sous une première forme en 1984 et réaménagée en 2000 (sorte d'équivalent britannique de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en France) ;

- Protection de l'égalité et lutte contre la discrimination : « Commission for Racial Equality » et « Equal Opportunities Commission ».

Dans l'ensemble, ces organismes dont les fonctions ont été généralement renforcées dans la décennie 1990-2000, bénéficient en vertu de lois spéciales, de délégations de pouvoir leur permettant de définir certaines règles ou standards, de délivrer des autorisations ou licences ou de réguler la circulation de certaines données ou informations.

II - Les modalités d'organisation et de contrôle des « agences réglementaires indépendantes »

La création et la définition des fonctions des Agences réglementaires indépendantes constituent une illustration classique de délégation de pouvoir à des institutions non démocratiquement représentatives.

C'est en ces termes que la doctrine britannique pose le problème de l'intervention de ces organes dans le système administratif : Ils sont créés par la loi, distincts des départements exécutifs et dirigés par des agents non élus.

Des pouvoirs de régulation sous diverses formes leur sont accordés mais en même temps ils se trouvent soumis au contrôle de représentants élus ou de juges629.

Il convient de reprendre successivement les modalités d'organisation de ces « Agences » et les conditions du contrôle exercé sur elles.

1. Les modalités d'organisation des « Agences réglementaires indépendantes »

Trois points seront analysés. Après une présentation de leur composition et des fonctions qui leur sont dévolues, sera abordée la question de leurs pouvoirs et modes d'intervention.

A. La composition des organes « indépendants »

Elle est définie de manière particulière par la loi instituant l'« Agence ». quelques traits communs néanmoins peuvent être dégagés :

La compétence de nomination des dirigeants de l'« Agence » est généralement accordée par la loi au ministre, sans exigence de confirmation parlementaire.

Dans les années 1980-1990, la majorité des organes indépendants étaient dirigés par un responsable unique. D'autres faisaient toutefois l'objet d'une direction collégiale, comme la « General Competition Authority », la « Commission for Racial equality ou l'« Equal Opportunities Commission ». Elles sont ainsi dirigées par un « Bureau » avec à sa tête un directeur (« Chairpersonn »). L'évolution désormais tend de plus en plus vers la désignation de commissions pluralistes ou autres formules collégiales de direction. Ainsi le « Utilities Act » de 2000 organise une Commission de l'Energie (Board of Energy), dirigé par un organe collégial.

Le système politique majoritaire strict a longtemps favorisé la désignation au Royaume-Uni d'organes dirigeants uniques alors que le multipartisme rendait plus souvent nécessaire dans les États européens continentaux la formation d'organes collégiaux pour mieux refléter les équilibres du système et offrir des garanties d'indépendance.

Le Royaume-Uni semble donc se rapprocher désormais sur ce point de ses voisins continentaux.

En ce qui concerne enfin la sélection et l'origine des membres dirigeants (« Regulators »), un certain contraste apparaît dans la mesure où au Royaume-Uni, il s'agit le plus souvent d'experts non partisans ou personnalités indépendantes. (À l'inverse, dans les pays européens continentaux, la tradition dominante est plutôt celle de nomination de personnalités politiques, anciens ministres ou parlementaires, facilement identifiables généralement à un parti politique donné).

Des professeurs d'Université ont ainsi été nommés à la tête d'Agence de régulation de certains services publics : Par exemple le Professeur Steven Littlechild (OFFER) ou le Professeur Sir Bryan Carsberg (OFTEC).

B. Les fonctions exercées

Elles apparaissent au Royaume-Uni de plusieurs types :

1°) Selon la doctrine britannique, la fonction principale des organes indépendants de régulation est une fonction de légitimation stratégique. En matière de régulation économique, les difficultés d'une intervention directe des élus sont multiples : prendre des engagements qui soient crédibles pour les autres acteurs, faire des choix stratégiques impopulaires ou répondre aux demandes d'organisations supranationales.

Les délégations à des « Agences indépendantes » permettent ainsi de répondre à ces différentes pressions et d'assister efficacement les niveaux politiques. Cette fonction légitimante, de renforcement de la crédibilité de la régulation, serait particulièrement importante tant pour les investisseurs potentiels que pour les électeurs, consommateurs ou groupes d'intérêt public630.

En matière de régulation sociale, les Agences indépendantes peuvent également contribuer à légitimer des interventions politiquement controversées. Ainsi la promotion de l'égalité raciale ou hommes-femmes qui suscitait l'hostilité dans une part importante de l'électorat, fut-elle confiée à des organes indépendants, la « Commission for Racial Equality » et la « Equal Opportunities Commission ». Cela a permis aux gouvernements britanniques de s'engager dans les choix sociaux ou d'éthique politique, tout en déléguant les difficiles missions d'exécution.

Plus largement, l'intervention de tels organes peut éviter aux niveaux politiques d'assumer l'impopularité des certaines situations : Ainsi après les privatisations, les Agences indépendantes de régulation ont-elles dû assumer l'impact des augmentations de tarifs de certains « services publics économiques ».

2°) L'intervention d'Agences indépendantes est ensuite justifiée par les nécessités de prise en charge de domaines complexes de régulation et la prise de décisions de plus en plus techniques.

Ainsi à partir de la décennie 1980-1990, la libéralisation des marchés a multiplié les exigences de régulation dans des conditions très « sophistiquées » d'intervention.

Dans le cas des services publics (eau, énergie, communications, transports...), les « régulateurs » ont dû s'emparer de questions telles que la prévention d'abus de positions dominantes, les coûts de l'interconnexion de réseaux, la définition de régimes de fixation de tarifs ou de standards de contrôle.

L'ensemble de ces décisions nécessitaient des niveaux élevés d'expertise scientifique. La crise de la « vache folle » a ainsi exigé des appréciations techniques particulièrement délicates de la part d'Agences de sécurité alimentaire (« Food Standards Agency ») ou d'environnement (« Environment Agency ») et de multiples arbitrages entre groupes d'intérêt des plus divers.

La complexité des interventions dans cet ensemble de secteurs a légitimé la délégation à des Agences indépendantes, dotées de la compétence et de l'expertise nécessaires, de pouvoir de régulation que les représentants élus, organes gouvernementaux ou leurs agents publics « généralistes », ne pouvaient plus assumer efficacement.

De ce point de vue, la doctrine britannique reconnaît l'influence du modèle américain sur le développement d'Agences indépendantes au Royaume-Uni, depuis quelques décennies.

La création de l'Office des Télécommunications (OFTEC) a été par exemple, directement inspirée par l'expérience américaine de la « Federal Communications Commission »631.

Au total, les fonctions complexes de régulation exercées et la compétence de ces « Agences » indépendantes, leur ont permis de développer leur rôle et d'accroître leur place dans le système britannique.

Forts de leur capacité d'acquérir et traiter l'information ou d'entretenir des rapports réguliers avec l'ensemble des parties intéressées, ces organes indépendants ont pu régulièrement accroître l'impact de leurs pouvoirs d'intervention formels.

C. Les pouvoirs conférés

Ces pouvoirs varient selon les organes concernés, les `Agences indépendantes de régulation des secteurs de « services publics économiques » apparaissant dotés de pouvoirs plus importants que ceux des « Agences d'intérêt général ».

Les régulateurs de marchés ou activités économiques (« Utility Regulators ») disposent en particulier d'une gamme variée de compétences :

· Pouvoir de réglementation et de décision unilatérale dans l'application des règles de concurrence ou de fixation des tarifs par exemple.

· Pouvoir de sanction permettant notamment la régulation des restructurations d'opérateurs économiques ou le blocage d'opérations de fusion ou de participations financières contraires à l'intérêt public.

Si les « Agences d'intérêt général » peuvent disposer de certaines de ces compétences, le législateur leur confère une moindre portée souvent. Ainsi la « Commission for Racial Equality » ou l'« Equal Opportunities Commission » disposent de certains pouvoirs d'exécution de la réglementation anti-discrimination mais ne peuvent agir directement dans la gestion de situations individuelles. Elles ne peuvent, le plus souvent, qu'assister la personne concernée qui souhaite intenter une action en justice.

En revanche tous les organes indépendants de régulation peuvent être aujourd'hui considérés comme possédant des pouvoirs d'orientation de politique administrative (« Policy Powers »).

Par leur expertise, elles pèsent sur les choix stratégiques ; par les nouvelles procédures qu'elles introduisent (audiences publiques - « Public hearing », enquêtes, communications de documents), elles modifient le processus de décision.

Elles permettent surtout à de nouveaux acteurs d'entrer dans l'espace de régulation (« Regulatory Space ») : Concurrents économiques, sociétés étrangères, groupements d'usagers.

Elles contribuent ainsi, en particulier, à un mouvement croissant de « judiciarisation » de la vie publique, un peu à l'instar des États-Unis, en multipliant l'intervention de règles ou de procédures formelles là où dominaient auparavant des procédures informelles.

La meilleure illustration de ce phénomène se trouve sans doute dans la nouvelle régulation des marchés financiers, incluant celui de la « City » à Londres.

2. Les modalités du contrôle exercé

Deux formes de contrôle exercé soit indirectement sur les membres des Agences indépendantes ou leur budget, soit directement sur leurs actes peuvent être combinés.

A. Les éléments de contrôle indirect

En ce qui concerne le contrôle sur les personnes, il peut résulter du pouvoir de nomination des membres dirigeants des Agences indépendantes qui appartient au gouvernement. L'expérience britannique montre toutefois que les personnes nommées ne sont pas dans une très large majorité rattachées à un parti (une étude a montré qu'entre 1990 et 2001, un seul membre d'Agence avait eu, avant sa nomination, une activité politique632) et que ce pouvoir de nomination n'est donc pas en général utilisé comme une arme de contrôle politique.

Il en va de même le plus souvent du pouvoir de renouvellement des fonctions dans la mesure où, au Royaume-Uni, les membres d'Agences indépendantes sont nommés pour des périodes relativement limitées.

Les études statistiques révèlent par ailleurs que durant la période 1990-2001, cinq personnes seulement sur trente-trois membres dirigeants d'Agences ont quitté leur fonction avant leur terme.

Relativement au domaine budgétaire, le gouvernement détient pour l'essentiel la clé des allocations de crédit aux Agences indépendantes et pourrait chercher à utiliser ces pouvoirs budgétaires pour contrôler ou influencer l'organisme. Ces crédits qui proviennent généralement des finances de l'État font l'objet d'une inscription annuelle mais l'expérience britannique montre là encore que les pouvoirs publics ne semblent pas utiliser une telle arme à des fins de contrôle politique ou pour réduire l'indépendance présumée de l'Agence.

Ces budgets, comme le nombre des personnels des Agences, demeurent d'ailleurs relativement modestes. (Cf. Annexe 2, p. 360)

B. Les éléments de contrôle direct

Il peut d'abord s'agir d'un contrôle interne. Ainsi, dans certains cas, le ministre peut accepter ou rejeter les « recommandations » des directeurs des agences indépendantes. Le gouvernement pourrait ainsi demander au Parlement de modifier le statut d'un organisme dans un but de contrôle ou de pressions diverses.

De manière générale, ces types d'intervention apparaissent exceptionnels dans le cadre britannique. Le faible usage des possibilités de contrôle ex-post souligne donc encore l'autonomie des Agences indépendantes. Leurs décisions restent toutefois soumises au contrôle de légalité mis en œuvre par les juridictions britanniques.

Le Royaume-Uni apparaît, ainsi aujourd'hui comme une bonne illustration de la place conquise par ces « Agences indépendantes » dans un système européen. Ayant su imposer leur indépendance face au pouvoir politique, elles ont conforté leurs compétences de régulation en montrant aux décideurs élus, les avantages stratégiques (assumer certaines décisions impopulaires, par exemple) que ceux-ci pourraient retirer de leur intervention « autonome ».

SUISSE

par M. François BELLANGER
professeur à l'Université de Genève, avocat

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La Suisse, avec sa structure fédérale à trois niveaux comprenant l'État fédéral, 26 cantons et 2880 communes politiques, offre de multiples exemples de modalités d'organisation de l'administration, de gestion des tâches publiques, et donc de recours à des autorités indépendantes. Nous restreindrons notre analyse à l'administration fédérale qui utilise les deux formes les plus courantes d'organisation d'une autorité indépendante : l'autorité indépendante rattachée à l'administration centrale (I) et l'autorité indépendante entièrement autonome (II). Nous prendrons un exemple pratique pour chacun de ces deux types de structures.

Tous les textes légaux cités sont accessibles sur Internet, sur le site de l'administration fédérale www.admin.ch, sous la rubrique « recueil systématique du droit fédéral. Il suffit d'accéder au lien correspondant à la mention « RS » à laquelle est accolé le numéro de classement de la loi, par exemple RS 952.0.

I - Les autorités indépendantes rattachées à l'Administration centrale

Pour accomplir certaines tâches publiques, le législateur a souhaité assurer une certaine autonomie de décision à une autorité tout en la maintenant liée matériellement à l'administration centrale. Dans ces cas, le législateur a créé une structure détachée du pouvoir hiérarchique de l'exécutif mais intégrée à l'administration centrale pour les questions de responsabilité et de personnalité morale ou, parfois, si elle n'est pas autonome financièrement, aussi de locaux, de financement et de personnel.

Ce type d'organisation dans lequel une unité administrative est partiellement autonome tout en étant dépourvu de la personnalité juridique est qualifié de rapport d'indépendance avec rattachement à l'administration. Cette forme d'organisation est utilisée pour des unités qui doivent disposer d'une large autonomie pour accomplir les tâches qui leur sont confiées, notamment pour les autorités ayant une fonction de contrôle ou de régulation.

L'autorité indépendante agit au nom et pour le compte de l'État mais sans lui être subordonnée, en dépit de son rattachement. Elle ne peut donc recevoir d'instructions sur la manière d'exécuter les tâches étatiques qui lui sont confiées. L'article 8, alinéa 2, de l'Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1 ; OLOGA) prévoit ainsi expressément que « Les unités rattachées administrativement sont en règle générale, en ce qui concerne la gestion des ressources, assimilées à l'administration fédérale centrale ; elles exécutent leurs tâches sans être liées par des instructions »633. L'activité de ces commissions fait uniquement l'objet d'un contrôle judiciaire634.

Au plan fédéral, il existe plusieurs unités de ce type :

- Le Préposé fédéral à la protection des données (article 26, alinéas 1 & 2, de la Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD, RS 235.1) : le Préposé fédéral à la protection des données est nommé par le Conseil fédéral ; il s'acquitte de ses tâches de manière autonome et est rattaché administrativement au Département fédéral de justice et police) ;

- Le Contrôle fédéral des finances (voir la Loi fédérale du 28 juin 1967 sur le Contrôle fédéral des finances (Loi sur le Contrôle des finances, LCF, RS 614.0) ;

- La Commission fédérale des banques (articles 23 à 24 de la Loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne (Loi sur les banques, LB), RS 952.0 ;

- La Commission de la concurrence (articles 18 à 25 de Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (Loi sur les cartels, LCart), RS 251) ;

- La Commission fédérale de la communication (articles 56 et 57 de la Loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC), RS 784.10).

- La Commission fédérale des maisons de jeu (articles 49 à 53 de la Loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeu (Loi sur les maisons de jeu, LMJ), RS 935.52).

À titre d'exemple, la surveillance des banques, des fonds de placement, des bourses et des négociants en valeurs mobilières, de la publication des participations importantes et des offres publiques d'acquisition, est confiée à une Commission de sept à onze membres nommée par le Conseil fédéral. Cette Commission agit de sa propre autorité et est assistée d'un secrétariat permanent (article 23 LB).http://www.admin.ch/ch/f/rs/952_0/a23.html - fn2 Elle a le droit de prendre « les décisions nécessaires à l'application de la loi » et de veiller au respect des prescriptions légales (article 23bis LB). Sur cette base, elle peut notamment prendre des mesures préventives contre les banques, afin que celles-ci respectent la loi. L'article 23ter LB lui octroie également le droit, lorsqu'elle apprend qu'une infraction aux prescriptions légales ou d'autres irrégularités ont été commises, de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de l'ordre légal et à la suppression des irrégularités. Elle peut aller jusqu'à révoquer une licence bancaire. La Commission peut également entretenir des relations directes avec ses homologues étrangers dans la mesure où cela est nécessaire pour sa mission de surveillance (article 23septies LB).

Du point de vue de l'organisation, la Commission est rattachée au Département fédéral des finances. Elle est autonome du point de vue financier dans la mesure où ses émoluments de surveillance sont fixés de façon à couvrir ses frais de fonctionnement635.

L'organisation et le fonctionnement des autres autorités indépendantes correspondent de manière générale à ce modèle.

II - Les autorités indépendantes entièrement autonomes

Dans le cadre de la réforme de l'administration fédérale, la Confédération a décentralisé des services de l'administration afin de les rendre plus efficients et indépendants financièrement. Dans le domaine des autorités administratives chargées de tâches d'autorité, cette réforme a provoqué la création de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI). Une entité intercantonale chargée de contrôler l'importation et la mise en vente de médicaments en Suisse a été également « fédéralisée » sous la forme d'un établissement public autonome, dénommé « SWISSMEDIC »636.

L'IFPI est chargé de la gestion des droits de propriété intellectuelle (notamment brevets, marques, designs, dessins et modèles industriels) (article 1 de la Loi fédérale sur le statut et les tâches de l'Institut fédéral de la Propriété intellectuelle du 24 mars 1995 (LIPI, RS 172.010.31)). Il est organisé sous la forme d'un établissement de droit public de la Confédération, doté de la personnalité juridique. Sa structure implique qu'il est autonome dans son organisation et sa gestion, mais reste soumis à la surveillance du Conseil fédéral (article 9 LIPI). Ce pouvoir de surveillance est limité au contrôle de l'activité, il ne permet en principe pas au Conseil fédéral de donner des instructions particulières relatives au fonctionnement ou à la gestion de l'IFPI. L'Institut tient sa propre comptabilité et doit être géré selon les principes de l'économie d'entreprise.

Les organes de l'IFPI sont nommés par le Conseil fédéral (article 3 LIPI). Ils se composent d'un conseil de l'Institut chargé essentiellement de la haute direction (approbation du rapport de gestion, des comptes annuels et du budget annuel ; article 4 LIPI), d'un directeur chargé de la gestion de l'établissement (articles 5 et 7 LIPI) et d'un organe de révision qui contrôle la comptabilité et fait un rapport annuel au conseil de l'institut (article 6 LIPI).

L'IFPI étant chargé de toutes les tâches d'autorité liées à l'application des diverses lois de propriété intellectuelle, la loi prévoit, en dérogation au système usuel de surveillance, qu'il est tenu de respecter les directives du Conseil fédéral ou du Département compétent pour ces tâches (article 5, alinéa 1, LIPI). Il est en revanche libre de gérer ses autres activités dans la mesure où elles ne constituent pas des tâches relevant de la souveraineté ; l'IPFI peut ainsi fournir, dans le domaine relevant de sa compétence, des prestations de service sur la base du droit privé (article 2, alinéa 1, litt. g LIPI).

Outre l'exécution des lois et les prestations de services privées, l'IFPI peut assister des services généraux à la Confédération dans le domaine de la propriété intellectuelle, par exemple en conseillant le Conseil fédéral et les autres autorités fédérales dans le domaine de l'économie générale sur les questions relatives à la propriété intellectuelle ou en représentant la Suisse pour le compte de la Confédération auprès d'instances internationales (article 2, alinéa 1, litt. c et d).

Les moyens d'exploitation de l'IFPI se composent des taxes qu'il perçoit pour les activités relevant de la souveraineté de l'État, des rémunérations qu'il demande pour les prestations de service et des indemnités qui lui sont versées au titre des prestations en faveur de l'économie générale (article 12 LIPI).

Pour les activités relevant de la souveraineté, l'Institut perçoit des taxes sur la délivrance et le maintien en vigueur des titres de propriété intellectuelle, la tenue et la mise à disposition des registres, l'octroi d'autorisations et la surveillance des sociétés de gestion collective, et les publications légalement prescrites. Ces taxes sont fixées de manière à ce qu'en tenant compte de l'ensemble des ressources de l'IFPI, elles assurent la couverture des coûts inhérents à chaque domaine juridiquement protégé, et ce sur une période de quatre ans en moyenne (article 13 LIPI).

En revanche, pour les prestations fournies à l'économie privée, l'IFPI doit appliquer les prix du marché afin d'éviter une éventuelle atteinte à la concurrence (article 14 LIPI).

Le fonctionnement de SWISSMEDIC est similaire (article 68 à 81 LPTh).

UNION EUROPÉENNE

par Mme Sophie PEREZ
maître de conférences à l'Université Sophia Antipolis (Nice)

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Quelles que soient leurs appellations, il existe aujourd'hui dans le système institutionnel de l'Union un foisonnement d'organes qui répondent à des besoins diffèrents, mais qui demeurent liés aux modalités d'action de l'Union et qui ont pour caractéristique le fait qu'ils sont créés par des actes de droit communautaire dérivé637. Pourtant, les traités originaires, contrairement à certaines organisations internationales n'avaient pas prévu la multiplication d'éventuels organes subsidiaires638. Mais la diversification des compétences de l'Union et la complexification du processus décisionnel vont obliger les Institutions à se doter d'un pouvoir d'expertise. Elles l'ont fait tout d'abord en créant des organes dits techniques, dont certains relèvent de la comitologie639 (donc d'une procédure bien précise) et d'autres purement techniques, c'est-à-dire qu'ils sont créés le plus souvent afin de fournir un avis, dans un objectif précis et dépendent de l'institution qui a été à l'origine de leur création, quant à leur composition, leur durée et leurs attributions. Il faut donc écarter de l'étude ces entités car elles ne disposent d'aucune indépendance, ni sur le plan organique, ni sur le plan fonctionnel.

Mais elles l'ont fait aussi, par la suite, à travers la pratique qui consiste à mettre en place des agences communautaires, c'est-à-dire des organismes de droit public européen, distinct des institutions communautaires (Conseil, Parlement, Commission, etc.) et possédant une personnalité juridique propre. Juridiquement, leur création est réalisée par un acte communautaire de droit dérivé en vue de remplir une tâche de nature technique, scientifique ou de gestion bien spécifique et précisée dans l'acte. Ce type de création et leur développement ont été inspirés, comme dans la plupart des États membres par la recherche d'une capacité d'expertise accrue (par exemple, création dès 1975 du centre européen de la Formation professionnelle), d'une meilleure adaptation à des situations de crise pour certaine institutions (création de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire en 2002), ou encore pour améliorer l'innovation et la performance de l'Union ( création de l'Agence européenne des médicaments en 1993640).

De ce point de vue, ces entités ne peuvent pas toutes s'apparenter à des autorités indépendantes même si, extérieurement, malgré l'ambiguïté du concept, elles ressemblent à des autorités de régulation et en tout cas participent à ce que la Commission appelle la corégulation. Pourtant, la plupart d'entre elles, même lorsqu'elles ont le titre d'autorité (L'Autorité pour la Sécurité Alimentaire par exemple), elles ne sont pas dotées d'un pouvoir de décision autonome. Elles ne sont que des donneuses d'avis et ne peuvent que jouer un rôle d'influence auprès des institutions et des États membres, qui souvent les ont inspirées.

Même si ses agences n'ont pas un statut unifié, ni en termes d'Autorité, ni en termes d'indépendance, elles ont la particularité de s'inscrire dans la volonté de définir une nouvelle gouvernance européenne de l'administration de l'Union, symbolisée par la Commission. Améliorer la gouvernance au sein de l'Union est en effet une priorité pour cette Institution depuis une dizaine d'années (elle a entrepris une réforme complète de son administration dans cette perspective)641 et la multiplication des agences et offices de l'Union depuis cette période n'est pas le fruit du hasard642. Ces créations correspondent aussi à une ouverte du système institutionnel de l'Union à la société civile, qui avait d'ailleurs été confirmée dans le projet de Constitution pour l'Europe643. Mais au regard du système institutionnel de l'Union, cette volonté de transparence a conduit à une perturbation de l'organisation originelle, porteuse d'un équilibre reposant sur différentes légitimités. Souvent leur création correspond par conséquent un aveu d'impuissance, tout comme l'a été la création de ce type de structures dans les États membres644. En effet, si les règles n'ont pas l'adhésion des citoyens ou sont mal appliquées, le système institutionnel dans son ensemble se trouve mis en question. Outre une nouvelle approche de l'élaboration des politiques faisant appel à une participation plus large, l'Union a donc investi dans les avis d'experts sur lesquels elle entend désormais fonder son action645. Les agences sont donc, dans ce contexte, sensées améliorer la qualité de la législation, en assurant notamment une meilleure application et un meilleur contrôle de celle-ci. Les créations seront donc particulièrement axées sur la prévention des risques en matière de santé humaine et animale ( par exemple l'Agence européenne pour l'environnement646, l'Agence européenne des médicaments647 , l'Office communautaire des variétés végétales648 ou encore l'Autorité européenne pour la sécurité alimentaire649) ou sur l'amélioration de la législation sociale (La Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail par exemple a été instituée pour fournir des avis autorisés et des conseils aux responsables de la politique sociale)650. Dans ces domaines, les Institutions (particulièrement la Commission qui est à l'origine des actes communautaires) s'en remettent au savoir des spécialistes pour anticiper et cerner la nature des difficultés et des incertitudes auxquelles l'Union est confrontée, et pour prendre des décisions afin de faire en sorte que les risques puissent être exposés clairement et simplement au public.

On peut également constater que ces agences ne se limitent plus désormais à la sphère communautaire (premier Pilier) mais sont aussi présentes dans les deuxième et troisième pilier. Dans ce contexte, plus intergouvernemental, elles peuvent être considérées comme des modalités spécifiques d'action (Europol et Eurojust dans le troisième Pilier chargés d'organiser la coopération policière et judiciaire au niveau de l'Union par exemple, ou le Centre satellitaire de l'Union qui a pour mission de soutenir le processus de prise de décision de l'Union dans le cadre de la PESC), d'avantage que comme des instances de régulation. On trouve cependant des objectifs d'expertises dans ces organismes (par exemple, L'Institut d'études de sécurité (IES) de l'Union européenne qui effectue des analyses prospectives pour le compte du Conseil de l'Union européenne et des hauts représentants pour la PESC). Composée de représentants des États membres, ces instances ont des statuts d'indépendance (Europol et Eurojust par exemple) mais ne disposent pas de véritables capacités opérationnelles et dépendent des États membres (et du Conseil de l'Union) quant aux évolutions de leurs compétences et de leurs statuts.

Ainsi, dans la mesure ou l'on s'en tient à une conception restrictive de l'autorité administrative indépendante à la française, c'est à dire sous entendant l'existence d'un « véritable statut d'autorité, traduit par l'existence d'un pouvoir de décision, et une indépendance garantie par des règles précises de composition »651, très peu d'agences de l'Union répondent à cette définition (seuls l'Office d'harmonisation du marché intérieur (OHMI) et dans une certaine mesure, l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) ont un pouvoir de décision).

Mais si l'on retient une définition plus extensive qui admet que « l'autorité morale ou l'exercice d'une influence déterminante puissent définir ce type d'institution »652, certaines agences peuvent prétendre en effet à ce statut, bien que leur influence soit à ce jour encore peu visible.

Opérer une classification des agences de l'Union s'avère donc difficile car si ce mouvement est tout à fait spectaculaire depuis quelque temps, il ne s'impose toujours pas comme une véritable caractéristique institutionnelle même s'il est clairement inscrit dans la logique du gouvernement en réseau. L'influence des États membres dans ce phénomène est en effet essentielle. Certaines agences ont en effet été créées afin de devenir coordinatrices d'agences nationales. Ce fut le cas par exemple de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, dont le règlement portant création indique clairement que l'Autorité a été mise en place afin de favoriser le fonctionnement en réseaux européens des organismes nationaux653. Ainsi, la création d'agences au sein de l'Union aboutit pour les États membres à une consolidation du principe de l'article 10 TCE (coopération loyale), soit par incorporation des tâches, soit par la mise en gravitation des agences nationales autour d'elle. Dans ce cas, la création communautaire correspond bien, comme pour l'Autorité européenne de sécurité des aliments à une mise en réseau ou à une européanisation des régulateurs nationaux654.

I - Les modalités de création

Toutes les Agences de l'Union sont créées par des actes de droit communautaire dérivé, c'est-à-dire par voie de Règlement (voir annexe). Cependant, les Agences issues de la mise en œuvre des deuxième et troisième piliers présentent des caractéristiques spécifiques. Les agences deuxième pilier relèvent d'Actions communes du Conseil, ainsi qu'Europol et Eurojust dont le statut embryonnaire est issu pour le premier d'une Action commune du Conseil, puis d'une Convention pour son statut, et d'une Décision du Conseil pour le second. Ces deux organismes figurent également dans les articles 29, 30 et 31 TUE consacrés à la coopération policière et judiciaire dans le domaine pénal au sein de l'Union.

II - La position de ces entités par rapport au pouvoir législatif, exécutif et judiciaire

Cette position dépend essentiellement de leur place dans le système institutionnel : si elles dépendent de la mise en œuvre du marché intérieur au sens large du terme, c'est à dire du premier Pilier, elles seront non seulement créées, on l'a vu, par un acte de droit dérivé selon la procédure ordinaire (impliquant la codécision avec le Parlement Européen), mais leur Conseil d'administration reposera à la fois sur une représentation des institutions mais aussi sur la présence des États membres, surtout si l'objectif de l'agence est une mise en réseau des organisme nationaux. Par exemple, l'article 8 du règlement portant création de l'Agence européenne de l'environnement dispose que « 1. L'agence a un conseil d'administration composé d'un représentant de chaque État membre et de deux représentants de la Commission.

En outre, le Parlement européen désigne, en tant que membres du conseil d'administration, deux personnalités scientifiques particulièrement qualifiées dans le domaine de la protection de l'environnement, qui sont choisies sur la base de la contribution personnelle qu'ils sont susceptibles d'apporter aux travaux de l'agence ».

Si elles sont chargées, pour la plupart de fournir à la Communauté et aux États membres les informations objectives nécessaires à la formulation et à la mise en oeuvre des politiques communautaires, elles ont tout de même pour principal client institutionnel la Commission, à qui elles doivent fournir notamment les informations qui lui sont nécessaires pour mener à bien ses tâches d'identification, de préparation et d'évaluation des mesures à prendre pour la législation. Cependant, le principe de la séparation fonctionnelle entre évaluation (rôle de l'Agence) et gestion (rôle de la Commission) n'est pas remis en cause dans le statut de ces entités. Par exemple, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, lorsqu'elle donne des avis à la Commission, n'a aucune garantie qu'ils seront suivis d'effets655. Le règlement fondateur de cet organisme prévoit en effet que l'Autorité est uniquement chargée de fournir des avis et des recommandations mais que la responsabilité des décisions et du contrôle concernant la gestion des risques relève de la compétence des Institutions politiquement responsables ainsi que le prévoit le traité, en l'espèce de la Commission656. On retrouve les mêmes dispositions dans le Règlement portant création de L'Agence européenne des médicaments (EMEA)657 qui dispose que la Commission, même si elle doit agir en étroite collaboration avec elle, et après consultation des États membres, a la tâche de coordonner l'exécution des différentes responsabilités de surveillance qu'exercent les États membres et, en particulier, la fourniture d'informations sur les médicaments, le contrôle du respect des bonnes pratiques de fabrication, des bonnes pratiques de laboratoire et des bonnes pratiques cliniques.

Ces agences ont aussi pour tâche de conseiller les États membres, à leur demande pour le développement, la création et l'extension de leurs propres systèmes. L'activité de conseil peut inclure l'examen critique par les experts à la demande expresse des États membres mais également la mise en réseau des informations nationales. C'est le cas par exemple pour l'Agence européenne de l'environnement ou de l'Autorité européenne de sécurité des aliments ou encore de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies658.

Le règlement 178/2002 (qui a créé l'EFSA) prévoit en effet que cette instance agit en étroite coopération avec les instances compétentes des États membres qui accomplissent des missions analogues à celles de l'Autorité. Il a prévu pour cela l'établissement d'un réseau des organismes opérant dans les domaines relevant de sa mission et la mise en place d'un forum consultatif qui se compose des représentants des instances analogues à celle de l'Autorité elle-même. Il se réunit 4 fois par an et a pour mission de conseiller le directeur exécutif de l'EFSA, et de constituer un mécanisme d'échanges d'information sur les risques potentiels et la mise en commun des connaissances.

En ce qui concerne l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, il a également créé un réseau européen d'information sur les drogues et les toxicomanies. Ce dernier appelé « réseau européen d'information sur les drogues et les toxicomanies » (Reitox) est une infrastructure de collecte et d'échange d'informations et de documentation qui s'appuie sur un système informatique propre reliant les réseaux nationaux d'information sur les drogues, les centres spécialisés existants dans les États membres et les systèmes d'information des organisations et organismes internationaux ou européens coopérant avec l'observatoire.

Ainsi, pour certaines agences, les échanges d'expertises concernent aussi d'autres États, non membres de l'UE, identifiés ou non, ainsi que certaines organisations internationales. Par exemple L'Agence européenne des médicaments (EMEA) fonctionne également en réseau et coordonne les ressources scientifiques mises à disposition par les autorités nationales des États membres de l'Union européenne et des pays de l'EEE-AELE, afin d'assurer une évaluation et supervision des médicaments du plus haut niveau en Europe. Là encore, le système mis en place nécessite étroite coopération entre l'agence et les scientifiques qui opèrent dans les États membres. Enfin, l'EMEA travaille aussi en étroite collaboration avec des partenaires internationaux afin de renforcer la contribution de l'UE aux efforts d'harmonisation mondiale.

III - Les Agences et le contentieux communautaire

Dans la mesure où la plupart de ces agences n'ont pas de pouvoir décisionnel autonome et qu'elles ne sont pas non plus des institutions au sens de la nomenclature, elles n'ont que peu de rapport avec le système juridictionnel de l'Union. Cependant, cela ne les empêche pas d'être à l'origine de contentieux, de façon indirecte, sur la base des avis qu'elles peuvent être conduites à donner et qui sont ou non suivis par la Commission. Ces dernières années, les exemples n'ont pas manqué, notamment concernant des décisions de refus de mise sur le marché de certains médicaments, que la Commission avaient adoptées conformément à des avis donnés par l'EMEA659.

Une seule Agence, qui en droit interne ne pourrait être qualifiée d'Autorité administrative indépendante en raison de son activité mais qui au niveau de l'Union contribue directement à la mise en œuvre du marché intérieur, dispose d'un réel pouvoir de décision autonome. À ce titre, ses décisions sont directement attaquables auprès du Tribunal de première instance, selon une procédure parte et ex-parte. Il s'agit de L'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur et de la marque communautaire (OHMI)·. Cet organisme qui permet l'enregistrement d'une marque au niveau communautaire prévoit en effet la possibilité d'attaquer la décision de l'office devant une chambre de recours de l'Office, puis d'attaquer les décisions de cette chambre devant le TPI, puis éventuellement devant la CJCE. Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir. La juridiction communautaire a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée. Le recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n'a pas fait droit à ses prétentions et l'Office est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du TPI ou de la Cour de justice. Un autre règlement portant sur la protection de la propriété intellectuelle des variétés végétales prévoit une procédure analogue à celle de l'OHMI et prend des décisions susceptibles de recours devant des chambres, dont les décisions sont, à leur tour, attaquables devant les juridictions communautaires (TPI/CJCE). Elle met également en place une coopération administrative et judiciaire avec les États membres. L'Office communautaire des variétés végétales660 peut en effet accorder la protection communautaire des obtentions végétales en tant qu'objet de propriété. Celle-ci sera alors considérée à tous égards et pour l'ensemble du territoire de la Communauté comme un droit de propriété équivalent de l'État membre et su le territoire communautaire. Avec l'accord du conseil d'administration visé à l'article 36 du règlement, l'Office peut aussi charger des agences nationales de l'exercice de certaines de ses fonctions administratives ou établir à cette fin ses propres services dans les États membres, sous réserve du consentement de ces derniers.

IV - Les conditions de nominations de leurs membres, les garanties d'indépendance, et les modalités de contrôle de leurs activités

Les agences ont une personnalité juridique qui s'étend dans chacun des États membres, la plupart d'entre elles possèdent la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale.

Elles ont aussi un statut d'indépendance mais la composition des organes de direction des Agences communautaires dépendent étroitement pour leur nomination des États membres ainsi que du Conseil ou de la Commission selon le type d'agence. Parfois le Parlement est associé à ces nominations, c'est le cas par exemple pour l'Agence européenne de l'environnement, dont le règlement dispose en son article 8 que « l'agence a un conseil d'administration composé d'un représentant de chaque État membre et de deux représentants de la Commission. En outre, le Parlement européen désigne, en tant que membres du conseil d'administration, deux personnalités scientifiques particulièrement qualifiées dans le domaine de la protection de l'environnement, qui sont choisies sur la base de la contribution personnelle qu'ils sont susceptibles d'apporter aux travaux de l'agence ».

L'agence européenne d'évaluation des médicaments est composée de comités nationaux, mais aussi de comités issus de la Commission et son Conseil d'administration traduit également cette dualité Commission- États-membres. Dans les Agences deuxième et troisième Pilier, les nominations dépendent exclusivement du Conseil et des États membres. Les conditions de nomination des membres d'Europol et d'Eurojust sont exemplaires à cet égard. Ils jouissent d'un statut garantissant l'indépendance de leurs membres, ces derniers sont nommés par le gouvernement des États membres. Ces organismes dépendent étroitement du Conseil, devant lequel ils sont responsables.

Enfin, en ce qui concerne leurs financements, les agences CE dépendent du budget général communautaire mais les agences deuxième et troisième pilier dépendent des États membres.

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N° 3166 -Tome II - Rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes : Annexes (M. Patrice Gélard)

1 Sur cette notion de l'apparence, en tant qu'on donne à voir une qualité, par delà le seul fait qu'on la possède, v. infra.

2 V. infra

3 Il convient d'y ajouter le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, qualifié expressément d'Autorité administrative indépendante par l'Ordonnance n°2005-1126 du 8 septembre 2005 (codifiant l'article L. 821-1 du Code de commerce).

4 V. supra la liste des organismes dont la pertinence a été retenue pour cette étude.Certains expressément ou incontestablement constitutifs d'Autorités administratives indépendantes (tels que l'AMF, l'ARCEP, la CRE, le Médiateur de la République, etc.). La qualification d'autres était moins évidente mais avait été soutenue avant même que la loi éventuellement n'intervienne pour la leur conférer expressément (ainsi jusqu'en 2004 le Comité National Consultatif d'Ethique, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, ou le Haut Conseil du commissariat aux comptes). D'autres ont une qualification controversée, par exemple le Bureau Central de Tarification que le Conseil d'Etat considère dans son étude de référence comme une Autorité administrative indépendante, alors que lui-même, dans sa réponse au questionnaire, ne va guère dans ce sens, parce qu'il n'estime pas être partie de l'Etat. La liste vise encore des organismes pour lesquels la qualification ne s'applique pas, faute d'indépendance juridiquement organisée vis-à-vis du Gouvernement (comme l'Agence Française de Sécurité Sanitaire et des Produits de Santé), et pour lesquels la qualification pourrait être à l'avenir adéquate.

5 Cela démontre de ce seul fait que la définition des Autorités administratives indépendantes par la forme juridique qui leur est commune est moins fortement ancrée que leur définition par leur fonction, secteur par secteur, mission par mission. Cela peut avoir des répercussions, par exemple en matière budgétaire, dans leur rattachement à des missions diverses au sein de la LOLF. Pour une analyse complète de cette question, v. infra.

6 V. infra.

7 V. infra

8 V. infra.

9 V. infra.

10 L'étude jouxte alors les méthodes de la sociologie législative.

11 On remarquera que les entretiens demandés ont été très largement accordés et souvent fort bien préparés par les personnes sollicitées, que ce soient les Autorités administratives indépendantes elles-mêmes les parties prenantes, telles que les juridictions, administrations traditionnelles ou entreprises du secteur concerné. Cela a été moins vrai de la part des organismes qui ont vocation à représenter la société civile, comme le MRAP, ou la Ligue des droits de l'Homme. Il en résulte une vision parfois partielle, précisément quant à la participation et aux intérêts des citoyens et des consommateurs, essentiellement perçue à travers l'entretien accordé par UFC - Que Choisir. Cela révèle aussi en soi que la maturité sociale et associative quant à l'importance des Autorités administratives indépendantes n'est pas encore atteinte. C'est sans doute une raison de plus pour que le législateur cherche à l'accroître, par exemple à travers des mécanismes de saisine (v. infra). La plupart des entretiens sont demeurés informels.

12 Je remercie également Olivier Boulon et David Revelin, qui ont apporté leur aide lors de la menée des entretiens.

13 Conseil constitutionnel, décision n°99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, Rec., p. 136

14 C'est alors la jurisprudence qui y procède, voire le seul fait pour l'Autorité d'être classée ainsi, par exemple à travers le rapport précité du Conseil d'Etat. Ainsi, la Commission de Régulation de l'Energie n'a pas été qualifiée d'Autorité administrative indépendante par la loi, mais elle est visée dans ce rapport, et considérée comme telle par tous. Voilà la qualification par commune renommée. Cela se pose d'une façon plus particulière lorsque l'organisme en cause a été créé à une époque où la notion d'Autorité administrative indépendante n'existait pas. Ainsi, le Bureau Central de Tarification, expose, dans sa réponse au questionnaire, que « le Bureau central de tarification est un organisme ad hoc, créé en 1958, avant l'apparition de la notion d'AAI. ». Il ne prend pas position dans la suite de la réponse sur la nature juridique intrinsèque de l'organisme, notamment parce qu'il n'est pas acquis qu'il agisse au nom de l'Etat. Plus généralement, lorsque le député Léonce Deprez demande, dans la question écrite précitée du 24 mai 2005, au Premier Ministre la liste des Autorités administratives indépendantes, la réponse qui lui est faite débute par l'affirmation selon laquelle « la notion d'autorité administrative indépendante ne correspond pas à une catégorie juridique prévue par la Constitution ou par la loi. ... Certaines sont expressément qualifiées par la loi qui les institue ... D'autres se sont vu attribuer au cas par cas cette qualification par la jurisprudence. D'autres encore sont « reconnues » par la doctrine, au vu d'un ensemble de critères ... ».

15 Sur la notion même d'Autorité administrative indépendante, v. infra.

16 Sur cette idée comme quoi les choses se sont faites sans grande raison, v. entretien avec Cédric Musso, chargé des relations institutionnelles à l'UFC - Que Choisir, qui estime que : « Dans la pratique, l'AAI est un ovni parlementaire, lié à la qualification de la CNIL en AAI, repris ensuite dans d'autres lois et par la jurisprudence. Le juge pourra-t-il continuer à étendre indéfiniment la qualification d'AAI ? ».

17 V. infra.

18 Devenue l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste (ARCEP) par la loi du 20 mai 2005, lui confiant également la régulation postale et accroissant ses compétences des télécommunications aux communications électroniques.

19 Tout d'abord par la loi du 10 février 2000 Commission de régulation de l'électricité, puis par la loi du 3 janvier 2003 lui confiant également la régulation du gaz. Elle devient alors Commission de régulation de l'énergie.

20 Sur la reddition que les Autorités administratives indépendantes doivent faire de leur activité, v. infra.

21 L'OFTEL est devenu OFCOM, Office of communication depuis l'entrée en vigueur du Communications Act de 2003.

22 V. infra.

23 Ainsi, alors que d'autres estiment que le mouvement de création des Autorités administratives indépendantes est réversible (v. infra), le Haut Conseil du commissariat aux comptes, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Dans le domaine de l'audit, le contexte tant national qu'international impose la création d'une structure de surveillance sous la forme d'une autorité administrative indépendante ». On retrouve le même argument sous la plume du CECEI, qui, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Dans le secteur bancaire et financier, et sans préjudice de l'architecture choisie tant au plan national que communautaire, les évolutions européennes tendent à pérenniser l'existence d'autorités indépendantes en charge de la régulation du secteur. ».

24 V. infra.

25 Sur le fait qu'il s'agit alors d'une régulation à temps compté, qui doit s'éteindre en même temps que la plénitude concurrentielle est obtenue, v. infra.

26 Par exemple, Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du Budget, souligne lors d'un entretien que l'émergence des AAI est « est une réponse politique au regard des difficultés parfois éprouvées par les pouvoirs publics à intervenir eux-mêmes dans certains secteurs ».

27 Renaud Chazal de Mauriac, premier président de la Cour d'appel de Paris, estime lors d'un entretien que «d'une part, la création de certaines AAI correspond à une défiance à l'égard du judiciaire. D'autre part, il peut y avoir une appréciation négative sur la capacité technique du judiciaire à intervenir dans certains secteurs. Si l'on prend l'AMF ou la HALDE, on constate des différences significatives. La HALDE est née d'un échec du judiciaire, tandis que l'AMF, comme l'ARCEP, sont liées au caractère très spécifique des matières traitées : il faut un dispositif extra judiciaire pour traiter celles-ci ».

28 Dans sa réponse au questionnaire, le Haut Conseil à l'intégration précise que son « rôle est d'élaborer la doctrine de la politique d'intégration, rôle qui ne [lui] est pas disputé par l'Etat. Paradoxalement, une telle tâche ne nécessite pas de moyens, mais l'Etat n'a pas les moyens d'élaborer lui-même cette doctrine ». Le Haut Conseil n'a d'ailleurs pas de souhaits concernant des pouvoirs qui devraient lui être conférés, puisqu'il exerce une influence et non pas des pouvoirs.

29 Par exemple, Renaud Chazal de Mauriac, premier président de la Cour d'appel de Paris, estime dans un entretien que la HALDE aura le bon effet d'aiguillonner les parquets mais estime qu' « il aurait fallu aiguillonner le Parquet plutôt que passer la main. Il aurait été préférable de cerner les juridictions en difficulté, et de les renforcer pour qu'elles puissent jouer pleinement leur rôle dans le domaine de la lutte contre les discriminations ».

30 Dans ce sens, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, souligne que c'est l'idée que s'en fait le corps social lui-même qui a justifié ce mouvement de création des Autorités administratives indépendantes : « Son développement éventuel continue de dépendre de la perception que les citoyens et le pouvoir politique auront de la capacité de l'Etat à traiter efficacement des problèmes complexes en toute indépendance et en dehors de tous conflits d'intérêts ».

31 Communiqué du Conseil des Ministres du 5 octobre 2005.

32 Il souligne, dans sa réponse au questionnaire que « Le manque de moyen pénalise le Conseil dans toutes ses missions transversales, l'essentiel des moyens étant absorbé par les procédures contentieuses. La priorité serait de créer, en interne et hors contentieux, une capacité d'analyse juridique et économique autonome et de disposer de crédits pour la commande d'études ou d'expertises. ». Sur la question, corrélée, liée au fait que le Conseil de la concurrence n'a pas de service d'enquête propre et son articulation avec la DGCCRF, v. infra.

33 La HALDE précise, dans sa réponse au questionnaire que « le Comité consultatif désigné par le collège apporte son expertise sur un ordre du jour fixé par le collège, à qui il doit rendre compte ».

34 Sur ce choix politique de méthode, v. infra.

35 Par exemple et parmi de nombreuses autres la CNIL, le CSA, la CADA, la HALDE, le Défenseur des enfants ou encore la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

36 Déc. Cons. Const. N° 88-248 DC du 17 janvier 1989, CSA, Rec., p. 18.

37 V. infra.

38 Décision n°82-143 DC du 30 juillet 1982, dite « Blocage des prix et des revenus » (Rec., 57, GDCC n°33). Cependant, le Conseil constitutionnel semble revenir vers une volonté de plus fort respect du domaine réglementaire contre le pouvoir législatif (décision n°2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école)

39 V. infra.

40 V. infra

41 V. infra

42 V. infra

43 Par exemple, l'article L. 621-5-1 du Code monétaire et financier pour l'AMF.

44 La CNIL s'appuie pour cela sur la loi du 6 janvier 1978..

45 Par exemple, l'article 621-1 définit l'information privilégiée, ce que ne fait pas d'une façon aussi précise le Code monétaire et financier. 

46 Par exemple, Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication à l'UFC - Que Choisir, souligne dans un entretien : « ... on a de fortes différences entre les AAI. Par exemple, le Conseil de la concurrence est plutôt un juge, alors que l'ARCEP structure les marchés ex ante. Selon moi, le Conseil de la concurrence ne pourra qu'agir ex post ».

C'est exactement ainsi que l'entend l'ARCEP qui, dans sa réponse au questionnaire, souligne que « ... dès sa création, les relations avec le Conseil de la concurrence se sont inscrites dans une optique de complémentarité entre les deux institutions : au Conseil la répression des comportements anti-concurrentiels et à l'Autorité la régulation ex ante pour prévenir la survenance de tels comportements. ».

47 Par exemple, Le Médiateur de la République souligne, dans sa réponse au questionnaire, qu'il « tient une place atypique dans le champ des AAI. Institution sui generis puisqu'elle n'a pas été créée comme une autorité de régulation de l'activité administrative. ». De la même façon, l'Autorité des Marchés Financiers souligne qu'elle est du fait de l'attribution de la personnalité morale une institution sui generis.

48 V. infra.

49 V. infra.

50  Ce à quoi répondront les relations nécessaires entre les Autorités administratives indépendantes, perfectionnant mais aussi compliquant le fonctionnement du système, v. infra.

51 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, souligne que la fusion qu'elle a constituée entre la COB et le CMF, a eu pour vertu de permettre « une meilleure lisibilité de la régulation ».

52 Sauf à poser qu'il convient de ne plus en créer de nouvelles. V. infra.

53 Cass. Ass. Plén. 5 février 1999, Bull. civ., n°1, p. 1.

54 CE Ass. 3 décembre 1999, Didier, Rec., p. 399, RFDA 2000, p. 584, concl. A. Seban.

55 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, en raison au questionnaire, affirme que « L'indépendance est fondamentale et indispensable au bon exercice de la mission de régulation financière ».

C'est encore le même vocable qu'utilise le Conseil de la concurrence, dans sa réponse au questionnaire, lorsqu'il affirme que « L'indépendance est absolument indispensable à l'exercice de la mission du Conseil, c'est même ce caractère indépendant qui est visé dans la nomenclature de la nouvelle loi de finances (LOLF) par opposition avec l'action de la DGCCRF placée sous l'autorité du ministre de l'économie ».

On sera sensible au fait qu'à l'autre bout de spectre des Autorités administratives indépendantes, la qualification employée par le Défenseur des enfants soit identique : il souligne ainsi que l'indépendance « est indispensable à l'exercice de la mission de proposition de réformes, compte tenu de la multiplicité des enjeux et des acteurs (économiques, administratifs, judiciaires, politiques, territoriaux, associatifs, ...) qui interviennent dans le domaine de l'enfance. Elle est également indispensable par rapport aux conflits entre les parties qui saisissent l'AAI pour des réclamations individuelles et au rôle d'alerte que la loi donne à l'AAI ».

On retrouve encore le même adjectif sous la plume du CSA qui, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Pour garantir le respect effectif du principe constitutionnel de pluralisme des courants de pensée et d'opinion par les médias audiovisuels ainsi que l'indépendance du secteur public de l'audiovisuel, il est indispensable que les décisions administratives individuelles concernant ces différents acteurs soient prises par une autorité indépendante.. ». Il affirme par ailleurs que « La totale indépendance du Conseil à l'égard du pouvoir politique est consubstantielle au principe de la régulation ».

L'on retrouve encore cet adjectif « indispensable » dans la réponse au questionnaire faite par la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité.

De la même façon, la CNIL estime, dans sa réponse au questionnaire, qu'il s'agit d'une «condition sine qua non. », tandis que le Bureau Central de Tarification le justifie de la façon suivante : « L'indépendance est essentielle vis-à-vis des assureurs comme des assujettis. Elle est importante vis-à-vis de l'Etat qui ne doit pas intervenir dans la politique tarifaire des entreprises. ».

Plus encore, le Médiateur de la République se définit lui-même davantage comme une « Autorité indépendante » que comme une Autorité administrative. Il souligne dans sa réponse au questionnaire que « si le Médiateur de la République est incontestablement une Autorité indépendante, la nature « administrative » de l'Institution est beaucoup plus discutable et se trouve d'ailleurs fortement discutée ». Il ajoute : « Cette indépendance est nécessaire à la légitimation de l'action du Médiateur de la République, tant vis-à-vis des citoyens que de l'Administration. ». Il reprend plus loin : « Le Médiateur de la République n'est ni une autorité administrative, ni une juridiction ... ».

On relèvera à ce propos que la loi du 30 septembre 1986 qualifie effectivement le CSA d' « autorité indépendante », plutôt que d'autorité administrative indépendante.

56 V. infra.

57 Un sondage de juin 2004 réalisé à la demande de l'Autorité montre que 24% des personnes interrogées (38% parmi ceux qui connaissent la CNIL) seulement savent que c'est un organisme indépendant. L'Autorité en conclut, dans sa réponse au questionnaire qu' « il est important que, lors de ses communications, la Commission mette plus l'accent sur son statut d'indépendance. ». Le législateur serait ici d'un précieux secours pour faire ressortir cette qualité avant toutes les autres.

58 Déc. Cons. Const., 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école Avenir de l'école, JO 24 avril 2005, p. 7173.

59 V. infra

60 V. supra.

61 Alors qu'on a pu précisément soutenir que le système juridique de la Grande-Bretagne, qui entasse de multiples compétences qui se recoupent, notamment en matière de régulation, renvoie à une image de jardin anglais.

62 V. infra.

63 L'évolution des pouvoirs de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste traduit cette conception, l'emprise du régulateur étant moins forte sur le secteur des télécommunications parce qu'il s'agit de profiter de l'initiative libre des opérateurs. Cependant, cette volonté de laisser le champ libre à l'initiative des opérateurs sans régulation particulière, qui a été un trait fort du deuxième « paquet Télécom » communautaire, ne permettant plus au régulateur que d'intervenir sur des marchés préalablement listés par la directive, semble reculer, la Commission Européenne ayant indiqué début 2006 qu'il convenait de rétablir une régulation sur des marchés nouveaux, notamment l'accès à Internet.

64 Ainsi, la HALDE expose, dans sa réponse au questionnaire, que « Les Missions de la Haute autorité sont complémentaires au déploiement des politiques publiques de l'Etat sur les discriminations, au travail des institutions et plus particulièrement à la mise en œuvre des recours devant les tribunaux administratifs et judiciaires. - Complémentarité avec la CNDS : les réclamations concernant les plaintes relatives à l'action des forces de sécurité sont transmises à cette Haute Autorité. - Complémentarité avec la CNCDH : la CNCDH ne peut pas traiter les cas individuels. - Complémentarité avec les autres AAI : le Médiateur de la République ne peut pas intervenir dans la sphère privée ; ... ». De la même façon, le CSA estime, dans sa réponse au questionnaire, que sa mission « s'exerce de manière complémentaire de celle de la Direction du développement des médias (DDM - services du Premier ministre) ».

65 Le Médiateur de la République souligne, dans sa réponse au questionnaire, qu'il « joue un rôle « d'interface » entre les citoyens et les organismes publics lorsque survient un litige. Il s'est fixé comme ligne de conduite de toujours tenter d'identifier le « juste ou pas juste » dans l'action de l'administration à l'égard des citoyens. C'est dans cet esprit que le Médiateur de la République exerce ses deux principales missions. D'une part, son action de médiation individuelle ..., d'autre part, son action en matière de réforme.

66 Réponse du Médiateur de la République au questionnaire.

67 L'Autorité précise, dans sa réponse au questionnaire, qu'elle « contribue ... à mieux faire prendre en compte les situations individuelles par les différents prestataires de services à l'enfance (école, hôpitaux, services sociaux, justice, police, associations ...), en leur apportant des éléments d'information. ».

68 Réponse au questionnaire.

69 V. supra.

70 Sur l'interférence de cette multiplicité d'objectifs avec l'effectivité du contrôle des Autorités administratives indépendantes, v. infra.

71 Sur la technique de cette articulation, v. infra.

72 Sur la défiance à l'égard de l'Etat organisé traditionnellement, comme raison de créer des Autorités administratives indépendantes, v. supra.

73 On peut considérer qu'il s'agit là de la tonalité du Rapport du Conseil d'Etat.

74 Cette absence d'irréversibilité est ressentie par les Autorités elles-mêmes, comme le montre la réponse de l'ARCEP au questionnaire.

75 Cela renvoie à l'impératif évoqué précédemment d'intelligibilité de la catégorie des Autorités administratives indépendantes et le lien avec la perspective d'une loi-cadre les conservant, v. supra

76 Dans son rapport sur les Autorités administratives indépendantes, le Conseil d'État recommande de n'utiliser qu'à bon escient la formule des autorités administratives indépendantes, ces dernières ne pouvant « devenir un mode d'administration de droit commun », Études et documents 2001, n°52, La Documentation Française, p. 374.

Alain Bazot, , président de l'UFC - Que Choisir, estime lors d'un entretien : « Il ne faut pas non plus pour autant déshabiller les juges. Je préfère des chambres plus spécialisées que la création de nouvelles AAI. Il ne faut pas non plus déshabiller le pouvoir politique de ses prérogatives... ».

77 Sur cette perspective européenne, v. infra

78 Sur cet impératif en tant que tel, v. supra.

79 V. infra.

80 Ainsi, dans l'entretien mené avec Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du Budget, à propos de la perspective de fusion appréhendée sous l'angle budgétaire, celui-ci répond : « La réflexion n'a pas été poussée jusqu'à ce point. On peut imaginer une fusion politique, ou une simple fusion de moyens ».

81 Paul Champsaur, président de l'ARCEP, précise dans un entretien que « La création d'une AAI spécialisée pour la poste aurait coûté deux fois plus cher, sans parler du collège. Il s'agit d'une politique de regroupement de deux secteurs, dont l'étranger fournit des exemples, l'Allemagne étant l'exemple extrême. ».

82 Sur les questions budgétaires analysées d'une façon plus générale, v. infra.

83 La CNIL l'explicite ainsi, dans sa réponse au questionnaire : « La fusion avec la CADA a pu être envisagée sur le modèle de ce qui est fait dans certains pays (Royaume-Uni par exemple) mais a été écartée par le législateur lors de la récente réforme de la loi sur l'accès aux documents administratifs au profit d'une désignation d'un membre de la CADA par le président de la CNIL. ».

84 L'Autorité des Marchés Financiers argumente, dans sa réponse au questionnaire, sur le fait que «  ... des rapprochements institutionnels apparaissent d'autant moins nécessaires que chaque objectif de régulation doit être préservé : ainsi les missions prudentielles des autorités compétentes en matière bancaire et d'assurance ne doivent-elles pas fermer la voie à la bonne information lorsque ces émetteurs sont également cotés ».

85 Il est difficile par nature de mesurer dans l'activité des Autorités administratives indépendantes la part du secret, les Autorités maniant la communication ou le secret comme deux rênes pour avancer. Ainsi, la médiation s'arrange bien du secret, même si l'Autorité en question communique par ailleurs beaucoup sur son action générale. Le secret devient alors une sorte de politique pour régler les cas particuliers. Par exemple, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité souligne, dans sa réponse au questionnaire, que sa communication est « limitée au rapport annuel », préférant garder le silence en dehors de cela.

86 L'Autorité des Marchés Financiers souligne, dans sa réponse au questionnaire que « Une formalisation (par voie de conventions bi- ou multilatérales) des relations se développe dans certains domaines, notamment en cas de crise. L'AMF s'appuie, dans le cadre d'une convention, sur les moyens de la Commission bancaire (délégation de contrôles). Sa représentation sur le territoire français est assurée par les directions régionales de la Banque de France.

87 V. supra.

88 V. infra.

89 V. supra.

90 Cela est parfois dit concernant la FSA (Financial Services Authority).

91 Parce que le vocabulaire, si ce n'est l'idée, est nouveau, on s'autorisera à renvoyer à l'étude générale, « L'hypothèse de l'interrégulation », in Les risques de régulation, coll. « Droit et Economie de la Régulation », t.3, Dalloz / Presses de Sciences-Po, pp.69-80.

92 V. infra

93 C'est ainsi que le Médiateur de la République souligne, dans sa réponse au questionnaire, qu'il « entretient des relations de travail régulières avec les autres AAI sur trois thèmes principaux : - la mutualisation des moyens (notamment en matière de commande publique et de gestion des ressources humaines, - la mise en place et en œuvre d'indicateurs et d'objectifs ainsi que les relations avec les directeurs de programme dans la LOLF, - l'organisation financière et comptable au regard du rôle des directeurs de programme dans la LOLF. Cela est confirmé par la CNIL qui, dans sa réponse au questionnaire, évoque le fait que « les AAI tendent actuellement à créer un réseau d'échange d'informations et d'actions communes tant sur le plan de la gestion que sur celui du positionnement général des AAI, par exemple dans l'architecture budgétaire de l'Etat. ».

94 Parfois d'une façon assez informelle. Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, relève que « le Président a rencontré les Présidents d'autres autorités de régulation françaises pour discuter de thèmes d'intérêt communs ».

95 Par exemple, le Défenseur des enfants et le Médiateur de la République ont signé une convention pour travailler d'une façon coordonnée sur des dossiers qui pourraient relever de l'un et de l'autre. Par une autre forme d'interrégulation procédurale, le Défenseur des enfants a le pouvoir de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

96 C'est ainsi que le Comité Consultatif National d'Ethique peut jouer spontanément un rôle d'amicus curiae, auprès des administrations ou des juridictions, le plus souvent en la personne de son président. Ce fût le cas lorsque la Cour de cassation eut à décider par un arrêt du 31 mai 1991 de la nullité des contrats de mère-porteuse.

De la même façon, cette capacité d'expertise est soulignée par la Commission de Régulation de l'Energie en ces termes : « La CRE, autorité de régulation sectorielle, possède une expertise technique et économique poussée afin d'analyser la rationalité économique des acteurs sur les marchés de l'électricité et du gaz. Elle apparaît, à ce titre, la mieux à même de surveiller ces marchés et de saisir, le cas échéant, le Conseil de la concurrence ou l'Autorité des marchés financiers des faits qu'elle pourrait détecter et qui lui paraîtraient susceptibles de constituer des infractions en matière de droit de la concurrence et de droit financier. ».

97 Code monétaire et financier, art. L. 611-3

98 Loi du 30 septembre 1986, art. 18 et 48 ; Code de commerce, Art. L. 430-6

99 Même sur le mode de l'interrégulation, le rapprochement n'est pas si aisé. Ainsi, le CECEI, dans sa réponse au questionnaire, estime à propos du contrôle des concentrations bancaires que « si la loi de sécurité financière a inclus le contrôle des opérations de concentration bancaire dans le droit commun, en consacrant la compétence du Conseil de la concurrence, il n'en demeure pas moins que ce contrôle reste soumis à consultation du CECEI, qui est l'autorité compétente du secteur. On peut toutefois s'interroger sur la viabilité pratique de ce schéma, qui alourdirait et fragiliserait vraisemblablement l'examen d'opérations importantes, pour lesquelles in fine le bon fonctionnement du système serait le critère essentiel d'appréciation que seul le CECEI serait à même de mettre en œuvre. ».

100 Cela peut prendre la forme d'un maillage à l'intérieur même des collèges des Autorités de régulation. Ainsi, le président de l'AMF siège es qualités au CECEI, tandis que le président de la Commission Bancaire, représentant le gouverneur de la Banque de France, est membre du collège de l'AMF. Sur les autres exemples de participation croisée, v. supra.

On signalera aussi que le secrétaire général du CECEI est en même temps le secrétaire général du Conseil consultatif de la législation et de la réglementation financières, ce qui produit un lien très fort entre les deux institutions, lien dont la construction est ici possible parce que les deux ont pour mission commune de concourir à la solidité du système et à la prévention des risques systémiques.

Les participations entre Autorités sont généralement moins puissantes, en raison de l'hétérogénéité des objectifs. On sait que le président de la CNIL désigne un membre de la CADA. On peut encore citer comme solution analogue le fait que le Défenseur des enfants est membres de droit de la Commission de classification des œuvres cinématographiques. On relèvera que le CSA y est également représenté, ce qui finit par produire une interrégulation par confluence.

101 Le CSA décrit, dans sa réponse au questionnaire, le processus de la façon suivante : « Un groupe de liaison se réunit en moyenne une fois par mois et est coprésidé par un membre de chacun des deux Collèges. Il permet au CSA et à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) d'échanger sur des points d'intérêt communs. En 2004-2005 ont ainsi été évoqués les enjeux relatifs aux évolutions possibles du plan de fréquences national (préparation de la Conférence régionale des radiocommunications de 2006), les perspectives de développement de la télévision sur les récepteurs mobiles, le développement des offres de télévision sur ADSL, ou les enjeux de la régulation des services de diffusion audiovisuelle. Les services des deux autorités se réunissent par ailleurs, en tant que de besoin, s'agissant de l'ensemble de ces sujets. ».

102 Le CECEI souligne, dans sa réponse au questionnaire, que si le nombre de dossiers qu'il a à traiter diminue, en revanche ils deviennent de plus en plus complexes et de plus en plus transectoriels. C'est pourquoi « au-delà de la coopération nécessaire sur les dossiers bancaires (tant avec la Commission bancaire qu'avec l'AMF), la multiplication des groupes transectoriels entraîne un renforcement de la coopération avec les autres autorités de surveillance (CEA, CCAMIP), ce que permet parfaitement le Code monétaire et financier ».

103 Par exemple, le Conseil de la concurrence, dans sa réponse au questionnaire, souligne d'emblée dans la description qu'il fait de son activité que « Les avis rendus à l'ARCEP ont connu une augmentation sensible en 2005 du fait de la mise en œuvre des nouvelles directives sectorielles. ».

104 C'est ainsi que les décisions de sanctions concernant les prestataires de service d'investissement doivent être communiquées entre les autorités bancaires et les autorités financiers, le Code monétaire et financier autorisant un secret partagé des informations. Cette notion de secret partagé est particulièrement utilisée en matière financière. Pour prendre un exemple, les membres du CECEI sont soumis au secret professionnel, mais celui-ci, depuis la loi du 15 mai 2001 sur les Nouvelles Régulations Economiques, n'est plus opposable à une Commission parlementaire, dès l'instant que celle-ci a elle aussi décidé d'appliquer le mécanisme du secret. Ce processus que l'on pourrait désigner comme une « chaîne de secrets professionnels partagés » pourrait être généralisé, dès l'instant qu'il ne méconnaît pas d'autres principes, comme celui des droits de la défense.

105 V. supra.

106 Si l'on se réfère donc au critère de l'attribution de pouvoirs juridiques comme ce qui permet de distinguer non pas tant les Autorités Administratives Indépendantes par rapport à l'administration traditionnelle, mais plutôt de distinguer les Autorités Administratives Indépendantes des centaines d'agences et observatoires divers qui ne cessent de fleurir de toutes parts.

107 L'exercice de transposition laisse toujours des marges, comme on peut le voir dans les lois de transpositions adoptées en 2004 aussi bien pour le « paquet Télécommunications » que pour le « paquet Energie ». Même une telle obligation de transposition, l'inspiration européenne est forte. Ainsi, la HALDE possède pareillement des origines communautaires (Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique).

108 Le Conseil de la concurrence le souligne lui-même dans sa réponse au questionnaire : « Avec la Commission ce sont des relations régulières que l'on pourrait presque qualifier de quotidiennes à certaines périodes. La mise en place du réseau européen est un puissant facteur de rapprochement qui a conduit à multiplier les contacts personnels entre agents à tous les niveaux hiérarchiques. Ces relations contribuent fortement à la qualité des relations entretenues au sein du réseau. ». Il insiste ainsi sur le fait que la Commission Européenne est centrale dans le dispositif. Il s'agit d'un réseau autour d'elle. Or, ce qui est possible en droit de la concurrence, cœur historique du droit communautaire, ne l'est pas aussi aisément dans des matières pour l'instant moins européennes. La solution devient alors le réseau entre Autorités nationales sans pivot, ce qui rend le mécanisme plus fragile.

Il est vrai que l'on regroupe encore d'autres sortes de groupements d'Autorités nationales de régulation. En matière de régulation énergétique, la Commission européenne a établi en 2003 l'ERGEG, qui regroupe les régulateurs européens dans le domaine de l'électricité et du gaz, pour la conseiller et l'assister dans son action de consolidation du marché intérieur.

109 Art. 2 de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière codifiant l'article L. 621-1 du Code monétaire et financier disposant que l'AMF « apporte son concours à la régulation [des marchés d'instruments financiers] aux échelons européen et international ».

110 V. supra.

111 L'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, décrit qu' « au plan communautaire, l'AMF est membre du Comité européen des valeurs mobilières qui regroupe l'ensemble des autorités de régulation des marchés financiers de l'Espace économique européen (soit 27 membres) et participe à ce titre à l'ensemble de l'activité du CESR visant à définir les mesures techniques de transposition des directives européennes dans le cadre du processus « Lamfalussy ». L'AMF a participé également, en coordination avec le Trésor et la Chancellerie, aux travaux d'élaboration des directives du Plan d'action pour les services financiers... Elle s'est ainsi impliquée activement avec les autorités françaises dans la mise en place des éléments fondamentaux du marché unique des services financiers en construction. ». On mesure ainsi que la participation des régulateurs nationaux à ces réseaux sont aussi un mode de collaboration avec l'administration traditionnelle (sur ce point, v. infra).

112 Sur les autres insertions de l'ARCEP dans des réseaux européens et internationaux, v. sa réponse au questionnaire.

113 V. infra.

114 La CNIL estime, dans sa réponse au questionnaire, qu'« En ce qui concerne la législation communautaire, l'influence de la CNIL se fond désormais dans celle du groupe dit de l'article 29 qui réunit tous ses homologues européens. On se bornera à noter que la CNIL y joue un rôle déterminant aux côtés de trois ou quatre autres autorités. »

115 Ainsi, la CNIL souligne, dans sa réponse au questionnaire qu'elle « a pris en particulier l'initiative de lancer un réseau européen des experts en matière de technologies de l'information. ».

116 V. supra.

117 Par exemple, le Défenseur des enfants, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Il ne paraît pas souhaitable de prévoir un rapprochement plus important, du fait que chaque AAI intervient dans le cadre de sa propre législation nationale sur les enfants ».

118 V. la bibliographie générale.

119 Sur cette perspective en tant que telle, v. infra.

120 Question renouvelée par ailleurs par l'attribution de la personnalité morale, v. infra.

121 Par exemple, Alain Bazot, président de l'UFC - Que Choisir, estime qu'on devrait limiter le cumul des pouvoirs. C'est pour lui une question de « légitimité » car « Les AAI ne sont pas responsables politiquement ».

122 Comme cela fut évoqué et discuté à propos du pouvoir de sanction s'agissant de l'institution de l'Autorité des Marchés Financiers. V. infra

123 V. infra.

124 V infra.

125 V .infra.

126 V infra.

127 Renvoyant elle-même à une conception « post-moderne » de l'Etat, telle qu'elle est notamment développée dans les travaux de Jacques Chevallier.

128 Principe d'information en matière environnementale (Art. L. 110-2 Code de l'environnement), Loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, Loi du 12 juillet 1983 sur les enquêtes publiques ; loi du 2 février 1995 instituant la Commission nationale du débat public.

129 V. infra.

130 V. infra.

131 L'Autorité des Marchés Financiers se désigne même dans sa réponse au questionnaire comme « une personne morale de droit public sui generis dans la mesure où elles ne s'inscrit dans aucune catégorie préexistante même si elle emprunte à bien des égards aux établissements publics administratifs de l'Etat ».

132 V. supra.

133 V. supra.

134 L'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, estime que « La question de la personnalité morale donne parfois l'impression de revêtir davantage une dimension symbolique qu'opérationnelle. Si, en termes juridiques, l'AMF a acquis, avec la personnalité morale, la pleine responsabilité de ses actes et se distingue désormais très clairement de l'Etat, ses deux années d'activité ne permettent pas, pour l'heure, de conclure à des différences significatives de capacité d'action dans l'une ou l'autre des deux hypothèses. ».

135 V. supra.

136 Sur le développement de cette problématique budgétaire en soi, v. infra.

137 Qui ne s'impose pas nécessairement comme seule voie pour préserver l'indépendance des Autorités administratives en cause face à la LOLF, v. infra.

138 Ce qui rendrait alors encore plus cruciale une reddition des comptes que ces Autorités feraient de leur action au Parlement ou à la Cour des Comptes, v. infra.

139 La CNIL, dans sa réponse au questionnaire, estime la concernant que « L'absence de personnalité morale qui permettrait de disposer de ressources propres est un frein à l'indépendance. ». On retrouve exactement la même idée dans la réponse faite par la Commission de Régulation de l'Energie : « La personnalité morale est le préalable indispensable à un financement autonome, garantie de son indépendance. Elle ne procure aucun avantage en soi. ».

140 L'efficacité processuelle de la personnalité morale est assez peu souvent mise en avant, voire relevée. Cependant, la HALDE, dans sa réponse au questionnaire, souligne qu'elle « sera certainement conduite à s'interroger à l'avenir sur le fait que la personnalité morale ne lui a pas été reconnue. Il pourrait s'agir d'un élément susceptible de renforcer l'efficacité de ces misions notamment la capacité d'ester en justice. ».

141 Sur cette question même de l'indépendance de ces Autorités, et la conception finalement très radicale qu'on en a adoptée en France, v. infra.

142 V. supra.

143 V. infra.

144 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers souligne dans sa réponse au questionnaire que grâce à la personnalité morale, « elle dispose ainsi d'une souplesse de fonctionnement accrue par ce statut particulier qui clarifie la séparation de l'Autorité d'avec l'Etat et doit faire face, par voie de conséquence, à un renforcement de sa responsabilité en devenant juridiquement pleinement responsable de ses actes ».

145 Lettre des juridictions administratives, janvier 2006.

146 V. supra.

147 Pourtant, le CSA, dans sa réponse au questionnaire, vise également cette dimension, l'ensemble de ses missions se subsumant sous « l'intérêt général » : « C'est une mission primordiale : servir l'intérêt général. Cette mission, qui n'est pas toujours simple, est passionnante. Elle comporte beaucoup d'enjeux, des enjeux culturels, de civilisation, de culture, d'économie, de politique au sens noble du terme. ».

148 La CNIL, dans sa réponse au questionnaire, définit ainsi sa mission : « Le but est que le niveau de protection des données personnelles soit aussi élevé que possible compte tenu des autres intérêts qui peuvent entrer en conflit avec la protection des données : sécurité publique et privée, développement de l'activité économique, efficacité administrative, liberté d'expression, etc. La mission de la CNIL est exercée au profit des personnes physiques, des individus, puisqu'il s'agit de défendre, en leur nom, un nouveau droit fondamental ». la CNIL poursuit : « La CNIL exerce selon les cas, pouvoir, contrôle ou influence sur tous les acteurs des technologies de l'information : pouvoirs publics, collectivités publiques, entreprises et autres personnes morales du secteur privé, personnes physiques. ».

149 Ainsi, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire souligne que l'accroissement de son activité et de son champ d'intervention « s'explique largement par l'informatisation de la société qui se poursuit et se renforce, -objets intelligents, téléphones mobiles, ordinateurs portables, biométrie, géolocalistion, vidéosurveillance, l'Internet illustrant parfaitement ce raz de marée technologique et le besoin de protection des données personnelles qui s'y attache (essor des demandes d'informations et de conseils, multiplication des fichiers, intensification des transferts de données, notamment au niveau mondial...). ».

150 Le Haut Conseil au Commissariat aux Comptes se définit, dans sa réponse au questionnaire, comme une « autorité de surveillance externe à la profession. Par prudence, il n'a pas souhaité s'approprier la notion de régulateur qui est un terme anglo-saxon utilisé peut-être un peu trop communément dans le vocabulaire des autorités administratives indépendantes. Il a préféré retenir une qualification proche de celle figurant dans la loi. Le débat doctrinal reste cependant ouvert. ». Sa mission s'articule avec celle de l'organe professionnel proprement dite, la Compagnie nationale des Commissaires aux comptes.

151 Ainsi, le Haut Conseil au Commissariat aux Comptes reconnaît, dans sa réponse au questionnaire,que « La création d'un Haut Conseil rattaché au Garde des Sceaux a été ressentie par les autorités en charge du contrôle des commissaires aux comptes, comme une dépossession de leurs prérogatives. ».

152 C'est pourquoi l'appellation d'Agence française de lutte contre le dopage est à ce titre peu adéquate.

153 C'est pourquoi le Médiateur de la République, dans sa réponse au questionnaire, estime que « N'étant pas une AAI en charge de réguler un secteur, le Médiateur n'a pas à se soucier d'éventuelles clauses de non-concurrence ».

154 Par exemple, la fonction de membre de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est incompatible avec toute activité professionnelle, tout mandat électif national, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur postal ou des secteurs des communications électroniques, de l'audiovisuel ou de l'informatique. Il en est de même pour les membres de la CRE.

Les membres de la Halde ne sont pas soumis à des incompatibilités générales, mais ne peuvent pas participer à une délibération ou procéder à des investigations relatives à un organisme au sein duquel ils détiennent un intérêt, direct ou indirect, exercent des fonctions ou détiennent un mandat

155 Par exemple, les membres de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peuvent être membres de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques

156 Les membres de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ne peuvent exercer, à titre principal, des activités dans le domaine de la sécurité. Les membres du Conseil de la concurrence sont soumis aux règles d'incompatibilité prévues pour les emplois publics. Les membres de l'ARCEP ne peuvent détenir des intérêts dans une entreprise du secteur postal ou des secteurs de la communication électronique, de l'audiovisuel ou de l'information.

157 Tout membre du Conseil de la concurrence doit ainsi informer le président des intérêts qu'il détient ou vient à acquérir dans une activité économique. Il en est de même pour la CNIL ou encore pour l'ARCEP, l'AMF et la Commission bancaire.

158 Il est de 6 ans à la CRE à l'ARCEP et au CSA et au Conseil de la concurrence, de 5 ans à la CNIL, de 3 ans à la CADA.

159 Parfois la qualification requise est très générale. C'est le cas pour l'ARCEP : les membres du collège doivent avoir une qualification économique, juridique et technique, dans les domaines des communications électroniques, des postes et de l'économie des territoires. Pour la CNIL cinq membres sont qualifiés pour leur connaissance de l'informatique ou des questions touchant aux libertés individuelles Certains membres siégeant du fait de leurs fonctions extérieures siègent pour la durée du mandat à l'origine de leurs fonctions avec une limite maximale, qui est de dix ans pour la CNIL.

160 V. infra.

161 Le Conseil de la concurrence est une exception sur ce point. Le mandat des membres du collège étant de six ans renouvelables

162 Article 3 de la loi 86-912 du 6 août 1986

163 V . supra.

164 V. l'article 3 de la loi 86-912 du 6 août 1986 précité.

165 La Commission explicite, dans sa réponse au questionnaire, que « Une procédure a été établie : chaque agent devra évaluer, préalablement à sa recherche d'emploi, les incompatibilités qui pourraient lui être opposées en application des obligations précitées et s'assurer que les fonctions auxquelles il aspire ne portent pas atteinte à la dignité de ses précédentes fonctions ou qu'elles ne risquent pas de compromettre, ni de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance, l'impartialité ou la neutralité de la Commission. Lorsque ses recherches ont abouti, l'agent de la CRE adresse au directeur général une déclaration d'intention d'exercer une activité professionnelle hors de l'administration. Si cette activité entre dans le champ d'application du décret du 17 février 1995 relatif à l'exercice d'activités privées par des fonctionnaires placés en disponibilité ou ayant cessé définitivement leurs fonctions, le directeur général de la Commission de régulation de l'énergie saisit la Commission de déontologie, selon la procédure prévue par le décret du 17 février 1995. Après avoir pris connaissance de l'avis de la Commission de déontologie, le directeur général statue sur la compatibilité des nouvelles fonctions avec celles exercées à la CRE.

Si cette activité n'entre pas dans le champ d'application du décret du 17 février 1995, le président saisit de cette question le collège des commissaires de la Commission de régulation de l'énergie, qui statue sur la compatibilité des fonctions. En application de ces principes, il est possible d'exercer les mêmes fonctions exercées à la CRE dans toute entreprise privée, ou entreprise du secteur public concurrentiel, d'un secteur d'activité économique différent, autre que les secteurs électrique et gazier. Le secteur économique de l'entreprise ne paraît pas être un critère pertinent. En effet, il n'empêcherait pas un agent de la CRE ayant eu accès, par exemple, à des informations confidentielles soit sur les opérateurs d'électricité ou de gaz, soit sur les marchés ou les prix, de rejoindre une banque ou un cabinet de conseil, pour y traiter d'affaires relatives au gaz ou à l'électricité. C'est donc bien la nature des fonctions exercées dans l'entreprise qu'il faut viser plus que le secteur économique de l'entreprise.

En revanche, il est interdit d'exercer les mêmes fonctions que celles exercées à la CRE et dans le même domaine, dans une entreprise privée ou publique du secteur concurrentiel ou de monopole régulé du secteur d'activité électrique et gazier, pendant 5 ans suivant le départ de la CRE

(Ce qui figure en gras est contradictoire avec ce qui est écrit 2§ plus bas).

Les décisions opposant une incompatibilité aux nouvelles fonctions avec celles exercées précédemment à la Commission doivent être motivées. Elles ne peuvent être opposées que pour les motifs de prise illégale d'intérêt ou de mise en cause du fonctionnement normal, de l'indépendance, de l'impartialité ou de la neutralité de la Commission de régulation de l'énergie. ».

166 Pour une réaffirmation récente, voir le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat et notamment son article 2, selon lequel « la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante quel que soit son mode d'exercice » ainsi que son article 7 aux termes duquel l'avocat « s'abstient de s'occuper des affaires de tous les clients concernés lorsque surgit un conflit d'intérêt, lorsque le secret professionnel risque d'être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière », laissant cette question à son entière appréciation.

167 Toute autorité administrative est en effet soumise au principe général d'impartialité.

168 En ces termes : « Face aux propositions et offres de cadeaux, l'attitude des membres doit être inspirée par la transparence et la prudence. Les voyages (transport et hébergement) sont normalement pris en charge par le CSA. Ils peuvent l'être par un organisme extérieur lorsque le membre est l'un des invités officiels de la manifestation à laquelle il se rend. Le Conseil en est informé. Les cadeaux et invitations peuvent être acceptés s'ils restent d'une valeur raisonnable. ». On y trouve encore des lignes d'interprétations des textes et des jurisprudences, par exemple pour la considération du cercle de famille.

169 Par ailleurs, l'Autorité des Marchés Financiers informe, dans sa réponse au questionnaire, que « le personnel d'encadrement ... rejoint à plus de 90% des entreprises concernées par l'action de l'Autorité ».

170 C'est pourquoi, concernant l'Autorité des Marchés Financiers, l'incompatibilité ultérieure prend la forme d'une interdiction d'être à l'occasion de sa profession ultérieure, en contact avec tel ou tel service expressément visé de l'Autorité.

171 La CNIL apprécie, dans sa réponse au questionnaire, cette évolution de la façon suivante : « Les règles relatives à la déontologie des membres du collège ont été profondément modifiées par la loi du 6 août 2004, à partir du constat de l'inadaptation des règles en vigueur depuis 1978 qui posaient une règle rigide d'incompatibilité entre le mandat à la CNIL et la détention d'intérêt dans une entreprise d'informatique ou de télécommunication. Les règles nouvelles sont à la fois plus souples et plus difficiles à appliquer mais il est encore trop tôt pour en faire le bilan. ».

172 Il est assez rare de voir dans les textes des éléments protecteurs de l'indépendance du secrétaire général de l'AAI et des services techniques.

Par exemple, pour la CNIL le Secrétaire général est révocable et n'a pas d'incompatibilité dans l'exercice de ses fonctions, à la différence des membres du collège.

Les garanties sont en tout cas très limités. Pour la CRE, les membres agents de la Commission exercent leurs fonctions en toute impartialité sans recevoir d'instruction. Ils sont soumis au secret professionnel (loi du 3 janvier 2003).

Pour le CSA, les personnels ne peuvent être membres des conseils d'administration de France Télévisions, Radio France, RFI et Arte.

173 V. supra.

174 V. infra.

175 V. supra.

176 V. infra.

177 La CNIL se réunit en formation plénière, constituée de 17 membres trois fois par mois, et examine dans ce cadre les projets de loi et de décrets qui lui sont soumis pour avis par le Gouvernement, formule des avis et émet des autorisations sur des traitements ou des fichiers.

178 L'expression est notamment utilisée par Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, qui, dans un entretien, souligne d'une façon générale : « nous accordons beaucoup d'importance à la teneur de nos dossiers, et nous avons mis en place de nombreux « capteurs » sur l'évolution de la société, afin de lancer le débat, devant le politique, sur l'opportunité d'une réforme dans tel ou tel domaine. ».

179 Qui dispose d'environs 300 personnes réparties sur le territoire français.

180 Celui-ci estime d'ailleurs, dans sa réponse au questionnaire, qu' « il serait utile de généraliser aux correspondants territoriaux du Défenseur des Enfants les textes réglementaires et législatifs appliqués aux délégués du Médiateur de la République. ». L'Autorité poursuit en soulignant que « si l'Institution bénéficiait d'une dotation budgétaire plus importante, elle consacrerait avant tout les moyens supplémentaires au recrutement de nouveaux correspondants territoriaux qui constituent en fait un véritable service extérieur et un rouage essentiel de l'institution. ».

181 La loi d'août 2004 prévoit des correspondants de la CNIL non seulement dans les collectivités publiques, mais encore dans les entreprises ou les associations.

182 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers se satisfait, dans sa réponse au questionnaire, de sa politique salariale, car « les recrutements sont effectués essentiellement sur le marché de l'emploi. Les rémunérations offertes par l'Autorité sont proches du niveau du marché ... à quelques exceptions près et permettent de pourvoir à l'ensemble des postes vacants de l'Autorité ».

Le cas de la CNIL est particulièrement intéressant puisqu'il présente un mixte du cas de figure, l'Autorité précisant dans sa réponse au questionnaire que « La politique salariale de la CNIL lui permet de recruter des collaborateurs sur le marché du travail. En début de carrière, les rémunérations offertes par la CNIL correspondent globalement au premier quartile du marché. L'écart se creuse ensuite. Au bout de 10 ans de carrière, les rémunérations offertes se rapprochent de celles de la fonction publique de l'État et s'éloignent de celles pratiquées sur le marché. ».

183 Lors de l'entretien, Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication à l'UFC - Que Choisir, souligne : « il faut aussi évoquer la possibilité de fort décalage entre l'analyse technique des services (soustraits à la pression politique » et les collèges ».

184 Ce n'est pas vrai du Haut Conseil du commissariat aux comptes, dans lequel le président est à mi-temps.

185 La HALDE décrit ainsi, dans sa réponse au questionnaire, l'organisation : « Les membres ont des disponibilités différentes, qui peuvent varier au cours de leur mandat. Les réunions du collège, d'une durée de 2 heures, ont lieu au moins deux à trois fois par mois. ».

186 V. infra.

187 Par exemple, la Commission de Régulation de l'Energie souligne, dans sa réponse au questionnaire, que « La politique salariale de la CRE s'inscrit dans la logique budgétaire des lois de finances. Les moyens budgétaires qui lui sont accordés et la nécessité de s'inscrire en cohérence avec la grille salariale de la fonction publique limitent sa capacité à effectuer les recrutements au niveau les mieux adaptés à l'exercice de ses missions. En effet, dans certains domaines (droit public, comptabilité...) on trouve des personnels dans l'administration. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas dans d'autres secteurs, tels que l'électricité et le gaz.

188 Par exemple, l'Autorité des Marchés Financiers dispose au 1er octobre 2005 de 355 personnes, dont 307 agents de droit public (en balance avec les 36 salariés de droit privé), mais à l'intérieur desquels 268 sont contractuels (en balance avec les 31 fonctionnaires).De toutes les façons, les agents de droit public ou de droit privé sont soumis à un statut unifié, y compris dans la représentation collective du personnel.

Par comparaison, le Conseil de la concurrence dispose de 120 emplois contractuels ou par détachement. En outre, des agents dépendant de l'administration centrale du Ministère de l'Economie et des Finances sont affectés au Conseil et rémunérés sur son budget.

Plus encore, sans doute en raison de la conscience d'appartenir profondément à la sphère de l'Etat, des Autorités ne souhaitent pas bénéficier d'autres personnels que relevant d'un statut de droit public. Ainsi, le Défenseur des enfants, dans sa réponse au questionnaire, souligne : « les personnels de l'Institution du Défenseur des Enfants sont des agents contractuels de droit public. Pas de souhait particulier d'évolution de ce statut. ».

De la même façon, les agents de la CNIL sont des contractuels de droit public ou des personnes détachées de statut public. et la nature des emplois budgétaires de la CNIL lui permet d'accueillir des personnels détachés de statut public. Certes, dans sa réponse au questionnaire, la CNIL estime qu' « Il serait souhaitable de faire évoluer le statut des contractuels sur différents points. Notamment, la possibilité de détacher un contractuel permettrait des échanges entre homologues français et européens. ».

On peut encore citer la Commission de Régulation de l'Energie, au sein de laquelle tous les agents sont de droit public, soit fonctionnaires (23%) soit contractuels (77%), la Commission estimant, dans sa réponse au questionnaire, qu'  « Aucune évolution de ce statut n'apparaît nécessaire. ».

189 V. infra.

190 Sur les 94 agents permanents travaillant au 31 août 2005 au siège de l'Institution, 56 sont encore des agents mis à disposition par les administrations de l'Etat sans remboursement.

191 La CNIL dispose de 95 postes d'agents contractuels sur lesquels, éventuellement, peuvent être mis à disposition des agents statutaires de la fonction publique. Elle peut recruter des agents contractuels par contrats à durée indéterminée.

192 Sur ce point plus particulier de la passion de contrats, v. infra.

193 Il est fréquent que le Président ait le pouvoir de désigner ou de proposer la personne qui prendra cette fonction de direction des services. Par exemple, le directeur général de la HALDE est nommé par décret sur proposition du Président.

194 Ainsi, lors d'un entretien, Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication à l'UFC - Que Choisir, souligne : « du point de vue du praticien, et notamment en ce qui concerne les télécoms qui sont ma spécialité, c'est une question de structures, mais surtout d'hommes. Quel que soit le poids ou le statut juridique de la structure, l'influence des individualités est assez déterminante. Par exemple, au Conseil de la concurrence, la personnalité de Bruno Lasserre, connu pour son indépendance, son goût de l'innovation, a considérablement renouvelé le travail du Conseil ». Cédric Musso, chargé des relations institutionnelles, rajoute : « les AAI qui sortent du lot sont effectivement celles dirigées par une personne charismatique. Le succès de la CRE, par exemple, est très lié à la personnalité de Jean Syrota. Se pose alors la question de la nomination des présidents pour garantir que ce sont bien des personnalités marquantes du secteur. ».

195 V. infra.

196 Article L. 621-5-I du Code monétaire et financier.

197 V. infra.

198 La CNIL, dans sa réponse au questionnaire, reproduit les clauses, qui sont les suivantes : « (Le La) signataire du présent contrat est astreint(e) au secret professionnel, dans les conditions prévues aux articles 226-13 du Code pénal, pour les faits, actes ou renseignements dont elle peut avoir connaissance en raison de ses fonctions. (Le La) signataire du présent contrat affirme n'avoir, par elle-même ou par personne interposée, sous quelque dénomination que ce soit, aucun intérêt de nature à compromettre son indépendance dans une entreprise soumise au contrôle du service ou en relation avec le service. Elle s'engage à ne prendre aucun intérêt de cette nature par elle-même ou par personne interposée dans une telle entreprise. (Il Elle) s'engage également à n'exercer, en dehors du service, aucune activité lucrative de quelque nature que ce soit. Ne sont toutefois pas considérées comme prohibées les activités, même rémunérées, permises aux fonctionnaires de l'Etat en général, sous condition que l'agent signataire du présent contrat se soumette à toutes les dispositions qui peuvent être imposées en la matière aux fonctionnaires. L'intéressé(e) sera soumis(e) aux dispositions du décret n° 95-168 du 17 février 1995 relatif à l'exercice d'activités privées par les fonctionnaires et agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et aux commissions instituées par l'article 4 de la loi n° 94-530 du 28 juin 1994. ».

On remarquera que, comme souvent en matière contractuelle, les obligations visées sont d'origine légale. Mais l'extension d'obligations propres à certains, par exemple aux fonctionnaires, peut être ainsi opérée.

Cela peut être d'autant plus important que la soumission au décret du 17 février 1995 n'est pas évidente. Par exemple, à lire le code de déontologie adoptée en 2003 par le CSA : « Les anciens membres du CSA ne semblent pas être soumis aux dispositions du décret n°95-168 du 17 février 1995 applicable aux agents publics souhaitant exercer une activité dans le secteur privé. En effet, faute de renvoi explicite par la loi du 30 septembre 1986, les membres du CSA ne ressortissent pas de cette commission, mais ne sont pas pour autant dispensés du respect de l'article 432-13 du Code pénal. ».

199 C'est par exemple le cas de l'Autorité des Marchés Financiers.

200 Ce cumul peut créer des confusions. Ainsi, , Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication à l'UFC - Que Choisir, souligne au cours d'un entretien : « On est un peu entre deux eaux. Les autorités de régulation font de la politique industrielle plutôt que de se limiter au seul contrôle des entorses à la concurrence. Cela donne une situation confuse. L'ARCEP est-il un ministère de l'industrie bis qui prépare la législation ? Ou est-ce un organe de règlement des différends entre professionnels ? ».

201 Que l'Autorité considère, dans sa réponse au questionnaire, comme étant le plus important de ses pouvoirs.

202 Le Médiateur de la République souligne, dans sa réponse au questionnaire, qu'il « se distingue d'une autorité de régulation telle qu'il en existe dans les secteurs concurrentiels en cela qu'il ne détient aucun pouvoir de décision mais s'appuie sur l'autorité morale qui lui est reconnue et utilise, avant tout, un « pouvoir de persuasion », bien distinct du pouvoir de réglementation, voire de sanction de certaines AAI ». Il est vrai que par ailleurs le Médiateur de la République peut user d'un pouvoir de saisir la justice et dispose même d'un pouvoir d'injonction. Celui-ci a été utilisé une seule fois, en 2005, depuis la création de l'institution. Cela peut tenir au fait que l'efficacité d'une activité de médiation et d'autorité peut être amoindrie par l'affectation ou l'exercice de pouvoirs juridiquement plus contraignants, en ce que ceux-ci peuvent entamer les rapports de confiance, notamment à l'égard de l'administration. Cette observation, faite ici à propos du Médiateur de la République, peut être aussi formulée à propos de la CADA, récemment dotée de pouvoirs contraignants, ainsi qu'à propos de la CNIL.

203 L'ARCEP précise, dans sa réponse au questionnaire, que « un des éléments essentiels pour mener à bien ses missions de régulation est le recueil d'informations auprès du secteur. Or, l'ancien cadre n'avait pas été sur ce point pleinement satisfaisant ; les compétences de l'Autorité étaient parcellaires et sujettes à interprétation, et contestation, avec les opérateurs. La loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et ses décrets d'application ont d'une part amélioré et précisé les fondements juridiques permettant à l'Autorité de recueillir les informations nécessaires à son activité, et d'autre part encadré les modalités d'application de cette compétence. Il est toutefois encore trop tôt pour mesurer dans la pratique si ces modifications sont suffisantes. ».

204 En effet, le CSA estime, dans sa réponse au questionnaire, qu'il devrait avoir » la faculté de solliciter auprès des opérateurs des informations qui ne soient pas directement liées au « respect des obligations qui sont imposées à ces derniers » (article 19 de la loi de 1986), notamment des informations économiques qui seraient nécessaires au CSA pour l'exercice de la nouvelle mission de règlement des différends qui lui est confiée (article 17-1 de la même loi) ». De la même façon, le Bureau Central de Tarification, dans sa réponse au questionnaire, regrette « le manque d'empressement de certaines entreprises d'assurance à communiquer les informations sollicitées par le BCT.

On peut effectivement estimer que le pouvoir de l'Autorité, toujours en asymétrie d'information et par ailleurs liée par le secret professionnel, devrait être général, c'est-à-dire s'appliquant dans le silence de textes, et non pas limité, c'est-à-dire n'existant que visé par une disposition préalable précise. Il convient aussi de prévoir la sanction attachée à l'absence de communication, afin de favoriser l'effectivité de cette obligation pour les entreprises.

205 Ainsi, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité demande, dans sa réponse au questionnaire, comme seule extension souhaitée, le droit de procéder à des auditions.

206 Il en est ainsi, par exemple de l'AMF, de l'ARCEP et de la CRE.

207 Cette solution est proposée par le Conseil de la concurrence, dans sa réponse au questionnaire, dans ces termes : « La renforcement du pôle d'enquêteurs spécialisés est également décisif, mais leur moyens sont fongibles avec ceux des autres services de la DGCCRF (consommation, répression de fraudes). Ce renforcement budgétaire ne sera probablement possible que si des liens plus forts sont établis avec le Conseil de la concurrence. ».

208 Ainsi, la CNIL estime, dans sa réponse au questionnaire, qu'elle « a vu ses pouvoirs renforcés nettement par la loi du 6 août 2004. Elle cherche davantage à disposer des moyens d'utiliser tous ses pouvoirs que d'en conquérir de nouveaux. ».

209 Par exemple, l'ARCEP, dans sa réponse au questionnaire, précise que « s'agissant de la régulation au sens strict (« régulation concurrentielle des marchés »), l'Autorité privilégie les modalités d'intervention propres (par exemple la faculté de demander la modification d'une offre de référence) mais l'efficacité de ce mode d'intervention est renforcée par l'existence d'un pouvoir de règlement de différends et celle d'un pouvoir de sanction. ».

210 V. infra.

211 V. infra.

212 Par exemple, le Conseil de la concurrence peut être consulté sur des projets de texte concernant le droit de la concurrence (articles L. 462-2 et L. 462-4 du Code de commerce). On peut encore citer le pouvoir d'avis de l'ARCEP et de la CRE dans cette manière décisive qu'est l'adoption de tarification. De la même façon, l'ARCEP relève, dans sa réponse au questionnaire, que « Depuis sa création, une coopération constructive et fructueuse s'est développée entre l'Autorité et les services du Gouvernement (SGCI, DGE) ; les avis donnés par l'Autorité sont la plupart du temps pris en compte. Enfin, la CNIL ou le CSA exercent aussi une fonction consultative très développée. Concernant ce dernier, il relève, dans sa réponse au questionnaire, que son avis est systématiquement sollicité par le Gouvernement, que cette sollicitation soit exigée par les textes ou non.

213 C'est par exemple le cas du Haut Conseil à l'Intégration ou du Défenseur des enfants. En pratique, il peut même arriver que les propositions de réforme émanent de deux Autorités, par exemple par une proposition commune du Médiateur de la République et du Défenseur des enfants. On peut prendre le cas récent de la proposition concernant la lutte contre les mariages forcés.

214 Alain Bazot, président de l'UFC - Que Choisir, estime lors d'un entretien que « C'est une bonne chose qu'une AAI donne son avis sur une réglementation, et que le Ministre doive motiver dans le cas où il prend une décision contraire à l'avis de l'AAI. L'AAI peut permettre de renforcer la transparence du pouvoir politique. Mais c'est toujours le Ministère qui assume politiquement ».

215 En application du décret du 30 avril 2002, le Conseil de la concurrence recueille ainsi les avis de l'AMF, ARCEP, la CNIL, la Commission Bancaire, la CRE, le CSA et le Médiateur du cinéma.

216 Par exemple, l'Autorité des Marchés Financiers doit formuler un avis lors de procédures correctionnelles reprochant au prévenu un délit boursier.

217 On peut prendre l'exemple de l'arrêt du Conseil d'Etat du 26 mars 1999, Société EDA, à propos des atteintes possibles à la concurrence causées par les autorisations d'occupation du domaine public.

218 Ainsi, le Conseil de la concurrence, à la question posée de ses relations avec les juridictions, répond : « Des relations juridictionnelles dans le cadre des recours ou des interventions en tant qu' « amicus curiae ».

219 En la matière, la loi de Modernisation des Activités Financières de 1996 a rapatrié sur le CECEI des activité d'agrément, notamment sur toutes les entreprises de service d'investissement, qu'exerçait auparavant le Conseil des Marchés Financiers, tandis que la loi de Sécurité Financière de 2003 lui a confié l'habilitation des activités de compensation et de tenue de compte/conservation.

220 Faute de quoi, l'entreprise d'assurance est réputée ne plus se conformer à la réglementation et encourt à ce titre un retrait d'agrément.

221 V. infra.

222 Par exemple, le Conseil de la concurrence, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Le pouvoir de sanction reste le plus important à la fois du point de vue quantitatif que du point de vue de l'originalité de l'institution puisqu'il est la seule autorité en France à user largement de ce pouvoir. ».

223 Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, souligne, dans un entretien,que que ce pouvoir est utilisé « comme un moyen de pression, pour parvenir à un accord... il faut aller jusqu'au bout du combat pour parvenir à un accord, il faut donc montrer que nous pouvons utiliser les pouvoirs à notre disposition. Le refus de la compromission, le fait d'amener l'administration à reconnaître l'existence d'un débat, cela renforce notre crédibilité. ».

224 Le Conseil constitutionnel l'a affirmé aussi bien pour le Conseil de la concurrence en 1987 que pour la COB, dans sa décision du 28 juillet 1989.

225 La CNIL, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Le pouvoir d'autoriser ou, en ce qui concerne l'Etat, de donner un avis préalable à la mise en œuvre des applications informatiques présentant le plus de risques pour la protection des données personnelles reste le pouvoir le plus important pour l'exercice des missions de la CNIL. Mais celui d'infliger des sanctions en cas de violation de la loi pourrait, dans les années à venir, devenir de plus en plus déterminant. ».

226 La Commission souligne en effet dans sa réponse au questionnaire que « La Commission n'a aucun pouvoir pénal ou disciplinaire ce qui est heureux. Elle s'efforce de préciser sa fonction à tous ses interlocuteurs pour aboutir à une réflexion -commune si possible- sur les exigences de la déontologie. ».

227 L'attribution d'un tel pouvoir de transaction est envisagée au profit de l'Autorité des Marchés Financiers, perspective souhaitée par l'Autorité qui le justifie, dans sa réponse au questionnaire, de cette façon : « De manière générale, et cela n'est pas propre à l'AMF mais sans doute commun à l'ensemble de la matière répressive, la discipline de marché se heurte à l'hypertrophie de la procédure et à l'échelle des sanctions susceptibles d'être appliquées, de même que le délai global de traitement des affaires n'est pas toujours en phase avec la réalité du marché. L'introduction dans notre système ... d'une procédure transparente de transaction, combinée avec un relèvement significatif du quantum de certaines sanctions, constituerait une réforme de nature à accroître l'efficacité du dispositif ».

228 V. infra n°9.3.2. et s.

229 Lacune qui entraîna la censure que le Conseil constitutionnel opéra concernant la loi qui transféra le contentieux sur les décisions du Conseil de la concurrence du Conseil d'Etat à la Cour d'appel de Paris.

230 Décision du 28 juillet 1989, COB.

231 Décision du 23 juillet 1996, ART.

232 V. infra.

233 Les Autorités peuvent ainsi se mêler de l'élaboration de règles professionnelles. Cela est expressément prévu par la loi pour l'Autorité des marchés financiers, concernant notamment les règles touchant les commissaires aux comptes, ou les analystes financiers. Cela peut prendre des voies à la fois formelles et informelles. Ainsi, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire, précise que «... le canal des syndicats professionnels en direction des entreprises permet-il de décupler l'action d'explication de la loi et de sensibilisation que mène la CNIL. Ainsi a-t-elle collaboré à la rédaction de projets de règles professionnelles tendant à la protection des données et approuvé deux codes de l'e-mailing en mars 2005 présentés par l'Union française du marketing direct et le syndicat national de la communication à distance, conformément aux nouvelles missions découlant de la loi d'août 2004 ».

234 Par exemple, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire, souligne que « S'agissant des associations de consommateurs, elles sont régulièrement consultées au même titre que les professionnels dans le cadre des missions de réglementation et régulation de la CNIL (exemple: Internet et les jeunes, élaboration d'un module pédagogique destiné aux internautes afin de lutter contre le spam, enjeux de la mise en œuvre d'une centrale positive regroupant les encours de crédit ...). Elles se font également le relais des plaintes des consommateurs. Ainsi, les rencontres régionales que la CNIL mène depuis un an, au rythme d'une région tous les 2 mois, afin d'engager le dialogue avec tous les acteurs concernés (élus locaux, administrations, entreprises, associations, citoyens) ont été l'occasion pour les associations de consommateurs et le grand public de saisir la CNIL de réclamations. ».

235 V. supra.

236 V. supra.

237 Ainsi, Paul Champsaur, président de l'Arcep, précise dans un entretien que « le rôle de l'ARCEP concerne plus le règlement des différends et donne lieu à peu de sanction. ».

238 L'ARCEP, dans sa réponse au questionnaire, souligne ainsi que « la procédure de règlement de différend, initialement conçue pour permettre le règlement de conflit spécifiques, a été, au moins dans le contexte réglementaire précédent, assez souvent utilisée pour palier l'insuffisance relative des pouvoirs d'intervention de l'Autorité. ».

239 La Commission de Régulation de l'Energie insiste, dans sa réponse au questionnaire, sur cet effet heureux : « La CRE a également oeuvré pour que les contrats d'accès aux réseaux soient harmonisés autant que cela était possible et prennent en considération les attentes des consommateurs et des fournisseurs. Ayant statué à ce jour sur 42 demandes de règlement de différend, elle a rappelé un certain nombre de règles qui s'imposent aux gestionnaires de réseaux. Elle a même parfois été amenée à les préciser, lorsque la réglementation n'était pas suffisamment claire. ».

240 Pour que le pouvoir de médiation opère, il faut que les parties prenante en fassent crédit à l'Autorité administrative indépendante, puisque le consentement à se rapprocher doit être formulé de part et d'autre. Cela n'est pas forcément le cas. Ainsi, , Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication à l'UFC - Que Choisir, affirme : « Nous ne croyons pas à la médiation, mais plutôt à un système comme celui d' « Energy Watch » au Royaume-Uni, qui est rattaché à l'autorité de régulation de l'énergie et s'occupe des questions contractuelles, en mobilisant 70 personnes.

241 Il précise dans sa réponse au questionnaire que « Les améliorations souhaitables aujourd'hui seraient plutôt d'ordre procédural afin de rendre encore plus efficace l'intervention du Conseil dans les modes de règlement négociés des conflits.. »

242 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, qui ne dispose pas de pouvoir de règlement des différends, utilise très largement son pouvoir de médiation entre les opérateurs et les consommateurs de produits d'épargne. L'Autorité rattache cela, dans sa réponse au questionnaire, à sa mission pédagogique, en ces termes : « L'AMF ... assure un rôle de pédagogue et de médiateur auprès des particuliers ... Le rôle pédagogique s'accompagne d'un service de médiation en cas de litige ». Ce rôle de médiation est relativement peu commenté en doctrine, alors que l'Autorité dispose d'un « service de la médiation », qui emploie six personnes.

La HALDE pour sa part souligne dans sa réponse au questionnaire que « La possibilité de conduire des médiations est aussi un aspect essentiel de son action. ».

243 Sur les conséquences en matière budgétaire, v. infra, et sur la notion et les mécanismes de reddition des comptes (accountability), v. infra.

244 Sur une définition plus précise de l'impartialité, v. infra.

245 Sur cette capacité d'engagement, v. supra.

246 V. supra.

247 V. supra.

248 Sur la reddition des comptes comme forme de l'indépendance et non pas comme limite de l'indépendance, v. infra.

249 C'est d'ailleurs pourquoi le mécontentement des parties prenantes peut être un signe d'efficacité et le contentement de celles-ci un signe d'inefficacité. Sur ce point, v. infra.

250 Ce qui renvoie à la question de savoir si les Autorités administratives indépendantes sont une exception à l'organisation ordinaire de l'Etat ou l'anticipation de l'évolution de celle-ci. Sur ce point, v. supra.

251 V. supra.

252 Sur cette question essentielle, v. infra.

253 Décision n°99-416 DC du 23 juillet 1999, Couverture maladie universelle, Rec., p. 100.

254 V. supra.

255 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, PUF, coll. « Droit fondamental », 7e éd. 2005, p. 331. CEDH 8 juin 1976, Engel, Rec, série A, n°22.

256 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, souligne que « s'il n'existe pas de relations formelles avec les juridictions européennes, qu'il s'agisse de la CJCE ou de la CEDH, l'AMF est néanmoins très attentive aux évolutions jurisprudentielles, notamment en matière procédurale (application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme) ».

257 Cass. Ass. Plén. 5 février 1999, Bull. civ., n°1, p. 1.

258 A propos du Conseil des Marchés Financiers, CE Ass. 3 décembre 1999, Didier, Rec., p. 399, RFDA 2000, p. 584, concl. A. Seban, V. aussi CE 4 février 2005, Sté GSD Gestion et, à propos de l'Autorité des Marchés Financiers, CE Société Banque privée Fideuram Wargny du 2 novembre 2005, concl. M. Guyomar.

259 V. bibliographie générale.

260 Sur cette démonstration, v. supra et v. infra.

261 La présence d'un commissaire du Gouvernement, parfois ancienne comme dans le cas du Bureau Central de Tarification, parfois advenue à l'occasion d'une réforme législative, comme dans le cas de la fusion entre la COB et le CMF, concerne notamment le Conseil de la concurrence, la CNIL, l'AMF, la CRE, la Commission de sécurité des consommateurs, le Conseil de discipline de la gestion financière, la Commission nationale d'équipement commercial.

262 On distingue trois degrés d'influence du commissaire du Gouvernement. Le plus souvent, il ne fait qu'assister, sans voix délibérative, pour faire valoir la position du Gouvernement (c'est le cas au Conseil de la concurrence). Il peut ensuite disposer du pouvoir d'inscrire une question à l'ordre du jour (c'est le cas de la CRE). Il peut enfin demander une seconde délibération (devant la CNIL et l'AMF).

263 Sur cette question proprement dite, v. infra.

264 A l'exception notable des Autorités qui sont en charge de veiller à la bonne tenue des campagnes électorales et ne sont donc actives que pendant cette période, la léthargie touchant son extrême lorsque l'Autorité n'a de compétence que pour l'élection présidentielle (Commission de contrôle de la campagne électorale)

265 L'auto-saisine peut alors correspondre à une volonté de l'Autorité d'aller elle-même chercher les cas cruciaux. Ainsi, le Médiateur de la République souligne, dans sa réponse au questionnaire, que « La méthode que préconise le Médiateur de la République consister à « aller vers les autres » et à ne pas se contenter d'attendre d'être saisi des problèmes. L'Institution ne doit pas uniquement répondre à la demande, mais accroître son offre en allant là où l'accès aux droits est le plus problématique. ».

266 CE Sect. 20 octobre 2000, Sté Habib Bank limited, Rec., p. 433.

267 Lors d'un entretien, Alain Bazot, président de l'UFC - Que Choisir, estime que : « Le problème des AAI est qu'elles n'ont d'administratives que le nom. Elle deviennent totalement judiciaires, ce qui est une entorse à la séparation des pouvoirs ». Ce n'est pas ainsi que les Autorités elles-mêmes se définissent, voire se ressentent, et l'on observe de nombreuses différences entre elles à ce propos. Ainsi, le président du Conseil de la concurrence affirme régulièrement que ce Conseil n'est pas une juridiction mais un régulateur général des marchés de biens et services. L'argument est explicité par le Conseil de la concurrence dans sa réponse au questionnaire, par une argumentation reposant sur une évolution, qui est l'inverse de celle observée à propos des autres Autorités qui se juridictionnalisent, puisqu'il s'agit de démontrer que la nature quasi-juridictionnelle du Conseil de la concurrence s'est effacée au fil du temps : « Le Conseil de la concurrence a été créé par l'ordonnance du 1er décembre1986 pour assurer une mise en œuvre indépendante du droit de la concurrence. Initialement cette mission comportait principalement un volet contentieux, avec la possibilité de prononcer des sanctions et des injonctions, et un volet consultatif, avec la possibilité de rendre des avis soit sur des questions générales de concurrence ou en matière de concentration. Avec la construction d'une jurisprudence et plusieurs modifications législatives, les moyens d'action du conseil se sont élargis, notamment pour le prononcé de mesures conservatoires et les modes négociés de règlement des contentieux. Ainsi, le caractère d'autorité administrative quasi juridictionnelle qui était le plus visible dans les premières années du fonctionnement du Conseil de la concurrence s'est atténué et l'institution est aujourd'hui pleinement dans un rôle d'autorité de régulation économique, même si la répression des pratiques anticoncurrentielles reste au cœur de ses missions. ». De la même façon, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, souligne que « L'AMF se rapproche probablement plus d'une autorité administrative que d'une juridiction ... ». Mais de son côté, la Commission de Régulation de l'Energie, dans sa réponse au questionnaire, estime qu'elle « est une autorité administrative indépendante, dotée de certains pouvoirs quasi juridictionnels. ». Sur la même ligne, la HALDE se désigne, dans sa réponse au questionnaire, comme « Une autorité administrative dont certaines missions s'inscrivent dans des procédures quasi juridictionnelles. ». De la même façon, le Haut Conseil du commissariat aux comptes estime, dans sa réponse au questionnaire, qu'il « se rapproche d'une autorité administrative et d'une juridiction. ». On mesure ici que l'absence de cadre général conduit à des représentations dispersées, alors même qu'il s'agit d'autorités administratives indépendantes en l'espèce assez semblable et que la qualification a des incidences essentielles sur le régime procédural applicable, notamment les droits de la défense (v. infra). Il peut arriver que la qualification soit simplifiée du fait d'une pluralité d'Autorités en fonction de la pluralité des missions. C'est ainsi que le CECEI, dans sa réponse au questionnaire, estime que « le CECEI se conçoit comme une autorité administrative, la Commission bancaire ayant quant à elle par la loi, le rôle de juridiction disciplinaire. ».

268 Cela paraît plus naturel à l'observateur issu du monde judiciaire qu'aux Autorités elles-mêmes. Ainsi, Renaud Chazal de Mauriac, premier président de la Cour d'appel de Paris, affirme lors d'un entretien que : « Je souhaiterais personnellement que les normes judiciaires soient appliquées à ces AAI, même si des progrès ont déjà été faits. ».

269 V. supra.

270 Sur cet essentiel droit de savoir, v. supra.

271 V. supra.

272 Insertion que les associations précisément ne revendiquent pas, préférant un large pouvoir de saisine, lequel ne crée pas selon elles, un même mélange des genres. Ainsi Alain Bazot, président de l'UFC - Que Choisir souligne lors d'un entretien : « Nous n'avons pas vocation à faire de la codécision. Il est difficile pour nous d'assumer la responsabilité d'une décision, notamment si nous avons été dans la minorité. Un tel système n'est pas sain. Nous faisons partie de la commission des copies privées et cela nous pose problème, car nous ne savons pas où nous situer. ».

Les textes de droit français ne prévoient que ponctuellement une telle présence. Ainsi, de droit un représentant des consommateurs siège au collège du Conseil de la concurrence.

Et lorsque la présence des associations de consommateurs est plus forte, le système fonctionne difficilement, comme le montre la réponse au questionnaire que fait le Bureau Central de Tarification en ces termes : « Les assujettis (consommateurs ou représentants des organisations professionnelles) sont membres du BCT pour moitié. Les professionnels sont très présents. Il semble plus difficile de motiver les associations de consommateurs. Dans la section Responsabilité Civile Automobile le siège des consommateurs a souvent du mal à être pourvu. Les pouvoirs publics et notamment la DGCCRF ont été alertés à diverses reprises sur ce sujet. L'absence de remboursement des frais exposés est une raison. Les travaux du BCT ne donnent pas lieu à une grande publicité et ne paraissant pas figurer parmi les propriétés des associations de consommateurs. ».

D'une façon générale, Alain Bazot donne sa préférence au système plus nettement mis en place en Grande-Bretagne, organisant à côté de l'Autorité et à son bénéfice un conseil composant des parties prenantes. On peut trouver en France un fonctionnement de ce type à travers la HALDE, puisque celle-ci bénéficie d'un conseil consultatif, composé de personnes représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et toutes personnes ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité.

273 Sur cette summa divisio, v. supra.

274 Sur l'asymétrie d'information, v. supra.

275 Lors d'un entretien, Alain Bazot, président de l'UFC - Que Choisir, souligne : « il faudrait que cette possibilité de saisine soit plus large, mais surtout que la procédure soit plus réglementée ». Cédric Musot, chargé des relations institutionnelles, poursuit : « La procédure judiciaire est formelle, et donc très claire. En revanche, pour les AAI, nous avons par exemple récemment eu un problème avec le CSA, que nous avons saisi au sujet de la TNT. Le CSA nous a seulement répondu que le collège étudierait la saisine, mais il n'y a pas eu ni audition, ni demande de mémoire, ni transmission d'information sur la décision prise ».

276 V. supra.

277 Ainsi, La CNIL, dans sa réponse au questionnaire, souligne qu'« en 2004, la CNIL a reçu 22,4% de saisines en plus par rapport à 2003. ».Elle précise que « à titre d'illustration, depuis sa création la CNIL a reçu 10 656 demandes de droit d'accès indirect, c'est-à-dire des demandes d'accès à des fichiers de police et de gendarmerie que la CNIL réalise au nom des citoyens. Ces demandes ont donné lieu à plus de 17 000 investigations. Or, depuis plusieurs années la CNIL est confrontée à des hausses spectaculaires de ces demandes ; en 2004, il s'est agi d'une hausse de 70% en un an. ».

De la même façon, la HALDE, benjamine pourtant des Autorités administratives indépendantes, indique dans sa réponse au questionnaire : « Sur les cinq premiers mois d'activité, la Haute Autorité a été saisie d'un peu plus de 700 réclamations. La notoriété grandissante de la Haute Autorité devrait conduire à l'accueil de plus de 3 000 réclamations en 2006. ». On observe que l'importance des Autorités administratives indépendantes dépend beaucoup de la connaissance que les parties prenantes en ont. Cette connaissance va souvent de soi pour les régulateurs économiques, mais elle est moins spontanée pour les régulateurs qui protègent les libertés publiques. On observera que ceux-ci, aussi bien la HALDE que la CNIL ou le Défenseur des enfants, estiment souffrir d'un déficit de notoriété et réclament fortement des moyens budgétaires de communication et d'information, ce que ne réclament précisément pas les régulateurs de secteurs économiques. La HALDE précise dans sa réponse au questionnaire qu'elle veut implanter un « réflexe HALDE » dans la population, pour que toute victime d'une discrimination se tourne vers elle. A l'inverse, le Conseil de la concurrence estime, dans sa réponse au questionnaire, qu'il n'est pas nécessairement très connu du grand public, et cela ne constitue pas un obstacle à l'accomplissement de sa mission. Cette question apparaît donc comme opposant régulateurs économiques et médiateurs sociaux. Il ne faut pourtant pas exagérer l'effet de la distinction car, par exemple lorsque l'épargne populaire est concernée, le besoin de communication renaît. Il en est ainsi aussi bien de l'AMF que du Haut Conseil au commissariat aux comptes.

278 V. supra.

279 V. supra.

280 V. supra.

281 V. supra.

282 V. supra.

283 V. supra.

284 V. supra.

285 Celui-ci peut saisir le parquet à toutes fins. Il est remarquable que, symétriquement, le procureur général près la Cour des comptes puisse saisir le Haut Conseil de toute question entrant dans sa compétence.

286 Pour prendre ce dernier exemple, une circulaire du Ministère de la justice organise ses relations avec les juridictions. Le Défenseur des enfants, dans sa réponse au questionnaire, souligne que « Une grande attention est accordée par les Procureurs généraux et les Procureurs de la République aux courriers de l'AAI, dans le respect de l'indépendance des décisions judiciaires. A chaque déplacement officiel de la Défenseure des Enfants dans les ressorts des Cours d'Appel, des réunions de travail sont tenues avec les Premiers Présidents et Procureur général. Par ailleurs, quelques correspondants territoriaux sont abrités par les Maisons de Justice et du Droit, en accord avec les Procureur et Président du TGI du lieu. ».

On soulignera encore la convention passée entre le Médiateur de la République et le Ministère de justice pour l'installation de délégués du Médiateur dans les prisons.

287 V. supra.

288 Sur cette superposition de deux espaces juridiques de qualification qui jouent en même temps, et la complexité nécessaire qui en résulte, v. supra.

289 Com., 22 février 2005, Sinerg.

290 V. supra.

291 Renaud Chazal de Mauriac, premier président de la Cour d'appel de Paris, souligne dans un entretien que « la difficulté liée à l'inexpérience des magistrats dans les domaines spécialisés fait l'objet d'une réflexion. Pour la Première chambre H, nous cherchons des spécialistes ayant le bon profil. Ce n'est pas toujours facile. On pourrait envisager de créer des filières particulières ou un échevinage ? Cela soulève de délicates questions, et la situation actuelle demeure encore insatisfaisante ». Il poursuit : « un effort doit être consenti pour amener les magistrats à avoir une culture économique et financière suffisante, mais il convient de concevoir une politique judicieuse du Garde des Sceaux en matière de gestion des ressources humaines, si l'on veut justifier cet effort. ». En ce qui concerne la Cour plus particulièrement, Renaud Chazal de Mauriac expose : « Pour l'instant, nous avons trois formations de jugement, une pour l'AMF, l'autre pour la CRE, et l'une pour l'ARCEP. Les affaires du Conseil de la concurrence sont réparties entre les trois selon différents critères. Les magistrats composant ces formations n'y sont pas affectés à titre exclusif. Aujourd'hui nous menons une réflexion sur l'opportunité d'avoir une seule formation entièrement spécialisée, tout en se demandant si on peut se permettre d'affecter 3 magistrats à plein temps sur un nombre limité de dossiers. Pour l'instant, cette option n'a pas été retenue. ».

292 Ainsi, Paul Champsaur, président de l'ARCEP, souligne dans un entretien « la faiblesse du système judiciaire, avec une grande difficulté d'expertise du fait de l'inexistence des experts indépendants. L'expertise est souvent le fait de non spécialistes et se limite à une expertise comptable. C'est pourquoi les autorités participent par la suite au contentieux. Ce qui peut poser un problème d'indépendance. Toutefois, la compétence des juges tend à s'accroître. ».

293 Par exemple, l'ARCEP, dans sa réponse au questionnaire, souligne que « Peu de décisions de l'Autorité ont été annulées depuis 1997 ; les moyens d'annulation sont souvent liés à un défaut de transparence ou vice de procédure (contentieux sur le service universel ou sur le dégroupage notamment). ».

294 V. supra.

295 V. supra.

296 V. supra.

297 V. supra.

298 V. supra.

299 V. supra.

300 Sur cette summa divisio, v. supra.

301 V. supra.

302 Trib. Conflits, 22 juin 1992, Diamantaires d'Anvers.

303 Trib. Conflits, 26 avril 2004, Powernext.

304 Cette perspective est d'ailleurs très généralement rejetée par ceux auprès de laquelle elle est évoquée. Par exemple, Renaud Chazal de Mauriac, premier président de la Cour d'appel de Paris, estime que « Une juridiction économique unique, c'est tentant et conceptualisable mais serait-ce vraiment la réponse au regard du coût, c'est difficile à dire. Je serai plus enclin d'améliorer le dispositif existant. ».

305 V. supra.

306 Par exemple, Paul Champsaur, président de l'Arcep, précise dans un entretien que « cela fonctionne sans problème. ».

307 V. supra.

308 V. supra.

309 Cela découle notamment de multiples entretiens menés, que les interlocuteurs soient favorables ou non aux Autorités administratives indépendantes. Ceux qui les critiquent le font sur le terrain des principes, et ceux qui les soutiennent insistent sur la réussite pragmatique de leur insertion dans le cadre général de l'Etat et de l'action administrative.

310 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, estime que tous les « instruments, qui permettent à l'AMF d'intervenir a priori et a posteriori selon les cas, sont bien entendus complémentaires et interdépendants. Ils participent tous à la régulation si bien qu'il semble difficile d'en privilégier un par rapport aux autres. ... on peut considérer que la première tâche, considérable et fondatrice, accomplie par l'AMF en 2004, a concerné la rédaction de son règlement général. Ce corps de règles, véritable « code » de la régulation de marché en France, intègre et actualise les textes conçus par la COB et le CMF. Evolutif, à l'image des marchés financiers, des acteurs et des produits que l'AMF est chargée de réguler, le règlement général de l'AMF est régulièrement mis à jour et complété au fur et à mesure des évolutions législatives et réglementaires, communautaires et nationales, comme des innovations issues de la pratique ».

311 Par exemple, la Commission de Régulation de l'Energie estime, dans sa réponse au questionnaire, que « l'exercice de ses missions serait amélioré grâce à : l'extension de son pouvoir réglementaire à la fixation des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution ; ... l'octroi d'un pouvoir réglementaire supplétif dans le secteur du gaz ».

312 Le CSA l'exprime, dans sa réponse au questionnaire, estime nécessaire d'être détenteur : « de pouvoirs réglementaires accrus ; en effet, sa marge d'intervention est aujourd'hui extrêmement restreinte par le grand nombre et la complexité des décrets d'application de la loi de 1986 ; en outre, les domaines dans lesquels il dispose d'un pouvoir réglementaire sont résiduels : émissions électorales (article 16 de la loi), droit de réplique (article 54), émissions d'expression directe (article 55).

313 V. supra.

314 Sur ce processus Lamfallusy, v. supra.

315 Sur l'argument selon lequel la satisfaction des parties prenantes, ici par l'absence d'exercice du droit de critiquer par un recours devant le juge, ce qui peut constituer une façon pour l'Autorité de rendre des comptes, v. infra.

316 Sur cette importance décisive de la stature de l'Autorité, et de celle de son président, v. supra.

317 Pour la démonstration en matière bancaire, v. C.E. 30 décembre 2002, Rimonteil de Lombares.

318 V. supra.

319 V. supra.

320 V. supra.

321 V. supra.

322 V. supra.

323 On observera que le Médiateur de la République a le pouvoir particulier, attaché à celui de proposer des réformes, de provoquer la réunion d'un comité interministériel de suivi de proposition de réforme, sous la présidence du directeur de cabinet du ministre chargé de la réforme de l'Etat. Une réunion s'est tenue en 2004 et une en 2005. Ce pouvoir pourrait être généralisé à toutes les Autorités qui disposent d'un pouvoir de proposition de réforme, l'expérience montrant que de nombreuses propositions de réforme ont donné lieu à des réformes (v. réponse au questionnaire).

On peut se demander si un tel pouvoir ne devrait pas être généralisé, lorsqu'on observe que d'autres Autorités ne voient pas leurs propositions de réforme vraiment suivies d'effet. Les situations paraissent très diverses. Par exemple, l'ARCEP reconnaît, dans sa réponse au questionnaire, qu' « un nombre important des modifications proposées a été pris en compte. A l'inverse, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité souligne, dans sa réponse au questionnaire, que « La loi du 6 juin 2000 prévoit que la Commission peut faire des propositions de modification de la législation et de la réglementation. C'est une part importante de ses propositions, qui sont peu suivi d'effets. ».

324 Sur la question générale de la composition des Autorités administratives indépendantes, v. supra.

325 Le CECEI comprend le gouverneur de la Banque de France, le directeur du Trésor ou son représentant, le président de l'AMF ou son représentant, le président du directoire du fonds de garantie des dépôts ou son représentant ainsi que huit membres ou leurs suppléants, nommés par arrêté du ministre chargé de l'économie pour une durée de trois ans, à savoir : un conseiller d'Etat, un conseiller à la Cour de cassation, deux représentants de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement exerçant ou ayant exercé des fonctions de direction, dont un au titre des établissements de crédit et un au titre des entreprises d'investissement, deux représentants des organisations syndicales représentatives du personnel des entreprises ou établissements soumis à l'agrément du comité et deux personnalités choisies en raison de leur compétence.

326 V. supra.

327 V. supra.

328 Réponse au questionnaire.

329 V. supra.

330 V. supra.

331 V. supra.

332 V. supra.

333 V. supra.

334 V. supra.

335 Sur l'importance de cela au regard de la reddition des comptes, v infra.

336 Par exemple, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire, estime que « On pourrait certes estimer que la CNIL n'a pas assez de pouvoir face aux décisions du Gouvernement ou du législateur mais il s'agit d'établir un équilibre satisfaisant entre les pouvoirs constitutionnels et une autorité établie par la loi. ».

337 V. supra.

338 V. supra.

339 V. supra.

340 V. supra.

341 Sur la question de la DGCCRF et du Conseil de la concurrence, v. supra.

342 Ainsi, la HALDE, dans sa réponse au questionnaire, informe qu'elle «construit actuellement des partenariats avec les ministères et directions centrales dont les compétences s'exercent sur les domaines qui font partie de ses préoccupations (ministère de la Justice, ministère des Affaires sociales ...) ». Elle ajoute que «Une circulaire du Garde des Sceaux est en préparation pour informer et sensibiliser les juridictions au rôle et aux missions de la Haute Autorité. Ces juridictions sont occasionnellement saisies (parquets) sur des dossiers individuels. ».

343 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers, dans sa réponse au questionnaire, souligne qu'elle « entretient un certain nombre de relations de travail efficaces avec les services centraux de l'Etat notamment dans le cadre de la coordination de l'action de l'Etat et de celle des régulateurs, tant au plan national (CACES) qu'au plan européen (CEVM) et ceux-ci n'interviennent pas de manière inappropriée (ou qui serait de nature à porter atteinte à l'indépendance de l'autorité) dans les prises de décisions, l'exercice du pouvoir d'enquêtes et de sanction ou la gestion de l'autorité. ».

344 La CNIL souligne, dans sa réponse au questionnaire, son implication dans le domaine de la coopération politique, au titre de laquelle « ... la CNIL siège au sein des autorités de contrôle communes (ACC), Europol, Schengen et Système d'information douanier. En moyenne, l'ACC Europol se réunit quatre fois durant l'année, l'ACC Schengen cinq fois, l.'ACC du Système d'information des douanes trois fois par an. Enfin, un membre de la CNIL est aussi le représentant de la France au sein de l'organe de contrôle commun Eurojust créé en 2002. ».

345 Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers précise dans sa réponse au questionnaire que « L'évaluation de l'efficacité et de la qualité est assurée pour chaque grand domaine d'activité par le suivi d'indicateurs opérationnels spécifiques dont une large place est laissée à la mesure de délais de traitement moyens, de flux quantitatifs d'instruction, de moyennes de charge par agent lorsque cela est jugé pertinent, de suites données aux contrôles ou enquêtes. ... Ces indicateurs font l'objet d'une analyse trimestrielle des écarts par rapport aux objectifs par les responsables opérationnels et la direction générale, à partir de laquelle sont arrêtés des plans d'action appropriés ».

L'ARCEP précise, dans sa réponse au questionnaire, que « si l'on se réfère à la comptabilité analytique des charges de l'Autorité, l'attribution des ressources représente de l'ordre d'un tiers de l'activité de l'Autorité, la mise en œuvre des analyses de marché en représente une part équivalente et la mise en œuvre des dispositions relatives au service public de l'ordre de 10% ».

De la même façon, le Défenseur des enfants expose, dans sa réponse au questionnaire, le système de saisine informatisée dans une base de données, d'une vingtaine de critères descriptifs de chaque situation dont l'Autorité est saisie.

346 Par exemple, la Commission de Régulation de l'Energie estime, dans sa réponse au questionnaire, que « La spécificité du statut de la CRE, autorité administrative indépendante, n'est pas prise en compte dans la nouvelle nomenclature budgétaire. En effet, lors de la mise en œuvre de la LOLF, l'activité de la CRE a été définie comme une action au sein du programme « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services » de la mission ministérielle « Développement et régulation économiques ». Les autres actions de ce programme financent, notamment, la DGCCRF ou la Direction générale des douanes et droits indirects. Ainsi, la CRE est traitée dans le cadre de la LOLF comme un service d'une administration centrale, les crédits de chaque programme étant fongibles, le chef de programme peut, au moins en droit, affecter les crédits accordés à la CRE à d'autres actions au sein du même programme. Cette possibilité est contradictoire avec le statut d'AAI et l'autonomie de gestion conférée à la CRE. ».

347 La référence faite ici à l'apparence renvoie à une qualité qui se donne à voir. V. supra.

348 On peut prendre l'exemple du Médiateur de la République qui, dans sa réponse au questionnaire, « met l'accent sur les éléments suivants d'autonomie de gestion : - il doit pouvoir continuer à négocier lui-même le niveau de sa dotation lors des conférences budgétaires ; - il doit demeurer libre, dans le cadre du droit budgétaire, de définir les objectifs et les indicateurs de performance caractérisant son action au sein du programme dans lequel il est inséré ; - il doit être en mesure de justifier lui-même l'exécution de son budget relativement aux objectifs prévus et aux moyens attribués au programme ; - il doit continuer à rester maître du choix de ses collaborateurs ; - il doit être ordonnateur des dépenses tant en ce qui concerne les actes de gestion budgétaire que pour la passation des marchés publics. ».

349 V. infra.

350 Ainsi, le CSA, dans sa réponse au questionnaire, expose que : « dans le nouveau cadre budgétaire instauré par la LOLF, le CSA étant une action du programme « Coordination du travail gouvernemental », il est intégré dans la négociation et la détermination des crédits au niveau du programme. Son autonomie en matière de négociation s'en trouve considérablement affaiblie, et le niveau de ses crédits dépend de celui d'autres instances gouvernementales et des arbitrages effectués entre celles-ci par le Secrétariat général du gouvernement qui est décisionnaire du programme. ».

351 Il faut prendre en compte que d'une façon très générale, le mécanisme du contrôle financier appliqué d'ordinaire est en train de s'alléger, ce qui rend la question moins cruciale pour les Autorités administratives indépendantes. Cela est souligné en entretien par Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du budget, qui répond à l'observation selon laquelle la LOLF donne d'une façon générale une souplesse que les Autorités s'étaient déjà arrogées en pratique, en ces termes : « Il est vrai que le recentrage du contrôle financier exercé sur la mission budgétaire rejoint ce qui était en vigueur pour les AAI, c'est-à-dire un système d'avis et de contrôle a posteriori. Par conséquence, les AAI devraient facilement s'adapter à ces règles ».

352 Ce système satisfait l'Autorité en cause, qui, interrogée sur le point de savoir qu'elle serait pour elle le meilleur système de financement, écrit dans sa réponse que « la situation actuelle d'autofinancement, par le biais de droits et contributions, paraît être le meilleur système de financement. Il avait fait ses preuves pour la COB, il semble que ce soit également le cas pour l'AMF... », sous réserve de la volatilité des ressources que cela suppose, avait précédemment souligné l'Autorité.

353 Par exemple, la CNIL, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Au regard de l'indépendance de la Commission, il serait souhaitable, au moins, de pouvoir compléter les ressources provenant du budget de l'État par des ressources propres. ».

354 L'amendement présenté en ce sens par le sénateur Philippe Marini à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 2004, adopté par le Sénat, a été rejeté par la commission mixte paritaire.

355 V. compte rendu Entretien Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du budget ; « Le problème qui se pose alors est le suivant : en quoi le pouvoir budgétaire peut-il avoir un impact sur l'indépendance des AAI ? Si on fait un parallèle avec la justice, son placement dans le droit commun budgétaire n'a pas conduit à une remise en cause de son indépendance ». Et à la question qu'appelait une telle réponse, à savoir que certains auteurs ont soutenu le contraire, le directeur du budget répond : « ... le budget de la justice n'a cessé de s'accroître, depuis dix ans, ce qui ne serait pas le cas si le budget était utilisé pour réduire son indépendance. En outre, si la justice est demeurée dans le droit commun, dans le cadre de la LOLF, des précautions ont été prévues sur le niveau du dialogue, par exemple, ou encore sur la marge de manœuvre ». Est soulignée ainsi l'analogie entre les AAI et les juridictions.

356 Par exemple, le Défenseur des enfants, dans sa réponse au questionnaire, estime que : « le budget général de l'Etat est la meilleure source budgétaire pour ce qui concerne l'institution du Défenseur des enfants ; l'autonomie de gestion financière devrait être totale sous le seul contrôle de la Cour des Comptes ; dans l'immédiat, la LOLF n'a pas influé sur l'organisation de l'activité de l'institution, mais il est difficile d'apprécier au stade actuel les effets de cette loi sur son indépendance. ».

La formulation choisie par la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité, dans sa réponse au questionnaire, est presque identique : « Nous devrions avoir une autonomie totale et être soumis au contrôle de la Cour des comptes. ».

357 La CNIL développe, dans sa réponse au questionnaire, que « Un rapport au Premier Ministre du 3 mars 2005 sur « l'augmentation nécessaire du budget de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés » comporte une recommandation pour « un plan de redressement sur quatre ans (2006-2009) ». La CNIL souhaite voir le doublement de ses effectifs, de 85 emplois à 170 en 2009 et une augmentation de son budget de fonctionnement de 2.450.000 € à 5.726.000 €. Les postes nouveaux de la CNIL seraient consacrés au renforcement de sa capacité d'expertise technologique, à l'augmentation du nombre de contrôles, de sa capacité de diffusion des connaissances vers tous les publics, à l'animation du réseau de correspondants à la protection des données personnelles, à la création de plates-formes locales, au renforcement de la fonction relations extérieures, études et développement et enfin à l'ajustement corrélatif des fonctions administratives et de support. Au-delà, un accroissement spécifique du budget de fonctionnement serait lié au besoin de relogement de la CNIL (ce qui sera réalisé en 2006), à l'extension de la CNIL hors de Paris, à la nécessité d'un budget d'études (socio-économiques, techniques, etc.) et enfin à la mise en œuvre d'une politique d'information du public. ».

358 Le CSA souligne, dans sa réponse au questionnaire, que « Le volume de l'activité du CSA n'a cessé d'augmenter au fil des années, en raison de l'élargissement progressif du paysage audiovisuel et de l'extension régulière des missions assignées : autorisation d'exploitation des réseaux câblés et approbation de leurs plans de services, multiplication des chaînes du câble et du satellite, lancement d'un nombre croissant d'appels aux candidatures, autorisation de nouvelles chaînes de télévision locales, renouvellement des autorisations des radios MF et des chaînes nationales privées, mise en place de la télévision numérique terrestre, apparition de nouveaux supports de diffusion pour la radio et la télévision, etc. .L'impact de cette évolution est difficile à quantifier, car elle s'accompagne, au-delà d'une multiplication du nombre des dossiers instruits, d'une complexité croissante de leurs travaux préparatoires. ». Il confronte cette évolution à la stagnation de son budget. Il en conclut notamment que son budget « ne lui donnera ni les moyens de fonctionnement nécessaires pour la poursuite des travaux de planification pour la mise en place de la télévision numérique terrestre (1,8 M€ nécessaires en 2006 et 1,2 M€ en 2007), ni ceux destinés à l'élaboration d'un nouveau plan de fréquences pour la radio dans le cadre du plan FM 2006 (0,7 M€), actions jusqu'ici financées sur des reports de crédits et, à ce titre, non inscrites dans la base LFI 2005. ».

359 Comme le souligne en entretien Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du budget : « Dans l'Etat, il n'y a personne qui ne soit soumis à un débat contradictoire, en raison du fait que la ressource résulte toujours de la « violence légitime » de l'impôt ou de son équivalent ».

360 V. supra.

361 V. supra.

362 Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du budget, souligne que le lien entre attribution de la personnalité morale et sortie de la LOLF n'est pas automatique, mais résulte lui-même d'une volonté politique. A la question posée de savoir si l'on pourrait pu intégrer l'AMF dans la LOLF alors même qu'elle accédait à la personnalité morale : « oui, c'est concevable. Toutefois, il y avait une volonté de ne pas intégrer l'AMF dans la LOLF, comme conséquence de l'octroi de la personnalité morale. Il est possible d'avoir une personne morale astreinte aux règles fixées par la LOLF (comme par exemple les opérateurs de l'Etat). Le mécanisme de la LOLF peut tout à fait être étendu en dehors de l'Etat ».

363 Ainsi, Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, estime, dans un entretien : « Nous sommes à mon avis une des AAI les mieux préparées pour s'insérer dans la LOLF sans dommages. Sous une réserve : que le principe de fongibilité ne s'applique pas à nous.

364 V. supra.

365 Ainsi, la HALDE estime, dans sa réponse au questionnaire : « A ce jour le budget de la HALDE, est débattu et adopté dans le cadre du budget de l'Etat. Par contre il est rattaché dans le cadre de la LOLF à un programme d'action, dont la direction est assurée par la Direction de la Population et des Migrations. Ce n'est pas la source budgétaire qui est à ce jour sujet de préoccupation mais plutôt son indépendance. Il nous semblerait préférable, soit que chaque autorité indépendante possède son propre programme au sein de la LOLF soit à défaut que toutes les AAI soient réunies au sein d'un même programme. ».

366 Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du Budget, s'exprime dans ce sens dans un entretien : « regrouper les AAI au sein d'un seul programme (c'est d'ailleurs déjà le cas avec le programme d'action gouvernementale qui regroupe plusieurs petites AAI). Cette solution est plus satisfaisante, on rattacherait l'ensemble au Premier Ministre, tout en prévoyant de manière explicite que la fongibilité n'a pas lieu de s'exercer ».

367 L'amendement présenté par Mme Gourault, à propos de l'article 52 du projet de loi de finances ne visait d'ailleurs que le Médiateur de la République, le CSA et les autorités rattachées à la « défense des droits et libertés fondamentaux ». Il 'a été adopté qu'au stade intermédiaire de vote de la loi (CR analytique de la séance du 3 décembre 2005), mais rejeté lors de l'adoption de la loi de finances en Commission mixte paritaire. Le Ministre de la Fonction publique a justifié son absence de soutien par le fait que : « Conformément à l'esprit de la L.O.L.F., le gouvernement, depuis l'origine, a refusé de créer des programmes spécifiques pour les autorités administratives indépendantes. Il a entendu s'en tenir à des programmes par actions, non par organismes » (CR analytique, préc.).

368 Ainsi, le Défenseur des enfants, dans sa réponse au questionnaire, estime que « cette insertion ne paraît pas très pertinente. Il aurait sans doute été préférable de réunir l'ensemble des AAI dans une même mission répartie en 2 ou plusieurs programmes selon la nature et l'objet de ces institutions, chaque AAI étant ensuite une action à elle seule. ». En revanche, le Haut Conseil du commissariat aux comptes, dans sa réponse au questionnaire, assure que cela lui convient.

369 Ainsi, le Conseil de la concurrence, dans sa réponse au questionnaire, souligne que : la LOLF n'a pas influé sur l'organisation de l'activité du Conseil. Le rattachement du Conseil au programme « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services », qui regroupe des directions dépendant directement du ministre et trois AAI : ARCEP, CRE et le Conseil de la concurrence, a été contesté au nom de l'autonomie des AAI. En vertu du principe de la fongibilité des crédits au sein du programme, cette situation pourrait avoir des conséquences sur l'indépendance des AAI. Toutefois, des assurances ont été données par le responsable du programme qui s'est engagé à garantir l'autonomie budgétaire des trois AAI. »

370 Une telle revendication, et par usage de ce vocabulaire là, est fréquente. Ainsi, la HALDE, dans sa réponse au questionnaire, estime que « Le rattachement, du fait de la mise en place de la LOLF, à des programmes d'action de l'Etat, ne permet pas une réelle indépendance de la structure. Le responsable de programme ne peut donner l'assurance que le budget de fonctionnement ou le nombre des emplois de la Haute autorité sont « sanctuarisés » et non soumis aux aléas des régulations et arbitrages internes du Ministère et du programme de rattachement. ».

De la même façon, Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, requiert dans un entretien d'être soustrait à ce pouvoir de fongibilité.

371 Dans la discussion avec Pierre-Mathieu Duhamel, directeur du budget, à propos de l'articulation entre l'indépendance des Autorités administratives indépendantes et architecture de la LOLF, à partir de la remarque selon laquelle « le véritable sujet de discussion, c'est la fongibilité », le directeur répond : « L'idée du programme unique regroupant toutes les AAI avait été écartée pour cette raison. En posant le principe de sa neutralisation dans ce cas précis, l'idée d'un programme AAI paraît recevable. ».

372 Sur son rôle important par ailleurs, v. infra.

373 V. supra.

374 V. supra.

375 V. supra.

376 V. supra.

377 V. supra.

378 V. supra.

379 Pour l'examen de la question en tant que telle, v. supra.

380 V. supra.

381 Comme le fait remarquer l'ARCEP, dans sa réponse au questionnaire : « L'Autorité ne dispose pas d'une forme de mesure objective sur la « satisfaction » des personnes ou organismes concernés par son activité. Toutefois, il convient de souligner que la Commission [Européenne] réalise tous les ans un rapport sur la mise en œuvre des directives dites ONP et désormais sur celle du cadre européen de 2002. A l'occasion de ce rapport, la Commission n'hésite pas à signaler les lacunes ou les actions satisfaisantes des régulateurs. ».

382 Par exemple, le Bureau Central de Tarification explicite, dans sa réponse au questionnaire que « Il n'y a jamais eu de cas de refus d'appliquer les décision du Bureau central de tarification par une entreprise d'assurance (même s'il a pu arriver ponctuellement que certaines entreprises mettent du temps à établir le contrat suite à la décision). La légitimité du BCT n'est donc pas contestée. ».

383 Sur la perspective générale de la conception processuelle de l'exercice des pouvoirs, v. supra. Sur la perspective procédurale technique, v. supra.

384 V. supra.

385 Les rapports annuels sont presque tous construits de la même façon, entre des informations statistiques, des informations systématiques sur l'activité, et le traitement d'un thème plus particulier rattaché à la mission de l'Autorité. Cela fut dernièrement la question de la gestion pour compte de tiers pour l'Autorité des marchés Financiers, et les relations entre les enfants et la justice pour le Défenseur des enfants.

386 Pour prendre quelques exemples de rapports annuels et pour montrer la diversité des destinataires, lesquels ne sont d'ailleurs que des relais puisque les rapports sont par ailleurs rendus publics, l'ARCEP remet un rapport au Parlement et au Premier ministre. ; le Comité d'éthique remet un rapport au Président de la République et au Parlement. ; le Comité national d'évaluation remet un rapport au Ministre de l'éducation nationale.; la Commission de sécurité des consommateurs adresse un rapport au Président de la République et au Parlement ; la CNIL remet un rapport annuel au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement ; la CRE remet un rapport au Gouvernement, au Parlement et au Conseil supérieur de l'électricité ; le Défenseur des enfants remet un rapport au Président de la République ; le Médiateur de la République remet un rapport au Président de la République ; le Conseil de la concurrence remet un rapport au Ministre de l'économie. Parmi les autorités n'étant pas soumises à l'obligation de rédiger un rapport, on mentionnera, la Commission consultative du secret de la défense nationale, la Commission des infractions fiscales et la Commission des sondages.

387 C'est ainsi que, dans sa réponse au questionnaire, la Commission de Régulation de l'Energie, fait expressément le lien : « Le principe d'indépendance garantit l'absence de conflits d'intérêts entre l'autorité administrative chargée d'ouvrir les marchés de l'électricité et du gaz à la concurrence, les entreprises publiques qui détiennent une position dominante sur ces marchés et les organes de l'Etat chargés de la protection des intérêts de l'Etat, actionnaire de ces entreprises. Toutefois, la CRE est soumise au contrôle du Parlement. Elle établit chaque année, avant le 30 juin, un rapport ... ».

388 V. supra.

389 Il est donc étonnant que le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes remette son rapport annuel au garde des Sceaux ou que le rapport du Conseil de la concurrence soit remis au Ministre de l'économie.

390 V. supra.

391 V. supra.

392 Pouvant aller jusqu'à requérir une « évaluation ». Par exemple, Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, souligne dans un entretien : « ... je suis favorable à l'évaluation des AAI, par exemple par le Parlement. J'ai d'ailleurs demandé à mon arrivée qu'un bilan de clôture soit effectué, pour que l'œuvre de chacun soit bien identifiée ».

393 V. supra.

394 V. supra.

395 V. supra.

396 V. supra.

397 V. supra.

398 Par exemple, à propos de la multiplication du nombre des structures administratives : « Au début, l'accent porta plutôt sur l'autonomisation de nouvelles unités administratives (...), puis sur la décentralisation (...), enfin sur la multiplication des formes juridiques (...). Cette constatation a été faite également au niveau international, sous le slogan de « quango-cratisation de l'État » (Döllner 2001, p. 62).

399 Revue Administrative 1980, 237, cité par le rapport public 2001 du Conseil d'État, p. 289.

400 Il semble que ces deux types de contrôle n'aient pas affecté l'indépendance de l'autorité de régulation pour les télécommunications et la poste, dont la nouvelle Agence prend la succession.

401 Autres cas de compétence : - 3° et 4° partie de la TKG - § 47.V.2 TKG.

402 Cf. par exemple UMBACH/CLEMENS, Grundgesetz - Mitarbeiterkommentar, t. II, Art. 87 Nr. 100 ss. Et BULL, in: Kommentar zum Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (« Alternativkommentar »), Art. 87 Nr. 25 ss.

403 Voir l'Autorité fédérale de contrôle des médias présentant un danger pour la jeunesse (Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien) § 19 Abs. 4 de la Loi de protection de la jeunesse (Jugendschutzgesetz). Ce n'est pas le cas en revanche des autorités aux compétences quasi-juridictionnelles comme le Bundeskartellamt (Office fédéral de la concurrence) ou le Deutsche Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) qui sont soumis aux directives générales de leur ministre de rattachement.

404 Les droits fondamentaux des 20 premiers articles de la Loi Fondamentale sont souvent invoqués à l'appui de cette exigence d'indépendance.

405 Le statut du Bundeskartellamt est réglé dans la loi sur la concurrence, le statut de l'Agence fédérale des réseaux en grande partie dans la loi sur les télécommunications.

406 Le secteur de la régulation des marchés financiers a connu récemment un mouvement de concentration comparable à celui qui a conduit en France à la création de l'Autorité des Marchés Financiers. En Mai 2002 a été créée la Bundesanstalt für Finanzdienstleisungsaufsicht (Institut fédéral pour la surveillance des services financiers). Elle regroupe les organes de surveillance pour le crédit, pour les assurances, et pour les échanges monétaires.

407 Voir ci-dessous III c.

408 Une traduction française de cette loi est disponible à l'adresse suivante : http://www.bmwa.bund.de/Redaktion/Inhalte/Pdf/Gesetz/telekommunikationsgesetzfr,property=pdf,bereich=,sprache=de,rwb=true.pdf

409 Leur attribution précise relève de la compétence des autorités de régulation des Länder.

410 Cf. p.ex. § 126 Telekommunikationsgesetz.

411 § 3 et 4 de la Loi sur la Bundesnetzagentur du 7 juillet 2005.

412 § 142 ss. Telekommunikationsgesetz.

413 Cf. § 1 et 2 de la Loi sur les compétences de la Commission des pétitions du 19 juillet 1975.

414 Article 133 :

« Échappent à la compétence de la Cour administrative :

[...]

4. les affaires tranchées en dernière instance par une autorité collégiale, si, d'après les lois de la Fédération ou des Länder portant organisation de ces autorités, ses membres comptent au moins un juge, si les autres membres ne sont pas non plus soumis à aucune instruction dans l'exercice le leurs fonctions, si les décisions de cette autorité ne peuvent être annulées ou modifiées par des instances administratives supérieures et si, nonobstant le fait que toutes ces conditions soient réunies, la recevabilité d'un recours devant la Cour administrative n'est pas stipulée expressément ».

415 Pour mémoire, la Belgique est un État fédéral dont les composantes sont d'une part trois communautés (flamande, française et germanophone), et d'autre part trois régions (flamande, wallonne et de Bruxelles-Capitale).

416 Selon les termes de la loi du 29 avril 1999.

417 Le Roi, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, définit les incompatibilités avec le mandat de président ou de membre du comité de direction et les règles applicables en matière de conflits d'intérêt.

418 Plus précisément, il est composé de six à neuf membres représentant les pouvoirs publics, dont six représentants du Gouvernement fédéral ; un représentant de chaque Gouvernement de région qui décide de se faire représenter au Conseil ; de neuf membres représentant les organisations représentatives des travailleurs et les petits consommateurs, dont cinq membres appartenant aux organisations représentatives des travailleurs qui siègent au conseil national du travail ; deux membres proposés par les mêmes organisations parmi les personnes siégeant au Conseil de la Consommation ; deux membres choisis parmi les organisations ayant comme objectif la promotion et la protection des intérêts généraux des petits consommateurs dans tous les domaines qui les concernent et qui sont indépendants des autorités et des milieux professionnels ; de sept membres représentant les organisations représentatives des employeurs et les grands consommateurs, dont trois membres appartenant aux organisations représentatives de l'industrie, du secteur bancaire et du secteur des assurances qui siègent au Conseil central de l'Économie ; deux membres appartenant aux organisations représentatives de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises commerciales et de la petite industrie qui siègent au même Conseil ; un membre représentant les gros consommateurs d'énergie électrique ; un membre représentant les gros consommateurs de gaz naturel ; quatre membres représentant les producteurs, dont deux membres représentant les producteurs appartenant à la Fédération professionnelle des Producteurs et Distributeurs d'Électricité de Belgique ; un membre représentant les producteurs réalisant leur production à l'aide d'énergies renouvelables ; un membre représentant les producteurs réalisant leur production à l'aide d'installations de cogénération ; cinq membres représentant les gestionnaires des réseaux de distribution dont trois membres proposés par INTERMIXT ; un membre proposé par INTER-REGIES ; un membre proposé par le gestionnaire de réseau ; trois membres représentant les entreprises de gaz, autres que les (gestionnaires des réseaux de distribution), appartenant à la Fédération de l'Industrie du Gaz ; deux membres représentant les associations environnementales ; deux membres représentant les intermédiaires et les fournisseurs dont un membre représentant les intermédiaires ; un membre représentant les fournisseurs. Il échet de souligner que certains membres ne peuvent assister aux réunions du Conseil qu'avec voix consultative.

419 Il s'agit de contributions dont les bénéficiaires du service sont redevables directement et proportionnellement au service rendu.

420 Les avis de la C.P.C.L. ne sont pas susceptibles d'être déférés à la censure du Conseil d'État.

421 Le Gouvernement de la Communauté française peut introduire auprès du Conseil d'État un recours en annulation, en suspension et en extrême urgence contre la décision qu'adopterait le Collège à cet égard, lorsque le Gouvernement l'estime contraire au décret ou à ses arrêtés d'exécution.

422 La qualité de membre est notamment incompatible avec les qualités de membre d'un pouvoir exécutif européen, fédéral, communautaire ou régional ; de membre d'un cabinet d'un pouvoir exécutif européen, fédéral, communautaire ou régional ; de membre d'une assemblée législative européenne, fédérale, communautaire ou régionale ou d'attaché parlementaire ; de gouverneur de province, de commissaire d'arrondissement, de député permanent ou de conseiller provincial. Il échet également de souligner une particularité. La qualité de membre est également incompatible avec l'appartenance à un organisme qui ne respecte pas les principes de la démocratie tels qu'énoncés, notamment, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie et par la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste pendant la seconde guerre mondiale ou toute autre forme de génocide.

423 Voy. http ://www.csa.be/organes/services.asp

424 Cf. « Reports upon Railway Commissions, Railway Rate Grievances and Regulative Legislations », Sessional Paper n° 20a, 2nd Session of the 9th Parliament, Canada, 1902).

425 Se trouve seulement disponible dans le cadre de l'U.S Government Manual, une liste de l'ensemble des services ou organismes fédéraux avec les organigrammes et coordonnées administratifs correspondants.

426 Cf. W.E. KOVACIC, « The quality of appointments and the capability of the Federal Trade Commission », Administrative Law Review 49, 1997, p. 930.

427 Cf. Report of the American Bar Association, section of Antitrust Special Committee, Study on the role of the Federal Trade Commission, 1989.

428 Voir sur ce point l'article qui fait autorité en ce sens aux États-Unis de P/L. Strauss, « The place of Agencies in Government : Separation of powers and the Fourth Branch », Columbia Law Review, vol. 84, April 1984, n° 3 pp. 573-669, et en particulier p. 650 et s.

429 Buckley v. Valeo, 424 U ? S.1 (1976).

430 « Federal Trade Commission v. Brown Shoe Company », 384 U.S. 316 (1966).

431 Voir not. Continental TV. Inc v. GTE Sylvania Inc, 433. U.S. 36 (1977).

432 V. sur ces points, D. Gerardin « The development of European Regulatory Agencies : What The E.U Should learn from American Experience », 11, Columbia Journal of European Law, L1, (Winter 2004-2005).

433 Voir El. Bessila-Makridi, « Les autorités indépendantes consacrées constitutionnellement et l'infliction d'une amende », dans le Volume honorifique pour le 75e anniversaire du Conseil d'État, p. 783 et suiv. (en grec).

434 E. Spiliotopoulos, Droit administratif hellénique, éd. Sakkoulas-Bruylant, Athènes-Bruxelles 2004, par. 291 (en français).

435 Sur la corrélation historique de l'indépendance des autorités indépendantes avec la libéralisation économique et institutionnelle de secteurs importants de la vie sociale, qui faisaient jusqu'à récemment l'objet d'un monopole étatique, et sur la relation tendue avec certains principes fondamentaux de gouvernement des démocraties contemporaines, voir I. Kamtsidou, « Considérations sur les dimensions institutionnelles et politiques de l'indépendance des autorités administratives indépendantes », dans Ph. Kozyris, S. Megglidou (dir.), L'indépendance des autorités indépendantes - Problèmes et perspectives d'une nouvelle institution, Actes de la Journée, Centre de droit économique international et européen, éd. Ant. N. Sakkoulas, Athènes-Komotini 2003, p. 141 et suiv. (en grec).

436 La création d'autorités indépendantes composées de technocrates spécialistes a été considérée au départ comme une panacée pour faire face aux problèmes de mauvaise administration et de corruption de l'Administration publique traditionnellement organisée et pour protéger de manière efficace les droits des administrés, notamment dans des secteurs sensibles de la vie économique et sociale.

437 Sur cette révision et sur les autorités indépendantes constitutionnelles créées dans ce cadre, voir Th. Fortsakis, « Chronique », Annuaire européen d'Administration publique, 2001, CRA, Université d'Aix-Marseille III.

438 La proposition de la Commission constitutionnelle concernant l'introduction à l'article 101A d'un alinéa permettant la soumission d'autres autorités de cette sorte aux dispositions de l'article par une disposition législative spéciale n'a pas été acceptée par la Chambre.

439 Par exemple, le pouvoir, selon l'article 7, par. 4, 14, de la loi no 2668/1998, de la Commission nationale des télécommunications et des postes d'exercer des compétences arbitrales pour régler des litiges entre les entreprises postales sur la base d'un accord d'arbitrage (clause compromissoire). Notons que l'apparition des autorités administratives indépendantes coïncide chronologiquement avec l'abandon de l'institution des tribunaux spéciaux, dont le rôle régulateur et d'arbitrage semble être assimilé par ces autorités (voir en ce sens G. Dellis, D 34, p. 1283 [en grec]).

440 Cette construction théorique a été adoptée par une grande partie de la doctrine juridique aux États-Unis (voir sur ce point N. Koulouris, DiDik 1993, p. 1159 et suiv.) ; en Grèce, elle a été soutenue par G. Papadimitriou dans son commentaire sur « Le processus vers la Constitution européenne et la récente révision de la Constitution », Actes du congrès des 28-29 octobre 2001, p. 248 et suiv. (en grec).

441 Le fait que les autorités indépendantes soient un mode d'organisation de l'Administration se déduit aussi de l'insertion de l'article 101A de la Constitution dans le chapitre concernant « l'organisation de l'Administration ». Voir en ce sens Th. Fortsakis, « Les autorités indépendantes dans la récente révision constitutionnelle », dans L'Administration et la Constitution, Institut hellénique des sciences administratives, p. 130 (en grec) ; A. Iliadou, « Le sens et les conséquences de la consécration d'autorités indépendantes dans la Constitution », p. 395.

442 Il a été soutenu de manière isolée que les autorités indépendantes constitutionnelles n'étaient pas des services de l'État mais avaient la personnalité juridique, étant donné qu'elles ont la capacité d'ester en justice de manière autonome et non par l'intermédiaire du ministre compétent, et celle de passer des contrats. Voir en ce sens Ph. Kozyris, dans Ph. Kozyris, S. Megglidou (dir.), L'indépendance des autorités indépendantes..., op. cit., p. 34 (en grec).

443 Voir Th. Fortsakis, op. cit., p. 132.

444 Le Conseil d'État hellénique a admis, lors de l'exercice de sa compétence d'élaboration des décrets réglementaires (procès-verbal d'élaboration 496/2003), que la normalisation constitutionnelle d'autorités indépendantes concrètes (articles 9Α, 15 par. 2, 19 par. 2, 103 par. 7, 103 par. 9, 101Α) n'empêchait pas le législateur ordinaire de procéder à la constitution d'autres autorités indépendantes, dont plusieurs avaient d'ailleurs déjà été créées avant la révision de la Constitution (voir aussi A. Iliadou, op. cit., p. 398 ; E. Spiliotopoulos, op. cit., par. 292). Mais on a aussi soutenu que le retrait par la voie législative de compétences importantes de la fonction exécutive au gouvernement et leur dévolution à d'autres autorités administratives qui ne seraient même pas soumises au contrôle de légalité par celui-ci sont prohibés par la Constitution, étant donné que l'article 26, par. 2, de la Constitution confie l'exercice de la fonction exécutive au président de la République et au gouvernement (voir El. Bessila-Makridi, Le contrôle de l'Administration, p. 168 [en grec]).

445  Bien que la formulation de la Constitution soit assez claire, puisqu'il est question aux paragraphes 2 et 3 de l'article 101A de « toute autorité indépendante », c'est plutôt l'avis que l'article 101A se réfère à l'ensemble des cinq autorités indépendantes garanties par la Constitution qui l'emporte. En ce sens, voir A. Iliadou, op. cit., p. 399.

446 Voir à ce sujet El. Bessila-Makridi, op. cit., p. 168, avec une référence au rapport du service scientifique de la Chambre sur le projet de loi « autorités indépendantes garanties par la Constitution, etc. ».

447 En ce sens, avec des réserves sur l'opportunité de la définition nominale, Ch. Chrysanthakis, « Les autorités publiques indépendantes dans la Constitution révisée de 1975/1986/2001 », dans L'Administration et la Constitution, Institut hellénique des sciences administratives, p. 123 (en grec).

448 En ce sens, Ch. Chrysanthakis, op. cit., p. 15 et suiv. Naturellement, ce principe ne revêt pas une forme si stricte dans l'ordre juridique hellénique, vu le phénomène de chevauchement des fonctions.

449 Voir sur ce point l'article 19, par. 1, cas 12, de la loi no 2472/1997 sur l'Autorité de protection des données à caractère personnel ; l'article 4, par. 4, de la loi no 2863/2000 sur le Conseil national de la radiotélévision ; l'article 1, par. 2, de la loi no 3115/2003 sur l'Autorité de garantie du secret des communications ; l'article 7 du d.p. no 273/1999 et l'article 3, par. 5, de la loi no 3094/2003 sur l'Avocat du citoyen.

450 En ce sens, A. Iliadou, « L'indépendance des autorités indépendantes et l'exercice d'un contrôle sur leurs actes », p. 150 (en grec).

451 Voir E. Venizelos, « Les autorités indépendantes après la révision de la Constitution hellénique de 1975/1986/2001 », dans Ph. Kozyris, S. Megglidou (dir.), L'indépendance des autorités indépendantes..., op. cit., p. 17 (en grec).

452 Voir Ch. Chrysanthakis, op. cit., p. 118.

453 Le champ d'application de la loi no 3051/2002 se limite aux cinq autorités indépendantes nommées par la Constitution. Cependant, le libellé de l'article 138A n'établit pas de distinction, mais au contraire parle de « chaque autorité indépendante », ce qui permet une application de ses réglementations aux deux catégories d'autorités indépendantes.

454 Voir à titre indicatif l'article 3, par. 10 et 11, de la loi no 3297/2004 sur l'Avocat du consommateur ; l'article 3, par. 2, de la loi no 2867/2000 sur la Commission nationale des télécommunications et des postes ; l'article 13, par. 5, de la loi no 2932/2001 sur l'Autorité, récemment abolie, régulatrice des transports intérieurs maritimes ; l'article 5 de la loi no 2667/1998 sur la Commission nationale des droits de l'homme ; l'article 15, par. 6, de la loi no 2667/1998 sur la Commission nationale de bioéthique.

455 Manifestement, ces recours sont jugés par l'autorité indépendante même qui a émis l'acte administratif.

456 Voir de manière significative la critique de S. Thomadakis, « La Commission des opérations de bourse, autorité indépendante : expériences et observations », dans Ph. Kozyris, S. Megglidou (dir.), L'indépendance des autorités indépendantes..., op. cit., p. 70, sur la tendance de certains membres du parquet à dicter la méthode de surveillance du marché par le biais de poursuites pénales, y compris contre des membres de la Commission des opérations de bourse, pour manquement aux devoirs, d'une manière démesurée et qui prouve une ignorance complète des règles de surveillance en vigueur sur le plan international. Ph. Koryzis, op. cit., p. 39, exprime une problématique similaire. Globalement, sur les relations entre autorités indépendantes et fonction judiciaire, voir G. Dellis, op. cit.

457 Voir, à titre indicatif, pour l'Autorité de protection des données à caractère personnel, l'article 17 de la loi no 2472/1997 ; pour le Conseil national de la radiotélévision, l'article 4, par. 3 et 4, de la loi no 2863/2000 ; pour l'Autorité de garantie du secret des communications, l'article 4, par. 1, de la loi no 3115/2003. On rencontre aussi des réglementations similaires pour des autorités non garanties constitutionnellement, comme par exemple la Commission de surveillance et de contrôle des jeux de hasard (art. 16, par. 3, de la loi no 3229/2004).

458 Dans les régimes politiques libéraux classiques, le Parlement s'abstient de choisir les cadres de l'Administration publique, considérant que le pouvoir politique s'équilibre par son partage entre différents organes étatiques qui expriment aussi différentes forces sociales (voir I. Kamtsidou, « Le principe de la séparation des pouvoirs et les autorités administratives indépendantes », dans ToS 1999, p. 551 [en grec]).

459 Voir à ce propos l'article 3, par. 2, de la loi no 2863/2000 sur les membres du Conseil national de la radiotélévision ; l'article 4, par. 2, de la loi no 3115/2003 sur l'Autorité de garantie du secret des communications.

460 Pendant la durée du mandat des membres des autorités indépendantes, l'exercice de toute fonction publique est suspendu, de même que l'exercice de fonctions à tout emploi public, auprès des personnes morales de droit public et des personnes morales du secteur public en général. De plus, sont maintenues en vigueur les dispositions plus particulières consacrant la suspension de l'exercice d'activités professionnelles ou autres, incompatibles.

461 Voir à ce sujet l'article 3, par. 1, de la loi no 3115/2003 sur l'Autorité de garantie du secret des communications ; l'article 1, par. 2, de la loi no 3094/2003 sur l'Avocat du citoyen ; l'article 18, par. 1, de la loi no 2472/1997 sur l'Autorité de protection des données à caractère personnel ; l'article 1 du Règlement intérieur de fonctionnement du Conseil national de la radiotélévision. Des réglementations similaires se retrouvent dans les lois fondatrices d'autorités non garanties par la Constitution, comme par exemple à l'article 2, par. 6, cas a, de la loi no 2246/1994 et à l'article 2, par. 3, de la loi no 2867/2000 sur la Commission nationale des télécommunications et des postes, à l'article 8, par. 1, de la loi no 703/1977 sur la Commission de la concurrence, etc.

462 Voir E. Spiliotopoulos, op. cit., par. 293 ; V. Kondylis, « Commission nationale des télécommunications et des postes », dans Ph. Kozyris, S. Megglidou (dir.), L'indépendance des autorités indépendantes..., op. cit., p. 112 et suiv.

463 Par exemple, l'article 1, par. 2, de la loi no 3094/2003 sur l'Avocat du citoyen.

464 Voir A. Iliadou, « Le sens et les conséquences de la consécration d'autorités indépendantes dans la Constitution », p. 391, n. 9.

465 Dans la pratique parlementaire, les commissions compétentes de la Chambre demandent et reçoivent des informations sur l'activité des autorités administratives indépendantes et des documents connexes par l'intermédiaire du ministre compétent.

466 En ce sens, Th. Fortsakis, op. cit., p. 133.

467 Selon l'article 2, par. 5, de la loi no 3051/2002, la création de postes et, d'une manière générale, l'organisation des services de l'autorité indépendante sont fixées par une décision du ministre de l'économie et des finances, sur proposition de l'autorité indépendante et avis du ministre de l'intérieur, de l'Administration publique et de la déconcentration. L'article 4, par. 1, de la même loi dispose que le personnel scientifique et autre de chaque autorité indépendante est recruté sur les postes prévus dans son règlement et est sélectionné par l'autorité en vertu d'une proclamation et selon les critères et la procédure qui y sont fixés.

468  Par exemple, pour la Commission nationale des télécommunications et des postes, voir l'article 4 de la loi no 2867/2000.

469 E. Venizelos, op. cit., p. 20.

470 Voir, à titre indicatif, pour la Commission nationale des télécommunications et des postes, V. Kondylis, op. cit., p. 116 et suiv.

471 Les principaux textes législatifs qui régissent l'Autorité de protection des données à caractère personnel, au-delà de la loi no 2472/1997 et de la loi fondamentale no 3051/2002, sont la loi no 2774/1999 sur la protection des données à caractère personnel dans le secteur des télécommunications et le Règlement de fonctionnement de l'Autorité, qui constitue la décision no 006/27.11.1997 de son président (J.O. B 1095/10.12.1997). Voir aussi le site www.dpa.gr

472 Voir, à titre indicatif, la décision réglementaire de l'Autorité de protection des données à caractère personnel 1/29.4.1999 (J.O. Β 555/6.5.1999) sur l'information du sujet des données, ainsi que la décision no 408/30.11.1998 du président de l'Autorité sur l'information par voie de presse des sujets du traitement (J.O. Β 1250/11.12.1998).

473 Notons que déjà, l'article 9 de la loi no 1730/1987 avait constitué le Conseil radiotélévisé, ensuite aboli. Pour certains, le Conseil national de la radiotélévision a été la première autorité à introduire en Grèce l'institution des autorités indépendantes (en ce sens, N. Koulouris, p. 1143 ; Α A. Iliadou, op. cit., p. 387). Mais comme cela ressort du rapport introductif du projet de loi pour la création du Conseil national de la radiotélévision, la Commission de la concurrence de la loi no 703/1977 a été la première autorité indépendante, et le Conseil national de la radiotélévision, la deuxième (E. Bessila-Makridi, Le contrôle de l'Administration, p. 165 [en grec]).

474 Les principaux textes législatifs qui régissent le Conseil national de la radiotélévision, au-delà de la loi no 3051/2002, valable pour toutes les autorités indépendantes garanties par la Constitution, sont la loi précitée no 1866/1989, la loi no 2863/2000, le Règlement intérieur de fonctionnement du Conseil national de la radiotélévision (Α20291/Ε/2002, J.O. Β 1202/16.09.2002), les lois no 2328/1995 et no 2644/1998, la loi no 3021/2002 en cours de remplacement et le d.p. no 213/1995. Voir aussi le site www.esr.gr

475 Le président, qui affecte les crédits, assume des obligations, rédige des contrats et effectue les dépenses de l'autorité conformément au Règlement intérieur de fonctionnement.

476 Les principaux textes législatifs qui régissent l'Autorité de garantie du secret des communications, au-delà de la loi no 3051/2002, généralement valable, sont la loi no 3115/2003 et le Règlement intérieur de fonctionnement de l'Autorité (décision du 44/31.10.2003, J.O. Β 1642/7.11.2003).

477 Voir aussi le site www.asep.gr

478 Il convient de noter que la décision concernant la création de nouveaux emplois ou de pourvoir ceux qui existent, et concernant le nombre, les branches et les spécialités des personnes recrutées, est prise par les organes compétents selon le cas du gouvernement, des collectivités territoriales ou des personnes morales de droit public concernées, et non par le Haut Conseil de sélection du personnel, dont les compétences sont exécutives.

479 Articles 2 et 3 de la loi no 3151/2002.

480 Article 2, par. 1, de la loi no 2190/1994.

481 Les principaux textes législatifs qui régissent l'Avocat du citoyen, au-delà de la loi no 3051/2002, généralement valable, sont la loi no 3094/2003 ainsi que le Règlement de fonctionnement de l'Autorité (d.p. no 273/1999). La récente loi no 3293/2004 a confié à l'Avocat du citoyen des attributions d'Avocat de la santé et de la solidarité sociale. Voir le site www.synigoros.gr

482 Par exemple, les affaires qui concernent la sécurité de l'État, la défense nationale, la politique extérieure et les relations internationales ainsi que l'activité d'autres autorités indépendantes pour ce qui est de leur fonction principale.

483 Voir le site de la Commission de la concurrence : www.epant.gr ; sur cette Commission, voir en détail I. Vlassis, « La Commission de la concurrence et l'imposition par celle-ci de sanctions pécuniaires pour infraction aux règles de la concurrence », D 34, p. 1301 et suiv. (en grec).

484 J.O. Α 188.

485 Cette surveillance ne concerne par les interventions lors de l'exercice des compétences de la Commission, mais l'élaboration du cadre juridique de fonctionnement de la Commission (par exemple, la publication d'un règlement de fonctionnement) et la prise de décisions en matière économique (montant de l'indemnité des membres de la Commission). En ce sens, voir D. Tzouganatos, dans Ph. Kozyris, S. Megglidou (dir.), L'indépendance des autorités indépendantes..., op. cit., p. 78.

486 Voir notamment les articles 81 et 82 du traité CE et les Règlements no 1/2003/CE et 139/2004/CE.

487 L'autonomie financière a été conférée à la Commission de la concurrence par la loi no 2837/2000, qui prévoyait qu'elle a un Règlement de fonctionnement et de gestion financière ; son budget est rattaché à celui du ministère du développement et est contrôlé par des comptables assermentés et la Cour des comptes. Notons toutefois que dans la pratique, cette autonomie a été considérablement réduite puisque le Règlement correspond au modèle des services publics. Sur ce point, voir la critique de D. Tzouganatos, ancien président de la Commission de la concurrence, op. cit., p. 73 et suiv. Il est à noter que la Commission possède ses propres ressources : l'article 8 de la loi no 703/1977, comme remplacé par le par. 8 de l'art. 1 de la loi no 2837/2000, a prévu en faveur de la Commission une taxe compensatoire de 1 pour 1000 sur le capital d'une société anonyme à l'occasion de sa création ou lors de l'augmentation de ce capital. Les recettes sont perçues au nom et pour le compte de la Commission et sont déposées sur un compte bancaire spécial, géré par la Commission selon son Règlement de fonctionnement et de gestion financière. Par décision commune des ministres du développement et de l'économie, prise sur rapport de la Commission, sont définis les organes, la manière et la procédure de recouvrement des recettes ci-dessus.

488 Sont nommés membres ordinaires et membres suppléants, sur décision du ministre du développement, un conseiller du Conseil juridique de l'État, des représentants des groupes productifs et professionnels concernés, des membres du personnel d'enseignement et de recherche des établissements d'enseignement supérieur spécialisés dans les paramètres juridiques et économiques de la concurrence, et des personnes de valeur reconnue, ayant une expérience en matière de droit économique public et communautaire et de politique de la concurrence. Le président de la Commission de la concurrence est choisi et nommé par le Conseil des Ministres, sur proposition du ministre du développement et après avis de la commission concernée de la Chambre. Le mandat des membres de la Commission de la concurrence est de trois ans, renouvelable une fois.

489 De même, l'article 2 de la loi no 3051/2002 sur les autorités indépendantes garanties par la Constitution prévoit qu'elles sont représentées judiciairement et extrajudiciairement par leur président.

490 Loi no 2327/1995.

491 Voir en détail P. Poulis, DiDik 7(1995), p. 833 et suiv. (en grec).

492 Voir le site de la Banque de Grèce www.bankofgreece.gr

493 Cette loi a été supprimée par l'article 19 de la loi no 2842/2000, mais cette réglementation est restée en vigueur en vertu des Statuts de la Banque de Grèce.

494 Voir le site de l'Autorité régulatrice de l'énergie : www.rae.gr

495 Les principaux textes législatifs qui la régissent sont sa loi fondatrice, no 2773/1999, les lois no 3054/2002 et 3175/2003 et le Règlement de fonctionnement intérieur et de gestion de l'Autorité (d.p. no 39/2001).

496 Ses membres sont nommés pour un mandat de cinq ans (renouvelable une fois), par décision du ministre du développement. Pour la nomination aux postes de président et de vice-président, c'est l'avis de la commission compétente de la Chambre qui l'emporte.

497 Voir le site de l'Autorité : www.eett.gr

498 Notons que l'article 8 de la loi no 2072/1992 avait créé une « autorité étatique indépendante » sous l'appellation de « Commission nationale des télécommunications », sur le modèle de la Federal Communication Commission américaine.

499 La création d'un organisme de régulation et de contrôle indépendant de l'Administration centrale dans le secteur des télécommunications et des postes a été prévue par toute une série de directives communautaires (par exemple, 90/388/CEE, L 192, p. 10-16, et 98/10/CE L 101, p. 24-47).

500 Article 3, par. 2, de la loi no 2867/2000.

501 Le président et les vice-présidents sont choisis et nommés par le Conseil des Ministres sur proposition du ministre des transports et des communications et après avis de la Commission des institutions et de la transparence de la Chambre des députés. Les autres membres de la Commission nationale des télécommunications et des postes sont nommés par le ministre des transports et des communications. Sont choisies comme membres des personnes d'une valeur attestée, jouissant d'une large reconnaissance sociale et qui se distinguent par leur formation scientifique et leurs capacités professionnelles dans le secteur technique, économique ou juridique (art. 3 de la loi no 2867/2000).

502 Voir le site de l'Autorité régulatrice des communications maritimes : www.rathe.gr ; sur cette Autorité, voir en détail S. Zissimopoulos, « L'Autorité régulatrice des transports intérieurs maritimes », dans Ph. Kozyris, S. Megglidou (dir.), L'indépendance des autorités indépendantes..., op. cit., p. 133 et suiv.

503 En dehors de sa loi fondatrice no 2932/2001, l'Autorité est régie par le Règlement de fonctionnement intérieur et de gestion, le d.p. no 195/2002.

504 Sur ce point a été soulevée une question de chevauchement de compétences avec la Commission de la concurrence, entraînant une insécurité juridique : voir D. Tzouganatos, op. cit., p. 76.

505 Leur mandat est de cinq ans, renouvelable une fois.

506 Précédemment avait été créée, par l'article 12 de la loi no 2129/1993, une autorité étatique indépendante sous l'appellation de « Commission des casinos », dont l'article 23 de la loi no 3229/2004 disposait qu'elle serait supprimée à partir de la date de désignation de la Commission de surveillance des jeux de hasard.

507 Voir le site de la Commission nationale des droits de l'homme : www.nchr.gr pour certains, il ne s'agit pas d'une autorité indépendante mais d'un « Comité de sages » qui présente des similitudes avec l'institution des autorités administratives indépendantes mais a un rôle purement consultatif pour l'État (voir en ce sens A. Iliadou, op. cit., p. 392, n. 26).

508 La Commission est composée de représentants de la Chambre des députés, des ministères, d'organisations syndicales, d'organisations non gouvernementales et des partis représentés à la Chambre, ainsi que de professeurs d'université de la branche scientifique du droit public ou privé, de membres d'autres autorités indépendantes et d'autres personnes de valeur reconnue ayant des connaissances en matière de protection des droits de l'homme. Les membres de la Commission sont nommés pour un mandat de trois ans par une décision du Premier ministre.

509 Son budget est incorporé à celui du secrétariat général du Conseil des Ministres (art. 1, par. 2, de la loi no 2667/1998).

510 Voir aussi G. Papadimitriou, ToS 1999, p. 765 et suiv.

511 Voir le site de la Commission nationale de bioéthique : www.bioethics.gr

512 Voir le site de la Commission des opérations de bourse : www.hcmc.gr

513 La législation de base qui la régit englobe le d.p. no 25/2003 et les lois no 2166/1993, 2396/1996, 3152/2003 et 3371/2005.

514 Article 30, par. 3, de la loi no 2324/1995.

515 Voir aussi, sur l'intégration des autorités administratives indépendantes à la personne morale de l'État, E. Spiliotopoulos, op. cit., par. 291.

516 Aux États-Unis, au contraire, les autorités indépendantes ont la personnalité juridique : voir D. Tzougnatos, op. cit., p. 74.

517 S. Thomadakis, op. cit., p. 67 et suiv.

518 L'article 38 de la loi no 75/1975, supprimée, contenait une réglementation similaire.

519 Loi no 2084/1992. Voir aussi la décision ministérielle no 652/1993 (J.O. Β 695.)

520 Sur la qualification de cette Commission comme autorité indépendante, voir Ν. Κoulouris, op. cit., p. 1164.

521 Voir Th. Fortsakis, op. cit., p. 129.

522 Voir sur ce point le site www.bank-omb.gr. Le bureau du Médiateur bancaire est ouvert depuis le 15 mars 1999.

523 Il est significatif qu'il ne soit pas saisi des litiges qui ont déjà été introduits devant les tribunaux civils ou pénaux.

524 Notons que lors de la révision constitutionnelle de 2001, le parti de l'opposition de l'époque (aujourd'hui au gouvernement) s'était rangé en faveur de la constitution d'une telle autorité indépendante, proposition qui finalement n'avait pas été retenue.

525 Voir Ch. Chrysanthakis, op. cit., p. 124.

526 Arrêté nº 683 de juin 1996.

527 Art. 44.

528 La loi sur l'assurance de la Lituanie.

529 L'arrêté du Gouvernement nº 27 du 13 janvier 2004.

530 La loi sur l'assurance de la Lituanie.

531 Arrêté du Gouvernement nº 1747 du 7 novembre 2002.

532 Arrêté du Gouvernement n° 822 du 12 juillet 1999.

533 La loi de procédure des litiges administratifs n° VIII-1029 du 14 janvier 1999.

534 Loi n° I-130 du 20 janvier 1994.

535 Arrêt du Parlement n° VIII-1223 du 10 juin 1999.

536 Traduction par C. Grewe et H. Oberdorff : Les Constitutions des États de l'Union européenne (1999), légèrement modifiée par nos soins.

537 T. Eckhoff et E. Smith : Forvaltningsrett [Droit administratif], 7e édition (2003) ch. 8.

538 Statskonsult, Rapport 2003 :19 : Klager over alt. Organisering av statlig klagesaksbehandling.

539 Voir nos remarques dans la Revue française de droit administratif 1988, p. 248-251 (« Norvège : la justice administrative ») et 1990 p. 889-891 (« Unité de juridiction en matière administrative en Norvège »).

540 Voir NOU 1997 :19 et notre étude partielle sur les aspects constitutionnels de la question, étude qui est publié entre autre en annexe audit document (NOU 1997 :19 pp. 214 et s.).

541 Voir par exemple nos remarques dans Revue française de droit administratif. 1987, p. 743-744 « Norvège : le pouvoir législatif délégué ».

542 Sur le système de contrôle en général, voir entre autre notre contribution dans l'Annuaire européen d'administration publique 6 (1983) p. 173-192 (« Administration et administrés : les insuffisances du contrôle juridictionnel et les modes de protection non juridictionnels en Norvège »).

543 La loi du 11 mars 2004 sur l'Agence du Marché Agricole et l'organisation de certains marchés agricoles.

544 La loi du 19 octobre 1991 sur la gestion des terres labourables du Trésor de l'État.

545 La loi du 12 décembre 1993 sur la création de l'Agence de Restructuration et de Modernisation de l'Agriculture.

546 La loi du 30 mai 1996 sur la gestion de certains biens appartenant au Trésor de l'État et sur l'Agence du Patrimoine Militaire.

547 La loi du 24 mai 2002 sur l'Agence de la Sécurité Intérieure et l'Agence des Renseignements.

548 La loi du 12 octobre 1994 sur les chambres d'appels locales (texte unique : Journal des Lois de 2001 nº 79, al. 856, avec les amendements postérieurs).

549 La loi du 7 octobre 1992 sur les chambres des comptes régionales (texte unique : Journal des Lois de 2001 nº 55, al. 577, avec les amendements postérieurs).

550 La loi du 17 décembre 2004 sur la responsabilité pour violation de la discipline en matière des finances publiques (Journal des Lois de 2005, nº 14, al. 114).

551 La loi du 20 août 1997 sur la protection des données personnelles (Journal des Lois de 2002, nº 101, al. 926).

552 La loi du7 juillet 1994 sur le droit de construction (art. 80), Journal des Lois de 2003, nº 80, al. 718.

553 La loi du 28 mars 2003 sur le transport par voie ferrée (art. 11, al. 1).

554 La loi du 24 janvier 1991 sur les combattants et certaines personnes victimes de persécutions perpétrées lors de la guerre et de l'après-guerre (art. 7, al. 3).

555 Art. 12 de la loi sur le Conseil National pour la Radio et la Télévision.

556 Art. 192, al. 2 de la loi sur les télécommunications.

557 Art. 17, al. 1, pt 3 de la loi sur les Chambres Régionales des Comptes.

558 La loi du 12 octobre 1994 sur Les Chambres d'appels locales (Journal des Lois de 2001, nº 79, al. 856).

559 C. Branco de Morais. As Autoridades Administrativas Independantes na ordem juridica potuguesa. Revista da Ordem dos Advogados. Lisboa 2001.

560 V. Moreira. Administraçao Autonotoma e Associaçoes Publicas. Coimbra editora, 1997.

561 Art 266-2 : Les organes et agents administratifs sont subordonnés à la constitution et à la loi et doivent agir, dans l'exercice de leurs fonctions, en respectant les principes d'égalité, de proportionnalité, de justice, d'impartialité et de bonne foi.

562 Art 268-4 et -5 : Est garantie aux administrés une tutelle juridictionnelle effective de leurs droits et intérêts légalement protégés, incluant la reconnaissance de ces droits et intérêts, la possibilité de contester un acte administratif qui lui porterait préjudice [...]

563 Art 280-1 al. a) et b) : Le Tribunal constitutionnel est compétent : pour les décisions des tribunaux, qui refusent l'application d'une norme avec pour fondement son inconstitutionnalité. Et celles qui appliquent une norme dont l'inconstitutionnalité ait été soulevé durant un procès.

564 Art 281-1 al a) : Le Tribunal constitutionnel apprécie et déclare avec force obligatoire, l'inconstitutionnalité de toute norme.

565 R. Simao Versos. As Autoridades Administrativas Independantes. Tese de mestrado, Lisboa 2001.

566 Article 190 : Le Gouvernement est responsable devant le Président de la République et l'Assemblée nationale.

567 Art 162 : Il revient à l'Assemblée nationale dans l'exercice de ses fonctions de contrôle, de veiller au respect de la Constitution et des lois et d'apprécier les actes du Gouvernement et de l'Administration.

568 Art 267-2 C. : La loi établira les formes adéquates de décentralisation et de déconcentration administratives, sans porter atteinte à l'efficacité et à l'unité de l'action administrative et des pouvoirs de direction, superintendance et tutelle des organes compétents.

569 P. Otero., O Poder de Substituiçao em Direito Administrativo, Enquadramento Dogmatico-Constitutional. Vol. 2, Lisboa 1995.

570 La Constitution de la Roumanie, approuvée par référendum national le 8 décembre 1991, a été modifiée et complétée par la Loi de révision no 429/2003, approuvée par le référendum national du 18-19 octobre 2003 ; la constitution actuelle est entrée en vigueur le 29 octobre 2003 (publiée dans le Monitorul Oficial, le journal officiel de Roumanie, Ière Partie, no 758 du 29 octobre 2003). La Constitution de la Roumanie a été republiée par le Conseil Législatif en accord avec les stipulations de l'article 152 de la Constitution, avec dénominations et numérotation réactualisées (l'article 152 devenant, dans la forme republiée, article 156).

571 Mihai Constatinescu, Ioan Muraru, Antonie Iorgovan, Revizuirea Constituţiei României - Explicaţii şi comentarii (Sur la Révision de la Constitution. Explications et commentaires), Editions Rosetti, Bucarest, 2003, p. 122. Dans le même sens : N. Cochinescu, « Natura juridică a Curţii de Conturi » (La nature juridique de la Cour des Comptes), in : Revista Dreptul, no 6, 1995, p. 48-55 ; Dana Apostol Tofan, Drept Administrativ (Droit administratif), tome Ier, Editions All Beck, Bucarest, 2003, p. 19-20.

572 L'Avocat du Peuple, à la différence du Médiateur de la République, son homologue français, ne pourrait pas être rattaché à l'administration à raison de sa nomination, qui ne relève pas de l'exécutif, mais du Parlement.

573 En application de l'article 115 de la Constitution, le Gouvernement peut se substituer au Parlement et légiférer par voie d'ordonnance d'urgence. Depuis 1996, le Gouvernement a fait une application particulièrement étendue, sinon abusive, de ce mécanisme, qui a obscurci la transparence du processus législatif et contribué à instaurer une situation d'instabilité législative. En réponse aux nombreuses critiques que ce sujet suscite, la révision constitutionnelle d'octobre 2003 a redéfini les conditions dans lesquelles le recours à des OUG est possible : les anciennes dispositions prévoyaient qu'il était possible de donner une ordonnance d'urgence dans des « conditions exceptionnelles », tandis qu'en vertu de la Constitution révisée, il est possible d'y recourir dans des « circonstances extraordinaires dont la réglementation ne peut être ajournée». Mais, en l'absence de définition claire de ce que recouvre la notion de « circonstances extraordinaires », il se pourrait que cette révision constitutionnelle n'ait que peu d'effet dans la pratique (rapport CE/2004). Pour ce qui est du sujet qui nous intéresse, il faut observer que l'exécutif n'a pas hésité à adopter des ordonnances d'urgence intervenant dans le domaine des AAA, que ce soit avant la loi de révision de la Constitution (ex. : l'OUG no 25/2002 sur l'adoption des Statuts de la CNVM), ou après (ex. : l'OUG du 10 juin 2005, instituant la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées, ainsi que la récente OUG no 75/2005 de 12 juillet 2005, portant sur la création de l'Agence Roumaine pour la Qualité de l'Enseignement Supérieur).

574 La Loi de l'audiovisuel n° 48/1992, remplacée par la Loi n° 504/2002 (destinée notamment à transposer la Directive européenne « télévision sans frontières ») et modifiée par la Loi n° 402/2003.

575 Par ailleurs, il convient de mentionner que le CNA exerce effectivement ce pouvoir de sanction dont il a été investi : il met en jeu ses grands moyens d'intervention, non seulement par des prises de position et des débats assez vifs dans l'espace public, mais aussi en agissant parfois de manière spectaculaire ; par exemple, en 2004, il a infligé une amende de 500 millions lei à une chaîne privée de télévision pour l'émission roumaine de type Big Brother à cause du caractère de cette série télévisée potentiellement nuisible à l'éducation « mentale et morale des mineurs » (alinéa premier, article 39 de la Loi de l'audiovisuel n° 504/ 2002) ; de même, en 2002, l'autorisation d'une chaîne de télévision privée, ayant une couverture nationale, a été retirée pour avoir permis à son invité, lors d'une émission en direct, de tenir un discours considéré comme étant incitant à la haine raciale.

576 La proposition de réunir, au sein d'un même organisme de surveillance, les fonctions de contrôle de la BNR, de la CNVM et de la CSA, à l'instar de l'AMF française, a été débattue au début de cette année, mais elle a été repoussée. Les trois institutions de contrôle fonctionnent actuellement sur la base d'un protocole de collaboration, signé le 3 avril 2002.

577 L'autorisation des banques et leur réglementation sont réalisées par un département spécialisé de la BNR : la Direction de Réglementation et d'Autorisation (composée de 62 personnes) ; la surveillance bancaire est exercée par la Direction de Surveillance (composée de 107 personnes).

578 Les principales réglementations applicables sont : la Loi sur le Statut de la BNR n° 312/2004 qui vise à harmoniser le statut de la banque centrale avec l'acquis communautaire et la Loi bancaire no 58/1998 qui prévoit les attributions de la BNR dans le domaine de la surveillance bancaire.

579 Dans une situation semblable se trouve la Banque d'Espagne, qui est à la fois Banque Centrale et agence de supervision bancaire (Dr. Andrès Betancor Rodriguez, « L'expérience espagnole en matière d'administrations indépendantes », publiée dans le Rapport public de 2001 du Conseil d'État sur les autorités administratives indépendantes).

580 Leurs lois constitutives sont : la Loi n° 52/1994 portant sur les valeurs mobilières et les bourses des valeurs et, respectivement, la Loi n° 32/2000 sur les sociétés d'assurances et la surveillance des assurances (modifiée par la Loi n° 403/2004). Dans un contexte de crise sur les marchés de capitaux roumains (crise concrétisée surtout par la chute de quelques fonds d'investissements dans les années 1990), le statut de la CNVM adopté en vertu de la Loi 52/1994 a été abrogé par l'OUG n° 25/2002 portant adoption du nouveau statut de la CNVM.

581 La Bourse de valeurs de Bucarest a été le premier marché réglementé, constitué en Roumanie en 1995. Un marché secondaire privé, RASDAQ (un marché hors côte, selon le modèle américain NASDAQ) s'est ouvert en septembre 1996, permettant de négocier les actions provenant du programme de privatisation de masse.

582 Le nouveau statut de la CNVM adopté en 2002 élargit les missions qui lui sont imparties, mentionnant aussi : la promotion du fonctionnement correct et transparent des marchés réglementés, la prévention de la manipulation du marché, l'adoption des mesures nécessaires pour éviter l'apparition du risque systémique sur les marchés réglementés et la prévention des situations où l'égalité d'information et de traitement des investisseurs serait mise en question.

583 Conformément à l'article 41 de la Loi no 312/ 2004 : « Le budget annuel des revenus et des dépenses est approuvé par le Conseil d'Administration de la Banque Nationale de Roumanie et son exécution est vérifiée selon les pratiques et les procédures de contrôle et d'audit interne ». La même loi prévoit que « Le Gouverneur présente au Parlement le rapport annuel de la BNR, qui comprend les activités de la BNR, les situations financières annuelles et le rapport d'audit, débattues, sans les faire soumettre au vote, en séance plénière de deux Chambres ».

584 La création d'une autorité indépendante, chargée de réglementer et de surveiller les fonds des pensions privées, a été prévue par le législateur fin 2004, quand une réforme d'envergure du système des pensions a été initiée, par l'adoption des deux lois portant sur les fonds des pensions privées obligatoires et les fonds privés facultatifs (« le deuxième » et « le troisième pilier »). Conformément à ces lois, la mise en place effective de la nouvelle autorité de régulation aurait dû avoir lieu le 1er janvier 2007, date butoir choisie par le législateur pour confier la régulation du système des pensions à un département spécialisé dont l'activité se déroule au cadre de la CSA. Mais, comme les réformes en Roumanie vont à un train moins rapide que l'on ne l'ait voulu, l'exécutif actuel a décidé de devancer certaines mesures. Aussi, pour ne pas attendre 2007, le 10 juin 2005, il a adopté une ordonnance d'urgence pour la création et l'organisation de la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées (publiée au M.O n° 509/15 juin 2005).

585 L'ANRE a été créée par l'OUG n° 29/1998 concernant la constitution, l'organisation et le fonctionnement de l'Autorité Nationale de Réglementation du domaine de l'Énergie, abrogée par la loi de l'énergie électrique n° 318/2003 visant à harmoniser la législation roumaine aux règles communautaires en la matière.

586 La Loi de la concurrence no 21/1996 a été modifiée par la Loi no 538/2004 et par l'OUG no 121/2003 (qui fait transférer la plus grande partie des attributions de l'Office de la Concurrence au Conseil de la Concurrence ; approuvée avec des modifications par la loi no 184/2004).

587 Conformément au rapport CE/2004, par suite à cette réorganisation, 350 postes ont été accordés au Conseil de la Concurrence, représenté désormais dans les 41 départements du pays, ainsi que dans la ville de Bucarest.

588 Le cadre légal apportant réglementation aux aides octroyées par l'État est la Loi no 143/1999 relative aux aides d'État, modifiée par la Loi no 603/2003 et par l'OUG no 94/2004, les dernières modifications ayant pour but l'harmonisation continue avec la législation communautaire européenne.

589 Après le rapport annuel de 2003, qui reflète les progrès enregistrés par la Roumanie dans le domaine de la politique de la concurrence, dans la perspective de l'intégration du pays dans les structures européennes, le Conseil a présenté deux rapports annuels sur les aides d'État, en septembre 2004 et mai 2005.

590 Les inquiétudes exprimées par la Commission européenne dans son rapport régulier issu en octobre 2004 ont conduit à prévoir des mécanismes spécifiques relativement au contrôle des aides d'État et à prévoir des mesures spéciales de sauvegarde dans le Traité d'adhésion. Le chapitre de la Concurrence a été un des deux derniers chapitres des négociations en vue de l'adhésion (l'autre étant le chapitre de la Justice et Affaires Internes), clôturés provisoirement en décembre 2004, sous réserve d'une clause de sauvegarde spéciale. Cette clause prévoit que le Conseil pourra décider, sur la proposition de la Commission, de reporter l'adhésion de la Roumanie d'une année, à janvier 2008, en cas de manquement dans des secteurs spécifiques liés à la concurrence, en particulier en matière d'aides d'État, et à la JAI. La clause de sauvegarde spéciale requiert seulement la majorité qualifiée des voix pour être activée, étant donc plus forte que la clause de sauvegarde générale qui prévoit que la décision sur le report éventuel de l'adhésion doit être prise à l'unanimité. En octobre 2005, la Commission présentera son rapport de monitoring montrant si les progrès enregistrés par la Roumanie sont jugés suffisants. Ce rapport fait partie de la documentation sur la base de laquelle la Commission prendra la décision de recommander ou non le report de l'adhésion.

591 La loi no 132/1999 pour la création, l'organisation et le fonctionnement du Conseil National pour la Formation Professionnelle des Adultes ; modifiée par la loi no 53/2003 (qui a réalisé la fusion CNFPA - COSA) et republiée au M.O. no 68 du 27 janvier 2004. Le 7 décembre 2004, la loi 132/1999 a été modifiée et complétée par la loi n° 599/2004, attribuant au CNFPA le rôle d'Autorité Nationale pour les Qualifications.

592 L'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 75/2005, visant à garantir la qualité de l'éducation ; publiée, au M.O. 642 de 20 juillet 2005.

593 L'article 20 précise que « l'ARACIS reprend le patrimoine, tous les droits et obligations, l'infrastructure logistique, le personnel technique et la base de données du Conseil national pour l'évaluation académique et l'accréditation (CNEEA). Les fonctions du CNEEA sont transférées au Département d'accréditation dans le cadre de l'ARACIS ».

594 L'évaluation externe des établissements d'enseignement supérieur peut être effectuée aussi par des agences internationales. « Conformément au principe de la subsidiarité, les institutions roumaines d'enseignement supérieur accréditées [n.s] ont le droit de solliciter l'évaluation externe de la qualité soit par l'ARACIS, soit par une agence inscrite au registre européen des agences d'assurance de la qualité dans l'enseignement supérieur, agrée par l'ARACIS » (l'art. 23 de l'OUG no 75/2005). Ainsi, les universités roumaines auront la possibilité de s'adresser à une agence européenne, le résultat de l'évaluation étant reconnu sur le plan interne par l'ARACIS. Mais il faut remarquer que seules les institutions qui ont été déjà accréditées par l'ARACIS peuvent faire appel aux autres agences en vue de l'évaluation.

595 Prof. dr. Tudor DRGANU, « Tendinţa de limitare a rolului în stat a Guvernului prin multiplicarea exagerată a autorităţilor centrale autonome ale administraţiei publice, II » (La tendance à limiter le rôle du Gouvernement au niveau de l'État par la multiplication exagérée des autorités centrales autonomes de l'administration publique, II), in : Revista de Drept Comercial (Revue de Droit Commercial), n° XI/2001, p. 29.

596 L'AEP a été créée en juillet 2003, par la Loi no 286, modifiant et complétant la Loi no 68/1992 pour l'élection de la Chambre des Députés et du Sénat ; en septembre 2004 (deux moins avant les dernières élections qui ont eu lieu en Roumanie), la Loi électorale a été ré-adoptée, devenant la Loi no 373 / 2004 pour l'élection de la Chambre des Députés et du Sénat.

597 L'AEP peut infliger des amendes contraventionnelles pour certains manquements à la loi électorale, comme par exemple : l'inscription multiple sur plusieurs listes électorales, la continuation de la propagande électorale après la fin de la campagne électorale, ainsi que pour les conseils indiquant de voter ou non avec un parti, une alliance politique ou un candidat indépendant, conseils qui seraient donnés aux électeurs le jour même des élections, dans les locaux des circonscriptions de vote ou dans le périmètre prévu par la loi autour de ces locaux, etc. (articles 97, 98, 99 de Loi no 373 / 2004).

598 Au sens de la loi, la période électorale est « l'intervalle de temps qui commence à partir de l'annonce faisant publique la date des élections et finit avec la publication des résultats des élections ».

599 Tous les membres de l'AEP ont été nommés par le parti du Pouvoir en place au moment de sa constitution.

600 Les auteurs d'une étude récente consacrée à cette institution [« Consiliul Suprem de Apărare a Ţării - principalul instrument de decizie in politica de securitate a României `Le Conseil suprême de Défense du Territoire - le principal instrument de décision dans la politique de sécurité de la Roumanie', étude parue en 2005 sous l'égide de l'Institut pour les Politiques Publiques] considèrent pourtant que « la définition du CSAT en tant que autorité administrative autonome a aussi des sources constitutionnelles ». Les auteurs de cette étude se basent sur le fait que le texte relatif au CSAT est inscrit dans la section I de la loi fondamentale, intitulée « l´Administration publique centrale spécialisée » du chapitre V intitulé « l'Administration publique ». « La nature précise d'AAA résulte de la corroboration avec l´art. 116 de la Constitution, qui prévoit que des organismes de spécialité de l'administration publique centrale peuvent être organisés soit dans la subordination du Gouvernement ou des ministères, soit en tant qu'autorités administratives autonomes. Quoi qu'il en soit, de l'économie des textes constitutionnels et organiques, il est clair que l´intention du législateur est de placer le CSAT dans une position d´autonomie par rapport au Gouvernement », conclut cette étude.

601 Le Parlement a, par exemple, exercé ce droit de contrôle sur le ministre des Affaires étrangères, membre de droit du CSAT, lui demandant des explications concernant le problème de la participation de la Roumanie avec les pays alliés aux opérations militaires à caractère préventif, problème qui a été discuté dans la séance du CSAT de 28 février 2005 (l'Institut pour les Politiques Publiques - Consiliul Suprem de Apărare a Ţării - principalul instrument de decizie in politica de securitate a României).

602 Les lois constitutives de ces organismes sont : la Loi n° 14/1992 concernant l'organisation et le fonctionnement du Service Roumain des Renseignements, la Loi n°92/1996 concernant l'organisation et le fonctionnement du Service de Télécommunications Spéciales, la Loi n° 1/1998 concernant l'organisation et le fonctionnement du Service de Renseignements Extérieurs, la Loi n° 191/1998 concernant l'organisation et le fonctionnement du Service de Garde et Protection (modifiée et complétée par l'OUG n° 103/2002, approuvée avec des amendements par la Loi n° 67/2003) et la Loi n° 415/2002 concernant l'organisation et le fonctionnement du Conseil suprême de Défense du Territoire.

603 À l'art. 62 (g), la Constitution prévoyait, avant sa révision de 2003, que les chambres se réunissaient en séance commune « pour nommer, sur proposition du président de la Roumanie, le directeur du Service Roumain de Renseignements et exercer le contrôle sur l'activité de ce service ».

604 Conformément à l'article premier de la loi 187, « tout citoyen roumain ou étranger qui a eu la citoyenneté roumaine après 1945 a le droit d'accès à son propre dossier élaboré par les organes de la Securitate, en tant que police politique. Ce droit est exercé sur demande et se réalise par la lecture directe du dossier et la délivrance des copies d'après les documents du dossier et les écrits justifiants compris dans le dossier. La personne respective, sujet du dossier d'où il résulte sa poursuite par les organes de la Securitate de l'État, a également le droit d'apprendre, sur demande, l'identité des agents de la Securitate et des collaborateurs ayant contribué avec leurs renseignements à l'élaboration du dossier respectif ». Conformément à l'art. 13 de la même loi, les pétitionnaires peuvent aussi demander au CNSAS de leur délivrer des attestations relativement à leur collaboration ou non collaboration avec la Securitate, d'après le cas.

605 En vue de la vérification des candidats aux élections, le CNSAS reçoit les listes des candidats du Bureau Central Électoral (BEC) ou local, dans un délai de 24 heures à partir de la date ou les candidatures ont été déposées. CNSAS informe la personne visée par la demande de vérification. La loi prévoit aussi que les vérifications cessent si la personne soumise à l'investigation renonce à la candidature ou à la nomination. Les résultats de la vérification sont publiés au Moniteur Officiel de la Roumanie et mises à la disposition des médias.

606 Conformément à l'art. 17 (2) de la loi n° 187/1999, dans la période octobre 2003 - juin 2004, 7 listes ont été publiées au Moniteur Officiel, comportant 68 noms d'officiers et sous-officiers de la Securitate qui ont déployé des activités de police politique.

607 L'arrêté du Parlement n° 17 de 16 mai 2000 pour l'adoption du Règlement d'organisation et de fonctionnement du Conseil National pour l'Étude des Archives de la Securitate en tant que Police Politique ; publié au M.O. 244 de 2 juin 2000.

608 La Loi n° 102/ 2005 relative à la création, à l'organisation et au fonctionnement de l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel ; publiée au M.O. 391 du 9 mai 2005.

609 L'Avocat du Peuple a soutenu la création d'une autorité distincte de surveillance et a avisé favorablement le projet de loi initié par le Gouvernement, considérant que « l'exercice des attributions prévues par la Loi n° 677/2001 par une institution du type Ombudsman ne correspond pas au rôle traditionnel de celui-ci, ni aux systèmes de protection des données à caractère personnel des États membres » (dans Le rapport d'activité de l'Avocat du Peuple pour l'année 2004).

610 La loi organique de l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel assure la transposition de la Directive 95/46/ CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et la libre circulation de ces données et tient compte de la Convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981 et ratifiée par la Roumanie par la Loi n° 682/2001).

611 Conformément à l'art. 27 de la Loi n° 677/2001, « l'autorité de surveillance, en exerçant ses attributions d'investigation, peut demander à l'opérateur tout renseignement concernant le traitement des donnés à caractère personnel et peut vérifier tout document ou enregistrement relatif au traitement des données à caractère personnel. Le secret d'État et le secret professionnel ne peuvent pas être invoqués pour empêcher l'exercice des attributions accordées par la loi à l'autorité de surveillance. Quand la protection du secret d'État et du secret professionnel est invoquée, l'autorité de surveillance a l'obligation de garder le secret ».

612 Par exemple : la Banque Nationale de la Roumanie, qui, étant une autorité de régulation bancaire, occupe une place particulière au sein des AAA ; il s'agit aussi des autorités autonomes récemment créées : l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel et la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées, mais aussi d'autres AAA comme : le Conseil National de l'Audiovisuel (CNA), la Commission Nationale des Valeurs Mobilières (CNVM), la Commission de Surveillance des Assurances (CSA) le Conseil de la Concurrence (CCR). Toutes ces autorités disposent d'un pouvoir réglementaire.

613 Sans que cela soit toujours le cas, la loi se réfère, par exemple, à l'indépendance de membres du Conseil de Concurrence dans la prise des décisions ; qualifie la BNR d'« institution publique indépendante », et l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel d'« autonome et indépendante au regard de toute autre autorité de l'administration publique, ainsi que de toute autre personne physique ou juridique du domaine privé ».

614 Une seule AAA est composée intégralement des membres désignés par l'exécutif. Il s'agit des sept membres du Conseil de la Concurrence, nommés par le Président de la Roumanie, sur proposition du Gouvernement. Sont aussi nommés par l'exécutif : les deux vice-présidents de l'AEP, 5 des 15 membres du CNFPA, les membres de l'ARACIS et de l'ANRE. Aussi, 5 des 11 membres du CNA sont proposés par l'exécutif. Le CSAT représente un cas singulier, étant composé intégralement des membres de droit, pour la plupart membres du Gouvernement et présidé par le Président de la Roumanie.

615 Pourtant, un mandat non renouvelable renforcerait l'indépendance des membres des AAA à l'égard de leurs autorités de nomination.

616 Les lois constitutives des AAA prévoient expressément que sont assimilés à la fonction de ministre les présidents du CNA, du Conseil de la concurrence, de l'AEP et de l'Autorité Nationale de Surveillance du Traitement des Données à Caractère Personnel, ainsi que les directeurs du SRI, SIE et SPP. Conformément à la loi, les membres du CNA sont assimilés à la fonction de secrétaire d'État, ainsi que les vice-présidents du Conseil de la concurrence (les conseillers de concurrence étant assimilés à la fonction de sous-secrétaire d'État).

617 Le conflit d'intérêts et le régime d'incompatibilités dans l'exercice des dignités publiques et des fonctions publiques sont réglementés par la Loi no 161/2003 concernant la garantie de la transparence dans l'exercice des dignités publiques, des fonctions publiques et dans le milieu d'affaires, la prévention et la sanction de la corruption. Conformément aux prévisions de cette loi, les personnes qui exercent des dignités publiques et des fonctions assimilés à celles de ministre, secrétaire d'état ou sous-secrétaire d'État dans le cadre des autorités et institutions soumises exclusivement au contrôle parlementaire doivent déposer une déclaration d'intérêts au Secrétaire général de la Chambre des Députés.

618 Pour plus de détails sur la procédure budgétaire, voir la Loi des finances publiques n° 500/2002.

619 Il s'agit notamment de la CNVM, de la CSA et de la Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées.

620 L'article 3, alinéa 1er, du Code de procédure civile et l'article 10 de la Loi du contentieux administratif no 554/ 2004.

621 Les sommes sont exprimées en ROL = « lei anciens » ; la dénomination de la monnaie nationale de cette année ayant introduit aussi le « leu nouveau » (RON) ou le « leu lourd » dont la valeur est de 10000 lei anciens. En 2003, 2004, le rapport entre l'euro et le « leu ancien » a varié entre 1/35000 et 1/ 40.000.

622 V. Not. C. Greve, M. Flinders, S. Van Thiel, « Quangos-What's in a name ? Defining Quango from a comparative perspective. Governance, International Journal of Policy and Administration, Vol. 12, April 1999, p. 129.

623 Cf. F. Ridley, « The new Public Management in Europe : Comparative Perspectives », Public Policy and Administration 11/1, 1996, p. 16.

624 K. Jenkins, K. Caines et A. Jackson, « Improvising Management in Government : The Next Steps », Report to the Prime Minister, london, HMSO, 1988.

625 Cf ; C. Greve, M. Flinders et S. Van Thiel, préc., p. 136.

626 V. Note M. Thatcher, « The third Force ? » Independent Regulatory Agencies and Eleected Politicians In Europe », Governance : An International Journal of Policy, Administration and Institutions, vol. 18, n°3, Juillet 2005, p. 347

627 Cf. M. Moran, « That cher and financial Regulation », Political quaterly, 59, 1988,p. 20.

628 Cf. B. W. Hogwood, « The Machinery of Government » (1974-1997), Political Studies, 1997, XLV, p.704.

629 V. Not. M. Thatcher, « Delegation to Independent Regulatory Agencies : Pressures, Fonctions and Contextual Mediation », West European Politics, Vol. 25, n° 1, January 2002, p. 125.

630 V. Not. G. Majone, « The Regulatory State an its legitimacy Problems », West European Politics, 22-1, 1999, pp. 1-24.

631 Cf. M. Thatcher, « The politics of Telecommunications », Oxford University Press, 1999.

632 Cf. M. Thatcher, « The Third Force ? Independent Regulatory Agencies and Elected Politicians in Europe », Governance, Vol. 18, n° 3, July 2005, p. 357. Cf. Annexe 2.

633 C'est nous qui soulignons.

634 Voir par exemple SJ 1996 363.

635 Voir le rapport de gestion 2004 de la Commission, p. 128. Ce document est disponible sur Internet à l'adresse suivante : http ://www.ebk.admin.ch/f/publik/bericht/pdf/jb04.pdf.

636 L'Institut suisse des produits thérapeutiques, Swissmedic, est l'autorité chargée de l'autorisation de mise sur le marché, du contrôle de la fabrication et de la qualité ainsi que de la surveillance du marché des produits thérapeutiques, en application de la Loi fédérale sur les médicaments et les produits médicaux du 15 décembre 2000 (LPTh, RS 812.21).

637 Seize organismes répondent actuellement à cette définition d'une agence communautaire, même si les vocables employés (Centre, Fondation, Agence, Office, Observatoire) pour les désigner sont multiples et peuvent être à l'origine d'une certaine confusion, d'autant plus que d'autres organismes utilisant ces mêmes intitulés ne sont pas des agences au sens de la définition que l'on va retenir.

638 C. Blumann, L. Dubouis, Droit institutionnel de l'Union européenne, 2ème édition, Litec, Lexis Nexis SA, 2005, p. 222.

639 Cette expression qualifie les nombreux comités techniques qui assistent la Commission dans l'exercice de ses compétences exécutives. Voir Décision du Conseil fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission. JOUE, 17 juillet 1999, L 184, p. 23.

640 L'Agence européenne des médicaments (EMEA) a été créée par le règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 (Journal Officiel L 214 du 24 août 1993).

641 COM (2002) 275 : « La réforme administrative contribue à l'objectif d'améliorer la gouvernance européenne. En particulier, les modifications prévues par le plan d'action de la Commission pour une meilleure réglementation adoptée en juin 2002 - qui, notamment, fixe les principes et les normes minimales sur la consultation du public et définit des lignes directrices sur l'obtention et l'utilisation des conseils d'experts - ont été détaillées et sont intégrées progressivement dans les méthodes de travail de la Commission »

642 COM (2003) 40 final.

643 Les articles I-47 et I-48 sont également consacrés à la société civile et aux partenaires sociaux. L'article III-398 consacre cette catégorie en évoquant l'existence d'« Institutions, d'organes et d'organismes ».

644 M. Genot, Les Autorités administratives indépendantes, coll. Clef politique, éd. Montchrestien, E.J.A., 1991, p. 19. Voir aussi L. Azoulay, La sécurité alimentaire dans la législation communautaire, in La sécurité alimentaire dasn l'Union européenne, Bruylant, CERIC, 2003, p. 29.

645 Commission, Gouvernance européenne - Un livre blanc- COM-2001/0428 final. Journal officiel n° 287 du 12/10/2001 p. 20.

646 Règlement (CEE) n° 1210/90 du Conseil du 7 mai 1990 (Journal Officiel L 120 du 11 mai 1990) tel que modifié par le règlement (CE) n° 933/1999 du Conseil du 29 avril 1999 (Journal Officiel L 117 du 5 mai 1999).

647 Règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 (Journal Officiel L 214 du 24 août 1993).

648 Règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 (Journal Officiel L 227 du 1er septembre 1994), modifié par le règlement (CE) n° 2506/95 du Conseil (Journal Officiel L 258 du 28 octobre 1995).

649 Le règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002 sur la mise en place de l'Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (Journal Officiel L 31 du 1 février 2002).

650 La Fondation a été instituée en 1975 par le règlement (CEE) n° 1365/75 du Conseil du 26 mai 1975 (Journal Officiel L 139 du 30 mai 1975).

651 J. Chevallier, cité par M. Genot, Les Autorités administratives indépendantes, coll. Clef politique, éd. Montchrestien, E.J.A., 1991, p. 16.

652 J. Chevallier, cité par M. Genot, Les Autorités administratives indépendantes, coll. Clef politique, éd. Montchrestien, E.J.A., 1991, p. 16.

653 M. Blanquet, in La création de l'Autorité européenne de sécurité des Aliments, enjeux et perspectives, Études de l'IREDE, Presses de l'Université de Toulouse, 2005, p. 181.

654 M. Blanquet, « Agences de l'Union et gouvernance européenne », in J-F Couzinet, Les Agences de l'Union européenne, Études de l'IREDE, Presses de l'Université de Toulouse, 2002, p. 63.

655 Voir par exemple à propos des OGM, C. Rogy, Les Relations entre l'EFSA et les instances des États membres accomplissant des tâches analogues, in La création de l'Autorité européenne de sécurité des Aliments, enjeux et perspectives, Études de l'IREDE, Presses de l'Université de Toulouse, 2005, p. 59.

656 Article 10 du règlement (CEE) n° 1210/90 du Conseil du 7 mai 1990 (Journal Officiel L 120 du 11 mai 1990) tel que modifié par le règlement (CE) n° 933/1999 du Conseil du 29 avril 1999 (Journal Officiel L 117 du 5 mai 1999).

657 Créée par le règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 (Journal Officiel L 214 du 24 août 1993).

658 Il a été créé par le règlement (CEE) n° 302/93 du Conseil du 8 février 1993 (Journal Officiel L 36 du 12 février 1993), modifié par le règlement (CE) n° 3294/94 du Conseil du 22 décembre 1994 (Journal Officiel L 341 du 30 décembre 1994).

659 Notamment, TPI, Pfizer Animal Health11 septembre 2002, aff. T-13/99 ou encore TPI18 décembre 2003, Nancy Fern Olivieri, Aff. T-326/99.

660 Il a été créé par le règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 (Journal Officiel L 227 du 1er septembre 1994), modifié par le règlement (CE) n° 2506/95 du Conseil (Journal Officiel L 258 du 28 octobre 1995) et par Règlement (CE) n° 807/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l'exercice de ses compétences d'exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (unanimité). (Journal officiel n° L 122 du 16/05/2003 p.36-62).

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